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OFFICE de la RECHERCHE SCIENTIFIQUE et TECHNIQUE OUTRE-MER Centre de TANANARIVE quelques typ de RELATIONS UlTURE-IN USTRIE , a Madagas D. Hardel 1966 OFFICE de la RECHERCHE SCIENTIFIQUE et TECHNIQUE OUTRE-MER Centre de TANANARIVE quelques typ de RELATIONS UlTURE-IN USTRIE , a Madagas D. Hardel 1966

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Page 1: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

OFFICE de la RECHERCHESCIENTIFIQUE et TECHNIQUE

OUTRE-MER

Centre de TANANARIVE

quelques typ

de

RELATIONS

UlTURE-IN USTRIE,a

Madagas

D. Hardel1966

OFFICE de la RECHERCHESCIENTIFIQUE et TECHNIQUE

OUTRE-MER

Centre de TANANARIVE

quelques typ

de

RELATIONS

UlTURE-IN USTRIE,a

Madagas

D. Hardel1966

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ERRATA

:age 46. ligne 19 1

lire "cu ota:.e ..;a;..èy" au lieu "Ciu staee ;;;aédy"

:age 92. ligneo 9 et 10 :

" ••• il ect t noter que neua l'aviono Cêjà observée

dano notre "rer.1ière )artie ••• "

:age 11?. ligne lG :

lire II~, rocurer" au lieu ëi.e fi) rOGurer"

IIL.JS :CES

T3RLJS LALG'~CI-:ES

Tanin~razana _ Terre Geo anc~tre5

PanjaI<.ana - bdniniatration

Page 3: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

CENTRE O.R.S.T.O.M.

DE TANANARIVE

ESSAI SUR

QUELQUES TYPES DE RELATION

AGRICULTURE - INDUSTRIE A

lilADAGASCAR

par

D. HARDEL

/

Madagascar

France

Centre ORS'roM - B.P. 434 - TANANARIVE

" - 24, Rue Bayard - PARIS 8°

1er semestre 1966

Janvier 1968

Page 4: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

TABLE DES riIATIERES

Page

Première Partie: Milieu Industriel 0 ••••••••••••••••••••••••••••• 00

Introduction générale 0000000000000000000000000000000000000008000000

Chap. l

Chap. II

Présentation des entreprises ••••••••••• 0 ••• 0 •••••• 0.

Incidence de l'Agriculture sur l'Industrie 0.0.0 •••• 0

1

3

48

A) Principales caract6ristiques ••••• 0 •••••••••••••••••• 00 8

a) Caractéristiques de la Production Agricole •••••• 0 8

b) Caractéristiques de l'activité Industrielle ••• 0.0 10

B) Réactions de l'Industrie •••••• 0 •••••••••••• 0 ••••• 0 •• 00

a) Réaction à l'irrégularité de la production •••••••

b) Réaction à l'incertitude de la réaction des agri-cult eurs 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 CI 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 ct

..c) Saisonnalité et Périssabilité du produit OOOODODOO

10

11

19

28

Conclusion ooooooooooooooooooooOOOOOOODOOOOOOooooooooooooO 32

Deuxième Partie: Milieu Agricole ••• 0 ••••••••••••••••••••••••••• 0.. 38

Intraduction 00000000.0000000 D 0 0 0 0 0 000000 DO 0 0 0 0000000 e 00000 0 0000 39Chap. l Analyse des budgets ••••••••••••••••••••••••••••••• 0. 41

a) Limites et définition de l'analyse ••• ' •••• ' ••••• 0 41

b) Structure du budget •••••••••••••••••••••••••••• 0. 42

c) ~ux monétaires 0000000000000000000000000000000000 51d) Impact monétaire de l'usine •••••••••••••••••• 0.00 56e) Conolusion 000000000000000000000000000000000000000 58

Conclus ion 000 0 " 0 0 0 0 0 0 0 0 0') 0 0 0 0 0 0 00 00 00 0 000 1) 0 00 0 0 00 000 00. 0 0 0 00 000

Synthès e 00 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 00 0 0 0 0 0 • 0 0 0 0 0 0 0 0 00 0 0 0 00 0 0 0 0 0 .0 00 00 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 •

'...Chap. II Analyse sooiologique 00000000000000000000000000000 •••

a) But du travail 8t utilisation de l'argent ••••••••

b) Raisonnements économiques ••••••••••••••• 0 ••••••• 0

c) Réactions par rapport à l'usine ••••••••••••••••• 0

d) Conclusion oooooooooooOOODoooooooooooooOOoooOOOOOD

000

62

63

1888

108

110

120

Page 5: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

Page

Annexes

Carte

Tab. l

Tab. II

Tab.III ··Tab. IV ··

Localisation des industries étudiées

Evolution indiciaire des quantités et des prix

Ecart-type et variations des indices

Structure globale des budgets

Flux monétaires

..

,-

Textes

Ambalavola

Ambato-Boéni

But du travail et utilisation da l'argent ••••••• a1-1

Raisonnements économiques •••••••••••••••• 0 ••• 00 a1-I1

Rapports avec l'usine ••• 0 ••• 0 •• 0000 •• 0 •• 00 ••• 0. a1-II1

But du travail et utilisation de l'argent 0000.0 a3-1

Raisonnements économiques 0.0.0.0000000000000000 a3-I1

Rapports avec l'usine 00.0000.0.0000.0000000.000 a}-III

Page 6: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

..

INTRODUCTION

GENERALE

Page 7: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

..

..

...

1

Dans cette étude sur les relations entre agriculture et in­

dustrie, nous nous efforcerons d'examiner quelle est la nature des liens

existant entre ces deux secteurs de l'économie. Mais pour cela, il nous

faut définir quels sont exactement ces secteurs. Il ne s'agit pas en effet

de l'intégralité de l'agriculture ni de celle de l'industrie mais très

précisément des industries agricoles, c'est-à-dire de celles qui utilisent

comme matières premières des produits élaborés par le secteur agricole, et

des milieux agricoles correspondants, c'est-à-dire de ceux qui approvision­

nent ces industries (1).

Ceci étant posé, on voit quel peut être l'intérêt d'une pa­

reille étude. Par le biais de l'industrie elle va en effet nous permettre

de poser le problème des débouchés des produits agricoles et par là de

l'intégration de l'agriculture au circuit monétaire. Il semble en effet

qu'une des conditions d'un développement économique sérieux de l'agricul­

ture est la multiplication des échanges avec les autres secteurs. Echan­

ges qui, au niveau économique, se traduisent par un accroissement des

flux monétaires et une baisse relative de l'autoconsommation. Plus parti­

culièrement, nous pourrons voir alors quel peut être le rôle de l'indus­

trie agricole dans le développement rural, si elle est ou non un facteur

de progrès et pourquoi. En effet, la connaissance des raisons qui ont

poussé l'entreprise à tel ou tel comportement vis-à-vis de l'agriculture

et celles qui ont motivé les réactions correspondantes d~ celle-ci sera

très précieuse. Car c'est à partir de cette connaissance-là qu'on pourra

déterminer quels sont les éléments favorables et ceux qui ne le sont pas

• ••

(1) Etant bien entendu que les milieux agricoles étudiés seront ceux dusecteur paysannal local, non celui des concessions par exemple. Lesréactions du premier nous paraissent beaucoup plus importantes puis­qu'elles intéressent la très grande majorité des agriculteurs.

Page 8: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

2

à l'avenir des relations entre l'agriculture fournisseuse de matières pre­

mières et l'industrie utilisatrice de ces dernièreso Or il semble que cette

connaissance soit assez utile dans le cadre plus général du problème des

débouchés des produits agricoles car il sera peut-être possible alors de

déterminer quelles seraient les meilleures méthodes pour oeuvrer en ce sens

à partir de l'outil que représentent les industries agricoles.

Pour ce faire, nous avons tenté d'étudier ces relations en

analysant successivement les deux termes du rapport: d'une part, quelles

étaient les réactions de l'industrie agricole en face de ce marché d'ap­

provisionnement aux caractéristiques et aux contraintes très particulières

qu'est l'agriculture - d'autre part, quels étaient les comportements des

agriculteurs devant cette irruption d'un élément de l'économie moderne dans

leur horizono Aussi bien dans une première partie, étudierons-nous plus par­

ticulièrement l~ milieu industriel et dans la seconde le milieu agricole

avant de tenter une synthèse de leurs relationso

Ce travail ne prétend aucunement à des conclusions définitives en

particulier la faiblesse des moyens matériels mis à notre disposi­

tion ne permettaient d'analyser qu'un très faible nombre d'entre­

prises et encore moins de zones rurales o

00.

Page 9: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

PREMIERE PARTIE

3

MILIEU l N DUS TRI E L

Page 10: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

Ir

4

CHAPITRE l

PRESENTATION DES ENTREPRISES

Nous avons trois entreprises appartenant au groupe générale­

ment qualifié d'Industries Agricoles et Alimentaires, ce sont: .

- les Etablissements Laborde-Lachaize

- la Société Anonyme Rochefortaise de Produits Alimentaires

(SARPA)

Madagascar-Conserves

et une industrie textile, à savoir

- la Société de Filature et Tissage de Madagascar (FITIM).

Nous allons essayer de caractériser rapidement chacune de ces

Sociétés avant d'entrer dans le plein de notre sujet (voir aussi la carte

jointe en Annexe).

a) Les Etablissements Laborde-Lachaize.

C'est une entreprise familiale installée depuis longtemps sur

les Hauts-Plateaux (à environ 350 km au Sud de Tananarive) dans une bonne

région agricole qui, en dehors de l'aliment de base qu'est le riz, fournit

une assez grande variété de fruits et légumes ainsi que des produits ani­

maux: diverses volailles, porcs, etc •••

La structure moyenne de son chiffre d'affaires est la sui-

vante :

•• 0

Page 11: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

5

• Viande (Boeuf - Porc - Volailles) 0000000. 45 %Riz 00000000 37,8 %Fruits (tempérés et tropicaux) 00000000 15,4 %

- Légumes 00000000 2,6 %

Total 00000000 100 %

Il montre l'assez grande variété de production de cette usine

qui, il faut le noter dès maintenant, n'utilise que des matières premières

facilement périssables une fois la récolte faite.

On observe d'autre part que:

- i) malgré la similitude des productions agricoles de la ré­

gion et des matières premières utilisées par l'usine, l'aire d'approvision­

nement de celle-ci déborde de beaucoup la zone géographique où elle est

implantée

- ii) l'usine s'approvisionne généralement sur le marché ou

auprès d'intermédiaires commerciaux, elle n'a pas de relations directes

avec l'agriculteur.

Compte tenu de ces deux faits, on est amené à penser que le

poids de l'usine en milieu rural est sans doute assez faible étant donné

les écrans de distance et de personnes qui existent entre elle et lui.

- iii) l~ financement propre de l'entreprise bst relativement

faible et l'augmentation régulière des capitaux circulants est de plus en

plus financée par des prêts à court terme qui ont ainsi tendance à prendre

une place importante dans le financement. Il s'ensuit une certaine dépen­

dance vis-à-vis de l'extérieur et une accélération de la rotation des ca­

pitaux. Par conséquent, on peut avancer, qu'avec le temps, l'entreprise a

tendance à se comporter comme une affaire plutôt comnerciale qu'industriel­

le.

Page 12: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

6

b) La SARPA

C'est une société anonyme importante dont l'activité princi­

pale depuis de nombreuses années est la transformation et l'exportation

de la viande de boeuf. Lors de notre enquête, cette activité se répartis­

sait entre trois usines: l'une au Nord de l'Ile, à Diégo-Suarez, l'autre

au Sud-Ouest, à Tuléar - la dernière enfin, sur les Hauts-Plateaux à

Fianarantsoa qui, outre le boeuf, traitait du porc ainsi que des fruits

et légumes.

Son approvisionnement se fait dans les grandes zones d~élevage

de Madagascar et n'utilise qu'une partie des boeufs en âge d'être exploi­

tés. Aussi bien, à l'instar des Etablissements Laborde-Lachaize, elle se

contente de se présenter sur les marchés traditionnels de boeufs pour

acheter ae dont elle a besoin et d'assurer ensuite le transport des ani­

r:laUX jusqu'au lieu d'abattage •

On remarque par ailleurs que la part des capitaux propres dans

le financer"lent de cette société est relativement élevée et, de ce fait,

procurE: une très grande stabilité tant à la structure du bilan qu'à celle

de l'exploitation annuelle.

c) Hadagascar-Conserves

C'est une entreprise récente dont l'activité consiste à fabri­

quer du concentré de tomates (à 28%) tant pour le marché intérieur que

pour l'exportation. Elle est installée à Ambato-Boéni (à 130 km de Majunga

sur la route de Tananarive) dans une zone agricole spéciale dite de

"baibohos" c' <_st-à-dire où les cultures sont pratiquées sur les terrains

de décrues des fleuves. A l'origine, la tomate ovale qui est utilisée pour

la fabrication du concentré, n'était pas du tout produite. Aussi, en vue

d'assurer son approvisionnement, l'entreprise a lancé une culture moderne

8 ••

Page 13: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

1

en grand sur les concessions européennes voisines et a aidé directement

au développement de la production en milieu rural plus traditionnel. Il

faut noter que celui-ci est formé par une bonne part d'émigrés des Hauts­

Plateaux (Betsileo en particulier) qui viennent s'installer (provisoire­

ment ou durablement) pour pratiquer des spéculations agricoles rapporb..n-l;

de l'argent (arachide, haricot, oignons, etc ••• ). Ils ont donc un compor­

tement assez nettement différent de la population Sakalava originelle ~ui

reste très attachée à la possession traditionnelle du troupeau de boeufso

d) La FITIM

Société anonyme déjà ancienne, elle est installée à Majtmga

où elle fabrique des sacs de jute essentiellement à usage intérieur POUY

le transport de quelques-unes des grandes productions agricoles de riada­

gascar : sucre, café, riz, etcoo o Son approvisionnement vient pour partie

du marché international du jute et pour le reste d'une fibre locale de

quali té très voisine de celle du jute, à savoir le "paka" 0 Des peuplem8ntEl

naturels de cette fibre existaient à Antsohilw (sur la côte Ouest, au Hcrd

de Majunga), mais, insuffisants, il a fallu en faire des plantations ce

qui fut réalisé par une action directe de la société dans le milieu agri­

cole local.

Les capitaux propres de l'entreprise sont suffisamment impJr­

tants pour financer la majeure partie de ses capitaux circulants o Aussi

la structure des bilans et comptes d'exploitation est assez stable d'una

année à l'autreo

•• 0

Page 14: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

8

CHAPITRE II

INCIDENCE DE L'AGRICULTURE SUR L'INDUSTRIE

A) Principales caractéristiques

a) Caractéristiques de la Production Agricole.

On peut en énumérer quatre que nous allons définir rapidement.

1 - Irrégularité de la production: les moyens matériels de

production intervenant encore assez peu à Madagascar, celle-ci sera donc

encore plus dép8ndante des facteurs naturels qu'en France. Certains d'en­

tre eux ne varient guère dlunë année à l'autre tels que la qualité des

sols, d'autres au contraire se modifient parfois considérablement, c'est

surtout le cas des conditions climatiques. Selon que celles-ci seront fa­

vorables ou non, les quantités produites seront largement excédentaires

ou bien déficitaires. Ces fortes variations quantitatives s'accompagneront

évidemment sur les marchés de variations de prix en sens contraire. Mais

elles ne sont pas les seules et on pourra assister également à des varia­

tions de qualité des produits selon par exemple, qu'il y aura eu ou non

une m~turité suffisante, ou encore des attaques de parasites. En défini­

tive, la faible maîtrise de l'homme sur les éléments naturels entraînera

le risque possible de fortes variations quant à la quantité, la qualité

et la valeur monétaire des produits obtenus.

2 - Incertitude de la réaction des agrioulteurs :

Le plus souvent en ~ffet, CGux-ci réagissent lentement à toute incitation

extérieure, qu'elle soit d'ordre phYsique, économique, technique, etc •••

Par ailleurs, il n'est pas du tout évident que oes réactions, même lentes,

s~ dirigent dans le sens qui est supposé être le meilleur par les agents

économiques extérieurs. L' agriculteur aura en effet plus fréquemment

•••

Page 15: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

9

qu'ailleurs dûs comportements d'ordre plutôt subjectif qu'objectif où les

relations de personne à personne joueront un rôle de premier plan. Aussi

sera-t-il difficile de dire à priori comment s'orientera leur effort de

production devant une incitation nouvelle venue de l'extérieur. Il s'en­

suit qu'il risque d'y avoir dans beaucoup de CaS une inadaptation plus ou

moins permanente entre l'offre du produit agricole et la demande qui exis­

te d'autre part pour celui-ci.

3 - Saisonnalité : La plupart des produotions agricoles arri­

vent sur le marché à une époque déterminée de l'année durant quelques mois

au maximum. Elles devront donc être traitées ou consommées assez rapidement

selon la nature de chacun des produits.

4 - La nature du produit: en effet, suivant que celui-ci est

périssable ou non, on pourra plus ou moins parer au caractère de la saison­

nalité un 10 stockant. De toutes les façons ce stockage sera onéreux car

il portera sur de grosses quantités et exigera parfois des installations

spéci~les (frigorifique par exemple) simplement pour conserver le produit

en l'état jusqu'à ce qu'il puisse être traité.

5 - L'échange avec des agents économiques extérieurs est beau­

coup ~oins vital pour l'agriculture qu'il ne l'est pcur l'industrie. Ceci

est particulièrement vrai dans un pays où le taux d'autoconscmmation reste

élevé et donc où les rapports monétaires avec l'extérieur sont plus ou

moins marginaux.

L'ensemble de ces faits montre donc la très grande difficulté

d'obtenir une production stable et homogène, trop de faoteurs différents

interviennent pour empêcher d'arriver à ce résultat et ont plutôt tendance

à accentuer les irrégularités par rapport à la demande industrielle comme

nous allons le voir maintenant.

• ••

Page 16: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

10

b) Caractéristiques de l'activité industrielle

1 - Adaptation à la demande: l'offre des produits fabriqués

p~r l'entreprise s'efforcera de suivre au plus près les variations de la

demande ; ses variations seront donc dépendantes de celles-ci et non auto­

nomes comme dans le secteur rural.

2 - Production en série de qualités homogènes: nécessitées à

la fois par la technique de production et pur l'exigence des consommateurs.

3 - Tendance à·l'étalement de la production sur toute l'année

suivant en cela généralement l'évolution de la demande mais aussi pour

pouvoir étaler les frais fixes sur un plus grand nombre d'unités produites,

ce qui permet évidemment d'abaisser le prix de revient et, donc, d'amélio­

rer les conditions de vente.

4 - Enfin la fonction essentielle de l'entreprise est d'ache­

ter de la matière première pour la transformer et la vendre sous un autre

état. Il lui est donc absolument nécessaire de travailler dans un milieu

d'échanges, de biens et de monnaie, avec d'autres agents économiques en

amont et en aval.

Comme on peut le constater aisément, cette brève énumération

s'oppose presque point par point à ce que nous constations à propos de

l'agriculture. Il existe donc une distorsion assez accentuée entre les

tendances de l'un et l'autre de ces agents économiques. Comment alors les

industries agricoles ont essayé de résoudre ce problème, c'est ce que nous

allons essayer d'examiner ..

B) Réactions do l'industrie

A travers les cas que nous avons pu observer, nous allons es­

sayer d'analyser les réactions des entreprises à ces différences profondes

....

Page 17: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

11

qui existent entre leur comportement et celui de l'agriculture. Nous exa­

minerons successivement les réactions à l'irrégularité - à la saisonnali­

té - à l'incertitude sur le comportement des agriculteurs - à la nature

du produit agricole.

a) Réaction à l'irrégul~rité de la production: deux cas se

présentent selon que la production agricole du se~teur local (1) est net­

tement supérieure à la consommation qu'en fait l'industrie ou bien ne suf­

fit pas à approvisionner celle-ci.

1 - Production ~gricole du secteur local supérieure ~ux besoins

industriels. L'usine se présente donc sur le marché avec d'autres acheteurs

que les agriculteurs du secteur local ont l'h~bitude d'approvisionner.

Comm~nt va-t-elle alors se prémunir contre les irrégularités physiques de

la production agricole? Deux entreprises se trouvent dans cette situation

les Ets Laborde-Lachaize et la SARPA - voyons comment elles ont agi :

i) Ets Laborde-Laclli.ize : Pour pallier à l'insuffisance ou

l'irrégularité de l'approvisionnement en matières premières, l'entreprise

a largement étendu sa gamme de production escomptant que la baisse de l'un

soit compensée par la hausse d'un autre et ainsi de suite. L'usine traite

en effet quatre grandes catégories de produits, chacune d'entre elles pos­

sédant fréquemment de nombreuses vari~tés, si bien qu'elle peut utiliser

de 20 à 30 sortes de matières premières différentes. Cette politique per­

mettra effectivement d'obtenir un approvisionnemont d'ensemble relativement

stable bien que chacun des composants en soit assez irrégulier comme le

montre le calcul suivant. On a cherché l'écart-~pe moyen de l'indice-

000

(1) On entend par secteur local, celui qui groupe le paysan malgachetravaillant avec une méthode plus ou moins proche de la traditionnelleet avec des moyens assez réduits.

Page 18: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

12

volume des quantités utilisées par l'usine de quelques ~es principaux

de produits, puis de leur ensemble, les résultats en sont rassemblés dans

le tableau suivant :

! , 1 !Produits ! fue~ Porc ;Volail-; Fruits

1Fruits , Ensemble

!les itempérésitropicauxi

, ! ! !;Ec~rt-t,ype de l'in~; 1,95 0,50 0,80 ! 1,53 ! 0,50 ! 0,39dice-volume .

! !

On constate ~onc que, d'une année à l'autre, la variation

moyenne des quantités de l'ensemble des matières premières absorbées par

l'usine est beaucoup moins forte que celle de chacune d'entre elles pri­

ses isolément. Il s'ensuit que le volume global traité par l'usine est

relativement stable comparé au volume de chacun des produits utilisés •

Cependant, il faut noter que cette méthode n'empêche pas l'entreprise

d'être tributaire de la production physique agricole au moins quant à la

composition de son approvisionnement qui déterminera très largement celle

de sa production finale.

ii) S.A.R.P.A. : Elle se trouve au départ dans le même cas

mais S'bst orientée très différemment. En effet l'entreprise a cherché à

se spécialiser dans le traitement d'une seule catégorie de produits, ce

qui limite à quelques unités les différentes sortes de matières premières

utilisées. Ne pouvant plus compter sur la diversification de celles-ci

pour obtenir un volume suffisant à traiter, la SARPA s'est efforcée d'éten­

dre considérablement son réseau de commercialisation en amont. Cette ex­

tension s'est d'abord opérée en essayant de couvrir le plus grand nombre

de régions productrices afin que le déficit de l'une puisse être globale­

ment compensée par l'excédent de l'autre. Ce réseau a eu également pour

tâche de s'approcher le plus possible du producteur pour éviter en quelque

Page 19: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

13

sorte le:. "fuite" de la ma.tière première vers d'autre secteur que l' indus­

trie et ajouter ainsi à l'instabilité de l'approvisionnement.

En définitive, cos deux entreprises se sont prémunies (ou

du moins ont tenté de le faire) contre l'irrégularité de la production

agricole en ess~~t d'étendre au maximum leurs possibilités d'approvision­

nement soit en variant les matières premières destinées à être usinées

soit en augmentant considérablement l~s zones d'approvisionnement. Les

variations de l'offre des produits agricoles concernés seront donc globa­

lement compensés et cela permettra d'utiliser au mieux les capacités de

production installées. Ceci en période normale évidemment car une année

vraiment mauvaise sur tous les plans se fera de toutes façons sentir sur

l'approvisionnement des industries.

Ce rapprochement de Laborde-Lachaize et de la SARPA est

d'autant plus significatif que leurs structures de financement sont extr~

mement différentes ce qui aurait pu provoquer des comportements divergents.

En particulier, la SARPA, dont la part de financement propre est extrême­

ment élevé (1) aurait pu se permettre d'opérer des actions plus directes

dans le milieu rural avec lequel elle est en relations économiques alors

que les Ets Laborde-k--:.chaize ne pouvaient de toutes les façons se le per­

mettre étant donnée la faiblesse de leurs ressources financières (2). Par

conséquent, si la nécessité économique ne pousse pas l'entreprise, celle-ci

ne sera guère tentéb d'agir véritablement sur la production agricole comme

nous le verrons plus bas à propos de Madagascar-Conserves et de la ~TIM•

.....

(1) Le rapport Capitaux propres/Capitaux empruntés ~~ 4,64(2) Le rapport Capitaux propres/Capitaux empruntés ~ 0,84

Page 20: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

14

Dès maintenant il faut observer que cette protection de l'in­

dustrie contre les variations de l'offre de ses matières premières n'est

pas reversible, c'est-à-dire que les méthodes utilisées ne protègent ab­

solument pas l'agriculture contre les variations de la demande industriel~

le. En effet qu~ ce soit les Ets Laborde-Lachaize ou la SARPA, un rétrécis­

sement de leurs débouchés fera qu'elles achèteront moins de matières pre­

mières à l'agriculture pour adapter le plus possible leur production aux

variations de la conjoncture et les techniques employées ne peuvent faire

écran à cela. Par conséquent toutes les variations de la production indus­

trielle, ou du moins l'essentiel de cellos-ci, seront supportées non seule­

ment par l'entreprise mais surtout pnr l'agriculture. Dans le cas d'une

baisse par exemple, cela sera plus coûteux pour celle-ci que pour celle-là

car, physiquement la matière première agricole existera et ce sera l'agri­

culteur qui supportera tous les frais de la mévente alors que l'industriel,

lui, ne verra qu'une baisse dans l'utilisation de sa capacité de produc­

tion. Autrement dit, dans ses relations avec l'agriculture, l'usine ne

jouera pas un rôle très différent de celui du secteur commercial classique

puisque, à l'instar de celui-ci, elle se prémunira le plus possible contre

le secteur à qui elle aohète tout en lui faisant supporter au maximum tou­

tes les variations, surtout négatives, du secteur auquel elle vend sa pro­

duction. Aussi en dehors du fait, non négligeable bien sûr, qu'elle absor­

be une partie de la production agricole arrivant sur le marché, l'usine

n'aura guère d'influence et d'influence positive, sur le secteur agricole

avec lequel elle est en relation économique. En sera-t-il de même dans le

second groupe où les conditions du marché seront assez différentes?

2 - Production agricole du seoteur local généralement infé­

rieure aux besoins de l'entreprise. L'entreprise devra alors compléter

d'une manière ou d'un autre ce que ne peut lui apporter le secteur agricole

ordinaire. Deux usines parmi celles que nous avons étudiées, se trouvent

être dans cette situation; ce sont Madagascar-Conserves et la FITDi dont

0.0

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15

nous allons examiner les expériences.

i) Madagascar-Conserves : Elle a repris un système classique

et assez répandu auparav~nt à savoir celui de la concession. Celle-ci est

chargée de fournir à l'usine une quantité suffisante de produits pour

qu'elle puisse être assurée d'un minimum de production en cas de défaillan­

ce plus ou moins prononcée du secteur local. Comme, d'autre part, on emp­

loie autant que possible sur ces concessions des méthodes modern~s de cul­

ture qui permettent d'échapper au moins partiellement aux aléas des condi­

tions physiques de la production, les variations de celle-ci seront bien

moins accentuées qu'ailleurs et, en tout état d~ cause, pourront suivre

d'assez près le développement de l'~ffaire. D'autant plus qu'il y aura

unité d~ direction entre le domaine agricole et le domaine industriel per­

mettant une adaptation assez souple à l'évolution des débouchés industriels

compte tenu des contraintes inhérentes à toute production agricole.

On notera par ailleurs que la superficie de la concession est

limitée et non extensible et que l'entreprise s'est engagée par contrat

avec l'Administration d'absorber par priorité un contingent très important

de matière première provenant du secteur local. De ces deux faits il s'en­

suit que s'il y a extension de l'affaire, l'usine ~evra de plus en plus

faire appel à ce même secteur local, par contre s'il y a stagnation ou

régression temporaire ce sera d'abord et surtout la conoession qui en

supportera les frais.

ii) la FITIM : Consommant une matière première fort peu pé­

rissable et qui n'a pas besoin d'être traitée immédiatement après la ré­

colte, l'entreprise préfère se placer sur le marché international corres­

pondant, assez vaste pour qu'elle soit sûre d'y trouver les quantités comp­

lémentaires qu'elle n'a pu se procurer dans sa zone d'approvisionnement

locale o On remarquera d'ailleurs que, dans la mesure du possible, l'usine

00.

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,

16

préfèr8 s'approvisionner dnns celle-ci plutôt qu'à l'extérieur où le mar­

ché est généralement très spéculatif rendant la matière première relative­

ment plus coûteuseo Pour s'en assurer on calculera les ~oefficients de

corrélation entre d'une part le volume de la production du paka (p-a) et

le volume de celui-ci utilisé par l'usine (p-u), d'autre part ce dernier

et le volume du jute importé et utilis0 par l'usine (j-u) e On a respecti-

vernent :

R p-u / p-a = + 0,824

R p-u / j-u = - 0,20

Le premier coefficient est fortement positif indiquant que le

volume de la matière première locale utilisée par la FITIM suit d'assez

près celui de la production agricole correspondant~e A l'inverse le deuxiè­

me coefficient est faiblement négatif ainsi que la corrélation entre le

volume des matières premières importées et leur prix correspondant (i')

R j-U / i' = - 0,25

Ceci montre simplement que les matières prem~eres importées

sont un appoint, soit que la production loc~le ait baissé ou stagné (années

1955 à 1958 par exemple), soit que, même augmentant, elle ne suffise pas

à alimenter l'usine dont le développement est plus rapide (années 1962 et

1963 par exemple)e Cette idée est renforcée par le faible lien négatif

entre le volume importé et les prix correspondants qui prouve que l'usine

ne cherche pas automatiquement à acquérir au meilleur prix sur le marché

internation<l.l et que, par conséquent, celui-ci ne sera qu'un palliatif aux

insuffiso..nces du marché nationale Uhe conséquence logique de tout cela

sera que le variations annuelles des quantités de pn.ka absorbées par l'usi-

ne seront moins fortes que celles du jute importé, c'est bien ce qui se

passe puisque les écarts-t,ype moyens annuels (E) d~s indices-volumes sont

respectivement :

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11

Ep = 0,375Ej = 0,586

De cet ensemble de faits on peut déduire que si les variations

de la production agricole locale vont se répercuter directement sur l'usi­

ne en l'obligeant à s'approvisionner ailleurs, les fluctuations à oourt

terme des débouchés de l'usine ne se répercuteront pas sur le producteur

~gricole mais sur les achats à l'extérieuro

De ces deux expériences, on peut déduire aisément que dans la

situation où elle se trouve, ce genre d'entreprise va s'efforcer de se pro­

curer un "volant de sécurité" (concessions - importations - etcooo) pour

son approvisionnement mais en dehors du secteur agricole localo Ce qui

signifie que ce sera ce "volant de sécurité" qui sera chargé d'absorber

les à-coups de la production industrielle quand ils ne manifestent pas

de tendance à long terme et non pas l'ngriculteur indépendanto On voit là

toute l~ différence et tout l'intérêt par rapport à ce qui se passe pour

les deux premières entreprises où, en réalité, c'est le producteur de ma­

tière première qui amortit toutes les fluctuations à court terme de la pro­

duction industrielle.

Dans ce dernier cas, de trop fortes variations se renouvelant

assez fréquemment auront pour résultat de décourager durablement l'agri­

culteur qui ne verra aucun intérêt à travailler pour des débouchés aussi

peu sûrs o Il s'ensuivra souvent des difficultés grandissantes d'approvi­

sionnement ou tout au moins une stagnation de la production qui ne pourra

qu'handicaper l~ développement de l'affaire (voir plus bas le cas de

Laborde-Lachaize).

Dans l'autre cas au contraire, l'usine semble devoir assurer

à l'agriculteur un débouché assez stable d'une année à l'autre puisqu'il

o ••

Page 24: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

18

ne subira pas normalement les vexiations de l'approvisionnement de l'indus­

trie. Il s'ensuit que, toutes choses étant égales par ~illeurs, la production

en secteur local aura plutôt tendance à s'accroître apportant ainsi à l'usi­

ne une plus grande sécurité dans l'approvisionnement surtout si le chiffre

d'affaires a tendŒnce à se développer.

Ainsi donc, l'usine qui utiliser~ une matière première déjà

~bondarnment produite aura tendance à faire retomber sur l'agriculteur tou­

tes les fluctuations de son affaire car les réactions négatives qu'il pour­

rait ::.voir ne se répercuteront guère sur l'approvisionnement de l'usine

étant donnée l'étendue du marché. Mais un tel état de fait risque de dé­

grader la situation à long terme et insensiblement si bien que l'entrepri­

se verra peu à peu surgir des problèmes d'approvisionnement d'autant plus

difficiles à résoudre que ses immobilisations l'empêcheront de se déplacer

et qu'il sera beaucoup moins aisé à ce moment-là de lutter contre la mé­

fiance des agriculteurs après une première expérience malheureuse.

Par contre si la matière première n'est pas suffisante au dé­

part, ou même ineXistante, ltusine devra être beaucoup plus attentive à

ses fournisseurs. Plus ou moins volontairement, elle cherchera à leur évi­

ter des à-coups trop brusques, les reportant de préférence sur d'autres

agents économiques pour lesquels cela n'aura pas d'importance. Mais, dans

la. réalité, l'entreprise ne se contentera pas d'avoir un "volant de séou­

rité" qui ne pourra assurer qu' 'lm minimum de production. Si elle veut que

celle-ci se développe (ce qui est évidemment l'habitude! ) elle devra al­

ler beaucoup plus loin. C'est-à-dire qu'elle va s'efforcer non seulement

de se prémunir contre les irrégularités provenant des conditions physiques

de ln production agricole mais également contre l'incertitude quant à

l'attitude et à la réaction des agriculteurs à la présence de l'offre de

l'usine. Celle-là devient alors la principale contrainte à l'extension

parallèle de l'approvisionnement et du chiffre d'affaires. Nous allons

•••

Page 25: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

19

étudier maintenant comment les usines ont essayé de réduire au mieux cette

incertitude.

b) Réaction à l'incertitude de l'attitude des agriculteurs.

Une attitude qui a été le fait de nombreuses entreprises avant l'indépen­

dGnce a été de mettre en culture des concessions suffisamment importantes

pour que celles-ci puissent assurer la majeure partie de l'approvisionne­

ment de l'usine dans un avenir prévisible. Le volant de séourité est alors

le secteur agricole local utilisé seulement pour faire l'appoint. Il n'est

pas besoin d'être très clairvoyant pour voir ce que ce système peut avoir

de négatif sur l'évolution de l' agricul teur en le maintenant dans une si­

tuation instable sans l'intégrer dans un circuit économique véritable.

Dans ce cas-là, l'usine n'aura aucune influence sur l'agriculture locale,

elle risque m~me d'être négative 1 Elle vivra en vase clos, isolée psycho­

logiquement et économiquement du milieu rural qui l'entoure et ne pourra

donc être un agent de progrès pour celui-ci.

A l'inverse dG celL1, examinons comment ont réagi Madagascar­

Conserves et la FITIM à cette incertitude. Nous avons constaté plus haut

que les "volants de sécurit~" qui étaient à leur disposition n'étaient

pas suffisants pour un approvisionnement normal, présent ou futur; d'autre

part, il était hors de question pour elles d'encadrer de façon plus ou

moins autoritaire le paysannat local ce qui aurait réglé apParemment le

problème. On va voir alors que, malgré des conditions économiques et finan­

cières assez différentes, des matières premières sans aucun point commun

si ce n'est le fait d'être agricoles, nos deux entreprises vont essayer

d'agir dans le milieu rural de façon relativement semblable en employant

des moyens autres que purement économiques (tel que l'incitation par les

prix par exemple).

e ••

Page 26: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

20

i) Madagnscar-Conserves : Quand l'usine s'est implantée, il

n'existait pas de production de la matière première qu'elle utilise. La

concession eut pour rôle d'~ssurer le démarrage mais elle ne pouvait suf­

fire pour permettre un développement ultérieur sérieux, comme d'autre

part, e.insi que nous l'avons vu plus haut, un contrat avec l'administra,­

tion l'oblige à prendre en priorité un contingent important de la produc­

tion du secteur local, il lui a fallu agir en milieu rural. Dans ce Put,

elle prit un certain nombre de dispositions qu'on peut résumer ainsi:

- distribution gratuite de plants à ceux qui désirent faire

des plantations

- traitements phytosanitaires des cultures gratuits pour ceux

qui le demandent

- prise en charge par l'usine d'un contremaître chargé de

montrer aux agriculteurs la technique de la culture à tous les stades

- prix de la marchandise rendue-usine fixé à l'avance et con-

nu de tous

- vente toujours assurée à l'usine.

De cette énumération on peut retenir deux choses. D'abord, la

liberté de l'agriculteur est entièrement respectée: il peut accepter ou

refuser de rentrer dans ce système, de faire ou de ne pas faire la culture

qui intéressé l'usine. Cette liberté se retrouve à tous les niveaux depuis

l'obtention du matériel végétal jusqu'à la prop~sition d'aide technique.

Ensui te le fait de toujours pouvoir vendre à l'usine pour un prix déter­

miné connu à l'avance donne à l'agriculteur une assurance quant aux dé­

bouchés db ses productions. A la longue il risquera donc d'être plus tenté

par une pareille culture que par d'autres spéculations aux débouchés ins­

tables et pour lesquels il est impossible de faire des prévisions de pro­

duction.

• ••

Page 27: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

21

En somme~ à l~ certitude de la vente et du revenu monétaire,

l'usine s'est efforcée de lier explicitement une assistance technique qui

facilite le travail de l'agriculteur. De la sorte, elle tend à créer un

réseau d'échanges entre producteur et utilisateur, sans intermédiaire ni

écran, qui soit autre que purement économique et totalement anonyme per­

mettant ainsi une meilleure compréhension réciproque des problèmes qui se

posent. Cela sera sans doute d'autant plus efficace que, dans l'état actuel

des esprits, des rapports purement objectifs, tels qu'il en existe d'ail­

leurs, sont beaucoup moins appréciés et compris car ils font passer trop

brutalement d'un monde où les rapports personnels sont de première impor­

tance à un autre où ils sont relégués tout à fait au second plan.

ii) La FITIM : La situation est quelque peu différente. Au

départ l'usine avait affaire à des peuplements naturels du produit qu'elle

traitait, coux-ci se sont trouvés peu à peu réduits par l'extension d'au­

tres cultures. Aussi pour redresser la situation on a agi sur deux plans

différents, t~chnique et économique:

- plan technique : un réseau de techniciens a été mis en place

dans les zones écologiquement favorables. Il distribua une assistanoe tech­

nique (façons culturales, semences, etc ••• ) à très bon marché ou même gra­

tuitement au début, devenant payante par la suite au fur et à mesure que

la culture prenait dans le milieu local.

- plan économique un accord avec l'Administration a été .passé

de telle sorte que le prix payé au producteur ne subisse que très peu de

variations et de faibles amplitudes. S'ajoute à cela la certitude du dé­

bouché pour l ' agriculteur.

Là encore il ne pouvait être question de forcer l'agriculteur

à pratiquer cette culture si elle ne l'intéressait pas. On a simplement

mis à sa disposition un certain nombre d~ moyens qui pouvaient l'attirer

•••

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..

22

en lui permettant de s'intégrer progressivement dans un domaine nouveau

pour lui snns que le résultat dt son travail soit trop incertain étant

donnée la certitude du débouché que l'usine lui procuree

Dans ces deux expériences faites en des lieux, à des moments

et dans des conditions économiques assez différentes, on peut observer qu'il

a paru absolument nécessaire d'apporter à l'agriculture autre ohose qu'une

offre d'achat de sa production CRr 10 producteur ne réagit que peu et très

lentement à des incitations d'ordrG purement économique. En effet deux

problèmes comptent b0aucoup pour celui-là 9 que ne peuvent résoudre celle-

ci :

- l'incertitude de l'avenir savoir su moment où on,plante.si

l'on va pouvoir v~ndre l'intégralité de la récolte à un prix suffisamment

rémunérateur

la méconnaissance des techniques à employer pour une culture

nouvelle dont on ignore tout, en particulier, la façon de travailler et

les rendements qu'on pourra en obtenir.

Le raIe de l'entreprise a donc été de réduire le plus possible

ces incertitudes dans l' eaprit de l ' agriculteur. De ce fai t-là, elle ré­

duisait considérablement l'incertitude qu'elle-même pouvait avoir quant

à l'attitude des agriculteurs vis-à-vis de la production des matières pre­

mières dont elle-même a besoin e

Mais cette méthode semble avoir d'autres conséquences très

utiles au développement de l'agriculture:

- Il est d'abord fait appel à l'intelligenc~ du produoteur à

qui l'on propose un choix. C'est à lui de constater les avantages et les

inconvénients du système qu'on lui propose et de décider en conséquence o

00.

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23

La présenc~ d'agents techniques, dépendant explicitement et

exclusivement de l'usine, permet de personnaliser en quelque sorte les re­

lations entre agriculteurs et industriels. Ceci est très important, semble­

t-il, pour le milieu rural qui est loin d'avoir objectivé ses relations

économiques.

Ces deux conséquences vont donner à l'agriculteur la possibi­

lité de s'intégrer de lui-même plus étroitement dans un système économi­

que où l'échange monétaire pourra pr€mdre progressivement une place pré­

pondérante. La transition du secteur d'autoconsommation au secteur moné­

taire sera donc beaucoup plus progressive et plus saine dans la mesure

où c'est l'intéressé qui la fera de son propre chef et consciemment. La

transformation sera d'ailleurs beaucoup plus durable et profonde. Il n'est

d'ailleurs que de comparer cette situation avec des expériences récentes

en d'autres domaines où l'on a voulu imposer aux paysans d'une région un

système de production entièrement nouveau sans leur demander leur avis.

Le résultat assez commun a été un blocage psychologique tendant à replier

les communautés rurales sur elles-mêmes au lieu de les ouvrir à l'extérieur

ce qui était l'opposé du but recherché. Evidemment la méthode envisagée

plus haut représente une oeuvre de longue haleine car ce n'est pas en deux

ou trois années que l'on réussira à convaincre un nombre élevé d'agricul­

teurs ; mais cet inconvénient est compensé par de tels avantages à long

terme tant pour l'agriculteur que pour l'industrie que le résultat est tout

de même largement bénéficiaire, d'autant plus, qu'en attendant, l'usine

peut utiliser les ressources dt> son "volant de sécurité".

Mais avant dû conclure, il serait bon de savoir si ces dif­

férences de méthodes, quant aux relations avec le monde rural, se sont

traduites concrètement dans les faits et en particulier dans les varia­

tions des quantités et des prix des produits achetés et vendus par l'usine •

•••

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24

On peut ess~er d'en donner une démonstration en comparant les écarts­

type et les variations des indices-volume (1) et indices-prix de la ma­

tière premièr~ et du produit finit qui lui correspond (Tableaux l et II

en Annexe).

iii) Indices-prix : on observe assez généralement que les prix

industriels varient moins que les prix agricoles (l~s Ets kkborde-Lachaize,

la SARPA et partiellement la FITIM pour le jute importé)o Ceci peut signi-

fier plusieurs choses :

- l'usine régularise le cours des produits agricoles et absor­

be, au moins partiellement les variations des prix agricoles sans les trans­

mettre en aval perce qu'elle leur fait subir une transformation qui permet

de les adapter à un marché de consommation étalé sur toute l'année et

s'adressant à un plus grand nombre d'acheteurs, évitant ainsi des change­

ments brutaux provenant par exemple d'une offre abondante mais très limitée

dans le temps et même dans l'espace.

l'usine renforce les variations des prix des matières pre­

mières en ajoutant aux vnriations provenant de l'offre agricole proprement

dite celles qu'elle subit elle-même par les fluctuations de ses débouchés.

Ceci est particulièrement vrai pour Laborde-Lachaize.

En somme, on pourrait dire que l'entreprise répercute les va­

riations des prix de ses produits finis sur celles des prix des matières

premières agricoles qui ont servi à les fabriquer mais qu'elle amortit

assez sensiblement les variations des prix agricoles pour ne pas avoir à

les transmettre sur les prix des produits qu'elle vend elle-même. On

00.

(1 ) Calculés selon la formule de Lnspeyres soit:

l' indice-prix = 1&2 ) po, qo = prix et volumo de l'annéepoqo ( de base

- l' indice-volume = .E29:)

P, q = prix et volume cle l'année(poqo ) considérée

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,

L

25

constate donc bien que l'usine ne filtre, si l'on peut dire, le niveau de

prix que de~s le sens qui lui est favor~ble, c'est-à-dire qui lui assure

ses débouchés ..

Ce comportement semble bien être celui de Laborde-Lachaize et

de la SARPA. qui appartiennent au groupe des usines s'approvisionn~t sur

un m~rché assez large et existnnt déjà de lui-même. Le cas est assez dif­

férent pour la FITIM. Car si les prix du produit importé sont fluctuants,

cela provient da causes totalement étrangères à l'entreprise (m~rché in­

ternational spécul~tif) .. Il n'en est pas de même pour les prix des matiè­

res premières produites localement qui ne varient que très peu. On observe

alors que les prix du produit industriel varient plus, ce qui prouve à ce

moment-là que c'est la seule usine, ou son "volant de sécurité" (ici la

matière première importée), qui subit la conséquence des variations

de la demande de ses produits fabriqués et non les prix de la production

agricole locale .. L'entreprise joue alors parfaitement son rôle de filtre

vis-à-vis du secteur agricole auquel elle évite des ve~iations préjudicia­

bles. Mais retrouve-t-on le même phénomène pour les variations en volume?

iiii) Indices-volume : On observe sensiblement la même chose

à savoir que les variations des quantités industrielles produites sont

plus faibles que celles des produits agricoles correspondants.

A la FITIM, l'écart-type moyen annuel (s,) est plus fort

pour la matière première produite localement (p) que pour celle qui est

~ortée (j). En effet les variations en volume de "pli suivent de près

oelles des récoltes proprement dites (voir plus haut la corrélation qui

les lie: Rp-u/p-a = + 0,824), ce qui montre bien que c'est l'usine qui

subit les fluctuations de la production locale et doit les amortir et non

le contraire" Par contre les variations calculées avec l'écart-type par

rapport à la moyenne (s) sont plus fortes pour les matières importées

(47.5 %) que pour les locales (34 %). Cela prouve que les variations

•••

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,

26

moyennes des quantités absorbées par l'usine sont beaucoup plus fortes pour

le "volant de sécurité" que pour le produit local ce qui est bien en con­

tinuité logi~e avec ce que nous affirmions plus haut. Mais les V'"'J'iations

du volume industriel sont, elles, de toutes façons plus faibles. Cette dif­

férence s'explique par la présence de stocks de matières premières qui

permet à l'entreprise d'absorber la variation de la production agrœcole

sans la répercuter sur la production industrielle.

Chez Laborde-Lachaize et la SARPA, on constate au contraire

que les variations dë volume tant des matières premières que des produits

finis sont plus fortes et généralement assez voisines les unes des autres.

Comme on sait par ailleurs que le marché des produits agricoles concernés

est généralement suffisant pour ces deux entreprises, on en déduit que les

usines répercutent à peu près entièrement sur les marchés agricoles les va­

riations quantitatives de leurs possibilités de vente. Autrement dit les

variations de volume des matières premières proviendraient non pas des

fluctuations de l'offre agricole mais de celles de la demande industrielle

. à l'inverse de ce qui se passe chez la FITIM. Bien qu'elles n'aient guère

la possibilité de stocker suffisamment la matière première, pour amortir

les à-coups, il ne semble donc pas que ce soit tellement cela qui soit la

Cél.use de cette absence de "filtrage" des variations tant des prix que des

quantités. Ce serait plutôt que ces entreprises se sentant peu liées au

monde rural qui les approvisionne lui feront subir à peu près tous les

contre-coups de leur production car elles savent que cela n'aura pas de

répercussion immédiate et tangible pour la satisfaction de leurs besoins

en matières premières. La différence des résultats chiffrés entre Laborde­

Lachaize et la SARPA d'une part, la FITIM de l'autre semble bien confirmer

cette idée.

D8 cette analyse, on peut conclure qu'à l'inverse de ce qui

se passe dans le premier groupe, les entreprises qui ont été obligées

de se pencher de près sur leurs problèmes d'approvisionnement, ont pu,

•••

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27

dans certains cas, Bvoir une influence positive sur le développement d'un

secteur de l'agriculture en essayant de s'adapter et de résoudre les pro­

blèmes qui s'y posent sans, pour autant, bousculer l'agriculteur. Dans ce

cas-là, l'usine peut jouer un rôle privilégié pour le développement de

l'agriculture. En effet au lieu de répercuter sur celle-ci toutés les

variations d'une conjoncture économique à laqu~lle le producteur se sent

totalement étranger et qu'il ne peut percevoir directement du fait de son

éloignement tant psychologique que géographique, l'entreprise devient une

sorte de filtre entre le monde extérieur et l'agricultureo Par là, elle

pourra éviter une rencontre trop brutale qui risquerait de refermer l'agri­

culteur sur soi au lieu de l'ouvrir. D'autre part elle devient un interlo­

cuteur beaucoup plus accessible et compréhensible que l'anonymat du marohé.

Enfin, en lui procurant des conditions de travail plus avantageuses et en

lui rendant son revenu monétaire moins aléatoire, elle donnera au p~san

la possibilité de pénétrer plus hardiment et plus franohement dans ce sec­

teur monétaire dont il est enoore assez méfiant et duquel il est assez peu

habitué aux mécanismes.

De l'étude de nos quatre entreprises, il ressort donc très

clairement que, d'une façon ou d'une autre, elles chercheront à se prému­

nir le plus possible contre des variations de l'offre de leurs matières

premières qui peuvent les gêner considérablement dans leur production pro­

prement dite o Mais selon que celles-là se trouvent déjà abondamment sur

les marchés traditionnels ou non, les entreprises auront tendance à se

comporter vis-à-vis de ceux-ci comme de simples commerçants ce qui peut

avoir des répercussions fâcheuses sur l'agriculture et sur elles-m~mes à

longue échéance - ou bien elles seront amenées à agir en milieu rural et

à faire écre~ avec l'extérieur pour lui procurer des conditions suffisam­

ment acceptables et saines pour l'agriculteur, ce qui, en définitive, pour­

ra être un bien pour celui-ci CO~1e pour l'usineo

•••

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28

Nous allons examiner maintenant les réactions de l'entreprise

à deux autres caractéristiques de la production agricole pour lesquelles

l'action en milieu rural n'aurait aucune signification étant donné qu'elles

sont étroitement dépendantes de la nature des choses, ce sont la saison­

nalité de la production agricole et la nature, périssable ou non, du pro­

duit traité. Les entreprises devront donc surtout trouver en elles-m~me

les moyens de parer à ces difficultés.

c) Saisonnalité de la production et périssabilité du produit.

Le premier problème que l'entreprise devra résoudre sera celui

du financement de ses achats de matières premières. En effet, le plus fré­

quemrlent, celles-ci ne sont produites et utilisables que sur une petite

période de l'année pendnnt laquelle il faudra que l'usine achète de très

grosses quantités qui permettront toute sa production de l'année. Pour

cela, elle mobilisera une partie assez importante de ses fonds propres, ce

sera 18 cas de la SARPA et la FITD1 en particulier où l'ensemble dos va­

leurs réalisables et disponibles représentent en moyenne respectivement

29 %et 26 %de l'Actif o Par contre, chez Laborde-Lachaize où la trésorerie

est plus difficile, on fera surtout appel aux capitaux extérieurs sous

forme d'emprunts à court terme qui représenteront en mOY6nne plus de 40 %du Passif total. Comme on le constate donc, ce fait peut peser assez lour­

dement sur le bilan de l'entreprise, mais de façon différente selon la

structure de son financement.

Le second problème qui se pose alors immédiatement va être

celui de la période de production. La réaction de la plupart des entrepri­

ses sera de l'étaler le plus possible pour essayer de travailler une bonne

partie de l'année sinon l'année toute entière. Cela est principalement

dû au fait que, si l'activité est saisonnière, la capacité de production

installée va être inutilisée pendant le reste de l'année ce qui représente

.00

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29

deux inconvénients majeurs: d'abord un manque à gagner certain puisque

les immobilisations ne servent que pend~t quelques mois sur douze - d'au­

tre part une plus lourde charge provenant de l~ présence de frais fixes qui

restent toujours les mêmes que l'usine tourne ou ne tourne pas, ce sera en

particulier le cas des amortissements, des assurances, d~ certains impôts,

du pers0nnel permanent, etc •••

La méthode qui apparaît alors la plus simple est de stocker

la matière première pour l'utiliser au fur ~t à mesure des besoins. C'est

ce que pratique normalement la FITIM pour laquelle les stocks de matière

première représentent en moyenne près de 25 %du total de l'Actif, leur

vitesse de rotation étant relativement lente (1). M~is outre des disponi­

bilités financières que toutes les entreprises n'ont pas, il faut bien re­

marquer que ce qu'utilise la FITIM n'est pas périssable et peut donc être

stocké pour longtemps aux moindres frais.

Il n'en est malheureusement pas de même pour les entreprises

de la branche des Industries Agricoles et Alimentaires dont la plupart des

produits qu'elle traite sont périssables plus ou moins rapidement. Dans ce

ca~ il sera beaucoup plus difficile de pallier complètement à la saison­

nalité et les solutions envisagées ou mises en place n'ont jamais été to­

talement satisfaisantes. Nous allons les passer rapidement en revue:

i) Extension de la gamme de production: c'est la voie dans la­

quelle s'est engp.gée Laborde-Lachaize. Outre les avantages dont nous par­

lions plus haut qui lui permettent de ne pas ressentir trop fortement les

brusques à-coups de la production agricole, l'augmentation du nombre de

produits traités permet de faire des séries de production échelonnées dans

le temps - l'arrivée à maturité de chaque catégorie se situant à des pério­

des différentes de l'année. De cette façon, l'usine parvient à tourner

•••

(1) La moyenne du ratio Achats de matières premières est de 1,69 sur 11. Stocks de matières premièresexerc1ces.

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1 •

1 •

1

1

)0

à peu près tout le temps avec tout de même des variations d'activité assez

sensibles.

Mais cette solution n'est réellement possible que si le

matériel est assez polyvalent ou peu spécialisé permettant de l'utiliser

pour des productions assez variées. C'est d'ailleurs bien l'atout de

Laborde-Lachaize dont les immobilisations ne sont pas très importantes

mais qui emploie suffisamment de personnel pour pouvoir l'affecter à une

tâche puis à une autre selon les besoins. De fait, dans les autres entre­

prises, on n'a encore eu que la velleité d8 prendre cette solution car

seulement une petite partie du matériel existant pourrait être polyvalent,

et il serait même parfois nécessaire de faire de nouveaux investissements.

ii) Reprise en intercampagne : c'est ce que tente de faire

Madagascar-Conserves pour laquelle le problème est particulièrement cru­

cial car le produit qu'elle utilise doit être impérativement usiné d~

les 24 heures qui suivent la récolte et, d'autre part,le matériel mis en

place ne peut pratiquement pas être utilisé à d'autres fins. Il s'agit

alors de stocker le produit "en cours" à un stade où sa conservation ne

pose pas de problèmes importants. Il est ~nsuite repris en inter-campagne

ce qui permet tout de même une décongestion au moment où celle-là bat son

plein et un meillour étalement de la production.

Cette méthod8 n'est évidemment possible que si les moyens

de conservation ne sont pas trop onéreux. On ne pourra évidemment agir

ainsi s'il est nécessaire d'avoir par exemple une installation frigorifique

onéreus~ par son fonctionnement et les immobilisations de capitaux qu'elle

peut représenter. C'est par exemple le cas de la SARPA qui, de ce fait, n'a

pas pu trouver de solutions satisfaisantes à ce problème de la saisonnali­

té.

• ••

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31

Ainsi, pour un certain nombre d'entreprises dont la matière

première est très périssable et dont l'equipement est assez spécialisé,

il sera pratiquement très difficile d'échapper complètement à la périodi­

cité de la production agricole et de n'en pas subir les conséquences que

nous signalions précédemment. Il ne leur restera plus qu'à utiliser la

saison cruuse à la vente d'une production effectuée en quelques mois.

Il apparaît en définitive que l'industrie de transformation

d8 produits agricoles se situant entre une offre périodique de matières

premières et une demande à peu près également répartie sur toute l'année

de biens manufacturés devrait faire office de régulateur des flux de biens

et de monnaie entre ses fournisseurs et ses clients que le stockage se

fasse avant ou après l'usinage selon les caractéristiques du produit trai­

té •

• ••

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32

CONCLUSION

Au cours de cette analyse qui nous a p8rmis d'examiner

les incidences de l'agriculture sur quelques entreprises travaillant avec

elles,nous avons pu remarquer que trois facteurs jouaient un rôle primor­

dial dans les relations économiques entrû ces d~ux secteurs de l'économie,

ce sont :

la structure du financement de l'entreprise

la nature de l'activité de l'entreprise

la situation du marché d'approvisionnement de l'entre-

prise.

Le premier Gst un facteur purement interne à l'entreprise

et se résume surtout dans la part de financement propre des activités

industrielles. Si celui-ci est insuffisant ou devra faire appel à des ca­

pitaux extéri~urs av~c tout Cê que cela comporte d'aléas, de limitation

dans l'extension de l'activité et d'incertitude continuelle dans la marche

de l'entreprise. Le principal effet de cette situation sera une moins gran­

de maîtrise du milieu économique que ce soit en aval mais surtout en amont

de l'usine.

Le second facteur dépend à la fois de la nature; du produit

à traiter et du degré de transformation qu'il subit à l'usinage. Selon

que le produit est périssable ou non, il pourra ou non être stocké en grand

et sans frais majeurs permettant ainsi de régulariser les fluctuations pro­

v~nant de la production agricole. Quant au degré de transformation du pro­

duit, plus il sera grand, plus il exigera des investissements importants

et spécialisés qui limiteront, en particuli~r, la possibilité de pallier

aux inconvéni~nts que représente la saisonnalité de la plus grande partie

de la production agricole, surtout quand elle n'est pas stockable.

DO.

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33

Le dernier factbur enfin est entièrement indépendant, du

moins au départ, de l'entreprise proprement dite. Il représente simplement

le fait que le marché ~gricole local est capable ou non d'approvisionner

de lui-même l'usine pour que la capacité de production d~ l'entreprise soit

utilisée au miGux.

Ceci étant, comment ces trois facteurs interfèrent les uns

sur les autres et conditionnent l'activité économique de nos entreprises?

Il apparaît que le premier facteur, la dimension du financement propre de

l'entreprise, joue un rôle de premier plan. Il ne faut pas oublier en effet

que c'est celui-ci qui détermine la liberté de manoeuvre de l'usine: il

est bien évident que si cette dernière est obligée de faire largement appel

aux capitaux extérieurs, elle ne pourra pas réaliser tout ce qu'elle dési­

rerait et sera limitée dans son action et son développement optimum. Par

conséquent, les réactions aux deux autres facteurs seront assez différen­

tes selon la situation du premiùr. Effectivement on a observé que Labordb­

Lachaize, qui est la seule à se trouver dans une situation caractérisée

de financement propre insuffisant, a un comportement assez différent de

celui des autres entreprises. Elle no stocke absolument pas sa matière

première, ne disposant pas d'installations suffisantes - ses investissements

sont peu élevés et assez polyvalents lui permettant dG traiter des produits

bruts différents et d'obtenir une variété de production assez large - en­

fin, bien que cela s'avèrerait nécessaire, elle ne cherche pas à agir dans

son milieu rural d'approvisionnement. Etant ainsi relativement dépendante

(au moins pour les quantités et les prix des produits pris un à un) de ses

approvisionnements et de ses débouchés, il s'ensuivra que la structure de

son compte d'exploitation sera fort irrégulière d'une année à l'autre.

Co~e par ailleurs, ses capitaux propres sont insuffisants pour atténuer

ces fluctuations elles se répercuteront sur la structure de ses bilans qui

présentùront la même instabilité à cause de l'appel nécessaire au finan­

cement extérieur. Il n'en sera pas de même pour les autres entreprises dont

le financement propre suffisant assure tout d'abord une certaine stabilité

•••

Page 40: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

34

à leurs structures financières permettant all1si de faire écran aux irrégu­

larités provenant de la production agricole. Il assure ensuite une liberté

de manoeuvre plus grande donnant des moyens de stockage plus importants,

la possibilité de faire des investissements plus lourds et d'agir en mi­

lieu rural pour s'assurer d'un minimum d'approvisionnement nécessaire à

la bonne marche de l'usine.

C'est alors qu'on voit agir plus nettement les deux autres

facteurs. Tout d'abord, le fait de pratiquer des investissements plus im­

portants et plus spécialisés rendra l'entreprise beaucoup plus sensible

à la saieannalité de la production agricole quand celle-ci ne pourra ~tre

stockée durablement à l'état brut comme c'est le cas dans la branche des

Industries Agricoles et Alimentaires, Sur ce point, l'entreprise Laborde­

Lachaize possède un avantage certain puisqu'elle peut traiter une grande

variété de production dont les maturités s'échelonnent sur une bonne par­

tie de l'année. Il n'en sera pas ainsi pour la branche textile dont la ma­

tière première se conserve très bien sans autres immobilisations que la

valeur qu'elle représente, les entreprises correspondantes pourront donc

travailler toute l'année sans difficulté.

Quant au dernier facteur - l'excédent ou l'insuffisance de

la production agricole par rapport aux besoins de l'usine - on remarquera

que, généralement, si l'entreprise se trouve dans le premier cas, elle se

laissera guider par la facilité. En effet, elle cherchera à s'assurer un

certain nombre de marchés d'approvisionnement pour avoir une quantité suf­

fisante de matières premières à traiter "bon an, mal an", mais cette action

n'ira pas au-delà car les avantages n'en paraissent pas clairement évidents

aux entrepreneurs. Ce sera, par exemple, le cas de la SARPA qui, de ce fait,

se rapproche de l'attitude de Laborde-Lachaize qui, elle, est commandée

par la dimension de son financement propre. Dans le cas d'insuffisance au

contraire, ce sera quasiment une nécessité pour l'entreprise d'agir en

milieu rural si elle veut avoir une source d'approvisionnement convenable •

• ••

Page 41: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

35

Or, dans la situation des entreprises étudiées il n'était pas possible de

le faire de ~anière autoritaire ou en s'isolant (par la concession) du sec­

teur agricole local, elles ont donc été amenées à se Mettre directement en

relation - économique et technique - avec le milieu rural qui devait les

approvisionner. Par conséquent, dans le premier cas, les entreprises n'ont

pas cherché à s'intéresser réellement au producteur agricole et n'ont eu

avec lui que des relations purement économiques et souvent indirecteso Le

résultat logique de cette attitude fut qu'elles ont eu tendance à répercu­

ter eux leurs fournisseurs toutes les variations de la demande de leur

production industrielle que ce soit en quantité ou en prix afin d'en subir

elle-même le moins possible le contre-coupo Par contre, pour celles que

la nécessité obligeait d0 tenir compte de la réaction et du comportement

des agriculteurs, elles ont eu nettement tendance:

d'une part à faire supporter 1es variations de leur de­

mande par ce que nous avons défini plus haut comme étant leur "volant de

sécurité" (concession - importations - etcooo) et dont le coût leur incombe

en définitive.

- d'autre part à chercher à avoir d'autres relations que

purement économiques (au sens libéral du terme) avec l'agriculteur. Celui­

ci y étant assez réticent du fait de son incertitude continuelle sur l'ave­

nir de ses récoltes et du prix auxquelles elles seront payées. En défini­

tive, les entreprises chercheront à promouvoir ce qu'on pourrait appeler

une "action intégrée". C'est-à-dire qu'elles vont s'efforcer de lier étroi­

tement action technique et économique à la fois concrètement et explicite­

ment aux yeux des agriculteurs. Action technique dans la mesure où elles

proposeront aux paysans une assistance (1) (au vrai sens du terme, c'est­

à-dire qui respecte leur liberté, leur possibilité de refuser) qui leur

donnera une plus grande assurance quant aux résultats concrets de leur tra­

vail. Ceux-ci ne seraient pas suffisants s'il restait l'incertitude majeure

(1) Assistance au sens large du terme c'est-à-dire qui comprend aussi bienla fourniture de moyens matériels de production QUO l'encadrement pardes techniciens.

Page 42: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

36

des débouchés et des prix dont les variations ruineraient tous les efforts

précédents. D'où l'action économique qui s'enchaîne logiquement avec la

première et, par laquelle, l'usine s'engage à absorber les quantités pro­

duites par l' agricul teur à un prix fixé à l'avance. On notera avant de ter­

miner, que ces entreprises n'ont pu opérer de cette manière dans le secteur

agricole local que parce qu'olles avaient les moyens financiers (c'est-à­

dire un pourcentage de capitaux propres suffisamment élevé) de le faire.

Il est bien évident que ce genre d'action n'est pas rentable dans l'immé­

diat puisqu'il s'agit de modifier des mentalités et des habitudes, ce qui

exige pour cela des investissements dont on ne sait pas s'ils donneront

ou non des résultats - investissements ~i ne peuvent être pratiqués que

par des usines dégagées des soucis immédiats de trésorerie et qui peuvent

immobiliser une partie de leurs capitaux dans des opérations qui dépassent

le stade de l'activité industrielle proprement dite. Par ailleurs cela

nécessite dûS disponibilités suffisantes pour absorber, par l'achat, des

variations quantitatives de production qui peuvent être assez fortes et

ne pas correspondre avec l'évolution de la demande finale sans pour cela

être obligé de faire appel trop largement à l'extérieur. En fin de compte,

ce sera ce type de comportement qui donnera aux relations agriculture­

industrie toute leur efficacité. En effet l'entreprise y jouera un r81e

~amique par son action en milieu agricole. Elle servira véritablement

de filtre entre le monde extérieur et l'agriculture en ce sens qu'elle lui

évitera d'en subir les fluctuations importantes à court terme et qu'elle

réduira fortement les incertitudes des agriculteurs sur l'évolution de

celle-là. A partir de là, il sera vraisemblablement plus facile d'intégrer

de plus en plus étroitement les agriculteurs au secteur monétaire. Il est

à noter que le comportement opposé (celui de Laborde-Lachaize et la SARPA

en particulier) aura, dans le meilleur des cas, que des conséquences posi­

tives réduites dans la mesure où la présence passive de l'entreprise n'en­

traînera pas un changement sérieux des caractéristiques du marché ni de

modifications sensibles quant à la certitude des débouchés pour les

•••

Page 43: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

37

producteurs. Mais le plus souvent ce comportement risquera d'être néfaste

à l'approvisionnement même de l'entreprise par le découragement des agri­

culteurs qui devront supporter presque toutes les variations de la deman­

de finale.

En définitive donc, si la dimension du financeMent propre

de l'entreprise apparaît très nécessaire aux bonnes relations entre l'agri­

culture et l'industrie de produits agricoles, elle n'est pas suffisante et

il y faut en plus une volonté nettement orientée en ce sens. Cette volonté

n'existera d'ailleurs que si les industriels sont persuadés de l'utilité

d'une pareille opération pour le développement de leur affaire.

On rappellera enfin que, quel que soit le financement, la

nature de l'activité ou la situation du marché d'approvisionnement, l'en­

treprise s'efforcera toujours d'échapper aux contraintes provenant de ses

matières premières. Ceci est tout à fait normal si l'on songe que les con­

traintes que l'usine subit elle-même et sur lesquelles elle ne peut le

plus souvent avoir d'influence sont assez différentes et peuvent parfois

même être assez contradictoires et qu'elle sera amenée à suivre les inci­

tations ven~1t de celles-ci plutôt que de celles-là.

Mais, tout ceci étant, il nous reste à examiner quelle va

être la réaction des agriculteurs à la présence de l'usine et à son action

quand il y en aura une. Car c'est seulement à partir de là qu'on pourra

juger plus objectivement que telle ou telle méthode est plus valable et a

plus de chance d'avoir des résultats intéressants tant pour l'agriculture

que pour l'industrie, C'est ce que nous allons tenter de faire dans la

seconde partie.

O ••

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DEUXIEME PAnTIE

38

MILIEU AGRICOLE

Page 45: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

39

INTRODUCTION

Dans cette seconde partie, nous allons tenter d'analyser

le milieu rural correspondant à quelques-unes des industries étudiées pré­

cédemment. Dans ce but, nous nous sommes efforcés d'utiliser deux méthodes

différentes :

- une analyse chiffrée des budgets, en ressources et emplois,

monétaires uniquement, des familles situées dans les zones rurales étudiées

en essayant de faire une rétrospective sur une année o

- ces données chiffrées étant aléatoires et ne pouvant

nous donner qu'une vue globale, statique, un résultat en quelque sorte dont

on ne connaîtrait pas la manière qui a permis de l'obtenir, on a fait des

enregistrements de conversations individuelles ou de réunions portant sur

des thèmes déterminés en fonction de notre étude o Ceci va nous permettre

de compléter la première analyse et surtout de la ~amiser c'est-à-dire

de voir quelles sont les réactions des agriculteurs par rapport à ce qu'on

pourrait appeler le monde économique qui les entoure et fait pression sur

eUXe En outre, nous pourrons observer comment l'attitude et l'action des

entreprises Laborde-Lachaize et Madagascar-Conserves est comprise, acceptée

ou refusée par le milieu rural environnant.

Ceci étant il nous faut caractériser les zones rurales que

nous allons étudier

Ambalavola est dans la zone d'approvisionnement de

Laborde-Lachaize et fait du riz et des fruits utilisables par l'entreprise

Ambato-Boéni se trouve dans la m@me situation par rapport

à Madagascar-Conserves et fait surtout de la tomate ovale utilisée par

l'usine - de l'arachide absorbée en totalité par un organisme de

00.

Page 46: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

40

commercialisation que nous dénommerons "Compagnie" qui a une politique de

prix et débouchés sensiblement parallèle à celle dû l'usine - des oignons,

des haricots et du riz de luxe vendue aux commerçants locaux, de la tomate

ronde enfin vendue dans les conditions habituelles du marché •

Vavatenina dans une zone différente des deux premières,

sans usine, nous servira de point de comparaison pour l'analyse du budget.

En définitive, notre plan de travail va découler de notre

méthode d'étude dans un premier chapitre, nous ferons cette analyse de

budget qui nous permettra quelques conclusions provisoires - le second

chapitre essaiera d'analyser et d'expliquer le comportement et les réac­

tions des agriculteurs en fonction des données déjà acquises.

000

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"

41

CHAPITRE l

ANALYSE DES BUDGETS

a) Limites et définition de l'analyse

Avant d'entamer celle-ci, il convient d'en marquer les

limites. l~ effet, les données recueillies ne correspondent à aucun plan

de sondage systématique et raisonné. On a simplement recueilli les entrées

et sorties monétaires des familles (ou "unités budgétaires") des zones ru­

rales où l'enquête se situait et dont on cherchait par ailleurs à analyser

les réactions. Pour éviter des erreurs trop grossières, nous ne considére­

rons que les résultats globaux pour les 3 zones étudiées, nous aurons donc

trois séries de résultats pour tous les postes du budget. r1ais, de toutes

façons, les chiffres obtenus n'ont qu'unG valeur indicative - permettant

seulement de préciser un certain nombre de phénomènes ; ils ne prétendent

être ni parfaitement exacts, ou objectifs et encore moins généralisables

de façon absolue. Il faut les resituer dans le contexte de notre étude

sur les relations Agriculture-Industrie et, en particulier, ils permettront

de mieux comprendre les réactions des agriculteurs que nous analyserons

plus bas"

Ceci étant, les trois zones étudiées correspondent pour

deux d'entre elles, Ambalavola et Ambato-Boéni, à une partie des zones

rurales où les entreprises Laborde-Lachaize et Madagascar-Conserves s'ap­

provisionnent. La troisième zone, Vavatenina (1) correspond à un secteur

•••

(1) Vavatenu1a est située sur la côte Est en économie de traite (principa­lement pour le café) donc dans une situation géographique et économiquetrès différente d'Ambalavola et d'Ambato-Boéni. Il ne nous a malheureu­sement pas été matériellement possible de faire l'etude du milieu ruralcorrespondant à la SARPA et la FITIM, ni surtout de faire des comparai­sons avec d~s milieux proches d'Ambalavola et d'Ambato-Boéni mais oùil n'y eut pas d'usine.

Page 48: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

42

de l'agriculture plus classiqu8 dont l'essenti81 du revûnu monétaire con­

siste ~n la vente au secteur commercial d'un ou deux produits nous donnant

ainsi la possibilité de points de comparaison avec des zones rurales où il

n'bXiste pas d'usine ou d'organisme très proche et d'un comportement ana­

logue. Enfin, pour donner un ordre db grandeur de la dimension de nos en­

quêtes, nous noterons que chacune d'entre 0118s porte environ sur 200 per­

sonnes 0t 40 "unités budgétaires" soit plus précisément:

1 Ambalavola ~Ambato-Boéni Vavatenina!

Nombre ! !

d'habitants ! 229 ! 198 186! !

Nombre d'U.B. I !! 38 ! 46 40correspondants! !

Nous examinerons donc successivement la structure de ces

budgets globaux, c'est-à-dire l'origine des ressources monétaires puis

l'emploi qui est fait d~ celles-ci - ensuite l'origine puis la destination

des flux monétaires passant par ces secteurs ruraux - enfin, plus préci­

sément, l'impact monétaire de l'usine sur ces secteurs.

b) Structure du budget (en pourcentage du total des ressources ou des

emplois : voir tableau III)

1) Ressources: elles sont de trois ordres, celles provenant

d~ la vente de la production agricole, végétale ou animale - celles venant

de reV8nus non agricoles tels que le salariat (même si c'est un salariat

agricole) ou d'autres petites activités plus ou moins artis,anales - celles

enfin venant de transferts (c'est-à-dire sans la contrepartie des biens et

services) consistant Gssentiallement en dons, allocations familiales, etc ••

• a •

Page 49: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

43

Les résultats du tableau III montrent immédiatement que

les produits agricoles sont loin d'être la seul~ source de revenus moné­

taires des agriculteurs quelle que soit la zone étudiée. Ils représentent

en effet un maximum de 70 %dbs ressources à Ambato-Boéni o Dans les trois

cas le complément est principalement constitué par du salariat, agrioole

ou non, qui représente entre 21 et 33 %du total. Il y a donc là, semble­

t-il, un phénomène assez caractéristique qui peut s'expliquer de deux ma­

nièr8s plus ou moins complémentaires :

le revenu tiré de la vente des produits agri­

coles n'ost plus suffisant pour satisfaire les

besoins des agriculteurs soit que le prix de

ses produits ait stagné ou augmenté moins rapi­

dement que celui des biens qu'il achète - soit

que la pression démographique augmente relati­

vement plus vite que le revenu nominal - soit

que ces deux causes combinent leurs effets o

les besoins des agriculteurs en biens manufac­

turés ou plus généralement accessibles unique­

ment par l'intermédiaire de la monnaie ont cru

plus rapidement que les revenus qu'ils pouvaient

tirer de leurs produits agricoles. De toutes

les façons, il apparaît que les besoins moné­

taires des agriculteurs ne peuvent plus être

couverts par les ressources provenant de leurs

productions agriooles proprement dites, aussi

ont-ils tendance à chercher en dehors de l'agri­

culture une autre source de revenus o Cette ten­

dance est confirmée par les corrélations plus

ou mnins négatives existant dans chaque zone

entre l'importance des reVbnus agricoles et

000

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44

celle des revenus non agricoles comme l'indique

le tableau suivant :

1oR1 (rev.ag/rev.non1

1ag)!

!

Ambalavola1iAmbato-Boéni

0,206

Vavatenina

On notera, d'autre part, pour la répartition des produits

agricoles, que seul Ambalavola maintient l'équilibre entre produits animaux

et végétaux (ce qui explique la présence d~ l'usine Laborde-Lachaize) alors

que les produits végétaux sont très nettement dominants dans les deux autres

zones Ambato-Boéni et Vavatenina.

Enfin en ce qui concerne les transferts, le cas d'Ambalavola

paraît un peu aberrant et doit être relativement exceptionnel puisqu'ils

y représentent 30 %du total des ressources monétaires alors que, plus nor­

malement, ils ne sont que de l'ordr6 de 5 %ailleurs.

En définitive, de l'origine des ressources monétaires des

secteurs ruraux que nous avons ~xaminés, on peut conclure (au moins à

titre d'hypothèse) que les agricult8urs éprouvent un besoin assez net du

signe monétaire et que, dans l'état actuel des choses, les produits agri­

coles ne p~uvent le satisfaire, parfois de beaucoup. Si cette conclusion

se révèle exacte; il apparaîtrait alors que 18 secteur rural est plus in­

tégré qu'on ne le pense à une économie monétairû dont il ne peut plus se

passer au moins pour certaines catégoriüs de produit. D'autre part l'acti­

vité économique agricole tell~ qu'ellù existe actuellement ne lui permet­

trait pas d~ s'insérer suffisamMent dans ce secteur monétaire; situation

qui provient sans doute à la fois d'un problème puremùnt technique d'amé­

lioration des rendem~nts et d'un problème économique de débouchés et de

prix. A ce sujet on peut remarquer que la zone d'Ambato-Boéni, où

o ••

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45

l'organisation de la vente et de l'utilisation des produits agricoles est

relativement la meilleure p est précisément celle où les ressources moné­

taires provenant de l'agriculture sont les plus élevées (environ 70 %du

total). Par contre Vavatenina où subsiste une économie de traite tradition­

nelle et surtout Ambalavola qui ne peut fournir beaucoup de produits agri­

coles pouvant être massivement vendus dans l'état actuel du système de

commercialisation retirent relativement moins d'argent de leurs activités

agricoles (moins de 63 %et de 30 %respectivement). Ce point est donc

important à retenir car il conditionne en partie tout l'intérêt qu'on peut

apporter au problème des débouchés agricoles et plus particulièrement à

celui des industries utilisant et transformant des produits agricoles. Car

il est bien évident que le secteur rural ne s'intégrera vraiment au sec­

teur moderne qu'à partir du moment où il pourra se procurE:r suffisamment

d'argent par rapport à la totalité de ses besoins par la vente de ses pro­

ductions.

Cependant, pour mieux préciser cette idée d'intégration,

il nous faut voir encore comment l'agriculteur emploie les ressources qui

lui parviennent de différentes origines. Pour cela nous allons essayer

d'examiner la structure (en %) des emplois globaux dans nos trois zones

rurales.

2) Emploi : Les emplois sont de trois sortes essentielle­

ment, les biens et services de consommation (nourriture, services p habil­

lement, biens durables) - les investissements et dépenses de production

(soit: dépenses d'exploitation p construction et investissements divers,

les écoles = "écolage" + livres) - enfin les transferts dont font princi­

palement partie les impôts. Reste d'autre part le solde positif entre la

totalité et celle des autres dépenses pour la seule zone d'Ambato-Boéni o

00.

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46

On observe immédiatement que la consommation forme l'essen­

tiel des emplois monétaires soit la moitié en moyenn8 (de 43 %pour Ambato­

Boéni à 60 %pour Vavatenina)e A l'intérieur de celle-ci, ce sont les biens

alimentaires dont principalement 18 riz (d~ 17 %à 20 %du total) qui en

sont la part la plus importanteo Cela semble normal pour Ambato-Boéni et

Vavatenina dont la production de riz est n8ttement déficitaire par rapport

aux b8soins o Ce fait a plus ou moins obligé 16s producteurs à se tourner

vers des produits commercialisables leur procurant l'argent nécessaire à

l'achat de cette nourriture que l'autoconsommation ne pouvait leur fourniro

Par contre la situation d'~,balavola est beaucoup moins positive o En effet

lu riz (première production de cettG zon8) est un8 des principales ressour­

ces monétaires (au moins la plus régulière) provenant de la production

agricole, or - en valeur - les agriculteurs dépensent trois fois plus d'a~­

gent pour cette céréale qu'ils n'en gagnent grâce à el18 0 Une des causes

de cette situation est le bas prix payé au producteur au moment où il a

besoin d'argent et les prix élevés pratiqués en période de soudure o Ce sont

les intermédiaires qui absorbent la différence bien que le service rendu

soit faible (stockage entre la récolte et la soudure - ou même usinage

quand on fait passer du stage paddy au stade riz blanc car cette industrie

nè donne qu'une faible valeur ajoutée au produit qu'811e traite) 0 Malheu­

reusement il semble que ce prélèvement excessif du secteur non-agricole

n'a pas poussé l'agriculteur vers des productions commercialisables pour

trois raisons :

ce fort prélèveMent monétaire dont l'agricul­

teur a très nettement conscience ne l'incite

absollliDent pas à augmenter et diversifier la

production venant de son travail agricole

puisque, par expérience, il sait qu'il n'en

pourra pas r8tirer beaucoup d'argent et que la

majGure partie de son bénéfice ira en d'autres

mains 0

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47

d'autre part, il a la possibilité de se pro­

curer l'argent dont il a besoin par d'autres

moyens que ce soit le salariat Ou même de

simples transferts monétaires (on sait leur

importance dans les ressources d'Ambalavola).

enfin, 18 fait d'une production rizicole ap­

paremment suffisante en quantité, freine vr.ai­

semblablement l'agriculteur dans son désir

d'améliorer son revenu agricole en se lançant

dans d'autres productions ayant une meilleure

valorisation.

Il est à noter que ces trois raisons jouent un rôle bien

moindre pour Ambato-Boéni et Vavatenina :

le prélèvement monétaire, quand il existe, est

beaucoup moins ressenti car le produit, une

fois vendu, disparaît totalement de l'horizon

de l'agriculteur à l'inverse du riz revendu en

période de soudure par Ambalavola.

le salariat et surtout les transferts ne pro­

curent pas suffisamment d'argent.

la production physique (en quantité) de riz

n'est absolument pas suffisante pour satis­

faire les besoins minima des agriculteurs.

En définitive, il semblerait donc que èe soit à la fois des

conditions techniques propres à la production agricole et des conditions.

économiques provenant plus de l'environnement extérieur de l'agriculture

qui conditionneraient partiellement le comportement de l'agriculteur

•••

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48

vis-à-vis de son intégration au secteur monétaire.

Quant aux autres éléments du poste "Consommation", ils

apparaissent tout à fait justifiés dans la mesure où ils consistent pour

l'essentiel soit en des services que ne peut fournir l'agriculture (trans­

port - soins médicaux par exemple) - soit surtout qu'on ne trouve qu'à

l'extérieur parce que provenant surtout du secteur industriel (habillement

et biens durables en particulier).

A côté de cela p le second poste p "Investissements-Production",

paraît plutôt réduit: de 16 %du total pour Ambalavola à 26 %pour Vava­

tenina. Et si les dépenses d'exploitation en sont l'élément le plus impor­

tant, il faut noter tout de suite qu'elles sont constituées pour l'esaen­

tiel par du salaire agricole (approximativement la moitié en moyenne) puis

ensuite par des animaux (boeufs essentiellement) dont on sait qu'ils sont

loin d'être intégralement utilisés pour l'exploitation proprement dite. Il

s'ensuit donc que, pour ses dépenses de production p l'agriculture fait

extrêmement peu appel à l'extérieur (les dépenses de semences et d'engrais

par exemple sont ridiculement faibles ou même nulles). On notera p par ail­

leurs, que les dépenses pour l'enseignement des enfants peuvent être rela­

tivement importantes (pour Ambalavola en particulier) mais p malheureuse­

mentp cela ne signifie pas un investissement agricole le plus souvent.

En définitive, l'extérieur semble n'apporter qu'extr~mement

peu d'élements positifs p sous forme de biens et de services p~ants, pour

le développement de la production agricole de nos trois zones. Il semble,

apparemment, qu'en la matière p le secteur agricole vive plutôt en vase

clos et qu'en tout cas beaucoup de dépenses d'exploitation ne passent pas

explicitement par l'intermédiaire de la monnaie: semences rendues en na­

ture ou payées par la récolte correspondante achetée à un prix inférieur

par exemple.

00 Il

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49

A propos de ces deux premiers postes, "Consommation" et

"Investissements-Production", on remarqUEœa que les produits ayant subi

W1e transformation industrielle assez importante 0ntrent généralement

pour 10 ti~rs des dépenses monétaires en Ambato-Boéni et Vavatenina, pour

les deux-cinquièmes environ en Ambalavola. Cuci montre combien insuffisam­

ment .mcore l' agricul ture est entrée dans un circuit économique "utile",

c'est-à-dire où le flux monétaire est créateur des valeurs réelles en biens

ou en services. Cependant il est assez vraisemblable, que si les prix d'usu­

re pratiqués au moment de la soudurû dans la revente du riz aux agricul­

teurs revenaient à un niveau normal, la part de la notœriture baisserait

dans la structure des emplois au profit des biens de consommations manufac­

turés qui auraient alors tend~1ce à augmenter tant en valeur absolue qu'en

valeur relative.Cette remarque ajoutée au fait d'un certain pourcentage

déjà existant prouve quo le secteur agricole a tendance à utiliser et à

consommer l~s productions des autres secteurs de l'économie. Ceci apparaît

comme un facteur favorable à une meilleure intégration ultérieure du sec­

teur agricole au circuit économique général à la condition "sine qua non"

d'un assainissement absolument nécessaire du secteur commercial qui relie

l'agriculture au reste.

Quant au dernier poste, les "Transferts", il esc; surtout

formé des impôts dont la pression globale sur le revenu monétaire va de

5 %pour Ambato-Boéni, à 11 1~ pour Vavatenina ; à ce niveau donc, elle ne

paraît pas excessive (1) et, dans la situation présente, ce ne sera guère

elle qui obligera l'agriculteur à entrer dans le circuit monétaire. En ce

qui concerne les autres transferts, il s'agit essentiellement de dons à

o ••

(1) Il s'agit, répétons-le, de moyennes: il n'en est pas forcément ainsidans chaque cas, surtout lorsque l'on sait que les familles nombreusessont exemptées du minimum fiscal.

Page 56: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

50

des personnes ou à des collectivités et sont l'expression de comportements

religieux et sociologiques. Ils sont peu élevés à Ambato-Boéni et Vavate­

nina au contraire d'Ambalavola où ils représentent 11 %des emplois d'ar­

gent ce qui est tout de m§me assez considérable.

Reste enfin à expliqu8r le poste "Solde" qui n'existe que

pour Ambato-Boéni. Alors que, globalement, les emplois et les ressources

totalisés s'équilibrent approximativement dans les zones d'Ambalavola et

Vavatenina, le budget totalisé d'Ambato-Boéni montre un fort excédent des

ressources monétaires sur leurs emplois (27 %du total). Ce solde impor­

tant indique soit des dépenses qu'on n'a pas voulu déclarer (achat de

boeufs en particulier) - soit une épargne sous forme liquide (ce qui est

sans doute moins vraisemblable) - soit un transfert vers les zones d'ori­

gine d~s producteurs (Ambato-Boéni est une zone d'immigration des Plateaux)

- soit les trois à la fois. De toutes les façons, il semble qu'on puisse

considérer ce solde comme une sorte d'épargne dont au moins une bonne par­

tie est retirée du circuit économique normal.

De cette étude de la structure des emplois monétaires, on

retiEmdra :

l'importance des sommes consacrées à une con­

sommation plus ou moins immédiate en particu­

lier à la nourriture et à des biens ~ant subi

peu ou pas de transformations mais ayant sim­

plement transité par le secteur commercial.

la faiblesse de la 'part des investissements et

dépenses de production surtout de celles qui

ont pour but l'achat de biens manufacturés.

la part non négligeable consacrée à l'achat de

biens manufacturés destinés à la consommation.

o ••

Page 57: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

51

3) Conclusion sur la structure globale des budgets :

L'analyse des ressources et emplois semble devoir nous

montrer que l'activité agricolû proprement dite est encore assez peu in­

tégrée au secteur moderne soit qu'elle n'en retire pas suffisamment d'ar­

gent par la vente qu'elle y fait, soit qu'elle lui achète surtout des

biens et des services qui ne représentent le plus souvent qu'une activité

marginale des autres secteurs (secteur commercial mis à part), particuliè­

rement celui d~ l'industrie.

Mais nous allons essayer de préciser cette idée en tentant

d'examiner sommairement quelles sont l'origine et la destination des flux

monétaires qui transitent par le secteur agricole des trois zones.

c) Flux monétaires :

Toujours en pourcentage du total pour chaque zone, on clas­

se 10s rossources et les emplois en .trois secteurs principaux qui sont à

la fois la source et la destination de l'argent passant par les mains des

agriculteurs, mais pas dans les mêmes proportions. On distinguera donc

(voir tableau IV) le secteur des administrations (c'est-à-dire l'adminis­

t~ation publique plus des collectivités) - le secteur non agricole qui

englobe toutes les activités productives autres que l'agriculture (commer­

çants et industriels principalement) et qui lui achètent ses productions

enfin le secteur agricole proprement dit. On a classé à part ce qui est

acheté ou vendu aux marchés parce qu'il est pratiquement impossible d'en

déterminer, mime approximativement, ce qui revient au secteur agricole et

au secteur non agricole. Enfin, une troisième colonne indique la différen­

ca entr.e Ressources et Emplois permettant de situer ainsi d'où viennent

les excédents et où sont les déficits.

0.0

Page 58: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

52

Ceci étant, nous allons examin8r pour chaque zone l'origine

des ~essources et la destination des emplois d'argent et voir comment les

déficits sont comblés.

1) Ressources

Il Y a une différence considérable entre Ambalavola d'une

part, Ambato-Boéni et Vavatenina de l'autre. Pour le premier en effet, la

plus grande p~tie des ressources (41 %) provient du secteur agricole sous

forme de salaires et surtout de transferts. La seconde source d'argent est

ensuite l'administration (30 %) également sous les mêmes formes de salaires

et transferts. Vient 8nfin le secteur non-agricole qui fournit moins de

20 %des ressources monétaires o Pour les seconds par contre c'est le sec­

teur non-agTicoles qui est, de loin, la principale origine de l'argent que

reçoivent les agriculteurs (81 %pour Ambato-Boéni et 63 %pour Vavatenina).

Mais la situation n'est plus exactement la même pour les deux autres sec­

teurs. En effet Ambato-Boéni reçoit son complément surtout de l'administra­

tion alors que Vavatenina le r3çoit du secteur agricole (32 %) grâce a~~

salaires. Cette comparaison nous montre donc, que sauf pour Ambato-Boéni

qui tire l'essentiel de ses ressources monétaires de l'échange, surtout

de ses biens, avec le secteur non-agricole, les deux autres zones reçoi­

vent une part non négligeable de leur revenu du même secteur agricole

(41 %et 32 %respectivement) a

2) naplois

Les situations des trois zones sont ici beaucoup plus pro­

ches. En effet, l'essentiel des emplois d'argent se fait avec le secteur

non agricole et, principalement, les commerçants (soit de 42 %à 73 %).Le secteur agricole y est pour une bonne part puisqu'il représente de 15 %à 37 %du total des emplois. Vient en dernier lieu le secteur administra­

tif qui fait toujours moins de 15 %du total.

~oo

Page 59: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

53

3) Comparaison Ressources-Emplois

Par secteurs tout d'abord, on observe que les échanges les

plus faibles se font généralement avec l'administration et que les plus

élevés se font avec le secteur non-agricole, le secteur agricole se si­

tuant habituellement entre les deux. Il existe donc chez ce dernier une

circulation monétaire qui est loin d'être négligeable mais qui n'apporte

pas, semble-t-il beaucoup d'argent frais, d'autant plus qu'une partie est

plus ou moins immobilisée sous une forme d'épargne ou une autre et ne sus­

cite guère d'activités productrices.

Ceci étant, il va Gtre intéressant de comparer la différen­

oe (R~ssources - Emplois) pour chaque secteur et chaque zone. On remarque­

ra que, pour Ambalavola, le déficit essentiel se trouve être dans le sec­

teur non-agricole et particulièrement avec les commerçants (- 35 %). Ce

besoin d'argent qui se manifeste en cet endroit est satisfait, par ordre

d'importance, par les excédents provenant de l'Administration (+ 16 %),du secteur agricole (+ 12 'fa), enfin du Marché (+ 7 %)0 Ceci montre que les

salaires et transferts monétaires provenant de l'administration et de

l'agriculture sont presque suffisants pour satisfaire les désirs en biens

monnayables. Par conséquent, dans cette zone, le flux monétaire passe

assez nettement à côté de l'activité agricole proprement dite et ne peut

donc la féconder en quelque sorte. Trouvant de l'argent par ailleurs et

plus facilement que dans le travail de la terre, l'agriculteur n'est pas

poussé du tout à accroître sa production et en tout cas pas à la monéta­

riser sérieusement.

Pour Ambato-Boéni au contraire, llessentiel de son excédent

monétaire provient du secteur non-agricole (+ 39 %) auquel SI ajoute un

excédent beaucoup plus faible en provenance de l'administration (+ 6 'fa).

Ces excédents sont absorbés partiellement par le marché mais surtout par

le secteur agricole en particulier sous forme d'épargne. Cette situation

o ••

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54

est au fond un peu l'inverse de la précédente: l'argent que se procure

Ambato-Boéni auprès du secteur non-agTicole grâce à son activité produc­

trice est immobilisé, pour une part importante, à l'intérieur du secteur

agricole et ne retourne pas apparemment dans l~ circuit économique sinon

après un long détour. Dans le cas présent donc, une partie du flux moné­

taire provenant de l'extérieur de l'agriculture est absorbée par celle-ci

pour un temps plus ou moins long sans qu'il y produise d'activités créa­

trices de valeur.

En somme, dans le premier cas, les flux monétaires prove­

nant d'autres sources étant largement suffisants, empêchent l'intégration

de l'agriculture proprement dite dans les échanges avec l'extérieur -

dans le second cas, si l'activité agricole intègre le secteur à l'extérieur

et est la source de flux monétaires, les agriculteurs, eux, en détournent

une partie importante et la stérilisent plus ou moins.

Quant à la troisième zone, Vavatenina, l'excédent provient

uniquement du secteur agricole et surtout des salaires. Cet excédent per­

met d'alimenter les déficits vis-à-vis de l'Administration (- 6 %) et du

secteur non-agricole (- 10 %).Dans ce cas-là, le sens du flux monétaire

s'oriente de l'agriculture vers les autres secteurs.

En définitive, dans nos trois zones, il apparaît que les

flux monétaires jouent un rôle incomplet ou bien que les sotœces extérieures

de financement soient suffisantes eu égard aux besoins des agriculteurs

Ou bien que ceux-là soient limités et laissent un solde qui ne retourne

pas ou que tardivement dans le circuit économique rural. De par ses réac­

tions globales, vues à travers les chiffres des budgets, il semble que le

secteur agricole n'utilise pas toujours de façon économique (1) les flux

•• 0

(1) C'üst-à-dire qui l'intègre au secteur moddrne par l'échange monétaire

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&

55

monétaires qui passent par lui car ses besoins semblent limités à un cer­

tain niveau il ne cherchera donc pas à améliorer ses ressources monétai­

res s'il en a et l'excédent, quand il existe, sera détourné de son circuit

ordinaire. Cela signifie-t-il pour autant que l'agriculture soit complète­

ment coupée des autres secteurs de l'économie? Certainement pas, surtout

pour les zones d'Ambato-Boéni et de Vavatenina. En effet, pour celles-ci,

l'insuffisance des ressources monétaires provenant de l'administration ou

de l'agriculture les oblige à produire pour vendre à l'extérieur. Une

bTande partie de l'argent retiré de ces ventes retourne presqu'immédiate­

ment dans le circuit par les achats effectués auprès des oommerçants de

biens plus ou moins manufacturés.

L~ cas d'Ambalavola comparé à celui des deux autres, est

assez remarquable dans la mesure où il semble devoir nous indiquer que le

revenu provenant de la vente de produits agricoles peut n'êtr~ qu'un pis

aller quand on ne peut se procurer de l'argent par d'autres moyens. Cela

apparaît tout de même assez extraordinaire pour des zones vraiment rurales

(même si elles sont proches de petits centres urbains) et où, à priori,

pour Ambalavola et Ambato-Boéni, il existe plusieurs débouchés possibles,

étant donnée l'existence d'une usine absorbant certains des produits agri­

coles récoltés dans la région. Tout se passe, à Ambalavola du moins, comme

si l'agriculteur ne pouvait trouver dans ses productions les revenus suf­

fisants. Reste à savoir quelle est la cause de ce comportement, si cela

provient d'une attitude plus ou moins réticente de l'agriculteur qui ten­

drait à travailler surtout pour son autoconsommation ou bien s'il existe

d'autres causes extérieures à lui-même qui, en définitive, le freinent

dans son désir d'accroître sa production et de la vendre. C'est ce que

nous nous efforcerons de voir plus bas en étudiant leurs réactions vis-à­

vis de ces problèmes.

nais avant dG clore ce chapitre sur l'analyse des budgets,

nous allons examiner plus précisément quel peut être l'impact monétaire

Page 62: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

56

de l'usine par rapport à l'agriculture dans les zones d'Ambalavola et

d'Ambato-Boéni. Cola nous permettra dG mieux mesurer quelle est la place

et l'importance de cette unité économique dans le budget des secteurs

agricmles et de ce fait quelle est l'importance d8s liens qui peuvunt unir

ces deux secteurs.

d) Impact monétaire de l'usine (voir tableau IV)

Si on néglige les dépenses faites par les agriculteurs qui

sont peu importantes et paraissent même exceptionnelles, on ne tiendra

compte que de l'argent distribué par l'entreprise aux agriculteurs. Pour

mieux préciser cet impact monétaire, nous allons examiner à quelles pres­

tations il correspond :

r r r1 l il II r

~ ~ .. ~t~Am__b_a_l_a_v_o_l_a~i~Am__b_a_t_o_-_B_O_é_n_i:iAmbalaVOlaiAmbato-Boéni:

r SI' r 2 1 1 44 Il 75 ! 40 4 11 a a1re . r ' ! '!l l'!J Vente de Prod.Agr1c.! 0,7 1 6,5 !l 25 ! 59,6 !

r Tot aIl 2 8 1 10 Il 100 1 100 1! ,,9 Il ! 1

l = en %du total des ressources monétaires

II = en %du total des ressources monétaires provenant del'usine.

Dans ce tableau, on peut constater deux faits évidents:

- la faiblesse de la part de l'usine dans l'ensemble des

revenus monétaires de l'agriculteur. Ceci est particulièrement flagrant

pour Ambalavola où l'entreprise Laborde-Lachaize intervient pour moins de

3 %dans ceux-là - même pour la seconde zone, le pourcentage procuré par

•••

Page 63: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

57

Madagascar-Conserves est inférieur à 11 %. Cependant il faut noter que ces

chiffres correspondent à la première campagne de cette dernière. Par contre

il faut se souvenir que Laborde-Lachaize est implantée depuis longtemps

dans sa région et que la zone correspondante étudiée en est géographique­

ment assez proche. Il y a donc là un fait important à retenir.

- l'importance que prennent relativement les salaires dans

l'ensemble des ressources monétaires distribuées par l'usine. Ils repré­

sentent ~n effet 75 %en Ambalavola et encore 4D %en Ambato-Boéni. Ce

fait ne reflète que la situation générale que nous signalions plus haut

à propos de l'insuffisance des revenus monétaires procurés par l'agricul­

ture. Par conséquent, dans la situation présente de nos deux zones, l'usine

ne distribue qu'assez peu d'argent au titre de l'activité agricole propre­

ment dite c'est-à-dire du revenu qu'on peut tirer de la vente d'une pro­

duction agricole: cela ne représente que D,7 %de l'ensemble des revenus

globnux d'Ambalavola et 6,3 %de ceux d'Ambato-Boéni. Nous pouvons répéter

ici brièvement les causes qui proviennent de l'entreprise proprement dite

et dont nous avons déjà parlé dans la première partie. Pour Laborde-Lachaize

elles sont les suivantes :

extension de la Eone d'approvisionnement

grandt:l variété de productions.

Le résultat est donc une grande dispersion des producœeurs

vendant à l'usine et chacun ne semblant faire qu'une petite opération aveo

celle-ci (1). Pour Ambato-Boéni, la raison est plus simple et moins grave

•••

(1 ) Il faut noter que l'entreprise Laborde-Lachaize s'approvisionne auprèsdu marché urbain qui fournit 8nviron 9 %du revt:lnu monétaire de la zoneAmbalavola. Mais alors l'acheteur ne semble pas être perçu comme venantexplicitement de l'usine: l'effet psychologique est donc nul. Quant àà l'effet monétaire, il est assez difficile à déterminer, mais comptetenu des autres catégories d'acheteurs sur le marché, il ne doit pasêtre très important.

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1

1 ~

58

pour l'avenir, semblb-t-il, dans la mesure où ce faibl~ pourcentage (déjà

beaucoup plus élevé qu'à Ambalavola) proviùnt essentiellement de la jeu­

nesse de l'êntreprise qui ne faisait que débuter son activité.

Dans ces conditions, il apparaît à priori que l'influence

économique de l'usine sur l'agriculture risque d'être faible ou même nulle

puisque le lien monétaire existant entre les deux secteurs est des plus

réduits. nais une fois de plus, ce que nous pouvons prévoir à travers les

chiffrùs devra être vérifié par l'étude de la réaction des agriculteurs

~ar rapport à l'usine car il n'est pas évident que le lien monétaire soit

le seul 8xistant et le seul efficace pour que l'entreprise ait une réper­

cussion sur le milieu rural qui l'approvisionne.

e) Conclusion

L'ètude chiffrée sur les budgets globaux de nos trois zones

nous a permis de constater que l'agriculture n'était jamais totalement in­

tégrée, amont et aval, au reste dG l'économie monétaire soit que l'exté­

rieur apporte au paysan' suffisamment d' argent pour qu'il n'ait pas besoin

de vendre l'essentiel de sa production agricole - soit qu'il détourne une

partie de ses bénéfices dans des circuits où 11 argent ne présente plus au­

cun intérêt économique. Etant donnée cette conclusion, on peut alors se

demander quel rôle peut jouer une industrie agricole ayant des relations

directes avec le milieu rural surtout quand (ainsi que o'est le cas pour

Laborde-Lachaize et Hadagasoar-Conserves) les liens monétaires sont f.aibles

entre ces deux protagonistes. Il lui faut en effet développer absolument

ceux-là pour que l'agriculteur se trouve inséré dans un nouveau circuit

d'échange. S'il s'est lassé du système existant (purement, ou presque,

commercial) et qu'il a ess~é de s'en passer en recherohant d'autres sour­

ces monétaires plus rémunératrices c'ost qu'il y avait sans doute quelques

raisons suffisamment fortes.

• ••

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59

Il semble bien effectivement que ce s,ystème ait eu des dé­

fauts majeurs qui n'ont pas poussé l'agriculteur à monétariser de plus en

plus sa production en particulier :

- fort prélèvement exercé sur l'agriculteur se traduisant

dans la réalité par des prix assez bas qui ne valorisaient pas suffisam­

ment la production aux yeux du cultivateur •

- assez grande irrégularité des prix pratiqués, au cours

d'une saison ou bien d'une année à l'autre, le système commercial répercu­

tant pratiquenent l'intégralité de la demande sur les agriculteurs alors

que ces derniers sont surtout dépendants du volume p~sique de leur pro­

duction. Cette irrégularité a plusieurs conséquences: elle empêche d'abord

le producteur de faire des plans sur l'avenir et de le guider dans les dé­

cisions à prendre pour le choix de ses productions. Elle accroît ensuite

ses incertitudes quant à l'évolution de son revenu monétaire alors qu'elles

existent déjà pour de simples raisons techniques. Enfin ces variations

continuelles du montant de ses recettes l'empêchent quasiment d'améliorer

son système de production et de s'intégrer à un système économique dont il

ne subit que les inconvénients sans qu'il lui soit matériellement possible

d'èn voir les avantages.

- stagnation fréquente du revenu monétaire qu'il tire de

ses productions en ce sens que le prix de c611es-ci n'augmente que peu

et relativement beaucoup moins rapidement que le prix des produits qu'il

achète chez le commerçant (1).0.0

(1) Ceci est évide~ent la description poussée à l'extrême des défauts dusystème commercial habituel, cela signifie qu'ils se retrouvent abso­lument partout mais leur existence est particulièrement néfaste à laproduction agricole en généralo

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60

Cee raisons, et d 1 autres encore, qu'elles agissent ensemble

ou séparément, ont fait en définitive que, plus ou moins consciemment,

11 agriculteur s'est aperçu qu'il ne retirait plus assez d'argent de son

activité agricole (1). Sa réaction, toute naturelle, a donc été de recher­

cher cet argent dont il avait besoin par d'autres moyens o

Dans ces conditions, 11 us ine n'aura vraisemblablement de

chauoe de se développer et d'augmenter ses liens avec l'agriculture que

si son comportement est différent sinon même totalement opposé à celui

du système commercial traditionnel. En résumé, il lui faudra dono :

mieux valoriser aux yeux de l'agriculteur, les

productions de celui-ci

restreindre au mieux l'incertitude de l'agricul­

teur en lui procurant une certaine certitude sur

les débouchés et les prix annuels, lui assurant

de cette façon un revenu suffisamment stable dans

l'avenir pour qu'il puisse libérer son esprit de

cette préoccupation des lendemains toujours in­

certains.

Nous avons déjà vu dans la première partie que cela était

possible et que quelques entreprises le pratiquent dès maintenant. Il exis­

te donc pour l'entreprise des moyens d'agir très différemment du système

commercial et, par conséquent, de faire le pont entre l'agriculture et le

reste de l'économie. Seulement pour juger si cette influence existe ou

non réellement il va falloir aller voir auprès des intéressés eux-mêmes

pour enregistrer et analyser leurs réactions à ce propos, c 1 est ce que

nous nous efforcerons de faire plus loin dans le prochain chapitre o

•• 0

(1) Rappelons à ce propos la comparaison que nous faisions plus haut entreAmbaot-Boéni , zone à plus fort revenu agricole et Ambalavola, Vavate­nina, zones où les revenus agricoles sont moins importants et où lesystème commercial est bien plus défiaient.

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li

61

Cependant il ne faut pas se faire d'illusions sur la portée

de l'action de l'usine: elle reste limitée à l'achat de produits agri­

coles. Or l'exemple d'Ambato-Boéni nous montre bien qu'il faut également

susciter des besoins de biens et services fournis par le secteur moderne

pour éviter que l'argent n'aille se perdre dans des circuits longs et

stériles mais permettre au contraire qu'il revienne dans sa presque tota­

lité dans le circuit économique. Si on peut se permettre une image, l'usine

ne pourra jouer que le rôle d'une pompe "foulante" t il faudra ailleurs une

pompe "aspirante" pour permettre au secteur agricole d'être complètement

intégré à l'économie monétaire. En fin de compte, ce chapitre nous a permis

d'observer comment circulaient les flux monétaires à l'intérieur de nos

trois zones et, dans ce cadre général, a pu nous resituer, quel pouvait

y être le rôle d'une entreprise industrielle. Mais, parallèlement, la seule

interprétation des données chiffrées nous est apparue continuellement in­

suffisante et peu sûre en elle-même, donnant lieu à des explications dif­

férentes. Aussi dans le chapitre suivant, allons-nous essayer de compléter

cette première approche du problème en analysant les réactions des agri­

culteurs eux-mêmes pour Ambalavola et Ambato-Boéni où se situait une

usine.

•••

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62

CHAP ITRE II

ANALYSE SOCIOLOGIQUE

Nous nous appuierons pour cela sur les enregistrements au

magnétophon8 d8 conversations individuelles ou de réunions de groupe avec

les agriculteurs des zones d' Ambalavola et d' Ambato-Boéni. Pour ne pas

alourdir le cours du texte nous avons laissé en annexe la plupart des

extraits de ces enregistrements qui nous ont paru les plus intéressants

et 18s plus caractéristiques et en nous efforçant de les classer selon

les trois critères suivants:

l = But du travail et utilisation de l'argent

II = Raisonnements économiques portés par les agricul­

teurs sur leur situation

III = Réactions par rapport à l'usineo

A l'intérieur de ces rubriques, chaque citation est numé­

rotée en chiffres arabes (par exemple 11-18) qui correspond au classement

de l'ensemble des citations fait en annexe o

Ceci dit, les trois critères choisis montrent bien ce à

quoi nous voulons en veniro D'abord essayer d'appréhender d'après les ré­

ponses des intéressés comment ils jugent leur activité économique agrico­

le, comment ils s'y comportent, quelles sont leurs réactions par rapport

à l'environnement économique o Cette première analyse nous permettra sans

doute de mieux comprendre leurs attitudes vis-à-vis de chacune des deux

entreprises 0

Nous examinerons donc successivement au cours de ce cha­

pitre chacun des trois critères en regroupant à l'intérieur de ceux-ci les

principaux thèmes qui se dégagent sans pouvoir en donner une fréquence

chiffrée 0

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63

a) But du travail et utilisation de l'argent

Ce premier critère va pouvoir nous donner une idée des mo­

tivations qui poussent les agriculteurs à pratiquer une activité économi­

ques en s'intégrant plus ou moins au secteur monétaire. Les principaux

thèmes qui se sont révélés peuvent être regroupés, plus ou moins artifi­

ciellement, en trois rubriques: psychologique - traditionnel - économique.

assez diverse.

1) Aspect psychologique il peut se présenter de façon

1

1

1

l,

f

i) Etre l'égal de ses semblables: on en retrouve

assez fréquewùent la formulation aussi bien à Ambalavola qu'à Ambato-Boéni

en particulier dans les textes suivants :

Ambalavola

1-1 : "Il faut qu'on travaille pour être l'égal de ses com­

patriotes. o. pour servir son "tanindrazana" ••• pour que les enfants puis­

sent profiter de l.'instruction".

1-4 : "Le but du travail est pour moi, le suivant :

entretenir et nourrir la famille,

s'acquitter du devoir fiscal,

être l'égal de ses semblables".

1-6 : "Le vrai motif de ces grandes dépenses (cérémonies,

fêtes o •• ) C'l:lst de ne pas me déshonorer vis-à-vis de mes compatriotes".

Ambato-Boéni

1-2 : "Si on fournit des efforts parfois surhumains dans

la vie pour le travail, c'est qu'on veut être l'égal de ses semblables" •

• 0 ..

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64

1-) : "J8 dois travailler beaucoup pour que je ne sois pas

l'inférieur de mes semblables, car si on est pauvre, personne ne vous res­

pecte plus".

1-12 : "Moi, je dois travailler pour que mes enfants ne

ne restent pas paysans comme moi. Car être paysan n'est pas mauvais mais

il faut suer énormément pour pouvoir vivre aisément. Je dois travailler

aussi avec acharnement pour être l'égal de mes semblables car si vous êtes

trop pauvre, on vous déconsidère et en fin de compte - cela est vrai pour­

tant - on doit travailler pour l'argent du Fanjakana" ..

Il est intéressant de noter d'ailleurs que ce désir dl~tre

semblable aux autres (et parfois de les dominer) passe obligatoirement par

l'intermédiaire de l'argent que ce soit explicite ou non. Souvent il est

affirmé qu'on doit beaucoup travailler pour être l'égal des autres or

il Gst bien évident que ce n'est pas le travail proprement dit qui per­

mettra cela mais le produit qui en est retiré. Deux textes (Ambato-Boéni =1-) et 1-12) vont plus loin puisqu'ils disent très nettement que si on est

pauvre (c'ust-à-dire sans argent), personne ne vous respecte plus .. Uhe

dernière réflexion (Ambalavola = 1-6) précise encore cela, en affirmant

que le vrai motif des grandes dépenses (fêtes ••• ) est de ne pas se dés­

honorer vis-à-vis des autres. Ces quelques faits montrent à quel point

l'argent (même s'il n'est pas obligatoirement utilisé de manière économi­

que) est entré dans les moeurs puisque an critère de réussite sociale

semble être le fait d'en posséder beaucoup et que le désir est apparemment

grand chez ceux qui en possèdent moins de parvenir à ce résultat. Par

conséquent dans ces deux zones il appara!t qu'une motivation économique

importante est le fait de pouvoir gagner beaucoup d'argent pour ne pas

être inférieur à ses semblables.

....

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d'Ambato-Boéni

ii) Imitation-Habitude

65

deux petits textes

..

1-4 : "Non, il n'y a pas de pression mais seulement l'envie

des gens qui ont eu beaucoup d'argent sur cette culture et le désir de les

imiter".

1-10 : "Oui d'ailleurs, on nEJ peut laisser tomber ça (l'an­

cienne culture d'arachide), car cette culture devient une habitude presque

indélébile" •

nous montrent que ce facteur peut avoir une certaine importance. Nous

veTrons en effet plus bas à propos de l'usine que le comportement de beau­

coup d'ag~iculteurs est d'attendre, de voir ce que font les autres avant

de faire quelque chose soi-même. Par aill~urs il faut noter la force de

l'habitude qui ~st un handicap sérieux à une modification quelconque de

tout système de produotion •

iii) RefUs de l'esprit d'entreprise individuelle

dans la oommunauté rurale. Ceoi est surtout le fait d'Ambalavola :

1-11 : " Je ne veux pas que quelqu'un COlIlr1e moi ait un

stock (de riz) suffisant et que de oe stock il m'en vende une partie, alors

que, de mon côté, ~ant travaillé comme lui, je suis dans l'obligation

d'acheter chez lui".

1-15 : " Les autres en vous voyant engraisser un porc

lancent avec ironie les paroles suivantes : "Ohl le prétentieux, paraî1;-il

qu'il a envie d'engraisser un poro, quelle ambition, nous ne voulons pas

vendre nos provendes à oet ambitieux".

il Y existe une sorte d'instinct d'égalitarisme qui entraîne, lorsque

quelqu'un essaie d'émerger économiquement d'une façon ou de l'autre, tous

les autres à ess~er de l'en empêcher. C'est un peu l'aspect négatif et

•••

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66

le revers de la médaille du point i) : on accepte que ceux qui sont plus

bas s'élèvent à votre niveau mais on fera tout pour empêcher qu'on vous

dépasse. Dans le premier cas il y a un élément de dynamisme certain, dans

l'autre une tendance fâcheuse à la stagnation. Ceci prouve d'ailleurs que

si l'argent fait parti de l'univers da nos agriculteurs, d'autres éléments

sociaux interviennent pour l'empêcher de jouer tout son rôle.

iiii) Crainte du risque et incertitudes quant aux

revenus monétaires: on en trouve d'assez nombreux tex1es mais uniquement

dans la zone d'Ambalavola, en particulier les suivants:

1-12 : " L'achat de boeuf est indispensable pour un ou deux

boeufs mais pas plus et l'achat des objets modernes est lui aussi profita­

ble, mais ce qui nous manque le plus c'est l'esprit de risque: risquons

un peu et vous verrez que vous sortirE:z vainqueur" •

1-16 : " Fais attention car c'est le tanindrazana qui en

supportera toutes les conséquences (des risques pécuniers encourus par

l'achat de biens de production)".

1-17 : " On s'écarte un peu de la méthode traditionnelle,

ce geste ne vous apporte rien, on suit la méthode traditionnelle, ce geste

non plus ne peut vous apporter quelque chose de profitable ••• Mais que

faire, on n'a rien comme capital".

1-19 : "Le peu (d'argent) que nous avons à notre disposi­

tion, nous ne voulons pas le mettre à l'épreuve sinon c'est la misère

totale pour nous".

On Y sent les agriculteurs réticents devant toute innovation non parce que

c'est une nouveauté mais parce que cela entralne des risques. Cette atti-·

tude signifi8 implicitement que les risques courus paraissent trop impor­

tants aux producteurs par rapport aux bénéfices attendus. Or ces risques

•• CI

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67

proviennent, à notre avis, non seulement de données purement techniques

mais également économiques car les débouchés et les prix de cette zone

sont suj~ts à de fortes fluctuations. Il est d'ailleurs caractéristique

qu'on n'ait relevé aucune réflexion de ce genre dans la zone d'Ambato­

Boéni où ces problèmes de débouchés et prix se posent de façon beaucoup

moins sensible. Ceci confirme ce que nous disions dans le chapitre pré­

cédent où l'analyse comparée des budgets d'Ambalavola et d'Ambato-Boéni

nous inclinait à penser que les agriculteurs de la première zone cherchaient

des sources monétaires autres que la vente de leur produit agricole à cause

de l'incertitude qui régnait continuellement sur ce genre de revenus.

En définitive, l'aspect psychologique des motivations éco­

nomiques possède donc aussi bien des éléments positifs (-i- en particulier)

et négatifs, qu'ils viennent surtout d'une pression sociale interne au

village (-iii) contre laquelle il sera plus difficile de lutter - ou bien

de raisons très vraisemblablement externes au village (-iiii-) et qu'il

sera alors plus facile de résoudre sans doute.

Voyons maintenant ce qu'il en est de l'aspect traditionnel.

2) Aspect traditionnel: qualifié ainsi dans la mesure ~Ù

les réactions qui y sont groupées sont d'un type plus commun, plus habi­

tuel. On peut y distinguer trois rubriques principales.

i) Thésaurisation :

Ambalavola :

1-5 : " Les paysans, s'ils ont de l'argent, n'ont que le

choix entre deux possibilités: ou bien acheter des terrains ou bien des

boeufs. Cette dernière attitude est due à ce que nous ne voulons pas dépen­

ser inutilement notre ar.gent, mieux vaut donc l'affecter à des achats de

•••

Page 74: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

68

boeufs 0 Pour moi, les boeufs ont i\;rois significations:

moyen de garder l'argent,

travailler les rizières et donner du fumier,

être abattu pour un morto

Ambato-Boéni :

1-15 : " Si j'ai 500000 fmg, je les divise en trois parties o

Avec un tiers, j'achète des boeufs, comme ça cet argent est thésaurisé ­

avec le second tiers, je m'occupe de mon ménage: vêtement et nourriture

le dernier tiers restant je le garde dans un coffre et, lorsque le moment

de la culture arrive, je n'ai pas l'embarras de chercher de l'argent".

Cela indique le désir de garder de l'argent soit sous forme liquide (1-15)

mais le plus souvent sous forme de boeufs, qui, ainsi qu'il est dit fré­

quemment, est comme une "malle", c'est-à-dire garde la valeur réelle de

la monnaie. Il semble d'ailleurs que le boeuf réponde souvent à un double

besoin: économique d'abord car c'est un moyen de production (travail et

fumier) et de se procurer rapidement de l'argent liquide si le besoin s'en

fait sentir - traditionnel ensuite dans la mesure où le boeuf est intégré

dans un système psycho-social bien défini dont il est un instrument pri­

vilégié. Ce comportement de thésaurisation est dans la suite logique du

paragraphe précédent car il représente un moyen important de se prémunir

contre les risques dont nous parlions plus hauto D'autre part, la forme

la plus fréquente que prend cette thésaurisation (achat de boeuf) semble

indiquer le peu de confiance qu'ont les agriculteurs dans la monnaie qu'ils

préfèrent changer le plus rapidement possible contre quelque chose qui,

à leurs yeux, ne perd pas sa valeur (voir également les textes d'Ambala­

vola significatifs à cet égard :

•••

Page 75: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

69

11-1 : "On nous pousse à améliorer la production quand on

a une épargneo Cependant le prix du kg de cette denrée (le riz) ne fait

que diminuer sans cesse! 000 Que le Fanjakana contrôle le prix, fasse res­

pecter le cours officiel et, dans ce cas, nous sommes prêts à le suivre.

Voilà pourquoi je préfère acheter des boeufs pour que l'argent que j'y

engage y reste intact et invariable à travers le tempsllo (A propos du

refus, du à la jalousie réciproque, de vendre entre paysan) II croient­

ils que l'argent n'est pas le même ici et à Ambohimahasoa ?11

11-8 : ''Pour nous, les boeufs ne sont pas une richesse

qu'on veut avoir en nombre considérable, mais c'est une sorte d'instrument

qui garde intact la valeur de l'argent comme une malle, comme le riz dans

le grenierll •

En un sens leur attitude est assez logique car il n'y a aucune intérêt

à garder l'argent inutilisé, sans emploi mais c'est aussi vraisemblable­

ment l'indice que les agriculteurs n'ont pas compris toute l'utilité du

signe monétaire et qu'il peut parfois ne représenter que le simple inter­

médiaire d'un échange de troc o Il est bien possible d'autre part que cette

tendance à la thésaurisation s'atténue si les risques qu'elle cherche à

couvrir en partie baissent considérablement.

ii) Consommation

Ambalavola :

1-9 : "On a, depuis longtemps, souffert, alors si on a de

l'argent en excédent, c'est normal si on fait une fête différente des

autresll •

000

Page 76: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

70

Ambato-Boéni

1-8 : "Cette culture (l'arachide) m'a permis de bâtir une

maison, d'acheter des boeufs".

Cette attitude est à l'opposé de la précédente. Le premier texte est si­

gnificatif puisqu'il indique clairement que l'excédent d'argent est épuisé

par une fête assez importante ou par l'achat de biens durables. Elle in­

dique que pour toute une partie des agriculteurs les besoins monétaires

semblent limités à un certain niveau. Si ce dernier est dépassé, on s'ef­

force de résorber l'excédent en le dépensant d'un seul coup dans une fête

par des consommations importantes qui, si elles ne rapporteront rien éco­

nomiquement, seront une nouvelle source de prestige très importante pour

l'intéressé. Ce que nous disions précédemment à propos de la thésaurisa­

tion se retrouve ici: si l'agriculteur a toujours compris que l'argent

pouvait être un moyen d'échange privilégié, il n'a pas toujours vu qu'il

pouvait être employé à l'amélioration de ses mqyens de production (on

verra plus loin que ce n'est pas absolument général) et, de ce fait. à

l'accroissement de ses possibilités de consommation. Cette observation

est d'ailleurs confirmée par l'analyse des budgets faite auparavant qui

nous a montré l'importance de la consommation courante dans les dépenses

monétaires des agriculteurs.

iii) Famille - "Tanindrazana" : on en trouve les

échos tant à Ambalavola qu'à Ambato-Boéni, en particulier dans les textes

suivants :

Ambalavola

1-1 : "Il faut qu'on travaille pour être l'égal de ses

compatriotes ••• pour servir son "tanindrazana"... pour que les enfants

puissent profiter de l'instruction".

000

Page 77: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

71

1-4 "Le but du travail est pour moi, le suivant:

entretenir et nourrir la famille,

s'acquitter du devoir fiscal,

être l'égal de ses semblables".

Ambato-Boéni

1-9 : "Tout cela (le travail) afin que nous puissions ac­

complir et servir loyalement le "tanindrazana", nous avons planté pour

les enfants, pour les parents misérables".

1-15: "Si j'ai .50 .OOOfmg, je les divise en trois parties a

Avec un tiers, j'achète des boeufs, comme ça cet argent est thésaurisé ­

avec le second tiers, je m'occupe de mon ménage: vêtement et nourriture ­

le dernier tiers restant je le garde dans un coffre et, lorsque le moment

de la culture arrive; je n'ai pas l'embarras de chercher de l'argent".

1-16: "Etant donné que j'ai de l'argent qui me vient des

produits de la terre, en premier lieu, j'en consacre une partie à la terre

pour qu'il me rapporte le double l'an prochain. Quant à la seconde partie,

elle sert à l'achat de nourriture et d'habillement pour la famille".

1-17: "Moi, si j'ai cet argent, j'achète des terres, une

charrue pour que mon travail à l'avenir soit plus efficace, et que cet

argent me revienne à cause de cela. Après je ferais profiter mes enfants

des études".

Cette motivation apparaît donc assez générale; elle s'exprime surtout pour

trois catégories de dépenses: la nourriture, l'habillement et l'instruc­

tion des enfants. Elles représentent en effet dans notre struoture des

budgets les principaux postes de dépenses. Les trois premiers textes

(Ambalavola = 1-1 et 1-4, Ambato-Boéni = 1-9) parlent seulement du travail

•• 0

Page 78: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

72

ce qui pourrait faire songer surtout à l'autoconsommation. En fait quand on

pose directement la question de l'utilisation de l'argent (trois derniers

textes d'Ambato-Boéni) on observe qu'il y en a toujours une partie qui est

destinée à l'achat de nourriture et d'habits. Ces réactions montrent donc

que, par toute une partie de leur vie qui les touche de près, les agricul­

teurs sont bien intégrés au système monétaire puisqu'ils ne pensent pou­

voir résoudre un certain nombre de leurs besoins que par l'achat à l'ex­

térieur. On remarquera par ailleurs les sacrifices relativement importants

consentis par les parents pour l'instruction de leurs enfants, particuliè­

rement en Ambalavola.

Ainsi donc, à l'instar des motivations psychologiques,

l'ensemble des motivations d'ordre plus traditionnel et habituel a des

résultats contradictoires quant à la manière dont l'argent est utilisé

qu'il soit détourné dans des circuits plus ou moins stériles (point -i-

et -ii-) ou qu'il revienne au contraire normalement dans le circuit habi­

tuel (point -iii-). Ces motivations semblent d'ailleurs montrer que si

l'horizon économique de l'agriculteur est limité (grandes dépenses de con­

sommation s'il y a excès d'argent), il n'en existe pas moins réellement

et l' agr i culteur apparaît sensible à la valeur de la monnaie et aUX pos­

sibilités qu'elle peut lui apporter. D'ailleurs, le troisième type de

comportement que les textes nous indiquent et que nous qualifierons d' "éco­

nomique" va nous permettre de préciser cela.

3) Aspect économique : on peut distinguer deux groupes de

textes, les uns indiquent une volonté particulière d'investissements, les

autres indiquant, plus généralement, un désir de progrès ainsi que celui

de l'argent en tant que tel.

i) Investissements : de façon assez caractéris­

tique, on ne trouve pas de textes de cet ordre dans la zone d'Ambalavola

mais seulem~nt en Ambato-Boéni, à savoir :

....

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73

1-13 : ''Pour moi (le but du travail) c'est d'acheter ce qui

manque dans mon ménage tels que la terre - la charrue - la nourriture 00 0"

Q : "Mettons qu'il vous arrive d'avoir 500000 fmg, à quoi

utilisez-vous cet argent? ""

1-16 : "Etant donné que j'ai de l'argent qui me vient des

produits de la terre, en premier lieu, j'en consacre une partie à la terre

pour qu'il me rapporte le double l'an prochaino Quant à la seconde partie,

elle sert à l'achat de nourriture et d'habillement pour la famille""

1-17 : "r~oi, si j'ai cet argent 1 j'achète des terres, une

charrue pour que mon travail à l'avenir soit plus efficace et que cet ar­

gent me revienne à cause de cela o Après je ferais profiter mes enfants

des études""

On constate parmi les dépenses envisagées des dépenses en biens de produo-1

tion, essentiellement terres et charrue" Dans les deux derniers textes,

le but de ces achats est fort bien explicité et la notion d'investissement

assimilée puisque dans l'esprit de l'un cela permettra de doubler son re­

venu et dans celui de l'autre, cela rendra son travail plus efficace et

lui fera revenir l'argento Il faut reconnaître que cette différunce sen­

sible entre Ambalavola et Ambato-Boéni ne se retrouve pas au niveau de

l'analyse des budgets où nous avons pu constater que les dépenses en ce

domaine représentaient approximativement le même pourcentage, d'ailleurs

très faible en réalitéo Ceci s'expli~e par ce que ces investissements ne

se renouvellent pas chaque année dans une zone déterminée et que le genre

d'investissements auquel il est fait allusion est rendu plus facile à

Ambato-Boéni qu'à Ambalavola du fait de structures foncières et sociolo­

giques plus favorables et d'un revenu monétaire moyen tout de m~me plus

élevé"

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14

ii) Désir de progrès et d'argent: cette fois-ci

on retrouve la motivation dans les deux zones, principalement dans les

textes suivants :

Ambalavola

1-2 : "Si on travaille, le but est dt-: faire hausser le ni­

veau de vie o En dehors de cela pour moi, il n'y a rien o On ne se contente

jamais de son sort, on veut toujours évoluer"o

1-3 : "Ce qui nous occupe le plus, nous paysans, étant don­

né que la vie d~vient de plus en plus dure, c'est l'argentoo o On s'oocupe

du travail où les rentrées d'argent sont les plus sûres, voilà pourquoi

nous nous concentrons davantage à la culture du riz, (pour) les autres

produits oo • leur prix est tout à fait sous-évalué (en particulier ceux

utilisée par l'usine)" 0

Ambato-Doéni

1-4 : "Non, il n'y a pas de pression mais seulement l'envie

des gens qui ont eu beaucoup d'argent sur cette culture et le désir de les

imiter ".

tiver ? "

1-1 Q "Quelle est la raison de cette décision de cul-

R : "C'est simple, l'argent. J'ai travaillé seulement

à l'usine tout d'abord, cela ne peut me suffire, alors j'ai décidé de pren­

dre la bêche pour cultiver tout en restant salarié de l'usine".

1-11 : "Je puis vous dire que l'usine peut apporter du pro­

fit aux paysans car elle distribue de l'argent. Voilà le profit" •

•••

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75

1-12 : ll~ioi, je dois travailler pour que mes enfants ne

restent pas paysans comme moi. Car âtre paysan n'est pas mauvais mais il

faut suer énormément pour pouvoir vivre aisément. ~e dois travailler aussi

avec aoharnement pour être l'égal de mes semblables car si vous êtes trop

pauvre, on vous déconsidère et en fin de compte - cela est vrai pourtant ­

on doit travailler pour l'argent du Fanjakana".

1-18 : "Cette culture de tomate ovale est une culture ré-

cente, l'année dernière, nous n'avons fait qu'observer et cette année-ci

nous l'avons fait pour constater si vraiment elle peut nous apporter quel­

que chose. Maintenant cette constatation est satisfaisante, nous sommes

prêts à en cultiver et l'année prochaine et les années à venir. Et si vous

voulez savoir la profonde raison qui m'a poussé à la faire, c'est simple

l'argent. Pour nous paysans, tout ce qui peut procurer de l'argent nous

intéresse vivement" ..

Le premier texte indique d'abord ce désir assez vague d'améliorer son ni­veau d~ vie parce que, est-il dit, "on ne se contente jamais de son sort,

on veut toujouts évoluer". Ce cas particulier montre une volonté très nette

et intériorisée, non imposée de l'extérieur, qu'on veut sortir de la si­

tuation actuelle: c'est là un élément de qynamisme qu'il ne faut pas per­

dre de vue. Ceci étant, il est frappant de constater que dans l'une et

dm1s l'autre zone on observe une convergence très nette de réponses quant

au moyen à utiliser, c'est l'argent. Ce désir peut provenir d'un constat

selon lequel la vie est de plus en plus dure et qu'il faut travailler de

plus en plus pour avoir encore de l'argent (Ambalavola = 1-3 ; Ambato­

Boéni = 1-12)0 Ces textes confirment d'ailleurs ce que nous disions dans

le chapitre précédent à propos de l'insuffisance de revenu monétaire que

tirait les agriculteurs de leur travail sur la terre 0 Les textes 1-11 et

1-18 d'Ambato-Boéni affirment en définitive très nettement que ce qui

intéresse les paysans c'est le profit, c'est 1 'argent 0 Ces remarques et

000

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76

réflexions semblent donc prouver qu'il existe toute une couche de la popu­

lation rurale qui ressent plus ou moins fortement un désir du signe moné­

taire. Non pas, samble-t-il, en tant qu0 tel mais parce qu'on sait que ce

signe monétaire ost un moyen essentiel pour se procurer un certain nombre

de biens et de services. Il faut remarquer en effet que, parmi les textes

que nous avons cités jusqu'à présent, il y en a un très grand nombre qui

en indique une utilisation assez large depuis l'achat de boeufs ou la thé­

saurisation jusqu'aux investissements sous forme de charrue ou de terre

par exemple, en passant par les dépenses de la vie courante pour la fa­

mille. On peut en déduire que dans l'esprit de leurs auteurs, m~me si cela

n'est pas exprimé très clairement, l'argent est un médiateur universel,

c'est-à-dire que, quel que soit le moyen dont il a été gagné, on peut

l'utiliser à des usages très différents sans liens entre eux autre que le

désir de tels biens ou tels services déterminés.

En fin de compte, ce dernier aspect des motivations qui

poussent au travail et à l'utilisation de l'argent apparaît assez positif

dans la mesure où il signifie deux choses: la possibilité comprise de

faire servir l'argent à des usages multiples et en particulier à l'inves­

tissement, c'est-à-dire à une dépense qui n'apporte pas une jouissance

immédiate - enfin le désir de gagner et d'utiliser plus d'argent.

4) Conolusion

Ces réaotions que nous avons enregistrées à propos des buts

du travail et de l'utilisation du signe monétaire par des agrioulteurs in­

diquent une très grande hétérogénéité de leur oomportement soit d'une per­

sonnalité à une autre, soit même dans un même personnage. Il y joue à la

fois des inoitations psychologiques provenant de la pression sooiale ou de

pressions économiques externes - un horizon économique plus ou moins fermé

mais qui n'empêche pas l'agriculteur de s'intégrer au circuit monétaire -

0.0

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77

et des comportements économiques assez rationnels. Quoiqu'il en soit ce­

pendant, on peut noter un besoin marqué qui a profondément pénétré l'es­

prit des gens, du signe monétaire destiné à différents usages, pas tous

forcément valables sur le plan économique strict, mais qui de toutes les

façons, tendent à faire circuler le signe monétaire soit à l'intérieur

de l'agriculture soit en retour vers d'autres secteurs. D'autre part cette

motivation jointe à d'autres(désir d'améliorer son niveau de vie, d'être

l'égal de ses semblables, etc.o o) sont certainement des facteurs de ~a­

misme pour un développement économique ultérieur à condition que celui..(lÏ

entraîne une hausse constatable du niveau de vie par exempleo A notre avis,

cet ensemble de textes montre qu'il existe des éléments positifs dans la

psychologie et le comportement des agriculteurs (au moins dans Ambalavola

et hnbato-Boéni) pour l'amélioration de la situation économique de l'agri­

culture. Mais il semble que ce dYnamisme ne se manifestera que si on fait

disparaître un certain nombre de blocages qui ne sont pas forcément du

fait du secteur agricoleo Ce que nous disons là ne signifie pas pour au­

tant qu'il n'existe pas des freins en celui-ci, l'hétérogénéité des atti­

tudes que nous rappelions plus haut le prouve assez, mais il n'en reste

pas moins qu'il y a des éléments d'attente qui ne demandent qu'à être

satisfaits et on peut se demander alors si l'usine de produits agricoles

ne peut pas jouer un rôle dynamique à ce niveau en répondant à cette at­

tente.

Mais cette idée que nous nous faisons sur l'attitude du

monde rural va peut-être se trouver renforcée par l'examen du second cri­

tère : les "Raisonnem8nts économiques".

"..

Page 84: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

..

78

b) Raisonnements économiques

Nous avons regroupé sous ce terne un certain nombre de

réflexions qui, pensons-nous, tendent à prouver que des agriculteurs, sinon

la totalité d'entre eux, ont compris et assimilé un oertain nombre de points

de rationalité économique d'abord en ce qui conoerne la signifioation de

l'argent - d'autre part pour ce qui a trait aux mécanismes du marché ­

enfin les calculs économiques.

1) Argent comme médiateur universel : nous avons déjà ob­

servé au paragraphe préoédent (-3ii-) que, dans l'esprit des agrioulteurs,

l'argent pouvait avoir de multiples emplois très différents., Cette idée

est ici accentuée par deux petits textes, l'un à Ambalavola r

(A propos du refus, du à la jalousie réoiproque, de vendre

entre paysan) : "croient-ils que l'argent n'est pas le même ioi et à

Ambohimahasoa ?"

l'autre à Ambato-Boéni

11-14 : "Ici ou là-bas, on peut avoir de l'argent étant

donné que l'argent est partout".

Dans le premier, il est formulé que l'argent est partout le même à un en­

droit ou à un autre et donc implicitement, qu'il y joue partout le même

rôle de moyen d'éohanges. Dans le seoond, il y est dit que l'argent est

partout, qu'on pclut l'obtenir n'importe .ù : cela montre bien que l'au­

teur de cette phrase a parfaitement conscience que le signe monétaire est

répandu de façon universelle et que, de ce fait, il permet des échanges

en tous les endroits.

• ••

Page 85: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

79

2) Mécanismes du marché: les réflexions qui s'y rapportent

portent surtout sur les prix et tout ce qui y a trait sur la relation

offre-demande et sur la notion de profit.

i) Les prix: on a deux séries de textes, essen­

tiellement pour Ambalavola :

11-1 : nEn ce qui concerne les prix des produits, on dirait

que le Fanjakana est inexistant car il fait promulguer des cours offioiels

sans après les surveiller ni les contrôler" ..

11-2 : "0 ... On (les collecteurs ...... ) va acheter le kg de

leur riz traité à 16 frs (au lieu de 25) 6t le padqy à 8 frs (au lieu de

16). Les paysans en apprenant ce prix n'ont pas voulu vendre mais que

faire devant les menances de ces fonctionnaires (venant cheroher l'impôt

derrière les colleoteurs) et devant votre devoir fisoal non réglé vis-à­

vis du Fanjakana".

11-7 : "On nous pousse à améliorer la production quand on

a une épargne. Cependant le prix du kg de cette denrée (le riz) ne fait

que diminuer sans cesse 1 o ... Que le Fanjakana contrôle le prix, fasse

respecter le cours officiel et, dans ce cas, nous sommes prêts à le sui-

vreD

Ambato-Boéni

11-3 : "Oui il Y a beaucoup qui en ont fait car ils ont su

que cette culture leur apporte un avantage, d'ailleurs la vie est de plus

en plus dure si bien qu'on est obligé d~ faire quelque chose d'autant plus

que la cultur6 du riz n'est plus rentable".

000

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80

11-5: liCe qui nous gêne un peu, nous autres paysans, c'est

que l'arachide n'a qu'un seul débouché, cela freine l'augmentation des

prix" 0

Ils indiquent que l'agriculteur est très sensible au fait que les prix,

fixés de façon officielle, ne soient pas respectés même sous les yeux de

l'Administration (Ambalavola = 11-1 et 11-2). Celui-là se rend très bien

compte que, si on ne surveille pas les marchés, les prix ne suivront pas

le cours officiel. Un autre point délicat surtout pour la zone d'Ambala­

vola, sePlble-t-il,est la dégradation continuelle des prix, ce qui se tra­

duit par des réflexions du genre ilIa vie est de plus en plus dure" que

nous avons déjà rencontrées à propos du premier critère et qui prouvent

que l'agriculteur a parfaitement conscience de la dégradation de son ni­

veau de vie par rapport aux nouveaux besoins qu'il se crée et au prix des

denrées qu'il achète o

Une conséquence logique de cette constatation qu'ils font

sera d'ess~er de se prémunir contre cette dégradation de la valeur de

l'argent, d'où les réflexions suivantes:

Ambalavola :

11-1 : "On nous pousse à améliorer la production quand on

a une épargneo Cependant le prix du kg de cette denrée (le riz) ne fait

~ue diminuer sans cesse! .00 Que le Fanjakana contrale le prix, fasse

respecter le cours officiel, et, dans ce cas, nous sommes prêts à le sui­

vre. Voilà pourquoi je préfère acheter des boeufs pour qu~ l'argent que

j' y engage y reste intact et invariable à travers le temps" 0

eo.

Page 87: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

81

11-8 : ''Pour nous, les boeufs ne sont pas une richesse qu'on

veut avoir en nombre considérable, mais c'est une sorte d'instrument qui

garde intact la valeur de l'argent comme une malle, comme le riz dans le

greniel''' •

où il est nettement dit qu'on achète des boeufs surtout pour se prémunir

contre ce phénomèneo Cela ne veut pas dire que ce soit le seul motif de

ce genr0 d'achat mais la raison qui y est apportée est tout de même signi­

ficative d'une certaine réalité.

On observe à nouveau qu'on retrouve beaucoup plus fréquem­

ment ces questions à Ambalavola qu'à Ambato-Boénio Ce fait concorde bien

avec ce que nous avons déjà dit de ces zones où visiblement le système

commercial de la première est bien plus défectueux que celui de la secon­

de (par rapport aux agriculteurs évidemment).

ii) Relation offre-demande

Ambalavola :

11-4 : ". 0 0 Si nous convenons de ne pas apporter du riz

deux Samedis de suite, crois-moi, c'est le district tout entier qui en

supportera les conséquences, il y aura supplication des citadins aux pay­

sans pour que ces derniers apportent leur production et il s'ensuit que

le prix du kg de riz aUgnl8nte un PE;U" 0

111-1 : "Il n'y a pas do rapports directs entre l'usine et

les paysans. Si elle avait des concurrents, peut-être ferait-elle atten­

tion".

0.&

Page 88: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

..

82

111-9 : L'usine est comparée à "un fils unique dans la

famille qui fait à son gré co qu'il veut" c'est-à-dire qu'elle pratique

de bas prix parce qu'elle a le monopole.

Ambato-Boéni :

11-5 : "Ce qui nous gêne un peu p nous autres paysans, c'est

que l'arachide n'a qu'un seul débouché p cela freine l'augmentation des

prix" •

Il apparaît dans ces textes que l'agriculteur a compris

comment se formaient les prix à partir de la relation entre l'offre et la

demande. Voir en particulier l'auteur d'Ambalavola (11-4) qui incite à ne pas

aller sur lQ marché un certain temps pour faire monter les prix par la

rareté du produit et ensuite p»ofiter de cette hausse provoquée volontai­

rement. nais plus profondément l'agriculteur peut se sentir assez dépen­

dant des acheteurs ou plutôt de l'acheteur éventuel de ses produits. Il

se rend compte (voir les deux autres textes) que lorsqu'il n'existe qu'un

seul acheteur (qui détient donc un monopole) celui-oi pratique les prix

qu'il veut au détriment de la multitude de vendeurs qui n'arrivent pas à

s'entendre entre eux pour se défendre.

1erons un texte

Ambalavola

iii) Notion du profit pour terminer nous signa-

11-3: "Quand pourrait-on savoir qu'on a bien travaillé?

Cela se sait au moment où on a fait une bonne économie, au moment où on

a une épargne suffisante".

000

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83

où il es't dit que le fait d'avoir de l'argent (une "bonne économie" - une

"épargne suffisante") est le signe qu'on a bien travaillé et donc de la

réussite o Cette réflexion est bien l'indice d'une certaine rationalité

économique d'un monde OÙ l'argent a fini par prendre une valeur univer­

selle, non seulement au simplG niveau des échanges, mais également comme

signe de prestige social accruo

Cet ensemble de textes, plus ou moins homogènes, sur cer­

tains mécanismes du marché, nous a montré au moins que les agriculteurs

y étaient sensibilisés, non seulement cela, mais qu'ils avaient acquis une

certain8 clairvoyance sur leur situation personnelle par rapport à ce mar­

ché o r1alheureusem~nt, il est apparu également à travers ces réflexions que

cette clairvoyance s'arrêtait là, qu'elle n'arrivait pas à se concrétiser

dans les faits. Les agriculteurs tout en sachant (ou en croyant) que leur

situation se dégrade semblent incapables de la redresser, do défendre leurs

intérêts contre ceux des autres o C'est là où l'on se rend compte qu'il y

a encore loin de l'idée à la réalisation. Mais c'est déjà un point posi­

tif que l·idée soit acquise, car si on aplanit certaines difficultés qui

arrêtent de prime abord l'agriculteur, on a quelques chances de le voir

ess~er et réaliser oe dont il a pris conscience.

3) Calculs économiques: il y a d'assez nombreux textes

qui peuvent être regroupés sous cette rubrique en particulier :

Ambalavola

11-5 : "Vous voulez dépenser pour un mort alors que les

vivants s'habillent de haillons, ça c'est triste. Vous avez égalem~nt du

moyen de garder de l'argent dans l'achat de boeufs: pourquoi voulez-vous

que l'argent reste intact, ne préférez-vous pas le reproduire 1"

000

Page 90: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

II-6 : "Si j'ai de l'argent, j'améliorerai mes cultures ou

bien j'achèterai d'autres rizières. Avec 10.000 frs, vous pouvez avoir un

boeuf qui vous reviendrait encore à 10.000 frs après 8 ou 10 mois. Moi,

avec cette somme, je peux me procurer une petite rizière qui, non seule­

ment m'appartient, mais me rapporte égalemEmt une produetion annuelle. Ce

cycle se répète et se renouvelle toujours et au bout de quelques années,

la somme de 10.000 frs devient 100.000 frs.

II-9 : "Les boeufs ne rapportent rien : le boeuf qu'on

aohète à 9.000 fmg demande, si on veut l'engraisser pendant six mois,

5.000 fmg de manioc, 1.500 fmg de feuilles de patates, pourtant si on le

vend, le prix ne pout dépasser 15.000 fmg".

Ambato-Boéni

II-1 : "J'ai fait oomme à l'aoooutumée des tomates rondes

car los tomates ovales sont trop bon marohé et néoessitent des frais énor­

mes ••• l'usine les prend à 125 fmg la oaisse alors que les frais de ohar­

rette nous reviennont à 75 fmg ot oeux de pirogue à 10 fmg, alors foroe

nous est de nous abstenir "

II-2 : "La terre est mauvaise, inaooessible à l'eau et si

j'avais persisté à en planter c'est sûr que j'aurais eu un grand défioit".

II-4 : "On doit tout faire, oar en oulture, il n'y a rien

de sÛT, si vous ne faites que de la tomate ovale par exemple et que la

saison est mauvaise, où irez-vous ? Alors que si vous faites deux ou trois

oultures, au Cas où l'und d'elles est mauvaise, il y a l'autre qui peut

vous sauver. D'ailleurs j'ai fait de la tomate ovale, oar oette oulture

est toujours satisfaisante qu'il y ait ou non assez de pluie".

ooe

Page 91: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

85

11-6 : "La rentrée d'argent par l'arachide est minime:

d'une part il y a les impôts, les tickets et d'autre part les frais de

culture".

11-11 : "Je ne suis pas d'accord avec vous, car pour moi,

même sans boeufs, jE: peux m'en sortir dans la vie. Pour moi, ce qui est

important, c'est la terre et l'avenir des enfants. La terre, parce qu'une

terre qu~ voUs achetez 10.000 fmg, si vous arrivez à la travailler conve­

nablement, peut vous rapporter 100.000 fmg, alors qu'un boeuf à 10.000 fmg

c'est tout à fait exceptionnel si vous pouvez le vendre 15.000 fmg. Alors

moi, jo vous dis: la terre est plus importante que les boeufs. Je le dis

également pour l'avenir des ùnfants, car si vous laissez des enfants igno­

rants, même si vous avez de nombreux boeufs, ils vont les vendre à leur

gré car ils seront dupés par ceux qui seront mieux: éclairés qu'eux".

11-12 : "Mais cependant nous ne pouvons pas suivre ce con­

seil du Fanjakana (de planter de la tomate ovale) car nous habitons loin

de l'usine et si nous produisons de la tomate ovale, nous allons être alour­

dis par les frais de transport en voiture et en pirogue".

La première réflexion (Ambalavola = II-S) nous indique

tout de suite l'esprit dans lequel sont faits ces calculs économiques. En

effet il y est affirmé que l'argent ne doit pas rester intact (par l'achat

de boeufs par exemple, ainsi que nous l'avons observé plus haut) mais être

reproduit, o'est-à-dire qu'il doit circuler et qu'on doit l'utiliser de

telle sorte qu'on doit pouvoir en obtenir plus. On a ensuite des données

de deux sortes. Tout d'abord, une comparaison entre deux emplois d'argent

très différents, l'achat de terres ou de boeufs; comparaison qui, assez

significativement, est faite en des termes presque identiques en Ambalavola

(11-6) et Ambato-Boéni (II-11). L'auteur essaie chaque fois d~ prouver

avec un exemple chiffré qu'il est bien plus intéressant d'acheter une terre

DDO

Page 92: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

86

qui permette d'augm~nter sa production et donc son revenu monétaire qu'un

boeuf qui, au mieux, laissera le revenu à un niveau constant, concrétisant

ainsi fortement que l'argent doit se reproduire. Tous les autres textes

sont plutôt ce qu'on pourrait appeler des calculs de rentabilité. C'est-à­

dire que l'auteur essaye de mettre en balance chiffrée les coûts et les

bénéfices d'une opération agricole déterminée. Pour les animaux, cela

mettra 8n comparaison l'achat de l'animal augmenté des frais d'engraisse­

ment aV8C le prix de vente (Ambalavola = 11-9) - pour les cultures, cela

consistera à examiner les débours monétaires nécessaires à leur réalisa­

tion et en particulier les ooûts de transport du lieu de production.

Cet ensemble nous fait voir que les agriculteurs peuvent

savoir que l'argent, bien utilisé, peut leur permettre d'en gagner plus.

On observe d'autre part que certains d'entre eux ne font pas inconsidérem­

ment n'importe quelles dépenses en biens de production mais qu'ils cher­

ohent à calculer quel bénéfice ils pourront retirer de tel ou tel achat

et de comparer les avantages relatifs de plusieurs projets. Bien sûr les

calculs ainsi faits sont très sommaires et il manque bien des éléments

d'appréciation mais, à leur niveau, ils sont justes dans leur principe.

Ils prouvent en tout cas que le paysan est tout à fait oapable (à l'in­

verse de ce que l'on croit trop généra.lement) d'effeotuer un calcul éco­

nomique, même sommaire, qui lui donne des éléments assez objectifs pour

ses décisions. Les discussions entre agriculteurs que nous avons enregis­

trées montrent cependant que ce type de raisonnement n'est pas le fait de

tous mais d'une partie seulement. Cela n'enlève rien, malgré tout, au

côté positif de oes réflexions dnns la mesure on ce genre d'idées fait

peu à peu son chemin surtout si nous mettons cela en relation avec le fait

observé plus haut que, d'une certaine façon, l'argent semblait avoir pro­

fondément pénétré les moeurs. Aussi, a plus ou moins longue échéance, le

désir de faire fructifier se généralisera avec tout ce que cela implique •

•••

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..

87

L'ensemble de ces réflexions groupées sous le vocable de

"raisonnements économiques" semblent devoir montrer qu'il existe très cer­

tainement ce qu'on pourrait appeler une rationalité économique. Celle-ci

fait que le lien monétaire, existant entre le secteur agricole et les

autres secteurs de l'économie, n'est pas purement formel et extérieur ou

superficiel. L'emploi de cet argent traduit chez certains agriculteurs

(qui ne sont sans doute pas un nombre négligeable) une intégration plus

profonde au niveau du comportement, do la psychologie. Ceci est un fac­

teur de succès à ne pas négliger pour une éventuelle action économique

dans la mesure où elle pourrait répondre à une attente plus ou moins con­

fuse et exprimée du milieu rural Ququelle elle s'adresse. Car, tout de

même, si jusqu'à présent, ces facteurs positifs n'ont pu se manifester

beaucoup et de façon uniy,erselle, c'est que des causes suffisamment for­

tes ont pu l'empêcher et il est vraisemblable que ces causes sont à la

fois d'ordre interne (mentalité traditionnelle essentiellement) et d'ordre

externe (problème des débouchés et des prix qui sont parmi les plus im­

portants mais pas les seuls). L'étude précédente nous a permis de voir

que les causes internes pouvaient évoluer d'elles-mêmes et cette évolu­

tion sera à peu près certainement facilitée si on arrive à résoudre, au

moins partiellement, les causes externes.

L'étude des deux premiers critères nous a donc permis

d'examiner comment l' agricul teur lui-même se situait dans un ordre écono­

mique. Il est apparu que son comportement bien qu'issu de motivations

fort diverses et même parfois aux conséquences économiques peu positives

pouvait l'amener à s'insérer normalement dans le seoteur monétaire. Le

second critère nous a montré d'autre part que ce comportement se doublait

d'une prise d~ conscience dos mécanismes économiques, et, implicitement,

des lois qu'ils supposaient ce qui, en définitive, le rendait plus sensible

à d~s incitations d'ordre économique. En définitive, nous avons pu oons­

tater que le monde rural était assez pénétré (mais pas complètement, loin

a ct ct

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88

de là) par le secteur moderne, à la fois par le simple fait de la circu­

lation monétaire et par l'esprit qUG celle-ci suppose (ce qui est beaucoup

plus important pour l~ développement à venir) 0 D'autre part il s'est avéré

qu'au moins une partie dûs agriculteurs n'est pas restée passive devant

cett8 pénétration mais qu'elle a eu tendance à réagir assez sainement (1)0

Réaction qui, malheureusement, n'a pu toujours entrer dans les faits

étant donnée la situation actuelle de l'agriculture bien qu'un désir assez

fort en existe certainement a

Ceci étant posé, on a pu remarquer, tout au long des tex­

tes que, sur certains points, il y avait des différonces notables de com­

portement entre les agriculteurs d'Ambalavola et d'Ambato-Boéni o En effet,

assez fréquemment, les premiers sont apparus plus pusillanimes, moins dis­

posés à se lancer dans des investissements. En un sens on les sent rétrac­

tés vis-à-vis du sectêur monétaire alors que ceux d'Ambato-Boéni parais­

sent beaucoup plus ouverts de ce côté, plus calculateurs également. Si

ces réactions différentes proviennent des situations générales respecti­

ves d'Ambalavola et d'Ambato-Boéni, on peut à priori se demander si les

usines n'y sont pas également pour quelque chose. On va donc tenter d'ana­

lyser les réactions de nos agriculteurs vis-à-vis de ces entreprises d'un

type spécial qui se sont install~dans leur univers, en nous efforçant

de tenir compte de ce que nous a.vons essayé d'analyser sur ce qui peut

constituer le monde économique de l'agriculteur.

c) Réactions par rapport à l'usine

Un premier point frappe tout d'abord c'est le fait que

dans tous les enregistrements faits à Ambalavola et Ambato-Boéni, les

réflexions sur l'usine viennent beaucoup moins facilement et moins fréquem­

ment dans la conversation des aericulteurs d'Ambalavola que ceux de d'Am­

bato-Boéni. Ceci est déja un indice qu'il existe une différence d'influence

(1) Toujours "économiquement" parlanto

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dans 18 milieu rural entre ces deux entreprises. Pour préciser cela et

eS(,ayel' d'en déterminer les raisons, nous allons examiner les textes que

nous avons à notre disposition sur ce sujet en les regroupant en quelques

rubriques comme nous avons déjà fait jusqu'à présent, soit: l'usine comme

source d'argent pour les agriculteurs - relations directes entre les agri­

culteurs et l'entreprise - assistance technique et matérielle procurée

par l'usine à l'agriculteur qui l'approvisionne.

1) L'usine comme source d'argent: trois éléments d'ordre

différent peuvent alors intervenir; d'abord les revenus mmnétaires à

strictement parler qu'on peut retirer de la présence de l'usine - ensuite,

ce qui caractérise les débouchés qu'elle offre et les prix à l'achat

qu'elle pratique.

i) Usine comme source de revenus monétaires : on

constate sur ce point une profonde différence dans les réflexions des agri~

culteurs d'Ambalavola et ceux d'Ambato-Boéni.

Ambalavola

1II-2 : "Quant à l'usine p il n'y a pas de profit pour la

masse paysanne, le marché, oui, peut apporter un profit aux paysans".

111-6 : "Dans notre contrée, comme source de revenu, on ne

peut citer que la culture du riz, en dehors de cela, on peut dire qu'il

n'y a rien".

III-7 : "Depuis l'installation de cette entreprise, per­

sonne dans la région n'aurait pu faire fortune si on travaillait unique­

ment pour le compte de l'usine. Heureusement qu'il yale marché" •

•• 0

Page 96: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

Ambato-Boéni

111-4 : "L'usine, dansla région, est comme un don de la

Providence. Elle a partagé l'année dernière plus d'un million de francs,

nvec ce million, les gens, les p~sans surtout, ont pu écarter beaucoup

de problèmes et de soucis".

111-13: "Si l'usine s'est implantée là, ce n'est pas seule­

ment elle qui peut avoir du profit, mais les paysans aussi auront leur

part" •

111-14: "La présence d'une usine est indispensable car elle

donne à certains gens du salaire et elle procure aux p~~sans des ressour­

ces supplémentaires".

111-18 "L'usine est tout à fait importante pour la région

car, non seulement elle reçoit les produits fournis par les p~sans mais

également elle embauche des travailleurs".

Les premiers affirment en effet catégoriquement qu'on ne peut absolument

pas compter sur l'usine pour en obtenir un revenu monétaire et déclarent

préférer de beaucoup le marché 0 Il Y en a même un qui affirme tout simple­

ment qu'il n'y a que le riz comme source de revenu c'est-à-dire que tous

les autres produits susceptibles d'être achetés par l'entreprise n'en sont

pas et pourtant co sont des cultivateurs dont les terres ne sont pas très

éloignees de c~lle-ci Les seconds au contraire (sauf une ou deux excep­

tions) ont tendance à dire exactement le contraire. Ils apprécient l'usine

parce qu'elle leur distribue de l'argent à ln fois par la vente de leur

production que par les salaires qu'elle distribue au moment de la pleine

saison. Par conséquent, dans un cas, les agriculteurs ont le sentiment que

l'usine leur est très utile parce qu'elle leur distribue des revenus alors

que dans l'autre ils restent très réticents vis-à-vis d'elle car ils n'ont

000

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91

pas du tout l'impression d'en retirer un avantage pécuni~r quelconque.

Ceci confirme bien les résultats de la structure des ressources monétai­

res dans lb chapitre l où nous constations que, relativ<ment, celles pro­

venant d'Ambato-Boéni étaient bien plus importantes que l'équivalent ve­

nant d'Ambalnvola bien que cett8 dernière fut d'impl~lt~tion beaucoup plus

ancienne.

Cette premièrE:: série du t8xtes nous perl'let donc de cons­

tater, outre la différence notable des réactions, la commune origine de

cellee-ci o A savoir qu'on trouvera un premier intérêt à une unité écono­

mique de ce genre que si ellc peut vous distribuer de l'argent et être

une source de revenus monétairds suffisamment importante o

ii) Caractéristiques des débouchés et des prix

pratiqués ,

Ambalavola :

111-10 : "UnE; usinE; doit prendr8 directement les matières

premières dont elle a bbSOin aux paysans producteursoo. L'usine n'a nul­

lem~nt l'intention d'appliquer C8 principe. Nous apportons notre produc­

tion à l'usine» tout d'un coup» une semaine après» l'usine ne reçoit plus.

Mais comme nous sommes paysans, comme notre consommntion familiale est

limitée, nous ne pouvons pas stocker, s'il s'agit d~ pêches par exemple.

Alors, force nous est d'aller au marché ~t» là-bas» nous devons supporter

malgré nous» n'importe quel prixoo. (car) nous voulJns de l'argent. oo Cette

usine a ét~ construite pour seulement une catégorie de gens: les citadins"o

ce seul texte d'Ambalavola nous montre que l~ constat fait par les paysans

que Ventreprise Laborde-Lachaize ne leur distribue pas de revenus moné­

taires a d'autres causes. Il indique en effet que l'usine ne présente

00.

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aucune stabilité de débouchés: le producteur sent qu'il est entièrement

à la merci de la politique de l'industriel et, comme pour lui, il est ab­

solUMent obligé (techniquement et financièrement) d'écouler sa production,

s'il y a carence du l'usine, il devra se rabattre sur le marché à des

prix peu ou pas rémunérateurs du tout. On comprend alors !!lieux les réti­

cencus de l'agriculteur vis-à-vis dû cetto entreprise dans laquelle il se

sent étranger ("elle est faite pour les citadins") et avec laquelle il a

souvent des déboires dans ses espoirs de vente. Cette variation de la de­

mande de Laborde-Lachaize, constatée par l'agriculteur, il est à noter ~le

notre première partie à propos de l'étude de l'entreprise proprement dite o

Les réponses d'Ambato-Boéni sont à la fois plus nombreuses

et plus complètes :

Ambato-Boéni :

111-2 : "Je crois que la Compagnie est indispensable •• 0

car elle a établi une fois pour toutes le prix du kg "Q

111-3 : "Oui, le kg dt; tomate ronde est de 40 fmg et celui

de tomate ovale de 5 fmg, ça je l'admets o Cependant, le prix du premier

est variable, voilà le premier défaut o Secondement, le rendement n'est

pas le même un hectare de tomate ronde n0 donne que 8 tonnes au maximum

alors qu'un hectare de tomate ovale peut donner au minimum 25 tonnes, voi­

là le second défaut. Les débouchés en to~ate ronde sont aléatoires: si

vous avez de la chance, vous pouvez avoir des acheteurs au moment même

de la récoltb, si vous n'en avez pas il se peut bien que vos produits pour-,

rissent dans les champs ou les cageots, voilà le troisième défaut. Donc il

n'.y a aucun intér~t à faire de la. tomate ronde car là tout est aléatoire

prix variable - tonnage inférieur et débouchés non assurés" 0

00.

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...

93

1II-8 : "Oui, il sc peut qu'il Y ait un profit pour nous

car l'usine est à prDximité dû nous, nous n'avons plus de difficultés pour

écouler nos produits". "L'usine est indispensable et c'eet une bonne idée

de la part de l'Administration car les paysans ne vont plus ailleurs pour

vendre leurs produits".

111-9 : Q : "Alors vous êtes bien conttlnt qu'il y ait deux

entreprises (au sens large du terme) chez vous, l'une pour la tomate ova­

le, l'autre pour l'arachide ?"

R : "Tout à fait content, car au moment de la ré­

colte, on ne se casse plus la tête pour trouver des débouchés, on a des

acheteurs à proximité"

111-12 : "On sait à priori, que, en cultivant les tomates

ovales, on est sûr qu'il y a une usine qui peut les recevoir. Voilà un

atout essentiel. Si, en cultivant, on ne savait pas à qui vendre, ce serait

difficile et presque inutilo. Cett6 remarque reste valable pour l'arachide ..

il y a là la Compagnie. Ce n'est donc pas difficile d'en faire, car l'ache­

teur est prêt à recevoir cù que vous produisez".

111-16 : Q : "En quoi consiste vraiment l'attachement que

vous avez à la Compagnie ?".

R "Nous voulons la Compagnie, car le débouché

est sûr".

111-23 : "Si l'usine n'existe pas, il n'y a personne qui

puisse prendre les tomates ov~les ; vous voyez les producteurs de tomates

rondes et leurs préoccupations à la veille de la maturité de la récolte,

un mois ou deux mois même vant que les tomates rondes soient mûres, il

faut trouver les débouchés et les acheteurs pour que les produits soient

vendus à un prix réconfortant".

o ••

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111-24 (1) : 'rpour moi, l'intérêt que je peux avoir dans

l'installation d~ l'usine c'est la sûreté du débouché tout d'abordo Puis

après, puisque nous savons que le prix est de t~l, c81a nous permet de

faire dès maintenant nos "comptes" personnels si nous avons fait tant ou

tant d'hectares o Enfin l'unité dG prix est la même pour tout le monde

qu'il conn~isse quelqu'un ou non, un tel doit vendre au même prix qu'un

pauvre paysan" 0

Elles sont tout à fait l'opposé de celle d'Ambalavola o Tous les auteurs

de ces tGXtes apprécient énormément la certitude des débouchés de leur

production que ce soit auprès de la Compagnie ou de l'usine, certitude

qui signifie pour eux que, en tenant compte des aléas climatiques, ils

sont au moins assurés qu'ils pourront écouler la totalité de leur récol­

te. L'unanimité des réactions en ce sens quand l'agriculteur sait que

l'usine lui achètera (2) toujours ses produits et les réactions inverses

quand il n'en est pas ainsi prouvent qu'il y a là, pour le paysan quel

qu'il soit, un grave problème qui est loin d'être résolu bien qu8 cela

semble assez nécessaire à son intégration économique ultérieure D

Mais ces réaotions ne se limitent pas là et abord~nt assez

fréquemment le problème des prixo Le t~xte suivant d'Ambato-Boéni (déjà

cité précédemment) :000

(1) On y a également mis les textes correspondru1ts, dits à propos de laCompagnie, car, pour ce problème précis, los comportements sont exacte­ment les mêmes 0

(2) Compte tenu évidemment de certaines normes de qualité absolument né­cessaires alors pour ne pas faire du gâchis.

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111-3 : "Oui, le kg de tomate ronde t:st do 40 fmg et celui

de tomat~ ovalo d~ 5 fmg, ça je l'admets. 'Cependant, le prix du premier

est variable, voilà le premier défaut. Secondement, le rendement n'est pas

le m~me 1 un hectare de tomate ronde ne donne que 8 tonnes au maximum

alors qu'un hectare d~ tomate ovale peut donner au minimum 25 tonnes, voi­

là le second défaut. Les débouchés en tomate ronde sont aléatoires: si

vous avez de la chance, vous pouvez ~voir des acheteurs au moment même de

la récolte, si vous n'en avez pas il se peut bien que vos produits pour­

rissent dans les champs ou les cageots, voilà le troisième défaut. Donc

il n'y a aucun intérêt à faire aux tomates rond0s car là tout est aléa­

toire : prix variable - tonnage inférieur et débouchés non assurés".

est assez instructif à ce sujet car l'auteur y résume assez bien et con­

crètement l'ensemble de la question. Mais on trouvera d'autres textes

analogues où on observe bien que la plupart des agriculteurs sont sensi­

bilisés aux problèmes de prix non seulement par leur niveau moyen mais

également par les variations importantos que les t,ypes de produits qu'ils

peuvbnt vendre, subissent. Bien que nous n'ayons pas de textes à ce sujet

pour Ambalavola, on peut assez facilement deviner quelles peuvent être

les réactions des agriculteurs si l'on sait (voir première partie) que les

prix d'achat pratiqués par Laborde-Lachaize peuvent être assez variables.

Ainsi, aux caractéristiques opposées des débouchés et des

prix offerts respectivem<Jnt par les entreprises Laborde-lachaize et Mada­

gascar-Conserves, non sûrs et variables dans un cas, assurés et stables

dans l'autre, correspondent des attitudes très différentes de nos agri­

culteurs mais qui, une fois de plus, s'expliquent de la même manière dans

l'un et l'autre oas. Ces réactions traduisent en effet un élémentaire et

légitinQ besoin de sécurité chez l'agriculteur quant à ses sources de

revenu monétaire et que le système commercial habituel ne peut généralement

pas satisfaire pour un certain nombre de raisons qu'il n'est pas dans notre

.. 00

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96

but 4'approfondir ici. Ce minimum de sécurité nous semble d'ailleurs ab­

Bol~ent nécessaire pour permettre à l'agriculteur une certaine liberté

d'etprit pour mieux s'intégrer au système monétaire (1)0 Pratiquement

d'~leurs cette différûnce dans les actiüns économiques menées par cha­

cU4e des deux entreprises s'est traduite par des réactions concrètes de

lq part des agriculteurso Ceux d'Ambalavola se sont détournés, parce que

tI~couttés" finalement de l'entreprise Laborde-Lachaize qui était inca­

pab~ de leur assurer un revenu stable et suffisant. Ceux d'Ambato-Boéni

oftt,eux, de plus en plus tendance à se tourner vers l'entreprise parce

~'1l~ se sont rendus compte que, bon an ou mal an, elle pouvait leur rap­

porter de l'argent o La conséquence pour Laborde-Lac~.ize a donc été

l'ob~igation d'étendr8 do plus en plus sa zon~ d'approvisionnement (voir

prelJ1S.ère partie) alors qu'à l'inverse w l'entreprise 11adagascar-Conserves

voit peu à peu se former en secteur local géographiquement proche une

zone de production qui, dans l'avenir, pourra approvisionner régulière­

ment l'usine o Dans le premier cas, les coûts d'approche de la matière

prl~ière croissent considérablement alors qu'ils restent stables dans le

seecndo Cet exemple précis nous prouve à quel point une politique déter­

m~6e (qui est parfois une absence de politique !) vis-à-vis du secteur

d'approvisionnement peut avoir, indirectement et à plus ou moins longue

!chéance, dGS conséquences nuisibles ou favorables à la marche de l'af­

fa~ comme aux agriculteurs eux-mêmes o Car w l'en l'occurrence, il nous

semble qu'il existe un lien plus ou moins étroit ùntre le sort des uns et

des autres et qu'on ne peut pas impunément faire supporter à un seul des

deux partenaires tous les aléas et les inconvénients d'un marché sans

qu'il n'y ait une "réaction boomerang" de la part de celui-ci pour se

défendre 0

000

Nous renvoyons à ce que nous avons déjà à CG propos dans le pnragra­phe a) -1) et de ce même chapitre à propos de la crainte des risquesà prendre 0

Page 103: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

97

~~ais les problèmes de débouchés, de prix et finalement de

revenus étant posés on peut se d0mander si les agriculteurs attendent

autre chose d~ la part de l'entreprise, hors du cadre de l'économie au

sens étroit du term~. C'est ce qué nous allons voir maintenant à propos

des deux rubriques suivantes.

2)Relations directes avec l'usine

lent qu'il est intéressant de signaler:

Am~Ç].lavola

quelques textes en par-

II1-1 : "Il n'y a pns de rapports directs entre l'usine

bt les paysans. Si ello avait des concurrents, peut-être ferait-elle

attention Il

'111-4 : ''Pourquoi nous préférons vendre nos boeui's aux

"Ambal1.iandro" •• o même si nous savons qu'ils nous exploitent davantage,

car, là, nous pouvons débattre le ~rix alors que là-bas (les intermédiai­

res de l'usine) nous no somnes au courant ni du poids, ni du kilo (prix

au kilo? )" 0

111-10 : "Une usinù doit prendre directement les matières

premières dont'elle a besoin aux paysans producteurs •• 0 L'usine n'a nul­

lement l'int~ntion d i app1iquer ce principe o Nous apportons notre produc­

tion à l'usinb ; tout d'un coup, une semaine après, l'usine ne reçoit

plus. Mais comme nous sommes p~sans, comme notre consommation familiale

est limitée, nous nb pouvons pas stocker, s'il s'agit de pêches par exem­

ple o Alors, force nous est d'aller au marché et, là-bas, nous devons sup­

porter malgré nous,. ri' importé quel prix 0 •• (car) nous voulons de l'argent •••

Cette usine a été conS1truite pour seulement une oatégorie de gens : les

citadips" o'

0.0

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98

Ambato-Boéni

111-17 :"L'usine est tout à fait utile pour nous paysans

étant donné qu'elle ne peut pas fonctionner sans les produits que nous

faisons et en compensation, nous avons de l'argent qui est utile à notre

existence" •

c'est surtout à Ambalavola qu'on observe ce désir, tout à fait insatisfait

au ~"é des auteurs, d'avoir des relations directes avec l'usine. Ils ont

l'impression de ne pas pouvoir débattre directement avec les responsables

de l'entreprise du prix de leurs produits et se plaignent de devoir pas­

ser par les intermédiaires. De cette façon, pensent-ils implicitement, ils

ne peuvent prévoir quelles sont les réactions de l'usine ni surtout quels

sont ses besoins pour pouvoir lui ,vendre à bon escient. Il faut remarquer

d'ailleurs que du côté des industriels on fait la même remarque en sens

inverse à savoir que les agriculteurs préfèrent aller vendre sur le mar­

ché plutôt qu'à l'usine. Il y a là une sorte de hiatus entre les deux Qui

prouve au moins qu'il existe une incompréhension assez grande entre les

partenaires qui restent enfermés chacun dans leur monde.

Au contraire, la réflexion d'un agriculteur d'Ambato-Boéni

montre que dans l'esprit de celui-ci, l'entreprise est bien intégrée dans

son horizon économique o Il observe en effet que l'usine ne peut pas fonc­

tionner sans les produits que, eux cultivateurs, apportent. Il poursuit

d'ailleurs en montrant que l'usine peut être l'amorce d'un nouveau cir­

cuit économique ~n procurant, en échange, de l'argent dont le paysant a

besoin 0

De nouveau donc, on observe ces différences de réaction

entre les deux zones (désir insatisfait dans l'une, satisfait dans l'autre)

mais provenant d'une même origine qui, dans le cas présent, ast la recherche

000

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de relations directes avec l'entreprise qui, pensent-ils, pourraient leur

permettre de régulariser leur revenu.

r.~ais, en dehors du fait, que le producteur puisse s'adres­

ser àirectement à l'usine pour la vente de sa récolte en quoi pourrait

consister ces relations directes? D'après les textes que nous allons voir,

il semble que ce soit surtout une action de l'usine qui se manifesterait

essentiellement par une assistance techniqut et matérielle auprès du

paysannat.

3) Assistance technique et matérielle

i) Il y a d'abord quelques textes qui y font al­

lusion directement surtout à Ambato-Boéni

Ambalavola :

111-5 : "Ce que les paysans veulent, ce sont des hommes

prêts à indiquer aux p~sans la bonne voie au point de vue économique" 0

HI-8 : "Quant aux. fruits 0 • 0 pour nous mieux. exploiter on

a inventé des tas de conventions, on a fait différentes catégories quant

à la qualité ••• les fruits qui pourraient ûtre achetés en première caté­

gorie sont achetés à un prix de troisième catégorie "

Ambato-Boéni :

111-10

tér ie11ement ?"

Q "Est-ce qu'elle (la Compagnie) vous aide ma-

R : "Non"

Q : "Et l'usine, est-ce qu'ëlle nu vous aide pas ?"

000

Page 106: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

"celui

99

R : "Elle, oui, elle s'occupe de nous, elle fait

venir un agent pour voir si des chenilles attaquent nos plantations et

elle envoie ce même agent pour mettre des médicaments au cas où il y

a effectivement des chenilles".

Q : "Que voulez-vous si on vous laisse choisir,

la Compagnie ou l'usine 1"

R : "C'est l'usine, car un proverbe dit

qui rend visite fréquemment aux parents est aimé d8s siens".

Q : "Alors approuvez-vous les conseils et l'aide

matérielle de l'usine 1 "

R : "Nous les approuvons bien car cette action va

dans le sens de nos intérêts: c'est pour notre bien si elle dit de mettre

à l'abri les plants, de prendre des médicaments"o

111-11 : Q : "Si jamais on vous fait payer les semences,

persistez-vous encore dans cette culture de tomate ovale 1 "

R : "C'est-à-dire, à l'instar de la Compagnie, eh

bion, si nous trouvons encore du profit, nous en ferons encore" 0

Q : "Et si jamais aussi, on vout fait payer les

médicaments, qu'en pensez-vous 1"

R : "Dans ce cas-là, c'est à nous de juger, si

nous pouvons encore avoir du bénéfice, nous cultivons, sinon nous consacre­

rons nos IJfforts à d'autres cultures plus rentables que celle-ci".

111-15 : Q : "Il paraît quEl vous paysans d'ici êtes réfrac­

taires à l'assistance technique de l'usine, est-ce vrai 1 "

R : "Ceci c'est du mensonge, ce que nous paysans

regrettons bien c'est le geste de l'usine et de la Compagnie qui nous dé­

laissent et ne surveillent pas nos travaux. On sait bien que les pqysans

ne savent pas faire une culture tout à fait moderne, il~ut qu'il y ait

00.

Page 107: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

100

quelqu'un de compétent tel qUé l'usine ou la Compagnie pour leur montrer

la bonne voie:"

"Passons à autre chose, car ce qUE; vous dites là est un faux bruit, au

, contraire y nous voulons qu'on nous regarde de près, car, nous-mêmes pay-

sans, nous employons d<.: vieilles méthodes qui sont moins rentables".

... 111-20

pourquoi pas nous ?"

"Tout le monde veut être aidé dans son travail et

III-21

l'usine ?"

Q "Etes-vous hostiles à toute forme d'aide de

R : "Tous ceux qui lancent ce bruit sont des men­

teurs, nous voulons et nous souhaitons l'aide plus fréquente de l'usine

parce que, en tant que paysans, nous ne savons pas faire une culture d'une

façon tout à fait parfaite, c'est l'usine seule et ses agents qui peuvent

nous guider lorsqu'une maladie vie~t frapper notre culture et c'est elle

également qui peut savoir si notre terre n'est pas bonne pour les tomates

ovales".

On observe donc dans les deux zones un besoin aSsez net

d'une aide à la fois sous forme de conseils pour les méthodes de culture

et sous forme de moyens matériels modernes pOUl' les réaliser au mieux.

Cela ne: signifie pas d'ailleurs qu'ils ont une mentalité de mendiant, le

texte 111-11 d'Ambato-Boéni montre bien qu'ils sont prêts à payer les

semences, les traitements phytosanitaires, etc ••• , à condition qu'ils

continuent à retirer un bénéfice de la culture intéressée; o'est donc là

un raisonnement ~conomique très sain. Ces textes semblent être l'expression

chez les agriculte~s, de la prise de conscience qu'il leur manque des

éléments importants sur le plan technique pour pouvoir ruméliorer leur pro­

duction et par là leur niveau de vie. Il faut remarquer que, sauf une

exception, les agriculteurs d'Ambato-Boéni approuvent vigoureusement

00.

Page 108: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

..

101

l'assistanc~ de l'usin~ prouvant ainsi qu8 cülle-ci en apporte une et

qu'ell~ r6pond assez biGn aux besoins de la collectivité en la matière.

"A contrario", 1!'1 réflexion d'un agriculteur d'Ambalavola (111-8) montre

aSS8~ que l'entreprise Laborde-Lachaize ne cherche absolument pas à en­

trer en contact avec les agriculteurs autrement que sur un plan purement

économique. Le simple fait que la distinction en différentes qualités

d'un produit déterminé soit compris par les agriculteurs comme une brimade

supplémentaire de la part de l'usine montre assez que celle-ci n'a rien

fai t pour .3xpliquer aux agriculteurs ce dont elle avait teclmiquement be­

soin. Ce texte lêüsse penser d'autre part que la seule incitation du prix

(différencié ici selon les qualités des fruits) n'est pas suffisante pour

que l'agriculteur modifie sa façon de faire. Non pas qu'il soit insensible

à ces différences (ce que nous avons observé précédemment le prouve assez)

mais il n'en comprend absolument ~as les raisons parce que personne n'a

pris l~ temps de les lui expliquer vraiment en se mettant à sa portée.

Ceci dit, est-ce que cette assistance rentre dans le cadre

des relaticns directes avec 11 entreprise ? Une comparaison à Ambato-Boéni

av~c la COr1pagnie qui exerce son activité dans la même zone rurale que

llentr8prise va nous permettre d'éclairer cela.

ii) Comparaison de l'attitude de la Compagnie et

de celle de l'usine. Celle-là est assez valable, semble-t-il, dans la me­

sure où ces deux unités économiques pratiquent une politique de débouchés

et de prix assez voisines, quoique sur des produits différents (arachide

pour la première et tomate ovale pour la seconde) mais que la Compagnie

n'a guère de politique d'encadrement et d'assistance teclmique propre et

qu'elle se repose pour cela sur les Services de l'Agriculture. Nous nous

appuierons sur les deux textes suivants :

III-10 : Q "Est-ce qul.elle (la Compagnie) vous aide ma-

tériellement ?"R : "Non"

.0.

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102

Q "Et l'usine, est-ce qu'elle ne vous aide pas ?"

R "Elle, oui, elle s'occupe de nous, elle fait

venir un agent pour voir si des chenilles attaquent nos plantations et

elle envoie ce même agent pour mettre des médicaments au cas où il y a

effectivement des chenilles" •

Q "Que voulez-vous si on vous laisse choisir,

la Compagnie ou l'usine ? "

R "C'est l'usine, car un proverbe dit :"celui

qui rend visite fréquemment aux parents est aimé des siens"

Q "Alors approuvez-vous les conseils et l'aide

matérielle de l'usine ?"

R : "Nous les approuvons bien car cette action va

~QllS le sens de nos intérêts; c'est pour notre bien si elle dit de mettre

à l'abri les plants, de prendre des médicaments".

III-22 : ''Par exemple pour l'arachide, tout le monde sait

que l'année va être dure, donc également la Compagnie, pourtant elle n'a

pas envoyé des agents pour voir nos cultures ne serait-ce que pour nous

faire prendre des précautions vu la dureté de l'année. Ce que nous voulons

aussi de vous, c'est que vous parliez avec la Compagnie pour qu'elle mette,

comme l'usine, des agents il. la di:3position de ses planteurs"

Les agriculteurs y notent bien (en comparaison avec d'autres textes) que

la seule différence entre la Compagnie et l'usine est celle que nous ve­

nons de sign~ler. Différence qu'ils déplorent d'ailleurs car ils aimeraient

beaucoup que la Compagnie pratique la même politique que l'usine en la ma­

tière. D'ailleurs quand on leur propose le choix entre les deux, la pré­

férence se porte sur l'usine à cause de cela même.

o ••

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103

Il apparait que les agriculteurs semblent apprécier que ce

soit la même unité économique qui achète leurs productions et qui fournit

parallèlement l'assistance technique nécessaire pour les obtenir e Il est

de fait que ce schéma simplifié est beaucoup plus clair pour le paysan :

pour un produit déterminé il sait qu'il peut s'adresser directement à la

même entité que ce soit pour résoudre ses problèmes culturaux ou pour ven­

dre ses récoltese De cette façon, il ne se perd pas dans la multiplicité

des organismes qui s'intéressent plus ou moins au secteur agricole soit

au titre de l'encadrement, de la fourniture de biens de production, de

crédit agricole, soit au titre de la commercialisation ou de l'usinage de

ses produitse Cette simplifioation permet d'autre part une meilleure liai­

son entre le secteur agricole et l'extérieur, en particulier l'industrie e

En effet, ces relations directes entre les principaux intéressés et à tous

les niveaux qui affectent de près ou de loin la production permettent de

mieux connaitre les besoins et les nécessités, techniques et économiques,

des uns et des autres par les échanges qu'elles exigente De ce fait, il

pourra y avoir une régularisation de la production et, par là, des flux

monétaires, qui évitera aux uns (les agriculteurs) de se lancer dano des

voies sans issues et de se décourager dans leur désir plus ou moins expli­

cite de s'intégrer au circuit monétaire - et aux autres (les industries)

d'être à la merci d'un approvisionnement irrégulier tant en qualité qu'en

quantité qui se chiffre finalement en un prix de revient beaucoup plus

élevé qu'il ne faudrait, tout en évitant de passer par une série d'inter­

médiaires souvent beauooup trop coûteux par rapport aux services qu'ils

peuvent rendre e

Ceci étant, même si l'agriculteur est sensible aux ques­

tions de débouchés stables, de prix assurés, d'une assistance technique à

sa portée, il ne va pas se précipiter d'un seul coup sur une nouvelle for­

mule ou culture qu'on lui' propose comme c'est le cas de la tomate ovale

pour Ambato-Boéni et dont quelques textes peuvent éclairer la signification

00.

Page 111: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

104

d'une telle attitude.

iii) Attitude d'attente et d'observation de la

part des agriculteurs. Trois textes sont nets à cet égard, à savoir:

Ambato-Boéni :

111-5 : "Je n'ai pas encore fait (de tomate ovale) car je

suis en période de comparaison, mais maintenant que je suis en mesure de

connaître tout de cette culture, je pourrais commencer l'année prochaine".

111-7 : "C'est seulement l'année prochaine que je suis ca­

pable de vous dire si la présence d'une usine est un bien pour nous" (plan­

teur de tomate pour la première fois)

lII-26 : Il ••• Toute culture, surtout si elle est préconisée

par l'usine est bonne ••• A ce moment-là, cette idée n'était pas encore dans

ma tête, mais seulement après avoir constaté à l'heure actuelle le rende­

ment que je pourrais tirer d~ cette culture que j'arrive à comprendre et

à raisonner ainsi".

Ils indiquent clairement que 18s agriculteurs interrogés ont adopté une

attitude prudente à l'égard de la nouveauté que représentait la tomate

ovale. Prudente car ils attendent d,e voir comment ceux qui s 'y sont enga­

gés vont s'en sortir, quel rendement ils vont obtenir, avec quelle méthode,

quel va être le bénéfice d'exploitation, etc ••• Ce n'est alors que dans la

mesurù où ces résultats sont positifs ou leur apparaissent tels qu'ils

accepteront de s'y mettre vraiment.

La philosophie de cela est que l'agriculteur ne se lancera

pas inconsidérément dans une nouvelle spéculation agricole s'il n'est pas

sûr d'en retirer quelque bénéfice; cette certitude étant d'ailleurs

ooe

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..

105

appuyée sur une observation concrète des résultats de ses voisins. Une

autre conclusion, indirecte, qu'on peut en retirer est que l'entreprise

r1adagascar-Concerves ne fait pas pression sur l' agriculteur (relire

Ambato-Doéni = 1-4 par exemple) afin d'obtenir qu'il cultive pour l'ap­

provisionner. Elle se contente de lui proposer une sorte de contrat (non

formulé en tant que tel évidemment) par lequel l'agriculteur sait perti­

nemment que sa récolte trouvera un débouché à un prix fixé à l'avance et

connu de tous et qu'il aura une aide pour les méthodes culturales e Il est

donc fait appel à l'intelligence du paysan, à sa capacité de réflexion,

pour peser les avantages et les inconvénients des solutions proposées.

Cette méthode laisse donc la liberté de choix à l'intéressée L'inconvé­

nient sera évidemment la lenteur des réactions (due d'ailleurs en partie

à celle du cycle agricole étalé sur une année) qui fait qu'il faudra at­

tendre plusieurs saisons avant ~ue le mécanisme tourne convenablement et

sur une échelle suffisamment importante. L'avantage, en contrepartie, sera

que le p~san se décidera en définitive pour des raisons qui lui sont

propres. Il y aura donc après cela beaucoup moins de réticences, psycho­

logiques ou autres, à rester dans un nouveau circuit économique qu'il aura

choisi de lui-même. Nous retrouvons là sensiblement les mêmes conclusions

que nous faisions dans la p~emière partie (1) au sujet de l'attitude des

entreprises clevant l' incerti tude de la réaction des agriculteurs à letU'

égard. Mais c'est ici vu du côté des agriculteurs, ce qui prouve bien que

la méthode est employée telle quelle. Mais le plus intéressant à remarquer

est que ce style d'action a différents niveaux techniques et économiques,

utilisé en particulier par Nadagascar-Conserves se révèle être extrêmement

apprécié du milieu rural auquel il s'adresse com~e la plupart des textes

se rap1-ortant au critère "usine" de la zone d'Ambato-Boéni le prouve.

o ••

(1) Voir page 19 et sq.

Page 113: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

106

4) Conclusion : il est assez vraisemblable que CGt-cn atti­

tude est ga~éralisableo Eh offet, nous avons tout d'abord les réactions

d'P~balavola tout à fait opposées à Ambato-Boéni o Elles expriment &f-ûér&­

lelllent un mécontentement par rapport à l'usine, ème inco:TI.:;œéhension assez

tot~le vis-à-vis de Gon comportement et de son activité économiqueo El~~s

mette:lt aussi en évidence un certain nombre de besoins ou de dêsirs r:.nE

satisfaits provoquant une plus ~~ando déception par cette absc:lce Cé r8-

(,. ,

ponse de l'entreprise 0 Or on sai i; dt e:...ltl'e part voir la premièro ro.-~· "~.C)

qu'une dûs principales différences qui séparent Laborde-Lach,s,ize de r~",rj,,­

gascar-Conserves est précisément que la première so contente d'u'ci) i3C~' ch-;;:;

moyens pU:'ement économiques :pour s' approvisio~mer auprès de 1: agriel,-it L.::'O

alorE que l'autre possède toute une gamme à la portée du paysan Œoycn et

qui soit susceptible de l'attirer à la -production désirée o On n'ou1Jlier.:1

pac égslement la différence d'attitude envers la Compagnie et l'us~ne

ct.an'3 ~_a zone d'Amba.!;;0-Eo3ni qui, nous l'avons vu, provient surtout de IL

divergeno8 dans la politique ('.: 2.C~S is-L:tnne tecbnique aupr ès d-cl I-'<:'.Yf'é'r.:~1.r- +. ,

;, onsefTlblG dE. ces faits appara.ît c~onc convergent : ils prouven'L bÜ,l1 qvP.

du cûté do l'~gTiculteur - on 83t très sensible à la façon dont l'~~tr~­

prise St présente ot dU genre d'action qu'elle peut mener o A :9riori~ le3

egl'icl:1-l;eurs sont loin d'être réfractaires lnais se laisseron~ con.duire pé..é

des ~onnées ~bjectiveso Aussi il se~ble bien qu'il soit nécessaire çue

l'usine se donne la peine d'a,roir une actio~ t~ la portd8 des egricultfl'J":::'s

a~ticn qui n'aura rien de spectaculaire et pour laquelle il faudra eïr.p1 C'P:T'

du tBmps mais qui, a partir des exemples que nous avons analysés, p~rQît

être:: le seul rnoycm sérieux et durable pour que la présence d 71.m:- Gn"c:.· ..}­

prise en milieu rural ait des répercussicns positives dans celui-c:' C:J,.!·

il 8At bien éviàent qu'elle ne 88 fera écoute~ que si elle BO mat ù B~

portée.

Pou!' ce faire, il faudra d'ailleurs quc: l'uc.;;.ne rt.:~~nlJdG "­

un certain nombre de besoins et cie désirs latents chez les agricult~n,'r;= c·b

dont les plus :mportants se sont exprimés dans les enregistrementQ ,

".0

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107

1lassur~nce d'avoir des débouchés afin de pou­

voir prendre suffisamment à temps la décision

de production tout en ayant un minimum de chance

de réussite (il ne faut pas oublier que~ dans

les conditions économiques où la plupart des

agriculteurs travai11ent~ il serait bien impro­

bable que beaucoup d'industriels prennent des

décisions de production : ce qui est vrai pour

les uns ne pourrait-i1 l'être pour les autres ?)

l'assurance d' avoir un prix suffisamment rémuné­

rateur et stable: l'assurance des débouchés

n'est en effet pas suffisante pour donner à l'agri­

culteur un revenu monétaire convenab1e~ il faut

encore que les fluctuations de prix ne soient pas

excessives et qu'elles ne descendent pas au-des­

sous d'un certain niveau qui détournerait l'agri­

cu1t0vr d'intégrer son activité professionnelle

au secteur monétaire et de s'y développer norma­

1ement.

une assistance technique qui lui donne les mqyens

de réaliser pratiquement ses productions. Ceci ne

signifie pas d'ailleurs qu'il faille une assis­

tance lourde et importante car elle aurait alors

de fortes chances dlécraser~ par son propre poids,

ceux à qui elle s'adresse~ mais une assistance

qui soit adaptée chaque fois aux besoins des agri­

culteurs et qui se présente sous une forme qui

soit assimilable par eux •

•• •

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108

un désir de clarté et de simplification de ses

rapports avec les agents extérieurs du dévelop­

pement car l'agriculteur se rend très bien compte

que les rapports directs entre intéressés sont

les plus (0 fficaces et les utiles pour chaoune

des deux parties qui peuvent en retirer un avan­

tage l'unI':: et l'autre.

d) Conclusion

Cet essai d'analyse sociologique d'un milieu rural vu sous

l'angle des comportements économiques nous a fait constater qu'au moins

dans l~s deux zones étudiées, Ambal~vola et Ambato-Boéni, nombre d'agri­

culteurs se trouvaient psychologiquement intégrés, plus ou moins partiel­

lement, au secteur économique moderne. Même si les motivations de l'acti­

vité sont loin de correspondre à celles d'une mentalité qu'on pourrait

qualifier da moderne, on a pu observer que, de toutes façons, elles de­

vaient passer pour leur réalisation par l'acquisition puis la réutilisa­

tion du la monnaie. Cette observation très importante signifie que même

si le comportement conscient reste apparemment traditionnel - le compor­

tement de fait intègre déjà toute une partie de la vie de l'agriculteur

au circuit monétaire. l~ais nous avons noté plus loin que bien des agri­

culteurs se rendaient compte en réalité de leur situation propre dans

l'économicl générale, qu'ils avaient compris certaines notions essentielles

concernant l'utilisation de l'argent, le mécanisme des prix, la sanction

du profit (ou la perte)D Nous avons vu également qu'à partir des éléments

économiques dont ils disposaient, ils étaient capables de faire des cal­

culs de rûntabilité relativement valables pour asseoir leur prévision de

production sur des bases solid0s o En définitive, cette prise de conscience

de la vie économique du monde actuel amène normalement les agriculteurs

•••

Page 116: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

109

à vouloir la concrétiser dans les faits c'est-à-dire à chercher à inves­

tir, à faire circuler l'argent pour progresser et améliorer son niveau de

vie.

DaLs ce cadre général du comportement économique des agri­

culteurs, leurs réactions vis-à-vis des entreprises selon l'attitude de

chacune d'entre elles s'éclairent alors très biene L'acceptation ou le

refus de ces unités économiques, leur faveur ou leur défaveur dans leur

milieu rural respectif semble devoir venir, après analyse, de la conscien­

ce qu'ont les producteurs de matières premières de l'utilité ou du désa­

vantage que peuv0nt leur apporter sur le plan économique de telles usinese

o.e

Page 117: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

110

CONCLUSION

De la comparaison de l'analyse chiffrée et de l'analyse

sociologique, il résulte un certain nombre de convergences assez notables.

Le besoin d'argent, l'insuffisance de revenus monétaires provenant de

l'agriculture sur lesquels les producteurs ont insisté, se retrouvent au

niveau de la structure de leurs budgets où une part non négligeable de

leurs ressources provient d'autres activités, principalement là où le re­

venu monétaire agricole paraît le plus instable et le moins sûr (zone

d'Ambalavola). La part minoritaire mais déjà assez forte des biens manu­

facturés dans l'emploi des ressources monétaires telle que nous l'ont

révélée les budgets confirment ce que les agriculteurs disent ou révèlent

par leurs réflexions sur leur intégration actuelle et future au reste de

l'économie. Une seule distorsion importante nous est apparue dans les ré­

sultats de nos deux enquêtes à savoir la faiblesse des achats en biens de

production, tels qu'ils ont pu être chiffrés, confrontée au désir exprimé

par maints agriculteurs d'employer une partie de leur argent à ce genre de

dépens~s. A notre avis, ceci doit s'expliquer par le fait, observé par ail­

leurs, d'une insuffisance d'épargne monétaire stable pour songer à se lan­

cer dans ces opérations (cas principalement d'Ambalavola) mais également

sans doute par l'habitude de recevoir certains de ces biens de production

soit gratuitement, soit remboursés en nature au moment de la récolte (cas

d '.Ambato-Boéni surtout) ce qui ne pouvait évidemment apparaître dans des

budgets concernant uniquement les ressourèes et emplois monétaires (1) •

•••

(1 ) Nous avons délibérément insisté sur les éléments positifs (économique­ment parlant) qu'on pouvait retirer de cette analyse. Ceci ne signifiepas pour autant qu'il n'y ait pas de faits négatifs bien au contraire 1nous avons pu constater l'importance des motivations traditionnelles,l'emploi d'argent dans des circuits détournés, sans valeur économique.Mais tout ceci était bien connu et classique et empêchait de constaterl'autre aspect non moins vrai de ce qui constitue le monde rural quenous avons tenté d'observer.

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111

Enfin sur le plan plus particulier des relations des agri­

culteurs avec l'entreprise, l'analyse de budgets nous a montré qu~ l'im­

pact monétaire de l'usine était faible principalement pour les Etablisse­

ments Laborde-Lachaize en faveur de qui jouait pourtant une installation

beaucoup plus longue dans le pays. L'analyse des réactions des agricul­

tburS confirme par ailleurs les conclusions qu'on n'avait pu tirer de la

première partie. L'absence ou la présence de liens économiques provient

en fait du comportement de l'entreprise dans l'action qu'elle mène ou non

auprès du milieu agricole qui doit l'approvisionner normalement. Action

qui, en elle-même, à strictement parler, n'a rien d'économique mais qui,

par ses répercussions t8chniques et ps,ychologiques finit par se traduire

dans des faits économiques indubitables. Ceci, parce qu'il est apparu que

les agriculteurs liaient assez nettement les deux. Ce fait peut bien sûr

s'expliquer par une besoin de relations personnelles avec l'interlocuteur

quel qu'il soit pour éviter un anonymat auquel l'agriculteur répugne plus

ou moins. Mais nous pensons, à travers les textes que nous avons récoltés,

qu'il a aussi conscience de son impuissance à démarrer de lui-même une

action agricole. Ceci non par incapacité personnelle mais parce qu'il ne

possède pas un niveau t~chnique suffisant pour améliorer sensiblement sa

production, et que, d'autre part, il se sent faible et démuni pour lutter

contre un système commercial qui lui mesura chichùment son revenu monétai­

re : il n'a pas alors vraiment l'impression que celui-ci soit toujours à

la mesure de l'effort qu'il fournit. Aussi, il nous semble que tout l'ave­

nir des relations économiques des agriculteurs avec l'usine, et, plus

généralement, avec les autres secteurs de l'économie, dépendra des solu­

tions qu~on apportera à ces problèmes pour supprimer ces blocages. Ceci

dit, il est bien évident qu'on n'aura pas résolu pour autant le dévelop­

pement agricole mais cet assainissement et cette clarification nécessaires

pourront y aider puissamment dans la mesure où ils répondent à un besoin

assez fort des agriculteurs.

000

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..\

112

Avant de terminer cette seconde partie, il faut rappeler

que toutes les conclusions que nous en avons tirées s'appuient essentiel­

lement sur deux zones rurales. Elles ne sont donc pas obligatoirement gé­

néralisables. Nous noterons s'implement que les convergences observées en­

tre ces deux zones extrêmement différentes à bien des égards peuvent 6tre

un indice favorable dans le sens de la généralisation.

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,­'1

SYNTHESE

113

Page 121: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

1",

114

L'analyse successive des milieux industriels utilisant des

produits agricoles puis de quelques milieux ruraux correspondant nous a

permis de constater, au moins dans les cas que nous avons étudiés, deux

formes de relations assez différentes.

La première est constituée de liens (si l'on peut parler

ainsi) purement et uniquement économiques. C'est-à-dire que l'usine (ou

ses agents) d'un côté, l'agriculteur de l'autre, se présentent sur le mar­

ché pour acheter et vendre. Les seules indications que pourra avoir l'agri­

cul teur viendront donc du prix et des quanti tés achetées. Par ailleurs, ce

simple fait prouve que l'usine n'a aucune position privilégiée, qu'elle

se présente au milieu d'autres acheteurs et que, par conséquent ses propres

incitations, même simplement économiques, seront peu sensibles pour le pro­

ducteur d~ matières premières. D'où provient cette situation? D'après

l~analyse, il semble qu'il y ait principalement deux causes. Tout d'abord

le fait qu'au départ il exis te une production déjà largement suffisante

pour que l'usine puisse s'y approvisionner sans autres difficultés. Il est

évident que dans ces conditions, l'industriel n'ait même pas eu l'idée

d'agir autrem~nt que d'aller se présenter sur le marché, c'est la réaction

normale en l'occurrence. Une autre cause peut alors renforcer cette ten­

dance, à savoir l' insuffiàance de financement propre de l'entreprise. Dans

ce cas, celle-ci limitera au mieux ses immobilisations et aura tendance à

faire tourner ses oapitaux au maximum et donc à se comporter un peu comme

une entreprise commerciale, ce qui ne l'incitera pas à rechercher d'autres

liens qu'économiques avec ses fournisseurs.

Il est alors apparu que la réaction des agriculteurs était

assez négative. En ce sens d'abord que l'usine représente pour eux un mon­

de totalement étranger dont ils ignorent les mécanismes et qui est assez

peu présent dans leurs préoccupations. ~ais cette attitude actuelle semble

être le résultat de déceptions vis-à-vis de l'usine; déceptions qui

o ••

Page 122: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

115

proviennent essentiellement du fait que, matériellement, les agriculteurs

étaient bien incapables de s'adapter (1) aux variations rapides et impré­

visibles de l'usine, provenant elles-mêmes des variations correspondantes

de sa demande de produits finis. Les résultats les plus clairs de cette

inadéquation de l'offre et de la demande sont les fluctuations continuel­

les des prix et des débouchés entraînant pour le paysan une incertitude

également continuelle sur l'évolution de son revenu monétaire. Il en dé­

coulera logiquement un certain repliement sur soi du secteur qui ne commer­

cialisera que le strict nécessaire et aura même surtout tendance à recher­

cher des sources d'argent ailleurs que dans la vente de produits agrico­

les o Dans les deux cas, cela ne favorisera guère la meilleure intégration

aux autres secteurs de l'économie o

Mais il ne faut pas oublier que cette réaction négative

peut avoir des répercussions non négligeables sur l'usineo De ce fait, elle

risque en effet d'avoir des difficultés de plus en plus grandes d'appro­

visionnement. Cela se traduira en définitive par un coût de la matière pre­

mière plus élevée (et donc par une diminution des charges bénéficiaires)

que ce soit par exemple pour une nécessaire extension des zones d'appro­

visionnement un circuit commercial plus lourd - une moins bonne qualité

des produits à traiter - etc •• o Mais, dtaprès ce que nous avons pu obser­

ver, les entreprises qui se trouvent dans ce cas n'ont vu que très lente­

ment évoluer cett8 situation. Aussi, elles n'ont pas eu tendance à modi­

fier profondément leur comportement vis-à-vis du produoteur même quand

elles le pouvaient (financement propre relativement important) dans la me­

sure où ell~s ne sentaient pas leur approvisionnement menacé de façon

gr·ave.

D ••

(1) Du fait des caractéristiques même de la production agricole.

Page 123: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

116

En SOmn8, co typ~ de relations ontr8 l'agriculture et l'in­

dustrie où c8tte dernière se comporte vis-à-vis de la première à peu près

comme une entreprise commercialb, apparaît surtout néfaste au secteur rural.

C'~st lui 8n effet qui supporte le plus durement les variations des débou­

chés des produits industriels sans pouvoir les maîtriser. Cela tend évi­

demment à le rejeter, économiquement et psychologiquement, du secteur mo­

nétaire et donc à freiner considérablement ses possibilités de développe­

ment bien que le désir en soit réel.

Nous avons observé par ailleurs que d'autres usines avaient

outre des liens économiques évidemment nécessaires, d'autres types de re­

lations avec le secteur agricole local qui doit les approvisionner. Celles­

là privilégient en quelque sorte l'usine aux yeux des agriculteurs parce

qu'elles se présentent sous deux formes assez communes mais qui répondent

à quelques-uns de leurs désirs profonds en la matière. Ces formes sont les

suivantes g d'abord une assistance technique et matérielle pour indiquer à

l'agriculteur comment produire le mieux et le plus possible (répondant à

la conscience qu'à l'agriculteur de l'insuffisance de sea méthodes et moyens

de productions) - ensuite une assurance donnée sur les débouchés et les

prix fixés à l'avance (donnant ainsi une bien meilleure certitude sur le

volume monétaire). Les raisons qui ont poussé les industriels à agir de

cette façon sont exactement à l'opposé du cas précédent. Les usines se

sont en effet trouvées devant une carence de la production sans même pou­

voir la compenser par un système du genre concession. Elles ont donc été

obligées de mener une action dans le milieu rural local. Action qui, d'ail­

leurs, ne pouvant être une politique plus ou moins coercitive, a du ima­

giner d'autres moyens pour attirer les éventuels producteurs. Tout natu­

rellement, semble-t-il, ces moyens se sont trouvés parmi ceux qui pouvaient

le mieux répondre aux besoins des agriculteurs (1) (ce qui prouve d'ailleurs

...(1) Cela ne signifie pas que ces moyens soient les seuls utilisables ni

que ce soit une "panacée" universelle.

Page 124: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

117

que ces besoins ne sont pas du tout ignorés quand on le désire). On remar­

quera d'autre part que ces actions n'ont pu être menées que dans la mesure

où le volume de financement propre des entreprises intéressées était suf­

fisant pour leur permettre de mener une action étendue sur plusieurs an­

nées et dont la rentabilité, même non immédiate, n'était pas évidente du

tout. Dans le cas contraire, il est vraisemblable ~u'elles n'auraient rien

fait car leurs frais généraux auraient alors été trop lourds par rapport

à leurs dimensions.

Les réactions, constatées, dGS agriculteurs à ce genre

d'action sont apparues assez po~itives comme l'on pouvait s'y attendre

étant donnés les besoins qu'ils ressentent. En effet, à l'inverse de ce

qui se passe ailleurs, ces agriculteurs apprécient les relations qu'ils

ont aveo l'usine avec laquelle d'ailleurs ils se sentent plus liés et

dont ils comprennent mieux le comportement. De ce fait, ils auront plus faci­

lement tendanoe à passer par l'agTiculture et la vente de produits pour

se produrer leur l'evenu monétairG. Par là, ils intègreront mieux: l'agri­

culture dans les circuits économiques normaux et faciliteront son dévelop­

pement ultérieur. Cependant, les conséquences économiques plus directes

qui proviennent de ce t,ype de relations sont déjà importantes en elles-

mêmes : elles simplifiant en effet considérablement le circuit économique

entre la production de matières promières et son utilisation industrielle

en éliminant un certain nombre d'intermédiaires plus nuisibles qu'utiles

et qui ne faisaient qu'augmenter le coût de la matière première "rendue­

usine" sans pour autant améliorer le rGvenu de l'agriculteur, c'est donc

un gain pour celui-ci et une économie pour celle-là. D'autre part l'exis­

tence de liens assez directs entre le secteur rural et l'entreprise permet

de régulariser la production agricole, de mieux: la guider progressivement

vers les spéculations les plus intér3scantes tant du point de vue de l'agri­

culture que de celui de l'économie générale évitant des pertes et des

contre-temps toujours coûteux. En l'occurrence, l'usine joue ici le rôle

•••

Page 125: RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr

118

d'écran filtrant entre le reste de l'économie et l'agriculture. Le dévelop­

pement de celle-ci est en effet freiné en partie pour des raisons extérieu­

res à elle et contre lesquelles, d'elle-même, elle ne peut rien faire e Il

fallait donc que ce fut de l'extérieur qu'on essaye de faire disparaître

ces obstacles 0

En définitive, il ressort de cette analyse que ce second

type de relations, autre que purement économique a d'assez bonnes réper­

cussions tant sur le milieu rural que sur l'usine qui l'instaure o De par

lui-même, il a tendance à mieux faire entrer l'agriculteur dans le circuit

monétaire en faisant appel à sa réflexion et en respectant sa liberté de

choix ce qui, tout en évitant tout blocage psychologique, rendra sa déci­

sion, celle-ci une fois prise, beaucoup plus durable dans l'avenir.

**

De la comparaison de ces deux types de relations différen­

tes entre l'agriculture et l'industrie on peut tirer quelques conclusions

intéressantes.

1 - Tout d'abord, il apparaît que l'entreprise est un agent

actif alors que l'agriculture aurait plutôt tendance à êtDe passi.e o En

effet dans les deux catégories de cas observés, l'agriculture réagit à une

situation donnée, fixée ou voulue par l'entreprise. Elle ne semble absolu­

ment pas avoir la moindre initiative surtout lorsque la situation lui est

plutôt défavorable. Il y a plusieurs causes à cela: il faut noter en pre­

mier lieu que l'entreprise est un seul centre de décision alors que l'agri­

culture est formée d'une multitude de centres de décisions plus ou moins

autonomes, l'esprit communautaire ne jouant pas tellement dans les zones

étudiées. Ensuite l'entreprise a été créée dans un but précis: rentabi­

liser les capitaux que les propriétaires y font entrer en satisfaisant les

•• 0

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119

besoins d'un ou plusieurs marchés déterminés. L'agriculteur est là parce

qu'il y est né et qu'il y vit: en dehors d'une certaine marge étroite,

il n'a ~as choisi cette activité qui s'est imposée à lui comme la seule

possible quels que soient les revenus qu'il peut en retirer. L'entreprise

doit d'autre part vivre obligatoirement dans un système d'échange sans

quoi elle disparaîtrait rapidement. Au contraire, ces échanges ne sont pas

vitaux pour l'agricultetœ qui peut se replier en grande partie sur l'auto­

consommation si les échanges monétaires ne lui apportent pas suffisamment.

Enfin, l'usine peut beaucoup plus faoilement maîtriser le milieu écono­

mique environnant; il n'en est pas de même pour l'agriculture qui, de par

ses caractéristiques, reste très dépendante des conditions économiques

qu'on lui fait parce qu'elle maîtrise encore mal les instruments dont on

se sert (bien qu'ayant assez nettement conscience de leur rôle) en la ma­

tière. Cela est d'ailleurs tout à fait compréhensible car elle reste en­

core dans un système psycho-sociologique traditionnel du fait que, jusqu'à

présent, consommation et production sont assez peu dissociées au niv0au

de l'individu. Nous voulons dire par là quo l'individu consommant ce qu'il

produit (en partie sinon en totalité) est peu tourné vers l'échange. Or

il est bien évident que celui-ci est né d~ la dissociation entre ces deux

fonctions importantes de l'activité humaine. Au fur et à mesure que la

spécialisation de chacun augmentait rendant les échanges plus nombreux et

plus compl~ùs, il a fallu la présence d'un médiateur universel, le signe

monétaire, pour résoudre les problèmes cowne ne pouvait pas le faire le

troc par exemple. Dans cette sorte d'évolution qui a permis un progrès

économique, il s'avère que l'agriculture est en queue et l'entreprise à

l'autre extrémité d'où les àistorsions que nous avons pu constater. Ainsi

d'après son histoire et ses structures internes propres, il ne semble pas

que l'agriculture puisse au départ jouer un rôle actif dans le développement

•••

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120

économique (1)0 Des agents économiques extérieurs lui seront toujours né­

cessaires pour favoriser ce qu'il y a de positif en elle et l'aider à

démarrer sérieusement. Dans cette perspective, l'usine de produits agri­

coles peut jouer un rôle très intéressant quoique incomplet pour agir di­

rectement sur l'agriculture, en être un élément actif qui l'attire dans

le sens du développement économique général.

Tout ceci ne signifie pas que l'agriculture soit totalement

passive pour autant. En effet nous avons pu constater dans les zones rurales

étudiées qu'il existait un désir assez net du signe monétaire pour pouvoir

l'échanger contre des biens ou des services et que les agriculteurs étaient

tout à fait capables de comprendre les principaux mécanismes économiques

et donc de les utiliser s'ils en avaient les moyens. Il y a par conséquent

dans ce secteur rural des possibilités réelles de développement économique

mais qui reste à l'état de potentialités latentes et dont il faut par con­

séquent favoriser l'expression.

2 - Ce fait que l'entreprise est un agent actif s'est ma­

nifosté de deux manières soit qu'elle utilise des incitations purement éco­

nomiques (et à la façon libérale) - soit qu'en plus de celle-ci, plus ou

moins transformée, elle en utilise d'autres. Dans la comparaison de ces

deux cas, on a pu constater assez nettement que les agriculteurs préfé­

raient de beaucoup la seconde méthode à la première. Ceci est, au fond,

tout à fait normal si l'on regarde de près les conditions économiques ha­

bituelles qui leur sont imposées. Nous ne développerons pas ce point que

nous avons déjà examiné, nous insisterons simplement sur ce fait qu'elles

sont telles qu'elles freinent très sérieusement tout développement

o ••

(1) Cela ne veut pas dire qu'elle ne peut jouer aucun rôle, l'histoire éco­nomique semble devoir montrer en effet que, assez souvent, le dévelop­pement a été financé par l' agriculture mais en faisant plus ou moinspression sur elle, directement ou non, pour obtenir les capitaux qu'elledétenait mais qu'elle n'utilisait pas dans ce sens.

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121

économique de l'agriculture et que tout changement en la matière est bien

accueilli d~ celle-ci.

Il faut noter qu'une autre raison de cette attitude est que

lab~icultGLœ se sent techniquement démuni et que, par là, il n'ose pas

toujours aborder de nouvelles spéculations, il a donc le désir dtune aide

en ce domain~ qu~ Il action purement économique ne peut lui fournir.

Plus généralem,mt, le paysan se trouve inséré dans un mon­

de traditionnel qui ne p~ut lui procurer les moyens techniques et écono­

miques, dont il ressent parfois fortement le désir, pour s'intégrer au

circuit monétaire. En conséquence il a tendance à se tourner vers l'exté­

rieur pour qU0 celui-ci supplée, au moins provisoirement, à ces carences.

Les suppressions de l'une et de l'autre sont d'ailleurs très étroitement

liées. Il ne servirait en effet de rien de pratiquer une politique écono­

mique satisfaisante pour l'agriculteur si celui-ci ne pouvait founir,

faute de mOY8ns techniques, la production demandée par l'entreprise.

Il est nécessaire de rappeler enfin que cette action de

l'entreprise doit se situer au niveau de compréhension de l'agriculteur

et prendre dans c~ but des formes adéquates. En particulier si l'action

t0chniqué se situe à un niveau trop élevé pour les agriculteurs, c'est-à­

dire quend elle emploie des moyens modernes en trop forte distorsion avec

les possibilités locales (le tracteur par rapport à l'angaqy par exemple),

ils considéreront, assez justement d'ailleurs, que ctest une affaire qui

ne les concerne pas, qui est inapplicable à leur horizon psychologique et

économique (1). AUSGi d~Vl'a-t-on être très attentif à la méthode choisie

•••

(1) Un exemple, caractéristiquG et classique à ce sujet, est celui des ou­vriers travaillant sur des concessions européennes selon des teohniquesmodernes qui, de retour sur leurs propres terres, ne voulent ou ne peu­vent appliquer ces techniques qu'ils connaissent, même quand elles sontà leur portée (par exemple la fabrication et l'utilisation intensive dufumier)

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122

pour qu'el18 emploi0 un langage clair avec le p~san. Les moyens utilisés

seront donc simples et peu spectaculair~s.Il ne s'agit pas en effet de

bouleverser dG fond en comble les méthodl~s d0 production mais de les adap­

ter progressivement de telle façon quo cela réponde à un besoin de l'agri­

culteur (qui existe en l'occurrence) plutôt que d'être artificiellement

impos~ dG l'extérieur CG qui risquerait alors beaucoup de le bloquer psy­

chologiquement en renforçant ce qu'on pourrait appeler ses tendances tra­

di tionnelles •

Avant de terminer ce paragrayhe, nous noterons que les deux

expériences que nous avons étudiées respectaient à notre connaissance la

liberté do décision et de choix de l'agriculteur. Ceci nous semble très

important si l'on veut que pareille action en milieu rural ait des réper­

cussions durables ~t solid0s par l'intériorisation que fera lui-même le

paysan. La contrepartie est évidemment la lenteur des résultats mais l'ex­

périence semble montrer que, en définitive, c'est payant.

3 - Ces différentes modalités des actions menées par les

industries agricoles ont, d'autre part, tendance à clarifier, à simplifier

les relations économiqu13s qui existent entre l'agriculture et le monde ex­

térieur. En effet, pour une catégorie de yroduits bien déterminés, les

différuntes actions à mener auprès de l'agriculteur le sont par une seule

et même unité (ici l'usine mais ce pourrait être tout aussi bien autre

chose). Celui-ci sait donc à qui s'adresser pour tout c~ qui le préoocupe

~ propos de cette production. Il n'y a plus cette multitude d'organismes

entr8 l~squels le paysan' ne savait pas trop choisir pour tal problème

~récis, ce qui ne l'encourageait guère à entreprondre quoi que ce soit.

Nous rappellerons également que ces relations direotes entre les deux par­

tenaires permettent de faire des économies assez importantes en raocourcis­

sant le circuit monétaire.

• ••

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123

4 - L'étude du milieu industriel nous a permis d'observer

que, si ~'usine était un agent actif, son activité autre que purement éoo­

nomique n'était rendue possible que si la structure de son financement

était t~lle que la dimension de ses capitaux propres l'autorisait à enga­

ger C8 genre d'actions à rentabilité non immédiate. Cela est tout à fait

compréhensible si l'on songe qu'une entreprise ayant de faibles capitaux

propres a intérêt à les faire tourner assez rapidement et qu'elle ne peut

engager une activité dont l'intérêt n'est pas des plus évidents et qui né­

cessiterait un appel de fonds à l'extérieur risquant de la rendre plus ou

moins dépendante de ce dernier. Aussi bien il est certain que la struc­

ture de financement de l'usine va avoir une influence sur l'aspect de ses

relations avec l'agriculture dans la mesure où elle lui permettra d'être

ou non véritablement active avec celle-cio

Cependant si une certaine dimension des capitaux propres

industriels apparaît db cette manière absolument nécessaire à un t,ype

déterminé de relation avec l'agriculture, nous avons vu que cette condi­

tion n'était pas suffisante o En effet il semble bien que l'entreprise

doive être en quelqu~ sorte forcée par les événements (en particulier

l'insuffisance de l'approvisionnement en matières premières)pour agir

en milieu rural et agi~ de tellb façon que celui-ci réponde positivemento

Cela exige le style d'action déjà décrit plus haut.

Mais celui-ci demande en définitive que l'usine possède

un curtain volant de sécurité dans l'approvisionnement chargé d'absorber

les à-coups provenant soit de l'offre de produits du secteur local soit

des variations des débouchés industriels afin que, de toutes façons,

l'agriculteur ne supporte pas ou peu les conséquences de telles fluctua­

tions qui auraient alors tendance à l'éloigner des productions utilisées

par l'usine. En définitive, ce rôle d'écran entre l'agriculture et le monde

extérieur que nous avons défini précédemment n'est donc réalisé que si

o ••

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124

l'approvisionnement en matières premières est insuffisant et si la struo­

tur~ du financem6nt de l'entrepris", lui permet d'agir de cette manière.

** *

Ainsi, pour des raisons propres à la fois au secteur rural

et au secteur industriel, les relations qui se créent entre eux deux au

niveau de l'industrie agricolo peuvent être fastes ou néfastes pour l'agri­

culture mais également pour l'industrie par contre-coup de ce qu'elle peut

faire ou non dans son secteur d'approvisionnemunt. L'usine qui joue le rôle

moteur peut donc être dans le premier cas un ag~nt important (mais pas

unique) du développement de l'agriculture, de sa meilleure "intégration au

circuit monétaire - dans le second cas ello düviont un élément nul ou même

négatif car, même inconsciemment, elle contribue, par fJon inaction involon­

taire ou non, à maintenir l'agriculteur dans son rôle traditionnel de four­

nisseur de matières premières entièrement soumis aux pressions économiques

externes, le dissuadant ainsi d~ tout effort sérieux do développement

quoiqu'il en exprime souvent le désir. Par conséquent bien que ces rela­

tions ne soient pas à sens unique elles prennent une tout autre dimension

pour l' agriculture que pour l' inclustrie. Pour c8l1e-ci en effet, il s'agit

seulement d'acheter pour transform<:œ, puis vendre en gagnant de l'argent

dans l'opération. Par contre, l'enjeu est beaucoup plus important pour sa

partenaire puisqu'il est alors question de son développement économique

qui sera ou non favorisé par de telles entreprises. Il faudra donc être

extrêmement attentif à ce que celles-ci aient les possibilités, les moyens

et la volonté pour qu'ellos soient des facteurs de progrès pour l'agri­

culture puisqu'elles peuvent l'être.

DoO

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125

Ceci étant, on peut se poser la question de savoir si

l'usine de produits agricoles est un moyen de développement privilégié

pour l'agriculture ou non. Nous avons vu en effet que si l'usine allait

dans ce sens là elle avait trois fonctions essentielles

d'abord de faire écran entre le monde extérieur

et l'agriculture en protégeant celle-ci des

fluctuations aberrantes de celui-là

ensuite d'être une distributrice de revenus moné­

taires et do techniques, ce qui permettrait alors

de mieux intégrer l'agriculture au circuit moné­

taire.

enfin de mieux clarifier et simplifier les rel&­

tions de l'agriculture avec le reste de l'écono­

mie et par là de randre son développement acces­

sible à un plus grand nombre de paysans.

Ces trois fonctions telles qu'elles sont définies, ne sont

pas l'apanage de la seul~ industrie. Par exemple, un système commercial

bien conçu et adapté à ce but pourrait tout aussi bien faire l'affaire.

Il ~eut également amortir les variations économiques externes, distribuer

de l'argent et une assistance t0chnique de façon intégrée et de la sorte

rendre les rGlations de l'agriculture avec les autres secteurs beaucoup

plus directes et simples.

Cependant, même en tenant compte de ceci, d'autres raisons

font que l'usine,quand elle est possible, est préférable à l'unité commer­

ciale. En effet une industrie quelconque exige, pour tourner, des immobi­

lisations beaucoup plus importantes que son équivalent commercial ainsi

qu'un minimum de personnel permanent. Par conséquent, elle assure dans le

00.

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126

milieu rural ~e présencG durable beaucoup plus forte. Par ailleurs elle

est beaucoup moins tentée de se déplacer et db partir si un certain t,ype

de production ne convient plus p elle cherchera de préférence à se reconver­

tir sur placG (ce fut par exemple le cas de Madagascar-Conserves) conti­

nuant ainsi à ~ssurer une présence en milieu agricole en lui offrant ainsi

d'autres possibilités de revenus. D'autre part il y a les raisons même

de son existe~çe qui sont la transformation des produits agricoles p trans­

formation qui, dans la plupart des cas, donne une plus grande durée au pro­

duit et permet d'en étaler la vente sur une période beaucoup plus longue

que pour la matiàre premièreo Ces raisons font donc p que p plus naturelle­

ment que le ~~tème commercial p l'usine a tendance à faire écran entre

l'agriculture et l'extérieur (ce qui ne veut pas dire qu'ello le fasse

automatiquemEJflt) etl régularisant plus ou moins les flux qui passent par

elle o

Il ressort en définitive que si l'entreprise n'a pas obli­

gatoirement un rôle privilégié à jouer dans le secteur agricole p il peut

y être important surtout étant données ses caractéristiques propres par

rapport au secteur commeroial auquel elle peut valablement se substituer.

Mais de toutes les façons p il est bien certain que l"usine est insuffisan­

te à elle seule pour assurer le démarrage du développement économique agri­

cole. mout d'abord parce qu'elle se place à un seul stade de l'échange

monétaire, c'est-à-dire à la vente de produits agricoles et que de ce fait

elle n'assure pas automatiquement le retour de l'argent ainsi distribué

dans le circuit monétaire. Ensuite parce qu'on ne p0ut faire partout des

usines de produits agricoles pour la simple raison que ceux-ci ne sont

pas toujours destinés à subir une transformation industrielle. Ainsi, à

la différence par exemple du crédit agricole p l'action industrielle n'est

possible que pour des produits et des zones rurales bien déterminées p elle

n'est pas généralisable à l'ensemble de l'agriculture.

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ANNEXES

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..... - "

LOCALISATION DES INDllSTRIES AGRICOLES I!.TUDIUS. ET D~ LIi.UR, APPRGVlSIO""EMLMT

• =1 SARPA 1= Uaine.

)( ~ ~nllfu'CfIc.BlEUFS d·QPP.'OYIS'Onnement.

. nllll ~tucllQa oLnatUrIl da celui·c;

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TABLEAU l

EVOLUTION llŒICIAIRE DES QUANTITES ET DES PRIX

..

Années

LAIDRDE-LACHAIZE

Ind. Prix(Pr .animaux

Pr.finis (pr.végétaux(Ensemble

(Pr .animauxMat .Prem.(Pr .végétaux

(Ensemble

Ind. VolumePr.animaux

r.rat .Prem. Pr.végétaux(Ensemble

(Pr •animaux(Pr .végétaux(Ensemble

SARP A

Ind. Prix(Viande

Hat .Prem. (Riz

P f "· (Viander. J.n~s (Riz

Ind. Volume(Viande

Mat.premO(Riz

(ViandePr .finis (Riz

FITIM

Ind.PrixMat .prem.(Jute

(PakaProd.fin~Ensemble,

~ Ind. Volume" Mat .Prem o Jute

PakaPr.finis (F~semble

111

111

111

111

111

111

59 60 61 62 63 64 65 i: Mqy:

! 1 !!! !

! Il 1!0,99 1,06!1,05!1,07 1,07!1,14 1,03!I1,051!1,09!0,92!1,11!0,99 1,18!1,05 1,10!I1,05!! 1,03! 1,02! 1 ,0811 1,09! 1 ,05! 1 ,05! li ,04!i i i i "'"0,89~1,09~1,13;1,10 1,09~1,05;1,07;~1,05;

1,05"1,24; 1,22~ 1,24 1,38; 1,50; 1,32 ; j1,24;0,92 1,10i1,14i1,10 1,11i1,09i1,09i!1,07j

!! I!!! 1" i i Yi i

1,12 1,25; 1 ,49; 1,28, 1 ,70; 1,65;3,08;; 1,57j,1,09 1,51~1,21~1,75i1,88;2,26;2,43ii1,641i 1,221,38;1,44;1,46!1,77;1,80;2,60!!1,49!

!1,271,34!1,58!1,36!1,73!1,67!2,88!I1,611!1,171,96!1,49!2,07!1,97!2,78 !2,42!!1,861!1,2311,52!1,53!1,58!1,82!2,06!2,72!!1,681! ! ! 1 ! 1 ! I! 1! ! ! 1 ! , 1 !! 1! ! ! ! ! ! , li 1! ! ! ! ! ! ! li 1! ! li !0,84!0,69!0,85!0,82!10,841! ! !1 !0,94!0,89!0,95!1,12!!0,98!i , , , , , i " ,; ; ;1 ;1,06i1,21;1,01;1,26;;1,11ii ; ;1 ;1,01!0,97;0,96 ;0,94;;0,98!! ! ! ! 1, i i , , , i i ,

; , "1 ;2,40;1,33~0,81;2,76i 1, 57 i; " ;1 iO,73iO,84;0,95iO,22; 0,75,

! li !0,78!1,72!0,91!2,71! 1,421! !1 !1,39!1,09'1,52IO,38! 1,071! !,!!! li 1! !!!!! 1 !, , !!!! 1! ! I! 1 ! 1!0,93! 1,40' 1 ,71 ! 1,22! 1 ,20! 1, 15! 1 ,35! 1,11 1lO, 97! 1,01' 1 ,02! 1 ,03! 1 ,03! 1 ,05! 1,05' 1,02!!°,91 ! 1 , 12! 1 , 11 11 ,°3! 1 ,041 1,0811 , 141 1,°5!! 1 ! ! ! ! ! , !i , i , i , i 1 1~0,75;0,49;0,27;0,38;0,73;0,84;0,44, 0,61,; 1 , 11 ; 1 ,37; 2, 26 ~ 1, 23; 1, 21 ; 2 , 50 ; 2, 18i 1,641;1,17iO,88;0,90i1,09;1,18;1,29i1,231 1,151! ! ! ! ! ! ! ! 1

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TABLEAU II

ECAR~TïPES ET VARIATIONS DES INDICES

Prix Prix ! ! Volume ! Volume, , 1 , ,!

agricole iindustriel i a.grioole jindustrieli

: LABORDE-LACHAIZE (1 ) ! ! 1 !! ! ! 1

Pr e animaux (s 0,°71 i 0,044 ! 0,615 ! 0,524(C.Ve 6,8 % 4,2 % ! 39,2 % ! 32,5 %

Pr •végétaux (s 0,153 0,077 ! 0,468 1 0,567(C.Ve 12,4 % 7,35 % 11 28,6 % ! 30,8 %! ! !. '

1 Ensemble (s 0,036 0,032 1! !! (C.V. 6,3 ~ 3 % 1! 1! (s' 0,089 0,°53 !l 0,66(3) 1 0,582(3) !! li ! !,

(2) 1! 1 !. SARPA! ! 1 1 1

Viande (s 0,098 0,1°7 li 0,714 ! 0,678(C.V. 11,7 % 9,6 % !! 45,5 % 47,8 %

Riz (s 0,078 0,026 li 0,423 0,396(C.V. 8 % 2,66%

! !56,4 % 37 %1!

11

FITIM (1) ! !! 1

Jute (s 0,084- ! ! 0,29(C.V. 7,6 10 ! ! 47,5 %(s' 0,294 ! 1 0,38

Paka (s 0,025 ! !0,55

(C. V. 2,45%! ! 34%

(s' 0,02 ! ! 0,72liEnsemble (s 0,°7 li 0,15

(C.V. 6,5 % li 13,4 %(s' 0,°9 ! 1 0,155

1!

(1) Calculé sur 8 exercioes(2~ Activité partielle, sur 5 exeroices(3 "s'" au lieu de "s", oar expansion continue, "s" ne représente alors

plus grand chose e

N.B. s = Ecart-type par rapport à la moyenneSi = Ecart-type annuel

C.V. = Coefficient de variation.

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TABLEAU III

STRUCTURE TOTALE DU BUDGET

(en ~ du total des ressources ou des emplois)

RESSOURCES Ambalavola Ambato-Boéni Vavatenina.

;produits agricoles; Végétaux: 15,06i Animaux: 1 14,55

29,61 11! 61,8! 8,16

70 62,6584,6

IR . l !, evenus non agr1co es,i Salaires ;1 Autres activités ;1 Revenus du capit. ;

33,445,71,42

40,56214,5

25,5 3130,5

0,5,jTransferts ! 30,20 ! 4,1 1 6,5 !j===================--T=================l================-T================~

i EMPLOI i i ! 11Consommation ! 65,4 1 43,2 ! 60 !1 Nourriture ! 50 ! 39,1 ! 49,5 (1)1 (dont riz) 1(18,5) !(17,3) 1(19,6)1 Services 1 3,7 ! 4,1 !1 Habillement ! 6,6 ! 7 ! 10,61 Biens durables ! 5,1 ! 1,6 !! !!l ,1Invest.-Product. 16,4 .1 Dépenses d'expl. 101 Constr. Inv.div. 0,8! Ecoles 5,6

8,42,92,7

1423,72,5

26,2

,; Transferts; Impôtsj Autres

7,411 ,1

18,54,92,5

7,411 ,31,4

12,7

1!Solde 1 1 27 1 1r:====================1================='=================1=================jIProduits ayant subi l , , ilune transformation, 42,8 . 32,3 ; 34,6 !,inde importante i . i 1==========================--==~==============================================

(1) Y compris biens durables.

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Ressources(1) Emplois(1), 1,, Ressources-Emplois

a1 3' v a1 3' Ilail a 1 v '1 a1 a3 v

Administration (2)SalairesTransfertsEcolesDivers

Total

1 !! li

16 ' 96' 54 1 1 !I, , l ' ,- 1 - "

14,4i 4,1, fi 8,2; 5,3111 ,3'1! ! ,,5,6;2,7,- 11 !I 0,5; ; 0,1 1

30,411 3, 7 5,41 14, 3! 8 !11 ,4 !Il! 1 !

+ 16,1 - 6

TABLEAU IV

FLUX MONETAIRES

Secteur non agricoleCommerçantsCompagnieUsineDivers

Total

1 !!! 1, ""8,6;19 62,6; 51,2i38,6i72,81!

- ;46,6 -! 1,31 - I!2,8;11 1,4,-, Il

! 8 i 4,5 Il 2,1; 2,1; Il

!19,4!81,162,61154,7!42 !72,8!!! 1 Il ! Il

+ 35,3 + 39,1 - 10,2

(1) En %du total

(2) Au sens large duterme, i.e. y com­pris les collec­tivités

Le marché est misà part car il estdifficile d'en dé­terminer ce quirevient au secteuragricole et au sec­teur non agricole.

+ 16,7- 35,4+ 12,2

Marché (3) '1 , , l''93 -, ° ' 3 8 ()! ' 2,7 Il 2 1,5 - ! + 7, - 7, 1 3

..:.....-----------.....;.�--=--.;--...;�..;.I--;.....-..;....-.....:!~---...;----~-----:-I

Secteur agricole, , " 1Salaires ;12,7 2 25,1;; 2 3 13,4; !Produits agricoles i 8,1 - i i12,4 1 !Dépenses d'invest. ou , 'I! 1d'exploitation ; 5,5', 3,8 5,4 1,61Divers i 5, 1 - ; 0, 6 2 - IlTransferts ,15,4 1,4 j10,3 0,3!1Epargne , 27 1 ! !

Total 141,3 2 !32 129,137,4115,31!! Il! Il! 1 ! 1

NoB. a1 = Ambalavola (Laborde-Lachaize)a3 = Ambato-Boéni (Madagascar-Conserves)v = Vavatenina

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a1-1

ANBALAVOLA (a1)

(Zone rurale de Laborde-Lachaize)

l - But du Travail et Utilisation de l'argent

1 - "Il faut qu'on travaille pour être l'égal de ses compatriotes oG" pourservir son "tanindrazana" ..... pour que les enfants puissent profiterde l'instruction" ..

2 - "Si on travaille, le but est de faire hausser le niveau de vie. Endehors de cela pour moi, il n'y a rien. On ne se contente jamais deson sort, on veut toujours évoluer" ..

3 - "Ce qui nous occupe le plus, nous paysans, étant donné que la vie de­vient de plus en plus dure, c'est l'argent .. oe On s'occupe du travailoù les rentrées d'argent sont les plus sûres, voilà pourquoi nousnous concentrons davantage à la culture du riz, (pour les autres pro­duits ..... leur prix est tout à fait sous-évalué (en p~ticulier ceuxutilisés par l'usine)".

4 - "Le but du travail est pour moi, le suivant :entretenir et nourrir la famille,s'acquitter du devoir fiscal,être l'égal de ses semblables ..

5 - "Les paysans, s'ils ont de l'argent, n'ont que le choix entre deux POSl­

sibilités : ou bien acheter des terrains ou bien des boeufs .. Cettedernière attitude est due à ce que nous ne voulons pas dépenser notreargent, mieux vaut donc l'affecter à des achats de boeufs .. Pour moi,les boeufs ont trois significations :

moyen de garder l'argent,- travailler les rizières et donner du fumier,- être abattu pour un mort.

6 - "Le vrai motif de ces grandes dépenses (cérémonies, fêtes ..... ) c'est dene pas me déshonorer vis-à-vis de mes compatriotes" ..

1 - " ..... Ces 500 frs affectés à cette modeste cérémonie (circoncision)n'avaient pas une signifioation propre" ..

8 - "Dans notre région, les dépenses folles affectées aux cérémonies seraréfient de plus en plus .. S'il y a des gens qui font des dépensesénormes, ce n'est pas qu'ils attribuent à cette cérémonie une signi­fication propre, mais il y a là d'autres critères" ..

.. o.

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..

a1-1

9 - "On a? depuis longtemps, souffert? alors si on a de l'argent en excé­dent? c'est normal si on fait une fête assez différente des autres"o

10 - "Tout cela (les frais engendrés par le travail communautaire) obligeparfois celui ou ceux qui ont un travail à faire en commun de pré­férer dépenser leur argent en salariés plutôt qu'en travail commun,car les frais engendrés par celui-ci sont plus importants et ilssont à l'abri des critiques des autres villageois"o

11 - "Je ne veux l'as que quelqu'un comme moi ait un stock (de riz) suffi­sant et que de ce stock il m'en vende une partie, alors que, de moncôté, ayant travaillé comme lui, je suis dans l'obligation d'acheterchez lui" 0

12 - "L'achat de boeufs est indispensable pour un ou deux boeufs mais pasplus et l'achat des objets modernes est lui aussi profitable, maisce qui nous manque le plus c'est l'esprit de risque: risquons unpeu et vous verrez que vous sortirez vainqueur"o

13 - "Acheter les boeufs à l'heure actuelle est une affectation inutilede revenu"

14 - ''Pour nous f'aysans? l'essentiel dans l'exhumation est le respect desancêtres o Mais (les fêtes et dépenses somptuaires) sont caractéris­tiques des habitants des grandes villes"

15 - "Les autres en vous voyant engTaisser un porc lancent avec ironie lesparoles suivantes: "Oh! le prétentieux, parait-il qu'il a envied'engraisser un porc, quelle ambition, nous ne voulons pas vendrenos provendes à cet ambitieux" 0

16 - "Fais attention car c'est le tanindrazana qui en supportera toutesles conséquences (des risques pécuniers encourus par l'achat de biensde production)".

17 - "On s'écarte un peu de la méthode traditionnelle, ce geste ne vousapporte rien, on suit la méthode traditionnelle, ce geste non plusne peut vous apporter quelque chose de profitable ooo Mais que faire,on n'a rien comme capital"o

18 - ''Pour moi, la raison qui me repousse à l'achat des objets modernes estla suivante: ces objets ont des multitudes de détails (sont trèscomplexes) qui égarent les paysans" 0 -

19 - "Le peu (d'argent) que nous avons à notre disposition, nous ne vou­lons pas le mettre à l'épreuve sinon c'est la misère totale pournous"o

•••

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a1-II

II - Raisonnements économiques

1 - "En ce qui concerne les prix des produits, on dirait que le Fanjakanaest inexistant car il fait promulguer des cours officiels sans aprèsles surveiller ni les contrôler"

2 - " ••• On (les collecteurs) va acheter le kilo de leur riz traité à16 frs (au lieu de 25) et le pad~ à 8 frs (au lieu de 16)0Les paysans en apprenant ce prix n'ont pas voulu vendre mais quefaire devant les menaces de ces fonctionnaires (venant chercherl'impôt derrière les collecteurs) et devant votre devoir fiscal nonréglé vis-à-vis du Fanjakana".

3 - "Quand pourrait-on savoir quand on a bien travaillé? Cela se sait aumoment où on a fait une bonne économie, au moment où on a une épargnesuffisante".

4 - " •• 0 Si nous convenons de ne pas apporter de riz deux samedis de suite,crois-moi, c'est le district tout entier qui en supportera les consé­quences, il y aura supplication d8s citadins aux paysans pour que cesderniers apportent leur production et il s'ensuit que le prix du ki­lo de riz augmente un peu" 0

5 - "Vous voulez dépenser pour un mort alors que les vivants s'habillentde haillons, ça c'est triste. Vous avez parlé également du moyen degarder de l'argent dans l'achat de boeufs: pourquoi voulez-vous quel' argen t res te intact, ne préférez-vous pas le reproduire".

6 - "Si j'ai de l'argent, j'améliorerai mes cultures ou bien j'achèteraid'autres rizières. Avec 10 0 000 frs, vous pouvez avoir un boeuf quivous reviendrait encore à 10.000 frs après 8 ou 10 mois. Moi, aveccette somme, je peux me procurer une petite rizière qui, non seule­ment m'appartient, mais me rapporte également une producfion annuelle.Ce cycle se répète et se renouvelle toujours et au bout de quelquesannées, la somme de 10.000 frs devient 100.000 frB."

7 - "On nous pousse à améliorer la production quand on a une épargne. Ce­pendant le prix du kilo de cette denrée (riz) ne fait que diminuersans cesse! o.e Que le Fanjakana contrôle le prix, fasse respecterle cours officiel et, dans ce cas, nous SOmmes prêts à le suivreeVoilà pourquoi je préfère acheter des boeufs pour que l'argent queque j'y engage y reste intact et invariable à travers le temps. (Apropos du refus, du à la jalousie réciproque, de vendre entre p~san)g

"croient-ils que l'argent n'est pas le même ici et à Ambohimahasoa ?" 0

000

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a1-I1

8 - '~our nous, les boeufs ne sont pas une riohesse qu'on veut avoir ennombre considérable, mais c'est une sorte d'instrument qui garde in­tact la valeur de l'argent comme une malle, oomme le riz dans le gre­nier" •

9 - "Les boeufs ne rapportent rien : le boeuf qu'on aohète à 9.000 fmgdemaDde, si on veut l'engraisser pendant six mois, 5.000 fmg de ma­nioc, 1.500 fmg de feuilles de pommes de terre, pourtant si on levend, le prix ne peut dépasser 15.000 fmgll •

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a1-II1

III - Rapports avec l'Usine

1 - "Il n'y a pas de rapports directs entre l'usine et les paysans. Si elleavait des concurrents, peut-être ferait-elle attention".

2 - "Quant à l'usine, il n'y a pas de profit pour la masse paysanne, lemarché, oui, peut apporter un profit aux paysans" 0

3 "La vazaha achète à un prix. normal, mais l'intermédiaire nous exploite".

4 ''Pourquoi nous préférons vendre nos boeufs aux ".Ambaniandro" ••• mêmesi nous savons qu'ils nous exploitent davantage, car, là, nous pouvonsdébattre le prix. alors que là-bas (les intermédiaires de l'usine)~nous ne sommes au courant ni du poids, ni du kilo (prix au kilo ?)" 0

5 - "Ce que le paysans veulent, ce sont des hommes prêts à indiquer auxpaysans la bonne voie au point de vue économique".

6 - "Dans notre contrée, comme source de revenu, on ne peut ci ter que laculture d8 riz, en dehors de cela, on peut dire qu'il n'y a rien".

7 - "Depuis l'installation de cette entreprise, personne dans la régionn'aurait pu faire fortune si on travaillait uniquement pour le comptede l'usine. Heureusement qu'il yale marché".

8 - "Quant aux fruits o•• pour nous mieux exploiter on a inventé des tasde conventions, on a fait différentes catégories quant à la quantité_ooles fruits qui pourraient être achetés en première catégorie sontachetés à un prix de troisième catégorie".

9 - "L'usine est comparée à "un fils unique dans la famille qui fait à songré ce qu'il veut" c'est-à-dire qu'elle pratique de bas prix parcequ'elle a le monopole".

10 - "Une usine doit prendre directement les matières prem1eres dont ellea besoin aux paysans producteurs •• o L'usine n'a nullement l'intentiond'appliquer ce principe. Nous apportons notre production à l'usine;tout d'un coup, une semaine après, l'usine ne reyoit plus. Mais commenous commes paysans, comme notre conso~tion familiale est limitée,nous ne pouvons pas stocker, s'il s'agit de pêches par exemple. Alors,forcû nous est d'aller au marché et, là-bas, nous devons supportermalgré nous, n'importe quel prix ••• (car) nous voulons de l'argent. o •

Cette usine a été construite pour seulement une catégorie de gens:lE;s citadins."

000

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..

~

1

a3-I

AMBATO-BJENI (a3)

(Zone rurale de Madagascar-Conserves)

l - But du Travail et Utilisation de l'argent

1 - "Après avoir 0U des boeufs ceux qui n'ont pas encore des terres enachètent et, après on s'occupe davantage de la nourriture".

2 - "Si on fournit des efforts parfois surhumains dans la vie pour le tra­vail, c'est qu'on veut être l'égal de ses semblables"o

3 - "Je dois travailler beaucoup pour que je ne sois pas l'inférieur demes semblables, car si on est ~auvrep personne ne vous respecte plus".

4 - "Non, il n'y a pas de rression mais seulement l'envie des gens qui onteu beaucoup d'argent sur cette culture et le désir de les imiter".

5 - "La compagnie a beaucoup aidé à l'acquittement de l'impôt".

6 - "Mon mari ost en service (fonctionnaire ) et il ne va pas y resteréternellement, alors que nous avons planté dès maintenant car, tôtou tard, le jour viendra où on revient à la terre".

1 - "QR

Quelle est la raison de cette décision de cultiver?C'est simple, l'argent. J'ai tra~aillé seulement à l'usine toutd'abord, cela ne peut me suffire, alors j'ai décidé de prendre labêche pour cultiver tout en restant salarié de l'usine".

8 - "Cette culture (arachide) m'a permis de bâtir une maison, d'acheterdes boeufs".

9 - "Tout cela (le travail) afin que nous puissions accomplir et servirloyalement le "tanindrazanall

, nous àvons planté pour les enfants,pour les parents miBérables ll •

10 - "Oui, d'ailleurs, on ne peut laisser tomber ça (l'ancienne cultured'arachide), car cette culture devient une habitude presque indélé­bile" •

11 - "Je puis vous dire que l'usine peut apporter du profit aux paysans carelle d.is tribue de l'argent. Voilà le profit ll •

o. ft

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a3-1

12 - "noi, je dois travailler pour que mes enfants ne restent pas paysanscomme moi. Car être paysan n'est pas mauvais mais il faut suer énor­mément pour pouvoir vivre aisément. Je dois travailler aussi avecacharnement pour être l'égal de mes semblables car si vous êtes troppauvre, on vous déconsidère et en fin de compte - cela est vrai pour­tant - on doit travailler pour l' argen t du Fanjakana".

13 - 'Tour moi, (le but du travail) c'est d'acheter ce qui manque dans monménage tels que la terre - la charrue - la nourriture.

Q : "lIlettons qu'il vous arrive d'avoir 50.000 fmg, à quoi utilisez­vous cet argen t ?".

14 -

15 -

16 -

R : "Moi, en premier, j'achète des vêtements pour la propreté, puisaprès, j'achète des boeufs pour les revendre un peu plus tardlorsqu'ils sont gras".

"Si j'ai 50.000 fmg, je les divise en trois parties. Avec un tiers,j'achète des boeufs, comme ça cet argent est thésaurisé - avec lesecond tiers, je m'occupe de mon ménage: vêtement et nourriture ­le dernier restant je le garde dans un coffre et, lorsque le momentde la culture arrive, je n'ai pas l'embarras de chercher de l'argent"o

"Etant donné que j'ai de l'argent qui me vient des produits de laterre, en premier lieu, j'en consacre une partie à la terre pour qu'ilne rapporte le double l'an prochaino Quant à la seconde partie, ellesert à l'achat de nourriture et d' habillement pour la famille" 0

•17 - "Noi, si j'ai cet argent, j'achète des terres, une charrue pour que

mon travail à l'avenir soit plus efficace et que cet argent me re­vienne à callse de cela. Après je ferais profiter mes enfants des étu­des" •

18 - "Cette culture de tomate ovaJe est une culture récente, l'année deI\­nière, nous n'avons fait qu'observer et cette année-ci, nous l'avonsfait pour constater si vraiment elle peut nous apporter quelquechose. Maintenant cette constatation est satisfaisante, nous sommesprêts à en cultiver et l'année prochaine et les années à veniro Etsi vous voulez savoir la profonde raison qui m'a poussé à le faire,c'est simple : l'argent. Pour nous paysans tout ce qui peut procurerde l'argent nous intéresse vivement"o

000

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'...,

a3-I1

II - Raisonnements économiques

1 - "J'ai fait comme à l'accoutumée des tomates rondes car les tomatesovales sont trop bon marché et nécessitent des frais énormeso. a

l'usine les prend à 125 fmg la caisse alors que les frais de char­rette nous reviennent à 75 fmg et ceux de pirogue à 10 fmg, alorsforce nous Gst de nous abstenir".

2 - "La terre est mauvaise, inaccessible à l'eau et si j'avais persisté à.en planter c'est sûr que j'aurais eu un grand déficit"o

3 - "Oui il Y a beaucoup qui en ont fait car ils ont su que cette cultureleur apporte un avantage, d'ailleurs la vie est de plus en plus duresi bien qu'on est obligé de faire quelque chose d'autant plus quela culture du riz n'est plus rentable".

4 - "On doit tout faire, car en culture, il n'y a rien de sûr, si vousnd faites qu8 de la tomate ovale par exemple et que la saison estmauvaise,où irez-vous? Alors que si vous faites deux ou trois cul­tures, au cas où l'une d'elles est mauvaise, il y a l'autre qui peutvous sauver. D'ailleurs j'ai fait de la tomate ovale car cette cul­ture est toujours satisfaisante qu'il y ait ou non assez de pluie".

5 - "Ce qui nous gêne un peu, nous autres paysans, c'est que l'arachiden'a qu'un seul débouché, cela freine l'augmentation des prix".

6 - "La rentrée d'argent par l'arachide est minime : d'une part il y a lesimpôts, les tickets et d'autre part les frais de culture".

7 - "Si jamais l'arachide ne marche pas, la tomate ovale peut me sauveret vice-versa car c'est une calamité si les deux ne marchent pas en­semble" •

8 - "Vous savez bien qu'à l' heure actuelle, la vie est de plus en plus dif­ficile et si jamais dans votre entreprise vous loupez quelque chose,c'est le néant pour vous 0 Pour prévoir tels cas, il faut au moinsdeux cultures comme l'arachide et la tomate ovale ou ronde car elleest facile à faire et rapporte beaucoup et l'arachide car elle donnedes feuilles pour les boeufs"·

9 - '~uisque vous avez parlé de riz là, je tiens à vous dire qu'on ne peutpas délaisser cette culture, car si vous faites uniquement la tomat~

ovale et l'arachide ou les deux et vous négligez le riz, c'est lafaillite pour vous car, bien que vous ayez beaucoup d'argent et si au­cun paysan ne produit du riz, c'est la faim pour tout le monde"o

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10 - "Il n'y a que les boeufs qui puissent nous sauver avant tout car nonseulement ils nous aident dans le travail mais après ils sont, commeon dit, notre malle. S'il n'y a pas de boeufs, on ne peut rien faire,ni avenir des enfants, ni achat de terre".

11 - "Je ne suis pas d'accord avec vous, car pour moi, même sans boeufs,je peux m'en sortir dans la vie. Pour moi, ce qui Gst important,c'est la terre et l'avenir des enfants. La terre, p~ce qu'une terreque vous achetez 10.000 fmg, si vous arrivez à la travailler con­venablement, peut vous rapporter 100.000 fmg, alors qu'un boeuf à10.000 fmg c'est tout à fait exceptionnelsi vous pouvez le vendreà 15.000 fmg. Alors moi, je vous dis: la terre est plus importanteque les boeufs. Je le dis également pour l'avenir des enfants, carsi vous laissez des enfants ignorants, même si vous avez de nombreuxboeufs, ils vont les vendre à leur gré car ils seront dupés par ceuxqui seront mieux éclairés qu'eux".

12 - "Mais cependant nous ne pouvons pas suivre ce conseil du Fanjakana(de planter la tomate ovale) car nous habitons loin de l'usine etsi nous produisons la tomate ovale nous allons être alourdis par lesfrais de iransport en voiture et en pirogue".

13 - "L'usine en venant s'installer ici compte avoir des profits mais pouren avoir il faut qu'elle distribue de l'argent et nous, p~sans,

pouvons être bénéficiaires".

14 - "Ici ou là-bas, on peut avoir de l'argent étant donné que l'argentest partout"

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III - Rapports avec l'Usine

1 - "L'usine aurait du élever son prix ••• car nous SO!nrles lésés et elle a,depuis son installation, pu faire déjà un grand bénéfice".

2 - "Je crois que la compagnie est indispensable ••• car elle a établi unefois pour toutes le prix du kg"

(A propos de la concurrence de tomate ovale et la tomate ronde)

3 - "Oui, le kilo de tomate ronde est de 40 fmg et celui de tomate ovalede 5 fmg, ça je l'admets. Cependant, le prix du premier est variable,voilà le premier défaut. Secondement, le rendement n'esi pas le même:un hectare de tomate rond0 ne donne que 8 tonnes au maximum alorsqu'un hectare de tomate ovale peut donner au minimum 25 tonnes, voilàle second défaut. Les débouchés en tomate ronde sont aléatoires: sivous avez de la chance, vous pouvez avoir des acheteurs au moment mêmede la récolte, si vous n'en avez pas il Se peut bien que vos produitspourrissent dans les champs ou les cageots, voilà le troisième défaut Q

Donc il n'y a aucun intérêt à faire la tomate ronde car là tout estaléatoire prix variable - tonnage inférieur et débouchés non assu­rés".

4 - "L'usine, dans la région, est comme un don de la Providence. Elle apartagé l'année dernière plus d'un million de francs, avec ce million,les gens, les pqysans surtout, ont pu écarter beaucoup de problèmeset de soucis".

5 - "Je n'ai pas encore fait (d<.l tomate ovale) car j8 suis en période decomparaison, mais maintenant que je suis en mesure de connaître toutde cette cultur5, je pourrais commencer l'année prochaine".

6 - "La compagnie ne nous aide pas, surtout nous paysans. Par exemple surla question de sacs, non seulement on ne nous les donne pas facile­ment, mais il faut des jours et des jours pour les avoir. Au momentde la pesée, il faut attendre 3 ou 4 jours et nuits pour avoir sontour" •

7 - "C'est seulement l'année prochaine que je suis capable de vous dire sila présence d'une usine est un bien pour nous" (planteur de tomatepour la première fois)

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8 - "Oui, il se peut qu'il Y ait un profit pour nous car l'usine est àproximité de nous, nous n'avons plus de difficultés pour écouler nosproduits". "L'usine est indispensable et c'est une bonne idée de lapart de l'Administration car les paysans ne vont plus ailleurs pourvendre leurs produits".

9 - Q : "Alors vous êtes bien content qu'il y ait deux entreprises (ausens large du terme) chez vous, l'une pour la tomate ovale, l'autrepour l'arachide ?"

R : "Tout à fait content, car au moment de la récolte, on ne se casseplus la tête pour trouver des débouchés, on a des acheteurs à proxi­mité" •

10 - Q

R

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"Est-ce qu'elle (la Compagnie) vous aide matériellement ?"

":r~on"

"Et l'usine, est-ce qu'elle ne vous aide pas ?"

R "Elle, oui, elle s'occupe de nous, elle fait venir un agent pourvoir si des chenilles attaquent nos plantations Gt qu'elle envoie cemême agent pour mettre des médicaments au cas où il y a effectivementdes chenilles".

Q : "Que voulez-vous,si on vous laisse choisir, la Compagnie ou l'usi­ne ?"

R : "C'est l'usine, car un proverbe dit: "cE::lui qui rend visitefréquemment aux parents est aimé des siens".

Q : "Alors approuvez-vous les conseils et l'aide l"1atérielle de l'usine ?"

R : "Nous les approuvons bien car cette action va dans le sens de nosintérêts: c'est pour notre bien si elle dit de mettre à l'abri lesplants, de prendre des médicaments".

11 - Q : "Si jamais on vous fait payer les semences, persistez-vous encoredans cette culture de tomate ?11

R : "C'est-à-dire, à l'instar de la coopérative, eh bien si nous trou­vons encore du profit, nous en ferons encore".

Q : "Et si jamais aussi, on vous fait payer les médicaments, qu'enpensez-vous ?11

R : -Dans ce cas-là, c'est à nous de juger, si nous pouvons encoreavoir du bénéfice, nous cultivons, sinon nous consacrerons nos ef­forts à d'autres cultures plus rentables que celle-cil1 0

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12 - "Dr1 sait à priori que, en cultivant la tomate ovale, on est sûr qu'ily a une usi.ne qui peut les recevoir. Voilà un atout E,lflsentiel. Si,en cultivant, on ne savâit pas à qui vendre, ce sera;t difficile etpresque inutile. Cette remarque raste valable pour l'araohide, il ya là la Compagnie. Ce n'~st donc pas difficile d'en fair~, car l'ache­teur est prêt à recevoir ce que vous produisez".

13 - 'fSi l'usine é'.est implantée là, CE: n'est pas seulement elle qui peutavoir du profit, mais les paysans aussi auront leur part" •

14 ... HLa p~ésence d'une usina est indispensable car elle donne à certainsgens du salaire et elle procure aux paysans des ressourc~s supplémen­taires" •

15 - Q : "Il paraît que vous p~sans d'ici êtes réfractaires à l'assistancetechnique dG l'usine, est-cE: vrai 1"

R : "Ceci c'est du mensonge, ce que nous p~sans regrettons bien c'estle geste de l'usine et de la Compagnie qui nous délaissent et ne sur­veillent pas nos travaux. On sait bien que les paysans ne savent pasfaire une culture tout à fait moderne, il faut qu'il y ait quelqu'unde compétent tel que l'us ine ou la Compagnie pour leur montrer labonne voie".

"Passons à autre chose, car ce que vous dites là est un faux. bruit,~u oontraire, nous voulons qu'on nous regarde do près car, nous-mêmespaysans, nous employons dl;: vieilles méthodes qui sont moins rentables"

16 - Q t hErl. quoi consiste vraiment l'attachement que vous avez à la Com­pagnie ?"

R s -Nous voulons ia Compagnie, car le débouché est sûr".

17 ... "L'uàine est tout à fait utile pd11±' nous paysans étant donné qu'ellene peut pas fonctiohner sans les produits que nous faisons et encompensation, nous avonS dci l'argent qui est utile à notre axistence".

18 .. "L'usine est tout à fait importante pour la région, oar, non seulementelle reçoit les produits fournis par les paysans mais également elleembauche des travailleurs".

19 ~ '~ourquoi ne pas se réjouir lorsqu'une usine apparaît dans la région?Quand elle n'existait pas, pour avoir de l'argent, il fallait culti­ver seulement la tomate ronde et l'arachide, maintenant que l'usineest là en plus de ces deux. moyens de ressource on a celle provenantde tomate ovale" ..

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20 "Tout le monde veut être aidé dans son travail et pourquoi pas nous ?"

21 "Q "EteJs-vous hostiles à toute forme d'aide de l'usine ?"

'Il

R : "Tous ceux qui lancent ce bruit sont des menteurs, nous voulonset nous souhaitons l'aide plus fréquente de l'usine parce que, entant qul;i paysans, nous ne savons pas faire une culture d'un8 façontout à fait parfaite, c'est l'usine seule et ses agents qui peuventnous guider lorsqu'une maladie vient frapper notre culture et c'estelle également qui veut savoir si notre terre n'est pas bonne pourla tomate ovale"o

22 - 'Tar exemple pour l'arachide tout le monde sait que l'année va êtredure, donc également la Compagnie, pourtant elle n'a pas envoyé desagents pour voir nos cultures, ne serait-ce que pour nous faire pren­dre des précautions vu la dureté de l'annéeo Ce que nous voulonsaussi de vous, c'est que vous parliez avec la Compagnie pour qu'ellemette, comme l'usine, des agents à la disposition de ses planteurs".

23 - "Si l'usine n'existe pas, il n'y a personne qui puisse prendre latomate ovale ; vous voyez les producteurs de la tomate ronde et leurspréoccupations à la veille de maturité d0 la récolte, un mois ou deuxmois même avant que les tomates rondes soient mûres, il faut trouverles débouchés et les acheteurs pour que les produits soient vendusà un prix réconfortant" a

24 - 'Tour moi, l'intérêt que je peux avoir dans l'installation de l'usinec'est la sûreté du débouché tout d'abord. Puis après, puisque noussavons que le prix est de tel, ce qui nous permet de faire dès main­tenant nos "comptes" personnels si nous avons fait tant ou tant d'hec­tares. Enfin l'unité de prix pour tout le monde qu'il connaisse quel­qu'un ou non, un tel doit vendre au même prix qu'un pauvre paysan".

25 - "Au moment de 1'inauguration officielle de cette usine par le PrésidentTsiranana, il s'est exprimé de la façon suivante: "Cette usine a.été conçue pour vous paysans". Pourquoi il se permettait de parlerainsi? parce que dès qu'une usine s'implante dans une région, leprincipal souci des p~sans est écarté: la difficulté des débouchés.Ce souci exclu, la culture va de soi-même, si celle-ci peut procurerdu revenu suffisant pour les paysans".

26 - "000 Toute culture, surtout si elle est préconisée par l'usine estbonne.a. A ce moment-là, cette idée n'était pas encore dans ma tête,mais seulement après avoir constaté à l'heure actuelle le rendementque je pourrais tirer de cette culture que j'arrive à comprendre età raisonner ainsi".

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27 - "D'après moi, il vaut mieUX faire plusieurs cultures car Dieu seulsait si la saison sera bonne ou mauvaise. Si vous faites plusieurscultures, si l'une ne marche pas, l'autre peut vous sauver •••D'ailleurs il y a ih~érêt pour moi de faire cette culture oar l'usinequi doit recevoir nos produits n'est plus à cheroher dans un lieuéloigné" •