renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre · journée placée sous le haut...

109
2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre Partenariats Direction Générale de la Santé Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées La Fondation Motrice OVE L’ADAPT Journée Nationale FNCR / CREAI Rhône-Alpes Vendredi 14 juin 2013 Ministère de la Santé à Paris Journée placée sous le Haut Patronage de Madame Marisol TOURAINE, Ministre des Affaires Sociales et de la Santé

Upload: buihuong

Post on 27-Jul-2018

214 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

2ème journée des Assises Nationales

des Centres de Référence TSLA

Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Partenariats

Direction Générale de la Santé Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie

des personnes âgées et des personnes handicapées La Fondation Motrice

OVE L’ADAPT

Journée Nationale

FNCR / CREAI Rhône-Alpes Vendredi 14 juin 2013

Ministère de la Santé à Paris

Journée placée sous le Haut Patronage de Madame Marisol TOURAINE, Ministre des Affaires Sociales et de la Santé

Remerciements La préparation de cette journée nationale a bénéficié du soutien de la : Direction Générale de la Santé (DGS) Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées (CNSA) pour la mise à disposition de la salle LAROQUE du Ministère de la Santé à Paris et le financement de l’organisation de cette 2ème journée des Assises Nationales, nous remercions tout particulièrement : La Direction Générale de la Santé, Madame le Docteur Brigitte LEFEUVRE, La Caisse Nationale de Solidarité et de l’Autonomie, Mesdames : Agathe LUSSON, Juliette BLOCH, Pascale GILBERT, Typhaine MAHE. Les Hospices Civils de Lyon, Madame Véronique FAUJOUR.

Nous remercions également les associations qui nous ont adressé leurs dons : OVE, son Directeur Général, Monsieur Christian BERTHUY, La Fondation Motrice, son Président, Le Docteur Alain CHATELIN, L’ADAPT, son Directeur Général, Monsieur Thierry DELERCE,

Et bien entendu tous les intervenants pour la qualité de leur prestation, Et tous ceux que nous ne nommons pas ici mais qui ont contribué à l’organisation de cette journée.

Sommaire

4 Allocution d’ouverture Sibylle GONZALEZ 5 Conférence « Situation de handicap cognitif et TSLA pour une politique de santé publique » Claude VOLKMAR 12 1ère Table Ronde « Critères de prise en charge et d’accompagnement dans les TSLA » Patrick BERQUIN Aude CHAROLLAIS Anne de SAINT MARTIN Stéphane MARRET 25 2ème Table Ronde « Parcours de soins, répartition régionale des structures de niveau1, 2 et 3 et partenariat avec les MDPH » Anne DENEUVILLE Jacques GENESTE Catherine ISSERLIS Ann Claude QUERO-LE-JEAN Véronique LE MEZEC 43 3ème Table Ronde « Impact des avancées de la recherche sur la prise en charge et l’accompagnement de l’autonomie des TSLA » Françoise BOIDEIN Renée CHEMINAL

Michel HABIB Caroline KARSENTY Marie-José PENNIELLO-VALETTE Pierre DUJOLS 59 4ème Table Ronde « Transition à l’âge adulte, devenir professionnel, qualité de vie et employabilité des TSLA » Sibylle GONZALEZ Élisabeth SCHWEITZER Olivier BURGER Georges DELLATOLAS Gilles LELOUP Estelle CHARPY Denis GRANCHER 71 Conférence « Organisation comparative des soins et de l’accompagnement des TSLA à l’échelle européenne » Isabelle DEGRELLE Synthèse et clôture des débats Jean-Charles RINGARD

Allocution d’ouverture Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

En tant que présidente actuelle de la Fédération Nationale des Centres de Référence pour les troubles du langage et des apprentissages, je vous remercie d’être présents aujourd’hui à Paris, au ministère de la Santé, pour la 2ème journée des assises nationales de ces centres.

La 1ère journée, organisée en novembre 2011, avait également eu lieu au Ministère de la Santé. Venir au Ministère pour faire le bilan de dix années d’activité (2001-2011) depuis la création des centres de référence en 2001 était une initiative de notre fédération à la suite du plan interministériel de mars 2001.

Cette 2ème journée a pu être organisée grâce au soutien financier de la CNSA ainsi que de la Direction Générale de la Santé, et est placée sous le haut patronage de Mme Marisol Touraine, Ministre des Affaires Sociales et de la Santé. Nous avons préparé cette journée avec l’ensemble des responsables et des équipes des centres de référence, une journée qui se présente sous la forme de quatre tables rondes. Les membres du bureau de la fédération, responsable de ces tables rondes y ont invité des spécialistes. Nous ferons, tout au long de cette journée, une large place au débat. Tout d’abord, en introduction, nous écouterons M. Claude Volkmar, directeur du CREAI Rhône-Alpes, qui a accepté de faire cette première intervention. Nous aurons l’occasion, à la fin de la journée de le remercier ainsi que l’équipe du CREAI Rhône-Alpes qui a soutenu et permis l’organisation de cette journée.

Ces 2ème assises ont également obtenu le soutien d’associations : OVE, La Fondation Motrice (Association pour le développement de la recherche sur la Paralysie Cérébrale), et l’ADAPT.

Merci à tous d’être là. Je donne la parole à M. Claude Volkmar qui va traiter de la situation du handicap cognitif et des troubles spécifiques du langage et des apprentissages pour une politique de santé publique.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

1

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Situation de handicap cognitif et TSLA, pour une politique de santé publique Claude VOLKMAR

Directeur Général, CREAI Rhône-Alpes

Je vous remercie infiniment de m’accueillir dans votre assemblée, et je réalise à quel point j’ai agi avec une certaine inconscience en acceptant la proposition de Sibylle d’intervenir en introduction de vos assises. J’aurais dû me contenter d’une petite introduction cordiale et formelle comme nous le faisons d’habitude, et en vous souhaitant une bonne journée de travail, mais quand j’ai réalisé, il était déjà trop tard, mon nom figurait sur le programme, et il y avait un titre à l’intervention. J’ai donc le sentiment assez vif d’être un peu outrecuidant, mais je me suis mis au travail avec Valentine Sterling qui, par bonheur, est une stagiaire alerte et docte qui a réalisé le travail en grande partie de manière à vous présenter ce que nous souhaitons vous présenter ce matin.

Malgré le stress lié au fait d’aborder un sujet que je connais finalement peu – j’ai beaucoup suivi les questions liées à l’autisme, mais j’avoue être moins informé sur les questions qui sont au cœur de vos préoccupations –, j’ai pris du plaisir à découvrir les informations transmises par Sibylle. Je les prends un peu en tant que naïf, et je découvre un domaine en construction – la construction est toujours difficile mais passionnante. C’est un débat où l’on retrouve d’ailleurs toutes les caractéristiques de la construction dans un champ au sens de Bourdieu, c’est-à-dire un affrontement d’idées, des concepts qui se cherchent, des représentations qui circulent, tant savantes que profanes, et au fond, toutes proportions gardées, cela est assez proche d’un autre champ qui s’est également construit assez souvent dans des temps d’adversité – par exemple, celui de l’autisme. Derrière un mot, qui est issu d’une loi, celle de 2005, et qui est le mot « cognitif » – puisque nous avons eu la chance en 2005 de disposer enfin d’une définition du handicap, et cela est une première en France, je pense qu’il est très important de le souligner – se cachent en réalité un monde de controverses, notamment des controverses conceptuelles, mais aussi un combat : le combat des familles pour faire advenir une reconnaissance, une nouvelle prise en compte, celle des troubles spécifiques du langage, celle des DYS comme l’on dit communément.

Il s’agit d’un domaine passionnant où je retrouve d’ailleurs des préoccupations qui, pour moi, qui ne suis pas tout jeune, sont déjà anciennes. Il est curieux de voir comme les mots partent et reviennent dans l’histoire – à l’époque, dans les années 1970, à Strasbourg, avec Georges Lantéri-Laura par exemple, nous avions des cours passionnants sur des idées ; bien sûr, j’ai aussi travaillé avec Georges Mounin sur l’intérêt, par exemple, de l’étude des dysphasies pour faire progresser les connaissances en linguistique générale si je puis dire, donc des préoccupations qui, pour moi, sont un intérêt retrouvé et que je vais dorénavant cultiver à vos côtés si vous m’admettez parmi vous.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

2

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Ce matin, je parle donc en incompétent, et je fais un pas de côté. Je vous proposerai, sur la question posée par Sibylle dans le titre : « pour une politique publique », d’examiner précisément où en est la formulation de la politique publique dans des textes qui se situent après HPST, c’est-à-dire où la planification s’est retrouvée autour d’une planification régionale, des projets régionaux de santé, des SROMS, des projets de prévention.

Avec Valentine, nous avons regardé cela de près. Nous avons initié ce travail, et je pense qu’il faudrait le poursuivre parce qu’il est très intéressant de regarder comment les textes actuels, qui définissent des orientations en matière de politique publique, prennent en compte les troubles spécifiques du langage ou les troubles du langage et des apprentissages. Je crois qu’il faudra l’approfondir à partir de cette première génération, et je tenterai en conclusion de vous convaincre sur une option stratégique qui est d’assurer une veille régulière sur la formulation.

Aujourd’hui, nous nous trouvons au degré, non pas zéro – il existe notamment des textes très prometteurs de certaines ARS –, mais je montrerai toutefois un certain nombre d’éléments en vue de tracer des pistes de ce qui serait une sorte de veille un peu permanente sur la formulation de ce que nous pourrions appeler une politique publique. Je ne souhaite pas que vous pensiez que j’ai choisi cette voie pour me défausser, tout simplement parce que je me sens incompétent. Je pense au contraire, et j’essaierai de le montrer, que cette voie est nécessaire pour vous ; elle est nécessaire pour que vous puissiez, en assurant ce travail de comparaison des schémas, en comparant le corpus des orientations et plans d’action régionaux, analyser en permanence l’état de la vision qu’ont les ARS sur les troubles qui vous préoccupent, la place qu’elles leur accordent pour agir notamment auprès des pouvoirs publics et orienter précisément la politique des années à venir.

Je parlais précédemment de Bourdieu : je poursuis sous cet angle. Depuis quelques années, nous assistons à la naissance d’une nouvelle catégorie. Le mot « catégorie » est hasardeux. C’est un ensemble, un nouveau champ nosographique qui se développe et qui comporte ces combats. Le combat des familles est un élément tout à fait décisif dans l’émergence d’un nouveau champ. Cela a été le cas dans d’autres domaines, et c’est à chaque fois le cas.

Je me souviens d’une maman, par exemple, pionnière d’une association DYS dans le département de l’Ain, faire sensation, lors d’un groupe de travail – à l’époque, il y a sept ou huit ans, c’était la DDASS qui s’occupait du lancement du schéma départemental de l’enfance handicapée –, en évoquant face à des directeurs d’instituts de rééducation – qui sont maintenant devenus les ITEP – et à un certain nombre de psychiatres, plutôt psychanalystes d’ailleurs, la question de la poule et de l’œuf, que vous connaissez bien, concernant le lien entre les troubles du comportement notamment et de la conduite et les DYS, non seulement, disait-elle, mal dépistés, voire plus simplement niés dans l’ensemble. Elle expliquait cela avec conviction, et je me souviens comme si c’était hier du tollé que cela a produit : « Vous dites, madame, que nous sommes maltraitants avec ces enfants. » C’est une vraie question posée de façon singulière et en même temps extrêmement pertinente, notamment chez les directeurs et les psychanalystes qui se sont relativement révoltés contre cette façon d’aborder les choses dans un docte groupe de travail de production du schéma.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

3

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Je me souviens aussi d’un psychanalyste, plus récemment rencontré dans un CMPP, qui m’expliquait posément qu’au nom de la théorie sur laquelle il s’appuie et de l’approche globale du sujet, l’approche holistique qu’il défend, le symptôme tout compte fait n’avait aucune espèce d’importance et ne constituait pas un sujet sur lequel un travail serait mené. Donc des familles ballottées entre des théories différentes, parfois culpabilisées, leur acharnement à parler du symptôme justement parfois écouté avec une sorte de condescendance, toujours très interprétative d’ailleurs, mais néanmoins une condescendance : tout cela me rappelle bien sûr aussi le combat des familles confrontées à l’autisme. Nous nous situons dans des champs voisins.

Si nous regardons de plus près les questions relatives au combat des familles – je me suis servi d’une étude récente de l’ORS datant de 2011, menée dans le département de l’Isère, plus particulièrement à Grenoble, sur les questions de diagnostic, de dépistage et d’accompagnement des troubles du langage dans l’agglomération grenobloise –, nous sommes dans un parcours du combattant, tout simplement par méconnaissance des différentes ressources disponibles.

Encore une fois, il s’agit du problème des parents ballottés entre des lectures professionnelles différentes et parfois antagonistes, du problème de l’accès économique notamment à l’offre libérale – l’offre libérale est une question stratégique importante, notamment celle des orthophonistes qui se situent relativement en première ligne aujourd’hui sur ces éléments –, de la question des délais d’accès à un diagnostic de qualité au moment du dépistage, de la contrainte des déplacements parce que la ressource est rare et inégalement accessible sur les territoires – c’est une vraie interrogation aujourd’hui où se pose globalement une question dans le déploiement de l’offre, notamment sur la partie médico-sociale : que faut-il développer ? Faut-il développer des structures spécialistes ou généralistes ? Cette question se pose partout aujourd’hui, et est fondamentale.

L’étude évoquée a constaté de nombreux abandons de prise en charge de la part des familles à cause des difficultés justement rencontrées. Dans son document tout à fait remarquable intitulé « 16 mesures pour un plan DYS », la Fédération française des DYS insiste sur les mêmes difficultés et en ajoute d’autres : la méconnaissance des DYS par les médecins, la question qui reste toujours préoccupante de l’emprise de la psychanalyse sur les troubles de l’apprentissage, les disparités régionales, les actuelles difficultés de reconnaissance par les MDPH de cette question tout à fait fondamentale de manière à développer des formes adéquates de prestations de compensation, les difficultés pour l’évaluation en continu, tout au long de la vie – je vois qu’une table ronde est prévue sur cette question –, notamment lors de l’âge adulte, et nous verrons à quel point cet axe est aujourd’hui absent des travaux de planification alors qu’il me semble complètement central.

Nous sommes sur un débat qui se structure, parfois dans la difficulté, mais qui se structure. Je pense que la complexité du débat est liée à la difficulté d’articuler des approches développementales d’une part et environnementales d’autre part. Nous sommes sur de « bonnes vieilles questions », si je puis dire, dans l’espace franco-français.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

4

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Ces questions se posent bien sûr autrement dans le paysage anglo-saxon, et en France, ce débat prend une forme un peu particulière du fait de l’influence encore importante des explications à dominante relationnelle, où la psychogénèse par exemple est considérée comme une certitude dans la survenue de nombreux troubles. Cette question est amplifiée dans le champ qui vous concerne par le spectre très large des troubles du langage et de l’apprentissage.

Je trouve qu’il s’agit aujourd’hui d’une préoccupation importante liée au manque qui devient cruel de définition consensuelle sur ces questions –je suis désolé, je suis un peu extérieur, et du fait de cette extériorité, je me permets de mettre éventuellement les pieds dans le plat, mais je pense que la question du langage est centrale. En France, nous savons les difficultés qu’ont connues les classifications internationales à s’installer. Ainsi, quand nous avons travaillé sur la classification internationale du handicap puis sur sa révision, nous avons eu des velléités d’établir une classification franco-française parce qu’il n’est pas possible de reprendre les nomenclatures anglo-saxonnes, et ceci toujours pour les mêmes raisons liées à la place notamment de la question descriptive qui ne convient pas à certains du fait de l’éternelle importance dans le débat accordé en France à la question de l’étiologie, et non pas à celle de l’ici et maintenant qui préoccupe beaucoup plus les Anglo-Saxons.

Manque aussi aujourd’hui la question des niveaux de gravité à prendre en compte pour se retrouver dans ces troubles à spectre large, ainsi que celle des recours aux centres de référence pour ce qui est du tout-venant qui vous épuise, notamment parce que cela est mal ou insuffisamment fait ailleurs. Il convient d’y réfléchir sur un versant plus stratégique, et cela est important dans ce tournant que je sens aujourd’hui dans la structuration de ce champ.

Très schématiquement, sur le terrain, nous retrouvons encore, ce qui est un enjeu considérable de sensibilisation et de formation, d’un côté les professionnels qui adossent aujourd’hui leurs analyses bien sûr sur les aspects cognitifs neuropsy et linguistiques, et de l’autre ceux pour lesquels l’environnement psychorelationnel de l’enfant joue un rôle prépondérant dans les troubles du langage. Pour les premiers – vous le savez d’ailleurs, puisque c’est votre expérience –, la rééducation, notamment orthophonique, constitue une préoccupation primordiale ; pour les seconds, l’approche et la prise en charge seront plus psychologiques, voire, dans certains cas, et cela se voit encore, exclusivement psychothérapeutiques, ce qui pose aujourd’hui des problèmes importants, notamment, je ne le cache pas, dans des CMPP que je connais bien.

Nous voyons que la mobilisation des acteurs n’est pas aisée dans un tel contexte, et nous sentons des clivages, qui me paraissent d’ailleurs tout à fait préjudiciables à la cohérence et à la continuité des prises en charge. Je pense que, comme dans le champ de l’autisme, nous devons nous préoccuper des points de rupture dans les prises en charge.

Ce sont des situations proprement maltraitantes. Je donne des exemples que je connais mieux : aujourd’hui, par exemple, le fait pour un enfant de basculer vers des prises en charge à l’adulte correspond parfois à l’abandon de tous les accompagnements qui étaient structurants pour lui dans l’enfance, les pictogrammes ne sont plus utilisés alors qu’ils l’ont été durant toute son enfance. Je trouve cela à la fois scandaleux et maltraitant.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

5

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Les questions de continuité des parcours notamment pris en charge sont préoccupantes et peuvent parfois encore aujourd’hui se poser à l’échelle d’équipes pluridisciplinaires d’un seul établissement. Je vois des situations aujourd’hui en Rhône-Alpes, mais je pense qu’il peut en exister ailleurs, où le fait d’embaucher un(e) neuropsychologue à côté d’un(e) psychologue clinicien(ne) sur un simple caprice du directeur de l’établissement médico-social crée des situations étranges où on ne se salue pas le matin quand on se rencontre, où on ne s’invite pas aux synthèses. Par définition, les troubles qui sont votre spécialité mettent en tension forte les modes de collaboration entre le sanitaire, le médico-social, l’exercice libéral et l’Éducation nationale. Comme dirait Bourdieu, il faut développer un jeu d’acteurs dans une vision stratégique pour avancer sur ce terrain.

Je pense que l’évaluation des politiques conduites est indispensable dans ces domaines. Soulignons l’enquête IGAS/IGN de 2002. L’évaluation confiée à l’AFNORS est peu évoquée bien qu’elle ait produit en 2006 des résultats tout à fait intéressants. J’ai également trouvé un moment assez révélateur, toujours dans la perspective de structuration d’un champ : l’évaluation des objectifs de la loi du 9 août 2004, conduite par le Haut Conseil de la santé publique en 2010. Ce dernier constate simplement que « l’objectif 96, à savoir l’amélioration du dépistage et de la prise en charge du langage oral et écrit, n’a pu être mesuré, parce que aucun indicateur n’avait été proposé et que l’objectif préalable d’évaluation des résultats obtenus par le plan triennal ne semble pas avoir été réalisé ». Je trouve qu’il s’agit là d’éléments importants.

Avançons dans ce modèle que je vous propose d’initier ce matin, mais très empiriquement, et qui consiste à regarder ce qui se dit dans les textes – nous avons utilisé une méthode assez simple qui n’est pas de l’analyse de contenu : nous avons retenu quelques mots clés, nous avons navigué sur tous les schémas régionaux disponibles, et nous avons regardé chaque fois que le mot « langage » apparaissait par exemple, de manière à voir un peu le contexte d’émergence de cette compilation de premier niveau qu’il conviendra bien sûr d’approfondir.

S’agissant des différentes manières de nommer dans ces documents les troubles qui vous préoccupent et sont votre cœur de métier, nous constatons une dysharmonie forte entre les régions : certains parlent de troubles du langage écrit ou oral ; d’autres insistent sur la question des troubles des apprentissages des DYS comme mot-valise ou encore, des troubles cognitifs – une autre façon un peu « valise » de formuler les choses.

Dans la même dynamique, nous trouvons un certain nombre d’associations d’idées qui ne concordent pas d’un territoire à un autre et qui peuvent rendre les orientations totalement confuses. Les troubles du langage sont souvent mentionnés en même temps que les troubles sensoriels, les troubles du comportement et du développement, ce qui crée des amalgames à mon avis totalement préjudiciables à la compréhension un peu fine des choses. Il arrive par exemple, dans certains textes régionaux, qu’un objectif en lien avec les troubles du langage se décline en actions qui ne concerneront plus que les troubles sensoriels par exemple. Nous rencontrons donc vraiment déjà un problème de réglage global sur les questions des nominations.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

6

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Je n’insisterai pas beaucoup là-dessus, il s’agit simplement d’introduire le sujet, mais nous pourrions citer d’autres exemples – comprenez bien que je n’ai aucune intention polémique sur les rédacteurs de ces textes ; je formule seulement un constat qui aide à penser. Nous pouvons y ajouter notamment la confusion avec les problématiques des milieux défavorisés. Il s’agit là d’un mélange d’idées, de notions dont il faut sortir : la question des problématiques multiculturelles n’a pas grand-chose à voir avec ce qui nous préoccupe centralement. Par ailleurs, aujourd’hui, dans les schémas ne figure aucune référence claire à la gravité, par exemple la distinction entre des troubles courants et graves – je dis cela à ma manière, c’est-à dire comme le béotien que vous avez invité ce matin.

Concernant le chiffrage, nous sommes dans le dénuement total sur les questions de prévalence. En effet, les chiffres varient selon les conceptions, allant de 1 à 10. Aucun état des lieux n’est disponible dans les schémas actuels, nous ne savons donc pas de quoi nous parlons, et je pense que cela est complètement lié à la question du vocabulaire utilisé : si nous ne savons pas ce que nous désignons, nous ne pouvons pas compter, cela me paraît très clair. Voyez les petites orientations stratégiques que je vous suggère au fur à mesure : je ne sais pas qui à part vous pourrait définir une aide à compter. En effet, nous voyons des choses absolument étranges, des chiffres qui n’ont aucun sens. Ainsi, lors de l’évocation de la file active d’un CAMPS, il est dit que cela correspond à 7 % des enfants concernés par ces troubles, mais nous ne pouvons rien faire de ce chiffre. De même, par exemple, dans une autre région, 48,2 % des enfants présenteraient des troubles cognitifs : cela nous positionne sur une autre planète. Je ne dis pas que cela est impossible ; je dis seulement que cela est quelque peu farfelu. Les données chiffrées dont nous disposons aujourd’hui sont donc inutilisables dans les schémas régionaux.

Pour ce qui est de l’importance accordée aux troubles du langage et des apprentissages dans la planification, là aussi, les approches connaissent une grande diversité. Les premières générations de schémas départementaux présentaient des « catalogues à la Prévert », c’est-à-dire en réalité des catalogues de bonnes intentions sans rien d’opérationnel derrière.

Nous en sommes un peu là dans la plupart des schémas régionaux concernant les troubles du langage et de l’apprentissage. Nous disposons de très peu de références opérationnelles, notamment en matière de coordination des acteurs – or, c’est « le gros morceau ». Ne figure que la bonne intention : il faut rapprocher les acteurs, faire réseau… Cela ne sert strictement à rien sur le plan opérationnel. Avec quelle méthode, comment cela se passera-t-il concrètement, qui s’en occupera, qui seront les chefs de file…, tout cela n’est pas désigné.

En outre, surtout, cette problématique se dilue dans d’autres priorités, et rien n’existe nulle part sur le volet adulte ; seul le volet enfance est traité. La panoplie des éléments classiques est disponible, mais il s’agit ensuite de les décliner de façon opérationnelle sur le diagnostic précoce et la prévention, le recensement des cas… C’est une préoccupation, mais nous ne savons pas comment faire. Il en est de même sur le recensement des dispositifs de prise en charge, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, nous créons des structures, mais où sont les enfants ? Dans quelles structures se trouvent-ils ? Il convient que quelqu’un s’en charge pour savoir de quoi nous parlons quantitativement.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

7

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Si nous faisons un zoom sur les manières de penser le dépistage et le diagnostic, dans les travaux régionaux, on insiste beaucoup sur la collaboration entre la médecine scolaire et les services médico-sociaux. Je ne saurais pas vous dire exactement pourquoi, mais cela doit vous parler. On parle de bilans de santé systématiques en maternelle et en primaire, de sensibilisation des familles, des professionnels de santé et du personnel éducatif, ce que je confirme : pour ce qui est de la sensibilisation des personnels éducatifs, notamment dans les structures médico-sociales, il y a de quoi faire. Par ailleurs, aucune différenciation n’est faite en matière de dépistage en fonction de l’âge, ce qui paraît encore une fois aller dans le sens de ce que j’indiquais précédemment.

Nous trouvons bien sûr des éléments tout à fait intéressants dans les palettes de solutions proposées par ces textes régionaux, comme la création de SESSAD spécialisés, qui sont des extensions nettement moins repérables – on peut procéder à de l’extension de places SESSAD sans nommer de quoi il s’agit. Nous pouvons donc supposer qu’il s’agirait de places quelque peu spécialisées, mais cela n’est pas clairement noté. On parle beaucoup de reconversion en places d’IME. Depuis le fait d’avoir musclé l’intégration scolaire après la loi de 2005, nous savons que des IME ont besoin de se reconvertir ; des reconversions seraient donc censées répondre à la question des troubles du langage et des apprentissages.

Quelques services expérimentaux ont été mis en place. À certains endroits a été créé ce qu’on commence à appeler une filiale dédiée, une notion plus intéressante qu’il conviendrait de creuser. Les moyens accordés aux CAMPS et aux CMPP pour le dépistage et les prises en charge précoces ont été renforcés, mais là, il convient d’être vigilant en raison des problèmes de culture de travail dans ces structures. Enfin, s’agissant du renforcement des moyens accordés aux centres de référence, je m’interroge sur la clarté de cette proposition, car je pense qu’aujourd’hui, c’est plutôt sur la raréfaction des moyens accordés aux centres de référence qu’il faudrait réfléchir.

Je finis là-dessus, et m’autorise à donner un premier train d’éléments qu’il pourrait être intéressant de regarder dans la durée, à savoir que, dans les centres de référence, vous meniez une analyse régulière de ces documents, soit une veille, car des évolutions et des transformations interviendront. En outre, cela peut vous donner des pistes dans les centres de référence pour regarder de près et influencer le champ d’élaboration de la politique publique sur ces questions. Je pense qu’il faudrait quand même assez rapidement se préoccuper de la problématique du langage commun, déjà entre vous, s’agissant d’une vision stratégique des choses. Aujourd’hui, nous sommes dans une structuration de ce champ qui reste conflictuelle. Par conséquent, plus tôt un consensus apparaît sur un langage commun, mieux cela vaudra.

Par ailleurs, il convient de créer des systèmes d’informations partagées : ceci est rappelé dans toutes les lois, mais là non plus, je ne vois pas qui peut le faire à part les centres de référence, ce qui suppose de disposer de moyens. À travers ces premières pistes, je pense que nous pourrions envisager que les centres de référence se trouvent au cœur de la structuration de ce nouveau champ. Il n’y a pas de miracle : la question des centres de référence est tout à fait centrale, et ceux-ci mènent un peu le même combat que celui des centres de ressources autisme au niveau national ; il convient donc de développer les mêmes moyens, ce qui ouvre encore d’autres débats. Je m’en tiendrai là en vous priant d’excuser encore une fois ma naïveté sur le propos.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

8

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon Merci beaucoup, Claude Volkmar, pour cette présentation. J’ai omis de dire en préambule que cette journée est placée sous le contrôle de M. Jean-Charles Ringard ici présent, à qui nous avons demandé de faire la synthèse de la journée. Je vous propose maintenant de réagir à l’intervention de Claude Volkmar.

Débat et échange avec la salle

Intervention de la salle

Merci pour ce topo très clair, et merci de mettre en valeur deux données très importantes : le langage commun – il existe un langage international ; nous pouvons donc réinventer un langage français différent du langage international, mais peut-être cela n’est-il pas vraiment raisonnable –, et la nécessité de disposer d’expériences opérationnelles, c’est-à-dire pas seulement d’éléments de réflexion mais d’un schéma opérationnel résultant d’une construction appuyée sur une méthodologie et présentant des limites et des résultats.

Claude VOLKMAR Directeur Général du CREAI Rhône-Alpes

Si j’établis des parallèles avec ce qui se passe dans d’autres domaines, notamment l’autisme, je pense que la vision stratégique d’un plan qu’il faut structurer et qui est celle proposée par la Fédération des DYS est une excellente idée. J’ai vu le document : bien sûr, des éléments doivent être creusés, mais autour d’une logique de ce type, de manière à ce que cela puisse ensuite irriguer la réflexion dans les régions. En effet, aujourd’hui, les canaux d’irrigation ne sont pas construits. Une structuration est nécessaire au niveau national, mais ce chantier est relativement urgent et important, donc je salue l’initiative de la Fédération des DYS qui propose un document assez clair, qu’il faut travailler sur un mode « savant », c’est-à-dire en y mettant de la technicité.

Pourquoi réinventer du franco-français alors qu’aujourd’hui, il me semble que le mouvement doit surtout être connecté à l’international et qu’il n’y a absolument aucune raison de réinventer un langage français sur cette affaire ?

Ce n’est pas parce que nous présentons des particularités que nous connaissons bien et qui, elles, en revanche, sont très hexagonales, qu’il faut pour autant aller là-dessus. Il n’est pas inintéressant de le faire, car cela crée une manière de s’approprier les choses, mais c’est très français, c’est une façon de faire autrement, et cela ne va pas très loin tout compte fait, en tous les cas dans les échanges scientifiques qu’il faut conduire à haut niveau au plan international. Telle est ma vision des choses : un plan national structurant, et si possible un langage qui tienne le cap sur le plan international.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

9

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Intervention de la salle

Oui, mais un plan national également basé sur des expériences bien mises en place dans le « pratico-pratique », et pas uniquement sur des idées.

Claude VOLKMAR Directeur Général du CREAI Rhône-Alpes

Nous en sommes absolument d’accord. Tout à fait, madame.

Juliette BLOCH Directrice scientifique, CNSA

Je veux rebondir sur votre recommandation de développer un système d’information, en disant que la CNSA a inscrit dans son programme de travail des études qu’elle souhaite financer, sous réserve que des initiatives soient lancées sur ce sujet. Par conséquent, les moyens existent ; la seule chose, c’est que la CNSA ne peut pas être l’initiatrice de ces projets. Elle soutiendra toutefois toute proposition issue des centres de référence de constituer un système d’information, et pas seulement bien sûr en vue d’améliorer les connaissances sur la population suivie dans ces centres.

Intervention de la salle

Je suis parent, et j’entends cette information avec plaisir. La question est que les centres de référence traitent les enfants jusqu’à 16 ans, mais que va-t-il se passer après ? L’âge pour accéder aux centres de référence sera-t-il augmenté ? En effet, si on reste toujours jusqu’à 16 ans, on ne fait que déplacer le problème. Il faudrait donc que la CNSA donne une envergure plus importante aux centres de référence.

Juliette BLOCH Directrice scientifique de la CNSA La CNSA ne peut pas faire ça.

Sybille GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon S’il n’y a plus de questions, nous allons faire s’installer les personnes responsables de la première table ronde animée par Patrick Berquin et Aude Charollais. En introduction, Renée Cheminal va présenter un exposé sur les troubles de type DYS.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

10

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

1ERE TABLE RONDE

« Critères de prise en charge et d’accompagnement dans les TSLA »

Patrick BERQUIN, Neuropédiatre, Centre de référence Amiens Aude CHAROLLAIS, Neuropédiatre, Centre de référence Rouen Renée CHEMINAL, Neuropédiatre, Centre de référence Montpellier Anne de SAINT-MARTIN, Neuropédiatre, Centre de référence Strasbourg Stéphane MARRET, Pédiatre néonatalogiste, CHU Rouen

Renée CHEMINAL Neuropédiatre, Centre de référence Montpellier

Je vais faire un exposé rapide pour resituer les choses dans l’historique des centres de référence.

L’histoire remonte à la sortie du rapport RINGARD et WEBER, qui avait été élaboré à la demande des ministères de l’Éducation nationale, de la Santé et des Handicapés. Les ministères avaient été interpellés par des associations de parents qui avaient des enfants présentant des difficultés non visibles et particulièrement gênés par ces difficultés. Un groupe de travail a été constitué à ce moment-là, sous la direction de M. Ringard, et au sein duquel un groupe a travaillé de manière extrêmement régulière et a auditionné un certain nombre de personnes parmi lesquelles les personnels médicaux et paramédicaux – je faisais partie de ces personnes auditionnées. À la suite de ce rapport a été reconnue l’existence de troubles spécifiques, et ce, si je me souviens bien, alors qu’au départ de ce plan, certaines personnes ne croyaient pas en cette existence. Cette collaboration fut donc extrêmement importante. De là en ont découlé un plan d’action et la création de centres référents, au début dédiés aux troubles spécifiques du langage oral et écrit, et ensuite élargis à l’ensemble des troubles de l’apprentissage et de l’attention.

Ces troubles étaient définis par un diagnostic d’exclusion : des enfants normaux parfaits mais ayant des difficultés cognitives. En est sortie la notion de troubles cognitifs qui peuvent exister malheureusement aussi chez des enfants présentant également d’autres pathologies. Il me semble important de le dire. La loi de 2005 a reconnu la notion de handicap cognitif. Une des questions actuelles est la suivante : les centres référents, qui sont malheureusement débordés, doivent-ils prendre en charge uniquement les troubles spécifiques, ou élargir leur action à des troubles non spécifiques ? Les troubles spécifiques existent, et la notion de gravité est extrêmement difficile à mesurer – ainsi, j’ai vu un enfant présentant un trouble majeur du langage oral devenir documentaliste. La sévérité du trouble n’est donc pas forcément superposable à la sévérité de ce que l’on appelle le handicap. Toutefois, des enfants autres (épileptiques, myopathes, porteurs d’hémopathie) peuvent aussi avoir des troubles cognitifs.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

11

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Je vais vous parler de ce que je connais le mieux : le centre référent de Montpellier, et de son évolution. Au début, les diagnostics n’étaient pas systématiquement recensés, mais en 1995-1996, la première case, ce sont « 98 enfants ? » pour lesquels nous ne savions pas ce qui les gênait.

Ensuite, pour ce qui est des troubles spécifiques du langage écrit, oral et des troubles déficitaires de l’attention ; 80 enfants présentaient des troubles notés comme spécifiques sur une population de près de 400 enfants.

En 2002-2003, donc après le rapport Ringard, les points d’interrogation sont beaucoup moins nombreux, ce qui veut dire que nous avons évolué dans les diagnostics, d’abord en nous disant que l’existence d’un seul trouble n’est pas obligatoire et que des petits troubles qui se surajoutent peuvent mettre les enfants en difficulté – ce sont les deux catégories qui sont ressorties : sur une population d’enfants dits « limite », soit présentant un QI mesuré comme normal mais limite dans une scolarité où tout le monde doit posséder exactement les mêmes compétences au même moment et avec le même niveau.

Nous nous sommes rendu compte que certains enfants avaient un trouble du langage oral qui retentissait sur le langage écrit, d’autant plus qu’ils avaient des troubles de l’attention. Ce sont des enfants qui ont acquis de très mauvais automatismes en graphisme ; ils mémorisent un geste graphique de mauvaise qualité, qu’ils utiliseront parfaitement. On parle alors souvent de dyspraxie alors que leur geste est en fait parfaitement mémorisé. D’autres enfants présentent de petits troubles dyspraxiques avec en plus un trouble de l’attention.

Pour en revenir aux troubles non spécifiques, la première année, nous avons établi 7 diagnostics chez des enfants qui étaient adressés pour des troubles spécifiques (myopathies, épilepsies…), et nous avons analysé 37 dossiers d’enfants connus pour avoir des pathologies neurologiques en général et pour lesquels une analyse nous a été demandée pour les guider dans leur scolarité – je pense que ceux-là sont également du ressort des centres référents –, des troubles psychiatriques isolés – ils sont peu nombreux, les autres en ont tous ; je pense qu’il ne faut pas dire qu’un enfant présentant un trouble cognitif est indemne d’un trouble psychologique ; un enfant qui est en difficulté souffre, et s’il était heureux, peut-être ne serait-il pas tout à fait normal. Je parle des troubles psychologiques au premier plan.

Certains enfants autistes étaient adressés parce qu’ils ne parlaient pas, mais il n’existait pas de troubles du langage. Par ailleurs, en 2012, nous gardons à peu près les mêmes proportions, et j’ai ajouté la catégorie « examens ». Je répondrai d’abord en partie à la question qui a été posée : nous voyons des adultes qui ont des difficultés, dans le contexte soit d’examens universitaires, soit de CAP, pour lesquels ils demandent des aménagements, des guidances. Actuellement, c’est donc le centre référent de Montpellier qui voit les adultes en difficulté, sachant que le service de neurologie adultes propose une consultation pour des troubles de l’attention, assurée par une équipe d’évaluation cognitive.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

12

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Au total, les troubles spécifiques qui existent représentent tout de même la majorité de nos consultations. Il y a une inflation des demandes. En ce qui concerne les pathologies connues, il y a toujours des biais de recrutements puisque nous menons actuellement un travail sur la croissance et sur les déficits en hormones de croissance ; dans ce cadre, nous voyons peut-être plus d’enfants présentant des déficits en hormones de croissance que des troubles neurologiques.

C’est-à-dire qu’en fait, nous avons toujours les pathologies connues, nous parvenons à mieux diagnostiquer les troubles spécifiques, et il est clair qu’il faut un niveau 2 de diagnostic et que l’Éducation nationale doit arrêter de nous demander que les bilans et les dossiers soient remplis par les centres référents parce que c’est là une des grosses causes d’alourdissement, d’embolisation.

Enfin, il faut que les centres référents puissent avoir un avis expert. Je pense que cela est important, et l’avis expert n’est pas lié à la sévérité d’une pathologie, mais à la difficulté du diagnostic, sans oublier les problèmes des consultations, puisque certains enfants présentant des troubles très particuliers sont vus et revus régulièrement en consultation médicale pour parvenir à poser un diagnostic, mais ne figurent pas dans les statistiques. Je trouve cela dommage, car ces enfants sont intéressants.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

13

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Patrick BERQUIN Neuropédiatre, Centre de référence Amiens

Merci, Renée, pour cette introduction qui permet, à partir de l’exemple d’un centre de référence, de montrer les difficultés que nous rencontrons, à la fois dans les définitions, le recrutement et la prise en charge de ces patients. Cette table ronde avait aussi pour but d’essayer de poser un certain nombre de points, notamment sur les enfants et adolescents que nous devons prendre en charge – nous évoquerons également le problème des adultes. S’agissant des troubles spécifiques, l’introduction a bien pointé le problème du langage, et je pense que nous ne devons pas créer de nouvelles classifications : des classifications internationales existent. Les troubles spécifiques permettaient surtout initialement de parler d’enfants qui avaient un trouble du langage ou un trouble de fonction limitée cognitive, et non par opposition aux enfants présentant une déficience mentale, un trouble envahissant du développement ou des handicaps neurologiques sévères.

L’expression « troubles spécifiques » ne renvoie pas à une étiologie, et je pense qu’essayer de rentrer dans une dichotomie étiologique n’a pas de sens. En revanche, nous savons tous qu’il existe des comorbidités et que nous sommes dans les troubles développementaux, c’est-à-dire qui s’installent au cours de la maturation, qui débutent bien sûr dans l’anténatal mais qui se poursuivront dans les premiers mois et les premières années de la vie. Opposer les aspects psychodynamiques et neurodéveloppementaux n’a pas de sens : l’enfant se construit avec les deux. Nous avons pris deux exemples pour essayer d’illustrer cet aspect : ce n’est pas parce qu’un enfant a une épilepsie et un trouble du langage qu’il faut le sortir d’un centre de référence sous prétexte qu’il a une épilepsie – en effet, il peut avoir une dyslexie et une épilepsie. Nous avons également pris l’exemple, que traitera Stéphane Marret, des anciens grands prématurés dont nous savons que la prévalence des troubles spécifiques augmente. Nous aurions pu prendre un troisième exemple avec des pathologies associées de comorbidités de troubles psychopathologiques, mais il fallait limiter la table ronde.

Stéphane Marret est professeur de pédiatrie et chef de service de néonatalogie. Il va nous parler des problèmes des anciens grands prématurés, qui n’ont pas tous des handicaps sévères, et nous voyons de plus en plus, dans les centres de référence, des enfants qui sont nés prématurés et qui nous sont adressés parce qu’ils ont un trouble du geste, parce qu’ils sont en difficulté d’apprentissage, parce qu’ils ont un trouble de l’acquisition de la lecture.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

14

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Stéphane MARRET Pédiatre néonatalogiste, CHU de Rouen

Merci, Patrick Berquin, de me donner la parole. Je voudrais compléter cette introduction en disant que vous connaissez mieux Aude Charollais que moi. Je suis néonatalogiste, et Aude Charollais et neuropédiatre et responsable du centre de référence à Rouen. Il est vrai que nous entretenons depuis plusieurs années une collaboration qui, je l’espère, est efficace. Elle m’a demandé de vous parler des troubles des apprentissages de l’enfant prématuré. Je vais donc essayer de vous dire comment les choses et les concepts ont évolué au cours des années pour les néonatalogistes que nous sommes. Des différences pourront apparaître dans le vocabulaire que je vais utiliser par rapport à celui auquel vous êtes habitués.

Dans le monde, un enfant sur dix naît prématuré. Il s’agit donc d’un énorme problème de santé publique, d’autant que, évidemment, comme vous l’a dit Patrick, ces enfants sont à haut risque de séquelles neurodéveloppementales.

Ces problèmes ne sont sans doute pas près de diminuer dans la mesure où nous avons amélioré la survie de ces enfants, en particulier en France. Vous trouvez ici, en comparaison, les taux de survie de l’étude EPIPAGE qui a été menée en 1997 dans neuf régions de France, et les taux de survie en France en 2011 : vous voyez que nous avons considérablement amélioré la survie de ces extrêmes et grands prématurés puisque nous avons aujourd’hui, à 25 semaines, 62 % de survie contre 50 % en 1997. Lorsque nous avons présenté ces résultats très récemment aux États-Unis, nous avons été un peu pointés du doigt par les autres pays dits développés qui trouvaient que nos taux de survie étaient insuffisants parce qu’en France, certains centres ne prennent pas en charge les extrêmes prématurés avant 25 voire 26 semaines, comme c’est le cas à Rouen. Par conséquent, la survie globale augmente chez ces enfants-là.

Si l’on considère l’évolution des concepts pour ce qui concerne les séquelles neuro-développementales et les handicaps observés chez ces enfants, le concept classique consistait à dire que ces enfants avaient connu une privation en oxygène de leur cerveau à leur naissance, du fait de leur naissance prématurée, et qu’ils allaient développer des lésions cérébrales clastiques puis secondairement des troubles du développement moteur et de la posture que nous appelons maintenant « paralysie cérébrale ». En fait, c’est beaucoup plus complexe que cela, et nous savons maintenant qu’il existe de très nombreux facteurs environnementaux à l’origine de tous les handicaps que l’on observe chez ces enfants-là : des facteurs anténatals, des facteurs agressifs au moment de la naissance, des agressions au moment de la naissance, et des facteurs postnatals. J’en ai listé un certain nombre, et je citerai par exemple la pré-éclampsie des femmes enceintes, qui survient dans un tiers des cas, en cas de naissance prématurée.

Au moment de la naissance, vous avez des agressions certes éventuellement hypoxiques mais aussi et surtout des agressions inflammatoires et infectieuses, et puis, du fait de cette naissance prématurée, un changement d’environnement complet pour cet enfant, en particulier pour la croissance de son cerveau, et la suppression d’un certain nombre de facteurs de croissance et d’hormones qu’il aurait encore eus si la vie s’était poursuivie in untero.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

15

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

En postnatal, ces enfants sont confrontés à d’autres agressions comme en particulier une mauvaise nutrition, une malnutrition, un retard de croissance extra-utérin et des insuffisances respiratoires, mais aussi – et ce point me tient particulièrement à cœur – des agressions médicamenteuses, des stress et des problèmes d’attachement.

Chez ces enfants-là, nous n’observons plus tellement, en 2013, des lésions clastiques. Néanmoins, du fait de la naissance prématurée et de tous les facteurs précédemment évoqués, ils vont modifier leur programme de développement cérébral et donc avoir différentes séquelles dont nous reparlerons.

Les anomalies observées sur les plans anatomique et histologique concernent le volume cérébral : diverses études en IRM ont maintenant confirmé que ces enfants nés prématurés, lorsqu’ils arrivent à terme et puis plus tard à l’âge adolescent voire adulte, connaissent une diminution de leur volume cérébral, des troubles de la giration, des anomalies dans les connexions – les techniques actuelles d’imagerie nous permettent d’observer ces troubles des connexions –, et même des troubles de la neurogénèse.

Je ne vous ennuierai pas avec les études expérimentales menées sur les animaux. Je soulignerai toutefois qu’elles nous aident à réfléchir et à comprendre un certain nombre de choses dans le domaine de la prématurité. J’ai seulement mentionné cette étude extrêmement récente qui prouve enfin ce que l’on pensait déjà depuis un certain nombre d’années, c’est-à-dire qu’en réalité, la neurogénèse se produit sur une durée beaucoup plus longue qu’on le pensait initialement dans les traités d’histologie, et qu’elle ne disparaît chez le fœtus qu’à partir de 28-30 semaines. Par conséquent, nous avons réussi à montrer que la naissance prématurée supprime la neurogénèse chez les enfants prématurés, dans des modèles d’accouchement prématuré chez le lapin. L’expérimentation nous aide donc à avoir des idées pour essayer d’expliquer ce que l’on peut observer en clinique.

Pour ce qui concerne la volumétrie, il est un point désormais admis par tout le monde : le développement du système thalamocortical chez l’enfant prématuré est perturbé, et une étude est ici mentionnée parmi d’autres, qui vous montre que le volume du thalamus est d’autant plus faible lorsqu’on arrive à terme chez ces enfants qu’ils sont nés prématurés. Dans cette même étude, ils ont essayé de comparer, par des techniques de tractodiffusion, l’aspect de 47 nouveau-nés prématurés arrivés à terme à celui de nouveau-nés arrivés à terme : ils ont montré l’existence de perturbations des connexions thalamocorticales chez les enfants prématurés, qui sont ici schématisées en rouge. La partie rouge qui montre ces différences donc la diminution dans les connexions thalamocorticales des enfants prématurés arrivés à terme prédomine dans les lobes frontaux et le lobe temporal gauche.

Un autre point intéressant est qu’avec les techniques d’imagerie, nous avons pu montrer le rôle du stress en période néonatale précoce chez ces enfants prématurés en distinguant, avec des échelles d’évaluation établies par les puéricultrices de services de néonatalogie, des prématurés qui avaient été peu stressés d’enfants qui avaient été beaucoup stressés. Une étude de ces prématurés peu stressés arrivés à terme par des techniques d’imagerie en diffusion montre que les deux lobes temporaux s’allument de façon identique à ceux d’un nouveau-né à terme alors que les prématurés stressés connaissent des perturbations dans les connexions du lobe temporal droit.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

16

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Toutes ces observations nous aident à comprendre un peu l’évolution des séquelles observées chez ces enfants-là. Diverses séquelles sont observées chez ces prématurés – tout le monde les connaît assez bien ; en particulier, les obstétriciens se réfèrent toujours au taux de paralysie cérébrale pour voir s’ils sont efficaces, si leur prise en charge des menaces d’accouchement chez les femmes puis leurs techniques d’accouchement en cas d’accouchement prématuré sont correctes et qu’ils n’ont pas de taux de paralysie cérébrale trop élevés. Il faut savoir que l’on observe aujourd’hui, dans ces accouchements prématurés, des diminutions assez importantes des séquelles du type troubles moteurs à type de paralysie cérébrale sévère ; en revanche, on observe encore beaucoup de paralysies cérébrales de grade 1 ou 2, dans la classification de PALISANO. Toutefois, chez ces enfants-là, ce sont les troubles cognitifs spécifiques qui prendront très rapidement le dessus, et poseront beaucoup plus de problèmes dans leur intégration scolaire puis sociale.

Ils peuvent donc présenter des taux d’insuffisance intellectuelle globale, mais surtout, ils auront des troubles cognitifs spécifiques qui ont la particularité d’être multiples chez ces enfants prématurés, avec des difficultés en langage, dans les praxis visiomotrices, dans les fonctions exécutives avec les problèmes de planification et de mémoire de travail, ainsi que des troubles du comportement et des difficultés scolaires.

Pour illustrer ce propos, je vous ai remis les chiffres de l’étude EPIPAGE 1, puisque nous ne disposons pas encore de ceux de l’étude EPIPAGE 2 qui est très récente – elle concernait les enfants nés dans toute la France en 2011. Dans l’étude EPIPAGE 1, on avait un groupe d’enfants grands prématurés de moins de 33 semaines, un groupe d’enfants prématurés moindres (33-34 semaines), et des enfants à terme. Les taux de paralysie cérébrale s’élevaient à 9 % à l’époque – ils se situent probablement maintenant autour de 6 % chez ces grands prématurés – avec un taux inférieur mais toutefois bien supérieur à la population des enfants nés à terme chez les enfants prématurés à 33-34 semaines : 2 % à l’époque.

Le coefficient intellectuel moyen, qui s’élève à 106 dans la population des témoins des enfants nés à terme, est de 93 chez les grands prématurés, soit inférieur de 12 points en moyenne, ce qui déplace la courbe de Gauss vers le bas et vous explique pourquoi le taux de retard mental défini par un QI inférieur à 70 s’élève à 12 % dans cette population d’enfants, alors qu’il était de 3 % dans celle des enfants nés à terme. Si on prend les enfants ayant un QI inférieur à 85, ce qui n’est quand même pas terrible pour les acquisitions scolaires, on se retrouve avec 1 grand prématuré sur 3 ayant un QI global inférieur à 85 alors qu’il était de 9 % dans la population des enfants nés à terme. Ces enfants avaient été observés jusqu’à l’âge de 8 ans, en essayant d’analyser ceux qui avaient une déficience modérée ou sévère via diverses classifications versus ceux qui n’en avaient pas : nous nous retrouvons quand même avec 40 % d’enfants présentant une déficience dans le groupe des enfants grands prématurés, alors qu’ils étaient seulement 14 % chez les enfants nés à terme, avec nos définitions qui sont forcément critiquables.

Si on considère les rééducations et soutiens scolaires, il y a deux fois plus de besoins rééducatifs spécifiques chez ces enfants grands prématurés comparé aux enfants nés à terme, à 8 ans. En outre, seulement 77 % de ces enfants avaient un niveau scolaire approprié à 8 ans, par rapport à 94 % chez les enfants nés à terme.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

17

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Ces données nous ont également permis de bien montrer que finalement, les déficiences motrices isolées – encore une fois, avec nos limites dans nos façons d’évaluer ces enfants sur d’énormes populations – n’étaient pas les plus fréquentes : 7 % des enfants, contre 23 % des enfants pour les déficiences cognitives. Par ailleurs, avec nos questionnaires, nous avons réussi à montrer que plus de la moitié des enfants présentant des déficiences motrices avaient des difficultés cognitives spécifiques.

Pour compléter un peu ces observations chez l’enfant prématuré, je vous ai remis un article assez récent qui fait état de la prévalence des soins éducatifs par tranche d’âge gestationnel : comme vous vous y attendez, évidemment, plus le terme à la naissance est faible, plus les besoins éducatifs spécifiques sont importants.

Rentrons un peu plus dans le détail de quelques difficultés cognitives chez ces enfants-là : à Rouen, Aude Charollais et son équipe s’intéressent beaucoup au langage, et en particulier au développement du langage de l’enfant prématuré. Elle a fait faire une étude en interne sur le MAC ARTHUR dans des groupes d’enfants prématurés à 1 an et à 2 ans. Si on prend les items de compréhension à 1 an chez ces enfants qui sont nés grands prématurés avant 32 semaines, on se retrouve avec 90 % des enfants qui sont au-dessus du dixième percentile et 10 % qui sont inférieurs au dixième percentile.

Cela veut donc dire que l’âge corrigé semble, sur une petite série mais il faudrait le vérifier, influencer le langage en compréhension chez ces enfants-là. En revanche, si on considère la production chez ces enfants-là, à 2 ans, on observe que les résultats sont différents de ceux de la population des enfants de l’étalonnage, et on se retrouve avec 44 % d’enfants ayant une production insuffisante, en tout cas inférieure au dixième percentile.

Le prématuré nous aide à appuyer l’approche psycholinguistique de Betz concernant le développement du langage qui se base sur le fait que le nouveau-né a des habiletés, en particulier sensorimotrices, qui lui permettront de développer ultérieurement son langage, d’acquérir des compétences langagières en réception et en production, et plus tard de poser un jugement.

Ceci me semble très important parce que, grâce à l’étude EPIPAGE, nous avons pu montrer l’existence d’une association entre apprentissage, comportement, développement cognitif et troubles moteurs mineurs. Dans le cadre de l’étude EPIPAGE 1, nous avons réalisé un examen neuromoteur pour mettre en évidence des dysfonctions motrices mineures avec le test de TOUWEN. Vous voyez qu’il existe une très grande association avec les difficultés scolaires observées chez ces enfants : plus on trouve des anomalies simples, mineures ou complexes, plus le taux de difficultés scolaires augmente. Il en est de même pour les troubles du langage : on passe d’un taux de 17 % à 30 % de troubles du langage en cas de dysfonctions motrices mineures complexes. Les résultats sont identiques pour les scores de comportement, et en particulier l’hyperactivité.

Un autre point me semble intéressant pour illustrer la problématique des troubles des apprentissages chez l’enfant prématuré : l’étude qui vient de sortir et qui se sert des subtests du K-ABC et des tests mathématiques pour établir des niveaux de complexité des tâches cognitives, et les classer en tâches pas trop difficiles, modérément difficiles, ou très difficiles.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

18

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Ils ont établi des scores, fait des analyses statistiques sur des modèles, et ils ont pu observer que lorsqu’on considérait des tâches d’apprentissage d’un niveau de complexité relativement modeste qui faisaient appel à des fonctions très localisées sur le plan anatomique dans le cerveau, la situation des enfants nés grands prématurés était quasiment équivalente à celle des enfants nés à terme.

En revanche, si la complexité de la tâche croît de façon à nécessiter de nombreuses connexions pour mettre en lien diverses régions cérébrales entre elles, là, le grand prématuré se trouve en échec alors qu’il n’est pas déficient de façon globale sur le plan intellectuel. J’ai trouvé cette étude particulièrement intéressante pour illustrer la problématique des troubles des apprentissages chez ces enfants prématurés. Ces troubles sont effectivement largement au-devant aujourd’hui pour les néonatalogistes qui font du suivi de façon relativement prolongée, et nous obligent à prendre contact avec des personnes qui sont spécialisées dans les apprentissages, c’est-à-dire les centres de référence.

Le comportement, évalué par les questionnaires SDQ dans EPIPAGE 1 confirmait aussi ces difficultés comportementales, en particulier dans le domaine de l’hyperactivité : vous voyez qu’apparaissent des différences très significatives, avec beaucoup plus de risques d’hyperactivité, de troubles des conduites émotionnelles et des comportements sociaux chez les enfants nés prématurés.

En conclusion, vous avez vu que la prématurité est quand même un problème de santé publique. C’est surtout une situation à haut risque de difficultés cognitives spécifiques à l’origine des très fréquentes difficultés scolaires observées chez ces enfants-là. La particularité réside dans le fait que pour l’instant, on est vraiment confronté à de multiples difficultés cognitives spécifiques. Des études particulièrement bien faites sont menées, en particulier aux Pays-Bas, montrant que chez ces grands prématurés, dans plus de 50 % des cas, il existe plus d’une difficulté cognitive spécifique.

Aujourd’hui, nous observons encore des enfants présentant des déficiences motrices du type paralysie cérébrale, mais dans des grades de Palisano qui sont heureusement souvent très faibles, et les problèmes cognitifs spécifiques sont vraiment beaucoup plus difficiles à gérer que les problèmes de déficiences motrices globales. Cela justifie pour nous de mener des expertises et des évaluations précises des fonctions cognitives avec tous les intervenants que vous connaissez mieux que moi : psychologues, orthophonistes, psychomotriciens, orthoptistes. Cela constitue donc le seul moyen de proposer des actions de remédiation qui nous permettent de faire avancer ces enfants, l’idéal étant de proposer des actions de remédiation dans le cadre d’essais puisque nous sommes en insuffisance de preuves scientifiques dans le domaine des différents types de remédiation. Je vous remercie.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

19

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Patrick BERQUIN Neuropédiatre, Centre de référence Amiens

Merci, Stéphane. Je pense que c’est un exemple de ce que l’on peut appeler des enfants vulnérables : ce sont des enfants à risques de développer ultérieurement des troubles spécifiques. Il y en a d’autres. Je pense que le problème de la prématurité est très actuel avec EPIPAGE 2, et on voit que ce risque augmentera et qu’on retrouve à l’école des enfants à 6, 7, 8 ans, voire parfois plus tard au collège, que l’on considérait comme anciens prématurés allant bien parce qu’ils n’avaient pas de handicap moteur, avec des troubles spécifiques prédominant sur le langage ou sur les aspects logicomathématiques. Or quand on les évalue, on s’aperçoit que leurs difficultés ne sont pas limitées à un groupe de fonctions, mais touchent souvent l’ensemble du traitement de l’information. Nous allons prendre un autre exemple avec Anne de Saint-Martin, qui est responsable du centre de référence des troubles du langage et des apprentissages de Strasbourg. Elle s’est également beaucoup intéressée à l’épilepsie, et va nous parler de troubles spécifiques chez les enfants épileptiques.

Anne de SAINT-MARTIN Neuropédiatre, Centre de référence Strasbourg

Bonjour, je remercie les organisateurs de m’avoir invitée. Je vais essayer de vous parler rapidement d’épilepsies de l’enfant et troubles d’apprentissage. Ce sujet n’est pas simple, et je pense qu’il y aura là aussi des problèmes de vocabulaire, a priori, l’un semblant exclusif de l’autre quand on parle de « spécifique », mais nous rencontrerons des situations de comorbidité.

Il s’agit d’abord d’une maladie fréquente, plus fréquente chez l’enfant que chez l’adulte, avec des contextes neurologiques et des troubles du développement associés de sévérité extrêmement variable, et pour ces enfants, une grande fréquence des troubles de l’apprentissage scolaire, y compris chez des enfants d’intelligence normale. Voici un schéma qui montre une constellation des différentes maladies épileptiques, qui paraît très complexe mais qui fait apparaître des maladies de sévérité variable.

Si on considère l’intelligence de ces enfants de façon générale – et là réside toute la limite de ces études qui sont malheureusement très globales et très hétérogènes –, nous voyons que certaines maladies épileptiques sont accompagnées de déficiences sévères, et souvent des troubles neurologiques sévères, tandis que d’autres ne sont pas accompagnées de déficiences intellectuelles.

Nous nous focaliserons sur les épilepsies des enfants scolarisés, en élaguant petit à petit ce schéma.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

20

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Les maladies épileptiques schématisées ici représentent des épilepsies qui surviennent pour la plupart sur un cerveau normal, sans lésion associée avec peu de retentissement sur l’efficience intellectuelle générale, et des épilepsies également très particulières avec troubles cognitifs acquis. C’est à partir de ces modèles d’épilepsies avec troubles cognitifs acquis que beaucoup de neuropédiatres qui se trouvent dans la salle se sont intéressés aux troubles cognitifs.

Si l’on considère tous les facteurs qui sont impliqués dans les difficultés scolaires et comportementales de l’enfant épileptique, ils sont nombreux. Ce matin, M. Volkmar évoquait l’opposition entre l’abord neurologique neurocognitif et l’abord psychologique : je crois qu’elle est dépassée et qu’il est évident que, chez ces enfants, il faut prendre en compte tous les facteurs, à la fois environnementaux, de fonctionnement psychologique, mais également propres à l’épilepsie, au traitement et au fonctionnement cérébral.

Nous allons essayer de nous focaliser encore plus sur un modèle d’épilepsie fréquente chez les enfants en âge scolaire, puisqu’elle touche 20 % des enfants épileptiques. Cette épilepsie est particulière car, le plus souvent, ces enfants ne sont pas traités. Nous allons parler des conséquences cognitives directes qui sont maintenant connues, et évoquer les conséquences sur les apprentissages scolaires. Vous verrez que je dissocie les déficits cognitifs des troubles d’apprentissage. Puis nous traiterons de comorbidité avec les troubles spécifiques d’apprentissage.

Dans un deuxième temps, nous parlerons de troubles spécifiques d’apprentissage et anomalies électro-encéphalographiques au sommeil.

L’épilepsie à pointes centrotemporales, ou épilepsie à paroxysmes rolandiques, est fréquente – 15 % à 20 % des épilepsies de l’enfant –, et elle touche les enfants d’âge scolaire. Nous nous trouvons donc en plein dans la période des apprentissages. Les crises sont rares, nocturnes, donc elles interfèrent peu en journée. La guérison est spontanée, et souvent les enfants concernés ne sont pas traités, et il n’y a pas de lésions sous-jacentes. Il s’agit d’enfants dont l’efficience intellectuelle est normale. L’encéphalogramme est très particulier, avec la mise en évidence de pointes dans les régions rolandiques, d’où son appellation, et activées au sommeil, parfois de façon très importante. Le diagnostic est établi relativement facilement, et l’information donnée aux familles est en générale positive.

Cette épilepsie était initialement dite bénigne en raison de son évolution spontanée favorable, puis au cours des années 1990 et par la suite ont été mis en évidence des troubles ou des déficits cognitifs chez 15 % à 30 % des enfants – cela veut quand même dire que 70 % d’entre eux vont parfaitement bien. Toutefois, ces 15 % à 30 % d’enfants peuvent présenter une variabilité, une fluctuation des déficits dans le langage, dans les habiletés visuoconstructives, visuospatiales, les fonctions exécutives.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

21

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Les fonctions les plus vulnérables sont la mémoire à court terme et de l’attention. Une grande lenteur peut être constatée, ce qui ne pardonne pas à l’école, même chez un enfant intelligent. Plusieurs études ont mis en évidence un certain degré de corrélations entre troubles cognitifs et abondance des décharges de pointes au sommeil, ainsi que la présence de foyers lents, donc quand même l’idée de l’existence d’un impact direct du processus épileptique sur le développement.

Quelques études récentes d’imagerie fonctionnelle mettent en évidence une spécialisation différente des aires du langage chez les enfants atteints d’épilepsie à pointes centro-temporales, et notamment une bilatéralisation de la représentation des aires du langage en tâches de production, comme s’il existait une interférence entre la construction des réseaux du langage et l’activité épileptique, notamment au cours du sommeil.

En outre, plus récemment, une équipe de Bruxelles a mis en évidence une altération de la consolidation mnésique au sommeil. Le sommeil est essentiel pour l’apprentissage. Ces constatations coïncident avec la mise en évidence d’une modification du remodelage synaptique pendant le sommeil lent sous l’influence de l’activité épileptique au sommeil.

Nous comprenons donc peut-être mieux les mécanismes des difficultés d’apprentissage qui surviennent chez ces enfants. Les chiffres sont très variables, les études retrouvent 17 % à 41 % d’enfants avec des difficultés d’acquisition, du langage oral de haut niveau, du langage écrit, des compétences logicomathématiques, du graphisme et de la coordination pendant la phase active de l’épilepsie.

Il s’agit bien de difficultés d’acquisition, d’apprentissage, et non de troubles spécifiques d’apprentissage, mais nous imaginons qu’un cumul sur plusieurs années à l’école primaire pourra déboucher sur des difficultés de sévérité équivalente à un trouble spécifique d’apprentissage.

Mais nous pouvons également être confrontés à des enfants atteints d’épilepsie à pointes centrotemporales et d’un trouble spécifique d’apprentissage, et l’association n’est pas si rare – épilepsie rolandique et dyslexie ou dyspraxie, avec des troubles d’apprentissage qui persistent après la guérison de la maladie épileptique. Par ailleurs, nous suivons tous des familles dont un membre présentera une épilepsie rolandique, un autre une dysphasie, ou un cousin une dyslexie.

Prenons le problème à l’envers, et penchons-nous sur les troubles spécifiques d’apprentissage et les anomalies électro-encéphalographiques au sommeil. Lorsqu’on réalise de façon systématique – et cela n’est certainement pas une recommandation que l’on va faire, - un électroencéphalogramme (EEG) de sommeil chez les enfants avec dysphasie, près de 30 % d’entre eux présentent des pointes rolandiques au sommeil. Les mêmes résultats apparaissent chez des enfants avec troubles d’acquisition de la coordination. Aucun impact du traitement anti-épileptique n’a été démontré chez ces enfants. Il n’est donc pas justifié de réaliser des EEG systématiques chez les enfants ateints de trouble du langage, sauf en cas de régression cognitive et de tableau un peu inhabituel (troubles réceptifs sévères).

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

22

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

La question d’un substrat neurodéveloppemental proche entre troubles spécifiques du langage et épilepsie à pointes centrotemporales est soulevée.

Je conclurai à partir de ce modèle, que les situations de troubles cognitifs et d’apprentissage associés sont très fréquentes chez l’enfant atteint d’épilepsie et que les mécanismes en sont multiples. Là encore, ce sont des enfants à risque et il est important de reconnaître ces difficultés précocément, d’autant plus que l’épilepsie est souvent accompagnée d’un regard négatif, notamment dans le milieu socolaire. Il est donc très important d’évaluer et de prendre en charge pécocément en complément du suivi médicamenteux.

Je fais une petite digression sur l’organisation du CRTLA en Alsace : nous sommes un peu dissidents, puisque nous avons obtenu le financement d’un réseau d’unités d’évaluation pluridisicplinaires dans les services hospitaliers de Pédiatrie de chaque territoire de santé en Alsace, travaillant en lien avec les professionnels libéraux, avec les établissements médico-sociaux et scolaires du territoire. Ce réseau a pu voir le jour grâce à l’écoute de l’ARS qui a compris qu’il fallait, au-delà des troubles spécifiques d’apprentissage, des réponses pour les enfants avec handicap cognitif (épilepsie, anciens prématurés, autres pathologies neurologiques ou génétiques).

Je vous remercie.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

23

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Aude CHAROLLAIS Neuropédiatre, Centre de référence Rouen

Je remercie les divers orateurs conviés à cette commission qui visait à savoir, avec notre expérience depuis une petite dizaine d’années, si les missions des centres de référence des troubles de l’apprentissage ne servaient qu’aux enfants présélectionnés pour des troubles spécifiques du langage écrit, ou si notre qualité d’expertise multidisciplinaire servait à l’ensemble de la pédiatrie et des enfants présentant des pathologies développementales, des enfants que nous voyons régulièrement pour deux exemples extrêmement fréquents dans les centres de référence ainsi que dans les difficultés d’apprentissage. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Renée CHEMINAL Neuropédiatre, Centre de référence Montpellier

Je souhaite faire une remarque sur le suivi des anciens prématurés : cela dépend aussi des autres structures, si par exemple, ils sont vus de manière très régulière par le CAMPS – nous disposons d’un réseau très important mis en place à l’époque par M. Jean-Charles PICAUD qui est parti à Lyon sur le suivi des anciens prématurés. Quand j’ai donné les chiffres, dans les pathologies connues, nous avons des anciens prématurés avec souvent des pathologies motrices associées, et les autres enfants qui étaient suivis par le CAMPS, d’une certaine manière, pour chaque enfant, on oublie la prématurité. Je veux dire qu’à un moment donné, c’est un enfant avec ses difficultés scolaires, qui a été un prématuré et que nous prenons en charge en tant qu’enfant, en essayant de ne pas dire que c’est un ancien prématuré. Il y a une notion statistique et une notion individuelle. Je pense que les deux ne peuvent pas être mélangées. Par ailleurs, vous avez montré des cohortes globales, des images avec de l’imagerie cérébrale et de l’IRM fonctionnelle : est-ce que cela est prédictif d’un trouble particulier ?

Stéphane MARRET Néonataologiste, université de Rouen

Ces analyses ont été menées sur des populations d’enfants restreintes. Pour que ce soit prédictif, il faudrait les avoir effectuées sur des populations plus importantes. En outre, en routine, il est impossible de faire des IRM fonctionnels à tous ces enfants.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

24

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Aude CHAROLLAIS Neuropédiatre, Centre de référence Rouen

De façon individuelle, cela permet, par la qualité multidisciplinaire développée dans les centres de référence, d’accéder à une analyse précise pour chaque enfant, puis de comprendre au fur et à mesure ce qui permet l’intégration cérébrale, qu’elle soit prégénétique ou environnementale précoce. Je suis assez d’accord pour dire que dans l’environnement, on évoque les intégrations multisensorielles pour parler de difficultés.

Débat et échange avec la salle

Catherine BILLARD Praticien hospitalier, centre de référence Bicêtre

J’ai une remarque coquine à faire. Patrick, tu as commencé ton topo en disant que ce qui importait – tu sais que je suis d’accord avec toi –, c’étaient les troubles de l’enfant et non pas l’étiologie. Je suis totalement d’accord avec Aude, Anne et Stéphane : les pathologies neurologiques, lésionnelles ou épileptiques nous ont fait entrer dans les troubles cognitifs, et ceci est un élément important. Ma remarque coquine est que cela ne correspond qu’à un facteur de risque parmi tant d’autres et que sur le plan de la prévalence, c’est un tout petit facteur de risque sur l’ensemble des troubles des apprentissages. Nous avons mené, comme vous le savez, une étude épidémiologique sur les troubles de la lecture dans la ville de Paris, et les pourcentages d’antécédents de prématurité et d’épilepsie étaient très faibles. Cela ne veut absolument pas dire qu’il n’est pas extrêmement important de s’occuper des troubles cognitifs, mais je voudrais essayer d’éviter qu’il y ait une voie royale, qui serait que les enfants de 6 ans ayant une lésion cérébrale ou une épilepsie peuvent intégrer des structures, des centres référents avec des expertises, etc., ce qui est beaucoup plus difficile d’accès à d’autres enfants présentant d’autres facteurs de vulnérabilité comme le niveau socio-économique.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

25

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Patrick BERQUIN Neuropédiatre, centre de référence Amiens

Ce n’était pas le propos. C’était le contraire. Une des discussions était de savoir si ces enfants qui avaient des vulnérabilités, des facteurs de risques, parce qu’ils avaient des pathologies connues, anciennes, de prématurité ou d’épilepsie, devaient être exclus des centres de référence, de principe, parce qu’ils avaient ces problèmes-là. Nous en sommes d’accord : il existe de nombreux autres facteurs de risques, d’ordre social, etc. Nous avons précédemment évoqué le problème de la psychogénèse, tu as également travaillé sur les milieux défavorisés : les facteurs de risques qui conduisent aux troubles spécifiques des apprentissages, dont nous ne connaissons pas une étiologie mais qui sont certainement des facteurs multiples, sont très nombreux.

Catherine BILLARD Praticien hospitalier, centre de référence Bicêtre

Je le sais bien : vous avez complètement raison. Je voudrais juste qu’il soit entendu sur un plan de santé publique qu’il existe d’autres facteurs de risques qui peuvent être éclairés par ces facteurs-là mais qui sont, pour leur part, en revanche, en très grande difficulté d’accès aux soins.

Renée CHEMINAL Neuropédiatre, centre de référence Montpellier

Je voudrais rebondir sur ce que vient de dire Catherine : les enfants anciens prématurés ont souvent un suivi ; une cause n’est pas forcément exclusive ; dans les milieux sociaux défavorisés, on rencontre souvent la prématurité ; et il existe d’autres structures. Nous n’avons pas l’apanage des bilans pluridisciplinaires. Ainsi, les pédopsychiatres montpelliérains voient beaucoup plus de troubles de l’attention avec hyperactivité parce qu’il y a des problèmes de comportement, alors que nous voyons beaucoup plus des enfants présentant des troubles de l’attention sans hyperactivité. Il y a d’autres équipes : dans les CAMPS, en pédopsychiatrie…

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

26

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Gilles LELOUP Orthophoniste, Unité de dépistage des troubles des apprentissages, Neuilly-sur-Seine

Merci pour cette table ronde. Pour rebondir sur ce que disaient Catherine et Patrick Berquin sur la question de la classification et de l’étiologie, pour ma part, j’ai travaillé durant dix ans en neuropédiatrie chez M. Ponsot à établir des diagnostics différentiels pour savoir si les enfants étaient dyslexiques ou si leur problème était lié à l’épilepsie, et depuis trois ans, je suis dans le service de néonatalogie, ce qui a été très intéressant pour moi. Cela a reposé les questions de base, en tout cas pour les orientations thérapeutiques, sur le fait classification/étiologie. Il y a quand même une question à débattre aujourd’hui : le fait que nous soyons à peu près d’accord sur l’étiologie par exemple spécifique que l’on retrouvera et les marqueurs spécifiques que nous aurons dans des pathologies de troubles spécifiques du langage écrit par exemple. En effet, à mon avis, les orientations thérapeutiques ne sont pas les mêmes, quand on traite un enfant épileptique ou prématuré présentant des troubles d’apprentissage du langage écrit et un enfant dyslexique.

Patrick BERQUIN Neuropédiatre, Centre de référence Amiens

Je dirai oui et non. Certains enfants prématurés sont adressés aux centres de référence pour un trouble du langage écrit, et présentent tous les marqueurs spécifiques du langage écrit souvent associés à des troubles visiospatiaux et visioconstructifs : là, effectivement, ils seront pris en charge comme des enfants dyslexiques pour la partie relative au langage écrit, mais ils connaissent aussi souvent d’autres problèmes : logicomathématiques, visioconstructifs, qui nécessiteront d’autres types de prises en charge associées. Il n’existe pas de dichotomie. Je pense qu’il y a effectivement des enfants multidys, présentant différents types de problèmes. Tout dépend aussi de l’importance du bilan effectué, parce que bien sûr, si l’on ne s’intéresse qu’au langage écrit, on ne verra peut-être pas forcément ce qu’il y a à côté.

En outre, les situations sont multiples : nous voyons des enfants vivant dans des milieux sociaux très défavorisés – je suis dans le Nord, une région où l’on voit malheureusement beaucoup d’alcoolisme, et même chez les enfants ne présentant pas un syndrome d’alcoolisme fœtal, on sait très bien que la mère a bu pendant la grossesse, que du coup, l’enfant est né prématuré dans un milieu social défavorisé, qu’en plus il y a des problèmes de violence à la maison, et que l’ensemble de tous ces facteurs, sans que la part respective de chacun puisse être déterminée, conduit à une vulnérabilité puis à des problèmes d’apprentissage scolaire.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

27

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Renée CHEMINAL Neuropédiatre, Centre de référence Montpellier

Cela pose finalement le problème des autres niveaux de diagnostic. On parle de centres référents et malheureusement, ils sont embouteillés parce que d’autres niveaux de diagnostic manquent. Peut-être s’agit-il là d’un problème majeur à traiter avant de s’interroger sur la place des centres référents, qui ne s’adressent pas à tous les enfants. Je pense qu’il faut peut-être passer à la phase suivante.

Émilie GAILLARD Responsable de projets, La Fondation motrice

Je rejoins la remarque de monsieur, et je dirai que nous ne pouvons pas non plus nous épargner totalement une réflexion sur l’étiologie au niveau du diagnostic, car les méthodes de diagnostic ne sont pas forcément les mêmes, en particulier pour ceux très précoces. Par ailleurs, la Fondation motrice s’intéresse essentiellement à la paralysie cérébrale, et j’aimerais vous entendre sur les difficultés que peuvent poser les troubles moteurs dans l’évaluation fine cognitive. En effet, nous avons l’impression que cela est tout à fait naturel, qu’il suffit que l’enfant entre dans le centre de référence pour avoir un diagnostic aussi fin que s’il n’avait pas de troubles moteurs. Merci.

Patrick BERQUIN Neuropédiatre, Centre de référence Amiens

Je pense qu’aucun diagnostic n’est facile pour les acteurs des centres de référence, d’où la création d’équipes pluridisciplinaires. Il existe encore des situations où, après avoir effectué un bilan pluridisciplinaire avec le psychomotricien, le neuropsychologue, l’orthophoniste et le psychologue, puis la synthèse, nous avons du mal à conclure. Il faut se donner du temps et revoir l’enfant. Je ne pense pas que le propos soit de simplifier les choses : les enfants sont complexes, les facteurs étiologiques sont multiples. Il n’est pas non plus possible de multiplier des bilans qui prennent beaucoup de temps, et nous savons pourtant parfaitement que plus nous cherchons, plus nous pourrons trouver des difficultés. Poser un diagnostic, même d’un trouble du langage écrit, n’est pas simple.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

28

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Quant à la place des centres de référence, nous ne pouvons pas voir tout le monde. Le taux de prévalence va de 1 à 10, mais nous sommes quand même dans des prévalences de l’ordre de 6 %, 8 %, 10 % de la population. Il est inimaginable d’envoyer 6 % ou 8 % de la population d’une région dans un centre de référence. La question de la sévérité ou de la complexité entre alors en jeu. Mais pour que les centres de référence ne puissent voir que les enfants les plus sévères ou complexes, il faut que soient organisés en amont, dans le parcours de soins, des repérages, des dépistages, des prises en charge de niveaux 1, 2, 3, mais ceci est le sujet d’une autre table ronde.

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

Je vous remercie pour cette table ronde, et rappelle la question qu’a posée Claude Volkmar en introduction et qui nous réunit. Qui sont les enfants DYS, ces enfants qui ont des troubles spécifiques ? Devons-nous aborder la question de la spécificité de ces troubles en les rapprochant d’autres pathologies neuropédiatriques où existent évidemment des facteurs étiologiques ? L’étiologie cognitive n’est-elle pas une étiologie à elle toute seule ? Que veut dire « spécifique » ? Un trouble spécifique de la fonction praxique est un trouble qui relève uniquement, pour l’instant en tout cas, de la fonction praxique, et si nous ne pouvons encore mettre en évidence une lésion ou une épilepsie ou un autre facteur étiologique avéré chez ces enfants, ils ont leur place à l’hôpital et relèvent de notre expertise. Il est important de rappeler que l’arrivée des enfants DYS à l’hôpital nous a fait considérablement progresser en terme d’expertise cognitive.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

29

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

2EME TABLE RONDE

Parcours de soins, répartition régionale des structures de niveaux 1, 2 et 3 et partenariat avec les MDPH

Anne DENEUVILLE, Orthophoniste, Centre de référence Rennes Jacques GENESTE, Pédopsychiatre, Centre de référence Clermont-Ferrand Catherine ISSERLIS, Pédopsychiatre, ARS Île-de-France Ann Claude QUERO-LE-JEAN, Fédération nationale des réseaux TSLA Véronique LE MEZEC, Psychologue EN, présidente AFPEN

Anne DENEUVILLE Orthophoniste, Centre de référence Rennes

Je vous propose de poursuivre en démarrant ce second atelier, qui a pour thème : « La répartition régionale des structures de niveau 1, 2 et 3 », telle qu’elle a été évoquée lors des 1res assises qui datent maintenant d’un an et demi. Nous aborderons également le partenariat, en particulier avec l’Éducation nationale et la MDPH.

Je vais commencer par vous transmettre les résultats du questionnaire que nous vous avons envoyé, Jacques Geneste et moi-même, et auquel vous avez été très nombreux à répondre, et même assez rapidement, ce dont je vous remercie. En effet, j’ai reçu vingt-cinq réponses rapides, ce qui témoigne de la forte mobilisation des centres de référence autour de cette question de la répartition du parcours de soins en niveaux 1, 2 et 3. Il y a également une forte adhésion au modèle proposé puisque tous les centres de référence ont dit trouver ce modèle pertinent et n’ont pas formulé de contre-proposition.

Dix-sept centres de référence déclarent avoir déjà mis en route un travail d’identification de ces niveaux, généralement sous l’égide de l’ARS. J’ai juste signalé les plus aboutis parmi les réponses que j’ai reçues. Dans la seconde partie du questionnaire, vous étiez interrogés sur les liens mis en place avec les partenaires : dix-neuf déclarent avoir déjà mis en place des liens réguliers et formalisés avec les partenaires ; seuls six centres de référence entretiennent uniquement des liens informels, en particulier avec des courriers. Un travail de régularisation et d’identification des niveaux est donc déjà bien entamé.

Vous étiez ensuite interrogés sur les freins que vous ressentez à la mise en place de ce parcours 1, 2, 3. Nous vous en avions proposé trois : aucun autre n’a émergé dans les réponses. Le premier frein proposé était d’ordre financier, qui est en effet identifié par vingt d’entre vous comme un frein important à la mise en place des structures de niveau 2 ou du parcours 1, 2, 3.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

30

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

En particulier est citée plusieurs fois l’absence de rémunération pour les temps de coordination (les équipes éducatives, les réunions de synthèse).

Le second frein évoqué, la diversité des champs théoriques reste un problème pour la moitié d’entre vous.

Nous évoquions, enfin, le comportement des usagers, en particulier de la MDPH qui peut adresser des enfants aux centres de référence pour demander des informations que d’autres professionnels pourraient peut-être, être déjà à même de leur fournir. Cela reste un problème pour quasiment la moitié des centres de référence, et je pense que nous aborderons plus particulièrement cette question un peu plus tard, avec, entre autres, deux de nos invités, Véronique Le Mezec et Catherine Isserlis.

Nous vous avions demandé quels professionnels vous identifiez à chaque niveau, et pour faire quoi.

Dans l’ensemble des réponses que nous avons reçues, nous voyons apparaître clairement deux types de réponses assez différentes, avec, peut-être, un premier modèle qui identifie au niveau 1 les missions de repérage et de dépistage, au niveau 2 une mission de diagnostic simple, et au niveau 3 les diagnostics complexes, la formation et la recherche (cela concerne onze réponses sur les vingt-cinq reçues). D’un autre côté, quatorze réponses sur vingt-cinq, soit un petit peu plus de la moitié, attribuent au niveau 1 des missions de repérage, de dépistage mais aussi de diagnostic et de prise en charge simple, et identifient le niveau 2 comme ayant des missions de diagnostic, et de prise en charge pluridisciplinaire, ainsi que des missions de coordination et de formation. À la question : « Un niveau 3 pour faire quoi ? », apparaissent alors les diagnostics les plus complexes – j’ai mis « complexes complexes » –mais aussi des missions de formation et de recherche. Du coup, les professionnels qui sont ciblés pour chacun des niveaux peuvent être différents dans les deux « modèles » qui émergent. En particulier, les pédopsychiatres et les psychologues scolaires figurent au niveau 2 dans le modèle 1, et au niveau 1 dans le modèle 2, lequel comprend essentiellement, au niveau 2, des équipes pluridisciplinaires d’hôpital général, des CAMPS, des réseaux ou des pédiatres de ville, avec un réseau informel de paramédicaux de ville.

La première question sur laquelle nous pourrions essayer de débattre tout à l’heure serait de savoir s’il existe vraiment deux modèles différents parmi nous, et si tout le monde met la même chose sous les niveaux 1, 2, 3 et sous chacun des niveaux. Peut-être la question qui vous était posée était-elle un peu ambiguë et pouvait-elle être comprise de différentes façons : certains ont répondu en décrivant l’existant, c’est-à-dire peut-être souvent l’absence des niveaux 2, alors que d’autres ont répondu en citant le souhaitable avec de réels niveaux 2, de vrais réseaux et de vraies équipes pluridisciplinaires de consultation.

Madame Cheminal a précédemment parlé d’embouteillage : j’ai utilisé exactement le même mot pour essayer d’aller un peu plus loin dans l’analyse de ces deux modèles. Il est possible que le niveau 1 connaisse assez vite des embouteillages si toutes les situations complexes vont au niveau 3, et tel est peut-être justement le reflet de la situation actuelle.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

31

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Quant au second modèle, il pose aussi quelques problèmes : d’abord, quelle est la différence entre une équipe pluridisciplinaire qui fait des bilans pluridisciplinaires et des synthèses de niveau 2 et une équipe pluridisciplinaire qui fait des bilans pluridisciplinaires et des synthèses de niveau 3 ? Finalement, quelle est la spécificité du centre de référence ? Je suis revenue sur les missions des centres de référence de niveau 3 pour essayer de donner la carte d’identité, ce qui identifie et ce qui est spécifique aux missions de niveau 3.

Qu’est-ce qu’un diagnostic « complexe complexe » ? L’équipe de niveau 3 doit elle refaire les mêmes bilans que le niveau 2 en essayant d’y voir plus clair ? Faut-il imaginer une autre offre de travail ? Peut-on imaginer uniquement quelques bilans complémentaires ? Peut-être des propositions de staffs aussi ? En tout cas offrir un travail différent plutôt que de recommencer ce qu’aurait fait un niveau 2 existant ?

Le terme « recherche » revient dans toutes les réponses pour identifier le niveau 3. Mais généralement pour regretter le trop peu de temps qu’il est possible de lui allouer.

J’ai très fréquemment retrouvé le mot « coordination » pour définir les missions à la fois de niveaux 2 et 3. La question est de savoir s’il s’agit de la même coordination : est ce que le niveau 2 peut avoir pour mission la coordination des soins pour un enfant, alors que le niveau 3 se chargerait peut-être de la coordination des soins dans le territoire régional. Il en est de même pour la formation : j’ai vu ce mot spécifié à la fois pour des missions de niveaux 2 et 3. Sans doute les deux niveaux participent-ils aux formations, mais peut-être la carte d’identité du niveau 3 intègre-t-elle l’organisation de l’offre de formation au niveau régional.

Enfin, dans les réponses que nous avons reçues, pour les régions où existent déjà des niveaux 2, il apparaît que le centre de référence régional fonctionne en partie comme un niveau 2 local dans son bassin d’influence, et en partie comme un niveau 3. Ce qui peut soulever la question suivante : faut-il finalement préciser le pourcentage et l’organisation entre ces deux fonctionnements d’une même équipe ?

Voilà quelques questions qui peuvent apparaître à la lecture des réponses et dont nous pourrions débattre lors de la discussion, à la fin de l’atelier.

Je vous remercie.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

32

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Ann Claude QUERO-LE-JEAN Fédération Nationale des Réseaux TSLA

Bonjour à tous. Je représente aujourd’hui la Fédération Nationale des Réseaux de Santé des Troubles du Langage et des Apprentissages (FNRSTLA), qui est une jeune fédération puisqu’elle existe depuis 2011. Je vous parlerai principalement du niveau 2, de la coordination et des attentes du niveau 2 à l’égard du niveau 3.

Voici une petite cartographie des réseaux existant en France sur cette thématique. Comme vous le verrez, la répartition est relativement inégale. Nous sommes une dizaine à l’heure actuelle sur ce modèle d’organisation qui semble pouvoir répondre pour partie en tout cas à certaines questions que vous avez abordées ce matin.

Les objectifs de la Fédération sont les suivants : travailler pour faire connaître le modèle d’organisation en réseau de santé pluridisciplinaire, et sur la reconnaissance des besoins spécifiques des enfants présentant des troubles spécifiques des apprentissages, tout en contribuant au niveau politique à organiser l’offre de soins la plus adaptée possible, que ce soit au niveau local, régional ou national.

Un petit mot pour vous dire que nous organisons notre premier colloque le 10 octobre prochain à Paris. Vous recevrez le programme ultérieurement.

En préambule, je vous propose une petite définition des réseaux de santé : ils sont inscrits dans la loi depuis un peu plus de dix ans maintenant, et leur objet est bien de favoriser l’accès aux soins, la coordination autour des patients en situation complexe, la continuité et l’interdisciplinarité, soit un certain nombre de questions qui ont déjà été abordées ce matin.

Pour ma part, j’évoquerai des éléments très concrets sur l’organisation de proximité du parcours du patient.

Voici un petit schéma qui explique bien où se situe la cellule de coordination dans un réseau de santé. Un réseau de santé est un ensemble d’acteurs qui décide de travailler ensemble sur une problématique précise. Pour ce faire, ils disposent de moyens dédiés, et en l’occurrence une équipe d’appui à la coordination. Il s’agit donc d’une équipe salariée, et l’ensemble des acteurs que vous voyez autour sont tous les acteurs susceptibles d’intervenir dans un réseau de santé – en l’occurrence, c’est très général puisque cela concerne tous les réseaux possibles. Nous voyons bien que le patient se situe au centre. La question qui se posera dans le cas des troubles des apprentissages est davantage celle du médecin traitant, les enfants n’étant pas soumis au parcours de soins coordonnés. Il s’agit donc d’identifier le médecin référent autour des troubles spécifiques des apprentissages puisque le médecin généraliste n’est pas nécessairement le plus approprié.

Dans le cadre du travail en réseau, il convient de distinguer deux niveaux de coordination et là, cela rejoint les propos tenus par Anne : la coordination d’appui aux professionnels de santé de premier recours sur l’organisation du parcours de santé coordonné de l’enfant et la coordination des acteurs de santé, qui peut se situer à la fois à l’échelle locale mais aussi régionale, je pense, sur l’organisation de l’offre de soins de façon générale.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

33

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

L’idée de la coordination des acteurs est de rompre l’isolement des professionnels de santé libéraux, de participer à la diffusion d’une culture commune sur la thématique en l’occurrence, les troubles spécifiques des apprentissages : quels sont ces troubles ? Comment accompagner les enfants ? La formation des professionnels de premier recours et éventuellement de deuxième niveau dans l’ensemble du territoire d’action du réseau est nécessaire. Tout cela est réalisé avec des outils d’harmonisation des pratiques, les réseaux ont des financements dédiés pour tout ce qui est concertation pluridisciplinaire, prestation dérogatoire (ergothérapie, psychomotricité, neuropsychologie par exemple) pour faciliter l’accès aux soins des patients.

Nous retrouvons un petit schéma qui reprend l’ensemble des professionnels pouvant intervenir dans un réseau, sachant que les freins que rencontrera le réseau seront très variables d’un territoire à un autre : certains acteurs sont très vite mobilisés dans un réseau alors que pour d’autres, cela prendra plus de temps. Par conséquent, il va falloir tisser une relation de confiance, et cela prend du temps, les cultures étant très différentes. L’objectif du réseau est bien d’être à l’interface de toutes ces cultures et ces temporalités différentes pour faciliter la mise en relation des professionnels au bénéfice de l’enfant et de sa famille.

Pour ce qui est la coordination des parcours des enfants en situation complexe, nous devrons mener un travail en matière de terminologie : qu’est-ce que la complexité aujourd’hui ? Ce n’est pas forcément la sévérité. Nous devons nous poser ces questions. L’idée est bien de mettre en cohérence, en lien, l’ensemble des professionnels qui interviennent auprès de l’enfant pour éviter les redondances de bilans, les consultations spécialisées qui se multiplient, parfois à une semaine d’intervalle. Je pense que vous connaissez tous ces situations dans votre pratique, et je ne jette la pierre à personne : les parents oublient de dire qu’ils ont vu le neuropédiatre il y a une semaine et qu’ils rencontrent le pédopsychiatre la semaine suivante. Il s’agit donc de réfléchir aussi aux outils et aux moyens qu’on se donne pour éviter cela.

Voici l’exemple d’une petite fille que nous avons accompagnée au réseau : son parcours était tellement compliqué quand elle est arrivée, qu’il m’a fallu faire un schéma. Quatorze consultations spécialisées avec des professionnels différents en quelques années seulement : là apparaît clairement l’intérêt d’une coordination de niveau 2. Imaginez le parcours pour ses parents qui se sont retrouvés à aller à droite et à gauche, en ne sachant pas toujours pourquoi on leur disait d’aller voir une psychomotricienne par exemple : ils y vont, ne sachant pas forcément ce qu’elle fait. La différence entre neuropédiatre, pédopsychiatre ou autre n’est pas nécessairement claire pour les familles. Nous devons donc également mener un gros travail d’information et de sensibilisation des parents.

Depuis peu, nous disposons d’un outil incontournable dans le cadre des réseaux : le Projet Personnalisé de Santé, à ne pas confondre avec le projet personnalisé de scolarité qui peut faire partie du projet personnalisé de santé. C’est une vision synthétique du parcours du patient, une programmation des actions thérapeutiques ou autres qui seront effectuées pour ce patient en accord avec la famille et les professionnels qui interviennent ou qui sont intervenus. Il comprendra à la fois un plan d’aide, un plan de soin – j’ai mis un point d’interrogation face à « éducation thérapeutique du patient » parce que je crois que c’est une question qui doit se poser pour ces enfants. Nous voyons bien la souffrance des familles, leur besoin de conseils, d’accompagnement. Je pense que ce sont des questions que se posent aujourd’hui d’autres collègues de réseaux.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

34

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Voici un exemple de dossier. Nous avons parlé de système d’information. Aujourd’hui, nous mettons en place un dossier patient informatisé accessible aux professionnels par login et mot de passe sur une plate-forme sécurisée, ce qui permet aux professionnels de renseigner le dossier en temps réel et de voir ce qui a été renseigné par leur collègue neuropsychologue qui a vu l’enfant le matin, mais aussi de recueillir un certain nombre d’informations statistiques voire épidémiologiques. Ce dossier sera prochainement mis en placeen Côte d’Armor. Nous avons pu d’ores et déjà échanger avec les centres de référence, et je pense qu’ils sont intéressés par ce dossier. Son intérêt réside dans le fait que les professionnels libéraux qui ont participé au groupe test nous ont déjà posé la question de la possibilité d’utiliser ce dossier patient pour des enfants accompagnés hors réseau. Il s’agit vraiment d’un outil de communication et de synthèse qui, à mon avis, peut aussi vous intéresser et sur lequel nous avons intérêt à travailler pour éviter les pertes d’informations et les errances des familles dans le système.

Le niveau 2 correspond bien, pour nous, à un dispositif d’évaluation et de recours pour les professionnels de santé de premier recours. Nous nous situons donc peut-être davantage dans le deuxième schéma, c’est-à-dire que le premier niveau peut faire du diagnostic simple, le deuxième niveau intervenant en appui quand le cas est compliqué pour de multiples raisons. Les plus-values sont les suivantes : on analyse et on centralise des demandes ; on essaie de comprendre le parcours, ce qui s’est passé, pourquoi cette famille nous arrive, quelles ont été les ruptures dans ce parcours et comment les expliquer ; on se met en lien avec l’ensemble des professionnels qui intervient ou est intervenu. L’idée est de toujours dialoguer, confronter les points de vue, échanger avec la famille et l’ensemble des professionnels, y compris les équipes pédagogiques, et éventuellement solliciter des expertises du niveau 3 pour les situations complexes.

Un petit rappel : la coordination de niveau 2 ne se décrète pas. Cela nécessite une volonté d’acteurs sur un territoire, sinon cela ne fonctionnera pas. Nous sommes à l’interface de la prévention, du soin, de l’ambulatoire, de l’hospitalier, du médico-social, du social et de l’éducatif. La coordination a besoin de moyens dédiés, sous peine de s’épuiser, car c’est un métier en soi. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui, des contenus de formation se développent spécifiquement sur ces questions-là. Il convient de disposer de moyens en compétences mais aussi en prestations particulières parce que sinon, les gens s’épuiseront. En outre, nous voyons bien que l’accès aux soins en ergothérapie, psychomotricité, neuropsychologie ou psychologie se fait en institution, sinon les familles n’y ont pas accès, exception faite de celles qui peuvent les financer toutes seules.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

35

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

S’agissant de nos attentes à l’égard du niveau 3, pour la Fédération nationale, elles engloberont :

l’élaboration partagée de contenus de formation spécifiques – je pense que nous avons intérêt à travailler ensemble sur ce point : en tant que réseau, nous, nous connaissons les professionnels de proximité et leurs besoins sur les territoires ; vous, vous avez l’expertise ; donc ensemble, nous devons pouvoir travailler pour proposer des contenus de formation qui soient adaptés aux besoins spécifiques de chaque territoire et des professionnels de santé ;

une veille sur l’actualité scientifique nationale et internationale – nous en avons également parlé ce matin : sincèrement, nous n’avons pas le temps, et ne disposons pas nécessairement non plus des compétences ; nous attendons donc de vous cet aspect-là ;

le développement de la recherche – nous avons des patients et là aussi, il y a moyen de travailler ensemble sur des modèles de recherche ; nous avons commencé à l’envisager en Bretagne avec le centre de référence ;

l’appui diagnostique clinique sur des situations « complexes complexes » ; la participation à des groupes d’analyse des pratiques – nous évoquions précédemment les

staffs ; là aussi, nous avons commencé à évoquer l’idée de staffs de centre de référence déconcentrés, qui permettent aussi de mobiliser les équipes des centres de référence sur les territoires, à proximité des professionnels de santé, afin que ceux-ci comprennent mieux les missions des centres de référence et puissent aussi solliciter les professionnels et acquérir de l’expertise via des échanges sur des situations ;

la diffusion et l’élaboration partagée de recommandations de bonnes pratiques – cela est important : vous avez une reconnaissance, une légitimité vis-à-vis des professionnels de santé ; nous devons donc également travailler ensemble à l’élaboration d’outils et de recommandations pour faire évoluer les pratiques sur le terrain en proximité des familles ;

et enfin, des actions de sensibilisation des pouvoirs publics aux besoins de cette population – il reste encore beaucoup de travail à faire sur cette question.

Je conclurai en disant que cette articulation à trois niveaux nous semble pertinente.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

36

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Véronique LE MEZEC Psychologue EN, Présidente de l’AFPEN

Bonjour et merci pour cette invitation à cette table ronde. Je suis psychologue, et je travaille dans l’Éducation nationale, sur un secteur de dix-sept écoles élémentaires et maternelles de campagne, ce qui représente 2 500 élèves. Je suis également présidente de l’AFPEN (Association française des psychologues de l’Éducation nationale).

Le métier de psychologue dans l’Éducation nationale existe depuis 1946. Actuellement, il y a 3 700 postes dans le premier degré de l’enseignement public, avec 400 postes non pourvus. Notre association a été créée en 1962 avec pour objectif le soutien de la psychologie et des psychologues en milieu scolaire. Elle organise tous les deux ans un congrès associatif et scientifique. Le prochain se tiendra en septembre à Nice, et je vous y convie.

Par ailleurs, nous éditons une revue trimestrielle qui s’appelle Psychologie & éducation, et qui aborde de nombreuses thématiques dont les troubles du langage et la dyslexie.

J’ai été invitée comme intervenante potentielle du niveau 1, donc un exemple de profession intervenant dans le niveau 1, avec la question suivante également : comment travailler au mieux entre centres de référence et psychologues de l’Éducation nationale ou professionnels de niveau 1 ?

Je m’appuie aussi sur des réponses que m’ont données des adhérents auxquels j’ai transmis ces questions et qui représentent à peu près sept régions. Je vous propose quatre axes de réflexion : tout d’abord clarifier les places, les rôles et les missions des uns et des autres ; ensuite, définir le partenariat ; puis, repérer les attentes, ce qui fonctionne, ce qui dysfonctionne ; et enfin, quelques propositions.

1. Clarifier les places, les rôles et les missions des uns et des autres

Tout d’abord, l’école est le lieu des apprentissages structurés et, par là même, le lieu où émergeront les difficultés potentielles liées à l’acquisition du langage oral et écrit par les enfants. En cas de difficulté, l’école répondra tout d’abord par ses ressources internes, donc l’enseignant en premier lieu, l’équipe enseignante, le psychologue, les enseignants spécialisés des réseaux d’aide, les infirmières et les médecins. Elle se tournera ensuite plus ou moins rapidement, parfois très rapidement, voire avant de solliciter les ressources internes d’ailleurs, vers des partenaires extérieurs que sont les orthophonistes, les médecins de famille, les pédiatres, les pédopsychiatres, également des structures comme les CMP, CMPP et CAMPS. Nous noterons que les psychologues libéraux sont très peu proposés puisqu’ils ne sont pas remboursés en France. Les centres de référence seront contactés dans un troisième temps, si besoin, et pas de façon directe. À chaque étape bien sûr, les parents seront les premiers interlocuteurs et partenaires.

L’aide aux enfants en difficulté fait partie des projets ministériels de l’Éducation nationale, et ce depuis très longtemps, donc une attention est portée tout d’abord aux cadres d’apprentissage d’une façon institutionnelle, avec la possibilité de réponse quand il y a demande d’aide, et avec une attention également portée aux risques d’effets iatrogènes.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013 37

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Parmi les personnels qui peuvent apporter les aides figurent les psychologues qui sont choisis ici comme intervenants de niveau 1, mais j’ajouterai aussi comme facilitateurs de niveaux 2 et 3.

Dans l’école, les missions des psychologues sont très variées. Les centres de référence connaissent bien les bilans psychologiques, mais ceux-ci ne constituent qu’une toute petite partie de leurs missions. Les psychologues interviennent auprès des enfants, des familles et des enseignants en fonction des situations rencontrées.

Par conséquent, ils prévoiront des réunions avec les enseignants ou plus largement avec l’équipe enseignante, des entretiens avec les parents, des entretiens, des suivis ou des bilans psychologiques avec les enfants. Ils interviennent aussi auprès des partenaires avec l’accord des familles pour un travail de lien, de partenariat et d’échanges.

Plus institutionnellement, ils interviennent auprès des écoles, donc dans une aide à l’élaboration et à la réflexion de projet d’école, d’intervention en situation de crise, de participation aux réunions des équipes éducatives, de suivi de scolarisation, de conseils de cycles, de maîtres et d’école. Ils couvrent donc les domaines allant de la prévention aux difficultés, à la prise en charge et à l’accompagnement jusqu’au handicap.

2. Définir le partenariat

Le partenariat concerne des personnes ou des collectivités qui ont des intérêts en commun, à savoir ici l’enfant, et en particulier la compréhension de ses difficultés et la mise en place de projets qui favoriseront le changement. Cette notion de partenariat englobe aussi celle d’égalité des partenaires. Tout d’abord, quelles sont les implications quels que soient les partenaires ? Bien sûr, cela ne concerne pas que les centres référents et les psychologues, c’est beaucoup plus large, mais il est important d’avoir ces éléments à l’esprit pour pouvoir organiser le travail ensemble. Il s’agit tout d’abord de se connaître donc de se rencontrer, car il y a une hétérogénéité de fonctionnement et de références théoriques et cliniques – c’est d’ailleurs ce que nous avons pu entendre lors de la précédente table ronde –, ainsi que des différences de culture institutionnelle entre l’Éducation nationale et la santé par exemple et entre les partenaires. Par conséquent, il y a des différences d’un centre du langage à l’autre, et aussi en lien avec les différentes conceptions et définitions des troubles du langage et des apprentissages, mais aussi d’un psychologue à l’autre en lien avec le terrain où il intervient et les différents champs de la psychologie. Il s’agit donc de pouvoir se respecter pour être en capacité de s’entendre et s’écouter, de se coordonner avec la recherche d’une complémentarité des interventions de même type de professionnels – en particulier par exemple, se demander ce qu’a fait le psychologue de l’école et ce que peu(ven)t faire le(s) psychologue(s) du centre référent. Il s’agit d’énoncer et de pouvoir clarifier les conditions qui sont nécessaires pour pouvoir travailler ensemble. Certains écueils devront être évités, comme la rivalité, le déni, le rejet, la disqualification, les projections et les interprétations.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

38

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Il s’agit aussi de prendre en compte la souffrance et ses effets, des enfants bien sûr, des parents, mais aussi celle des professionnels qui peuvent souffrir de cette souffrance, avec des effets défensifs qui peuvent altérer la communication, le partenariat et les prises de décision. Il s’agit donc de pouvoir construire, coconstruire le « travailler ensemble ».

3. Repérer les attentes, ce qui fonctionne, ce qui dysfonctionne

Il se peut qu’il n’y ait aucune attente, que l’on soit dans des fonctionnements totalement disjoints entre centre référent et psychologue de l’Éducation nationale. Les psychologues qui se sont exprimés et dont j’ai pu recueillir les avis énoncent un désir de travailler ensemble.

Cela fonctionne quand les équipes se sont rencontrées avant et se rencontrent régulièrement, lorsque les échanges peuvent se faire entre professionnels avec respect des compétences et des places de chacun, quand la définition retenue pour les troubles du langage est multidimensionnelle et pluriprofessionnelle.

Cela fonctionne aussi lorsqu’il y a des lieux, des possibilités de rencontres et d’échanges sur des situations en amont de la consultation en centre référent.

Cela dysfonctionne lorsqu’il peut y avoir ce qui peut être pris comme des injonctions – par exemple, aller voir le psychologue de l’école pour qu’il fasse un QI ; nous pouvons effectivement nous demander pourquoi une institution ferait des injonctions à une autre institution.

Par ailleurs, le psychologue de l’Éducation nationale peut ne pas juger pertinent pour cet enfant-là d’être intervenu par un bilan psychologique suivant le contexte du terrain. Il ne connaît pas non plus tous les enfants de son secteur. Cela résulte aussi d’une méconnaissance des missions des psychologues et du bilan psychologique : le bilan psychologique ne se réduit pas à une passation de tests. Là-dessus, nous pouvons donc nous appuyer sur les recommandations de la conférence de consensus sur l’examen psychologique de l’enfant et de l’adolescent. Cela dysfonctionne également quand il n’y a pas d’échanges entre les professionnels, ou quand une seule dimension est prise en compte – par exemple, la dimension médicale seule.

Quelles sont les attentes des psychologues de l’Éducation nationale par rapport aux centres référents ? C’est tout d’abord permettre une meilleure compréhension de l’enfant, de ses difficultés, et des aides à apporter pour des situations qui bloquent et qui, après des temps d’aide, de remédiation, de consultation auprès de différents professionnels continuent à achopper, pour lesquelles il n’y a pas de changement. C’est aussi l’intérêt d’analyses complémentaires et de prise de recul par rapport à l’école. C’est l’apport de regards et de connaissances spécifiques, et la possibilité aussi d’avoir des informations et des formations peut-être.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

39

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

4. Quelques propositions

Entre les psychologues de l’Éducation nationale et les centres référents, tout d’abord, il convient de pouvoir se rencontrer, se connaître, échanger, se respecter. Ce temps-là peut paraître perdu au départ, mais en réalité, c’est un temps gagné puisqu’il permettra d’éviter les écueils qui ont pu être énoncés auparavant.

La proposition peut être faite par les centres référents, quand cela paraît intéressant, de prendre contact avec le psychologue de l’école en ouvrant, en ne fermant pas par une demande spécifique de QI, ce qui permettra de pouvoir prendre en compte la situation dans sa globalité et peut-être d’apporter d’autres types de réponses que celui auquel le centre référent peut penser.

Entre l’Éducation nationale et les centres référents, c’est tout d’abord redonner au pédagogique sa valeur dans la compréhension, la prévention, le repérage et l’aide aux difficultés d’apprentissage. C’est donc revaloriser le métier de pédagogue, d’enseignant. Se pose aussi la question de la formation initiale et continue, la possibilité d’échanges, de temps d’échanges entre les professionnels, d’organisation – ici de la classe, des rythmes d’apprentissage, des programmes. C’est aussi la question du soutien aux enseignants, et en particulier, nous voyons l’intérêt de l’apport des enseignants spécialisés des centres référents auprès de leurs collègues des classes.

Autrement, le risque est que l’enseignant puisse se sentir dessaisi de la situation d’un enfant, ou alors qu’il ne s’implique plus parce qu’il entend dire que l’enfant souffre d’un trouble. La dimension médicale qui est liée à la notion de trouble deviendra alors prégnante, et l’enseignant ne se sentira plus apte à pouvoir répondre de façon suffisamment adaptée. Ce sont aussi des réunions à prévoir avec les enseignants et la participation aux réunions des équipes éducatives quand cela est possible. Enfin, je dirai que c’est aussi plus largement considérer chaque enfant dans sa singularité. Je vous remercie.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

40

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Catherine ISSERLIS Pédopsychiatre, ARS Île-de-France

Bonjour. Je vais me présenter rapidement, et dire tout de suite les choses pour éviter tout conflit d’intérêt. Je cumule toutes les tares : je suis pédopsychiatre, j’ai travaillé en CMP, j’ai été responsable d’un intersecteur à Versailles, et je travaille maintenant à l’ARS. Je fais donc partie des gens qui frustrent tout le monde et ne répondent pas aux attentes des acteurs de terrain. Entre-temps, j’ai travaillé à la Mission nationale d’appui en santé mentale, qui m’a permis d’avoir une vision un peu nationale sur ce qui se passait sur le territoire à partir de demandes d’interventions des ARS dans des territoires où la psychiatrie pouvait progresser.

De cette mission, je retiens, concernant votre thématique, l’absence de liens la plupart du temps entre les centres de référence pour les troubles des apprentissages et les intersecteurs que je visitais – je dois dire, pour battre ma coulpe, que cela n’a été mentionné dans aucun rapport de façon spécifique ; nous aurions pu faire développer ce point dans certains rapports puisque nous faisions parfois développer des points qui avaient une valeur nationale, même si localement, c’était assez banal, afin d’éveiller l’intérêt de l’administration centrale dont je dépendais. Aujourd’hui, j’interviens avec cette double casquette pour parler de la pédopsychiatrie et de ses rapports avec les centres de référence pour les troubles des apprentissages. Pour rester dans une certaine neutralité, j’ai choisi de commencer à parler à partir des textes et des missions qui ont été confiées aux uns et aux autres, afin d’expliquer la difficulté dans laquelle nous nous trouvons et d’essayer d’ouvrir peu à peu des portes sur des évolutions possibles.

Je voudrais d’abord resituer la position centrale de l’Éducation nationale dans les questions de l’apprentissage bien évidemment, et le fait qu’on en discute toujours en termes de santé, sans jamais mettre les enseignants et la pédagogie au centre des problèmes. En effet, jusqu’à présent, nous n’en avons pas entendu parler : quelle est la pédagogie adaptée quand on a des troubles des apprentissages ? Peut-être faudrait-il concevoir nos réflexions d’une façon différente, le caractère important résidant dans les conséquences pédagogiques.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

41

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Je voudrais attirer l’attention sur le sens des mots, comme M. Volkmar l’a évoqué. Généralement, nous utilisons plusieurs métaphores : il y a celle du centre – centre de référence. Face à « centre », il y a « périphérie » ; le centre donne les ordres, et la périphérie les exécute, et c’est parfois un peu ce qui est ressenti quand on parle de gradation des soins. Il y a l’autre métaphore, celle du réseau, qui est complètement antinomique puisque dans un réseau, il n’y a pas de centre et il y a un maillage, si possible régulier, ce qui correspond d’ailleurs aux questions de la politique de santé. Quels sont les grands axes d’une politique de santé ? C’est réduire les inégalités d’accès aux soins, et pour cela, il faut un maillage régulier, le plus régulier possible – on en est loin – pour améliorer la qualité des soins et transférer les connaissances. Nous revenons alors à la question de la gradation des soins avec des gens qui font plus de la recherche et d’autres qui sont davantage dans le quotidien, et comment se font ces transferts de connaissances. Nous devons donc parvenir à concilier une politique de gradation à une politique de maillage.

Pour moi, la gradation permet d’adapter la réponse à la complexité du diagnostic. C’est un problème de santé, de médecine, des diagnostics complexes, pas obligatoirement sévères parce que, si on prend la question de l’autisme par exemple, le diagnostic le plus complexe en général correspond aux formes d’autisme les plus atténuées, les plus simples ; quand c’est massif, cela se voit plus.

L’adhésion du maillage vise davantage, comme cela a été très bien expliqué, à adapter la réponse à la complexité situationnelle, et ces deux choses sont différentes.

On parle toujours de complexité, mais la complexité situationnelle apparaît quand des facteurs environnementaux se rajoutent, quand il y a beaucoup d’institutions, quand il faut de la coordination d’acteurs. Quant à la complexité diagnostique, elle se situe à un autre niveau : il faut des examens spécifiques, on est plus dans un domaine médical – vous verrez que cela posera des problèmes. Dans tous les cas, il faut bien sûr partager les informations et arriver à se coordonner.

Les politiques de plans, telles qu’elles ont été menées, ont conduit à une multiplication des centres de référence. Ceux-ci ont finalement été créés de façon très inégale dans les régions et pas du tout pour réduire l’inégalité d’accès aux soins, au fil d’axes prioritaires, de possibilités de plans, et avec des financements variés – parfois par le médico-social, parfois par le sanitaire, parfois à l’aide de fonds d’investissements régionaux, de marges des ARS… On voit de tout. Il n’existe donc actuellement aucune homogénéité des financements, et donc aucune homogénéité non plus des moyens accordés : certains centres de référence disposent de beaucoup de moyens, tandis que d’autres sont d’une pauvreté affligeante. Par ailleurs, pour beaucoup, leurs champs se superposent aux missions usuelles de la pédopsychiatrie. Je donne quelques exemples : vous avez bien compris pour les centres de ressources autisme.

Les centres des handicaps rares ont pour mission de travailler sur les handicaps rares avec troubles du comportement sévères, et là, très souvent, il est fait référence à la pédopsychiatrie pour faire face aux troubles du comportement sévères.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

42

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Il existe les centres de référence pour les auteurs d’abus sexuels, et en préparation un centre de référence probablement pour le handicap psychique. Et puis, il y a les centres de référence pour les troubles du langage oral et écrit, qui ont été créés pour les troubles du langage écrit et ont peu à peu dévié vers l’ensemble des troubles des apprentissages sans que les textes aient pour autant évolué. On comprend pourquoi les choses ne sont pas tout à fait remises à niveau dans les textes.

Enfin, il existe aussi les centres experts : centre expert schizophrénie, centre expert des troubles bipolaires… La DGOS a produit une circulaire en juin 2012 sur la question des centres de référence et la labellisation des structures spécialisées. Par ailleurs, est récemment sorti un guide qui parle de la doxa de la DGOS concernant cette labellisation, et qui dit précisément que les centres de référence sont dédiés aux maladies rares. Or le plan « troubles du langage » avait été élaboré justement parce que ce trouble était fréquent.

Les centres de référence doivent être peu nombreux, au maximum 27 : nous en avons 35. Les centres de référence ne doivent pas faire du soin ; nous ne voyons pas cette évolution, et peut-être n’est-ce pas non plus le besoin. Les centres de référence doivent obligatoirement faire de la recherche et participer à l’enseignement ; pour cela, nous sommes dans les créneaux. En outre, il demande aux ARS de faire un travail pour relabelliser tous ces centres et éviter d’en créer d’autres, et il met en parallèle d’autres types de centres qui assureraient ces fonction de façon partielle, que nous pouvons appeler centres de compétences de niveau 2, plates-formes, réseaux, peu importe, et en insistant sur le fait que cela doit faire partie d’un diagnostic territorial, être adapté à ce qui est déjà en place et ne mettre en place que ce qui manque en favorisant la coordination des acteurs de réseaux : telle est la doctrine actuelle de la politique de santé qui est demandée aux ARS.

Si je reviens en arrière, en 2004, au moment où sortait le plan sur les centres de langage leur demandant une coordination sur ces troubles-là, voilà ce qui était écrit parallèlement sur l’offre de soins en pédopsychiatrie : « L’offre de soins psychiatriques doit proposer une réponse graduée, diversifiée, coordonnée, assurant une réelle prise en charge de proximité. Une formalisation de la coordination est indispensable entre le dispositif sectoriel [de pédopsychiatrie] et les centres référents des troubles des apprentissages du langage. »

Où avons-nous vu cette formalisation des liens, depuis 2004, entre la pédopsychiatrie et les centres de référence de troubles du langage ? Pour ma part, je n’en ai jamais eu en main. À la même époque, une circulaire interministérielle associait la DGCSO (l’Éducation nationale), « relative à la mise en œuvre d’un dispositif de partenariat entre les équipes éducatives et les équipes de santé mentale, pour améliorer le repérage et la prise en charge précoce des souffrances psychiques des enfants », et dans les souffrances psychiques, les troubles des apprentissages étaient nommés. Il est dit que « les CMP constituent les unités de coordination et d’accueil en milieu ouvert qui organisent les actions de prévention, de diagnostic, de soins ambulatoires et d’intervention à domicile. Ils sont considérés comme le premier interlocuteur de la population devant être connu de tous, et répondent et orientent toute demande de soins en psychiatrie et en santé mentale ».

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

43

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Pour les CMPP, « en complément de cette offre, les CMPP constituent l’autre interlocuteur majeur dans le dispositif de soins en faveur des enfants et des adolescents, en particulier de par leur vocation de dépistage, de diagnostic, de traitement des troubles psychiques, des troubles du comportement et des troubles des apprentissages ». Ces propos sont diffusés en même temps que paraît le plan qui dit qu’il faut augmenter les compétences générales sur les troubles du langage oral et qui confie cette mission aux centres de référence. Dix ans plus tard, avons-nous réellement progressé dans ce sens ? Ce que j’entendais aujourd’hui semble très pessimiste, mais je pense que nous nous servons quand même des situations extrêmes et dans tous les milieux, il y a des queues de classes.

De l’avis général des pédopsychiatres, oui, les choses ont changé. J’étais ici il y a un mois sur la thématique organisée par la pédopsychiatrie sur les troubles des apprentissages. Cette préoccupation est donc advenue.

Parallèlement, que se passe-t-il au niveau des MDPH ? Nous voyons que de plus en plus, les dossiers remontent directement à la MDPH, face aux difficultés scolaires des enfants, sans toujours passer par une demande de soins de proximité et de diagnostic simple préalable. Les MDPH se trouvent donc confrontées à des dossiers qui sont un peu incomplets, et demanderont des bilans complémentaires en s’adressant, dans beaucoup d’endroits, spécifiquement aux centres de référence. C’est une dérive, mais c’est aussi une situation sociale d’une recherche partout d’hypercompétence, d’hyperspécialité, face à la polyvalence, et nous rencontrons le même problème en médecine générale : nous voulons mettre le médecin traitant au centre de la coordination des réseaux, et en même temps, nous diversifions la médecine. Elle est de plus en plus spécialisée, or un médecin de base ne peut pas tout connaître. Toutefois, c’est lui qui est le plus proche des patients et peut favoriser un parcours harmonieux.

Les MDPH s’interrogent sur la fréquence des dossiers qu’ils reçoivent, dans le bilan de leur activité en 2011. Elles expriment leur interrogation sur la prise en compte croissante des troubles des apprentissages au titre du handicap, sont débordées par cela, et signalent que les dossiers ne sont pas toujours très bien montés, d’où leur justification de recherche d’informations complémentaires, ce qui ralentit les dossiers. La CNSA a engagé un travail avec les MDPH pour les aider à explorer ce domaine. Il s’appelle le GEVASCO, est déjà paru et est en expérimentation sur le terrain.

La question qui se pose est la suivante : doit-on continuer à aller dans le sens de l’hyperspécialité, ou doit-on, dans la gradation des soins, commencer par mettre en place des soins, et avec des diagnostics peut-être sommaires, qui suffisent peut-être pour un certain nombre de situations simples, et au fur à mesure des besoins, que ce soient les professionnels de soins de terrain qui aillent demander les autres niveaux selon les besoins ? Faut-il un accès direct avant une évaluation médicale de base pour les centres spécialisés ? Ce problème se pose pour toutes les spécialités, et n’est pas du tout propre à ces troubles-là. La question majeure, à mon avis, et c’est pour ça que je pense que les choses ont été mal posées, c’est le transfert de connaissances : comment faire pour parvenir au transfert de connaissances ?

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

44

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Si on continue à hyperspécialiser des centres qui possèdent la connaissance, qui occupent tout leur temps pour faire ces diagnostics et qui ont un minimum de temps pour transférer ces connaissances, on n’arrivera pas à ce que les CMP ou les CMPP améliorent leur niveau de connaissances, on n’arrivera pas à ce que les centres travaillent avec la proximité. Il faut donc absolument que la mission de transfert de connaissances soit la mission prioritaire des niveaux 3, et qu’on arrête de se poser seulement la question sur le type de diagnostic qu’ils doivent faire pour qu’ils arrivent à produire eux-mêmes des connaissances.

Évidemment, les recherches se font sur des diagnostics simples, on ne fait pas de la recherche sur des diagnostics compliqués. Réside donc là une ambiguïté de positionnement qu’il faudra néanmoins résoudre.

La question primaire, c’est comment améliorer l’accompagnement des parents dans les parcours – et là, nous avons vu comment les réseaux peuvent faire cela –, comment améliorer les connaissances des soignants, des enseignants, de tous ceux qui doivent intervenir dans le processus de soins et de prise en charge.

Tout cela pose la question des coordinations. Tout le monde est chargé de coordination dans les textes, tout le monde a une mission de coordination : il n’est donc pas étonnant qu’émergent ensuite des questions de pouvoir. Mieux vaut la poser en termes de coopération : comment réaliser des coopérations ? Et là aussi, à mon avis, on a une façon de poser les choses qui permettra peut-être d’apaiser un peu la situation. Il faut donc que les coopérations favorisent l’accès aux soins, et ne les retardent pas ; attendre d’avoir plus de données ou attendre sur une liste d’attente, c’est toujours attendre. C’est par rapport à cette facilitation du début de la prise en charge qu’il est important d’agir, afin qu’elle soit le plus précoce possible dès que les troubles ont été repérés.

Parallèlement, il faut que les gens puissent faire appel aux structures spécialisées, et là, je voudrais quand même répondre : on a un problème. Les équipes de pédopsychiatrie sont particulièrement stables, il y a eu très peu de renouvellement au cours du temps parce que c’est une discipline jeune et qui était sujette à un fort investissement, comme le sont d’ailleurs maintenant les troubles des apprentissages.

En outre, les équipes ont un âge moyen très homogène dans la plupart des endroits ; il y aura donc un renouvellement important, mais cet âge moyen a fait que les connaissances et la façon d’en acquérir de nouvelles ont un peu stagné.

Se pose donc actuellement un vrai problème avec les nouvelles façons d’acquérir des connaissances – le DPC. Nous devrons faire un choix : approfondir les connaissances que nous avons déjà, puisque c’est un choix personnel – et puisque je suis psychanalyste, aller chercher des formations vers la psychanalyse –, ou aller chercher des connaissances que nous n’avons pas, et c’est toujours le problème de la formation continue. La mise en place du DPC ne résout pas cette question.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

45

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Le dernier point que je souhaite évoquer est la question de la faisabilité. Vous savez que nous vivons une période de moyens contraints. Nous ne pouvons donc pas les augmenter pour une pathologie, un problème, sauf à les prendre à d’autres. Cela veut donc dire qu’il faut dégager des priorités : si on fait plus de ce côté-là, fait-on un peu moins de tel autre côté ? Parfois, cela est facile, car des maladies diminuent – quand elles ne reviennent : on a diminué les soins pour la tuberculose, mais elle remonte, il faut donc faire attention. Il faut compter ses ressources : il ne suffit pas de dire qu’on va faire un plan et qu’on va faire plein de choses ; de quelles ressources dispose-t-on ?

J’ai relevé deux chiffres : 6,09 orthophonistes pour 100 000 habitants en France ; il y a dix ans, ce nombre s’élevait à 6,56 : il baisse. Dans l’Allier, 1,15 orthophoniste, mais dans les Ardennes, 13,78 – ça, on sait pourquoi : c’est la proximité de la Belgique. Nous pourrions faire cet exercice sur toutes les disciplines. Nous savons que le nombre de pédopsychiatres, par exemple, diminuera de 17 % à 30 % selon les endroits – je vous parle en termes de villes, pas de régions.

Nous savons que le nombre de neuropédiatres stagnera, mais ils sont peu nombreux. Les projections viennent de sortir jusqu’en 2020. Nous devons donc bâtir des projets avec les moyens dont nous disposons, et peut-être aussi réfléchir à des changements de métier, des délégations de tâches et à ce que les médecins ne soient pas partout – il y a des choses que l’on peut faire sans être médecin ; d’ailleurs, la question des psychologues le montre : cela dépend aussi de la formation initiale. Nous touchons donc à tous les niveaux.

Je voudrais terminer et conclure par une suggestion : qu’on organise quand même, un jour, sur les troubles qui nous occupent aujourd’hui, une réunion scientifique associant tous les acteurs, qu’on ait à la fois les recherches en sciences pédagogiques, l’état d’avancée de la pédopsychiatrie, du médico-social – dans l’ARS où je suis, je suis référente en santé mentale ; cela veut dire que je travaille aussi bien pour la santé mentale en promotion de la santé qu’avec le médico-social ; donc tout le travail que nous menons actuellement sur l’Alzheimer et les troubles du comportement, les troubles cognitifs ou l’autisme est transférable aux questions que vous vous posez sur les troubles des apprentissages. Par conséquent, un de nos projets aussi est de rassembler en Île-de-France tous les centres de référence qui touchent à la santé mentale, et de travailler avec eux sur l’identification des problématiques communes et la façon de trouver des réponses.

Ma troisième proposition est que, puisque les centres de référence ne correspondent pas tout à fait au nouveau label, de mon point de vue, la notion de centres experts serait plus adaptée, des centres experts qui feraient à la fois du diagnostic mais aussi de la recherche en soins, de l’adaptation des pratiques de soins, et là, cela ouvre des voies tout à fait intéressantes pour une amélioration.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

46

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Jacques GENESTE Pédopsychiatre, Centre de référence Clermont-Ferrand

Vous voyez qu’il y a de quoi discuter, et je remercie les orateurs. Je souhaiterais vous faire part de quelques réflexions personnelles par rapport à ce qui a été dit.

Si nous évoquons un dispositif de santé coordonné, nous pouvons disposer le long d’axes orthogonaux deux niveaux d’exigence : l’un correspond à la spécificité, la professionnalisation, la spécialisation des agents de santé ; l’autre à l’accessibilité et à la notion de proximité. On peut très bien comprendre que quand on cherche le « surspécialiste » de telle maladie rare, on peut traverser la France, voire l’Europe, voire aller en consultation à Bethesda s’il le faut, si on n’y va qu’une fois. S’il s’agit d’organiser les soins quotidiens, il est évident que cela ne peut pas marcher. Ce niveau de coordination du dispositif de santé autour de ces deux axes doit donc tenir compte de l’extraordinaire hétérogénéité du maillage du territoire en France.

La proximité en plein Paris intra-muros ne recouvre pas la même notion pour le même nombre d’habitants que l’Allier, la Creuse ou la Lozère, moyennant quoi, si on veut tenir le pari de l’accessibilité au même niveau de qualité de soins, que l’on soit à Paris, quel que soit l’arrondissement, ou que l’on soit au fin fond de telle province, cela ne peut pas – et cela a été dit – s’appuyer uniquement sur une mise en place de professionnels qui s’implanteraient avec l’irrégularité territoriale qui vous a été signalée. J’ai la chance d’être installé dans l’Allier, et je peux vous dire qu’à côté, il y a des régions comme le Centre ou le Limousin qui sont encore plus défavorisées en termes d’accès à des professionnels libéraux.

En tant que professionnel de santé, si j’étais décideur, je demanderais que soit dressé un inventaire des moyens existants, et on s’apercevrait effectivement que globalement, quantitativement, ils ne sont pas si catastrophiques par rapport à l’optimisation des diagnostics et des prises en charge. Cela veut dire qu’il faut organiser des choses entre des niveaux où le patient rencontre un professionnel ou des professionnels de proximité qui permettent de prendre en compte le diagnostic et les soins de première ligne, rééducation et autres ; parfois, dans une zone territoriale qui sera différente selon les endroits, qui peut être le département – l’Allier compte trois centres, le Puy-de-Dôme un –, il doit y avoir sur ces bases une exigence de regroupement universitaire du côté de la recherche sur les centres universitaires et à ce moment-là, on retient le nom de centre de référence. Cette question est ouverte. Il est clair que là, le noyau du centre de référence tel qu’il est décrit pour les centres de référence maladies rares correspond effectivement à cette fonction d’accès à des équipes de recherche. Nous pouvons toutefois rappeler que le diagnostic est pluridisciplinaire par nature dans le domaine des troubles de l’apprentissage, et résulte de façon consensuelle ou pas d’une confrontation de divers points de vue. Il n’y a pas un élément qui permette de diagnostiquer un trouble de l’apprentissage, ce n’est pas un spécialiste qui va le déterminer à lui tout seul.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

47

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Les méthodes de travail nous montrent donc que le diagnostic correspond tout au plus à l’élaboration d’un modèle opérant, ce n’est pas une connaissance scientifique de la réalité, de la vérité du trouble dans ses composantes, parce que, dans l’immense majorité des cas, elles sont inaccessibles. Cela ne veut pas dire que ces centres de diagnostic ne doivent pas être articulés à des dispositifs de recherche qui sont au top de leurs connaissances dans les domaines de la neuropédiatrie, de la génétique, de l’imagerie, de l’exploration fonctionnelle du système nerveux, de la psychiatrie éventuellement, de la linguistique… C’est une évidence que ces centres doivent être articulés avec les dispositifs hospitalo-universitaires de recherche de haut niveau. C’est une évidence qu’ils ne doivent pas s’échiner à faire double emploi, s’ils veulent être rentables.

Je ne crois pas que nous irons très loin dans une recherche scientifique en biologie moléculaire en partant du principe que l’on va chercher la biologie moléculaire de telle forme de dyscalculie. Il est probable que les connaissances que nous avons de la neuropsychologie développementale, etc., nous incitent à ne pas aller dans ce domaine-là.

L’idée de mutualisation de compétences nécessite que les choses s’articulent à un certain niveau qui me semble être celui du niveau 3 régional. Le niveau 3 régional me paraît avoir toute sa justification. Cela ne veut pas dire qu’il doit être fondu dans un autre dispositif qui serait, lui, du côté du niveau 3 du type centre de référence des maladies rares, mais ce n’est que mon point de vue. Devons-nous articuler ces niveaux 2 à partir du moment où les spécialistes ont tel niveau de diplôme ou à partir du moment où il y a une confrontation multidisciplinaire ? À mon avis, la définition des structures des exigences de niveau 2 se fait avant tout à partir des exigences méthodologiques du diagnostic. Il faut bien dire que pour ce qui est des exigences en matière thérapeutique et des indications thérapeutiques, on est quand même assez loin du gold standard que l’on pourrait utiliser en cancérologie ou en cardiologie malgré tous nos efforts.

On peut dire par exemple que nous pouvons classer les rééducations en deux catégories : celles qui marchent et celles qui ne marchent pas. Nous ne pouvons pas aller plus loin dans la théorisation. Je n’ai jamais vu une publication théorique, une publication scientifiquement menée qui atteste que telle méthode est plus ou moins, etc. Nous rêvons tous de cela. Par conséquent, le travail consiste simplement à maintenir ce niveau d’exigence et à faire en sorte que toute personne, quel que soit l’endroit du territoire où elle se trouve, puisse accéder, au niveau régional, à cet accès-là. Cela veut donc dire que ces centres de référence exigent de ne pas vouloir être à la fois le niveau 1, le niveau 2 et le niveau 3. Cela veut dire qu’il faut faire attention – et je nous envoie la mise en garde à nous, centres de référence – de ne pas gonfler artificiellement nos files actives, en acceptant tous les enfants qui auraient une dyslexie, même s’ils sont suivis par d’autres. Cela implique la nécessité de définir une méthodologie d’accès : je crois que cela est important, et il y aura beaucoup de travail autour de cela. Il me semble que les centres de référence doivent encore mener un très gros travail autour de cet axe, parce que c’est bien beau d’utiliser les expressions de « centres de référence », « centres experts », « centres ressources », mais qu’est-ce qui sera derrière en termes de financement ? Comment sera régulé le financement de l’offre ? S’agira-t-il d’une offre de type sanitaire ou médico-social ? Ces questions sont ouvertes.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

48

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

À mon avis, il faudra être très attentif sur ces sujets. In fine, nous nous posons tous cette question. Nous pouvons formuler des propositions, et nous nous demandons toujours ce que les « décideurs » décideront. Si nous devons donner immédiatement des avis, il me semble qu’il ne faut pas lâcher le morceau du côté de la nécessité qu’il y ait un dispositif coordonné à travers la France qui permette à tous les enfants du territoire d’avoir accès à un niveau de diagnostic, de reconnaissance et d’évaluation pour lui permettre d’accéder à quelque chose qui ne serait pas… Il nous faut fuir absolument la possibilité qu’il y ait des pertes de chance selon qu’on habite dans telle ou telle ville. De mon point de vue lointain et provincial, je pense que nous ne sommes pas loin, dans certaines régions, d’être dans ces situations de perte de chance, et je pense que ce n’est pas le dispositif des professionnels libéraux, qui ne s’articule pas entre eux, qui répondra à cette question. Il nous arrive encore couramment de voir des enfants qui sont « super suivis » avec une rééducation en français, une rééducation pour la logicomathématique, une rééducation pour le problème « visio-machin-chose », et de l’ergothérapie parce qu’un jour ou l’autre, il faudra bien qu’ils apprennent à taper sur un clavier, sans qu’à aucun moment, les divers professionnels qui sont intervenus pour ces enfants n’aient eu l’occasion de s’interfacer.

S’agissant de la formation initiale et de la formation autour de l’emploi, cela fait partie de la fonction des centres de référence, et il ne faut pas la lâcher. Je pense que, quel que soit l’avenir, il ne faudra surtout pas se contenter d’une prévision qui ramènerait de fait les centres de référence à quelque chose qui serait des centres de ressources locaux, qui se ferait en fonction des opportunités locales des divers centres hospitaliers. Je vous remercie.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

49

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Débat et échange avec la salle

Richard BOURQUE Directeur CMPP, OVE

J’ai dirigé pendant sept ans un CMPP. La proche échéance de la retraite me permet, je pense, de parler en tant que citoyen. Certes, monsieur Geneste, il faut prendre des décisions, mais encore faut-il qu’elles s’appliquent, sinon l’effort qui prélude à cette prise de décision est extrêmement décourageant si elle ne s’applique pas – je parle d’une décision qui date de 1963. J’étais très intéressé, madame Isserlis, quand vous disiez qu’un CMPP est censé faire du diagnostic et du traitement thérapeutique. Il suffit de taper sur Google « CMPP » ou « CAMPS » – c’est le même texte qui réglemente les deux structures, sachant que « réglementer » signifie « autoriser à fonctionner ». Je tire mon chapeau aux rédacteurs de ce texte de 1963 – d’ailleurs, il n’y a jamais eu de campagne pour venir le modifier, car lorsqu’on n’est pas d’accord avec un texte dans un pays démocratique et qu’on ne le met pas en pratique, la moindre des choses est d’essayer d’organiser un débat pour le faire évoluer : ce n’est pas le cas. Vous verrez que ce texte « annexe 32 » est limpide, extrêmement concis, et on y retrouve trois éléments dont diagnostic et traitement thérapeutique.

J’ai longtemps dirigé des établissements, et ai été instituteur durant quelque temps ; je ne connaissais pas la dyslexie, mais je savais quand même que pour comprendre un texte, il fallait un niveau suffisant d’humilité versus trop d’arrogance qui, par contre, nuirait à sa compréhension. Il est également écrit « pluridisciplinarité » et « prescription médicale » pour tous les actes d’un CMPP. Comment se fait-il qu’on autorise les structures à dériver ? À quoi cela sert-il de s’investir comme vous allez le faire, et d’essayer de déboucher sur des décisions à prendre, sur des plans de progrès, de développement, si c’est pour que ce qui est décidé ne soit jamais appliqué ? Il y a des protagonistes, des acteurs qui se permettent de s’asseoir dessus alors qu’ils sont rétribués pour appliquer des principes.

Laurent LESEQUE Orthophoniste

Je voudrais illustrer le problème de la gradation des soins en abordant deux sujets : la psychométrie et la MDPH. J’ai été très surpris en commençant à travailler au centre référent d’avoir sous les yeux, avant de faire mon bilan orthophonique, les résultats de la psychométrie en tant que salarié hospitalier alors que, quinze ans auparavant, il était beaucoup plus difficile de les obtenir. Je précise que j’ai bien compris, et depuis longtemps, que la profession de psychologue scolaire ne se limitait pas être un technicien du WISC, loin de là.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

50

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Néanmoins, il me paraît parfois navrant qu’un diagnostic qui pourrait être posé au premier échelon soit court-circuité parce qu’il manque une information qu’on est obligé d’aller chercher plus haut. Ma deuxième réflexion porte sur la MDPH : certes, la MDPH demande un avis parce qu’il n’est pas dans le dossier, mais il arrive aussi que l’avis soit déjà donné, que le diagnostic orthophonique figure déjà dans le dossier et que la MDPH demande une validation de ce diagnostic qui va à l’encontre de l’interdisciplinarité et qui a pour fâcheuse conséquence la décrédibilisation du professionnel qui a la charge de l’enfant. Je voudrais bien avoir votre avis là-dessus.

Véronique LE MEZEC Psychologue EN, Présidente de l’AFPEN

La psychométrie rassemble des outils et constitue une part de la psychologie. Ce n’est qu’une petite part du bilan psychologique. Je pense qu’il est important de ne pas se centrer uniquement sur ce point : il n’a de sens qu’avec les autres éléments du bilan pour ce qui est de la dynamique de l’enfant, et en particulier sa personnalité, la façon dont il investit les apprentissages, sa situation d’enfant, soit tous ces autres éléments qui sont aussi importants que les autres éléments dits psychométriques. Par ailleurs, on sait qu’ils sont à interpréter, et que l’interprétation est plus intéressante que les chiffres. En outre, vous avez indiqué être surpris que tous les enfants n’aient pas rencontré un psychologue avant d’arriver : non, ce n’est pas ça.

Laurent LESEQUE Orthophoniste

Ce que je veux dire, c’est qu’en tant que praticien hospitalier, j’ai facilement accès aux résultats, alors qu’ils étaient communiqués beaucoup moins facilement quand j’étais orthophoniste de base, et c’est le cas pour beaucoup d’orthophonistes : nous ne disposons pas des résultats. Nous sommes donc obligés de les demander à un échelon supérieur parce que nous ne les avons pas et que nous aurions pu poser facilement un diagnostic sans déclencher le plan ORSEC. Il n’existe pas de liens formels qui favorisent des relations efficaces au premier échelon. Je ne comprends pas bien sur quelle légalité ou illégalité repose le fait que des professionnels soumis au secret médical n’aient pas accès à une information qui circule néanmoins ailleurs.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

51

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Véronique LE MEZEC Psychologue EN, Présidente de l’AFPEN

De toute façon, ces informations circuleront entre professionnels avec l’accord des familles. Par ailleurs, il faut que ces informations existent, ce qui n’est pas toujours le cas, le psychologue scolaire n’ayant pas vu tout enfant qu’un orthophoniste verra. Il est vrai qu’une des missions du psychologue est de favoriser la mise en lien. Donc, en général, il contacte les autres professionnels avec l’accord des familles. Après, c’est un échange, ce ne sont pas des chiffres qui seront envoyés à l’orthophoniste, c’est une discussion qui se met en place. Je ne sais pas quelles sont les personnes avec lesquelles vous avez pu travailler, mais je pense que c’est à tout orthophoniste en libéral de s’organiser afin de pouvoir avoir ces temps d’échange avec les autres professionnels qui ont rencontré l’enfant. Il peut demander aux familles de contacter les professionnels qui ont vu l’enfant par exemple, parce que, effectivement, cela n’est pas coordonné, cela n’est pas préétabli. Ce sont des liens à créer sur le terrain.

Ann Claude QUERO-LE-JEAN Fédération nationale des réseaux TSLA

C’est là que nous voyons tout l’intérêt du travail en réseau, qu’il soit formalisé ou pas, de faire du lien entre les différents acteurs, qui souvent se connaissent mal et ont tendance à se jeter la pierre, c’est-à-dire que la psychologue en veut à l’orthophoniste, l’orthophoniste à la psychologue scolaire. Dès lors qu’on met tout le monde autour de la table et qu’on se retrouve à l’issue d’une formation autour d’un café ou sur des groupes de travail très thématiques et très pointus, cela va mieux. Quant à la question des MDPH, là encore, à un moment donné, je crois que nous avons tous la responsabilité d’aller à la rencontre de l’autre et de travailler ensemble. En Côtes-d’Armor, cela fait deux ans que nous travaillons avec la MDPH sur les circuits d’amont, d’aval, avec les orthophonistes, sur les attentes de la MDPH à l’égard d’un bilan orthophonique, de quelles informations elle a besoin…

Dès lors qu’on se retrouve, on se rend compte que les informations qui nous semblent importantes en tant que professionnels de santé ne sont pas forcément celles dont la MDPH a besoin. Et effectivement, ce n’est pas du temps perdu que de prendre le temps de sortir un peu des cabinets, qu’ils soient hospitaliers ou libéraux, et de prendre le temps, même si on l’impression que c’est de la « réunionite », de se rencontrer, de s’écouter et surtout de se faire confiance. Après, on est d’accord, on n’est pas d’accord. Cela n’empêche pas de travailler ensemble dans la mesure où on garde l’intérêt de l’enfant et de la famille.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

52

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Catherine ISSERLIS Pédopsychiatre, ARS Île-de-France

Je voudrais compléter du côté de la famille. J’ai beaucoup appris du côté des pédiatres : dans le service où je faisais des consultations en pédiatrie, avec des pédiatres, à chaque consultation, ils dictaient quelque chose, et la famille recevait le compte rendu qui était envoyé au médecin. Quand j’étais en pédiatrie, j’ai donc fait pareil. Un des gros reproches qu’on fait à la psychiatrie, c’est que les enfants sont suivis pendant des années et que les familles n’ont rien en main.

Elles ont quand même des contacts très fréquents avec les personnes qui suivent leur enfant, mais jamais un écrit n’en sort pour les familles. Et c’est peut-être là que les choses peuvent changer, et que les rapports aussi entre les institutions peuvent changer, c’est-à-dire que si les familles sont propriétaires du test qu’on a fait passer à leur enfant et en ont un exemplaire, ce n’est pas difficile : quand elles vont ailleurs, elles le donnent, et il n’est pas nécessaire de le refaire.

Véronique LE MEZEC Psychologue EN, présidente AFPEN

J’ai envie de formuler un bémol par rapport à ça : le compte rendu est également adapté au destinataire.

Catherine ISSERLIS Pédopsychiatre, ARS Île-de-France

Tout à fait : les comptes rendus sont adaptés aux destinataires, c’est vrai, nous avons appris à faire les choses comme ça. Néanmoins, nous ne sommes jamais sûrs qu’ils ne tomberont pas entre les mains de gens qui n’avaient pas été prévus, et il y a une éthique du compte rendu qui fait que la famille, et plus tard l’enfant, peuvent avoir accès à ce qu’on a dit pour lui, c’est dans la loi. Il faut donc écrire tout compte rendu de façon à ce qu’il soit lisible sans émettre de jugement, sans que ce qui y est dit puisse porter préjudice à la personne qui est au centre de ce compte rendu. Charge aux professionnels de le lire en disant : « Moi, je n’ai pas assez d’informations » et de faire des liens, mais déjà, le compte rendu a été fait, et il n’est pas si difficile de dire les choses simplement, cela s’apprend.

En psychiatrie, nous nous heurtons sans arrêt à des conflits parentaux : on ne va pas les exposer en large et en travers. En quelques mots, nous indiquons qu’il existe un conflit qui complique les choses, et si on veut en savoir plus, on se passe un coup de fil, mais normalement, on n’a pas le droit de le passer sans l’accord des familles.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

53

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Un intervenant dans la salle

Vous répondez à une partie des questions, mais il est vrai que c’est extraordinaire : en psychiatrie comme en psychologie, nous avons le droit de ne rien écrire. En médecine, on peut annoncer à quelqu’un, après un scanner, sur un bout de papier qu’on lui donne, qu’il a une grosse tumeur et qu’il ne va pas vivre longtemps, mais en psychiatrie, parfois, il y a ce non-dit qu’on comprend mal. Je suis bien d’accord avec vous : il faut écrire les choses avec tact. Une façon qui serait peut-être utile, c’est d’éviter de mettre un QI qui marque, en effet, beaucoup les gens sur ces documents, pour que les professionnels aient au moins les comptes rendus et qu’ils puissent les exploiter. Je dirai, enfin, qu’il est très difficile en consultation de passer son temps à courir après un tel, un autre, etc., pour faire une synthèse téléphonique. On n’a tout simplement pas le temps. Par ailleurs, nos patients sont propriétaires de leur santé, et ils ont droit à leurs comptes rendus. Je ne vois pas de quel droit un psy peut garder son document sous le coude. Bien sûr, le document doit être parfaitement rédigé pour qu’il ne heurte pas le patient et qu’il ne soit pas délétère dans l’avenir, on est d’accord, mais je pense que ce document leur appartient. Ma question s’adresse aux psychiatres présents : il est intéressant d’apprendre que des assises sont prévues sur les troubles de l’apprentissage avec les pédopsychiatres, les pédiatres, neuropédiatres, médecins, etc.

Quand pouvons-nous espérer que la pédopsychiatrie soit dans la pédiatrie par exemple plutôt que dans des établissements spécialisés, afin que les gens puissent travailler de concert, et pas en duplex de façon opposée ?

Jacques GENESTE Pédopsychiatre, Centre de référence Clermont-Ferrand

Je crois qu’il faut tenir compte de diverses choses et en particulier de l’histoire et de la géographie. Chacun a sa culture. La spécialité pédopsychiatrique est une surspécialité exercée par des médecins qui ont déjà acquis une spécialité de psychiatrie voire de pédiatrie, et qui acquièrent une surspécialité.

À l’évidence, pendant un certain nombre de décennies, la pédopsychiatrie a pu être une orientation tardive de psychiatre généraliste, je n’ai rien contre. Sur le champ des troubles du développement dans leur ensemble, on était dans un interfaçage. Je veux dire que si vous regardez le DSM-5, les troubles neurocomportementaux regroupent typiquement tout cela plus l’autisme, plus le retard mental, plus les difficultés de régulation de l’attention… Ce sont des choses qui nécessitent l’interfaçage avec. Que l’on soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’hôpital pédiatrique, cela n’a, à mon avis, aucune importance, tant que des gens de spécialités différentes sont encore capables de se rencontrer et de se parler.

Nous avons perdu beaucoup trop de temps avec ces histoires de pédopsychiatrie versus psychiatrie versus neurosciences, etc. Maintenant, il faudrait tourner la page.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

54

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Nathalie GROH Vice-présidente de la FFDYS

J’ai l’impression que deux grandes idées se dégagent de cette table ronde : la première est la nécessité de travailler en lien avec tous les acteurs. On le voit à travers tous les schémas présentés par la fédération : on a la famille et l’enfant au milieu, et puis, tout autour – on n’a même pas eu le temps de voir combien il pouvait y avoir d’acteurs –, c’est une multitude. Travailler en lien est très important, et on a le sentiment d’après les propos entendus que c’est « moins moins » pour les professionnels, c’est-à-dire que vous avez du mal – on a entendu le mot « se respecter » ; moi, je dirai aussi : « respecter les familles ». Au niveau des familles, ce n’est peut-être pas un scoop, mais on a l’impression de jouer ce rôle de coordination ou de coopération. Sachez que dans toutes les équipes, on est là justement pour faire du lien pour nos enfants, et nous sommes des acteurs très coopérants. La deuxième grande idée de cette table ronde émerge peut-être de votre évocation, madame ISSERLIS, de la notion de transfert des compétences qui nous est chère : finalement, c’est le manque de formation de tous ces acteurs. Si on commence par des formations initiales bien musclées, peut-être avancerons-nous enfin, notamment pour les acteurs que vous prévoyez aux niveaux 1 et 2. Conclusion : aujourd’hui, les familles souhaitent des bilans précis et explicites pour leurs besoins – c’est ce qui a été dit précédemment lors des échanges. En revanche, demain, nos craintes, puisque vous dessinez un niveau 2, c’est qu’on n’y retrouve pas les compétences adéquates aujourd’hui.

Catherine ISSERLIS Pédopsychiatre, ARS Île-de-France

Le niveau 2 ne peut exister que s’il est fortement articulé au niveau 3. Nous vous l’avons expliqué : le niveau 3 prépare les sources, le niveau 2 les met en œuvre, mais ils travaillent en lien très étroit, et parfois, c’est peut-être au même endroit que cela peut se faire dans les villes. En ville, il n’y a pas besoin d’éparpiller les moyens ; en campagne, il faudra sûrement se déporter, mais il est très important que le niveau 3 n’assume pas seul les liens en matière de formation. À partir du moment où le niveau 2 les met en œuvre, sa propre compétence augmente aussi.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

55

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Une intervenante de la salle Mme Diane CABOUAT Représentante de la Fédération française des DYS

Vous avez évoqué la question du manque de communication qu’il y a eu jusqu’à présent entre les dispositifs experts des troubles DYS et la santé mentale. Comment vous l’expliquez-vous alors que, par ailleurs, les réseaux se tissent par eux-mêmes ? Cela nous permettrait sans doute de trouver une voie – je ne vous cacherai pas que les parents ont un avis là-dessus.

Catherine ISSERLIS Pédopsychiatre, ARS Île-de-France

Comme d’habitude, la dernière question amène les polémiques, mais je n’y entrerai pas. La pédopsychiatrie a été assez fâchée en 2003 de la mise en place de ce plan pour lequel elle n’a pas été consultée. Il faut faire attention à ce qui vient de se passer pour le plan autisme, selon ce qu’en disent les pédopsychiatres : la concertation n’a pas été faite avec la pédopsychiatrie de base, c’est-à-dire que l’on a invité des pédopsychiatres validant que la profession était présente, mais en réalité, ceux qui, sur le terrain et dans le cadre de l’autisme, suivent pour une bonne partie de leur file active des enfants qui ont de très gros troubles et sont quand même dans ces structures-là, n’étaient pas présents dans la structuration du plan autisme. C’est ce qui s’était passé au niveau du plan.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

56

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

3EME TABLE RONDE

Impact des avancées de la recherche sur la prise en charge et l’accompagnement de l’autonomie des TSLA

Françoise BOIDEIN, Neuropédiatre, Centre diagnostique Lille Saint-Vincent-de-Paul Renée CHEMINAL, Neuropédiatre, Centre de référence Montpellier Michel HABIB, Neurologue, RESODYS Caroline KARSENTY, Neuropédiatre, Centre de référence Toulouse Marie-Josée PENNIELLO-VALETTE, Neuropédiatre, Centre de référence Caen Pierre DUJOLS, Épidémiologiste, DIM Montpellier

Caroline KARSENTY Neuropédiatre, Centre de référence Toulouse

Nous voudrions que cette troisième table ronde soit très interactive, elle n’en sera donc que plus intéressante si la salle participe. Nous avions envoyé un questionnaire, mais un peu tardivement, en vue de dresser un état des lieux sur la recherche dans les différents centres de référence. Nous avons reçu trop peu de réponses, mais nous le rediffuserons. L’idée de cette table ronde et de ce groupe de travail est d’essayer de se fédérer et de travailler ensemble sur différents protocoles de recherche, en définissant en premier lieu les thématiques qui nous semblent essentielles et urgentes à développer sur le plan de la recherche. Je donne d’abord la parole à Michel Habib pour une petite introduction.

Michel HABIB Neurologue, RESODYS, Centre de référence Marseille

Bonjour, tout le monde. Je me propose de faire en quelques minutes une introduction qui pourrait mettre en place les questionnements pouvant émerger autour du sujet relatif à la place des centres de référence dans la recherche sur les troubles d’apprentissage. Nous nous sommes concertés en petit groupe sur cette question depuis quelques semaines, et j’avoue qu’il n’est pas simple de définir des thèmes et des modalités répondant à cette question. Je vous propose donc des questionnements, des réflexions et peut-être quelques suggestions.

Nous pourrions déjà nous demander s’il faut faire de la recherche dans les centres de référence. Je pense que tout le monde répondra par l’affirmative, mais la deuxième question qui vient juste après est de se demander si cela est possible, et cela peut être plus difficile, tout le monde n’ayant pas le temps, les moyens, et peut-être les motivations de mener une recherche de haut niveau. Je pense que tout le monde a fait de la recherche dans les centres de référence.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

57

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

La question qui suit consiste à savoir quelle recherche : seulement clinique, fondamentale et clinique, voire fondamentale – cela peut être le cas : des quelques questionnaires que nous avons réceptionnés, il apparaît que la recherche fondamentale ne concerne pas les centres de référence ; en revanche, cela sous-entend une possibilité de relation avec les endroits où est menée de la recherche fondamentale sur les troubles d’apprentissage, c’est-à-dire le CNRS et l’INSERM, la recherche institutionnelle.

S’agissant des questions : par qui et avec qui, il conviendra de s’interroger très rapidement sur la question du lien entre les personnes qui travaillent dans les centres de référence et celles qui font de la recherche institutionnelle, au CNRS, à l’INSERM et à l’université par exemple. Ces liens sont-ils forts ou pas ? Est-ce qu’ils existent ? Nous disposons déjà de quelques indications qui nous laissent penser que la situation est très variable selon les lieux.

Ainsi, certains centres sont en lien étroit et depuis longtemps avec des unités INSERM ou CNRS, et d’autres n’ont établi aucun lien, peut-être parce que personne dans ces institutions ne travaille sur la thématique des troubles d’apprentissage. La modalité de cette interaction est ensuite intéressante à discuter. Nous pourrions nous demander, par exemple, si les idées doivent émaner des centres de référence vers les unités INSERM ou CNRS, pour établir la collaboration sur un sujet intéressant d’abord les cliniciens, ou si, à l’inverse le clinicien sera finalement un fournisseur de patients pour le chercheur qui, lui, a toutes les idées et toutes les motivations qui lui sont dictées par les thèmes de son laboratoire. Je pense que cela constitue probablement un des freins qui font que l’on n’a pas forcément envie d’être des fournisseurs de patients auprès d’un laboratoire de recherche.

Parmi les missions confiées à ce groupe, il était demandé de s’interroger sur l’impact de la prise en charge et sur la compensation. Je pense, en effet, qu’une recherche qui se passe dans les centres de référence doit immédiatement avoir comme priorité, peut-être plus qu’ailleurs en tout cas, les implications et les conséquences en termes de prise en charge, que ce soit le diagnostic et/ou surtout la prise en charge thérapeutique et rééducative. Nous verrons certainement nombre de questions cruciales auxquelles nous pourrions répondre et qui restent totalement ouvertes sur l’efficacité de telle thérapeutique dans telle entité dans les troubles d’apprentissage.

Au-delà de cela et peut-être de façon un peu plus inhabituelle, nous pourrions nous interroger sur une recherche sur la compensation. Je pense que les MDPH pourraient collaborer de façon intéressante, ne serait-ce que sur la génération de questionnements sur la compensation, le handicap, la mesure de l’impact fonctionnel. Je suis persuadé que des travaux scientifiques pourraient être réalisés, réfléchis et mis en place, par exemple sur les facteurs de sévérité – en effet, nous savons que la nécessité de compensation sera proportionnelle à la sévérité du problème, et à égalité de sévérité du déficit, la sévérité de l’impact peut être très variable selon les cas –, et a contrario sur les capacités de compensation des individus, donc les facteurs de compensation.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

58

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Trois réflexions principales me viennent à l’esprit : en premier lieu, la question de la multicentricité. Un des grands avantages d’être un groupe de centres de référence est que si nous voulions travailler ensemble, nous pourrions mettre en commun nos moyens, soit parce qu’ils sont complémentaires dans certaines problématiques – par exemple, dans le cas où un centre ne possède pas un outil qu’un autre centre posséderait : cela justifierait alors un travail multicentrique –, soit en raison de la thématique qui nécessiterait un grand nombre de sujets et parce qu’un seul centre ou deux centres ne compteraient pas suffisamment de patients pour pouvoir répondre aux questions posées – il s’agirait alors d’augmenter la masse critique pour une problématique concernant des affections plutôt rares ou des problématiques plutôt rares au sein d’une affection qui, elle, peut être fréquente.

Le dernier point qu’il me semble important de considérer concerne le DSM-V. Je pense – et je crois que vous serez d’accord avec moi – qu’il y a une avancée importante en matière de troubles d’apprentissage entre le DSM-IV et le DSM-V. Je vous rappelle rapidement le contenu du DSM-IV : sont évoqués des troubles d’apprentissage avec des critères diagnostiques pour chacun des troubles – en A, la nature du trouble ; en B, son impact fonctionnel ; en C, ce qui se passe lorsqu’il est associé à d’autres problématiques qui pourraient provoquer le trouble. Cela était valable pour les troubles de la lecture, du calcul et de l’expression écrite. Tels étaient les trois grands domaines qui étaient inclus dans le DSM-IV à l’intérieur du vocable « troubles d’apprentissage ». En parallèle figuraient le TDH, les troubles de la communication ainsi que ceux de la coordination motrice. Cela n’existe plus dans le DSM-V. En fait, ce dernier évoque des troubles spécifiques d’apprentissage, ce qui induit un changement de vocable général, et la grande différence réside dans le fait qu’il n’existe plus de séries de critères, mais une série unique qui correspond à l’entité « troubles d’apprentissage ». À ma connaissance, elle n’a pas encore été traduite en français : je l’ai donc traduite « librement ».

Les critères sont les suivants : A, difficulté à apprendre et à utiliser les aptitudes académiques, comme indiqué par la présence depuis au moins six mois d’au moins un des symptômes suivants – et c’est là que des changements interviennent : lecture de mots inexacte, lente ou laborieuse, difficulté à comprendre la signification de ce qui est lu, difficulté d’orthographe – le terme anglais est spelling, qui n’a pas d’équivalent français mais se traduit par « orthographe » –, et difficulté dans l’expression écrite – qui est différente de l’orthographe, mais ne correspond pas à la dysgraphie des dyspraxiques. Le DSM-V donne quelques exemples : erreurs de ponctuation ou grammaticales, manque de clarté de l’expression des idées… Cinquièmement – nous sommes toujours dans la seule et unique rubrique –, difficulté à maîtriser le sens des nombres, les faits numériques ou le calcul – j’attire votre attention sur le mot « sens des nombres » qui est nouveau, actuel, et cela vient directement de ce que Dehaene et Cohen nous ont appris dans leurs travaux scientifiques, un concept français à l’origine –, et difficultés dans le raisonnement mathématique – là aussi apparaît une nouvelle dissociation d’une part entre le calcul et le sens des membres, et d’autre part le raisonnement mathématique. Tout cela constitue une seule et même catégorie.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

59

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Le deuxième critère correspond à ce qui se situe significativement en dessous de ceux attendus pour l’âge et l’interférence significative avec les performances académiques ou les occupations – ce deuxième critère est identique à celui figurant dans le DSM-IV. Un autre élément apparaît : « commence durant les années d’école mais peut n’être manifeste que dès lors que les demandes excèdent les capacités limitées de l’individu ». Cela introduit aussi une nouvelle notion : les troubles pourraient n’apparaître que très tard dans l’enfance ou l’adolescence s’ils ont été suffisamment bien compensés pendant plusieurs années. A contrario, cela veut dire que ça n’élimine pas le diagnostic de troubles spécifiques d’apprentissage si un enfant n’a jamais été décelé comme tel à 12 ans. Ce point est très important pour les MDPH par exemple, car elles nous opposent souvent l’idée que si l’enfant n’a pas eu de rééducation jusqu’à l’âge de 12 ans, on ne va pas commencer à lui donner du temps supplémentaire pour le brevet, par exemple. Il vient donc en opposition à ce type d’argumentation.

Enfin – un point également repris du DSM-IV –, « pas mieux expliqué par déficience intellectuelle, acuité auditive ou visuelle non corrigée, autres troubles neurologiques ou mentaux et adversité psychosociale ». « Pas mieux expliqué » veut dire que cela n’exclut pas, mais que cela explique mieux que chacun de ces facteurs potentiels.

Pour ma part, j’ai trouvé cela intéressant, pas seulement parce que c’est nouveau, mais parce que cela répond quand même à une réalité clinique. À force de voir des enfants DYS, on s’étonne que le problème des DYS soit restreint, segmenté : la lecture, le calcul, l’écriture, alors que la majorité d’entre eux présentent tous ces problèmes à la fois à des degrés divers. À cet égard, je pense qu’il s’agit d’une avancée importante.

Nous en parlons ici pour la recherche, c’est-à-dire que, au delà de l’intérêt et de la réalité clinique, émerge l’impact éventuel sur les thèmes de recherche et sur la recherche elle-même. En effet, en particulier en Amérique du Nord, les recherches menées se basent très fortement sur le DSM : ce dernier constitue donc une sorte de garantie en termes d’utilisation de critères identiques pour parler de la même chose à travers l’ensemble de la communauté scientifique. Tout le monde s’accordera sur le fait que le DSM est utile pour le clinicien, mais qu’il l’est encore plus pour les chercheurs. Or là, la situation va changer pour les chercheurs, car les patients qui seront inclus dans nos recherches ne seront plus forcément les mêmes, les critères étant très différents. Ainsi peut-être un enfant dyslexique et dyscalculique aurait-il été exclu de certaines recherches d’IRM fonctionnelle, parce qu’il est dyscalculique et que le travail porte sur la dyslexie ; désormais, cela ne sera plus le cas : s’il est dyslexique et dyscalculique, il sera toujours dans la catégorie des troubles spécifiques d’apprentissage, et peut donc entrer dans ces recherches. Peut-être obtiendrons-nous des résultats très différents.

Enfin, je souhaite vous informer de la création d’une société savante qui s’appelle la SOFTAL, la Société francophone des troubles de l’apprentissage et du langage. J’insiste sur la notion de francophone parce que là réside la différence entre ce qui peut se passer dans les réunions de la SOFTAL par rapport à la Journée des centres de référence qui se tient pendant la Société de neuropédiatrie.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

60

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Après y avoir beaucoup réfléchi, nous avons décidé que créer une vraie société savante ne faisait pas double emploi, surtout en raison du fait qu’elle réunit toutes les professions autour des troubles d’apprentissage, et est internationale francophone avec l’idée que la francophonie a quelque chose de pertinent en matière de troubles d’apprentissage, que réunir des chercheurs, des cliniciens et des enseignants autour de la francophonie peut avoir une pertinence. Tel était notre pari.

Si vous souhaitez nous encourager, je vous invite à télécharger le bulletin d’adhésion et à vous inscrire à la SOFTAL, qui est associée à la revue Développement, éditée par De Boeck, une revue interdisciplinaire autour du développement cognitif normal et pathologique. La thématique dépasse largement les troubles spécifiques d’apprentissage, mais nous avons un partenariat avec cette revue, et les actes de la Société y seront publiés. Une négociation est en cours pour que les membres de la Société puissent bénéficier d’un tarif d’abonnement préférentiel.

Renée CHEMINAL Neuropédiatre, Centre de référence Montpellier

Je vais vous montrer un exemple de projet de recherche. Nous en avons tous. Une des questions posées est de savoir comment les mettre en communauté, soit sur des recherches actuelles pluricentriques, soit à partir de recherches que nous avons tous menées – nous avons soutenu des thèses, écrit des mémoires pouvant avoir une réelle valeur significative. Il conviendra également de chercher comment mettre en communication ce que nous faisons chaque année. Chacun doit donc essayer de dire ce qu’il fait, afin que cela soit accessible à tout le monde.

Dans les questions posées figurait celle-ci : recherche clinique ou recherche fondamentale ? Je pense que les deux ne recouvrent pas les mêmes choses. Lorsqu’une recherche multicentrique porte sur des sujets rares, avec des données très peu fréquentes, ceci oblige à travailler avec plusieurs centres afin de disposer de données suffisantes pour pouvoir les analyser. En outre, je pense qu’il existe un type de données fondamental pour les centres référents : ce sont les données épidémiologiques, soit de disposer d’un grand nombre d’informations utilisables en fonction des intérêts de chacun. Ainsi, quand on voit un enfant, on pose des questions, on s’intéresse à lui, mais il est important de pouvoir répondre à la demande de quelqu’un. Cette base de données contient plusieurs projets et j’ai choisi de parler du problème du méthylphénidate, car il est extrêmement sensible actuellement. Nous disposons de données internationales parfaitement valides et actuellement mises en doute, mais je souhaitais vous montrer comment nous voulions créer cette base de données.

Le méthylphénidate est coupable de tout : il rend les gens somnolents et les empêche de dormir, il rend boulimique et il coupe l’appétit. Bref, il est coupable de tout. Si un enfant ne grandit, c’est à cause du méthylphénidate.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

61

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Je pense qu’à l’image de la poule et de l’œuf, nous pouvons nous demander qu’est-ce qui est responsable entre la pathologie et le traitement. Je pense que des éléments sont liés aux troubles de l’attention. Je rappelle la sortie d’une publication en décembre 2012 par la Haute Autorité de la santé qui a modifié l’intitulé : ce sont des enfants qui ont des troubles de l’attention, plus ou moins agités, c’est-à-dire que la notion d’hyperactivité ne fait pas partie actuellement de la définition obligatoire, le trouble de l’attention étant primordial. Je pense que cela fait partie des éléments qui font que ce sujet a été très mal pris en compte parce qu’on a vu un trouble du comportement alors qu’il s’agit d’un problème autre : celui de l’attention, rendant le diagnostic extrêmement difficile.

Créer une base de données implique de repérer dans chaque centre les sujets pouvant participer à une étude plus précise et répondre à des questions communes, sans répondre à des questions dont les réponses sont très largement données. J’ai assisté à Milan à un congrès international des données statistiques sur les risques de conduites addictives et sur les risques de la taille définitive : ceux-ci sont très largement documentés, et nous reposons actuellement toujours les mêmes questions. Afin qu’une base de données puisse être créée, nous devons tous poser les mêmes questions et de la même manière. Ainsi, s’agissant des troubles du sommeil, nous interrogeons toujours les familles, mais le faisons-nous de la même manière afin de pouvoir utiliser nos données ? En outre, il importe que cela soit faisable, c’est-à-dire que nous ne devons pas multiplier les questions.

Nous sommes en train de créer cette base de données à Montpellier, et celui qui s’occupe des troubles du sommeil est prêt à nous donner dix pages de questionnaires ; chacun veut nous donner un tas de choses… Je pense qu’il faut que les questions soient nécessaires et suffisantes pour repérer et pas pour diagnostiquer.

À titre d’exemple, s’agissant de la croissance et du TDH : le méthylphénidate empêche la croissance. Toutes les données disent que non : la croissance définitive est normale.

Existe-t-il d’autres hypothèses, un facteur génétique commun ? C’est une possibilité. Ce sont des pathologies ou des troubles fréquents qui font que cela va se recouvrir – j’ai vu une étude récente disant que le méthylphénidate donne de l’hypertension après 50 ans. Je suis désolée : le méthylphénidate n’est pas le seul responsable de l’hypertension après 50 ans. Cela peut également être lié à des retards pubertaires, et il est vrai que nous avons des catégories d’enfants, en particulier parmi les anciens prématurés ou parmi des petites tailles, qui ont une puberté décalée. Bien souvent, le méthylphénidate est donné au moment de la freination de la puberté, et la croissance est différée.

Nous sommes partis sur l’hypothèse de facteurs génétiques communs à partir de trois familles comptant un enfant traité pour troubles déficitaires de l’attention et un autre par hormones de croissance, et trente enfants présentant une double pathologie. Il est certain qu’à partir du moment où on cherche, on trouve davantage. En outre, nous entretenons beaucoup de liens avec l’équipe d’endocrinologie pédiatrique. Nous proposons le protocole suivant : soit partir d’enfants d’une population d’enfants de petite taille en définissant ce qu’est une petite taille, donc en analysant la croissance des parents, et parmi ces enfants de petite taille envoyés par les endocrinopédiatres, il apparaît que certains sont traités par méthylphénidate ; soit inviter les endocrinopédiatres à poser la question d’un trouble déficitaire de l’attention dans leurs populations.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

62

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

La deuxième population correspond aux enfants traités par méthylphénidate, et on va chercher des petites tailles dans la famille. Les questions portent sur l’histoire de la croissance, l’arbre familial, la taille, la puberté des parents et des enfants, les traitements par Ritaline (parents, frères et sœurs) ou par hormones de croissance, les autres médicaments qui peuvent freiner la croissance puisque certains enfants sont sous corticoïdes ; dans certains cas beaucoup plus rares, des études du sommeil sont réalisées. Ce protocole fait que nous posons des questions qui n’augmentent pas de manière importante l’analyse, tant la nôtre que celle des endocrinopédiatres, afin de pouvoir repérer ceux chez qui la recherche sera un peu plus poussée. Il est bien sûr important, dans ces cas-là, avant d’aller plus loin, de mener des études familiales bien documentées, avec des arbres de croissance. Ce protocole est en cours : si vous avez des gens correspondant à cette situation, il serait intéressant de nous les envoyer.

Un autre exemple est celui de l’obésité. Nous savons que l’obésité est associée au TDH, plus sévère chez les enfants ayant un TDH non traité. Les hypothèses sont celles d’un mauvais contrôle de l’inhibition – il est vrai que la boulimie fait partie de l’impulsivité, même si je pense que la difficulté d’adhérer à un régime n’est pas seulement liée à un TDH et est beaucoup plus fréquente –, et là aussi d’une association des pathologies fréquentes, et à nouveau l’association aux troubles du sommeil.

Ainsi, nous nous rendons compte que les troubles du sommeil peuvent apparaître dans les populations de petite taille, des obèses ainsi que chez celles ayant des troubles de l’attention. Nous nous sommes interrogés sur l’analyse de populations très particulières chez les enfants ayant des anomalies chromosomiques, que ce soit les trisomiques qui comptent beaucoup plus d’obèses, avec des troubles de l’attention, et ce sont probablement des populations à analyser de manière plus précise afin d’avoir peut-être un peu moins de facteurs sociaux modifiant nos résultats.

Sommeil, TDH et méthylphénidate : nous savons que certains enfants voient leur sommeil parfaitement amélioré par le traitement au méthylphénidate, et cela est encore plus vrai chez les adultes. Les adultes TDH et traités prennent parfois du méthylphénidate pour dormir parce que cela les apaise ; dans d’autres cas, l’inverse se produit. Nous devons donc, là aussi, bâtir un questionnaire afin de poser les questions de la même manière sur l’heure d’endormissement, les conditions du coucher le soir.

Plus de quatre-vingts enfants TDH ont été enregistrés à ce jour, toujours parce qu’ils présentaient des troubles avérés, et nous nous sommes rendus compte qu’ils s’endorment beaucoup mieux lorsqu’on les couche plus tard que les horaires imposés en hôpital. Il faut ajouter aussi le ronflement. L’objectif de ces questions simples à poser n’est pas de nous permettre de réaliser une étude, mais d’effectuer des repérages pour des gens qui mèneront des études plus poussées.

Le risque cardiaque est une question actuellement posée. Le point de vue des cardiopédiatres est que, en cas de suspicion de risque cardiaque chez un enfant, traité ou non par méthylphénidate, un bilan cardiaque est nécessaire, le décès par mort subite étant relativement fréquent chez de jeunes adultes et des enfants.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

63

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Certaines équipes de pédopsychiatres réalisent systématiquement des bilans cardiaques. Il faut toujours poser la question des antécédents, et si les parents sont inquiets, mieux vaut procéder à un bilan. L’autre risque est un phénomène de valvulopathies qui a été décrit chez des rats par des gens qui disent qu’il n’existe pas de risques de valvulopathies chez les enfants. Or les valvulopathies chez l’enfant existent, et là, c’est pareil : nous menons des études familiales – j’ai pu repérer des valvulopathies en posant des questions de risques chez la famille. Nous en revenons donc à un arbre généalogique bien réalisé afin de repérer des éléments familiaux.

Le méthylphénidate donnerait des tics, mais reste néanmoins le traitement de première intention des Gilles de La Tourette. En revanche, il faut observer les enfants en consultation, et il me semble important de les noter. Pour d’autres, nous pouvons rechercher les associations avec des troubles bipolaires. L’idée est de créer une base épidémiologique en prenant tous les mêmes définitions et en sachant de quoi nous parlons afin de pouvoir répondre à des questions précises et aller plus loin dans des domaines plus pointus pour des sujets de recherche précis.

Je voulais juste vous donner l’exemple d’un sujet sur lequel nous sommes en train de travailler. Il est certain que dans la mesure où l’on travaille avec des spécialistes du sommeil ou de la croissance, ils auraient tendance à élargir les questions. Pour notre part, nous essayons de les réduire pour arriver aux questions nécessaires au minimum. Il s’agit là d’un exemple de recherche clinique épidémiologique fondamentale que nous sommes en train de mettre en place, et si des gens sont intéressés, j’aimerais qu’ils y participent.

Pierre DUJOLS Épidémiologiste, DIM Montpellier

Bonjour, je ne suis qu’épidémiologiste à Montpellier, et je suis le candidat absolu par rapport à vous. J’appartiens à une unité INSERM qui fait de la recherche en virologie. Le seul lien que je peux avoir avec Renée est lié au fait que je suis aussi le directeur du service universitaire de médecine préventive. Je me retrouve avec un certain nombre de patients adultes et pour lesquels, bien évidemment, soit eux soit leurs parents demandent très souvent un tiers temps. Nous reprenons alors le dossier, et c’est là que surgit un vrai problème : ils ont effectivement pu avoir des choses dans la petite enfance ; depuis, c’est un peu erratique, et on se retrouve sous la pression souvent des parents. C’est ce qui m’a amené à rencontrer à nouveau Renée, mais étant dans la recherche, et absolument pas dans ce secteur-là, même si je dirige un département d’information médicale, je vous livrerai un certain nombre de réflexions sur ce que j’ai entendu et sur des possibilités de recherches éventuelles que vous ne connaissez pas – mais je ne suis pas sûr de cela.

De tout ce que j’ai entendu aujourd’hui, il est évident que les centres de référence étant de niveau 3, ils auront nécessairement de la recherche à faire. La recherche peut concerner une équipe particulière, toute seule ou en connexion avec une autre, sur une idée bien précise, auquel cas personne ne peut l’empêcher de mener cette recherche – exception faite des méthodologistes.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

64

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Cela amène une première réflexion par rapport à tout ce qui a été dit ce matin, et notamment le discours d’introduction que j’ai trouvé excessivement intéressant : visiblement, il vous manque globalement à tous un certain nombre de choses, et cela me fait penser au début de l’épidémie du VIH. Les premiers malades ont été vus pour les uns en maladies infectieuses, pour les autres en neurologie : tout le monde y était. Nous avons vu cette explosion, et s’est créée une mise en commun d’un certain nombre de données minimales, bien décrites, chacun pouvant avoir sa base de données, son système, etc., sans que soit imposé quoi que ce soit, à l’exception de décrire l’état des patients lors de chacune de leurs visites sur une fiche qui était enregistrée et envoyée sur un site qui est maintenant celui de Lyon, ce qui a permis de disposer des premières informations épidémiologiques.

Ensuite, bien évidemment, au fur à mesure de l’exploitation et de la montée des connaissances, cette base de données est devenue accessible par le web et le nombre d’items a été augmenté, mais d’un commun accord. C’est une très belle base de données, et quand on s’interroge par exemple sur le psoriasis et le HIV, on trouve des informations. J’ai beaucoup aimé la notion de système d’information évoquée sur la Bretagne ce matin, mais peut-être pourriez-vous le mettre globalement en place sur la France, parce que vous rencontrez aussi des problèmes de défense d’identité, si vous me pardonnez. Peut-être conviendrait-il que vous vous mettiez d’accord sur quelques items qui seraient systématiquement recueillis et qui permettraient de « donner » l’état du petit patient se trouvant devant vous.

Cela pose toutefois un problème. En effet, le VIH était une maladie aiguë, et il faut regarder ce qui se passe, si vous faites ça, dans le PMSI. Je sais bien que c’est un « miroir » épidémiologique bizarre, mais il donne beaucoup d’informations, surtout dans le SSR ou la psychiatrie parce que ce sont des files actives, et c’est un peu ce que vous avez.

Vous vous heurterez également à un deuxième problème : le fait que vos petits patients sont souvent en consultation. Or pour l’instant, il n’existe pas de système qui soit très adapté à la consultation en dehors de celui qui existe en Angleterre, mais pourquoi ne pas faire un système hors consultation ? Cela se regarde.

J’ai entendu que tout le monde n’était pas d’accord sur les classifications : c’est effectivement très franco-français. Il existe des classifications comme le DSM-V, mais il en existe probablement d’autres sur les prises en charge…, que vous n’aimez pas mais que vous aimez par défaut. Cela n’est pas terrible, mais tout le monde parle ce langage-là : prenez-les.

Il ne faut pas se poser plus de questions qu’il n’en faut, au moins sur les premières marches. Ensuite, cela vous permettra d’avoir des conduites un peu communes et surtout de vous inscrire, parce que vous aurez des données en commun, vers les évolutions du DSM-IV qui se font aussi avec l’OMS, même si c’est nord-américain, et de pouvoir porter votre parole et la manière dont vous faites la clinique. Nous pouvons dire que nous sommes loin de la recherche : oui et non. C’est une recherche épidémiologique. Cette dernière présente deux avantages.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

65

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Premièrement, dans le temps, les différentes recherches que vous pourrez mener et qui donneront des résultats pourront tout doucement augmenter – mais il faudra le décider entre vous – le nombre d’items à prendre systématiquement, donc par tout le monde, ce qui diffère de deux à trois centres qui se mettent d’accord sur une recherche. A contrario, il s’agit d’être sûr que la base de données même minimale vous permettra d’accéder aux informations dont vous avez besoin, car les épidémiologistes vous coinceront sur le nombre de sujets nécessaires. Il faut donc partir petit, et monter tout doucement les marches : vous verrez que cela apporte beaucoup.

Si on revient à la recherche, vous avez vu qu’il existe des PHRC, mais il existe aussi maintenant des choses qui sont communes entre les EPST d’un côté, et la DGOS de l’autre, ainsi que des PHR en soins infirmiers, paramédicaux, etc. Il est intéressant de noter qu’il n’y a pas la recherche fondamentale d’un côté et la recherche clinique de l’autre – cela existe mais de moins en moins, en dehors des hypergénéticiens qui sont en train de scanner le génome ; il s’agit de plus en plus de recherche translationnelle, et les unités INSERM et la DGOS poussent dans ce sens – pour ma part, j’appartiens à une unité translationnelle en virologie, c’est-à-dire qui compte à la fois des épidémiologistes, des chercheurs hyper fondamentaux, de la biologie cellulaire, moléculaire… La démarche est excessivement intéressante, et il se trouve que l’INSERM en est friande mais également l’Europe.

Or il existe aussi des programmes dans les projets translationnels – il y a eu un programme ANR qui s’est arrêté au 15 mai dernier, avec possibilité d’avoir de l’argent. Il ne s’agit pas d’avoir de l’argent pour l’argent, mais cela est intéressant, car l’argent constitue toujours le nerf de la guerre pour la recherche. D’un autre côté, il ne faut pas oublier comment avoir le nerf de la guerre. La DGOS a également voulu que la recherche puisse s’auto-entretenir – vous avez vu les points SIGAPS – si vous figurez dans une publication de rang A, etc., ces points arrivent dans les établissements – et SIGREC – si vous avez un projet de recherche impliquant 300 enfants, chaque enfant rapporte un certain nombre de points, et l’argent ramené à l’établissement entretient la recherche, mais d’un autre côté, il permet à des services cliniques d’avoir ce qui a été prévu par beaucoup d’hôpitaux : des postes dits de PH, de chef de clinique, etc., « recherche ».

Ainsi, si un service dégage suffisamment d’argent et parvient à prouver qu’il participe à des programmes se pérennisant dans le temps, comme on ne prête qu’aux riches, en général, l’administration trouve l’établissement intéressant et ce dernier pourrait être candidat à un poste dit « recherche ». Ce peut être par exemple au départ des postes de PH moitié soins, moitié recherche, alors qu’avant, il était impossible de les obtenir.

Une personne présente dans le service entretiendra donc l’esprit recherche, et vous êtes passés à la recherche. Beaucoup de services cliniques ont réussi à ce que l’administration prenne ce pari, et dans la majorité des cas, il est gagné, d’autant plus si on se met en union avec une unité INSERM qui est également poussée au translationnel. Le pari est d’autant plus gagné que les cliniciens figurent alors dans les publications des chercheurs, et réciproquement. Comme vous gagnez des points à la publication, plus vous figurez dans une publication, plus vous gagnez des points.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

66

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Voici, par conséquent, comment faire marcher la « planche à billets » de la recherche. Les publications sont souvent de meilleur niveau en raison de cette confrontation fondamentalistes-cliniciens dans un rapport gagnant-gagnant. C’est donc là un des bons « moyens » non seulement de rentrer en recherche mais aussi d’y rester.

Après, il y a toujours les embêtements : c’est long, il faut protocoliser, etc. Certes, mais ceci se passe chaque fois qu’on veut rentrer dans la recherche.

Si j’avais deux messages à vous transmettre, le premier serait de vous inviter à monter tout doucement les marches des éléments mis en commun, à minima – huit à douze questions par patient : cela vous permettra de mieux connaître, de vous défendre mais aussi d’aller vers la recherche. Le deuxième serait de vous inviter à regarder autour de vous quelles seraient les unités INSERM dans lesquelles vous vous sentiriez bien et qui, elles aussi, se sentiraient bien avec vous : elles sont nombreuses. Vous pourrez alors commencer à démarrer des recherches. Après, c’est la recherche, c’est-à-dire qu’on s’entend mieux avec telle ou telle équipe, tel ou tel service, et on fait des projets en commun : à ce moment-là, on bâtit un protocole parce que c’est la seule manière de disposer de données fiables. Effectivement, cela demande un travail journalier, une exhaustivité, une qualité des données, etc., mais comme il s’agit de sa recherche, ses publications, on le fait. Voilà les quelques messages que je voulais vous donner, mais je pense que vous saviez tous déjà cela. Merci.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

67

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Débat et échange avec la salle

Juliette BLOCH Directrice Scientifique, CNSA

De l’expérience des maladies rares qui ont aussi des centres de référence, je pense que la saisie des données est d’autant plus importante qu’il n’existe pas de double saisie, c’est-à-dire que ce qu’on saisit correspond à ce qu’on aurait saisi éventuellement ailleurs, et réciproquement que les données saisies servent aussi à la personne qui les saisit. Il convient donc de trouver un équilibre entre ce qui est juste nécessaire pour connaître un minimum d’épidémiologie et ce que nous pourrions saisir, qui servirait à soi et entraîne finalement une meilleure motivation pour la saisie et l’adhésion d’un ensemble de personnes. Toujours en faisant le parallèle avec les centres des maladies rares, je rappelle l’existence d’un logiciel, CEMARA, développé par le service informatique de l’hôpital Necker, qui est à la disposition de tous les centres de maladies rares qui le souhaitent et donc des centres de référence, avec un socle de données communes mais adaptables, utilisé par un grand nombre de centres de référence. Je signale qu’il existe un pétale développé sur les données médico-sociales, financé par la CNSA dans le cadre d’une étude menée par des centres de référence sur les anomalies chromosomiques. Ce pétale qui détaille toutes les aides que peuvent avoir les enfants, leur milieu de vie, etc., est disponible et prêt à être utilisé gratuitement. Je rappelle aussi qu’une telle démarche implique la nécessité de se mettre en règle avec la réglementation, donc en déclarant la base de données auprès de la CNIL et en informant les personnes qu’elles disposent d’un droit d’accès et d’opposition sur ces données.

Pierre DUJOLS Épidémiologiste, DIM Montpellier

Je suis complètement d’accord entre vous. Se pose ensuite la question de la fréquence. Vous devez vous mettre d’accord sur ce minimum. Il peut aussi arriver que des choses s’imposent à vous. Pour être dans un DIM et en contact étroit avec l’administration hospitalière, je peux vous dire qu’il peut être difficile, en cas de problèmes budgétaires, de défendre notamment les sites vus par l’administration comme « non rentables » – une posture assez prégnante ces temps-ci. Cela veut dire qu’il faut aussi essayer de traquer les patients que vous voyez et si, par hasard, il est absolument nécessaire de les traquer dans votre système d’information hospitalier, peut-être est-ce le meilleur endroit.

Il est néanmoins possible de faire développer des ponts pouvant renvoyer vers une base de données comme CEMARA, et cela est tout à fait intéressant. Quand vous avez des données, vous devez regarder quel est le meilleur réceptacle en fonction de votre endroit à vous.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

68

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

En revanche, il ne faut pas oublier de participer au « bien commun » et qui serait le minimum vital que vous pourriez avoir entre vous, puis des données de recherche. Ces temps-ci, d’un point de vue épidémiologique, regardez bien quelle est la « défense » des centres de référence implantés dans des hôpitaux publics : cela est vraiment important, parce qu’on cherche une espèce de rentabilité par certains côtés horribles – je peux comprendre que les hôpitaux sont en déficit financier et qu’il ne faut pas faire n’importe quoi, mais à un moment donné, on a un peu oublié la notion de patient, et il faut se défendre aussi avec les « armes » que « comprend » une certaine forme d’administration. Comme ils ne sont pas antinomiques avec ce que vous voulez faire en commun, il faut juste regarder quel est le meilleur endroit.

Philippe BORZADO Vice-président de l’ANAPEDYS et professionnel sur les nouvelles technologies

Qu’est-ce qui va dans l’univers de l’open data ? Nous sommes dans un univers sensible, celui de la santé. Je parle bien sûr de données anonymes. Qu’est-ce qui est accessible à une association de parents, à une entreprise ?

Pierre DUJOLS Épidémiologiste, DIM Montpellier

Il existe de plus en plus de choses dans l’univers open data. La France a mis longtemps à se mettre à l’open data, mais la démarche est encouragée par le ministère de la Santé. Il est évident que ce qui est non anonyme reste non anonyme, et n’est pas accessible à qui que ce soit. Dans l’open data, actuellement, les opinions divergent entre certaines personnes. Il existe une mission auprès du Premier ministre pour essayer de voir ce qu’il serait possible de sortir au niveau de l’open data – avec les données de l’Assurance maladie à condition de les rendre bien évidemment anonymes ; or la CNIL a imposé des règles très bien suivies – le travail de la mission auprès du Premier ministre vise à avoir une certaine forme d’ouverture des données. Cela pourrait peut-être éviter de s’apercevoir trop tard de problèmes tels que celui du Mediator par exemple. Le but est d’ouvrir l’open data, bien sûr sans pouvoir savoir de qui il s’agit.

Des états généraux risquent de se tenir à la rentrée ou au cours du premier trimestre 2014 : nous devrions donc y voir plus clair à ce moment-là. C’est une des plus grandes bases de données mondiales sur la santé, et il est dommage que cela reste un cimetière de données. Peut-être s’agira-t-il d’une ouverture, mais avec des clés dont il est encore impossible de dire de quel ordre elles seront.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

69

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

En construisant le programme de cette journée, nous souhaitions sortir de nos frontières pour voir quelle réponse était apportée dans les pays voisins, francophones si possible, à la question des troubles spécifiques du langage et des apprentissages. Nous cherchions un(e) intervenant(e) pour présenter l’organisation des soins : Isabelle Degrelle, logopède en Belgique, a accepté de venir faire une présentation aujourd’hui, et je l’en remercie.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

70

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Organisation comparative des soins et de l’accompagnement des TSLA à l’échelle européenne

Isabelle DEGRELLE Logopède, ASELF (Belgique)

C’est moi qui vous remercie. Je suis une représentante de l’Association scientifique et éthique des logopèdes francophones (ASELF). Je ne suis pas une spécialiste des troubles DYS puisque je travaille plutôt avec des adultes au niveau de la voix et de la déglutition, mais je peux vous expliquer l’organisation des soins en Belgique.

Je vais commencer par un lexique, car je pense qu’il existe quelques différences au niveau du langage, puis j’évoquerai les caractéristiques belges, tant en matière de soins que des orthophonistes et comment cela se passe chez nous (prise en charge en monodisciplinaire, en multidisciplinaire ou en enseignement spécialisé). Nous verrons ensemble les problèmes et les avantages que cela pose.

1. Lexique

« Logopède » signifie « orthophoniste ». L’AMI ou INAMI est l’institut national qui gère les soins de santé chez nous. Pour pouvoir en bénéficier, le bénéficiaire doit s’inscrire auprès d’un organisme assureur (OA) qui est une mutuelle et fait l’intermédiaire pour rembourser les soins et octroyer les indemnités. Chez nous, il y a un enseignement maternel non obligatoire qui va de 2,5 à 5 ans, puis un enseignement primaire de 6 à 12 ans, puis un enseignement secondaire qui va de 13 à 18 ans, les hautes écoles (niveau bac+3) et les universités (niveau bac+5). Quant à l’enseignement spécialisé, il est à part et concerne vraiment les enfants à problèmes.

Parallèlement à ces écoles, il y a les PMS, qui sont des centres psychomédicosociaux constitués d’assistantes sociales, infirmiers, psychologues et parfois médecins payés par la communauté française, et qui offrent des services gratuits en matière d’orientation scolaire. Ils sont donc appelés par les écoles ou par les parents pour aider à l’orientation scolaire de certains enfants et viennent à la demande.

2. La prise en charge via les soins de santé

La prise en charge des troubles d’apprentissage se fait principalement par les soins de santé de l’INAMI via les logopèdes qui sont représentés par diverses associations : l’Association scientifique et éthique des logopèdes francophones dont je suis la représentante et qui était au départ uniquement ouverte aux masters (formations en cinq ans) et s’ouvre maintenant aux formations en trois ans, l’UPLF et la VVL pour la partie néerlandophone.

Le ministère de la Santé a mené une large étude pour recenser les logopèdes en 2011. En Belgique, il existe une double formation : en trois ans (depuis 1964) et en cinq ans (à l’université depuis 1965). La tendance actuelle est à l’uniformisation européenne pour essayer d’avoir un niveau master.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

71

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Nous connaissons une explosion d’étudiants français qui viennent étudier en Belgique – presque 50 % en 2011 et les trois quarts aujourd’hui. Nous voulions instaurer un quota de 30 % d’étudiants français, mais la cour de justice de l’Union européenne a refusé cette mise en place. Il conviendra néanmoins d’organiser un débat entre la Belgique et la France parce que la situation devient ingérable pour nous.

Dans son recensement, le ministère de la Santé a remarqué que 73,4 % des logopèdes déclaraient travailler au niveau des troubles DYS, et 72,9 % au niveau du langage oral, contre 14 % pour les troubles de l’articulation, 8 % pour les troubles de la face, et près de 5 % pour l’ouïe et la voix. Les troubles d’apprentissage constituent donc un enjeu majeur chez nous.

S’agissant de la prise en charge, il n’existe pas vraiment de dépistage systématique. Cela se fait plutôt dans les écoles via les centres psychomédicosociaux attachés aux écoles, qui viennent réaliser des bilans de compétences souvent en fin de troisième maternelle à la demande des enseignants ou des parents. Plus rarement, un diagnostic est établi lors des consultations des médecins, ceux habilités à prescrire les bilans étant les pédiatres, les ORL ou les neuropédiatres. Lorsqu’ils suspectent un trouble DYS, ils prescrivent un bilan, et la logopède effectuera divers testings. Lorsque l’existence d’un trouble DYS est avérée, peut alors être mise en route une logopédie soit monodisciplinaire en libéral via une nomenclature établie par l’INAMI, soit dans des centres multidisciplinaires via une convention également établie par l’INAMI. Les critères d’accès et les degrés de sévérité sont différents. Parallèlement à cela, il est également possible d’intégrer un enseignement spécialisé mais uniquement pour le primaire.

La prise en charge via l’INAMI se fait principalement en monodisciplinaire via la nomenclature et secondairement aussi en centres multidisciplinaires. Ceux-ci sont conventionnés avec l’INAMI. Ce sont des centres de rééducation ambulatoire (CRA), quatorze étant prédéfinis. Il existe des centres de référence dédiés à l’autisme, à l’infirmité motrice cérébrale, à la surdité et à la dysphagie. Ils travaillent en équipe multidisciplinaire : médecin, psychologue, kinésithérapeute, logopède, assistante sociale et ergothérapeute travaillent donc sur le trouble et contrairement à la logopédie en libéral, chacun est spécialisé : tel est l’avantage de ces centres.

Dans le cadre de la prise en charge en libéral, c’est le médecin spécialiste qui établit une prescription une fois que la logopède a confirmé qu’il s’agit d’un trouble DYS après avoir réalisé des tests faisant partie d’une liste limitative de tests établis par l’INAMI : il faut qu’apparaisse au minimum un an de retard aux différents tests, sachant que l’enfant ne peut être pris qu’à partir de l’âge de 7 ans, puisqu’il apprend à lire et à écrire à partir de 6 ans. À partir de 9 ans, il faut un an de retard, contre deux ans à partir de 10 ans. Ce dossier est ensuite soumis au médecin conseil via les prescriptions et le rapport logopédique. Le médecin peut donner son accord pour un an maximum avec 96 séances maximum de 30 minutes par an. Dans certains cas, il est possible de bénéficier de séances d’une heure, ce qui diminue alors de moitié le nombre de séances. Intervient un remboursement de 75 % pour un assuré ordinaire, et de 90 % pour les assurés ayant des problèmes financiers (VIPO) (problèmes financiers).

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

72

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Cette demande peut être renouvelée une deuxième fois après un an, mais il faut effectuer les mêmes démarches. Plus rien n’est proposé après deux ans.

Ces prises en charge peuvent se faire au cabinet du logopède, à l’école, en milieu hospitalier, en centre de rééducation ou au domicile du patient.

En termes d’accompagnement mis en place pour ces troubles d’apprentissage, dans l’enseignement ordinaire primaire, il s’agit principalement de la présence de logopèdes travaillant en exercice libéral et attachés à l’enseignement primaire. Il existe aussi des possibilités d’adaptation pour les épreuves du CEB (l’équivalent du baccalauréat mais à la fin du primaire donc à l’âge de 12 ans), par exemple un tiers de temps supplémentaire, l’adaptation des copies, etc.

Dans l’enseignement ordinaire secondaire, des réflexions politiques sont en cours. Depuis 2012, un professeur portant le titre de « relais dyslexie » est présent et chargé de faire le relais entre les enseignants, le logopède, les parents et le centre PMS. Mais cette situation est un peu à la carte, et varie d’une école à l’autre. Les aménagements sont également à la carte, comme par exemple le fait d’envisager davantage d’examens oraux. Le problème du secondaire est que comme il est fréquent que les patients DYS ne maîtrisent pas les matières de base, ils sont orientés vers des filières techniques ou professionnelles qui, souvent, malheureusement, sont chez nous des filières de seconde zone.

À l’université, il est également possible de bénéficier d’une adaptation : il faut simplement qu’une logopède certifie que l’étudiant a bien un trouble DYS, et dans ce cas, il peut avoir l’aide de logiciels, des temps supplémentaires et demander plus d’examens oraux qu’écrits.

Pour les adultes, il n’existe pas grand-chose, à l’exception d’un alinéa de la nomenclature qui permet d’obtenir un remboursement lorsque le trouble constitue un handicap dans la poursuite d’une activité professionnelle, d’une recherche d’emploi, d’une convention d’apprentissage ou d’une rééducation professionnelle. S’il est prouvé que l’adulte entre dans cette catégorie, il a à nouveau droit à deux ans d’intervention via un logopède.

Le premier problème réside dans la limite fixée par les deux années-calendrier : que se passe-t-il si le traitement est interrompu, si les troubles sont plus sévères ? Pourquoi ne pas étaler les 96 séances dans le temps ? L’autre problème est le critère d’année de retard : cela ne correspond pas vraiment à la littérature, à la définition du trouble DYS. Il peut y avoir une confusion entre le retard et la dyslexie, la déviance. Certains enfants seront plutôt pris en remédiation parce qu’ils ont un an de retard, mais ne présentent pas de troubles DYS. Les interprétations sont variables sur le terrain. Par ailleurs, un testing de QI ou de langage oral n’est pas toujours demandé en cas de dyslexie, dysorthographie ou dyscalculie. Or ceux-ci peuvent parfois être dépendants l’un de l’autre. Il n’y a pas non plus d’intervention après l’âge de 15 ans en monodisciplinaire.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

73

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

En outre, par mesures d’économie, depuis janvier 2013, les enfants âgés de moins de 10 ans n’ont plus de remboursements des séances de 60 minutes – il a été décrété que les enfants de moins de 10 ans ne pouvaient pas se concentrer durant plus de trente minutes.

Après les deux années-calendrier, la plupart du temps, il ne se passe plus grand-chose, si ce n’est un accord dans le cadre de l’assurance complémentaire de la mutuelle – les mutuelles disposent d’une caisse dont elles octroient les fonds pour certaines interventions en cas de refus de l’INAMI, mais seul un quart des frais est remboursé, avec des variations dans le temps et d’une mutuelle à l’autre.

À côté de cela existent des prises en charge multidisciplinaires dans un centre, souvent en hôpital. Bénéficier de cette intervention en centre en convention implique que le jeune fasse partie du groupe 4. L’INAMI a établi 14 groupes de conventions de centre. Pour le groupe DYS, il doit souffrir d’un trouble complexe du développement dans au moins deux des six domaines suivants : le langage oral et/ou les acquisitions scolaires, la motricité, l’attention et/ou la mémoire, le comportement, la perception auditive et/ou visuelle, et le fonctionnement visiospatial, tout cela en l’absence de troubles du QI, de l’ouïe, de la vue ou neurologiques. Si on parvient à prouver à travers des testings que l’enfant présente bien ces troubles, ce dernier peut intégrer un centre conventionné jusqu’à la veille de ses 19 ans. Le jeune doit avoir par rapport à la norme au moins deux écarts types dans le testing parmi la liste limitative des tests, et le trouble doit être tenace (persistance des troubles après au moins six mois de prise en charge didactique adéquate).

Ces centres présentent les avantages de proposer une spécialisation et de donner la possibilité de travailler en équipe. Le problème est qu’ils sont répartis de manière très inégale dans le pays. Par ailleurs, restriction budgétaire oblige, pour le moment, il n’est plus possible d’ouvrir de nouveaux centres, et la liste d’attente est souvent de plusieurs mois.

3. L’enseignement spécialisé

L’enseignement spécialisé est financé par la communauté française et comprend huit types. Ce sont des classes à part, les troubles DYS se rattachant au type 8. Ce type s’adresse uniquement aux enfants du primaire jusqu’à l’âge de 12 ans. Pour qu’ils puissent intégrer ce type, les enfants ne doivent pas avoir de troubles de l’intelligence, de l’audition ou de la vision, mais bien des difficultés dans le développement du langage, de la parole, de l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et/ou du calcul. L’entrée de l’enfant dans l’enseignement spécialisé est décidée après concertation avec les centres psychomédicosociaux.

Cet enseignement spécialisé présente un gros avantage, car il permet de travailler selon une adaptation individuelle du travail pédagogique, dans des petites classes – généralement, de dix à quatorze élèves au maximum. L’évaluation se fait régulièrement, le personnel est adapté (logopèdes, kinésithérapeutes, psychomotriciens…). En outre, cela se fait durant les heures scolaires contrairement à la pratique en libéral ou en centre où les enfants doivent venir après leurs heures scolaires.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

74

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Enfin, l’enseignement est réalisé en fonction du niveau et non pas de l’âge. En plus, l’enfant peut réintégrer l’enseignement ordinaire s’il a pu être remis à niveau.

Le problème est que cet enseignement de type 8 ne concerne pas le secondaire : par conséquent, à partir de 12 ans, les enfants sont réorientés, bien souvent vers le technique secondaire ou professionnel, ou parfois vers l’enseignement de type 1 qui correspond au retard mental léger, ou de type 3 qui correspond aux troubles du comportement. Cela n’est donc pas toujours adapté aux enfants présentant des troubles de l’apprentissage.

4. Réflexions

Nous nous posons surtout des questions par rapport aux logopèdes qui travaillent en exercice libéral dans l’enseignement. L’avantage est que certains enfants peuvent être reçus pendant les heures scolaires, ce qui diminue leur fatigue ainsi que leur charge extrascolaire. De même, les logopèdes ne voient pas leurs horaires centrés sur la tranche située après 16 heures. Mais il existe toutefois un flou artistique – cette situation me semble propre à la Belgique, et s’est généralisée progressivement, mais il n’existe pas de statut spécifique.

L’autre problème est que le ministère de la Santé a mis en évidence la présence d’une logopède attitrée dans près de 62 % des écoles d’enseignement primaire, dont 27,7 % travaillent sans local adapté (couloir, réfectoire, coin de la classe). Par ailleurs, la logopédie a été réglementée et est désormais une profession paramédicale. Les soins sont prescrits par un médecin, et le fait de travailler en école revient à dire que c’est plutôt une profession parascolaire. En outre, il y a un manque d’implication des parents dans le travail thérapeutique, puisque rares sont les concertations avec les parents, qui se déchargent en général sur la logopède. Souvent, la prise en charge est interrompue durant les deux mois de congé scolaire. Dans quelques cas, il peut y avoir un certain clientélisme, des cessions de clientèle, de pourcentages, etc.

Enfin, quid de l’indépendance de la logopède : sera-t-elle obligée de suivre les méthodes d’apprentissage délivrées à l’école ? Bien souvent, c’est la méthode globale qui est appliquée, mais nous nous rendons compte qu’elle n’est pas toujours adéquate pour l’enfant. Qu’en est-il par rapport à la prise en charge ? L’enseignant ne peut-il pas exercer des pressions pour que la logopède prenne en charge les enfants présentant des difficultés ? Quid du secret médical ? On va chercher l’enfant au vu et au su de tout le monde. Des discussions se tiennent avec l’équipe éducative, or les enseignants ne sont pas tenus au secret médical. Qu’en est-il du lieu de rééducation ? L’école est-elle vraiment un espace neutre de parole ? Elle est plutôt vécue comme un lieu d’apprentissage où le trouble est parfois ressenti douloureusement, tandis que le cabinet est plutôt un lieu de soins.

Qu’en est-il également au niveau de la déontologie ? Le libre choix du thérapeute existe-t-il encore à partir du moment où un logopède est présent dans l’école ? N’y aurait-il pas un certain clientélisme ? N’irait-on pas chez le logopède pour réussir l’école plutôt que parce qu’on a un trouble DYS ? Quelle est l’image de la profession ? Verrons-nous bientôt des kinésithérapeutes ou des dentistes à l’école ?

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

75

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

La méthode globale est encore bien trop souvent présente, et le support gestuel est laissé à la libre appréciation de chaque enseignant. En règle générale, les enseignants sont peu ou pas formés pour dépister les DYS. En outre, les centres PMS manquent bien souvent de temps et n’ont pas de logopède attitré pour délivrer les bilans – c’est souvent le logopède de l’école qui réalise le bilan, mais ne sera-t-il pas en même temps juge et parti ? Restera-t-il neutre pour réaliser ce bilan ?

Les adaptations obligatoires ne concernent que le CEB, les universités et les hautes écoles. Or les enfants qui suivent l’enseignement ordinaire ont des évaluations tout au long de l’année et de l’enseignement, et là, il n’y a pas d’adaptation requise. Ensuite, l’enseignement spécial de type 8 constitue un choix difficile pour certains parents, parce que l’enfant quitte le réseau ordinaire, et les craintes de non-retour sont très importantes. Il faut avouer que le retour en enseignement ordinaire n’est pas toujours aisé, l’enseignement spécialisé n’est pas suffisamment connu, et il y a parfois un amalgame, car à partir d’un certain âge apparaît une confusion avec des handicaps plus lourds, et cela est parfois difficile à accepter pour les parents. À ce moment-là, quand on avance dans les années, un manque de séances paramédicales est souvent mis en évidence.

S’agissant des adultes, seuls 1 % sont reconnus DYS alors qu’une prévalence de 5 à 10 % est admise. Le reste de la population est donc vraiment ignoré par les pouvoirs publics. Ce sont des personnes qui sont non qualifiées et souvent pénalisées lorsqu’elles recherchent un emploi.

En conclusion, en Belgique francophone, il existe différentes possibilités de prise en charge des enfants et adolescents présentant une DYS, d’une part par les soins de santé, d’autre part par la communauté française au niveau de l’enseignement spécialisé. La complexité de ce système est liée aux différents niveaux de pouvoir. Il existe également toujours une limite en termes de budget. Nous nous rendons néanmoins compte que les pouvoirs publics sont en train de s’intéresser à cette prise en charge. Des réunions comme celle d’aujourd’hui en montrent également l’intérêt. Il faudrait débloquer un peu plus d’argent, même si c’est un gouffre puisqu’une bonne partie de la logopédie va dans le budget DYS.

Le domaine associatif est également assez actif, avec l’Association des parents d’enfants en difficulté d’apprentissage (APEDA). Celle-ci préconise une formation des enseignants à tous les cycles, des petites sections au collège, un dépistage précoce idéalement dès la grande section maternelle, et sans attendre que l’enfant ait 7 ans pour pouvoir le prendre en charge, une pédagogie adaptée, la possibilité de poursuivre l’enseignement de type 8 également dans l’enseignement secondaire et la reconnaissance des troubles DYS comme un handicap.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

76

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Au niveau de l’ASELF, nous voudrions promouvoir une logopédie de qualité. Pour cela, nous souhaiterions que la situation des orthophonistes en libéral soit davantage clarifiée, qu’il y ait une remédiation scolaire mais avec un réel accompagnement, que se créent davantage de partenariats entre les orthophonistes, les centres PMS et les enseignants, que la méthode globale soit davantage remise en question, et que l’on puisse élargir la prise en charge au-delà de deux ans, en envisageant que le quota de 96 séances soit davantage étalé dans le temps et qu’on puisse reprendre des remboursements de 60 minutes plutôt que de 30 minutes.

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

Merci pour cet exposé très clair. Je note beaucoup de points similaires. Si je comprends bien, un enfant DYS peut être pris en charge durant deux ans par l’INAMI ; si son trouble perdure, il intégrera un CRA s’il y a de la place. On considère donc qu’il n’est plus DYS au bout de deux ans grâce à la rééducation.

Isabelle DEGRELLE Logopède, ASELF (Belgique)

Oui, pour pouvoir entrer au CRA, il doit présenter au moins deux troubles avérés dans les six, avec deux écarts types par rapport à la norme. Si le jeune n’entre pas dans cette catégorie, il n’a plus droit à rien, ou alors il rejoint l’enseignement spécialisé, mais au-delà de 12 ans, il n’y a plus rien.

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

D’accord. Par conséquent, s’il reste DYS au bout des deux ans, mais qu’il n’est que DYS, il n’a plus droit à rien : c’est votre combat.

Isabelle DEGRELLE Logopède, ASELF (Belgique) :

Voilà.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

77

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

En cela, je note une différence par rapport au dispositif français. Les CRA semblent être l’équivalent des centres de référence en France. Ont-ils un statut hospitalier ?

Isabelle DEGRELLE Logopède, ASELF (Belgique)

En général, oui. Pour ma part, je fais partie d’un CRA plutôt dédié à la dysphagie donc tous les troubles de la déglutition, en équipe multidisciplinaire. Je pense qu’il y a moins de recherche que chez vous. Nous menons également quelques études régulièrement, mais ils sont moins tournés vers la recherche.

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

Quid de la formation, de l’enseignement ?

Isabelle DEGRELLE Logopède, ASELF (Belgique)

C’est l’université qui assume davantage cette mission. Nous travaillons toutefois souvent en partenariat avec l’université.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

78

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Débat et échange avec la salle

Olivier BURGER Vice-président de la Fédération française des DYS

Qu’est-ce qui se passe dans la Belgique non francophone ?

Isabelle DEGRELLE Logopède, ASELF (Belgique)

Il se passe à peu près la même chose, puisque les soins de santé sont également régis au niveau fédéral. C’est la communauté française qui règle tout ce qui se rapporte à l’enseignement, mais ils ont l’équivalent du côté néerlandophone. Il y a 55 % de néerlandophones et 45 % de francophones. Ils ont donc un peu plus de budget que la partie francophone, mais c’est à peu près la même chose.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

79

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

4EME TABLE RONDE

Transition à l’âge adulte, devenir professionnel, qualité de vie et employabilité des TSLA

Sibylle GONZALEZ, neurologue, Centre de référence Lyon Elisabeth SCHWEITZER, neuropédiatre, Centre de référence Tours Olivier BURGER, vice-président, Pôle FFDys Emploi Estelle CHARPY, médecin, MDPH Rhône Georges DELLATOLAS, Psychiatre, Chercheur INSERM, Villejuif Denis GRANCHER, responsable Mission handicap, université de Lyon Gilles LELOUP, orthophoniste, Unité de dépistage des troubles des apprentissages, Neuilly-sur-Seine

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

C’est la dernière table ronde de la journée. Ce thème a été retenu, car les centres de référence créés pour l’instant sont pédiatriques et confrontés à l’arrêt du suivi des jeunes qu’ils reçoivent à la fin de l’âge de la pédiatrie, soit 16 ans voire 18 ans. Se pose alors la question de la suite : qu’en est-il de la prise en charge de ces jeunes qui ont été diagnostiqués au cours de l’enfance ou demandent un diagnostic au-delà de l’âge de la pédiatrie ? Nous avons adressé des questionnaires aux divers centres de référence, et nous allons vous présenter la synthèse de la vingtaine de réponses reçues.

Ce questionnaire comportait plusieurs questions réparties en quatre grands groupes : Quel suivi organisez-vous des jeunes adultes DYS après l’âge de 16 ans ? Êtes-vous amenés à rencontrer des adultes en recherche de diagnostic ? Avez-vous des projets de structure pour accompagner, accueillir, suivre des jeunes

adultes DYS ? Le quatrième groupe visait à recueillir des informations complémentaires portant

notamment sur les éventuelles études menées sur le sujet « situation et devenir des jeunes adultes DYS », les questions qu’il conviendrait de se poser, et des commentaires annexes.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

80

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

1. Suivez-vous des jeunes adultes DYS ayant plus de 16 ans ? Deux tiers des centres ont répondu par l’affirmative avec la limite des 18 ans, surtout les TDAH pour leur suivi de traitement. Par conséquent, un tiers des centres n’en voit pas après 16 ans.

2. À qui sont-ils adressés selon vous, ensuite ? Les réponses étaient qu’ils étaient essentiellement adressés dans les services de neurologie ou de psychiatrie adulte. Un centre a répondu vers un service de MPR. Les réseaux ne semblent donc pas être sollicités, le secteur libéral relativement peu, et les établissements du secteur médico-social très peu, ce qui nous a paru quelque peu inattendu. À la réponse « autre », il a été indiqué qu’il n’existait pas de relais par la suite.

3. Avez-vous été informés du devenir scolaire de ces jeunes ? Beaucoup ont répondu oui, par les consultations de suivi après les âges de 16-18 ans, par les courriers et mails des familles – de notre point de vue, cela témoigne que ces familles ont gardé un contact avec le centre de référence, avec l’équipe, ils se sont en quelque sorte fidélisés, ils ont gardé une relation de confiance, et beaucoup ont reçu des informations par courrier ou par mail. Enfin, ces informations proviennent d’enquêtes.

4. Quel niveau d’études ont-ils obtenu, selon vous ? Ils atteignent très rarement le niveau de l’enseignement supérieur. Cela peut être lié aux types de troubles qui sont reçus en centres de référence, puisque ceux-ci ne reçoivent normalement pas les DYS simples. Le plus souvent, ils obtiennent un niveau de CAP, mais aussi dans quelques cas le baccalauréat.

5. Quels aménagements ont-ils pu obtenir notamment pour la passation de ces examens ? Dans la plupart des cas, ils obtiennent le tiers temps, mais aussi des aides humaines (la présence d’un secrétariat au moment des examens), une aide matérielle par l’ordinateur, l’étalement des épreuves, et dans certains cas, l’abstention d’examens portant sur les langues vivantes.

6. Avez-vous été informés sur leur devenir professionnel ? Nous disposons de très peu d’informations. Il semble que nous n’ayons plus de contacts, en tous les cas pour l’instant, après l’obtention des examens. Les quelques informations obtenues sont issues des consultations de suivi avec les familles qui sont donc restées en contact avec les centres de référence, ou par des enquêtes, mais cela est rare.

7. Avez-vous connaissance d’aides à leur insertion professionnelle ? Manifestement, les centres de référence en sont peu informés, à l’exception de quelques-uns où des dispositifs ont été identifiés dans certaines régions, mais la démarche reste très isolée (dispositif SARAH, centre de référence de Strasbourg).

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

81

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

A contrario, les centres de référence sont également peu informés par rapport à la RQTH, comment faire pour établir une demande de reconnaissance de qualité de travailleur handicapé. Les équipes des centres de référence semblent donc avoir un manque d’informations dans ce domaine et concernant les structures existant dans le domaine de Pôle emploi. S’agissant des compensations, c’est surtout la RQTH qui sera demandée, très rarement l’AAH.

Dans ce cas, les centres de référence aident dans les démarches. Toutefois, il ressort du questionnaire qu’elles sont très peu souvent à l’initiative des CRTLA : ce sont donc les familles qui reviennent quelques années plus tard en demandant une aide. Les centres ne sollicitent donc pas spontanément pour aider à la demande de compensation.

La deuxième partie du questionnaire portait sur le diagnostic tardif.

8. Êtes-vous sollicités par des jeunes adultes en recherche de diagnostic ? Deux tiers des centres ont dit être sollicités, mais très peu peuvent y répondre positivement.

9. Vers qui les adressez-vous ? Nous retrouvons les services hospitaliers de neurologie ou de psychiatrie de médecine de rééducation. Les réseaux sont inexistants. La notion de SESSAD apparaît dans très peu de cas. Les professionnels non médicaux le plus souvent sollicités sont les orthophonistes, les ergothérapeutes et dans quelques cas, les psychologues et neuropsychologues.

10. Êtes-vous sollicités par des équipes psychiatriques pour répondre à la question d’un DYS à l’âge adulte ? Les centres de référence ont dit qu’ils ne l’étaient pas dans la très grande majorité des cas. Cela pose la question du lien entre les centres de référence et le secteur de la psychiatrie adulte.

11. Avez-vous connaissance de structures ou de projets de structures dépendant du secteur sanitaire ou médico-social dans votre région ayant comme objectif d’accompagner de jeunes adultes DYS ? Très peu ont connaissance de ces structures ou de ces projets.

12. Ont-ils participé à un appel d’offres ? Non, dans la plupart des cas. Certains ont répondu qu’ils avaient essayé de solliciter, et que leur démarche avait généralement été soldée par un échec, notamment à cause d’une insuffisance de moyens avancée par les ARS.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

82

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

13. Avez-vous mené une étude sur le sujet « situation et devenir des jeunes adultes DYS » ?

Quatre centres engagés dans une étude de ce type ont été répertoriés : le centre de référence de Toulouse en lien avec le centre de référence de Tarbes, le centre de référence de Paris Bicêtre, le centre de référence de Strasbourg. En outre, Sylvie Franc, de l’hôpital Robert-Debré, nous a adressé une enquête dont les résultats ont été publiés en 2005. On ajoute aussi le centre de référence de Montpellier.

Elisabeth SCHWEITZER Neuropédiatre, Centre de référence Tours

Il existe aussi l’étude présentée par Alain Picard en 2006 ou 2008 lors du colloque de Lyon sur le devenir des enfants dysphasiques après 18 ans. Les études de Bicêtre et de Toulouse sont en cours.

Georges DELLATOLAS Psychiatre, chercheur INSERM, Villejuif

L’étude de Bicêtre n’est pas encore commencée. Quand nous avons commencé à parler de cette étude, la première question que se sont posés les gens correspond aux épreuves par exemple de lecture à sélectionner pour retester ces dyslexiques adultes. Je pense qu’il faut distinguer deux éléments : d’une part, des questions sur le devenir des dyslexiques ; d’autre part, celles sur le devenir de la dyslexie elle-même. Pour ce qui est des questions sur le devenir des dyslexiques, on s’intéresse à leur carrière académique, à leur intégration sociale, à leur autonomie, aux difficultés qu’ils ont rencontrées et à leur qualité de vie en général. Si l’on s’intéresse à l’avenir de la dyslexie, on leur proposera par exemple des épreuves de lecture de non-mots, qui sont peut-être toujours déficitaires mais n’ont pas de liens avec l’avenir du sujet lui-même. Il me semble essentiel de distinguer les deux aspects, le premier me paraissant plus important que le second qui revêt un aspect uniquement cognitif. La question que nous nous posions était d’identifier ceux qui présentant des troubles spécifiques au départ ont un pronostic social bon et ceux qui avaient encore des difficultés. Répondre à cette question suppose que lorsque ces enfants ont été vus dans le centre au temps zéro, les mêmes renseignements ont été recueillis de manière à peu près systématique sur tout le monde. Là réside une autre difficulté : les données différaient énormément d’un enfant à l’autre ; certaines informations qui apparaissaient extrêmement importantes, comme le niveau d’études des parents, manquaient souvent. Les bilans étaient donc assez différents – il convient de penser à cet aspect lorsque des études longitudinales sont envisagées, études qui sont finalement assez courantes aujourd’hui en pédiatrie.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

83

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

Vous voulez donc dire que l’hétérogénéité de cette population complique énormément ce type d’étude.

Georges DELLATOLAS Psychiatre, chercheur INSERM, Villejuif

Ce n’est pas tellement l’hétérogénéité, qui est une bonne chose. C’est le fait que les bilans étaient assez différents, que les informations recueillies n’étaient pas suffisamment systématiques. Ce sont des éléments auxquels il convient de penser quand on envisage ce genre d’étude. Cela veut dire qu’il faut y penser très tôt, et qu’il faut également prévoir des études un peu prospectives. En effet, là, nous cherchons à recueillir des informations rétrospectivement.

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

Peut-être cette étude était-elle nécessaire pour pointer les conditions d’une bonne étude prospective avec suivi longitudinal. Nous sommes peut-être prêts à le faire maintenant. Si je comprends bien, c’est ce que vous êtes en train de mener.

Georges DELLATOLAS Psychiatre, chercheur INSERM, Villejuif

Nous essayons effectivement de mettre au point une étude prospective avec suivi longitudinal des jeunes dyslexiques. Je dispose de données recueillies dans la population générale en école maternelle et jusqu’au brevet des collèges, soit entre 5 et 15 ans.

Je peux vous donner quelques résultats pour des enfants présentant par exemple des troubles du langage oral. 6 ou 7 % des enfants étaient signalés par les enseignants de grande section de maternelle comme ayant des difficultés pour assembler des mots ou faire des phrases, ou pour construire des phrases compréhensibles par des gens qui ne les connaissaient pas. Nous pouvons supposer qu’une grande majorité de ces enfants présentait des troubles du langage. Nous avons regardé les résultats de ces enfants au brevet, quinze ans plus tard.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

84

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Le brevet était classé en quatre groupes : ceux qui avaient redoublé ou échoué, ceux qui avaient eu le brevet sans mention, ceux qui avaient eu le brevet avec mention assez bien, ceux qui l’avaient eu avec mention bien ou très bien, pour une population de 800 enfants environ répartis en quatre groupes peu disparates. Nous avons constaté que la question sur les troubles du langage était liée de manière importante avec un degré mais avec un gradient : parmi ceux qui avaient échoué au brevet, 16 % avaient présenté des troubles à 5-6 ans, 8 % parmi ceux qui avaient obtenu le brevet sans mention, 4 % parmi ceux qui l’avaient obtenu avec la mention assez bien, et 2 % parmi ceux qui l’avaient obtenu avec la mention bien ou très bien.

Quand l’étude est menée sur la population générale, ce problème apparaît comme un facteur de risque important mais sans déterminer l’échec ou le succès scolaire. D’autres facteurs intervenaient de manière importante, liés au bilan neuropsychologique lui-même (difficultés en expression du langage, bonne compréhension du langage, bonne mémoire de travail, bonnes aptitudes non verbales…), mais aussi des facteurs familiaux (niveau d’études des parents, rituels d’endormissement – ainsi les résultats à cette dernière question étaient liés de manière extrêmement importante, comme les troubles du langage oral, à l’obtention du brevet).

Si l’étude est menée au niveau de la population générale, les troubles du langage, que l’on ne peut pas qualifier de façon spécifique selon la définition – vous remarquerez d’ailleurs que l’adjectif « spécifique » est épouvantable et prête à confusion ; ainsi, ce matin, nous avons eu des exposés très neuropédiatriques sur la prématurité, avant de voir une définition des troubles spécifiques des apprentissages qui excluaient les troubles neurologiques, ce qui nous plonge dans la plus grande confusion.

Néanmoins, il est logique qu’il en soit ainsi, car dans certains cas, regrouper ce que les Anglais appellent les troubles comportementaux avec les troubles dus à des lésions acquises convient – par exemple, lorsqu’on s’intéresse à la prise en charge des enfants ; ainsi, il n’est pas évident que celle-ci soit différente pour des problèmes de langage selon que l’enfant a une lésion périnatale ou pas ; en revanche, il faut les distinguer lorsqu’on s’intéresse à l’étiologie, au devenir ou à l’épidémiologie. Le devenir de ces enfants est donc extrêmement multifactoriel. Les études de la population générale sont importantes, parce que quand nous passons par les centres, il existe peut-être des biais de sélection des enfants qui présentent les troubles les plus graves ou des troubles associés à d’autres pathologies.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

85

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

Lors du déjeuner, Gilles Leloup, je vous ai demandé quelle était selon vous l’évolution des troubles DYS à l’âge adulte. Je vais, auparavant, vous faire part d'une situation en évoquant le cas d'un jeune garçon que nous avons suivi à partir de l'âge de 4 ans. Le diagnostic de dyspraxie a été porté au cours de son enfance. Il a bénéficié de séances d’ergothérapie. Sa scolarité a été très compliquée. Il a réussi à passer son baccalauréat. Nous ne l'avons plus suivi pendant plusieurs années jusqu'à ses 21 ans où il revient dans le service, accompagné par sa mère. Il s'est inscrit à l'université mais il ne souhaite plus poursuivre ses études. Les études à l’université ne lui conviennent pas : il en est déçu. Son objectif est d’aller vivre à l'étranger mais il n'en a pas les moyens financiers et son projet semble peu construit. Sa mère nous dit qu'il se lève et se couche à n’importe quelle heure, a du mal à organiser sa vie personnelle, ses projets. Il n'est plus suivi en ergothérapie. Le motif de cette nouvelle consultation est d'établir un certificat médical pour une demande de compensation auprès de la MDPH. Lors du déjeuner, nous évoquions l’évolution des troubles de type dys de l’enfance à l’âge adulte, notamment de l'évolution de troubles praxiques vers des troubles exécutifs.

Gilles LELOUP Orthophoniste, unité de dépistage des troubles des apprentissages, Neuilly-sur-Seine Chercheur associé au laboratoire de psychologie cognitive de Marseille

Il ne faut pas confondre la vie des dyslexiques et la dyslexie. Ce matin, j’ai réagi sur la question de la sémiologie et de l’étiologie, parce que l’étude initialement menée chez les adultes universitaires visait à identifier les marqueurs spécifiques que l’on pouvait retrouver chez les adultes dyslexiques universitaires, donc ceux qui devaient présenter le moins de comorbidité, de troubles associés. La question ne se pose donc plus en termes de déficit cognitif, puisqu’ils ont fait des études universitaires – cette cohorte comprend des médecins, des architectes, des avocats… –, mais consiste à bien réfléchir à ces marqueurs et au fait qu’ils ont trouvé des moyens de compensation pour pouvoir apprendre.

Je me souviens parfaitement par exemple d’une jeune fille venue faire une évaluation : la première chose que j’ai vue lorsqu’elle est sortie de l’ascenseur, c’est qu’elle avait une séquelle de parésie et qu’elle venait pour une dyslexie. La question du diagnostic est fondamentale, et celle du diagnostic initial sur une dyslexie est fondamentale à partir du moment où on s’entend bien sur les marqueurs spécifiques qui typologisent la dyslexie.

C’est la question que renvoyait Georges : à partir de quel type d’épreuves, de tests ? Un consensus doit émerger là-dessus. En effet, j’ai vu beaucoup d’adultes dyslexiques venir avec cette étiquette et ressortir avec une autre étiquette : ils ont des difficultés de lecture, mais ne sont pas dyslexiques en soi si je devais me reporter à la classification telle qu’elle est utilisée dans la littérature anglo-saxonne. Le biais de cette étude est qu’elle portait sur des adultes universitaires, et à mon avis, la variable la plus importante était la variable socioculturelle, le niveau d’éducation des parents et la stimulation des parents autour de la lecture ou du langage.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

86

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Nous avions monté une deuxième étude préparatoire, et nous avions testé des adultes dans le cadre du baccalauréat professionnel dans trois établissements : sous contrat avec une population d’un niveau socioculturel relativement middle class, dans une banlieue un peu difficile et à Paris. Nous nous sommes étonnamment retrouvés avec le fait que quasiment tous les sujets présentaient un trouble de vitesse de lecture, et que tous avaient des troubles associés divers et variés qui montraient bien que le problème ne concernait pas l’identification des mots mais la lecture qui nécessite d’autres compétences cognitives associées (langage, compréhension, fonctions exécutives, etc.).

Il faut donc bien dissocier ce qu’est la dyslexie en tant que maladie avec des marqueurs spécifiques, et la manière dont ces difficultés évolueront dans le temps en fonction d’autres données, soit une comorbidité associée, soit le niveau socioculturel – dans l’étude de Catherine Billard, l’impact du niveau de scolarité de la mère sur le développement des compétences de lecture chez les enfants apparaissait très clairement.

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

Estelle Charpy, nous allons vous demander de réagir sur la compensation, la reconnaissance d’adulte en situation de handicap. Vous avez peut-être constaté que les centres de référence intervenaient peu dans ce domaine.

Estelle CHARPY Médecin coordonnateur, MDPH Rhône

Nous recevons très peu de demandes pour des adultes, tant d’allocation d’adulte handicapé que de reconnaissance de travailleur handicapé. J’ai procédé à un comptage manuel sur une année d’étude de dossiers de jeunes âgés de 16 à 22 ans puisque je suis le médecin référent de cette équipe : sur l’année 2012, nous avons vu 1 200 demandes de jeunes dont 120 demandes pour des jeunes présentant des troubles des apprentissages, sachant que nous traitons 50 000 demandes par an pour des adultes.

Cette quantité est donc infime. Certains jeunes étaient déjà suivis – ils avaient un dossier au secteur enfants –, et sont souvent à des petits niveaux – ce sont des jeunes que l’on voit en maison familiale rurale, à des niveaux de CAP ; on proposera éventuellement une reconnaissance de travailleur handicapé, parce qu’on voit qu’il y a une difficulté, une lenteur repérée dans les rapports de stages. Pour d’autres dossiers, il s’agit d’une première demande pour un jeune qui n’a jamais été diagnostiqué dans l’enfance, avec un trouble des apprentissages souvent signalé par un certificat du médecin généraliste, un bilan d’orthophonie peu significatif, et là, j’avoue que nous sommes très embêtés pour évaluer : nous ne savons pas faire.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

87

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Notre équipe comprend un psychiatre, un neuropédiatre, une psychologue clinicienne, et c’est vrai que nous sommes en difficulté. Nous nous aidons un peu de nos partenaires, des Missions locales, mais nous ne disposerons pas de bilans diagnostiques : nous serons donc gênés pour attribuer ou non une reconnaissance de travailleur handicapé. Quand nous attribuons cette reconnaissance, nous ne savons pas trop comment le jeune s’en saisira et à quoi elle servira avec les organismes comme Pôle emploi ou les Missions locales. En effet, les prestations ponctuelles spécialisées (PPS) interviennent pour les déficients intellectuels ou psychiques, mais nous n’avons rien pour les troubles cognitifs. Je ne sais donc pas ce qui est mis en place, et nous ne disposons pas de beaucoup d’observations sur ce sujet.

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

Quelles ressources trouvez-vous auprès des Missions locales ?

Estelle CHARPY Médecin coordonnateur, MDPH Rhône

Il y a des personnes qui accompagnent, il existe des leviers. Les jeunes peuvent faire des stages en milieu ordinaire, en milieu protégé, suivre des actions de formation. Il existe beaucoup de mises en situation professionnelle qui, pour nous, sont très aidantes. Pour les jeunes, il est également important d’être en situation professionnelle. Nous avons aussi beaucoup de jeunes qui ont été suivis durant leur enfance, et vivent une situation de déni, arrivés à l’âge adulte, une envie de normalisation, de ne plus être stigmatisés personnes handicapées.

Une intervenante dans la salle

Je reviens d’une réunion avec la médecine professionnelle à Strasbourg et les médecins du travail sur la question des DYS en situation de travail. Était présent le service de médecine du travail qui s’est investi au CHU de Strasbourg dans les situations de demandes de RQTH. Des évaluations sont donc menées avec des mises en situation. Nous évoquions la question du diagnostic et du bilan diagnostique ou neuropsychologique, mais il y a aussi la mise en situation, et là réside vraiment le problème. Nous bénéficions donc de cette petite aide du service de pathologie professionnelle pour certains jeunes.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

88

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

En outre, le centre Albert-Camus à Mulhouse ou le centre Clemenceau acceptent de faire des bilans de compétences lorsqu’il y a des troubles moteurs.

Par ailleurs, il existe le dispositif SARAH en Alsace, financé par l’AGEFIPH et le Conseil Général : c’est un dispositif d’accompagnement des jeunes en situation de handicap sur le terrain auprès d’entreprises – il existe un vivier de terrains de stages auprès d’entrepreneurs sensibilisés –, qui nécessite néanmoins une reconnaissance handicap. En outre, une information est donnée sur les difficultés du jeune, et l’intégration du jeune dans le milieu du travail est favorisée. Cette équipe est très précieuse, et nous aide beaucoup dans l’intégration, y compris pour les DYS sévères avec handicap.

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

Olivier Burger, nous allons vous laisser réagir.

Olivier BURGER Vice-président, Pôle FFDys Insertion professionnelle et emploi

La Fédération française des DYS représente plusieurs associations d’enfants, de parents et d’adultes, dysphasiques, dyspraxiques et dyslexiques, et compte plus de 5 000 membres. C’est la plus grosse fédération de France sur le sujet. Nous aussi, nous nous demandons ce que sont devenus les DYS à l’âge adulte. Je me souviens de l’association Autisme France qui me disait : « Les enfants, on sait où ils sont ; les adultes, on repère leurs difficultés ; le troisième âge a disparu, il s’est évaporé. » Il est vrai que plus l’âge avance, moins nos études sont fiables. Nous avons également mené des enquêtes.

Si je fais un peu le retour de ce qui a été fait en France, EDF a lancé une grande étude notamment pour intégrer les dyspraxiques. Il a lancé un appel à témoins national, et a recueilli beaucoup de relevés. Nous avons noté un très grand niveau d’hétérogénéité à la fois dans les niveaux de qualification qui étaient bas, mais aussi dans les secteurs d’activité parmi les personnes – on les retrouvait dans des hôtels, la production culinaire, dans beaucoup de domaines. La première conclusion était qu’il n’y avait pas de métiers plus favorables que d’autres pour les DYS.

Par ailleurs, comme EDF est une grande maison, l’entreprise regroupe à la fois des métiers tertiaires, de production, industriels, mais aussi administratifs, allant du faible niveau de qualification au bac + 8 voire au-dessus.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

89

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Quand ils ont effectué une analyse des compétences des salariés avec leur direction des ressources humaines, ils se sont aperçus que pour des métiers assez nombreux à faible niveau de qualification, il y avait compatibilité avec les adultes qu’ils avaient en termes de compétences professionnelles – je sors complètement du milieu médical : il s’agit d’évaluer leur efficience professionnelle. La première conclusion qui date de 2008 – c’est à la fois jeune et vieux – fait apparaître que sur un appel à témoins national, les compétences des DYS, même à faible niveau de qualification, peuvent intéresser des employeurs comme EDF.

Depuis, les chiffres ont augmenté. Sur une vingtaine de témoignages – nous avons des témoignages directs de personnes qui nous appellent et nous écrivent sur leur devenir –, nous notons également une grande hétérogénéité : des personnes sont en ESAT, une autre, dyslexique sévère, est devenue directeur informatique d’un grand groupe – il s’agit d’une statistique sur une petite vingtaine de personnes. S’agissant de la présence d’un tuteur au sens de responsable dans le service, celui-ci va faire en sorte que l’intégration se passe bien – là encore, on sort du domaine médical ; il ne s’agit pas du médecin du travail, c’est simplement une question de management –, que la personne dyslexique se retrouve dans l’ensemble des consignes écrites, qu’il ne sera pas demandé à la personne dysphasique de se présenter à tout le monde dès le premier jour.

Concernant la préparation d’insertion en amont par des formations dans les différents services, il est noté relativement peu d’adaptation au poste, mais une simplification et une régularité des tâches, une organisation du travail personnel et un suivi des consignes reçues. Le manque d’initiative revient très souvent de la part des employeurs et des salariés DYS qui témoignent. Ils sont plus à l’aise dans un cadre bien défini, notamment pour la dysphasie et la dyspraxie.

Nous avons également mené une enquête auprès de quatre-vingts adultes comptant en majorité des dysphasiques, quelques dyspraxiques et dyslexiques : le constat était identique. Les personnes travaillent dans l’éducation, la production d’énergie, les travaux publics, la cuisine, les maisons de retraite, l’aménagement du territoire, les mairies, l’agriculture, les espaces verts…, avec un certain nombre de CDD, de CDI et de contrats en alternance en insertion. Nous retrouvons donc la même conclusion que celle issue de la première enquête nationale menée par EDF : il y a une grande disparité et une grande accessibilité des métiers.

D’après les familles, le milieu protégé était adapté à la sévérité du trouble DYS à 26 %, et à 51 % plutôt en milieu ordinaire. À la question relative à l’existence d’une aide ou d’un aménagement au poste de travail, la réponse est négative à 93 %. Cela intéresse beaucoup les employeurs. En effet, la loi pénalise de plus en plus les employeurs publics et privés qui n’embauchent pas de travailleurs handicapés. Vu d’un employeur au niveau financier, intégrer une personne handicapée avec peu d’aménagement au poste de travail est intéressant. S’agissant de la nécessité éventuelle d’un soutien financier, il faut aller un peu plus loin que les Missions locales, mais les AGEFIPH et les fonds d’insertion pour l’intégration des personnes handicapées dans la fonction publique – qui est le pendant de l’AGEFIPH – nous montrent que les aides financières sont relativement peu nombreuses.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

90

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Concernant l’éventuelle nécessité d’une sensibilisation, la réponse a souvent été positive : les bonnes intégrations se sont souvent faites avec une sensibilisation du service dans lequel le DYS était accueilli – ceci se passe un peu comme dans le champ du handicap : vous n’intégrez pas une personne malentendante, malvoyante ou à mobilité réduite dans un service sans préparation. Pour ce qui était de l’insertion, les personnes étaient relativement satisfaites, mais les adultes DYS ont trouvé qu’ils avaient manqué d’accompagnement une fois dans l’emploi.

En conclusion, vu de la Fédération, la loi de 2005 a quand même changé beaucoup de choses pour nous. Le nombre de demandes est néanmoins encore faible. Ainsi, des chômeurs pensent diminuer leurs chances de rentrer dans l’emploi si, en plus, ils indiquent qu’ils sont handicapés. C’est vrai vis-à-vis de certains employeurs, mais faux par rapport à d’autres. Nous fréquentons des employeurs à la fois publics et privés, et dans le privé, nous sommes parfois assaillis, en tant que fédération, par des employeurs qui veulent recruter plus de handicapés et cherchent les DYS, même avec un faible niveau de qualification. Il est important de le faire savoir.

S’agissant de la reconnaissance de travailleur handicapé – chaque cas est particulier, et nous respectons le choix des adultes –, elle donne accès à certains droits, et les DYS constituent une nouvelle source de recrutement pour les grands groupes qui sont à la recherche de travailleurs handicapés en vue d’atteindre leurs objectifs. Le niveau de qualification augmente – ceci est le résultat des débats que vous avez eus ce matin sur les enfants : à force de mieux intégrer, le niveau de diplôme et de qualification augmente d’année en année. Nous recevons des exemples réussis d’intégration mais aussi de grandes souffrances.

Nous rencontrons également souvent le problème du maintien dans l’emploi : il n’y a pas seulement l’insertion dans l’emploi, il y a aussi le maintien dans l’emploi. Ainsi nous avons beaucoup d’exemples de dyslexiques – un tous les deux mois – qui nous écrivent en expliquant qu’ils avaient pu cacher leur dyslexie grâce à une assistante, mais que l’employeur l’a découverte lorsque leur assistante est partie en retraite. Les changements de métier concernent souvent la comptabilité où les tâches sont un peu plus répétitives et plus encadrées : un certain nombre d’employeurs décident de faire passer des comptables au contrôle de gestion, une activité qui demande de l’analyse, soit par écrit, ce qui devient une difficulté pour les dyslexiques, soit par oral, ce qui est difficile pour les dysphasiques. En outre, le travail cognitif en contrôle de gestion est très différent de celui mis en œuvre en comptabilité.

Du coup, des personnes peuvent perdre leur emploi, non pas par perte de leurs compétences, mais simplement suite à une réorganisation du service qui leur demandera d’activer d’autres compétences cognitives. Pour ce qui est de faciliter la rencontre avec l’employeur, j’entendais précédemment que des centres référents assuraient cet axe pour des jeunes de 16 à 18 ans : ce n’est pas notre problème du tout au vu des usagers. Ainsi, cette semaine, j’ai vu une personne âgée de 52 ans, certains ont 60 ans. Pour nous, les adultes, cela va de 18 ans jusqu’à l’âge de la retraite. Se posent aussi de nombreuses questions sur la retraite, y compris sur le plan financier, mais nous avons affaire à des adultes qui se découvrent une dysphasie ou une dyslexie à 40 ans. S’ils sont dans l’emploi et souhaitent s’y maintenir, vers qui les envoyer ?

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

91

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Des pistes se dessinent pour ceux ayant 16 et 18 ans, pour ceux qui ont 22 ans et ont gardé des liens avec leur centre référent ; c’est un peu plus compliqué pour ceux qui la découvrent à 30 ans.

Nous avons beaucoup d’études sur le stéréotype du handicap chez les employeurs, privés comme publics. Il existe une corrélation – que vous ne connaissez peut-être pas – dans le monde médical, qui a assez surpris les chercheurs : plus le niveau d’études est élevé, plus le stéréotype est fort et négatif sur le handicap.

Or les gens qui ont des diplômes élevés, ce sont les managers dans les entreprises et dans les administrations. Du coup, la sensibilisation est très importante pour pouvoir intégrer des gens. La démarche est bien sûr plus compliquée dans les PME – des entreprises de moins de dix personnes –, mais nous le faisons. Ici, c’est chez PSA qui recrute moins, comme chacun le sait, mais c’est important, car ils ont quand même gardé le recrutement de travailleurs handicapés. En outre, nous mettons aussi les gens en situation – ici, chez Areva : on leur a fait lire des textes pour leur faire vivre la dyslexie, et nous faisons réagir la salle pour savoir comment ils ont trouvé l’adulte qui est au micro, qui essaie de s’en sortir avec le sourire et qui ne parvient pas à lire son texte, comparé à une autre personne qui avait un texte normal à lire et qui a paru normale. Le regard sur un salarié qui ne sait pas lire est extrêmement défavorable sur l’image professionnelle de ce salarié, quelles que soient ses compétences. Nous nous rendons chez Sodexo la semaine prochaine, à l’heure du repas, et nous accueillons parfois entre vingt et trente personnes qui sont fortement intéressées par le champ des DYS.

Parmi toutes les entreprises sur lesquelles nous essayons d’agir – elles se situent plutôt dans le secteur privé et sont des grandes entreprises –, il en est une nouvelle : Randstad, qui travaille dans l’intérim – on ne regarde pas assez l’intérim ; on pense au statut de la fonction publique, aux CDD et aux CDI dans le privé, on ne pense pas assez à l’emploi intérimaire qui a énormément grandi. Des sociétés comme Adia et Randstad ont fait beaucoup pour le handicap, comparé à d’autres grands prestataires de main-d’œuvre, et elles recherchent des personnes handicapées. Nous sommes donc en train de bâtir avec elles des protocoles, non pas pour les MDPH mais pour les recruteurs : comment mener un entretien d’embauche avec une personne dyslexique ou dysphasique, de telle sorte qu’elles puissent les replacer auprès de leurs clients qui demandent plus de travailleurs handicapés. Nous en sommes au début du début, mais nous commençons à avoir un peu de retour sur ces adultes dans l’emploi.

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

S’agit-il pour l’instant d’une sensibilisation de votre part sous forme de bénévolat ?

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

92

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Olivier BURGER Vice-président, Pôle FFDys Insertion professionnelle et emploi

De notre côté, il s’agit effectivement uniquement de bénévoles. Ceci constitue à la fois une richesse et un handicap dans notre fédération, mais nous essayons de former des formateurs. Ainsi en région parisienne, la société Hanploi sensibilise le public comme le privé sur l’intégration des personnes handicapées. Les membres de cette société sont venus nous voir un jour, et maintenant, ils sont capables de le faire sans nous. Ils font du business – il faut être clair – sur le sujet du handicap, mais nous sommes intéressés par la démarche de sensibilisation. Auparavant, ils ne sensibilisaient que sur l’intégration de salariés handicapés moteurs ou sensoriels (déficients visuels et malentendants), et comme ils connaissent une demande croissante sur les DYS et leur intégration, nous les avons formés pour que eux forment les entreprises à leur intégration.

Sibylle GONZALEZ Neurologue, Centre de référence Lyon

Estelle, vous évoquiez également la sensibilisation des médecins.

Estelle CHARPY Médecin coordonnateur, MDPH Rhône

Sur le Rhône, nous avons beaucoup travaillé sur l’insertion du handicap psychique, de l’autisme, et je pense qu’il faut beaucoup sensibiliser les médecins du travail également. Je crois qu’il y a un gros travail à faire. Les associations de médecins du travail sont très partantes. À la MDPH, nous avons la chance de compter un médecin du travail dans notre équipe, qui est un relais auprès de ses confrères, ce qui constitue un bon levier pour sensibiliser les médecins du travail.

Olivier BURGER Vice-président, Pôle FFDys Insertion professionnelle et emploi

Je suis entièrement d’accord. Ce n’est pas parce que je porte un nom alsacien que je le dis, mais je recommande, en effet, à tout le monde d’aller visiter, pas seulement la très belle ville, mais j’avais été surpris l’année dernière : entre le conseil général, les Cap Emploi, la médecine du travail, les CHU et le centre référent, j’ai toujours l’impression que vous avez quelques années d’avance par rapport à d’autres régions sur ce thème-là. Les associations vous poussent, mais vous avez mis tous les acteurs ensemble, et c’est ça, le secret de la réussite.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

93

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Un intervenant dans la salle

Je voudrais apporter un supplément par rapport à ce que vous avez évoqué côté artisanat. Je suis dans un réseau villeurbannais qui accompagne des jeunes dont sept à huit en moyenne présentent des troubles DYS chaque année. Nous accompagnons sur le terrain en tant que formateurs spécialisés un certain nombre de jeunes, et les deux domaines dans lesquels beaucoup de travail reste à faire aujourd’hui sont l’accueil en CFA et les jeunes qui se retrouvent en Missions locales sans solution. Il convient d’évoquer ces deux problèmes aujourd’hui. En effet, dans le secteur de l’artisanat, beaucoup de petits patrons font de nombreux efforts – je tiens à le signaler, et je le vis presque chaque semaine. En outre, je pense qu’au niveau des Missions locales, un effort est fourni à travers les représentants santé pour essayer de faire avancer la question. La question n’est pas simplement d’envoyer un CV et de trouver un petit boulot ; elle concerne vraiment l’accompagnement, en particulier quand il s’agit de procéder à un minimum d’aménagement en CFA, cela n’étant pas simple du tout. Sur ce point, il y a effectivement un travail important à mener entre autres avec l’AGEFIPH et le FIPH. Il existe aujourd’hui des endroits où des jeunes sont embauchés pour des métiers intéressants.

Par ailleurs, on constate une demande forte de la part des employeurs, d’une part pour aller vers des mentions complémentaires à l’issue du CAP, d’autre part pour pousser un maximum de jeunes en direction des baccalauréats professionnels. Cette aventure n’est pas simple dans la mesure où les baccalauréats professionnels sont passés de quatre ans à trois ans, et que cela est très compliqué pour nos jeunes, d’où la nécessité d’avoir la RQTH de façon à ce que des aides très concrètes puissent se matérialiser pour cet accompagnement qui se déroule sur le temps. La deuxième question que je souhaite évoquer concerne la situation au-delà de l’âge de 20 ans. Aujourd’hui, le système médico-social « s’arrête » autour des 20 ans. Or on s’aperçoit que toutes ces structures ont été pensées à l’issue de la Seconde Guerre mondiale et qu’elles ne correspondent plus du tout à la sociologie actuelle. Aujourd’hui, les familles continuent d’accompagner leurs jeunes parfois jusqu’à 25, 26, 27 ans, et les problèmes s’amplifient. Il manque certainement des systèmes d’accompagnement très concrets pour faire avancer l’ensemble de ces questions.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

94

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Denis GRANCHER Responsable Mission handicap, PRES, université de Lyon ; référent handicap du campus vétérinaire de Lyon

Le PRES de Lyon compte vingt établissements, 120 000 étudiants, 700 étudiants de tous niveaux, de L1 jusqu’à +8, en situation de handicap, toutes situations confondues. Nous effectuons ce recensement tous les ans auprès de nos établissements, sans méthode scientifique particulière. Une petite bizarrerie : nous en sommes à 29 % sur ces 700 étudiants qui s’autodéclarent et contactent les missions handicap des établissements pour des troubles d’apprentissage et du langage. Sur ces 29 %, 6 % seulement ont un dossier à la MDPH du Rhône – cela veut donc dire que sur les 29 % (193 étudiants en 2012), 94 % sollicitent des compensations pédagogiques, seul domaine de compétence des universités et des grandes écoles, ont un dossier médical mais ne font pas appel à une quelconque demande auprès de la MDPH. Il n’existe pas d’AVS dans l’enseignement supérieur.

La mission principale de l’enseignement supérieur est de faire acquérir le maximum d’autonomie à ses étudiants, quels qu’ils soient et quelle que soit la situation de handicap.

Autre situation : les établissements n’ont qu’une obligation de compensation pédagogique. En outre, quasiment tous les étudiants sont majeurs au sens de la loi (18 ans), c’est-à-dire qu’ils sont pleinement responsables avec tous les effets quelque peu délétères que cela peut avoir sur le déni, sur le retour sur la non-déclaration, sur un ensemble de comportements parfois non linéaires.

Nous avions constitué un groupe de travail qui a mis quelques points en exergue : émergent – et ceci constituera le plus gros chantier à mener – les thèmes de l’orientation, aussi précoce mais réaliste que possible parce que, évidemment, à un certain âge, tout le monde veut devenir vétérinaire, pompier ou Barbie girl ; des aménagements et des compensations où il y a des progrès à faire, sachant que cela nous ramènera sur des problèmes de diagnostic et de préconisations d’aménagement et des compensations, quels que soient les aménagements et les compensations puisque, pour l’instant, la bonne volonté des établissements n’est pas à mettre au pilori chez nous.

Enfin, le point essentiel concerne la formation de nos enseignants du supérieur qui, aujourd’hui, sont un petit peu formés par la recherche puisque c’est quand même le concept actuel, mais qui n’ont pour la plupart d’entre eux jamais été formés à la pédagogie ni à une quelconque adaptation de leur pédagogie. Nous le savons, nous essayons de lutter contre cela : c’est le point crucial. Il n’existe pas de solution miracle de toute façon, mais nous essaierons d’œuvrer dans ce domaine-là, peut-être en intervenant – c’est une piste lyonnaise que nous allons essayer d’exploiter – au niveau des formations des doctorants, la majorité d’entre eux étant de futurs maîtres de conférences, ATER ou autre.

Nous l’avons fait il y a cinq ans. Cela a été supprimé du programme des semaines de recollections des doctorants, nous allons œuvrer pour essayer de remettre cela en place sur une demi-journée ou une journée, en faisant appel aux compétences du monde associatif, afin de faire en sorte que tous ces gens-là puissent bénéficier au moins d’une sensibilisation : c’est ce qu’il nous manque. Manque également à tous ces enseignants une sensibilisation hyper basique. Il faut leur donner de multiples exemples de troubles et de besoins afin de les pousser à s’adapter.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

95

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Philippe ROSADO, Vice-président de l’ANAPEDYS

Je reviens de Dublin, où j’ai assisté au Congrès européen sur l’emploi accompagné. Cinq cent cinquante personnes étaient présentes, et uniquement deux Français. Par conséquent, je vous félicite d’avoir eu le courage d’évoquer le sujet de l’emploi car il est important, et la France a effectivement besoin de progresser. Le naufrage dans l’accompagnement dans l’emploi des DYS se situe dans un naufrage plus généralisé de l’accompagnement dans le milieu ordinaire. Encore une fois, félicitations d’avoir abordé ce sujet essentiel. Par ailleurs, concernant l’accessibilité à l’emploi dans des qualifications supérieures, aujourd’hui, il existe une forte corrélation en France entre le diplôme et l’emploi. Pour obtenir un diplôme dans l’enseignement supérieur, la plupart des formations exigent un niveau élevé en anglais que les personnes dyslexiques ne peuvent pas atteindre. Je suis très preneur d’un échange là-dessus avec l’enseignement supérieur, de manière à essayer de trouver des solutions pour que ces jeunes ne soient pas bloqués à cause de l’anglais, s’ils sont brillants dans leurs études d’ingénieur. Je suis beaucoup de jeunes en échec à cause de ce problème.

Denis GRANCHER

Responsable Mission handicap, PRES, université de Lyon ; référent handicap du campus vétérinaire de Lyon

L’anglais constitue effectivement le point d’achoppement actuel de nos établissements du supérieur. Je ferai une transition avec les impératifs politiques qui sont présents : c’est au niveau de la Commission des titres de l’ingénieur (CTI), qui valide et avalise les diplômes d’ingénieurs avec l’anglais comme matière incontournable, qu’il faut agir pour cette circonstance particulière.

Pour les autres établissements, universités ou certaines autres grandes écoles, il n’y a pas forcément de blocage sur l’anglais. Pour ceux et celles qui ne le savent pas, les écoles d’ingénieurs obligent à avoir un TOEIC à 750 points. Le TOEIC comprenant de la lecture, de l’audition et de la compréhension, si ça coince, ça coince un peu sur toute la ligne. À bientôt.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

96

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Synthèse et clôture des débats

Jean-Charles RINGARD Inspecteur général, Inspection générale de l’administration et de l’Éducation nationale et de la recherche

Il me revient donc, comme cela était initialement prévu, de faire la synthèse de la journée. C’est toujours un exercice difficile, parce que beaucoup de remarques, réflexions et contributions ont été exprimées tout au long de la journée. Faire une synthèse à chaud implique forcément de l’imperfection : je vous demanderai donc d’être indulgents.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je vais prendre une précaution me concernant directement : ce soir, je n’interviens pas au titre d’inspecteur général de l’Éducation nationale, mais plutôt en tant qu’un des auteurs d’un rapport paru en l’an 2000 puis d’un plan d’action avec ma collègue, Mme Weber, en 2001. Je suis actuellement encore président du comité scientifique de la Fédération des DYS, donc j’interviens plutôt sous cet angle-là, et vous invite à ne pas prendre mes propos ayant valeur institutionnelle pour l’Éducation nationale.

Je vous propose une synthèse en trois points : d’abord un propos introductif sur le cadre général, ensuite ce que j’ai entendu sur vos contributions – j’ai entendu trois messages dans vos contributions, ce sera mon deuxième point, il y a quatre points de tension ou d’interrogations, un postulat qui vous est commun, et au moins quatre pistes sur lesquelles il y aurait matière à travailler. Enfin, je m’autoriserai, madame la présidente, en conclusion, à vous transmettre deux conseils et une sollicitation.

1. Introduction

Qu’est-ce que vous êtes jeune ! Savez-vous l’âge que vous avez ? Vous rappelez-vous l’âge que vous avez ? Vous avez tout juste une dizaine d’années, et quand j’observe tout ce qui a été fait, on vous doit le plus grand respect. D’ailleurs, ce respect a été témoigné, notamment par le ministère de la Santé puisqu’il vous accueille en ces lieux, et que la ministre a accepté de patronner vos activités qui sont celles d’une association. C’est ma première remarque : vous êtes en pleine croissance, en pleine jeunesse, mais en même temps, vous avez des institutions politiques qui vous reconnaissent. La preuve : vous êtes ici, et c’est la deuxième fois puisque lors des premières assises, vous étiez aussi déjà au ministère de la Santé. Il me semble donc légitime, en plus à l’endroit où je me situe par rapport à ce que j’ai pu suggérer il y a une dizaine d’années, de vous dire toute la reconnaissance qu’on vous doit pour le travail que vous faites. Première remarque : soyez fiers, mes amis, de ce que vous avez fait.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

97

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

2. Vos contributions

Le deuxième point concerne davantage le contenu. Comme je le disais, trois éléments essentiels émergent tels que je les ai entendus, donc selon mon filtre qui est forcément opposable, imparfait et incomplet : quatre points de tension et interrogations, un postulat et quatre pistes de réflexion.

Le nombre de points de tension s’élève à quatre : institutionnel, conceptuel, organisationnel et ressources. Un point de tension ne signifie pas qu’il y a opposition. Quand on fait de l’analyse systémique, il y a un point critique, et ce point-là, il faut le traiter, sinon le reste continue à faire en sorte que ça se disloque.

Cela veut donc dire qu’il faut le poser sereinement, lucidement, sans acrimonie des uns et des autres, mais comme un problème à résoudre, sans faire comme l’autruche.

Le premier problème qui a été soulevé tout au long de la journée est d’ordre institutionnel. J’ai entendu trois problèmes institutionnels : les centres de référence avec les CMPP, les centres de référence avec le secteur pédopsychiatrique, et les centres de référence avec les MDPH. Je les regroupe parce qu’ils ont la même valeur en termes d’identification de tensions, c’est-à-dire d’ordre institutionnel. Comment ces institutions fonctionnent-elles ? Comment coopèrent-elles ? Je vais faire deux rappels : quand Mme ISSERLIS évoque l’absence de rapports ou de rapprochement entre le secteur pédopsychiatrique et les centres de référence, y compris en évoquant qu’ils n’ont pas été à un moment donné, semble-t-il, consultés, il n’en demeure pas moins que cela constitue un vrai problème qui est posé là : comment faire en sorte qu’il y ait un rapprochement ?

Deuxième point : quand le directeur qui part en retraite dans quelques jours rappelle, ce matin, ce qu’étaient les CMPP et les CAMPS en 1963, soit pratiquement une structure d’accompagnement pour les enfants qui étaient en difficulté ou porteurs de troubles, il dit que cela ne fonctionne pas, ou en tous les cas, que le rapport entre CMPP, CAMPS et centres de ressources ne fonctionne pas. Quelqu’un, à un moment, a opposé l’intérêt d’une nouvelle validation d’un certain nombre de documents proposés à la MDPH au manque de moyens, à la lenteur du traitement, à la longueur des délais, etc. Nous voyons bien que, institutionnellement, émergent trois secteurs sur lesquels il faut poser lucidement les problèmes – je vous donnerai ultérieurement deux ou trois pistes possibles pour les résoudre d’un point de vue institutionnel.

Sur l’aspect conceptuel, il est clair que nous avons toujours des réflexions sur l’étiologie, sur la définition d’un diagnostic complexe, sur les différents facteurs à risques… Vous le posez clairement. Sur cet aspect conceptuel, autorisez-moi deux remarques.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

98

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

En premier lieu, je me souviens d’un rapport paru en 2000 qui invitait à arrêter le franco-français. C’est un sujet à controverse, et cela a même été un sujet à controverse politique il y a dix ans de cela. Aucune science n’est finie, aucune science n’est aboutie, même les sciences les plus dures, car nous sommes en perpétuelle évolution des connaissances. En revanche, si l’on pense qu’il faut d’abord savoir les causes pour agir mais, mes amis, vous participez de la souffrance de milliers d’enfants, et vous participez de la souffrance de milliers d’adultes. Le choix à faire est simple : celui de l’action, même si on sait ne pas tout savoir.

En second lieu, concernant les facteurs à risques, j’entends bien qu’il existe une compilation de facteurs multifactoriels et pluridimensionnels : pas de problème là-dessus. Autorisez-moi, moi qui ne suis ni médecin ni scientifique, une simple remarque de béotien – précédemment, le directeur du CREAI a joué au naïf, et fort bien de mon point de vue, posant d’excellentes questions que je vais reprendre à mon compte. Sur les facteurs à risques, deux aspects doivent être posés, me semble-t-il : ceux qui sont constitutifs de la nature du trouble, et ceux qui sont aggravants, mais de grâce, ne mélangeons pas les deux, même s’il existe effectivement des facteurs socioculturels qui expliquent que, parce que j’ai un environnement défavorisé, parce que la mère de famille n’a eu que le certificat d’études, parce qu’elle boit, etc. Évidemment, ce sont des facteurs aggravants puisqu’il n’y a pas de stimulations cognitives et qu’on a quand même démontré depuis une petite dizaine d’années que c’est grâce à des stimulations cognitives qu'il peut y avoir des stratégies de compensation. C’est aussi simple que ça, mes amis. Autorisez-moi à le poser à votre endroit.

Troisième élément de point de tension : l’organisation. À plusieurs reprises, vous avez parlé, pour vos centres ressources, d’embouteillage, d’engorgement. A également été évoqué le fait que différents niveaux devaient apparaître. Je dirai simplement que ce questionnement sur l’organisation est légitime : c’est le problème de la croissance, mais c’est aussi le problème de la clarification. Qui fait quoi, au bon endroit et à quel niveau ? Vous pouvez constater – et vous l’avez vous-mêmes constaté, vous le vivez au quotidien – qu’il y a effectivement engorgement, embouteillage – c’est un peu comme dans les structures d’urgence dans les hôpitaux : on arrive à des engorgements générés par les filtres ou l’organisation générale du dispositif. C’est un peu la rançon de la gloire, il faut le prendre comme ça aussi. Le fait que vous soyez engorgés constitue également une forme de reconnaissance, mais en même temps, c’est vraisemblablement la concrétisation d’un déficit d’organisation, ou en tout cas – et c’est comme ça que je vais le poser – d’une organisation qu’il faut savoir adapter et faire évoluer parce qu’on n’est plus en 2001, parce qu’on n’est plus en 2004, et que les choses ont progressé.

Le quatrième point de tension est celui des ressources. Je pense qu’on ne l’a pas assez abordé tout au long de la journée, même si on a dit à plusieurs reprises que se posait le problème des ressources et des moyens.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

99

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Il y a aussi le problème des financements : vous l’avez pointé, mais je pense que cela mérite encore une accentuation sur la manière d’appréhender le problème, et du coup de le résoudre. En première remarque que je vous propose, les propos que j’ai entendus cet après-midi, de mon point de vue, se résument à quatre points de tension qui méritent objectivement d’être traités lucidement, en toute humilité évidemment, de manière à pouvoir progresser dans la résolution du problème.

Par ailleurs, quel est le postulat qui vous unit ? J’ai quand même le sentiment, à l’exception de quelque chose qui ne m’a pas plu, que le postulat qui vous unit correspond au problème de la centration sur l’enfant. Quand j’entends encore ici ou là des notions de respect entre les structures ou entre les personnes, on se trompe de sens, mes amis, on laisse prévaloir une fois de plus le fait que j’existe parce qu’il y a l’enfant. Non : je n’existe pas en soi ; j’existe parce que j’ai une légitimité professionnelle pour apporter une réponse à des enfants qui souffrent.

Tel est le fond du problème : ce n’est pas d’exister en soi. D’ailleurs, à cet égard, s’agissant de la centration sur l’enfant ou l’adulte – et merci aux collègues qui sont récemment intervenus sur les adultes : cela montre bien que la notion de parcours de soins ne s’arrête pas à 16 ans, j’y reviendrai –, quand vous parlez de pluridisciplinarité, attention aux mots que vous utilisez. La pluridisciplinarité n’est pas la juxtaposition de compétences individuelles qu’on met autour d’une table, fût-elle ronde, vous vous trompez. Quand vous êtes en train de travailler en pluridisciplinarité, cela veut dire qu’à un moment donné, le professionnel se fond sur une cause, et la cause est telle qu’on travaille ensemble sur des objectifs, sur une stratégie, sur un projet, donc on est sur une inversion d’activité. Par conséquent, ce qui vous unit, c’est le postulat de la centration sur l’enfant et sur l’adulte, en disant qu’à partir de cette centration, je pense que la notion de parcours de soins est aujourd’hui entendue.

Mais la notion de parcours – c’est la dernière table ronde, et je le dis parce que c’est la dernière aussi – ne correspond pas simplement à un parcours dans le moment où la souffrance ou en tout cas le trouble est repéré ; elle correspond bien à un accompagnement de vie. La notion de parcours de soins est consubstantielle de celle de parcours de vie. Le parcours de soins est intégratif au parcours de vie.

Il se trouve simplement que mon parcours de vie épouse à un moment donné un parcours de soins ; si j’ai entre 2 et 22 ans, j’épouse aussi un parcours scolaire. Selon ma classe d’âge, parcours de soins et parcours scolaire sont parcours de vie, mais si j’ai 22 ans, 30 ans ou 59 ans, cela veut dire que c’est mon parcours professionnel, et cela doit se concevoir de cette manière-là, me semble-t-il. Mais je pense que cela fait à peu près consensus entre vous, et c’est un point fort qui vous unit.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

100

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Ensuite, vous avez, me semble-t-il, évoqué quatre propositions, quatre pistes, de natures stratégique, organisationnelle, fonctionnelle et la dernière sur la recherche. Sur la stratégie, je pense que l’apport le plus significatif a été celui de notre collègue de Lyon de ce matin, à savoir l’introduction, quand il a dit à un moment donné qu’il doit y avoir un plan stratégique. Nos collègues d’Alsace l’ont montré d’une certaine manière, à travers la structuration de leurs centres ressources – il y avait quatre antennes dans les deux départements de la région Alsace – ainsi que nos collègues bretons qui nous ont également montré une structuration dans la logique de réseau dans les Côtes-d’Armor.

Quel que soit le dispositif choisi, on voit bien qu’il doit y avoir une réflexion stratégique – j’y reviendrai dans ma conclusion. Ce point est important : il doit y avoir un aspect stratégique sur la manière de concevoir les éléments de réponse – donc vous voyez bien que je suis sur le niveau national ou sur celui de l’ARS –, mais en même temps, s’agissant des réponses territoriales, au plus près des familles et des enfants, nous sommes bien là sur du « pratico-pratique » : la conception du plan stratégique comprend une dimension politique dans la conception des réponses, dans l’organisation et la structuration des parcours de soins, mais en même temps la concrétisation locale doit être extrêmement « pratico-pratique », une telle démarche étant guidée par un élément très simple : moi qui suis maman ou papa, à qui dois-je m’adresser ? Et je ne fais pas, comme nous l’a présenté la collègue des Côtes-d’Armor, le parcours du combattant de la gamine qui rencontre dix-neuf personnes différentes.

Après, on va me parler d’économies de moyens. Dix-neuf personnes ont été derrière la petite fille, et en même temps, on dit qu’on n’a ni le temps ni les moyens pour. Est-ce qu’on s’est posé la question de l’efficience ? Est-ce qu’on s’est posé la question de l’économie du dispositif ? Il me semble que c’est quand même un point non négligeable.

J’ajoute un deuxième point que vous avez évoqué : l’aspect organisationnel. Là, il y a eu indiscutablement, notamment en fin de matinée, une proposition d’organisation avec des niveaux 1, 2 et 3, avec une clarification nécessaire entre ce que devait faire le centre de référence et en particulier le niveau 2. Je ne m’arrêterai que sur le modèle 2 qui a été présenté, car je pense que c’est celui qu’il faut explorer.

En explorant le modèle 2, il y a, comme le disait précédemment notre collègue épidémiologiste de Montpellier, quelques items de questions qu’il faut savoir se poser pour éviter de ne pas mettre de contenu sur des idées. L’incantation est la pire des choses. J’en citerai deux ou trois. Quand on parle du centre de référence de niveau 3, j’ai été assez séduit par l’idée de centre expert. Je pense qu’à ce stade, vous êtes arrivés à un niveau de maturité où vous auriez avantage, y compris dans la structuration du parcours de soins, à être identifiés comme centres experts. Pourquoi ? Parce qu’il y a de la recherche, et donc l’accentuation nouvelle sans doute des centres de référence qui, de mon point de vue, devrait évoluer vers un centre expert est d’abord et avant tout portée par la recherche et le maillage des recherches, évidemment aussi par la formation et les contributions au niveau de la formation, et je prends aussi à mon compte l’idée de diagnostic complexe pour peu qu’on s’entende bien sur la notion de complexité qui n’est pas à corréler avec la notion de sévérité des troubles.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

101

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Entendons-nous sur cette idée. S’agissant du niveau 2, c’est parfait d’une certaine manière, intéressant conceptuellement. On est sur de la mise en réseau : je suis parent d’élève, on me dit qu’il y a un réseau en Côtes-d’Armor ; moi, je veux savoir qui, où et comment. Il y a au moins trois questions simples à se poser. Quand je vous dis cela, vous voyez bien que je vous renvoie une image plutôt positive, mais maintenant, il s’agit de fournir un effort de restructuration de la réponse, c’est-à-dire qu’il faut passer de l’idée à une forme de pré-projet, et dans le pré-projet – troisième question que je vous renvoie –, il a été dit dans la présentation du modèle 2 que dans le niveau 2 apparaissaient les CMMP et les CAMPS : pourquoi pas, puisqu’ils ont un fondement textuel en date de 1963, mais la question aujourd’hui, c’est que nous sommes en 2013, donc cinquante ans après. Par conséquent, la question est la suivante : ces CMPP et CAMPS, qui ont une forme de légitimité institutionnelle eu égard à leur statut, disposent-ils des ressources et compétences pour faire aujourd’hui ?

Par ailleurs, s’il y a de la ressource et de la compétence, il existe un vrai maillage possible et potentiel de type niveau 2, eu égard à la proximité géographique et au nombre de CMPP et de CAMPS qui existent. La question mérite d’être posée, mais au regard d’un cahier des charges sur lequel on s’accorde : cela se coordonne et se structure.

Quand on parle de coordination – dernière remarque, mes amis, que je vous renvoie –, il faut un pilote dans l’avion. Je ne crois pas à l’incantation et à l’autorégulation. Il faut une structuration – à savoir, qui, quoi, comment. Qui est le pilote de la coordination ? Il faut un pilote de coordination, une cellule de coordination. Rappelez-vous ce vous ont dit les collègues de Côtes-d’Armor. Je crois l’idée générale N1, N2, N3 séduisante aujourd’hui parce que nous ne sommes plus en 2001 et que nous sommes en 2013, parce qu’il y a l’émergence d’une demande forte sociale par rapport à ce type de trouble. La structuration suppose que pour éviter que ne soient générées des illusions et du mécontentement pour ne pas dire plus, cela suppose une organisation et une structuration – je vous ferai une proposition par rapport à ça tout de suite après.

Le troisième point que j’ai entendu parmi les remarques que vous avez exprimées concerne la circulation de l’information. Je suis moins sur l’organisation structurelle N1, N2, N3, et davantage sur l’organisation fonctionnelle. A été clairement exprimée à plusieurs reprises la nécessité d’un partage d’information, ce qui est de bon sens, un partage d’information pour lequel j’ai entendu deux éléments : le partage de bonnes pratiques ou en en tout cas de pratiques, et le partage de l’information avec les familles à partir d’une formulation éclairée.

Autorisez-moi deux remarques. Je pense que vous avez raison, et particulièrement sur la formalisation, s’agissant de la famille de l’enfant et de l’ensemble des professionnels qui gravitent autour de lui. L’oral est labile par nature, il permet de concevoir, de faciliter les échanges entre les êtres ; l’écrit rend intelligent parce qu’il oblige, il est plus exigeant, parce que c’est une forme d’écriture.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

102

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Par ailleurs, l’écrit reste, l’écrit est un élément de mémoire collective et de transmission de l’information. L’idée de formalisation de ce que font les professionnels entre eux est indiscutable. L’idée de formalisation d’écrits partagés entre les professionnels et la famille paraît indiscutable, et de grâce, n’opposez pas aux familles l’idée de secret professionnel, arrêtez cela. Si d’aucuns portent encore ce jugement, alors ils sont hors-la-loi. Les familles ont le droit. Précédemment, quelqu’un s’est levé et a dit que les patients sont propriétaires de leur santé : oui, les patients sont propriétaires de leur santé. Par conséquent, à ce titre, ils ont droit à l’information, et à partir du moment où les professionnels sauront parler aux familles et leur transmettre l’information, compte tenu de la situation des familles, je suis à peu près persuadé que celles-ci serviront de relais.

Vous pourrez donc construire un double relais : entre les professionnels, et un relais qui sera à peu près de même nature et dans lequel les familles seront également présentes. Vous conforterez donc l’information.

L’autre aspect évoqué concerne les bonnes pratiques. Parmi ces dernières, je retiens le point abordé par notre collègue épidémiologiste sur les bases de données épidémiologiques : je pense que là, il y a un vrai beau travail à faire – je ferai une proposition ultérieurement. Il y a un vrai beau travail à mener de se mettre d’accord sur les items principaux qui font que, à partir d’une base de données concertée entre tous les centres, l’information diffuse se construit par elle-même et peut ensuite être source d’éléments de recherche ou en tout cas d’interrogation par rapport à la recherche.

Le quatrième point que vous avez abordé dans les propositions à venir, c’est la recherche, la place de la recherche dans les centres de référence. Là, les contributions ont indiscutablement été abordées, nous l’avons déjà dit sur l’aspect épidémiologique ou autres, mais c’est un point important : je pense que vous avez absolument raison de souhaiter que les centres de référence gardent cette dimension, c’est une manière de vous ressourcer, de vous interroger intellectuellement en permanence. Mais en revanche, je reprends l’idée de Michel Habib quand il a évoqué la notion de multicentre : une manière effectivement de fédérer les centres, de participer en quelque sorte à la mise en réseau des centres de référence, c’est de faire aussi qu’il puisse y avoir des recherches portées par plusieurs centres. Il n’y a pas de raison que cela ne se passe pas.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

103

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

3. Conclusion

En conclusion, je formulerai trois remarques conclusives.

La première est une suggestion à votre égard puisque vous êtes une fédération. Vous êtes bien sûr en évolution permanente, donc je vous ferai deux propositions. En premier lieu, je pense que vous auriez avantage à expérimenter les niveaux 1, 2, 3. Donc je vous suggère, au sein de votre fédération, de formaliser – mettons par écrit ce que chacun met derrière les mots –, de structurer au moins une charpente, une hypothèse théorique, y compris s’agissant des CMPP et des CAMPS – je pense que vous auriez avantage à en solliciter qui, de manière volontaire, dans le cadre d’une démarche expérimentale, pourraient participer à l’opération. De mon point de vue, il serait intéressant que vous ayez des N1, N2, N3, avec plusieurs paramètres variables, notamment sur le N2 – ici, avec un CAMPS, là avec un CMPP ou d’autres mises en réseau – pour vous permettre de rendre et d’analyser l’efficience de ce dispositif. Ma première suggestion est la suivante : allez-y, allez-y de manière expérimentale, et dans l’expérimentation, faites en sorte qu’il y ait plusieurs variables de composition des différents niveaux, mais à condition qu’au préalable, il y ait un minimum de cahier des charges qui fasse que cela s’articule bien, que chacun sache ce qu’il fait, que les missions soient clairement définies. Ma deuxième suggestion concerne le repérage des bonnes pratiques : où en êtes-vous aujourd’hui sur l’ensemble des centres ? Posez-vous une question simple. Vous avez mené un certain nombre d’enquêtes pour préparer votre journée ; moi, je vous poserai une seule question : à l’issue de la journée, si j’avais encore à travailler un peu avec vous, j’inviterais chaque centre à me renvoyer une bonne pratique qu’il juge essentielle, et à partir de là, on commence à constituer la base de données de bonnes pratiques qui est un élément d’échanges et de coopération intercentres.

Une troisième proposition est d’une autre nature : cela fait deux fois que je viens – j’étais venu l’année dernière, et je reviens cette année ; vraisemblablement, vous avez prévu une troisième journée. J’aimerais bien, à l’occasion de ces troisièmes assises, que cela change de nature, que cela ne soit pas simplement de l’échange de pratiques entre membres des centres de référence ou centres experts, associations de familles et autres professionnels.

Je pense que vous êtes arrivés à un stade de maturité où la décision politique s’impose. Alors je reprends un peu ma casquette d’inspecteur général. Je pense qu’aujourd’hui, quand bien même vous portez une expérimentation de terrain, celle-ci relève à un moment donné de l’institution, c’est-à-dire du ministère de la Santé, et qu’il conviendrait que ce dernier s’en empare – je sais que des travaux sont en cours, des initiatives seront vraisemblablement prises. Au stade où vous en êtes, l’impulsion de terrain que vous portez requiert une impulsion politique d’un autre niveau. Ce n’est pas être désobligeant à votre endroit ; c’est que à chacun son niveau, et à chacun la bonne décision. Au stade de l’évolution, la décision politique s’impose sur la vision stratégique nationale, sur le rôle des ARS par rapport à votre organisation, sur la manière de structurer N1, N2, N3.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

104

2e journée des assises nationales des centres de référence TSLA Renforcer un processus de réflexion et de mise en œuvre

Par ailleurs, elle s’impose sur un autre champ : sur le problème du financement, cela va de soi, qui est une question, je le répète, qui n’a pas été assez creusée sur le sanitaire, sur le médico-social, sur le fait que tous les professionnels que je qualifierai de paramédicaux ne sont pas traités de la même manière par rapport à l’Assurance-maladie. Se profilent donc quelques enjeux qui ne sont pas neutres. Le traitement du financement est également un traitement politique sur la manière dont on appréhende le sujet.

Ma troisième suggestions serait donc qu’à l’issue de cette journée, vous portiez – cela a été dit par le directeur du CREAI, c’est pour cela que je m’autorise à la reprendre à mon compte – une plate-forme, non pas de revendications, camarades, mais une plate-forme d’actions, en disant : cela fait quelques années que nous travaillons ; à partir de là, il nous semble que… et voilà les propositions que nous portons. Je suis à peu près persuadé qu’elles rencontreront un écho, sachant ce qui se passe en ce moment au niveau du ministère de la Santé, et je pense qu’à partir de là, cela peut être de nature à accélérer une prise de décision politique qui m’apparaît aujourd’hui celle qu’il faut avoir pour accompagner les enfants mais aussi les adultes porteurs d’un trouble spécifique. Merci pour votre écoute.

CREAI Rhône-Alpes – 2 ème journée des Assises Nationales des Centres de Référence – 14 juin 2013

105