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i n t r o d u c t i o n « Alors que les hommes naissent et meurent depuis un million d’années, ils n’écrivent que depuis six mille ans » constatait René Etiemble. Ce constat constitue-il pour autant une vérité ?, Y’aura-il encore des traces du savoir d’aujourd’hui pour notre descendance ?, Y’en aura t-il trop ? Les archéologues du futur perceront-ils les clés du cryptage de notre civilisation informatisée ? … Autant de questions auquel souhaite répondre ce dossier. Voici donc en quelques mots l’objectif condensé de ce mémoire : « Entrevoir succinctement la possibilité d’une faille dans la transmission des connaissances à la

postérité… » Ce mémoire fait en parallèle de l’unité de valeur HE01 ; temps et théorie physiques est l’occasion pour moi de me pencher sur un problème que j’estime d’éthique. En partant du simple constat que les logiciels de mon ordinateur doivent sans cesse être mis à jour pour analyser les fichiers récents sortis d’Internet, je me suis demandé ce que pourrait bien être l’archéologie du futur au regard de mes fichiers qui deviennent obsolètes après moins d’une décennie. Le sujet est évidemment vaste, aussi nous évaluerons ce dont traiter ce dossier pour tenter d’apporter des éléments de réponses. Cette première partie sera l’occasion de présenter les étapes de l’argumentation et les éléments nécessaires à la compréhension.

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p r o p o s à t e n i r

Menace technologique

L'Écrit est-il menacé par l'image et par les formes technologiques nouvelles,

multimédia et Internet sous lesquelles il apparaît ? Afin de mettre en lumière ces

enjeux et de rappeler les priorités de l'écriture, le ministère de la culture et le

comité de la chaîne graphique présidé par Jean-Paul Franiatte ont invité de

nombreux acteurs de l’ « industrie » du livre et de la presse ainsi que des

responsables de l'audiovisuel et du multimédia à participer au premier

Forum de l'écrit, vendredi 31 mai et samedi le juin au théâtre de l'Odéon, à

Paris. Le Monde, 4 juin 1996.

Avant toute étude, il convient de bien définir le terme « savoir » du sujet. On appellera donc ici « savoir » ce que définit le dictionnaire comme étant d’après le nouveau Larousse Universel (1949):

«savoir : n.m. ; ensemble des connaissances acquises… »

• On entamera ce dossier en ôtant les quelques idées préconçues que l’on peut avoir sur l’écriture. Ce que nous tâcherons de faire dans une première partie : constater les aversions qui peuvent naître de l’écriture. A tout bien réfléchir, on peut supposer qu’une telle partie n’a pas de rapport avec le sujet initial de ce dossier, cependant balayer certaines idées (notamment racistes comme nous le verrons) n’est un mal pour personne, ce qui me permettra d’élargir ma problématique sans distinction à toute l’humanité.

• Une seconde partie tâchera ensuite de développer l’histoire passée de l’écriture. Car on

ne peut faire de projection dans le futur sans connaissances du passé. D’où vient la nécessité d’écrire ? On décrira donc les prémices de l’écriture.

• Une partie sur les différents supports physiques pour l’écriture nous permettra de

commencer à aborder plus concrètement la problématique ; argile, papyrus, écorce mais aussi et plus proche de nous l’informatique et l’hypertexte. Supports essentiels à la transmission du savoir.

• On abordera très succinctement deux des principaux moyens d’expansion de l’écriture à

savoir l’imprimerie et l’informatique.

• Nous verrons ensuite les difficultés de décryptage des vestiges passés pour les archéologues. Difficultés qui on le verra sont inhérentes à l’archéologie quel que soit la période; passée comme future. Ce sera l’occasion d’aborder des cas concrets de déchiffrement résolus tel que la pierre de Rosette ou encore en cours de déchiffrement, comme le disque de Phaïstos.

• Ces pré-requis assimilés, on pourra aborder la problématique à proprement parler. Je

commencerais mon argumentation par une projection « spatio-temporelle » imaginaire. Je suis persuadé qu’un bon exemple - à fortiori extrême – vaut tous les discours du monde.

• Enfin, la dernière partie sera consacrée à une argumentation plus ciblée, je m’axerais

entre autres sur le devenir de l’Internet avec l’hypertexte et notamment leur finalité vis à vis de l’écriture, en vue d’apporter des éléments de réponse à la problématique du mémoire.

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s o m m a i r e idées préconçues................................................................................................. 4 histoire de l’écriture ............................................................................................ 8

au commencement…........................................................................................... 9 méditerrannée, berçeau de l’écriture ................................................................. 13

supports de l’écriture ........................................................................................ 14 l’argile .............................................................................................................. 15 le papyrus......................................................................................................... 16 l’écorce............................................................................................................. 18 le parchemin ..................................................................................................... 19 le papier ........................................................................................................... 21 le papier … de chine ......................................................................................... 22 le papier … du levant ........................................................................................ 23 le papier …occidental........................................................................................ 24 l’hypertexte ....................................................................................................... 26

expansion de l’écriture ...................................................................................... 27 l’imprimerie ....................................................................................................... 28 l’informatique .................................................................................................... 29

déchiffrement ..................................................................................................... 31 méthodologie .................................................................................................... 32 aperçu : Champollion et les hiéroglyphes........................................................... 33 les écritures qui résistent .................................................................................. 35 aperçu : le disque de Phaïstos .......................................................................... 36

problématique .................................................................................................... 37 projection : futur, 2540 ap. J.-C. ........................................................................ 38 une nouvelle révolution ..................................................................................... 40 la part de l’informatique..................................................................................... 41

conclusion ......................................................................................................... 44 pérennité du savoir ? ........................................................................................ 45

bibliographie ...................................................................................................... 46 problématique ................................................................................................... 47 compléments .................................................................................................... 48

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idées préconçues

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Enregistrement

« Les paroles s'envolent, les écrits restent... »

Ce proverbe antique a été appliqué « à la lettre » pendant des siècles :

l'enregistrement et l'archivage des actes et événements ont toujours constitué la

plus grande partie du travail des scribes. Aujourd'hui encore, même si ces données sont ensuite saisies sur

ordinateur, l'employé de mairie écrit à la main sur un grand registre naissances.

mariages et décès des administrés.

L'écriture est, dans nos sociétés occidentales, une chose sur laquelle on ne s'étonne ni ne s'interroge : la langue est considérée comme ayant normalement deux formes, l'une orale et l'autre écrite. Simplement, le sens commun a développé à son propos un certain nombre d'idées toutes faites dont un proverbe latin souvent cité : verba volent, scripta marient, témoigne parfaitement. Si l'on en croit en effet ce dicton, « les paroles s'envolent », la communication orale est fugace, et l'écriture en tire sa fonction principale : conserver la parole, puisque « les écrits restent ». L'écriture dépend ainsi de la parole, elle a pour fonction de faire parler le locuteur absent, de prolonger son message après l’avoir prononcé. De cette idée découlent deux autres idées sur l'écriture:

• D'une part la parole aurait existé avant l'écriture (puisque l’écriture a une fonction de substitution et de compenser la fugacité).

• D'autre part l'écriture se doit d'avoir un caractère phonétique, puisqu'elle note la parole

(les sons).

Pour le sens commun, donc, l'écriture est liée à la langue, issue de son défaut principal (la fugacité) qui la caractérise, elle la complète. Ce qui permet d'ailleurs à une partie de l'humanité de juger l'autre : « si l'écriture est un complément de la langue, alors il y a des langues incomplètes, celles qui ne sont pas écrites… » Jean-Jacques Rousseau (parmi d'autres) illustre parfaitement certains partis pris idéologiques. Il avait en effet introduit une distinction brutale entre « trois manières d'écrire » :

1. « Peindre non pas les sons mais les idées » (hiéroglyphes égyptiens, glyphes aztèques) 2. « Représenter les mots par des caractères conventionnels » (écriture chinoise) 3. Analyser la parole en alphabet.

« Ces trois manières d'écrire reflètent assez bien les trois divers états sous lesquels on peut considérer les hommes rassemblés en nation » :

• La peinture des objets convient aux peuples sauvages. • Les signes des mots et des propositions aux peuples barbares. • L'alphabet aux peuples policés.

Les Aztèques, donc, à en croire Rousseau, étaient des sauvages, les Chinois des barbares et seuls les peuples utilisant l'alphabet peuvent être dits policés (civilisés)...

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Rousseau n'est pas le seul et plus près de nous certains scientifiques formulent des propositions qui sont proches de cette vision raciste. « L'écriture est un procédé dont on se sert actuellement pour immobiliser, pour fixer le langage, fugitif par son essence même », écrit James Février qui ajoute un peu plus bas: « Le primitif, lui, ne part pas du concept pour aboutir au mot parlé, puis au mot écrit; il n'a pas le souci désintéressé de couler sa pensée dans le nom et de noter le nom par l'écriture. Il agit, et cela lui suffit : vivere primum » La pensée , le nom , l'écriture : succession « logique » et caractéristique de la civilisation (tandis que le primitif pour sa part n'écrit pas). On n'en finit pas d'allonger ce bêtisier des idées toutes faites qui puisent le plus souvent à la source du racisme pour conforter la supériorité de l'Occident. Ferdinand de Saussure, fondateur de la linguistique moderne dira de l’écriture: « Langue et écriture sont deux systèmes de signes distincts; l'unique raison d'être du second est de représenter le premier. » Avec des variantes diverses, les linguistes ont tous un point de vue semblable sur l'écriture. Ce qui caractérise ce regard est la caractéristique même de la linguistique moderne, née de la phonologie : La linguistique porte sur l'écriture un regard phonologique. Aussi, la « meilleure » écriture pour le linguiste est l'écriture alphabétique qui présente la même linéarité que celle de la langue. Mais ceci ne prouve en rien que l'écriture soit née de la volonté de noter la langue. Après la typologie en trois points de Rousseau (conversion de la différence en infériorité), citons celle la classification binaire de Saussure pour qui il n'y a que deux systèmes d'écriture :

1. Le système idéographique dans lequel le mot est représenté par un signe unique et étranger aux sons dont il se compose.

2. Le système dit communément « phonétique », qui vise à reproduire la suite des sons se succédant dans le mot.

On peut citer la typologie de Gelb, qui se caractérise elle par sa direction historique, distingue entre quatre types d'écritures :

1. Les systèmes logo-graphiques, dans lesquels les signes notent des mots. 2. Les systèmes logo-syllabiques qui emploient des signes logo-graphiques et des signes

syllabiques. 3. Les écritures syllabiques dans lesquelles les signes notent les syllabes de la langue. 4. Les écritures alphabétiques dans lesquelles les signes notent les phonèmes de la langue.

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Tout ce qui précède nous montre qu'il y a bien des idées toutes faites sur l'écriture : Celle du sens commun tout d'abord, incapable de séparer l'écriture de la langue et pour cela incapable de penser le problème de l'origine de l'écriture autrement qu'en termes de succession et de subordination. Celle du discours linguistique qui, au contraire de la tendance précédente, sépare bien l'écriture de la langue pour mieux marquer les limites de son objet d'étude, mais jette sur l'écriture un regard phonologique qui le pousse à des classifications superficielles. Le résultat de cette vision fait que, si l'on s'est souvent interrogé sur l'origine du langage, on ne se pose pas ces questions pour l'écriture. Le sens commun, en partie conforté par la science, est ici un frein aux progrès de la science. De cette vision selon laquelle l'écriture aurait été inventée pour transcrire la langue témoignent bien des fables sur l'origine :

• Les Sumériens attribuaient l'invention de l'écriture au roi d'Uruk Enmerkar, qui aurait eu besoin de correspondre avec le seigneur d'une ville iranienne.

• Pour les Aztèques c'est le dieu du vent Quetzalcoatl, le « serpent à plumes », qui est à la

fois l'inventeur de l'art et de l'écriture.

• Pour les Mayas c'est le dieu du temps Itzamna qui aurait donné aux hommes cette invention.

• Les Egyptiens pour leur part pensaient devoir l'écriture à Toth, dieu des arts et protecteur

des scribes.

• Pour les Chinois, selon le célèbre Shuo wen jie zi de Xu Shen, un ouvrage publié au Ier siècle de notre ère, c'est Cang Ji, un envoyé du Huang Di (le « dieu jaune »), qui au XXVIème siècle avant notre ère, voyant les traces laissées par des oiseaux et des animaux, eut l'idée de les utiliser pour distinguer différentes choses et inventa ainsi l'écriture chinoise.

Dans tous les cas, on trouve donc la lente émergence de l'écriture, qui n’est pas fruit de la main de l'homme mais don des dieux: L'écriture est un cadeau des dieux, elle n'a pas d'histoire.

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histoire de l’écriture

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Stylo d’époque

Les anciens peuples du Moyen-Orient écrivaient avec des calâmes en roseau sur des tablettes d'argile humide. C'est

la façon de tailler la pointe du roseau qui déterminait la forme des marques

laissées dans l'argile. Exposée au soleil, la tablette durcissait et préservait les

signes écrits.

au commencement… Dans la seconde moitié du IVème millénaire avant notre ère, en Mésopotamie du Sud et en Iran du Sud-Ouest, sur les sites principaux d'Uruk et de Suse, des Sumériens et des Élamites eurent l'idée d'enregistrer matériellement certaines de leurs transactions. Depuis des siècles, les hommes du Proche et Moyen-Orient comptaient en s'aidant de jetons et de calculi en argile. Certains de ces jetons et calculi montrent des formes géométriques : billes, disques, cônes, cylindres, triangles, tétraèdres, d'autres, des formes plus ou moins réalistes : têtes d'animaux, vases. Ces objets permettaient d'enregistrer la quantité et aussi la qualité de denrées ; certains jetons triangulaires portent des traits incisés, symbolisant sans doute des fractions, et d'autres, en forme de tête de bovin, montrent six points, symbolisant une « sixaine », dixième de l'unité dans la numération mésopotamienne à base 60. Jetons et calculi ont pu servir d'indicateurs de stock ou être transmis lors d'une transaction. Mais cette technique ne constitue pas de l'écriture. Pour inventer l'écriture, il fallait faire entrer le langage; la parole, l'air dans ces témoins plats et pleins. Susiens et Mésopotamiens effectuèrent ce tour de force : ils fabriquèrent des calebasses artificielles, qu'on appelle des bulles-enveloppes, à partir d'une boule d'argile tournée autour du pouce, et ils y enfermèrent des calculi (bâtonnets, billes, disques, cônes). Sur la surface d'argile fraîche, Mésopotamiens et Iraniens déroulèrent un sceau cylindre gravé, dont l'empreinte donnait à voir des animaux, des scènes religieuses, d'atelier ou d'engrangement des récoltes ; le sceau, objet personnel identifiant son propriétaire, montrait la signature d'une autorité responsable, tandis que les calculi enregistraient la quantité et la qualité des denrées de la transaction. En tout, près de deux cents bulles à calculi ont été trouvées, à Suse, à Uruk et sur d'autres sites de Syrie et d'Iran en contact avec ces cités. Leur usage demeure sujet à discussion. Une bulle circulait-elle en même temps que les denrées, s'il s'agissait de transaction à moyenne ou longue distance ? Il semble évident que la bulle, cassée, permettait de vérifier que la quantité et la qualité des denrées étaient bien conformes à l'engagement entre les parties et les mêmes à l'arrivée qu'au départ. La bulle à calculi scellée prenait la place de certaines des paroles qui avaient été prononcées par les contractants, les matérialisant. Très vite, on en vint à imprimer sur la surface de la bulle-enveloppe, en plus du sceau, des formes qui reproduisaient à peu près celles des calculi; le bâtonnet fut représenté par une encoche longue et fine, en creux, obtenue par la pression longitudinale d'un roseau sur l'argile fraîche; les petites sphères furent figurées par une fosse obtenue en enfonçant la pointe du roseau dans l'argile, les disques par une cupule que laisse la trace du doigt, à l'occasion, un calculus a pu être appuyé sur l'argile pour y laisser son image.

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Petites tables

Sur ces minuscules tablette figurent des exemples parmi les plus anciens de

l'écriture mésopotamienne : elles ont environ 4 000 ans. On pense qu'il s'agissait d'un enregistrement de compte, car on y distingue un animal

surmonté d'un nombre.

Signature

Dans l'ancienne Mésopotamie, les hommes marquaient leurs biens à l'aide

d'un sceau cylindrique qu'ils appliquaient sur de l'argile humide. Le dessin

personnel du sceau était l'équivalent d'une signature. C'était aussi pour les

commerçants un moyen simple et rapide d'authentifier leurs contrats.

Les correspondances de formes ne sont pas régulières, car un même signe sur la surface peut correspondre à deux calculi différents, là à une petite sphère, ailleurs à un petit cône, en revanche, les correspondances de nombre (n calculi en forme de bâtonnet = n encoches longues) le sont, pour autant que la documentation permette de l'affirmer. L'existence de ces premiers signes imprimés entraîna très vite, entre -3200 et -3100 avant notre ère, la disparition des calculi, l'aplatissement des bulles-enveloppes, et l'on passa à la fabrication de petites tablettes assez grossières, dont le nombre, à Uruk, atteint cinq milliers. Ces dernières sont de deux types. Les unes, portant l'empreinte d'un sceau et des signes, sont appelées tablettes numérales; si leur signification nous échappe en partie, on comprend qu'en général elles ne retiennent qu'une seule opération et que leurs signes numériques ne notent pas un nombre abstrait, plutôt un mixte de quantité et de qualité, un nombre-pour-une-chose. Dans la mesure où l'on a trouvé sur un site iranien des tablettes numérales associées à des tablettes vierges, on peut inférer que des denrées étaient expédiées à Suse avec le document correspondant; bulles à calculi et tablettes numérales auraient donc circulé et constitué des attestations d'acquittement de dettes, envoyés par le débiteur et stockés par le créancier. Les autres tablettes, qui attestent des signes pictographiques, conservent souvent plusieurs opérations, avec des totaux, montrant la comptabilité à l'œuvre. Les pictogrammes se présentent soit comme un dessin schématique de chose - un épi de céréales -, soit comme une image synthétique - une croix dans un carré arrondi pour le mouton dans son enclos -, soit comme des images évocatrices, ainsi les signes pour « seigneur» ou pour la déesse « Inanna ». Ces pictogrammes furent rapidement très nombreux. Ces signes pictographiques représentaient, chacun, un mot de la langue et rendaient visible de façon globale le son des mots, sans le diviser en ses éléments : ce sont des signes phoniques plutôt que phonétiques, certes, les scribes conçurent l'homophonie syllabique, qui leur permit de rendre des noms propres, par exemple, mais aucun morphème grammatical ne fut écrit avant -2900 et leur notation resta longtemps sporadique. L'écriture en son premier développement enregistra seulement des mots désignant des choses, des êtres, des états (comme « grand ») et des actions (comme « compte ») et, de ce fait, ne peut pas être dite phonétique, puisque aucune langue ne se limite à un catalogue de certains mots. Les premiers pictogrammes sumériens sont des signes expérimentaux, qui tiennent à la fois de l'icône, du rébus, de l'indexation lexicale, et dont la fonction revenait à rendre des segments de parole dans une comptabilité administrative où étaient essentiels les noms propres des agents, des denrées et les nombres, dates et quantités, nécessaires aux calculs (sur les 5 000 tablettes archaïques, 85 % représentent des comptes).

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Pierres géométriques

Le terme calculi désignait des pierres, portant des inscriptions géométriques, qui servaient à

compter. calculus, « caillou » en latin, qui donne « calcul ». Ceux-ci, trouvés à Suse,

datent de l'époque néolithique. Dans un tout autre domaine, la médecine, le même terme, « calcul », désigne les concrétions calcaires, les petits « cailloux », qui encombrent parfois

les reins et les voies urinaires.

Cette écriture engendra immédiatement ses propres outils, les listes lexicales, mais l'on n'écrivit point de texte littéraire avant des siècles. Il faut noter, par ailleurs, que si les jetons, les bulles et les calculi d'Iran et de Mésopotamie se ressemblaient, les pictogrammes susiens, non déchiffrés, écrivant sans doute la langue élamite, constituèrent un répertoire tout à fait distinct des sumériens : images et langues différèrent d'une culture à l'autre. Des bulles et des tablettes numérales exhumées dans divers lieux d'Iraq, de Syrie et d'Iran attestent le développement des échanges à longue distance. Suse, où se déployait alors la métallurgie de l'or, de l'argent et du cuivre, devait sa prospérité aux échanges internationaux entre le plateau, le Golfe et Sumer, et si les Mésopotamiens disposaient d'une agriculture céréalière aux très forts rendements, le bois, la pierre et les métaux leur manquaient, qu'ils faisaient en partie venir d'Iran. Ces échanges à longue distance supposaient des contacts entre populations parlant des langues différentes. Les tablettes archaïques d'Uruk ne laissent pas envisager des échanges à longue distance, mais semblent concerner la gestion des richesses humaines, animales et matérielles du pouvoir central, sur ses terres ou dans son environnement proche. De plus, elles ont toutes été trouvées dans des déblais et des remblais, hors de toute stratigraphie (ce qui explique les variations dans les dates pour le début de l'écriture à Uruk). En effet, après le surgissement de l'écriture, une immense transformation de la cité d'Uruk eut lieu : l'on détruisit les bâtiments anciens et l'on reconstruisit une cité neuve, sur un autre urbanisme, typifiant de nouveaux rapports sociaux. Un retournement se serait donc produit. L'écriture, qui avait dû sa naissance à des échanges économiques et politiques à moyenne et longue distance, en était venue à noter la parole dans la cité et, se retournant à l'intérieur du social, le transforma de part en part. Les Sumériens n'oublièrent point que leur écriture venait des bulles à calcula qu'elle s'était déployée entre Uruk et les autres cultures, associée à une volonté d'expansion politique et économique. Ils en firent un poème épique, Enmerkar et le seigneur d'Aratta, Enmerkar, roi d'Uruk, veut embellir le temple d'Inanna et, désireux des pierres et des métaux précieux disponibles dans Aratta l'iranienne, envoie un messager pour que le seigneur de cette ville accepte sa suzeraineté et lui fasse parvenir les trésors convoités.

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Tablette carrée aux angles arrondis

datée de 2360 av. J.-C. a la forme caractéristique de l'époque de la

renaissance sumérienne de l'empire d'Ur III. C'est un document économique qui

représente un apport d'ânes à divers personnages dont un cultivateur, un

forgeron, un corroyeur. Le signe de l'âne avec des oreilles en arrière, sa longue

tête et son cou est très reconnaissable. Le signe du dieu apparaît nettement

dans la case du bas de la colonne de droite.

Au travers du messager - fonctionnaire, diplomate, agent de renseignements et fondé de pouvoir commercial -, les deux rois se livrent des duels d'intelligence, qui nécessitent plusieurs allers-retours. Enfin, Enmerkar donne à son émissaire son dernier message oral, avec une énigme, des menaces et une prédiction : « Son discours [fut très long], ses contenus trop nombreux. Le messager, la bouche lourde, ne put pas les répéter, comme celui-ci ne pouvait pas les répéter, Enmerkar pétrit de l'argile et mit les mots comme sur une tablette. Jusqu'alors, on ne mettait pas les mots sur de l'argile. » La bouche du messager figure dans le récit les vieilles bulles-enveloppes, qui ne gardaient mémoire que d'une transaction. Les Sumériens expliquèrent donc leur invention à partir des bulles par la nécessité non seulement de conserver plusieurs messages, mais aussi, et surtout, de conserver la parole, puisque, à leurs yeux, l'écriture « parlait », tandis que la bulle à calcula dépourvue de pictogrammes pour les mots, ne pouvait pas « parler ». À partir des bulles à calculi la Mésopotamie sumérienne, puis l'Iran élamite écrivirent donc les nombres et des éléments de parole vers -3100.

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3500 à 3000 av. J.-C. A Sumer, des pictogrammes

apparaissent pour noter les chiffres. En Chine, l'écriture passe des

pictogrammes aux idéogrammes et phonogrammes.

3000 av. J.-C.

L'Inde connaît un développement parallèle. Sa proto-écriture sur tablettes de cuivre fait ses premières apparitions.

3000 à 2500 av. J.-C.

Sur les rives du Nil s'élabore l' « écriture des dieux » ; les hiéroglyphes.

1000 à 700 av. J.-C.

L'alphabet phénicien donne le jour au grec et à son alphabet moderne à

voyelles. Les Araméens, se dispersant vers l'est, sont les précurseurs des

écritures hébreu et arabe.

600 av. J.-C. Rome est devenu le centre d'attraction tant des Etrusques que des Grecs. Le

latin apparaît pour la première fois sur la « pierre noire » du Forum.

Moyen Age

Les écritures carolines, gothiques et humanistiques notent le latin en Europe

occidentale, alors que l'alphabet cyrillique, issu du grec, voit le jour plus à

l'est.

méditerrannée, berçeau de l’écriture

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supports de l’écriture

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Marchandises en stock

Sur cette tablette, le pictogramme représentant la bière est un pot vertical

avec une base rétrécie. li était très difficile de dessiner des lignes courbes

sur l'argile humide avec le calame. ce qui explique que les caractères aient pris

la forme de coins ou de triangles et de courtes lignes droites.

l ’argile On ne saurait évoquer la longue aventure des supports de l'écriture sans rappeler que la première écriture attestée naquit entre le Tigre et l'Euphrate, en Mésopotamie, vers 3300 avant J.-C. et qu'elle dut sa forme à la rencontre de l'argile et des roseaux abondant dans les régions marécageuses des deltas des deux fleuves. Dès le VIème millénaire avant J.-C., les habitants du pays de Sumer avaient découvert la possibilité de durcir l'argile, soit en la faisant sécher au soleil, soit en la cuisant. Ils furent de très habiles potiers avant de constater que l'argile pouvait garder trace de leurs biens - céréales, têtes de bétail, etc. - sous forme de « pictogrammes », qui s'inscrivaient dans l'argile molle grâce aux tiges de roseau taillés ou « calames » (du latin calamus, roseau) dont on se servait pour écrire. Et les Sumériens perfectionnèrent cet outil primitif : à bout rond pour former les chiffres, à bout triangulaire pour imprimer les « coins » de l'écriture « cunéiforme ». Les très nombreuses tablettes d'argile mises au jour par les archéologues ont permis aux chercheurs de reconstituer avec minutie une histoire complexe, de décrypter des langues (entre autres le sumérien, puis une langue sémitique, l'akkadien) et de découvrir la culture de ces peuples à travers des textes économiques, des écrits juridiques et politiques et d'admirables poèmes. À côté des tablettes d'argile, la pierre constituait également un support de l'écriture mais, rare en Mésopotamie, et donc précieuse, elle y était réservée aux écrits officiels et sacrés : ainsi Hammurabi, roi de Babylone, fit-il inscrire son recueil de lois sur des stèles monumentales vers 1760 avant J.-C.

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De longs rouleaux

Les scribes collaient ensemble les feuilles de papyrus pour constituer des

rouleaux. Cet ancien papyrus grec mesure environ 4 m de long. Le texte est écrit en colonnes étroites afin de faciliter

la lecture. Le papyrus était un excellent matériau pour les rouleaux, mais il était

impossible de le relier en livre, car il avait tendance à se briser quand on

avait manipulé les pages plusieurs fois.

le papyrus On associe le plus souvent le mot « papyrus » à l'Egypte ancienne parce que c'est là qu'est apparu ce support souple et mobile de l'écriture, qui, utilisé pour des usages bien particuliers, n'a jamais été en concurrence avec les supports de pierre, temples et tombes, pyramides et monuments urbains divers, sur lesquels les Egyptiens gravèrent des hiéroglyphes. L'originalité du papyrus est sans doute d'avoir été pour l'écrit le premier support présentant une surface flexible, légère et solide. Certes, les tablettes sumériennes étaient relativement transportables et robustes, puisqu'on a même retrouvé des contrats avec leurs « enveloppes » d'argile - celles-ci n'étaient brisées qu'en cas de contestation -, mais le papyrus a sur elles l'avantage de la souplesse et du faible poids. Le mot « papyrus » est un mot latin formé sur le grec papyros, lui-même issu d'un mot copte, pa-p-ouros, héritier de la langue de l'Egypte pharaonique. Pa-p-ouros, qui est de même origine que le mot « pharaon », signifie « celui du roi, le royal », car le papyrus constituait à l'époque ptolémaïque un monopole royal. Et il n'est pas inutile de rappeler ici cette connotation puisque notre mot « papier » a la même étymologie. Supports et outils des premières écritures proviennent souvent de matériaux abondant sur les lieux où ces écritures se développent : en Mésopotamie, ce furent l'argile et les roseaux; dans les marécages du delta du Nil, c'était le Cyperus papyrus, une cypéracée qu'on ne rencontre plus à l'état sauvage qu'en Sicile, où elle fut acclimatée à l'époque gréco-romaine. La préparation de la surface à écrire, longue et minutieuse, requérait une certaine ardeur : « L'expression égyptienne "battre comme papyrus" suggère avec quelle énergie on frappait et pressait cet ensemble [de lamelles] pour obtenir une feuille ». Le scribe remplissait d'abord le début de la face interne du rouleau, qu'il déroulait à partir de la droite; c'est pourquoi on appelait « recto » cette face, où les fibres étaient disposées horizontalement. En hauteur, le format de la feuille correspondait à la taille de la cuisse du scribe, qui écrivait en position assise, en tailleur ou en appui sur un genou relevé. Il rangeait son matériel dans une « palette à écrire » qu'il transportait avec lui. Les calâmes étaient faits de roseaux dont l'extrémité était écrasée ou mâchonnée afin de prélever plus facilement les encres noire et rouge, cette dernière étant réservée aux dates et aux têtes de chapitres, d'où l'origine de notre mot « rubrique » (du latin ruber, rouge). Au-delà de leur savoir-faire d'artisans, les scribes égyptiens nous apparaissent comme de grands artistes: les hiéroglyphes en eux-mêmes sont des dessins très épurés et souvent, de plus, les textes sont accompagnés de peintures dont la fraîcheur merveilleuse a perduré.

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Papyrus des mines d'or

Datant de la XXème dynastie (vers 1100 av. J.-C.), les crêtes du Gebel sont

alignées en quatre chaînes. En haut, les « montagnes de l'or » de granit, avec les mines aurifères. Au pied de celles-ci, les

petites maisons des ouvriers ; à droite, en blanc, le temple du dieu Amon. En

bas, la route principale, jalonnée de rochers et de pierres.

C'est le passage au papyrus qui conduisit les scribes égyptiens à adopter une graphie cursive, plus rapide, l'écriture « hiératique », une écriture dite « populaire » ou « démotique » apparaissant vers 625 avant J.-C. Les hiéroglyphes se maintinrent cependant inchangés jusqu'aux premiers siècles de notre ère dans l'écriture monumentale. Le papyrus s'exporta dans tout le monde méditerranéen antique, en Grèce et à Rome : c'est sur des papyrus que les poèmes homériques trouvèrent leur première forme écrite. À l'époque de l'Egypte copte, dans les premiers siècles de notre ère, apparurent des feuilles de papyrus pliées en cahiers, témoignages d'une révolution capitale dans l'histoire des formes prises par les supports de l'écrit : c'est le passage du rouleau, volumen, au « codex ».

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Rouleau d’écorce

Ce fin rouleau du XVIIIème siècle est écrit en devanâgari (langue indienne).

l ’écorce L'écorce des arbres a depuis longtemps constitué un support d'écriture, soit que l'on grave directement sur l'arbre, comme le font les amoureux traçant des cœurs percés d'une flèche, soit que l'on utilise des fragments d'écorce, bruts ou préparés. L'écorce de bouleau, par exemple, a été très souvent utilisée dans les régions où cet arbre abonde : certaines parties de l'Inde, les pays slaves... En Russie, cette écorce, symboliquement associée au renouveau et aux jeunes filles, constitue de ce fait un support adapté aux lettres d'amour. Certains peuples de Mésoamérique, tels les Aztèques et les Mayas, ont employé, outre des peaux de cerfs, des fibres végétales : celles du coton et de l'agave ainsi que le liber de certains Ficus. La plupart des « livres » et des toiles écrites indigènes qui nous sont parvenus datent d'après la Conquête, les anciens documents ayant quasiment disparu alors. Les Bataks, une peuplade du Nord de Sumatra, utilisaient encore au XIXème siècle des fibres d'agalloche, une euphorbiacée originaire des Indes orientales qui fournissait aussi un bois précieux; ils en tiraient une longue bande de papier qui, une fois pliée en accordéon, formait un livre. Jusqu'au XXème siècle, dans le Sud de l'Inde, au Sri Lanka et dans tout le Sud-Est asiatique, on écrivit sur des feuilles de palmier, le talipot ou le latanier suivant les régions. Ces feuilles ou « oies » (du tamoul ôlei, feuille) étaient spécialement préparées pour recevoir l'écriture, incisée au stylet métallique au recto et au verso, elles témoignent, une fois encore, de l'ingéniosité des hommes dans l'utilisation des matériaux qui étaient à leur disposition. Réunies entre des tablettes de bois grâce à des cordelettes passées par des trous, ces « oies » étaient la forme traditionnelle des livres indiens et plus particulièrement des textes sacrés bouddhiques.

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Rouleau hébreu

Le parchemin pouvant être plié ou roulé constituait le matériau idéal aussi bien

pour les rouleaux comme cette torah que pour des livres reliés, semblables à ceux

que nous connaissons aujourd'hui. Il constitua pendant près de 1 000 ans le

support unique de l'écriture en Occident, jusqu'à ce qu'il soit remplacé par le

papier. De nos jours encore. le parchemin est parfois utilisé pour des

documents importants comme des certificats ou des traités.

le parchemin Le mot « parchemin », pour bien des gens comme pour Brassens, a une connotation particulière : on pense à la fois au texte qui remplit la page et au caractère quelque peu officiel de documents qui engagent - contrats, décrets, etc. C'est que, dans la rédaction des chartes et actes juridiques, le parchemin a survécu à l'arrivée du papier, et, en effet, le mot garde sa valeur emblématique lorsqu'il nomme un support qui rend l'écrit indestructible. Pline l'Ancien explique que la découverte du parchemin serait due à la volonté d'un souverain d'Asie mineure; ce roi de Pergame, mort en 159 avant J.-C., s'appelait Eumène II, pour remédier à la pénurie de papyrus, dont les Ptolémées avaient alors interdit l'exportation d'Egypte vers Pergame, Eumène II aurait encouragé la fabrication de ce nouveau support. C'est en tout cas de Pergame qu'est issu, par le bas latin « pargamena », du grec « pergaméné », notre mot « parchemin », « parcamin » en français du haut Moyen Age, Le parchemin résulte du traitement que l'on fait subir à des peaux de chèvres, de moutons, d'antilopes, de chevaux parfois, pour les préparer à recevoir une écriture qui fut d'abord tracée au calame, puis à la plume d'oie. Un cas particulier est constitué par le « vélin », un parchemin d'une grande finesse provenant de la peau d'un veau mort-né. Notons au passage que le « vélin » a donné son nom à un papier très blanc provenant d'une pâte très fine. Ainsi on appelle « papier vélin » un papier parfaitement lisse. Peu à peu, le parchemin fait concurrence au papyrus, dont la fabrication se poursuit pourtant jusqu'au milieu du Xème siècle en Egypte, et jusqu'au siècle suivant en Sicile. Il apparaît en Europe occidentale au début de notre ère, comme l'atteste le poète latin Martial vers 80 après J.-C., et l'usage s'en généralise vers le VIIIème siècle en même temps que le codex triomphe du rouleau. Du XIème au XIVème siècle, le papier, venu de Chine par les pays arabes et l'Espagne, restera une « curiosité » dont on se méfie. Il remplacera progressivement le parchemin, qui sera réservé, à partir du XVème siècle, à quelques livres de luxe et, surtout, à des actes et contrats solennels, et ce parfois jusqu'au XIXème siècle : c'est le cas des diplômes maçonniques. Matière onéreuse, le parchemin est réutilisé : lorsqu'on efface un texte ancien pour en écrire un nouveau, le parchemin ainsi réemployé s'appelle un « palimpseste » (du grec palin, de nouveau, et psân, gratter) : l'étymologie définit donc exactement le palimpseste comme un texte écrit après que l'on a « gratté » l'ancien texte. Le mot et la chose ont fait rêver de nombreux écrivains, citons Victor Hugo et Baudelaire qui y voyaient une métaphore de l'oubli.

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Découverte En 1947, sept manuscrits étaient d'abord découverts dans une grotte surplombant

la mer Morte, qui devaient entraîner la mise au jour de quelque sept cents manuscrits et fragments dans onze

grottes supplémentaires. La Bibliothèque nationale a acquis en 1953 trois cent

soixante-dix-sept fragments regroupés sous huit plaques de verre.

Histoire de codex

Parmi les plus vieux livres conservés au monde, on retrouve un codex Sineaticus (bible en grec) datant du IIIème siècle et

découverte en 1859 au monastère Sainte-Catherine du Sinaï, achetée 9000

roubles par la tsarine en 1869, vendue 100 000 £ en 1933 par l’URSS au British

Museum.

Quant aux outils de l'écriture sur parchemin, ce sont successivement, et parfois conjointement, le calame et la plume d'oie. Le calame a certainement été utilisé pour l'écriture sur les plus anciens parchemins connus - ce sont des rouleaux grecs ou latins - comme en témoignent de nombreuses représentations sculptées ou peintes, par exemple les fresques de Pompéi. Quant à la plume d'oie, elle fut en usage jusqu'au XIXème siècle, malgré la concurrence des plumes métalliques, connues depuis très longtemps et considérées comme des objets de curiosité ou de luxe. Le parchemin constitua ainsi le support d'écriture des textes grecs, byzantins, arabes, hébreux et latins. Il fut le matériau de base dans les « scriptoria » des abbayes, où se croisaient copistes et enlumineurs. Le Moyen Âge l'a utilisé pour presque tous les livres, du moins en Europe occidentale et en pays musulman, même si, dans l'inconscient collectif des amateurs de livres, le parchemin est surtout la matière de livres rares et riches. En outre, on oublie parfois que les textes étaient des copies, que les œuvres originales profanes étaient dictées et que le geste de l'écrivain créateur reste invisible, caché derrière des graphismes souvent admirables. Les parchemins se présentent sous deux formes principales : le rouleau et le codex. Les feuilles de parchemin, en effet, pouvaient être cousues bout à bout pour former des rouleaux pouvant atteindre, comme les anciens rouleaux de papyrus, quelques dizaines de mètres de longueur. Il convient d'ailleurs de faire la distinction entre le volumen, rouleau antique à déroulement horizontal qui disparaît au IVème ou Vème siècle, et le rotulus, rouleau médiéval à déroulement vertical dont l'utilisation se prolonge de façon marginale en Europe, pour des généalogies ou des chroniques, même après l'avènement de l'imprimerie ; les rouleaux hébraïques réservés à des textes religieux appartiennent au genre volumen. D'autre part, les feuilles de parchemin pouvaient également être repliées et assemblées en cahiers pour former des codex. La persistance de ces deux formes témoigne de la lenteur du passage de l'une à l'autre, passage qui, progressivement, détermina pourtant une véritable révolution dans les modes d'écriture et de lecture.

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Vie de saint Martin

Avec l'écriture Caroline, les majuscules sont très nettes et régulières, les

minuscules plus carrées et plus fines que les onciales. Ce manuscrit latin de

Sulpice Sévère est une Vie de saint Martin datant de la fin du IXème siècle. La

sobriété de la lettrine ornée est très représentative des manuscrits de cette

époque.

le papier Les aventures du papier, sont extraordinairement complexes et variées. On pourrait être tenté d'évoquer les cheminements des techniques du papier un peu comme on évoque les « routes de la soie », avec les lentes caravanes parties de Chine, où le papier existait au moins depuis le IIème siècle avant J.-C. ; pourtant, il n'est pas question ici de négoce, d'exportation de denrées, mais, de façon plus immatérielle, de savoir-faire et de techniques qui, depuis l'Asie, se répandent dans le monde arabe pour faire connaître le papier progressivement sur tout le pourtour de la Méditerranée, atteignant l'Espagne, puis l'Italie au cours du XIIème siècle. Pour l'Europe occidentale, plus tardivement touchée par l'arrivée du papier, il est vraisemblable que l'imprimerie, née au milieu du XVème siècle, n'y aurait pas connu un si rapide et prodigieux essor sans ce support moins onéreux et plus souple que le parchemin. Longtemps encore le papier fut considéré comme un support fragile ou de basse qualité, que l'on utilisait parfois en le protégeant par des feuillets de parchemin. Mais pour le papier comme pour nombre d'inventions (la xylographie, l'impression par caractères mobiles, la poudre, la boussole, etc.), tout commence dans l'Empire du Milieu, la Chine lointaine.

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Manuel de secours

ce petit livre à environ 1000 ans et il contient en chinois une partie du sutra

du Lotus, texte bouddhique censé permettre d’appeler les esprits à son

secours en cas de danger.

Extrait de calligraphie chinoise

Celle-ci se présentaient sous forme de rouleaux que les pèlerins portaient sur le

dos en sillonnant le pays

Qualités Fin, souple, facile à plier, absorbant, ce

papier se prêtait bien au pinceau régulier et ferme du calligraphe. Le nombre de

manuscrits se multiplia grâce à ce support : la bibliothèque fondée par

l'empereur Taizong (627-649) comptait 200 000 volumes, chiffre considérable si

on le compare aux quelques centaines d'ouvrages qui composaient à la même

époque la Bibliothèque pontificale.

le papier … de chine La calligraphie chinoise doit au papier sa rapidité d'exécution et son « glissement » vers des caractères « abstraits », dont la réalité bien concrète est cependant l'origine. C'est en 105 après J.-C. que l'eunuque Cai Lun aurait présenté le papier à l'empereur Han Hedi. Selon certains chercheurs, l'usage du papier serait antérieur de deux siècles au moins, et le rôle de Cai Lun aurait consisté à en améliorer les techniques de fabrication et à le faire officiellement accepter comme substitut à la soie, trop chère, et aux planchettes de bambou, trop lourdes. Jusqu'à la fin de la dynastie Zhou (vers 225 après J.-C.), on écrivait surtout en Chine sur des plaquettes de bois ou de bambou, à l'aide de stylets de bambou durcis. Puis apparut, avec l'usage du pinceau de poils, un support connu, léger, facile à fabriquer et original, le papier. Il se répandit assez vite dans toute la Chine, et au Japon entre le VIIème et le VIIIème siècle de notre ère. Les Chinois savaient déjà alors imprimer leurs caractères par xylographie, c'est-à-dire à l'aide d'un bloc de bois portant des caractères en relief qu'on enduisait d'encre, et ils utilisaient également, mais moins fréquemment, l'impression par caractères mobiles : grâce à ces techniques, les textes se multiplièrent. L'examen des pièces extrême-orientales fait apparaître la diversité des formes de ces très anciens supports de l'écrit en papier : rouleaux de tailles variées, petits carnets recouverts de soie ou livres tibétains « en accordéon », une forme intermédiaire entre le volumen et le codex.

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Coufique oriental

L'écriture coufique prit des formes différentes selon les pays où elle fut

adoptée. Le coufique oriental, en Iran et en Irak, présente des traits élancés et

gracieux. Ci-dessus, cette page du Coran fut copiée il y a 1000 ans; la

rosette rouge et or indique la fin d'un verset ou ayat

extrait de manuscrit persan

le papier … du levant Les nombreux contacts entre les Arabes et les « papetiers » chinois sont à l'origine de l'installation de la première fabrique de papier à Baghdâd en 794-795, sous le règne d'Hârûn al-Rachîd, le calife des Mille et Une Nuits. Peu onéreux, léger et facile à transporter, le papier se répand peu à peu dans tout le monde musulman, permettant la diffusion de la « vulgate » du Coran, la version dite « du troisième calife », Othman; celle-ci rassemble les textes dispersés des paroles de Dieu révélées à Mahomet, textes dictés par lui et primitivement inscrits sur des omoplates de chameaux, des morceaux de cuir, des feuilles de palmier ou du parchemin. Le papier joue un rôle capital pour l'Islam à ses débuts puisque le texte sacré dit explicitement, dans la sourate XXVI, que Dieu instruit l'homme au moyen du calame. On a là un rapport très particulier entre le texte et son support : le texte du Livre ayant en soi valeur sacrée, le support en tant que tel passe à l'arrière-plan, faisant figure d'ostensoir. C'est bien la fonction des tablettes de bois utilisées dans les écoles coraniques, qui ne sont que des surfaces neutres et où le texte sacré lu, récité, psalmodié, se révèle au croyant. A partir du Xe siècle, dans tout le Moyen-Orient, se multiplient corans et évangéliaires, mais aussi traités scientifiques et œuvres littéraires. C'est grâce à ces textes arabes sur papier que pourront être transmis en Occident de nombreux ouvrages, en particulier d'algèbre et de grammaire, d'origine indienne.

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Les « contes de Canterbury »

William Caxton imprima le célèbre poème de Chaucer en 1476 puis en 1483

en ajoutant des illustrations au texte corrigé. Le livre, qui raconte les aventures de pèlerins sur la roi

Canterbury, connut un énorme succès. Les caractères utilisés, inspirés d'une

écriture gothique répandue en Flandre, sont moins faciles à lire que les lettres

rondes créées par Alde Manuce.

le papier …occidental La fabrication à grande échelle et dans toute l'Europe du papier « à la cuve » est en relation avec le prodigieux développement de l'impression, notamment grâce à l’ Encyclopédie de Diderot et d'Alembert : au XVIème siècle, en France seulement, on compte 75 000 publications - pour 100 000 en Allemagne et entre 50 000 et 100 000 en Italie... Sans le papier, cette révolution culturelle aurait indéniablement été beaucoup plus lente. Il ne faut pas s'imaginer pour autant que l'apparition de l'imprimerie et l'usage généralisé du papier aient entraîné une évolution rapide dans la conception même des livres. Prenons-en pour preuve les Chroniques de France, dites de Saint-Denis, dont la mise en page et la décoration montrent bien que sur le papier perdurent les traditions des parchemins manuscrits. Ce sont ces livres, publiés avant 1500, qu'on appelle « incunables » (du latin incunabulum, berceau, commencement) : il faut attendre le XVIème siècle pour passer de la foliotation (numérotation des feuillets) à la pagination (numérotation des pages) et pour que le texte se présente de façon plus aérée, amorçant une évolution vers la présentation du livre actuel. Jusqu'en 1850, le papier dit « à la cuve » est produit à partir de chiffons de plus ou moins bonne qualité. Les « chiffes » les plus courantes donnent des papiers grossiers, d'un blanc plus ou moins teinté, que l'on destine souvent aux livres de colportage -la « bibliothèque bleue » de Troyes, par exemple. Mais déjà les imprimeurs recherchent, pour les ouvrages réputés, des papiers blancs et lisses. Notons au passage que, dans ce mode de fabrication, le format des feuilles, dont dépend celui des livres, offre des dimensions diverses : on désigne chaque format par le nom de son filigrane, c'est-à-dire du dessin, visible par transparence, qu'a imprimé dans la pâte un ensemble de fils de métal entrelacés. Ces noms, « Grand monde », « Double Jésus », « Grand aigle », « Petit aigle », etc… sont des éléments pittoresques dans le vocabulaire des artisans du livre. Le développement extraordinaire des imprimés, brochures, pamphlets, libelles, livres, puis, à partir du milieu du XVIIème siècle, périodiques - La Gazette de Théophraste Renaudot, le premier périodique français, paraît en 1631 -, a pour conséquence la raréfaction du papier « de chiffon ». Pour trouver une matière fibreuse de remplacement, diverses tentatives ont lieu au début du XVIIIème siècle en Europe : on fabrique du papier à base de paille, d'écorce de tilleul, d'autres fibres végétales encore...

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Traité de Remy de Gourmont

Le papier de chiffon est solide et dure longtemps ; en revanche, les papiers

modernes, fabriqués à partir de pâte de bois, contiennent des acides qui

finissent par les détruire. Le papier jaunit, s’effrite et, enfin, se désintègre

comme ce traité.

À partir de 1850, on utilise le bois râpé sur une meule, que l'on incorpore dans la pâte de chiffon en quantités de plus en plus importantes jusqu'à l'y substituer : vers 1880, le bois constitue le seul élément de la pâte dite « mécanique », qui sert majoritairement à la fabrication des papiers de toutes sortes. Cette utilisation du bois dans l'industrie papetière a ouvert une controverse : on entend souvent dire que la production intensive de papier est, de nos jours, une des causes de la disparition lente des forêts. Il semble pourtant que le danger soit limité à des exploitations forestières désordonnées, une régulation sylvicole bien maîtrisée, comme on la pratique en France, permettant une exploitation rationnelle et le renouvellement des espèces « papivores », pins, sapins, épicéas, peupliers, etc... Il ne faut pas oublier non plus que ne sont employées en papeterie que les parties de l'arbre inutilisables en menuiserie. Autre sujet d'inquiétude, jusqu'à ces dernières années, le vieillissement plus ou moins rapide des papiers issus des pâtes mécaniques, un phénomène aggravé par de mauvaises conditions de conservation. Les maladies du papier sont maladies des écrits, qu'heureusement la chimie moderne combat, grâce, en particulier, à la mise au point d'un papier dit « permanent ». On assiste par ailleurs depuis plusieurs années à la multiplication d'opérations de « recyclage » des papiers. En fait, cette récupération, devenue aujourd'hui industrie et symbole d'écologie, manifeste un souci déjà ancien, puisque le premier livre imprimé sur un papier recyclé, un ouvrage de Julius Claproth publié à Gottingen chez J. A. Barmeier, date de 1774.

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Structures possibles d’hypertexte.

Lecture informatique

La lecture à l’écran est, d’après les professionnels, quatre fois plus lente

que la lecture d’un texte sur papier. En outre, elle est plus fatigante.

l ’hypertexte

Le mot hypertexte a été créé par Théodore H.Nelson (1967) pour désigner des écrits non-linéaires. Il imagine un réseau de machines coopérantes donnant accès à un immense ensemble de connaissances réparties (Nelson, 1981). On attribue cependant souvent la mise en œuvre du premier hypertexte à Douglas Englebart (Englebart, 1963) qui a réalisé une base de données textuelles gérée par un système de références croisées et a essayé de la concevoir autant comme un outil de rédaction et d'aide dans le travail que de simple lecture. Depuis, les recherches sur ces notions n'ont jamais cessé (Meyrowitz, 1985 ; Conklin, 1987 ;...). Les caractéristiques principales des hypertextes sont celles qui définissent les hyperdocuments :

• Ils sont constitués d'un ensemble d'informations enregistrées, uniquement de nature textuelle, au sein desquel les les parcours de lectures peuvent être mult iples.

• I ls ut i l isent le multi fenêtrage : plusieurs documents lus pouvant s ' inscrire

simultanément sur un même espace-écran.

• Ils permettent une certaine interactivité : la possibilité offerte au lecteur de faire ses choix de parcours localement, c'est-à-dire, à la différence des parcours de bases de données par exemple, non pas au départ de la demande qui est alors traitée globalement par l'ordinateur, mais en fonction de la lecture qu'il est en train de faire.

En définitive, un lien hypertexte est une association à sens unique entre une source et une cible. Il peut revêtir quatre formes :

• Lien intradocument qui permet de se déplacer d'un endroit à l'autre d'un même document.

• Lien interdocument qui permet d'aller d'un document à un autre.

• Lien vers un programme qui constitue un moyen de gérer une demande ou de fournir un

service.

• Lien vers un objet non textuel : une image, un son, une animation,… Il est difficile de s'abstraire du mode de pensée linéaire qui est le nôtre, entretenu depuis des centaines d'années par l'habitude du texte imprimé, mais il faut s’affranchir de penser en deux dimensions lorsque l’on rentre dans le cadre de l’hypertexte.

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expansion de l’écriture

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La presse de Gutenberg

Johannes Gensfleish

dit Gutenberg (1397-1468), orfèvre allemand à qui l’on attribue l’invention

des caractères mobiles vers 1445. Son procédé typographique se répand

aussitôt dans toute l’Europe.

l ’ imprimerie En ses débuts, l'imprimerie est apparue beaucoup plus comme un prolongement de l’écriture manuelle que comme le bouleversement profond que l’on mesure avec le recul du temps. Le premier souci de l'imprimeur est de rivaliser avec le scribe et de parvenir à réaliser des éditions aussi luxueuses que les ouvrages calligraphiés. On laisse sur les pages imprimées de larges emplacements destinés à être décorés par un enlumineur, et on s'efforce d'imiter au plus près l'aspect de la page manuscrite ; on invente des lettres capitales extrêmement complexes et on multiplie les caractères et les signes ; on va même jusqu'à utiliser des groupes de caractères liés entre eux pour rappeler les attaches que dessine naturellement la plume entre les lettres. Au demeurant, la mise au point définitive de l'imprimerie ne s'est pas faite en un jour, et elle est liée à un certain nombre d'inventions techniques, souvent obscures. C'est ainsi que les Chinois connaissaient depuis le XIème siècle les caractères mobiles. La « presse à vis » était-elle aussi connue depuis des siècles pour presser le raisin, mais aussi pour satiner le papier, et faire des impressions sur tissus. Au début du XVème siècle, on aurait imprimé des «lettres» gravées sur bois en même temps que des images de saints ou des scènes bibliques. Mais ces impressions étaient obtenues en frottant le verso d'une feuille appliquée sur le bois. Gutenberg est le premier à avoir mécanisé l'impression. Un ami de Gutenberg, Schoeffer, trouva le moyen de fondre des caractères de bases inégales sur le papier : I… M… à l'aide d'un alliage (plomb + antimoine). A quelques améliorations près, le processus de fabrication resta le même que celui que les Chinois avaient mis au point. L’histoire qui commence à partir de cet instant n’est plus seulement celle de l’écriture, mais aussi celle de la typographie.

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e x p a n s i o n l ’ informatique Avec les développements des techniques de l'information, la médiation de la machine à écrire prend une importance accrue, d'autant plus que l'ordinateur ne se contente pas d'enregistrer le message mis en mémoire selon le mode de la reproduction ou du transfert analogique : il l'encode. Ces techniques d'encodage trouvent leur origine - à l'époque, on parlait de « mécanographie » - dans les divers procédés mettant en jeu des cartes ou des rubans perforés, qui rappellent les orgues de barbarie ou les boîtes à musique, et dont le principe repose sur les perforations d'une bande de papier ou d'un disque, ou les aspérités d'un petit cylindre. Au lendemain de la dernière guerre mondiale, la théorie de l'information a permis de systématiser les méthodes de codification, en généralisant la forme binaire, et bientôt de recourir aux circuits électroniques. Grâce aux extraordinaires développements des procédés de codage numérique, la puissance des machines s'est prodigieusement accrue. Codeuses et décodeuses, les machines peuvent aussi traiter l'information et opérer des recherches au sein de ce qu'elles contiennent : ce ne sont plus seulement des mémoires passives, mais des mémoires actives. De plus, le codage numérique, par son caractère de généralité, peut s'appliquer aussi bien à l'écriture qu'à l'image ou au son. Les informations sont stockées sur deux types de supports :

• D'une part des circuits électroniques, où elles peuvent subir des traitements de plus en plus sophistiqués.

• D'autre part des supports passifs, comme les bandes, les disques ou les disquettes.

Schématiquement, les procédés d'inscription (et par conséquent aussi de lecture) sur ces derniers supports relèvent de deux techniques, magnétique ou optique. Dans un cas comme dans l'autre, la miniaturisation accélérée fait qu'ils absorbent des quantités fabuleuses d'information sous un volume restreint. C'est ce dont se vantent (à juste titre) les micro-ordinateur: « Ce disque dur peut contenir des milliers d'informations, toute l'œuvre d'Emile Zola » par exemple.

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e x p a n s i o n L'évolution moderne des supports de l'écriture trouve ses origines dans l'histoire du télégraphe et dans celle de l'informatique, deux domaines qui se sont rejoints grâce à la connexion en réseau des ordinateurs.

• S. F. B. Morse, en 1837, traduit les lettres de l'alphabet dans un langage tel qu'il puisse être transporté à distance par câble électrique, puis par radio. Ce langage reprend une variante du système binaire décrit par Leibniz.

• En 1928, IBM lance sa célèbre carte perforée à quatre-vingts colonnes qui restera pendant

un demi-siècle le support universel des programmes et des données de l'ordinateur.

• Les disquettes, introduites par IBM dans les années 1970, vont constituer un support d'échange de données numériques adapté à la microinformatique. Au format 8 pouces (200 millimètres)

• Le système le plus achevé des disques durs est représenté par le disque Winchester,

lancé en 1972.

• En 1976, le format 5,25 pouces (130 millimètres) prend le relais.

• Le format précédent est remplacé à partir de 1982 par la disquette 3,5 pouces (90 milli-mètres).

• En 1979, le CD-ROM, 3,5 pouces (90 millimètres), les inscriptions sont une successions

de cuvettes dans lesquelles un rayon laser réfléchi change d'intensité lumineuse. Enfin, le nouveau disque haute densité DVD-ROM, au format 12 centimètres, répond encore plus efficacement à cette volonté d'inscription sur un support unique de toutes les formes du savoir. Les encyclopédies, par exemple.

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déchiffrement

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Les linéaires

C'est au début du siècle à Cnossos que l'on découvre le linéaire B. Langue inconnue et écriture inconnue, qui

demeurera un mystère pendant un demi-siècle.

Michael Ventris

Et John Chadwick pensent En 1952 à de l'étrusque pour finalement comprendre

qu'il s'agissait en fait de grec archaïque. Arthur Evans, chercheur anglais, initia les fouilles et divise les graphiques en

linéaires et hiéroglyphiques: • Le hiéroglyphique A (-2100) ;

pictogrammes reconnaissables: (étoile, flèche, main, ...)

• Le hiéroglyphique B (-1900). • Le linéaire A (-1600) signes plus

abstraits, « linéaires ». • Le linéaire B découle du linéaire A.

Autour de 4000 tablettes ont été trouvées.

méthodologie Se greffant sur l'histoire des écritures, il est une autre histoire, celle de leur déchiffrement. Car si certains systèmes, comme les alphabets grec, hébreu, latin ou arabe, les caractères chinois ou les kana japonais nous ont été transmis de génération en génération depuis leur origine et n'ont jamais posé de problème, il en est d'autres dont l'usage s'était perdu et qui, découverts récemment, ont été pour les uns déchiffrés avec difficulté et restent pour quelques autres des mystères. Si nous partons du principe que les écritures dont il est ici question notent des langues, il existe alors du point de vue du déchiffrement quatre cas de figure illustrés le tableau ci-dessous :

langue

connue inconnue

connue 1 2

écriture

inconnue 3 4

cas 1 : par exemple le français ou l'espagnol, dont on connaît l'alphabet latin, sans savoir comment se prononce le j en espagnol. Ce cas est un cas de figure envisageable pour les linguistes mais n'a rien à voir avec le déchiffrement des écritures.

cas 2 : nous savons dans l'ensemble, lire un texte à haute voix, sans savoir ce qu'il signifie.

Un individu peut se trouver dans une situation comparable lorsqu'il lit, à la française, un texte allemand dont il comprend pas un mot.

cas 3 : le cas est relativement simple, et l'on peut affirmer que toute écriture dont on sait

quelle langue elle transcrit le sens sera un jour ou l'autre décrite. L'écriture maya, récemment découverte en démontre le parfait exemple.

cas 4 : c’est bien sûr le plus complexe, le déchiffrement passe par une hypothèse sur la

langue (copte pour l'égyptien, cholan pour le maya) ou par comparaison d'inscriptions bilingues lorsqu'il en existe. C'est la situation dans laquelle se trouvaient au début du siècle ceux qui tentaient de déchiffrer le linéaire B, ou encore aujourd’hui devant le disque de Phaïstos. C'est également le cas de l'écriture maya, qui a constitué sans doute l'aventure la plus excitante de ces dernières années.

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Jean-François Champollion

(1790-1832), français d’origine. En comparant les noms des rois dans les

trois inscriptions, il parvint, grâce au grec, à trouver la signification des

hiéroglyphes.

aperçu : Champollion et les hiéroglyphes Jean-François Champollion, a percé le secret des hiéroglyphes égyptiens grâce aux trois textes de la pierre de Rosette. Mais l'histoire de ce déchiffrement commence beaucoup plus tôt. Cette écriture avait cessé d'être utilisée au début de notre ère, et c'est au XVIIème siècle que des érudits commencent à s'intéresser à ces étranges graphismes. Cependant, tous ces « déchiffreurs » n'avaient que des propositions fumeuses, imaginant aux hiéroglyphes une fonction magique ou symbolique, mis à part le jésuite allemand Athanasius Kircher qui aura l'intuition que la langue des anciens Égyptiens était le copte, Ce n'est qu'au XVIIIème siècle qu'un Allemand, Karsten Niebuhr, séjournant au Caire en 1762, avança le premier l'idée que le démotique et le hiératique n'étaient pas des écritures différentes mais simplement des variantes graphiques de l'écriture hiéroglyphique monumentale. Il fit également remarquer qu'il existait un décalage important entre le nombre de hiéroglyphes égyptiens et les idées qu'ils devaient noter : il ne pouvait donc y avoir un hiéroglyphe par chose ou par idée notée. Ces deux pistes se révéleront plus tard tout à fait fructueuses, mais les choses ne vont vraiment avancer qu'après la découverte, en 1799, de la pierre de Rosette par les Britanniques (toujours au British Museum de Londres). On sait aujourd'hui qu'elle comporte un même texte en deux langues (grec et égyptien ancien) et trois écritures (alphabet grec, écriture hiéroglyphique, écriture démotique), mais seul le texte grec était alors compréhensible : il s'agissait d'un banal décret relatif à l'anniversaire du pharaon Ptolémée v en 196 avant J.-C., ce qui réduisait à néant les hypothèses selon lesquelles l'écriture hiéroglyphique était « sacrée ». Des copies de ces textes circulèrent dans la communauté scientifique, et chacun tenta alors de résoudre leur mystère. Le Français Silvestre de Sacy et le Suédois J.-D. Åkerblad s'y essaient. Åkerblad, spécialiste du copte, repère très vite les noms propres grecs dans l'inscription démotique Ptolémée, Alexandre, Arsinoé et Bérénice) et en déduit seize lettres de l'alphabet « copte », mais il est incapable d'aller plus loin. Silvestre de Sacy, spécialiste de l'arabe et du persan, travaille lui aussi sur ces noms propres, mais n'avance guère plus. Puis, en 1814, un non-spécialiste, Thomas Young, médecin britannique et spécialiste d'ophtalmologie, entre en lice. Partant des découvertes de Silvestre de Sacy et d'Åkerblad, il fait très vite quelques propositions ingénieuses :

• Il opère un premier découpage dans les lignes du texte et identifie quelques groupes. • Il postule que les hiéroglyphes peuvent avoir une valeur phonétique.

Il annonce avoir traduit quelques dizaines de mots, et affirmera ensuite avoir traduit l'ensemble du texte.

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La pierre de Rosette

Sans cette pierre de basalte noir, on ne pourrait pas aujourd'hui lire les

hiéroglyphes. Datée de 196 av. J.-C., elle porte un décret du souverain grec

d'Egypte, Ptolémée V, inscrit en caractères hiéroglyphiques, démotiques

et grecs.

Mais, s'il a effectivement fait avancer les choses, Young reste limité par sa croyance en un système alphabétique et il n'avance plus guère dans ses déchiffrements. Il avait bien trouvé certains mots (en particulier, comme ses prédécesseurs, le nom de Ptolémée), mais il n'avait pas compris le principe de l'écriture hiéroglyphique, et seule la connaissance de ce principe aurait permis de lire n'importe quel texte. C'est Champollion qui finalement perce le code. Au courant des travaux de Silvestre de Sacy (dont il a été l'élève), d'Åkerblad et de Young (avec lesquels il correspond), il connaît lui aussi le grec, l'arabe et le copte, mais c'est par une autre voie qu'il parvient à la solution. Il compte tout simplement le nombre de mots du texte grec (i.e. 486) et le nombre de hiéroglyphes (1419). Cette disproportion le mène à une conclusion, dont déjà Niebuhr avait eu l'intuition : les hiéroglyphes ne peuvent pas, comme des idéogrammes, noter chacun un mot, et si cette écriture n'est pas alphabétique, elle doit avoir un caractère mixte, à la fois phonétique et symbolique. Champollion fait cette découverte, qui ne repose que sur un travail comptable, le 23 décembre 1821.Un an plus tard, le 27 septembre 1822, il lit devant l'Académie des inscriptions et belles-lettres un texte de huit pages, connu sous le nom de « lettre à Dacier » et dont le titre exact est : « Lettre à M. D acier relative à l’alphabet des hiéroglyphes phonétiques employés par les Egyptiens pour inscrire sur leurs monuments les titres, les noms et les surnoms des souverains grecs et romains. » Il y démontre que l'écriture hiéroglyphique est à la fois phonétique et idéographique, bref il expose tout le principe de cette écriture mais ne dit pas ce qu'il sait déjà par ailleurs : ce principe ne permet pas seulement de lire les noms des souverains étrangers mais aussi ceux de tous les souverains égyptiens. On voit comment cet énorme travail a pu être accompli. Rien n'aurait été possible sans l'intuition puis la vérification du fait que derrière les hiéroglyphes se trouvait le copte, l'ancienne langue des chrétiens égyptiens. Rien n'aurait non plus été possible sans des textes bilingues, parmi lesquels la pierre de Rosette. Et enfin, la lente avancée de Silvestre de Sacy et d'Åkerblad, les intuitions de Young et la percée finale de Champollion mettent aussi en lumière un fait techniquement fondamental : c'est d'abord par l'étude de la transcription des noms propres que le mystère des hiéroglyphes a pu être levé.

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Statues de l’île de Paques

L'alphabet proto-élamite

II a existé à Suse, à la fin du IIIème millénaire, une écriture de la langue

élamite dont l'utilisation n'a, semble-t-il, duré que le temps du règne du roi Puzur-

Inchuchinak, (-2200). la langue et le système d'écriture étant

inconnus, il faut au minimum des inscriptions bilingues, or ceux-ci sont

monolingues. Récemment deux chercheurs ont fait avancer le problème : la forme des pierres inscrites font penser

aux marches d'un escalier. Or on a retrouvé d'autres pierres, inscrites en

akkadien, qui pourraient faire partie du même escalier. Dès lors on aurait des

inscriptions bilingues, en supposant que les marches alternent les inscriptions en

akkadien et en élamite. La partie akkadienne des inscriptions à déjà

permis de préciser la chronologie de Puzur-Inchuchinak.

les écritures qui résistent Mais ces déchiffreurs ont encore du travail devant eux, car il existe différents problèmes de déchiffrement :

• l'étrusque, dont on connaît le système graphique mais pas la langue. • les écritures de la vallée de l'Indus (Harappa et Mohenjo-Daro), dont on ne connaît ni le

système ni la langue.

• les inscriptions sur poteries de la Susiane.

• Les inscriptions de l'île de Pâques, dont on ne sait même pas s'il s'agit vraiment d'une écriture et pour lesquelles on a avancé les hypothèses les plus diverses : les amateurs et les spécialistes ont donc du pain sur la planche.

• l'alphabet proto-élamite de Puzur-Inchuchinak, • le disque de Phaïstos.

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Le disque de Phaïstos

Bien que ce disque d'argile ait été trouvé à Phaïstos. en Crète, l'écriture qu'il porte n'a rien de commun avec le linéaire A ou

le linéaire B. Les pictogrammes présentent quelques ressemblances

avec les hiéroglyphes, mais on ne possède à ce jour aucun autre exemple de ce type. Les Crétois le rapportèrent

peut-être d'un voyage dans la Méditerranée orientale.

aperçu : le disque de Phaïstos Le disque de Phaïstos, découvert en 1908 en Crète par une équipe d'archéologues italiens, est une pièce célèbre, dont la reproduction photographique a fait le tour du monde. Il s'agit d'un disque d'argile de 16 centimètres de diamètre sur les deux faces duquel courent des inscriptions constituées de quarante-cinq signes disposés en spirale et qui semblent avoir été « imprimés » séparément les uns des autres, à l'aide de matrices réalisées en bois ou en métal. Ces signes sont combinés pour former des groupes séparés par des barres verticales, groupes dans lesquels on est tenté, sans preuves, de voir des mots. John Chadwick note qu'il est difficile de croire qu'on ait ainsi préparé 45 formes pour faire uniquement un disque, mais le disque de Phaïstos demeure pour l'instant le seul exemple d'utilisation de ces graphismes et l'on voit mal comment, en l'état actuel de nos connaissances, on peut envisager un déchiffrement. En particulier le fait que, comme pour le linéaire B, on ne sache rien de la langue transcrite (s'il s'agit d'une transcription) laisse peu d'espoirs. Rien ne semble indiquer un rapport entre ces graphismes et les écritures linéaires, et rien non plus ne prouve que ce disque soit originaire de Crète : il peut après tout être venu de n'importe où, apporté par des navigateurs, et c'est certainement là l'hypothèse la plus probable.

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problématique

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Bouteille à la mer

Ce message confiée à la sonde Pionnier 10 en 1972 avait (à toujours) pour but d’établir une communication avec une

éventuelle présence extraterrestre. Les ingénieurs de la NASA ont pu se rendre

compte la difficulté de trouver un langage « universel »

projection : futur, 2540 ap. J.-C. « Un millier d’ordinateurs quantiques, une vingtaine d’enfants et une université sollicités pour décoder totalement le message trouvé dans la sonde tombé sur notre terre l’année dernière dans le désert de Zambie. Tout ça pour finalement découvrir que son origine est terrestre et que ce les émetteurs de ce message sont nos descendants! Le message trouvé dans la sonde était d’une clarté visuelle infantile, une copie de ce message avait été confiée aux enfants qui devaient le déchiffrer. Leur lecture s’est bornée à peu près à ceci : nous sommes des hommes et des femmes. Nous habitons la troisième planète à partir du soleil. C'est de là qu'est parti notre vaisseau. Mais l’essentiel du problème résidait dans le but d’un tel message, raison pour laquelle ont été nécessaires les milliers d’ordinateurs quantiques. En effet les base de données de l’époque étant toutes sur des supports appelés bandes magnétiques ou compact disc sont devenus totalement obsolètes sans compter le cryptage des données de l’ancienne génération des ordinateurs réduit à néant depuis l’apparition des ordinateurs quantiques que nous connaissons aujourd’hui. La recherche archéologique s’est effectuée en consacrant la moitié des ordinateurs programmés à la recherche des informations sur l’ancien réseau mondial qu’on appelait « Internet » (réseau désormais à la dérive mais qui conserve toujours des traces infimes et dispersées du passé) et l’autre moitié des ordinateurs programmés à décrypter les bases de données existantes et codés dans ce que l’on nommait des « formats informatiques » (technologie archaïque). Les résultats de ces recherches d’archives ont établi qu’en 1972 les chercheurs de la N.A.S.A. ont confié, un message au satellite Pionnier 10 (nom de la sonde) en vue de communiquer avec une éventuelle intelligence extra-terrestre. L’analyse plus pointue du message à été effectuée par les chercheurs de l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard qui ont découvert que les concepteurs voulaient représenter le symbole du travail par la main levée de l'homme. D’autre part, la taille des personnages est mise en relation avec la taille de la sonde, schématisée derrière eux à l'horizontale. Selon eux, Le parcours de la sonde est figuré en bas grâce à la représentation du système solaire : la sonde part de la troisième planète après le soleil, et, après avoir laissé Jupiter sur sa gauche, et Saturne à droite, elle s'échappe hors du système solaire.

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La date de départ de la sonde à été calculée de la façon mathématique suivante : « L'espèce d'haltère que l'on voit en haut à gauche est en fait une unité de mesure « universelle ». Elle représente en effet le passage d'un état à un autre de l'atome d'hydrogène, passage constamment réalisé et constaté dans le cosmos, et qui est générateur d'une onde d'une longueur constante. C'est cette onde qui va servir d'unité de longueur. Cette unité est soulignée par la barre d'un 1 sous l'atome. Le rayonnement qui se trouve à gauche des personnages représente les quatorze directions des « pulsars », étoiles qui émettent selon une certaine fréquence des impulsions radioélectriques en direction du soleil (au centre du rayonnement). On sait que les fréquences de ces pulsars subissent une diminution de l'ordre de 1 milliardième de seconde par jour. Connaissant la longueur de leur fréquence lors du lancement de la sonde et leur fréquence lors de l'arrivée de celle-ci dans notre monde » les chercheurs de l’UTBM ont ainsi pu déterminer le temps du voyage de Pionnier 10. Les milliards de crédit dépensés n’ont mis aucune information en évidence, si ce n’est la difficulté que les hommes ont eu à décrypter leur propre message (...) Cet état de fait est assez caractéristique des civilisations du XX-XXIème siècle ; à savoir que toutes les archives de ce siècle se résument à des bandes informatiques. Quand tout bien fait on en trouve des traces « papier », ce ne sont que des hangars remplis des livres et de magazines ne présentant aucun intérêt scientifique et historique.

commentaire : Vadid Nirrep.» Cet aparté « récréatif » au mémoire permet de faire la transition entre les pré-requis - à savoir histoire passée, présente et ici future - et la partie argumentative. Dans cette partie, on s’attachera à essayer de voir comment l’écriture pourrait perdre sa fonction de transmetteur des connaissances, fonction qui était assurée par le passé comme l’ont montré les pré-requis.

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Derniers scribes

Dans l’antiquité, Grecs et Romains gravaient sur pierre les inscriptions de

leurs monuments et de leurs tombeaux. Cette tradition est perpétuée de nos

jours par des artisans qui gravent les plaques commémoratives ou les pierres

tombales. Nul doute que l’on retrouve des traces de leur travail dans les

siècles à venir.

une nouvelle révolution Nous vivons la troisième révolution graphique de l'histoire. La première, l'invention de l'écriture des langues, eut lieu vers 3200-3100 avant notre ère en Mésopotamie, à Uruk principalement, et en Iran du Sud-Ouest, à Suse. La deuxième, celle de l'écriture monétaire, vit le jour à Sardes et dans les cités ioniennes côtières, sur le territoire de l'actuelle Turquie occidentale, vers 550 avant notre ère. La troisième, l'écriture des réseaux, dont Internet est le plus connu, a commencé entre 1968, première commutation de paquets, et 1972, création du protocole d'Internet. Ces trois révolutions ont été précédées par environ un siècle d'expérimentations. Celles qui menèrent à l'écriture des langues (-3300 /-3200) et celles qui menèrent à l'écriture monétaire (-640) sont séparées par environ vingt-six siècles ; vingt-six siècles séparent aussi les essais qui aboutirent à l'écriture monétaire (-640) et ceux qui annoncent l'écriture réticulaire (1970). Ces laps de temps représentent les écheveaux sémiologiques où furent exploitées et portées à leur terme les prémices contenues dans les expérimentations premières. De cet étrange rythme temporel, nous ne savons rien jusqu'ici et il ne nous retiendra pas. L'histoire inventive de l'écriture des langues s’est achevée dans la mesure où, après l'invention grecque de l'alphabet complet, vers 730 avant notre ère, notant à peu près les phonèmes, les Européens n'ont plus créé de nouveau système. Certes, on a continué à écrire les langues, mais il ne s'agit plus d'histoire inventive de l'écriture des langues, bien plutôt d'histoire de l'écrit. Le même phénomène se produit du côté de l'histoire inventive de l'écriture monétaire; les premières pièces d'électrum donnèrent à voir une langue de choses et une écriture de nombres qui, au travers des siècles, ont dégagé une écriture de pures relations chiffrées, non seulement entre les partenaires économiques, mais aussi parmi les hommes. La troisième révolution en date subsiste en terme d’invention et est toujours en cours d’expérimentations de toutes parts ; protocoles, formats, tout ce qui se fait à l’heure actuelle sur Internet définit les normes (et donc la communication) de demain.

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Internet comme enseignant ? L'éducation sur Internet est en train

d'acquérir un poids économique considérable. Cependant, la situation de

pays riches comme la France ou les États-Unis ne peut être comparée avec

la situation du Kazakhstan ou de l'Ouganda.

Dans les pays pauvres, le téléenseignement et Internet deviennent

absolument vitaux car, de toute façon, les professeurs réels manquent

cruellement... C'est Internet ou rien. Le Mexique a lancé un grand plan de

téléenseignement, au résultat d'ailleurs mitigé, pour réagir à l'accroissement très

rapide de la population : on ne pouvait former des maîtres assez vite. Au

Zimbabwe, un réseau de maîtres du secondaire a été mis en place afin de

partager les expériences et les ressources en ligne.

la part de l’ informatique Agent principal de cette troisième révolution graphique, les ordinateurs, initialement conçus comme de puissantes machines à calculer, se sont, à l’usage, révélés d’extraordinaires instruments pour le traitement de l’information (preuve en est ce mémoire, qui, par la voie traditionnelle aurait nécessité l’aide d’une imprimerie). L’hypertexte, on l’a vu constitue un des facteurs de transmission de l’information, c’est lui-même qui métamorphose le réseau initial Arpanet (conçu pour relier quelques ordinateurs) en Internet ; véritable bibliothèque mondiale qui devance toutes les bibliothèques de la planète. Philippe Quéau, directeur de la division informatique et information de l’UNESCO, dira - à propos de cette bibliothèque - qu’il n'y a pas de savoir sur Internet, il n'y a que des informations. On ne peut pas attendre d'Internet qu'il diffuse du savoir : le savoir, c'est une opération mentale, et Internet n'est qu'un objet technique. Pour lui, Internet est un concept, un protocole technique qui permet de mettre en liaison tous les objets « communicants » qu'une majorité internationale d'acteurs, de penseurs, d'hommes politiques, de techniciens, d'éducateurs et d'utilisateurs de base ont décidé de partager. A propos de l’hypertexte, écoutons le cogniticien Pierre Lévy, à qui Debray fait souvent référence : « J'entends un mot, cela active immédiatement dans mon esprit un réseau d'autres mots, de concepts, de modèles, mais aussi d'images, de sons, d'odeurs, de sensations pro-prioceptives, de souvenirs, d'affects, etc… » Suit l'exemple du « mot " pomme " » qui renvoie aux concepts de fruit, d'arbre, de reproduction, d'objet sphérique comestible se réduisant à un trognon quand on l'a mangé et qui évoque plusieurs espèces aux consistances et aux goûts différents ; le mot peut aussi rappeler des souvenirs de prés normands, mettre en jeu des concepts de diététique ou activer des modèles mentaux associés au mot « pomme » comme la « pomme de discorde » ou la « pomme de Newton »... Donc, les programmes hypertextuels qu'on peut aujourd'hui trouver sur le réseau mondial ne feraient que reprendre les processus inhérents à l'intelligence naturelle Cependant, on ne peut se borner aux limites de l’Internet et de l’hypertexte uniquement, il est nécessaire de traiter le problème dans sa globalité, à savoir l’informatique. A ce propos citons une référence cinématographique si il en est une ; « La planètes des singes » qui imaginait, dans une vision apocalyptique, l’ensemble des connaissance humaines et des livres enfermés dans un ordinateur dont personne ne connaissait la fonction, faute de manuel.

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Archives

Les grands pays du monde ont une bibliothèque nationale, où toutes les

publications doivent être déposées en plusieurs exemplaires pour le dépôt légal. La Bibliothèque nationale

à Paris, héritière des grandes collections royales, conserve plus de 100 000

manuscrits, des médailles et des monnaies. 15 millions d'estampes et de

photographies, 350 000 collections de périodiques,

1 million de documents sonores, et plus de 10 millions de volumes imprimés. Chaque année, les rayonnages des

livres s'accroissent de 2 km.

Comme l’imprimerie qui fit du bruit en son temps, il ne faut pas diaboliser les techniques visant à l’expansion de l’écrit, donc l’informatique. Néanmoins, on constate quand même que l’ordinateur métamorphose le caractère palpable des supports de l’écriture (on l’a vu ; argile, papyrus, papier, etc …) en réalité … virtuelle (signe des temps, l’économie devient aussi virtuelle et impalpable). Cependant peut-on dire de cette virtualité qu’elle caractérise pour autant la suite logique à donner aux supports de l’écrit ? Du tout-concret (représenté par l’argile : pierre) doit aboutir au tout-abstrait ? Pour reprendre l’exemple de l’imprimerie, qui révolutionna l’écrit. Celle-ci prenait toute sa valeur d’ « outil » , à savoir qu’elle était censé transmettre plus rapidement et à plus grande échelle les écrits des scribes. On ne peut pas en dire autant quant à l‘informatique, qui perd de plus en plus sa fonction de complément (outil technique) de l’écriture pour tenter de la supplanter (hypertexte, numérique, …). Heureusement, même si la lecture sur écran d’ordinateur devient légion, l’œil humain n’est (par chance) pas encore adapté pour une lecture rapide sur un écran. Gageons que l’arrivée du livre électronique contredira mes propos sous peu. Pour ces raisons, on imprime encore tout document informatique sur papier, quitte à en remplir des hangars entiers. Richard Robert, directeur de la revue Scherzo, se questionnait d’ailleurs sur ce qui se passerait si c’était l'histoire ou une loi qu'on réécrivait ; le Journal officiel, a déjà sa version électronique, les textes officiels des ministères sont autant consultés sur leurs sites que sous leur forme papier, et les manuels classiques de jurisprudence sont à présent publiés sous formes de cédéroms. pour lui, d'ici quelques années, les disques s'effaceront devant la consultation en ligne. Certes, on peut imaginer qu'un support papier subsistera toujours, au moins à titre de témoin, dans quelque dépôt. Mais, l'habitude faisant loi, qui prendra la peine d'aller s'y ' intéresser ? On assiste alors à un culture hypertrophié par des écrits dont on ne sait plus mesurer l’ampleur.

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Complémentarité Pierre-Marc de Biasi, chercheur au CNRS, a qui l'on doit d'importantes éditions de manuscrits de Flaubert,

engage une réflexion très approfondie à la fois historique et prospective sur la

conservation du patrimoine écrit. Il propose notamment d'utiliser les

technologies de reproduction nouvelles de façon à rendre accessibles et

facilement consultables, sous forme numérisée, des documents dont la

conservation exclut qu'ils puissent être mis entre les mains de tous les

chercheurs, professionnels ou non, qui souhaitent en prendre connaissance.

Le Monde, 27 mars 1992.

A tout bien réfléchir, le livre peut être vu aussi comme un outil de haute technologie : il permet en effet de lire sans s'abîmer les yeux sur un écran électronique, en prenant son temps ; il autorise à l'inverse une lecture très rapide, beaucoup plus rapide que sur l'écran, puisqu'il se feuilleté très facilement et conserve les notes manuscrites. Le passage au livre électronique ne représente pas de ce point de vue une réelle révolution car depuis toujours la lecture est tabulaire : l'œil balaie sans cesse une page par mouvements saccadés, c'est ce qui explique la lecture rapide. On peut observer d'ailleurs que la mise en ligne de livres (qui apparaît comme une réelle nouveauté économique et sociale) ne rencontre pas pour le moment un véritable succès, la difficulté de lecture l'emportant sur tous les avantages de la nouvelle technique. Il ne sert donc à rien de diaboliser l’informatique et tant qu’outil de communication. Il convient plutôt d’en définir son utilité en tant qu’outil de diffusion complémentaire à l’écriture (et donc du savoir) comme à pu l’être son prédécesseur , il y a quatre siècles : l’imprimerie de Gutenberg.

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conclusion

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c o n c l u s i o n

David Perrin

deuxième année DEUTEC. (préparation au diplôme

d’ingénieur en mécanique.) Université de Technologie

de Belfort-Montbéliard.

pérennité du savoir ? La problématique était évidemment vaste, comme j’avais mentionné au commencement de ce mémoire. De cette quarantaine de pages, il ressort plusieurs éléments qui, je l’espère, permettront de se faire un aperçu de la difficulté de la transmission du savoir. En définitive, on ne peut fatalement que suivre la vague du progrès technologique - troisième révolution graphique - en conseillant (je ne sais sur quel support) aux archéologues du futur de se tenir près à voir arriver devant eux les montagnes immenses que représentent les hangars d’archives et les incommensurables piles de disques durs, de bandes magnétiques et autres cédéroms. Espérons aussi que les capacités intellectuelles de ceux-ci aillent crescendo au cours des siècles à venir car leurs capacités ne seront pas de trop pour déchiffrer les informations de notre civilisation. Et puis devant ces amas d’archives, y trouveront-ils les quelques actions que l’homme à fait de bien ? petite goutte d’eau dans la mer … qui, à leurs yeux, rachèterait notre égocentrisme. Finalement, les vestiges du passé sont (et seront) toujours incompréhensibles pour ses découvreurs (cf. le disque de Phaïstos) c’est peut être aussi ce qui en fait leur charme. A ce titre, ce mémoire ne prouve rien de nouveau ; en fait, il ne fait que constater la capacité des hommes à réitérer les mêmes erreurs que dans le passé. A la lecture de ce mémoire, peut-être n’êtes vous pas convaincus de la « démonstration » que j’ai tenté de faire. C’est votre droit… mais, à titre d’expérience, gardez précieusement ce mémoire (à tirage unique) et son cédérom : dans quelques décennies, qui sait du support papier ou du cédérom celui qui subsistera le plus longtemps ? Dans un siècle peut-être, un Champollion percera le secret de ce support numérique…

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bibliographie

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b i b l i o g r a p h i e

BM: Bibliothèque de Montbéliard BUTBM: Bibliothèque de l’UTBM

BU: Bibliothèque Universitaire de Belfort

problématique Je vous propose un choix de livre qui, je pense, va dans le sens de la problématique étudiée. Je me suis appuyé sur certains de ces livres de façon concise et parcellaire, leur lecture vous apportera donc des éléments de réponse plus exhaustifs. « Esprit : Splendeurs et misères de la vie intellectuelle », Richard Robert, mars-avril 2000. BUTBM. :bimensuel, son contenu : « l’avenir de l’écrit » s’inscrit parfaitement dans la problématique de ce dossier. « L’écriture, mémoire des hommes », Georges Jean, éd. Découverte Gallimard. BM. :compromis entre texte et photo, retrace non seulement l’histoire mais aussi les techniques d’hier à aujourd’hui. « L’aventure des écritures, matières et formes », Simone Breton-Gravereau, Danièle Thibault, éd. Bibliothèque de France. BM :ouvrage très complet et très documenté sur l’ évolution des techniques et moyens techniques de l’écriture. « L’écriture et le livre », Karen Brookfield, éd. Gallimard. BM. :ouvrage complet, les nombreuses photographies permettent de se faire une idée plus visuelle de l’écriture. « Histoire de l’écriture », Louis Jean Calvet, éd. Pluriel. BU. :ce livre retrace l’histoire de l’écriture. Récent, il a le bénéfice de parler du déchiffrage de l’écriture maya. « Le Débat : de la disparition du texte », Dany-Robert Dufour, mai-août 1995. BUTBM. :bimensuel, cet article montre la compétition engagée entre texte et hypertexte. La lecture est cependant difficile. « Hyperdocuments, hypertextes, hypermédias », Jean-Pierre Balpe, éd. Eyrolles. BUTBM. :à vocation technique, ce livre permet quand même de se faire une idée de la communication hypertextuelle. « La grande invention de l’écriture et son évolution - tomes 1, 2, 3 », Marcel Cohen, éd. Imprimerie Nationale. BM. :véritable encyclopédie de l’écriture, les trois tomes rassemblent textes, planches mais aussi historique de l’écriture.

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BM: Bibliothèque de Montbéliard BUTBM: Bibliothèque de l’UTBM

BU: Bibliothèque Universitaire de Belfort

compléments En parallèle au choix des livres précédents, il peut vous être utile de consulter des livres plus « généralistes » concernant l ‘écriture. Aussi j’ai choisi les titre suivants ; leur lecture permettra de découvrir non seulement l’écriture mais aussi certaines de ses ramifications : design, typographie, histoire, … « L’aventure des écritures, naissance », Anne Zali, Annie Berthier, éd. Bibliothèque de France. BM. :il s’agit d’un ouvrage complet et documenté sur l’ histoire de l ‘écriture, à utiliser en parallèle avec « matières et formes ». « Langage des signes, l’écriture et son double », Georges Jean, éd. Découverte Gallimard. BM. :Il s’agit d’un approfondissement du premier ouvrage et axé sur l’information et les techniques de transmission. « Des signes et des hommes », Adrian Frutiger, éd. Delta & Spes. BM. :ce livre évoque l’évolution et l’historique de la symbolique et des signes d’hier et d’aujourd’hui. « La naissance des écritures, du cunéiforme à l’alphabet », L. Bonfante, J.Chagwick, B.F Cook, W.V. Daves, J.F. Healey, J.T. Hooker, C-B. F. Walker, éd Seuil. BM. :ce livre est plus un dictionnaire complet de l’écriture, il et axé sur l’histoire de l’écriture. « Le Débat : écriture, monnaie, réseaux », Clarisse Herrenschmidt, septembre-octobre 1999. BUTBM. :ouvrage bimensuel, clair et précis, l’article présenté permet de se faire rapidement une idée sur l’histoire de l’écriture. « Typographie, du plomb au numérique », Jean-Luc Dusong, Fabienne Siegwart, éd. Deassain et Tolra. BUTBM. :l’évolution de la typographie et du design graphique (manuelle et informatique) de ses prémices jusqu’à nos jours. « Histoire de l’écriture », Donald Jackson, éd. DeNoël. BM :ce livre retrace l’histoire de l’écriture de ses prémices aux années 40. « Les systèmes d’écriture », Joseph Chignier, Ghislaine Haas, Danielle Lorrot, Pierre Moreau, Jo Mourey, éd. C.R.D.P. Dijon. BM :l’ouvrage est destiné aux enseignants, pratique pour les questions relatives à l’écriture.