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Recueil de témoignages www.archives.rennes.fr 26 Num 03 (don Maignen)

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Recueil de témoignages

www.archives.rennes.fr

26 Num 03 (don Maignen)

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ÉditoL’exposition « Passeurs d’archives » et le recueil de témoignages qui l’accompagne, rendent compte de deux années d’itinérance des Archives de Rennes dans les maisons de retraite publiques de la Ville.

Ce projet de médiation a proposé à des résidents volontaires de découvrir les archives de la Ville et d’aborder son histoire par le prisme original de l’évolution de ses quartiers au fil du temps. De là, est né le dialogue qui a suscité les questions, fait naître la surprise ou ravivé les souvenirs.

Entre ces mémoires intimes et les métamorphoses de la ville se sont tissées des relations étroites, que les extraits des témoignages de nos aînés restituent dans ce recueil avec humour, émotion et justesse.

Exposition et recueil offrent une promenade historique inédite tantôt chronologique et documentée, tantôt thématique et subjective. Parcourez-les et vous découvrirez Rennes autrement : vous retomberez en enfance, croiserez des noms connus, traverserez les années de guerre et partagerez les émotions de nos « Passeurs d’archives ».

Qu’ils soient ici remerciés pour leur implication qui a assuré la réussite de ce projet novateur.

Véra Briand René Jouquand adjointe au Maire, adjoint au Maire, déléguée aux personnes âgées. délégué à la Culture.

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Ce recueil regroupe des extraits de témoignages collectés auprès des résidents des sept maisons de retraite publiques de Rennes ayant participé au projet « Passeurs d’archives ». Il est le reflet de la mémoire vivante de nos aînés qui contribuent, grâce à leurs souvenirs rennais, à éclairer et compléter nos connaissances sur l’histoire de la ville.

Il accompagne l’exposition qui présente les documents d’archives choisis par les résidents. Celle-ci témoigne du regard tantôt amusé, critique, curieux ou surpris qu’ils ont porté sur les archives de la Ville, nourri de leurs parcours personnels.

Exposition et recueil se complètent et marquent l’aboutissement de « Passeurs d’archives », mené depuis trois ans, en collaboration avec les animatrices et bénévoles des résidences.

Ateliers autour des documents ou échanges de souvenirs personnels ont ponctué ce projet riche de rencontres et de découvertes mutuelles. Espérons que ces échanges se poursuivent entre générations et en famille grâce à ces résidents devenus des « passeurs d’archives ».

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C’ÉtAit LA ViLLE À CE MoMENt-LÀ.

De la campagne…

« [Mon père] a fait construire sa maison dans un quartier périphérique, parce que le quartier Jeanne-d’Arc à l’époque, la rue où j’habitais elle débouchait sur les champs. Plus maintenant, mais à l’époque elle débouchait sur les champs. Et c’était donc ces quartiers-là qui étaient constructibles. »

« C’était des champs. La cité des cheminots n’existait pas. Il y avait déjà le pont sur lequel passe le train. […] Il y avait quand même les fleuristes, les granitiers tout ça qui étaient autour du cimetière. […] C’était les faubourgs, les faubourgs, hein ! On ne peut pas dire campagne. »

« Un kilomètre à la Croix-Rouge, c’était la ville à ce moment-là. »

« Quelquefois on accompagnait mon père à Villejean où il commençait à construire. Avant les bâtiments, il y avait des fermes. On y allait avec mon père qui allait réparer les pressoirs à pommes et puis ils nous donnaient en guise de paiement soit un poulet ou du beurre. »

La Basse-Martinière dans la campagne de Villejean, 1990, 301 Fi 382.

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« Le centre Alma n’était pas fait. C’était des champs. Il y avait des mares dans les champs. Il y avait les chants des grenouilles toute la nuit. On dormait au chant des grenouilles. »

« Alors nous, pour nous, la rue de Fougères, c’était notre environnement, on allait faire des courses par là, se promener par là, alors vous parliez du château de Maurepas et ben, j’aime mieux vous dire que c’était des champs ! »

...à la ville

« Mais, pour moi, le centre-ville, c’est la rue d’Antrain, la rue Le Bastard, la place Sainte-Anne jusqu’au boulevard de la Liberté. Le vrai centre pour moi, c’est au-dessus de la Vilaine, il s’est beaucoup étendu. »

« Oui, parce que il y avait des magasins quand même. C’est pour ça qu’on disait qu’on allait en ville. Parce qu’il y avait des magasins. Il n’y avait pas de magasin par chez nous. »

« C’était le pays des riches, le nord, et on ne fréquentait pas les autres sauf évidemment si on allait à la Poste. Après tout, la grande Poste, comme on disait, bon c’était place de la République, on y allait. […] On ne fréquentait pas. »

350 Fi 46

Planche cadastrale de Bréquigny, détail, 1842, 1 G 92.

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C’ÉtAit UNE NÉCESSitÉ. iL FALLAit ACCUEiLLiR !

arrivée à rennes

Ben, c’était loin. C’était un coin perdu pour moi. On ne connaissait pas du tout la Bretagne. On n’était jamais venu, on avait voyagé dans le Midi, dans le Sud, mais jamais en Bretagne. Et puis, on est arrivé, un appartement tout neuf, puisque les tours venaient d’être construites.

Je suis venue avec mon mari parce qu’il avait trouvé du travail à Rennes. Il était maçon.

Je trouvais d’abord que c’était très froid. […] Je trouvais que les gens n’étaient pas sympathiques.

Ben, j’étais un petit peu… paumée… C’est peut-être un bien grand mot. Mais, ça me changeait tellement du Maroc quand même que ç’a été un petit choc quoi.

Le Blosne : avenue de Pologne et boulevard des Hautes-Ourmes, vers 1980, 350 Fi 277.

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Les premiers temps, c’était catastrophique. […] Je ne sais pas… C’était mortel et puis je ne connaissais plus personne.

Je suis revenue en Bretagne à Liffré. Après, ça ne me plaisait pas parce que c’était vraiment trop la campagne, j’étais habituée à Paris pendant 60 ans et ça ne me plaît pas, je veux regagner la ville et vivre à Maurepas... près de Liffré où j’avais un peu de ma famille.

les granDs ensembles

C’était une nécessité. Il fallait qu’il y ait de la construction. Il fallait accueillir ! […] On arrivait à Cleunay. On avait l’eau, on avait la cuisine. On avait l’eau sur évier, on avait une petite douche, on avait les water malgré que l’on ait toujours que trois pièces. […] Oh oui, les enfants étaient contents. Ils couchaient tous les 4 dans la même pièce. Alors il y avait du chahut, j’aime mieux vous dire, quelquefois !

On avait donc, une cuisine, on rentrait directement dans la salle à manger qui faisait séjour-salle à manger et on allait à la cuisine à gauche, ensuite encore à gauche, à la salle d’eau. On n’a pas eu le chauffage central tout de suite. Moi, c’est cela qui m’a chagriné le plus.

Les tours de Maurepas, vers 1965 (don Mesny), 350 Fi 104.

100 Fi 666

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Alors, on m’a attribué un HLM à Maurepas dans les premiers… Les grandes tours n’étaient pas encore construites. J’étais dans une petite tour de neuf étages. Il y avait des champs devant. Les vaches paissaient devant ma fenêtre. C’était tout à fait un quartier…

Alors, on est venu là. Oh, c’était l’idéal, des belles pièces, superbe la banane ! Oui. […] Ah, il était bien ! On était au sixième, ah ! […] Ça faisait deux chambres, la salle à manger, le petit salon et la cuisine. Pas de vis-à-vis, on voyait jusqu’à Pontchaillou, on voyait les hélicoptères, vous savez, atterrir...

Oh, non ! Il n’y avait pas de trottoir de fait. Non, ils ont mis plusieurs années avant de faire les trottoirs. Ils les ont faits en plusieurs fois. Il y avait, comment, des tuyaux pour l’électricité, le gaz, pour l’eau, pour plein de choses. Ils ont fait et défait et refait, oui, plusieurs fois !

C’est une rue mais c’était plein de trous. Il n’y avait pas de trottoirs, pas d’éclairage. Euh, comme je dis quelquefois quand on voulait aller en ville, on mettait les bottes en sortant de la maison, on les mettait à côté ici, on changeait d’autres chaussures bien entendu. On allait faire les courses en ville, on reprenait les bottes ici pour arriver là.

Une fête de voisins dans un immeuble de Cleunay, vers 1973 (don Ruault), 12 Num 13.

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ALoRS ÇA CRiAit, ÇA CHANtAit, ÇA SiFFLAit, C’ÉtAit tRÈS SUiVi.

la Fête Des Fleurs

Il y avait différents chars faits par les quartiers, par les diverses corporations de commerçants et je me rappelle que… […] J’avais vu la Garde Républicaine à cheval, cela m’avait très marqué puisqu’il faut aller à Paris pour la voir. Ils ne se déplacent pas en province.

Le temps était magnifique. Il y avait des « Gilles de Bruxelles », des chanteurs avec des chapeaux à clochettes. C’était la première fois que je voyais cela. Ils avaient des grelots aux pieds, ça faisait du bruit. Ils avaient un succès fou. […] Et puis, il y avait une espèce de fleur par rue, par exemple la rue des Glycines, il y en avait donc à toutes les fenêtres de la rue.

Programme de la fête des fleurs, 1905, 2 Q 27.

100 Fi 531

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les Foires

Les foires-expos, c’était vivant, extraordinaire. Il y avait tout plein de camelots. Je me souviens d’un Tour de France arrêté une nuit à Rennes, c’était exceptionnel. Vers 1955-56, sur le Champ de Mars. Il y avait de tout : des funambules, des chanteuses, mais aussi des vedettes !

Sur le Mail, Mitterrand maintenant… Maintenant, c’est plein de voitures mais à l’époque, c’était un quartier où ils mettaient des forains. Surtout en hiver, la « fête d’hiver » il y avait des forains avec des manèges.

Je me rappelle, à la fête du Mail, les balançoires, vous savez avec des chaînes, alors les militaires tournaient la chaîne et puis quand le manège était en route, ça montait à la hauteur du toit et c’était même sans doute un peu dangereux. C’était bien. Alors ça criait, ça chantait, ça sifflait, c’était très, très suivi. Et les autos-tampons et les loteries, les cartomanciennes. Ah oui ! C’était… Elle durait un mois la foire du Mail !

la Fête-Dieu

La Ville devait fournir des draperies rouges et blanches. […] Alors oui, dès le matin. Voyez ! Les draps étaient mis. […] Et après, on attachait des fleurs pour garnir. Alors, il y en avait… J’allais dire qui faisait des cœurs, mais ça ne devait pas être des cœurs. Cela devait plutôt être des croix, des insignes religieux avec des fleurs. Et dès le dimanche

La Fête-Dieu, rue d’Antrain, 1932, 30 Num 01.

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Fête de la jeunesse, stade vélodrome,années 1980, 29 Z 155.

matin, il y avait plein de gens qui arrivaient avec des fleurs, ceux qui avaient des jardins avec des fleurs dedans. Ils coupaient cela pour la Fête-Dieu. Chacun en avait un petit lot. Alors, les devantures, en somme étaient différentes suivant le goût des personnes.

la Fête De la jeunesse

Les garçons, je savais qu’ils étaient en blanc aussi, nous les filles nous avions une robe de crépon blanc et on devait avoir des rubans. Je ne sais plus où ils étaient placés selon l’école que nous fréquentions. On avait rendez-vous à l’école et on partait de l’école pour se regrouper je ne sais plus où et on défilait en ville avant pour arriver au vélodrome et puis après y’avait… Y’avait de la musique, des fanfares, enfin… Pour la marche quoi.

La fête de la jeunesse des écoles privées, c’était à part, ce n’était pas les mêmes vêtements. L’école privée, c’était la jupe bleu marine avec le chemisier blanc, chaussures blanches. Et le public, c’était minijupe blanche, tout blanc. […] Oui, il y avait un grand défilé. Les garçons d’un côté, les filles de l’autre.

Les fanfares des environs qui venaient. Comme maintenant les bagadou les trompettes qui viennent, là c’était un clairon, un tambour, une grosse caisse et puis hop, ça partait comme ça. Mais ça partait toujours du centre de la ville.

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C’ESt L’ÉCoLE, LES VoiSiNS, LA RUE ESt À NoUS !

sur le chemin De l’école

Alors, toutes les camarades du quartier, on allait ensemble à l’école, on revenait ensemble.

Oh ben, tout le long de la route on trouvait du monde. Tout le long de la route. C’était pour tout le monde pareil. Il n’y avait pas d’autre solution. On arrivait assez nombreux. […] Et puis le soir, le soir ce n’était pas illuminé. On avait peur. On se faisait peur. Quand on voyait des branches bouger…

Classe de l’école maternelle provisoire de Cleunay, boulevard de la Guérinais, 1954-1955 (don Pinson), 2 Num14.

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Activités de plein air organisées par le Patro de Jeanne d’Arc, années 1920 (don Rouleau), 1 Num 6.

le patro

Le patro, c’était important. Le patro de Jeanne-d’Arc, on était très bien encadrés. […] On faisait des courses de cerceaux. On faisait des tours de France, des tas de trucs quoi. […] Et puis, le patro de la paroisse fédérait. C’était l’objet de rencontres des jeunes et des parents. C’était ça qui fédérait les choses...

Dans ma jeunesse au patronage, rue de Dinan avec les sœurs Consolatrices du purgatoire. […] Oh ben, un très bon souvenir, un excellent souvenir, ah oui alors ! J’étais bien au patronage et les sœurs étaient gentilles et tout.

Mes enfants, ils allaient à Saint-Clément […]. C’est comme ça que cela se passait.

Le samedi après-midi ou le dimanche matin, ils allaient faire des matchs dans les bourgades environnantes, alors tout ça les occupait, ils étaient heureux.

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les parcs

On se retrouvait, entre voisines. On allait, on se le disait : « Tantôt, on va au Thabor ou au parc de Maurepas ». […] Elles aimaient bien aller aux deux. M’enfin le parc de Maurepas, pour eux, c’était mieux quand même, il y avait des jeux. Au Thabor, c’était différent.

Là, il y avait des fils d’ouvriers. Et on s’amusait à Maurepas très bien, pas de problèmes.

Et on a été habitués au Thabor tout petit, petit. Ma mère nous y emmenait quand nous habitions rue Saint-Michel. Et puis, après, c’était la femme de ménage qui nous accompagnait. […] Ben, on jouait au cerceau. Je ne sais pas si vous avez connu cela. Un cerceau, c’est un cerceau en bois très léger que l’on pousse avec un petit bâton. […] Quand mon frère a été plus grand, il a eu un petit bateau et on allait au bassin, il y avait à ce moment-là, auprès, des chevaux de bois. Non, vous voyez où était la buvette, les chevaux de bois et entre les deux, il y avait un petit bassin, un petit bassin carré au-dessus de l’enfer.

Le kiosque du Thabor, vers 1890 (don Maignen), 26 Num 03.

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la rue

Oh ! C’est l’école, les voisins, la rue est à nous ! À cet âge-là, 7-8 ans, on est dans la rue à jouer. […] Ah ! Ben oui ! Et pourtant quand on était dans ce quartier-là, des cheminots, tout le monde avait un jardin. Mais les jardins ce n’étaient pas des plates-bandes. C’étaient des légumes et des fruits. On faisait tous ça. Alors, il ne fallait pas abîmer les jardins de ces messieurs, des parents. On allait sur la rue.

J’ai dit un village parce que les enfants se retrouvaient… Chaque famille avait un ou deux enfants et on se retrouvait… On était dans la rue en somme.

Ah ben ! Ils jouaient. Et puis, moi, j’étais dehors avec eux parce que… Comment… On les surveillait quand même. Alors, j’étais dehors, j’étais sur une chaise pliante et j’attendais. Je les voyais passer. Allez hop ! Et que je te fais des bêtises. Parce que ça, ça arrivait aussi.

La pataugeoire du parc de Maurepas, XXe siècle, 100 Fi 177.

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J’Ai ENtENdU LA SiRÈNE, LE toCSiN PoUR ANNoNCER LA GUERRE.

l’occupation

Comme c’était le début de la guerre ça change toute la vision des choses. Ça m’aurait sans doute bien plus impressionnée si j’étais arrivée en temps de paix de voir une grande ville comme ça. Mais là, tout le monde était un peu stressé, terré…

On ne s’est jamais senti en danger mais c’était triste.

Une royale trouille !

J’ai entendu la sirène, le tocsin, pour annoncer la guerre. […] Sur le pont de la Mission, c’est là que j’ai vu le premier Allemand arriver en moto. Alors, tu penses, je suis partie. On disait qu’ils violaient les jeunes filles. Ils nous avaient monté la tête. Alors, j’ai fait demi-tour, j’ai dit au revoir. Ouh ! là, là ! Je suis partie.

Affiche d’interdiction, 1944, 6 H 41.

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Ils ne voulaient pas voir la lumière. Vous savez, il fallait mettre des rideaux, de peur que les avions, des Anglais ou des Américains qui survolent et qui voient la lumière allumée. Vous comprenez.

Il y avait le couvre-feu. Il fallait tout chez soi, masquer les ouvertures, tout ça. Le chef d’îlot passait dans la rue, il sifflait s’il voyait, si les rideaux n’étaient pas bien fermés par exemple.

Mon papa avait une belle volière de pigeons. On avait des pigeons superbes. Et ben ! Il a fallu les tuer. Ah ! Ben oui ! Parce qu’on n’avait pas le droit de les garder. On n’avait pas droit d’en avoir pendant la guerre.

les bombarDements

Quand les avions chargés d’obus passent sur la ville, c’est lourd. C’est lourd. On a l’impression que cela va vous tomber dessus.

Quand c’est arrivé on n’avait pas le temps. On était endormis. Ça éclairait dehors. La patronne dit : « Il faut qu’on parte, ça va bombarder. » […] Alors, ils nous ont fait descendre par le devant. On a été obligés de partir et tout a brûlé. On n’a rien pu récupérer, tout le quartier a brûlé. À cinq heures du matin le long de la Vilaine on ne pouvait pas tenir tellement il faisait chaud. […] C’était en 44. J’étais dans la rue en chemise de nuit, quelqu’un m’a prêté un manteau. Je n’avais pas un sou ! Pas un vêtement ! Rien du tout !

350 Fi 187

Une maison bombardée de la rue de Belleville, 1943 (don Fauvel), 29 Num 04.

Affiche d’interdiction, 1944, 6 H 41.

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On a subi tous les bombardements, on allait se cacher, vous savez quand il y avait l’alerte, on allait dans les bâtiments de Citroën au coin de la rue Dupont-des-Loges et de l’avenue Janvier. […] On avait même des Allemands avec nous, vous savez parce qu’ils habitaient eux aussi quelquefois le meublé, alors, bon ben les autres bien sûr, ils disaient « Regardez ce qu’ils vous font vos amis ! » Parce que naturellement, c’était souvent les Anglais. Alors les uns pleuraient, les autres priaient, les autres juraient !

Tout le monde quittait la ville, allait se réfugier en campagne.

le ravitaillement

Ce n’était pas très drôle hein ! On avait des tickets et on était obligés de peser tout ce que l’on vendait : le beurre, le sucre, le chocolat que l’on avait une fois de temps en temps. Tout cela, c’était avec des tickets. Alors, on nous donnait, par exemple, quand nous étions jeunes, en dessous de 21 ans, on appelait ça des J3. Ils avaient droit à un petit peu plus de chocolat.

On trouvait toujours quelque chose. Et puis, mon mari allait en campagne, chercher du beurre et puis il apportait quelquefois de la viande.

On a eu du mal pour se nourrir comme on ne connaissait personne. C’est pour ça que mon père faisait les trois jardins et… Maman faisait du tapioca avec des pommes de terre, enfin, voyez… Il fallait user des moyens du bord.

Ticket de rationnement, vers 1944, 7 F 18.

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la libération

Vous savez déjà, on sentait que c’était la fin, que les Allemands perdaient pied. Et, nous, rue d’Antrain, depuis quelques jours, on voyait passer énormément d’ambulances qui revenaient de l’Hôtel-Dieu, de l’hôpital militaire qui était rue Saint-Louis et ils évacuaient les blessés. Il y avait des Français, des Allemands beaucoup.

Mais non, les Allemands étaient en train de partir et les ponts étaient en train de sauter. […] Ce n’est que vers 7 heures du matin peut-être, je ne peux pas vous dire l’heure, que c’était tellement calme qu’on s’est décidé à sortir un petit peu pour aller voir. Et puis bon, ils étaient partis.

Ben… La Libération, tout le monde se précipitait. Ça y est c’est fini. On s’embrassait, cela arrivait, les soldats, les gros chars d’assauts et tout ça. Alors on se précipitait, on embrassait les soldats, on était fou ! Toutes les filles, vous les auriez vues. Nos libérateurs hein ! Ils sont venus par la rue d’Antrain.

Ces pauvres femmes qui avaient peut-être eu un faible pour un Allemand, je n’en sais rien… On les promenait dans la ville, enduites de goudron et complètement rasées de la tête. Moi, je suis obligée de dire que cela m’a fait très mal au cœur.

La Libération de Rennes, 1944 (don Gréole), 350 Fi 149.

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iL N’Y AVAit PAS dE GRANdES SURFACES À L’ÉPoQUE. ÇA N’EXiStAit PAS.

les commerces Du centre-ville…

À l’époque, rue d’Antrain, il y avait encore en face de chez nous, il y avait épicerie, légumes, lait, etc. On trouvait tout et puis on était bien avec les commerçants. C’était vraiment familial. On se connaissait tous. […] Voyez en face de notre boulangerie, il y avait une charcutière […], une épicière, après c’était une teinturerie, un café, de l’autre côté… Il y avait beaucoup de cafés… Un café, un antiquaire, une marchande de légumes qui faisait aussi de la galette, un autre café, la boulangerie en question, un autre café, un coiffeur, un boucher…

Rue Saint-Michel, vous aviez énormément de commerces. Ce n’était pas la rue de la Soif. C’était une petite rue avec des petits commerces […], il y avait de l’alimentation, il y avait un cordonnier, tous les petits commerces, charcutier, quelques bistrots mais c’est tout. C’est une rue qui aurait dû être gardée, qui est ravissante.

Rayons alimentaires des Magasins modernes, vers 1960 (don Ruault), 14 Num 22.

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Mon mari, il vendait les graines. Moi je vendais les oiseaux avec leurs graines, les petits paquets de graines aussi, les graines pour les oiseaux, les plants de salades, de tout ce que vous voulez, hein ! […] J’avais quelques oiseaux oui. On avait un perroquet qui disait toujours « Bonjour Maman, bonjour Maman », il nous cassait les pieds !

Il n’y avait pas de grande surface à l’époque. Ça n’existait pas.

Et, ensuite, j’ai pu travailler dans le quartier de Saint-Germain là, dans une épicerie. […] À côté, une dame qui vendait du poisson se mettait des sangsues sur la tête pour soigner ses douleurs. […] Il y avait une cordonnerie, une boucherie, une tricoteuse, un bar ouvert toute la nuit : La Puce, avec des jeux d’argent. Les patrons allaient se coucher, laissaient les clés et les caisses de bières aux clients. C’était les garçons de café qui venaient jouer leur argent de la journée.

...et Dans les quartiers

Il y avait que des petites épiceries ou des cafés et… L’épicerie vendait un peu de tout quoi. Les fermiers apportaient le lait à l’épicerie et l’épicière débitait le lait, le beurre, c’était la même chose.

Rue de Saint-Malo, XXe siècle (don Mesny), 350 Fi 117.

10 Z 26

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Ah non, il n’y avait pas de voiture, ah non, non, non ! Nous, on nous apportait notre lait à Saint-Laurent, on traversait la route, ils venaient avec le cheval, on apportait notre buis à lait, ils nous mettaient du bon lait. Notre cidre, c’est pareil, c’était Chasné-sur-Illet, c’était plus loin, sur la route en allant vers Saint-Aubin-d’Aubigné. Ils nous livraient notre cidre avec le cheval. Et pareil le pain. Alors nous, on allait au marché aux Lices, on avait 2 kilomètres 500, on allait au marché aux Lices, en route, je rencontrais le boulanger qui me disait « j’ai mis le pain sous la porte », il venait de la rue, de la route de Nantes.

Il y avait des gens qui ouvraient leur porte le matin quand on passait et qui nous demandaient du lait, on en avait, on en mettait. […] Et il fallait se lever de bonne heure parce qu’il fallait quand même livrer le lait pour que les gens aient le lait… pour que les gens déjeunent pour que les enfants aillent à l’école.

Je vous dis, il fallait aller aux courses, il n’y avait pas de commerce non plus, forcément. Il n’y avait rien d’ouvert. Il fallait descendre rue de Brest. Je m’étais achetée une petite charrette.

Le marché boulevard de Metz, 1961, 350 Fi 292.

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Il y avait un boucher qui passait, je me souviens, il y avait de temps en temps, des marchands de poisson qui passaient en klaxonnant entre les tours et ils vendaient des araignées, ils vendaient un peu à la criée voyez. […] Alors le Gros-Chêne, tout à fait au début, il y a eu vraiment un commerce complet, le centre commercial complet, on a même eu le magasin L’homme.

l’économique

Oui, mon père, l’Économique c’était sa vie, son enfant.

La première grande, c’était place de l’Europe. […] C’était les camions qui partaient tôt le matin. Vous savez, il y avait des petites succursales dans tous les petits pays aux alentours de Rennes, l’Économique. Il n’y avait pas un petit pays où il n’y avait pas une Économique à l’époque. […] Alors, il y avait plusieurs services. Il y avait les entrepôts. Il y avait la cave. Ils mettaient le vin en bouteille et puis il y avait un chef de la cave. Cela se répartissait, après, il y avait les autres employés. […] Il y avait l’épicerie, très important aussi. Le service de la bonneterie…

L’Économique à Cleunay, vers 1980, 350 Fi 286.

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Scène de pêche à Saint-Grégoire, 1892 (don Maignen), 26 Num 77.

MoN MARi PêCHAit, PUiS LES ENFANtS JoUAiENt Et Moi JE tRiCotAiS.

Oh, ben ! On sortait, on allait comment… À la Prévalaye. Mon mari pêchait puis les enfants jouaient et moi, je tricotais.

On allait à pied manger la galette-saucisse à la Robiquette. Je n’ai jamais eu de moyen de locomotion.

On allait pont Saint-Martin puis on allait à la baignade.

On allait jusque du côté de la rue de Nantes avec la petite voiture, on mettait les deux enfants dedans. Pas une voiture à quatre roues, […] mais vous savez, une voiture d’enfant, un landau.

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Carte postale humoristique, XXe siècle, 100 Fi 337.

Tribunes de l’hippodrome des Gayeulles vers 1906, 5 Fi 242.

26 Num 33

Ah oui, oh, ça, c’était la passion de mon mari, le vélodrome.

À l’époque il y avait… Cela n’existe plus maintenant… Le parc des Gayeulles était autrefois un hippodrome. Et comme mon père aimait beaucoup les chevaux, il avait fait son service militaire dans la cavalerie, il nous emmenait aux courses hippiques.

On allait tous les dimanches aux matchs, c’était le dimanche après-midi à ce moment-là. […] L’ambiance était bonne. […] Il était bien moins grand que maintenant et puis il n’y avait pas de loges. C’étaient des petites tribunes à ce moment-là.

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Ce recueil accompagne l’exposition « Passeurs d’archives », composée d’un grand panneau présentant une chronologie illustrée de l’histoire de la ville en six étapes, de 1616 à 1962. Pour chaque étape chronologique, quatre documents sont commentés sur des supports facilement maniables. Cette exposition a été conçue pour être accessible à tous et favoriser la médiation. Après avoir été présentée dans toutes les maisons de retraite publiques de Rennes en 2012-2013, cette exposition itinérante sera disponible en prêt gratuit à partir de septembre 2013 pour tous les équipements intéressés : écoles, autres résidences, centres sociaux, maisons de quartiers… Informations et réservations : Archives de Rennes : 02 23 62 12 60 / [email protected]

1 Foyer-logement du Colombier : 2, allée Marcel-Viaud2 Maison de retraite de Cleunay : 70, rue Ferdinand Lesseps3 Maison de retraite Gaétan Hervé : 38, bd Oscar Leroux4 Maison de retraite Raymond Thomas : 10 avenue Winston Churchill5 Maison de retraite des Champs-Manceaux : 2A rue Jean Coquelin6 Maison de retraite du Gast : 4 rue Alexandre Lefas7 Maison de retraite Léon Grimault : 1 rue du Pré de Bris8 Archives de Rennes, 18 avenue Jules Ferry

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1 Foyer-logement du Colombier : 2, allée Marcel-Viaud 2 Maison de retraite de Cleunay : 70, rue Ferdinand-Lesseps

3 Maison de retraite Gaétan Hervé : 38, boulevard Oscar-Leroux

4 Maison de retraite Raymond thomas : 10, avenue Winston-Churchill

5 Maison de retraite des Champs-Manceaux : 2A, rue Jean-Coquelin

6 Maison de retraite du Gast : 4, rue Alexandre-Lefas

7 Maison de retraite Léon Grimault : 1, rue du Pré-de-Bris

8 Archives de Rennes : 18, avenue Jules-Ferry

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LES « PASSEURS d’ARCHiVES »Cécile MAGDELAINE, Francis BESNARD, Angèle FAUVEL, Jeanine LEMETAYER, Raymonde FABRE, Gisèle DERAND, Jean-Claude ORHAN, Raymonde BENARD, Anna DEBOS, Rosa ROBERT, César COVO, Colette TOUFFET, Yvonne COTTET, Bernadette et Pierre DELANOË, Victor DOLO, Liliane HURAULT, Marie-Paule BOUEDRON, Joël MORFOISSE, Léonie MICHAUD, Jacqueline LEBOURDAIS-POURIAS, Joséphine DENIEL, Yvette JANVIER, Louise JEHANIN, Madeleine COIGNARD, Jean FLOURIOT, Ginette MABILAT, Anna CAVALIER, Angélique PAINTOUX, Yvonne VALLIER, Rémy FONTAINE, Hélène CORNILY, Annick BUGUET et Léon SOURDIN.

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Ce projet n’aurait pu voir le jour sans l’aide de Manuela Leprince et Matthieu Giffrain.Merci aux animatrices et aux bénévoles : Emmeline Nicolas, Linda Judéaux, Nathalie Cillard, Gladys Lecoustey, Emilie Huignard, Elisabeth Trihan, Elen Hamonet, Séverine Legall, Catherine Brouillet, Edith Dongeon, Maël Gallou, Hélène Thébault, Martine Charabot, Yvette Anger, Jeanne Leresteux, Yolande Drapier, Suzanne Amouriaux et Andrée Morin.Merci aux directrices et au personnel des maisons de retraite.Merci au personnel de la DPAg du CCAS de Rennes, en particulier à Rémi Bouchard et Viviane Pihan pour leur soutien.L’exposition et le recueil ont été réalisés par Violaine Tissier - Le Nénaon et Violaine Poubanne des Archives de Rennesavec l’aide de Sophie Grange, Didier Gouray et Etienne Harzic de Rennes Métropole, Sébastien Perrault et Laurent Dupuis de collectif graphique de la Distillerie Nouvelle.

ARCHiVES dE RENNES 18, avenue Jules-Ferry CS 63126 35031 Rennes Cedex www.archives.rennes.fr