remarques sur la construction des ondelettes orthogonales

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REMARQUES SUR LA CONSTRUCTION DES ONDELETTES ORTHOGONALES Par YVES MEYER ET FREDDY PAIVA a la memoire de Szolem Mandelbrojt 1. Introd uction Vne analyse multiresolution de est, par definition, une suite (Vi)jEZ de sous-espaces vectoriels fermes de l'espace de Hilbert L2(JR) verifiant les cinq proprietes suivantes (1.1 ) (1.2) (1.3) ( 1.4) 00 00 n Vj = {O}, U Vi est dense dans L2(JR) , -00 -00 pour toute fonction f E L 2(JR) et tout j E Z f(x) E Vj equivaut a f(2x) E Vj+l, il existe une fonction ip(x) E Vo telle ip(x - k) , k E Z , soit une base orthonormee de Vo, (1.5) en outre, [:(1 + lip(x) 12 dx < 00 pour tout entier m 2: O. On pose al ors ipj,k(X) = 2i/2 ip(zix - k) et, pour tout j E Z, ipj,k est une base orthonormee de Vj. On definit les coefficients ak par (1.6) ak = J ip(x) ip(2x + k) dx et l'on a, grace a (1.5) (1.7) ak = O(lkl- m ) pour tout m2: 1 . 227 JOURNAL D' ANALYSE MA'IlfEMATIQUE, VOl . 60 (1993)

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Page 1: Remarques sur la construction des ondelettes orthogonales

REMARQUES SUR LA CONSTRUCTION DES ONDELETTES ORTHOGONALES

Par

YVES MEYER ET FREDDY PAIVA

a la memoire de Szolem Mandelbrojt

1. Introduction

Vne analyse multiresolution de L2(l~) est, par definition, une suite (Vi)jEZ de sous-espaces vectoriels fermes de l'espace de Hilbert L2(JR) verifiant les cinq proprietes suivantes

(1.1 )

(1.2)

(1.3)

(1.4)

00 00 n Vj = {O}, U Vi est dense dans L2(JR) , -00 -00

pour toute fonction f E L 2(JR) et tout j E Z

f(x) E Vj equivaut a f(2x) E Vj+l,

il existe une fonction ip(x) E Vo telle

ip(x - k) , k E Z , soit une base orthonormee de Vo,

(1.5) en outre, [:(1 + ~)m lip(x) 12 dx < 00 pour tout entier m 2: O.

On pose alors ipj,k(X) = 2i/2 ip(zix - k) et, pour tout j E Z, ipj,k est une base

orthonormee de Vj. On definit les coefficients ak par

(1.6) ak = J ip(x) ip(2x + k) dx

et l'on a, grace a (1.5)

(1.7) ak = O(lkl-m ) pour tout m2: 1 . 227

JOURNAL D' ANALYSE MA'IlfEMATIQUE, VOl. 60 (1993)

Page 2: Remarques sur la construction des ondelettes orthogonales

228 Y. MEYER ET F. PAIVA

Voici quelques exemples d'analyses multiresolution. Le premier est la suite emboitee des espaces de fonctions ,splines

obtenus par des raffinements de maillage. PI us precisement, on part d 'un entier r 2': 0 et I' on designe par Vo Ie sous-espace

ferme de L2(IR) qui se compose des fonctions f(x) dont la restriction a chaque intervalle [k, k + 1], k E Z, est un poly nome Pk(x) de degre inferieur ou egal a r et qui sont continues sur toute la droite reelle ainsi que leurs r - 1 premieres derivees. Si r = 0, les fonctions de Vo sont constantes sur chaque intervalle [k, k + 1 [ et appartiennent a L 2(IR).

II est alors immediat de verifier (1.1), (1.2), (1.4) et (1.5) en d6finissant Vi a partir de Vo par (1.3). La fonction 4'(x) est a decroissance exponentielle quand Ixl tend vers I'infini.

Un second exemple est foumi par l'analyse de Fourier et, plus precisement, par la tMorie de Littlewood-Paley. La encore, on commence par definir Vo et les sous-espaces Vi som alors donnes par (l.3).

Dans l'analyse multiresolution de Littlewood-Paley, Vo est Ie sous-espace ferme de L2(IR) compose des fonctionsf(x) dont la transformee de Fourier est nulle hors de l'intervalle [-7r, 7r] et 4'(x) = (sin 7rx)/7rx est Ie sinus cardinal.

Lorsque (Vj)iEZ est une analyse multiresolution, on d6signe par Wi Ie complement orthogonal de Vj dans Vj+l : Vj+l = Vj EB Wj et il vient, grace a (1.2),

00

(1.8) -00

Dans Ie cas de I 'analyse de Littlewood-Paley, cette decomposition s' obtient en ecrivant

II s' agit donc de la traditionnelle decomposition en blocs dyadiques, introduite par Littlewood et Paley dans Ie contexte des series de Fourier.

Un troisieme exemple corrige Ie defaut principal de l'exemple precedent, a savoir la mauvaise localisation de la fonction 4'{x). Pour Ie con­struire, on remplace la fonction indicatrice de l'intervalle [-7r,7r] par une fonction ()(O, appartenant a la classe de Schwartz 1)(JRn ), paire, verifiant 0 :::; ()(~) :::; 1, egale

a 1 sur l'intervalle [ - 27r/3,27r/3], a 0 si I~I 2': 47r/3 ettelle que l'on ait

( 1.9) si I~ - 7r1 :::; i' Par construction, il vient L:~oo I()(~ + 2k7r)12 = 1. La fonction 4' E S(JR) est, par definition, la transformee de Fourier inverse de () et 4'(x - k), k E Z, est donc une

Page 3: Remarques sur la construction des ondelettes orthogonales

REMARQUES SUR LA CONSTRUCTION DES ONDELETTES ORTHOGONALES 229

suite orthononnee. On designe par Vo Ie sous-espace fenne de L2(JR) engendre par cette suite et les Vj sont alors definis par (1.3). La verification des proprietes (1 .1), (1.2), (1.4) et (1.5) est facile et Ie lecteur pourra se reporter it [4].

S. Mallat a pose Ie probleme de "parametrer"la collection de toutes les analyses multiresolutions it I'aide d ' une "fonction caracteristique" mo(O que nous allons maintenant definir. Ce programme pennet de construire de nouvelles analyses multiresolutions, differentes des exemples que nous avons donne. C'est ainsi qu'Ingrid Daubechies a pu construire, pour tout entier r 2: 0, une fonction t/J(x), de c1asse cr, it support compact et telle que 2//2 t/J(2/x - k),j E z, k E Z, soit une base orthonormee de L2(1R).

Voici comment S. Mallat definit la fonction mo(~). La condition Vo C VI

equivaut au fait que cp(x) se decompose dans Ia base orthononnee des fonctions

CPI ,k, k E Z. II vient donc

(1.10)

On designe par mo(e) la fonction indefiniment derivable et 21r-periodique dont la serie de Fourier est L: akeik~. En prenant les transfonnees de Fourier des deux membres de (1.10), on obtient

(1.11) $(~) = mo(~/2} $(~/2) .

Le fait que cp(x - k}, k E Z, soit une suite orthononnee equivaut it

00

(1.12) -00

Les conditions (1.9) et (l.10) impliquent alors

(1.13)

On designe enfin par L(x,y) = L:~oo cp(x - k} cp(y - k} Ie noyau de 1'0p6rateur de projection orthogonale sur Yo. Celui de 1'0p6rateur de projection orthogonale sur Vj est 2/L(2/x,2/y}. Puisque la reunion des Vj est dense dans L2(1R}, pour toute fonction/ appartenant it L2(1R}, les fonctionsjj(x} = 2/ f L(2/x,2/y)/(y}dy tendent en nonne L2 vers/(x). Un calcul facile montre alors que I'on doit avoir f L(x,y}dy = I identiquement en x. Quitte it multiplier cp par une con stante de module 1, cette condition est equivalente it L:~oo cp(x - k) = 1 identiquement sur la droite reelle ou encore it $(0) = let $(2k1r) = 0 si k E Z, k j:. O.

Page 4: Remarques sur la construction des ondelettes orthogonales

230 Y. MEYER ET F. PAIVA

Puisque f <p(x)dx = 1, on a mo(O) = 1 en utilisant (1.11). Des lors Ie produit infini mo(f.l2) mo(f../4) . .. mo(f.l2i) .. . converge et l'on a

(1.14) ~({) = mo({/2) mo({/4) . . . mo({/'lJ) .. .

comme on Ie voit en iterant (1.11). Suivant Ie programme de S. Mallat, nous nous proposons d'expliciter la corre­

spondance entre I'analyse multiresolution (Vj)jEZ et la fonction mo({) qui lui est associee.

On peut observer que mo({) depend de la base orthonormee <p(x - k), k E Z, de Yo. II est facile de regler ce probleme puisque, si ~(x - k), k E Z, est one seconde base orthonormee et si <p veri fie (1.5), if vient

(1.15) ~({) = x({) ~({)

ou x(e) est indefiniment derivable, 21r-periodique et verifie Ix(e)1 = 1 partout. Alors 1ho({) = x(2{) x({) mo({) et reciproquement cette identite fournit tous les

chou possibles de mo({). Nous partirons donc d'one fonction indefiniment derivable sur la droite reelle,

notee mo({) , 21r-periodique et telle que

(1.16)

Nous chercherons s'il existe une analyse multiresolution (Vj)jEZ et une base orthonormee <p(x - k), k E Z, de Vo telle que l'on ait (1.5) et ~({) = mo(e/2) ~({/2).

Nous aurons alors effectue la "synthese" de l'analyse multiresolution (Vj)jEZ a l'aide de l'information contenue dans la fonction mo({).

Pour effectuer cette synthese, on pose

( 1.17)

et iI est facile de verifier [1], [4] que (1.16) entraine

(1.18)

et, plus generalement, pour tout entier m ~ I,

( 1.19)

Page 5: Remarques sur la construction des ondelettes orthogonales

REMARQUES SUR LA CONSTRUcnON DES ONDELElTES ORTHOGONALES 231

On appelle <p(x) la fonction de L 2(R) dont u(e) est la transformee de Fourier. Alors (1.5) est satisfaite. En revanche, (1.4) n ' a pas lieu en general com me Ie montre Ie contre-exemple mo(e) = e-if. /2 cos(3e/2). La fonction <p(x) definie par (1.14) vaut, dans ce cas, 1/3 sur I'intervalle [-1 , 2] et 0 ailleurs. On a 1I<p1l2 = 1/ v'3 < 1 et la suite <p(x - k), k E Z, n'est pas orthogonale.

Si la suite <p(x - k), k E Z, est orthonormee, on designe par Vo Ie sous-espace ferme de L 2(R) engendre par cette suite et I' on construit les Vj par (1.3). II est alors facile d'etablir toutes les autres proprietes de I'analyse multiresolution (Vj)jEZ .

Pour clore cette discussion, rappelons comment les ondelettes sont construites a I'aide d ' une analyse multiresolution. On pose ml (e) = e-if. mo(e + 11") et I'on definit tf; par

(1.20)

Alors tf;(x - k) , k E Z, est une base orthonormee du complement orthogonal Wo de Vo dans VI. On definit tf;j,k par

(1.21 ) tf;j,k(X) = 2J/2 tf;(2Jx - k) , j E Z, k E Z.

Alors cette suite tf;j,k,j E Z, k E Z, est une base orthonormee de L2(R).

2. Enonee du theoreme

Nous nous proposons de construire la suite (Vj )jEZ a partir de

00

mo(O = Lak/kf.. -00

Considerons I'equation fonctionnelle <p(x) = 2 L~cx> ak<P(2x + k) ou <p E L2 nLI et f~cx> <p(x) d.x = I.

L'objet du theoreme qui suit est de demontrer que la possibilite de reconstruire I'analyse multiresolution (Vj)jE Z a partir de mo(O equivaut a la possibilite de resoudre I'equation fonctionnelle par une methode de point fixe.

On est donc conduit a etudier la convergence dans L 2(R) de la suite iJ(x) definie pariJ+1 (x) = 2 L~cx> a,Jj(2x + k) lorsque/o(x) satisfait certaines conditions.

Pour alleger I'enonce du theoreme I, nous precisons, dans les definitions 1 et 2, les conditions satisfaites par 10 et par fflQ.

Definition 1 Une fonction/, appartenant a L 2(R), veri fie la propriete (A) si les trois conditions suivantes sont satisfaites

(2.1 ) { la transformee de Fourier]( e) de 1 est continue en e = 2k1l" , k E Z , et I' on a ](2k7r) = 0 si k =1= 0, ](0) = I.

Page 6: Remarques sur la construction des ondelettes orthogonales

232 y. MEYER ET F. PAIVA

(2.2) quand e tend vers O.

00

(2.3) 2:li(e+2k7r)12 E LOO(IR). -00

Le symbole E' signifie que la somme porte sur k E Z mais que k = 0 est exclu. Si J(1 +.x2Y If(xW dx < 00 avec s > 1/2, la condition (2.3) est automatiquement

satisfaite puisque E~oo li(e + 2k7rW est uniformement convergente sur [0,271']. En outre (2.1) implique (2.2) et la condition (A) se roouit alors a (2.1).

En particulier la fonction <p E L 2 dont la transformee de Fourier est definie par (1.12) verifie toujours la condition (A).

Une seconde definition est necessaire a I' enonce du theoreme 1. On considere la fonction 271'-periodique PAe) = 2ilmo(e) · · · mo(2i- 1eW. On a D ... Pj ({) de = 271' et ron designe par ILj,j 2:: 1, les mesures de probabilire sur [-71',71'] definies par les densites 2~PJ<{) . On a donc

en notant lEla fonction indicatrice de E.

Definition 2 Nous dirons que mo({) veri fie la propriete (C) si les mesures de probabilite ILj convergent faiblement vers la masse de Dirac en O.

Cette convergence faible est equivalente a la propriere suivante :

M. Keane a systematiquement etudie dans [3] les mesures de probabilite sur IR/271'Z obtenues par Ie procooe suivant. On part d ' une fonction continue sur IR, 271'­periodique, que ron note gee) et qui verifie les proprietes suivantes 0 ~ gee) ~ 2 et !(g({) + gee + 71')) = 1. Alors on forme Ie produit Pj ({) = gee) g(2e) . . . g(2i-I{). On observe que

Ainsi les densites 2~PA{) definissant des mesures de probabilite ILj et M. Keane donne dans [3] des conditions suffisantes portant sur g et entrainant I'existence de

Page 7: Remarques sur la construction des ondelettes orthogonales

REMARQUES SUR LA CONSTRUCTION DES ONDELETIES ORTHOGONALES 233

la limite faible J-t des mesures J-tj quand j tend vers I' infini. Cette me sure J-t s' appeUe une g-mesure et l'exemple Ie plus celebre de g-mesures est celui des produits de Riesz [3].

Revenons aI' enonce du theoreme 1 et rappelons Ie probleme qui est pose.

On part d'une fonction indefiniment derivable et 211"-periodique mo(e)

= L~oo ak e ik{ verifiant mo(O) = 1 et Imo(eW + Imo(e + 11")12 = 1. On definit ensuite <p E L2(JR) par (1.14). Le probleme est alors de savoir si <p(x - k), k E Z­est une suite orthonormee dans L2(JR). Si la reponse a cette question est oui, on designe par Vo Ie sous-espace ferme de L 2(JR) engendre par cette suite orthonormee <p(x - k), k E Z. On definit les sous-espaces Vj par (1.3). La verification des cinq proprietes (1.1) a (1.5) est facile. Nous avons deja observe que (1.5) est automa­tiquement satisfaite. Par ailleurs U~oo Vj est dense dans L2(JR) si et seulement si y3(O) = 1 et y3(2k1l") = 0 pour tout k E Z, k =1= O. Or ces proprietes decoulent de

(1.14) et de mo(O) = I, mo(rr) = O. Le theoreme 1 nous apprend que <p(x - k), k E Z, et une suite

orthonormee si et seulement si l'equation fonctionnelle <p(x) = 2 E ak·

<p(2x + k) peut se resoudre par une methode de point fixe qui soit convergente pour Ja norme L 2•

Theoreme 1 Les quatre proprietes suivantes de mo(e) sont equivalentes (a) pour toutejonctionjo de L2(JR) verifiant la condition (A), la suite/.;(x) dejmie

par recurrence par

00

(2.4) /.;+l(X) = 2L ak/.;(2x+k) -00

converge, en norme L2, vers lajonctions cp(x) dejmie par (1.14).

({3) la suite t.p(x - k), k E Z, est orthonormee lorsque t.p(x) est dejmie par (1.14).

(--y) la/onction t.p(x) de/mie par (1.14) verifie 11<p112 = 1. (8) la/onction mo(e) verifie la propriete (C).

En supposant J~oo (1 + x2Y lfo(xW dx < 00 pour un exposant s > 1/2, nous montrerons que la condition (A) est necessaire a la convergence, au sens de la norme L2(JR), du schema iteratif (2.4).

Mais si, au lieu de la convergence au sens de la norme L 2, on se contente de la convergence, au sens des distributions temperees, de la suite/'; definie par (2.4), il suffit de supposerquelo E LOO(JR) et quelo(e) -+ 10(0) = I quand e tend vers O. En effet, en passant aux transformees de Fourier, (2.4) devient

(2.5) lee) = mo(e/2).·. mo(el2l)lo(el2l )

Page 8: Remarques sur la construction des ondelettes orthogonales

234 Y. MEYER ET F. PAIVA

eth(£.) converge donc vers cj1(£.) unifonnement sur tout compact. Puisque IIhlloo :::; 1110 II 00, cette convergence unifonne sur tout compact entraine la convergence au sens des distributions tempert!es.

Revenons a I'exemple oil mo(£') = e- i{/2 cos (3£./2). Alors la fonction <p(x), definie par (1.12), est egale a 1/3 sur [-1,2] et 0 ailleurs. On a donc

1 1I<p1l2 = J3 < 1.

<p(x - k), k E Z, n'est pas une suite orthogonale. Enfin

1 ·1 . 2 dJ1.j = 27r'2! cos (3£./2) .. . cos (3£./1')1 1 {I{ I::01l'}

converge faiblement vers ~bo + ~b(_2,..f3) + ~b(211'/3). On a note ba la masse de Dirac au point a.

La preuve du theoreme 1 s'obtiendra en demontrant que (a) ~ (f3) ~ (-y) ~ (b) ~ (a), ce que nous ferons dans les sections suivantes.

3. L'implication (a) ~ (fj)

Pour etablir I'implication (a) ~ (fj), it suffit de demontrer Ie lemme suivant

Lemme 1 Si fo(x - k), k E Z, est une suite orthonormee, alors, pour tout entier j 2: 0, jj(x - k), k E Z, est une suite orthonormee lorsque les fonctions jj(x) sont defmies par (2.4).

Admettons, pour l'instant, ce lemme et choisissonsfo(x) = 1 sur [0, 1 [etfo(x) = 0

aiUeurs. Alors la propriete (A) est satisfaite et, grace au lemme l,jj(x - k), k E Z, est une suite orthononnee. Puisque jj converge vers <p, en nonne L 2, lorsque j tend vers I'infini, <p(x - k), k E Z, sera aussi une suite orthononnee.

Avant de revenir a la preuve du lemme 1, indiquons un autre choix possible de fo.

Si fo(x) = (sin 7rX)/7rX, alors 10(e) est la fonction indicatrice de [-7r,7r] et la propriete (A) est evidemment satisfaite. La suite jj est, dans ce cas, definie par h(e) = mo(e/2)··· mo(e/2i ) si lei ~ 7r2i et h(O = 0 sinon. La troncation est naturelle parce que mo s'annule en ±7r.

Revenons a la preuve du lemme 1. Nous allons la presenter dans un contexte un peu plus general.

On designe par (ak )kEZ une suite de carre sommable, on pose

00

(3.1 ) mo(e) = L ak eik{ -00

Page 9: Remarques sur la construction des ondelettes orthogonales

REMARQUES SUR LA CONSTRUCTION DES ONDELETTES ORTHOGONALES 235

et l' on suppose encore que

(3.2) Imo(e)12 + lmo(e + 71")1 2 = 1 presque partout.

La condition mo(O) = 1 disparait car elle n'a plus de sens. On pose ensuite

ml(e) = e-ie mo(e + 71") = L~ocJ3keike. On a.lh = (-l)k ak* ou k* = -k - 1. La matrice

(3.3)

est unitaire, pour presque tout e. On a alors

Lemme 2 Toutefonctionf(9) E L2[0,271"] s'ecrit, defa~on unique,

(3.4) f( 9) = mo( O)u(29) + ml (O)v(20)

ou u(O) et v(O) sont 271"-periodiques en 9 et appartiennent a L2[O, 271"]. En outre les deux termes de cette decomposition sont orthogoTUlux dans L2[O, 211""].

En effet, on suppose ° ~ 9 ~ 71" et l'on deduit de (3.4) que

f(9 + 71") = mo(9 + 7I")u(20) + ml (9 + 71" )v(20).

Le fait que U(9) so it unitaire pour presque tout 0 entraine Ie lemme 2. Soit maintenant H un espace de Hilbert (separable et de dimension infinie), muni

d'une base orthonormee et, k E Z. On definit les vecteursf2k et/zk+J, k E Z, de H par

On a, dans ces conditions,

Lemme 3 La suite (Jk}kEZ ainsi construite est une base orthonormee de H.

Pour etablir Ie lemme 3, il suffit de traiter Ie cas particulier ou H = L2[0, 271"] et ek = (271")-1/2 e-ik9 . Alorsf2k = 71"-1/2 mo(9)e-2ik9 tandis que

Le lemme 3 decoule donc du lemme 2. Revenons au lemme 1 et verifions, par recurrence sur j ~ 0, quejj(x - k), k E Z,

est une suite orthonormee. En effet, s'il en est ainsi, v'2jj(2x - k) est egalement une suite orthonormee.

Page 10: Remarques sur la construction des ondelettes orthogonales

236 Y. MEYER ET F. PAIVA

En revenant it (2.7), il vient

00

22: ex/j(2x + I - 2k) -00

etla suite ifJ+l (X-k))WL est done obtenue it partir de (v'2Ii(2x-k))kEZ en appliquant la "moitie paire" de l'algorithme (3.5). Le lemme I est done eompletement demontre.

4. L'implication ({3) ~ (-y) ~ (<5)

N ous passons direetement it la preuve de ('Y) ~ (<5) car il est evident que ('Y) est impliquee par ({3).

Ona 2jl<p(zj~)12 = 2j lmo(zj- 10" .mo(~)121<p(~)12

~ 2jlmo(zj-I~) ... mo(~)12 = Pj(~).

Si 1I<p1l2 = I, alors pour tout <5 > 0, limj ..... +oo zj J~61<P(2j~W d~ = 27l' et done

lim infj-++oo f~6 Pj{~) d~ = 27l'. Mais on a r~7I' Pj{~) d~ = 27l' et il en resulte que

limj-++oo f~6 Pj(~) d~ = 27l'. Ainsi (<5) est demontree.

5. L'implication (<5) ~ (ex)

On suppose que fo verifie la condition (A) et I'on eherehe it demontrer que II Ii - <p112 -> 0 (j -> +00). Pour eela, on evalue 11}j - <p1I2. On eerit it eet effet

}j(~) = mo(~/2)··· mo(€/zj)Jo(~/zj)

et

et I' on introduit un parametre 1/ > 0 dont la valeur sera fixee par la suite. Pour I'instant 1/ ~ 7l' et I'on eonsidere une partition de la droite reelle en trois ensembles EI'£2 et E3 definis par

et

£1 = [-1/,1/], E2 = U (2k7l' - 1/, 2k7l' + 1/] k#O

00

E3 U [2k7l' + 1/, 2(k + 1)7l' -77]' -00

Page 11: Remarques sur la construction des ondelettes orthogonales

REMARQUES SUR LA CONSTRUCTION DES ONDELETI'ES ORTHOOONALES 237

On 6crit

211"IIjj-cpll~= i f It(il)-<;3(il)12dl+i f It(2Jt)-<;3(it)12dt lEI lE2 + 2j f It(it) - <;3(itW dt

lE3 = II (j) + 12(j) + IJ(j).

Ona

et de meme pour h(j) et h(j). Pour majorer IIU), on utilise la continuite en 0 des fonctionslo et <;3. Puisque

10(0) = <;3(0) = 1 et fEI PJCt)dt S 1, il vient/I(j) S (It(l1) et 01(11) tend vers 0 avec

11· Pour majorer h( j), on utilise cette fois (2.2). On a 1 lo(t) - <;3(tW S

21 10(tW + 21<;3(tW de sorte que h( j) conduit it deux integrales du meme type. II convient, a ce propos, d'observer que cp verifie la condition (A).

On remplace JE2 Pj(t) 1 lo(tW dt par D.r Pj(t)e(t) dt ou e(t) est defini par (2.2). Cette demiere integrale est elle-meme majoree par O2 (11) qui tend vers 0 avec 11. II

en est de meme pour JE2 Pj(t) 1<;3(t)j2 dt . Venons-en a hU). On utilise encore I'inegalite evidente

conduisant a deux integrales du meme type. La premiere se majore grace it (2.3) par C J:.r- fJ Pj(t) dt et cette demiere integrale tend vers 0 quandj tend vers I'infini.

Ces majorations etant etablies, on obtient /I jj - cpll2 S to en choisissant d'abord 11 = 11( to) assez petit pour que 91 (11) + 92 (11) S e2/2 puis en choisissant j ~ jo de sorte que 03( 11,j) S e2/2.

6. La necessite de la condition (A)

Nous allons, pour simplifier la discussion qui suit, supposer que fo(x) appartient a LI(lR). Nous allons chercher des conditions necessaires a la convergence L2 de la suiteJj definie par (2.7) lorsque la condition (6) est satisfaite.

On part de la remarque evidente suivante : siJj,j ~ 0, est une suite de fonctions deL2(lR) convergeant, en normeL2, versg, alors la suite des mesures 2iIJj(2ix)j2dx converge faiblement vers IIgll~ t50 est la masse de Dirac en O.

Dans 'notre cas 2ilt(2i{)12 = PA~)llo(~)j2. Par ailleurs la suite PA~) converge faiblement vers 211" L~oo 60({ - 2k7r) quand j tend vers I'infini. Donc la limite faible de la suite PJCe) I 10(~)12 est la somme 211" L~oo I 10(2k11")j260({ - 2k11"). La

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convergence L2 de la suitejj implique doncjo(2k7r) = 0 si k E Z, k I- O. Si, en outre,jj converge en nonne L 2 vers une fonction g de nonne L 2 egale a I, alors on doit avoirjo(O) = l.

Supposons, plus precisement, que f~oo(l + x2YI fo(x)j2 dx < 00 pour un certain

s > 1/ 2. Alors la transfonnee de Fourier jo de 10 appartient a l' espace de Sobolev HS(JR) et il en resulte que, pour tout a> 0, on a

00

L sup Ijo(~)12 < 00. -00 {ka~e~(k+l)a}

La serie 'Ek Ijo(~ + 2k7rWest donc unifonnement convergente sur [0, 21Tj. La condition (2.3) est donc satisfaite et (2.2) resulte de jo(2k7r) = 0 si k E Z,

k I- o. Nous venons de demontrer Ie resultat suivant

Them'erne 2 Supposons que mo(~) verifie fa condition (15) du theoreme 1. Soit fo(x) une fonction verifiant fa condition f~oo(1 + x2y I fo(x)j2dx < 00 pour un certain s > 1/2. Definissons fes jj par (2.7). Une condition necessaire et suffisante pour que ces lonctions jj convergent, au sens de fa norme L 2 , vers fa fonction r.p est que 10 satislasse fa condition (A).

7. Conclusion

Le probleme que Ie theoreme 1 pennet de resoudre a ere elucide par A. Cohen qui dans [1] et [2] a caracterise, par une condition en apparence tres differente, les fonctions mo (~). On dira qu'un ensemble compact K de nombres reels est congru a [- 1T, 1T] modulo 21T si, a l'exception d'un ensemble fini F, tout ~ E [-1T,1T) est congru, modulo 21T, a un et un seul e E K . Un exemple est K = [a, a + 21T] mais K peut egalement etre une reunion finie d'intervalles disjoints. La "condition de Cohen" est l'existence d'un ensemble compact K de nombres reels, congru a [-1T , 1T] modulo 21T et tel que 0 appartienne a l'interieur de K et que la fonction

cp(~) = mo(~/2)mo(~/4)· .· mo(f,./2J) · · · ne s'annule pas sur K. Si K = [a ,a + 21T] ou - 21T < a < 0, alors la condition de Cohen devient mo(~/2) I- 0 si ~ E K.

Dans sa these, Cohen demontre I' equivalence entre ({3) et la propriere que nous avons appelee "condition de Cohen".

Pour la commodite du lecteur, nous donnons une demonstration du tMoreme de

Cohen. Tout d'abord supposons que mo(~) verifie la condition de Cohen et designons

par lola fonction de L 2(JR) dont la transfonnee de Fourier est la fonction indicatrice de K. Alors/o verifie la propriere (A) et, plus precisement./o(x - k), k E Z, est une suite orthononnee. On definit lesjj par (2.4) et il resulte de l'argument de la

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REMARQUES SUR LA CONSTRUCTION DES ONDELETTES ORTHOGONALES 239

section 3 quejj(x - k), k E Z, est, pour toutj 2: 1, une suite orthononnee. La convergence L 2 de Ia suite jj vers i.p resulte des deux observations suivantes

(7.1)

(7.2)

}j(t;) -+ <p(~), j -+ 00

il existe C con stante C telle que, pour tout j 2: ° et tout ~ E~, on ait ll(~)I:::; C1<p(~)I.

Comme nous l'avons deja observe, (7.1) resulte de la continuite de io(~) en 0, c'est-a-dire de l'hypcithese que 0 appartient a l'interieur de K.

En ce qui conceme (7.2), on distingue ~ E ziK et ~ f/: ziK. Si ~ E 2JK,}j(~) = mo(e/2) ... mo(~/zi) et <p(O = }j(~)<p(~/zi). Or, par hypothese, inf~EK 1<p(~)1 = {j > o et ron a done

1}j(OI :::; {j- I 1<p(~)1 .

Si ~ rf. 2JK,}j(~) = ° et (7.2) est verifiee. La convergence L2 des}j vers <p resulte alors du theoreme de convergence

dominee de Lebesgue. NOlls venons de verifier que Ia condition de Cohen implique ({3). En sens inverse

(f3) implique l:~oo I<p(~ + 2k1r)12 = 1 presque partout, ce qui, compte tenu de (1.5)

se renforce en L~m I<p(~ + 2k1r)jZ -+ 1 unifonnement sur [0,211"]. II existe done un entier m = rna tel que

m

(7.3) L I<p(~ + 2k1l") 12 > 1/2 pour tout~ E [0,211"] -m

et, pour tout ~ E [0,211"] un e = ~ + 2k1r, Ikl :::; m, tel que 1<p(e)1 2: (4m + 2)-1/2. La continuite de <p assure 1<p(t)1 2: (8m + 4)-1/2 si It - ~/I :::; c, c > 0. On recouvre alors [0, 211"J par un nombre fini d'intervalles [~- c, ~ + c] que I'on rebaptise raj, bJ apres les avoir remplaces par des sous-intervalles fonnant une partition de [0,211"r Le compact K est alors la reunion des intervalles [aj, bj] = raj + 2k1l" , bj + 2k1r] ou k = kj a ete defini ci-dessus.

Cette construction de K, due a A. Cohen, implique que inf~EK 1<p(~)1

>0. Pour condure, observons que Ie choix particulier de to defini par io(e) = lK

foumit la convergence L2 de la suite jj par un argument tres simple, lorsque la condition de Cohen est satisfaite. Mais Ie theoreme (A) nous indique qu'il n'etait pas necessaire de faire ce choix pour construire la fonction i.p et l'analyse

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multiresolution (Vj)jEZ. Lorsque 1'0n part d'une fonctionfo E L2(1R) vermant, en outre, f: (1 +.x2Y Ifo(x) 12 dx < 00 pour un exposant s > 1/2,

la condition necessaire et suffisante estlo(O) = 1 etlo(2k1r) = 0, k E Il, k =I 0, et dans Ie cas generalfo E L2(1R) , la condition (A) est suffisante.

REFERENCES

[1] A. Cohen, Ondelettes, analyses multiresolutions etfiltres miroirs en quadrature, Ann. Institut Henri Poincare Analyse non lineaire 7 , No. 5 (1990), 439--459.

[2) A. Cohen, On de lettes et traitement numerique du signal, RMA 25, Masson, 1993. [3] M. Keane, Strongly mixing g-measures, Inventiones Mathematicae 16 (1972), 309-324. [4] Y. Meyer, Ondelettes, Hennann, Paris, 1990.

CEREMADE

URACNRS749 UNIVERSrrE PARIS-DAUPHINE, FRANCE

(R~u le 23 octobre 1991)