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RÉFLEXIONS SUR LES ATTESTATIONS DE L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS DANS LES CONTRATS PUBLICS Présenté à la Commission Charbonneau

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Réflexions suR les attestations de l’autoRité des maRchés financieRs

dans les contRats publicsPrésenté à la Commission Charbonneau

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TABLE DES MATIÈRES

pRéambule ................................................................................................................................................................................. 3

les pRincipes de la loi 1 ...................................................................................................................................................... 3

QuelQues pRéoccupations souleVées loRs de l’adoption du pRoJet de loi 1 ........................................... 4

des peRceptions Véhiculées paRmi les entRepReneuRs ........................................................................................ 4

les limites de l’accRéditation de l’amf ........................................................................................................................ 5

dilemme d’application ................................................................................................................................................... 6

paRticuliaRités de l’industRie de la constRuction

en Relation aVec les autoRisations de l’amf ............................................................................................................. 7

paRticuliaRités de la sous-tRaitance dans les contRats de constRuction

des oRGanismes publics .............................................................................................................................................. 7

une multitude de RÈGlements À appliQueR ......................................................................................................... 8

QuatRe obJectifs – QuatRe RemÈdes ............................................................................................................................. 9

Recommandations .................................................................................................................................................................10

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PRÉAMBULE

La Corporation des entrepreneurs généraux du Québec souscrit entièrement au principe d’écarter de notre industrie, et particulièrement des marchés publics, les entreprises malhonnêtes ainsi que celles liées au crime organisé. Or, plusieurs de ces entreprises que nous souhaitons voir écartées des marchés publics œuvrent au niveau de la sous-traitance où elles peuvent agir de façon « low profile ». Comme les seuils d’application relatifs aux autorisations de l’AMF seront de nouveau réduits, un grand nombre de sous-traitants seront bientôt concernés par ces autorisations.

Nous vous indiquerons nos préoccupations et les pistes de solution.

La CEGQ croit par ailleurs que les autorisations de l’AMF ont des limites et ne peuvent régler à elles seules plusieurs problématiques qui mettent également en cause l’intégrité des contrats publics et la gestion des contrats de construction.

Les entrepreneurs généraux connaissent bien les législations et les réglementations qui gouvernent l’industrie de la construction de même que leurs impacts sur la concurrence, les coûts de construction et la saine gestion des fonds publics. Nous tendons souvent à oublier que ces réglementations, adoptées pour la plupart en vases clos pour répondre à des problématiques ou « commandes » particulières, s’appliquent simultanément et ont parfois des effets combinés contraires à ceux recherchés ainsi qu’à l’intérêt public.

LES PRINCIPES DE LA LOI 1

L’objectif recherché par la Loi 1 « Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics » consiste à rétablir la confiance du public envers l’octroi des contrats publics.

Les entreprises doivent maintenant montrer « patte blanche » pour faire affaire avec un organisme public, une société d’État, un ministère ou une municipalité. Pour ce faire, elles doivent détenir une autorisation émise par l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Puisque c’est un privilège d’obtenir des contrats de l’État, les fournisseurs ne peuvent invoquer la présomption d’innocence pour discuter cette décision administrative de l’AMF. Pour remplir son mandat, l’AMF s’appuie notamment sur les enquêtes et rapports de l’Unité permanente anticorruption.

Au-dessus des seuils établis, seules les entreprises sans passé criminel, celles qui ont la confiance du public et celles qui ont « fait le ménage » dans leurs dirigeants, peuvent maintenant déposer des soumissions aux fins d’obtention de contrats publics. Notons que plus de quatre-vingts (80) infractions criminelles sont visées par la Loi.

Le président du Conseil du trésor de l’époque, monsieur Stéphane Bédard, qui a déposé ce projet de loi, indiquait que : « Le gouvernement vise à faire un grand ménage et s’assurer que les contrats publics seront attribués à des entreprises honnêtes qui méritent notre confiance ! ». « L’État ne veut pas faire affaire avec des entreprises liées au crime organisé. »

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QUELQUES PRÉOCCUPATIONS SOULEVÉES LORS DE L’ADOPTION DU PROJET DE LOI 1

Lors de l’adoption du projet de loi, certains intervenants ont soulevé quelques préoccupations relativement à l’adoption de la Loi 1, qui nous apparaissent encore aujourd’hui d’actualité :

• L’industrie de la construction au Québec est déjà très réglementée. Un bon nombre de ces lois et règlements réduisent la concurrence dans les marchés publics et alourdissent de façon significative la gestion des projets de construction.

• Puisque la Loi sur les contrats des organismes publics repose notamment sur le principe de l’accessibilité, à quel point les autorisations de l’AMF seront-elles un frein à cette accessibilité pour des entreprises honnêtes ?

• L’AMF et l’UPAC vont investiguer pour déceler les fraudes, s’il y a lieu, et enquêter pour découvrir leurs auteurs respectifs le cas échéant. Cette loi ne vise pas à prévenir ni intercepter les fraudes et les dérogations ou éviter que des crimes soient commis.

• Que fera-t-on lorsqu’il sera démontré qu’un dirigeant a agi de lui-même, a tenté de poser certains gestes répréhensibles n’ayant rien à avoir avec l’obtention de contrats, mais qui éventuellement donnent suite à une condamnation ? Va-t-on punir l’entreprise, à chaque fois ?

• Bien qu’il soit capital d’exercer un contrôle sur les soumissionnaires, il faut également agir pour s’assurer de la conformité des contrats avant leur signature et durant leur exécution.

DES PERCEPTIONS VÉHICULÉES PARMI LES ENTREPRENEURS

Bien que les répercussions des autorisations de l’AMF soient positives, nous considérons pertinent de mentionner les deux perceptions véhiculées dans notre industrie, dix-huit mois après la mise en vigueur de la loi :

• Certains croient que des entreprises malhonnêtes réussissent à obtenir rapidement leur accréditation de l’AMF et ce, même après avoir admis publiquement avoir fraudé l’État. Il s’agirait, pour ces dernières, de démontrer qu’elles emploient beaucoup de personnes et qu’elles ont mis à pied les gestionnaires identifiés comme ayant participé aux stratagèmes de collusion ou de corruption.

• Les nombreux reportages d’enquêtes et les révélations devant la Commission Charbonneau ont permis à l’AMF et l’UPAC de cerner l’ampleur de la collusion et de la corruption dans l’industrie de la construction. Ils ont également permis de prendre en défaut ceux pour qui ces stratagèmes étaient devenus des cultures d’entreprise et, pour certains, la façon normale de transiger. Au moment où ils ont commis ces gestes, ils ne se sont pas méfiés et ont fort probablement laissé de nombreuses traces. Peut-on alors penser que l’AMF et l’UPAC auront la tâche aussi facile dans le futur pour enquêter sur ces mêmes pratiques ?

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LES LIMITES DE L’ACCRÉDITATION DE L’AMF

Ces accréditations de l’AMF ont pour objectif de garantir à l’État que ses organismes publics contracteront avec des entreprises qui ont la confiance du public, qui n’ont pas été condamnées pour des actes frauduleux et qui ne sont d’aucune manière liées au crime organisé.

À terme, l’accréditation de l’AMF aura-t-elle un impact réel sur le comportement des individus qui trouvent largement leur profit en ayant recours à des stratagèmes de collusion et de corruption ? Ou encore auprès de certains acteurs publics qui cherchent à orienter les appels d’offres ou restreindre indûment la concurrence en contournant ou interprétant les règles des marchés publics ?

Il faut se rappeler que le seul lien entre les organismes publics et les sociétés privées est la réglementation qui régule les marchés publics. Pour certains, il s’agit donc d’orienter l’application des règles et leur donner l’interprétation qui leur convient, et le tour est joué.

Malgré les accréditations de l’AMF, il sera toujours tentant pour certains fournisseurs de biens, de services ou impliqués dans les contrats de construction, de décrocher un contrat très lucratif en tentant de convaincre un acteur public, son mandataire, un membre d’un comité de sélection, ou des concurrents, pour orienter en leur faveur l’octroi de contrats publics.

Pour une entreprise œuvrant principalement dans le secteur public, les conséquences résultant de la perte d’importants contrats aux mains de concurrents qui « manœuvrent » pour s’avantager peuvent être désastreuses. Dans un instinct de survie ou de réaction, l’entreprise pourrait être tentée de faire la même chose, surtout si ses concurrents ne se font pas prendre.

Les accréditations de l’AMF sont-elles vraiment dissuasives pour éviter les communications d’influence alors que d’importants marchés publics sont octroyés sur des critères subjectifs ? Où le choix des critères est laissé à la discrétion d’agents publics ? Où les membres des comités de sélection sont également nommés par des agents publics ou avec des influences politiques ? Où les décisions des comités de sélection ne peuvent être remises en question ? Où le choix d’importants équipements est confié à la discrétion de mandataires des organismes publics ? Où certains fournisseurs peuvent rédiger les spécifications des appels d’offres sur lesquels ils participeront par la suite ?

Est-ce vraiment dissuasif, lorsqu’on sait que ces communications d’influence, de collusion et de corruption sont réalisées en cachette, la plupart du temps à l’insu de la haute direction, ou du moins qui niera en connaître l’existence ?

La CEGQ est d’avis que l’accréditation de l’AMF est une première étape qui assure l’État de la confiance du public envers les entreprises qui concluent des contrats avec les organismes publics. Toutefois, l’accréditation de l’AMF a ses limites et aura peu d’impact sur un certain nombre de stratagèmes puisqu’elle n’interpelle pas suffisamment la crainte de l’être humain d’être pris en défaut. Par ailleurs, il est raisonnable de croire que les stratagèmes qui seront désormais utilisés seront de moins en moins visibles et de plus en plus sophistiqués. L’appât du gain, la conviction de ne pas être pris et le fait de se convaincre qu’on fait la bonne chose ne peuvent être interceptés uniquement par les accréditations de l’AMF si le risque de se faire prendre revient une fois aux trois ans, si la sanction pour l’entreprise est de simplement laisser partir la personne qu’elle identifiera comme responsable d’avoir commis la faute et s’il n’y a pas de sanction pour l’organisme public.

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Puisque l’AMF et l’UPAC ne peuvent arrêter, suspendre, modifier ou annuler un appel d’offres, certains comprendront que des fournisseurs et acteurs publics mal intentionnés pourront continuer à agir en toute impunité, car le risque d’être pris et de démontrer l’intention criminelle est faible. Pendant ce temps, des fournisseurs honnêtes continueront à être privés de contrats au profit de ceux qui auront manœuvré pour orienter l’attribution des marchés publics. C’est la raison pour laquelle la CEGQ recommande dans son livre blanc d’autres mécanismes pour prévenir ces situations.

Le principe de la Loi 1 est de gagner la confiance du public, mais qu’en est-il de la confiance des fournisseurs à participer aux marchés publics ? Après tout, pour répondre aux appels d’offres publics, ils doivent faire confiance au processus et être assurés d’être payés une fois leurs prestations livrées.

Voici quelques exemples de situations que l’on retrouve dans certains documents de soumission où l’AMF et l’UPAC pourront difficilement intervenir pour intercepter ces appels d’offres :

• Introduire des critères de qualification de très haut niveau alors qu’un acheteur bien avisé ne requiert pas ce niveau.

• Utiliser la règlementation pour transformer un appel d’offres public en appel d’offres sur invitation, alors que le projet ou le type d’acquisition ne le justifie pas.

• Spécifier des produits dans les documents d’appels d’offres, où un seul fournisseur peut y répondre sans réelle possibilité de proposer des équivalents.

• Placer des personnes de confiance dans les comités de sélection.

• Fournir des informations privilégiées à un soumissionnaire pour l’avantager dans l’obtention d’un contrat public.

• Offrir un traitement privilégié à certains fournisseurs pour régler les changements et les différends alors que d’autres devront avoir recours aux tribunaux, ce qui en découragera plusieurs à revenir dans les marchés publics.

• Prévoir d’importantes pénalités, retenues spéciales, etc. appliquées de façon systématique, ce qui découragera la plupart des entrepreneurs à s’intéresser à ce type de contrats, à moins d’avoir une capacité de financement importante ou de bien connaître les professionnels et le donneur d’ouvrage.

dilemme d’application

Aucune entreprise n’est à l’abri de collusion ou de corruption de la part d’un dirigeant, d’un employé, d’un agent ou d’un mandataire. En fait, la provenance de ces initiatives dans l’entreprise ou l’organisme public peut être multiple. Il s’agit souvent de gestes isolés, posés par certains individus en situation de vulnérabilité ou de pouvoir, et sans nécessairement avec l’accord de la Direction ou de l’autorité de l’organisme public. Tous les employeurs, qu’ils soient publics ou privés, sont exposés aux valeurs personnelles de leurs employés, leurs préjugés et jusqu’où ils sont prêts à aller pour bien paraître, atteindre leurs objectifs ou être plus confortables. Le contexte joue également un rôle important sur le fait qu’une personne, qui a toujours résisté jusqu’à ce jour, puisse éventuellement succomber à la collusion ou la corruption.

Cela rend l’application de la délivrance des attestations difficile compte tenu des impacts sur les entreprises concernées.

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PARTICULIARITÉS DE L’INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION EN RELATION AVEC LES AUTORISATIONS DE L’AMF

À ce jour, 560 entreprises ont obtenu leur autorisation de l’AMF pour déposer des soumissions auprès des organismes publics. La plupart d’entre elles sont de grandes entreprises qui réalisent une importante partie de leur chiffre d’affaires avec les organismes publics ou qui contractent régulièrement avec ces derniers. Comme les seuils sont actuellement assez élevés (plus de 40M $ et 10M $), cette exigence s’adresse présentement surtout aux grandes entreprises qui disposent des ressources pour compléter la documentation exigée par l’AMF ou de ressources externes pour les accompagner. Pour la plupart d’entre elles, dont les plus importants entrepreneurs en construction, l’autorisation de l’AMF est également un passage obligé pour poursuivre dans leur créneau d’affaires puisque les contrats publics occupent une partie importante de leur marché.

Dans le secteur de la construction de bâtiments où il y beaucoup de sous-traitance, il est quand même rare que des sous-contrats dépassent 10M $, et, le cas échéant, ils sont octroyés à de grandes entreprises. Par conséquent, la sous-traitance n’a pas encore été vraiment interpellée par les autorisations de l’AMF.

La réduction des seuils fera en sorte que ces autorisations seront exigées pour une grande quantité de petits contrats et de sous-contrats réalisés par des PME dans toutes les régions du Québec. Pour certaines de ces petites entreprises œuvrant de façon importante dans le secteur public, ce sera un passage obligé, pour d’autres ce sera un choix qu’elles devront faire.

Si les marchés publics n’occupent pas une partie importante de leurs opérations, certaines PME pourraient être tentées d’orienter leur entreprise vers les marchés privés et délaisser les marchés publics, compte tenu du peu de soumissions qu’elles y déposent et sans assurance d’y obtenir des contrats.

paRticuliaRités de la sous-tRaitance dans les contRats de constRuction des oRGanismes publics

La CEGQ souscrit entièrement au principe d’écarter de notre industrie, et particulièrement des marchés publics, les entreprises malhonnêtes ainsi que celles liées au crime organisé. Or, plusieurs de ces entreprises que nous souhaitons écarter des marchés publics œuvrent au niveau de la sous-traitance où elles peuvent transiger de façon « low profile ».

Ceci dit, nous croyons pertinent de faire ressortir ces quatre (4) éléments, uniques au Québec, et qui ont un impact sur le nombre de sous-traitants spécialisés qui peuvent adresser des soumissions aux entrepreneurs généraux et réaliser des travaux reliés aux bâtiments publics :

1. Au Québec, la sous-traitance est scindée en une multitude de spécialités avec autant de catégories de sous-traitants. Ces catégories sont, pour la plupart, liées aux descriptions de métiers décrits dans un règlement adopté en vertu de la Loi R-201. Ainsi, il n’est pas rare qu’un entrepreneur général octroie plus de 25 sous-contrats et ce, peu importe l’ampleur du projet à réaliser. À titre d’exemple, la construction d’une école de 15M $ ou la rénovation d’un bâtiment existant de 2M $ nécessitera de confier des travaux à plus de 20 sous-traitants, auxquels il faut ajouter les sous-sous-traitants.

1. Règlement sur la formation professionnelle de la main-d’œuvre de l’industrie de la construction – Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction

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2. Tous les entrepreneurs du Québec, dont notamment les sous-traitants, doivent détenir une licence émise par la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) dans la spécialité où les travaux seront réalisés. La sous-traitance n’y échappe pas et la licence du sous-traitant ne doit pas être restreinte pour exécuter un contrat de construction relatif à un organisme public.

3. Le Bureau des soumissions déposées du Québec (BSDQ) impose des exigences aux sous-traitants pour déposer leurs soumissions adressées aux entrepreneurs généraux. En plus de réduire la concurrence, ces dispositions s’appliquent nonobstant la volonté des donneurs d’ouvrage et des entrepreneurs généraux. Ces derniers doivent de plus octroyer leurs sous-contrats en absence de prix de réserve. Le niveau de concurrence est donc le seul facteur qui peut exercer un certain « contrôle » sur les prix alors que le BSDQ s’applique particulièrement aux marchés publics.

4. L’attestation de Revenu Québec est également exigée aux sous-traitants des autoriser à exécuter des travaux pour un organisme public. L’application rigoureuse de cette exigence administrative écarte des sous-traitants qui sont pourtant en règle avec Revenu Québec.

Au surplus, en sous-traitance de bâtiments, il s’agit souvent de petits contrats exécutés par des entreprises locales qui réalisent également des travaux dans le secteur privé et qui ne dépendent pas uniquement des contrats publics.

Compte tenu des règles du BSDQ, le niveau de la concurrence joue un rôle important sur les prix de la sous-traitance dans les contrats de bâtiments publics. De plus, lors d’un appel d’offres public, contrairement à la plupart des contrats privés, les entrepreneurs généraux ne peuvent exercer leur jugement et écarter une soumission trop élevée reçue d’un sous-traitant.

une multitude de RÈGlements À appliQueR

Une multitude d’organismes intervenant dans l’industrie de la construction appliquent leurs propres réglementations et législations. Les entrepreneurs généraux et les donneurs d’ouvrage ne savent plus où se tourner pour vérifier la conformité d’un entrepreneur général ou d’un sous-traitant compte tenu de ces diverses exigences.

En plus d’assumer la responsabilité de la qualité des travaux et des montants des contrats convenus avec ses clients, d’autres risques importants sont également encourus par les entrepreneurs généraux œuvrant au Québec. Ces risques sont reliés à l’octroi de sous-contrats à des entreprises qui ne seraient pas qualifiées à une ou l’autre de ces obligations appliquées par ces organismes :

• Régie du bâtiment (RBQ) : ne pas détenir une licence d’entrepreneur dans la bonne catégorie ou restreinte pour les marchés publics.

• Commission de la construction du Québec (CCQ) : employeur sous enquête ou en défaut avec ses obligations de la Loi R-20 ou avec la CCQ pour d’autres motifs, donc, dans l’impossibilité d’obtenir une lettre d’état de situation conforme.

• Commission de la santé et sécurité du travail (CSST) : employeur étant en défaut de paiement de ses cotisations.

• Revenu Québec : entreprise ne détenant pas son attestation de Revenu Québec.

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• Secrétariat du Conseil du trésor : entreprise inscrite au Registre des entreprises non-admissibles aux marchés publics (RENA).

• L’Autorité des marchés financiers : entreprise ne détenant pas son attestation de l’AMF.

La complexité des recherches sur les différents sites, ou par téléphone auprès de personnes qui ne peuvent pas répondre en vertu de la Loi d’accès à l’information ou autres directives administratives, font en sorte que les entrepreneurs généraux doivent assumer des obligations sans avoir les moyens de les contrôler. Cette situation place les entrepreneurs généraux à risque, compromet l’exécution des travaux et retarde la réception définitive des chantiers.

QUATRE OBJECTIFS – QUATRE REMÈDES

Suite à notre réflexion sur l’octroi des marchés publics et du caractère particulier de la réglementation du Québec, nous sommes d’avis qu’il est impossible de régler tous les problèmes d’intégrité des marchés publics soulevés par les enquêtes journalistiques et les témoignages entendus devant la Commission Charbonneau avec un seul remède.

Comme chaque remède a ses limites, voici donc, pour chacun des objectifs visés, le(s) remède(s) proposé(s) :

• Premier objectif : l’État veut s’assurer que ses organismes publics ne fassent affaire qu’avec des entreprises honnêtes et éviter à tout prix les entreprises liées au crime organisé.

Remède : Les autorisations de l’AMF, telles que prévues dans la Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics.

• Deuxième objectif : l’État veut s’assurer que ses règles de marchés publics n’incitent pas à la collusion ni à la corruption, qu’elles ne permettent pas le favoritisme et qu’elles donnent un accès à tous les fournisseurs.

Remède : Révision de certaines dispositions de la Loi sur les contrats des organismes publics, tel que recommandé dans le livre blanc de la CEGQ.

• Troisième objectif : l’État veut intercepter les documents d’appel d’offres non conformes aux règles qui gouvernent les marchés publics, forcer les fournisseurs et ses agents responsables de l’octroi des contrats à les respecter et s’assurer que les contrats conclus par ses organismes publics soient conformes aux règles.

Remède : Permettre des recours rapides et efficaces aux concurrents des marchés publics, tel que recommandé dans le livre blanc de la CEGQ.

• Quatrième objectif : L’État veut susciter la concurrence à tous les niveaux de ses marchés publics de construction, et que les entrepreneurs qui exécutent les des contrats publics reçoivent un traitement juste et équitable par les organismes publics et soient payés selon les standards commerciaux.

Remèdes : Revoir les règles du BSDQ et instaurer le principe de l’arbitrage de griefs dans les contrats de construction des organismes publics, tel que recommandé dans le livre blanc de la CEGQ.

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RECOMMANDATIONS

Recommandation no 1

Maintenir le principe d’écarter de notre industrie, et particulièrement des marchés publics, les entreprises malhonnêtes ainsi que celles liées au crime organisé en maintenant l’émission des autorisations de l’AMF.

Recommandation no 2

Pour éviter un impact trop important au niveau de la sous-traitance dans les contrats de construction des bâtiments publics, nous recommandons, dans le but d’encadrer le BSDQ, de modifier la Loi sur les Maîtres électriciens ainsi que la Loi sur les Maîtres mécaniciens en tuyauterie.

Ces lois autorisent la création du BSDQ qui règle le dépôt, l’acheminement et l’octroi des contrats des sous-traitants dans l’industrie de la construction, et ce, dans plus de 40 spécialités dont, à titre d’exemples, la maçonnerie, la peinture, l’excavation, etc. Comme cette autoréglementation, unique au monde, a un impact important sur le niveau de concurrence de la sous-traitance, sur les prix des contrats des travaux de construction des bâtiments publics et, par conséquent, sur les finances publiques, nous recommandons que sa gouvernance, son fonctionnement ainsi que ses avantages et inconvénients, soient soigneusement examinés à la lumière des risques de restriction de marchés, de collusions et de corruption.

Recommandation no 3

Confier à la RBQ la responsabilité d’indiquer sur son site web, toutes les exigences réglementaires et législatives auxquelles répondent les entrepreneurs qu’elle qualifie.

Ainsi, la RBQ informera le public et toutes les personnes concernées de la conformité ou la non-conformité de l’entrepreneur aux exigences appliquées par : la RBQ, la CCQ, la CSST, Revenu Québec, l’AMF et le SCT.

Cette responsabilité est en relation avec sa mission qui est de qualifier les entrepreneurs aux niveaux technique, administratif et probité, et d’informer le public du type de travaux qu’ils peuvent réaliser.