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1 REFONDER L’ECOLE EN GUADELOUPE SYNDICAT DES PERSONNELS DE L’ÉDUCATION EN GUADELOUPE Septembre 2012

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REFONDER L’ECOLE EN

GUADELOUPE

SYNDICAT DES PERSONNELS

DE L’ÉDUCATION EN GUADELOUPE

Septembre 2012

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Le SPEG reconnaît l’utilité pour la Guadeloupe, de la vaste concertation sur la refondation de l’Ecole menée sous l’égide des ministères de l’éducation nationale et de la réussite éducative. Notre organisation syndicale salue cette initiative.

Notre contribution sera centrée essentiellement sur la situation de l’école en Guadeloupe. Le débat en cours doit mesurer l’échec de l’école en Guadeloupe non pas uniquement par rapport aux missions nationales mais aussi et surtout à l’aune de son adaptation au contexte local. Il doit permettre une meilleure prise en compte du contexte historico-culturel et socioéconomique.

Depuis des décennies, des proportions de plus en plus grandes d’élèves et de familles de toutes origines, et singulièrement de milieux défavorisés présents dans notre Académie, ne cessent de subir les conséquences d’une inadaptation, manifestement structurelle, du système éducatif, aux réalités historiques, culturelles, sociales et géographiques de la Guadeloupe.

L’échec du système éducatif qui nous est imposé dans notre Académie est patent au regard des indicateurs officiels de performance. En effet en 2011, seuls :

• 34% des élèves de CM2 ont des acquis très solides en français (43% en France) • 28% des élèves ont des acquis très solides en maths (38% en France).

Mais ce qui est plus inquiétant, c'est la proportion d'élèves en grande difficulté :

• 16% ont des acquis insuffisants en français (7% en France) • 22% en maths (10% en France).

On sait ce qu'il advient de ces élèves en grande difficulté : alors qu’en France le taux d’illettrisme représente 10% des 16-65 ans, en Guadeloupe c’est 25% de cette tranche d’âge qui est concernée, selon l’enquête Information et Vie Quotidienne (IVQ) réalisée par l’INSEE en 2009.

Il est temps d’aborder sérieusement les questions qui sont systématiquement écartées du débat académique, et qui sont, de notre point de vue et de celui de nombre de spécialistes reconnus des sciences de l’éducation, à la base même de l'échec du système éducatif en Guadeloupe. Nous souhaitons faire prendre conscience de la nature et des causes profondes de ces échecs et proposer des voies et moyens innovants à mettre en œuvre, pour améliorer sensiblement la situation.

Nos propositions sont dictées par l’intérêt que nous portons à notre jeunesse en souffrance et par la dégradation de la situation économique et sociale de la Guadeloupe. Nous restons déterminés à poursuivre notre action pour l’instauration d’un véritable dialogue, pour que des solutions efficaces et pérennes soient mises en œuvre et qu’enfin s’engage un vrai changement au profit des élèves et de l’Ecole en Guadeloupe.

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I- La priorité donnée à l’école primaire

En Guadeloupe, le système éducatif est en faillite. L’institution est incapable de garantir à tous les élèves une scolarité normale, c’est-à-dire : leur faire acquérir les savoirs de base leur permettant d’appréhender leur environnement, de former leur esprit critique et d’accéder à la pensée universelle.

Dès la fin de l’école élémentaire, l’échec est patent. Les résultats des évaluations de CM2, qui constituent le bilan de huit années d’école, sont édifiants : en 2011, 39% des élèves de CM2 avaient des acquis encore fragiles ou insuffisants en français et 46% en mathématiques. Un écart de 13 points en français, 16 en mathématiques existe entre l’académie de Guadeloupe et l’ensemble des académies de France. Entre la Guadeloupe et l’académie de Créteil, la plus difficile de France, l’écart est de 8 points en français et 15 en mathématiques. Ce même constat pourrait s’appliquer aux académies de Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte.

On déguise la réalité quand on fait croire que l’académie de Guadeloupe n’est pas différente des autres académies de France. D’ailleurs les résultats des différentes évaluations, les différents rapports des IGEN/IGAEN concernant l’efficacité du système éducatif en Guadeloupe, ne sont jamais rendus publics par les autorités académiques. Serait-ce le fruit du hasard ? Il est illusoire de toujours vouloir appliquer dans les académies dites d’outre-mer, les mêmes politiques éducatives qu’en France. Elles concourent à une déstructuration des enfants dès la maternelle, par un manque d’ancrage dans le contexte dans lequel ils vivent : les réalités historiques, socioculturelles, linguistiques, environnementales, n’étant pas les mêmes. Les résultats issus de ce type de politique globalisante, seront toujours en-deçà des attentes. Ne pas faire face à cette évidence, c’est accepter que perdure cet état de fait.

L’échec scolaire en Guadeloupe n’est pas une fatalité, son taux peut être réduit. La condition : prendre la réelle mesure du problème, et s’inscrire dans une démarche de reconstruction sur le long terme, en investissant notamment dans les premières années d’apprentissage. L’école primaire où « tout se joue », doit être revue en profondeur.

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1-De la nécessité de porter une attention particulière à l’école maternelle

« L'école maternelle a pour finalité d'aider chaque enfant, selon des démarches adaptées, à devenir autonome et à s'approprier des connaissances et des compétences afin de réussir au cours préparatoire, les apprentissages fondamentaux ». Elle est, entre la famille et l’école, un lieu de préparation de l’enfant aux apprentissages scolaires ; elle est donc fondamentale.

Force est de constater qu’en Guadeloupe, l’école maternelle a du mal à préparer l’ensemble des élèves à réussir leur entrée à l’école obligatoire et l’échec touche principalement les enfants issus de milieux défavorisés comme en témoignent les résultats des évaluation en CE1, fin du cycle des apprentissages fondamentaux.

A cela, plusieurs raisons :

- L’Ecole ne sait pas prendre en compte la diversité socioculturelle et linguistique des enfants de Guadeloupe ; les démarches imposées ne sont pas adaptées aux réalités du terrain.

- Elle nie les connaissances acquises par l’enfant dans son milieu familial et culturel, essentielles pour son développement et nécessaires pour lui permettre d’accéder à celles attendues par l’école.

- L’école maternelle vise à franciser les jeunes enfants et non à développer leurs compétences langagières : aucune distinction n’est faite entre l’apprentissage de la langue française et l’apprentissage de la communication, ce qui compromet fortement le développement des compétences communicatives des enfants en insécurité langagière.

- Le refus de l’institution d’analyser et de prendre en considération les remontées du terrain.

- Le manque de formation des enseignants aux particularités de l’école maternelle.

- L’absence d’intégration à la vie de l’école, des familles socialement défavorisées qui ne peuvent dans de telles conditions, établir aucun lien entre leur rôle éducatif et celui de l’école.

Propositions:

1- Faire le bilan du fonctionnement des écoles maternelles de Guadeloupe et tirer leçon des expériences positives et négatives des enseignants.

2- Donner une formation (initiale et continue) spécifique aux enseignants de ces classes afin de leur permettre de mieux gérer la diversité linguistique à laquelle ils sont confrontés.

3- Que seuls les enseignants volontaires soient affectés sur ces postes.

4- Créer des supports pédagogiques adaptés.

5- Introduire dans la formation des ATSEM, personnels incontournables, un module complémentaire pour leur donner les moyens de répondre aux

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sollicitations de l’enseignant dans la mise en place des activités communicatives et langagières bilingues au sein de la classe.

6- Faire admettre aux parents qu’ils ont un rôle capital à jouer dans l’accompagnement scolaire de leur enfant, quel que soit leur niveau social ou culturel et définir concrètement avec eux ce rôle.

2-Une école élémentaire à refonder en profondeur

Toutes les réformes proposées partent certes d’intentions louables, mais elles seront toujours vouées à l’échec si elles sont appliquées en l’état en Guadeloupe et tant que les autorités feindront d’ignorer l’existence du bilinguisme créole/français dans notre pays. La maîtrise du français écrit et oral, compétence 1 du niveau 1 du socle commun des connaissances et des compétences, détermine la réussite dans les autres disciplines. C’est donc le nœud de la réussite scolaire. En Guadeloupe, la réussite scolaire pour tous passe nécessairement par une approche nouvelle des apprentissages et singulièrement de l’apprentissage du français. C’est la condition nécessaire à la prévention de l’illettrisme.

Plus généralement, aucun changement ne sera possible dans l’Ecole élémentaire en Guadeloupe, tant que les dispositions officielles relatives aux contenus, aux programmes et à leur planification, seront décidées en dehors de la Guadeloupe et appliquées mécaniquement par un encadrement hiérarchique, pas toujours disposé à envisager la prise en compte d’une adaptation, même partielle, de l’enseignement aux réalités sociolinguistiques du pays.

Les résultats d’une telle politique n’ont pas varié :

- A l’école élémentaire, malgré les nombreux dispositifs mis en place, un pourcentage trop important d’élèves n’arrive pas à acquérir les connaissances de base leur permettant d’avoir les ressources et plus tard, les compétences pour s’insérer dans la société.

- Les solutions proposées pour la prise en charge des difficultés d’apprentissage des élèves sont inefficaces et la démotivation des élèves augmente. En 2008, par exemple, un dispositif a été mis en place. Il prévoyait entre autres que la mesure, par des évaluations, du niveau atteint par les élèves, constitue le véritable indice de réussite de la politique scolaire. Ces évaluations conduites de 2009 à 2011 ont identifié un pourcentage stable d’élèves en grande difficulté. La remédiation proposée : l’aide personnalisée, n’a pas eu l’impact attendu sur les résultats des élèves de l’académie.

Désignés aussi bien par leur hiérarchie que par les parents, comme les responsables de l’échec de l’école, les enseignants le vivent comme un échec professionnel. Certains se battent pour dénoncer les véritables causes de cet échec, d’autres réagissent par une résistance passive. Ils se sentent impuissants face à l’inefficacité du système dans le traitement de la difficulté scolaire, à la perte progressive de leur autorité, et au développement de la délinquance précoce. Enseigner aujourd’hui devient un véritable défi à relever !

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Nous sommes convaincus qu’un changement est possible car des solutions existent. Il faut oser les trouver, les expérimenter, les appliquer. Pour cela, Il faut la volonté politique.

Des chercheurs guadeloupéens et des pédagogues se sont penchés sur les causes de l’échec scolaire et sont arrivés à la conclusion que le refus de prendre en compte la langue, la culture, l’histoire, la géographie, bref le vécu de l’enfant guadeloupéen, est l’une des principales causes du retard qu’il accumule d’année en année. Les résultats de ces travaux ont été largement portés à la connaissance des autorités académiques qui n’ont jamais encore pu prendre la pleine mesure de la situation. Bien au contraire, elles réagissent par une attitude ambiguë qui consiste à solliciter des initiatives qui tendent à faire une petite place à la dimension socioculturelle et, dans le même temps, à réduire à néant les moyens financiers et humains qui sont nécessaires à la conduite de ces initiatives. Différents projets académiques ont certes été élaborés, des propositions intéressantes ont été faites, mais elles dorment encore dans des tiroirs, car il n’y a aucune volonté de les mettre en œuvre, de la part de la direction du rectorat qui se contente d’appliquer mécaniquement toutes les réformes et d’expédier les affaires courantes.

Propositions:

1- Le lancement d’une véritable concertation, sur l’école élémentaire en Guadeloupe, avec tous les acteurs concernés, afin de mettre à plat les différents problèmes et éviter de ramener les questions fondamentales qui se posent dans notre académie, aux problèmes généraux de l’école en France.

2- La conception et l’élaboration des outils pédagogiques adaptés à des élèves, évoluant dans un univers guadeloupéen, créolophone et caribéen, qui doivent accéder à la connaissance universelle.

3- La reconnaissance par l’institution, de la réalité du bilinguisme, afin qu’elle soit prise en compte dans l’apprentissage du français et des autres disciplines.

4- La création de nouveaux outils capables de déceler et traiter les difficultés d’apprentissage.

5- Une autre formation des enseignants, afin qu’ils soient mieux armés pour faire face aux enjeux de l’école aujourd’hui et être efficaces dans un enseignement au service de la Guadeloupe et de sa jeunesse.

6- La mise en application des dispositions du projet académique 2005-2008.

7- La mise en place d’une synergie entre tous les acteurs du système éducatif afin que l’avenir de l’élève soit au centre des préoccupations de tous.

8- La redéfinition des relations entre les enseignants et les parents.

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II- La valorisation de l’enseignement professionnel

Le Lycée Professionnel (LP) qui accueille une très forte proportion d’élèves en difficulté est le lieu où se concentre l’essentiel des problèmes du système éducatif en Guadeloupe : orientation, maîtrise du socle commun, encadrement pédagogique, infrastructure, équipement… Pourtant, loin d’être le principal bénéficiaire des réformes gouvernementales, il en est la première victime.

Dans sa volonté d’assainir la dette publique, le gouvernement à mis en place la réforme du Baccalauréat professionnel (Bac pro) qui lui a permis de réaliser de substantielles économies. Un dommage collatéral en a été la disparition des voies de réussite accessibles aux plus faibles.

En effet, précédemment, les élèves recevaient une formation en BEP sur 2 ans et les meilleurs d’entre eux continuaient avec une formation BAC pro en 2 ans. En supprimant les classes de BEP et en instaurant la seule formation Bac pro en 3 ans, l’institution fait l’économie d’une année de formation certes, mais ce sont surtout les élèves qui paient au prix fort les conséquences de cette réforme. Amputer leur formation d’une année n’est certainement pas la meilleure façon de les rendre plus compétitifs sur le marché du travail ni de rehausser leur niveau pour une éventuelle poursuite d’études.

Les résultats aux examens ne permettent pas de mesurer l’ampleur du problème.

Le taux de réussite au bac pro masque une réalité, d’autant plus grave en Guadeloupe, qu’elle concerne le plus souvent des jeunes issus de milieu social fragile, voire défavorisé : les élèves qui ont la chance de pouvoir arriver au terme de ce cursus n’ont ni acquis les compétences, ni atteint le niveau de formation exigés par le Référentiel des activités professionnelles (RAP).

Avons-nous le droit d’être fiers de nos 80% et parfois 100% de succès au Bac Pro quand on sait que nos élèves seront de moins en moins nombreux à pouvoir suivre une formation en BTS et la mener à terme avec succès ?

N’y a-t-il pas lieu de réagir avant que le Bac Pro ne perde tout crédibilité aux yeux des entreprises comme c’est déjà le cas actuellement pour certains CAP ?

L’orientation :

Notre académie met tout en œuvre pour réduire le flux d’élèves orientés en LP sous prétexte que la formation professionnelle coûte cher.

Seuls ceux qui n’ont pas un niveau suffisant pour prétendre à une orientation en classe de seconde technologique ou générale sont orientés vers la voie professionnelle. Dans ces conditions et compte tenu du nombre limité de places dans les filières les plus demandées, beaucoup d’élèves, faute de pouvoir accéder à leur vœu, sont orientés par défaut, dans des formations excédentaires en terme de capacité d’accueil, mais peu porteuses d’emploi.

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On ignore ainsi, le projet professionnel de l’élève et l’avis des parents. Concrètement cela se traduit par une orientation forcée en Lycée général et technologique, quitte à passer outre le choix des élèves et de leur famille. On relègue ainsi en LP quasiment tous les élèves pour lesquels on n’a aucune autre alternative : une majorité d’élèves issus des SEGPA, par exemple, à qui on fait passer, sans doute pour se donner bonne conscience, un CAP qui ne leur donne aucune chance sur le marché de l’emploi ; les quelques élèves qui ont les capacités pour poursuivre leur cursus après obtention du CAP, ne trouvent pas toujours, dans leur établissement un Bac correspondant à leur spécialité.

Comment s’étonner après du découragement de ces jeunes et de leur manque d’ambition ?

Cette situation explique en grande partie le manque d’investissement de nombreux élèves, les abandons en cours de formation et les sorties prématurées du système scolaire sans diplôme ni qualification.

Dans un tel contexte, les conditions d’enseignement et d’apprentissage en LP s’avèrent particulièrement difficiles.

Une prise en charge rendue compliquée par les conditions de travail.

Comment remédier aux difficultés et retard scolaire des élèves orientés en LP ?

Comment les motiver, quand ils sont convaincus que le système n’est pas à l’écoute de leurs besoins, ne tient pas compte de leur projet d’avenir, les mettant ainsi en souffrance ?

Comment préserver chez eux une certaine estime de soi quand, mal orientés, ils doivent en plus faire face à un manque criant de matériel et d’équipement, ce qui leur fait percevoir leur environnement scolaire comme un milieu hostile et se considérer comme des oubliés de l’école ?

Les personnels des LP doivent faire face à de nombreux autres problèmes :

- Le niveau des élèves accueillis dans ces établissements ne permet pas de les former en 3 ans conformément aux référentiels.

- Les compétences sur lesquelles les élèves doivent être évalués en Contrôle en Cours de Formation (CCF), sont précisées dans un référentiel. Or, dans certains établissements les enseignants ne disposent pas du matériel nécessaire à la formation de l’élève et à la réalisation de l’épreuve. Ils sont, donc, contraints de faire avec ce dont ils disposent. Dans ces conditions, certains élèves sont évalués à partir du minimum de connaissances et de compétences qu’ils ont pu acquérir.

- Les enseignants ne sont pas formés à la prise en charge d’élèves en situation d’illettrisme qui, de ce fait, rencontrent des difficultés tant en enseignement général qu’en enseignement professionnel.

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- Les moyens alloués aux lycées d’enseignement professionnel pour l’achat de la matière d’œuvre sont sans cesse réduits.

- L’organisation du temps scolaire, du transport scolaire ainsi que le manque d’internat, expliquent aussi en partie, les problèmes de concentration en classe et de saturation précoce des élèves, principalement ceux qui sont en difficulté.

- Le manque d’enseignants formés pour assurer l’enseignement de la Prévention des Risques liés à l’Activité Physique (PRAP) et l’enseignement du Sauveteur Secouriste du Travail (SST) est flagrant. Alors que ces formations sont inscrites au référentiel, beaucoup d’élèves terminent leur cursus en L.P. sans les avoir reçues.

- Il est prévu qu’il y ait dans les établissements, pour chaque bac pro un CAP de la même filière. Force est de constater que cela n’est pas toujours le cas. Par ailleurs, quand c’est le cas, très peu d’élèves ayant obtenu leur CAP accèdent en Première pro faute de place.

Propositions:

1. Mise en place d’un véritable dispositif pour élever le niveau de formation des élèves de troisième orientés en formation professionnelle. La généralisation de BAC pro en 3 ans aurait pu se justifier si en amont ce dispositif existait.

2. Mise en place d’un schéma prévisionnel des formations pour mettre enfin en cohérence les ouvertures de BAC pro et de CAP avec des besoins identifiés et répertoriés.

3. Attribution aux établissements d’une dotation en matériel suffisant et de qualité pour la formation des élèves en enseignement professionnel notamment. La revalorisation des LP en dépend. Souvent les enseignants sont obligés de mettre deux élèves de bac pro sur un même poste alors que les textes stipulent qu’ils doivent travailler en autonomie.

4. Adaptation des ateliers au niveau de formation. Les mêmes qui servaient, jadis, à former les BEP sont encore utilisés alors qu’ils sont trop exigus pour les bacs pro.

5. Mise en place d’un service d’hébergement pour les élèves venant de loin avec des personnels capables de les accompagner dans leur travail personnel.

6. Mise en place d’un dispositif de classes passerelles souple et efficace afin de donner à davantage d’élèves titulaires du CAP, une chance de poursuite d’études. Ce serait aussi un moyen de motiver ces jeunes.

7. Mise en place d’un véritable partenariat avec les entreprises. La relation avec les entreprises qui acceptent d’accueillir les élèves en PFE doit être repensée. Trop souvent, elles donnent l’impression de « dépanner », de « rendre service » et non pas d’être des acteurs importants dans la formation de ces jeunes. Certains chefs d’entreprise ne sont jamais entrés dans le lycée professionnel dont ils

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accueillent les élèves depuis des années. Il convient d’établir avec ces entreprises de véritables partenariats. Dans chaque établissement un personnel pourrait être désigné afin d’optimiser les relations avec les entreprises.

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I- Des rythmes éducatifs adaptés

Tous les problèmes pointés du doigt par le Ministère de l’Education Nationale sur les rythmes scolaires se retrouvent dans l’académie de Guadeloupe qui en cumule d’autres, très spécifiques, liés à notre réalité climatique et socioculturelle. Il est manifeste que les rythmes scolaires ne sont pas en adéquation avec les rythmes chrono biologiques des écoliers guadeloupéens. Ce constat peut se faire à plusieurs niveaux.

Dès l’école primaire, nos enfants sont soumis à des rythmes de vie que ne supporteraient pas des adultes. Levés aux aurores, les plus chanceux commencent leurs journées dès six heures trente en accueil périscolaire. D’autres, à peine plus tard, se retrouvent devant leur école, à attendre, parfois plus d’une heure, le début des classes de la matinée. L’organisation de la journée scolaire laissant peu de place aux activités physiques, artistiques et culturelles, l’école devient pour beaucoup d’enfants, un lieu de contrainte où ils ne trouvent aucune voie d’épanouissement, perdant ainsi tout goût pour les apprentissages disciplinaires. Dans le secondaire, les contraintes de transports scolaires aggravent encore cette situation. Les jeunes sont souvent contraints, surtout au lycée, de se lever dès quatre heures trente, pour un début de cours à sept heures, et un retour au domicile familial en fin de journée au-delà de dix-huit heures trente.

De plus, le calendrier scolaire, bien que propre à l’académie, est fixé en prenant en compte prioritairement des contraintes extérieures à nos régions ou au service d ‘éducation. Il ne fait pas de l’intérêt de nos élèves, la priorité.

Propositions :

1. Mener une véritable réflexion, sur les rythmes scolaires et conduire, avec tous les partenaires du système éducatif en Guadeloupe, une étude chrono biologique spécifique. L’objectif est de permettre que l’élève guadeloupéen soit enfin placé au centre d’un système éducatif adapté prenant en compte nos réalités climatiques.

2. Rétablir une réelle proximité avec l’école en proposant dès l’école primaire, des lignes de transport d’élèves adaptées ; ceci dans toutes les communes.

3. Renoncer à toute mesure de fermeture de classe et/ou d’école qui concourrait à scolariser des enfants du primaire loin de leur domicile.

4. Revoir et harmoniser au niveau du Collège, les heures de début et de fin des cours de la journée.

5. Au niveau du Lycée, renoncer à la mise en place de pôles géographiques des spécialités ; aussi bien pour les disciplines techniques que professionnelles.

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6. Aménager les emplois du temps et le calendrier scolaire de telle sorte que la seconde partie de journée soit réservée aux activités sportives, culturelles.

7. Procéder à une réorganisation de l’année scolaire qui ne peut s’envisager qu’en reconsidérant les programmes.

8. Réaliser avec les deux collectivités un réel travail de partenariat leur permettant de prendre toute leur part dans une réflexion de fond sur les enjeux et besoins de l’école en Guadeloupe.

II- Une école attentive à la santé des élèves.

Le ratio nombre d’élèves / médecin de santé scolaire et personnel infirmer n’a cessé de décroître depuis plus de vingt ans dans l’académie. Le nombre de psychologues scolaires et conseillers d’orientation a suivi la même tendance. Il en est de même pour les assistants de service social. Comment assurer un dépistage de qualité, un suivi médical des enfants les plus fragiles socialement, un accompagnement des familles en difficulté pour une meilleure prise en charge sociale et scolaire de leurs enfants, quand les personnels dont c’est la vocation, sont considérés de par leur nombre et l’étendue des secteurs qui leur sont confiés, comme accessoires ? Le dangereux glissement, qui consiste à vouloir confier certaines de ces tâches spécialisées aux enseignants, notamment aux professeurs principaux dans le secondaire, est une aberration. Comment après « une formation » d’une semaine, voire de deux jours, peut-on exiger d’un enseignant qu’il remplisse la fonction de conseiller en orientation. De plus, que fait-on de la partie « psychologue » ? En fait, le suivi des élèves a été sacrifié sur l’autel des restrictions budgétaires.

Propositions :

1. Renforcer, dans tous les secteurs, le taux d’encadrement en personnel médical, infirmier et social.

2. Réduire la taille des différents secteurs, donc le nombre d’élèves suivis par un personnel spécialisé.

3. Attacher à temps plein un personnel infirmier à tout établissement sensible et / ou reconnu difficile de par son fonctionnement interne ou son environnement immédiat.

4. Respecter les compétences de chaque personnel, résultat de nombreuses années de formation spécifique.

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III- Un accompagnement efficace pour les élèves en

situation de handicap

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose le principe de scolarisation prioritaire des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire, la scolarisation en milieu spécialisé étant l’exception.

Les élèves en situation de handicap doivent donc être scolarisés en classe ordinaire, en classe spécialisée (CLIS – ULIS…) ou en institut spécialisé (IME, ITEP…). Ceci quel que soit le handicap : intellectuel, moteur, maladie…

Les besoins en accompagnement sont les suivants :

- Aide d’un AVS-I : réservée aux élèves en situation de handicap et non aux élèves en simple retard ou difficulté scolaire.

Aide d’un service spécialisé : SESSAD (Service d’Education Spécialisé et de Soins à Domicile), SSEFIS (Service de Soutien à l'Education Familiale et à l'Intégration Scolaire) pour la déficience auditive. Mais qu’en est-il de la réalité du terrain ?

A l'heure où les effectifs s'élèvent à plus de 30 élèves par classe, il est difficile d'imaginer qu'un enseignant seul, soit en mesure de mettre en place une pédagogie différenciée efficiente, si l'on veut vraiment intégrer dans une classe ordinaire, les élèves porteurs d'un handicap.

Dans notre académie, la prise en charge des élèves en situation de handicap est insuffisante :

• Manque de personnels formés à l’accompagnement des jeunes. Ceux qui sont recrutés après une période de formation et qui acquièrent avec l’expérience de terrain une certaine technicité, ont des contrats précaires de moyenne, voire de courte durée. Souvent, faute de personnels formés, il y a une période de carence entre le départ d’un AVSI arrivé en fin de contrat, et le recrutement de son remplaçant. Un enfant scolarisé en école primaire est parfois pris en charge par plusieurs accompagnants, ce qui est pour lui, un facteur de déstabilisation supplémentaire.

• Encadrement médical et infirmier non renforcé dans les établissements qui accueillent des classes spécialisées.

• Des structures d’accueil (IME, ITEP, ULIS) en nombre insuffisant. Ce qui induit des orientations vers des structures non adaptées au handicap de l’enfant. Les classes accueillant des élèves handicapés, les CLIS et surtout les ULIS qui en reçoivent par défaut d’orientation ou de place en IME, sont démunies. Et souvent, les élèves attendent en ULIS pendant 4 ans au moins, une place qui ne se dégage jamais !

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• Nombre insuffisant d’enseignants spécialisés sur ces postes spécifiques dans les CLIS et ULIS.

• Absence de formation des enseignants qui reçoivent ces élèves dans des classes ordinaires, d’où des difficultés de gestion de ces classes.

• Inadaptation des bâtiments et absence d’entretien du matériel spécifique. • Non respect de la réglementation sur les effectifs (allégés) dans ces classes au

moment de la détermination des besoins de l’établissement. • Retour en classe ordinaire, faute de place, d’élèves orientés dans des structures

spécialisées. • L’orientation des élèves handicapés est un problème sérieux : trop peu

réussissent à décrocher une qualification. Ils sont dirigés soit en ULIS lycée (qui les garde le plus souvent durant 3 ans), soit en CFA pour prétendre à un CAP qui n’est pas toujours à leur portée.

• Un nombre croissant de collègues s'intéresse à la langue des signes pour laquelle il existe une épreuve au baccalauréat. Malheureusement, malgré la demande, aucune formation n'est mise en place.

Propositions:

1- Revoir les tests de dépistage afin que ceux-ci tiennent compte du fait de notre réalité sociolinguistique. Cela évitera de «déceler» des faux handicaps.

2- Augmenter les moyens humains et matériels. Former davantage d’enseignants spécialisés et renforcer la formation des AVSCO, AVSI et EVS.

3- Prévoir dans la formation des enseignants du premier et du second degré, un module consacré à l’accueil d’élèves en situation de handicap.

4- Suivre et accompagner l’élève dans la réalisation de son projet professionnel pour faciliter son insertion, quand il le peut, dans la vie active. Des enseignants spécialisés pourraient les suivre sur le lieu de formation ou des AVSI pourraient les aider à mieux réussir.

5- Augmenter la capacité d’accueil des IME pour y affecter tous les élèves relevant de ce dispositif.

6- Permettre aux enseignants volontaires de bénéficier, dans le cadre de la formation continue, d'un apprentissage de la LSF (langue des signes française), ce qui faciliterait l'intégration d'enfants sourds et malentendants.

7- Proposer aux élèves des ateliers d'apprentissage de la LSF.

8- Mettre aux normes les établissements scolaires, afin qu’ils puissent accueillir dans de bonnes conditions, les élèves en situation de handicap.

9- Préparer l’arrivée de l’élève dans son établissement d’affectation : prévoir le personnel, les aménagements complémentaires, l’équipement et le matériel nécessaires, en fonction de son handicap, afin qu’il soit accueilli dans les meilleures conditions possibles.

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10- Pérenniser les contrats des personnels formés afin de constituer un vivier de professionnels expérimentés, pouvant assurer de manière efficace et continue, l’accompagnement des élèves.

11- Renforcer l’encadrement médical et/ou infirmier dans les établissements accueillant des jeunes en situation de handicap, surtout si le handicap est accompagné de problèmes de santé connexes.

12- Sensibiliser les personnels, en particulier les enseignants, ainsi que les élèves de tous les établissements, aux différents types de handicap.

IV- Un climat scolaire apaisé dans les écoles et les

établissements

La mise en œuvre des dernières réformes a entraîné la dégradation des conditions d’apprentissage des élèves ; devant le mécontentement des familles, les enseignants ont souvent été présentés comme les freins à l’innovation et au renouveau de l’École. Alors qu’ils s’élevaient contre le démantèlement, du système éducatif, ils ont été dénigrés, déconsidérés, désignés à la population, par leur propre hiérarchie, comme des privilégiés ne défendant que leurs intérêts corporatistes. Tout cela n’est pas sans conséquences : les situations de conflit entre adultes se multiplient et sont relayées par les jeunes qui se sentent soutenus par leur famille.

Confrontés à ce changement du climat scolaire, les personnels ne se sentent pas toujours soutenus par leur hiérarchie, ni au niveau de leur établissement, ni au niveau académique. La pratique trop souvent mise en œuvre, de la politique de l’autruche, « on attend que les choses se tassent », débouche sur des situations explosives. De même, l’inspection sanction comme mode de gestion des ressources humaines, qui vise en particulier des collègues en difficulté, n’est pas facteur d’apaisement.

Propositions :

1- Travailler à rétablir la confiance entre les membres de la communauté scolaire en initiant dans les établissements, des projets impliquant toutes leurs composantes : personnels enseignants et d’éducation, IATOS, élèves, parents d’élèves.

2- Dans les établissements, faire vivre de manière effective les instances où les différents partenaires sont représentés.

3- Rétablir chacun des partenaires dans son rôle, en reprécisant au niveau académique les domaines d’intervention, ceci conformément aux textes règlementaires.

4- Apporter un soutien effectif aux personnels en difficulté. 5- Revoir le mode de gestion des ressources humaines de l’académie et restaurer

l’image des acteurs du système éducatif.

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V- La vie scolaire et l’éducation à la citoyenneté.

La vie scolaire de l’élève, c’est à dire l’ensemble des activités pratiquées durant son temps de présence au sein de l’établissement, est tributaire du climat scolaire. Elle concerne aussi bien les personnels d’éducation que les personnels d’enseignement : les conseillers principaux d’éducation avec l’équipe de « Vie Scolaire » organisent les temps de présence de l’élève au sein de l’établissement dès lors qu’il n’est pas sous la responsabilité d’un enseignant, les enseignants, durant leur temps d’enseignement, qui inclut la gestion de leur classe, sont des acteurs de la vie scolaire de l’élève. Les situations de tension sont vécues par les élèves et leurs enseignants dans la classe, et se manifestent aussi dans tous les autres lieux de vie de l’établissement. Un défaut d’encadrement par manque de personnels, et/ ou du fait de la structure particulière d’un établissement ne facilitera pas l’éducation à la citoyenneté.

Dans notre académie :

- Le ratio CPE/ effectif établissement, est largement insuffisant dans les collèges, niveau reconnu très sensible.

- Au lieu d’augmenter le taux d’encadrement des élèves du secondaire, on diminue le nombre de postes d’assistant d’éducation dans nombre d’établissements.

- Il existe encore des établissements dont la structure et/ou les effectifs sur un même site, sont facteur de tensions, voire de violence.

Propositions :

1. Former les nouveaux enseignants à la gestion de groupe et à la gestion de conflit.

2. Remplacer les grosses unités d’enseignement par des structures à taille humaine.

3. Donner à l’action périscolaire toute sa place en la budgétisant dans les dotations des EPLE.

4. Augmenter le taux d’encadrement en collège et dans les établissements les plus difficiles, sans toucher aux dotations en personnels des autres établissements.

5. Généraliser, dans les établissements du second degré, la mise en place d’espaces d’expression artistique et culturelle permettant la formation à l’autonomie des élèves, facteur d’éducation à la citoyenneté.

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I- Une grande ambition pour le numérique

Le gouvernement a proposé, encore une fois, "un grand plan pour l'e-éducation", en insistant sur la formation des enseignants et les usages pédagogiques.

Les enjeux et attentes sont importants puisque le numérique permettrait à l’enseignement de gagner en efficacité. Les jeunes, dans leur grande majorité, utilisent quotidiennement, pour leurs loisirs, les nouveaux outils numériques ; l’école pourra s’appuyer sur cette compétence.

Cependant, la réalité du terrain montre bien qu’il ne s’agit pour le moment que de vaines annonces politiques. En effet :

Disposer en Guadeloupe de ressources et d’outils pédagogiques appropriés, complets et innovants reste difficile tant pour les enseignants que pour les élèves.

Au Primaire

Tributaire d’un grand nombre d’inter-acteurs (rectorat, collectivités, services d’entretien...) la politique de développement du numérique en est encore à ses premiers pas dans notre académie.

Le système éducatif est incapable de garantir l’accès aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), à tous les élèves du primaire. Les moyens matériels ou humains manquent.

Lorsqu’un parc informatique existe dans une école, sa maintenance n’est pas ou est mal assurée : appareils hors service, logiciels obsolètes, connexion Internet problématique, voire impossible.

La formation et l’accompagnement des enseignants restent insuffisants.

Trouver des ressources adaptées à notre milieu n’est pas toujours facile, les outils numérisés d’aide aux enseignants faisant défaut.

Propositions :

1- Mettre en place un plan numérique communal sur l’ensemble du territoire permettant d’assurer au minimum la mise à disposition d’une mallette numérique dans chaque école. La maintenance serait assurée par la collectivité sous couvert d’un contrat signé avec le rectorat.

2- Mettre en place dans le cadre de la déclinaison du plan académique de formation (PAF) des formations départementales intégrant les TIC pour tous les enseignants de toutes les écoles. Le contenu serait proposé par un comité de réflexion académique compte tenu des outils numériques mis à disposition des écoles.

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3- Mettre en place un pôle académique TIC, constitué notamment par les animateurs intervenant informatique de l‘académie et des conseillers pédagogiques TIC. Ce pôle serait une instance de propositions, de suivi et de validation des projets utilisant les TIC.

Au secondaire

Les effets d’annonce et les exigences pédagogiques ne sont pas en adéquation avec la réalité numérique des établissements du second degré.

• Une très grande disparité dans la situation numérique des établissements du second degré.

• Dotation insuffisante en matériels informatiques et en moyens humains dans les collèges pour l’enseignement mais aussi pour satisfaire les nouvelles exigences administratives liées à la fonction des personnels enseignants : ENT, cahier de texte numérique…

• Les moyens humains utilisés dans les établissements pour assurer le suivi et la maintenance du matériel sont précaires.

• Des décisions politiques sont prises sans concertation avec les établissements, par exemple, remise aux élèves de seconde d’un ordinateur non opérationnel en classe.

Propositions :

1- Mise en place d’un vrai projet numérique dans tous les établissements du second degré.

2- Création de postes à profil dédiés au suivi et à la maintenance du matériel numérique.

3- Un dispositif de mise en réseau des établissements scolaires, unique pour toute l’académie.

II- Une école plus juste pour notre territoire

Au regard des résultats des évaluations nationales et des résultats des différents examens, mais surtout au regard du taux d’illettrisme en Guadeloupe et du taux d’échec en première année d’université, on serait tenté de penser que toute l’académie devrait être une Zone d’Education Prioritaire. Mais le dispositif ZEP appliqué en Guadeloupe n’a pas apporté de changements significatifs. Les politiques éducatives prévues pour l’ensemble français ne peuvent pas s’appliquer mécaniquement dans notre académie ni dans les académies de Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte. Nous sommes convaincus que les autorités gouvernementales n’ont pas encore pris la mesure de ce problème. Une école plus juste pour notre territoire passe par des réponses appropriées aux causes qui la rendent injuste, à savoir :

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- Son inadaptation aux réalités linguistique, historique, géographique, culturelle, environnementale de la Guadeloupe.

- Son caractère élitiste qui l’oblige à laisser de côté les élèves qui ont des difficultés d’apprentissage, ce qui accentue la montée du chômage et les inégalités sociales.

- Son incapacité à donner aux jeunes une formation professionnelle correspondant à notre réalité ainsi qu’aux besoins en développement de notre pays.

- Son impossibilité à apporter sa contribution pour freiner la montée de la violence et de la délinquance des jeunes.

Propositions :

1- Mise en place en Guadeloupe d’une structure chargée de l’Adaptation du contenu des programmes à nos réalités.

2- Mise en œuvre des dispositions du projet académique 2005-2008 et mise en place d’un comité de suivi composé des représentants des différents acteurs.

3- Elaboration d’un projet d’éducation et de formation initiale, cohérent et efficace répondant aux besoins de développement du territoire.

4- Mise place en Guadeloupe d’un pouvoir de décision en matière de finalité et d’orientation de l’éducation et de la formation, de développement des filières de formation générale, technologique et professionnelle.

III- Une gouvernance rénovée

Des réformes successives on fait évoluer la question de la gouvernance dans l’Education. La décentralisation et le rôle des collectivités, la déconcentration de la gestion des moyens, la place plus importante prise par les associations et les parents d’élèves, l’autonomie laissée aux académies et la possibilité de la contractualisation entre le ministère et l’académie et la mise en place du Conseil de l’Education Nationale (CEN) ont ouvert des perspectives pour une gouvernance rénovée de notre académie. Les acteurs du système éducatif ont la possibilité, dans la cohérence, la concertation et l’efficacité, de mettre en œuvre un véritable projet éducatif prenant en compte nos réalités, garantissant l’égalité des chances et une formation pour tous les élèves.

Gouverner c’est prévoir et agir avec efficacité. La création de l’Académie de Guadeloupe en 1997 a été vécue comme l’espoir de la mise en place d’un espace de proximité doté d’une gouvernance mieux à même de prendre en charge la problématique de l’école en Guadeloupe dans toute ses dimensions (échec et retard scolaire importants, non prise en compte des réalités culturelle, historique et environnementale proche, inadaptation de la formation professionnelle, problème de l’orientation scolaire, échec des dispositifs de remédiation…).

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C’était l’espoir d’une prise en charge de ces questions et de trouver des pistes de solution mettant l’enfant guadeloupéen au centre de nos préoccupations ; c’est l’objectif que s’était fixé l’ensemble de la communauté éducative en Guadeloupe en 1997 suite à un grand mouvement de masse. La signature avec les représentants du ministère à l’issue de ce mouvement, a abouti au protocole d’accord GAZOL, dotant notre Académie de moyens permettant l’édification d’un rectorat de plein exercice et définissant un processus permettant d’apporter un début de réponse aux dysfonctionnements de l’école en Guadeloupe.

Ainsi après un processus de concertation et d’enquêtes impliquant tous les acteurs du système éducatif, un projet académique, partagé par tous, a vu le jour en 1999. Ce projet devait constituer le projet de référence pour la politique à mettre en place par le Rectorat de Guadeloupe et un premier pas vers un véritable projet éducatif.

Cela n'a jamais été le cas malheureusement !

Les prétextes invoqués pour ne pas le mettre en œuvre (« projet trop ambitieux difficile à réaliser en trois ans », « échec dû à la structure des établissements scolaires inadaptée, à l’évolution des pratiques et des structures pédagogiques, au malaise des enseignants ») masquent une réalité : l’absence de volonté de se donner des priorités tenant compte de nos réalités et de les mettre en œuvre en adaptant les directives ministérielles à ces objectifs prioritaires définis dans une démarche de contractualisation.

De l’aveu même du Rectorat (« historique de l’académie » publié sur le site de l’académie) : le projet académique 1999-2002 est « un projet exemplaire au plan de la démarche et emblématique, parce que porté par l’enthousiasme qu’a généré chez l’ensemble des acteurs la création de l’Académie, synonyme d’avancées certaines et rapide. Mais ce projet s’est révélé trop ambitieux ; non dans son essence, car les carences importantes et les handicaps sévères qui caractérisent encore l’Académie attestaient de la validité des constats et des objectifs formulés en 1999, mais plutôt dans sa mise en œuvre. Les objectifs annoncés étaient très ambitieux, difficiles à réaliser sur une courte période et peu ont été atteints. ».

Depuis ce projet de 1999-2002 resté dans les tiroirs, de nouveaux projets académiques élaborés par l’administration, presque confidentiellement, voient le jour sans qu’aucune évaluation ni aucun bilan du précédent soit fait (2003-2005, 2005-2008, 2008-2012). Seul le Recteur Guinchard en 2003 a mis en place une telle démarche mais pour réaliser un projet académique 2003-3005, plus au service du renforcement de la superstructure Rectorat, que de la transformation du fonctionnement de l’école.

Par ailleurs, le rôle renforcé des collectivités n’a pratiquement jamais été conçu pour mettre en place une synergie permettant de créer une dynamique propice à l’élaboration d’un projet éducatif pour la Guadeloupe. Les collectivités se sont le plus souvent cantonnées dans le rôle de constructeurs d’établissements, de fournisseurs de moyens pour le fonctionnement, l’entretien et l’équipement d’établissements

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scolaires, comme si elles n’avaient aucune prise sur la définition des politiques éducatives et des actions mises en place en Guadeloupe. Le Conseil de l’Education Nationale (C.E.N) tel qu’il fonctionne dans notre pays, est en réalité une structure ayant une existence purement formelle, qui n’apporte rien de fondamental au système éducatif.

Propositions :

Nos propositions s’articulent autour de trois axes :

1- le pilotage de notre académie

o Faire un bilan des différents projets académiques élaborés. o Définir des objectifs à court et moyen terme. o Mettre en place un comité de suivi chargé d’organiser des bilans d’étape

et évaluations.

2- Les relations entre les services déconcentrés et les services centraux

Nous proposons qu’une démarche de contractualisation soit engagée avec le ministère de l’éducation nationale pour qu’il accompagne la réalisation du projet académique. Cela permettrait d’ancrer le système éducatif dans sa réalité territoriale et entérinerait des orientations stratégiques et des priorités d’actions propres à notre académie en tenant compte des diagnostics partagés avec l’ensemble des acteurs.

3- La relation entre les services déconcentrés, les collectivités territoriales et les partenaires du système éducatif

Faire du CEN, qui regroupe toute la communauté scolaire et universitaire, tous les types d’enseignement, les partenaires institutionnels et ceux qui sont concernés par le système éducatif, un véritable Conseil de l’Education ayant, comme le permet la réglementation, le pouvoir de faire des propositions sur toute question relative à l’organisation et au fonctionnement du service public d’enseignement dans l’académie. Il aurait aussi la possibilité de constituer des groupes de travail ou commissions chargés d’investigations, d’enquêtes, de réflexions et d’élaborer des rapports servant de support pour les débats et décisions.

IV- Les parents, partenaires de l’école

Les relations entre la famille et l’école ont beaucoup évolué. Autrefois, les parents donnaient à l’institution toute latitude pour former leurs enfants ; actuellement la donne a changé.

Les parents ont une attente forte vis-à-vis de l’école, ce qui explique leur forte implication dans l’Ecole dès la maternelle. Au fil des années de scolarité de leurs enfants cependant, leur participation diminue ; ils comprennent de moins en moins ce que l’institution attend d’eux et la contribution qu’ils peuvent apporter à la scolarité de leurs enfants.

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Les textes officiels prévoient une implication des parents dans l’Ecole. Partenaires du système éducatif, ils sont reconnus par l’institution comme étant les responsables véritables du devenir de leurs enfants. Leur avis est sollicité pour les décisions importantes qui concernent le cursus scolaire des élèves, celui des équipes pédagogiques devenant secondaire. Il est incontestable que de tels rapports famille/école constituent une avancée pour une société démocratique. Ils reposent certes sur une intention louable, cependant ils aboutissent parfois à une situation déplorable qui peut constituer une menace pour l’indépendance de l’école publique - qui doit assumer des contenus et valeurs laïcs - et une atteinte grave au statut et au rôle des enseignants.

On peut déplorer :

- La méconnaissance, par les différents partenaires, des rôles respectifs de chacun ; ce qui entraîne parfois des conséquences préjudiciables au climat de l’école qui perd de plus en plus de la sérénité dont elle a besoin.

- Les modalités d’organisation des réunions d’information qui ne sont pas toujours idéales et la faible participation des familles aux rencontres parents professeurs. La plupart du temps, les familles absentes sont en général, celles qui sont économiquement défavorisées et cette absence est souvent abusivement assimilée à une démission. Or les causes peuvent être multiples : appréhension liée à leur niveau culturel, à leur propre passé scolaire, à la barrière linguistique ou à un sentiment de dévalorisation.

- Que certains parents, n’étant pas suffisamment informés, prennent des décisions qui ne vont pas toujours dans le sens de l’intérêt de leurs enfants surtout quand celles-ci sont motivées par des considérations privées.

- Les interventions intempestives de certains parents, surtout ceux de milieux favorisés, sur les contenus et les méthodes pédagogiques des enseignants, ce qui conduit à une altération de la communication entre ces deux partenaires et les empêche de saisir les véritables causes de la crise de l’école.

L’engagement des parents doit être favorisé, la confiance entre parents et enseignants rétablie.

Propositions :

1- Redéfinir clairement le rôle des parents dans le système éducatif.

2- Pour favoriser leur participation, l’institution doit permettre l’établissement de rencontres avec les parents au niveau local, afin qu’ils partagent les compétences, les connaissances et les outils nécessaires pour une participation efficace à l’éducation de leurs enfants, à la vie de l’école. Elle doit instaurer un climat suscitant chez les parents un sentiment d’appartenance, de responsabilité, ce qui contribuera à faciliter le respect mutuel.

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3- Encourager les initiatives en milieu scolaire visant à aider les parents qui aimeraient s’impliquer mais dont la situation économique et sociale, la méconnaissance du système constituent pour eux un obstacle.

4- Evaluer régulièrement l’efficacité des stratégies mises en œuvre pour la participation des parents.

5- Revoir les conditions de l’accueil pour une meilleure confidentialité. Organiser officiellement l’accueil des parents en aménageant par exemple une salle dédiée à cet effet, qui servirait non pas seulement aux rencontres avec les professeurs mais aussi aux séances d’information sur des questions liées à la scolarité et à la parentalité.

6- Agir pour mieux faire connaître les rôles respectifs et préciser les limites d’intervention de chacun, afin d’améliorer les rapports entre parents et enseignants. Ceci contribuera à réduire l’insécurité professionnelle des enseignants et à réaffirmer leur autonomie pédagogique vis-à-vis des parents.

7- Ouvrir les portes de l’école aux familles dans le cadre d’une collaboration effective et contractuelle autour du cas de chaque enfant et non uniquement sur les problèmes généraux.

8- Former les enseignants à la concertation avec les parents.

9- Améliorer qualitativement la communication pour permettre un meilleur dialogue avec les familles. Trouver des modalités particulières de dialogue afin d’éviter que les élèves ne fassent écran entre la famille et l’école.

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Une formation pour donner à l’école des enseignants

capables de s’enraciner dans le milieu régional pour aller

vers l’ailleurs

La loi d’assimilation de 1946 transforme l’école coloniale aux Antilles et en Guyane en école républicaine proche de celle qui existe en France. En ne tenant pas compte des nombreuses revendications des différents conseils coloniaux et personnalités politiques de l’époque, les responsables qui ont eu à gérer ce passage de l’école coloniale à l’école républicaine, encore aveuglés par le souci de « francisation » de ces colonies, n’ont pas fait preuve d’ouverture. Cette tendance se poursuivra jusqu’à ce jour car les différentes lois qui se sont succédées (Debré en 1959, Faure en 1968, Haby en 1975, Savary en 1984, Jospin en 1989, Fillon en 2005) n’ont pas plus tenu compte des spécificités de la région.

Quelques éléments pour la formation initiale des enseignants.

Une des conséquences de la départementalisation est que la Guadeloupe était désormais dotée d’une école normale d’instituteurs, outil incontournable pour le développement de l'école et donc pour assurer le développement de l’archipel. On peut regretter que malgré les voix qui s'élevèrent ici et là à l’époque en Guadeloupe et ailleurs, le programme de formation de ces maîtres ne soit pas mieux adapté aux problématiques locales pour une meilleure formation des jeunes Guadeloupéens à leur environnement. Aujourd'hui encore, ce constat est d'actualité. La formation des jeunes enseignants, malgré les efforts de l’IUFM, reste trop éloignée des réalités par souci de la sacro-sainte unité de l’Éducation Nationale.

Combien de sujets devraient être traités durant ces formations et ne le sont pas ?

Citons quelques exemples valables en particulier pour les professeurs des écoles. Alors que le maître doit œuvrer à l'insertion de l'élève dans son milieu et non l'éduquer à une société, à laquelle à son âge, il est peut-être étranger, on peut déplorer : le peu de temps consacré à l'éducation aux risques naturels, l’absence de formation sur les problèmes de santé (éducation à la prévention de certaines maladies à forte prévalence), le manque d’approfondissement de la langue et de la culture de notre région, le manque de formation autour de l’histoire et de la géographie de la zone caraïbe. Même si la formation intègre quelques-uns de ces éléments, comme l’IUFM tente aujourd’hui de le faire à la marge, l’important reste la possibilité de vérifier ces acquis lors du recrutement de l’enseignant. Certes cela est possible dans le cadre du master, mais malheureusement, par souci d’efficacité, l’étudiant donnera la priorité aux connaissances vérifiées dans les épreuves du concours.

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La garantie d’avoir des enseignants capables de s’enraciner dans le milieu est de s’assurer lors du concours que les connaissances requises sont acquises. Les enseignants (professeurs des écoles, PLP, certifiés et agrégés) mutés dans l’académie, eux, devraient être tenus de suivre au titre de la formation continue, un certificat de master avec comme opérateur l’université.

L’exigence d’une bonne intégration du maître dans le milieu de l’enfant, prend tout son sens quand il s’agit des maîtres des sections de maternelle. En maternelle tout est différent : le rythme, les objectifs, les apprentissages, les relations avec les parents. Cela nécessite, quel que soit le contexte, une formation qui ne peut être noyée dans la formation générale. A défaut d’une forte spécialisation durant la formation initiale, il convient de prévoir une formation complémentaire dès l’entrée en fonction des néo-titulaires responsables d’une section de maternelle.

Les ESPE (Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation) qui auront parmi leurs missions celle de mettre en œuvre les formations, devront, compte tenu des spécificités des formations qu’elles délivreront, tout en faisant partie de l’université, se distinguer des autres composantes de celle-ci. Elles devront bénéficier d’une autonomie suffisante pour impulser des projets tant en formation initiale qu’en formation continue sur place avec les représentants du futur employeur des diplômés. Sans baisser le niveau de l’enseignement disciplinaire théorique, la formation pédagogique doit être renforcée. Par ailleurs, l’acquisition de postures professionnelles doit être une priorité, ce qui nécessite des temps de stage de terrain importants y compris des stages en entreprise pour la découverte du tissu économique et des métiers; cette partie de la formation doit avoir un statut d’unité de valeur dotée d’ECTS.

Les projets de formation des ESPE ne sont réalisables que si elles ne sont pas contraintes par des décisions des C.A des universités à des volumes horaires trop faibles pour les masters qu’elles mettent en œuvre ; les spécificités de la formation doivent être reconnues par le Ministère.

Les ESPE doivent recruter dans toutes les composantes avec une priorité aux étudiants ayant choisi, durant leur cursus de licence, des unités de valeurs les préparant aux métiers de l’éducation et de la formation et ayant opté pour un stage de découverte du métier d’enseignant ou ayant préparé un diplôme d’animateur. Cela implique que les ESPE soient en mesure de proposer à tous les étudiants de licence un panel d’unités de valeur qui seront prises en compte dans le décompte des 180 ECTS nécessaires à l’obtention de la licence. Le choix de ces U.V à partir de la deuxième année de licence (L2), constituera une orientation pour l’étudiant qui devra toutefois capitaliser un nombre minimal d’ECTS sur ces U.V ; on peut exiger par exemple que ce nombre soit compris entre 35 et 45 ECTS.

Enfin, l’exigence d’une pratique correcte d’une langue étrangère par tout enseignant, nécessite que le titulaire d’un master préparé dans une ESPE ait été au moins une fois dans sa vie en immersion dans un pays pratiquant la langue. S’agissant des Antilles, l'étudiant pourra tirer un double bénéfice d'une immersion dans un des pays

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environnants. D'une part une pratique de la langue dans un contexte proche et d'autre part un approfondissement de la connaissance des voisins de la Caraïbe.

La formation continue doit se situer dans le prolongement de la formation initiale et dans un cadre universitaire. Elle revêt une importance particulière dans les territoires éloignés des grands centres de documentation et de recherche, des grands musées et expositions. Par ailleurs, la polarisation des formations de l'UAG fait qu’on ne retrouve pas dans une même académie, l’ensemble des formations assurées par l’UAG. Cette situation ne favorise pas le renouvellement des connaissances des enseignants en poste. C'est en partie ce qui justifie l'importance de la formation continue.

Dès lors, il est souhaitable que l'ESPE soit l'opératrice naturelle des actions de

formation continue à la demande de l'académie mais aussi de la composante de

l'université proposant et pilotant les actions de formation continue diplômante,

liées aux métiers de la formation et de l'éducation.

L'entrée progressive dans le métier se fera pour partie au cours des deux années de master. L'enseignant n'atteint la pleine maîtrise des postures professionnelles nécessaires qu'après plusieurs années d’exercice de son métier. Mais, le futur enseignant doit être préparé pour prendre en responsabilité totale des groupes d'élèves. « Aider le futur enseignant dans la construction de son identité professionnelle », c'est une mission qu'il convient de confier aux formateurs des ESPE. Cette construction se fait par petites touches au cours des stages encadrés à la fois par les formateurs de l'ESPE et des professionnels chevronnés du terrain.

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