recueil de jurisprudence du tsl 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias...

492
SPECIAL TRIBUNAL FOR LEBANON TRIBUNAL SPÉCIAL POUR LE LIBAN RECUEIL DE JURISPRUDENCE DU TSL 2012 Principales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban TSL

Upload: others

Post on 27-Jul-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

Special Tribunal for lebanonTribunal SpÉcial pour le liban

RECuEiL dE juRiSpRudEnCE

du TSL2012

principales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban

TSL

Page 2: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

Recueil de juRispRudence du Tsl 2012

Page 3: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

Recueil de juRispRudence du Tsl

2012

Principales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban

Tribunal spécial pour le LibanLeidschendam

Page 4: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

Tribunal spécial pour le LibanLeidschendamPays-Bas

©2014 Tribunal spécial pour le Liban

Les documents figurant dans cet ouvrage ne constituent pas les archives officielles du Tribunal spécial pour le Liban et sont uniquement destinés à l’information du public.

ISBN 978-94-90651-09-1

Imprimé aux Pays-Bas

Page 5: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

5

Table des maTières

Préface 7

1. Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre de première instance Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, affaire n° STL-11-01/I/TC, 1er février 2012 (Procédure par défaut CPI)

9

2. Le Procureur c. Ayyash et autres, Chef du Bureau de la Défense Commission d’office de conseils aux fins de la procédure par défaut tenue en application de l’article 106 du Règlement, affaire n° STL-11-01/I/PTJ, 2 février 2012 (Commission d’office de conseils)

65

3. Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état Ordonnance relative aux questions préjudicielles adressées à la Chambre d’appel conformément aux articles 68 G) et 71 A) ii) du Règlement de procédure et de preuve concernant le crime d’association de malfaiteurs, affaire n° STL-11-01/PT, 2 mars 2012 (Association de malfaiteurs JME)

75

4. En l’Affaire El Sayed, Chambre d’appel Décision relative à l’appel partiel interjeté par le Procureur contre l’ordonnance du Juge de la mise en état rendue le 20 février 2012, affaire n° CH/AC/2012/03, 18 avril 2012 (El Sayed Pertinence CA)

85

5. Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état Décision relative à la participation des victimes à la procédure, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, 8 mai 2012 (Qualité de victime participant à la procédure JME)

111

6. Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état Décision relative à l’accès de la Section de participation des victimes aux pièces du dossier et aux modalités de participation des victimes à la procédure devant le Juge de la mise en état, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, 18 mai 2012 (Modalités de participation JME)

165

7. Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre de première instance Décision relative au réexamen de la Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, affaire n° STL-11-01/PT/TC, 11 juillet 2012 (Réexamen – procédure par défaut CPI)

203

Page 6: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

6

8. Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’appel Décision relative aux requêtes de la défense en réexamen de la Décision de la Chambre d’appel du 16 février 2012, affaire n° STL-11-01/PT/AC/R176bis, 18 juillet 2012 (Réexamen – droit applicable CA)

225

9. Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre de première instance Décision relative aux contestations par la défense de la compétence et de la légalité du Tribunal, affaire n° STL-11-01/PT/TC, 27 juillet 2012 (Légalité et compétence CPI)

255

10. Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’appel Arrêt relatif aux appels interjetés par la défense contre la Décision relative aux contestations par la défense de la compétence et de la légalité du Tribunal, affaire n° STL-11-01/PT/AC/AR90.1, 24 octobre 2012 (Légalité et compétence CA ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath) ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy) )

297

11. Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’appel Arrêt relatif aux appels interjetés par la défense de la Décision de la Chambre de première instance relative au réexamen de la Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, affaire n° STL-11-01/PT/AC/AR126.1, 1 novembre 2012 (Réexamen – procédure par défaut CA)

379

12. Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état Décision relative aux première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième requêtes de la défense de Sabra aux fins de communication, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, 8 novembre 2012 (Communication – défense de Sabra JME)

411

13. Le Procureur c. Ayyash et autres, Président Décision relative à la requête du Chef du bureau de la défense aux fins d’examen de la Décision du Greffier relative à la commission d’office d’une personne-ressource au Liban, affaire n° STL-11-01/PT/PRES, 21 décembre 2012 (Personne-ressource PRÉS)

439

Index 463

Page 7: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

7

pRÉFAce

Ce recueil de jurisprudence inaugure une collection que le Tribunal spécial pour le Liban prévoit de publier tout au long de son existence, qui contiendra une sélection des décisions les plus importantes rendues chaque année par ses juges. Cette initiative s’inscrit dans la stratégie de communication du Tribunal. Le but recherché est de rendre la jurisprudence du Tribunal plus accessible au Liban comme ailleurs.

Ce volume contient treize décisions importantes rendues par le Tribunal en 2012, toutes également accessibles sur le site Internet du Tribunal (www.stl-tsl.org). Il contient également un index analytique visant à faciliter les recherches des étudiants et universitaires.

Le Tribunal spécial pour le Liban étant le premier tribunal international compétent pour connaître des affaires de terrorisme, la portée de sa jurisprudence s’étend bien au-delà du prétoire. J’espère que cette publication sera utile aux étudiants, professeurs, universitaires, érudits, juges, avocats et autres acteurs de la communauté juridique, tout comme au grand public – au Liban comme ailleurs – désireux de s’informer, d’étudier et de commenter la jurisprudence du Tribunal.

David Baragwanath Président

Page 8: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

8

Page 9: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

1.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : la chambre de première instance

Titre : décision portant ouverture d’une procédure par défaut

Titre réduit : procédure par défaut cpi

9

Page 10: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

10

Page 11: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

11

deVAnT lA cHAMBRe de pReMiÈRe insTAnce

Affaire n° : sTl-11-01/i/Tc

Devant : M. le juge Robert Roth, juge président Mme le juge Micheline Braidy M. le juge david Re Mme le juge janet nosworthy, juge suppléant M. le juge Walid Akoum, juge suppléant

Le Greffier : M. Herman von Hebel

Date : 1 février 2012

Original : Anglais

Type de document : public

le pROcuReuR c.

sAliM jAMil AYYAsH, MusTAFA AMine BAdReddine,

Hussein HAssAn Oneissi et AssAd HAssAn sABRA

dÉcisiOn pORTAnT OuVeRTuRe d’une pROcÉduRe pAR dÉFAuT

Bureau du procureur : M. Daniel A. Bellemare, MSM, c.r.

Accusés : M. Salim Jamil Ayyash M. Mustafa Amine Badreddine M. Hussein Hassan Oneissi M. Assad Hassan Sabra

Bureau de la défense : M. François Roux

Page 12: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

12

Procédure par défaut CPI

inTROducTiOn

1. La Chambre de première instance est saisie d’une ordonnance du Juge de la mise en état aux termes de l’article 105 bis A) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), en vue de déterminer si les quatre accusés, Salim Jamil Ayyash, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan Sabra doivent faire l’objet d’une procédure par défaut. La Chambre a décidé, par les motifs exposés ci-dessous, de juger les quatre accusés par défaut.

2. La Chambre de première instance est saisie en outre d’une requête pendante du Procureur, la priant d’inviter le Gouvernement du Liban à se présenter devant elle avant de se prononcer sur l’engagement d’une procédure par défaut. La Chambre de première instance a rejeté cette requête.

3. Dans la présente décision, la Chambre de première instance analyse individuellement les mesures prises par les autorités libanaises pour, d’une part, signifier personnellement aux quatre accusés les accusations portées à leur encontre et, d’autre part, garantir, leur comparution devant le Tribunal, soit en les appréhendant, soit en les informant des possibilités qui leur sont offertes de participer à la procédure. La Chambre examine également le caractère suffisant des annonces largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance a conclu que chacun des quatre accusés était en fuite et a considéré que l’ensemble de ces mesures satisfaisait aux conditions légales requises pour juger les quatre accusés par défaut.

RAppel de lA pROcÉduRe

4. Le 14 février 2005, une importante explosion s’est produite près de l’hôtel St Georges, dans le centre de Beyrouth. Plusieurs personnes, dont l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, ont été tuées et de nombreuses autres blessées. Le lendemain, le Conseil de sécurité des Nations Unies a condamné cet acte. Peu de temps après, le Secrétaire général a envoyé au Liban une mission d’établissement des faits. La résolution 1595 (2005) du Conseil de sécurité a créé la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies en avril 2005, et en

Page 13: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

13

Procédure par défaut CPI

décembre 2005, le Gouvernement du Liban a demandé à l’ONU de mettre sur pied un Tribunal de « caractère international ». Le Tribunal spécial pour le Liban a été institué le 30 mai 2007 par la résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité et a ouvert ses portes le 1er mars 2009.

5. Le 10 juin 2011, le Procureur a déposé un acte d’accusation modifié en l’affaire Le Procureur c. Salim Jamil Ayyash, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi, et Assad Hassan Sabra concernant les événements du 14 février 20051. Chacun des quatre accusés nommés dans l’acte d’accusation doit répondre de neuf chefs, à savoir, complot en vue de commettre un acte de terrorisme, commission d’un acte de terrorisme au moyen d’un engin explosif, homicide intentionnel avec préméditation de Rafic Hariri et de 21 autres personnes, tentative d’homicide intentionnel avec préméditation de 231 personnes au moyen de matières explosives, et de complicité des quatre derniers crimes précités2. Le Juge de la mise en état a confirmé l’acte d’accusation3 et a délivré, le 28 juin 2011, des mandats d’arrêt à l’encontre des quatre accusés4. Le 30 juin 2011, l’acte d’accusation et les mandats d’arrêt ont été communiqués aux autorités libanaises aux fins de leur signification et de leur exécution. Le 8 juillet 2011, le Juge de la mise en état a délivré quatre mandats d’arrêts internationaux et autorisé le Procureur à demander la diffusion de « notices rouges » à Interpol5. Le 28 juillet 2011, le Juge de la mise en état a

1 Un premier acte d’accusation accompagné de pièces justificatives avait été déposé devant le Juge de la mise en état le 17 janvier 2011.

2 Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Acte d’accusation, version publique expurgée, 10 juin 2011.

3 Affaire n° STL-11-01/I, Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi, & M. Assad Hassan Sabra, 28 juin 2011.

4 STL-11-01/I, Mandat d’arrêt à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash portant ordre de transfèrement et de détention, 28 juin 2011 ; Mandat d’arrêt à l’encontre de M. Mustafa Amine Badreddine portant ordre de transfèrement et de détention, 28 juin 2011 ; Mandat d’arrêt à l’encontre de M. Hussein Hassan Oneissi portant ordre de transfèrement et de détention, 28 juin 2011 ; Mandat d’arrêt à l’encontre de M. Assad Hassan Sabra portant ordre de transfèrement et de détention, 28 juin 2011.

5 STL-11-01/I, Mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Mustafa Amine Badreddine portant demande de transfèrement et de détention, 8 juillet 2011 ; Mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash portant demande de transfèrement et de détention, 8 juillet 2011 ; Mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Hussein Hassan Oneissi portant demande de transfèrement et de détention, 8 juillet 2011 ; Mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Assad Hassan Sabra portant demande de transfèrement et de détention, 8 juillet 2011.

Page 14: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

14

Procédure par défaut CPI

ordonné que la confidentialité de l’acte d’accusation soit partiellement levée, afin de permettre la publication des noms, informations biographiques et photographies des quatre accusés, ainsi que des accusations portées à leur encontre6.

6. Le 9 août 2011, le Procureur de la Cour de cassation du Liban7 a soumis un rapport au Président du Tribunal au titre de l’article 76 C), faisant état des mesures prises par les autorités libanaises pour exécuter les mandats d’arrêt8. En réponse, le Président a demandé au Procureur général du Liban de lui fournir certains éclaircissements, le 19 septembre 2011 au plus tard9.

7. Le 11 août 2011, le Président du Tribunal a publié une déclaration indiquant que les autorités libanaises lui avaient fait part de leur incapacité à signifier personnellement l’acte d’accusation aux quatre accusés et à les arrêter. Sous le titre « Lettre ouverte aux quatre accusés », cette déclaration publique informait ces derniers, « leurs familles et leurs relations, ainsi que [le] public libanais », en termes généraux, de la portée des articles 104 et 105 du Règlement. Le Président y pressait les quatre accusés de se soumettre à la compétence du Tribunal, par voie de vidéoconférence, au besoin, ou en se faisant représenter par un conseil de leur choix10.

8. Le 16 août 2011, le Juge de la mise en état a levé la confidentialité de l’acte d’accusation et de ses annexes, de sa décision portant confirmation de l’acte d’accusation et des mandats d’arrêt11.

6 STL-11-01/I, Ordonnance relative à la requête du Procureur tendant à la modification de l’ordonnance de non-divulgation de l’acte d’accusation, 28 juillet 2011.

7 Le « Procureur général du Liban ».

8 STL-11-01/I/PRES, Ordonnance rendue en application de l’article 76 E), 18 août 2011, par. 8, renvoyant au rapport du Procureur général du Liban du 9 août 2011, adressé au Président du Tribunal (« Rapport d’août 2011 du Procureur général du Liban »).

9 Lettre du Président du Tribunal au Procureur général du Liban, 18 août 2011.

10 Déclaration du Président du Tribunal spécial pour le Liban, M. le juge Antonio Cassese, 11 août 2011, publiée sur le site Internet du Tribunal.

11 STL-11-01/I, Ordonnance relative à la levée de la confidentialité de l’acte d’accusation établi à l’encontre de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra et d’autres documents, 16 août 2011. Des versions expurgées de l’acte d’accusation et des annexes y afférentes ainsi que de la décision de confirmation ont été rendues publiques le 17 août 2011, tandis que les mandats d’arrêt ont été intégralement publiés.

Page 15: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

15

Procédure par défaut CPI

9. Le 18 août 2011, le Président du Tribunal a délivré une ordonnance en application de l’article 76. Il y décrivait les efforts déployés par les autorités libanaises pour appréhender les quatre accusés comme « raisonnables, compte tenu, notamment, du haut degré de confidentialité initialement imposé par le Tribunal quant à l’acte d’accusation et aux mandats d’arrêt, mais aussi des circonstances sur le terrain », et ajoutait que ces mesures n’étaient « pas suffisantes à ce point »12. En conséquence, il y ordonnait l’utilisation d’autres méthodes pour signifier l’acte d’accusation, enjoignait au Greffier de transmettre une annonce publique aux autorités libanaises et ordonnait à ces dernières de prendre toutes les mesures raisonnables pour informer publiquement les quatre accusés de l’acte d’accusation et les appeler à se soumettre à la compétence du Tribunal.

10. Le 29 août 2011, le Juge de la mise en état a levé la confidentialité des mandats d’arrêt internationaux13. Deux jours plus tard, le 31 août 2011, le Greffier a transmis au Procureur général du Liban une proposition d’annonce publique de l’acte d’accusation destinée à être publiée dans les médias libanais. La semaine suivante, le 7 septembre 2011, le Procureur général du Liban a informé le Président du Tribunal des mesures prises en vue de signifier les mandats d’arrêt et l’acte d’accusation14. Le lendemain, le 8 septembre 2011, le Greffier a proposé au Procureur général du Liban de publier l’acte d’accusation sous forme d’une « affiche » dans cinq journaux libanais trois arabophones, un francophone et un anglophone et de le faire afficher dans les lieux publics, conformément aux dispositions du droit libanais relatives à la signification d’un acte d’accusation. Il a également proposé de mettre en place une permanence téléphonique, disponible 24 heures sur 2415. Le 12 septembre 2011, le Tribunal a diffusé un message d’intérêt public, dans lequel le Président rappelait à MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra qu’ils avaient le droit de participer

12 Ordonnance rendue en application de l’article 76 E), par. 18 et 19.

13 STL-11-01/I, Ordonnance relative à la levée de la confidentialité des mandats d’arrêt internationaux du 8 juillet 2011 à l’encontre de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi, et Sabra, 29 août 2011. Les mandats d’arrêt internationaux ont été rendus publics ce même jour.

14 Lettre du Procureur général du Liban au Président du Tribunal, 7 septembre 2011.

15 Lettre du Greffier au Procureur général du Liban, 8 septembre 2011.

Page 16: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

16

Procédure par défaut CPI

à la procédure16. Le 15 septembre 2011, l’affiche identifiant les quatre accusés et mentionnant les accusations retenues contre chacun d’entre eux a été publiée, conformément à la proposition du Greffier, dans cinq journaux libanais.

11. Le 19 septembre 2011, le Procureur général du Liban a fait rapport au Président des mesures prises, aux termes des articles 76 A) et B), en vue de signifier l’acte d’accusation aux quatre accusés et de les arrêter17. Quatre jours plus tard, le 23 septembre 2011, le Juge de la mise en état a demandé au Greffier, en vertu de l’article 76 bis, de lui transmettre les preuves que l’acte d’accusation, ainsi que la déclaration du Président du 11 août 2011 et son ordonnance en application de l’article 76 avaient bien fait l’objet d’une annonce publique au Liban et que ces deux dernières avaient bien été diffusées sur le site Internet du Tribunal et dans des médias internationaux18. Le 28 septembre 2011, le Greffier a apporté au Juge de la mise en état la preuve que l’acte d’accusation avait fait l’objet d’une annonce publique dans les médias libanais19.

12. Le 7 octobre 2011, le Procureur a envoyé une demande d’assistance au Procureur général du Liban, dans laquelle il envisageait diverses mesures complémentaires pour tenter de localiser et d’arrêter les quatre accusés et sollicitait une réponse le 6 novembre 201120 au plus tard.

13. Le 17 octobre 2011, aux termes de l’article 105 bis A) du Règlement, le Juge de la mise en état a délivré une ordonnance de saisine de la Chambre de première instance afin qu’elle statue sur l’engagement d’une procédure par défaut à l’encontre des quatre accusés, précisant qu’aucun des quatre accusés n’avait été arrêté, ne s’était présenté de son plein gré devant le Tribunal ni ne s’était en quelque manière

16 « Annonce publique du Tribunal spécial pour le Liban », 12 septembre 2011, publiée sur le site Internet du Tribunal.

17 Rapport du Procureur général du Liban adressé au Président du Tribunal, 19 septembre 2011 (« Rapport de septembre 2011du Procureur général du Liban »)

18 Lettre du Juge de la mise en état au Greffier, 23 septembre 2011.

19 Lettre du Greffier au Juge de la mise en état, 28 septembre 2011.

20 STL-1-01/I/TC, Prosecution’s Preliminary Submission on Rule 106 (« [TRADUCTION] Observations préliminaires du Procureur concernant l’article 106 », les « Observations du Procureur du 25 octobre 2011 »), 25 octobre 2011, par. 6.

Page 17: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

17

Procédure par défaut CPI

soumis à sa compétence21. Le 19 octobre 2011, le Procureur général du Liban a fait rapport au Président des mesures prises pour signifier l’acte d’accusation aux quatre accusés et les appréhender22.

i. Audience publique concernant l’application de l’article 106

14. Le 20 octobre 2011, la Chambre de première instance a fixé au 11 novembre 2011 la tenue d’une audience en vue de statuer sur l’application de l’article 106 et a demandé au Procureur et à MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra de présenter des observations écrites, invitant le Bureau de la Défense à faire de même23. Ayant reçu les observations écrites de l’Accusation et du Bureau de la Défense24, la Chambre de première instance a tenu une audience le 11 novembre 2011, durant laquelle le Procureur a complété oralement ses observations écrites, tandis que le Bureau de la Défense a soumis oralement ses observations aux termes de l’article 106. Le Chef de la Section de participation des victimes a également comparu devant la Chambre et a fait une déclaration portant sur les droits des victimes, tels que définis à l’article 225.

15. Le Bureau du Procureur a également prié la Chambre de première instance de différer sa décision concernant l’article 106 dans l’attente des réponses aux dix

21 Ordonnance dans laquelle il enjoignait au Greffier de communiquer à la Chambre de première instance les documents pertinents, STL-11-01/I, Ordonnance de saisine de la Chambre de première instance conformément à l’article 105 bis, paragraphe A) du Règlement de procédure et de preuve aux fins de statuer sur l’engagement d’une procédure par défaut, 17 octobre 2011.

22 Rapport du Procureur général du Liban au Président du Tribunal, 19 octobre 2011 (« Rapport d’octobre 2011 du Procureur général du Liban »).

23 STL-1-01/I/TC, Ordonnance portant calendrier en application de l’article 106 du Règlement de procédure et de preuve, 20 octobre 2011.

24 STL-1-01/I/TC, Observations du Procureur du 25 octobre 2011 ; Defence Office Response to the Prosecution’s Preliminary Submission on Rule 106 « [TRADUCTION] Réponse du Bureau de la Défense aux observations préliminaires du Procureur concernant l’article 106 »), 31 octobre 2011 ; Prosecution’s Submission in Respect of Rule 106 (« [TRADUCTION] Observations du Procureur concernant l’article 106 »), 2 novembre 2011 ; Observations du Bureau de la Défense relatives à l’application de l’article 106 A) du Règlement de procédure et de preuve, 2 novembre 2011 ; et Prosecution’s Supplementary Submissions in Respect of Rule 106 « [TRADUCTION] Observations supplémentaires du Procureur concernant l’article 106 »,10 novembre 2011.

25 Le Chef de la Section de participation des victimes a rappelé la longue période durant laquelle les victimes ont « attendu que justice leur tende la main », il a réaffirmé l’importance de leurs droits et a fait une déclaration en leur nom destinée à la Chambre de première instance : « Ne commencez pas sans nous », compte rendu d’audience, 11 novembre 2011, p. 93 à 96.

Page 18: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

18

Procédure par défaut CPI

demandes d’assistance qu’elle avait adressées, le 11 novembre 2011, au Procureur général du Liban26. Elle lui a demandé en outre d’inviter un représentant du Gouvernement libanais à présenter des observations et à comparaître lors d’une audience future, afin d’exposer les mesures mises en œuvre pour arrêter les quatre accusés27.

16. Le 23 novembre 2011, la Chambre de première instance a rendu une décision dans laquelle elle reportait son examen visant à déterminer si les conditions énoncées à l’article 106 étaient réunies pour engager le procès par défaut des quatre accusés, dans l’attente des réponses du Procureur général du Liban aux dix demandes d’assistance du Procureur datées du 11 novembre 2011, et des écritures supplémentaires émanant, le cas échéant, du Procureur, des quatre accusés ainsi que du Bureau de la Défense. Elle a également sursis à statuer sur la demande du Procureur d’inviter le Gouvernement du Liban à soumettre des observations écrites ou à se présenter devant le Tribunal, jusqu’à réception des informations précitées28. Sur la proposition du Bureau de la Défense, la Chambre de première instance a demandé que la déclaration du Président du 11 août 2011 et les dispositions des articles 104 et 105 soient notifiées aux quatre accusés.

A. Observations du Procureur concernant l’article 106

17. Le Procureur fait valoir qu’il est prématuré d’ouvrir une procédure par défaut, au motif que les autorités libanaises n’ont pas eu suffisamment de temps pour arrêter les quatre accusés et que toutes les mesures raisonnables pour les appréhender n’ont pas encore été épuisées. Plus généralement, il avance que les procédures par défaut sont admises par le droit international, à condition que les normes internationales relatives aux droits de l’homme soient respectées, mais qu’elles ne peuvent être engagées qu’en « dernier recours ». Le Procureur a donc prié la Chambre de première

26 Le 17 juin 2009, le Procureur et le Gouvernement libanais (par l’intermédiaire du ministre de la Justice) ont signé un Mémorandum d’entente entre le gouvernement de la République libanaise et le Bureau du Procureur du Tribunal spécial pour le Liban portant sur les modalités de la coopération entre eux.

27 Compte-rendu d’audience, 11 novembre 2011, p. 41 à 43 et 46 à 50 ; Observations supplémentaires du Procureur, par. 14 i) et 17.

28 STL-1-01/I/TC, Décision avant dire droit en vertu de l’article 106 (procédure par défaut), 23 novembre 2011, par. 11 et 12.

Page 19: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

19

Procédure par défaut CPI

instance de rejeter la procédure par défaut comme prématurée, les conditions requises par l’article 106 n’étant pas encore réunies29. Au cours des trois mois qui se sont écoulés depuis le dépôt des observations de l’Accusation, le Procureur général du Liban a fourni à la Chambre de première instance des éléments prouvant que de nombreuses mesures complémentaires avaient été prises pour appréhender les quatre accusés, dont certaines sur la proposition du Bureau du Procureur du Tribunal.

B. Observations du Bureau de la Défense concernant l’application de l’article 106

18. Le Bureau de la Défense n’a pas déposé d’observations écrites de fond quant à savoir si les conditions étaient réunies, aux termes de l’article 106, pour engager une procédure par défaut30, mais a fait valoir à l’audience que la délivrance de mandats d’arrêt ex abrupto avait privé les quatre accusés de la possibilité de comparaître devant le Tribunal par voie de vidéoconférence ou par le biais d’un conseil. Lors de l’audience du 11 novembre 2011, le Bureau de la Défense a fait valoir que la Chambre de première instance devait être convaincue que les quatre accusés avaient été informés des dispositions du Règlement les autorisant à « comparaître libres, y compris par voie de vidéoconférence » à leur procès avant de prendre une quelconque décision relative à l’engagement d’une procédure par défaut31. Le Bureau de la Défense a soulevé la question générale de l’équité des procédures par défaut à l’égard des accusés mais a réservé aux conseils de la Défense commis d’office ou nommés le soin de présenter leurs observations en temps utile sur cette question32.

C. Observations des quatre accusés concernant l’application de l’article 106

19. Aucune observation n’a été déposée par MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, ou en leur nom, et aucun conseil ne les a représentés à l’audience du

29 Observations du Procureur du 2 novembre 2011, par. 25.

30 STL-1-01/I/TC, Observations du Bureau de la Défense relatives à l’application de l’Article 106 A) du Règlement de procédure et de preuve, 2 novembre 2011.

31 Compte-rendu d’audience, 11 novembre 2011, p. 75 et76.

32 Compte-rendu d’audience, 11 novembre 2011, p. 55.

Page 20: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

20

Procédure par défaut CPI

11 novembre 2011. Le 25 octobre 2011, le Chef du Bureau de la Défense avait tenté – agissant aux termes des articles 57 D) ii) et iii) du Règlement de commettre un conseil et un coconseil pour chacun des quatre accusés, MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra33. La Chambre de première instance a néanmoins jugé, le 2 novembre 201134, que bien que les articles précités n’autorisaient pas la nomination d’un conseil selon la procédure tentée par le Chef du Bureau de la Défense, elle accorderait toutefois aux huit conseils nommés le droit d’être entendus, en tant que conseils commis d’office par le Chef du Bureau de la Défense au titre de l’article 57 F), leur permettant ainsi de participer à la procédure au titre de l’article 106, y compris lors d’une audience publique dont la date serait fixée au 11 novembre 201135. Par la suite, cependant, le chef du Bureau de la Défense a décliné l’invitation à désigner des conseils au titre de l’article 57 F) et, par conséquent, aucune observation n’a été présentée au nom des quatre accusés36.

eXpOsÉ des MOTiFs

20. La Chambre de première instance reconnaît avant toute chose qu’un procès en présence de l’accusé est préférable, même dans les circonstances particulières de l’espèce, et s’associe à l’opinion présentée par le Président dans son Ordonnance en application de l’article 76, selon laquelle « il est dans l’intérêt bien compris, non seulement des accusés, mais aussi du Tribunal – dont le but est de parvenir à un procès équitable, impartial et rapide afin d’établir la vérité et de promouvoir la réconciliation à l’intérieur des frontières du Liban – que chacun des accusés soit présent et qu’il participe pleinement à sa propre défense »37.

33 STL-1-01/I/TC, Nomination des conseils de permanence en vertu de l’Article 57 d) i) et iii) du Règlement de procédure et de preuve, 25 octobre 2011.

34 Après avoir demandé des éclaircissements dans l’affaire STL-1-01/I/TC, Ordonnance portant demande d’éclaircissements au Bureau de la Défense, 27 octobre 2011, et les avoir obtenus dans la Réponse à l’ordonnance de la Chambre de première instance d[u] 27 octobre 2011, 28 octobre 2011.

35 STL-1-01/I/TC, Décision relative à la Nomination de « Conseils de Permanence » par le Chef du Bureau de la Défense, 2 novembre 2011, p. 3 et 4.

36 STL-1-01/I/TC, Observations du Bureau de la Défense relatives à l’application de l’Article 106 A) du Règlement de procédure et de preuve, 2 novembre 2011, par. 7.

37 Ordonnance rendue en application de l’article 76 E), par. 15.

Page 21: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

21

Procédure par défaut CPI

21. L’article 22 du Statut du Tribunal spécial autorise la Chambre de première instance à conduire un procès en l’absence de l’accusé,

1. Le Tribunal conduit le procès en l’absence de l’accusé si celui-ci :

a) a renoncé expressément et par écrit à son droit d’être présent ;

b) n’a pas été remis au Tribunal par les autorités de l’État concerné ;

c) est en fuite ou est introuvable, et tout ce qui était raisonnablement possible a été fait pour garantir sa comparution devant le Tribunal et l’informer des charges confirmées par le Juge de la mise en état.

22. Avant d’engager une procédure par défaut, le Chambre de première instance doit déterminer si les critères énoncés à l’article 106 du Règlement ont été satisfaits, à savoir38 :

A) Lorsque l’accusé :

(i) a renoncé expressément et par écrit à son droit d’être présent au procès ;

(ii) n’a pas été remis au Tribunal par les autorités de l’État concerné dans un délai raisonnable ; ou

(iii) a pris la fuite ou est introuvable, et que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour garantir sa comparution devant le Tribunal et l’informer des charges confirmées par le Juge de la mise en état ;

la Chambre de première instance peut décider d’engager une procédure par défaut.

38 Il existe une différence entre la version anglaise et la version française de l’article 106. La version anglaise emploie les termes « shall conduct proceedings in absentia » tandis que la version française prévoit que la Chambre « peut décider d’engager une procédure par défaut ». La version anglaise de l’article 106 reprend les termes de l’article 22 du Statut dans ses versions anglaise, française (« le Tribunal conduit le procès en l’absence de l’accusé ») et arabe. Les versions anglaise et arabe de l’article 106 sont donc plus conformes à l’article 22, tel que rédigé dans les trois langues officielles du Tribunal. En application des règles d’interprétation des textes rédigés dans différentes langues, il convient d’adopter « le sens qui, compte tenu de l’objet et du but du traité, concilie le mieux ces textes », conformément à l’article 334 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. Par conséquent, la Chambre de première instance renvoie aux versions anglaise et arabe de l’article 106 et non à sa version française (voir également les arguments présentés dans la décision de la Chambre d’appel, STL-1-01/I, Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, 16 février 2011, par. 26, notes de bas de page 40 et 41, mentionnant le TPIY et le TPIR qui ont renvoyé à la Convention pour interpréter leurs Statuts et Règlements respectifs).

Page 22: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

22

B) Lorsque l’absence de l’accusé résulte du refus ou du manquement de l’État concerné à son obligation de remettre l’accusé, la Chambre de première instance, avant de décider d’engager une procédure par défaut : i) consulte le Président et s’assure que celui-ci a pris toutes les mesures nécessaires pour que l’accusé puisse participer à la procédure de la manière la plus appropriée ; et ii) s’assure que toutes les conditions visées à l’article 22 2) du Statut sont remplies.

23. La Chambre de première instance n’a reçu aucune pièce indiquant qu’un des quatre accusés avait « renoncé expressément et par écrit à son droit d’être présent au procès », conformément à l’article 106 A) i), ou qu’un des accusés « n’a[vait] pas été remis au Tribunal par les autorités de l’État concerné », conformément à l’article 106 A) ii). En outre, la Chambre de première instance ne dispose d’aucune information selon laquelle l’absence d’un des quatre « accusé[s] résulte du refus ou du manquement de l’État concerné à son obligation de remettre l’accusé », conformément à l’article 106 B).

24. La Chambre de première instance a été saisie de l’affaire le 17 octobre 2011. Depuis cette date, la Chambre a pris des dispositions pour obtenir - et a régulièrement obtenu - toute information disponible relative aux mesures prises pour informer les quatre accusés de l’acte d’accusation et pour garantir leur comparution devant le Tribunal. Le Procureur général du Liban a adressé des rapports au Président du Tribunal les 9 août 2011, 19 septembre 2011, 19 octobre 2011, 18 novembre 2011, 19 décembre 2011 (les traductions anglaises ont été communiquées le 23 janvier 2012) et 18 janvier 2012 (une traduction française a été communiquée le 31 janvier 2012) concernant les mesures prises, conformément à l’article 76 A) et 76 B) du Règlement, en vue de signifier l’acte d’accusation et d’arrêter les quatre accusés39. L’Accusation a également déposé des rapports les 8 et 16 décembre 2011 et, le 13 janvier 2012,

39 Rapport d’août 2011 du Procureur général du Liban ; Rapport de septembre 2011 du Procureur général du Liban ; Rapport d’octobre 2011 du Procureur général du Liban ; Rapport du Procureur général du Liban au Président du Tribunal, daté du 18 novembre 2011 (« Rapport de novembre 2011 du Procureur général du Liban ») ; Rapport du Procureur général du Liban au Président du Tribunal, daté du 19 décembre 2011 (« Rapport de décembre 2011 du Procureur général du Liban ») ; Rapport du Procureur général du Liban au Président du Tribunal, daté du 18 janvier 2012.

Procédure par défaut CPI

Page 23: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

23

Procédure par défaut CPI

des traductions anglaises des réponses du Procureur général du Liban, datées du 5 décembre 2011, aux demandes d’assistance envoyées le 11 novembre 201140.

25. La Chambre de première instance n’a pas obtenu de confirmation quant aux lieux où se trouvent les quatre accusés, mais les informations dont elle dispose ne donnent pas à penser qu’aucun des accusés ait quitté le Liban depuis que les actes d’accusation ont été communiqués aux représentants du Gouvernement libanais le 30 juin 2011. Par conséquent, la Chambre de première instance part du principe qu’elle doit restreindre son analyse aux dispositions de l’article 106 A) iii), à savoir au fait qu’un accusé « a pris la fuite ou est introuvable », et déterminer si « toutes les mesures raisonnables ont été prises pour garantir sa comparution devant le Tribunal et l’informer des charges confirmées par le Juge de la mise en état ». Dans la mesure où, d’après les informations dont la Chambre de première instance dispose, les quatre accusés sont restés sur le territoire libanais, la Chambre de première instance s’est limitée à l’analyse des mesures prises au Liban.

26. Parmi les mesures prises figurent des mesures de surveillance, des visites répétées aux derniers domiciles et lieux de travail connus de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, ainsi qu’aux domiciles de leurs proches, des recherches dans les registres publics, et la diffusion dans les médias libanais d’une affiche contenant des renseignements biographiques et des photographies de chacun des accusés, ainsi que la description des charges. En outre, afin de déterminer si les quatre accusés ont pris connaissance de l’acte d’accusation et s’ils sont susceptibles de participer à un procès sans être présents physiquement devant le Tribunal, la Chambre de première instance a examiné la couverture médiatique au Liban établissant un lien entre les quatre accusés et l’acte d’accusation, et la couverture des conséquences pratiques des articles 104 et 105.

40 STL-1-01/I/TC, Prosecution Report Regarding Rule 106 Proceedings « [TRADUCTION] Rapport du Procureur concernant la procédure prévue à l’article 106 », 8 décembre 2011 ; Second Prosecution Report Regarding Rule 106 Proceedings « [TRADUCTION] Deuxième Rapport du Procureur concernant la procédure prévue à l’article 106 », 15 décembre 2011 ; Submission of the English Translation of the RFA Responses Contained in the Second Prosecution Report Regarding Rule 106 « [TRADUCTION] Présentation de la traduction anglaise des réponses à la demande d’assistance figurant dans le Deuxième Rapport de l’Accusation concernant la procédure prévue à l’article 106 », 13 janvier 2012.

Page 24: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

24

Procédure par défaut CPI

27. L’article 106 A) iii) énonce plusieurs critères qui se recoupent. Le premier est que la Chambre de première instance doit être convaincue du fait qu’un accusé a pris la fuite ou est introuvable. Le deuxième tient au fait que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour garantir la comparution de l’accusé devant le Tribunal. Le troisième, qui doit être lu en conjonction du deuxième, est que toutes les mesures raisonnables doivent avoir été prises pour informer l’accusé des charges figurant dans l’acte d’accusation41.

i. « Toutes les mesures raisonnables » aux termes de l’article 106 A) iii)

28. Les termes « toutes les mesures raisonnables » ne sont définis ni dans le Statut, ni dans le Règlement ; la formulation ne donne aucune définition précise, et la Chambre de première instance ne tentera pas d’en donner une. Une définition de « toutes les mesures raisonnables » ne peut exister en droit international coutumier ; elle doit être déterminée en fonction des circonstances particulières de chaque situation, c’est-à-dire après un examen de l’ensemble des circonstances de l’espèce, et non dans l’absolu.

29. Nul n’est besoin non plus à la Chambre de première instance de tenter de définir les termes employés à l’article 106 A) iii), à savoir le fait de garantir la « comparution devant le Tribunal » d’un accusé, ou de l’informer des charges retenues à son encontre. Ces deux éléments impliquent nécessairement les mesures prises pour informer l’accusé de sa mise en accusation. Cependant, le fait de garantir la comparution d’un accusé peut impliquer le fait de l’« appréhender » (probablement en l’arrêtant) ou d’obtenir sa comparution devant le Tribunal en vue de participer à un procès, sans qu’il soit physiquement présent dans la salle d’audience. Aux fins de cette seconde solution, l’accusé doit avoir bénéficié des informations nécessaires lui permettant de choisir, en connaissance de cause, de participer ou non au procès.

41 La Chambre de première instance résout l’ambigüité des termes utilisés dans la version anglaise du Règlement, qui peuvent donner à penser que c’est le Juge de la mise en état qui est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la comparution de l’accusé et l’informer des charges, et attribue à l’article son sens naturel, à savoir que les charges ont été confirmées par le Juge de la mise en état, tel que l’indiquent clairement les versions française et arabe du Règlement.

Page 25: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

25

Procédure par défaut CPI

30. Lorsqu’elle est appliquée aux initiatives nécessaires pour garantir la comparution d’un accusé devant un tribunal, la formulation « toutes les mesures raisonnables », implique inévitablement un niveau d’exigence plus élevé que lorsqu’elle vise simplement les mesures nécessaires pour informer la personne accusée des charges retenues à son encontre. Selon les circonstances, le recours à la force peut être nécessaire pour garantir une comparution, pas pour informer un accusé des charges retenues contre lui. Toutefois, on ne peut normalement pas se contenter d’une simple signification formelle quand il s’agit d’informer un accusé aux fins de lui permettre de choisir, en connaissance de cause, de participer ou non à son procès (dans les circonstances prévues aux articles 104 et 105).

31. En vue de se prononcer sur la question, la Chambre de première instance a examiné les critères énoncés dans le Statut et dans le Règlement du Tribunal, dans les dispositions du droit international relatif aux droits de l’homme et de la procédure pénale libanaise. La Chambre a également examiné la pratique d’autres cours et tribunaux internationaux relative à la signification aux personnes accusées des charges retenues avant d’engager certaines procédures par défaut.

32. D’après les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme42, un accusé doit être dûment informé des charges, invité à comparaître devant la cour (au moins au moyen d’une citation à comparaître), et informé des conséquences de sa non-comparution - à savoir de la possibilité pour la cour d’engager une procédure par défaut - avant que la cour puisse juger la personne concernée en son absence. L’accusé doit avoir renoncé à son droit d’assister au procès, de son plein gré ou implicitement par son comportement43. L’objectif ainsi visé est de garantir que l’accusé peut dûment exercer son droit de comparaître, ou inversement, de ne pas comparaître pendant le procès44. Les autorités étatiques disposent d’une grande liberté dans le choix des moyens propres à permettre d’informer l’accusé ; ce qui

42 Par exemple, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, 999 U.N.T.S 171, alinéas a), b), d) et e) de l’art. 143 ; Conseil de l’Europe, Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, ETS 5, art. 61 et 63.

43 CEDH, Sejdović c. Italie, 1er mars 2006, Recueil 2006-II, par. 86.

44 Par exemple, CEDH, Colozza c. Italie, Séries A, N° 89, par. 27 à 30, 12 février 1985; Sejdović, par. 88 à 90 ; Comité des droits de l’homme, Mbenge c. Zaïre, Communication N° 16/1977, 25 mars 1983, par. 142.

Page 26: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

26

Procédure par défaut CPI

importe est que la communication soit effective45. Cependant, le droit international relatif aux droits de l’homme n’impose aucune obligation aux autorités étatiques, outre le fait de prendre les mesures nécessaires à la notification, avant qu’une cour puisse engager un procès par défaut. Par conséquent, la Chambre de première instance a examiné l’ensemble des événements qui auraient permis à MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra d’être informés de leur mise en accusation, ainsi que de la possibilité qui leur est offerte de participer à un procès.

33. S’agissant du droit libanais, la Chambre de première instance souligne que le Tribunal dépend de la coopération des États pour exécuter les mandats d’arrêts et les ordonnances qu’il délivre. Dans la mesure où les quatre accusés sont présumés résider au Liban, la Chambre de première instance a avant tout examiné la procédure pénale libanaise pour déterminer les mesures qui pouvaient être prises et qui l’ont été afin d’informer les quatre accusés de l’acte d’accusation et de garantir leur comparution devant le Tribunal.

34. Cependant, la Chambre de première instance souligne qu’il peut exister une différence entre le fait d’informer les quatre accusés conformément à la procédure pénale libanaise et celui de prendre « toutes les mesures raisonnables » en application de l’article 106 A). Le Code de procédure pénale libanais énumère les mesures à prendre pour informer une personne accusée avant qu’une juridiction libanaise puisse engager un procès par défaut au Liban. Cependant, ce code ne dispose pas que les mesures concernées doivent être des « mesures raisonnables » ni (détail important) « toutes les mesures raisonnables ». Au contraire, conformément au droit libanais, une signification formelle est suffisante pour indiquer à une personne accusée qu’un procès aura lieu en son absence. La Chambre de première instance estime que les termes « toutes les mesures raisonnables » énoncés à l’article 106 A) impliquent nécessairement des mesures plus exigeantes en vue de garantir la comparution d’un accusé ou de l’informer de l’acte d’accusation (avant qu’elle puisse engager un procès par défaut), que les mesures de signification prévues aux articles 147 et 148 du Code de procédure pénale libanais46. Ainsi, la Chambre de première instance a

45 CEDH, Somogyi c. Italie, 18 mai 2004, par. 67, Recueil 2004-IV.

46 Intégralement énoncés aux paragraphes 47 et 48.

Page 27: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

27

Procédure par défaut CPI

envisagé des mesures allant au-delà des mesures énoncées dans le Code libanais afin de déterminer si « toutes les mesures raisonnables » ont été prises.

35. S’agissant du droit international pénal, le Règlement du Tribunal spécial découle en grande partie de l’élaboration de ce corpus de droit. Cela a conduit la Chambre de première instance à examiner la jurisprudence d’autres cours et tribunaux internationaux, en vue de déterminer ce que la procédure pénale internationale entend par « toutes les mesures raisonnables ». La Cour pénale internationale, le Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie et le Tribunal pénal international pour le Rwanda prévoient chacun dans leur Règlement de procédure et de preuve « toutes les mesures raisonnables » (dans les versions anglaises de ces textes, deux formulations apparemment interchangeables sont utilisées : « all reasonable steps » ou « all reasonable measures ») à prendre concernant l’appréhension de l’accusé, dans le cadre de certaines procédures (mais pas le procès) conduites par défaut47.

36. La Chambre de première instance s’est donc partiellement inspirée de la pratique du Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie et de son application de l’article 61 du Règlement de procédure et de preuve. Cette disposition permet au juge d’examiner un acte d’accusation qui a déjà été confirmé, en audience publique, au terme d’un « délai raisonnable », mais après s’être assuré que « toutes les mesures raisonnables » ont été prises (sans succès) en vue d’arrêter l’accusé48.

37. Cependant, la procédure par défaut prévue à l’article 61 du Règlement du TPIY et à l’article 61 du Règlement du TPIR diffère sensiblement de la procédure prévue dans le Statut et le Règlement du Tribunal spécial, principalement du fait

47 Les Statuts et Règlement du Tribunal spécial pour la Sierra Leone et des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens ne prévoient pas de procédure semblable.

48 Ainsi que l’article 61 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal pénal international pour le Rwanda qui est comparable et n’a, semble-t-il, jamais été utilisé. L’article 61, « Procédure en cas d’inexécution d’un mandat d’arrêt », prévoit ce qui suit : A) Si, au terme d’un délai raisonnable, le mandat d’arrêt n’a pas été exécuté et que l’acte d’accusation n’a pas été signifié à personne, le juge qui a confirmé l’acte d’accusation invite le Procureur à rendre compte des mesures qu’il a prises. Dès lors que le juge est convaincu que [non souligné dans l’original] : i) Le Greffier et le Procureur ont pris toutes les mesures raisonnables pour faire arrêter l’accusé, notamment en s’adressant aux autorités compétentes de l’État sur le territoire ou sous la juridiction ou le contrôle duquel l’accusé visé par la signification réside ou avait sa dernière résidence connue ; et ii) Le Procureur et le Greffier ont pris toutes les mesures raisonnables pour établir le lieu de résidence inconnu de l’accusé, y compris par l’insertion d’annonces dans les journaux, conformément à l’Article 60, le Juge ordonne que le Procureur présente l’acte d’accusation à la Chambre de première instance à laquelle il est affecté.

Page 28: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

28

Procédure par défaut CPI

que le processus au TPIY et au TPIR vise à tenir une audience publique en vue d’examiner un acte d’accusation déjà confirmé, mais en l’absence de l’accusé en fuite49. Il s’agit d’une procédure par défaut et non d’un procès par défaut. En outre, l’objectif de l’audience prévue à l’article 61 était une déclaration indiquant si les éléments de preuve produits par l’Accusation étaient ou non, à première vue, suffisants et non une décision relative à la responsabilité pénale, et permettait au Président de ce Tribunal d’informer le Conseil de sécurité de la question de la coopération des États avec le Tribunal50. Le niveau d’exigence quant aux « mesures raisonnables » nécessaires à la tenue d’une audience par défaut en vue d’examiner l’acte d’accusation est inévitablement moins élevé qu’en ce qui concerne les mesures requises avant d’engager un procès par défaut.

38. Malgré ces différences de procédure, la méthode utilisée au TPIY pour déterminer ce que sont des « mesures raisonnables » est utile51 et, à titre d’exemple, la Chambre de première instance souscrit aux décisions rendues en vertu de l’article 61, selon lesquelles « un délai raisonnable doit s’apprécier en fonction des circonstances particulières à chaque cas »52. Le TPIY a tenu quatre audiences en vertu de l’article 61 après avoir déterminé que « toutes les mesures raisonnables » n’avaient pas permis l’arrestation de l’accusé. Parmi les mesures considérées comme suffisantes pour constituer « toutes les mesures raisonnables » figurent : dans l’affaire Martić, le fait que les autorités de Croatie aient affirmé que l’accusé ne se trouvait pas sur le territoire croate, que le Greffier ait fait publier une annonce dans les journaux et que l’accusé ait admis sa mise en accusation lors d’un entretien sur CNN ; dans l’affaire

49 Ce processus répondait à un objectif pratique au cours des premières années du TPIY, lorsque le Tribunal avait délivré des actes d’accusation mais n’avait pas appréhendé d’accusés et n’était pas en mesure de les poursuivre par défaut.

50 La Chambre de première instance du TPIY a, après les audiences tenues en vertu de l’article 61 du Règlement dans le cadre des affaires Nikolić, Karadzić et Mladić, certifié l’absence de coopération de certains gouvernements. Le Président du TPIY en a informé le Conseil de sécurité ; S/1996/665, A/51/292 (1996) par. 50, 61.

51 Même si la Chambre de première instance observe que les chambres du TPIY ne semblent pas avoir procédé à un examen minutieux des mesures prises par les autorités étatiques en vue d’exécuter les mandats d’arrêt.

52 Le Procureur c. Milan Martić, IT-94-11-I, Ordonnance aux fins de l’examen en audience publique par la Chambre de première instance I de l’acte d’accusation (Article 61 du Règlement de procédure et de preuve), 13 février 1996, p. 2 ; Le Procureur c. Mile Mrksić, Miroslav Radić et Veselin Šljivančanin, IT-95-13-R61, Ordonnance aux fins de l’examen en audience publique par la Chambre de première instance I de l’acte d’accusation (Article 61 du Règlement de procédure et de preuve), 6 mars 1996, p. 2.

Page 29: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

29

Procédure par défaut CPI

Rajić, le fait que les mandats d’arrêt aient été adressés à la Bosnie-Herzégovine et à la Croatie, que l’acte d’accusation ait été annoncé à la radio, à la télévision et dans les journaux en Bosnie-Herzégovine, et que l’accusé ait donné pour instruction à un avocat de le représenter en tant que conseil53 ; et dans l’affaire Karadzić et Mladić, la publication de l’acte d’accusation dans trois journaux de Bosnie et la communication des mandats d’arrêt et de l’acte d’accusation aux autorités ont été considérés comme suffisants54.

39. Conformément à la règle 125 du Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale, la Chambre préliminaire peut tenir une audience de confirmation des charges en l’absence de la personne accusée, après avoir tenu les consultations prévues par la règle 123, « Mesures prises en vue d’assurer la présence de la personne concernée à l’audience de confirmation des charges », et la règle 124, « Renonciation au droit d’être présent à l’audience de confirmation des charges »55. Cependant, la Cour n’a pas encore utilisé la règle 123 ; lors de la seule audience de confirmation des charges tenue en l’absence des accusés, les juges ont été convaincus que deux accusés avaient expressément renoncé à leur droit de participer et avaient désigné un conseil pour les représenter56.

53 Le Procureur c. Ivica Rajić alias Viktor Andrić, IT-95-12-I, Ordonnance relative à l’examen de l’acte d’accusation au titre de l’article 61 et ordonnance de non-divulgation provisoire, 6 mars 1996.

54 Le Procureur c. Radovan Karadzić et Radko Mladić, IT-95-5-R61, Ordonnance aux fins de l’examen en audience publique par la Chambre de première instance I de l’acte d’accusation (Article 61 du Règlement de procédure et de preuve), 16 juin 1996. En revanche, dans le cadre de la première procédure en vertu de l’article 61, une audience a été ordonnée sans préciser les mesures qui avaient convaincu les juges ; Dragan Nikolić également connu sous le nom de « Jenki Nikolić », IT-94-2R61, Ordonnance aux fins de l’examen de l’acte d’accusation par la Chambre de première instance en audience, 16 mai 1995.

55 Aux termes de la règle 1233, la Chambre préliminaire s’assure qu’un mandat d’arrêt a été délivré contre la personne concernée et, si le mandat d’arrêt n’a pas été exécuté dans un délai normal, que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour localiser cette personne et la faire arrêter [non souligné dans l’original].

56 Situation au Darfour, Soudan dans le cadre de l’affaire Le Procureur c. Abdallah Banda Abakaer Nourain et Saleh Mohammed Jerbo Jamus, N° ICC-02/05-03/09, Decision on issues related to the hearing on the confirmation of charges « [TRADUCTION] Décision relative aux questions liées à l’audience de confirmation des charges », 17 novembre 2010.

Page 30: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

30

Procédure par défaut CPI

ii. Garantir la comparution d’une personne accusée devant le Tribunal

A. Par une arrestation

40. En application de l’article 106 A), la Chambre de première instance doit minutieusement examiner les mesures prises dans le but de garantir la comparution des quatre accusés devant le Tribunal. L’analyse ne se limite donc pas aux mesures visant spécifiquement leur appréhension, notamment l’arrestation – qui constitue généralement le moyen le plus efficace de garantir la comparution d’un suspect ou d’un accusé. Nonobstant le lien évident entre une arrestation et une comparution (ainsi garantie) en audience, le Statut et le Règlement du Tribunal visent à garantir à chaque personne accusée la possibilité de comparaître en personne plutôt que d’être jugée par défaut.

41. Il est évident que l’on ne saurait attendre l’arrestation d’un accusé pour engager un procès par défaut, une telle condition serait en effet contraire au fondement du Statut et du Règlement du Tribunal. L’engagement d’un procès par défaut suppose que l’accusé n’a pas été arrêté ou n’a pas comparu devant les juges. La Chambre de première instance estime que dans l’intérêt de la justice, les juges doivent être persuadés que la personne accusée ne sera probablement pas arrêtée dans un avenir proche, à savoir dans le cadre de la présente affaire, peu de temps après le début de la procédure par défaut. Bien que la Chambre de première instance soit convaincue que les autorités libanaises poursuivront leurs efforts visant à appréhender les quatre accusés, elle n’a aucun motif de croire – en se fondant sur leur disparition évidente au moment où leur identité a été communiquée au public (à tout le moins officiellement) et sur l’impossibilité de les trouver dans les sept mois qui ont suivi – que leur appréhension est imminente. De plus, même si la procédure commence en l’absence des accusés, les recherches visant à arrêter les quatre accusés se poursuivront, comme dans le cadre de tout crime grave.

B. Par la participation de la personne accusée au procès

42. Contrairement aux procédures prévues au sein des tribunaux ad hoc des Nations Unies et de la Cour pénale internationale, le Statut et le Règlement de procédure

Page 31: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

31

Procédure par défaut CPI

et de preuve du Tribunal spécial prévoient plusieurs mécanismes permettant aux personnes accusées de participer à un procès, sans pour autant exiger leur présence physique en salle d’audience. En application de l’article 104, « Renonciation au droit d’être présent au procès », la procédure n’est pas considérée comme une procédure par défaut « une fois qu’un accusé a comparu devant le Tribunal en personne, par vidéoconférence ou par le biais d’un conseil qui lui a été assigné ou qu’il a accepté », mais sans avoir renoncé expressément et par écrit à son droit d’être présent. En vertu de l’article 105, la Chambre de première instance (ou le Juge de la mise en état) peut autoriser un accusé à participer aux audiences par vidéoconférence, pour autant que son conseil y assiste en personne57. Les articles 108 et 109 précisent les procédures applicables si un accusé comparaît pendant ou après la clôture d’une procédure par défaut. Par conséquent, la Chambre de première instance doit déterminer si les quatre accusés ont été informés de leurs droits conformément aux articles 104 et 105.

43. Lors de l’audience du 11 novembre 2011, le Bureau de la Défense a soutenu que la Chambre de première instance devait être convaincue que toutes les mesures raisonnables avaient été prises pour garantir que les quatre accusés avaient été informés des charges retenues à leur encontre, et ainsi, leur permettre de comparaître libres en salle d’audience58. Par conséquent, des « mesures novatrices », telles que la participation par vidéoconférence, auraient dû être envisagées avant la délivrance des mandats d’arrêt59, car « la délivrance de mandats d’arrêt a eu pour effet de décourager des comparutions volontaires et libres qui auraient pu avoir lieu par le biais de la mise en œuvre des dispositions du Règlement susvisées »60. La notification des mandats d’arrêt respecte le Règlement uniquement si les quatre accusés savent qu’ils peuvent comparaître « libre[s] »61. Par conséquent, le Bureau de la Défense

57 Le Mémoire explicatif par le Président du Tribunal, 25 novembre 2010, précise la manière dont l’article 105 envisage la possibilité pour un accusé de bénéficier, par exemple, d’une « mise en liberté sous caution dans l’État dont il est ressortissant » (par. 25), et le justifie en expliquant qu’il est probable que « la réticence des États tiers à coopérer avec le Tribunal sera moindre s’ils savent que leurs ressortissants peuvent être jugés sans être incarcérés » (par. 27). Pour l’instant, ces considérations ne présentent aucun intérêt pour la décision de la Chambre de première instance.

58 Compte rendu d’audience, 11 novembre 2011, p. 57 et 73.

59 Ibid. p. 75.

60 Ibid. p. 78.

61 Ibid. p. 82.

Page 32: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

32

Procédure par défaut CPI

affirme que le retrait des mandats d’arrêt est le seul moyen de rétablir les droits des quatre accusés, dans la mesure où chacun pourrait choisir de participer à la procédure par vidéoconférence62, et « qu’à admettre que les accusés aient eu connaissance par ouï-dire desdits mandats, les accusés peuvent estimer qu’ils n’ont qu’une issue, se cacher pour éviter d’être arrêtés »63.

44. Cependant, pour les raisons énoncées aux paragraphes 84, 90, 98 et 104 ci-après, la Chambre de première instance estime que M. Ayyash, M. Badreddine, M. Oneissi et M. Sabra ont tous été informés, conformément à la procédure pénale libanaise, du contenu des articles 104 et 105, de la « lettre ouverte » que le Président leur a adressée le 11 août 2011, de l’ordonnance fixant l’audience au 11 novembre 2011, et de la Décision avant dire droit rendue par la Chambre le 23 novembre 2011. L’acte d’accusation a également été envoyé à leurs dernières adresses connues et, conformément à l’article 148 du Code de procédure pénale libanais, d’autres copies ont été adressées aux mokhtars concernés64. Cependant, malgré la communication efficace desdits documents, la Chambre de première instance n’a reçu aucune information selon laquelle MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi ou Sabra aurait eu l’intention de comparaître par vidéoconférence ou de désigner un conseil pour les représenter au procès. Le Bureau de la Défense n’a apporté aucun élément à l’appui de l’argument selon lequel le retrait des mandats d’arrêt entraînerait l’apparition des quatre accusés, la désignation de conseils ou la comparution au procès par vidéoconférence. En outre, même si le Règlement n’autorise pas explicitement le retrait d’un mandat d’arrêt, l’autorité qui serait habilitée à le faire serait le juge explicitement autorisé à délivrer un mandat d’arrêt en vertu de l’article 79, à savoir le Juge de la mise en état ; or, à la connaissance de la Chambre de première instance, aucune demande n’a encore été déposée en ce sens.

62 Ibid. p. 78 à 80, 88. Concernant l’éventuel retrait des mandats d’arrêt, le Bureau du Procureur a soutenu qu’une telle question pouvait être soulevée uniquement devant la Chambre d’appel et ne relevait pas de la compétence de la Chambre de première instance (Compte rendu d’audience, 11 novembre 2011, p. 88).

63 Compte rendu d’audience, 11 novembre 2011, p. 78 et 79.

64 Maires libanais. Pour les motifs énoncés au paragraphe 50 ci-dessous, la Chambre de première instance ne considère pas que la véritable communication ait été déficiente, conformément au droit libanais, du fait de l’absence d’affichage de chaque document du Tribunal à l’entrée de son bureau à Beyrouth, et a renoncé à ce critère.

Page 33: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

33

Procédure par défaut CPI

III. Signification des charges aux quatre Accusés – en application del’article 76 et du droit libanais

45. La Chambre de première instance doit examiner les mesures prises aux fins d’informer les quatre Accusés des charges telles que confirmées par le Juge de la mise en état dans l’acte d’accusation. Les modalités de signification des charges à un accusé sont exposées dans le Règlement de procédure et de preuve. L’article 76 B) dispose que « [c]ette signification se fait par une remise à l’accusé en personne d’une copie de l’acte d’accusation, ainsi que d’une citation à comparaître ou d’un mandat d’arrêt ».

46. Selon les informations communiquées à la Chambre de première instance, MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra sont des citoyens libanais, et leurs derniers lieux de résidence et emplois connus sont situés au Liban, où réside également leur famille. Sur la base de ces informations, le Greffier a transmis les actes d’accusation et mandats d’arrêt au gouvernement libanais aux fins de signification et d’exécution. Le Procureur général du Liban a alors tenté de signifier en personne l’acte d’accusation à chacun des quatre Accusés conformément aux articles 147 et 148 du Code de procédure pénale libanais. Les mesures prises sont exposées de manière détaillée, pour chacun des quatre Accusés, aux paragraphes 83, 89, 97 et 103 ci-dessous, et sont documentées dans les divers rapports adressés au Président du Tribunal, au Juge de la mise en état, à la Chambre de première instance, au Greffier ainsi que dans les réponses aux demandes d’assistance adressées par le Procureur aux autorités libanaises. Le Procureur général du Liban s’est appuyé sur le Code de procédure pénale libanais et sur la Division des investigations criminelles centrales (DICC) pour mettre en œuvre les procédures nécessaires au respect de l’article 76 relatif à la signification de l’acte d’accusation.

47. Le paragraphe 6 de l’article 147 du Code libanais décrit la procédure généralement applicable pour la signification des actes en droit libanais, qui prévoit que la personne « procède sans délai à la signification et […] fait toutes diligences pour parvenir à remettre l’exploit à la personne même du destinataire ». Aux termes du paragraphe 7 de l’article 147,

Page 34: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

34

Procédure par défaut CPI

Si le destinataire est absent de son lieu de résidence ou domicile, la signification est effectuée par l’intermédiaire d’un parent, d’un serviteur ou d’une personne résidant à ce domicile, à condition que son apparence porte à croire qu’il s’agit d’une personne majeure, et qu’aucun conflit d’intérêts ne l’oppose au destinataire. Si l’intéressé refuse de mentionner son nom et son lien avec le destinataire ou d’accuser réception de la copie de l’acte, l’auxiliaire de justice en fait mention sur l’exploit, dont il lui remet copie.

48. L’article 148 prévoit une procédure de signification exceptionnelle,

Si la personne visée par l’exploit est sans résidence ou domicile ou si l’auxiliaire de justice ne trouve au lieu de résidence ou au domicile aucune personne à qui remettre son exploit, la signification s’effectue par voie d’affichage d’une copie de l’exploit sur la porte du dernier domicile connu, une deuxième copie étant remise au mokhtar de la localité en question et une troisième affichée sur la porte de la juridiction requérante. L’auxiliaire de justice décrit ses diligences sur l’original de l’exploit et l’adresse à la juridiction à la requête de laquelle il a été délivré. Si le destinataire est sans dernier domicile connu, l’auxiliaire de justice chargé de la signification se contente d’afficher une copie de l’exploit sur la porte de la juridiction à la requête de laquelle il a été délivré.

49. Pour appliquer l’article 148, les tribunaux libanais recherchent le moyen de signification le plus efficace et reconnaissent la possibilité d’effectuer la signification de l’acte au dernier lieu de résidence ou domicile connu dans certains cas, comme dans celui d’une personne célibataire, par l’affichage d’une copie d’un document au lieu de résidence de ses parents. La Chambre de première instance a ainsi examiné les pratiques du pouvoir judiciaire libanais aux fins d’établir si la signification de l’acte avait été effectuée selon les dispositions du Code de procédure pénale libanais.

50. Il convient de s’interroger également sur le sens donné à l’expression « juridiction » dans l’article 148, qui renvoie généralement au tribunal libanais ayant rendu l’ordonnance portant signification. En l’espèce, le Tribunal spécial ayant établi tous les documents pertinents, le Procureur général du Liban a indiqué que le Tribunal, basé à La Haye (Pays-Bas), était « la juridiction », et a cherché à faire afficher certains documents et ordonnances du Tribunal (y compris l’acte d’accusation) à l’entrée des bureaux du Tribunal à Beyrouth. De l’avis de la Chambre de première instance, cette mesure supplémentaire – tout en étant strictement nécessaire aux fins

Page 35: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

35

Procédure par défaut CPI

de signifier formellement à un accusé l’ouverture d’un procès par défaut en droit procédural libanais – ne permet pas d’informer un accusé des charges contenues dans un acte d’accusation établi par le Tribunal. La Chambre de première instance ne considère pas que l’affichage de documents au bureau de Beyrouth constitue un moyen efficace d’informer un accusé de l’existence d’un acte d’accusation ou de son droit de participer à la procédure, et ne saurait dès lors tenir compte de cette prescription du droit libanais pour établir si « toutes les mesures raisonnables » ont été prises.

51. Le 9 août 2011, le Procureur général du Liban a informé le Président du Tribunal qu’il n’était en mesure de signifier en personne l’acte d’accusation à aucun des quatre Accusés, pas plus que de procéder à des arrestations65. Les autorités libanaises n’ont pu trouver aucun des quatre Accusés ni aucune personne répondant aux conditions visées au paragraphe 7 de l’article 147 à laquelle elles pouvaient signifier les documents aux lieux de résidence ou domiciles connus des quatre Accusés et, en conséquence, ont procédé aux significations selon la procédure exceptionnelle prévue à l’article 14866. Les mesures prises par le Procureur général du Liban aux fins d’obtenir la comparution de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra devant le Tribunal et de leur signifier en personne chacune des accusations portées à leur encontre sont examinées séparément ci-dessous, aux paragraphes 78 à 104, pour chaque Accusé.

A. Annonce publique parue dans les médias libanais le 15 septembre 2011

52. Lorsque des tentatives raisonnables pour signifier en personne l’acte d’accusation à un accusé ont échoué, l’article 76 E) prévoit qu’il puisse être signifié d’une autre manière, notamment par le biais de la « procédure d’annonce publique67 ». Le 18 août 2011, le Président du Tribunal a examiné

65 Ordonnance rendue en application de l’article 76 E), par. 8.

66 Mentionné dans le Rapport d’octobre 2011 du Procureur général du Liban.

67 L’article 76 bis expose de manière détaillée ce qu’est le « texte d’une annonce », à savoir qu’il « avis[e] l’opinion publique de l’existence d’un acte d’accusation et somm[e] l’accusé de se livrer au Tribunal ou, en tout état de cause, de se soumettre à sa compétence. L’annonce publique invite toute personne détenant des informations sur le lieu où l’accusé se trouve à les communiquer au Tribunal ».

Page 36: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

36

Procédure par défaut CPI

l’ensemble des tentatives des autorités libanaises visant à appréhender chacun des quatre Accusés, concluant qu’elles avaient été « raisonnables » (du moins jusqu’au 9 août 2011)68.

53. Le Président a pris note de l’échec des tentatives visant à signifier en personne l’acte d’accusation à MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra et, aux termes de l’article 76, a ordonné que la signification soit effectuée par d’autres moyens. Il a demandé au Greffier de transmettre aux autorités libanaises le texte d’une annonce – à des fins de « diffusion à la radio, à la télévision et/ou dans d’autres médias, notamment Internet » – et a enjoint aux autorités libanaises de prendre toutes les mesures raisonnables aux fins de signifier publiquement aux quatre Accusés l’existence de l’acte d’accusation et de les inviter à se soumettre à la compétence du Tribunal69 . Le Bureau de presse a rendu publique l’Ordonnance prise en application de l’article 76 dans un communiqué de presse diffusé le même jour70.

54. Le 15 septembre 2011, à l’instigation du Procureur général du Liban, une affiche – en fait, une annonce publique de l’acte d’accusation – mais liant MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra aux accusations visées dans l’acte d’accusation, a été publiée dans son intégralité dans cinq journaux libanais, An Nahar, Assafir et Al-Mustaqbal (en arabe), L’Orient Le Jour (en français) et The Daily Star (en anglais).

55. Les affiches, intitulées de manière bien visible : « MANDATS D’ARRÊT DÉLIVRÉS PAR LE TRIBUNAL SPÉCIAL POUR LE LIBAN », comportent huit photographies, deux de chaque Accusé, leur nom étant inscrit au-dessus de chaque ensemble de photographies, indiquent les dates et lieux de naissance de chacun d’eux ainsi que le nom de leurs père et mère, et résument les charges énoncées dans l’acte d’accusation contre chaque Accusé. En bas de l’affiche figure la mention : « SI VOUS AVEZ DES INFORMATIONS CONCERNANT CES PERSONNES, VEUILLEZ CONTACTER », suivie de trois encadrés contenant le numéro de téléphone du

68 Ordonnance rendue en application de l’article 76 E), par. 18.

69 Ordonnance rendue en application de l’article 76 E), par. 23, 25.

70 Communiqué de presse du Tribunal spécial pour le Liban, « Le Président du TSL ordonne l’annonce publique de l’acte d’accusation et demande l’intensification des efforts visant la mise en détention des accusés », 18 août 2011.

Page 37: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

37

Procédure par défaut CPI

Tribunal spécial pour le Liban à La Haye, celui de son bureau à Beyrouth, ainsi que d’une permanence téléphonique mise en place par le Procureur général du Liban. La Chambre de première instance considère également que la diffusion de ces affiches peut être considérée comme une autre manière de signifier l’acte d’accusation à MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra. La diffusion d’une affiche énonçant de manière détaillée les accusations visées dans un acte d’accusation et informant sans équivoque une personne de sa mise en accusation peut, de l’avis de la Chambre de première instance, contribuer à informer un accusé des charges pesant contre lui.

56. La Chambre de première instance considère par ailleurs que la signification d’un acte d’accusation de cette autre manière respecte les dispositions du droit international des droits de l’homme consacrant le droit d’un accusé d’être dûment informé des charges avant l’ouverture d’un procès par défaut. La Cour européenne des droits de l’homme a, par exemple, déclaré qu’elle ne saurait exclure « que certains faits avérés puissent démontrer sans équivoque que l’accusé [savait] qu’une procédure pénale [était] dirigée contre lui et conna[issait] la nature et la cause de l’accusation et qu’il n’a[vait] pas l’intention de prendre part au procès ou entend[ait] se soustraire aux poursuites » comme lorsque « sont portées à l’attention des autorités des pièces prouvant sans équivoque qu’il a connaissance de la procédure pendante contre lui et des accusations qui pèsent sur lui71 ».

B. Les quatre Accusés ont été informés des accusations portées contre eux par le biais des médias libanais

57. Les trois conditions visées à l’article 106 A) iii), à savoir qu’un accusé a pris la fuite ou est introuvable, que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour garantir sa comparution devant le Tribunal, et que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour l’informer des charges pesant contre lui, se recoupent.

58. Afin de déterminer si les quatre Accusés ont été informés des charges et de leur droit de participer à la procédure (dans le cadre de leur comparution devant le Tribunal), la Chambre de première instance a recherché par quels moyens non

71 CEDH, Sejdović, par. 99.

Page 38: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

38

Procédure par défaut CPI

« officiels » ils auraient pu l’être. Ces moyens de signification « non officiels » ont également été pris en compte par la Chambre de première instance afin d’établir si l’un ou l’autre des quatre Accusés avait pris la fuite.

59. La Chambre de première instance a examiné quantité de documents, publiés dans la presse ainsi que dans les médias audiovisuels et électroniques libanais et internationaux, liant l’acte d’accusation aux noms et visages de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra. Afin d’établir si les quatre Accusés auraient pu être indépendamment avisés, par de telles informations, de leur mise en accusation, la Chambre de première instance a tenu compte de la concentration des médias et, partant, des possibilités de propagation de telles informations dans un pays géographiquement compact de la taille et de la population du Liban72. Les « médias libanais » comptent environ trente-deux magazines et quatorze quotidiens, huit stations de télévisions nationales largement regardées, et seize stations de radios nationales73. Beaucoup disposent de leurs propres sites Internet, qui diffusent également des informations. En outre, les foyers libanais ont accès à de nombreuses chaînes de télévision câblées et par satellite.

60. Les événements du 14 février 2005 ont fait l’objet d’une énorme couverture médiatique au Liban et, fait très important en l’espèce, durant l’année 2011, lorsque le Procureur a d’abord soumis l’acte d’accusation en janvier 2011, puis lors de la confirmation de cet acte, de la levée des scellés, et de la publication d’informations divulguant les identités des quatre Accusés en lien avec l’acte d’accusation. Ces événements ont suscité une attention considérable des médias dans tout le Liban, faisant souvent la première page des journaux et constituant l’article principal des reportages diffusés à la télévision et à la radio. Après avoir examiné la couverture médiatique ainsi assurée, la Chambre de première instance peut conclure sans risque d’erreur que, dans un pays de la taille et du degré d’urbanisation du Liban, il était à cette date pratiquement impossible à quiconque d’ignorer a) les événements du

72 10 452 km², urbanisation supérieure à 80 %, près de la moitié de la population d’environ quatre millions d’habitants vivant dans la capitale, à Beyrouth.

73 Informations disponibles sur le site Internet du ministère de l’Information libanais.

Page 39: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

39

Procédure par défaut CPI

14 février 2005 ; b) l’existence de l’acte d’accusation du 30 juin 2011 ; et c) le lien établi entre les identités des quatre Accusés et l’acte d’accusation.

61. La Chambre de première instance a également examiné cette question dans le contexte plus large de la publicité donnée à l’acte d’accusation avant sa transmission aux autorités libanaises. Le Procureur a soumis un acte d’accusation accompagné de pièces justificatives au Juge de la mise en état le 17 janvier 2011 et l’a annoncé dans un communiqué de presse publié le même jour74. Dès le lendemain, le Bureau du Procureur a diffusé un message vidéo. Le communiqué de presse et la déclaration du Procureur ont été largement diffusés dans les médias libanais et internationaux. Le 11 mars 2011, le Procureur a modifié l’acte d’accusation afin d’en étendre la portée. Un communiqué de presse a accompagné cet acte d’accusation modifié, expliquant qu’il « résult[ait] de la collecte et de l’analyse de nouveaux éléments de preuve ». Deux mois plus tard, le 17 mai 2011, le Procureur a présenté un deuxième acte d’accusation modifié au Juge de la mise en état. Un nouveau communiqué de presse a été publié, intitulé cette fois « Information aux médias après la modification de l’acte d’accusation », indiquant que cet acte contenait « de nouveaux éléments de fond ». La Chambre de première instance considère que la publication d’un acte d’accusation en rapport avec les événements survenus le 14 février 2005 a fait l’objet d’un véritable débat dans les médias libanais entre le 17 janvier et le 30 juin 2011.

62. Chacun des quatre Accusés a ensuite été désigné comme un possible accusé. Certains médias libanais, les 30 juin et 1er juillet 2011, ont publié les noms des quatre personnes, les désignant comme des accusés dans l’affaire. Leurs noms ont, par exemple, été publiés dans NOW Lebanon75, YaLibnan76, The Daily Star77 et Al-Arabiya News78, le jour de la transmission de l’acte d’accusation aux autorités

74 Communiqué de presse du Tribunal spécial pour le Liban, « Le Procureur du TSL présente un acte d’accusation au Juge de la mise en état », 17 janvier 2011.

75 NOW Lebanon, « Interior Minister confirms names of indicted Hezbollah suspects », 1er juillet 2011 ; « Finally: STL submits indictment in Hariri case », 1er juillet 2011.

76 YaLibnan, « Mustafa Badreddine is main hezbollah suspect in Hariri’s murder case », 30 juin 2011.

77 The Daily Star, « Profiles of Suspects in STL indictment », 30 juin 2011; « All eyes on Lebanese response to accusations in Hariri case », 1er juillet 2011; « Wanted: 4 Hezbollah members », 1er juillet 2011.

78 Al Arabiya News, « OPED: Hezbollah’s Legitimacy, significantly diminished », 1er juillet 2011; « Hariri indictments doom Lebanon if it does, and doom if it doesn’t », 1er juillet 2011. « Salim al-Ayyash » est désigné

Page 40: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

40

Procédure par défaut CPI

libanaises, un mois entier avant que le Juge de la mise en état n’autorise officiellement cette publication.

63. Le public libanais est ainsi informé depuis au moins le 17 janvier 2011 de l’existence d’un acte d’accusation relatif aux événements du 14 février 2005 et, de façon non officielle (mais néanmoins exacte), depuis le 30 juin 2011, du nom des personnes soupçonnées d’être accusées du crime. Et, officiellement, depuis le 29 juillet 2011, il connaît les identités précises des personnes effectivement mises en accusation. Chaque phase de cette procédure a été largement commentée dans les médias libanais. Aucun des quatre Accusés ne peut ignorer, au vu de l’ampleur de la couverture médiatique – au moins non officiellement depuis le 30 juin 2011 – qu’il est un possible accusé.

1. Annonce et publication des identités des quatre Accusés en lien avec l’acte d’accusation – levée officielle des scellés sur l’acted’accusation le 29 juillet 2011

64. Le Bureau de presse du Tribunal diffuse ses communiqués de presse en arabe, en anglais et en français à l’intention de nombreux organes d’information du monde entier, dont la plupart de ceux autorisés au Liban. Le 29 juillet 2011, le Bureau de presse a publié un communiqué de presse indiquant que le Juge de la mise en état avait levé la mesure de confidentialité relative aux identités des quatre Accusés79.

65. Les 30 juillet et 1er août 2011, les médias libanais ont largement annoncé et diffusé ces informations, parues en première page de plusieurs journaux en langue arabe au Liban, dont An Nahar80, Addiyar et Al-Liwaa, et bien en vue dans d’autres, tels par exemple Al-Akhbar, Al-Manar et Assafir. Les informations contenues dans

comme une personne mise en accusation. Le 1er juillet 2011, trois grands organes d’information internationaux de langue anglaise, CNN, The Guardian et The New York Times ont publié dans leurs journaux et dans leurs éditions en ligne les noms de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, laissant entendre que des sources officielles libanaises avaient confirmé leur mise en accusation.

79 Communiqué de presse du Tribunal spécial pour le Liban, « Le Juge de la mise en état lève partiellement le secret sur l’acte d’accusation », 29 juillet 2011, renvoyant à STL-11-01/I, Décision de lever la mesure de confidentialité relative aux identités des quatre Accusés, 29 juillet 2011.

80 Par exemple, la première page du journal AnNahar paru le 30 juillet 2011 était intitulée « Le Tribunal publie des photographies des suspects qui doivent être livrés le 11 août », et contenait des photographies de chaque Accusé.

Page 41: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

41

Procédure par défaut CPI

le communiqué de presse ont été citées dans de nombreux comptes rendus de médias libanais, notamment l’allégation figurant dans l’acte d’accusation selon laquelle MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra « ont été impliqués dans l’attentat du 14 février 2005 qui a causé la mort de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri et d’autres personnes ». Les noms complets et noms d’emprunt des quatre accusés ont été rapportés, et la plupart des médias ont publié ou diffusé leurs photographies.

66. Les mêmes informations ont également été publiées les 29 et 30 juillet 2011 dans les médias de langue anglaise au Liban, dont NOW Lebanon, Naharnet Newsdesk et The Daily Star. Dans son édition du 2 au 9 août 2011, le périodique de langue française au Liban, La Revue du Liban, a également commenté la levée de la confidentialité des identités des quatre Accusés et a publié leurs noms et noms d’emprunt.

67. La Chambre de première instance est convaincue que, compte tenu des informations véhiculées presque à saturation par les médias libanais sur les liens existant entre MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra et l’acte d’accusation (pendant les jours en question de juillet/août 2011), chacun d’eux a été informé de sa mise en accusation par le Tribunal. L’acte d’accusation, en lien avec les noms de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, ainsi que les photographies et informations les concernant, ont été si fréquemment et largement diffusés au Liban que la Chambre de première instance considère que, le 29 juillet 2011 au plus tard, chacun des quatre Accusés devait être informé de sa mise en accusation dans le cadre des événements survenus le 14 février 2005. Des preuves irréfutables montrent que l’acte d’accusation ainsi que les informations concernant les Accusés ont été largement diffusés. La Chambre de première instance ne saurait raisonnablement en tirer d’autre conclusion.

2. diffusion de la déclaration publique du président du Tribunal datée du 11 août 2011

68. À la suite des premières informations officielles diffusées sur les liens de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra avec l’acte d’accusation, le Président du Tribunal leur a adressé une « lettre ouverte » le 11 août 2011. Elle a été publiée par

Page 42: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

42

Procédure par défaut CPI

le Bureau de presse du Tribunal dans un communiqué de presse du même jour. Dans cette lettre, le Président expose les droits prévus aux articles 104 et 105 qui confèrent à un accusé le droit de participer à la procédure sans être présent physiquement dans la salle d’audience81,

Bien que le Chef du Bureau de la Défense nomme, en l’absence des accusés, des personnes hautement qualifiées afin de les représenter devant le Tribunal, leur participation active demeure la meilleure garantie d’un procès juste et équitable. J’invite par conséquent tous les inculpés à comparaître devant le Tribunal. Si vous ne souhaitez pas comparaître en personne, il est possible, si les procédures prévues dans notre Règlement sont suivies, de comparaître par vidéoconférence, et de participer ainsi à la procédure sans avoir à vous déplacer physiquement à La Haye. À tout le moins, il est extrêmement important que vous désigniez un conseil et lui donniez vos instructions : sans instruction de la part des accusés, il serait plus difficile pour le conseil nommé par le Chef du Bureau de la Défense du Tribunal de défendre de manière convaincante les personnes mises en accusation. Notre Règlement va encore plus loin en ce qu’il prévoit la possibilité pour vous de choisir votre conseil et de lui donner des instructions sans avoir à comparaître devant le Tribunal, même par vidéoconférence. Il vous suffit de faire valoir vos arguments par l’intermédiaire de l’avocat de votre choix ; votre point de vue sera ainsi entendu. Par la voie de votre conseil, faites valoir vos arguments et protégez fermement vos droits.

69. Les détails relatifs à cette déclaration publique ont ensuite été largement rapportés, les 11 et 12 août 2011, par les médias de langue arabe au Liban dont Al-Hayat, Al-Akhbar, Al-Manar, Addiyar, Assafir et Al-Joumhouria82, de nombreuses publications et radiodiffusions citant directement la déclaration du Président et son appel aux quatre Accusés à participer au procès, même par vidéoconférence. Les médias de langue anglaise au Liban, dont NOW Lebanon, Naharnet Newsdesk et The Daily Star83 ont simultanément publié des informations analogues. Al Jazeera a diffusé ces informations dans son journal télévisé en langue arabe et les a publiées

81 Déclaration du Président du Tribunal spécial pour le Liban, Antonio Cassese, 11 août 2011.

82 Par exemple, l’article publié par Al-Joumhouria le 12 août 2011 sous le titre « Cassese a informé les accusés de leur droit de choisir entre la présence en personne ou la vidéoconférence ».

83 L’article du Daily Star en date du 12 août 2011 est intitulé « Cassese calls on 4 STL suspects to surrender or get lawyers ».

Page 43: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

43

Procédure par défaut CPI

sur son site Internet en anglais. De nombreux comptes rendus et articles, contenant une analyse juridique et politique de la déclaration du Président, ont été publiés au Liban.

70. La Chambre de première instance constate que la déclaration du Président a été si largement publiée et diffusée au Liban que chacun des quatre Accusés, au moment de sa publication, ne peut qu’avoir été informé de son droit de participer à la procédure selon les modalités visées aux articles 104 et 105.

3. diffusion de l’acte d’accusation après la levée des scellés

71. Le 16 août 2011, le Juge de la mise en état a ordonné que l’acte d’accusation soit rendu public dans sa totalité84 et, le 17 août 2011, le Bureau de presse du Tribunal a publié un communiqué de presse à cet effet85. Les médias libanais s’en sont alors largement fait l’écho. Entre les 17 et 19 août 2011, la quasi-totalité des médias de langue arabe au Liban ont diffusé l’acte d’accusation sous forme écrite, lors d’émissions télévisées et radiophoniques ainsi que sur des sites Internet d’information.

72. La publication de l’acte d’accusation a suscité divers commentaires, tantôt favorables, tantôt très critiques, d’autres adoptant une position intermédiaire et neutre, mais tous liant le nom des quatre Accusés à l’acte d’accusation. Al-Manar, Assafir, Al Jazeera TV, Al-Arabiya, Al-Liwaa, Al-Akhbar86 et Al-Joumhouria87 en offrent l’illustration. Certains organes de presse écrite ont publié l’acte d’accusation dans son intégralité, tandis que d’autres ont analysé les éléments de preuve dont

84 STL-11-01/I, Ordonnance relative à la levée de la confidentialité de l’Acte d’accusation établi à l’encontre de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra et d’autres documents, le 16 août 2011. Un acte d’accusation expurgé a été établi le 17 août 2011.

85 Communiqué de presse du Tribunal spécial pour le Liban, « L’acte d’accusation et la décision de confirmation sont rendus publics », 17 août 2011.

86 Par exemple, le 18 août 2011, Al-Akhbar a consacré quatre pages au sujet, sous le titre « L’Acte d’accusation : conclusions et preuves par indices », et, le 19 août 2011, un rapport intitulé « L’acte d’accusation : violations et hypothèses infondées ».

87 Le 18 août 2011 la page de couverture d’Al-Liwaa était consacrée à l’acte d’accusation, comportant certaines sections graphiques en couleur, suivie de quatre articles repris dans différentes pages de la publication. Al-Joumhouriah a couvert l’acte d’accusation dans un supplément spécial comportant des graphiques et des photographies.

Page 44: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

44

Procédure par défaut CPI

il est fait mention. Les médias de langue arabe au Liban ont à nouveau largement diffusé les photographies de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, et ont décrit les rôles qu’ils auraient joués dans les événements du 14 février 2005. Al Hayat, par exemple, a publié les photographies des quatre Accusés en première page et a consacré deux pages intérieures à l’examen détaillé de l’acte d’accusation. Toutes les chaînes de télévision libanaises ont largement commenté l’acte d’accusation dans leurs journaux d’information88, et LBC et MTV ont donné lecture des 45 pages de la version de l’acte d’accusation en langue arabe dans leurs bulletins d’informations. La plupart des médias ont également rapporté la réaction du Premier ministre libanais, M. Najib Mikati. Les médias de langue anglaise et française au Liban ont couvert l’actualité de manière analogue89. Le 18 août 2011, TIME Magazine a publié un entretien avec un individu, prétendument l’un des quatre Accusés, qui a reconnu être mis en accusation par le Tribunal spécial dans le cadre des événements du 14 février 200590. Bien que les médias libanais aient largement commenté cet entretien, la Chambre de première instance ne dispose d’aucune information quant à l’authenticité de cette allégation, à l’exception des affirmations de représentants de TIME International à des fonctionnaires du bureau du Procureur général du Liban91.

73. Outre cette publicité, le 12 septembre 2011, le Tribunal a diffusé une annonce publique par voie orale et écrite – dans les trois langues officielles du Tribunal – destinée essentiellement à être diffusée à la radio, dans laquelle il rappelle aux quatre Accusés leur droit de participer à la procédure92.

74. La Chambre de première instance est convaincue que les informations liant MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra à l’acte d’accusation, et le contenu de l’acte d’accusation proprement dit, avaient acquis une telle notoriété au Liban à la

88 LBC, MTV, Al-Jadeed, Al-Manar TV, Tele Liban, Future TV, OTV et NBN.

89 Dans NOW Lebanon, The Daily Star et Ya Libnan. L’Orient le Jour a publié des tribunes sur le sujet les 18 et 19 août 2011, et La Revue du Liban dans son édition du 20 au 27 août 2011 a publié des parties de l’acte d’accusation et des photographies des quatre Accusés.

90 TIME Magazine, « Accused Hizballah Man Speaks », 18 août 2011.

91 STL-11-01/TC, Second Prosecution Report Regarding Rule 106 Proceedings « [TRADUCTION] Deuxième Rapport du Procureur relatif à la procédure visée par l’article 106 », 15 décembre 2011, Réponse à la Demande d’assistance 0215/F6.

92 « Annonce publique du Tribunal spécial pour le Liban », 12 septembre 2011.

Page 45: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

45

Procédure par défaut CPI

date du 17 août 2011 qu’aucun Accusé ne peut avoir ignoré les accusations portées contre lui.

iV. Mesures prises par les autorités libanaises en vue de garantir la comparution de chaque Accusé devant le Tribunal et de l’informer des charges et autres documents du Tribunal

75. La Chambre de première instance a analysé le sens donné à l’expression « toutes les mesures raisonnables » visant à garantir la comparution d’un accusé et à l’informer des charges portées contre lui, en examinant les documents déposés par le Procureur, par le Greffier ainsi que les pièces transmises par le Procureur général du Liban exposant a) les mesures prises par les autorités libanaises en vue de faire exécuter les mandats d’arrêt du Tribunal ; b) les mesures prises par les autorités libanaises en vue de publier l’annonce visée par l’Ordonnance rendue en application de l’article 76 E) datée du 18 août 2011 ; et c) les mesures prises pour informer les quatre Accusés de la déclaration du Président datée du 11 août 2011 et du contenu des articles 104 et 105 en réponse à la décision avant dire droit de la Chambre de première instance datée du 23 novembre 2011.

76. Les documents les plus pertinents sont les six rapports adressés par le Procureur général du Liban au Président du Tribunal ainsi que les réponses du Procureur général du Liban aux demandes d’assistance du Procureur datées des 7 octobre 2011 et 11 novembre 2011. Dans ses demandes, le Procureur laisse entendre qu’il convient de prendre certaines mesures supplémentaires afin de garantir la comparution des quatre Accusés devant le Tribunal. Ces propositions visent davantage à rechercher et arrêter les quatre Accusés qu’à simplement « garantir leur comparution devant le Tribunal ». Dans sa décision avant dire droit du 23 novembre 2011, la Chambre de première instance indique que ces propositions peuvent être considérées, « en ce qui concerne la pratique des États », comme des « mesures d’enquête relativement courantes93 ». La Chambre de première instance relève que ces mesures n’impliquent pas nécessairement l’obligation d’informer un accusé des effets des articles 104 et

93 STL-1-01/I/TC, Décision avant dire droit en vertu de l’article 106 (Procédure par défaut), 23 novembre 2011, par. 11.

Page 46: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

46

Procédure par défaut CPI

105. Elle considère que le Procureur général du Liban a pris bon nombre des mesures supplémentaires proposées, sans toutefois parvenir à garantir la comparution de l’un des quatre Accusés devant le Tribunal.

77. La Chambre de première instance a examiné les mesures prises par les autorités libanaises aux fins de garantir la comparution de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra devant le Tribunal et de les informer des accusations portées contre eux. Ces mesures sont décrites en détail ci-dessous pour chaque Accusé. La Chambre de première instance a cependant examiné ces mesures individuelles en tenant compte également des preuves qu’elle avait obtenues de la diffusion de l’acte d’accusation, des informations parues sur les liens entre cet acte et chaque Accusé, ainsi que de la situation au Liban94. Elle souligne que le nom de chaque Accusé a été diffusé dans les médias libanais en tant que possible accusé avant que le Procureur général du Liban n’ait pris des mesures pour garantir leur comparution et les informer des charges. Enfin, à l’époque où ont été mises en œuvre la quasi-totalité des mesures visées aux articles 147 et 148 du Code de procédure pénale libanais, les médias libanais ont publié de très nombreuses informations sur les liens entre les Accusés et l’acte d’accusation.

A. Salim Jamil Ayyash

78. Salim Jamil Ayyash est citoyen libanais. Selon les registres officiels et autres informations communiquées au Procureur général du Liban, le dernier lieu de résidence ou domicile connu de M. Ayyash est un appartement sis à Hadath, Beyrouth sud, ou la maison familiale sise dans le village de Harouf, au sud du Liban. Il est inscrit sur le registre d’état civil de Harouf. Les registres libanais des contrôles aux frontières95 ne font état d’aucune sortie du territoire libanais depuis son retour d’un séjour en Arabie Saoudite en janvier 2005. La Chambre de première instance ne dispose d’aucune information laissant penser qu’il ait quitté le Liban.

94 Et, pour les motifs exposés aux par. 112 à 118 ci-dessous, la Chambre de première instance a rejeté la demande du Procureur tendant à inviter les autorités libanaises à comparaître devant la Chambre de première instance.

95 À savoir, les registres détenus par la Direction de la sécurité générale libanaise.

Page 47: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

47

Procédure par défaut CPI

79. Entre le début du mois de juillet 2011 et mi-janvier 2012, des fonctionnaires du bureau du Procureur général du Liban ont vainement tenté de garantir la comparution de M. Ayyash devant le Tribunal. La Chambre de première instance considère que, pendant cette période, M. Ayyash a été informé des accusations visées dans l’acte d’accusation selon les prescriptions du Code de procédure pénale libanais en matière de signification et selon l’autre manière prévue par l’article 76 E), à savoir l’annonce publique de l’acte d’accusation dans les médias libanais. Des copies en langue arabe de l’acte d’accusation et d’autres documents du Tribunal ont été officiellement signifiées à M. Ayyash.

80. Le 30 juin 2011, le Greffier a transmis au Procureur général du Liban l’acte d’accusation ainsi que le mandat d’arrêt international délivré contre M. Ayyash. Le même jour, certaines informations parues dans la presse libanaise l’ont désigné comme accusé. Le Procureur général du Liban a ouvert une enquête et, le 1er juillet 2011, a ordonné la diffusion du mandat d’arrêt. Le dernier lieu de résidence connu de M. Ayyash à Hadath, Beyrouth sud, a été placé sous surveillance.

81. Entre le 1er juillet 2011 et mi-janvier 2012, des agents de la DICC, sur ordre du Procureur général du Liban, ont tenté d’appréhender M. Ayyash au moins 46 fois à son dernier lieu de résidence connu à Hadath, Beyrouth-sud, à une autre adresse possible à Beyrouth, et dans la maison de famille à Harouf, dans le sud du Liban96. En septembre 2011, ils ont appris qu’il n’avait pas été vu pendant plus de trois mois à son appartement de Hadath. Ils l’ont cherché en vain en juillet, septembre, octobre, novembre et décembre 2011 et en janvier 2012, à Harouf (où il est inscrit sur le registre d’état civil). Selon les informations initialement obtenues, il n’avait pas été vu à Harouf depuis plusieurs mois.

82. Les agents de la DICC ont également tenté d’arrêter M. Ayyash sur son dernier lieu de travail connu, un centre de la Défense civil situé à Haret Hreik, Beyrouth sud, au moins cinq fois – en juillet, octobre, novembre et décembre 2011, et en janvier 2012. (Le ministre de l’Intérieur a licencié M. Ayyash le 15 juillet 2011). Les agents ont été informés que M. Ayyash ne s’était pas rendu à son travail depuis la

96 Vingt-cinq fois à son appartement de Hadath, Beyrouth-sud, 16 fois dans la maison de famille de Harouf, et cinq fois à la deuxième adresse de Beyrouth.

Page 48: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

48

Procédure par défaut CPI

délivrance des mandats d’arrêts. Des agents de la DICC ont également interrogé un membre de la famille proche ainsi que les mokhtars de Hadath et Harouf, mais ont appris qu’il n’avait pas été vu à ces deux endroits « depuis longtemps ».

Significationdel’acted’accusationetd’autresdocumentsduTribunal

83. Le 11 octobre 2011, après avoir frappé à la porte, sans réponse, les agents de la DICC ont affiché une copie de l’acte d’accusation en langue arabe à l’entrée du lieu de résidence de la famille de M. Ayyash à Harouf. L’acte d’accusation a également été affiché dans le bureau du mokhtar de Harouf. Le lendemain, après l’échec de nouvelles tentatives des agents visant à retrouver M. Ayyash à Hadath, et en présence du mokhtar de Haret Hreik, les fonctionnaires de police ont affiché l’acte d’accusation à l’entrée de l’immeuble d’habitation sis à Hadath97.

84. Le 1er novembre 2011, des copies en langue arabe de l’ordonnance de la Chambre de première instance fixant la tenue d’une audience au 11 novembre 20011 ont été affichées sur les portes d’entrée de la maison de famille de M. Ayyash à Harouf – là encore en présence du mokhtar – et de son appartement à Hadath. Les 24 et 25 novembre 2011, des copies en langue arabe de la Décision relative à la nomination de conseils par le Chef du Bureau de la Défense (datée du 2 novembre 2011) ont été affichées à ces mêmes adresses. Des copies ont également été communiquées aux mokhtars de Haret Hreik et de Harouf. Le 2 décembre 2011, la décision avant dire droit de la Chambre de première instance du 23 novembre 2011, la déclaration du Président du 11 août 2011, ainsi que des copies des articles 104 et 105 du Règlement ont été signifiées selon les mêmes modalités à M. Ayyash98.

B. Mustafa Amine Badreddine

85. Mustafa Amine Badreddine est citoyen libanais. Les renseignements dont dispose le Procureur général du Liban semblent indiquer que le dernier domicile connu de M. Badreddine est situé dans un immeuble d’habitation à Haret Hreik,

97 Des informations détaillées figurent dans le Rapport d’octobre 2011 du Procureur général du Liban.

98 Tel que décrit en détail dans les rapports du Procureur général du Liban datés des 2 novembre, 29 novembre et 5 décembre 2011.

Page 49: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

49

Procédure par défaut CPI

Beyrouth-sud. Le dernier domicile connu de sa mère se trouve à environ un kilomètre de là, à Al-Ghobeiry, Beyrouth-sud. Les autorités libanaises se sont procuré les registres des contrôles aux frontières, mais n’ont trouvé aucun élément indiquant que M. Badreddine aurait quitté le pays.

86. Entre le 1er juillet 2011 et la mi-janvier 2012, des membres de la DICC, travaillant en collaboration avec le Procureur général du Liban, ont tenté à de nombreuses reprises de trouver M. Badreddine afin de garantir sa comparution devant le Tribunal. La Chambre de première instance estime que, durant cette période, M. Badreddine a été informé des chefs d’accusation visés dans l’acte d’accusation, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale libanais relatives à la signification, et conformément également aux dispositions portant sur l’autre méthode de signification visée à l’article 76 E), par le biais de la diffusion de l’acte d’accusation dans les médias libanais. Des exemplaires en langue arabe de l’acte d’accusation, ainsi que d’autres documents du Tribunal, ont été officiellement signifiés à M. Badreddine.

87. Comme dans le cas de M. Ayyash, le 30 juin 2011, le Greffier a informé le Procureur général du Liban en lui envoyant l’acte d’accusation et le mandat d’arrêt international délivrés à l’encontre M. Badreddine. Et ce même jour, comme dans le cas de M. Ayyash, les médias libanais ont fait état de son nom en tant qu’accusé. Ensuite, le 1er juillet 2011, le Procureur général du Liban a ouvert une enquête et a ordonné la diffusion du mandat d’arrêt. À partir de début juillet 2011, en vue d’appréhender M. Badreddine, ou de lui signifier les documents du Tribunal, des membres de la DICC se sont rendus au domicile de sa mère à Al-Ghobeiry, Beyrouth (où il est lui-même également inscrit sur les listes électorales), ainsi qu’à sa dernière adresse connue à Harek Hreik, Beyrouth-sud, où il était censé demeurer, et ce, à au moins 42 reprises au total99. Des exemplaires de ces documents ont été fournis aux muhktars d’Al-Ghobeiry et de Haret Hreik. L’enquête a cependant révélé que sa mère avait habité l’appartement d’Al-Ghobeiry, mais que M. Badreddine ne s’y rendait plus.

99 À 15 reprises pour son appartement de Haret Hreik, et 27 reprises pour celui de sa mère à Al-Ghobeiry.

Page 50: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

50

Procédure par défaut CPI

88. À treize reprises entre juillet 2011 et janvier 2012, les enquêteurs se sont rendus sur le dernier lieu de travail connu de M. Badreddine, une bijouterie de Beyrouth, et y ont effectué des opérations de surveillance. Toutefois, le gérant du magasin affirme n’avoir jamais rencontré, quiconque portant le nom de Mustafa Amine Badreddine ni avoir travaillé avec une personne de ce nom. Des enquêtes ont également été menées auprès du mokhtar d’Al-Ghobeiry, mais à l’instar du gérant susmentionné, le mokhtar dément avoir connaissance de M. Badreddine.

Significationdel’acted’accusationetd’autresdocumentsduTribunal

89. Le 13 octobre 2011, des exemplaires en langue arabe de l’acte d’accusation ont été affichés à trois endroits : sur la porte, fermée à clé, de l’appartement de sa mère à Al-Ghobeiry ; au bureau du mokhtar d’Al-Ghobeiry ; et, en présence du mokhtar de Haret Hreik, à l’entrée de son immeuble résidentiel à Haret Hreik100.

90. Le 1er novembre 2011, à nouveau en présence du mokhtar de Haret Hreik, des exemplaires en langues anglaise et arabe de l’ordonnance de la Chambre de première instance fixant l’audience au 11 novembre 2011 ont été affichés sur les portes d’entrée de l’appartement de Haret Hreik, ainsi qu’au domicile de sa mère à Al-Ghobeiry. Un exemplaire a également été fourni au mokhtar d’Al-Ghobeiry. Le 25 novembre 2011, des exemplaires en arabe de la décision du Chef du Bureau de la Défense du 2 novembre 2011 commettant d’office des conseils ont été affichés aux mêmes adresses, et des copies ont également été fournies aux mokhtars d’Al-Ghobeiry et de Haret Hreik. Le 2 décembre 2011, il a été signifié à M. Badreddine, de la même façon, la décision avant dire droit du 23 novembre 2011 de la Chambre de première instance, la déclaration du Président du 11 août 2011, ainsi que des exemplaires des articles 104 et 105 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal. Des copies ont également été fournies aux mokhtars d’Al-Ghobeiry et de Haret Hreik101.

100 Décrit en détail dans le Rapport d’octobre 2011 du Procureur général du Liban.

101 Tel que décrit en détail dans les rapports du Procureur général du Liban du 2 novembre, 29 novembre, et 5 décembre 2011.

Page 51: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

51

Procédure par défaut CPI

C. Hussein Hassan Oneissi

91. Hussein Hassan Oneissi est citoyen libanais. Les renseignements dont dispose le Procureur général du Liban semblent indiquer que son dernier domicile connu est un appartement à Hadath, Beyrouth-sud, et que son village d’origine est Shahour, près de Tyr au sud du Liban, où il figure sur les registres d’état civil. Les registres des contrôles aux frontières montrent qu’il n’est pas sorti du territoire libanais depuis son retour d’un séjour en Iran et en Syrie, en juillet 2009. La Chambre d’appel n’a reçu aucune information selon laquelle il aurait quitté le Liban.

92. Les informations dont dispose la Chambre de première instance confirment que les autorités libanaises l’ont recherché dans de nombreux endroits, entre le 1er juillet 2011 et la mi-janvier 2012. La Chambre de première instance considère également que les chefs d’accusation figurant dans l’acte d’accusation ont été signifiés à M. Oneissi, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale libanais, et conformément également à l’autre manière visée à l’article 76 E), par le biais de la diffusion de l’acte d’accusation dans les médias libanais. Des copies en langue arabe de l’acte d’accusation, ainsi que d’autres documents du Tribunal, ont été officiellement signifiées à M. Oneissi.

93. Comme dans le cas de M. Ayyash et celui de M. Badreddine, le 30 juin 2011, le Greffier a fourni au Procureur général du Liban un exemplaire de l’acte d’accusation et du mandat d’arrêt international délivrés à l’encontre de M. Oneissi. Et, comme pour MM. Ayyash et Badreddine, les médias libanais ont nommé M. Oneissi en tant qu’accusé. Ensuite, le 1er juillet 2011, le Procureur général du Liban a ouvert une enquête et a ordonné la diffusion du mandat d’arrêt.

94. À partir du début du mois de juillet 2011 et jusqu’à mi-janvier 2012, les autorités libanaises ont tenté, en vain, de localiser M. Oneissi au minimum à 37 reprises et à cinq lieux de résidence potentiels à Beyrouth102. Ils ont appris qu’il avait disparu immédiatement après la parution de son nom en lien avec l’acte d’accusation dans les médias. Les enquêtes auprès des mokhtars des deux localités où se trouvent les domiciles ont été infructueuses, le mokhtar de l’une des localités, Hadath, affirmant

102 À 13 reprises pour son appartement de Beyrouth, et 24 reprises pour les quatre autres adresses.

Page 52: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

52

Procédure par défaut CPI

n’avoir aucune connaissance de M. Oneissi et n’avoir jamais effectué de formalités administratives le concernant, et le second mokhtar (celui de Haret Hreik) déclarant ne pas connaître M. Oneissi, qui ne figure pas non plus dans les registres d’état civil.

95. Des tentatives ont également eu lieu en juillet 2011 afin de localiser M. Oneissi à Shahour, où la mère de M. Oneissi possède une maison. Le mokhtar a déclaré aux enquêteurs que M. Oneissi ne possédait pas de maison à cet endroit, qu’il n’y était pas venu depuis dix ans et que sa famille vivait à Beyrouth. Des enquêtes ultérieures, en septembre, octobre et novembre 2011, menées dans le sud du Liban, n’ont pas révélé d’informations supplémentaires concernant l’endroit où il se trouve.

96. À la mi-juillet 2011, des enquêteurs se sont rendus au dernier lieu de travail connu de M. Oneissi, une entreprise familiale de vente de tapis à Tyr. Le responsable a déclaré ne pas avoir vu M. Oneissi depuis 2006. Les enquêtes complémentaires (onze visites au total) effectuées entre septembre 2011 et janvier 2012, n’ont pas permis de localiser M. Oneissi à cet endroit.

Significationdel’acted’accusationetd’autresdocumentsduTribunal

97. Alors que l’enquête suivait son cours, le 1er octobre 2011, un exemplaire en arabe de l’acte d’accusation a été affiché dans le bureau du mokhtar de Shahour. Un exemplaire supplémentaire a été affiché à l’entrée du magasin de tapis à Tyr. Le 4 octobre 2011, en présence du mokhtar de Haret Hreik, l’acte d’accusation a été placardé à l’entrée de l’immeuble résidentiel à Hadath, où M. Oneissi était censé habiter. Le 9 octobre 2011, les enquêteurs de la DICC ont affiché l’acte d’accusation au bureau du muhktar de Bourj-El-Barajneh, à Beyrouth-sud103.

98. Les documents (en arabe) ci-après ont été affichés à l’entrée de l’appartement de Hadath : le 1er novembre 2011, l’ordonnance de la Chambre de première instance fixant l’audience au 11 novembre 2011 (des copies ont également été fournies aux mokhtars de Shahour et de Bourj-El-Barajneh), le 25 novembre 2011, la décision du Chef du Bureau de la Défense commettant d’office des conseils (des copies avaient été fournies la veille aux mokhtars de Haret Hreik et de Shahour) et des copies ont été

103 Décrit en détail dans le Rapport d’octobre 2011 du Procureur général du Liban.

Page 53: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

53

Procédure par défaut CPI

remises au mokhtar de Bourj-El-Barajneh, et, le 2 décembre 2011, la décision avant dire droit du 23 novembre 2011 de la Chambre de première instance, la déclaration du Président du 11 août 2011, ainsi que des exemplaires des articles 104 et 105 du Règlement. Des copies de ces documents ont également été fournies aux mokhtars de Haret Hreik, de Shahour et de Bourj-El-Barajneh104.

D. Assad Hassan Sabra

99. Assad Hassan Sabra est citoyen libanais. Les renseignements dont dispose le Procureur général du Liban semblent indiquer que son dernier domicile connu est un appartement situé à Hadath, Beyrouth-sud. Toutefois, il est inscrit sur la liste électorale de Zqaq-El-Blat, qui se trouve à proximité, également à Beyrouth-sud. Les autorités libanaises possèdent également des renseignements selon lesquels il aurait pu demeurer dans un appartement à Bourj-El-Barajneh, Beyrouth-sud. Ses parents habitent non loin de là, à Haret Hreik, également à Beyrouth-sud.

100. Les informations dont dispose la Chambre de première instance confirment que les autorités libanaises l’ont recherché, à de nombreux endroits, entre le 1er juillet 2011 et la mi-janvier 2012. Les registres des contrôles aux frontières n’indiquent aucune trace d’entrée ou de sortie du territoire libanais concernant M. Sabra. La Chambre de première instance dispose d’informations selon lesquelles les chefs d’accusation figurant dans l’acte d’accusation ont été signifiés à M. Sabra, conformément aux dispositions applicables du Code de procédure pénale libanais, et conformément également aux dispositions portant sur l’autre méthode visée à l’article 76 E), par le biais de la diffusion de l’acte d’accusation dans les médias libanais. Des copies en langue arabe de l’acte d’accusation, ainsi que d’autres documents du Tribunal, lui ont été officiellement signifiés.

101. Comme dans le cas des trois autres accusés, le 30 juin 2011, le Greffier du Tribunal a fourni au Procureur général du Liban un exemplaire de l’acte d’accusation et du mandat d’arrêt international délivrés à l’encontre M. Sabra. Le nom de M. Sabra a été évoqué dans les médias libanais à l’époque, en tant qu’accusé. Le 1er

104 Tel que décrit en détail dans les rapports du Procureur général du Liban du 2 novembre, 29 novembre, et 5 décembre 2011.

Page 54: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

54

Procédure par défaut CPI

juillet 2011, le Procureur général du Liban a ouvert une enquête et a ordonné la diffusion du mandat d’arrêt.

102. À partir du début du mois de juillet 2011, les enquêteurs ont tenté, en vain, de trouver M. Sabra à Beyrouth-sud, à son dernier domicile connu à Hadath (Beyrouth), ainsi qu’au domicile de ses parents à Haret Hreik (Beyrouth), à 32 reprises au total entre juillet 2011 et janvier 2012105. Ils ont appris qu’il avait disparu immédiatement après la parution de son nom dans les médias en rapport avec l’acte d’accusation. Une tentative infructueuse de le trouver a été effectuée sur le lieu d’une autre résidence familiale à Beyrouth-sud, et les enquêteurs se sont rendus à douze reprises sur le lieu d’un autre appartement à Bourj-El-Barajneh, à Beyrouth-sud, où il aurait habité. Les enquêtes dans les résidences familiales ont révélé que M. Sabra ne s’y était pas rendu depuis longtemps, mais plus précisément en décembre 2011, les investigations ont révélé qu’il avait habité la résidence de son père à Haret Hreik « jusqu’à il y a quelques mois106 ». Des entretiens ont eu lieu avec les mokhtars de Hadath, Bachoura, Haret Hreik, Al-Ghobeiry, Zqaq-El-Blat et Bourj-El-Barajneh, mais aucun d’eux n’a déclaré avoir connaissance de M. Sabra.

Significationdel’acted’accusationetd’autresdocumentsduTribunal

103. Le 6 octobre 2011, alors que les tentatives de garantir la comparution de M. Sabra devant le Tribunal étaient en cours, un exemplaire en arabe de l’acte d’accusation a été affiché dans le bureau du mokhtar de Zqaq-El-Blat. Le 9 octobre 2011, après avoir échoué à cinq reprises dans leurs tentatives de le localiser à l’appartement de Bourj-El-Barajneh, à Beyrouth-sud, les enquêteurs ont affiché l’acte d’accusation dans le bureau du mokhtar de Bourj-El-Barajneh. Le 10 octobre 2011, en présence du mokhtar de Haret Hreik, une copie en arabe de l’acte d’accusation a été placardée sur la porte d’entrée du domicile de ses parents à Haret Hreik107.

105 À 7 reprises pour son appartement de Hadath, et 25 reprises pour celui de ses parents à Haret Hreik.

106 Décrit en détail dans le Rapport d’octobre 2011 du Procureur général du Liban.

107 Décrit en détail dans le Rapport d’octobre 2011 du Procureur général du Liban.

Page 55: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

55

Procédure par défaut CPI

104. Le 1er novembre 2011, l’ordonnance portant calendrier de la Chambre de première instance a été affichée au domicile de ses parents à Haret Hreik (en présence du muhktar de Haret Hreik), et, le 25 novembre 2011, la décision du Chef du Bureau de la Défense commettant d’office des conseils a également été affichée au même endroit. Le 2 décembre 2011, les enquêteurs ont placardé la décision avant dire droit du 23 novembre 2011 de la Chambre de première instance, la déclaration du Président du 11 août 2011, ainsi que des exemplaires des articles 104 et 105 du Règlement. Des copies ont également été fournies aux mokhtars de Haret Hreik, de Zqaq-El-Blat, et de Bourj-El-Barajneh108.

108 Tel que décrit en détail dans les rapports du Procureur général du Liban du 2 novembre, 29 novembre, et 5 décembre 2011.

Page 56: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

56

Procédure par défaut CPI

cOnclusiOn

105. Les articles 22 du Statut du Tribunal et 106 A) du Règlement permettent à la Chambre de première instance d’engager une procédure par défaut après que « toutes les mesures raisonnables » ont été prises pour garantir la comparution d’un accusé devant le Tribunal. L’ensemble des éléments de preuve dont dispose la Chambre de première instance suggère que les quatre accusés n’ont pas quitté le Liban. Toutes les tentatives entreprises à ce jour par les autorités libanaises afin de les appréhender ont échouées. Les informations dont dispose la Chambre de première instance semblent indiquer que ni M. Ayyash, ni M. Badreddine, ni M. Oneissi ni M. Sabra n’ont été vus à leur dernier lieu de résidence connu depuis au moins juin 2011, lorsque leurs noms ont été évoqués en relation avec l’acte d’accusation. Le Liban est un pays géographiquement compact et possède des médias très actifs et indépendants. La mise en accusation de ces quatre personnes en relation avec les événements du 14 février 2005, ainsi que leurs renseignements biographiques détaillés et leurs photographies – à la fois sur des médias d’informations écrits et audiovisuels et par voie d’affichage – ont fait l’objet d’une large couverture médiatique au Liban en juillet, août et septembre 2011.

106. Les éléments de preuve démontrent qu’aussi bien l’acte d’accusation proprement dit, que la relation de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra avec l’acte d’accusation, ont fait l’objet d’une couverture médiatique au Liban, sinon globale, du moins à très grande échelle. Étant donné l’ensemble de ces circonstances, il est inconcevable qu’ils puissent ignorer leur mise en accusation. L’acte d’accusation et divers documents du Tribunal les informant de leur droit de participer au procès sans être physiquement présents dans la salle d’audience ont été signifiés à MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, conformément au Code de procédure pénale libanais.

107. Au regard de salim jamil Ayyash, la Chambre de première instance dispose d’éléments de preuve attestant d’au moins 46 tentatives infructueuses de localisation, entre début juillet 2011 et mi-janvier 2012, à son appartement, ainsi qu’au domicile de sa famille dans son village d’origine. Les éléments de preuve indiquent qu’il a quitté son appartement au cours de l’année 2011. Il n’est pas retourné sur son ancien

Page 57: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

57

Procédure par défaut CPI

lieu de travail, un centre de la Défense civile libanaise, depuis au moins juillet 2011. Son nom, sa photographie et sa mise en accusation ont fait l’objet d’une très large diffusion au Liban. La Chambre de première instance ne peut donc que conclure qu’il a pris la fuite. La Chambre de première instance considère que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour l’informer des charges et pour garantir sa comparution devant le Tribunal. Un procès par défaut peut être ouvert.

108. Des représentants de la justice libanaise ont vainement tenté de localiser Mustafa Amine Badreddine à 42 reprises au minimum, entre début juillet 2011 et mi-janvier 2012, à son appartement de Haret Hreik à Beyrouth et au domicile de sa mère à Al-Ghobeiry, Beyrouth, mais l’information reçue est qu’il a disparu immédiatement après la parution de son nom dans les médias, en connexion avec l’acte d’accusation. Des recherches infructueuses ont également été effectuées au lieu de travail de M. Badreddine à Beyrouth. Son nom, sa photographie et sa mise en accusation ont été largement diffusés au Liban. La Chambre de première instance ne peut donc que conclure qu’il a pris la fuite. La Chambre de première instance considère que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour l’informer des charges et pour garantir sa comparution devant le Tribunal. Un procès par défaut peut donc être ouvert.

109. Hussein Hassan Oneissi a fait l’objet de recherches de la part de représentants des autorités libanaises, à partir de début juillet 2011 jusqu’à mi-janvier 2012, à 37 reprises au moins et à cinq lieux de résidence potentiels à Beyrouth, mais ils ont été informés de sa disparition immédiatement après la parution de son nom dans les médias, en connexion avec l’acte d’accusation. Des tentatives de le localiser au domicile de sa mère à Shahour ont échoué, ainsi que onze visites à son dernier lieu de travail connu à Tyr. Son nom, sa photographie et sa mise en accusation ont été diffusés au Liban à une telle échelle que la Chambre de première instance ne peut que conclure qu’il a pris la fuite. La Chambre de première instance considère que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour l’informer des charges et pour garantir sa comparution devant le Tribunal. Par conséquent, les conditions requises pour engager un procès par défaut sont remplies.

Page 58: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

58

Procédure par défaut CPI

110. De début juillet 2011 jusqu’à mi-janvier 2012, des représentants des autorités libanaises ont effectué, en vain, des recherches afin de localiser Assad Hassan sabra à son dernier domicile connu ainsi qu’au domicile de ses parents à Beyrouth-sud, à 32 reprises au minimum. Ils ont été informés de sa disparition immédiatement après la parution de son nom dans les médias, en connexion avec l’acte d’accusation. Des enquêtes réalisées en décembre 2011 à différents domiciles de membres de sa famille ont révélé que, jusqu’à récemment, il avait habité au domicile de son père. Son nom, sa photographie et sa mise en accusation ont été largement diffusés au Liban. La Chambre de première instance ne peut donc que conclure qu’il a pris la fuite. La Chambre de première instance considère que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour l’informer des charges et pour garantir sa comparution devant le Tribunal. Un procès par défaut peut être ouvert.

111. Les éléments de preuve démontrent qu’aucun des quatre accusés n’a été vu sur son dernier lieu de résidence connu depuis que l’acte d’accusation et les mandats d’arrêt ont été transmis aux autorités libanaises, le 30 juin 2011, et depuis que leurs noms ont été évoqués par les médias libanais en tant qu’accusés potentiels dans l’affaire. La Chambre de première instance considère donc que MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra sont introuvables, et que chacun d’entre eux a pris la fuite et ne souhaite pas participer à un procès, bien qu’ils aient été informés des chefs d’accusation et des différentes façons de prendre part au procès. La conjonction de ces circonstances permet à la Chambre de première instance de conclure que les conditions de l’article 106 A) iii) relatives à l’engagement d’une procédure par défaut sont remplies.

LarequêteduProcureurauxfinsd’inviterles«autoritéslibanaises»àseprésenter devant la chambre de première instance

112. La Chambre de première instance examine à présent la demande faite auprès de la Chambre de première instance d’inviter le Gouvernement libanais109 à présenter ses observations devant Chambre de première instance quant aux mesures prises dans le but d’appréhender au Liban les quatre accusés, et d’ajourner sa décision en

109 Désigné par le Procureur par les termes « les autorités libanaises ».

Page 59: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

59

Procédure par défaut CPI

application de l’article 106 dans l’attente de la réception de réponses à dix demandes d’assistance adressées au Procureur général du Liban le 11 novembre 2011110. Attendu que l’article 15 2) de l’Accord entre les Nations Unies et la République libanaise contraint le Liban à localiser les quatre personnes accusés, de leur signifier les actes de procédure et de procéder à leur arrestation au Liban, le Procureur a fait valoir que les autorités libanaises auraient dû être sollicitées pour participer à l’audience, tenue le 11 novembre 2011, afin d’assister factuellement la Chambre de première instance dans sa décision concernant l’application de l’article 106, et de répondre à toute question en suspens au regard des demandes d’assistance du Procureur111.

113. Le Procureur a fait valoir que les autorités libanaises pourraient informer la Chambre de première instance quant aux mesures supplémentaires « raisonnables ». En outre, la Chambre de première instance pourrait aviser les autorités libanaises que la signification (conformément au droit libanais) des mises en accusation et des mandats d’arrêt aux quatre accusés ne suffit pas pour satisfaire à leurs obligations internationales de les appréhender112.

114. Durant l’audience, le Procureur a ajouté que les autorités libanaises pourraient décrire les mesures prises afin de localiser et d’appréhender les quatre accusés, et pourraient donner des précisions supplémentaires quant à ce que le Procureur général du Liban a décrit comme étant « [TRADUCTION] la situation délicate et sensible du point de vue de la politique et de la sécurité au Liban113 », et, par conséquent,

110 Compte rendu d’audience, 11 novembre 2011, p. 41 à 43 et 46 à 50 ; STL-1-01/I/TC, Prosecution’s Preliminary Submission on Rule 106, 25 October 2011, paras 17, 19 (iii) « [TRADUCTION] Observations préliminaires du Procureur concernant l’article 106, 25 octobre 2011, par. 17 et 19 iii) » ; Prosecution’s Supplementary Submissions in Respect of Rule 106, 10 November 2011, paras 14, 17 « [TRADUCTION] Observations supplémentaires du Procureur concernant l’article 106, 10 novembre 2011,par. 14 et 17 ».

111 STL-1-01/I/TC, Prosecution’s Preliminary Submission on Rule 106, 25 October 2011, para. 17 « [TRADUCTION] Observations préliminaires du Procureur concernant l’article 106, 25 octobre 2011, par. 17 ».

112 STL-1-01/I/TC, Prosecution’s Supplementary Submissions in Respect of Rule 106, 10 November 2011 « [TRADUCTION] Observations supplémentaires du Procureur concernant l’article 106, 10 novembre 2011 ».

113 STL-1-01/1/TC, Prosecution Submission of the Government of Lebanon’s Response to the Request for Assistance of 7 October 2011, Confidential Annex A, 8 November 2011, para. 6 (referring to the Lebanese Prosecutor-General’s response of 25 October 2011) « [TRADUCTION] Présentation par le Procureur de la réponse du gouvernement du Liban à la demande d’assistance du 7 octobre 2011. Annexe confidentielle A, 8 novembre 2011, par. 6 (faisant référence à la réponse du Procureur général du Liban du 25 octobre 2011) ».

Page 60: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

60

Procédure par défaut CPI

expliquer comment cette situation a influé sur l’arrestation des quatre accusés114. Le Bureau de la Défense n’a déposé aucune observation. Dans sa décision avant dire droit du 23 novembre 2011, la Chambre de première instance reporte sa décision dans l’attente de la réception et de l’examen des réponses du Procureur général du Liban aux demandes d’assistance supplémentaires du 11 novembre2011115.

115. La Chambre de première instance s’est demandé si les observations du Gouvernement libanais relatives aux questions soulevées par le Procureur l’assisteraient dans sa décision. Toutefois, la Chambre de première instance considère que les informations requises afin de rendre une décision motivée en application de l’article 106 sont contenues dans les éléments déposés par le Bureau du Procureur, par le Procureur général du Liban et le Greffier du Tribunal. En outre, afin d’étoffer le contexte, la Chambre a complété ces documents par des éléments émanant des Nations Unies et accessibles au public. L’ensemble de ces informations rend superflue toute sollicitation du Gouvernement libanais aux fins d’obtention d’informations supplémentaires.

116. Les mesures prises par le Procureur général du Liban en vue de signifier l’acte d’accusation aux quatre accusés, ainsi que les nombreux efforts déployés afin de garantir leur comparution devant le Tribunal, sont présentés en détail dans ses six rapports remis au Président du Tribunal et dans ses réponses aux demandes d’assistance du Procureur. Toutefois, ces informations doivent être considérées en tenant compte de l’ensemble des circonstances prévalant au Liban du point de vue de la politique et de la sécurité. Le Procureur général du Liban a attiré l’attention du Procureur sur ce qu’il a décrit comme étant une « situation délicate et sensible du point de vue de la politique et de la sécurité au Liban116 » et a informé le Président

114 Compte rendu d’audience, 11 novembre 2011, p. 20 à 24 et 40 à 48.

115 STL-1-01/I/TC, Décision avant dire droit en vertu de l’article 106 (procédure par défaut), 23 novembre 2011, par. 11 et 12 – et, le cas échéant, toutes observations supplémentaires du Procureur, du Bureau de la Défense et des quatre accusés.

116 STL-1-01/I/TC, Prosecution Submission of the Government of Lebanon’s Response to the Request for Assistance of 7 October 2011, Confidential Annex A, 8 November 2011, para. 6 (referring to the Lebanese Prosecutor-General’s response of 25 October 2011) « [TRADUCTION] Présentation par le Procureur de la réponse du gouvernement du Liban à la demande d’assistance du 7 octobre 2011. Annexe confidentielle A, 8 novembre 2011, par. 6 (faisant référence à la réponse du Procureur général du Liban du 25 octobre 2011) ». Lors de l’audience du 11 novembre 2011, le Procureur a fait valoir que la Chambre de première instance devait entendre

Page 61: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

61

Procédure par défaut CPI

de la situation à laquelle il était confronté. « Je voudrais attirer votre attention sur la situation délicate et sensible en termes de politique et de sécurité au Liban, ainsi que sur les difficultés auxquelles sont confrontées les autorités libanaises dans l’exécution de milliers de mandats d’arrêt délivrés par défaut il y a des dizaines d’années à l’encontre de personnes ayant commis diverses crimes, et qui se sont déplacés en secret d’une région à une l’autre. Il est plus que probable qu’ils reçoivent de l’aide venant des membres de leur famille et d’autres qui partagent leur opinion politique, leur appartenance religieuse ou encore leur origine régionale117 ».

117. Afin d’aboutir à la conclusion que des observations émanant directement du Gouvernement libanais ne seraient d’aucune aide quant à la décision de savoir si des mesures raisonnables ont été prises en application de l’article 106, la Chambre de première instance s’est également fondée sur les quatorze rapports semestriels du Secrétaire général des Nations Unies publiés depuis 2004 sur l’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité118. Ces rapports permettent de préciser le contexte afin d’aider la Chambre de première instance à comprendre les difficultés

les éléments de preuve sur cette question (compte rendu p. 37) et ce, avant de statuer sur la signification de ce point (compte rendu p. 42-43).

117 Lettre du Procureur général au Président du Tribunal, 7 septembre 2011, en réponse à la lettre du Président du 18 août 2011.

118 Premier rapport semestriel du Secrétaire général au Conseil de sécurité sur l’application de la résolution 1559 (2004), S/2005/272, 26 avril 2005 ; Deuxième rapport semestriel du Secrétaire général au Conseil de sécurité sur l’application de la résolution 1559 (2004), S/2005/673, 26 octobre 2005 ; Troisième rapport semestriel du Secrétaire général au Conseil de sécurité sur l’application de la résolution 1559 (2004), S/2006/248, 19 avril 2006 ; Quatrième rapport semestriel sur l’application de la résolution 1559 (2004) présenté au Conseil de sécurité par le Secrétaire général, S/2006/832, 19 octobre 2006 ; Cinquième rapport semestriel du Secrétaire général sur l’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité, S/2007/262, 7 mai 2007 ; Sixième rapport semestriel du Secrétaire général sur l’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité, S/2007/629, 24 octobre 2007 ; Septième rapport semestriel du Secrétaire général sur l’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité, S/2008/264, 21 avril 2008 ; Huitième rapport semestriel du Secrétaire général sur l’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité, S/2008/654, 16 octobre 2008 ; Neuvième rapport semestriel du Secrétaire général sur l’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité, S/2009/218, 24 avril 2009 ; Dixième rapport semestriel du Secrétaire général sur l’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité, S/2009/542, 21 octobre 2009 ; Onzième rapport semestriel du Secrétaire général sur l’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité, S/2010/193, 19 avril 2010 ; Douzième rapport semestriel du Secrétaire général sur l’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité, S/2010/538, 18 octobre 2010 ; Treizième rapport semestriel du Secrétaire général sur l’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité, 19 avril 2011, S/2011/258 ; Quatorzième rapport semestriel du Secrétaire général sur l’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité, S/2011/648, 19 octobre 2011.

Page 62: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

62

Procédure par défaut CPI

auxquelles est confronté le Procureur général. Dans ses rapports, le Secrétaire général décrit la situation de tension permanente qui prévaut du point de vue de la politique, du territoire et de la sécurité au Liban119. Ces rapports ont par conséquent aidé la Chambre de première instance à mieux saisir quelles étaient les limites inhérentes à toute action complémentaire de la part du Gouvernement du Liban. Se fondant sur l’ensemble des informations contenues dans les rapports du Secrétaire général et du Procureur général du Liban, la Chambre de première instance ne peut que conclure que des observations, émanant directement du Gouvernement libanais, quant à savoir si « toutes les mesures raisonnables » ont été prises pour garantir la comparution des quatre accusés devant le Tribunal, ne lui seraient d’aucune assistance.

Conclusions concernant la requête du Procureur aux fins d’inviter leGouvernement libanais

118. La Chambre de première instance prend acte des mesures prises à ce jour par les autorités libanaises et reconnaît les difficultés auxquelles les autorités sont confrontées dans leurs tentatives d’appréhender M. Ayyash, M. Badreddine, M. Oneissi et M. Sabra. À la lumière des circonstances décrites dans les rapports et les réponses du Procureur général, complétées, en outre, par les rapports du Secrétaire général, la Chambre de première instance ne considère pas que des observations émanant directement du Gouvernement libanais apporteraient des informations complémentaires nécessaires à sa décision en application de l’article 106. Elle rejette par conséquent la requête du Procureur.

119 Par exemple, Quatorzième rapport semestriel du Secrétaire général sur l’application de la résolution 1559 (2004), 19 octobre 2011, S/2011/648, par. 18.

Page 63: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

63

Procédure par défaut CPI

dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs la Chambre de première instance :

(i) dÉcide, en application de l’article 22 du Statut du Tribunal et de l’article 106 de son Règlement, d’engager le procès par défaut de salim jamil Ayyash, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan sabra, et

(ii) RejeTTe la requête du Procureur aux fins d’inviter le Gouvernement du Liban à se présenter devant la Chambre de première instance.

Fait en anglais, arabe et français, le texte anglais faisant foi. Le 1er février 2012, Leidschendam (Pays-Bas)

M. le juge Robert Roth, Juge président

Mme le juge Micheline Braidy M. le juge David Re

Page 64: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

64

Page 65: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

2.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : le juge de la mise en état

Titre : Commissiond’officedeconseilsauxfinsdelaprocédure par défaut tenue en application de l’article 106 du Règlement

Titre réduit : Commissiond’officedeconseils

65

Page 66: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

66

Page 67: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

67

deVAnT le juGe de lA Mise en ÉTAT

Affaire n° : sTl-11-01/i/pTj

Devant : M. daniel Fransen, juge de la mise en état

Le Greffier : M. Herman von Hebel

Date : 2 février 2012

Original : Français

Type de document : public

le pROcuReuR c.

sAliM jAMil AYYAsH, MusTAFA AMine BAdReddine,

Hussein HAssAn Oneissi et AssAd HAssAn sABRA

cOMMissiOn d’OFFice de cOnseils AuX Fins de lA pROcÉduRe pAR dÉFAuT Tenue en ApplicATiOn de

l’ARTicle 106 du RÈGleMenT

déposé par : Distributionà:le Bureau de la défense : M. François Roux, Chef du Bureau de la Défense

conseils de M. salim jamil Ayyash : Me Eugene O’Sullivan, conseil principal Me Emile Aoun, co-conseilconseils de M. Mustafa Amine Badreddine: Me Antoine Korkmaz, conseil principal Me John Jones, co-conseilconseils de M. Hussein Hassan Oneissi: Me Vincent Courcelle-Labrousse, conseil principal Me Yasser Hassan, co-conseilconseils de M. Assad Hassan sabra: Me David Young, conseil principal Dr Guénaël Mettraux, co-conseil

le procureur: M. Daniel Bellemare, MSM, c.r

Page 68: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

68

Commission d’office de conseils

i. RApppel de lA pROcÉduRe

1. cOnsidÉRAnT la Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation rendue le 28 juin 2011 par le Juge de la mise en état confirmant l’acte d’accusation à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi et M. Assad Hassan Sabra (« affaire Ayyash et al. »)1;

2. cOnsidÉRAnT l’Ordonnance du Juge de la mise en état en date du 17 octobre 2011 saisissant la Chambre de première instance conformément à l’article 105 bis A) du Règlement de Procédure et de Preuve (« Règlement » ) aux fins de statuer sur l’engagement d’une procédure par défaut2;

3. cOnsidÉRAnT que le 1er février 2012, la Chambre de première instance a décidé, conformément aux articles 22 du Statut du Tribunal et 106 du Règlement, d’engager une procédure par défaut à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi et M. Assad Hassan Sabra3 ;

4. cOnsidÉRAnT que par courrier officiel en date de ce jour le Juge de la mise en état a demandé au Chef du Bureau de la Défense conformément à l’Article 105 bis B) du Règlement de commettre d’office des conseils aux accusés qui se sont abstenus de le faire.

ii. ABsTenTiOn de lA pART des AccusÉs de dÉsiGneR un cOnseil

5. Vu l’article 22 (2) c) du Statut, l’article 105 bis B) du Règlement et l’article 25 de la Directive relative à la commission d’office de conseils de la défense (« la Directive ») ;

1 STL-11-01/I, Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi, & M. Assad Hassan Sabra, 28 juin 2011.

2 STL-11-01/I, Ordonnance de saisine de la Chambre de première instance conformément à l’article 105 bis, paragraphe A) du Règlement de procédure et de preuve aux fins de statuer sur l’engagement d’une procédure par défaut, 17 octobre 2011.

3 STL-11-01/I/TC, “Decision to hold trial in absentia”, 1er février 2012.

Page 69: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

69

Commission d’office de conseils

6. cOnsidÉRAnT qu’à la date de ce jour, aucun des quatre accusés dans l’affaire Ayyash et al. n’a contacté le Chef du Bureau de la Défense que ce soit directement ou indirectement, ni ne lui a demandé de nommer des conseils engagés par eux à titre privé en application de l’article 58 A) du Règlement ou de leur commettre d’office des conseils en application de l’article 59 A) du Règlement ;

7. cOnsidÉRAnT que le Chef du Bureau de la Défense constate dès lors qu’aucun des accusés n’a « désigné un conseil de son choix qui sera rémunéré par lui ou par le Tribunal si son état d’indigence est établi » au sens de l’article 22 (2) b) du Statut et en conclut que chacun des accusés dans l’affaire Ayyash et al. « ne peut ou ne veut désigner un conseil » au sens de l’article 22 (2) c) du Statut ;

8. cOnsidÉRAnT qu’en conséquence il revient au Chef du Bureau de la Défense de commettre d’office des conseils pour les quatre accusés, qui se sont abstenus d’en désigner, aux fins de la procédure par défaut tenue en application de l’article 106 du Règlement, conformément à l’article 57 D) viii) du Règlement;

9. cOnsidÉRAnT qu’en vertu de l’article 18 A) de la Directive, « lorsque des suspects ou des accusés sont mis en accusation conjointement ou jugés sur la base d’un même acte d’accusation, chacun d’eux a le droit d’avoir son propre conseil », le Chef du Bureau de la Défense entend donc désigner pour chaque accusé son propre conseil.

iii. cOMMissiOn d’OFFice des cOnseils pRincipAuX

10. cOnsidÉRAnT que seuls les conseils de la défense qui ont été admis sur la liste des conseils prévue à l’Article 59 B) du Règlement peuvent être commis d’office et que pour être admis sur cette liste, les conseils doivent remplir les conditions énoncées à l’article 59 B) du Règlement.

11. cOnsidÉRAnT qu’à ce jour, 80 conseils ont été admis sur ladite liste en qualité de conseils principaux et qu’il revient au Chef du Bureau de la Défense de choisir parmi ces conseils quatre conseils principaux pour représenter M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi et M. Assad Hassan Sabra.

Page 70: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

70

Commission d’office de conseils

12. cOnsidÉRAnT qu’aucune disposition du Statut, du Règlement ou de la Directive ne prévoit que les conseils principaux doivent remplir des conditions supplémentaires à celles visées à l’article 59 B) du Règlement afin de pouvoir être commis d’office pour représenter des accusés jugés par défaut.

13. cOnsidÉRAnT qu’en conséquence, le Chef du Bureau de la Défense dispose d’un pouvoir discrétionnaire lorsqu’il lui revient de commettre d’office des conseils principaux pour représenter des accusés jugés par défaut, pouvoir qui découle directement des fonctions qui lui sont attribuées et du mandat du Bureau de la Défense qui est de protéger les droits de la défense, conformément à l’article 13 du Statut.

14. cOnsidÉRAnT que le Chef du Bureau de la Défense a toutefois estimé utile de prendre en considération les critères suivants dans l’exercice de ce pouvoir afin de s’assurer que les accusés jugés par défaut bénéficient d’une représentation légale effective et du plus haut niveau :

1) La disponibilité des conseils pour représenter des accusés dès leur désignation éventuelle et pour la durée du procès ;

2) L’acceptation des conseils de représenter un accusé dans un procès par défaut ;

3) Posséder une expérience pertinente devant des tribunaux internationaux et/ou devant des juridictions nationales dans des affaires complexes ou de terrorisme ;

4) Etre inscrit comme avocat depuis au moins 18 ans ;

5) Disposer des capacités linguistiques suivantes : comprendre et parler deux des trois langues officielles du Tribunal.

15. cOnsidÉRAnT que le Chef du Bureau de la Défense prend également en compte les entretiens que les conseils ont eus avec le jury d’admission dans le cadre de l’article 59 C) du Règlement.

Page 71: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

71

Commission d’office de conseils

16. cOnsidÉRAnT qu’en conséquence, le Chef du Bureau de la Défense entend désigner les quatre conseils ci-après pour représenter en qualité de conseils principaux respectivement M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi et M. Assad Hassan Sabra :

Me Eugene O’Sullivan, qui est inscrit au barreau de British Columbia (Canada) et est admis sur la liste des conseils visée à l’article 59 B) du Règlement ;

Me Antoine Korkmaz, qui est inscrit au barreau de Paris (France) et est admis sur la liste des conseils visée à l’article l’article 59 B) du Règlement ;

Me Vincent Courcelle-Labrousse, qui est inscrit au barreau de Paris (France) et est admis sur la liste des conseils visée à l’article 59 B) du Règlement.

Me David Young, qui est inscrit au barreau d’Angleterre et du Pays de Galles (Royaume-Uni) et est admis sur la liste des conseils visée à l’article 59 B) du Règlement.

iV. cOMMissiOn d’OFFice des cO-cOnseils

17. cOnsidÉRAnT qu‘en vertu de l’article 25 de la Directive « Lorsque la Chambre décide de juger l’accusé en son absence, en application de l’article 106 du Règlement, et que l’accusé refuse ou omet de désigner un conseil de son choix, le Chef du Bureau de la Défense, afin de garantir la pleine représentation des intérêts et des droits de l’accusé, commet un conseil de la défense et toute personne nécessaire pour assister le conseil en application de l’article 22 ci-dessus. »

18. cOnsidÉRAnT que s’agissant des commissions d’office de co-conseils représentant des accusés présents à leur procès, l’article 57 D) v) du Règlement prévoit qu’il revient au Chef du Bureau de la Défense de : « sur requête du conseil principal, ou lorsque l’intérêt de la justice le commande, assigner à un suspect ou un accusé auquel un conseil de la défense de son choix a déjà été assigné un ou plusieurs autres conseils, qui seront choisis dans la liste visée à l’article 59 B) ».

19. cOnsidÉRAnT qu’il apparait être conforme à une bonne administration de la justice d’appliquer ces mêmes principes à la commission d’office de co-conseils

Page 72: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

72

Commission d’office de conseils

dans des procès par défaut et que ces derniers soient donc désignés « sur requête du conseil principal » ou « lorsque l’intérêt de la justice le commande ».

20. cOnsidÉRAnT que le Chef du Bureau de la Défense estime, au vu de la nature et de la complexité de la procédure qui s’engage devant le Tribunal dans l’affaire Ayyash et al., que l’intérêt de la justice requiert que les conseils principaux commis d’office pour représenter des accusés dans cette affaire soient assistés par des co-conseils.

21. cOnsidÉRAnT, par ailleurs, que les conseils principaux susvisés ont informé le Chef du Bureau de la Défense que, s’ils étaient commis d’office comme conseils principaux, ils souhaiteraient requérir que soient nommés comme co-conseils des conseils dont ils ont communiqué les noms au Chef du Bureau de la Défense.

22. cOnsidÉRAnT qu’il revient au Chef du Bureau de la Défense de s’assurer que les co-conseils qu’il commet d’office ont été admis sur la liste des conseils de l’article 59 B) du Règlement.

23. cOnsidÉRAnT que le Chef du Bureau de la Défense a estimé nécessaire de prendre également en compte les critères suivants lors de la commission d’office des co-conseils :

1) La disponibilité des conseils pour représenter des accusés dès leur désignation éventuelle et pour la durée du procès ;

2) L’acceptation des conseils de représenter un accusé dans un procès par défaut ;

3) Disposer de capacités linguistiques qui, combinées à celles du conseil principal, permettent d’assurer une procédure rapide et équitable conformément l’article 59 D) du Règlement.

24. cOnsidÉRAnT qu’en conséquence, le Chef du Bureau de la Défense entend désigner les quatre conseils ci-après pour représenter en qualité de co-conseils

Page 73: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

73

Commission d’office de conseils

respectivement M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi et M. Assad Hassan Sabra :

Me Emile Aoun, qui est inscrit au barreau de Beyrouth (Liban) et est admis sur la liste des conseils visée à l’article 59 B) du Règlement;

Me John Jones, qui est inscrit au barreau d’Angleterre et du Pays de Galles (Royaume-Uni) et est admis sur la liste des conseils visée à l’article 59 B) du Règlement;

Me Yasser Hassan, qui est inscrit au barreau d’Egypte et est admis sur la liste des conseils visée à l’article 59 B) du Règlement;

Dr. Guénaël Mettraux, qui est habilité à exercer devant la Cour Pénale Internationale et le Tribunal Pénal International pour l’Ex-Yougoslavie et est admis sur la liste des conseils visée à l’article 59 B) du Règlement.

V. ABsence de cOnFliT d’inTÉRÊTs

25. cOnsidÉRAnT que le Chef du Bureau de la Défense considère qu’il lui revient de vérifier que la commission d’office des conseils qu’il entend désigner n’est pas de nature à créer un conflit d’intérêts au sens de l’article 4 du Code de conduite professionnelle des conseils plaidant devant le Tribunal.

26. cOnsidÉRAnT qu’au regard des informations portées à sa connaissance à la date de ce jour, le Chef du Bureau de la Défense considère que tel ne sera pas le cas s’agissant de la commission d’office des conseils susvisés.

27. pAR ces MOTiFs, le chef du Bureau de la défense :

dÉcide de commettre d’office Me Eugene O’Sullivan comme conseil principal pour M. Salim Jamil Ayyash, Me Antoine Korkmaz comme conseil principal pour M. Mustafa Amine Badreddine, Me Vincent Courcelle-Labrousse comme conseil principal pour M. Hussein Hassan Oneissi et Me David Young comme conseil principal pour M. Assad Hassan Sabra ;

dÉcide parce que l’intérêt de la justice le commande et sur demande des conseils principaux de commettre d’office Me Emile Aoun comme co-conseil pour M. Salim

Page 74: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

74

Commission d’office de conseils

Jamil Ayyash, Me John Jones comme co-conseil pour M. Mustafa Amine Badreddine, Me Yasser Hassan comme co-conseil pour M. Hussein Hassan Oneissi et Dr. Guenael Mettraux comme co-conseil pour Hassan M. Assad Sabra.

Fait en français, arabe et anglais, le texte français faisant foi. Fait à Beyrouth, le 2 février 2012.

François Roux Chef du Bureau de la Défense

Page 75: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

3.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : le juge de la mise en état

Titre : Ordonnance relative aux questions préjudiciellesadresséesàlaChambred’appel conformément aux articles 68 G) et 71 A) ii) du Règlement de procédure et de preuve concernant le crime d’association de malfaiteurs

Titre réduit : Association de malfaiteurs jMe

75

Page 76: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

76

Page 77: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

77

deVAnT le juGe de lA Mise en ÉTAT

Affaire n° : sTl-11-01/pT

Devant : M. le juge daniel Fransen

Le Greffier : M. Herman von Hebel

Date : 2 mars 2012

Original : Anglais

Type de document : public

[Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres]

ORdOnnAnce RelATiVe AuX QuesTiOns pRÉjudicielles AdRessÉes À lA cHAMBRe d’Appel cOnFORMÉMenT AuX ARTicles 68 G) eT 71 A) ii) du RÈGleMenT de pROcÉduRe

eT de pReuVe cOnceRnAnT le cRiMe d’AssOciATiOn de MAlFAiTeuRs

Bureau du procureur : Mme Joyce Tabet

conseils de M. salim jamil Ayyash : Me Eugene O’Sullivan Me Emile Aounconseils de M. Mustafa Amine Badreddine: Me Antoine Korkmaz Me John Jonesconseils de M. Hussein Hassan Oneissi: Me Vincent Courcelle-Labrousse Me Yasser Hassanconseils de M. Assad Hassan sabra: Me David Young Dr Guénaël Mettraux

Page 78: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

78

Association de malfaiteurs JME

1. Conformément à l’article 68 G) et à l’article 71 A) ii) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») du Tribunal, le Juge de la mise en état soumet respectueusement à la Chambre d’appel les questions préjudicielles exposées ci-dessous. Ces questions visent à obtenir des précisions sur le droit applicable dont il a besoin pour examiner la requête du Procureur aux fins de modification de l’acte d’accusation en l’affaire Ayyash et autres, déposée le 8 février 2012 (la « Requête du Procureur aux fins de modification de l’acte d’accusation »)1, et rendre une décision sur celle-ci.

i. Rappel de la procédure

2. Le 17 janvier 2011, le Procureur a présenté au Juge de la mise en état, en application de l’article 68 du Règlement, une requête aux fins de confirmation d’un acte d’accusation contenant des chefs d’accusation de terrorisme, d’homicide et de complot contre quatre suspects dans le cadre de l’attentat commis contre l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri et d’autres personnes le 14 février 2005 (l’« Acte d’accusation »)2. Des versions modifiées de l’Acte d’accusation ont été déposées les 11 mars, 6 mai et 10 juin 2011 (l’« Acte d’accusation du 10 juin 2011 »)3.

3. Le 21 janvier 2011, le Juge de la mise en état a soumis à la Chambre d’appel, conformément à l’article 68 G) du Règlement, 15 questions préjudicielles sur les infractions alléguées, les modes de responsabilité ainsi que le cumul de qualifications et le concours d’infractions visés dans l’Acte d’accusation4.

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Request for Leave to Amend the Indictment Pursuant to Rule 71 (A) (ii), Submission of an Amended Indictment, and Related Prosecution Applications, 8 February 2012, « [TRADUCTION] Requête du Procureur aux fins d’être autorisé à modifier l’acte d’accusation conformément à l’article 71 A) ii), Présentation d’un acte d’accusation modifié et Requêtes connexes du Procureur, 8 février 2012 ».

2 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Acte d’accusation, 17 janvier 2011.

3 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Acte d’accusation, 10 juin 2011.

4 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/I, Ordonnance relative aux questions préjudicielles adressées aux juges de la Chambre d’appel conformément à l’article 68, paragraphe G) du Règlement de procédure et de preuve, 21 janvier 2011.

Page 79: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

79

Association de malfaiteurs JME

4. Le 16 février 2011, la Chambre d’appel a rendu une Décision préjudicielle sur le droit applicable, précisant le droit applicable aux fins de l’Acte d’accusation (la « Décision du 16 février 2011 »)5.

5. Le 28 juin 2011, le Juge de la mise en état a rendu une décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 et a confirmé les charges à l’encontre des quatre suspects accusés de terrorisme, d’homicide et de complot, entre autres6.

6. Le 8 février 2012, le Juge de la mise en état a reçu la Requête du Procureur aux fins de modification de l’acte d’accusation. Cette requête soulève des questions sur le droit applicable qui n’ont pu être soumises antérieurement à la Chambre d’appel et qui, partant, n’ont pas été examinées dans la Décision du 16 février 2011.

ii. Observations préliminaires

7. Le Juge de la mise en état relève que la Requête aux fins de modification de l’Acte d’accusation déposée par le Procureur est fondée sur l’article 71 A) ii) du Règlement, qui exige l’autorisation du Juge de la mise en état.

8. Les questions préjudicielles visées à l’article 68 G) du Règlement concernant la présentation d’un acte d’accusation par le Procureur se justifient par la nécessité, selon les termes de la Chambre d’appel, « de préciser à l’avance le droit applicable par le Juge de la mise en état et la Chambre de première instance, et d’accélérer ainsi le processus judiciaire7 ». À cet égard, en vertu des articles 21 et 28 du Statut du Tribunal (le « Statut »), le Tribunal est tenu d’« éviter tout retard non justifié dans sa procédure et [d’]adopter un règlement de procédure et de preuve permettant de “garantir un procès rapide et équitable”8 ». La raison d’être – autoriser le Procureur à modifier un acte d’accusation conformément à l’article 71 A) ii) du Règlement

5 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/I, Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, 16 février 2011.

6 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/I, Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi & M. Assad Hassan Sabra, 28 juin 2011.

7 Décision du 16 février 2011, par. 7.

8 Ibid., par référence à l’article 21 4) et à l’article 28 2) du Statut.

Page 80: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

80

Association de malfaiteurs JME

– est la même, en la présente espèce, que celle qui sous-tend la procédure de confirmation d’un acte d’accusation aux termes de l’article 68 du Règlement. Dans les deux cas, un individu – un suspect, selon l’article 68 du Règlement, ou un accusé, selon l’article 71 du Règlement – est visé par des chefs d’accusation, nouveaux ou additionnels. L’esprit et le but de ces deux articles veulent que le Juge de la mise en état soit convaincu qu’il existe de prime abord des moyens de preuve à l’appui de chacun des chefs d’accusation proposés9.

9. Le Juge de la mise en état considère par conséquent que la possibilité de soumettre des questions préjudicielles à la Chambre d’appel à ce stade de la procédure trouve non seulement un fondement juridique valable dans le Règlement mais qu’elle est aussi indispensable aux fins de garantir un procès rapide et équitable, guidé par l’intérêt de la justice et les principes généraux du droit. Lorsque le Juge de la mise en état est saisi d’une requête aux fins de modification d’un acte d’accusation contenant un nouveau chef d’accusation sans qu’il puisse s’appuyer sur une interprétation clairement définie du droit applicable devant le Tribunal pour le crime en question, il doit obtenir des réponses à ces questions préjudicielles en vue de s’assurer de la conformité de la procédure à l’intérêt de la justice.

iii. l’infraction

10. Dans la Requête aux fins de modification de l’acte d’accusation déposée par le Procureur, ce dernier ajoute un nouveau chef d’accusation d’association de malfaiteurs en application de l’article 3 1) a) du Statut et des articles 188, 212, 213 et 335 du Code pénal libanais. Ce chef d’accusation soulève des questions sur l’interprétation du droit applicable qui n’ont pas été examinées dans la Décision du 16 février 2011.

11. Le Juge de la mise en état est conscient que la Chambre d’appel fait incidemment référence au crime d’association de malfaiteurs visé par l’article 335 du Code pénal libanais dans la Décision du 16 février 2011. Premièrement, elle opère une distinction entre le crime de complot et l’association de malfaiteurs qui, de son

9 Article 68 F) et I) et article 71 B) du Règlement, respectivement.

Page 81: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

81

Association de malfaiteurs JME

avis, représente une entente criminelle plus « ouverte »10. Deuxièmement, la Chambre d’appel déclare que, lorsqu’une entente n’est pas motivée par le but spécifique de porter atteinte à la sûreté d’un État (qui est le but spécifique requis pour le crime de complot), elle peut toutefois être « qualifiée d’“association de malfaiteurs” aux termes de l’article 335 du Code pénal libanais11 ». Néanmoins, comme elle n’était pas appelée à le faire, la Chambre d’appel n’a pas précisé les éléments constitutifs du crime d’association de malfaiteurs.

12. L’article 2 du Statut prévoit que le droit pénal matériel libanais est applicable à la poursuite des crimes devant le Tribunal, sous réserve des dispositions du Statut. La règle pertinente du droit libanais relative à l’association de malfaiteurs est exposée à l’article 335 du Code pénal libanais, qui dispose que :

Si deux ou plusieurs individus établissent une association ou une entente écrite ou orale en vue de commettre des crimes contre les personnes ou les biens ou de porter atteinte à l’autorité de l’État, à son prestige ou à ses institutions civiles, militaires, financières ou économiques, ils seront punis des travaux forcés à temps, laquelle peine ne sera pas inférieure à dix ans si le but des coupables était d’attenter à la vie d’autrui ou à la vie des fonctionnaires dans les institutions et les administrations publiques.

Sera néanmoins exempt de peine celui qui aura révélé l’existence de l’association ou de l’entente et fourni toutes les informations qu’il possède relativement aux autres coupables.

13. Le Juge de la mise en état relève que, dans la Décision du 16 février 2011, la Chambre d’appel a fourni une interprétation de diverses dispositions du droit libanais conformément au droit international et à la lumière de celui-ci, respectant ainsi « le principe selon lequel on doit interpréter la législation nationale d’un État d’une façon permettant de l’aligner, autant que faire se peut, sur les normes juridiques internationales qui lui sont opposables12 ». Elle a ajouté que l’application et l’interprétation du droit libanais par le Tribunal pouvaient s’écarter de celles

10 Décision du 16 février 2011, par. 193.

11 Id., par. 197.

12 Id., par. 41.

Page 82: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

82

Association de malfaiteurs JME

des tribunaux libanais « dans certaines conditions : il en est ainsi lorsque cette interprétation ou application paraît déraisonnable, ou peut entraîner une injustice manifeste, ou n’est pas conforme aux principes et règles internationaux qui s’imposent au Liban13 ».

14. Au vu de ce qui précède, le Juge de la mise en état prie respectueusement la Chambre d’appel de préciser les éléments constitutifs du crime d’association de malfaiteurs que doit retenir le Tribunal. En particulier, il sollicite des précisions sur les points suivants : i) l’élément objectif (actus reus) et l’élément intentionnel (mens rea) du crime ; ii) les spécificités de l’entente criminelle requise ; et (iii) est-il nécessaire et, dans l’affirmative, dans quelle mesure, de connaître l’identité de tous les participants à l’entente criminelle pour que le crime soit établi ?

15. De surcroît, le Juge de la mise en état considère qu’il conviendrait que la Chambre d’appel se prononce sur la différence à opérer entre les éléments constitutifs du crime de complot, tels qu’interprétés par la Chambre d’appel dans la Décision du 16 février 2011, et ceux de l’association de malfaiteurs14. En particulier, doit être précisée la différence existant entre un crime commis « contre la sûreté d’un État », élément requis de l’infraction de complot, et un crime portant atteinte à « l’autorité de l’État, à son prestige ou à ses institutions civiles, militaires, financières ou économiques », élément requis pour l’entente criminelle15. En outre, la question se pose également de savoir quels crimes sont visés par l’article 335 du Code pénal libanais.

16. Enfin, le Juge de la mise en état souhaiterait que la Chambre d’appel précise si les deux crimes de complot et d’association de malfaiteurs peuvent légitimement faire l’objet d’un cumul de qualifications ou non. Plus spécifiquement, est-il possible d’inculper cumulativement un individu de complot en vue de commettre un acte terroriste et du crime d’association de malfaiteurs en vue de commettre un ou plusieurs actes terroristes, sur la base du même acte sous-jacent ?

13 Id., par. 39 [notes de bas de page omises].

14 Id., par. 189 à 203.

15 Id., par. 197.

Page 83: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

83

Association de malfaiteurs JME

pAR ces MOTiFs,

cOnFORMÉMenT À l’article 68, paragraphe G), et à l’article 71, paragraphe A) ii) du Règlement,

le juGe de lA Mise en ÉTAT soumet respectueusement à la Chambre d’appel les questions préjudicielles exposées ci-après concernant l’interprétation de la notion d’association de malfaiteurs applicable devant le Tribunal :

a) Quels sont les éléments constitutifs (élément matériel et élément intentionnel) du crime d’association de malfaiteurs ?

b) Quelles sont les spécificités de l’entente criminelle requise pour le crime d’association de malfaiteurs ? L’identification de tous les participants à l’entente criminelle est-elle nécessaire pour que le crime soit établi et, dans l’affirmative, dans quelle mesure ?

c) S’agissant du lien existant entre le crime d’association de malfaiteurs et celui de complot :

i) En quoi l’association de malfaiteurs se distingue-t-elle du complot ? En particulier, quelle est la différence entre une association illicite dirigée contre « la sûreté d’un État » et celle visant à porter atteinte à « l’autorité de l’État, à son prestige ou à ses institutions civiles, militaires, financières ou économiques »?

ii) Quels sont les crimes relevant de l’article 335 du Code pénal libanais ?

iii) Les crimes d’association de malfaiteurs et de complot peuvent-ils légitimement faire l’objet d’un cumul de qualifications ? Plus spécifiquement, un individu peut-il être valablement inculpé, cumulativement, de complot en vue de commettre un acte terroriste et du crime d’association de malfaiteurs en vue de commettre un acte terroriste, sur la base du même acte sous-jacent ?

Page 84: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

84

Association de malfaiteurs JME

Fait en arabe, anglais et français, la version en anglais faisant foi. À Leidschendam, le 2 mars 2012.

Daniel Fransen Juge de la mise en état

Page 85: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

4.Nom de l’affaire : En l’Affaire El Sayed

Devant : la chambre d’appel

Titre : Décisionrelativeàl’appelpartielinterjetéparle procureur contre l’ordonnance du juge de la mise en état rendue le 20 février 2012

Titre réduit : el sayed pertinence cA

85

Page 86: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

86

Page 87: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

87

deVAnT lA cHAMBRe d’Appel

Affaire n° : cH/Ac/2012/03

Devant : M. le juge david Baragwanath, juge président M. le juge Ralph Riachy M.lejugeAfifChamseddine M. le juge daniel david ntanda nsereko M. le juge Kjell erik Björnberg, juge rapporteur

Le Greffier : M. Herman von Hebel

Date : 18 avril 2012

Original : Anglais

Type de document : public

Nom de l’affaire : En l’affaire El Sayed

dÉcisiOn RelATiVe À l’Appel pARTiel inTeRjeTÉ pAR le pROcuReuR cOnTRe l’ORdOnnAnce du juGe de lA Mise

en ÉTAT Rendue le 20 FÉVRieR 2012

conseil de M. el sayed : M. Akram Azoury

Bureau du procureur : M. Norman Farrell M. Daryl A. Mundis M. Ekkehard Withopf M. David Kinnecome Mme Marie-Sophie Poulin

Bureau de la défense : M. François Roux

Page 88: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

88

El Sayed Pertinence CA

nOTice inTROducTiVe1

En avril 2009, M. El Sayed a été libéré après avoir passé plus de trois ans et demi en détention parce qu’il était suspecté d’avoir été impliqué dans le meurtre de l’ancien Premier ministre libanais, M. Rafic Hariri et d’autres personnes. Aucun crime n’a jamais été retenu contre lui. Après sa libération, M. El Sayed a introduit une action devant le Tribunal spécial pour le Liban afin d’obtenir l’accès aux éléments de preuves relatifs à sa mise en détention, en vue de poursuivre les responsables de celle-ci. Le Juge de la mise en état et la Chambre d’appel du Tribunal ont rendu des décisions ordonnant au Procureur, qui est en possession desdits éléments de preuve, de communiquer à M. El Sayed un certain nombre de documents, sous réserve de restrictions nécessaires à la protection de la sécurité des victimes et des témoins, des enquêtes en cours et des intérêts liés à la sécurité nationale et internationale.

Le 20 février 2012, le Juge de la mise en état a rejeté une requête du Procureur aux fins d’expurgation et de non-communication de documents qui, selon le Procureur, n’étaient pas pertinents ou constituaient des copies, et a ordonné au Procureur de les communiquer. Le Procureur a interjeté appel de cette décision (la « Décision attaquée ») devant la Chambre d’appel.

À titre préliminaire, la Chambre d’appel précise que sa décision ne concerne qu’un nombre limité des documents visés par la Décision attaquée. Les documents ayant déjà été communiqués ou ayant fait l’objet de précédentes décisions sont hors du champ du présent appel.

M. El Sayed fait valoir que l’appel est irrecevable car : i) le Procureur n’avait pas obtenu la certification du Juge de la mise en état, comme l’exige le Règlement de procédure et de preuve ; et ii) la question a été tranchée de manière définitive par le Juge de la mise en état dans sa décision du 12 mai 2011, de telle sorte que le principe de l’autorité de la chose jugée interdit l’appel. La Chambre d’appel déclare que la Décision attaquée « tranche potentiellement de manière définitive » la requête de M. El Sayed, et que par conséquent, l’appel ne nécessitait pas de certification.

1 La présente notice ne fait pas partie de la décision de la Chambre d’appel. Elle a été établie pour la commodité du lecteur, qui peut juger utile de disposer d’une présentation des grandes lignes de la décision. Seul le texte de la décision constitue, en lui-même, le document faisant foi.

Page 89: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

89

El Sayed Pertinence CA

En outre, la Chambre d’appel considère que la décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011 manque de précision quant à la définition exacte du critère de pertinence. Par conséquent, la Chambre d’appel déclare que cette décision ne peut être considérée comme définitive et revêtue à ce titre de l’autorité de la chose jugée interdisant l’appel. En conséquence, elle déclare l’appel recevable.

Sur le fond de l’affaire, le Procureur prétend jouir du droit de ne pas communiquer des documents non pertinents ou constituant des copies. Il fait également valoir que la possibilité de procéder à des expurgations supplémentaires avant communication des documents ne lui a pas été accordée.

Pour ce qui est des arguments avancés concernant la pertinence, la Chambre décide que seuls sont pertinents les documents pouvant éventuellement préciser les raisons pour lesquelles M. El Sayed a été maintenu en détention – ou pourquoi il n’aurait pas dû l’être. Elle conclut que le Procureur peut, à bon droit, appliquer ce critère objectif chaque fois que se pose la question de la communication d’un document. Le Juge de la mise en état a commis une erreur en refusant la non-communication/l’expurgation de documents qui ne sont pas pertinents. S’agissant des documents constituant des copies, la Chambre d’appel décide qu’une copie est une copie certifiée conforme d’un document antérieurement communiqué. Seules ces copies conformes peuvent être soustraites à l’obligation de communication. Pour ce qui concerne les arguments selon lesquels le Juge de la mise en état aurait ordonné la communication de documents sans expurgations supplémentaires, la Chambre d’appel déclare que la Décision attaquée, lue dans son ensemble, établit clairement que le Juge de la mise en état autorise des expurgations supplémentaires afin d’assurer la protection des victimes et des témoins, entre autres motifs. Le Juge de la mise en état n’a pas commis d’erreur à cet égard.

La Chambre d’appel enjoint au Procureur de mener à bien le processus d’expurgation à la lumière de la présente décision et insiste sur la nécessité d’une communication rapide.

Enfin, M. El Sayed demande que le Procureur soit déclaré coupable de faute professionnelle et d’outrage. La Chambre d’appel conclut à l’absence de justification aux fins d’une telle sanction.

Page 90: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

90

El Sayed Pertinence CA

inTROducTiOn

1. Dans le cadre de la procédure concernant une requête présentée par M. Jamil El Sayed aux fins de la communication de documents en la possession du Procureur, le Juge de la mise en état a rejeté, le 20 février 2012, une requête du Procureur aux fins d’expurgation et de non-communication de documents dont ce dernier estimait qu’ils n’étaient pas pertinents ou constituaient des copies, eu égard à la demande de M. El Sayed, et lui a ordonné de communiquer les documents concernés2. Le 29 février 2012, le Procureur a déposé un appel partiel devant la Chambre d’appel contre l’ordonnance rendue le 20 février 2012 par le Juge de la mise en état (« la Décision attaquée »)3. La présente Chambre d’appel (« la Chambre ») fait droit partiellement à l’appel du Procureur.

ARGuMenTs des pARTies

2. Dans l’Appel, le Procureur prie la Chambre :

a. d’annuler partiellement la Décision attaquée ;

b. de l’autoriser à prendre en compte la « pertinence » des documents pour déterminer ce qu’il convient de communiquer ;

c. de l’autoriser à soustraire à la communication les documents constituant des copies ;

d. de renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état afin qu’il examine la demande de communication de M. El Sayed à la lumière de ces principes ; et

2 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2012/01, Ordonnance relative aux mémoires du Procureur déposés les 8, 15 et 28 novembre 2011, les 12 et 30 décembre 2011 ainsi que le 15 février 2012 et aux observations de M. El Sayed du 11 janvier 2012, 20 février 2012.

3 TSL, En l’affaire El Sayed, OTP/AC/2012/01, Prosecution’s Partial Appeal of the Pre-Trial Judge’s Order of 20 February 2012 and Request for Suspensive Effect Pending Appeal « [TRADUCTION] Appel partiel interjeté par le Procureur contre l’ordonnance du Juge de la mise en état datée du 20 févirer 2012 », 29 février 2012, déposé à titre confidentiel et ex parte en même temps qu’une version publique expurgée (« l’Appel »).

Page 91: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

91

El Sayed Pertinence CA

e. de suspendre l’ordonnance de communication rendue dans la Décision attaquée4.

3. Le Procureur avance que, contrairement à la Décision attaquée, ni la décision relative à la communication de documents rendue le 12 mai 2011 par le Juge de la mise en état5, ni la décision de la Chambre d’appel du 7 octobre 20116 n’ordonnaient la communication de documents que le Procureur estimait non pertinents7. Il affirme que la Décision attaquée porte en dernier ressort sur des documents non pertinents ou constituant des copies8. Il fait valoir que la Décision attaquée lui impose de communiquer lesdits documents sans avoir procédé aux éventuelles expurgations necéssaires en vue de protéger, le cas échéant, les victimes et les témoins, et d’autres intérêts fondamentaux9.

4. La Chambre d’appel a tenu une conférence judiciaire le 1er mars 2012. Le Conseil du Procureur et le Chef du Bureau de la Défense étaient présents tandis que le Conseil de M. El Sayed y participait par téléphone.

5. Le 2 mars 2012, la Chambre d’appel a rendu une ordonnance portant calendrier dans laquelle elle enjoignait aux parties de lui soumettre leurs observations10. Dans sa Réponse à l’Appel11, déposée le même jour en application de l’ordonnance portant calendrier, M. El Sayed prie la Chambre :

4 Appel, par. 24 et 25.

5 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2011/08, Décision portant sur la remise des pièces du dossier pénal de M. El Sayed, 12 mai 2011 (« la Décision du 12 mai 2011 »).

6 En l’affaire El Sayed, CH/AC/2011/02, Ordonnance faisant droit en partie et rejetant en partie l’appel interjeté par le Procureur de la décision du Juge de la mise en état du 2 septembre 2011 ordonnant la communication de pièces, 7 octobre 2011 (« la Décision du 7 octobre 2011 »).

7 Appel, par. 3.

8 Ibid.

9 Appel, par. 5.

10 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2012/01, Scheduling Order, 2 mars 2012 (l’« Ordonnance portant calendrier »).

11 TSL, En l’affaire El Sayed, OTP/AC/2012/01, Réplique à « Prosecution’s Partial Appeal of the Pre-Trial Judge’s Order of 20 February 2012 and Request for Suspensive Effect Pending Appeal » et objection à la demande de suspension, 2 mars 2012 (« la Réponse »).

Page 92: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

92

El Sayed Pertinence CA

a. de déclarer l’Appel irrecevable en la forme ;

b. de déclarer l’Appel mal fondé ;

c. de confirmer la décision du Juge de la mise en état ; et

d. de rejeter la demande du Procureur aux fins de suspension de ladite décision12.

6. M. El Sayed fait valoir que ces questions ont été définitivement tranchées par le Juge de la mise en État dans sa Décision du 12 mai 2011 et qu’en conséquence, le Procureur ne peut les soulever à nouveau (res judicata). Il tente de convaincre la Chambre « que le Procureur ne remplit plus les conditions requises pour agir dans l’instance présente en application de l’article 60 [relatif au code de conduite des conseils] » du Règlement de procédure et de preuve (« le Règlement »), autrement dit que le Procureur a commis une faute professionnelle et ne remplit plus les conditions pour agir devant le Tribunal13.

7. Le 5 mars 2012, le Procureur a déposé ses observations14, auxquelles M. El Sayed a répliqué le 7 mars 201215.

8. Le 27 mars 2012, la Chambre a ordonné la suspension de la Décision attaquée, en attendant de statuer définitivement sur l’Appel16.

12 Réponse, p. 5.

13 Ibid., renvoyant à l’article 60 A) iii) du règlement.

14 TSL, En l’affaire El Sayed, OTP/AC/2012/01, Prosecution Filing in Compliance with the Scheduling Order of 2 March 2012 and Related Submissions « [TRADUCTION] Mémoire du Procureur déposé en application de l’ordonnance portant calendrier du 2 mrs 2012 », 5 mars 2012 (« le Mémoire de l’Accusation du 5 mars 2012 »).

15 TSL, En l’affaire El Sayed, OTP/AC/2012/01, Réplique du Général Jamil El Sayed à « Prosecution filing in compliance with the scheduling order of 2 march 2012 and related submissions » en application du scheduling order du 2 mars 2012, 7 mars 2012 (« la Réplique »).

16 TSL, En l’affaire El Sayed, OTP/AC/2012/02, Ordonnance portant sur la requête du Procureur aux fins de suspension de l’Ordonnance du Juge de la mise en état du 20 février 2012, 27 mars 2012.

Page 93: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

93

El Sayed Pertinence CA

cHAMp de l’Appel

9. L’Appel a été interjeté contre la décision du Juge de la mise en état d’ordonner la communication de documents qui, selon le Procureur, ne sont pas pertinents ou constitueraient des copies. Les parties n’ont pas clairement défini le champ de l’appel en identifiant précisément les documents concernés. Le défaut de pertinence et le caractère duplicatif peuvent être invoqués au regard d’une multitude de documents, dont beaucoup ne feraient pas pour autant l’objet d’une telle procédure. Il convient donc, pour définir le champ de l’appel, d’exclure les documents auxquels il ne s’applique pas.

10. La Chambre affirme tout d’abord que le présent Appel ne couvre pas les documents déjà communiqués à M. El Sayed. De même, les documents dont le statut a été défini dans les décisions du 19 juillet 201117 et du 7 octobre 2011 n’entrent pas dans le champ de cet appel. Conformément aux instructions données dans cette dernière décision, ces documents auraient déjà dû être communiqués à M. El Sayed. Si tel n’est pas le cas, la Chambre invite le Procureur à s’en acquitter sans délai.

11. Cet appel doit être examiné au regard des six mémoires déposés par le Procureur auprès du Juge de la mise en état, et qui ont été traités dans la Décision attaquée. Ils sont datés du i) 8 novembre 201118, ii) 15 novembre 201119, iii) 28 novembre 201120,

17 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2011/01, Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011, 19 juillet 2011 (« la Décision du 19 juillet 2011 »).

18 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2011/19, Prosecution’s Submission Following the Pre-Trial Judge’s Decision Relating to Mr El Sayed’s Observations of 17 August 2011 Concerning the Enforcement of the Decision of 12 May 2011 « [TRADUCTION] Observations du Procureur suite à la décision du Juge de la mise en état relative aux observations de M. El Sayed du 17 août 2011 concernant l’exécution de la décision du 12 mai 2011 », 8 novembre 2011.

19 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2011/17, Prosecution’s Submission Following the Pre-Trial Judge’s Order of Enforcement of the Appeals Chamber Decision of 19 July 2011 « [TRADUCTION] Observations du Procureur suite à l’ordonnance du Juge de la mise en état concernant l’exécution de la décision de la Chambre d’appel du 19 juillet 2011 », 15 novembre 2011.

20 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2011/08, Prosecution’s Further Submission of Translated Documents Following the Pre-Trial Judge’s 12 May 2011 Decision « [TRADUCTION] Nouveau dépôt, par le Procureur, de documents traduits suite à la décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011 », 28 novembre 2011.

Page 94: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

94

El Sayed Pertinence CA

iv) 12 décembre 201121, v) 30 décembre 201122 et vi) 15 février 201223. Le champ du présent appel se limite donc aux documents mentionnés dans ces six mémoires et dont le Juge de la mise en état a ordonné la communication à M. El Sayed.

12. Cependant, seuls deux des six mémoires précités soulèvent la question du défaut de pertinence des documents ou de leur caractère duplicatif24. Dans les demandes du 30 décembre 2011 et du 15 février 2012, le Procureur a prié le Juge de la mise en état d’autoriser la non communication de certaines déclarations ou leur

21 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2011/08, Prosecution’s Submission of Translated Documents Following the Pre-Trial Judge’s 12 May 2011 Decision « [TRADUCTION] Dépôt, par le Procureur, de documents traduits suite à la décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011 », 12 décembre 2011.

22 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/PTJ/2011/18, Prosecution’s Submission in Compliance with the Pre-Trial Judge’s Scheduling Order of 21 October 2011 « [TRADUCTION] Observations du Procureur conformément à l’ordonnance portant calendrier du Juge de la mise en état du 21 octobre 2011 », 30 décembre 2011.

23 TSL, En l’affaire El Sayed, OTP/PTJ/2012/01, Prosecution’s Submission of Documents Following the Pre-Trial Judge’s Decision of 1 November 2011 « [TRADUCTION] Dépôt, par le Procureur, de documents suite à la décision du Juge de la mise en état du 1er novembre 2011 », 15 février 2012.

24 Dans son mémoire du 8 novembre 2011, le Procureur répondait à la Décision du 1er novembre 2011, dans laquelle le Juge de la mise en état le priait de clarifier le statut d’un certain nombre de documents sur une période donnée, d’établir une liste détaillée des documents communiqués au requérant et à son conseil et de lui faire rapport de l’état d’accomplissement de ses obligations. Dans son mémoire du 15 novembre 2011, le Procureur répondait à une ordonnance du Juge de la mise en état datée du 17 octobre 2011, relative à l’exécution de la Décision du 19 juillet 2011, concernant des documents relevant potentiellement de l’article 111 du Règlement et non communicables à ce titre. La question de la non communication de documents en raison de leur manque de pertinence ou de leur caractère duplicatif n’y était pas évoquée. Dans le mémoire du 28 novembre 2011 et du 12 décembre 2011, le Procureur a déposé plusieurs documents traduits assortis de propositions d’expurgation. Dans le mémoire du 30 décembre 2011, le Procureur formulait ses observations relativement à l’Ordonnance en exécution de la décision de la Chambre d’appel du 19 juillet 2011, rendue par le Juge de la mise en état le 17 octobre 2011, et à l’Ordonnance portant calendrier en exécution de la décision de la Chambre d’appel du 7 octobre 2011, rendue le 21 octobre 2011, concernant les risques encourus par les témoins dont les déclarations devaient être communiquées à M. El Sayed. À l’issue d’une évaluation des risques, le Procureur a proposé la non communication des déclarations pour tous les témoins encourant un risque décrit comme « élevé » ou « très élevé ». Il a en outre identifié un certain nombre de déclarations qui, selon lui, ne devaient pas être communiquées au motif que les informations qui y figuraient étaient redondantes et sans rapport avec M. El Sayed ou l’attentat contre M. Hariri et qu’il n’y avait donc pas lieu de les considérer comme faisant partie du « dossier judiciaire » de M. El Sayed. Le Procureur a également proposé de censurer toute les déclarations de témoins qui ne se rapportaient pas à M. El Sayed ou à l’attentat contre M. Hariri, et de faire disparaître tous les noms des enquêteurs. Dans son mémoire daté du 15 février 2012, le Procureur a soumis, pour approbation, des propositions d’expurgation de certains documents. El y a fait état d’une déclaration de témoins se rapportant à l’enquête qu’il convenait d’exclure de la communication et mentionnée l’éventualité de nouvelles expurgations, à l’issue d’une évaluation des risques. Aucune des observations présentées les 8 novembre 2011, 30 décembre 2011 et 15 février 2012 n’abordait la question du défaut de pertinence ou de la répétition. Le Procureur sollicitait également dans les mémoires du 30 décembre 2011 et du 15 février 2012 la non communication de déclarations de témoins encourant un risque décrit comme « élevé » ou « très élevé ». Les questions de pertinence ou de répétition n’y étaient pas abordées et ces mémoires sortent donc du champ de l’appel.

Page 95: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

95

El Sayed Pertinence CA

expurgation de certaines informations y figurant, en raison de leur caractère répétitif ou parce qu’elles étaient sans rapport avec M. El Sayed ou l’attentat contre Rafic Hariri et n’étaient donc pas pertinentes. La Chambre estime que seuls les documents mentionnés dans ces deux mémoires et qualifiés de non pertinents ou de copies entrent dans le champ de l’appel. À tous autres égards, la Décision attaquée reste incontestée.

ReceVABiliTÉ de l’Appel

13. M. El Sayed fait valoir que l’appel est irrecevable, car il n’a pas été certifié25 et qu’en outre, le Procureur n’a pas interjeté appel de la Décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011 dans les délais impartis ; qu’en conséquence, le Procureur a renoncé à son droit de faire appel. Il soutient que l’autorité de la chose jugée (res judicata) interdit tout appel contre la décision du 12 mai 201126.

I. Certificationdel’appel

14. M. El Sayed prétend que l’appel n’est pas recevable car le Procureur n’en a pas demandé la certification auprès du Juge de la mise en état, conformément à l’article 126 C) du Règlement27. Le Procureur affirme, quant à lui, qu’il peut faire acte d’appel sans que la certification soit requise. Il avance que la Décision attaquée lui ordonne de communiquer des documents et que cette décision est de nature « potentiellement, à régler définitivement » une partie de la requête aux fins de communication de M. El Sayed, au regard notamment des documents considérés comme non pertinents ou constituant des copies28.

25 Réponse, par. 2.

26 Réponse, par. 8 à 14 ; Réplique, par. 20.

27 Réponse, par. 2. Aux termes de l’article 126 C) du Règlement, « [l]es décisions relatives à toutes les requêtes relevant du présent article ne peuvent pas faire l’objet d’un appel interlocutoire, sauf dans les cas où la Chambre de première instance a certifié l’appel. Elle peut le faire si la décision touche à une question susceptible de compromettre de manière significative l’équité et la rapidité de la procédure ou l’issue du procès, et qu’un règlement immédiat par la Chambre d’appel pourrait faire progresser de manière décisive la procédure ».

28 Appel, par. 3.

Page 96: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

96

El Sayed Pertinence CA

15. Dans ses décisions du 19 juillet 2011 et du 7 octobre 2011, la Chambre d’appel a clairement dit que, si l’article 126 du Règlement a trait aux requêtes au pénal dont il est fait appel, pour les requêtes au civil ou administratives29, la certification serait normalement également exigible pour « tout appel intervenant avant le jugement final et définitif » mais pas si l’appel « tranche potentiellement de manière définitive » la requête30. Une décision qui « tranche potentiellement de manière définitive » une requête n’est pas une décision interlocutoire exigeant une certification31. La Chambre reconnaît que la Décision attaquée « tranche potentiellement de manière définitive » la requête aux fins de communication de M. El Sayed dans la mesure où elle ordonne au Procureur de lui remettre « les déclarations qu’il se proposait de ne pas communiquer ou d’expurger sur la base de critères de pertinence et de répétition »32. De l’avis de la Chambre, dès lors que la communication des documents a été ordonnée, il n’y a plus rien à décider puisqu’une fois exécutée, cette ordonnance devient irréversible33. Il s’ensuit que l’appel n’avait pas besoin d’être certifié.

ii. Autres motifs susceptibles d’interdire l’appel du procureur

16. M. El Sayed avance que le Juge de la mise en état a tranché définitivement, dans sa décision du 12 mai 2011, la question du critère de pertinence dans la communication des documents. Invoquant le principe de res judicata, il soutient que le Procureur s’étant abstenu de faire appel de cette décision, il ne peut la remettre en question à présent34. Il prétend, par conséquent, que l’appel du Procureur est « mal fondé »35. Il affirme en outre que le Procureur a renoncé à son droit à l’appel36. Sur la question des documents constituant des copies, M. El Sayed fait valoir que

29 Décision du 19 juillet 2011, par. 28.

30 Ibidem, par. 19 et 20. Voir aussi Décision du 7 octobre 2011, par. 2 à 5.

31 Décision du 7 octobre 2011, par. 5.

32 Décision attaquée, p. 21.

33 Voir Décision du 7 octobre 2011, par. 5.

34 Réponse, par. 9 ; Réplique, par. 15 à 21.

35 Réponse, par. 13.

36 Réplique, par. 21 iv).

Page 97: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

97

El Sayed Pertinence CA

l’appel du Procureur n’a pas de fondement juridique et ne constitue « qu’une simple manoeuvre additionnelle dilatoire »37.

17. Le Procureur affirme que le Juge de la mise en état n’a pris aucune décision ayant force de chose jugée, tant sur la question de la pertinence que du caractère duplicatif des documents38. Il ajoute qu’il n’a jamais explicitement ni implicitement renoncé à son droit d’introduire un recours en appel39.

18. À titre liminaire, la Chambre observe que la question de savoir s’il était nécessaire de remettre à M. El Sayed des copies de documents déjà communiqués a été traitée pour la première fois par le Juge de la mise en état dans la Décision attaquée40. Par conséquent, le principe de res judicata ne fait nullement obstacle au droit du Procureur d’interjeter appel contre cet aspect de la Décision attaquée.

19. De même, ce principe ne peut être invoqué tant que la question en débat n’a pas fait l’objet d’un jugement définitif, ne laissant place à aucune ambiguïté ou incertitude41. La Chambre aborde donc à présent la question de savoir si le Juge de la mise en état a tranché définitivement la question de la pertinence en tant que critère potentiellement applicable au cours du processus de communication. Ayant soigneusement examiné la Décision du 12 mai 2011 et la Décision attaquée, la Chambre conclut que le Procureur conserve la possibilité d’introduire un recours en appel à cet égard. Comme l’a souligné le Procureur42, ces deux décisions comportent

37 Réponse, par. 16 ; voir aussi Réplique, par. 2.

38 Mémoire de l’accusation du 5 mars 2012, par. 23 à 33.

39 Ibidem, par. 34 à 39.

40 Voir Décision attaquée, par. 70 à 72.

41 Voir A. Chamseddine, Al ‘ousoul almadanieh bein el kanoun wa al ijtihad [Les procédures civiles, entre droit et jurisprudence], (Beirut: 2006), p. 544, par. 6 ; G. Spencer Bower & K. Handley, Res Judicata, 4th edn. (London: LexisNexis Butterworths, 2009), § 5.11. : « [TRADUCTION] une décision ne peut faire autorité si elle laisse les parties dans le doute quant à leurs droits et leurs responsabilités [...] » ; voir aussi ibidem, point 5.01, citant United Kingdom, Eastwood and Holt v. Studer, 31 Com. Cas. 251, p. 256 et 257 (1926) : « [TRADUCTION] [p]our qu’une décision rendue par un Tribunal compétent puisse être invoquée comme constituant un cas d’estoppel, interdisant un réexamen de la question, il est nécessaire que la question ait été portée et débattue devant la juridiction inférieure et tranchée clairement et définitivement par cette dernière ».

42 Mémoire de l’accusation du 5 mars 2012, par. 25 à 32.

Page 98: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

98

El Sayed Pertinence CA

certaines ambiguïtés qui militent contre le rejet de l’examen de la Décision attaquée en appel.

20. La Chambre note tout d’abord que les passages de la Décision du 12 mai 2011 traitant de la question de la pertinence — en rapport avec une demande du Procureur aux fins de soustraire à la communication deux documents qui, selon lui, n’étaient « pas pertinents »43 — présentent des contradictions internes. Le Juge de la mise en état a décidé que les documents en question pouvaient être soustraits mais uniquement pour « d’autres raisons que l’absence de pertinence44 ». Néanmoins, il a ensuite estimé que ces documents pouvaient, en définitive, être pertinents, appliquant ainsi le critère de pertinence qu’il venait précisément de rejeter45. Il a jugé, en particulier, que M. El Sayed « devrait, en principe, avoir accès à toutes les déclarations de témoins qui ont été produites dans le cadre de l’instruction de son dossier et qui ont fondé sa détention »46. Le critère de pertinence est donc explicitement, et même doublement, exigé ici. Dans la mesure où le Juge de la mise en état a pris note de l’explication du Procureur, selon laquelle il n’existait pas de « dossier de l’affaire » en tant que tel, mais qu’il avait identifié des documents en procédant à une recherche électronique dans sa base de données47, la référence à « l’examen du dossier [de M. El Sayed] » renvoyait en réalité à ces recherches. Il apparaît donc que le Juge de la mise en état entendait limiter l’accès de M. El Sayed aux documents « qui ont fondé sa détention », et non à tous les documents figurant dans les premières recherches du Procureur.

21. Néanmoins, dans le même paragraphe, le Juge de la mise en état a déclaré que l’accès de M. El Sayed aux documents ne devait pas « se limiter aux déclarations de témoins ou suspects qui sembleraient l’impliquer directement dans l’affaire Hariri » et que « les dépositions de tous les témoins ou suspects qui ont été collectées dans le

43 Décision du 12 mai 2011, par. 40. La Chambre constate que le mémoire du Procureur du 15 février 2012 signale que ces documents ont été communiqués.

44 Ibidem.

45 Ibid. : « Dans la mesure où le Juge de la mise en état considère que ces pièces sont susceptibles d’être pertinentes [...] ».

46 Ibid., par. 41 (non souligné dans l’original).

47 Ibid., par. 22 et 23.

Page 99: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

99

El Sayed Pertinence CA

cadre de l’instruction du dossier de M. El Sayed sont susceptibles d’être pertinentes et, dès lors de lui être communiquées »48, sous réserve de certaines restrictions. De même, concernant les propositions d’expurgation, le Juge de la mise en état n’a pas souhaité les autoriser pour n’importe quelle raison, « exception faite de celle de la pertinence alléguée »49. Ce langage, qu’il convient d’interpréter en lien avec les déclarations contrastées exposées plus haut, témoigne soit d’une conception très générale de la pertinence qui n’a jamais été exposée explicitement, soit de la présence de thèmes discordants.

22. La Décision du 12 mai 2011 offre en effet trois interprétations possibles : 1) le Juge de la mise en état a décidé que la pertinence ne pouvait en aucun cas servir de critère au Procureur pour déterminer s’il devait communiquer certains documents à M. El Sayed (ou en expurger certains éléments) ; 2) le Juge la mise en état a appliqué le critère de pertinence et limité les obligations de communication du Procureur aux documents sur lesquels était fondée la détention du requérant ; ou 3) le Juge de la mise en état a appliqué un critère de pertinence, mais a étendu ce concept à toutes les déclarations identifiées par le Procureur au moyen de sa base de données électronique.

23. La Chambre observe en outre que le litige qui a conduit à la Décision du 12 mai 2011 concernait uniquement des documents que le Procureur avait soumis au Juge de la mise en état après en avoir exclu ceux qu’il considérait comme non pertinents50. Autrement dit, le Procureur avait déjà tranché la question de la pertinence, et ce fait avait été pris en considération, sans autre suite, par le Juge de la mise en état, lorsque celui-ci avait déclaré : « le Procureur [...] est le seul à disposer d’une connaissance approfondie du dossier relatif à M. El Sayed, lui permettant d’évaluer, [...] parmi toutes les pièces qu’il possède, celles qui relèvent de la procédure à l’encontre de [ce dernier]51 ».

48 Ibid., par. 41.

49 Ibid., par. 42.

50 Décision du 12 mai 2011, par. 22.

51 Ibidem, par. 28.

Page 100: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

100

El Sayed Pertinence CA

24. En somme, la Chambre est plongée dans l’incertitude quant à ce que le Juge de la mise en état a décidé précisément dans la Décision du 12 mai 2011, eu égard à la pertinence des documents.

25. Au vu de cette incertitude, la Chambre ne peut envisager cette partie de la décision comme définitivement jugée. À cet égard, la Décision attaquée, dans laquelle le Juge de la mise en état faisait remarquer que le Procureur avait « invoqué une fois de plus » le critère de la pertinence et estimait qu’il avait déjà tranché ce point, n’est pas non plus d’un grand secours, le Juge s’étant contenté, à l’appui de sa conclusion, de répéter le paragraphe ambigu de la décision du 12 mai 201152. En tout état de cause, un juge ne peut nuire à une partie en expliquant et éclairant a posteriori une décision incertaine.

26. La Chambre conclut donc que la Décision du 12 mai 2011 ne fait pas obstacle à l’appel du Procureur. Le Procureur n’a pas non plus renoncé à son droit à l’appel en s’abstenant d’introduire un recours contre les conclusions ambiguës du Juge de la mise en état, dans la Décision du 12 mai 2011. Dans la mesure où cette décision n’ordonnait pas la communication des deux documents concernés ni ne réglait la question de la pertinence en général, le Procureur n’était pas dans l’obligation de déposer une demande de certification pour préserver son droit de former un recours sur ce point à une étape ultérieure de la procédure.

iii. conclusion

27. La Chambre conclut que l’appel est recevable.

Bien-FOndÉ de l’Appel du pROcuReuR

28. Examinant à présent le bien-fondé de l’appel, la Chambre d’appel rappelle qu’elle n’infirmera une décision que si le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance a commis une erreur sur un point de droit ou de fait qui invalide la décision, ou a pesé des éléments pertinents ou non de manière irrationnelle53. La

52 Décision attaquée, par. 70 et 71.

53 Voir Décision du 19 juillet 2011, par. 22.

Page 101: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

101

El Sayed Pertinence CA

Chambre doit donc apprécier si le Juge de la mise en état a commis une erreur en rejetant l’argument du Procureur, selon lequel ce dernier peut décider de soustraire des documents à la communication au motif qu’ils n’ont pas de pertinence pour M. El Sayed ou constituent des copies de documents déjà communiqués.

29. Le Procureur avance qu’il n’est pas nécessaire de communiquer lesdits documents et qu’il convient, pour cette raison, d’autoriser les expurgations nécessaires. Il fait valoir que le Juge de la mise en état a commis une erreur réversible en ordonnant leur communication et que la Décision attaquée doit donc être renversée à cet égard54. Il ajoute que le Juge de la mise en état s’est fourvoyé en ordonnant la communication de tels documents sans autoriser d’expurgations supplémentaires, guidées par d’autres impératifs et restrictions, tels que la sécurité des victimes et des témoins et la protection des enquêtes en cours55.

30. M. El Sayed répond que l’appel du Procureur vise à retarder la procédure56. Le Procureur ne devrait pas, selon lui, être autorisé à décider de manière unilatérale si un document est pertinent ou non57. Il déclare qu’en tout état de cause, le Procureur a établi que certains documents étaient pertinents et qu’il ne devrait pas être autorisé à revenir sur sa décision à présent58. M. El Sayed conteste « l’affirmation fausse » - selon lui - du Procureur selon laquelle la Décision attaquée lui ordonne de communiquer certains documents sans pouvoir procéder à la moindre expurgation pour d’autres raisons que la pertinence59.

54 Appel, par. 6 à 20.

55 Appel, par. 21 ; mémoire de l’accusation du 5 mars 2012, par. 40 à 43.

56 Réponse, par. 3 et 16 ; Réplique, par. 2.

57 Réplique, par. 8 à 14.

58 Réplique, par. 11 à 14.

59 Réponse, par. 5.

Page 102: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

102

El Sayed Pertinence CA

i. l’erreur alléguée commise par le juge de la mise en état en ordonnant la communication de documents considérés comme non pertinents par le procureur

31. Dans la Décision attaquée, le Juge de la mise en état a rejeté la demande du Procureur aux fins de ne pas communiquer certains documents à M. El Sayed (à défaut, du moins, des expurgations nécessaires), au motif qu’ils contenaient des informations sans rapport avec M. El Sayed ou l’attentat contre M. Hariri60. La Chambre d’appel estime que cette décision était erronée.

32. La première requête de M. El Sayed au Tribunal visait la « remise de tous les éléments de preuve des crimes commis [à son propre] préjudice »61. Plus spécifiquement, il demandait communication des documents relatifs aux témoins « qui l’ont impliqué directement ou indirectement dans l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri62 » et de « tout autre élément de preuve nécessaire à la poursuite des infractions63 ». M. El Sayed a confirmé à cette étape qu’il « ne réclam[ait] que les preuves sur sa détention arbitraire aux fins de poursuivre devant un juge national compétent les responsables des infractions commises à son préjudice64 ».

33. La Chambre rappelle également qu’elle a fixé, dans sa Décision du 19 juillet 2011, les limites du droit de M. El Sayed d’accéder aux documents. La Chambre a

60 Décision attaquée, par. 52, 58 et 70 à 72. La Chambre prend note de l’argument du Procureur, selon lequel le Juge de la mise en état « [TRADUCTION] a le pouvoir d’établir des critères ou des lignes directrices aux fins de déterminer ce qui est pertinent ou non » mais « ne peut […] ordonné [à l’Accusation] de communiquer à M. El Sayed des documents qui ne concernent ni sa personne ni sa requête » (Appel, par. 12). Ce faisant, le Procureur renvoie au paragraphe 74 de la Décision du 19 juillet 2011, à titre de comparaison (Appel, note de bas de page 18). Le paragraphe 74 de la décision du 19 juillet 2011 offre aux Juges des lignes directrices quant aux meilleurs moyens de procéder à l’examen de documents à des fins de communication. Le pouvoir d’un juge n’est pas pour autant limité à cet examen. Au contraire, le Juge peut toujours engager une action sur la base de cet examen. Celle-ci peut être révisée en appel s’il est établi qu’une erreur a été commise.

61 TSL, En l’affaire El Sayed, Version publique censurée du Mémo numéro 112, La Requête : Demande de remise des éléments de preuve relatifs aux crimes de dénonciations calomnieuses et de détention arbitraire, 17 mars 2010, p. 1.

62 Ibidem, p. 8.

63 Ibid., p. 9.

64 Réplique, par. 4.

Page 103: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

103

El Sayed Pertinence CA

conclu, en particulier, que M. El Sayed disposait du « droit d’accès à la justice65 », mais que « [ce droit] cependant […] ne justifi[ait] pas la communication de documents à des fins autres que celles énoncées par M. El Sayed, à savoir l’engagement de poursuites à l’encontre des personnes présumées responsables de sa détention66 ». Par conséquent, « les informations ainsi obtenues [doivent être] utilisées aux seules fins affirmées dans la requête de M. El Sayed, selon laquelle les documents concernés présentent un intérêt légitime67 ». La Chambre a également dit que « [l]’exercice du droit d’accès à d’autres fins serait injustifié et abusif68 ». Le terme « pertinence » n’a pas été utilisé dans la décision. Mais il est clair que l’analyse de la Chambre partait du principe que seuls les documents ayant un rapport avec la détention de M. El Sayed par les autorités libanaises devaient être communiqués. Il s’agit, en l’occurrence, de documents susceptibles de contribuer à expliquer pourquoi M. El Sayed a été maintenu en détention ou pourquoi il n’aurait pas dû l’être. Seul ce type de document est pertinent aux fins de la procédure en instance. Le Procureur est habilité à appliquer ce critère objectif de pertinence dès que la question de la communication d’un document ou d’autres éléments de preuve est posée. S’il est le premier responsable de la communication effective des documents69, son appréciation subjective de la pertinence ou non d’un élément peut néanmoins être corrigée par le Juge de la mise en état et, en dernier ressort, la Chambre d’appel.

34. L’ordonnance du Juge de la mise en état enjoignant au Procureur de communiquer des documents qui n’étaient pas pertinents au regard de ces critères a été rendue à tort, de même que son rejet de la requête du Procureur aux fins d’expurger les informations non pertinentes.

65 Décision du 19 juillet 2011, par. 40.

66 Ibidem, par. 44.

67 Ibid., par. 51.

68 Ibid., par. 68.

69 Concernant les responsabilités du Procureur, voir aussi : Décision du 19 juillet 2011, par. 71 ; Décision du 7 octobre 2011, par. 25.

Page 104: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

104

El Sayed Pertinence CA

ii. l’erreur alléguée commise par le juge de la mise en état en ordonnant la communication de documents qui constituaient, selon le procureur, des copies de documents communiqués précédemment

35. La Decision attaquée a également privé le Procureur du droit de soustraire à la communication des documents qui constituaient de simples copies de documents déjà communiqués70. La Chambre observe que le Procureur ne définit pas clairement ce qu’il entend par le terme de « copies », se contentant d’affirmer que « [d]e multiples versions d’un même document ne sont d’aucune utilité à M. El Sayed »71.

36. Dans sa Décision du 19 juillet 2011, la présente Chambre d’appel a dit que « les duplicata p[ou]v[ai]ent éventuellement être considérés comme sans intérêt, dès lors que les originaux ont été qualifiés à juste titre72 ». Toutefois, cette déclaration s’entendait à condition que le double soit une copie exacte du document. On ne peut parler de reproduction lorsque les mêmes informations figurent dans deux ou plusieurs documents différents ou lorsqu’une copie d’un document est annotée ou diffère en quelque manière du document original. La raison en est que, par exemple, la répétition d’une même information dans des sources distinctes peut rendre celle-ci plus crédible, tandis que même de petites incohérences peuvent avoir une incidence sur la crédibilité du témoin.

37. Il s’ensuit que le Juge de la mise en état n’a commis une erreur que dans la mesure où il a ordonné la communication de copies exactes de documents antérieurement communiqués. Une telle communication risque en outre de prendre davantage de temps, de ralentir le processus de communication et de pourvoir inutilement M. El Sayed de documents qui sont déjà en sa possession.

70 Décision attaquée, par. 71 et 72.

71 Appel, par. 19.

72 Décision du 19 juillet 2011, par. 90.

Page 105: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

105

El Sayed Pertinence CA

iii. l’erreur alléguée commise par le juge de la mise en état en ordonnant la communication de documents non pertinents/duplicatifs sans donner au procureur la possibilité d’en expurger certains éléments sur la base d’autres critères

38. M. El Sayed ne conteste pas au Procureur le droit de soustraire ou de censurer des informations susceptibles de représenter un danger pour les enquêtes en cours ou de menacer la sécurité de victimes et de témoins ou les intérêts de la sécurité nationale et internationale73. Le Juge de la mise en état a en effet réitéré que le processus d’expurgation avait été autorisé dans le seul but de protéger ce type d’informations74. Contrairement aux arguments du Procureur75, la Chambre est convaincue que, lue dans sa globalité, la Décision attaquée, indique clairement que le Juge de la mise en état n’a pas ordonné la communication de documents non pertinents/duplicatifs sans autoriser le Procureur à procéder à tout autre expurgation nécessaire. Le Juge de la mise en état a ordonné au Procureur de réviser « les déclarations qu’il propose de ne pas communiquer ou d’expurger sur la base de ces critères [la protection d’intérêts fondamentaux] »76. Bien que le Dispositif ait ordonné la communication des documents sans mentionner de nouveau ce processus de révision, l’intention du Juge de la mise en état ne faisait aucun doute. Si la Chambre récuse l’argument de M. El Sayed, selon lequel l’appel du Procureur à cet égard constitue « un comportement abusif »77, une simple demande de clarification adressée au Juge de la mise en état par le Procureur aurait pu contribuer à ce qu’il ne soit pas nécessaire de saisir la

73 Réponse, par. 4.

74 Décision attaquée, par. 71.

75 Appel, par. 21 ; mémoire de l’accusation du 5 mars 2012, par. 40 à 43.

76 Décision attaquée, par. 72.

77 Réponse, par. 5. S’agissant des allégations de M. El Sayed, selon lesquels le Procureur a présenté des « arguments […] faux » (Réponse, par. 4), « entrav[é] le bon déroulement de la procédure » (par. 5) et agi « de mauvaise foi », la Chambre rappelle et reprend à son compte la formule de la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie selon laquelle « [TRADUCTION] si la vigueur des plaidoyers est inhérente aux joutes verbales des procédures contradictoires, la Chambre d’appel attend de l’ensemble des parties devant le Tribunal une conduite professionnelle exemplaire ». TPIY, Le Procureur c/ Gotovina et consorts, affaire n° IT0690A, Decision on Prosecution’s Request for Leave to File Sur-Reply to Respond to False Allegations in Markač’s Reply Brief, 1er novembre 2011, p. 1 (note de bas de page non reproduite).

Page 106: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

106

El Sayed Pertinence CA

Chambre d’appel sur ce point78. La Chambre conclut que le Juge de la mise en état n’a pas commis d’erreur à cet égard.

iV. instructions de la chambre d’appel

39. La Chambre d’appel note que le Procureur sollicite le renvoi de l’affaire devant le Juge de la mise en état79. Toutefois, à la lumière des conclusions qu’elle vient de rendre, la Chambre estime suffisant d’enjoindre au Procureur d’examiner sans délai les documents concernés par cette décision et de les communiquer. Le Procureur conserve bien évidemment le droit de soustraire des documents ou de procéder aux expurgations nécessaires aux fins de protéger la sécurité des témoins et des victimes, les informations relatives à l’enquête en cours ainsi que les intérêts de la sécurité nationale et internationale80.

deMAndes de sAncTiOn pRÉsenTÉes pAR M. el sAYed

40. La Chambre prend note de la demande de M. El Sayed visant le désaisissement du Procureur81 ; de ses allégations selon lesquelles les actions du Procureur constituent un outrage au Tribunal eu égard au dépôt de l’acte d’appel82 et au retard pris par le Procureur dans l’exécution de la Décision du 12 mai 201183 ; de son souhait d’obtenir l’intervention de la Chambre au titre de l’article 60 du Règlement84. Si la Chambre admet que le retard de communication des documents est sans doute en partie imputable au Procureur, elle estime, pour les motifs exposés ci-après, que les demandes de M. El Sayed ne sont pas justifiées à ce stade.

78 Voir aussi TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2010/02, Décision en appel concernant l’ordonnance du juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice, 10 novembre 2010, par. 37.

79 Appel, par. 24.

80 La Chambre estime que ces expurgations doivent être limitées au strict nécessaire et ne pas priver la communication de son objet, celui de permettre à M. El Sayed d’exercer son droit légitime de demander réparation auprès de tribunaux nationaux pour la violation alléguée de ses droits.

81 Réponse, par. 3.

82 Réponse, par. 5.

83 Réponse, par. 6.

84 Réponse, p. 5, Réplique, p. 8.

Page 107: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

107

El Sayed Pertinence CA

41. Concernant le dessaisissement du Procureur, les allégations d’outrage doivent être portées devant le Juge ou la Chambre compétents85. Quant à l’argument que le retard pris par le Procureur dans l’exécution de la Décision du 12 mai 2011 constitue un outrage au Tribunal, M. El Sayed devra en faire état auprès du Juge de la mise en état.

42. Quoi qu’il en soit, M. El Sayed n’a pas démontré que la conduite du Procureur ou l’intégrité de la procédure justifiait une mesure aussi extrême, risquant de retarder encore davantage la procédure86.

43. Concernant les allégations d’outrage portées devant la Chambre d’appel, aucun élément ne permet d’établir que l’appel du Procureur était « manifestement abusif », selon les termes de M. El Sayed, et ce d’autant moins qu’il a partiellement abouti87.

44. Concernant l’engagement d’une action contre le Procureur en application de l’article 60 du Règlement, la Chambre d’appel conclut, là encore, qu’aucun élément ne vient étayer l’allégation de faute professionnelle au titre de l’article 60 A). La Chambre a déjà rappelé au Procureur l’obligation qui lui est faite de communiquer sans délai à M. El Sayed les documents qu’il aura sélectionnés à l’issue de son examen. La Chambre précise qu’elle ne tolérera aucun retard supplémentaire.

85 Voir Décision du 7 octobre 2011, par. 41 et 42.

86 Voir aussi Décision du 7 octobre 2011, par. 37.

87 Réplique, par. 22.

Page 108: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

108

El Sayed Pertinence CA

dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs,

lA cHAMBRe d’Appel, dans son unanimité,

dÉclARe l’Appel recevable,

FAiT dROiT partiellement à l’Appel,

RenVeRse partiellement la Décision attaquée,

Annule l’ordonnance du Juge de la mise en état enjoignant au Procureur de communiquer à M. El Sayed les déclarations que le Procureur avait proposé de soustraire à la communication ou d’expurger sur la base des critères de pertinence et de répétition,

enjOinT au Procureur, à bref délai soit au plus tard le 18 mai 2012, d’examiner les documents ; d’apprécier s’ils sont pertinents pour M. El Sayed et/ou constituent des copies de documents précédemment communiqués, selon la définition qui en a été donnée dans la présente décision ; de communiquer en tout ou partie tout document pertinent et/ou ne constituant pas une copie d’un document antérieurement communiqué ; de procéder, le cas échéant, aux expurgations nécessaires afin de protéger la sécurité des victimes et des témoins, l’intégrité de l’enquête en cours ou les intérêts de la sécurité nationale ou internationale,

RejeTTe l’appel du Procureur pour le surplus,

ReFuse la demande de sanctions formulée par M. El Sayed contre le Procureur,

lÈVe la suspension concernant le reste de la Décision attaquée et enjoint au Procureur de se conformer à l’ordonnance du Juge de la mise en état, le 27 avril 2012 au plus tard.

Page 109: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

109

El Sayed Pertinence CA

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi. Leidschendam, le 18 avril 2012

David Baragwanath Président de la Chambre d’appel

Page 110: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

110

Page 111: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

5.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : le juge de la mise en état

Titre : Décisionrelativeàlaparticipationdesvictimes àlaprocédure

Titre réduit : QualitédevictimeparticipantàlaprocédureJME

111

Page 112: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

112

Page 113: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

113

le juGe de lA Mise en ÉTAT

Affaire n° : sTl-11-01/pT/pTj

Devant : M. le juge daniel Fransen

Le Greffier : M. Herman von Hebel

Date : 8 mai 2012

Original : Anglais

Type de document : Publicavecannexeconfidentielleetex parte

le pROcuReuR c.

sAliM jAMil AYYAsH, MusTAFA AMine BAdReddine,

Hussein HAssAn Oneissi et AssAd HAssAn sABRA

dÉcisiOn RelATiVe À lA pARTicipATiOn des VicTiMes À lA pROcÉduRe

Bureau du procureur : M. Norman Farrell

conseils de M. salim jamil Ayyash : Me Eugene O’Sullivan Me Emile Aounconseils de M. Mustafa Amine Badreddine: Me Antoine Korkmaz Me John Jonesconseils de M. Hussein Hassan Oneissi: Me Vincent Courcelle-Labrousse Me Yasser Hassanconseils de M. Assad Hassan sabra: Me David Young Dr Guénaël Mettraux

Page 114: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

114

Qualité de victime participant à la procédure JME

I. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

II. Rappel de la procédure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

III. Droit applicable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

IV. Critères applicables pour l’examen des demandes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

A. Critères établissant si le requérant est une victime au sens de l’article 2 du Règlement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121. Être une personne physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122. Avoir subi un préjudice résultant directement d’un attentat relevant de

la compétence du tribunal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14a. Observations de l’Accusation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14b. Observations de la SPV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14c. Examen des arguments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15d. Degré de proximité nécessaire entre les victimes directes et les

victimes indirectes sollicitant le statut de VPP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18e. Preuve de la conséquence directe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

3. Le requérant a subi un préjudice physique, matériel ou moral . . . . . . . . 20a. Niveau de preuve . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22b. La notion de préjudice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22c. Préjudice physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23d. Préjudice matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24e. Préjudice moral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

B. Est-il porté atteinte aux intérêts personnels du requérant ? . . . . . . . . . . . . . . . 291. Observations de l’Accusation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302. Observations de la Section de participation des victimes . . . . . . . . . . . . . 303. Examen des arguments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

C. La participation sollicitée par le requérant vise-t-elle à lui permettre d’exposer ses vues et préoccupations ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321. Observations de l’Accusation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322. Observations de la Section de participation des victimes . . . . . . . . . . . . . 323. Examen des arguments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

Page 115: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

115

Qualité de victime participant à la procédure JME

D. La participation sollicitée par le requérant serait-elle préjudiciable ou contraire aux droits de l’accusé ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

E. Autres critères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

V. Conclusions sur l’évaluation des Demandes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

A. Demandes acceptées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

B. Demandes incomplètes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

VI. La représentation légale commune et le regroupement des victimes . . . . . . 38

A. La représentation légale commune des victimes participant à la procédure 38

B. Question de la répartition des VPP en groupes bénéficiant d’une représentation légale commune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 391. Observations de la SPV . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 402. Examen des arguments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

VII. Confidentialité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

VIII. Dispositif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

Page 116: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

116

Qualité de victime participant à la procédure JME

i. introduction

1. Le Juge de la mise en état du Tribunal spécial pour le Liban (le « Tribunal ») a reçu le document intitulé Transmission of Applications for the Status of Victim Participating in Proceedings « [TRADUCTION] Transmission des demandes d’obtention de la qualité de victime participant à la procédure » » (la « Transmission » et les « Demandes », respectivement), déposé par la Section de participation des victimes du Tribunal (la « SPV »)1.

2. Dans la présente décision, le Juge de la mise en état statue sur la question de la qualité de victime participant à la procédure (« VPP ») en l’affaire Ayyash et autres, en s’appuyant sur les moyens de preuve qui permettent d’établir de prime abord si une personne physique a subi un préjudice physique, matériel ou moral résultant directement de l’attentat du 14 février 2005 (l’« Attentat ») qui a entraîné la mort de l’ancien Premier ministre libanais Rafiq Hariri et d’autres personnes, et causé des blessures à d’autres personnes2. Les victimes ayant formulé une demande et obtenu la qualité de VPP sont autorisées à participer à la procédure aux termes du Statut (le « Statut ») et du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») du Tribunal.

3. Par conséquent, la présente décision n’affecte pas la détermination ultérieure par une chambre, dans le cadre d’un jugement définitif, qu’un individu ayant obtenu du Juge de la mise en état la qualité de VPP sur la base de moyens de preuve suffisants de prime abord, est ou n’est pas victime d’un attentat relevant de la compétence d’un Tribunal3.

1 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, Transmission of Applications for the Status of Victim Participating in the Proceedings « [TRADUCTION] Transmission des demandes d’obtention de la qualité de victime participant à la procédure », document déposé publiquement avec des annexes déposées de manière confidentielle et ex parte, 9 février 2012. La SPV a déposé le Corrigendum to ‘Transmission of Applications for the Status of Victim Participating in the proceedings’ « [TRADUCTION] Rectificatif à la transmission des demandes d’obtention de la qualité de victime participant à la procédure » ainsi que le document « Annexe - Corrigendum to ‘Overview of Victim Applications’ « [TRADUCTION] Rectificatif à l’“Aperçu des demandes des victimes” », le 15 février 2012, le second document étant déposé de manière confidentielle et ex parte.

2 Article premier du Statut du TSL.

3 L’article 25 1) du Statut du TSL dispose que « [l]e Tribunal peut identifier des victimes ayant subi un préjudice en raison de crimes commis par un accusé reconnu coupable par le Tribunal ». En outre, l’article 86 G) du

Page 117: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

117

Qualité de victime participant à la procédure JME

4. S’agissant des modes de participation des victimes à la procédure, ils sont déterminés par la chambre compétente aux différents stades de la procédure, conformément à l’article 87 du Règlement. En ce qui concerne les modes de participation des victimes à la procédure devant le Juge de la mise en état, ils feront l’objet d’une décision distincte.

5. Dans la présente décision, le Juge de la mise en état commencera par un rappel de la procédure (Section II) et du droit applicable (Section III). Après avoir examiné les critères à appliquer pour l’évaluation des demandes (Section IV), il énoncera brièvement ses conclusions (Section V), chaque demande individuelle faisant l’objet d’une analyse détaillée dans l’annexe confidentielle et ex parte de la présente décision. Après avoir déterminé quelles sont les victimes pouvant participer à l’affaire Ayyash et autres, le Juge de la mise en état statuera sur la représentation légale commune des victimes et la possibilité de les répartir en plusieurs groupes (Section VI). Enfin, il formulera quelques remarques relatives à la confidentialité des demandes (Section VII).

ii. Rappel de la procédure

6. Le 9 février 2012, la SPV a déposé la Transmission auprès du Juge de la mise en état, conformément à l’article 51 B) iii) du Règlement4. Ledit document était constitué de 147 annexes confidentielles et ex parte, lesquelles comprenaient 73 demandes5, et d’autres documents préparés par la SPV : un résumé des demandes indiquant le caractère complet ou non de chacune d’elles, et un aperçu de l’ensemble des demandes.

7. Le 17 février 2012, la défense de M. Sabra a déposé une requête intitulée Motion for an Order to VPU to Re-File its Annexes inter partes or to Seek Protective

Règlement affirme que : « [t]oute personne ayant été identifiée dans un jugement définitif comme une victime […] ayant subi des préjudices à la suite de la commission de crimes par un accusé déclaré coupable par le Tribunal peut demander au Greffier, aux fins d’exercice des droits qui lui sont conférés par le droit national ou tout autre droit, tel que prévu à l’article 25 du Statut, une copie conforme du jugement dans lequel elle est nommée ».

4 Voir note 1 ci-dessus.

5 Transmission, par. 1 et 27.

Page 118: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

118

Qualité de victime participant à la procédure JME

Measures from the Pre-Trial Judge « [TRADUCTION] Requête aux fins que soit ordonné à la Section de participation des victimes de déposer à nouveau les annexes inter partes ou de solliciter des mesures de protection auprès du Juge de la mise en état », dans laquelle elle soulève des objections relatives au dépôt de la Transmission de façon confidentielle et ex parte et au refus d’autoriser sa consultation par la Défense6. Suite aux observations de la défense de M. Sabra7, du Procureur8 et de la SPV9, le Juge de la mise en état a rendu le 5 avril 2012 une décision rejetant la requête Sabra (la « Décision du 5 avril 2012 »)10 et invitant les parties et la SPV à

6 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Motion for an Order to VPU to Re-File its Annexes inter partes or to Seek Protective Measures from the Pre-Trial Judge « [TRADUCTION] Requête aux fins que soit ordonné à la Section de participation des victimes de déposer à nouveau les annexes inter partes ou de solliciter des mesures de protection auprès du Juge de la mise en état », 17 février 2012, par. 4.

7 Le 24 février 2012, le Juge de la mise en état a invité le conseil de M. Sabra à présenter de nouveaux arguments en tenant compte de l’entrée en vigueur imminente, le 29 février 2012, du Règlement modifié (CMSS Memorandum regarding Scheduling Directive from the Pre-Trial Judge pursuant to Rule 8 regarding the Motion for an Order to VPU to Re-File its Annexes Inter Partes or to Seek Protective Measures from the Pre-Trial Judge, filed by Counsel for Mr. Sabra on 17 February 2012 « [TRADUCTION] Mémorandum de la SAAJ concernant la directive portant calendrier délivrée par le Juge de la mise en état conformément à l’article 8 et faisant suite à la requête déposée par les Conseils de Sabra aux fins que soit ordonné à la Section de participation des victimes de déposer à nouveau les annexes inter partes ou de solliciter des mesures de protection auprès du Juge de la mise en état », 24 février 2012). Le conseil de M. Sabra a dûment déposé ces observations supplémentaires le 29 février 2012 (TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Sabra Defence Supplementary Filing regarding VPU’s Transmission « [TRADUCTION] Requête supplémentaire de la Défense de Sabra concernant la Transmission de la Section de participation des victimes » (modification de l’article 86 C)), 29 février 2012). La requête et les observations supplémentaires présentées par la défense de M. Sabra indiquent que les conseils de la défense des trois autres accusés en l’affaire Ayyash et autres « [Traduction] s’unissent et soutiennent » la position de la défense de M. Sabra (Requête de la défense de Sabra, par. 3 ; Requête supplémentaire de la défense de Sabra, par. 5).

8 Le 7 mars 2012, le Procureur a présenté ses observations (TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° TSL1101/PT/PTJ, Prosecution’s Submission pursuant to the Scheduling Directive dated 24 February 2012 « [TRADUCTION] Observations de l’Accusation conformément à la Directive portant calendrier datée du 24 février 2012 », 7 mars 2012).

9 Le 7 mars 2012, la Section de participation des victimes a présenté sa réponse aux nouveaux arguments de la défense de M. Sabra (TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° TSL-11-01/PT/PTJ, VPU Response to Sabra Defence Motion and Supplementary Filing concerning Annexes to the VPU Transmission « [TRADUCTION] Réponse de la Section de participation des victimes à la Requête de la Défense de Sabra et au document supplémentaire relatif aux annexes de la transmission de la SPV », 7 mars 2012).

10 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative à la requête déposée par la Défense le 17 février 2012 afin qu’il soit ordonné à la section de participation des victimes de déposer à nouveau ses observations inter partes, et invitant les parties à présenter des observations concernant les questions juridiques relatives aux demandes d’obtention de la qualité de victime participant à la procédure, 5 avril 2012, (la « décision du 5 avril 2012 »). Le Juge de la mise en état note que le 19 avril 2012, le Procureur a déposé la requête suivante : Prosecution Request for Leave to Seek Reconsideration and Reconsideration of the Pre-Trial Judge’s Decision of 5 April 2012 Concerning Access to Applications for the Status of Victim Participating in

Page 119: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

119

Qualité de victime participant à la procédure JME

déposer leurs observations sur des questions juridiques pertinentes afférentes à sa décision relative aux demandes d’obtention de la qualité de VPP11.

8. Le 23 avril 2012, le Procureur et la SPV ont présenté leurs observations respectives en réponse à la Décision du Juge de la mise en état du 5 avril 2012 (« Observations de l’Accusation »12 et « Observations de la SPV »13 respectivement). Les arguments du Procureur et de la SPV au sujet des questions juridiques soulevées par le Juge de la mise en état seront rappelés ci-après dans les sections pertinentes.

9. Le 23 avril 2012, la défense de M. Sabra et la défense de M. Badreddine (la défense de M. Oneissi s’étant jointe ultérieurement à cette dernière) ont également fait savoir au Juge de la mise en état qu’étant donnée l’interdiction de consulter les demandes, elles refusaient, à ce stade de la procédure, de présenter des observations sur lesdites questions juridiques14. La défense de M. Ayyash n’a présenté aucune observation.

the Proceedings, or Alternative Relief « [TRADUCTION] Requête du Procureur en autorisation de dépôt d’une requête en réexamen de la décision du Juge de la mise en état du 5 avril 2012 concernant l’accès aux demandes d’obtention de la qualité de victime participant à la procédure ou d’une autre mesure ». Dans la Décision relative à la requête du Procureur en réexamen de la Décision du 5 avril 2012 datant du 4 mai 2012, le Juge de la mise en état a rejeté ladite requête.

11 Décision du 5 avril 2012, par. 59.

12 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution’s Submission in Response to the Pre-Trial Judge’s Order Dated 5 April 2012 « [TRADUCTION] Observations du Procureur en réponse à l’ordonnance du Juge de la mise en état datée du 5 avril 2012 », 23 avril 2012.

13 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, VPU Submission on Legal Issues pursuant to the Pre-Trial Judge’s Decision of 5 April 2012 « [TRADUCTION] Observations de la SPV concernant les questions juridiques soulevées par la décision du Juge de la mise en état du 5 avril 2012 », 23 avril 2012.

14 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Sabra Notice Regarding Certain Legal Issues Pertaining to Victims’ Participation « [TRADUCTION] Note de Sabra concernant certains points de droit relatifs à la participation des victimes », 23 avril 2012, paragraphe 4 ; TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL1101-PT/PTJ, Mémoire de la Défense en réponse aux questions liées à la participation des victimes, 23 avril 2012, paragraphe 3.

Page 120: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

120

Qualité de victime participant à la procédure JME

10. Le 26 avril15 et le 3 mai 201216, la SPV a joint des documents supplémentaires à sa Transmission, suite à la requête du Juge de la mise en état, en date du 24 avril 2012.17

11. Le 27 avril 2012, sur autorisation du Juge de la mise en état18, la SPV a transmis de nouvelles observations sur la question de la représentation légale commune des victimes autorisées à participer à la procédure19.

iii. droit applicable

12. Les dispositions pertinentes relatives à l’octroi de la qualité de VPP sont les articles 17 et 25 du Statut, que complètent les articles 2, 51 et 86 du Règlement.

13. L’article 17 du Statut établit le cadre général de la participation des victimes à la procédure. Il prévoit que :

[l]orsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, le Tribunal permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées, aux stades de la procédure que le Juge de la mise en état ou la Chambre estiment appropriés et d’une manière qui n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial. Ces vues et

15 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01-PT/PTJ, Transmission of Consolidated Applications for the Status of Victim Participating in the Proceedings, Including Supplementary Material « [TRADUCTION] Transmission des demandes groupées d’obtention de la qualité de victime participant à la procédure, comprenant des pièces justificatives supplémentaires », 26 avril 2012. La SPV a déposé à nouveau chacune des annexes faisant l’objet de la requête du Juge de la mise en état demandant d’apporter des éléments supplémentaires. Dans l’annexe de la présente décision, le Juge de la mise en état n’évoque ces nouvelles annexes que dans la mesure nécessaire pour faire référence à ces éléments supplémentaires.

16 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Second Transmission of Consolidated Applications for the Status of Victim Participating in the Proceedings, Including Supplementary Material « [TRADUCTION] Seconde transmission des demandes groupées d’obtention de la qualité de victime participant à la procédure, comprenant des pièces justificatives supplémentaires », 3 mai 2012.

17 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Mémoire interne, demande de pièces complémentaires à l’appui des requêtes des personnes souhaitant obtenir la qualité de victime participant à la procédure, confidentiel et ex parte, 24 avril 2012.

18 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Mémoire interne, Requête confidentielle et ex parte du Greffier aux fins d’autoriser la Section de participation des victimes à déposer des écritures conformément à l’article 51 E) du RPP, confidentiel et ex parte, 27 avril 2012.

19 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Observations de la section de participation des victimes sur la répartition des victimes, 27 avril 2012 (« Observations de la SPV »).

Page 121: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

121

Qualité de victime participant à la procédure JME

préoccupations peuvent être exposées par les représentants légaux des victimes lorsque le juge de la mise en l’état ou la Chambre l’estiment approprié.

14. L’article 25 paragraphe 1) du Statut, relatif à la compensation des victimes, définit les victimes comme étant des personnes « ayant subi un préjudice en raison de crimes commis par un accusé reconnu coupable par le Tribunal ».

15. L’article 2 du Règlement apporte une définition de « victime » mais également de « victime participant à la procédure ». La première notion est définie comme « toute personne physique ayant subi un préjudice physique, matériel ou moral résultant directement d’un attentat relevant de la compétence du Tribunal ». La seconde notion est définie comme suit : « victime d’un attentat relevant de la compétence du Tribunal et autorisée par le Juge de la mise en état à présenter ses vues et ses préoccupations à un ou plusieurs stades de la procédure, après confirmation d’un acte d’accusation ».

16. L’article 51 paragraphe B) iii) du Règlement identifie la SPV comme l’organe compétent chargé de recevoir les demandes des victimes souhaitant participer à la procédure devant le Tribunal, de vérifier que ces demandes sont complètes et, ensuite, de les transmettre au Juge de la mise en état.

17. L’article 86 B) du Règlement régit l’octroi par le Juge de la mise en état de la qualité de victime participant à la procédure aux victimes qui en formulent la demande. Afin de décider si une victime peut participer à la procédure, ledit article exige que le Juge de la mise en état examine les quatre éléments suivants :

i) si le requérant a fourni des moyens de preuves permettant d’établir qu’il est de prime abord une victime au sens de l’article 2 du Règlement ;

ii) s’il est porté atteinte aux intérêts personnels du requérant ;

iii) si la participation sollicitée par le requérant vise à lui permettre d’exposer ses vues et préoccupations ; et

iv) si la participation sollicitée par le requérant serait préjudiciable ou contraire aux droits de l’accusé et aux exigences d’un procès équitable et impartial.

Page 122: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

122

Qualité de victime participant à la procédure JME

18. L’article 86 B) du Règlement permet également au Juge de la mise en état, lorsqu’il détermine si une victime ayant présenté une demande peut participer ou non à la procédure, de prendre en considération les éléments suivants :

v) si le requérant disposant d’informations factuelles pertinentes portant sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé est susceptible d’être un témoin ;

vi) si les intérêts personnels légitimes du requérant en jeu durant le procès diffèrent de ceux des autres victimes participant à la procédure, le cas échéant ;

vii) si la participation sollicitée par le requérant est susceptible de compromettre l’intégrité, la dignité, la bonne tenue et l’objectivité de la procédure ;

viii) si la participation sollicitée est susceptible d’entraîner des retards indus ou une inefficacité dans la procédure ;

ix) si la participation sollicitée est susceptible d’avoir une incidence négative sur la sécurité du procès ou de toute personne y participant ; et

x) si la participation sollicitée est susceptible de servir, de toute autre manière, l’intérêt de la justice.

19. En outre, l’article 86 C) i) du Règlement indique que « [l]e Juge de la mise en état statue sur la demande d’obtention de la qualité de victime participant à la procédure, après avoir recueilli les observations des parties et de la Section de participation des victimes sur des questions juridiques pertinentes ». L’alinéa ii) indique ensuite qu’« une victime participant à la procédure le fait seulement par le biais d’un représentant légal, sauf autorisation contraire du Juge de la mise en état ».

20. Enfin, l’article 86 D) du Règlement aborde la question de la répartition des victimes participant à la procédure en groupes bénéficiant d’une représentation légale commune.

Page 123: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

123

Qualité de victime participant à la procédure JME

iV. critères applicables pour l’examen des demandes

21. Le Juge de la mise en état se penche à présent sur les critères applicables pour déterminer si les demandes sont complètes et valables conformément à l’article 86 B) du Règlement.

22. La SPV avance qu’une personne sollicitant le statut de victime participant à la procédure doit principalement démontrer, par des moyens de preuve suffisants, qu’elle est une victime selon la définition qu’en donne l’article 2 du Règlement20. La SPV affirme ainsi que les requérants ne sont pas tenus d’apporter la preuve des éléments inscrits aux paragraphes ii) à iv) de l’article 86 B), et v) à x) du même article.

23. Lorsqu’il interprète les critères exposés à l’article 86 B) du Règlement, le Juge de la mise en état est guidé par l’esprit du Statut et les principes d’interprétation établis en droit international coutumier, tels que codifiés aux articles 31, 32 et 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 196921. Ces principes prescrivent qu’une disposition doit être interprétée « de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but22 ». Le Juge de la mise en état considère en outre que la jurisprudence d’autres tribunaux pénaux internationaux peut lui servir à définir l’objet et le but des dispositions pertinentes. S’agissant de la question spécifique de la participation des victimes, le Juge de la mise en état trouve instructive, en particulier, la jurisprudence de la Cour pénale internationale (CPI) et des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC). Il se réfèrera en outre, le cas échéant, au droit libanais.

20 Transmission, par. 12.

21 Signée à Vienne le 23 mai 1969, 27 janvier 1980, 1155 Traités des Nations Unies 331.

22 Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, Art. 31 2) et 31) 3). Voir aussi STL, Le Procureur c. Ayyash et al., , affaire n° STL-11-01/i, Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi, & M. Assad Hassan Sabra, 28 juin 2011, par. 19 et 21.

Page 124: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

124

Qualité de victime participant à la procédure JME

24. Le Juge de la mise en état constate de surcroît que le libellé de l’article 86 B) du Règlement, — « the Pre-Trial Judge shall consider »23 — suggère que les quatre premiers critères énoncés au paragraphe i) à iv) de l’article 86 B) sont cumulatifs et que le requérant doit y satisfaire pour se voir accorder la qualité de victime participant à la procédure. Les six autres critères exposés aux paragraphes v) à x) du même article peuvent également être pris en considération par le Juge de la mise en état lorsqu’il détermine si une victime requérante peut participer à la procédure. Comme le suggère le libellé très clair de cette disposition, ces derniers critères ne sont pas impératifs mais peuvent être pris en considération par le Juge de la mise en état, en plus des critères impératifs énoncés aux paragraphes i) à iv) de l’article 86 B) du Règlement.

25. S’agissant des observations de la SPV24, le Juge de la mise en état estime cependant que les requérants se verraient infligés une charge excessivement lourde s’ils devaient satisfaire à l’ensemble des critères inscrits à l’article 86 B) du Règlement dans leurs demandes. Toute personne sollicitant la qualité de VPP est uniquement tenue de fournir des moyens de preuve montrant de prime abord qu’elle est une victime et d’indiquer les raisons pour lesquelles elle souhaite participer à la procédure. Les autres éléments mentionnés à l’article 86 B) du Règlement ne concernent que l’interprétation judiciaire. Une demande pourra donc être jugée complète indépendamment de la question de savoir si elle contient des éléments de preuve ayant un rapport direct avec ces questions, dès lors que le Juge de la mise en état peut en extraire suffisamment d’informations pour déterminer si elle remplit ou non les conditions requises.

26. Enfin, le Juge de la mise en état précise que l’examen ci-après concerne les principes généraux régissant l’octroi du statut de VPP, sans préjudice de l’évaluation qu’il fera, au cas par cas, de chaque demande.

23 Non souligné dans l’original. La version française du Règlement dispose : « [l]e Juge de la mise en état examine notamment les éléments suivants. »

24 Cf. par. 22 ci-dessus.

Page 125: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

125

Qualité de victime participant à la procédure JME

A. Critères établissant si le requérant est une victime au sens de l’article 2 du Règlement25

27. Le premier critère énoncé à l’article 86 B) i) du Règlement prescrit au Juge de la mise en état d’évaluer si « le requérant [...] a fourni des moyens de preuves permettant d’établir qu’il est de prime abord une victime au sens de l’article 2 du Règlement ». Autrement dit, pour qu’un requérant soit autorisé à participer à la procédure, le Juge de la mise en état doit préalablement être convaincu que cette personne est de prime abord une victime, au sens de l’article 2 du Règlement.

28. Aux termes de l’article 2 du Règlement, une « victime » doit remplir trois conditions cumulatives pour être définie comme telle, à savoir : 1) être une personne physique ; 2) avoir subi un préjudice physique, matériel ou moral ; 3) ledit préjudice doit résulter directement d’un attentat relevant de la compétence du Tribunal.

29. Le Juge de la mise en état se propose d’examiner tour à tour chacun de ces critères, à commencer par la qualité de personne physique du requérant. Par souci de clarté, le Juge de la mise en état traitera ensuite la condition requérant que le préjudice subi soit la conséquence directe de l’attentat concerné, avant de traiter de façon plus détaillée les trois formes de préjudice mentionnées à l’article 2 du Règlement.

1. Être une personne physique

30. La première condition pour attribuer la qualité de victime à un requérant est qu’il ait démontré sa qualité de personne physique. Les personnes morales ne sont donc pas admises à participer aux procédures devant le Tribunal26.

25 Le Juge de la mise en état observe que l’utilisation du mot « requérant » peut prêter à confusion lorsque la victime est représentée par une personne agissant pour son compte. Pour cette raison, le Juge de la mise en état précise que, sauf mention contraire, les conditions examinées dans cette section de la décision doivent être remplies par la victime elle-même, et non par la personne agissant pour son compte. Le terme « requérant » est donc utilisé dans le même sens qu’à l’article 86 du Règlement, pour désigner une personne se déclarant victime d’un crime relevant de la compétence du tribunal.

26 Règlement de procédure et de preuve, mémoire explicatif, novembre 2010, par. 19 (« Mémorandum explicatif du Président »).

Page 126: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

126

Qualité de victime participant à la procédure JME

31. Le Juge de la mise en état considère que, pour déposer une demande, une personne physique doit avoir la capacité juridique. Ainsi qu’il est indiqué dans le formulaire de demande de participation à la procédure, si la victime est un mineur au sens où l’entend le droit civil libanais27 ou est privée de quelque autre façon de sa capacité juridique, la demande peut être déposée par une personne agissant en son nom28.

32. Le requérant doit prouver de prime abord son identité. Lorsque la victime est représentée par une personne agissant en son nom, l’identité de la victime et de son représentant doit être prouvée, ainsi que le lien qui les unit.

33. Le Juge de la mise en état estime que les documents suivants suffisent à prouver l’identité du requérant :

(i) documents d’identification, notamment, carte nationale d’identité, extrait individuel de registres d’état civil29, passeport, passeport spécial30, carte de résident, permis de conduire ;

(ii) lorsque les documents énumérés en i) ne peuvent pas être fournis, d’autres documents faisant foi, qui ne sont pas destinés à servir de document d’identification mais qui contiennent cependant des informations permettant d’identifier le requérant. Il peut s’agir, sans s’y limiter, de documents en rapport avec un traitement médical, de documents professionnels, de lettres des autorités locales et de cartes d’adhérents. La valeur probante de ces documents sera évaluée au cas par cas.

27 Conformément à l’article 215 du Code des obligations et des contrats libanais, toute personne physique âgée de moins de 18 ans est mineure (« [t]oute personne parvenue á l’âge de dix-huit ans révolus est capable de s’obliger si elle n’en est pas déclarée incapable par un texte de loi »).

28 TSL, formulaire de demande de participation à une procédure relevant de la compétence du Tribunal spécial pour le Liban, p. 1. Cette pratique est conforme à celle d’autres tribunaux internationaux. Voir, par exemple, CPI, article 89 3) du Règlement de procédure et de preuve et CPI, Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, affaire n° ICC-01/09-01/11, Decision on Victims’ Participation at the Confirmation of Charges Hearing and in the Related Proceedings, 5 août 2011, par. 43 (« Décision sur la participation des victimes du 5 août 2011 en l’affaire Ruto »).

29 Appelé Bayan kayd ifradi (بيان قيد إفرادي) au Liban. Dans les annexes à la Transmission, le nom de ce document a été traduit individual personal status extract.

30 Passeport spécial délivré par l’État libanais à ses agents.

Page 127: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

127

Qualité de victime participant à la procédure JME

34. Lorsque la victime est représentée par une personne agissant en son nom, leur relation peut être établie au moyen, notamment, de livrets de famille31, de cartes d’identité (indiquant le nom du conjoint et des parents), de décisions de justice en matière de tutelle ou de curatelle, et de déclarations de témoins dignes de foi.

2. Avoir subi un préjudice résultant directement d’un attentat relevant de la compétence du tribunal

35. Une autre condition nécessaire pour attribuer la qualité de victime à un requérant, en vertu de l’article 2 du Règlement, est qu’il ait subi un préjudice résultant directement d’un attentat relevant de la compétence du Tribunal.

a. Observations de l’Accusation

36. Eu égard à cette exigence, l’Accusation a formulé diverses observations concernant les notions d’éloignement et de causalité. Elle fait valoir que, dans la mesure où la notion d’éloignement s’applique à des éléments ou causes entrant en ligne de compte, elle constitue un critère pertinent pour déterminer si le préjudice qui en a résulté était direct32.

b. Observations de la spV

37. La SPV avance que la notion de « conséquence directe » renvoie à « [TRADUCTION] l’éloignement plutôt qu’à la causalité, ce qui implique que, dans certains cas au moins, des personnes ayant subi un préjudice résultant indirectement d’un attentat relevant de la compétence du Tribunal doivent être considérées comme des victimes33 ». La SPV rappelle en outre la distinction entre victime directe et indirecte formulée par la Chambre d’appel de la CPI dans l’affaire Lubanga34 et

31 Appelé Bayan kayd aa’ili (بيان قيد عائلي) au Liban. Dans les annexes à la Transmission, le nom de ce document a été traduit par family personal status extract.

32 Observations de l’Accusation, par. 4.

33 Observations de la SPV, par. 4. Dans les Observations de la SPV, l’éloignement est défini comme « [TRADUCTION] un concept utilisé pour limiter les droits légaux d’une personne en regard d’un dommage corporel subi lorsqu’il « n’existe pas de lien étroit de causalité entre un préjudice et le dommage corporel » (id., par. 11).

34 La notion de « victime directe », telle qu’elle a été définie par la CPI et confirmée par les spécialistes du droit et

Page 128: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

128

Qualité de victime participant à la procédure JME

avance que la définition du terme « victime » inscrite à l’article 2 du Règlement englobe les deux catégories de victimes35. Le critère de la « conséquence directe » énoncé à l’article 2 du Règlement établit donc, lorsqu’il est satisfait, que le préjudice subi doit être suffisamment proche de la cause ou en relation directe avec elle36.

c. examen des arguments

38. Le Juge de la mise en état constate d’emblée que tous les requérants déclarent avoir subi un préjudice en raison de l’attentat, lequel relève de la compétence du Tribunal conformément à l’article premier du Statut.

39. S’agissant du critère selon lequel le préjudice subi doit résulter directement de l’attentat, le Juge de la mise en état souligne que l’utilisation de l’adjectif « direct » à l’article 2 du Règlement renvoie au critère de causalité (« conséquence directe ») et non au préjudice lui-même. On ne peut supposer, par conséquent, que seules les victimes ayant subi un préjudice direct — lesquelles sont également qualifiées de « victimes directes » selon la jurisprudence rappelée plus haut37 — seraient admises à participer à la procédure, à l’exclusion des soi-disant « victimes indirectes » (autrement dit, les victimes qui ont subi un préjudice résultant de celui subi par la victime directe). Les raisons en sont les suivantes.

40. Premièrement, il convient d’interpréter la notion de « conséquence directe » énoncée à l’article 2 du Règlement à la lumière de l’esprit du Statut. À cet égard, le Juge de la mise en état rappelle que l’article 25 du Statut définit simplement les victimes comme « [ayant] subi un préjudice en raison de crimes commis par un

la jurisprudence désigne des personnes « dont le préjudice subi résulte de la commission d’un crime relevant de la compétence de la Cour ». Cf. Le Prosecutor c. Thomas Lubanga Dyilo, affaire n° ICC01/0401/06, Redacted Version of “Decision on ‘Indirect Victims’”, 8 avril 2009 (« Décision Lubanga sur les victimes indirectes »), par. 44. Inversement, les « victimes indirectes » sont « celles qui souffrent en raison d’un préjudice subi par des victimes directes » (ibid.). Voir aussi CETC, Le Procureur c. Kaing Guek Eav alias ‘Duch’, affaire n° 001/18-07-2007-ECCC/SC, Appeal Judgement, 3 février 2012, par. 416 et 417 (« Arrêt Duch »).

35 Observations de la SPV, par. 17.

36 Id., par. 11.

37 Cf. note 34 ci-dessus.

Page 129: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

129

Qualité de victime participant à la procédure JME

accusé reconnu coupable par le Tribunal »38. Ainsi, l’article 25 du Statut ne fixe aucune condition particulière requérant que le préjudice subi par une victime soit une conséquence « directe » de la perpétration de crimes par un accusé. De même, l’article 86 G) du Règlement, relatif aux personnes identifiées comme victimes dans un jugement définitif, définit celles-ci comme « ayant subi des préjudices à la suite de la commission de crimes par un accusé jugé coupable par le Tribunal ». Là encore, le préjudice subi par une victime ne doit pas nécessairement être la conséquence directe de la perpétration de crimes. Le Juge de la mise en état estime donc que le critère de la « conséquence directe » énoncé à l’article 2 du Règlement ne doit pas être interprété d’une façon étroite, qui exclurait de la définition de victimes les personnes ayant subi un préjudice indirect (c’est-à-dire, les victimes indirectes).

41. Deuxièmement, il serait contraire à la pratique internationale d’exclure les victimes indirectes de la participation à la procédure. Le Juge de la mise en état considère que la jurisprudence des CETC est particulièrement instructive à cet égard, puisque les conditions posées à la participation des parties civiles devant cette juridiction sont analogues à celles du Tribunal pour la participation des victimes. Le règlement interne des CETC impose à la victime de démontrer qu’elle a subi un préjudice « résultant directement » d’un crime allégué39. Indépendamment de cette apparente restriction, les CETC ont autorisé des victimes indirectes à participer à la procédure en tant que parties civiles. Dans un récent jugement faisant autorité, la Chambre de la cour suprême des CETC a déclaré en outre que « [TRADUCTION] l’expression « victimes directes » [...] ne se limite pas à la catégorie des personnes ayant subi un préjudice “résultant directement” du crime »40. En effet, des victimes indirectes peuvent également participer à la procédure en tant que parties civiles

38 Non souligné dans l’original.

39 Règle 23 bis 1) b) du règlement Intérieur des Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgiens (anciennement règle 23 2) b) du règlement intérieur des CETC), qui dispose : « [p]our que l’action de la partie civile soit recevable, la personne ayant formé une demande de constitution de partie civile doit : [...] b) démontrer qu’elle a effectivement subi un préjudice corporel, matériel ou moral résultant directement d’au moins un des crimes allégués à l’encontre de la personne mise en examen, et susceptible de servir de fondement à une demande de réparation collective et morale ».

40 Arrêt Duch, par. 416. Voir note de bas de page 32.

Page 130: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

130

Qualité de victime participant à la procédure JME

dès lors qu’elles ont « subi un préjudice résultant directement des crimes commis à l’encontre de la (des) victime(s) directe(s)41 ».

42. Il est également utile de rappeler la jurisprudence de la CPI concernant les victimes, même si la définition qu’elle donne de ce terme diffère de celle applicable devant le Tribunal. En particulier, il n’est pas nécessaire, dans la définition de la CPI, que le préjudice subi par la victime « résulte directement » de la commission du crime42. Il est intéressant de noter que la Chambre d’appel de la CPI a conclu que, dès lors qu’un individu a subi un préjudice personnel, « il peut concerner aussi bien des victimes directes qu’indirectes »43. Le Juge de la mise en état reprend cette conclusion à son compte.

43. Troisièmement, l’interprétation susmentionnée de la définition d’une victime, englobant à la fois les victimes « directes » et « indirectes », est conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. Le Juge de la mise en état rappelle en particulier les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire de 2005 (« les principes fondamentaux de l’ONU »)44. Bien que ce document ne traite pas de la participation des victimes dans les procédures pénales mais des obligations faites aux États d’offrir des voies de recours et de réparation aux victimes de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire, il implique une certaine reconnaissance de la qualité de victime des victimes indirectes, en conformité avec le droit interne de l’État concerné45.

41 Id., par. 417.

42 L’Article 85 a) du Règlement de procédure et de preuve de la CPI définit en tant que victime « toute personne physique qui a subi un préjudice du fait de la commission d’un crime relevant de la compétence de la Cour ».

43 Cf., par exemple, CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, affaire n° ICC-01/04-01/06 OA 9 OA 10, Arrêt relatif aux appels interjetés par le Procureur et la Défense contre la Décision relative à la participation des victimes rendue le 18 janvier 2008 par la Chambre de première instance I, 11 juillet 2008, par. 1.

44 Adoptés et proclamés par l’Assemblée Générale des Nations Unies dans la résolution A/RES/60/147 du 16 décembre 2005.

45 « Aux fins du présent document, on entend par « victimes » les personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omissions constituant des violations flagrantes du droit international des droits de l’homme ou des violations graves du droit

Page 131: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

131

Qualité de victime participant à la procédure JME

44. Enfin, le Juge de la mise en état renvoie à l’article 134 du Code des obligations et des contrats libanais, qui prévoit l’octroi de réparations pour les dommages indirects, dès lors qu’ils se rattachent clairement au fait délictuel ou quasi-délictuel concerné46.

45. À la lumière de ce qui précède, le Juge de la mise en état conclut que la condition requérant que le préjudice résulte directement de l’attentat ne limite pas la reconnaissance du statut de VPP aux seules victimes directes, mais peut aussi s’étendre aux victimes indirectes ayant subi un préjudice personnel en conséquence directe de l’attentat.

46. Eu égard à l’interprétation du terme « direct » dans le cadre de l’article 2 du Règlement, le Juge de la mise en état considère qu’il constitue un facteur limitatif qui restreint la reconnaissance de la qualité de victime aux seules personnes ayant un lien étroit avec l’attentat ou à ses victimes directes. Le caractère étroit des relations dépend du contexte47. La question qui se pose est celle du degré de proximité nécessaire — et sur quelle base — entre une victime indirecte et la victime directe, pour que la première puisse être qualifiée de VPP.

d. degré de proximité nécessaire entre les victimes directes et les victimes indirectes sollicitant le statut de Vpp

i. Observations de l’Accusation

47. Sur le point précité, l’Accusation fait valoir qu’outre les membres de la famille proche48 de la personne tuée ou blessée, les personnes entretenant avec elle des liens

international humanitaire. Le cas échéant, et conformément au droit interne, on entend aussi par « victimes » les membres de la famille proche ou les personnes à charge de la victime directe et les personnes qui, en intervenant pour venir en aide à des victimes qui se trouvaient dans une situation critique ou pour prévenir la persécution, ont subi un préjudice » (Principes fondamentaux de l’onu, par. 8).

46 Code des obligations et des contrats libanais, art. 134 : « [l]es dommages indirects doivent être pris en considération, mais pourvu qu’ils se rattachent clairement au fait délictuel ou quasi-délictuel ».

47 Arrêt Duch, par. 562.

48 Le Juge de la mise en état observe qu’en langage juridique, on entend par membres de la famille proche « les parents d’[une] personne, son conjoint, ses enfants et ses frères et sœurs ». Cf. B. A. Garner (ed.), Black’s Law Dictionary, 9e éd. (St. Paul: West, 2009), p. 679.

Page 132: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

132

Qualité de victime participant à la procédure JME

d’une étroitesse comparable peuvent également demander le statut de VPP49. Qui plus est, de l’avis de l’Accusation, l’étroitesse des liens nécessaire est la même, que la personne ait été tuée ou blessée dans l’attentat50.

ii. Observations de la SPV

48. La SPV avance que des personnes n’appartenant pas au cercle de la famille proche peuvent être reconnues en tant que victimes. Cependant, le test applicable pour statuer sur la participation n’est pas le même selon que la victime directe a été tuée ou blessée. En cas de décès de la victime directe, il convient d’évaluer si la personne sollicitant la qualité de VPP a des liens personnels étroits ou un lien d’affection ou de dépendance particulier avec le défunt51. Si la victime directe a subi un préjudice autre que la mort, les demandes émanant de victimes indirectes doivent être examinées au cas par cas en tenant compte : i) de la nature du préjudice subi par la victime directe ; ii) de la nature et de l’étroitesse des liens entre la victime directe et les requérants ; et iii) du préjudice subi, le cas échéant, par le requérant lui-même52.

iii. Examen des arguments

49. Le Juge de la mise en état observe que d’autres tribunaux ont octroyé avec constance le droit de participer en tant que victimes et le statut de partie civile à d’autres personnes que les membres de la famille proche53. Néanmoins, ces tribunaux ont limité la participation des victimes indirectes aux seuls cas où « des

49 Observations de l’Accusation, par. 8.

50 Id., par. 7.

51 Observations de la SPV, par. 17.

52 Id, par. 17 iv).

53 Cf. CPI, Le Procureur c. Bahar Idriss Abu Garda, affaire n° ICC-02/05-02/09-255, Décision relative aux demandes a/0655/09, a/0656/09, a/0736/09 à a/0747/09 et a/0750/09 à a/0755/09 de participation à la phase préliminaire de la procédure, Chambre préliminaire I, 19 mars 2010, par. 28. La Chambre de la Cour suprême des CETC a dit que « la catégorie des victimes indirectes ne se limite pas à un type de personnes spécifiques tel que les membres des familles ». Cf. Arrêt Duch, par. 418.

Page 133: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

133

Qualité de victime participant à la procédure JME

liens personnels étroits »54 ou « des liens particuliers d’affection ou de dépendance » avaient été établis entre les victimes directes et indirectes55.

50. À la lumière de ce qui précède, le Juge de la mise en état conclut que, outre les parents au premier degré, les personnes ayant des liens d’une étroitesse comparable avec la victime directe, et d’autres membres de la famille élargie ayant un lien d’affection ou de dépendance particulier avec la victime directe peuvent aussi être considérés comme ayant subi un préjudice résultant directement de l’attentat. De plus, l’étroitesse des liens nécessaire pour accorder le statut de VPP reste la même, que la victime directe ait été tuée ou blessée. Toutefois, pour établir la preuve du préjudice subi par les victimes indirectes, les critères diffèrent selon le préjudice subi par les victimes directes et l’étroitesse des liens entre les victimes directes et indirectes56.

e. preuve de la conséquence directe

51. Pour établir si le préjudice subi par un requérant revendiquant la qualité de victime directe a été la conséquence directe de l’attentat, le Juge de la mise en état appréciera si les circonstances particulières du préjudice subi — c’est-à-dire, où et quand il est intervenu —correspondent de prime abord à celles de l’attentat.

52. Il conviendra d’évaluer au cas par cas quels éléments de preuve (documentaires ou autres) suffiront à remplir cette condition et de prendre en compte tous les éléments pertinents du contexte57. En règle générale, les requérants prétendant avoir subi un préjudice physique ou moral en tant que victimes directes doivent faire la preuve, au minimum, qu’ils étaient présents sur le lieu de l’attentat au moment où il s’est

54 Arrêt de la Chambre d’appel du 11 juillet 2008 en l’affaire Lubanga, par. 32. Voir note de bas de page 41.

55 Arrêt Duch, par. 562.

56 Ces conditions intéressant la preuve sont examinées plus loin dans les parties consacrées à chaque type de préjudice.

57 CPI, Le Procureur c. Joseph Kony, Vincent Otti, Okot Odhiambo, Dominic Ongwen, affaire n° ICC02/0401/05371, Arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense contre les décisions rendues par la Chambre préliminaire II relativement aux demandes de participation des victimes a/0010/06, a/0064/06 à a/0070/06, a/0081/06, a/0082/06, a/0084/06 à a/0089/06, a/0091/06 à a/0097/06, a/0099/06, a/0100/06, a/0102/06 à a/0104/06,a/0111/06, a/0113/06 à a/0117/06, a/0120/06, a/0121/06 et a/0123/06 à a/0127/06, Chambre d’appel, 23 février 2009, par. 36 (« Arrêt de la Chambre d’appel du 23 février 2009 en l’affaire Kony »).

Page 134: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

134

Qualité de victime participant à la procédure JME

produit. Si toutes les démarches raisonnables pour fournir des documents officiels ou une déclaration écrite à cet effet ont été entreprises mais n’ont pu aboutir, les requérants doivent informer le Juge de la mise en état de l’impossibilité où ils se trouvent de produire les documents requis et en préciser les raisons. À cette fin, les requérants peuvent solliciter l’assistance de la SPV.

53. De même, les victimes indirectes qui souffrent en conséquence du préjudice physique ou moral infligé à la victime directe doivent démontrer la présence de la victime directe sur le lieu de l’attentat, comme il a été indiqué plus haut. Elles doivent en outre faire la preuve du lien de parenté, des liens personnels étroits ou du lien d’affection particulière ou de dépendance qui les unit, selon le cas, à la victime directe.

54. Les mêmes critères s’appliquent mutatis mutandis aux requérants sollicitant réparation d’un préjudice matériel résultant directement de l’attentat. Ces derniers devront prouver au minimum que les biens qui ont été endommagés ou détruits se trouvaient à proximité du lieu de l’attentat.

3. le requérant a subi un préjudice physique, matériel ou moral

55. Conformément à la dernière condition énoncée dans la définition de la victime à l’article 2 du Règlement, le requérant doit avoir subi un préjudice physique, matériel ou moral.

56. Le Juge de la mise en état relève que le préjudice physique, matériel ou moral n’est défini ni dans le Statut ni dans le Règlement. Par conséquent, il interprétera ces notions conformément à l’esprit du Statut et aux principes d’interprétation énoncés dans la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, susmentionnée58. Il aura plus particulièrement recours à la jurisprudence d’autres tribunaux pénaux internationaux qui se sont prononcés sur des questions semblables.

57. Le Juge de la mise en état relève également que les trois formes de préjudice mentionnées à l’article 2 du Règlement – à savoir, physique, matériel et moral – sont

58 Voir par. 23 ci-dessus.

Page 135: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

135

Qualité de victime participant à la procédure JME

énumérées à titre subsidiaire. Par conséquent, il estime que les moyens de preuve démontrant de prime abord une forme de préjudice suffisent pour accorder la qualité de victime participant à la procédure, si les autres conditions établies à l’article 86 B) sont remplies59.

58. Compte tenu de ce qui précède, si un requérant allègue avoir subi plusieurs formes de préjudice, le Juge de la mise en état ne se prononcera qu’au sujet d’une de ces formes s’il est convaincu que les moyens de preuve la concernant sont de prime abord suffisants. Cela ne signifie pas que les autres formes de préjudice n’ont pas été établies de prime abord. Ainsi, les conclusions du Juge de la mise en état concernant les questions relatives au préjudice subi ne peuvent servir de fondement à un refus de réparation pour les victimes au motif qu’elles ont exclusivement subi la forme de préjudice qu’il a expressément admise dans la présente décision.

59. Enfin, le Juge de la mise en état estime qu’un critère commun s’applique aux trois formes de préjudice, à savoir qu’elles doivent personnellement concerner l’individu (le requérant doit avoir personnellement subi le préjudice allégué), et ce, conformément à la jurisprudence d’autres tribunaux60. Lorsque la victime est représentée par une personne agissant en son nom, le préjudice doit avoir été subi par la victime et non par le requérant.

60. Le Juge de la mise en état va maintenant examiner le niveau de preuve applicable aux trois formes de préjudice et déterminer comment le satisfaire (Section a). Il abordera ensuite successivement chaque forme de préjudice (Sections b, c et d).

a. niveau de preuve

61. Afin de déterminer si les requérants ont subi un préjudice, le Juge de la mise en état est tenu d’appliquer un niveau de preuve suffisant de prime abord61. Par conséquent, il déterminera s’il existe de prime abord des motifs suffisants de croire qu’un requérant a subi un préjudice.

59 Voir sections IV.B., C., D. et E. ci-après.

60 Arrêt de la Chambre d’appel du 11 juillet 2008 en l’affaire Lubanga, par. 1, 38 et 39.

61 Article 86 B) i) du Règlement du TSL.

Page 136: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

136

Qualité de victime participant à la procédure JME

62. Le principe général veut que les requérants doivent produire, dans la mesure du possible, des éléments de preuve documentaires justifiant le préjudice subi, à l’appui de leur demande. La valeur probante des éléments de preuve documentaires pertinents sera évaluée au cas par cas. En règle générale, seuls les documents à caractère officiel62 seront admis comme moyen de preuve suffisant de prime abord. Le Juge de la mise en état estime que les éléments de preuve documentaires qui ne sont pas de caractère officiel, tels que des articles de journaux, peuvent fournir des informations utiles. Cependant, en tant que tels, ils ne satisfont généralement pas le niveau de preuve nécessaire pour établir de prime abord le préjudice subi par un requérant.

b. la notion de préjudice

63. Le Juge de la mise en état fait observer qu’en vue de l’analyse ci-après des formes particulières de préjudice, il convient dans un premier temps de définir le sens général du terme « préjudice ». À cet égard, il considère que le sens ordinaire du terme « préjudice », en tant que concept juridique est applicable. Aux fins de la présente décision, le terme « préjudice » figurant à l’article 2 du Règlement peut être compris au sens de « [TRADUCTION] tort, perte, dommage ; préjudice matériel ou physique »63.

c. préjudice physique

i. La notion de préjudice physique

64. Le terme « physique » se rapporte à un élément « [TRADUCTION] corporel et non moral ; impliquant le corps ; charnel »64. Par conséquent, le Juge de la mise en état estime que le « préjudice physique » prévu à l’article 2 du Règlement doit être interprété comme un « dommage corporel ». La notion de « préjudice » a également

62 Par l’expression « documents de caractère officiel », le Juge de la mise en état désigne les documents délivrés par une autorité ou une personne compétente pouvant en général faire l’objet d’une vérification indépendante, et n’entend pas limiter la catégorie à des documents notariés, certifiés ou portant quelque mention officielle.

63 B. A. Garner (éd.), Black’s Law Dictionary, note de bas de page 48 ci-dessus, p. 784.

64 Shorter Oxford English Dictionary, 6e éd. (New York : Oxford University Press, 2007), Vol. 2, p. 2194.

Page 137: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

137

Qualité de victime participant à la procédure JME

été interprétée de la sorte dans les règlements de procédure et de preuve de la CPI et des CETC65.

65. Le Juge de la mise en état relève en outre que l’article 2 du Règlement n’établit aucun seuil explicite de gravité concernant le préjudice physique que le requérant aurait subi. D’après la législation et la jurisprudence nationales relatives à la notion de dommage corporel, le préjudice physique juridiquement pertinent ne doit pas nécessairement mettre la vie en danger ou être permanent66. Cependant, il doit, de par sa nature et sa gravité, porter atteinte à la santé ou au bien-être de la victime67. Compte tenu de ce qui précède, le Juge de la mise en état considère qu’un préjudice passager ou sans importance ne constitue pas un préjudice physique au sens de l’article 2 du Règlement. Ce principe est en outre conforme à l’esprit de cette disposition, qui vise à définir la notion de « victime » de manière plutôt étroite, de sorte que « les victimes ne soient pas trop nombreuses », « alourdissant et ralentissant ainsi » les procédures68.

66. En conclusion, le Juge de la mise en état estime que le « préjudice physique » comprend les dommages corporels substantiels, impliquant d’ordinaire un certain traitement médical pour la victime.

65 Même si le Statut de Rome ne mentionne pas de « préjudice physique » (voir note de bas de page 42 ci-dessus), les chambres préliminaires de la CPI ont soutenu que le « préjudice » au sens de la règle 85a) du Règlement de procédure et de preuve comprenait les dommages physiques, les souffrances émotionnelles et les pertes économiques. Voir, par exemple, Victims’ Participation Decision [Décision relative à la participation des victimes] en l’affaire Ruto, 5 août 2011, par. 50 ; Situation en République démocratique du Congo, Version publique expurgée, Décision sur les demandes de participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6, Chambre préliminaire I, 17 janvier 2006 (« Décision RDC relative à la participation »), par. 172 (laquelle renvoie également à la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme). Selon la Chambre de la Cour suprême des CETC, le préjudice subi par un requérant doit être « [TRADUCTION] physique, matériel ou moral » et « [TRADUCTION] le préjudice physique dénote un dommage biologique, anatomique ou fonctionnel. Il peut être décrit comme une blessure, un mutilation, une défiguration, une maladie, la perte ou le disfonctionnement d’organes, ou le décès ». Voir Appeal Judgment [Arrêt] en l’affaire Duch, par. 415. Voir note de bas de page 34 ci-dessus.

66 Voir, par exemple, R. v. Bollom [2004] 2 Cr App R 50, par. 53.

67 Voir, par exemple, R. v. Donovan [1934] 2 KB 498, p. 509. Dans le Code criminel canadien, les « lésions corporelles » sont définies comme une « blessure qui nuit à la santé ou au bien-être d’une personne et qui n’est pas de nature passagère ou sans importance » (sect. 2).

68 Mémoire explicatif du Président du Tribunal, par. 18 et 19.

Page 138: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

138

Qualité de victime participant à la procédure JME

ii. Preuve du préjudice physique

67. Le Juge de la mise en état rappelle sa conclusion du paragraphe 52 ci-dessus concernant les moyens de preuve nécessaires pour satisfaire au niveau de preuve et répondre au critère de « résultat direct », et estime qu’elle s’applique également à la preuve du préjudice physique. Un requérant est tenu de produire, dans la mesure du possible, des documents médicaux concernant le préjudice qu’il aurait subi, tels qu’un dossier médical fourni par un médecin, un hôpital ou un centre de soins, des résultats de radiographie ou de scanner et une ordonnance le cas échéant. Il est en outre nécessaire d’établir de prime abord que le préjudice physique est la conséquence de l’attentat.

d. préjudice matériel

iii. La notion de préjudice matériel

68. En vue d’interpréter la notion de « préjudice matériel » figurant à l’article 2 du Règlement, le Juge de la mise en état renvoie à l’examen de la notion de « préjudice » au paragraphe 63 ci-dessus. S’agissant du terme « matériel », son sens ordinaire dans le langage juridique est le suivant : « [TRADUCTION] se rapportant à […] des biens matériels »69.

69. La question est de savoir si la notion de préjudice matériel comprend, pour un requérant, la perte de son emploi et du revenu correspondant. L’Accusation soutient que « [TRADUCTION] de manière générale, un préjudice matériel ne peut être que le résultat direct d’un attentat reconnu», et désigne ainsi « [TRADUCTION] les dommages causés aux biens, aux véhicules ou aux immeubles que possède le requérant »70. Cependant, l’Accusation soutient également que dans certaines circonstances, la perte d’un emploi et du revenu correspondant peut constituer un préjudice matériel, dès lors qu’ils résultent directement d’un attentat reconnu71.

69 B. A. Garner (dir.), Black’s Law Dictionary, note de bas de page 48 ci-dessus, p. 1066.

70 Observations de l’Accusation, par. 10.

71 Id., par. 11.

Page 139: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

139

Qualité de victime participant à la procédure JME

70. La Section de participation des victimes affirme que « [TRADUCTION] le préjudice matériel doit être interprété comme englobant la perte d’un emploi et du revenu correspondant »72. De plus, la Section soutient que les personnes à la charge des victimes directes (à savoir les personnes qui dépendent financièrement de celle dont la perte de revenus résulte directement d’un attentat reconnu) peuvent également invoquer un préjudice matériel résultant de l’attentat73.

71. Dans la jurisprudence de la CPI, le préjudice au sens de la règle 85a) du Règlement de procédure et de preuve a été interprété notamment comme une perte économique74, laquelle peut être revendiquée à la fois par les victimes directes et indirectes75. De même, dans la pratique au sein des CETC, la notion de préjudice matériel renvoie à « [TRADUCTION] une perte de valeur d’un objet matériel, telle que la destruction totale ou partielle d’un bien meuble, ou la perte de revenus »76.

72. Par conséquent, le Juge de la mise en état considère que le « préjudice matériel » prévu à l’article 2 du Règlement renvoie à un dommage causé à un bien, la destruction ou la détérioration d’un bien, la perte de revenus ou de moyens de subsistance, ainsi que d’autres formes de pertes financières.

iv. Preuve du préjudice matériel

73. Lorsqu’un requérant invoque la perte d’un bien ou un dommage matériel causé à un bien, il est tenu de fournir des moyens de preuve suffisants permettant d’établir de prime abord son titre de propriété concernant ledit bien, ainsi que des

72 Observations de la SPV, par. 18.

73 Id., par. 20.

74 Victims’ Participation Decision [Décision relative à la participation des victimes] en l’affaire Ruto, 5 août 2011, par. 50. Voir également note de bas de page 65 ci-dessus.

75 Voir, par exemple, CPI, Le Procureur c. Bahar Idriss Abu Garda, affaire n° ICC-02/05-02/09, Public Redacted Version of “Decision on the 52 Applications for Participation at the Pre-Trial Stage of the Case” [Version publique expurgée de la Décision relative aux 52 demandes de participation au stade préliminaire de l’affaire], 9 octobre 2009, par. 93 à 96 ; Decision on ‘Indirect Victims’ [Décision relative aux victimes indirectes] en l’affaire Lubanga, par. 49 et 50.

76 Appeal Judgment [Arrêt] en l’affaire Duch, par. 415.

Page 140: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

140

Qualité de victime participant à la procédure JME

éléments de preuve suffisants permettant d’établir de prime abord la destruction ou le dommage causé audit bien en raison de l’attentat.

74. Le Juge de la mise en état rappelle sa conclusion du paragraphe 52 ci-dessus concernant les moyens de preuve suffisants pour satisfaire le niveau de preuve et estime qu’elle s’applique également à la preuve du préjudice matériel. Afin d’établir la propriété du bien, des documents tels que des titres de propriété, des papiers d’enregistrement du bien ou tout document équivalent établissant la propriété au Liban, ainsi que des factures, des attestations d’assurance et autres pièces semblables sont valables. Outre ce qui précède, le préjudice matériel subi peut être établi en fournissant les demandes d’indemnisation auprès des compagnies d’assurance et tout autre élément de preuve documentaire (à titre d’exemple, des photographies ou des enregistrements vidéo du bien endommagé). Exceptionnellement, le Juge de la mise en état peut accepter d’autres documents comme moyens de preuve du préjudice matériel, tels qu’une déclaration de témoin confirmant le préjudice matériel subi par un requérant.

75. Les requérants qui indiquent avoir subi un préjudice matériel en raison de la perte de revenus doivent présenter des moyens de preuve suffisants établissant de prime abord, d’une part, leurs revenus antérieurs, en fournissant notamment des contrats d’embauche, des feuilles de paye et des déclarations fiscales et, d’autre part, leur incapacité de travail temporaire ou permanente. À cette fin, le requérant peut présenter des éléments de preuve documentaires établissant notamment : i) un lieu de travail détruit ; ii) une incapacité ; ou iii) les reçus d’allocations de chômage.

e. préjudice moral

v. La notion de préjudice moral

76. Dans son interprétation de la notion de « préjudice moral » visée à l’article 2 du Règlement, le Juge de la mise en état se réfère à l’analyse du terme « préjudice »

Page 141: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

141

Qualité de victime participant à la procédure JME

évoquée au paragraphe 63 ci-dessus. S’agissant du terme « moral », sa signification courante est « [traduction] se rapportant ou ayant trait à l’esprit77 ».

77. Dans la jurisprudence des CETC, le préjudice subi par une victime « [traduction] peut également être psychologique et comprendre les troubles mentaux et les traumatismes psychiatriques tels que le syndrome de stress post-traumatique78 ». En outre, « [traduction] [d]ans les cas graves ou de longue durée, le préjudice psychologique peut entrainer un préjudice physique en provoquant diverses maladies79 ». S’agissant de la CPI, comme indiqué plus haut, le terme « préjudice » est interprété de façon à comprendre la notion de « souffrance émotionnelle80 ». Le Juge de la mise en état rappelle que les juridictions susmentionnées ont octroyé la qualité de victime aux membres de la famille d’une personne décédée ou blessée, ou à d’autres personnes partageant un lien étroit avec celle-ci, en s’appuyant sur la souffrance émotionnelle provoquée par le décès ou les blessures en question81.

78. À la lumière de ce qui précède, le Juge de la mise en état conclut que la notion de préjudice moral visée à l’article 2 du Règlement comprend le préjudice d’ordre émotionnel, psychologique ou psychiatrique. Il estime, en outre, que pour être qualifié de « préjudice » aux fins de l’octroi de la qualité de VPP, un trouble émotionnel doit revêtir un caractère de gravité. De fait, le droit reconnaît uniquement les troubles émotionnels « [traduction] d’une gravité telle qu’aucun être doué de raison n’est censé pouvoir les supporter82 », à l’exclusion des troubles émotionnels passagers et bénins. La jurisprudence des CETC adopte une position similaire. Ainsi, les co-juges d’instruction ont conclu que :

[Le] préjudice moral revêt une dimension et un caractère distincts de la souffrance émotionnelle qu’a pu éprouver les témoins et leur demande sera

77 Oxford English Dictionary, note 64 ci-dessus, Vol. 1, 1752.

78 Arrêt Duch, par. 415.

79 Id., par. 417.

80 Cf. note 65 ci-dessus.

81 Voir, par exemple, Décision Lubanga sur les victimes indirectes, par. 50 ; Arrêt Duch, par. 417.

82 B. A. Garner (ed.), Black’s Law Dictionary, note 48 ci-dessus, 601.

Page 142: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

142

Qualité de victime participant à la procédure JME

rejetée, a moins qu’ils ne démontrent avoir été témoins de faits d’une violence et d’une nature particulièrement traumatisantes83.

vi. Preuve du préjudice moral

79. Le Juge de la mise en état rappelle ses conclusions, figurant au paragraphe 52 ci-dessus, quant aux moyens de preuve suffisants requis aux fins de satisfaire au niveau de preuve, et estime qu’elles s’appliquent également aux moyens de preuve relatifs au préjudice moral. Les requérants prétendant avoir subi un préjudice moral doivent fournir des preuves documentaires établissant le préjudice subi sous forme d’attestation délivrée par un médecin, un psychologue, un psychiatre ou un conseiller psychologique qualifiés.

80. S’agissant du préjudice moral occasionné par le décès ou les lésions corporelles d’un membre de la famille, le Procureur affirme que la nécessité d’établir de prime abord le préjudice subi par une victime indirecte s’applique également auxdits requérants84. En d’autres termes, selon le Procureur, un tel préjudice ne doit pas être présumé, nonobstant la jurisprudence de la CPI et des CETC en faveur d’une telle présomption85.

81. La SPV fait valoir que lorsque la victime directe a été tuée lors d’un attentat, l’existence d’un lien personnel étroit ou d’un lien d’affection et de dépendance entre le défunt et les membres de sa famille proche devrait être présumée86. À l’inverse, il ressort des observations de la SPV qu’un tel lien de parenté ou d’affection doit être démontré dans le cas de personnes n’appartenant pas au cercle de la famille proche d’une victime directe tuée lors d’un attentat. Ce même lien personnel ou lien

83 CETC, Nuon Chea, Dossier n° 002/19-09-2007-ECCC-OCIJ, Ordonnance sur la recevabilité des constitutions de parties civiles résidant dans la Province de Kratie, Bureau des co-juges d’instruction, 9 septembre 2010, par. 15 d).

84 Observations de l’Accusation, par. 7.

85 Id., par. 9.

86 Selon la SPV, les membres de la famille proche comprennent les parents au premier degré et les personnes dont le rôle est assimilé à celui de ces parents. Cf. Observations de la SPV, par. 17 iii).

Page 143: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

143

Qualité de victime participant à la procédure JME

d’affection étroit doit également être démontré dans les cas où la victime directe a subi un préjudice autre que la mort87.

82. Le Juge de la mise en état rappelle que, en règle générale, les requérants se trouvant être des victimes indirectes doivent faire la preuve, dans la mesure du possible, du préjudice moral qu’ils ont subi88. En outre, ils doivent fournir les éléments de preuve établissant i) le préjudice subi par la victime directe ; et ii) le lien de parenté ou autre lien personnel étroit les unissant à la victime directe (au moyen, par exemple, du livret de famille, ou en l’absence de celui-ci, la déclaration d’un témoin crédible).

83. Par ailleurs, le Juge de la mise en état observe que la charge de la preuve du préjudice moral subi par les victimes indirectes est fonction de l’importance du préjudice subi par la victime directe ainsi que de l’étroitesse du lien unissant les deux personnes. S’agissant du premier élément, si la victime directe n’a subi que des blessures légères, le trouble émotionnel encouru par les membres de sa famille n’atteint pas, sauf preuve du contraire, le niveau de préjudice requis aux fins de prétendre à la qualité de VPP.

84. S’agissant de l’étroitesse du lien existant entre victimes directes et indirectes, les parents au premier degré sont présumés entretenir un lien d’affection particulier avec la victime directe. Par conséquent, le préjudice subi par lesdits membres de la famille proche peut être présumé en cas de décès de la victime directe, conformément à la jurisprudence émanant d’autres juridictions internationales89. Ladite présomption vise également les personnes entretenant avec le défunt un lien de proximité comparable (par exemple, les personnes dont le rôle est assimilé à celui des parents au premier degré), à condition qu’elles démontrent de prime abord au Juge de la mise en état l’existence du lien les unissant à la victime directe. Le préjudice allégué par les membres de la famille élargie peut, dans des circonstances exceptionnelles, être

87 Id., par. 17 iv).

88 Cf. par. 62 ci-dessus.

89 Cf., par exemple, Arrêt Duch, par. 562 ; Arrêt de la Chambre d’appel du 23 février 2009 en l’affaire Kony, par. 36.

Page 144: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

144

Qualité de victime participant à la procédure JME

considéré comme le résultat direct de l’attentat si le requérant peut faire la preuve d’un lien personnel d’une étroitesse suffisante avec la victime directe90.

B. Est-il porté atteinte aux intérêts personnels du requérant ?

85. Le deuxième critère d’octroi de la qualité de victime participant à la procédure, énoncé à l’article 86 B) du Règlement, est qu’il doit être porté atteinte aux intérêts personnels du requérant.

1. Observations de l’Accusation

86. Selon l’Accusation, les expressions « intérêts personnels » et « intérêts personnels légitimes » figurant dans le Statut et le Règlement ont le même sens91. La question de savoir s’il est porté atteinte aux intérêts personnels d’un requérant est une question de fait92. Les intérêts légitimes des requérants comprennent, sans s’y limiter, les demandes de réparation, la recherche de la vérité et la volonté de voir les responsables jugés93. En outre, l’Accusation soutient qu’on ne saurait présumer qu’il est nécessairement porté atteinte aux intérêts personnels d’un requérant ayant subi un préjudice94.

2. Observations de la section de participation des victimes

87. La Section de participation des victimes soutient que la présomption selon laquelle les intérêts d’une victime sont concernés par la procédure pénale devant le Tribunal est valable, et que les intérêts des victimes devraient également être présumés « légitimes », sauf preuve du contraire95. De plus, elle affirme que le concept d’« intérêts personnels », tel qu’établi à l’article 17 du Statut s’avérera plus

90 CETC, Le Procureur c. Kaing Guek Eav « Duch », Dossier n° 001/18-07-2007/ECCC/TC, Jugement, Chambre de première instance, 26 juillet 2010, par. 643 (« Décision Duch »).

91 Observations de l’Accusation, par. 16.

92 Id., par. 12.

93 Id., par. 13.

94 Id., par. 14.

95 Observations de la SPV, par. 30,

Page 145: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

145

Qualité de victime participant à la procédure JME

particulièrement utile lorsqu’il s’agira de déterminer l’admissibilité des modalités spécifiques de participation sollicitées par les victimes ayant obtenu la qualité de victime participant à la procédure96.

3. examen des arguments

88. Le Juge de la mise en état relève que le concept d’« intérêts personnels » figure à la fois à l’article 17 du Statut et à l’article 86 B) ii) du Règlement. En outre, il est également mentionné à l’article 683 du Statut de Rome de la CPI. De plus, l’article 86 B) vi) mentionne les « intérêts personnels légitimes du requérant en jeu durant le procès ». Nonobstant les dites dispositions, l’expression n’est pas définie. Par conséquent, le Juge de la mise en état l’interprétera conformément aux principes d’interprétation énoncés au paragraphe 23 ci-dessus.

89. D’après la jurisprudence pertinente, la notion d’« intérêts personnels » s’entend des intérêts légitimes qu’une victime participant à la procédure doit établir afin de justifier sa participation à la procédure d’une manière spécifique, notamment en appelant des témoins à déposer ou en présentant des éléments de preuve97. En effet, dans la mesure où elles ne sont pas des parties au sens de l’article 2 du Règlement – contrairement à l’Accusation et la Défense qui sont des parties – mais uniquement des participants, les victimes participant à la procédure ne peuvent intervenir dans la procédure de plein droit. Elles sont tenues de démontrer qu’il a été porté atteinte à leurs intérêts personnels.

90. Compte tenu de ce qui précède, le Juge de la mise en état considère que, lorsqu’il détermine si une personne est ou non une victime au sens de l’article 2

96 Id., par. 32.

97 CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, affaire n° ICC-01/04-01/06, Décision relative à la participation des victimes, 18 janvier 2008, par. 96 et 97.

Voir aussi : Arrêt de la Chambre d’appel du 11 juillet 2008 en l’affaire Lubanga, par. 99 ; CPI, Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, affaire n° ICC-01/04-01/07, Décision relative aux modalités de participation des victimes au stade des débats sur le fond, 22 janvier 2010, par. 58 et 62.

Pour un exemple dans le cadre duquel les victimes n’ont pas été autorisées à présenter leurs observations parce qu’elles n’avaient pas démontré en quoi leurs intérêts personnels étaient concernés par la question dont était saisie la Cour, voir : Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, affaire n° ICC-01/04-01/06-925, Décision de la Chambre d’appel sur la demande conjointe des victimes a/0001/06 à a/0003/06 et a/0105/06 du 2 février 2007, relative aux Prescriptions et décision de la Chambre d’appel, 13 juin 2007, par. 23 et 24, 26 à 28.

Page 146: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

146

Qualité de victime participant à la procédure JME

du Règlement, la notion d’« intérêts personnels » est d’une importance toute relative. En effet, leur existence peut être présumée une fois qu’il a été établi que la personne concernée a subi « un préjudice physique, matériel ou moral résultant directement d’un attentat relevant de la compétence du Tribunal »98. Comme indiqué précédemment, la notion d’« intérêts personnels » revêtira davantage d’importance lorsqu’il s’agira de définir les modalités spécifiques de participation des victimes participant à la procédure.

91. Après avoir procédé à une évaluation des Demandes au cas par cas, le Juge de la mise en état conclut qu’il a été porté atteinte aux intérêts personnels de tous les requérants qui – conformément à ses conclusions – ont de prime abord subi un préjudice résultant directement de l’attentat.

C. La participation sollicitée par le requérant vise-t-elle à lui permettre d’exposer ses vues et préoccupations ?

92. Le troisième critère d’octroi de la qualité de victime participant à la procédure, énoncé à l’article 86 B) du Règlement est que la participation sollicitée par le requérant doit lui permettre d’exposer ses vues et préoccupations.

98 Article 2 du Règlement. La Section de participation des victimes a relevé ce qui suit : « [TRADUCTION] Certaines chambres de la CPI ont appliqué ce critère pour accorder à des requérants la qualité de victime participant à la procédure à un certain stade de la procédure. Les chambres concluaient alors généralement qu’en raison du préjudice subi, l’issue de la procédure à un certain stade (par exemple au stade de la confirmation des charges ou lors du procès) présentait un intérêt important pour les victimes en général, et accordaient ainsi la qualité de victime à toutes les personnes répondant à la définition de “victime” ». Observations de la SPV, par. 28. Voir CPI, Le Procureur c. Joseph Kony, Vincent Otti, Okot Odhiambo, Dominic Ongwen, affaire n° ICC-02/04-01/05-252, version publique expurgée, Decision on Victims’ Applications for Participation a/0010/06, a/0064/06 to a/0070/06, a/0081/06 to a/0104/06 and a/0111/06 to a/0127/06 [Décision relative aux demandes de participation des victimes a/0010/06, a/0064/06 à a/0070/06, a/0081/06 à a/0104/06 et a/0111/06 à a/0127/06], Chambre préliminaire II, 10 août 2007, par. 9 et 10.

Voir aussi RDC, décision relative à la participation, par. 63 ; CPI, Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, affaire n° ICC01/04-01/07-579, Public Redacted Version of the “Decision on the 97 Applications for Participation at the Pre-Trial Stage of the Case” [Version publique expurgée de la décision relative aux 97 demandes de participation à la phase préliminaire de l’affaire], Chambre préliminaire I (juge unique), 10 juin 2008, par. 24 et 25 ; CPI, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, affaire n° ICC-01/05-01/08, Quatrième décision relative à la participation des victimes, Chambre préliminaire III (juge unique), 12 décembre 2008, par. 91.

Page 147: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

147

Qualité de victime participant à la procédure JME

1. Observations de l’Accusation

93. L’Accusation soutient que les vues et préoccupations des victimes doivent se rapporter aux poursuites pénales à l’encontre de personnes accusées d’être responsables d’attentats relevant de la compétence du Tribunal99. Ce principe se justifie par le fait que l’objectif de l’article 17 du Statut, qui doit être examiné afin d’interpréter ce critère, est de régir les procédures pénales se déroulant devant le Tribunal100.

2. Observations de la section de participation des victimes

94. La Section de participation des victimes fournit une analyse de l’évolution de l’expression « vues et préoccupations » figurant à l’article 17 du Statut et mentionne la jurisprudence de la CPI quant à la nature et l’étendue de la participation à la procédure des victimes participant à la procédure101. La Section soutient que l’expression « vues et préoccupations » doit être interprétée comme comprenant toute intervention que les victimes sont autorisées à faire dans la procédure102.

3. examen des arguments

95. Le Juge de la mise en état relève que le concept de « vues et préoccupations » figure à la fois à l’article 17 du Statut et à l’article 86 B) iii) du Règlement. S’inspirant de l’article 6b de la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir, adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies le 29 novembre 1985103, cette notion apparaît également à l’article 683 du Statut de Rome de la CPI, tout comme la notion

99 Observations de l’Accusation, par. 17.

100 Id.

101 Observations de la SPV, par. 34. La Section de participation des victimes soutient que l’article 17 du Statut du TSL est fondé sur l’article 683 du Statut de Rome de la CPI, article fondé à son tour sur la résolution de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir, A/RES/40/34, 29 novembre 1985, par. 6b.

102 Observations de la SPV, par. 36.

103 A/RES/40/34 (1985), Annexe, par. 6b.

Page 148: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

148

Qualité de victime participant à la procédure JME

d’« intérêts personnels ». Cependant, les dispositions précitées ne définissent pas le concept de « vues et préoccupations ».

96. D’après la jurisprudence pertinente, ce critère renvoie à la motivation générale des personnes souhaitant participer à la procédure en tant que victimes, ainsi qu’aux modalités de leur participation à des stades précis de la procédure. S’agissant du premier élément, les requérants doivent être motivés par la volonté de contribuer à la quête de la justice, en cherchant par exemple à établir la vérité ou à obtenir la reconnaissance du préjudice qu’ils auraient subi104. Ainsi, leur objectif ne peut être de porter atteinte à l’intégrité ou au déroulement équitable et efficace de la procédure. S’agissant du deuxième aspect, il implique que les victimes participant à la procédure sont tenues d’exposer leurs vues et préoccupations conformément aux modalités spécifiquement prévues par le Règlement105.

97. Compte tenu de ce qui précède, le Juge de la mise en état estime que, à ce stade de la procédure, seul le premier aspect du critère est applicable. En d’autres termes, le Juge de la mise en état doit déterminer si les personnes souhaitant participer à la procédure visent un objectif légitime. Le second aspect de la notion présente uniquement un intérêt pour se prononcer, au stade approprié de la procédure, sur les modalités spécifiques de la participation sollicitée par les victimes participant à la procédure.

104 Décision relative à la participation des victimes en l’affaire Lubanga, par. 97 et 98 ; Décision relative aux modalités en l’affaire Katanga, par. 59 (conclusion applicable non modifiée par la Chambre d’appel de la CPI, Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, affaire n° ICC01/0401/07 OA 11, Arrêt relatif à l’appel interjeté par Germain Katanga contre la Décision relative aux modalités de participation des victimes au stade des débats sur le fond, rendue le 22 janvier 2010 par la Chambre de première instance II, 16 juillet 2010).

Voir aussi l’opinion séparée du juge Pikis dans la Décision de la Chambre d’appel sur la demande conjointe en l’affaire Lubanga.

105 Voir, par exemple : Décision relative à la participation des victimes en l’affaire Lubanga, par. 98, Décision relative aux modalités en l’affaire Katanga, par. 58 et 62, et à titre général 68 à 85 ; Le Procureur c. JeanPierre Bemba Gombo, affaire n° ICC-01/05-01/08-807, Corrigendum to Decision on the Participation of Victims in the Trial and on 86 Applications by Victims to Participate in the Proceedings [Rectificatif de la décision relative à la participation des victimes au procès et aux 86 demandes de participation à la procédure déposées par des victimes], Chambre de première instance III, 12 juillet 2010, par. 27 et suiv. ; Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, affaire n° ICC-01/04-01/06, Decision on the Request by Victims a/0225/06, a/0229/06 and a/0270/07 to express their views and concerns in person and to present evidence during the trial [Décision relative à la requête des victimes a/0225/06, a/0229/06 et a/0270/07 visant à exposer leurs vues et préoccupations en personne et à présenter des éléments de preuve pendant le procès], Chambre de première instance I, 26 juin 2009.

Page 149: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

149

Qualité de victime participant à la procédure JME

98. Après avoir procédé à une évaluation des Demandes au cas par cas, le Juge de la mise en état conclut que les requérants qui répondent aux autres critères énoncés à l’article 86 B) du Règlement entendent exposer leurs vues et préoccupations. Lorsqu’un requérant n’a présenté aucune raison spécifique pour participer à la procédure devant le Tribunal, le Juge de la mise en état a examiné si sa volonté de participer à la procédure se dégage de l’ensemble de sa demande.

D. La participation sollicitée par le requérant serait-elle préjudiciable ou contraire aux droits de l’accusé ?

99. Le quatrième critère que le Juge de la mise en état doit impérativement prendre en considération conformément à l’article 86 B) du Règlement consiste à examiner si la participation sollicitée par le requérant serait préjudiciable ou contraire aux droits de l’accusé et aux exigences d’un procès équitable et impartial.

100. Le Juge de la mise en état estime que ce critère peut être satisfait de trois manières au moins. Premièrement, il est nécessaire de s’assurer que les personnes qui obtiennent la qualité de victime participant à la procédure et qui, par conséquent, y participent, sont légitimement concernées conformément au critère examiné précédemment, à savoir : 1) elles sont victimes au sens de l’article 2 du Règlement ; 2) il a été porté atteinte à leurs intérêts personnels ; 3) leurs vues et préoccupations répondent à des objectifs légitimes. Deuxièmement, les victimes participant à la procédure sont généralement représentées par des représentants légaux communs qui – de par leur expérience professionnelle et leurs obligations déontologiques – sont tenus d’assurer l’intégrité et la rapidité de la procédure. Troisièmement, s’agissant de la préparation du procès dans le cadre de l’affaire Ayyash et autres, des mesures concrètes seront prises, s’il y a lieu, pour garantir que la participation des victimes à la procédure ne porte pas atteinte aux droits de l’accusé.

101. Après avoir procédé à une évaluation des Demandes au cas par cas, le Juge de la mise en état estime que, s’agissant des demandes répondant aux autres critères énoncés à l’article 86 B) du Règlement, il n’y a aucune raison de conclure, à ce stade, que la participation des requérants à la procédure serait préjudiciable ou contraire aux droits de l’accusé et aux exigence d’un procès équitable et impartial.

Page 150: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

150

Qualité de victime participant à la procédure JME

E. Autres critères

102. Outre les critères susmentionnés et déjà examinés, le Juge de la mise en état peut également prendre en considération d’autres éléments. À cet égard :

i) S’agissant de l’article 86 B) v) du Règlement quant à la question de savoir si un requérant est susceptible d’être un témoin, cette décision sera prise en temps opportun, conformément à l’article 150 D) du Règlement106. Le fait qu’une personne puisse agir en qualité de témoin lors d’un procès ne doit toutefois pas avoir pour effet de la priver de son droit de participer à la procédure en qualité de victime.

ii) S’agissant de l’article 86 B) vi) du Règlement quant à la question de savoir si les intérêts personnels légitimes du requérant en jeu durant le procès sont différents de ceux d’autres victimes participant à la procédure, le Juge de la mise en état estime que la pertinence de cette disposition est double. Premièrement, les requérants qui remplissent les conditions visées à l’article 86 B) du Règlement et dont les intérêts personnels sont différents doivent être autorisés à participer aux fins d’exposer leurs vues et préoccupations. À l’inverse, dans d’autres circonstances, le Juge de la mise en état peut limiter la participation d’un requérant à la procédure si les intérêts personnels légitimes en jeu de celui-ci ne diffèrent pas de ceux des autres VPP, et se trouvent par conséquent déjà représentés. En se fondant sur les informations dont il dispose, le Juge de la mise en état considère qu’actuellement cette situation ne se présente pas. Deuxièmement, une décision sur la question de savoir si les intérêts personnels d’un requérant sont différents de ceux d’autres VPP doit être prise, le cas échéant, lors de la répartition des VPP en groupes ayant des représentants légaux communs, conformément à l’article 86 D) du Règlement. Le fait que les intérêts d’une personne puissent être différents de ceux d’autres personnes ne doit toutefois pas avoir pour effet de la priver de son droit de participer à la procédure en qualité de victime.

106 L’article 150 D) du Règlement prévoit que : « Une victime participant à la procédure peut être autorisée à témoigner si la Chambre estime qu’il y va de l’intérêt de la justice. »

Page 151: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

151

Qualité de victime participant à la procédure JME

iii) S’agissant de l’article 86 B) vii) et viii) du Règlement, à savoir, respectivement, l’incidence que pourrait avoir la participation des victimes sur l’intégrité, la dignité, la bonne tenue et l’objectivité de la procédure ainsi que sur sa durée et son efficacité, le Juge de la mise en état observe que, comme susmentionné107, les VPP sont normalement autorisées à participer à la procédure, non pas directement, mais par l’intermédiaire de représentants légaux communs. L’expérience professionnelle et les obligations déontologiques desdits représentants assurent l’intégrité, la dignité, la bonne tenue et l’objectivité de la procédure ainsi que son efficacité. En outre, ces questions seront traitées par la chambre compétente lors de la détermination des modalités de participation des victimes. À cet égard, le Juge de la mise en état estime que, à ce stade de la procédure, les requérants répondent auxdits critères.

iv) S’agissant de l’article 86 B) ix) du Règlement, qui évoque l’incidence que pourrait avoir la participation des victimes sur la sécurité du procès ou de toute personne y participant, le Juge de la mise en état considère que, en se fondant sur les informations dont il dispose, l’octroi de la qualité de VPP aux requérants pertinents n’a aucune incidence négative sur la sécurité du procès ou de toute personne y participant. Si la situation devait se présenter à l’avenir, il serait possible d’y remédier en adoptant les mesures de protections adéquates.

v) S’agissant de l’article 86 B) x) du Règlement quant à savoir si la participation sollicitée par les victimes est susceptible de servir, de toute autre manière, l’intérêt de la justice, il s’agit d’une question qui devra être tranchée, le cas échéant, le moment venu. Il convient de noter que l’intérêt de la justice et les intérêts des victimes se rejoignent communément. Il est vraisemblablement dans l’intérêt des victimes que les crimes fassent l’objet d’enquêtes effectives et, le cas échéant, de poursuites. Dans la présente décision, le Juge de la mise en état est convaincu que la participation des

107 Cf. le paragraphe 100 ci-dessus. Pour une analyse plus approfondie de la représentation légale commune des victimes, se rapporter à la section VI ci-dessous.

Page 152: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

152

Qualité de victime participant à la procédure JME

victimes reconnues par ladite décision est conforme à l’intérêt de la justice, et il reporte l’examen de l’élément concerné jusqu’à ce que, le cas échéant, la question se pose.

V. conclusions sur l’évaluation des demandes

A. Demandes acceptées

103. Dans la Transmission, la SPV considère que 62 des 73 Demandes soumises au Juge de la mise en état sont complètes108.

104. Cependant, à l’issue d’une évaluation individuelle de toutes les Demandes à la suite de la transmission de pièces complémentaires par la SPV109, le Juge de la mise en état considère que 58 Demandes satisfont aux critères énoncés dans le Statut et dans le Règlement, comme indiqué dans la section IV ci-dessus. En conséquence, les requérants concernés se voient octroyer la qualité de victime participant à la procédure110.

B. Demandes incomplètes

105. Au moment de la transmission des Demandes, la SPV a fait savoir que 11 Demandes étaient peut-être incomplètes en ce que le Juge de la mise en état pouvait ne pas disposer d’éléments de preuve suffisants permettant d’établir la qualité de « victime » eu égard à chaque élément de la définition énoncée à l’article 2 du Règlement111.

106. Toutefois, après avoir procédé à une évaluation individuelle des Demandes à la suite de la Transmission des demandes groupées et de la Seconde transmission

108 Transmission, par. 28.

109 Cf. par. 10 ci-dessus.

110 Il est fait référence aux requérants ci-après : V001, V002, V003, V004, V005, V007, V009, V010, V016, V020, V021, V022, V023, V024, V025, V026, V027, V028, V030, V031, V035, V036, V037, V038, V040, V041, V042, V043, V044, V045, V046, V047, V048, V049, V050, V051, V052, V053, V054, V055, V056, V057, V058, V059, V060, V061, V062, V063, V064, V065, V066, V067, V068, V069, V070, V071, V072, V073.

111 Transmission, par. 24 et 28.

Page 153: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

153

Qualité de victime participant à la procédure JME

de demandes groupées112 par la SPV, le Juge de la mise en état considère que 15 Demandes sont incomplètes ; les requérants concernés ne peuvent dès lors obtenir la qualité de VPP à ce stade113.

107. Les Demandes sont déclarées incomplètes sur la base des pièces justificatives accompagnant ces demandes, et une décision rendue en ce sens ne saurait signifier que le requérant concerné ne peut obtenir la qualité de VPP. Le Juge de la mise en état indique que les personnes dont les demandes ont été jugées incomplètes peuvent soumettre de nouveau leurs demandes d’obtention de la qualité de victime participant à la procédure, avec le concours de la SPV, en y joignant les pièces complémentaires requises.

Vi. la représentation légale commune et le regroupement des victimes

A. La représentation légale commune des victimes participant à la procédure

108. En application de l’article 86 C) ii) du Règlement, les victimes participant à la procédure le font par l’entremise d’un représentant légal, sauf autorisation contraire du Juge de la mise en état.

109. Le Juge de la mise en état relève qu’aucun requérant n’a sollicité le droit de se représenter lui-même. En outre, la SPV n’a pas déposé d’observations en rapport avec la représentation légale commune de VPP.

110. Le Juge de la mise en état note que la question de la représentation légale commune s’est posée dans d’autres juridictions, plus particulièrement à la CPI. Dans le jugement rendu récemment en l’affaire Lubanga, la Chambre de première instance I de la CPI a déclaré que « [TRADUCTION] [l]es vues et préoccupations des victimes peuvent être présentées par un représentant légal commun aux fins de l’équité et de la rapidité du procès114 ». Cette conclusion fait suite au raisonnement exposé dans

112 Cf. par. 10 ci-dessus.

113 Il est fait référence aux requérants ci-après : V006, V008, V011, V012, V013, V014, V015, V017, V018, V019, V029, V032, V033, V034, V039.

114 CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, affaire n° ICC-01/04-01/06, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, 14 mars 2012, par. 14 ix). Voir aussi Ruto, Décision relative à la participation des victimes

Page 154: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

154

Qualité de victime participant à la procédure JME

une décision précédente de la même Chambre sur la question de la représentation légale commune, comme suit :

111. Consciente […] que la comparution en personne d’un grand nombre de victimes pourrait avoir des conséquences sur la rapidité et l’équité de la procédure, et étant donné que les vues et préoccupations communes des victimes peuvent quelquefois être mieux exposées par un représentant légal commun [...]115

112. Le raisonnement exposé dans ces décisions peut être pris en compte pour déterminer la manière dont doit être appliqué le régime de participation des victimes du Tribunal, établi par son propre Statut et son propre Règlement. Le Juge de la mise en état est tenu de veiller à ce que la procédure ne soit pas indûment retardée, et de prendre toutes mesures nécessaires aux fins d’une procédure équitable et rapide116. De surcroît, la participation des victimes à la procédure doit s’effectuer d’une manière qui ne soit ni préjudiciable ni contraire aux droits des accusés ou à l’équité ou l’impartialité du procès117.

113. Au vu de ce qui précède, le Juge de la mise en état considère que les victimes autorisées à participer à la procédure aux termes de la présente Décision peuvent le faire uniquement par l’entremise d’un représentant légal.

B. Question de la répartition des VPP en groupes bénéficiant d’unereprésentation légale commune

114. En application de l’article 86 D) du Règlement, le Juge de la mise en état a également l’obligation de statuer sur la représentation légale commune :

Le Juge de la mise en état décide également de l’opportunité de répartir les victimes participant à la procédure en groupes bénéficiant d’une représentation légale commune, en tenant compte:

du 5 août 2011, par. 65.

115 Lubanga, Décision relative à la participation des victimes, par. 116.

116 Article 89 B) du RPP du TSL.

117 Art. 17 du Statut du TSL ; voir aussi l’article 86 B) iv).

Page 155: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

155

Qualité de victime participant à la procédure JME

(i) de tout conflit d’intérêts pouvant entraver la représentation commune ;

(ii) de tout intérêt partagé ou similaire susceptible de faciliter la représentation commune ; et

(iii) des droits des accusés et de l’intérêt d’un procès équitable et rapide.

Il ne peut être fait appel de cette décision.

4. Observations de la spV

115. Dans ses Observations118, la SPV préconise la constitution de deux groupes afin de refléter les différents intérêts qui existent, selon elle, entre les personnes sollicitant l’obtention de la qualité de victime participant à la procédure119.

116. Pour la SPV, l’un des groupes est composé de 23 victimes qui entretenaient des liens personnels, politiques ou contractuels étroits avec la personne dont la famille120 a été principalement visée par l’Attentat121. Les membres de ce premier groupe ont déjà choisi leur représentant légal et n’ont pas l’intention de solliciter l’aide juridictionnelle mise à la disposition des victimes par le Tribunal aux fins de leur représentation122. Ce représentant légal ainsi que son coconseil123 ont par ailleurs indiqué qu’ils excluaient expressément la possibilité d’être désignés pour représenter d’autres victimes déclarées indigentes124.

117. Le second ensemble, dit groupe hétérogène125, est composé des autres victimes, dont « l’immense majorité » n’a pas été directement visée par l’Attentat et n’avait

118 Cf. note 19 ci-dessus.

119 Observations de la SPV, par. III 1.

120 Id., par. II.5-6.

121 Id., par. II.8.

122 Id., par. II.4, 7, 10, 12.

123 Id., par. II.10.

124 Id., par. II.11.

125 La SPV qualifie cet autre ensemble de « ‘non groupe’ hétéroclite », Id., par. II.13.

Page 156: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

156

Qualité de victime participant à la procédure JME

pas de lien avec la cible principale126, ces victimes étant de simples passants127 qui, en tant que tels, ont des intérêts partagés ou similaires128. Tous les membres de ce groupe prévoient de bénéficier de l’aide juridictionnelle mise à la disposition des victimes par le Tribunal aux fins de leur représentation129, même si certains d’entre eux ont déjà mandaté un représentant légal130.

118. La SPV affirme en outre que les intérêts de chaque groupe sont distincts. La participation des membres du premier groupe consisterait à tenter de comprendre pourquoi la cible principale de l’Attentat a été visée, leur sort de victime étant inextricablement lié au sien131, tandis que celle des membres du groupe hétérogène consisterait à tenter de comprendre pourquoi, et par qui, un attentat contre leur personne a été planifié et exécuté132.

119. La SPV soutient que la représentation de toutes les victimes par un seul représentant légal commun serait inappropriée. Elle affirme qu’une représentation légale commune et unique ne permettrait pas aux victimes d’exposer fidèlement leurs vues et préoccupations diverses, seules certaines d’entre elles ayant été visées par l’Attentat133. Elle fait en outre valoir qu’une telle représentation créerait dans tous les cas un déséquilibre au sein du groupe en raison du poids et de l’influence du groupe de victimes associé à la famille de la cible principale de l’Attentat134. Certains

126 Id., par. II.14. La SPV précise que seuls huit des 42 membres du groupe hétérogène pouvaient invoquer l’existence d’une forme de lien avec la famille de la cible principale (Id., par. II.15), que les huit membres ont exprimé leur volonté d’être inclus dans le premier groupe de victimes et qu’ils pouvaient par conséquent le faire (Id., par. II.22, 27), et que le représentant putatif de ce groupe a confirmé à la SPV que ces huit victimes pouvaient aisément être incorporées dans le premier groupe, sans objection (Id., par. II.26).

127 Id., par. II.16-17.

128 Id., par. II.17.

129 Id., par. II.14.

130 Id., par. II.13.

131 Id., par. II.9 : « Leur participation devrait consister notamment à tenter de comprendre pourquoi et par qui Rafic Hariri était ciblé par une attaque, leur sort de victime étant irrémédiablement et immanquablement associé au sien. »

132 Id., par. II.17 : « Leur participation devrait consister notamment à tenter de comprendre pourquoi et par qui une attaque contre leur personne était planifiée et exécutée. »

133 Id., par. II.18, 20.

134 Id., par. II.18-19.

Page 157: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

157

Qualité de victime participant à la procédure JME

membres du groupe hétérogène auraient par ailleurs exprimé le souhait de ne pas être assimilés, de quelque manière que ce soit, à la dimension politique de certaines victimes135.

5. examen des arguments

120. Le Juge de la mise en état, appelé à décider de l’opportunité de répartir les VPP en groupes, relève qu’il ressort d’une interprétation littérale de l’article 86 C) du Règlement, que les VPP sont présumées constituer un seul et même groupe, à moins qu’il n’existe des motifs convaincants, tels qu’énoncés à l’article 86 D) i) à iii), de faire autrement.

121. De plus, la participation des VPP doit s’effectuer en tenant dûment compte, non seulement de l’intérêt des VPP, mais aussi des intérêts plus généraux que le Juge de la mise en état est tenu de protéger, notamment les droits des accusés et l’exigence d’un procès équitable et rapide. Le Juge de la mise en état considère par conséquent que le régime de participation des victimes mis en place par le Tribunal présume la représentation légale commune des victimes, formant un seul et unique groupe, sauf si au moins l’un des critères énoncés à l’article 86 D) i) à iii) est rempli. Il reste à déterminer s’il existe des motifs d’écarter cette présomption dans le cas des présentes Demandes.

122. Le Juge de la mise en état estime que tous les requérants sont affectés par les mêmes faits et le même comportement criminel. Il n’est pas convaincu de l’existence actuelle d’un conflit d’intérêt entravant la représentation commune d’un seul et même groupe, ou de l’existence d’intérêts partagés ou similaires requérant la division d’un groupe de VPP.

123. En outre, le Juge de la mise en état ne considère pas que les intérêts allégués de chacun des deux groupes proposés par la SPV puissent être différenciés. Tenter de comprendre pourquoi, et par qui, un attentat contre certaines victimes a été planifié et exécuté revient en fait à tenter de comprendre pourquoi et par qui la cible principale

135 Id., par. II.21.

Page 158: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

158

Qualité de victime participant à la procédure JME

a été visée par l’Attentat. Il n’existe par conséquent pas d’intérêts distincts entre les deux groupes de VPP proposés.

124. Le Juge de la mise en état n’estime pas non plus que le poids et l’influence de certaines victimes soient un facteur qui justifie de diviser un groupe de victimes. En effet, la participation des VPP doit reposer sur la notion d’égalité de traitement136, de sorte qu’aucune victime ne soit désavantagée par rapport à une autre lorsqu’elle participe à la procédure137. Les VPP ne sont pas autorisées à exposer leurs vues et préoccupations lors de la procédure en fonction de leur importance par rapport à d’autres victimes, mais en fonction de leurs intérêts personnels et du préjudice personnel subi138. Toute décision contraire pourrait nuire aux intérêts des « autres » victimes moins avantagées, et pourrait introduire dans la procédure pénale des considérations extrinsèques susceptibles d’être préjudiciables ou contraires aux droits des accusés et à l’exigence d’un procès équitable et impartial, en violation de l’article 17 du Statut.

125. Le Juge de la mise en état note que, selon les observations de la SPV, certaines victimes auraient fait part de leur souhait de ne pas être associées aux intérêts politiques de certaines autres victimes139. À cet égard, il considère que de tels intérêts, le cas échéant, ne sauraient influer sur la décision de répartir les VPP en groupes. Cette décision reposera exclusivement sur les critères juridiques énoncés à l’article 86 D) du Règlement.

126. Le Juge de la mise en état relève également que, selon ces mêmes observations, un avocat a déjà été nommé aux fins de représenter le premier groupe, et que celui-ci

136 Nonobstant le fait que les VPP ne sont pas des Parties en tant que telles et qu’à ce titre, elles ne sont pas réputées bénéficier des mêmes droits à une égalité de traitement que les accusés (cf. art. 16 1), 4) du Statut du TSL).

137 Par exemple, l’art. 3 c) des Principes fondamentaux des Nations Unies dispose que « [l’]obligation de respecter, de faire respecter et d’appliquer le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire, telle qu’elle est prévues dans les régimes juridiques pertinents, comprend, entre autres, l’obligation … [d’]assurer à ceux qui affirment être les victimes d’une violation des droits de l’homme ou du droit humanitaire l’accès effectif à la justice, dans des conditions d’égalité, comme il est précisé ci-après, quelle que soit, en définitive, la partie responsable de la violation » (non souligné dans l’original).

138 Art. 17 du Statut du TSL, article 2 du RPP du TSL. Cf. également les sections IV A 3), IV B et IV C ci-dessus.

139 Dans les Observations de la SPV, il est fait référence à la « dimension politique », Observations de la SPV, par. II.21.

Page 159: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

159

Qualité de victime participant à la procédure JME

et son coconseil ont expressément refusé de représenter des VPP indigentes. Le Juge de la mise en état se réfère à l’article 51 C) i) du Règlement qui dispose que la SPV, « sous l’autorité du Greffier », doit :

dresser et tenir à jour une liste de conseils hautement qualifiés, qui répondent aux critères énoncés aux dispositions des articles 59 B) i), ii), iii) et C) concernant les qualifications des conseils de la défense, et qui ont manifesté leur disponibilité et leur volonté aux fins de représenter des victimes participant à la procédure […]

127. Lorsqu’un conseil donné exprime son refus de représenter des VPP, il incombe à la SPV, sous l’autorité du Greffier, de résoudre le problème.

128. Après avoir examiné les Demandes des VPP et pris connaissance des observations de la SPV, le Juge de la mise en état conclut qu’il n’existe aucun motif valable de justifier une répartition des VPP en plusieurs groupes. En outre, après examen des Demandes, il considère qu’il n’existe pas de conflit d’intérêts susceptible d’entraver une représentation commune. La répartition des VPP en un seul groupe ne porte pas non plus préjudice aux droits des accusés ou à l’intérêt d’un procès équitable et rapide ; de fait, la procédure sera probablement plus rapide ainsi.

129. Le Juge de la mise en état note qu’il incombe au Greffier — en application de l’article 51 G) du Règlement — de consulter d’abord la SPV puis de désigner des conseils et des coconseils, comme il convient, aux fins de représenter les victimes participant à la procédure, conformément aux articles applicables et à la Directive relative à la représentation légale des victimes140, ainsi qu’à la présente Décision. En tout état de cause, la présente décision ne saurait entraver le pouvoir du Greffier de désigner autant de coconseils qu’il juge nécessaire aux fins de la représentation effective des VPP et de la tenue de la procédure.

VII. Confidentialité

130. La présente décision est classée « document public », bien qu’elle fasse référence à des documents classés confidentiels et ex parte contenus dans les Demandes.

140 STL/BD/2012/04, adoptée le 4 mai 2012.

Page 160: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

160

Qualité de victime participant à la procédure JME

Le Juge de la mise en état a déjà exposé, dans la Décision du 5 avril 2012141, les motifs pour lesquels il convenait de maintenir le caractère confidentiel et ex parte des Demandes à ce stade de la procédure. Pour les mêmes motifs, l’évaluation individuelle de chaque Demande transmise au Juge de la mise en état est contenue dans l’annexe confidentielle et ex parte jointe à la présente Décision142. Le Juge de la mise en état rappelle toutefois le principe de la publicité de la procédure de mise en état consacré à l’article 96 du Règlement143. Il considère que la présente Décision doit être rendue publique pour assurer la transparence de la procédure. De plus, les références faites dans cette Décision à des documents confidentiels et ex parte — nécessaires pour les besoins d’une opinion motivée — sont suffisamment abstraites et de caractère général pour ne compromettre en aucune façon l’anonymat des requérants ni la confidentialité de leurs Demandes, ou ne pas porter atteinte à leurs intérêts.

131. Enfin, le Juge de la mise en état rappelle aux Parties que, comme il est déjà indiqué dans la Décision du 5 avril 2012, la confidentialité de l’identité des requérants et de leurs Demandes est justifiée par la protection de leurs intérêts à ce stade de la procédure. Néanmoins, avec l’autorisation d’une Chambre, les Parties peuvent prendre connaissance de l’identité de certaines ou de l’ensemble des VPP, ou bien se voir donner accès à tout ou partie de leurs Demandes. À ce stade de la procédure, toutefois, la non-divulgation de l’identité des requérants et de leurs Demandes ne porte pas atteinte aux droits des Accusés ni aux intérêts de l’Accusation.

132. Les personnes ayant obtenu la qualité de VPP qui souhaitent conserver l’anonymat ou bénéficier d’autres mesures de protection doivent en faire la demande auprès du Juge de la mise en état le plus tôt possible, conformément à l’article 133 A) du Règlement144. Afin d’accélérer la procédure et en accord avec la jurisprudence

141 Décision du 5 avril 2012, par. 26 à 55.

142 L’annexe de la présente décision doit être tenue à la disposition de la SPV, et la SPV doit notifier la présente décision à chaque requérant, mais uniquement dans la mesure où elle se rapporte à sa Demande.

143 L’article 96 A) du RPP du TSL dispose que « [s]ous réserve des dispositions du paragraphe B), tous les documents déposés et les ordonnances rendues au stade de la mise en état, ainsi que la procédure elle-même sont rendus publics, sauf disposition contraire prévue par le présent Règlement ou décision contraire du Juge de la mise en état à la demande d’une partie ».

144 « La Chambre de première instance peut, d’office ou à la demande d’une partie, de la victime, du témoin

Page 161: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

161

Qualité de victime participant à la procédure JME

du Tribunal, le Juge de la mise en état invite la SPV ou bien le représentant légal des victimes, selon le cas, à lui soumettre ces demandes après avoir procédé à une évaluation des risques pour chaque requérant concerné avec le concours de la Section d’appui aux victimes et aux témoins du Tribunal (la « SAVT »)145.

concerné, de la Section de participation des victimes ou de la Section d’appui aux victimes et aux témoins, ordonner des mesures appropriées pour protéger la vie privée et la sécurité des victimes et des témoins, à condition que ces mesures soient compatibles avec les droits de l’accusé ».

145 Conformément à l’esprit de l’Ordonnance de la Chambre d’appel en date du 7 octobre 2011, il convient que la Section d’appui aux victimes et aux témoins examine aussi le risque présenté pour les personnes susmentionnées. Cf. TSL, En l’affaire El Sayed, affaire n° CH/AC/2011/02, Ordonnance faisant droit en partie et rejetant en partie l’appel interjeté par le Procureur de la décision du Juge de la mise en état du 2 septembre 2011 ordonnant la communication de pièces, 7 octobre 2011, par. 34 ; Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Ordonnance avant dire droit relative à la requête du Procureur du 21 décembre 2011 déposée conformément aux articles 115, 116 et 133 du Règlement de procédure et de preuve, 24 janvier 2012, par. 5.

Page 162: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

162

Qualité de victime participant à la procédure JME

dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs,

le juGe de lA Mise en ÉTAT,

en ApplicATiOn des articles 2, 51, 86 et 133 du Règlement,

OcTROie la qualité de victime participant à la procédure aux personnes ci-après telles qu’indiquées dans l’Annexe : V001, V002, V003, V004, V005, V007, V009, V010, V016, V020, V021, V022, V023, V024, V025, V026, V027, V028, V030, V031, V035, V036, V037, V038, V040, V041, V042, V043, V044, V045, V046, V047, V048, V049, V050, V051, V052, V053, V054, V055, V056, V057, V058, V059, V060, V061, V062, V063, V064, V065, V066, V067, V068, V069, V070, V071, V072, V073;

RejeTTe comme étant incomplètes toutes les autres Demandes ;

ORdOnne à la SPV de notifier la présente décision à chaque requérant uniquement dans la mesure où celle-ci se rapporte à sa Demande ;

dÉcide que les victimes autorisées à participer à la procédure le feront au sein d’un seul et même groupe bénéficiant d’une représentation légale commune ;

ORdOnne au Greffier de désigner un représentant légal et autant de coconseils que nécessaire aux fins de représenter les personnes ayant obtenu la qualité de victime participant à la procédure ;

RAppelle la Décision du 5 avril 2012 par laquelle il ordonne que les annexes de la Transmission demeurent confidentielles et ex parte jusqu’à nouvel ordre ;

dÉclARe que l’Annexe demeure confidentielle jusqu’à nouvel ordre ; et

inViTe la SPV ou le représentant légal des victimes à soumettre au Juge de la mise en état toute demande de mesures appropriées visant à protéger la vie privée et la sécurité des victimes participant à la procédure, après avoir procédé à une évaluation des risques pour les VPP concernées, avec le concours de la SAVT.

Page 163: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

163

Qualité de victime participant à la procédure JME

Fait en arabe, anglais et français, la version en anglais faisant foi. À Leidschendam, le 8 mai 2012.

Daniel Fransen Juge de la mise en état

Page 164: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

164

Page 165: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

6.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : le juge de la mise en état

Titre : Décisionrelativeàl’accèsdelaSectiondeparticipation des victimes aux pièces du dossier et aux modalités de participation des victimesàlaprocéduredevantleJugedelamise en état

Titre réduit : Modalités de participation jMe

165

Page 166: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

166

Page 167: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

167

le juGe de lA Mise en ÉTAT

Affaire n° : sTl-11-01/pT/pTj

Devant : M. le juge daniel Fransen

Le Greffier : M. Herman von Hebel

Date : 18 mai 2012

Original : Anglais

Type de document : public

le pROcuReuR c.

sAliM jAMil AYYAsH, MusTAFA AMine BAdReddine,

Hussein HAssAn Oneissi et AssAd HAssAn sABRA

dÉcisiOn RelATiVe À l’AccÈs de lA secTiOn de pARTicipATiOn des VicTiMes AuX piÈces du dOssieR eT

AuX MOdAliTÉs de pARTicipATiOn des VicTiMes À lA pROcÉduRe deVAnT le juGe de lA Mise en ÉTAT

Bureau du procureur : M. Norman Farrell

conseils de M. salim jamil Ayyash : Me Eugene O’Sullivan Me Emile Aoun

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes

conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: Me Antoine Korkmaz Me John Jonesconseils de M. Hussein Hassan Oneissi: Me Vincent Courcelle-Labrousse Me Yasser Hassanconseils de M. Assad Hassan sabra: Me David Young Dr Guénaël Mettraux

Page 168: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

168

Modalités de participation JME

i. introduction

1. Par la présente décision, le Juge de la mise en État se prononce sur les modalités de participation des victimes à la procédure devant lui en l’affaire Ayyash et autres. Il examine en outre le document intitulé Submission on Receipt of Confidential Documents by Victims’ Legal Representatives and the Victims’ Participation Unit, « [TRADUCTION] Observations du Greffier relatives à la réception de documents confidentiels par les représentants légaux des victimes et la Section de participation des victimes », 1er mars 2012 (les « Observations du Greffier »)1 et d’autres écritures connexes ultérieures2.

2. Cette décision s’applique aux personnes qui ont obtenu la qualité de victime participant à la procédure (« VPP »).

3. La portée de la présente décision est limitée, de surcroît, à la participation des victimes dans le cadre de la procédure devant le Juge de la mise en état. Aux fins de la présente décision, l’expression « phase de mise en état » désigne la phase de la procédure qui suit la confirmation d’un acte d’accusation3 et précède la transmission du dossier de l’affaire à la Chambre de première instance, en application de l’article 95 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (« le Règlement »).

4. Cette décision est donc sans préjudice des conclusions que pourra rendre une autre Chambre, le cas échéant, sur les modalités de participation des victimes, aux étapes suivantes de la procédure.

5. Dans la présente décision, le Juge de la mise en état commencera par un rappel de la procédure (Section II) et une présentation du droit applicable (Section III). Il traitera ensuite des modalités de participation des victimes à la procédure de mise en

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Submission on Receipt of Confidential Documents by Victims’ Legal Representatives and the Victims’ Participation Unit « [TRADUCTION] Observations du Greffier relatives à la réception de documents confidentiels par les représentants légaux des victimes et la Section de participation des victimes », 1er mars 2012.

2 Voir Section II, Rappel de la procédure, ci-dessous.

3 En application de l’article 2 du Règlement, les victimes participant à la procédure ne sont autorisées à le faire qu’après confirmation de l’acte d’accusation.

Page 169: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

169

Modalités de participation JME

état (Section IV) avant de déterminer à quels documents il convient de donner accès à la Section de participation des victimes du Tribunal (la « SPV ») afin que celle-ci puisse remplir effectivement son mandat (Section V).

ii. Rappel de la procédure

6. Le 1er mars 2012, le Juge de la mise en état a reçu les Observations du Greffier déposées en application de l’article 48 C) du Règlement4. Le Greffier y sollicite des éclaircissements concernant la distribution de documents classés « confidentiels » à la SPV et au représentant légal5.

7. Le 2 mars 2012, le Juge de la mise en état a invité les parties à déposer leurs réponses aux Observations du Greffier, le 9 mars 2012 au plus tard6.

8. Le 9 mars 2012, l’Accusation a déposé sa réponse (la « Réponse de l’Accusation »)7.

9. Le même jour, le conseil de M. Ayyash, rejoint et appuyé par les conseils respectifs de MM. Badreddine, Oneissi et Sabra, a déposé sa réponse (la « Réponse de la Défense »)8.

4 Observations du Greffier.

5 Ibid., par. 1.

6 Mémorandum de la Section d’appui et d’administration judiciaire intitulé Filing Instructions from the Pre-Trial Judge pursuant to Rule 8 regarding the Submission on Receipt of Confidential Documents by Victims’ Legal Representatives and the Victims’ Participation Unit, filed by the Registry on 1 Mars 2012 « [TRADUCTION] Instructions relatives au dépôt de documents du Juge de la mise en état en application de l’article 8 concernant les Observations relatives à la réception de documents confidentiels par les représentants légaux des victimes et la Section de participation des victimes, déposées par le Greffier le 1er mars 2012 », 2 mars 2012, R117857.

7 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution’s Response to the Registry’s Submission on Receipt of Confidential Documents by Victims’ Legal Representatives and the Victims’ Participation Unit « [TRADUCTION] Réponse de l’Accusation aux observations du Greffier relatives à la réception de documents confidentiels par les représentants légaux des victimes et la Section de participation des victimes », 9 mars 2012.

8 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PTJ/PT (sic.), Defence Response to the Registrar’s “Submission on Receipt of Confidential Documents by Victims’ Legal Representatives and the Victims’ Participation Unit” « [TRADUCTION] Réponse de la Défense aux observations du Greffier relatives à la réception de documents confidentiels par les représentants légaux des victimes et la Section de participation des victimes » 9 mars 2012.

Page 170: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

170

Modalités de participation JME

10. Le 28 mars 20129, le Juge de la mise en état a invité les parties à lui faire part d’éventuelles observations complémentaires relatives à l’accès des représentants des victimes et de la SPV aux pièces soumises à l’obligation de communication, le 4 avril 2012, au plus tard.

11. Le 4 avril 2012, les conseils de la défense ont déposé conjointement leurs observations concernant l’accès aux pièces soumises à l’obligation de communication (les « Observations de la Défense »)10 ; le même jour, l’Accusation a déposé des observations complémentaires sur ce point (les « Observations de l’Accusation »)11, de même que la SPV (les « Observations de la SPV »)12.

12. Le 8 mai 2012, le Juge de la mise en état a statué sur les demandes de participation à la procédure des victimes et octroyé la qualité de victime participant à la procédure à 58 demandeurs13.

13. Le 16 mai 2012, le Greffier a désigné le représentant légal des VPP, ainsi que deux coconseils, en application de l’article 50 G) i) du Règlement (le « Représentant légal »)14.

9 Mémorandum de la Section d’appui et d’administration judiciaire intitulé Scheduling Directive from the Pre-Trial Judge « [TRADUCTION] Directive portant calendrier du Juge de la mise en état », 28 mars 2012, R119413-R119414.

10 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Joint Defence Submission regarding Access to Disclosure Material by The Victims’ Legal Representatives and The Victims’ Participation Unit « [TRADUCTION] Observations conjointes de la Défense concernant l’accès des Représentants légaux des victimes et de la Section de participation des victimes aux pièces soumises à l’obligation de communication », 4 avril 2012.

11 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution’s Additional Submissions pursuant to the Pre-Trial Judge’s Scheduling Directive Dated 28 mars 2012 « [TRADUCTION] Observations complémentaires de l’Accusation en application de la Directive portant calendrier du Juge de la mise en état datée du 28 mars 2012 », 4 avril 2012, par. 4. L’Accusation a sollicité l’autorisation de présenter ses observations « hors délai » dans la mesure où ses Observations soulevaient des points qu’elle aurait dû traiter dans sa réponse ; Ibid.

12 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, VPU Submission pursuant to the Pre-Trial Judge’s Scheduling Directive of 28 mars 2012 « [TRADUCTION] Observations la SPV en application de la Directive portant calendrier du Juge de la mise en état datée du 28 mars 2012 », 4 avril 2012.

13 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative à la participation des victimes à la procédure, document public avec annexe confidentielle et ex parte, 8 mai 2012 (« Décision relative à la participation des victimes »).

14 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Désignation de représentants légaux des victimes, 16 mai 2012.

Page 171: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

171

Modalités de participation JME

iii. droit applicable

14. Les dispositions statutaires relatives à la participation des victimes à la procédure devant le Juge de la mise en état sont exposées à l’article 17 du Statut et complétées par diverses dispositions du Règlement.

15. L’article 17 du Statut dispose :

Lorsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, le Tribunal permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées, aux stades de la procédure que le juge de la mise en état ou la Chambre estiment appropriés et d’une manière qui n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial. Ces vues et préoccupations peuvent être exposées par les représentants légaux des victimes lorsque le juge de la mise en l’état ou la Chambre l’estiment approprié.

16. Plusieurs autres dispositions du Règlement accordent aux victimes participant à la procédure des droits procéduraux plus spécifiques à différentes étapes de la procédure. Le Juge de la mise en état rappellera ces dispositions du Règlement dans les différentes sections concernées de la présente décision. Il prendra également en compte les Directives pratiques pertinentes.

iV. Modalités de participation des victimes devant le juge de la mise en état

17. En règle générale, les modalités de participation des victimes à la procédure sont régies par des dispositions spécifiques du Règlement. Avant de les examiner tour à tour, quatre remarques préliminaires s’imposent.

18. Premièrement, le Juge de la mise en état rappelle que les VPP ne sont pas parties à l’affaire, au sens où l’entend l’article 2 du Règlement, qui réserve ce terme à l’Accusation et à la Défense. La participation des VPP se limite à l’expression de leurs vues et de leurs préoccupations sur des questions touchant leurs intérêts personnels15. Par conséquent, pour qu’une VPP puisse participer à la procédure devant le Juge de la mise en état sur un point spécifique, ses intérêts personnels doivent être concernés

15 Le Juge de la mise en état rappelle que ce critère est également à prendre en compte pour l’octroi de la qualité de VPP, comme il est dit dans la Décision relative à la participation des victimes (Section IV, alinéas B et C).

Page 172: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

172

Modalités de participation JME

par la question précisément considérée16. Lorsque les intérêts personnels d’une VPP ne sont pas concernés par le point en débat, à une étape donnée de la procédure dans laquelle elle demande à intervenir, sa participation sera, en conséquence, limitée ou empêchée17.

19. Deuxièmement, la participation proposée d’une VPP ne peut être incompatible avec les droits de l’accusé et l’exigence d’un procès équitable et impartial18. Cet élément ne constitue pas seulement un critère pour attribuer la qualité de VPP à une victime ; le Juge de la mise en état doit également en tenir compte tout au long de la procédure lorsqu’il apprécie si une VPP peut ou non intervenir et, dans l’affirmative, de quelle manière.

20. Troisièmement, le Juge de la mise en état rappelle qu’en application de la Décision relative à la participation des victimes et en application des articles 86 C) ii) et D) du Règlement, les VPP ne sont autorisées à participer à la procédure en l’affaire Ayyash et autres qu’en tant que groupe disposant d’une représentation légale commune19. Aucune victime participant la procédure n’est autorisée à représenter elle-même ses intérêts. Par conséquent, lorsque, dans la présente décision, le Juge de

16 Ceci est conforme à la pratique d’autres tribunaux internationaux. Voir notamment, Cour pénale internationale (« CPI »), Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, Affaire n° ICC01/09-01/11, Decision on Victims’ Participation at the Confirmation of Charges Hearing and in the Related Proceedings, 5 août 2011, (« Décision relative à la participation des victimes en l’affaire Ruto du 5 août 2011 »), par. 84 : « [TRADUCTION] en particulier, pour que la Chambre leur accorde des droits en vertu du fondement juridique précité, les victimes doivent établir que le(s) point(s) examiné(s) concerne(nt) leurs intérêts personnels ».

17 CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Affaire n° ICC-01/04-01/06, Décision relative à la participation des victimes, 18 janvier 2008, par. 96 et 97 (« Décision relative à la participation des victimes en l’affaire Lubanga »), par. 96 : « Après avoir été autorisée dans un premier temps par la Chambre de première instance à participer à la procédure, la victime qui voudra par la suite participer à un stade donné de cette procédure (par exemple l’audition d’un témoin particulier ou les débats relatifs à une certaine question de droit ou à un certain type d’éléments de preuve) devra exposer, dans une demande écrite distincte, les raisons pour lesquelles ses intérêts sont concernés par les preuves ou les questions alors soulevées en l’espèce, ainsi que la nature et l’ampleur de la participation qu’elle sollicite. Avoir un intérêt général pour l’issue du procès ou pour les questions ou éléments de preuve que la Chambre sera amenée à examiner à ce stade ne suffira probablement pas ». Voir aussi CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Affaire n° ICC-01/04-01/06, Judgment pursuant to Article 74 of the Statute, 14 mars 2012 (« Jugement Lubanga ») par. 14 v).

18 Art. 17 du Statut du TSL.

19 Décision relative à la participation des victimes, par. 112, 127 et 128.

Page 173: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

173

Modalités de participation JME

la mise en état fait référence aux VPP, il désigne leur Représentant légal, à moins que le contexte n’indique un sens différent.

21. Quatrièmement, la présente décision offre un cadre à la participation des victimes à la procédure sur la base des dispositions applicables du Règlement. Lorsque ces dernières sont claires, et ne conduisent pas à des interprétations contradictoires, le Juge de la mise en état n’a pas sollicité les observations des parties et des participants. Il a cependant invité les parties et la SPV à présenter leurs observations concernant l’accès des VPP aux documents déposés à titre confidentiel et aux pièces soumises à l’obligation de communication, car sur ce point, le Règlement n’est pas clair. Ces observations sont résumées ci-après, dans les sections correspondantes.

22. Le Juge de la mise en état s’emploiera ci-dessous à clarifier les droits des victimes en termes de participation — qu’elles exerceront à travers leur Représentant légal — au cours de la phase de mise en état de la procédure devant lui. Ceci est sans préjudice de tout autre droit qu’il pourrait accorder aux VPP durant la phase de mise en état du procès, d’office ou à la demande du Représentant légal.

A. Participation aux réunions, conférences de mise en état et audiences

23. L’article 89 C) du Règlement dispose :

Pour s’acquitter de ses fonctions et lorsque l’intérêt de la justice le requiert, le Juge de la mise en état peut, d’office et selon que de besoin, entendre les parties hors la présence de l’accusé ou des victimes participant à la procédure. Le Juge de la mise en état peut entendre les parties et les victimes participant à la procédure en chambre du conseil, auquel cas un représentant du Greffe dresse un procès-verbal de séance

24. Les articles 91 D) et E) disposent :

Le Juge de la mise en état enjoint aux parties de se réunir pour discuter des questions relatives à la préparation de l’affaire. Il peut décider d’y convier également les victimes participant à la procédure

Ces réunions se tiennent entre les parties ou ex parte, si le Juge de la mise en état en décide ainsi à la demande de l’une des parties.

Page 174: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

174

Modalités de participation JME

25. Aux termes de l’article 94 A) du Règlement, le Juge de la mise en état :

convoque une conférence de mise en état dans un délai raisonnable après la comparution initiale de l’accusé et, au plus tard, huit semaines après celle-ci et, par la suite, huit semaines à compter de la date de la dernière conférence de mise en état, sauf décision contraire, afin :

(i) d’organiser les échanges entre les parties de façon à assurer la préparation rapide du procès ; et

(ii) d’examiner l’état de l’affaire et de donner aux parties la possibilité de soulever des questions s’y rapportant, y compris concernant l’état de santé mentale et physique de l’accusé.

26. À la lumière des dispositions précitées et compte tenu des principes rappelés au paragraphe 19, le Juge de la mise en état conclut que, en règle générale, le Représentant légal peut assister et participer aux réunions, aux conférences de mise en état et aux audiences, dès lors qu’une question touchant aux intérêts personnels d’une VPP y est examinée. De fait, toute autre conclusion nuirait gravement à la capacité du Représentant légal d’exercer son mandat. Cette règle générale est soumise aux deux restrictions énoncées ci-après.

27. Premièrement, le Représentant légal ne peut assister aux réunions, conférences de mise en état et audiences lorsque le Juge de la mise en état en a décidé autrement20.

28. Deuxièmement, la présence du Représentant légal aux réunions, conférences de mise en état et audiences ne s’étend pas nécessairement à la totalité de l’événement, et peut être limitée aux points de l’ordre du jour intéressant les VPP.

29. S’agissant des comptes rendus, le Juge de la mise en état estime que le Représentant légal doit avoir accès aux comptes rendus intégraux des conférences de mise en état et des audiences publiques. Il doit en outre disposer des passages des

20 Le Règlement envisage la tenue de réunions particulières hors la présence des victimes. Voir par exemple l’article 91 E) du Règlement, qui prévoit que les réunions concernant la préparation de l’affaire soient tenues ex parte si le Juge de la mise en état le décide à la demande d’une partie. L’article 89 C) du Règlement mentionné plus haut reconnaît le pouvoir du Juge de la mise en état de convoquer des conférences « hors la présence […] des victimes ».

Page 175: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

175

Modalités de participation JME

comptes rendus de réunions, de conférences de mise en état et d’audiences tenues à huis clos ou ex parte, auxquelles il a assisté21.

30. S’agissant des procès-verbaux de réunions, le Juge de la mise en état estime que le Représentant légal doit y avoir accès selon les modalités applicables aux comptes rendus.

B. Dépôt de requêtes écrites, mémoires et documents connexes

31. Si le Règlement prescrit aux victimes, dans certains cas, de déposer des documents écrits22, celui-ci est muet quant à la possibilité qu’ont ou non les victimes de déposer des observations écrites devant le Juge de la mise en état de leur propre initiative. Néanmoins, afin que leur droit de participer à la procédure soit effectif, le Juge de la mise en état estime que le Représentant légal peut déposer — en sus des réponses et des répliques23 — des requêtes ou des mémoires sur tout point touchant aux intérêts personnels des victimes. Cette approche — en accord avec le principe rappelé ci-dessus, au paragraphe 19 — a été adoptée par d’autres juridictions24. Le

21 Voir Décision relative à la participation des victimes en l’affaire Ruto, 5 août 2011, par. 93.

22 Notamment : l’article 89 D) du Règlement dispose : « [l]e Juge de la mise en état prend acte des points d’accord et de désaccord sur les questions de droit et de fait. À cet égard, il peut enjoindre aux parties et aux victimes participant à la procédure de déposer des conclusions écrites ».

Au terme des articles articles 89 F) et G) du Règlement : « [l]e Juge de la mise en état peut fixer un délai pour la présentation de requêtes préalables au procès ou d’exceptions préjudicielles, jusqu’à la présentation du dossier à la Chambre de première instance. Le fait qu’une partie ou une victime participant à la procédure ne soulève pas d’exception ou ne présente pas de requête dans le délai imparti par le Juge de la mise en état ou conformément au présent Règlement vaut renonciation ; ce dernier ou une chambre peut toutefois, pour des motifs valables, lever cette renonciation ».

Conformément à l’article 91 H) du Règlement, les VPP doivent déposer — dans un délai fixé par le Juge de la mise en état — la liste des témoins qu’elles souhaitent voir citer à comparaître par la Chambre, ainsi que la liste des pièces à conviction qu’elles souhaiteraient voir admises au dossier. Ces documents déposés font partie intégrante du dossier de l’affaire que le Juge de la mise en état transmettra à la Chambre de première instance en application de l’article 95 du Règlement (Cf. en particulier, l’article 95 A) i) et vii) du Règlement).

23 Selon la définition qu’en donne la Directive pratique relative au dépôt de documents devant le Tribunal spécial du Liban, STL/PD/2010/01/Rev.1, 23 avril 2012, un participant désigne « une victime participant à la procédure ou un représentant légal des victimes ». Voir également l’article 87 B) du Règlement.

24 Cf. Décision relative à la participation des victimes en l’affaire Lubanga, par. 118 : « Enfin, en ce qui concerne la demande des représentants légaux des victimes de se voir accorder le droit d’être à l’origine de procédures (par exemple en déposant des requêtes), la Chambre de première instance considère que rien dans les dispositions statutaires et réglementaires de la Cour n’empêche les victimes de déposer des requêtes auprès de la Chambre chaque fois qu’est soulevée une question concernant leurs intérêts (individuels ou collectifs), conformément à l’article 68-3 du Statut. La Chambre de première instance statuera sur toute requête de ce type, après avoir

Page 176: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

176

Modalités de participation JME

Juge de la mise en état statuera sur toute requête présentée par un Représentant légal, de sa propre initiative, aux fins de déposer un document en évaluant si le point concerné touche aux intérêts personnels des victimes et a une incidence sur le droit de l’accusé à un procès rapide et équitable, et après avoir entendu les parties s’il le juge nécessaire25.

C. Accès aux pièces et documents déposés

32. Concernant, à présent, l’accès du Représentant légal aux documents, l’article 87 A) du Règlement dispose :

À moins que le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance n’impose, d’office ou à la demande de l’une des parties, une quelconque restriction dans l’intérêt de la justice, une victime participant à la procédure a le droit de consulter les documents déposés par les parties, dans la mesure où lesdits documents ont été communiqués par l’une des parties à l’autre, ainsi que le dossier, à l’exclusion des documents confidentiels et ex parte, remis par le Juge de la mise en état à la Chambre de première instance avant l’ouverture du procès, en application de l’article 9526.

33. La Directive pratique relative au dépôt de documents établit quatre niveaux de classification des documents déposés devant le Tribunal. Conformément à l’article 7 de ladite directive, les documents peuvent être déposés sous l’une des quatre catégories suivantes : i) « public » ; ii) « confidentiel » ; iii) « confidentiel et ex parte » ; et iv) « sous scellé et ex parte avec distribution restreinte ».

consulté les parties et les autres participants dans la mesure appropriée, et en gardant à l’esprit le droit de l’accusé à un procès équitable et rapide. »

Voir aussi Directive pratique relative au dépôt de documents, définitions, p. 2, dans laquelle la même approche est partiellement anticipée, puisqu’elle inclut dans sa définition du terme « participant », entre autres, « une victime participant à la procédure ou un représentant légal d’une victime ».

25 Cf. Décision relative à la participation des victimes en l’affaire Lubanga, par. 118.

26 La version française de l’article, dont la version arabe est plus proche, est libellée comme suit : « À moins que le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance n’impose, d’office ou à la demande de l’une des parties, une quelconque restriction dans l’intérêt de la justice, une victime participant à la procédure a le droit de consulter les documents déposés par les parties, dans la mesure où lesdits documents ont été communiqués par l’une des parties à l’autre, ainsi que le dossier, à l’exclusion des documents confidentiels et ex parte, remis par le Juge de la mise en état à la Chambre de première instance avant l’ouverture du procès, en application de l’article 95 », non souligné dans l’original.

Page 177: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

177

Modalités de participation JME

34. Le Juge de la mise en état observe que l’article 87 A) du Règlement manque de clarté à trois égards. Premièrement, l’article 87 A) vise des documents qui ont été « déposés […], dans la mesure où lesdits documents ont été communiqués par l’une des parties à l’autre », confondant ainsi la fourniture de documents à un autre participant avec l’exercice technique consistant à communiquer des documents en réponse à une obligation de le faire27.

35. Deuxièmement, [dans se version en anglais], l’article 87 A) du Règlement donne à la VPP le droit de « recevoir » [receive] des documents déposés, tandis que la version française lui accorde le droit de les consulter [inspect] (« droit de consulter »).

36. Troisièmement, il reste à déterminer si la notion de « documents déposés par les parties » formulée à l’article 87 A) du Règlement englobe les documents déposés à titre confidentiel. Le Greffier a sollicité des éclaircissements, en vertu de l’article 48 E) du Règlement28 sur ce point29, et le Juge de la mise en état a invité les parties à soumettre leurs observations en réponse.

1. Arguments des parties

a. LeGreffier

37. Le Greffier souligne que ni le Règlement, ni la Directive pratique relative au dépôt de documents n’identifient les destinataires des écritures confidentielles en général. Il affirme que la clarification immédiate de ce point contribuerait à accélérer la procédure, en permettant au Représentant légal — une fois désigné — de se mettre immédiatement au travail, en étant sûr de l’étendue du droit des victimes, ainsi que de sa propre capacité, à accéder aux documents confidentiels, dès l’instant de sa désignation30.

27 Voir les articles 110 à 122 du Règlement en général.

28 Conformément à l’article 48 E) du Règlement, « le Greffier reçoit et dépose toutes les requêtes et les distribue à tous les destinataires prévus ».

29 Observations du Greffier, par. 1.

30 Ibid., par. 3.

Page 178: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

178

Modalités de participation JME

38. Le Greffier fait valoir que tous les documents déposés à titre confidentiel doivent être « distribués à la SPV et aux représentants légaux, à moins que le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance ne les ait, individuellement ou collectivement, spécifiquement exclus de la réception d’un document ou d’une catégorie de documents spécifiques31 ». Le Greffier avance en outre que l’article 87 A) du Règlement « ne vise clairement à exclure de la réception que les documents de la catégorie «confidentiel et ex parte» »32.

39. Dans la mesure où l’article 87 A) du Règlement ne distingue pas clairement entre « réception » [receipt] et « consultation » [inspection] des documents confidentiels33, le Greffier estime que l’interprétation des termes au sens de « réception » [receipt] est la bonne34.

b. l’Accusation

40. Dans sa réponse aux Observations du Greffier, l’Accusation a fait valoir que la question était prématurée et a d’abord décliné l’invitation à faire part de ses observations concernant l’accès du Représentant légal aux documents confidentiels35. Elle a néanmoins sollicité l’autorisation de traiter ce point ultérieurement dans ses observations36, ce que le Juge de la mise en état décide présentement de lui accorder37. L’Accusation avance en outre que les documents confidentiels doivent être fournis au Représentant légal au cas par cas, dès lors que leur contenu touche à des questions

31 Ibid., par. 20.

32 Ainsi, le Greffier exclut du champ de ses observations concernant l’applicabilité de l’article 87 A) du Règlement les pièces à conviction et les documents qui sont communiqués entre parties ; Observations du Greffier, par. 6.

33 Voir la discussion ci-dessous, par. 54.

34 Observations du Greffier, par. 9. Le Greffier argue qu’« [TRADUCTION] un simple droit de consultation, mais non de réception, des documents, poserait des problèmes de logistique et nuirait à la capacité des représentants légaux de participer pleinement à la procédure au nom de leurs clients ».

35 Réponse de l’Accusation, par. 11.

36 Observations de l’Accusation, par. 4.

37 Le Juge de la mise en état estime que puisque la question sur laquelle l’Accusation était invitée à faire connaître sa position dans la Réponse de l’Accusation et les Observations de l’Accusation concerne dans les deux cas l’article 87 A), et que ces documents sont par conséquent liés et doivent être lus ensemble, il convient d’accueillir la requête de l’Accusation aux fins de soumettre ses observations « hors délai ».

Page 179: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

179

Modalités de participation JME

spécifiques en rapport avec les victimes et sous réserve que l’accès à ces documents ne contredise pas d’éventuelles mesures de protection applicables38.

c. la défense

41. La Défense juge elle aussi la question prématurée39. Elle conteste le droit du Greffier de demander des éclaircissements auprès du Juge de la mise en état à cet égard, arguant que « [TRADUCTION] [l]e Greffe et l’ensemble de ses organes ne sont pas habilités à devenir une partie à la procédure40 ». La Défense avance, au contraire, que c’est au Représentant légal — une fois désigné — de faire part de ses observations concernant l’accès des victimes aux documents confidentiels41.

2. examen

42. Tout d’abord, le Juge de la mise en état estime qu’il est justifié de prendre une décision à ce stade. La procédure de mise en état est en cours et la Chambre de première instance est saisie de questions qui peuvent, on le conçoit, intéresser les VPP. En effet, le Juge de la mise en état observe que la Chambre de première instance a invité « le représentant principal à déposer, le cas échéant, au nom de l’ensemble des victimes participantes, ses observations relatives aux quatre exceptions de la Défense, le mercredi 6 juin 2012, au plus tard42 ». La désignation du Représentant légal à ce stade avancé impose de lui fournir les documents requis aux fins de lui permettre d’exercer son mandat. Un règlement immédiat permettra de ne pas retarder indûment la procédure et de préparer l’affaire pour un procès rapide et équitable, conformément à l’article 89 D) du Règlement.

38 Observations de l’Accusation, par. 5 c), 19.

39 Observations de la Défense, par. 6. Les Observations de la défense sont antérieures à la Décision relative à la participation des victimes.

40 Réponse de la Défense, par. 10.

41 Ibid., par. 9 et 10.

42 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/TC, Décision procédurale relative aux exceptions préjudicielles d’incompétence déposées par la Défense, 18 mai 2012, par. 8.

Page 180: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

180

Modalités de participation JME

a. Significationduterme«disclosed»àl’article87A)duRèglement

43. L’article 87 A) octroie aux VPP le droit de recevoir des documents déposés par les parties dans la mesure où ils ont été « disclosed by one Party to the other », ce que la version française a traduit par : « dans la mesure où lesdits documents ont été communiqués ». Il s’agit là, à première vue, de concepts différents et le Juge de la mise en état estime qu’une clarification est nécessaire.

44. Comme l’ont souligné l’Accusation et la Défense, le processus de communication, au sens technique du terme, est régi par les articles 110 à 122 du Règlement43. Selon ces articles, divers participants à la procédure ont l’obligation de communiquer [disclose], notamment, les pièces justificatives, les déclarations obtenues de l’accusé et les déclarations de témoins44. Dans son acception technique, le terme communiquer comporte en outre d’autres obligations qu’il appartient à la Chambre de première instance de fixer dans des circonstances précises45. L’Accusation est obligée de communiquer tout autre information en sa possession pouvant raisonnablement permettre d’établir l’innocence ou d’atténuer la culpabilité de l’accusé, ou susceptible de compromettre la crédibilité des éléments de preuve à charge46. Les articles 110 à 120 du Règlement n’indiquent pas, cependant, que les « documents déposés par les parties » donnent lieu à une obligation de communication.

45. Le Juge de la mise en état constate que les pièces communiquées par les parties, au sens technique du terme, ne se limitent pas aux pièces soumises à l’obligation de communication qui ont été déposées en l’affaire Ayyash et autres. Elles englobent également d’autres pièces autrement communiquées par les parties, conformément aux obligations de communication que leur fait le Règlement, et qui ne sont pas déposées.

46. Le Juge de la mise en état entend donc l’expression « communiqués par l’une des parties à l’autre », à l’article 87 A) du Règlement, comme signifiant « communiqués

43 Observations de l’Accusation, par. 5 b), 17, Observations de la Défense, par. 8.

44 Article 110 A) et 112 A) du Règlement. Voir également son article 113.

45 Article 112 bis du Règlement.

46 Article 113 du Règlement.

Page 181: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

181

Modalités de participation JME

ou fournis par » une partie à l’autre, et cette interprétation est en accord avec les versions en arabe et en français du même article. Par conséquent, l’expression « communiqués par l’une des parties à l’autre » mentionnée à l’article 87 A) du Règlement ne renvoie pas à l’acception purement technique de « communication ».

47. Le niveau d’accès aux « documents soumis à l’obligation de communication », au sens technique, qu’il y aura lieu d’octroyer au Représentant légal sera traité dans la sous-section d) ci-dessous.

b. Accès du Représentant légal aux documents en application de l’article 87 A)

48. L’article 87 A) du Règlement habilite les VPP à recevoir des documents déposés par les parties, à l’exception de ceux qui l’ont été à titre ex parte.

49. L’article 87 A) du Règlement est clair dans la mesure où il interdit l’accès des VPP aux pièces confidentielles et ex parte, interdiction qui s’étend nécessairement à la catégorie plus sensible des documents sous scellé et ex parte avec distribution restreinte. Le Juge de la mise en état considère en outre que le Représentant légal est clairement habilité à recevoir les documents publics. Il reste à déterminer si l’article 87 A) du Règlement accorde au Représentant légal l’accès aux documents classés « confidentiels ».

50. Après examen des observations du Greffier et des parties, le Juge de la mise en état estime qu’il convient d’autoriser l’accès du Représentant légal à l’ensemble des documents déposés à titre confidentiel dans l’affaire Ayyash et autres, sous réserve des conditions énoncées ci-après dans la section d). Cette approche est conforme au libellé de l’article et aura pour effet d’assurer et d’encourager la participation réelle et efficace des victimes à la procédure47. L’accès aux documents déposés à titre confidentiel dans l’affaire Ayyash et autres doit être octroyé rétroactivement.

47 Sur cette question, les sources du droit divergent. La Chambre de première instance II de la CPI a dit que « les représentants légaux doivent pouvoir consulter l’ensemble des décisions et document publics et confidentiels figurant au dossier de l’affaire ». (CPI, Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, Affaire n° ICC-01/04-01/07, Décision relative aux modalités de participation des victimes au stade des débats sur le fond, 22 janvier 2010 (« Décision relative aux modalités en l’affaire Katanga »), par. 121.) Voir aussi Décision relative à la participation des victimes en l’affaire Lubanga, par. 106 : « il convient de poser en principe que

Page 182: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

182

Modalités de participation JME

51. Le Juge de la mise en état observe en outre que l’article 87 A) ne crée pas un régime d’examen permanent mais dispose simplement que l’accès des victimes à des documents confidentiels est accordé. Ceci contraste avec les articles 87 B), C) et D) suivants qui conditionnent tous le droit d’accès des victimes à « l’autorisation » de la Chambre concernée. Les articles 87 C) et D) requièrent de surcroît que les parties aient été entendues avant que de telles modalités ne soient autorisées. De toute évidence, il n’est pas nécessaire d’apprécier au cas par cas le droit des VPP à recevoir des documents déposés par les parties.

52. Pour les raisons précitées également, le Juge de la mise en état estime qu’il convient d’autoriser le Représentant légal à obtenir les décisions et ordonnances confidentielles figurant au dossier de l’affaire Ayyash et autres.

53. En outre, s’agissant spécifiquement des demandes de participation présentées par les victimes admises à participer à la procédure dans la Décision relative à la participation des victimes, qui ont été déposées à titre confidentiel et ex parte, le Juge de la mise en état considère qu’il y a lieu d’autoriser le Représentant légal à y accéder, ainsi qu’à tous les documents connexes du dossier, afin que celui-ci puisse remplir dûment sa mission et exercer concrètement ses droits en application de la présente décision48.

les représentants légaux des victimes n’auront accès qu’aux documents publics » ; Affaire Lubanga, Trial Judgment, par. 14 vi) « [TRADUCTION] [e]n principe, les victimes ont le droit d’accéder et de se voir notifiés tous les documents publics et tous les documents confidentiels du dossier qui les concernent (tels qu’identifiés par les parties), dès lors que cela n’enfreint aucune mesure de protection en vigueur » ; CPI, Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, Affaire n° ICC-01/09-02/11-326, Decision on the Request for Access to Confidential Inter Partes Material, 14 septembre 2011, par. 12 et 13 : « [TRADUCTION] [l]’accès à des documents confidentiels ne peut être accordé qu’au cas par cas, et uniquement lorsque les victimes peuvent démontrer que lesdits documents se rapportent à des questions spécifiques touchant leurs intérêts et que la Chambre conclut que l’intérêt des victimes l’emporte sur la nécessité de maintenir la confidentialité des informations ».

48 En particulier, le Greffier doit fournir le document intitulé Transmission of Applications for the Status of Victim Participating in the Proceedings « [TRADUCTION] Transmission des demandes d’obtention de la qualité de victime participant à la procédure », ainsi que ses annexes confidentielles et ex parte (Annexes to Transmission of Applications for the Status of Victim Participating in the Proceedings Annexes), 9 février 2012 (corrigées par les rectificatifs : Corrigendum to ‘Transmission of Applications for the Status of Victim Participating in the proceedings’ et Annex - Corrigendum to ‘Overview of Victim Applications’ le 15 février 2012). Il lui est enjoint en outre de fournir des copies de la Décision relative à la participation des victimes du 8 mai 2012, accompagnée de son annexe confidentielle et ex parte.

Page 183: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

183

Modalités de participation JME

c. Significationduterme«receive»àl’article87A)

54. Le Greffier a abordé la question de la signification du terme « receive » à l’article 87 A) du Règlement, et fait valoir qu’il convenait de lui accorder son sens ordinaire plutôt que la terminologie adoptée en français, plus proche du terme [anglais] « inspection »49. Le Greffier a raison de souligner qu’un droit qui se limiterait à une simple consultation ne manquerait pas de générer des problèmes de logistique. Il affaiblirait, de surcroît, la capacité du Représentant légal à représenter efficacement les vues et préoccupations des victimes et à mener à bien son mandat. Sur la base de ce raisonnement, le Juge de la mise en état conclut que l’article 87 A) autorise le Représentant légal à recevoir les documents en question.

d. Conditionsapplicablesà l’obtentionpar leReprésentant légaldedocumentsconfidentiels

55. Le Juge de la mise en état estime que l’accès du Représentant légal aux documents déposés à titre confidentiel est soumis à certaines conditions. Le Tribunal ayant à cœur d’assurer la protection des personnes concernées par ses activités, un tel accès est soumis à la condition qu’il ne nuira pas à la sécurité de personnes ou d’organisations. Par conséquent, le Juge de la mise en état peut ordonner que des mesures appropriées soient prises en application de l’article 133 du Règlement50.

56. Le Juge de la mise en état rappelle en outre que les représentants légaux des victimes sont des conseils professionnels et ont des obligations déontologiques. En application du Code de conduite professionnelle des conseils plaidant devant le Tribunal, « [l]e conseil [...] protège la confidentialité des éléments de preuve et des actes de procédure identifiés comme tels par le Tribunal51 ». En outre, conformément

49 Observations du Greffier, par. 9.

50 L’article 133 A) du Règlement dispose : « [l]a Chambre de première instance peut, d’office ou à la demande d’une partie, de la victime, du témoin concerné ou de la Section d’appui aux victimes et aux témoins, ordonner des mesures appropriées pour protéger la vie privée et la sécurité des victimes et des témoins, à condition que ces mesures soient compatibles avec les droits de l’accusé ». En application de l’article 97 du Règlement, l’article 133 du Règlement s’applique mutatis mutandis dans les procédures devant le Juge de la mise en état.

51 TSL, Code de conduite professionnelle des conseils plaidant devant le Tribunal, adopté en application de l’article 60 C) du Règlement, 28 février 2011, STL-CC-2011-01, par. 5.

Page 184: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

184

Modalités de participation JME

à la Directive relative à la représentation légale des victimes, « [TRADUCTION] tous les membres de l’équipe juridique représentant les victimes sont liés par — chaque fois qu’ils sont applicables — le Statut, le Règlement, le Code commun, le Code de conduite des représentants légaux des victimes, la Directive, et toute autre réglementation applicable52 ».

57. Dans la présente affaire, le Juge de la mise en état considère que l’accès aux documents confidentiels est limité au Représentant légal et ne peut être étendu à ses clients. Ce dernier ne peut donc fournir aux VPP des documents confidentiels qui lui ont été adressés. S’il estime qu’il est nécessaire de le faire afin de représenter les intérêts de ses clients, il doit d’abord demander le consentement de la partie qui a fourni le document. Si cette démarche échoue, et uniquement dans ce cas, le Représentant légal peut saisir le Juge de la mise en état, qui se déterminera au cas par cas, après avoir entendu la partie qui a fourni le document concerné53.

58. En outre, le Juge de la mise en état considère que, lorsque les communications du Conseil de la Défense sont assorties de restrictions à l’égard, entre autres, de tierces parties, les mêmes restrictions s’appliquent mutatis mutandis au Représentant légal54.

59. Le Juge de la mise en état rappelle aux VPP et à leur Représentant légal que leur participation n’est autorisée que dans le respect du Statut et du Règlement, et les invite à coopérer avec les parties afin d’assurer le bon déroulement de la procédure, le respect des droits de l’accusé et l’équité et l’impartialité du procès.

60. Enfin, le Juge de la mise en état note que l’article 150 D) du Règlement permet aux VPP de déposer en qualité de témoin si une Chambre décide que l’intérêt

52 Directive relative à la représentation des victimes, STL/BD/2012/04, 4 mai 2012, Art. 24 B).

53 Cette approche est conforme à la jurisprudence de la CPI, qui a reconnu la nécessité d’empêcher les représentants légaux de communiquer des informations confidentielles à leurs clients sans la permission de la Chambre. Cf., par ex., ICC, Prosecutor v. Jean-Pierre Bemba Gombo, Affaire n° ICC-01/05-01/08-807-Corr, Corrigendum to Decision on the Participation of Victims in the Trial and on 86 Applications by Victims to Participate in the Proceedings, 12 juillet 2010, par. 47 ; Décision relative aux modalités en l’affaire Katanga, par. 123.

54 Le Juge de la mise en état est actuellement saisi d’une requête de l’Accusation aux fins de la délivrance d’une ordonnance de non communication traitant, notamment, de certaines restrictions imposées aux conseils de la défense en matière de communication avec le public. TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL1101/PT/PTJ, Prosecution Request for an Order of Non-Disclosure, 2 mai 2012, par. 26 e).

Page 185: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

185

Modalités de participation JME

de la justice le commande55. Le Règlement prévoit donc le cas où une VPP — indépendamment de sa qualité de VPP — est appelée à la barre en qualité de témoin. Ce cas de figure, ou une VPP apparaît également en tant que témoin (les « victimes à double qualité »), appelle des considérations particulières56.

61. L’une d’entre elles est que la participation des victimes à double qualité peut nécessiter des mesures de protection spécifiques57. Elle doit être gérée soigneusement afin de préserver les droits de l’accusé à un procès rapide et équitable58, ainsi que les intérêts de l’Accusation et des VPP elles-mêmes. Lorsqu’une telle situation se présente, les modalités applicables seront déterminées en temps utile par la Chambre concernée.

62. Un autre élément à prendre en compte est que d’autres « conditions de stricte confidentialité » peuvent s’appliquer lorsque le Représentant légal souhaite transmettre des documents à des victimes à double qualité59. À cet égard, le Juge de la mise en état rappelle sa conclusion énoncée plus haut, au paragraphe 57, selon laquelle l’accès du Représentant légal aux documents confidentiels ne s’étend pas à ses clients. Dans le cas d’une victime à double qualité, et si le Représentant légal considère qu’il est nécessaire de lui transmettre des documents confidentiels, le même mécanisme exposé ci-dessus s’applique. Le statut spécifique de cette VPP sera pris en compte à ce stade.

55 Le Juge de la mise en état observe en outre que l’article 86 B) v) du Règlement permet au Juge de la mise en état — lorsqu’il examine une demande de participation en qualité de victime à la procédure— d’examiner « si le demandeur disposant d’informations factuelles pertinentes portant sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé est susceptible d’être un témoin ». En outre, l’article 165 du Règlement autorise la Chambre de première instance, les parties entendues, « d’office ou à la demande d’une partie, [à] ordonner à l’une des parties ou à une victime participant à la procédure de produire des éléments de preuve supplémentaires ».

56 Voir CPI, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Affaire n° ICC-01/04-01/06-1379, Décision relative à certaines questions pratiques concernant les personnes qui possèdent la double qualité de témoin et de victime, 5 juin 2008, par. 52 à 78.

57 Id. par. 135.

58 Voir Décision relative à la participation des victimes en l’affaire Lubanga, par. 134 : « lorsque la Chambre de première instance examinera la demande d’une victime possédant cette double qualité, elle déterminera si la participation d’une victime qui est également un témoin peut avoir des effets adverses sur les droits de la Défense à un stade particulier de l’affaire. Elle prendra en considération les modalités de la participation des victimes ayant cette double qualité, le caractère nécessaire ou non de leur participation et le droit de l’accusé à un procès équitable et rapide ».

59 Id. par. 63(b).

Page 186: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

186

Modalités de participation JME

D. Accès du Représentant légal aux pièces soumises à l’obligation de communication

63. Le Juge de la mise en état a invité les parties et la Section de participation des victimes à présenter des observations concernant l’accès des représentants légaux des victimes aux pièces soumises à l’obligation de communication60.

1. Arguments des parties

a. la section de participation des victimes

64. La Section de participation des victimes fait valoir qu’en vertu de l’article 87 A) du Règlement, le Représentant légal a le droit de recevoir et d’avoir accès aux pièces communiquées par une partie à une autre, sous réserve de toutes restrictions imposées par le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance61. Cette interprétation de l’article 87 A) du Règlement se fonde sur l’historique de l’élaboration de cette disposition et est nécessaire afin de permettre au Représentant légal de donner pleinement effet à la participation des victimes à la procédure62. En outre, le fait d’accorder d’office au Représentant légal l’accès aux pièces soumises à l’obligation de communication — plutôt qu’en se fondant sur une appréciation au cas par cas des intérêts personnels des victimes ou sur d’autres critères — garantit la rapidité de la procédure63.

b. l’Accusation

65. L’Accusation considère que l’article 87 A) du Règlement autorise le Représentant légal à ne recevoir que les documents déposés par les parties, et non les pièces soumises à l’obligation de communication au sens technique des articles 110

60 Cf. par. 10-11ci-dessus.

61 Observations de la Section de participation des victimes, par. 8 a).

62 Ibid., par. 10.

63 Ibid., par. 30.

Page 187: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

187

Modalités de participation JME

à 122 du Règlement64. En ce qui concerne les pièces visées à l’article 87 A)65, l’Accusation soutient que le Représentant légal a le droit de les recevoir à condition qu’elles n’aient pas été déposées confidentiellement et ex parte. Toutefois, un tel accès aux « documents non confidentiels » ne doit pas être automatique et l’Accusation doit se voir accorder la possibilité de présenter des observations quant à la question de savoir : 1) si des expurgations différentes ou supplémentaires par rapport à celles devant être communiquées à la Défense sont nécessaires et 2) si le Représentant légal doit s’engager à ne pas communiquer les pièces visées à l’article 87 A) à ses clients66.

66. En outre, l’Accusation soutient que l’accès à toute pièce visée à l’article 87 A) doit être refusé aux représentants légaux agissant au nom de victimes anonymes67.

67. L’Accusation accepte que d’autres pièces puissent être communiquées au Représentant légal « [TRADUCTION] afin de donner effet aux droits conférés aux victimes par le Statut et le Règlement68 ». Elle affirme qu’il serait utile d’indiquer comment y parvenir69. À cet égard, l’Accusation propose que le Représentant légal établisse une liste de ces documents par écrit. L’accès à ces documents serait accordé au cas par cas, sous réserve d’une détermination de la pertinence des documents demandés au regard des intérêts personnels des victimes70.

c. la défense

68. La Défense fait valoir que, au moment où elle a présenté ses observations — et avant la décision du Juge de la mise en état relative à la participation des victimes ou

64 Observations du Procureur, par. 5 b).

65 Telles que définies dans les Observations du Procureur, à savoir des « [TRADUCTION] documents déposés par les parties, si tant est qu’ils ont été communiqués par une partie à l’autre ». Les documents déposés ne relèvent pas de cette catégorie. Cf. Ibid., par. 3.

66 Ibid., par. 17.

67 Ibid., par. 18.

68 Ibid., par. 21.

69 Ibid., par. 22.

70 Ibid., par. 23.

Page 188: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

188

Modalités de participation JME

la désignation du Représentant légal — il était prématuré de statuer sur l’accès des victimes aux pièces soumises à l’obligation de communication71.

69. Par ailleurs, la Défense avance qu’aux termes de l’article 87 A) du Règlement, les victimes ou leurs représentants légaux n’ont accès qu’aux pièces justificatives jointes à la requête en confirmation de l’acte d’accusation. Ces pièces font partie du dossier de l’affaire remis par le Juge de la mise en état à la Chambre de première instance, et auquel les victimes ont accès en application de l’article 87 A)72. La Défense considère toutefois que l’accès des victimes aux pièces justificatives est soumis à plusieurs restrictions, notamment le fait qu’il ne doit devenir effectif qu’à partir du moment où le dossier de l’affaire a été remis à la Chambre de première instance et qu’il doit être limité aux documents publics qui sont réellement pertinents au regard des intérêts personnels des VPP73.

2. examen

70. D’emblée, le Juge de la mise en état note qu’aucune disposition du Règlement ne donne expressément le droit au Représentant légal de recevoir les pièces soumises à l’obligation de communication communiquées par une partie à une autre. Il rappelle également sa conclusion au paragraphe 46 ci-dessus, à savoir que l’article 87 A) du Règlement ne donne pas au Représentant légal le droit de recevoir les pièces soumises à l’obligation de communication, mais seulement les documents publics et confidentiels déposés par les parties.

a. Piècesjustificatives

71. L’article 87 A) du Règlement dispose que les VPP ont accès au dossier transmis par le Juge de la mise en état à la Chambre de première instance avant l’ouverture du procès, en application de l’article 95 du Règlement 74. L’élément pertinent dans le

71 Observations de la Défense, par. 6.

72 Ibid., par. 8.

73 Ibid., par. 9.

74 L’article 87 A) énonce expressément qu’un tel accès est autorisé, à moins que « le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance n’impose, d’office ou à la demande de l’une des parties, une quelconque

Page 189: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

189

Modalités de participation JME

cadre du présent examen tient au fait que le dossier de l’affaire contient notamment « tout élément de preuve reçu par [le Juge de la mise en état]75 ». Sont en principe incluses les pièces présentées par l’Accusation à l’appui de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 (« l’acte d’accusation ») aux fins de sa confirmation76.

72. À la lumière de ce qui précède, de par leur droit d’avoir accès au dossier de l’affaire Ayyash et autres en application de l’article 87 A) du Règlement, les représentants légaux sont habilités, de manière générale, à recevoir les pièces justificatives jointes à l’acte d’accusation, sous réserve de toute restriction que le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance pourrait imposer dans l’intérêt de la justice, au moment où elles sont transmises à la Chambre de première instance en application de l’article 95A) ii) du Règlement. Le Juge de la mise en état note que l’article 87 A) du Règlement est une disposition inédite. Devant d’autres juridictions internationales de même type, l’étendue de l’accès des victimes participantes ou des parties civiles aux éléments de preuve varie selon les règlements de procédure et de preuve et la manière dont leurs dispositions sont interprétées77. Or, l’accès aux

restriction dans l’intérêt de la justice ».

75 Cf. article 95A) ii) du Règlement.

76 Aux termes de l’article 68 B) du Règlement du TSL : « Si l’enquête permet au Procureur d’établir qu’il existe des éléments de preuve suffisants démontrant qu’un suspect a commis un crime susceptible de relever de la compétence du Tribunal, il transmet au Juge de la mise en état pour confirmation un acte d’accusation auquel il joint tous les éléments justificatifs ».

77 Par exemple, devant les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (« CETC »), les victimes ont la qualité de partie civile et ont à ce titre des droits d’accès importants au dossier de l’affaire. Cf. Règlement intérieur des CETC, Rév. 8, Glossaire: « Partie » (partie – [...]) désigne les co-procureurs, la personne mise en examen/accusée et les parties civiles ». L’article 55 6) du Règlement intérieur des CETC dispose également que : « Le dossier d’instruction est tenu par le greffier des co-juges d’instruction. À tout moment, les co-procureurs et les avocats des autres parties ont le droit de prendre connaissance du dossier et d’en obtenir copie sous le contrôle du greffier des co-juges d’instruction, pendant les jours ouvrables et sous réserve du bon fonctionnement des CETC. »

À la CPI, les victimes participant à la procédure n’ont pas la qualité de parties civiles. Aux termes de la règle 12110 du Règlement de procédure et de preuve de la CPI, « [l]e Greffe constitue et tient à jour le dossier de la procédure devant la Chambre préliminaire, auquel sont versées toutes les pièces transmises à celle-ci en application de la présente règle. Sous réserve, le cas échéant, des restrictions assurant la confidentialité et la protection de renseignements touchant à la sécurité nationale, le dossier peut être consulté par le Procureur, la personne concernée et les victimes ou leurs représentants légaux qui participent à la procédure conformément aux règles 89 à 91. » Par conséquent, les victimes participant à la procédure peuvent uniquement consulter le dossier de l’affaire. Ce droit peut faire l’objet de restrictions au motif de confidentialité et de protection de renseignements touchant à la sécurité nationale. Les différentes Chambres de la CPI ont interprété cette règle différemment. Les victimes participant à la procédure ont un droit général d’accès uniquement pour ce qui est des éléments de preuve publics communiqués par le Procureur et la Défense figurant dans le dossier de l’affaire,

Page 190: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

190

Modalités de participation JME

éléments de preuve est généralement traité comme étant une prérogative des parties. Le droit d’accès des victimes aux éléments de preuve tend par conséquent à être interprété de façon restrictive78.

73. Le Juge de la mise en état fait deux observations en ce qui concerne l’accès du Représentant légal aux pièces justificatives. Premièrement, le mécanisme d’accès automatique — qui évite d’avoir à déterminer si les intérêts personnels des VPP sont affectés par les éléments de preuve en question — assure la participation effective des victimes à la procédure. Il promeut également la rapidité de la procédure, en ce sens qu’il évite des contentieux inter partes sur cette question, caractéristiques d’autres juridictions. Deuxièmement, le Juge de la mise en état estime que certaines conditions s’appliquent à l’accès du Représentant légal aux pièces justificatives, qui seront examinées ci-après.

i. Conditions applicables à l’accès du Représentant légal aux pièces justificatives

74. Le Juge de la mise en état rappelle sa conclusion du paragraphe 55 ci-dessus concernant l’application de mesures de protection à l’accès du Représentant légal aux documents confidentiels. Il estime que les mêmes considérations s’appliquent, mutatis mutandis, à l’accès aux pièces soumises à l’obligation de communication.

à compter de la date à laquelle leur participation à la procédure a été admise. Cf., par ex. CPI, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Affaire n° ICC-01/05-01/08, Quatrième décision relative à la participation des victimes, Chambre préliminaire III, 12 décembre 2008, par. 104 (« Quatrième décision relative à la participation des victimes en l’affaire Bemba ») ; CPI, Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, Affaire n° ICC-01/09-01/11, Decision on Victims’ Participation at the Confirmation of Charges Hearing and in the Related Proceedings, Chambre préliminaire II, 5août 2011, par. 91. Contre, voir CPI, Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, Affaire n° ICC-01/04-01/07, Décision relative à l’ensemble des droits procéduraux associés à la qualité de victime dans le cadre de la procédure préliminaire en l’espèce, Chambre préliminaire I, 13 mai 2008, par. 132, dans laquelle les représentants légaux des victimes se sont vu accorder l’accès aux éléments de preuve confidentiels. Cf. aussi Ibid., par. 150, où le juge unique a considéré que, « d’après l’interprétation contextuelle de l’article 68-3 du Statut et les règles 91 et 92 du Règlement, le fait d’empêcher les victimes qui n’ont pas obtenu l’anonymat de consulter des pièces confidentielles constitue l’exception et non la règle générale, du moins en ce qui concerne la phase préliminaire d’une affaire, pendant laquelle le dossier de l’affaire est certainement limité ». Voir aussi Décision relative aux modalités en l’affaire Katanga, par. 122.

78 Cf. l’exposé dans la note ci-dessus, se référant notamment à la jurisprudence de la CPI.

Page 191: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

191

Modalités de participation JME

75. De surcroît, le Représentant légal est tenu, dans ses communications avec les VPP et/ou des tiers, aux obligations de confidentialité qui s’appliquent aux documents confidentiels79.

ii. Modalités

76. La question du moment à partir duquel le Représentant légal aura accès aux pièces justificatives n’a pas été tranchée. Si l’article 87 A) peut sembler indiquer que les VPP les reçoivent au moment de la transmission du dossier de l’affaire à la Chambre de première instance, le Juge de la mise en état relève également les articles 91 H) et 95 A) i) et vii) du Règlement, qui formulent des prescriptions au regard de l’élaboration et l’exécution d’un plan de travail par le Juge de la mise en état et la transmission du dossier de l’affaire à la Chambre de première instance. Entre autres, ainsi que cela a déjà été mentionné, l’article 91 H) du Règlement fait obligation aux VPP de déposer la liste des témoins qu’elles souhaiteraient voir cités à comparaître par la Chambre de première instance, ainsi que la liste des pièces qu’elles souhaiteraient voir admises en tant qu’éléments de preuve par cette même Chambre. Ces deux documents font partie du dossier de l’affaire, aux termes de l’article 95 A) i) du Règlement. En outre, dans le cadre des obligations qui lui incombent en application de l’article 95 A) vii) du Règlement, le Juge de la mise en état doit verser au dossier de l’affaire :

un dossier complet contenant : a) les arguments des parties et des victimes participant à la procédure concernant les faits et le droit applicable ; [...] c) les éléments de preuve produits par chaque partie et par les victimes participant à la procédure.

77. Le Juge de la mise en état estime que, afin que les VPP produisent les documents visés à l’article 91 H) du Règlement et que le Représentant légal formule des arguments concernant les faits de l’affaire, ce dernier doit être en mesure de préparer le dossier. Par conséquent, le Représentant légal a besoin de recevoir les pièces justificatives pertinentes avant que le dossier de l’affaire ne soit remis à la Chambre de première instance, et non au moment de sa transmission.

79 Cf. par. 58 ci-dessus.

Page 192: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

192

Modalités de participation JME

78. En conclusion, le Juge de la mise en état estime que, pour que le Représentant légal puisse dûment s’acquitter de ses fonctions et participer de façon effective à la procédure au nom des VPP conformément aux modalités établies dans la présente décision, il est dans l’intérêt de la justice qu’il ait accès aux pièces présentées à l’appui de l’acte d’accusation dès que possible après sa désignation.

b. Autrespiècessoumisesàl’obligationdecommunication

79. En ce qui concerne les pièces soumises à l’obligation de communication autres que les pièces justificatives, le Juge de la mise en état note qu’aucune disposition du Règlement ne donne expressément le droit aux VPP d’y avoir accès. Il estime toutefois que pour garantir une participation effective des victimes à la procédure, le Représentant légal doit avoir accès à ces pièces dans le format80 dans lequel elles ont été communiquées à la partie qui en a bénéficié. Les conditions et restrictions susmentionnées concernant les pièces justificatives s’appliquent également aux autres pièces soumises à l’obligation de communication81.

c. Pièces soumises à l’obligation de communication et victimesanonymes

80. S’agissant des Observations du Procureur concernant le contexte dans lequel un Représentant légal agit au nom de victimes anonymes, le Juge de la mise en état rappelle ce qu’il a indiqué au paragraphe 20 ci-dessus, à savoir que toutes les VPP participeront à la procédure en l’affaire Ayyash et autres dans le cadre d’un groupe bénéficiant d’une représentation commune. Par conséquent, même si une ou plusieurs VPP sont autorisées à participer de façon anonyme, elles le feront par l’intermédiaire du même représentant que les autres victimes participantes. Il est en principe interdit à ce Représentant légal de communiquer des pièces de cette nature aux VPP82. La requête de l’Accusation visant à ce que le Représentant légal de

80 Par exemple, versions non expurgées, versions expurgées ou résumés.

81 Voir par. 56-58 ci-dessus.

82 Cf. par. 74 ci-dessus.

Page 193: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

193

Modalités de participation JME

victimes anonymes ne puisse avoir accès à aucune des pièces visées à l’article 87 A) n’a par conséquent pas lieu d’être.

V. LesObservationsduGreffieretlesécrituresconnexesconcernantl’accèsde la section de participation des victimes aux documents

81. Ayant statué sur les modalités de participation des victimes à la procédure devant lui, le Juge de la mise en état examine maintenant les Observations du Greffier et les écritures connexes concernant l’accès de la Section de participation des victimes aux pièces et documents. Dans ses Observations, le Greffier sollicite notamment du Juge de la mise en état une ordonnance aux fins de préciser que la Section de participation des victimes doit avoir accès aux documents déposés à titre confidentiel. Les Observations de la Section de participation des victimes portent sur l’accès aux pièces soumises à l’obligation de communication, notamment par la Section de participation des victimes.

A. Arguments des parties

a. LeGreffieretlaSectiondeparticipationdesvictimes

82. Dans ses Observations, le Greffier demande au Juge de la mise en état de donner le droit à la Section de participation des victimes de recevoir les documents déposés à titre confidentiel, sous réserve de toutes restrictions imposées par le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance. La requête du Greffier se fonde sur deux arguments principaux. Premièrement, il y soutient que — afin que la Section de participation des victimes puisse veiller à ce que les victimes ou leur Représentant légal reçoivent les documents déposés par les parties et les dossiers présentés par le Juge de la mise en état en application de l’article 51 B) iv) du Règlement — « [TRADUCTION] la Section de participation des victimes doit recevoir au moins la même gamme de documents que celle qui est mise à la disposition des représentants légaux en application de l’article 87 A) » du Règlement83, voire plus84.

83 Observations du Greffier, par. 14.

84 Ibid., par. 18.

Page 194: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

194

Modalités de participation JME

83. Deuxièmement, le Greffier avance également que la fonction d’aide et de soutien qu’exerce la Section de participation des victimes à l’égard du Représentant légal en application de l’article 51 C) du Règlement est « pour l’essentiel analogue » à celle qu’exerce le Bureau de la Défense à l’égard du conseil de la défense en application de l’article 57 du Règlement. Le Greffier souligne que le Bureau de la Défense est habilité à recevoir les documents confidentiels adressés à la Défense en application de l’article 48 E) du Règlement et de la Section 3 de la Directive pratique relative au rôle du Chef du Bureau de la Défense dans les procédures instituées devant le Tribunal (« Directive pratique relative au rôle du Chef du Bureau de la Défense »)85. Le Greffier soutient par conséquent que le droit de la Section de participation des victimes de consulter les documents doit être analogue à celui du Bureau de la Défense de consulter les documents adressés au conseil de la défense86.

84. En ce qui concerne les pièces soumises à l’obligation de communication, la Section de participation des victimes fait valoir qu’il n’est pas nécessaire qu’elle les reçoive en continu, mais que cela peut se révéler nécessaire, dans des circonstances particulières, pour lui permettre d’exercer ses fonctions87. La Section de participation des victimes estime que ces documents peuvent être fournis par les représentants légaux selon que de besoin88.

b. l’Accusation

85. L’Accusation ne s’oppose pas à la transmission de certains documents confidentiels à la Section de participation des victimes89. L’Accusation affirme toutefois que la décision doit être prise au cas par cas par le Juge de la mise en état ou la Chambre concernée, étant donné les incidences de ces questions sur la capacité de la Section de participation des victimes de s’acquitter de ses fonctions et, en tout

85 Directive pratique relative au rôle du Chef du Bureau de la Défense, 30 mars 2011 ; Observations du Greffier, par. 16.

86 Ibid., par. 17.

87 Observations de la Section de participation des victimes, par. 8 b).

88 Ibid., par. 27.

89 Réponse du Procureur, par. 4.

Page 195: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

195

Modalités de participation JME

état de cause, une fois les parties entendues90. En effet, l’Accusation estime qu’il n’est pas nécessaire que la Section de participation des victimes reçoive tous les documents confidentiels pour exercer ses fonctions91.

86. En ce qui concerne l’accès de la Section de participation des victimes aux pièces soumises à l’obligation de communication, l’Accusation fait observer qu’aucune disposition juridique ne prévoit l’accès de la Section de participation des victimes aux documents visés à l’article 87 A)92. La Section de participation des victimes ne figure effectivement pas parmi les destinataires prévus de ces documents. En outre, la Section de participation des victimes n’a pas besoin de ces documents pour exercer ses fonctions, telles que définies à l’article 51 du Règlement93. À l’inverse, l’absence d’implication de la Section de participation des victimes peut permettre de préserver sa neutralité dans une affaire particulière94.

c. la défense

87. En ce qui concerne l’accès de la Section de participation des victimes aux documents confidentiels, la Défense demande que la Section de participation des victimes n’y ait pas accès, à moins que le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance ne l’ait autorisé95. La position du conseil de la défense se fonde sur deux arguments. Premièrement, les fonctions de la Section de participation des victimes visées à la l’article 51 B) iv) du Règlement ne prévoient pas l’accès de la Section de participation des victimes aux documents confidentiels96. Deuxièmement, même si l’analogie entre la Section de participation des victimes et le Bureau de la Défense devait être accueillie favorablement, la consultation de documents confidentiels par la Section de participation des victimes serait néanmoins soumise

90 Ibid., par. 4 et 12.

91 Ibid., par. 8.

92 Observations du Procureur, par. 5 a) 13.

93 Ibid., par. 14.

94 Ibid.

95 Réponse de la Défense, par. 19.

96 Ibid., par. 14.

Page 196: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

196

Modalités de participation JME

et conditionnée à une autorisation du Représentant légal. En effet, le Greffier a mal interprété la Directive pratique relative au rôle du Chef du Bureau de la Défense97. Conformément à la Section 3 de cette Directive pratique, « le Greffe distribue au Chef du Bureau de la Défense toutes les ordonnances et décisions publiques et confidentielles » et « [TRADUCTION] [d]es documents confidentiels déposés par les parties peuvent être distribués au Chef du Bureau de la Défense si la Défense en fait la demande »98. La Défense estime par conséquent qu’une décision sur ce point serait prématurée à ce stade99.

88. En ce qui concerne l’accès de la Section de participation des victimes aux pièces soumises à l’obligation de communication, la Défense soutient dans ses Observations qu’aucun fondement ne justifie un droit d’accès à ces pièces par la Section de participation des victimes100. Elle demande par conséquent au Juge de la mise en état de ne pas autoriser la Section de participation des victimes à avoir accès aux pièces soumises à l’obligation de communication101.

B. Examen

89. Le Juge de la mise en état note que le Règlement ne contient aucune disposition relative aux questions concernant la réception de documents confidentiels par la Section de participation des victimes et l’accès de cette dernière aux pièces soumises à l’obligation de communication.

90. En ce qui concerne la demande du Greffier visant à ce que la Section de participation des victimes obtienne l’accès aux documents déposés à titre confidentiel afin de s’acquitter de ses fonctions, le Juge de la mise en état estime qu’une analogie peut être établie entre le rôle de la Section de participation des victimes à l’égard du Représentant légal, d’une part, et le rôle du Chef du Bureau de la Défense à l’égard du conseil de la défense, d’autre part. Bien que la Section de participation des victimes

97 Ibid., par. 15.

98 Ibid.

99 Ibid., par. 16.

100 Observations de la Défense, par. 11.

101 Ibid., par. 13.

Page 197: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

197

Modalités de participation JME

n’ait pas le même statut que le Bureau de la Défense — la première étant « une unité au sein du Greffe102 » et le deuxième un organe du Tribunal103 — une lecture des articles 51 et 57 du Règlement montre qu’en pratique, ils exercent dans une large mesure les mêmes prérogatives. Aux termes de l’article 51 C) v) du Règlement, la Section de participation des victimes a en effet pour tâche « d’exercer, mutatis mutandis, s’agissant des représentants légaux des victimes, les pouvoirs conférés au Chef du Bureau de la Défense aux termes de l’article 57 G) et, le cas échéant, de demander au Greffier d’exercer ses pouvoirs en vertu de l’article 51 G) ». Ces pouvoirs sont notamment de :

i) Veiller à ce que la représentation des personnes concernées réponde aux normes reconnues sur le plan international et soit conforme aux dispositions du Statut, du Règlement, du Code de conduite professionnelle des conseils et à d’autres dispositions pertinentes104.

ii) Suivre les prestations et le travail des représentants et des personnes qui les assistent105 et

iii) S’assurer que des avis appropriés soient donnés au représentant afin de contribuer à une représentation effective106.

91. À cet égard, le Juge de la mise en état note que, en vertu de la Section 3 de la Directive pratique, le Chef du Bureau de la Défense reçoit :

a) Toutes les ordonnances et décisions publiques et confidentielles déposées dans une affaire107 et ;

102 Article 51A) du Règlement.

103 Article 7 d) du Statut du TSL. Voir aussi article 57 du Règlement.

104 Article 57 G) du Règlement.

105 Article 57 G) i) du Règlement. Voir aussi Directive relative à la représentation légale des victimes, art. 30.

106 Article 57 G) iii) du Règlement. Voir aussi article 51 C) iii) du Règlement.

107 Directive pratique relative au rôle du Chef du Bureau de la Défense, par. 9 a).

Page 198: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

198

Modalités de participation JME

b) Tous les documents publics déposés autres que des ordonnances et décisions présentés à ou par la Défense108.

Le Chef du Bureau de la Défense peut recevoir tous les documents confidentiels adressés à et par la Défense, uniquement si le conseil de la défense lui en a donné l’autorisation, afin que ce dernier puisse dûment s’acquitter de ses fonctions de soutien et d’assistance visées à l’article 13 du Statut109. Il ne peut recevoir des documents ex parte que s’il y a été expressément autorisé par le Juge de la mise en état ou une Chambre110.

92. Le Juge de la mise en état estime que le même régime s’applique, mutatis mutandis, à la Section de participation des victimes.

93. En ce qui concerne le rôle de la Section de participation des victimes de « veiller à ce que les victimes ou leurs représentants reçoivent les documents déposés par les parties » en application de l’article 51 B) iv) du Règlement, le Juge de la mise en état estime qu’il n’est pas utile que la Section de participation des victimes bénéficie d’un accès automatique à tous les documents confidentiels pour s’acquitter de cette fonction. Il suffit que le Greffier fournisse à la Section de participation des victimes une liste de tous les documents qui ont été déposés par les parties, pour que la Section de participation des victimes puisse veiller à ce que le Représentant légal les reçoive comme il se doit.

94. En ce qui concerne l’accès de la Section de participation des victimes aux pièces soumises à l’obligation de communication, le Juge de la mise en état estime que, pour les raisons mentionnées ci-dessus, les modalités s’appliquant à la transmission des documents par la Défense au Bureau de la Défense devraient s’appliquer mutatis mutandis au Représentant légal et à la Section de participation des victimes.

95. À cet égard, en application mutatis mutandis de la Section 4 de la Directive pratique relative au rôle du Chef du Bureau de la Défense, la Section de participation

108 Ibid., par. 9 b).

109 Ibid., par. 10.

110 Ibid., par. 11.

Page 199: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

199

Modalités de participation JME

des victimes peut recevoir du Représentant légal toutes informations légitimement en sa possession dans le cadre d’une demande d’assistance juridique ou de tout autre soutien.

pAR ces MOTiFs,

le juGe de lA Mise en ÉTAT,

en ApplicATiOn de l’article 17 du Statut et des articles 51 E), 87 A), 89 C) et D), 91 D) et E) et 94 A) du Règlement ;

FAiT dROiT à la requête de l’Accusation aux fins d’être autorisée à présenter des observations relatives à l’accès du Représentant légal aux documents confidentiels après le délai indiqué ;

dÉcide que les modalités suivantes s’appliquent à la participation des victimes durant la procédure devant le Juge de la mise en état, sans préjudice de tout autre droit que le Juge de la mise en état pourra éventuellement accorder au Représentant légal :

1. Le Représentant légal peut assister et participer aux réunions, conférences de mise en état et audiences, ou aux parties pertinentes de ces dernières, qu’elles soient tenues publiquement ou à huis clos, à moins que le Juge de la mise en état n’en décide autrement ;

2. Le Représentant légal a le droit de recevoir les comptes rendus publics des conférences de mise en état et des audiences, ainsi que les parties des comptes rendus des conférences de mise en état et des audiences tenues à huis clos ou ex parte correspondant à la durée pendant laquelle le Représentant légal était présent ;

3. Le Représentant légal a le droit de recevoir les procès-verbaux des réunions, ainsi que les parties des procès-verbaux des réunions tenues à huis clos ou ex parte correspondant à la durée pendant laquelle le Représentant légal était présent ;

Page 200: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

200

Modalités de participation JME

4. Le Représentant légal peut déposer, outre des réponses et des répliques, des requêtes ou des mémoires sur toute question concernant les intérêts personnels des victimes et au sujet desquelles il a l’intention d’exposer leurs vues et préoccupations, sous réserve de l’autorisation du Juge de la mise en état ;

5. Le Représentant légal est habilité à recevoir le dossier de l’affaire Ayyash et autres, à l’exception de tout document classé confidentiel et ex parte, ou placé sous scellé et ex parte avec distribution restreinte, et sous réserve de toute autre condition imposée par le Juge de la mise en état ;

6. Le Représentant légal est habilité à recevoir les documents communiqués par une partie à l’autre, sous réserve de toute mesure de protection ou autre restriction que le Juge de la mise en état peut décider, de sa propre initiative ou à la demande de la partie ayant communiqué le document ;

7. Il est fait interdiction au Représentant légal de transmettre aux victimes participantes les pièces confidentielles qu’il a reçues, à moins d’obtenir au préalable le consentement de la partie les ayant fournies ; faute dudit consentement, il devra solliciter une ordonnance du Juge de la mise en état l’autorisant à le faire ;

RAppelle que le Représentant légal est tenu de respecter les obligations déontologiques qui lui incombent, ainsi que toute ordonnance ou décision susceptible d’imposer d’autres conditions à sa conduite ;

dÉcide que la Section de participation des victimes reçoit tous les documents déposés à titre confidentiel adressés au Représentant légal ou émanant de celui-ci, sous réserve de l’autorisation de ce dernier, ainsi que les documents déposés ex parte lorsque le Juge de la mise en état l’y autorise expressément ;

ORdOnne au Greffier de fournir au Représentant légal, d’ici au mardi 29 mai 2012, les demandes individuelles des victimes et les pièces pertinentes du dossier de l’affaire relatives à ces demandes, telles que définies dans la présente Décision ;

Page 201: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

201

Modalités de participation JME

ORdOnne au Greffier de donner au Représentant légal, d’ici au mardi 29 mai 2012, l’accès aux comptes rendus et procès-verbaux des réunions, conférences de mise en état et audiences, en application de la présente Décision, et

ORdOnne à l’Accusation de fournir au Représentant légal, au plus tard le 29 mai 2012, les pièces qu’elle a communiquées à la Défense en l’affaire Ayyash et autres, dans les mêmes conditions de communication que celles appliquées à la Défense.

Fait en arabe, en anglais et en français, la version en anglais faisant foi. Leidschendam, le 18 mai 2012.

Daniel Fransen Juge de la mise en état

Page 202: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

202

Page 203: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

7.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : la chambre de première instance

Titre : décision relative au réexamen de la décision portant ouverture d’une procédure par défaut

Titre réduit : Réexamen–procédurepardéfautCPI

203

Page 204: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

204

Page 205: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

205

deVAnT lA cHAMBRe de pReMiÈRe insTAnce

Affaire n° : sTl-11-01/pT/Tc

Devant : M. le juge Robert Roth, juge président Mme le juge Micheline Braidy M. le juge david Re Mme le juge janet nosworthy, juge suppléant M. le juge Walid Akoum, juge suppléant

Le Greffier : M. Herman von Hebel

Date : 11 juillet 2012

Original : Anglais

Type de document : public

le pROcuReuR c.

sAliM jAMil AYYAsH, MusTAFA AMine BAdReddine,

Hussein HAssAn Oneissi et AssAd HAssAn sABRA

decisiOn RelATiVe Au ReeXAMen de lA decisiOn pORTAnT OuVeRTuRe d’une pROceduRe pAR deFAuT

Bureau du procureur : M. Norman Farrell

conseils de M. salim jamil Ayyash : Me Eugene O’Sullivan Me Emile Aoun

chef du Bureau de la défense : M. François Roux

conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: Me Antoine Korkmaz Me John Jones

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes M. Mohammad Mattar Mme Nada Abd El Sater Abu Samra

conseils de M. Hussein Hassan Oneissi: Me Vincent Courcelle-Labrousse Me Yasser Hassanconseils de M. Assad Hassan sabra: Me David Young Dr Guénaël Mettraux

Page 206: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

206

Réexamen – procédure par défaut CPI

i. inTROducTiOn

1. Le 1er février 2012, la Chambre de première instance a rendu une décision portant ouverture d’une procédure par défaut contre Salim Jamil Ayyash, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan Sabra1. Les conseils de la défense de Badreddine et Oneissi ont demandé à la Chambre de réexaminer la susdite Décision2, alors que ceux de Sabra et Ayyash lui ont demandé de la suspendre ou, à défaut de suspension, d’en préciser certains points3.

2. L’Accusation s’oppose aux requêtes de la Défense et affirme à titre liminaire que les conseils de la défense n’ont pas qualité pour agir et que les requêtes ne répondent pas aux critères de réexamen4.

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, STL-11-01/I/TC, Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 1er février 2012.

2 STL-11-01/PT/TC, Requête de la Défense de M. Badreddine aux fins de réexamen de la «Décision portant ouverture d’une procédure par défaut» rendue par la Chambre de première instance le 1er février 2012, 22 mai 2012 ; Demande de la défense de M. Oneissi en réexamen de la décision d’ouverture d’une procédure par défaut du 1er février 2012, 24 mai 2012; Décision autorisant la défense de M. Badreddine et la défense de M. Oneissi à déposer une requête en réexamen, 15 mai 2012. Le 16 et le 22 mai 2012, la Chambre de première instance a rejeté les requêtes des conseils de la défense de Badreddine et Oneissi aux fins d’augmentation du nombre limite de mots dans le cadre de leurs requêtes. STL-11-01/PT/TC, Décision relative à la demande d’augmentation du nombre limite de pages dans le cadre d’une procédure en réexamen déposée par la défense de M. Badreddine, 16 mai 2012 ; Décision relative à la demande d’augmentation du nombre limite de pages ou de mots dans le cadre d’une procédure en réexamen déposée par la défense de M. Oneissi, 22 mai 2012.

3 STL-11-01/PT/TC, Sabra Motion for Reconsideration of the Trial Chamber’s Order to Hold a Trial in Absentia « [TRADUCTION] Requête de la Défense de Sabra aux fins de réexamen de la décision de la Chambre de première instance portant ouverture d’une procédure par défaut », 23 mai 2012 ; STL-11-01/PT/TC, Ayyash Motion Joining Sabra Motion for Reconsideration of the Trial Chamber’s Order to Hold a Trial in Absentia « [TRADUCTION] Requête de la Défense d’Ayyash se joignant à la Requête de la Défense de Sabra aux fins de réexamen de la décision de la Chambre de première instance portant ouverture d’une procédure par défaut », 24 mai 2012 ; STL-11-01/PT/TC, Décision autorisant la défense de M. Ayyash et la défense de M. Sabra à déposer une requête en réexamen, 22 mai 2012.

4 STL-11-01/PT/TC, Prosecution Consolidated Response to the Defence Requests for Reconsideration of the Trial In Absentia Decision « [TRADUCTION] Réponse globale de l’Accusation aux requêtes de la Défense aux fins de réexamen de la décision portant ouverture d’une procédure par défaut », 12 juin 2012.

Page 207: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

207

Réexamen – procédure par défaut CPI

ii. QuAliTÉ des cOnseils de lA dÉFense pOuR deMAndeR un RÉeXAMen

3. L’Accusation soutient, à titre liminaire, que les conseils de la défense n’ont pas qualité pour demander à la Chambre de première instance de réexaminer la Décision5. L’Accusation avance que la procédure envisagée à l’article 106 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement ») ne permet à aucune partie de soumettre des conclusions sur la question des procédures par défaut, et que le mandat du conseil de la défense désigné se limite aux actes se déroulant après l’ouverture de la procédure par défaut. Par conséquent, les conseils de la défense ne sont pas habilités à demander le réexamen d›une décision rendue avant leur désignation et, de surcroît, le Règlement ne prévoit pas de disposition spécifique « accordant la qualité » aux parties pour présenter des conclusions en application de l’article 106.

4. Cependant, dans l’intérêt de la justice, la Chambre de première instance a retenu une interprétation large du Règlement. Tirant partie de cette interprétation, l’Accusation a présenté de longues conclusions écrites et orales sur la question, mais sans contester l’invitation de la Chambre à le faire. L’Accusation a ainsi renoncé depuis longtemps à avancer cet argument.

5. Les conseils et leurs clients parlent d’une seule voix, même si le conseil est désigné pour représenter un accusé absent. Chacun des quatre accusés - en tant que partie à la procédure - a qualité pour demander à la Chambre de première instance de réexaminer sa Décision. Les conseils de la défense demandent le réexamen uniquement au nom de l’accusé qu’ils représentent. Agissant en lieu et place des quatre accusés absents, les conseils de la défense désignés peuvent par conséquent demander le réexamen de la décision en leur nom. La contestation par l’Accusation de leur qualité pour demander le réexamen est de ce fait rejetée.

iii. pRincipes juRidiQues

6. Aux termes de l’article 140 du Règlement « [u]ne chambre peut, d’office ou à la demande d’une partie, et sur autorisation du Juge président, réexaminer une décision, exception faite d’un jugement ou d’un prononcé d’une peine, si cela s’avère

5 Réponse de l’Accusation, par. 2 et 5 à 11.

Page 208: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

208

Réexamen – procédure par défaut CPI

nécessaire afin d’éviter une injustice ». Outre la nécessité d’éviter une injustice - tel que spécifié à l›article 140 - les principes suivants émanent de décisions rendues par d’autres cours et tribunaux internationaux6 ; une juridiction internationale peut réexaminer ses propres décisions s’il existe une erreur manifeste de raisonnement ou si de nouveaux faits ou un changement de circonstances apparaissent une fois la décision rendue. De nouveaux arguments peuvent être avancés pour démontrer une erreur manifeste de raisonnement juridique7.

7. La certitude et la finalité juridiques sont au cœur même du processus de prise de décision judiciaire et le réexamen est un moyen exceptionnel d’obtenir réparation. Comme l’ont soutenu les juges du TPIY, le réexamen ne peut être utilisé comme « voie d’appel subsidiaire »8, et comme l’a indiqué le Juge de la mise en état, il ne peut être utilisé pour se soustraire au Règlement9. Le réexamen passe uniquement par l’annulation ou la modification d’une décision afin d’éviter une injustice.

iV. ApeRÇu des QuATRe ReQuÊTes de lA dÉFense

8. Le 1er février 2012, la Chambre de première instance a conclu que les conditions d›une procédure par défaut prévues à l›article 106 A) iii) du Règlement

6 Voir par exemple, Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Le Procureur c. Jadranko Prlić et consorts, IT-04-AR73.16, Décision faisant suite à l’appel interlocutoire interjeté par Jadranko Prlić contre la Décision relative à la demande de la Défense Prlić en vue du réexamen de la décision portant sur l’admission d’éléments de preuve documentaires, 3 novembre 2009, par. 18 ; Tribunal pénal international pour le Rwanda, Le Procureur c. Juvénal Kajelijeli, ICTR-98-44A-A, Jugement, 23 mai 2005; par. 203 ; Le Procureur c. Edouard Karemera et autres, ICTR-98-44-AR73.10, Decision on Ngirumpatse’s Motion for Reconsideration, 5 octobre 2007, p. 3 ; Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Le Procureur c. Alex Tamba Brima, Brima Bazzy Kamara et Santigie Borbor Kanu, SCSL-2004-16-A, Jugement, 22 février 2008, par. 63, mentionnant Le Procureur c. André Ntagerura, Emmanuel Bagambiki et Samuel Imanishimwe, ICTR-99-46-A, Jugement, 7 juillet 2006, par. 55. La pratique des tribunaux pénaux internationaux varie, voir notamment Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06, Decision on the defence request to reconsider the “Order on numbering of evidence” of 12 May 2010, 30 mars 2011, par. 18.

7 STL-11-01/PT/PTJ, Decision on the Prosecution’s Request for Partial Reconsideration of the Pre-Trial Judge’s Order of 8 February 2012 « [TRADUCTION] Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins du réexamen partiel de l’ordonnance rendue par le Juge de la mise en état le 8 février 2012 », 29 mars 2012, par. 35.

8 Le Procureur c. Rasim Delić, IT-04-83-PT, Décision relative à la demande de réexamen présentée par l’Accusation, 23 août 2006, p. 5.

9 STL-11-01/PT/PTJ, Decision on the Prosecution’s Request for Partial Reconsideration of the Pre-Trial Judge’s Order of 8 February 2012 «« [TRADUCTION] Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins du réexamen partiel de l’ordonnance rendue par le Juge de la mise en état le 8 février 2012 », 29 mars 2012, par. 23.

Page 209: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

209

Réexamen – procédure par défaut CPI

étaient réunies, à savoir que l›accusé « a pris la fuite ou est introuvable, et que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour garantir sa comparution devant le Tribunal et l›informer des charges confirmées par le Juge de la mise en état ». La Chambre a conclu que Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra avaient fui et que toutes les mesures raisonnables avaient été prises pour garantir leur comparution et pour les informer des chefs d’accusation retenus à leur encontre, précisant à cet égard que10 :

Les éléments de preuve démontrent qu’aucun des quatre accusés n’a été vu sur son dernier lieu de résidence connu depuis que l’acte d’accusation et les mandats d’arrêt ont été transmis aux autorités libanaises, le 30 juin 2011, et depuis que leurs noms ont été évoqués par les médias libanais en tant qu’accusés potentiels dans l’affaire. La Chambre de première instance considère donc que MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra sont introuvables, et que chacun d’entre eux a pris la fuite et ne souhaite pas participer à un procès, bien qu’ils aient été informés des chefs d’accusation et des différentes façons de prendre part au procès. La conjonction de ces circonstances permet à la Chambre de première instance de conclure que les conditions de l’article 106 A) iii) relatives à l’engagement d’une procédure par défaut sont remplies.

9. La Décision de la Chambre de première instance s’appuie sur cette conclusion fondée sur l’article 106. Par conséquent, une requête aux fins de réexamen d’une décision prise conformément à l’article 106 A) iii) doit se limiter à l’ordonnance délivrée en application de ladite disposition et au raisonnement qui l’a étayée. Les arguments à l’appui d’un réexamen doivent porter sur la question de savoir a) si l’accusé a fui ou est introuvable, b) si toutes les mesures raisonnables ont été prises pour garantir sa comparution, et c) si toutes les mesures raisonnables ont été prises pour l’informer des chefs d’accusation.

10. Les arguments spéculatifs ou les désaccords philosophiques ou de principe avec les procédures par défaut sont sans objet ; et un simple désaccord avec une décision ou le raisonnement sous-jacent ne peut satisfaire au critère du réexamen établi à l’article 140. De plus, les arguments relatifs à l’éventuel déroulement d’un procès ou d’un nouveau procès (qui ne peuvent venir qu’après la Décision portant sur l’ouverture d’une procédure par défaut) sont également sans rapport avec le

10 Décision, par. 111.

Page 210: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

210

Réexamen – procédure par défaut CPI

raisonnement nécessaire ou utilisé pour rendre une ordonnance conformément à l’article 106 A).

11. Compte tenu de ces principes et des principes juridiques énoncés aux paragraphes 6 et 7 ci- dessus, la Chambre de première instance a analysé les quatre requêtes de la Défense, ainsi que les mesures de réparation demandées dans chacune desdites requêtes, afin de déterminer si elles présentaient des faits ou des arguments nouveaux démontrant une erreur de raisonnement juridique, ou si un changement de circonstances avait eu lieu, nécessitant ainsi un réexamen de la Décision en vue d’éviter une injustice.

12. Cependant, la Chambre de première instance ne peut trouver aucun fait ou argument nouveau démontrant une erreur de raisonnement juridique nécessitant un réexamen de sa Décision du 1er février 2012 en vue d›éviter une injustice envers les quatre accusés ou l›un d›entre eux. De fait, très peu des arguments présentés dans les quatre requêtes abordent dûment la Décision elle-même et l’ordonnance rendue conformément à l’article 106 A) iii) ou le raisonnement à l’appui de l’ordonnance.

13. Le seul changement de circonstances mentionné dans une des requêtes est le fait que les conseils de la défense ont été désignés pour représenter les quatre accusés après que la Décision a été rendue le 1er février 2012. Ce changement ne tient toutefois pas compte du fait que les conseils ne pouvaient être désignés avant, dans la mesure où l’article 105 bis B) du Règlement ne permet au Chef du Bureau de la Défense de désigner un conseil pour représenter un accusé absent qu’après une décision portant ouverture d’une procédure par défaut. En termes de procédure, ce changement de circonstances est nécessairement intervenu après la Décision rendue conformément à l’article 106. Il ne peut donc conduire la Chambre de première instance à réexaminer une décision portant ouverture d’une procédure par défaut.

A. ReQuÊTe des cOnseils de lA dÉFense de MusTAFA AMine BAdReddine

14. Les conseils de la défense de Badreddine demandent que la Chambre délivre quatre ordonnances. Celles ci visent respectivement la tenue d’une audience

Page 211: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

211

Réexamen – procédure par défaut CPI

pour compléter les requêtes écrites, un réexamen de la Décision proprement dite, l’annulation ou le retrait (« neutraliser ») des mandats d’arrêt délivrés par le Juge de la mise en état, et la communication aux conseils de la défense de toutes les pièces ayant servi de fondement à la Décision de la Chambre de première instance.

15. Les questions ayant fait l’objet d’une présentation extensive dans les longues conclusions écrites des parties, la Chambre de première instance n›est pas convaincue de la nécessité d›une audience et rejette la requête en ce sens. S›agissant de l›annulation ou du retrait des mandats d›arrêt, les conseils de la défense de Badreddine demandent à la Chambre de prendre des mesures qu’elle ne peut pas prendre puisqu’elle n’a pas encore été saisie de l’affaire. Cette requête est donc rejetée. Quant à la communication de documents du 21 juin 2012, les conseils de la défense ont reçu les pièces ex-parte utilisées dans le cadre de la Décision et ont déposé leurs conclusions supplémentaires11. La Chambre de première instance rejette la quatrième requête aux fins de réexamen pour les motifs exposés ci après.

16. Les conseils de la défense de Badreddine ont présenté leurs arguments en vue d’un réexamen en deux parties : « Constatations de fait insuffisamment établies » et « le Règlement autorisant les procès par défaut est incompatible avec les droits et intérêts fondamentaux de l’accusé »12.

17. Dans la première partie, ils avancent, d’une part, que les éléments de preuve ne démontrent pas de manière irréfutable que leur client a fui et qu’il ne souhaite pas participer à la procédure et, d’autre part, que la Chambre de première instance n’a pas pris en considération le fait que Badreddine ait pu quitter le Liban de façon non officielle, ou qu’il y ait eu une publicité suffisante des chefs d’accusation en dehors du Liban13. La Chambre a limité son analyse aux mesures prises au Liban

11 STL-11-01/PT/TC, Joint Submission Regarding the Material Relied upon by the Trial Chamber in Its Absentia Decision [Conclusions conjointes relatives aux pièces à l’appui de la Décision de la Chambre de première instance portant ouverture d’une procédure par défaut], 27 juin 2012 ; et Prosecution Response to the “Joint Submission Regarding Material Relied upon by the Trial Chamber in Its Absentia Decision” [Réponse de l’Accusation aux conclusions conjointes relatives aux pièces à l’appui de la Décision de la Chambre de première instance portant ouverture d’une procédure par défaut], 29 juin 2012; Ordonnance relative aux documents ex parte invoqués dans la Décision du 1er février 2012, 21 juin 2012.

12 Sans objet en français.

13 Requête de la défense de Badreddine, par. 15 à 24.

Page 212: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

212

Réexamen – procédure par défaut CPI

pour notifier les chefs d’accusation à Badreddine et n›a donc pas convenablement déterminé s›il avait été « informé » des chefs retenus à son encontre14.

18. Cependant, aucun fait ou élément de preuve nouveau laissant penser que Badreddine aurait quitté le Liban avant ou après le 1er février 2012 ne vient soutenir cette affirmation. Les arguments présentés ne font que contester la Décision sans fournir de fondement suffisant pour la réexaminer.

19. La requête soutient également (de manière implicite) que la Chambre de première instance a commis une erreur en omettant de vérifier que les quatre accusés avaient personnellement et intégralement compris les implications et les conséquences juridiques de l’acte d’accusation et de sa notification. Le raisonnement qu’ils suggèrent de suivre repose sur des critères bien plus exigeants que ceux prévus par le droit international des droits de la personne. Par conséquent, la requête ne démontre pas d’erreur manifeste de raisonnement.

20. Dans la deuxième partie de la requête15, la Défense soutient qu’une procédure par défaut est incompatible avec l’établissement, le cadre institutionnel et le Règlement du Tribunal spécial pour le Liban (“de l’institution du Tribunal”)16 et qu’elle est contraire au droit à une procédure de type accusatoire17. Parmi les arguments présentés, la Défense indique notamment que le mandat limité du Tribunal est incompatible avec une procédure par défaut, et que le fait que le Tribunal se substitue à la procédure judiciaire libanaise est contraire au droit international des droits de la personne18. Ces arguments ne sont pas à même de fonder une requête aux fins de réexamen et ne font qu’exprimer une opposition de principe aux procédures par défaut. Ils n’établissent aucune erreur de raisonnement justifiant un réexamen de sa Décision par la Chambre de première instance en vue d’éviter une injustice.

14 Requête de la Défense de Badreddine, par. 19.

15 Intitulée « Le Règlement autorisant les procès par défaut est incompatible avec les droits et intérêts fondamentaux de l’accusé », par. 25 à 53.

16 Dans la section intitulée « L’incompatibilité du jugement par défaut et de l’institution du Tribunal », par. 27 à 43.

17 Dans la section intitulée « Incompatibilité du jugement par défaut et d’une procédure de type accusatoire », par. 44 à 53.

18 Requête de la Défense de Badreddine, par. 25 à 43.

Page 213: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

213

Réexamen – procédure par défaut CPI

21. Dans la section intitulée « Violation du droit à un nouveau procès contradictoire »19, les conseils de la défense soutiennent que les articles 108 A) et 109 C) ii) se contredisent s’agissant du droit statutaire d’être rejugé. Cependant, ces conclusions portent sur le déroulement d’un éventuel nouveau procès et sont sans rapport avec le raisonnement à l’appui de la Décision portant ouverture d’une procédure par défaut conformément à l’article 106. De même, dans les sous-sections intitulées « Effet pervers de la commission d’office d’avocats »20 et « Non bis in idem », les arguments selon lesquels la désignation de conseils est contraire au droit d›être rejugé et un jugement rendu par défaut est contraire au principe non bis in idem, relèvent de la même catégorie. De surcroît, en présentant l’argument relatif à la désignation des conseils - outre son manque de pertinence aux fins de réexamen d’une décision rendue en application de l’article 106 – il semble que les conseils de la défense aient simplement mal interprété l’article 104.

22. Pour conclure, les conseils de la défense de Badreddine n’ont présenté aucun fait ou argument nouveau établissant une erreur de raisonnement et justifiant un réexamen afin d’éviter une injustice. Par conséquent, leur requête aux fins de réexamen est rejetée.

B. ReQuÊTe des cOnseils de lA dÉFense de Hussein HAssAn Oneissi

23. Les conseils de la défense d’Oneissi demandent à la Chambre de première instance de leur communiquer les pièces utilisées à l’appui de la Décision et de les autoriser à les examiner et à y répondre. Cette demande a été réglée ci-dessus (paragraphe 15). Ils lui demandent également d’arrêter les poursuites à l’encontre d’Oneissi au motif que la procédure par défaut prévue par le Statut et le Règlement n’est pas de nature à garantir un procès équitable. Cependant, la Chambre n’a pas encore été saisie de l’affaire et ne peut donc pas y mettre un terme. Par conséquent, cette requête est rejetée.

19 « Violation du droit à un nouveau procès contradictoire », par. 54 à 56.

20 « Effet pervers de la commission d’office d’avocats », par. 57 à 64.

Page 214: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

214

Réexamen – procédure par défaut CPI

24. Les conseils demandent en outre un réexamen de la Décision au motif que la Chambre de première instance a commis une erreur en déterminant qu’Oneissi avait pris la fuite et ne souhaitait pas comparaître21. Il s’agit là d’un motif légitime pour demander le réexamen d’une décision rendue en application de l’article 106. Dans la sous-section intitulée « Erreurs d’appréciation de la Chambre sur la notification et sur la fuite », les conseils soutiennent que la Chambre de première instance a commis une erreur en concluant qu’Oneissi avait été informé des chefs d’accusation retenus à son encontre et des différentes façons de prendre part au procès, qu›elle n›a pas satisfait aux normes ordinaires de notification, et qu’elle a, à tort, omis de conclure que la notification n’était pas précise ou complète22. Cependant, les arguments selon lesquels la Chambre de première instance a utilisé des critères moins rigoureux concernant le contenu de la notification à Oneissi ne démontrent pas une erreur de raisonnement, et la requête ne montre pas que la norme utilisée pour évaluer la notification ne répond pas aux critères du droit international des droits de la personne. De même, l’argument selon lequel la Chambre ne disposait pas d’éléments suffisants pour conclure qu’Oneissi avait fui n’est fondé sur aucun fait nouveau ou aucun élément établissant un changement de circonstances démontrant le contraire, et représente simplement un désaccord avec l’exercice par la Chambre de première instance de son pouvoir discrétionnaire d’établissement des faits dans le cadre de la Décision.

25. Dans les sous-sections intitulées « Le caractère exceptionnel de la procédure par défaut » et « Le modèle procédural de type inquisitoire dans lequel une procédure par défaut a été admise par la CEDH »23, les conseils contestent la procédure par défaut prévue par le Statut et le Règlement du Tribunal. Ils citent des sources de common law et de droit international, et soutiennent que la procédure par défaut du Tribunal est contraire à certains principes internationaux relatifs aux droits de la personne et qu’elle correspond davantage aux procédures de type inquisitoire24.

21 « a pris la fuite et ne souhaite pas comparaître », par. 81.

22 « Erreurs d’appréciation de la Chambre sur la notification et sur la fuite », par. 32 à 47.

23 « Le caractère exceptionnel de la procédure par défaut » et « Le modèle procédural de type inquisitoire dans lequel une procédure par défaut a été admise par la CEDH », par. 4 à 20.

24 Requête de la Défense d’Oneissi, par. 4 à 20.

Page 215: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

215

Réexamen – procédure par défaut CPI

Les conclusions figurant dans la section intitulée « L’absence de garanties devant le Tribunal pour permettre une procédure par défaut » présentent quatre arguments sans objet, à savoir : i) ce qui est décrit comme un manque de garantie d’un procès équitable dans la procédure par défaut prévue par le Statut et le Règlement, par exemple le fait qu’un suspect ne puisse pas participer aux enquêtes avant la mise en accusation, ii) le fait que les intérêts de l’accusé ne soient pas protégés par la Décision25, iii) le fait que la protection des droits et intérêts effectifs de l’accusé poursuivi par défaut ne soit pas prévue par le Règlement, et iv) le fait que l’Accusation soit en mesure de modifier à tout moment le cadre du procès26.

26. Aucun de ces désaccords de principe avec le Statut ou le Règlement ne permet d’établir une erreur de raisonnement dans la Décision justifiant son réexamen en vue d’éviter une injustice. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux paragraphes 20 et 21 pour rejeter les arguments semblables figurant dans la requête de la Défense de Badreddine, les conclusions présentées dans ces deux sections manquent de pertinence pour obtenir le réexamen d’une décision rendue en application de l’article 106.

27. Les conseils de la défense d’Oneissi soutiennent également qu’en raison du mandat limité du Tribunal, le droit de leur client à être rejugé n›est pas garanti27. Pour les motifs énoncés concernant les arguments semblables présentés par les conseils de la défense de Badreddine (paragraphe 21), ce point ne présente aucun rapport avec une éventuelle erreur de raisonnement dans la décision prise par la Chambre de première instance conformément à l’article 106 A) iii), selon laquelle elle peut ordonner l’ouverture d’une procédure par défaut. En outre, la Chambre de première instance souligne qu’aux termes de l’article 22 3) du Statut, un accusé « a droit à ce que sa cause soit rejugée en sa présence devant le Tribunal, à moins qu’il n’accepte le verdict ». La Chambre n’a aucune raison de penser que ce droit garanti par le Statut ne sera pas respecté. Les conseils de la défense n’ont présenté aucun fait ou

25 « ne sont pas représentés lors de la décision », par. 27 à 51.

26 « La défense des droits et intérêts effectifs de l’accusé jugé par défaut n’est pas assurée par le Règlement », « Le Procureur peut modifier à tout moment le cadre qu’il fixe au procès », par. 52 à 61.

27 Requête de la Défense d’Oneissi, par. 62 à 78.

Page 216: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

216

Réexamen – procédure par défaut CPI

argument nouveau établissant une erreur de raisonnement justifiant un réexamen en vue d’éviter une injustice. Par conséquent, la requête aux fins de réexamen est rejetée.

c. ReQuÊTe pRÉsenTÉe pAR les cOnseils d’AssAd HAssAn sABRA

28. Les conseils de Sabra ont présenté une requête formée de deux demandes, l’une visant à obtenir l’accès aux pièces ex-parte utilisées pour rendre la Décision (accès qui leur a été accordé et pièces qui leur ont été transmises), la seconde tendant à un réexamen.

29. La demande aux fins de réexamen sollicite sept mesures de réparation, la principale étant une suspension, sans autre précision, de la Décision ; quatre mesures subsidiaires sont sollicitées dans le cas où la suspension serait refusée. La requète ne spécifie pas le type de suspension sollicité, à savoir s’il s’agit d’une suspension définitive, temporaire ou conditionnelle. L’intention et l’effet juridique de ladite suspension sont donc entâchés d’incertitude. Une suspension conditionnelle ou temporaire, par exemple, prendrait fin à l’occasion d’un événement donné, tel que le fait de recevoir de nouvelles informations sur un point précis, tandis qu’une suspension définitive pourrait effectivement mettre un terme à la procédure.

30. La Chambre de première instance n’a pas trouvé de précédent dans la jurisprudence des autres juridictions internationales établissant qu’une suspension a été sollicitée ou accordée dans le cadre d’une requète formulée aux fins de réexamen. Elle estime cependant qu’une telle ordonnance est de l’ordre du possible. La Chambre va par conséquent traiter la requête comme une demande de réexamen et de suspension de sa décision.

31. Les sept mesures de réparation sollicitées sont les suivantes : 1) corriger toutes les erreurs identifiées ; 2) suspendre la Décision ; 3) demander au Président du Tribunal de solliciter un amendement du Statut du Tribunal ; 4) demander aux autorités libanaises d’attester que Sabra est encore en vie ; 5) ordonner la prise de mesures visant à notifier, au Liban ainsi qu’à l’étranger, l’existence des chefs

Page 217: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

217

Réexamen – procédure par défaut CPI

d’accusation, du droit d’être présent au procès et des conséquences qu’entraînent le défaut de comparution ; 6) s’assurer que la Défense est en mesure de défendre son client de façon adéquate ; et 7) confirmer qu’il n’existe aucun constat permettant de conclure que Sabra a renoncé à son droit d’être présent au procès, de sorte à perdre son droit à un nouveau procès. Ces mesures de fond semblent ainsi viser à obtenir la suspension de la Décision de la Chambre de première instance, tout en demandant à celle-ci de la réécrire tout d’abord afin de modifier son raisonnement.

32. Les quatres mesures subsidiaires sollicitées aux fins du maintien des « [traduction] garanties minimales en matière de droits de la personne » dans le cas où la Chambre se prononcerait contre la suspension de la Décision, revêtent les formes suivantes : a) une explication sans équivoque du fait que Sabra bénéficie du droit à un nouveau procès ; b) une confirmation qu’un nouveau procès satisferait les garanties pertinentes en matière de droit international relatif aux droits de la personne ; c) une explication du caractère raisonnable de la Décision; d) une explication du fait que l’accusé n’a pas renoncé à son droit à un nouveau procès. La requête, à défaut d’une suspension non spécifiée, sollicite ainsi une clarification des motifs de la Décision. Cela constitue, toutefois, une interprétation érronée de l’objet de l’article 140, qui n’est pas de clarifier une décision antérieure, mais plutôt de la réexaminer afin d’éviter une injustice.

33. Parmi les onze mesures de réparation sollicitées, deux seulement (les points 4) et 5), à savoir si Sabra est en vie et s’il a été notifié en bonne et due forme), étayent comme il convient une requête en réexamen ; ces deux mesures sont traitées aux paragraphes 35 et 37 ci-dessous. Pour des raisons pratiques, l’ordre des arguments exposés dans la requête ne correspondant pas à celui des mesures sollicitées dans la conclusion, les autres demandes sont traitées ci-après.

34. La demande 3) (requérant que le Président se mette en rapport avec le Conseil de sécurité) n’a pas lieu d’être dans une requête en réexamen et elle est rejetée d’emblée. La demande 6) (s’assurer que la Défense est en mesure de défendre son client de façon adéquate) est sans pertinence au regard de la requête en réexamen d’une décision portant ouverture d’une procédure par défaut, et elle est également rejetée en ce qu’elle porte sur la conduite du procès et non sur la décision d’en ouvrir

Page 218: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

218

Réexamen – procédure par défaut CPI

un. Les mesures relatives à un éventuel nouveau procès, à savoir la demande 7) et les points subsidiaires a), b) et d) sont sans pertinence dans le cadre de la demande en réexamen d’une décision prise en vertu de l’article 106 et sont également rejetés pour les mêmes raisons que celles énoncées au paragraphe 21. Le point subsidiaire c) (demandant à la Chambre de première instance d’expliquer pourquoi sa Décision est raisonnable) n’a pas de raison d’être et il est également rejeté.

35. S’agissant de la demande 4), la requête laisse entendre que la Chambre de première instance a omis de prendre en considération la question de savoir si Sabra est encore en vie. Elle demande donc à la Chambre de soumettre une requête aux autorités libanaises afin qu’elles vérifient si tel est bien le cas, et de suspendre la Décision jusqu’à ce que le fait soit établi28. Toutefois, aucun fait ou élément de preuve nouveau permettant de penser le contraire n’a été présenté et, qui plus est, le Bureau du Procureur a, à présent, fourni des informations officielles certifiées émanant des autorités libanaises attestant qu’aucun certificat de décès n’a été enregistré au nom de l’un quelconque des quatre accusés29. Étant donné qu’il n’existe ni fait ni argument nouveau révélant une erreur de raisonnement juridique, la Chambre de première instance n’a rien à réexaminer.

36. Dans le point 5), il est demandé à la Chambre de première instance « d’ordonner la prise de mesures adéquates et effectives visant à notifier, au Liban ainsi qu’à l’étranger, i) l’existence des chefs d’accusation, (ii) le droit de l’accusé d’être présent à son procès et (iii) les conséquences qu’entraînent le défaut de comparution30 ». Sous l’intitulé général « [traduction] La Chambre de première instance a omis de s’assurer que sa décision répondait aux critères pertinents en matière de droits de la personne », la requête soutient que pour rendre sa décision, la Chambre s’est inspirée d’une « fiction », à savoir que « [traduction] les accusés sont censés être demeurés au Liban en permanence »31. Cet argument est en contradiction avec l’établissement

28 Requête de la Défense de Sabra, par. 12 à 17.

29 STL-11-01/PT/TC, Prosecution Report Regarding Rule 106 Proceedings « [traduction] Rapport du Procureur concernant la procédure prévue à l’article 106 », 25 juin 2012.

30 Requête de la Défense de Sabra, par. 48 v).

31 Requête de la Défense de Sabra, par.43 à 45.

Page 219: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

219

Réexamen – procédure par défaut CPI

des faits par la Chambre, qui s’appuyait sur les informations disponibles, mais ne présente ni fait nouveau, ni erreur de raisonnement dans le dit établissement des faits. Un réexamen n’est par conséquent pas nécessaire afin d’éviter une injustice.

37. La requête soutient également que la Chambre de première instance a utilisé l’expression « prendre la fuite » de façon erronée ; selon les conseils de la défense, l’expression ne peut être utilisée que lorsqu’un accusé a été notifié de sa mise en accusation, mais que, par la suite, il s’échappe ou ne se présente pas. Ils en déduisent ainsi que la Chambre devrait écarter ses conclusions32. Cette affirmation est néanmoins erronée ; l’expression « prendre la fuite » n’est pas définie dans les articles 22 (1) (c) et 106, et, de surcroît, la Cour européenne des droits de l’homme, dans un de ses principaux arrêts portant sur la procédure par défaut, en a jugé autrement33. La requête méconnaît également la façon dont la Chambre a effectivement utilisé l’expression dans la conclusion de sa Décision, citée au paragraphe 8 ci-dessus. Aucune erreur de raisonnement entrainant une injustice ne peut par conséquent être identifiée.

38. Sous l’intitulé général « [traduction] La Chambre de première instance a omis de s’assurer que sa décision répondait aux critères pertinents en matière de droits de la personne »34, la requête ne présente que des arguments de caractère philosophique et doctrinal en opposition à la procédure par défaut visée à l’article 22 du Statut et aux articles 105 et 106 du Règlement. Aucun desdits arguments n’étaye une erreur de raisonnement pouvant entrainer une injustice et, pour les mêmes raisons que celles invoquées aux paragraphes 20, 21, 26 et 27 traitant des requêtes présentées par Badreddine et Oneissi, ne sont de nature à justifier un réexamen.

39. La requête soutient également, sous l’intitulé « Aucune renonciation valide de M. Sabra à son droit d’être jugé en sa présence », que la décision rendue par la Chambre de première instance pouvait signifier que Sabra avait “renoncé sans équivoque et valablement à son droit d’être présent et, par conséquent, à son droit à un nouveau procès35. Cependant, ceci n’est ni spécifié ni suggéré nulle part dans

32 Requête de la Défense de Sabra, par.3 à 11.

33 Voir CEDH, Colozza c. Italie, 12 février 1985, A Volume 89 par. 19 à 20 et 28.

34 Requête de la Défense de Sabra, par. 29 à 47.

35 Requête de la Défense de Sabra, par. 18.

Page 220: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

220

Réexamen – procédure par défaut CPI

la Décision. En outre, la requête méconnaît le fait qu’aux termes du Statut, le droit de demander à être rejugé est inconditionnel. Le libéllé spécifique de l’article 109 du Règlement autorise un accusé déclaré coupable et qui avait renoncé à son droit d’être présent au procès de demander à être rejugé. La formulation claire des articles 104, 106 A) i), 108 et 109 exige que lorsqu’un accusé renonce à son droit d’être présent à son procès, d’être rejugé ou de se pourvoir en appel, il doit le faire « expressément et par écrit » ou « par écrit ». Ainsi, aucun fait ou argument nouveau entrainant une erreur de raisonnement n’a été apporté.

40. Sous l’intitulé « Commission de conseil et représentation effective », il est avancé que la Chambre de première instance devrait s’assurer de la coopération des autorités libanaises, que les sources potentielles d’informations coopèrent avec la Défense, que cette dernière ait le temps et les moyens nécessaires afin de préparer une défense efficace ; dans les quatre sous-rubriques relatives aux travaux de l’Accusation figure une demande de confirmation du fait que celle-ci comprend pleinement sa propre cause36 (demande qualifiée d’inacceptable par le Procureur37). Tous les points figurant dans cette rubrique portent sur des questions relatives à la gestion des dossiers et aux droits d’un accusé, susceptibles de se poser durant la phase de mise en état et celle du procès proprement dit ; il s’agit de questions prématurées et sans lien avec une requête en réexamen d’une décision portant ouverture d’une procédure par défaut en bonne et due forme.

41. Sous l’intitulé « Absence d’opinion motivée relative à l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’ouvrir une procédure par défaut », les conseils présentent dix arguments demandant à la Chambre de première instance « d’examiner et de traiter » chacun d’eux. Cela revient semble-t-il à demander à la Chambre de réécrire les motifs de sa décision plutôt que de l’infirmer ou de la modifier. Toutefois, aucun des dix arguments en question n’étaye effectivement une requête en réexamen d’une décision en bonne et due forme (qu’il s’agisse d’annulation, de modification ou même de suspension) et certains arguments semblent n’être que de simples points de

36 Requête de la Défense de Sabra, par. 40.

37 Réponse de l’Accusation, par. 24 et 25.

Page 221: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

221

Réexamen – procédure par défaut CPI

discussion38. Ces points représentent un désacord avec la formulation écrite employée par la Chambre de première instance plutôt qu’ils ne démontrent l’existence d’une erreur réelle de raisonnement entraînant une injustice.

42. Ces arguments s’appuient aussi à tort sur l’hypothèse que la décision de la Chambre de première instance d’engager une procédure par défaut relève d’un choix discrétionnaire. C’est juridiquement incorrect. Une fois que la Chambre a exercé son pouvoir discrétionnaire de détermination des faits qui l’ont amenée à conclure que les conditions préalables énoncées à l’article 106 A) iii) sont réunies, elle n’a plus la possibilité de refuser d’ouvrir une procédure par défaut. La requête a confondu le pouvoir discrétionnaire de détermination des faits, et l’obligation, qui elle n’a rien de discrétionnaire, d’engager une procédure par défaut.

43. La requête des conseils de Sabra ne remplit pas les conditions requises pour un réexamen. Ils n’ont fourni ni fait ni argument nouveau démontrant une erreur de raisonnement nécessitant un réexamen de sa Décision par la Chambre de première instance (en l’occurrence en la suspendant) afin d’éviter une injustice. La requête est rejetée.

d. ReQuÊTe pRÉsenTÉe pAR les cOnseils de sAliM jAMil AYYAsH

44. Les conseils de Ayyash se joignent à la requête déposée par ceux de Sabra. Ils sollicitent les mêmes mesures de réparation, à savoir une suspension, sans autres précision, de l’exécution de la Décision. En outre, ils soulignent, en premier lieu, que les conditions visées à l’article 22 1) c) ne sont pas réunies, la Chambre de première

38 Requête de la Défense de Sabra, par. 47. Les intitulés i) à x) sont les suivants : « [traduction] Les procédures par défaut sont reconnues comme inappropriées dans le cadre des procédures internationales ; La procédure contradictoire n’est pas appropriée dans les procès par défaut ; La possibilité d’un procès international équitable en l’absence de l’accusé est hautement contestable ; L’absence de l’accusé nuira sensiblement à la fiabilité et à la crédibilité du dossier de l’instance ; L’obligation des sources potentielles d’informations est restreinte et, pour l’essentiel, il est impossible d’en garantir l’exécution ; Les procès par défaut sont susceptibles de nuire à la crédibilité d’un tribunal international ; Il existe des incertitudes manifestes quant à la possibilité d’être rejugé pour tout accusé jugé par défaut devant le Tribunal ; La « représentation effective » deviendrait plus une notion théorique qu’une garantie réelle dans le cas d’une affaire jugée en l’absence de l’accusé ; L’obligation du Liban d’arrêter les accusés ne doit pas être transférée aux accusées ; Capacité du Tribunal de garantir le caractère public de la procédure lors d’un procès par défaut ».

Page 222: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

222

Réexamen – procédure par défaut CPI

instance semblant ne pas avoir enquêté de façon adéquate sur la question de savoir si Ayyash résidait en dehors du Liban, ou même de savoir s’il était encore en vie et, en second lieu, mais sans élaborer, que ladite décision est déficiente en ce qui concerne les droits à la représentation en justice. Le premier argument est présenté en relation avec la requête de Sabra, alors que le deuxième constitue une simple déclaration. La requête des conseils de Ayyash ne remplit pas les conditions requises pour un réexamen et, pour les mêmes motifs que ceux énoncés en réponse à la requête de Sabra, elle est rejetée.

e. cOnclusiOns supplÉMenTAiRes

45. Les conseils de la défense ont déposé des conclusions supplémentaires conjointes après avoir reçu et analysé les pièces ex-parte utilisées par la Chambre de première instance à l’appui de sa Décision portant ouverture d’une procédure par défaut39. Ces conclusions conjointes de la Défense n’ajoutent rien de substantiel aux quatre requêtes, et observent simplement que lesdites pièces ne fournissent « aucune preuve (crédible) » au regard de la Décision. Ces observations semblent n’exprimer rien de plus qu’un désaccord avec la Décision, et ne présentent aucun fait ou argument nouveau montrant l’existence d’une erreur de raisonnement appelant à un réexamen afin d’éviter une injustice.

39 STL-11-01/PT/TC, Ordonnance relative aux documents ex parte invoqués dans la décision du 1er février 2012, 21 juin 2012 ; Joint Submission Regarding Material Relied upon by the Trial Chamber in Its Absentia Decision « [traduction] Conclusions conjointes relatives aux pièces à l’appui de la Décision de la Chambre de première instance portant ouverture d’une procédure par défaut », 27 juin 2012 ; Prosecution Response to the “Joint Submission Regarding the Material Relied Upon by the Trial Chamber in its Absentia Decision” « [traduction] Réponse du Procureur aux “Conclusions conjointes relatives aux pièces à l’appui de la Décision de la Chambre de première instance portant ouverture d’une procédure par défaut” », 29 juin 2012. Le 25 juin 2012, en réponse à une requête de la Défense en prorogation du délai dans l’affaire STL-11-01/PT/TC “Urgent Defence Motion for an Extension of Time” « [traduction] Requête urgente en prorogation de délai », 22 juin 2012, la Chambre de première instance – au moyen d’un courrier électronique émanant d’un juriste de la Chambre de première instance destiné aux conseils de la défense – a autorisé les conseils de la défense à déposer lesdites Conclusions conjointes le 27 juin 2012 au plus tard. Dans ces conclusions (au par. 15), la Défense avance que la communication des documents étayant la Décision portant ouverture d’une procédure par défaut – comprenant trois rapports du Procureur général du Liban et neuf réponses aux demandes d’assistance – était « incomplète ». Sept autres documents – comprenant six rapports du Procureur général du Liban et une réponse à une demande d’assistance du Procureur – n’ont pas été communiqués plus tôt en raison d’une erreur administrative. Ces documents supplémentaires sont purement cumulatifs par rapport à ceux déjà transmis et ne peuvent avoir d’incidence sur les conclusions conjointes de la Défense ou la présente décision. La communication de ces documents par la Chambre de première instance est en cours.

Page 223: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

223

Réexamen – procédure par défaut CPI

46. Une observation doit cependant être faite à propos de l’un des arguments figurant dans les conclusions supplémentaires qui, citant le paragraphe 115 de la décision, « observe que le Tribunal, de sa propre initiative, a recueilli des informations sur lesquelles il s’est appuyé ultérieurement afin de rendre sa décision portant ouverture d’une procédure par défaut40 ». Cette affirmation est trompeuse. Les informations évoquées au paragraphe 115 se rapportent uniquement à la question de procédure consistant à déterminer si la Chambre de première instance aurait dû solliciter des observations de la part des autorités libanaises sur la question de savoir si les conditions visées à l’article 106 A) iii) étaient réunies, et non à la Décision elle-même. Cet argument ne présente aucune pertinence au regard d’un réexamen de la Décision rendue en vertu de l’article 106. De surcroît, la Chambre de première instance peut, en consultant les documents appartenant au domaine public, s’informer sur ces questions.

40 Joint Submissions Regarding the Material Relied upon by the Trial Chamber in its Absentia Decision « [traduction] Requête conjointe relative aux pièces utilisées par la Chambre de première instance dans sa Décision portant ouverture d’une procédure par défaut », 27 juin 2012, par. 12.

Page 224: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

224

Réexamen – procédure par défaut CPI

pAR ces MOTiFs la Chambre de première instance :

RejeTTe

(i) Les requêtes présentées par les conseils de Mustafa Amine Badreddine et de Hussein Hassan Oneissi demandant à la Chambre de première instance de réexaminer sa Décision portant ouverture d’une procédure par défaut du 1er février 2012, et

(ii) Les requêtes présentées par les conseils de Salim Jamil Ayyash et de Assad Hassan Sabra sollicitant une suspension de ladite Décision.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi. Le 11 juillet 2012, Leidschendam (Pays-Bas)

M. le juge Robert Roth, Juge président

Mme le juge Micheline Braidy M. le juge David Re

Page 225: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

8.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : la chambre d’appel

Titre : décision relative aux requêtes de la défense en réexamen de la décision de la chambre d’appel du 16 février 2012

Titre réduit : Réexamen–droitapplicableCA

225

Page 226: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

226

Page 227: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

227

lA cHAMBRe d’Appel

Affaire n° : sTl-11-01/pT/Ac/R176bis

Devant : M. le juge président david Baragwanath M. le juge Ralph Riachy M.lejugeAfifChamseddine,Jugerapporteur M. le juge daniel david ntanda nsereko M. le juge Kjell erik Björnberg

Le Greffier : M. Herman von Hebel

Date : 18 juillet 2012

Original : Anglais

Type de document : public

le pROcuReuR c.

sAliM jAMil AYYAsH, MusTAFA AMine BAdReddine,

Hussein HAssAn Oneissi et AssAd HAssAn sABRA

dÉcisiOn RelATiVe AuX ReQuÊTes de lA dÉFense en RÉeXAMen de lA dÉcisiOn de lA cHAMBRe d’Appel

du 16 FÉVRieR 2011

Bureau du procureur : M. Norman Farrell

conseils de M. salim jamil Ayyash : Me Eugene O’Sullivan Me Emile Aoun

chef du Bureau de la défense : M. François Roux

conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: Me Antoine Korkmaz Me John Jonesconseils de M. Hussein Hassan Oneissi: Me Vincent Courcelle-Labrousse Me Yasser Hassanconseils de M. Assad Hassan sabra: Me David Young Dr Guénaël Mettraux

Page 228: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

228

Réexamen – droit applicable CA

nOTice inTROducTiVe1

La question essentielle dont est saisie la Chambre d’appel est de déterminer si les conseils ont démontré que sa Décision préjudicielle sur le droit applicable du 16 février 2011 résulte en une injustice au détriment des accusés qu’ils représentent, ce qui justifierait son réexamen. La Chambre d’appel conclut à l’absence d’une telle démonstration.

En application des articles 176 bis C) et 140 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal, un accusé peut solliciter le réexamen d’une décision rendue au titre des articles 176 bis et 68 G). La décision préjudicielle de la Chambre d’appel, fondée sur ces dispositions, porte réponse à 15 questions relatives au droit applicable soumises par le Juge de la mise en état. Les conseils des quatre accusés font valoir que ces dispositions sont ultra vires et que dans sa décision préjudicielle, la Chambre d’appel fournit une définition inexacte du crime de terrorisme.

Le Procureur avance, à titre liminaire, que les conseils de la défense n’ont pas qualité pour agir en l’espèce. La Chambre d’appel rejette cette affirmation, dans la mesure où le dépôt d’une requête en réexamen en application de l’article 176 bis C) n’est pas un droit réservé au seul accusé personnellement ; il peut, bien au contraire, être exercé par le conseil, auquel le Règlement impose l’obligation de représenter de manière pleine et entière les intérêts des accusés. Par conséquent, les conseils ont qualité pour agir.

Sur le fond, la Chambre d’appel dit qu’afin de solliciter le réexamen d’une décision au titre de l’article 176 bis C), un conseil doit démontrer que celle-ci a causé une injustice aux dépens d’un accusé. Cette nécessité découle du fait que l’article 176 bis C) adopte explicitement le critère de réexamen exposé à l’article 140. Cela signifie que les conseils doivent démontrer que l’accusé a, au minimum, subi un préjudice.

1 La présente notice ne fait pas partie de la décision de la Chambre d’appel. Elle a été établie pour la commodité du lecteur, qui peut juger utile de disposer d’une présentation des grandes lignes de la décision. Seul le texte de la décision constitue, en lui-même, le document faisant foi.

Page 229: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

229

Réexamen – droit applicable CA

À l’issue de l’examen des arguments des conseils, la Chambre d’appel conclut que leurs requêtes ne démontrent pas que la décision préjudicielle du 16 février 2011 a causé une injustice.

• La Chambre d’appel rejette l’argument selon lequel les articles 68 G et 176 bis C) sont invalides. Ces dispositions ne contredisent pas le Statut, pas plus qu’elles n’engendrent une inégalité procédurale ni ne violent le droit de l’accusé à un appel. Le Juge de la mise en état et la Chambre d’appel ont valablement exercé les pouvoirs que leur confèrent ces dispositions ;

• de plus, la définition du crime de terrorisme adoptée dans la décision préjudicielle ne donne lieu à aucun préjudice. La définition du terrorisme énoncée par l’article 314 du Code pénal libanais, telle qu’interprétée dans ladite décision, permet d’envisager d’autres moyens que ceux que les rédacteurs du Code citent explicitement en tant que moyens susceptibles de produire un danger commun. Quoi qu’il en soit, les circonstances particulières de la présente espèce ne justifient pas une application de cette définition. Attendu que les quatre accusés sont accusés d’avoir participé à la perpétration d’un acte de terrorisme « aux moyens d’un engin explosif », les prétentions de la Défense selon lesquelles ils ont subi un préjudice causé par la décision préjudicielle sont infondées.

En bref, les conseils n’ont pas démontré que la décision préjudicielle avait porté préjudice aux intérêts des accusés. Par conséquent, leurs requêtes sont rejetées.

Page 230: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

230

Réexamen – droit applicable CA

inTROducTiOn

1. La Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, rendue par la Chambre d’appel le 16 février 2011 (la « Décision préjudicielle »)2, a répondu à 15 questions de droit soulevées par le Juge de la mise en état en se fondant sur les articles 68 G) et 176 bis du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal spécial pour le Liban (le « Règlement » et le « Tribunal » respectivement). Suite à l’ordonnance de la Chambre de première instance portant ouverture d’un procès par défaut pour les quatre accusés, les conseils commis d’office pour les représenter ont déposé des requêtes en réexamen de la Décision préjudicielle auprès de la Chambre d’appel.3

2. Les conseils soutiennent essentiellement que :

• L’article 28 du Statut du Tribunal habilitant les juges réunis en plénière à rédiger les articles du Règlement n’a pas permis l’adoption des articles 68 G) et 176 bis, lesquels sont donc dépourvus de validité et ne doivent pas être pris en compte4. Il en va de même pour la Décision préjudicielle5 ;

2 STL-11-01/I/AC, Décision préjudicielle sur le droit applicable, terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, 16 février 2011.

3 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No. STL-11-01/PT/AC/R176bis : [TRADUCTION] Requête de la Défense de M. Sabra en réexamen de la décision relative à l’article 176bis – « terrorisme international », 13 juin 2012 (« Requête de la Défense de M. Sabra ») ; Requête de la Défense de M. Oneissi en Réexamen de la Décision préjudicielle sur le droit applicable du 16 février 2011, 13 juin 2012 (« Requête de la Défense de M. Oneissi » ; [TRADUCTION] Requête en réexamen de la décision préjudicielle sur le droit applicable rendue par la Chambre d’appel le 16 février 2011, Request for Reconsideration of the Interlocutory Decision on the Applicable Law Rendered by the Appeals Chamber on 16 February 2011, 13 juin 2012 (« Requête de la Défense de M. Badreddine »); [TRADUCTION] Jonction de la Défense de M. Salim Jamil Ayyash et de la Défense de M. Mustafa Amine Badreddine aux fins de la « Requête en réexamen de la décision préjudicielle sur le droit applicable rendue par la Chambre d’appel le 16 février 2011 », Salim Jamil Ayyash’s Joinder in the Defence for Mustafa Amine Badreddine’s « Requête en réexamen de la décision préjudicielle sur le droit applicable rendue par la Chambre d’appel le 16 février 2011 », 13 juin 2012 (« Requête de la Défense de M. Ayyash »). En application de l’article 176 bis C), les conseils de la défense ne se trouvaient pas dans l’obligation de demander une autorisation pour déposer leur requête.

4 Requête de la Défense de M. Oneissi, par. 11 à 26; Requête de la Défense de M. Badreddine, par.13 à 18.

5 Requête de la Défense de M. Oneissi, par. 26.

Page 231: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

231

Réexamen – droit applicable CA

• À défaut, même si les articles en question sont réputés valables, ils n’autorisent ni les questions de droit soumises par le Juge de la mise en état, ni la Décision préjudicielle qui les prend comme fondement6 ;

• En tout état de cause, la réponse apportée à la question du crime de terrorisme est erronée en droit7 ;

• En conséquence, le Juge de la mise en état doit réexaminer sa décision de confirmation de l’acte d’accusation contre tous les accusés, étant donné qu’elle s’appuie sur des prescriptions de la Chambre d’appel juridiquement mal fondées8.

3. Contrairement à l’une des affirmations formulées dans sa réponse par le Procureur, la Chambre reconnaît que la Défense a qualité pour déposer les présentes requêtes. Cependant, elle rejette le réexamen de la Décision préjudicielle à ce stade de la procédure, la Défense n’ayant pas démontré comment elle occasionnait une injustice aux accusés. En conséquence, les requêtes de la Défense sont rejetées. La Chambre rappelle que la présente décision n’affecte en rien le droit fondamental de chacun des accusés qui pourrait être reconnu coupable de former un appel contre une telle déclaration de culpabilité en application de l’article 26 du Statut.

RAppel de lA pROcÉduRe

4. Les articles 68 G) et 176 bis ont été adoptés le 10 novembre 2010 en tant qu’amendements au Règlement. Ils sont libellés comme suit :

Article 68 G)

Le Juge de la mise en état peut soumettre à la chambre d’appel toute question préjudicielle sur l’interprétation de l’accord, du statut et du règlement concernant le droit applicable qu’il juge nécessaire afin d’examiner l’acte d’accusation et de rendre une décision sur celui-ci.

6 Requête de la Défense de M. Oneissi, par. 27 à 44; Requête de la Défense de M. Badreddine, par. 19 à 28.

7 Requête de la Défense de M. Sabra, par. 7 à 17, 35; Requête de la Défense de M. Oneissi, par. 37 à 70.

8 Requête de la Défense de M. Sabra, par. 37.

Page 232: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

232

Réexamen – droit applicable CA

Article 176 bis

A) La Chambre d’appel rend une décision préjudicielle sur toute question soulevée par le Juge de la mise en état en vertu de l’article 68 G) sans préjudice des droits de l’accusé.

B) Avant de rendre sa décision, la Chambre d’appel entend le Procureur et le chef du Bureau de la Défense en audience publique.

C) L’accusé a le droit de demander le réexamen de la décision préjudicielle, visée au paragraphe a, conformément à l’article 140 sans devoir en être autorisé par le juge président. La demande en réexamen est présentée à la chambre d’appel au plus tard trente jours après la communication par le Procureur à la Défense de toutes les pièces et déclarations visées à l›article 110(a)(i).

5. Après que les questions de droit du Juge de la mise en état eussent été soumises à la chambre d’appel9, le Procureur et le chef du Bureau de la Défense ont déposé des conclusions écrites relatives auxdites questions et formulé des conclusions orales lors d’une audience publique10.

6. Ni l’acte d’accusation, ni les éléments de preuve présentés par le Procureur pour appuyer sa confirmation n’avaient été communiqués à la Chambre d’appel lorsqu’elle a rendu sa Décision préjudicielle11. La Chambre d’appel a statué, notamment, que le Tribunal appliquerait le droit relatif au terrorisme conformément aux dispositions du Code pénal libanais, ne prenant en compte le droit international applicable qu’en tant que moyen permettant d’aider à l’interprétation desdites dispositions12. Le 28 juin 2011, le Juge de la mise en état a confirmé l’acte d’accusation13. Suite à la décision

9 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No. STL-11-01/I, Ordonnance relative aux questions préjudicielles adressée aux juges de la Chambre d’appel conformément à l’article 68, paragraphe G) du Règlement de procédure et de preuve, 21 janvier 2011.

10 Voir la Décision préjudicielle, par. 1.

11 Id., par. 8.

12 Id., par. 45.

13 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No. STL-11-01/I/PTJ, Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi, & M. Assad Hassan Sabra, 28 juin 2011 (« Décision de confirmation »). Voir également, TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No.STL-11-01-I/PTJ, Acte d’accusation, 10 juin 2011.

Page 233: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

233

Réexamen – droit applicable CA

de la Chambre de première instance de tenir un procès par défaut14, le chef du Bureau de la Défense a commis d’office un conseil à chacun des accusés aux fins de protéger leurs intérêts devant le Tribunal15.

7. Aux fins d’une demande en réexamen d’une décision préjudicielle, l’article 176 bis C) requiert que l’accusé dépose une requête au plus tard trente jours après la communication par le Procureur à la Défense de toutes les pièces et déclarations visées à l’article 110 A) i).

8. Suite à une requête conjointe de la Défense demandant à ce qu’une ordonnance fixe le délai de dépôt d’une requête en réexamen, la Chambre d’appel a enjoint aux équipes de la Défense de déposer lesdites requêtes le 13 juin 2012 au plus tard16. Elle a également enjoint au Procureur de soumettre toute réponse dans les 14 jours qui suivent la réception de la ou des requêtes de la Défense17.

9. Les conseils de Sabra, Oneissi et Badreddine ont chacun déposé une requête en réexamen de la Décision préjudicielle18. Les conseils de Ayyash se sont joints aux conclusions des conseils de Badreddine19. Dans sa réponse, le Procureur a soulevé la question liminaire de savoir si la Défense avait qualité pour demander le réexamen en application de l’article 176 bis C)20. Au vu de cet argument, le Juge rapporteur a autorisé la Défense à déposer une réplique se rapportant exclusivement à la question

14 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No. STL-11-01/I/TC, Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 1er février 2012.

15 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No. STL-11-01/I/PTJ, Commission d’office de conseils aux fins de la procédure par défaut tenue en application de l’article 106 du Règlement, 2 février 2012.

16 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No. STL-11-01/I/AC, Ordonnance concernant le délai de dépôt d’une requête au titre de l’article 176 bis C), 14 mai 2012, par.29.

17 Id., dispositif.

18 Voir la note 3 ci-dessus.

19 Voir la Requête de la Défense de M. Ayyash, par. 2.

20 Voir TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No. STL-11-01/PT/AC/R176bis, [TRADUCTION] Réponse consolidée du Procureur aux requêtes de la Défense en réexamen de la Décision sur le droit applicable, Prosecution Consolidated Response to the Defence Requests for Reconsideration of the Decision on Applicable Law, 3 juillet 2012 (« Réponse du Procureur »), par. 2 et 6 à 10.

Page 234: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

234

Réexamen – droit applicable CA

de la qualité pour agir21. Le chef du Bureau de la Défense a également déposé des conclusions sur ce point22.

cOnclusiOns des pARTies

10. Les conseils de Badreddine, Ayyash23 et Oneissi soutiennent que les articles 68 G) et 176 bis sont dépourvus de tout fondement juridique en raison de leur incompatibilité avec le Statut du Tribunal, et qu’ils sont ultra vires, c’est-à-dire qu’ils excèdent les pouvoirs que le Statut investit dans les juges24. Les conseils font valoir que même si les articles étaient intra vires, la requête soumise à la Chambre d’appel par le Juge de la mise en état excède les pouvoirs que lui confère l’article 68 G), et que la Chambre d’appel a également outrepassé ses pouvoirs en répondant à ses questions25. Les conseils de Badreddine affirment par ailleurs que la Défense n’est pas tenue de remplir la condition du réexamen énoncée à l’article 140 — lequel est mentionné à l’article 176 bis C) — à savoir que le réexamen est nécessaire pour éviter toute injustice26.

11. Les conseils de Oneissi et Sabra arguent que la Chambre d’appel a défini incorrectement l’infraction de terrorisme27. Les conseils de Sabra allèguent que la définition de la Chambre d’appel supprime l’un des éléments matériels de l’infraction

21 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No. STL-11-01/I/PT/AC/R176bis, [TRADUCTION] Ordonnance du Juge rapporteur concernant le dépôt de réponses, Order by the Judge Rapporteur on Filing of Reply, 4 juillet 2012. La Défense a déposé une réplique conjointe le 9 juillet 2012. Voir Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No. STL-11-01/I-PT/AC/R176bis, [TRADUCTION] Réplique conjointe de la Défense à la réponse consolidée du Procureur concernant la qualité pour agir, Joint Defence Reply to Prosecution Consolidated Response Concerning Standing, 9 juillet 2012 (« Réponse conjointe de la Défense »).

22 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No.STL-11-01/I/PT/AC/R176bis, [TRADUCTION] Observations du Bureau de la Défense suite à la réponse du Procureur aux demandes en réexamen de la décision de la Chambre d’appel sur le droit applicable, Observations of the Defence Office Following the Response by the Prosecution to the Requests for Reconsideration of the Appeals Chamber Decision on the Applicable Law, 9 juillet 2012 (« Observations du chef du Bureau de la Défense »).

23 Les conseils de Ayyash ont déposé une requête conjointe par laquelle ils adoptent tous les aspects des arguments de la Défense de Badreddine. Voir la Requête de la Défense de M. Ayyash, par. 2.

24 Requête de la Défense de M. Badreddine, par. 12 à 18; Requête de la Défense de M. Oneissi, par. 11 à 27.

25 Requête de la Défense de M. Badreddine, par. 23 à 31; Requête de la Défense de M. Oneissi, par. 28 à 37.

26 Requête de la Défense de M. Badreddine, par. 7 à 11.

27 Requête de la Défense de M. Oneissi, par. 38 à 74 ; Requête de la Défense de M. Sabra, par. 33 à 35.

Page 235: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

235

Réexamen – droit applicable CA

(la condition de moyens spécifiques et limités) et qu’elle a par conséquent modifié l’élément moral (ou mens rea) de l’infraction, puisqu’il n’est plus nécessaire de démontrer qu’un accusé savait que l’acte serait commis en utilisant les moyens spécifiques énumérés dans le Code pénal libanais28. Les conseils de Sabra avancent que l’élimination de cette condition porte préjudice aux accusés, ces derniers pouvant faire l’objet d’accusations qui autrement auraient pu ne pas être confirmées29. Les conseils font également valoir que cette définition élargit et étend la définition du terrorisme au-delà de celle du droit libanais et que, de ce fait, la Chambre d’appel a enfreint l’interdiction d’imputer des infractions criminelles ex post facto (le principe de légalité) à des accusés.30

12. Le Procureur demande le rejet des requêtes de la Défense31. Il allègue essentiellement que celle-ci n’a pas qualité pour contester la Décision préjudicielle, l’article 176 bis c) ne garantissant qu’aux accusés le droit de présenter une demande en réexamen32. Il soutient, subsidiairement, que la Défense n’a pas réussi à démontrer que le réexamen est nécessaire pour éviter une injustice, en application de l’article 140 du Règlement33. Plus particulièrement, il avance que les articles 68 G) et 176 bis concordent avec le Statut34 ; que la Chambre d’appel a statué à juste titre que le Tribunal doit appliquer le droit libanais en ce qui concerne le crime de terrorisme35 ; qu’il est admissible de se référer au droit international pour interpréter le droit libanais36 ; et que cette interprétation n’enfreint pas le principe de légalité37.

28 Requête de la Défense de M. Sabra, par. 21, 33.

29 Id., par. 22.

30 Id., par. 32 à 36.

31 Réponse du Procureur, par. 57.

32 Id., par. 7 à 10.

33 Id., par. 14 à 18.

34 Id., par. 22 à 32.

35 Id., par. 34 à 37.

36 Id., par. 34 à 51.

37 Id., par. 52 à 56.

Page 236: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

236

Réexamen – droit applicable CA

13. Les conseils de la défense et le chef du Bureau de la Défense ont répliqué que les conseils étaient en droit et tenus d’avancer toutes les conclusions qui auraient pu être formulées par les accusés s’ils avaient comparu devant le Tribunal38.

lA QuAliTÉ pOuR AGiR des cOnseils de lA dÉFense

14. Le Procureur affirme que les conseils de la défense commis d’office pour représenter les accusés dans le cadre de la procédure par défaut n’ont pas qualité pour déposer une éventuelle requête en réexamen en application de l’article 176 bis C).39 Il soutient qu’il s’agit d’un droit « personnel » de l’accusé, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article40. La Défense réplique que le Statut et Règlement envisagent la pleine représentation d’un accusé par la Défense41 et que priver les conseils de la qualité pour déposer des requêtes en réexamen « [TRADUCTION] porterait gravement atteinte à l’équité procédurale »42.

15. La Chambre n’est pas convaincue par les arguments du Procureur. Aux termes de l’article 176 bis c) :

L’accusé a le droit de demander le réexamen de la décision préjudicielle, visée au paragraphe A, conformément à l’article 140 sans devoir en être autorisé par le Juge président. La demande en réexamen est présentée à la Chambre d’appel au plus tard trente jours après la communication par le procureur à la défense de toutes les pièces et déclarations visées à l’article 110(a)(i).

Comme le fait remarquer la Défense43, l’article 107 prévoit de manière explicite que « les articles relatifs aux procédures de mise en état, en première instance et en appel s’appliquent mutatis mutandis à la procédure par défaut ». Si l’article 176 bis ne constitue pas une procédure d’appel, il n’en est pas moins situé dans la partie

38 Réplique conjointe de la Défense, par. 2 à 10; Conclusions du chef du Bureau de la Défense, par. 10.

39 Réponse du Procureur, par. 2, 6 à 13.

40 Id., par. 8 (souligné dans l’original).

41 Réplique conjointe de la Défense, par. 3 à 9.

42 Id., par. 9.

43 Id., par. 3.

Page 237: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

237

Réexamen – droit applicable CA

du Règlement qui régit la « procédure d’appel ». Partant, même en l’absence d’un accusé, le conseil de la défense commis d’office a qualité pour déposer au nom de l’accusé des requêtes en réexamen en application dudit article.

16. Cette affirmation est également corroborée par l’article 22 2) c) du Statut, en vertu duquel le Tribunal doit garantir qu’un conseil soit commis d’office à tout accusé dont le procès se déroule par défaut, aux fins de « défendre scrupuleusement les intérêts et les droits de l’accusé ». Ainsi, le Statut s’applique en se fondant sur le principe que les conseils de la défense disposent des mêmes pouvoirs que les accusés qu’ils représentent, sauf disposition explicite du contraire. L’article 176 bis C) du Règlement ne prévoit aucune disposition de ce type. Au contraire, la référence explicite à la « Défense » dans la seconde phrase de ce dernier article montre que les auteurs ont envisagé que les conseils de la défense puissent faire valoir le droit à demander le réexamen.

17. Dans ce contexte, la Chambre renvoit à l’article 2 du Règlement, lequel définit « Défense » comme « l’accusé/le suspect et/ou le conseil de la défense ». Les termes « accusé » et « défense » sont interchangeables. Il est incontestable que certaines dispositions du Règlement accordent aux accusés des droits qui ne peuvent être exercés que par eux-mêmes44. Cependant, ces dispositions ou requièrent la présence physique de l’accusé45 ou ne peuvent être lues que dans le sens où elles confèrent des droits à l’individu plutôt qu’à une partie46. L’article 176 bis C) se distingue desdites dispositions en ce qu’il établit un droit qui peut en fait être exercé par les conseils de la défense au nom de l’accusé.

44 Voir par exemple l’article 110 A): « [L]e Procureur communique à la Défense, dans une langue que l’accusé comprend » ; article 144 C): « L’accusé n’est pas tenu de faire une déclaration solennelle » ; article 153 : « tout aveu fait par un suspect ou un accusé lors d’un interrogatoire […] est présumé avoir été donné librement et volontairement […]».

45 Voir aussi l’article 144 A): « L’accusé peut faire des déclarations devant la Chambre de première instance […] » ; article 144 C) : « L’accusé n’est pas tenu de faire une déclaration solennelle » ; article 153 : « tout aveu fait par un suspect ou un accusé lors d’un interrogatoire par le Procureur est présumé avoir été donné librement et volontairement jusqu’à preuve du contraire. ».

46 Voir, par exemple l’article 108 A) : Lorsque l’accusé […] se présente devant la Chambre de première instance avant la conclusion de la procédure par défaut […] » ; article109 A) : « Lorsqu’un accusé comparaît devant le Tribunal après la conclusion d’une procédure par défaut […] » ; article 110 A) : « [L]e Procureur communique à la Défense, dans une langue que l’accusé comprend […] ».

Page 238: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

238

Réexamen – droit applicable CA

18. Enfin, s’agissant de la demande en réexamen prévue par l’article 176 bis C), il importe peu que les conseils n’aient pas encore été commis d’office lorsque la Décision préjudicielle a été rendue47. Les priver des mêmes pouvoirs que ceux qui reviendraient aux accusés s’ils étaient présents, aux termes dudit article, porterait atteinte au plein exercice de leurs fonctions ainsi qu’aux principes d’équité procédurale et d’égalité des armes entre les parties. La Chambre n’est pas convaincue qu’il faille rejeter ces droits uniquement parce que les accusés, s’ils venaient à comparaître, auraient la possibilité de contester de nouveau la Décision préjudicielle48. En conséquence, l’objection du Procureur concernant la qualité pour agir des conseils est rejetée.

cOndiTiOns du RÉeXAMen

19. L’article 176 bis C) habilite la Chambre d’appel à réexaminer une décision préjudicielle qu’elle a rendue à la demande du Juge de la mise en état, en application de l’article 68 G). Ce pouvoir s’exerce conformément à l’article 140 aux termes duquel : « une chambre peut, d’office ou à la demande d’une partie, et sur autorisation du juge président, réexaminer une décision, exception faite d’un jugement ou d’un prononcé d’une peine, si cela s’avère nécessaire afin d’éviter une injustice ».

20. L’article 176 bis C) prévoit, de manière exceptionnelle, que l’autorisation préalable du Juge président n’est pas nécessaire, mais tous les autres éléments de l’article 140 demeurent intacts. La Chambre rejette donc l’argument de la Défense de Badreddine selon lequel le réexamen, aux termes de l’article 176 bis C), confère à la Défense le droit inconditionnel à une nouvelle audience49. Selon la Défense de Badreddine, la « [TRADUCTION] nature même de l’article » rend superflue la nécessité pour la Défense de démontrer spécifiquement l’injustice qui frappe les accusés, ou d’argumenter en se fondant sur les critères relatifs à l’injustice fixés par la jurisprudence du Tribunal50. Néanmoins, comme le fait remarquer le Procureur51, en

47 Par opposition à la Réponse du Procureur, par. 9 à 11.

48 Réponse du Procureur, par. 8, 11.

49 Requête de la Défense de M. Badreddine, par. 7.

50 Ibid.

51 Réponse du Procureur, par. 15 et 16.

Page 239: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

239

Réexamen – droit applicable CA

mentionnant explicitement l’article 140, l’article 176 bis C) incorpore les conditions à remplir pour obtenir le réexamen figurant dans le premier article. Il revient à la Défense d’établir que le réexamen est nécessaire aux fins d’éviter une injustice. En d’autres termes, le réexamen d’une décision rendue en application de l’article 176 bis C) est subordonné à l’existence de l’injustice requise par l’article 140.

21. Contrairement aux affirmations de la Défense de Badreddine52, rien dans la Décision préjudicielle ne permet par ailleurs de défendre une interprétation différente de l’article 176 bis C). Dans ladite Décision, la Chambre d’appel a jugé que le fait qu’un accusé n’ait pas été entendu « constituera un élément déterminant dans la décision de réexaminer éventuellement l›une quelconque des questions tranchées dans la présente décision, conformément à l›article 176bis C) »53. Cette déclaration présumait une contestation qui s’appuirait sur la preuve d’une injustice54.

22. La Chambre d’appel n’avait jusqu’à présent jamais eu l’occasion de préciser les conditions préalables prévues à l’article 140, y compris la démonstration requise d’une « injustice ». Cependant, la Chambre prend note et approuve l’affirmation du Juge de la mise en état selon lequel “[TRADUCTION] l’objet et le but de l’article 140 est de conférer aux Chambres le pouvoir discrétionnaire de réexaminer des décisions aux fins d’éviter une injustice »55. La Chambre partage également le point de vue du Juge de la mise en état qui estime que « “[TRADUCTION] le recours au réexamen devrait être limité en vue d’assurer la certitude et la finalité des décisions judiciaires du Tribunal »56.

52 Requête de la Défense de M. Badreddine, par. 7 à 9.

53 Décision préjudicielle, par. 10.

54 Les déclarations des Juges Cassese et Baragwanath lors de l’audience du 7 février 2011 doivent également être examinées à la lumière des conditions visées à l’article 140. Voir TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No. STL-11-01/I, [TRADUCTION] Transcription publique officielle de l’audience du 7 février 2011, Official Public Transcript of the Hearing of 7 February 201, p. 5, 37.

55 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No. STL-11-01/PT/PTJ, [TRADUCTION] Décision concernant la requête du Procureur en réexamen partiel de l’ordonnance du Juge de la mise en état en date du 8 février 2012, Decision on the Prosecution’s Request for Partial Reconsideration of the Pre-Trial Judge’s Order of 8 February 2012, 29 mars 2012 (« Décision du 29 mars 2012 du Juge de la mise en état ») par. 22; Voir également TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire No. STL-11-01/PT/PTJ, [TRADUCTION] Décision relative à la requête en réexamen de la Décision du 5 avril 2012, Decision relating to the Prosecution Request for Reconsideration of the Decision of 5 April 2012, 4 mai 2012, (« Décision du 4 mai 2012 du Juge de la mise en état »), par. 13.

56 Décision du 29 mars 2012 du Juge de la mise en état, par. 23.

Page 240: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

240

Réexamen – droit applicable CA

23. L’interprétation selon laquelle le réexamen doit demeurer une voie de recours exceptionnelle correspond également à la jurisprudence d’autres tribunaux internationaux. Plus spécifiquement, l’article 140 donne corps à un principe bien établi dans la jurisprudence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, du Tribunal pénal international pour le Rwanda et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone57. Le réexamen ne peut être utilisé comme moyen de remédier aux imperfections d’une décision ou de contourner les conséquences défavorables d’une décision58.

24. Il existe cependant une différence significative entre les procédures de ces juridictions et celle du Tribunal. Tandis que leur jurisprudence autorise le recours au réexamen dans le cas où une erreur manifeste de raisonnement a été démontrée ou

57 TPIY, Le Procureur c. Prlić et autres, affaire No IT-04-74-AR73.16, Décision faisant suite à l’appel interlocutoire interjeté par Jadranko Prlić contre la décision relative à la demande de la défense de Prlić en vue du réexamen de la décision portant sur l’admission d’éléments de preuve documentaires, 3 novembre 2009 (« Décision du 3 novembre 2009 en l’affaire Prlić »), par. 6; TPIR, Le Procureur c. Bagosora et al., affaire No. ICTR-98-41-T, [TRADUCTION] Décision relative à la demande du Procureur en réexamen de la Décision de la Chambre de première instance relative à la « Requête en autorisation du Procureur aux fins de modifier la liste des témoins au titre de l’article 73 bis E) », Decision on Prosecutor’s Motion for Reconsideration of the Trial Chamber’s “Decision on Prosecutor’s Motion for Leave to Vary the Witness List pursuant to Rule 73 bis E), 15 juin 2004 (« Décision en l’affaire Bagosora et autres »), par. 7 à 10; TSSL, Le Procureur c. Norman et autres, affaire No.SCSL-04-14-T, [TRADUCTION] Décision relative à la Requête urgente en réexamen des Ordonnances d’observation de l’Ordonnance concernant la préparation et la présentation du dossier de la Défense, Decision on Urgent Motion for Reconsideration of the Orders for the Compliance with the Order Concerning the Preparation and Presentation of the Defence Case, 7 décembre 2005, par. 13 et 14. Ce principe est également affirmé dans une décision de la Chambre de première instance I de la Cour pénale internationale. Voir CPI, Le Procureur c. Lubanga, affaire No.ICC-01/04-01/06, [TRADUCTION] Décision relative à la Requête en réexamen de la Défense concernant l’« Ordonnance relative à la numérotation des preuves » du 12 mai 2010, Decision on the Defence Request to Reconsider the “Order on Numbering of Evidence” 12 May 2010, 30 mars 2011, par. 10 à 18. Cependant, voir par opposition, CPI, le Procureur c. Ruto et autres, affaire No.ICC-01/09-01/11, [TRADUCTION] Décision relative à la « Requête en autorisation de la Défense aux fins de former appel contre la « Décision urgente relative à la Demande de la Défense aux fins de l’ajournement de l’audience de confirmation et de l’extension du délai de communication et de de recueil des preuves » (ICC-01/09-01/11-260) » Decision on the “Defence Request for Leave to Appeal the ‘Urgent Decision On The ‘Urgent Defence Application For Postponement of the Confirmation Hearing and Extension of Time to Disclose and List Evidence’ (ICC-01/09-01/11-260)’”, 29 août 2011, par. 18; CPI, Situation en Ouganda, affaire No.ICC-02/04-01/05, [TRADUCTION] Décision relative à la position du Procureur sur la décision de la Chambre préliminaire II d’expurger les descriptions factuelles des crimes dans les mandats d’arrêt, Requête en réexamen et Demande de clarification Decision on Prosecutor’s Position on the Decision of Pre-Trial Chamber II to Redact Factual Descriptions of Crimes from the Warrants of Arrest, Motion for Reconsideration and Motion for Clarification, 28 octobre 2005, par. 18 et 19.

58 Décision du 29 mars 2012 du Juge de la mise en état, par. 23 et 24; Décision du 4 mai 2012 du Juge de la mise en état, par. 13; TPIY, Le Procureur c. Prlić et autres, affaire No.IT-04-74-AR73.16, Décision portant sur les demandes en réexamen des décisions de la chambre déposées par les parties, 26 mars 2009, p. 3.

Page 241: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

241

Réexamen – droit applicable CA

s’il est nécessaire pour éviter une injustice59, l’article 140 fait uniquement référence à l’existence d’une « injustice ». Ainsi, la simple allégation de la présence d’une erreur dans une décision ne suffit pas à justifier une demande en réexamen. Au contraire, la partie demandant un réexamen est tenue de démontrer que la décision a entraîné une injustice. Ce qui constitue une injustice dépend, bien évidemment, des circonstances particulières. Elle demande, au minimum, l’existence d’un préjudice60.

25. La partie demandant le réexamen ne saurait, par conséquent, se contenter d’argumenter dans l’abstrait ; la démonstration du préjudice allégué doit se fonder sur des motifs spécifiques61. Il incombe à la partie demandant le réexamen de démontrer qu’un préjudice résultera de la décision62. Les motifs invoqués peuvent inclure, sans toutefois s’y limiter :

59 Différentes approches judiciaires s’opposent. Certaines chambres considèrent l’ « injustice » comme une condition distincte qui doit être remplie en plus de l’existence d’une « erreur évidente », voir TPIY, Le Procureur c. Mucić et autres, affaire No.IT-96-21-Abis, Arrêt relatif à la sentence, 8 avril 2003 (« Arrêt en l’affaire Mucić »), par. 49. D’autres chambres autorisent le réexamen lorsque l’une ou l’autre des conditions est remplie. (Voir TPIY, Le Procureur c. Šešelj¸ affaire No.IT-03-67-AR72.1, Décision relative à la requête aux fins de réexamen de la « Décision relative à l’appel interlocutoire concernant l’exception préjudicielle d’incompétence » datée du 31 août 2004, 15 juin 2006, par. 9, 20).

60 Voir TPIY, Le Procureur c. S. Milošević, affaire No.IT-50-AR73, Motifs du refus d’autoriser l’Accusation à interjeter appel de la décision d’imposer un délai, 16 mai 2002, par. 17 (où la Chambre d’appel a refusé d’autoriser le réexamen au motif que la décision contestée ne portait pas préjudice à l’accusé); TPIY, Le Procureur c. Galić, affaire No.IT-98-29-AR73, Décision relative à la demande de l’Accusation aux fins d’autorisation d’interjeter appel, 14 décembre 2001, par. 13 à 15 (où la Chambre d’appel a statué que le réexamen impliquait de se pencher sur la « nature spécifique » du préjudice subi par une partie) ; Bagosora et autres. Décision, par. 10, 15 (observant qu’il n’y avait ni erreur de droit, ni abus de pouvoir, la Chambre s’est attelée en particulier à la question de savoir dans quelle mesure la décision contestée avait porté préjudice à l’une ou l’autre des parties) ; Arrêt en l‘affaire Mucić, par. 49 à 52 (considérant que le réexamen est essentiellement un exercice du Tribunal correspondant à son « pouvoir inhérent (…) pour éviter une injustice » et qu’une décision contestée doit non seulement être erronée mais qu’elle doit également entraîner une injustice). Voir aussi TPIR, Le Procureur c. Barayagwiza et autres, affaire No.ICTR-97-19-AR72, Décision (Demande d’examen ou demande en réexamen du Procureur), 31 mars 2000, Opinion dissidente du Juge Shahabuddeen, par. 5 à 7 (faisant allusion au fait que l’erreur procédurale doit entraîner un « désavantage » pour le réexamen puisse avoir lieu).

61 Décision du 29 mars 2012 du Juge de la mise en état, par. 33 à 35; Bagosora et autres. Décision, par. 7.

62 Voit TPIR, Le Procureur c. Ngirabatware, affaire No.ICTR-99-54-T, [TRADUCTION] Décision relative à la demande en réexamen ou de clarification de la Défense aux fins de former un appel contre la Décision de la Chambre de première instance relative à l’article 92 bis datée du 22 septembre 2011, Decision on Defence Motion for Reconsideration or Clarification to Appeal the Trial Chamber’s Rule 92 bis Decision of 22 September 2011, 25 novembre 2011 (“Ngirabatware Decision”), par. 16; Le Procureur c. Karemera et autres, affaire No.ICTR-98-44-T, [TRADUCTION] Décision concernant la Demande de la Défense en réexamen de la Décision de Joseph Nzirorera relative à la demande d’inspection : Michel Bagaragaza, Decision on Motion for Reconsideration of Decision on Joseph Nzirorera’s Motion for Inspection: Michel Bagaragaza, 29 septembre 2008, par. 4.

Page 242: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

242

Réexamen – droit applicable CA

• une décision erronée ou constituant un abus de pouvoir de la part de la Chambre63.

• des faits nouveaux ou un changement matériel des circonstances une fois la décision rendue64.

26. Nous l’avons souligné, l’existence de ces motifs ne suffit pas en soi. La partie sollicitant le réexamen doit également démontrer qu’il en résulte un préjudice.

27. En bref, notre décision s’inspire du principe que, conformément aux articles 176 bis C) et 140, la Défense doit établir l’existence d’une injustice résultant en un préjudice spécifique pour que la Chambre d’Appel puisse réexaminer la Décision préjudicielle.

le FOndeMenT juRidiQue de lA dÉcisiOn pRÉjudicielle cOnFORMÉMenT AuX ARTicles 68 G) eT 176 BiS

28. En rendant sa Décision préjudicielle, la Chambre d’appel a expliqué l’origine et le but des articles 68(G) et 176 bis :

Les juges du Tribunal ont adopté les articles 68 G) et 176bis A) aux fins de permettre à la Chambre d’appel de préciser à l’avance le droit applicable par le Juge de la mise en état et la Chambre de première instance, et d’accélérer ainsi le processus judiciaire de la manière qu’appuyaient le Procureur et le Chef du Bureau de la Défense. En rédigeant les articles en question, les juges se sont inspirés des articles 21 et 28 du Statut du Tribunal, qui disposent que ce dernier doit éviter tout retard non justifié dans sa procédure et adopter un règlement de procédure et de preuve permettant de « garantir un procès rapide et équitable65 ».

63 Décision du 29 mars 2012 du Juge de la mise en état, par. 33, 35 ; Décision en l’affaire Ngirabatware, par. 14; Décision du 15 juin 2004 en l’affaire Bagosora et autres, par. 9; Arrêt en l’affaire Mucić, par. 49.

64 Décision du 29 mars 2012 du Juge de la mise en état, par. 33, 35 ; Décision en l’affaire Ngirabatware, par. 14 ; Décision du 3 novembre 2009 en l’affaire Prlić, par. 18 ; TSSL, Le Procureur c. Taylor, affaire No.SCSL-03-1-T, Decision on Public with Annex A Defence Motion for Reconsideration of Decision on Defence Motion Requesting an Investigation into Contempt of Court by the Office of Prosecutor and its Investigators, 3 décembre 2010, p. 3.

65 Décision préjudicielle, par. 7 (les notes de bas de page ont été omises).

Page 243: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

243

Réexamen – droit applicable CA

29. Les conseils de Oneissi et Badreddine font essentiellement valoir que les articles 68 G) et 176 bis du Règlement sont ultra vires, c’est-à-dire qu’ils excèdent les pouvoirs conférés par le Statut et que, par conséquent, la Décision préjudicielle devrait être déclarée « non fondée66 » et être « annu[lée]67 ».

i. le pouvoir de la chambre d’appel de statuer sur la légalité des articles 68 G) et 176 bis du Règlement

30. Le Règlement est adopté et modifié par l’ensemble des juges du Tribunal réunis en plénière68. Toutefois, la Chambre d’appel est habilitée à statuer sur l’applicabilité d’un article à l’espèce dont elle est saisie. Même si, dans le cadre de leurs fonctions d’élaboration du Règlement, les juges siègeant à la Chambre d’appel ont, en vertu de l’article 28 du Statut, participé à la rédaction des articles, ils sont, dans le cadre de leurs fonctions judiciaires, habilités à statuer sur la validité et l’application desdits articles adoptés par la plénière69.

31. Avant de trancher sur la question de savoir si les articles 68 G) et 176 bis du Règlement sont ou ne sont pas valables, il convient tout d’abord de s’assurer que le fait de ne pas statuer sur ce point résulterait en un préjudice70. Le Procureur soutient que la Défense n’a pas démontré l’existence d’un tel préjududice et fait valoir qu’elle ne fait qu’exprimer un désaccord sur les choix législatifs des auteurs du Statut et du Règlement71. Nous ne sommes pas d’accord. En l’espèce, si ces articles du Règlement étaient effectivement ultra vires, la Défense subirait un préjudice

66 Requête de la défense de M. Badreddine, par. 41.

67 Requête de la défense de M. Oneissi, par. 76

68 Article 28 du Statut du TSL, articles 1 5 du RPP du TSL.

69 Voir TPIR, Prosecutor v. Nyiramasuhuko et al., Case No. ICTR-98-42-A15bis, Decision in the Matter of Proceedings under Rule 15bis(D) [le Procureur c. Nyiramasuhuko et autres, Affaire n° ICTR-98-42-A15bis, Décision relative à la procédure en application de l’article 15bis D)], 24 septembre 2003, par. 9 ; voir aussi TSSL, Prosecutor v. Fofana, Case No. SCSL-2003-11-PD, Decision on the Urgent Defence Application for Release from Provisional Detention, 21 November 2003 (“Fofana Decision”) [Le Procureur c. Fofana, Affaire n° SCSL-2003-11-PD, Décision relative à la demande urgente de la Défense aux fins qu’il soit mis un terme à la détention provisoire], 21 novembre 2003 (« Décision Fofana»), par. 24 à 28.

70 Voir ci-dessus, par. 19 à 27.

71 Réponse du Procureur, par. 17.

Page 244: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

244

Réexamen – droit applicable CA

puisqu’elle souffrirait alors d’une inéquité prodédurale qui ne serait pas uniquement d’ordre technique, mais qui pourrait la défavoriser72. En effet, si les arguments de la Défense sur l’illégalité des articles étaient corrects, il lui faudrait ainsi accepter une décision rendue sans véritable fondement juridique et en son absence, contrairement au principe du caractère contradictoire de la procédure devant le Tribunal.

ii. la conformité des articles 68 G) et 176 bis avec le statut

32. Les conseils de Oneissi et Badreddine soutiennent que la procédure énoncée aux articles 68 G) et 176 bis du Règlement n’est pas conforme au Statut du Tribunal73. Ils font remarquer que l’article 26 dudit Statut se réfère aux recours devant la Chambre d’appel comme sa capacité à connaître « des appels formés, soit par des personnes que la Chambre de première instance a reconnu coupables, soit par le Procureur » pour certains motifs, mais ne mentionne aucun pouvoir quelconque de la Chambre d’appel de statuer sur des questions préjudicielles relatives au droit applicable soumises par le Juge de la mise en état. Cette lecture du Statut nous apparaît trop étroite.

33. Le Statut est l’énoncé concis du cadre juridique fondamental dans lequel le Tribunal opère. Il ne précise pas en détail les modalités de mise en œuvre de ce cadre, mais il délègue plutôt aux juges le pouvoir subalterne d’élaborer un Règlement74. C’est ce qui ressort de l’article 28, qui dit que les juges « adopteront […] un Règlement de procédure et de preuve, qui régira la mise en état des affaires, les procès en première instance et les recours, la recevabilité des preuves, la participation des victimes, la protection des victimes et des témoins et d’autres questions appropriées ». Les articles 68 G) et 176 bis concernent « la mise en état des affaires […] et les recours » au sens le plus large du terme, mais couvrent également « d’autres questions appropriées » dont les juges sont habilités de traiter. En ce sens, les rédacteurs du

72 Cf TPIR, Barayagwiza v. The Prosecutor, Case No. ICTR-97-19-AR72, Decision (Prosecutor’s Request for Review or Reconsideration), 31 March 2000, Separate Opinion of Judge Shahabuddeen [Décision (Requête du Procureur en révision ou en réexamen), par. 4 et 5.

73 Requête de la défense de M. Oneissi, par. 11 à 26 ; requête de la défense de M. Badreddine, par. 13 à 18.

74 Voir aussi Norman et autres Décision du 04 Novembre 2003, par. 26 à 27 ; Décision Fofana, par. 25.

Page 245: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

245

Réexamen – droit applicable CA

Statut ont accordé aux juges un large pouvoir discrétionnaire pour établir le cadre procédural régissant la conduite de la procédure devant le Tribunal.

34. Selon nous, pour relever des « autres questions appropriées », les articles du Règlement doivent contribuer à la mission générale du Tribunal qui est de rendre la justice. Dans le même temps, ils ne doivent pas être contraires à l’esprit ou à la lettre du Statut. En l’affaire El Sayed, nous avons conclu que la Chambre d’appel a le pouvoir de connaître des recours portant sur des questions essentielles pour éviter les injustices, même si ce n’était pas prévu dans le Statut ou le Règlement75. S’agissant des articles 68 G) et 176 bis, nous n’avons aucune objection à ce que les juges en plénière attribuent à la Chambre d’appel, en plus de sa compétence à connaître des appels formés contre les jugements de la Chambre de première instance, de plus amples pouvoirs clairement définis, à condition que cela contribue aux objectifs du Statut et ne se fasse pas au détriment d’une des parties76. Par exemple, le Règlement, à l’instar des pratiques d’autres juridictions internationales, permet les appels interlocutoires contre certaines décisions rendues par le Juge de la mise en état ou par la Chambre de première instance77. Selon les arguments de la Défense, ce ne devrait pas être acceptable puisque le Statut ne le prévoit pas. Il ne fait toutefois aucun doute que la capacité de résoudre certaines questions durant la mise en état et en première instance au moyen du mécanisme de l’appel interlocutoire bénéficie aux deux parties78.

75 TSL, En l’affaire de la requête déposée par M. El Sayed, Affaire n° CH/AC/2010/02, Décision en appel concernant l’ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice », 10 novembre 2010, par. 54.

76 See Norman et al. Decision of 4 November 2003, para. 27. En l’espèce, la Chambre d’appel du Tribunal spécial pour la Sierra a confirmé la validité d’une disposition du règlement qui renvoit les exceptions préjudicielles relatives à la compétence directement à la Chambre d’appel.

77 Voir par exemple les articles 90, 102 et 126 du RPP

78 Voir TPIY, Le Procureur c. Delalić et autres, Affaire n° IT-96-21-AR72.4, Décision relative à la demande d’autorisation d’interjeter appel (Mise en liberté provisoire) formée par Hazim Delić, 22 novembre 1996, par. 21 (indiquant que « l’article 72 du Règlement [disposition du Règlement de TPIY visant le droit à formuler les exceptions préjudicielles] a élargi le droit d’interjeter appel par rapport à son exercice très limité tel que défini dans le Statut. Il a donc renforcé les droits de l’accusé sur le plan judiciaire (et, conséquemment, ceux du Procureur, compte tenu du principe de “l’égalité des armes” ») [souligné dans l’original]). Voir aussi TPIY, Le Procureur c. Tadić, Affaire n° IT-94-1-AR72, Arrêt relatif à l’appel de la Défense con cernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, par.6.

Page 246: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

246

Réexamen – droit applicable CA

35. Dans ce même esprit, le fait d’obtenir l’opinion de la Chambre d’appel sur le droit applicable devant le Tribunal avant la confirmation d’un acte d’accusation par le Juge de la mise en état présente l’avantage certain d’éviter les retards inutiles et de fournir aux parties des précisions pour la préparation de leur cause. Ainsi, dans la Décision préjudicielle, nous avons fait référence à l’article 21 du Statut, qui nous impose de « limite[r] la procédure à un examen rapide » et de « prend[re] des mesures strictes pour éviter toute action qui entraînerait un retard non justifié79. »

36. Nous prenons note de l’argument selon lequel ni le droit libanais, ni le droit national ou international applicables dans d’autres jurisdictions ne prévoient une procédure similaire à celle visée aux articles 68 G) et 176 bis80. Toutefois, contrairement à ce qu’avancent les conseils de Badreddine, le Tribunal n’est pas « tenu » par la pratique de ces juridictions. L’article 28 du Statut requiert que les juges du Tribunal, lorsqu’ils rédigeront le Règlement « se guideront, selon ce qui conviendra, sur le Code de procédure pénale libanais et d’autres textes de référence consacrant les normes internationales de procédure les plus élévées ». Le Règlement reflète ces diverses influences. Même dans ce contexte, il importe également de souligner que le Tribunal diffère des juridictions internes et des autres tribunaux internationaux. Il est unique dans la mesure où il est une juridiction de caractère international qui applique le droit interne libanais. De ce fait, le Tribunal doit être en mesure d’adapter son cadre de fonctionement unique aux défis spécifiques auxquels il se trouve confronté. Ainsi, les considérations de coûts et de diligence tendent à permettre, plutôt qu’à refuser, l’accès à la Chambre d’appel.

37. Aucune inéquité procédurale ne ressort non plus des articles 68 G) et 176 bis. Tout d’abord, l’article 176 bis C) autorise la Défense à demander le réexamen de la décision de la Chambre d’appel. La Défense se fonde d’ailleurs sur ce droit pour soumettre la présente requête. De surcroît, la Défense n’est pas privée de son droit

79 Décision préjudicielle, par. 7 à 11.

80 Requête de la défense de M. Badreddine, par. 13.

Page 247: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

247

Réexamen – droit applicable CA

d’interjeter appel81. Comme l’a fait remarquer le Procureur82, le droit d’interjeter appel aux termes du droit international relatif aux droits de la personne se réfère aux appels formés contre un jugement ou une peine prononcée83. Dans la Décision préjudicielle, la Chambre d’appel s’est prononcée uniquement sur des points de droit. Elle l’a fait dans l’abstrait et sans égard à une affaire ou à des faits particuliers84. Il revient toujours à la Chambre de première instance d’appliquer et d’adapter les principes juridiques pertinents à la lumière des chefs retenus dans l’acte d’accusation et des éléments de preuve présentés par les parties. Ce jugement sera susceptible d’appel, et la Chambre d’appel réexaminera toute question de droit qui pourrait être soulevée dans le cadre d’un tel recours, conformément à l’article 26 du Statut85.

38. Enfin, aucune inéquité ne résulte du fait que les articles 68 G) et 176 bis s’appliquent uniquement à la confirmation d’un acte d’accusation, mais non dans le cas où le Procureur demande à ce qu’un acte d’accusation déjà confirmé soit modifié86. Comme nous l’avons dit dans notre décision du 29 mars 2012, le contexte procédural de chacune de ces situations est totalement différent87. Il n’est nullement « absurde » 88 que le Juge de la mise en état, lors de la modification d’un acte d’accusation, ne puisse se tourner vers la Chambre d’appel pour lui soumettre des questions sur le droit applicable. Au stade de la confirmation, la date effective de comparution de l’accusé devant le Tribunal n’est pas prévisible (ou, dans le cas des

81 Contrairement à : Requête de la défense de M. Badreddine, par. 14 ; requête de la défense de M. Oneissi, par. 19 à 23.

82 Réponse du Procureur, par. 28.

83 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 23 mars 1976, 999 U.N.T.S 171, art. 14(5).

84 Décision réjudicielle, par. 7 à 8.

85 Pour les mêmes raisons, nous rejetons les arguments selon lesquels « la Chambre d’appel prive la Chambre de première instance du pouvoir de développer sa propre interprétation du droit » (Requête de la défense de M. Oneissi, par. 24) et qu’il s’est produit une violation du principe de la procédure contradictoire (Requête de la défense de M. Badreddine, par. 38 et 39).

86 Contrairement à : Requête de la défense de M. Oneissi, par. 25 ; Requête de la défense de M. Badreddine, par. 16 à 17, les deux renvoyant à STL, Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01-I/PT/AC, Décision relative à la requête du juge de la mise en état en application de l’article 68 (g), 29 mars 2012 (« Décision de la Chambre d’appel du 29 mars 2012 »).

87 Décision de la Chambre d’appel du 29 mars 2012, par. 33.

88 Requête de la défense de M. Badreddine, par. 16

Page 248: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

248

Réexamen – droit applicable CA

procès par défaut, la date de nomination des conseils) ; les juges en plénière ont par conséquent établi un mécanisme pour permettre à la Chambre d’appel d’intervenir, à la demande du Juge de la mise en état, afin de préciser le droit applicable, sans la présentation d’arguments par des conseils de la Défense. Quand, par contre, un acte d’accusation est simplement modifié, la Défense est déjà présente et elle est donc en mesure de contester toute modification en temps utile en introduisant des requêtes préliminaires devant la Chambre de première instance. Puisque, de plein droit, ces décisions préjudicielles peuvent faire l’objet d’un appel, la Chambre d’appel est toujours en mesure d’intervenir en cas d’erreur.

iii. conclusion

39. Nous concluons que les articles 68 G) et 176 bis sont conformes au Statut et rejetons les requêtes de la Défense à cet égard89.

l’ApplicATiOn en l’espÈce des ARTicles 68 G) eT 176 BiS

40. Les conseils de Oneissi et Badreddine avancent que, même si la procédure permettant au Juge de la mise en état de soumettre des questions préliminaires sur le droit était déclarée valable, le Juge de la mise en état et la Chambre d’appel ont excédé les pouvoirs que leur confèrent les articles susmentionnés. Ils prétendent que les questions posées par le Juge de la mise en état et auxquelles la Chambre d’appel a répondu tombent en dehors du champ de l’article 68 G)90. La Défense de Badreddine avance également que la Chambre d’appel devait se limiter à rendre une décision aux seules fins de permettre au Juge de la mise en état de se prononcer sur l’acte d’accusation91. Le Procureur n’a pas répondu à ces points précis. Si la Défense n’a pas fait valoir qu’elle avait subi un quelconque préjudice du fait de la violation alléguée de l’article 68 G), nous estimons néanmoins que les mêmes principes que

89 En se fondant sur nos conclusions, nous ne sommes pas tenus de donner suite à la demande de la Défense de Oneissi visant la « suppression » des articles 68 G) et 176 bis du Règlement. Requête de la défense de M. Oneissi, par. 76.

90 Requête de la défense de M. Oneissi, par. 27 à 36 ; Requête de la défense de M. Badreddine, par. 19 à 28.

91 Requête de la défense de M. Badreddine, par. 29 à 31.

Page 249: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

249

Réexamen – droit applicable CA

nous avons évoqués en relation avec l’illégalité alléguée de l’article proprement dit sont toujours valables ici. En d’autres termes, la violation de l’article 68 G) pourrait constituer une inéquité procédurale qui, compte tenu des conditions particulières de l’article 176 bis C), équivaudrait à un préjudice92.

iV. le champ d’application des articles 68 G) et 176 bis

41. L’article 68 G) permet au Juge de la mise en état de soumettre à la Chambre d’appel « toute question préjudicielle sur l’interprétation de l’Accord, du Statut et du Règlement concernant le droit applicable qu’il juge nécessaire afin d’examiner l’acte d’accusation et de rendre une décision sur celui-ci ». L’article 176 bis A) habilite la Chambre d’appel à rendre une décision sur « toute question soulevée par le Juge de la mise en état en vertu de l’article 68 G) ».

42. Selon la Défense, cela signifie que la Chambre d’appel n’aurait pas dû répondre aux questions soumises par le Juge de la mise en état, celui-ci ne pouvant soumettre que des questions relatives à l’applicabilité d’une disposition particulière du Statut93. Nous rejetons ces arguments. L’article 176 bis confère à la Chambre d’appel le pouvoir de fournir des réponses à toute question se rapportant au droit applicable soulevée par le Juge de la mise en état, de manière aussi succinte ou extensive qu’elle le juge nécessaire, y compris en ce qui concerne le sens du droit applicable94.

43. Nous rejetons également l’argument selon lequel la Chambre d’appel aurait dû « limiter [sa] réponse à ce qui était nécessaire à la confirmation – ou au refus de confirmation – de l’acte d’accusation95 ». Comme souligné dans la Décision

92 Id. au par. 31.

93 Requête de la défense de M. Badreddine, par. 24 à 28 ; Requête de la défense de M. Oneissi, par. 32, 34 et 35.

94 Nous rejetons les arguments de la Défense de M. Oneissi selon lesquels la Chambre d’appel a formulé des « conclusions juridiques précises sur des points pour lesquels elle n’a pas été directement questionnée ». Requête de la Défense de M. Oneissi, par. 35. S’agissant du premier exemple cité par la Défense d’Oneissi, la Chambre d’appel a précisé la question du Juge de la mise en état avant de fournir une réponse sur le point de droit. Décision préjudicielle, par. 171 et 174. S’agissant du second exemple, la précision était nécessaire au regard des questions posées par le Juge de la mise en état concernant l’entreprise criminelle commune et le complot. Décision préjudicielle, par. 201.

95 Requête de la défense de M. Badreddine, par. 29

Page 250: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

250

Réexamen – droit applicable CA

préjudicielle, la Chambre d’appel n’avait eu connaissance ni de l’acte d’accusation, ni des éléments de preuve l’étayant à la date de sa décision. Elle a formulé ses conclusions juridiques dans l’abstrait et sans se référer à l’action intentée contre les quatre accusés96. Dans la mesure où les conseils de Badreddine avancent que la portée de la Décision se limite au stade de la confirmation97, nous estimons que la Défense n’a établi aucun préjudice justifiant de plus amples discussions sur ce point98. En tout état de cause, comme mentionné plus haut, les conclusions de la décision préjudicielle ne portent pas atteinte à la tâche de la Chambre de première instance de juger les faits en l’espèce et d’appliquer les principes juridiques pertinents à la lumière des élements de preuve.

V. conclusion

44. Nous conclons que la Décision préjudicielle n’excède pas le champ des articles 68 G) et 176 bis. Les affirmations de la Défense à cet égard sont rejetées.

le FOnd de lA dÉcisiOn pRÉjudicielle

45. Les conseils de la Défense de Sabra et Oneissi sollicitent le réexamen de la Décision préjudicielle au regard de la définition donnée par la Chambre d’appel du crime de terrorisme aux termes à la fois du droit libanais et du droit international coutumier. Ils critiquent spécifiquement la méthodologie de la Chambre d’appel99 et avancent que la Décision préjudicielle enfreint le Statut, le principe de légalité et le principe d’interprétation stricte de la loi pénale, et qu’elle se réfère à une définition du terrorisme inexistante100.

96 Décision préjudicielle, par. 8.

97 Requête de la défense de M. Badreddine, par. 28 à 31.

98 Nous rejetons les arguments de la Défense de M. Badreddine allèguant une « confusion des fonctions législatives et juridictionnelles » de la part de la Chambre d’appel pour défaut de fondement. Requête de la Défense de M. Badreddine, par. 35 à 37.

99 Voir également Requête de la défense de M. Badreddine, par. 32 à 34.

100 En particulier, ils avancent que la Chambre d’appel a commis une erreur en : a) ayant appliqué le droit international coutumier afin de définir le champ de la compétence ratione materiae du Tribunal en vertu de l’article 2 ; b) se référant au droit international coutumier bien que ceci ne soit pas un mode d’interprétation autorisé du droit pénal libanais ; c) ayant mal interprété les coutumes et conventions internationales pertinentes ;

Page 251: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

251

Réexamen – droit applicable CA

46. Nous rappelons qu’aux termes des articles 176 bis C) et 140, il est crucial que la Défense démontre l’existence d’une injustice résultant de la Décision préjudicielle, à savoir, au minimum, qu’elle a subi un préjudice101. Ce n’est qu’alors que nous réexaminerions ladite décision. Nous considérons que les conseils de la Défense ne satisfont pas à cette condition minimale requise aux fins du réexamen. En effet leurs arguments ne démontrent, ni comment ni en quoi, les accusés ont subi un préjudice du fait du raisonnement de la Chambre d’appel.

47. Bien au contraire, nous avons clairement indiqué dans la Décision préjudicielle qu’en interprétant le Statut ou le Code pénal libanais, nous retiendrions l’interprétation « qui est la plus favorable aux droits du suspect ou de l’accusé, conformément au principe général de droit pénal favor rei (au sens de ‘favorable à l’accusé’) 102 ».

48. La définition du terrorisme énoncée à l’article 314 du Code pénal libanais, telle qu’interprétée par la Chambre d’appel, prévoit la possibilité de prendre en considération des moyens autres que ceux explicitement mentionnés dans le corps de l’article comme moyens susceptibles de créer un danger commun103. Toutefois, nous avons clairement indiqué que la définition du terrorisme en droit international coutumier évoquée dans la décision préjudicielle104 « ne peut être appliquée directement par le Tribunal de céans aux crimes de terrorisme perpétrés au Liban et qui relèvent de la compétence du Tribunal105 », et que le droit international peut être utilisé aux fins d’interprétation de l’article 314 « pour autant que [son] interprétation

d) ayant omis de se fonder sur la définition du terrorisme en droit pénal libanais qui est suffisamment précise pour être appliquée dans la procédure, ou en cas d’ambigüité, doit être interprétée au moyen des méthodes d’interprétation applicables en vigueur dans le système juridique libanais au regrd des textes de droit pénal ; e) procédant à l’élargissement de la définition des éléments constitutifs du crime de terrorisme en droit libanais ; (f) en portant atteinte au droit des accusés de ne pas être soumis au droit pénal ex post facto ; g) en ne tenant pas compte du principe de la non rétroactivité du droit pénal ; et h) en se trompant quant à la légalité de la peine applicable. Requête de la Défense de M. Sabra, para 7 à 36 et Requête de la Défense de M. Oneissi, par. 38 à 74.

101 Voir ci-dessus, par. 19 à 27.

102 Voir la Décision préjudicielle, par. 32, et, par. 211, 264 et 13 du dispositif concernant l’application spécifique du principe de favor rei aux modes de responsabilité.

103 Ceci est fondé sur le liste non exhaustive de l’article 314 du Code pénal libanais. Voir Décision Préjudicielle, par. 125 à 129.

104 Cf. Royaume-Uni, Court of Appeal (Criminal Division), R. v. Mohammed Gul, [2012] EWCA Crim 280.

105 Décision préjudicielle, par. 123.

Page 252: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

252

Réexamen – droit applicable CA

n’aille pas à l’encontre du principe de la légalité106 ». Enfin, « le fait de savoir si certains moyens sont susceptibles de créer un danger commun au sens de l’article 314 doit toujours être apprécié au cas par cas » par le juge du fait en se fondant sur les conclusions des parties pour chaque cas particulier107.

49. En l’espèce, il est reproché aux accusés d’avoir participé à la perpétration d’un acte de terrorisme « au moyen d’un engin explosif ». Plus particulièrement, l’élément factuel qui étaye l’acte d’accusation est l’utilisation d’une importante quantité de matières explosives dans un lieu public (2 500 kg de TNT) dans le but de tuer Rafik Hariri et d’autres personnes108. Par conséquent, ni l’acte d’accusation, ni la décision de confirmation ne s’appuient sur la définition du terrorisme énoncée dans la Décision préjudicielle.

50. Cette question intéresse également les arguments avancés par les conseils de Sabra au regard de la question de l’élément intentionnel (mens rea). En affirmant que l’interprétation de la Chambre d’appel élargit le critère de l’élément intentionnel du crime en prévoyant deux autres critères inapplicables en droit libanais109, la Défense de Sabra ne démontre pas comment sa cause s’en trouve affectée, en particulier à la lumière des faits invoqués dans l’acte d’accusation. Considérant que l’attentat du 14 février 2005 aurait été perpétré à l’aide d’un engin explosif, l’affirmation que la Chambre d’appel a modifié l’élément intentionnel du crime est sans fondement.

51. En conclusion, les conseils de Sabra et Oneissi n’ont pas démontré que ces accusés ont subi un préjudice résultant de la définition du crime de terrorisme aux termes de l’article 314 du Code pénal libanais donnée par la Chambre d’appel dans sa Décision préjudicielle110. En conséquence, les requêtes en réexamen de la Défense ne

106 Id., Dispositif, p. 149.

107 Id. aux notes de bas de page 253 et 432.

108 Voir Décision de confirmation, par. 39 ; Acte d’accusation, par. 67 à 69, 77 à 78.

109 Requête de la Défense de M. Sabra, par. 4.

110 Nous ne sommes par conséquent pas tenus de traiter la requête de la Défense de Sabra sollicitant une ordonnance aux fins d’une nouvelle confirmation de l’acte d’accusation par le Juge de la mise en état. Requête de la Défense de M. Sabra, par. 37. Nous rejetons également les arguments de la Défense de Badreddine portant sur des défauts allégués dans la méthodologie de la Chambre d’appel lors de la détermination de la définition appropriée du crime de terrorisme eu droit libanais, puisqu’aucun préjudice résultant de la Décision de la Chambre d’appel

Page 253: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

253

Réexamen – droit applicable CA

remplissent pas les conditions nécessaires pour justifier le réexamen de la Décision préjudicielle. Elles sont rejetées.

n’a été démontré. Requête de la Défense de M Badreddine, par. 32 à 34. En fait, La Chambre d’appel devait donner une définition du terrorisme en droit international afin de décider quelle incidence, le cas échéant, ladite définition aurait sur l’interprétation de la définition en droit libanais. Décision préjudicielle, par. 62.

Page 254: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

254

Réexamen – droit applicable CA

dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs ;

lA cHAMBRe d’Appel, à l’unanimité ;

en ApplicATiOn des articles 176 bis C) et 140 ;

pRenAnT nOTe des conclusions écrites des parties et du Chef du Bureau de la Défense ;

cOncluT que la Défense a qualité pour déposer des requêtes en réexamen conformément à l’article 176 bis C) ;

RejeTTe les requêtes de la Défense en réexamen de la Décision préjudicielle de la Chambre d’appel en date du 16 février 2011.

Fait en arabe, anglais et français, la version en anglais faisant foi. Le 18 juillet 2012, Leidschendam (Pays-Bas)

David Baragwanath Président

Page 255: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

9.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : la chambre de première instance

Titre : décision relative aux contestations par la défense de la compétence et de la légalité du Tribunal

Titre réduit : légalité et compétence cpi

255

Page 256: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

256

Page 257: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

257

deVAnT lA cHAMBRe de pReMiÈRe insTAnce

Affaire n° : sTl-11-01/pT/Tc

Devant : M. le juge Robert Roth, président Mme le juge Micheline Braidy M. le juge david Re Mme le juge janet nosworthy, juge suppléant M. le juge Walid Akoum, juge suppléant

Le Greffier : M. Herman von Hebel

Date : 27 juillet 2012

Original : Anglais

Type de document : public

le pROcuReuR c.

sAliM jAMil AYYAsH, MusTAFA AMine BAdReddine,

Hussein HAssAn Oneissi et AssAd HAssAn sABRA

dÉcisiOn RelATiVe AuX cOnTesTATiOns pAR lA dÉFense de lA cOMpÉTence eT de lA lÉGAliTÉ du TRiBunAl

Bureau du procureur : M. Norman Farrell

conseils de M. salim jamil Ayyash : Me Eugene O’Sullivan Me Emile Aoun

chef du Bureau de la défense : M. François Roux

conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: Me Antoine Korkmaz Me John Jones

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes M. Mohammad Mattar Mme Nada Abdelsater-Abusamra

conseils de M. Hussein Hassan Oneissi: Me Vincent Courcelle-Labrousse Me Yasser Hassanconseils de M. Assad Hassan sabra: Me David Young Dr Guénaël Mettraux

Page 258: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

258

Légalité et compétence CPI

inTROducTiOn

1. Les conseils de la défense des quatre accusés, Salim Jamil Ayyash, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan Sabra, contestent la compétence et la légalité du Tribunal spécial pour le Liban (le « Tribunal »). Ils affirment que le Tribunal a été créé illégalement par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, que sa création enfreint la souveraineté du Liban et qu’elle est inconstitutionnelle au regard du droit libanais, et que, parce qu’il enfreint les droits fondamentaux des quatre accusés, il n’est pas « établi par la loi ». L’Accusation s’oppose à ces requêtes.

2. La Chambre de première instance rejette dans leur intégralité les quatre requêtes de la Défense, concluant que le Tribunal a été créé par la résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité et qu’elle ne peut pas procéder au réexamen judiciaire des actes du Conseil de sécurité établissant le Tribunal. En outre, le Liban, en sa qualité d’État membre de l’Organisation des Nations Unies, est tenu de se conformer à une résolution du Conseil de sécurité. La Chambre de première instance n’est pas parvenue à établir que l’existence du Tribunal porte atteinte à la souveraineté du Liban. Elle conclut que le Tribunal a été établi par la loi, attendu : i) qu’il a été créé par un organe ayant le pouvoir d’établir un tribunal pénal, en l’occurrence le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, et ii) que le Statut et le Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement ») assurent aux quatre accusés tous les droits nécessaires à un procès équitable tel que le prescrit le droit international des droits de la personne.

RAppel de lA pROcÉduRe jusQu’AuX ReQuÊTes

3. Le 10 juin 2011, le Procureur a déposé un acte d’accusation modifié contre Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra concernant les événements survenus à Beyrouth le 14 février 20051. L’acte d’accusation a été confirmé par le Juge de la

1 Un premier acte d’accusation accompagné de pièces justificatives avait été déposé devant le Juge de la mise en état le 17 janvier 2011.

Page 259: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

259

Légalité et compétence CPI

mise en état le 28 juin 20112. Le 1er février 2012, la Chambre de première instance a rendu une décision aux fins d’ouvrir une procédure par défaut à l’encontre de Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra3.

4. Les conseils de la défense des quatre accusés ont déposé leurs requêtes contestant la compétence et la légalité du Tribunal les 4, 9 et 10 mai 20124. Le représentant légal des victimes a déposé ses observations sur les requêtes de la Défense5, et l’Accusation une réponse globale aux quatre requêtes, le 6 juin 20126. La Chambre de première instance a tenu une audience les 13 et 14 juin 2012, afin de permettre aux parties et au représentant légal des victimes de développer leurs arguments et de répondre aux écritures de la partie adverse ainsi qu’aux questions des juges7.

2 TSL, Le Procureur c. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi & M. Assad Hassan Sabra, 28 juin 2011.

3 STL-11-01/I/TC, Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 1er février 2012.

4 STL-11-01/PT/TC, Motion on Behalf of Salim Ayyash Challenging the Legality of the Special Tribunal for Lebanon « [TRADUCTION] Requête déposée au nom de Salim Ayyash contestant la légalité du Tribunal spécial pour le Liban », 4 mai 2012 (« Requête de la Défense de Ayyash ») ; STL-11-01/PT/TC, Sabra’s Preliminary Motion Challenging the Jurisdiction of the Special Tribunal for Lebanon « [TRADUCTION] Exception préjudicielle d’incompétence du Tribunal spécial pour le Liban déposée par la Défense de M. Sabra », 9 mai 2012 (« Requête de la Défense de Sabra ») ; STL-11-01/PT/TC, The Defence for Mr. Hussein Hassan Oneissi’s Motion Challenging the Legality of the Tribunal « [TRADUCTION] Requête déposée par la Défense de M. Hussein Hassan Oneissi contestant la légalité du Tribunal », 10 mai 2012 (« Requête de la Défense de Oneissi ») ; STL-11-01/PT/TC, Exception préjudicielle d’incompétence du Tribunal spécial pour le Liban déposée par la Défense de M. Badreddine, 10 mai 2012 (« Requête de la Défense de Badreddine »). Lors d’une conférence de mise en état, le Juge de la mise en état a fixé au 4 mai 2012 la date limite de dépôt des exceptions préjudicielles d’incompétence prévues à l’article 90 (voir Affaire n° STL-11-01, Compte rendu d’audience en anglais, 12 avril 2012, p. 47 et 48).

5 STL-11-01/PT/TC, Observations of Legal Representative for Victims on Illegality Motions « [TRADUCTION] Observations du représentant légal des victimes sur les exceptions d’illégalité », 6 juin 2012 (« Observations du représentant légal des victimes »).

6 STL-11-01/PT/TC, Prosecution Consolidated Response to Defence Preliminary Motions Challenging the Legality of the Special Tribunal for Lebanon « [TRADUCTION] Réponse globale de l’Accusation aux exceptions préjudicielles d’incompétence du Tribunal spécial pour le Liban déposées par la Défense », 6 juin 2012 (« Réponse de l’Accusation »).

7 Voir STL-11-01/PT/TC, Décision procédurale relative aux exceptions préjudicielles d’incompétence déposées par la Défense, 18 mai 2012 ; STL-11-01/PT/TC, Scheduling Order for Hearing « [TRADUCTION] Ordonnance portant calendrier concernant une audience », 6 juin 2012, ainsi que les comptes rendus d’audience des 13 et 14 juin 2012.

Page 260: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

260

Légalité et compétence CPI

cHROnOlOGie des ÉVÉneMenTs À l’ORiGine de lA cRÉATiOn du TRiBunAl

5. Le 14 février 2005, une importante explosion s’est produite près de l’hôtel St Georges, dans le centre de Beyrouth, au Liban, coûtant la vie à l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri et à d’autres personnes. De nombreuses autres personnes ont été blessées. Le lendemain, le Président du Conseil de sécurité a condamné cet attentat et prié le Secrétaire général de suivre de près la situation au Liban8.

6. Les événements juridiques survenus entre février 2005 et l’adoption, en mai 2007, de la résolution 1757 du Conseil de sécurité peuvent être brièvement résumés. En mars 2005, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies a autorisé l’envoi à Beyrouth d’une mission d’établissement des faits, afin d’enquêter sur l’attentat du 14 février 2005. Le 24 mars 2005, le Secrétaire général a fait parvenir au Conseil de sécurité le rapport de la mission d’établissement des faits, s’associant à sa conclusion selon laquelle une enquête internationale indépendante devait être ouverte9. Par la suite, et après avoir reçu l’expression du soutien du Gouvernement libanais, le Conseil de sécurité a adopté, le 7 avril 2005, la résolution 1595 (2005) établissant la Commission d’enquête internationale indépendante de l’Organisation des Nations Unies (UNIIIC) en vue d’aider les autorités libanaises à enquêter sur l’attentat10.

7. Le 13 décembre 2005, le Premier ministre libanais a écrit au Secrétaire général pour qu’il soit demandé au Conseil de sécurité d’établir « un tribunal à caractère international qui se réunirait au Liban ou en dehors du pays, afin de juger les auteurs de l’attentat terroriste perpétré contre le Premier ministre Rafic Hariri »11.

8. Le 15 décembre 2005, dans sa résolution 1644 (2005), le Conseil de sécurité a prié le Secrétaire général d’aider les autorités libanaises à définir la nature et l’étendue de l’assistance internationale requise pour établir un tel tribunal. En mars 2006, le

8 S/PRST/2005/4 (2005).

9 S/2005/203 (2005).

10 S/RES/1595 (2005).

11 S/2005/783 (2005).

Page 261: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

261

Légalité et compétence CPI

Conseil de sécurité a adopté la résolution 1664 (2006), demandant au Secrétaire général de négocier avec le Gouvernement libanais un accord sur la création d’un tribunal.

9. Entre mars et septembre 2006, des consultations et des négociations ont eu lieu entre des représentants autorisés du Gouvernement du Liban et le Conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies, au Siège de l’ONU à New York, à La Haye et à Beyrouth, qui ont débouché sur un projet d’Accord et un projet de Statut pour un Tribunal spécial. Le 21 novembre 2006, le Président du Conseil de sécurité a indiqué que le Conseil avait accueilli avec satisfaction le projet d’Accord ainsi que le Statut proposé12. L’Accord sur le Tribunal a alors été signé par un représentant du Gouvernement libanais et l’Organisation des Nations Unies, respectivement en janvier et février 2007. Le Parlement libanais n’est toutefois pas parvenu à adopter l’Accord. Par la suite, une majorité des membres du Parlement a signé, le 4 avril 2007, une lettre demandant au Secrétaire général d’aider à la création du Tribunal.

10. Le 14 mai 2007, en raison de l’impasse parlementaire continue dans laquelle se trouvait le processus d’adoption de l’Accord, le Premier ministre libanais a écrit au Secrétaire général afin de prier le Conseil de sécurité d’établir le Tribunal par une « décision contraignante »13. Le lendemain, cependant, le président libanais Émile Lahoud a écrit au Secrétaire général pour demander instamment au Conseil de sécurité de renoncer à prendre cette mesure unilatérale14.

11. Le 30 mai 2007, le Conseil de sécurité, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies (intitulé « Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression »), a adopté la résolution 1757. Cette dernière contenait en annexe l’Accord prévu entre l’Organisation des Nations Unies et la République libanaise sur la création du Tribunal. L’article 1.2 de l’Accord annexé dispose que « [l]e Tribunal spécial est régi par le Statut du Tribunal spécial pour le Liban qui est joint au présent Accord, dont il fait partie intégrante. » Ainsi, le Statut du Tribunal était-il joint à l’Accord prévu.

12 S/2006/911 (2006).

13 S/2007/281 (2007).

14 S/2007/286 (2007).

Page 262: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

262

Légalité et compétence CPI

12. Toutefois, la résolution envisageait également que l’Accord visé puisse ne pas être signé en temps voulu par la République libanaise et prévoyait l’entrée en vigueur de ses dispositions le 10 juin 2007. Elle visait à être mise en œuvre, en vertu du Chapitre VII, avec ou sans la signature de la République libanaise. Le dispositif de la résolution 1757 est libellé comme suit :

Considérant une fois de plus que cet acte terroriste et ses incidences constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales,

1. Décide, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

a) Que les dispositions du document figurant en annexe, y compris sa pièce jointe, relatives à la création d’un Tribunal spécial pour le Liban, entreront en vigueur le 10 juin 2007, à moins que le Gouvernement libanais n’ait présenté avant cette date une notification en vertu du paragraphe 1 de l’article 19 dudit document ;

b) Que, si le Secrétaire général fait savoir que l’Accord de siège n’a pas été conclu comme prévu à l’article 8 du document figurant en annexe, le siège du Tribunal sera choisi en consultation avec le Gouvernement libanais, sous réserve de la conclusion d’un Accord de siège entre l’Organisation des Nations Unies et l’État hôte du Tribunal ;

c) Que, s’il indique que les contributions du Gouvernement libanais ne suffisent pas à couvrir les dépenses visées à l’alinéa b) de l’article 5 du document figurant en annexe, le Secrétaire général pourra accepter ou utiliser des contributions volontaires fournies par des États pour couvrir tout déficit ;

2. Note qu’en application du paragraphe 2 de l’article 19 du document figurant en annexe, le Tribunal spécial commencera à fonctionner à une date que le Secrétaire général arrêtera en consultation avec le Gouvernement libanais, en tenant compte des progrès accomplis dans les travaux de la Commission d’enquête internationale indépendante ;

3. Prie le Secrétaire général, agissant en coordination, s’il y a lieu, avec le Gouvernement libanais, de prendre les dispositions et mesures nécessaires pour créer le Tribunal spécial dans les meilleurs délais et de lui rendre compte

Page 263: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

263

Légalité et compétence CPI

dans un délai de 90 jours, puis périodiquement, de l’application de la présente résolution ;

4. Décide de rester activement saisi de la question.

13. Toutes les actions nécessaires à la création du Tribunal aux termes de la résolution se sont produites. Le 21 décembre 2007, un Accord de siège entre l’Organisation des Nations Unies et le Royaume des Pays-Bas, faisant des Pays-Bas le siège du Tribunal, a été signé à New York. Le Tribunal a ouvert ses portes le 1er mars 2009.

14. La République libanaise a pris acte de son obligation de se conformer à la résolution 1757 et son annexe, dont font partie l’Accord et son Statut en pièce jointe, par des actions qui impliquent :

a) Après réception d’une proposition du Conseil supérieur de la magistrature libanais, de présenter une liste de douze juges au Secrétaire général, lequel nomme alors quatre juges libanais au Tribunal (article 2 5) a) de l’Accord) ;

b) De nommer un Procureur adjoint, en consultation avec le Secrétaire général et le Procureur (article 3) ;

c) De contribuer au financement du Tribunal (article 5) ;

d) De conclure des mémorandums d’entente avec le Tribunal (article 7) ;

e) De faciliter la mise sur pied du Bureau extérieur du Tribunal spécial à Beyrouth (article 8 3)) ;

f) De satisfaire aux demandes d’assistance émanant du Tribunal (article 15 2)) ; et

g) De renvoyer les affaires en relation avec l’attentat du 14 février 2005 devant le Tribunal (article 4 2) du Statut).

Page 264: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

264

Légalité et compétence CPI

les QuATRe ReQuÊTes de lA dÉFense : les MesuRes de RÉpARATiOn eT AuTRes MesuRes sOlliciTÉes

15. Les quatre requêtes de la Défense demandent à ce qu’il soit mis fin à la procédure à l’encontre des quatre accusés, mais pour des raisons qui diffèrent en partie, et elles sollicitent des mesures différentes. Dans l’ordre :

Les conseils de Ayyash demandent à la Chambre de première instance de conclure que :

i) Le Tribunal porte atteinte à la souveraineté libanaise et a été créé illégalement ; et que

ii) Le Tribunal n’est pas légitime, ni compétent en l’espèce, tandis que les autorités judiciaires libanaises conservent leur compétence à cet égard15.

Les conseils de Badreddine demandent à la Chambre de première instance de déterminer que :

i) La menace à la paix et la sécurité internationales était insuffisante pour justifier le recours à une résolution au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies ;

ii) La création d’un tribunal international était inappropriée ;

iii) La résolution 1757 avait pour but d’imposer au Liban le « projet d’Accord » ;

iv) L’Organisation des Nations Unies n’a pas respecté la Constitution libanaise, bien que le Secrétaire général en ait été informé ;

v) La volonté du peuple libanais a été travestie dans les négociations ; et que

vi) La résolution 1757 constitue un abus de pouvoir entaché d’invalidité, et qui plus est discriminatoire à l’égard des accusés16.

15 Requête de la Défense de Ayyash, par. 64 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 48.

16 Requête de la Défense de Badreddine, p. 27 et 28.

Page 265: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

265

Légalité et compétence CPI

Pour ces raisons, ils demandent à la Chambre de première instance de conclure :

a) Que la résolution 1757 a été adoptée en violation de la Charte des Nations Unies et des droits fondamentaux des accusés ;

b) Qu’elle doit donc être considérée comme frappée d’invalidité ;

c) Qu’en conséquence, la création du Tribunal est également invalidée ; et

d) Que l’acte d’accusation et les mandats d’arrêt sont nuls et non avenus17.

Les conseils de Oneissi demandent à la Chambre de première instance de conclure que :

i) Le Tribunal n’a pas de fondement juridique, ni, par là-même, de pouvoir judiciaire ;

ii) Le Conseil de sécurité a abusé de ses pouvoirs en adoptant la résolution 1757. Aussi celle-ci est-elle illégale et sans effet ; et que,

iii) En raison de sa création illégale, le Tribunal n’a pas compétence principale18.

Les conseils de Sabra demandent que la Chambre de première instance :

i) Renonce à exercer sa compétence ; et

ii) Rende une ordonnance de non-lieu en faveur des accusés (ce point a été reformulé à l’audience, lorsqu’ils ont concédé que « l’abandon » des chefs d’accusation était une conséquence logique du fait, pour la Chambre de première instance, de renoncer à exercer sa compétence, plutôt qu’elle « rejette » à proprement parler des chefs d’accusation dans une affaire dont elle n’est pas encore saisie)19.

17 Requête de la Défense de Badreddine, p. 27 et 28.

18 Requête de la Défense de Oneissi, par. 111.

19 Requête de la Défense de Sabra, par. 73 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 82 et 83.

Page 266: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

266

Légalité et compétence CPI

les ARGuMenTs À l’Appui des QuATRe ReQuÊTes

16. Les arguments des quatre requêtes de la Défense peuvent ainsi être répartis en cinq grands thèmes, à savoir :

i) Le fondement juridique de leurs contestations (qui touche à la question de la recevabilité des requêtes comme exceptions d’incompétence)20 ;

ii) L’inconstitutionnalité alléguée de la création du Tribunal au regard du droit libanais21 ;

iii) La compétence de la Chambre de première instance pour procéder au réexamen de la résolution 1757 du Conseil de sécurité et son ressort en la matière22 ;

iv) La violation alléguée de la souveraineté libanaise par la résolution 175723 ; et

v) La violation alléguée des droits fondamentaux des accusés par la création du Tribunal, par exemple en contrevenant au droit international et à la Charte des Nations Unies24.

17. La Chambre de première instance examinera ces arguments par thème, en commençant par la question préalable de savoir si les requêtes sont recevables comme exceptions préjudicielles d’incompétence du Tribunal, au sens de l’article 90 du Règlement.

20 Requête de la Défense de Ayyash, par. 4 et 5 ; Requête de la Défense de Badreddine, par. 2 à 9, 14 et 15 ; Requête de la Défense de Oneissi, par. 3, 25 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 1, 4 à9 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 5 à 7, 21, 28, 76 à 79, 88 ; Compte rendu d’audience en anglais, 14 juin 2012, p. 8 et 9.

21 Requête de la Défense de Ayyash, par. 23 à 32 ; Requête de la Défense de Badreddine, par. 89 à 92 ; Requête de la Défense de Oneissi, par. 39 à 51 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 14 à 22.

22 Requête de la Défense de Ayyash, par. 4 à7 ; Requête de la Défense de Badreddine, par. 7 à 24, 30 à 31, 61 à 66 ; Requête de la Défense de Oneissi, par. 84, 104 à 105 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 4 à 9, 22.

23 Requête de la Défense de Ayyash, par. 33 à 46 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 28 à 39, 44 et 45.

24 Requête de la Défense de Ayyash, par. 47 à 63 ; Requête de la Défense de Badreddine, par. 25 à 49, 50 à 88, 93 à 99 ; Requête de la Défense de Oneissi, par. 52 à 79, 80 à 110 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 24 à 27, 46 à 71.

Page 267: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

267

Légalité et compétence CPI

i. dÉcisiOn pRÉliMinAiRe : le FOndeMenT juRidiQue des cOnTesTATiOns eT leuR ReceVABiliTÉ Au sens de l’ARTicle 90 du RÈGleMenT

18. La Chambre de première instance doit, à titre liminaire, statuer sur la question de savoir si les quatre requêtes sont recevables comme exceptions préjudicielles d’incompétence au sens de l’article 90. Les articles 90 (les exceptions préjudicielles d’incompétence), dans ses alinéas A) et E), dispose que :

A) Les exceptions préjudicielles, à savoir :

i) l’exception d’incompétence ;

ii) l’exception fondée sur un vice de forme de l’acte d’accusation ;

iii) l’exception aux fins de la disjonction de chefs d’accusation conformément à l’article 70 ou d’instances conformément à l’article 141 ; ou

iv) l’exception fondée sur le rejet d’une demande de commission d’office d’un conseil formulée aux termes de l’article 59 A)

sont soulevées par écrit et présentées au plus tard 30 jours après que le Procureur a communiqué à la Défense toutes les pièces et déclarations visées à l’article 110 A) i). La Chambre de première instance ou, dans les cas prévus à l’alinéa iv), le Juge de la mise en état se prononce sur ces exceptions préjudicielles.

E) Aux fins du paragraphe A) i) et du paragraphe B) i), l’exception d’incompétence vise exclusivement une requête qui conteste un acte d’accusation, au motif qu’il ne se rapporte pas à la compétence matérielle, temporelle ou territoriale du Tribunal, notamment qu’il ne se rapporte pas à l’attentat commis contre Rafic Hariri ou à un attentat de nature et de gravité similaires qui présente un lien de connexité avec lui, conformément aux principes de la justice pénale.

19. Les quatre requêtes de la Défense, ainsi qu’il ressort des mesures de réparation et autres mesures sollicitées, contestent la validité et l’existence du Tribunal, mais définissent leurs contestations comme une « exception d’incompétence ». Invoquant l’Arrêt de la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

Page 268: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

268

Légalité et compétence CPI

(TPIY) dans l’affaire Tadić, (l’« Arrêt Tadić ») elles soutiennent qu’une exception d’illégalité est de caractère juridictionnel25.

20. La requête de la Défense de Ayyash présente sa contestation non « en vertu de l’article 90 en tant que tel », mais plutôt en vertu de l’article 126, lequel dispose que26 :

Chacune des parties peut, après l’attribution d’une affaire à la Chambre de première instance, saisir celle-ci d’une requête en vue d’obtenir une décision ou une réparation appropriées. La requête est orale, à moins que la Chambre de première instance n’en décide autrement.

21. La requête de la Défense de Badreddine se fonde sur l’article 90 E) ainsi que sur l’article 126, faisant valoir que la question peut être une « exception préjudicielle innomée » implicitement recevable en vertu de l’article 90 (mais aussi comme compétence matérielle ou ratione materiae)27. Elle fait également valoir que la situation est identique à celle de l’affaire Tadić, ce qui signifie qu’une exception visant l’illégalité de la création du Tribunal constitue une exception d’incompétence de celui-ci28. En outre, elle invoque l’existence, dans les juridictions pénales spéciales, d’un principe général autorisant les exceptions d’illégalité, non limité dans son champ d’application29.

22. La requête de la Défense de Oneissi fonde sa contestation exclusivement sur le principe de Kompetenz-Kompetenz (ou de la compétence de la compétence), affirmant que l’absence d’une autre instance impose au Tribunal de se prononcer sur la question et requiert de la Chambre de première instance qu’elle contourne l’article 90 E) en décidant qu’elle peut examiner la question de la légalité par le

25 TPIY, Le Procureur c/. Duško Tadić alias “Dule”, IT-94-1-AR72, Arrêt relatif à l’appel de la Défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995 (« Arrêt Tadić ») ; Requête de la Défense de Ayyash, par. 5 ; Requête de la Défense de Badreddine, par. 2 ; Requête de la Défense de Oneissi, par. 25 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 4 et 5 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 5 et 6.

26 Requête de la Défense de Ayyash, par. 4.

27 Requête de la Défense de Badreddine, par. 3 à 9 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 6 et 7.

28 Requête de la Défense de Badreddine, par. 10 à 12.

29 Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 21 ; 14 juin 2012, p. 8 et 9.

Page 269: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

269

Légalité et compétence CPI

recours à deux sources de droit30. La première découle de l’Arrêt Tadić – en vertu de la doctrine de la compétence de la compétence – faisant valoir que « la légalité de la création d’un Tribunal est un élément indissociable de la compétence » 31. La deuxième est une décision de la Chambre d’appel du présent Tribunal en l’affaire El Sayed consacrant la méthodologie Tadić en soutenant qu’un examen de la compétence était possible par le recours à la compétence « inhérente » d’une cour de « déterminer sa propre compétence » (la « compétence de la compétence »)32.

23. La requête de la Défense de Sabra introduit sa contestation en vertu de l’article premier du Statut et des articles 77, 90 A) i) et 126 du Règlement33, affirmant que faire échec à une exception d’illégalité serait ultra vires au regard du Statut34. (L’article premier définit la compétence générale du Tribunal, tandis que l’article 77 porte sur le pouvoir du Juge de la mise en état de délivrer ordonnances, requêtes et mandats). Elle soutient que le Tribunal jouit, dans le cadre de sa compétence de la compétence, de la compétence subsidiaire et inhérente pour trancher la question, dans la mesure où l’article 90 E) ne pourrait pas exclure une telle exception35.

24. L’Accusation répond en soutenant que les requêtes sont irrecevables en tant qu’exceptions d’incompétence du Tribunal au regard de l’article 90, faisant valoir que l’article 90 E) rend impossible tout exception d’incompétence ne relevant pas strictement de cet article. L’article 90 E) est exhaustif et traduit la détermination des juges réunis en plénière à limiter le champ des exceptions d’incompétence recevables, tout en observant les normes internationales les plus élevées en matière de justice pénale. L’Accusation avance que la Chambre de première instance peut, sur ce seul point de procédure, rejeter les quatre requêtes de la Défense36.

30 Requête de la Défense de Oneissi, par. 3, 25.

31 Requête de la Défense de Oneissi, par. 25.

32 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2012/02, Décision en appel concernant l’ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice (« Décision El Sayed »), 10 novembre 2010, par. 43.

33 Requête de la Défense de Sabra, par. 1, 9 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 79.

34 Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 76 et 77, 79, 88.

35 Requête de la Défense de Sabra, par. 5 et 6.

36 Réponse de l’Accusation, par. 5, 13 à 16 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 89 à 91, 95

Page 270: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

270

Légalité et compétence CPI

25. De surcroît, l’Accusation fait valoir que si une exception d’illégalité pouvait être raisonnablement soulevée dans le cadre du TPIY en tant que premier tribunal pénal international depuis les procès de Nuremberg et de Tokyo, de telles instances sont à présent « communes » et des exceptions d’illégalité du même type ne devraient pas être autorisées. Qui plus est, une exception d’illégalité ne peut pas être dûment fondée sur un autre article tel que les articles 77 ou 12637.

discussiOn eT cOnclusiOns

26. La Chambre de première instance doit d’abord décider si les requêtes sont recevables en tant qu’exceptions d’incompétence du Tribunal, en vertu de l’article 90 A) i) et, dans la négative, si elles peuvent l’être à un autre titre.

27. Le terme « exclusivement » est utilisé à l’article 90 E) pour définir une exception « d’incompétence » au sens du Règlement du Tribunal. Selon cet article, une exception d’incompétence vise uniquement une requête qui conteste un acte d’accusation, au motif qu’il ne se rapporte pas à la compétence matérielle, temporelle ou territoriale du Tribunal. Il n’inclut ni n’exclut expressément les requêtes contestant la légalité du Tribunal ou la validité de sa création. Aucun autre article n’autorise ni n’interdit expressément une telle contestation.

28. L’Arrêt Tadić conclut que tout tribunal judiciaire ou arbitral peut examiner sa propre légalité (son droit d’exister) dans l’exercice de sa compétence inhérente ou incidente38. L’Arrêt considère en effet que l’existence de cette compétence a permis à la Chambre d’appel d’examiner et de déterminer la propre légalité du Tribunal. En revanche, la décision de la Chambre de première instance dans Tadić39 et l’opinion individuelle d’un juge en appel dans la même affaire40, ont conclu que la légalité et

et 96, 107 à 109.

37 Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 92 à 95.

38 Ce qu’elle nomme compétence de la compétence ou Kompetenz–Kompetenz. Voir Arrêt Tadić, Chambre d’appel, par. 18.

39 Le Procureur c. Duško Tadić, également dénommé « Dule », IT-94-01-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle d’incompétence soulevée par la Défense, 10 août 1995 (Décision Tadić), par. 8 et 9.

40 Opinion individuelle de M. le juge Li relative à l’Appel de la Défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, par. 2. Le Bureau du Procureur partage ce point de vue, faisant valoir que : « Le Bureau du

Page 271: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

271

Légalité et compétence CPI

la compétence sont en réalité des concepts juridiques distincts et que cet exercice n’était pas possible.

29. La Chambre de première instance se rallie à cette dernière approche. Cela tient à ce que l’exception d’illégalité du Tribunal attaque le fondement juridique de celui-ci, par exemple la Résolution 1757 du Conseil de sécurité ou l’accord prétendument conclu entre la République libanaise et l’Organisation des Nations Unies. À l’inverse, la compétence désigne le pouvoir ou le droit d’un organe judiciaire de statuer sur une question portée devant lui.

30. Les requêtes de la Défense soulèvent généralement trois arguments visant à tourner la définition restrictive du terme « compétence » figurant à l’article 90 E), tout en tentant d’en étendre le sens naturel41.

31. Le premier argument se fonde sur la distinction entre l’objet de l’article 90 E) du Règlement du Tribunal et celui de l’article 72 D) du Règlement du TPIY. L’article 90 E) est pratiquement identique à l’article 72 D) du Règlement de procédure et de preuve du TPIY et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), introduit en 2000 aux fins d’empêcher les exceptions dites d’« incompétence » mais tendant en fait à contester la légalité de ces tribunaux. Ces modifications ont été apportées à la suite de l’Arrêt Tadić en 1995, qui concluait à la possibilité d’examiner la légalité de ce tribunal dans le cadre de l’exception « d’incompétence ». Les auteurs de ces modifications ont considéré qu’une exception tendant à contester la légalité d’un tribunal était en réalité une exception d’incompétence, de sorte que l’article 72 D) nouvellement rédigé visait à éviter à l’avenir de telles contestations. Deux des conseils de la défense soutiennent que si l’article du TPIY vise bien à empêcher la réouverture du débat sur des questions tranchées par ce dernier tribunal, ce n’est pas

Procureur est d’avis que le principe exposé par la Chambre d’appel dans Tadić n’est pas convaincant ; par conséquent, votre conclusion doit être fondée sur la décision rendue par la Chambre de première instance dans Tadić », Compte rendu, 14 juin 2012, p. 43.

41 Ou bien considèrent que les requêtes tendant à contester la légalité du tribunal sont des requêtes innommées, comme l’affirme la Défense de Badreddine (voir requête de la Défense de Badreddine, par. 3 à 9 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 6 et 7).

Page 272: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

272

Légalité et compétence CPI

le cas en l’espèce devant le TSL et que, par voie de conséquence, l’article 90 E) ne doit pas exclure les exceptions d’incompétence fondées sur l’illégalité42.

32. L’article 90 E) doit toutefois être interprété selon son libellé très clair ; il contient une liste exhaustive des exceptions d’incompétence recevables devant ce Tribunal. Et la légalité et la compétence étant des concepts juridiques distincts, une exception d’illégalité n’entre pas dans la définition des exceptions « d’incompétence » prévues à l’article 90 A) i).

33. Le deuxième argument repose sur la doctrine dite de la « compétence de la compétence » (mais telle que définie dans l’Arrêt Tadić) qui confère à un tribunal le droit de déterminer sa propre « compétence »43. Dans l’affaire Tadić, la Chambre d’appel a soutenu i) qu’il n’existait aucun système judiciaire intégré à l’échelon international, et qu’aucun organe judiciaire international externe n’avait le pouvoir de statuer sur des questions de compétence, et ii) que les documents constitutifs du TPIY ne conféraient pas expressément au Tribunal le pouvoir de décider de sa propre compétence44. La Chambre d’appel du Tribunal, en l’affaire El Sayed, a adopté ce raisonnement quant à la compétence de la compétence45.

34. Il va de soi qu’un tel système judiciaire international intégré n’existe pas, mais ce seul fait ne saurait à lui seul justifier qu’un tribunal ait le pouvoir de déterminer sa propre légalité. En outre, et en rapport avec la deuxième conclusion de l’Arrêt Tadić, la question portée devant la Chambre de première instance du TSL diffère de celles soulevées dans Tadić et dans El Sayed. En 1995, lors de l’Arrêt Tadić, le Règlement du TPIY ne contenait pas d’article équivalent à l’article 90 E) du Tribunal, son article 72 D) n’ayant été introduit que cinq ans plus tard. Par ailleurs, en ce qui

42 Requête de la Défense de Badreddine, par. 14 et 15 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 7. La Défense de Sabra soutient en outre que, malgré l’article 72 D), le TPIY a accepté d’examiner les exceptions d’incompétence après son adoption (Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 78 et 79). De plus, la Défense de Badreddine affirme que, même si l’article 72 D) existait au TPIY en 1995, la Défense aurait continué à bénéficier du droit de contester la légalité du tribunal au motif qu’il s’agit d’un principe de droit universel (Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 28).

43 Arrêt Tadić Chambre d’appel, par. 18 ; El Sayed, Décision, par. 43

44 Arrêt Tadić, Chambre d’appel, par. 11, 18 ; El Sayed, Décision, par. 41 et 42.

45 El Sayed, Décision, par. 38 à 43.

Page 273: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

273

Légalité et compétence CPI

concerne l’affaire El Sayed, la question concernait le droit d’accès d’un non-accusé à des documents se trouvant en la possession du Tribunal.

35. Le troisième argument a trait à la notion de « compétence inhérente » (dite également « compétence incidente »), définie dans l’Arrêt Tadić comme « le pouvoir d’une Chambre du Tribunal d’élargir sa compétence aux questions juridiques incidentes découlant directement de questions dont le Tribunal est saisi en rapport avec l’affaire relevant de sa compétence principale »46. L’une des requêtes soutient que le Tribunal est doté de ce pouvoir inhérent ou incident, d’examiner sa propre légalité, en tant que pouvoir auxiliaire de sa compétence principale.47.

36. Toutefois, la conclusion dans l’affaire El Sayed sur l’existence de pouvoirs inhérents se rapportait non à une contestation de la légalité du Tribunal mais au pouvoir d’une juridiction de déterminer le droit (locus standi) d’un non-accusé à recevoir des documents. Elle concluait de surcroît que ce pouvoir inhérent était uniquement nécessaire lorsque l’exercice de la compétence d’un tribunal était entravé par son incapacité à statuer sur des questions « auxiliaires », comme, par exemple, rendre une ordonnance provisoire aux fins de protéger les droits des parties, suspendre les poursuites ou ordonner la cessation de tout acte ou omission illicite48. Cette situation diffère de celle évoquée dans les quatre requêtes de la Défense. À ce titre, la Chambre de première instance ne considère pas que des pouvoirs inhérents, en tant que pouvoirs auxiliaires de ceux prévus par le Statut ou le Règlement d’un tribunal, puissent être exercés pour déterminer sa propre légalité. Et aucun pouvoir inhérent – pour les raisons exposées ci-dessous aux paragraphes 53 à 55 – ne saurait s’étendre au réexamen d’une résolution du Conseil de sécurité49.

37. Les arguments soulevés par les requêtes de la Défense à l’encontre d’une stricte application de l’article 90 E) ne sont pas convaincants. La Chambre de

46 El Sayed, Décision, par. 45, voir également Arrêt Tadić, Chambre d’appel, par. 20.

47 Requête de la Défense de Oneissi, par. 23 à 25.

48 El Sayed, Décision, par. 45 et 46 et notes de bas de page 76 à 83.

49 Voir Décision Tadić, Chambre de première instance, par. 9, « Il n’est, cependant, pas possible d’établir une analogie entre l’autorité intrinsèque d’une Chambre de contrôler sa propre procédure et tout pouvoir suggéré de réexaminer l’autorité du Conseil de sécurité ».

Page 274: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

274

Légalité et compétence CPI

première instance conclut que lesdites requêtes ne constituent pas des exceptions d’incompétence – telles qu’elles sont exclusivement et correctement définies dans les articles 90 A) i) et 90 E) – mais des exceptions d’illégalité du Tribunal.

38. Les requêtes n’entrent donc pas dans la définition d’une « Exception préjudicielle » au sens de l’article 90 A). Le Statut du Tribunal confère néanmoins le droit aux accusés d’être jugé selon « les normes internationales de procédure pénale les plus élevées »50, et le Tribunal doit se conformer au droit international des droits de la personne, qui garantit le droit d’un accusé d’être jugé par un tribunal « établi par la loi »51 .

39. Les conseils de la défense soutenant que le Tribunal n’a pas été « établi par la loi », la Chambre de première instance doit déterminer s’il l’a été et, dans l’affirmative, si les procédures qu’il a mises en place sont conformes aux procédures du droit international des droits de la personne. Dans le cas contraire, la Chambre de première instance pourrait être amenée à renoncer à exercer tout ou partie de sa compétence.

40. La Chambre de première instance conclut, par conséquent, que les quatre requêtes sont recevables. Dans ces conditions, ayant été saisie de ces dernières, elle considère que, dans l’intérêt de la justice et pour le règlement rapide de l’affaire, la question fondamentale du droit international des droits de la personne doit être examinée dès à présent (in limine litis) pour rendre justice aux parties, et non à un stade ultérieur.

41. Pour régler cette question, la Chambre de première instance doit se pencher sur les quatre arguments principaux soulevés dans les requêtes, à savoir que la création du Tribunal viole le droit constitutionnel libanais, que la Chambre de première instance doit examiner la validité de la Résolution du Conseil de sécurité, que la création du Tribunal viole la souveraineté libanaise, le droit international ainsi que la

50 Article 28 2).

51 Comme prévu par l’article 14 1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le « Pacte international»), l’article 6 1) de la Convention européenne des droits de l’homme (« CEDH ») et l’article 8 1) de la Convention américaine relative aux droits de l’homme. Voir aussi l’article 20 de la Constitution libanaise.

Page 275: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

275

Légalité et compétence CPI

Charte des Nations Unies, et que les procédures du Tribunal violent les droits de la personne fondamentaux des quatre accusés.

ii. l’incOnsTiTuTiOnnAliTÉ AllÉGuÉe du TRiBunAl en dROiT liBAnAis

42. Les requêtes de la Défense contestent la légalité du Tribunal au motif que l’Accord annexé à la Résolution 1757 n’est pas entré valablement en vigueur au Liban, et font valoir la nullité de cet Accord aussi bien en droit libanais qu’en droit international. Ils soutiennent que la Constitution libanaise a été violée du fait que la procédure de ratification et de négociation des traités n’a pas été respectée52, et qu’à la suite du retrait d’un groupe confessionnel du Conseil des ministres libanais, il n’était plus possible de satisfaire aux conditions du Pacte national libanais de vie commune53. En outre, le Gouvernement libanais n’a jamais acquiescé à la validité de la résolution 1757 ni à l’Accord qui lui est annexé54.

43. À titre subsidiaire, les conseils de Badreddine concèdent que la résolution 1757 consacre effectivement la création du Tribunal, mais que :

• le Conseil de sécurité a manœuvré de manière suspecte afin de tourner la procédure initialement envisagée pour la création du Tribunal au moyen d’un accord55, et que

52 Requête de la défense de Ayyash, par. 27 à 30, 32 ; Requête de la défense de Badreddine par. 82, 89 à 92 ; Requête de la défense de Oneissi, par. 39 à 47 ; Requête de la défense de Sabra, par. 14 à 16 ; Compte rendu, 13 juin 2012, p. 12 et 13, 68 et 69, 72 à 74.

53 Requête de la Défense de Ayyash, par. 24 à 26 ; Requête de la Défense de Badreddine, par. 93 ; Requête de la Défense de Oneissi, par. 42 à 47 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 20 et 21 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 13 et 14, 40, 48 et 49, 54, 71 et 72.

Le Pacte national de vie commune, qui dérive de l’Accord Taëf de 1989, vise à assurer la participation de toutes les communautés religieuses au processus démocratique, et représente un aspect fondamental du système de représentation libanais.

Le paragraphe J) du Préambule de la Constitution libanaise dispose que : « Aucune légitimité n’est reconnue à un quelconque pouvoir qui contredise le pacte de vie commune ». L’article 95 a) indique que : « Les communautés seront représentées équitablement dans la formation du Gouvernement ».

54 Requête de la Défense de Ayyash, par. 31 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 40.

55 Compte rendu d’audience en anglais, 14 juin 2012, p. 7 et 8.

Page 276: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

276

Légalité et compétence CPI

• le Gouvernement libanais a conduit la négociation du projet d’accord avec l’Organisation des Nations Unies de manière frauduleuse, en violation de l’article 49 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969)56.

44. Le Bureau du Procureur répond en affirmant, pour l’essentiel, que le Tribunal a été créé par la Résolution 1757 du Conseil de sécurité adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Le projet d’accord proprement dit n’est pas entré en vigueur et, dès lors, la question d’une violation de la Constitution ne se pose pas. De plus, une personne physique n’a pas qualité pour invoquer une violation de l’article 49 quand bien même le projet d’accord serait entré en vigueur57. Et, plus spécifiquement, sur la question de l’inconstitutionnalité alléguée, le Bureau du Procureur répond en affirmant que :

• la requête portant sur la création du Tribunal a été approuvée par le Conseil des ministres libanais, et ne constitue pas un acte unilatéral de la part de l’ancien Premier ministre58,

• l’ancien Président libanais Lahoud a pris part à une partie des négociations qui ont abouti à la création du Tribunal, a soutenu à l’origine la création d’un tribunal à caractère international, a assisté à la séance extraordinaire au cours de laquelle la requête adressée à l’Organisation des Nations Unies lui demandant de créer un tel tribunal a été approuvée, et il a également participé à la nomination des négociateurs libanais59,

• l’approbation du projet d’accord par le Conseil des ministres a été conforme à l’article 52 de la Constitution libanaise60, et

56 Requête de la Défense de Badreddine, par. 94 à 99, Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 29 et 30.

57 Réponse du Bureau du Procureur, par. 4, 7, 21 à 33. Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 112 et 113. Voir aussi Observations du Représentant légal des victimes, par. 16 à 22, appuyant la proposition selon laquelle le Tribunal a été valablement créé au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies par l’adoption de la Résolution 1757.

58 Réponse du Bureau du Procureur, par. 59.

59 Réponse du Bureau du Procureur, par. 60 et 61.

60 Réponse du Bureau du Procureur, par. 62 à 66.

Page 277: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

277

Légalité et compétence CPI

• il ne peut être question de fraude en tout état de cause, puisque le projet d’accord a été remplacé par la résolution 175761.

discussiOn eT cOnclusiOns

45. L’« Accord » envisagé entre l’Organisation des Nations Unies et la République libanaise n’a pas été adopté en vertu du droit constitutionnel libanais ; juridiquement, ce point est incontestable. L’« Accord », en réalité, n’est par conséquent qu’un simple « projet d’accord ». Ainsi, si le projet d’accord était autonome, tout organe judiciaire compétent chargé d’en interpréter le statut devrait établir si la République libanaise était juridiquement liée par ses propres actes lorsqu’elle a pris les diverses mesures (énumérées au paragraphe 14 ci-dessus) conformément à ses obligations aux termes dudit projet d’accord.

46. La Chambre de première instance conclut, toutefois, que la Résolution 1757 du Conseil de sécurité constitue le seul fondement juridique du Tribunal.

47. La Résolution 1757 prévoit que le Tribunal pouvait être créé de deux manières. La première procédure était représentée par le projet d’accord, qui pouvait être ratifié par le Liban dans les onze jours suivant l’adoption de la Résolution62. L’article 19 1) du projet d’accord prévoit que « [l]e présent Accord entrera en vigueur le lendemain du jour où le Gouvernement aura notifié par écrit à l’Organisation des Nations Unies qu’il a accompli les formalités requises à cet effet ». Cependant, au cas où cette première procédure n’aurait pas abouti, la Résolution prévoyait que les dispositions du projet d’accord entreraient en vigueur, en lieu et place du projet d’accord proprement dit. Cette différence apparemment sémantique est néanmoins essentielle pour comprendre et interpréter le fondement du Tribunal.

48. Les conditions légales pour son entrée en vigueur conformément au droit libanais n’ont pas été réunies dans le délai requis. Dès lors, passé le délai visé dans la Résolution, à savoir le 10 juin 2007, les dispositions du projet d’accord ont été intégrées

61 Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 112 et 113.

62 S/RES/1757 (2007), par. 1 a).

Page 278: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

278

Légalité et compétence CPI

dans la Résolution en tant qu’annexe. Elles tirent donc leur force contraignante de leur incorporation dans la Résolution adoptée en vertu du Chapitre VII.

49. Les actes et décisions du Liban, qui coïncident avec les obligations mises à sa charge par le projet d’accord, sont fondés sur son obligation de se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité, comme indiqué à l’article 25 de la Charte des Nations Unies, ainsi que sur les obligations visées au Préambule de la Constitution libanaise63. Les actes accomplis par le Liban conformément aux dispositions du projet d’accord résultent non du projet d’accord mais de la force obligatoire d’une résolution du Conseil de sécurité. Ce point est corroboré par l’ensemble des actes et décisions du Gouvernement libanais qui ont suivi l’entrée en vigueur de la Résolution.

50. La Chambre de première instance ayant établi que la création du Tribunal reposait uniquement sur la Résolution 1757 adoptée par le Conseil de sécurité, il est inutile d’examiner les questions qui, dans les requêtes de la Défense, allèguent une violation du droit national libanais (Constitution comprise) en rapport avec la question du fondement du Tribunal.

iii. le pOuVOiR de lA cHAMBRe de pReMiÈRe insTAnce de RÉeXAMineR une RÉsOluTiOn du cOnseil de sÉcuRiTÉ

51. Les quatre requêtes de la Défense demandent à la Chambre de première instance de réexaminer les actes pris par le Conseil de sécurité dans le cadre de son adoption de la Résolution 1757 et de la création du Tribunal, et de constater qu’il a agi ainsi illégalement ou ultra vires. Les arguments se fondent sur l’Arrêt Tadić de la Chambre d’appel du TPIY64, la décision de la Chambre d’appel du Tribunal en l’affaire El Sayed65 et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne66.

63 Le paragraphe B) du Préambule de la Constitution libanaise dispose que le Liban « est membre fondateur et actif de l’Organisation des Nations Unies, engagé par ses pactes et par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. L’État concrétise ces principes dans tous les champs et domaines sans exception ».

64 Requête de la Défense de Badreddine, par. 19 à 24 ; Requête de la Défense de Ayyash, par. 6 ; Requête de la Défense de Oneissi, par. 23 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 6.

65 Requête de la Défense de Badreddine, par. 19 à 24 ; Requête de la Défense de Oneissi, par. 23 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 6.

66 Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 61 à 62, 65.

Page 279: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

279

Légalité et compétence CPI

52. L’Accusation estime que la Chambre de première instance n’a pas compétence pour réexaminer la Résolution 175767 et ne peut ni réexaminer ni déterminer la validité des actes du Conseil de sécurité adoptant la résolution. En outre, l’Accusation affirme que la détermination par le Conseil de sécurité que l’attentat contre Hariri était un acte de terrorisme – et constituait par conséquent une menace contre la paix et la sécurité internationales – était un exercice acceptable au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies68.

discussiOn eT cOnclusiOns

53. Le Tribunal n’existait pas avant que la Résolution 1757 adoptée par le Conseil de sécurité le 30 mai 2007 entre en vigueur le 10 juin 2007, et il cessera d’exister à la fin de son mandat, comme spécifié dans l’annexe à la Résolution, ou si le Conseil de sécurité décide de le dissoudre. Le Tribunal est purement une création d’une résolution du Conseil de sécurité.

54. Les requêtes de la Défense demandent effectivement à la Chambre de première instance de procéder à un réexamen judiciaire d’actes du Conseil de sécurité. Cette procédure signifie qu’une juridiction examine les mesures prises par une autre instance agissant administrativement – par exemple la question de savoir si elle a agi de façon raisonnable, a pris en considération des arguments non pertinents et a assuré aux parties leur droit à une justice naturelle – mais avec l’objectif de faire une déclaration de droits, ou de rendre une ordonnance contraignante. En l’espèce, un tel réexamen consisterait à examiner et à déterminer si le Conseil de sécurité, comme le demande les requêtes de la Défense, a évalué correctement une menace à la paix et à la sécurité internationales en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, puis s’il a agi dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés en créant le Tribunal.

55. Ce Tribunal n’est toutefois investi d’aucun pouvoir de réexamen des actes du Conseil de sécurité69. Le Statut du Tribunal – adopté par le Conseil de sécurité

67 Compte rendu d’audience en anglais, 14 juin 2012, p. 34 à 37, 43 et 44.

68 Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 124 à 129.

69 Voir, par exemple, Arrêt Tadić, par. 20

Page 280: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

280

Légalité et compétence CPI

– ne prévoit aucune source de pouvoir explicite habilitant le Tribunal à procéder au réexamen judiciaire des actes du Conseil de sécurité et à rendre une ordonnance contraignante ou à faire une déclaration ayant une portée juridique au regard de ses actes. La Cour internationale de Justice pourrait bien être la seule instance, en émettant un avis consultatif à la demande des Nations Unies, à pouvoir potentiellement procéder au réexamen judiciaire d’actes d’un organe des Nations Unies, bien qu’elle ait affirmé « ne pas posséder les pouvoirs de réexamen judiciaire ou d’appel au regard des décisions prises par les organes des Nations Unies concernés70 ». Nulle autre instance judiciaire n’est dotée d’un tel pouvoir de réexamen judiciaire potentiel au regard du Conseil de sécurité. Partant, la Chambre de première instance conclut qu’elle ne peut réexaminer les actes pris par le Conseil de sécurité dans le cadre de son adoption de la Résolution 1757.

iV. lA ViOlATiOn AllÉGuÉe de lA sOuVeRAineTÉ liBAnAise

56. Les requêtes de la Défense allèguent également que la Résolution 1757 viole la souveraineté de la République libanaise. Elles affirment qu’une personne accusée – et pas seulement un État affecté – peut invoquer, dans le cadre de sa défense, une atteinte à la souveraineté de l’État. Elles font valoir que :

• le Conseil de sécurité a agi de façon unilatérale en appliquant le projet d’accord au moyen de la Résolution 1757, et a ainsi porté atteinte à la souveraineté du Liban71 ;

• le Tribunal est une institution fondée sur un traité adopté uniquement à la suite de menaces de mesures de coercition du Conseil de sécurité72 ;

70 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du sud en Namibie (sud-ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970), avis consultatif, C.I.J. Recueil [1972] 16 à 33, par. 89. La CIJ a poursuivi en affirmant que, « [TRADUCTION] la demande d’avis consultatif ne porte pas sur la question de la validité ou de la conformité avec la Charte de la Résolution 2145 (XXI) adoptée par l’Assemblée générale ou de résolutions connexes adoptées par le Conseil de sécurité ».

71 Requête de la Défense de Ayyash, par. 3, 33, 39 ; Requête de la Défense de Badreddine, par. 48, 79 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 23 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 10, 18 et 19.

72 Requête de la Défense de Ayyash, par. 46 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 38 et 39, 58 et 59. L’affirmation selon laquelle il y aurait eu coercition de la part du Conseil de sécurité sous-entend que le Liban n’aurait pas consenti à être lié au projet d’accord (voir, Requête de la Défense de Ayyash, par. 31 ; Requête de la Défense de Oneissi, par. 33, 52 à 66 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 24 à 27 ; Compte rendu

Page 281: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

281

Légalité et compétence CPI

• du fait que le Tribunal n’a pas été établi par un accord conclu entre les Nations Unies et le Liban, l’application par le Tribunal du droit interne libanais (et non du droit pénal international) porte atteinte à la souveraineté libanaise73 ; et

• il n’existe aucun fondement valable pour se substituer à la compétence de l’appareil judiciaire libanais de juger ces affaires au Liban74.

57. L’Accusation répond en affirmant que les personnes physiques manquent du locus standi pour plaider des violations de la souveraineté de l’État75, et que les autoriser à utiliser ce moyen pour s’exonérer de poursuites irait à l’encontre de l’objectif international consistant à mettre fin à l’impunité76. L’article 2 7) de la Charte des Nations Unies77, en tant qu’exception au principe général de non-intervention dans les affaires intérieures d’un État souverain78, empêche les États membres de l’Organisation des Nations Unies d’affirmer que leur souveraineté a été violée par l’« application de mesures de coercition » visant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, intégrées dans une résolution adoptée en vertu du Chapitre VII. Par conséquent, dans le contexte d’une telle résolution, le consentement du Liban à l’imposition alléguée de l’accord n’est pas un argument pertinent79.

58. Le Représentant légal des victimes considère qu’il est de « mauvaise foi » d’affirmer qu’il y a substitution au système judiciaire libanais, les autorités libanaises

d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 40, 72).

73 Requête de la Défense de Ayyash, par. 43 et 44 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 28 à 30.

74 Requête de la Défense de Sabra, par. 32 et 33.

75 Réponse de l’Accusation, par. 6, 17 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 96 et 97, 105.

76 Réponse de l’Accusation, par. 19 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 97 et 98.

77 Aux termes de l’article 2 7) de la Charte des Nations Unies, aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ni n’oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte ; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l’application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII.

78 Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 98 et 99, 114 à 116.

79 Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 99, 114 à 116. Le Représentant légal des victimes va dans le même sens, affirmant que « [TRADUCTION] le consentement du Gouvernement libanais à la création du TSL est dépourvu de pertinence », étant donné que le Tribunal a été établi par une résolution (voir, Observations du Représentant légal des victimes, par. 23 à 26.).

Page 282: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

282

Légalité et compétence CPI

n’ayant ni la capacité ni la volonté d’instruire le dossier ni de poursuivre les auteurs de l’attentat du 14 février 200580.

discussiOn eT cOnclusiOns

59. L’Arrêt Tadić de la Chambre d’appel, s’écartant des précédents juridiques qui prévalaient en 1995 – et dans le contexte de l’examen de la légalité du TPIY – a conclu qu’une personne physique pouvait invoquer une violation de la souveraineté de l’État dans sa propre défense. La Chambre d’appel a estimé dans Tadić que81 :

La souveraineté était autrefois un attribut sacro-saint et inattaquable de l’État, mais ce concept a récemment souffert d’une érosion progressive sous l’influence des forces plus libérales actives dans les sociétés démocratiques, en particulier dans le domaine des droits de l’homme.

60. Depuis lors, plusieurs personnes physiques accusées ont invoqué une violation de la souveraineté de l’État dans plusieurs affaires internationales, par exemple, devant le TPIY82 et devant la Cour européenne des droits de l’homme83. Toutefois, aucune de ces requêtes n’était liée à la question de la légalité. Il semblerait qu’aucune juridiction n’ait expressément admis ou rejeté la possibilité pour une personne physique de soulever une telle exception, bien que la Cour européenne des droits de l’homme semble l’avoir autorisé implicitement dans Öcalan c. Turquie. La Chambre de première instance n’est toutefois pas convaincue de devoir se prononcer sur la question de savoir si le droit coutumier a évolué de façon à permettre à une personne physique de soulever une telle exception au regard de la question de la légalité de l’institution chargée de la juger.

80 Observations du Représentant légal des victimes, par. 9 à 15.

81 Arrêt Tadić, Chambre d’appel, par. 55.

82 Le Procureur c. Dragan Nikolić, IT–94–2–AR73, Decision on Interlocutory Appeal Concerning Legality of Arrest, Appeals Chamber, 5 juin 2003, par. 20 à 24 ; Le Procureur c Mile Mrksić, Miroslav Radić, Veselin Šlivančanin et Slavko Dokmanović, IT–95–13a–PT, Decision on the motion for release by the Accused Slavko Dokmanović, 22 octobre 1997, par. 13, 18.

83 Par exemple, CEDH Öcalan c. Turquie (Grande Chambre), 12 mai 2005, Rec. 2005-IV, par. 85, 90 ; Stocké c. Allemagne, 19 mars 1991, série A no 199, avis de la Commission, p. 24, par. 167.

Page 283: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

283

Légalité et compétence CPI

61. De surcroît, même si la Chambre de première instance était prête à conclure qu’une personne physique accusée peut invoquer une violation de la souveraineté d’un État au titre de son droit à bénéficier d’une « défense totale84 », elle ne conclurait pas que la souveraineté du Liban a été violée en l’espèce. Contrairement à ce qui est affirmé dans les requêtes, le Conseil de sécurité n’a pas fait entrer en vigueur unilatéralement un accord international, il a pris une autre voie et intégré les dispositions de l’accord initialement prévu dans la Résolution 1757. Et le Liban, comme l’indique à juste titre l’Accusation dans sa réponse, n’a jamais invoqué une violation de sa souveraineté. Bien au contraire, en tant qu’État membre de l’Organisation des Nations Unies, le Liban a honoré ses obligations, telles que spécifiées dans l’annexe de la résolution, en prenant toutes les mesures requises, y compris : présenter une liste de douze personnes susceptibles d’être nommées aux fonctions de juge par le Secrétaire général, nommer un Procureur adjoint, reconnaître la capacité juridique du Tribunal aux fins de conclure des accords avec des États en concluant le Mémorandum d’entente avec le Tribunal, contribuer de manière significative au financement du Tribunal, faciliter la mise sur pied du Bureau extérieur du TSL à Beyrouth, répondre aux demandes d’assistance du Tribunal, et se dessaisir en faveur du Tribunal au regard des affaires en relation avec l’attentat du 14 février 2005. De surcroît, l’État libanais n’a jamais invoqué de violation de sa souveraineté. Le Liban a pleinement accepté l’existence et la compétence du Tribunal, telles que définies aux articles premier et 4 du Statut. La Chambre de première instance ne saurait, par conséquent, conclure à une violation de la souveraineté libanaise.

V. lA ViOlATiOn AllÉGuÉe des dROiTs FOndAMenTAuX des AccusÉs

62. Les quatre requêtes de la Défense prétendent que la création du Tribunal a violé les droits de la personne fondamentaux des accusés. De manière générale, elles affirment que le Tribunal n’a pas été « établi par la loi »85. Elles avancent également que la compétence limitée du Tribunal viole les principes fondamentaux d’équité et

84 Arrêt Tadić, Chambre d’appel, par. 55.

85 Requête de la Défense de Badreddine, par. 50 à 53 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 10 à 45.

Page 284: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

284

Légalité et compétence CPI

d’égalité et, du fait d’une justice perçue comme discriminatoire, porte atteinte à sa légitimité86.

63. Une des requêtes se fonde sur une violation alléguée du principe jus de non evocando, et sur une violation alléguée du droit à un « juge naturel », par la substitution du Tribunal à l’appareil judiciaire libanais87.

64. Une autre requête oppose ce qu’elle appelle une « compétence sélective » à l’« absence » de réponse internationale aux victimes tuées pendant et après la guerre civile au Liban, et à la compétence généralement plus étendue d’autres juridictions internationales, affirmant que le mandat limité du Tribunal est un « choix politique » qui ne sert pas la justice internationale88. De plus, elle affirme que le mandat du Tribunal est susceptible d’exacerber les tensions et les troubles, et non d’être utile au Liban, de sorte que pour acquérir une légitimité, le Tribunal devrait mener des enquêtes sur tous les crimes commis au Liban, à la fois avant et après l’attentat contre Hariri89. Une autre requête affirme que le Conseil de sécurité ne devrait pas adopter de mesures envenimant la crise à laquelle il prétend répondre en adoptant une résolution90.

65. La réponse de l’Accusation consiste à dire que les arguments concernant le caractère discriminatoire et la légitimité ne sont pas de caractère juridictionnel, et que le Tribunal est tenu de respecter dans ses procès les normes reconnues par la communauté internationale en matière de droits de la personne91. La compétence limitée de toutes les juridictions internationales n’est pas un problème, car elles ne visent pas à se substituer à toutes les poursuites internes92. Il convient, par conséquent,

86 Requête de la Défense de Ayyash, par. 3, 47 et 48 ; Requête de la Défense de Badreddine, par. 54 à 57 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 47; Compte rendu, 13 juin 2012, p. 32, 45 à 49.

87 Requête de la Défense de Sabra, par. 46 à 49.

88 Requête de la Défense de Ayyash, par. 50 et 51, 56 à 62 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 32, 45 à 48.

89 Requête de la Défense de Ayyash, par. 62 ; Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 42 à 47.

90 Requête de la Défense de Badreddine, par. 62.

91 Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 102–104.

92 Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 103. Le Représentant légal des victimes est allé dans le même sens, affirmant que la compétence temporelle limitée du Tribunal n’affecte pas la légalité de l’institution ;

Page 285: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

285

Légalité et compétence CPI

de rejeter les arguments contestant la portée du mandat du Tribunal et le caractère suffisant de ses garanties d’une application régulière du droit93.

discussiOn eT cOnclusiOns

A. le droit d’un accusé d’être jugé par une juridiction « établie par la loi »

66. Le droit international des droits de la personne confère à toute personne accusée d’avoir commis un crime le droit d’être jugée par une juridiction « établie par la loi » – ce droit est consacré, par exemple, à l’article 14 1) du Pacte international et à l’article 6 1) de la CEDH. Ce droit est « absolu » et ne souffre aucune exception94 ; il doit être respecté pour toutes les infractions pénales sans distinction, des affaires les plus simples aux plus complexes, notamment le terrorisme95.

67. Afin de déterminer si une juridiction est « établie par la loi », il est nécessaire d’examiner à la fois comment cette juridiction a été créée et quels pouvoirs judiciaires lui ont été conférés. La Chambre de première instance fait sienne la conclusion du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) dans Kallon96 :

[TRADUCTION] une norme du droit international veut qu’il soit « établi par la loi », sa création doit respecter la primauté du droit. Cela signifie qu’il doit être établi conformément aux critères internationaux appropriés ; qu’il doit disposer de mécanismes et de moyens lui permettant d’appliquer une justice

Observations du Représentant légal des victimes, par. 24 à 26.

93 Réponse de l’Accusation, par. 8, 74 à 85.

94 Voir, par exemple, Comité des droits de l’homme, Miguel Gonzalez del Rio c. Pérou, Communication n° 263/1987, 28 octobre 1992, U.N. Doc. CCPR/C/46/D/263/1987 (1992), par. 5.2.

95 CEDH, Quinn c. Irlande, n° 36887/97, 21 décembre 2000, par. 58. Voir aussi Lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, 11 juillet 2002, Article IX. 1 : « Une personne accusée d’activités terroristes a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, dans un délai raisonnable, par une juridiction indépendante, impartiale et établie par la loi ».

96 TSSL, Le Procureur c. Norman, Kallon et Kamara, SCSL-2004-14-PT, SCSL-2004-15-PT et SCSL-2004-16-PT, Decision on Constitutionality and Lack of Jurisdiction, 13 mars 2004, par. 55. Voir aussi, Arrêt Tadić, Chambre d’appel, par. 45 à 47.

Page 286: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

286

Légalité et compétence CPI

équilibrée tout en apportant toutes les garanties d’équité, et qu’il doit respecter les instruments internationaux en matière de droits de la personne.

68. En conséquence, le Tribunal serait en droit de ne pas exercer tout ou partie de sa compétence s’il devait acquérir la conviction qu’il n’a pas été établi par la loi ou qu’il ne pourrait pas fournir toutes les garanties d’un procès équitable, ou si le Statut a chargé les Chambres ou des organes du Tribunal d’accomplir un acte illégal ou contraire au droit international des droits de la personne.

69. La Chambre de première instance a déjà conclu que le Tribunal était une création de la Résolution 1757 adoptée par le Conseil de sécurité. Sur le premier point, à savoir la détermination de la manière dont le Tribunal a été créé, le fait que les Nations Unies puissent créer des instances judiciaires est incontestable. Le Conseil de sécurité a créé les tribunaux pénaux internationaux ad hoc que sont le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et le Tribunal pénal international pour le Rwanda, respectivement en 1993 et 1994, et l’Assemblée générale a créé d’abord le Tribunal d’arbitrage des Nations Unies, puis son successeur le Tribunal d’appel des Nations Unies.

70. Chacun de ces organes judiciaires (comme la Cour pénale internationale dotée de sa propre compétence clairement définie) est doté de son propre statut, de son propre règlement de procédure et de preuve et de pouvoirs énoncés explicitement. À titre d’exemple, les tribunaux pénaux internationaux ad hoc peuvent juger des personnes accusées d’avoir commis des crimes internationaux et condamner celles reconnues coupables à des peines d’emprisonnement, y compris l’emprisonnement à perpétuité. Pour la création du Tribunal spécial, la « loi » pertinente (au sens d’être « établi par la loi ») est par conséquent la Résolution elle-même et ses annexes. Respecter les buts et principes de la Charte des Nations Unies équivaut donc à respecter l’article 14 1) du Pacte international.

71. Il suffit de noter, sans chercher à examiner la manière dont le Conseil de sécurité a exercé ses pouvoirs, que celui-ci a déterminé l’existence d’une menace à la paix et à la sécurité internationales en vertu de l’article 39 de la Charte des Nations Unies97.

97 Voir résolution 1757, par. 13, qui dispose que : « Considérant une fois de plus que cet acte terroriste et ses incidences constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales ».

Page 287: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

287

Légalité et compétence CPI

Puis, appliquant l’article 41 de la Charte, il a décidé que la création d’un tribunal de caractère international serait une mesure appropriée pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Étant donné que seul un organe judiciaire habilité à réexaminer les actes du Conseil de sécurité pourrait le faire, et que la Chambre de première instance n’en est pas un, elle n’a pas compétence pour examiner si cette décision était bien fondée.

72. Les mesures créant le Tribunal spécial sont pour l’essentiel similaires à celles établissant le TPIY et le TPIR et, jusqu’à un certain point, à la Résolution 1315 (2000) relative à la création du TSSL98. La Chambre de première instance conclut que l’Organisation des Nations Unies, comme tout parlement national, peut établir une juridiction investie de fonctions précises. Une juridiction établie par les Nations Unies ou le Conseil de sécurité est, par conséquent, « établie par la loi » au sens où l’organe qui l’a créée a le pouvoir constitutionnel pour ce faire.

73. Quant au deuxième point, la question de savoir si les procédures du Tribunal sont conformes aux exigences minimales du droit international des droits de la personne, la Chambre de première instance doit par conséquent se tourner vers le Statut lui-même.

74. Reprenant le critère appliqué dans Tadić99, une requête allègue que le Statut et le Règlement du Tribunal ne garantissent pas aux quatre accusés un traitement « aussi équitable » que celui d’une juridiction pénale libanaise100. Ce critère n’est toutefois pas celui qui convient du fait que les procédures du Tribunal doivent satisfaire à toutes les normes internationales pertinentes en matière de droits de la personne protégeant les droits des accusés, et pas seulement à celles prévues en droit libanais. Ces normes sont notamment celles énoncées par des juridictions et institutions spécialisées dans la protection des droits de la personne, telles que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, la Cour européenne des droits de

98 Dans laquelle le Conseil de sécurité demande au Secrétaire général de négocier un accord avec le Gouvernement de la Sierra Leone en vue de créer un tribunal spécial indépendant, conforme à la résolution.

99 Requête de la Défense de Sabra, par. 49, citant l’Arrêt Tadić, par. 61 et 62.

100 Requête de la Défense de Sabra, par. 71.

Page 288: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

288

Légalité et compétence CPI

l’homme, la Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Cour africaine des droits de l’homme.

75. La Chambre de première instance doit par conséquent uniquement apprécier – en ce qui concerne les points soulevés dans les requêtes de la Défense – si les procédures du Tribunal, telles que spécifiées dans son Statut et son Règlement, satisfont à toutes les normes pertinentes en matière de droits de la personne. Tel est le cas si les procédures spécifiées peuvent satisfaire aux normes pertinentes. La simple possibilité d’un non-respect – qui peut avoir lieu dans toute juridiction – ne suffit en soi à caractériser un non-respect de ces normes. À titre d’exemple, pour illustrer notre propos, même si le Statut autorisait apparemment l’admission d’éléments de preuve obtenus en violation, mettons, de l’article premier de la Convention contre la Torture101, le Tribunal pourrait toujours appliquer strictement le droit international des droits de la personne pour exclure les dits éléments de preuve.

B. jus de non evocando

76. Invoquant le principe de jus de non evocando102, la requête de la Défense de Sabra soutient que i) certaines catégories d’information qui pourraient se révéler pertinentes au regard de sa cause et auxquelles elle aurait autrement pu avoir accès sont indisponibles du fait du « remplacement» du pouvoir judiciaire libanais, ii) le Tribunal peut utiliser, au détriment des accusés, des éléments de preuve qui seraient irrecevables devant une juridiction libanaise ; iii) l’ordre juridique libanais offre une plus grande sécurité juridique que le Tribunal, iv) le Statut du Tribunal ne prévoit

101 Convention contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1984, l’article premier dispose que « … le terme «torture» désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite ».

102 Traduction libre : « le droit d’être jugé par la juridiction compétente ».

Page 289: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

289

Légalité et compétence CPI

aucun droit à l’amnistie ou à la grâce, et v) le Tribunal n’est pas en mesure de protéger effectivement les droits des accusés103.

77. La requête critique également les articles du Règlement relatifs à la preuve et à l’exclusion, soutenant i) que certaines catégories d’informations sont hors de portée de la Défense (sans fondement statutaire)104, ii) que le Règlement autorise l’expurgation des pièces justificatives étayant la confirmation de l’acte d’accusation, ainsi que les retards dans la communication des pièces105, et iii) qu’il autorise l’audition des témoins sous couvert d’anonymat106.

78. Toutefois, une stricte comparaison entre, d’une part, le Statut et le Règlement du Tribunal et, d’autre part, le droit interne libanais est inappropriée. Le Statut et le Règlement garantissent aux accusés tous les droits pertinents prévus par le droit international des droits de la personne. En particulier, l’article 16 4) du Statut prévoit la « pleine égalité » des armes pour les parties, et l’article 21 2) dispose qu’une Chambre peut exclure « tout élément de preuve dont la valeur probante est largement inférieure à l’exigence d’un procès équitable107 ». Le Règlement habilite également une Chambre à ordonner des mesures « compensatoires » au cas où le Procureur ne communique pas certaines informations à la Défense108. L’article 164, qui prévoit que les éléments de preuve en possession du Comité international de la Croix-Rouge sont couverts par le secret professionnel, s’applique aussi à l’Accusation. À l’instar des autres juridictions internationales, les expurgations et les délais de communication des pièces sont strictement réglementés. S’agissant des témoins entendus sous couvert d’anonymat, l’article 159 B) applique la norme d’exclusion – « uniquement,

103 Requête de la Défense de Sabra, par. 50 à 68.

104 Requête de la Défense de Sabra, par. 51, où sont cités les documents en possession du Comité international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (article 164), les mémoires et autres documents internes établis par l’UNIIIC (article 111), et les documents en possession du Procureur susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale d’un État ou à la sécurité d’une entité internationale et qui lui ont été communiqués à titre confidentiel (articles 117 et 118)

105 Requête de la Défense de Sabra, par. 58, faisant référence aux articles 115 et 116 A).

106 Requête de la Défense de Sabra, par. 57.

107 L’article 149 D) reprend cette garantie et ajoute qu’une chambre peut exclure tout élément de preuve recueilli en violation des droits du suspect ou de l’accusé. Voir également l’article 155 ii) (B).

108 Articles 116 C) et 118 D).

Page 290: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

290

Légalité et compétence CPI

ou dans une mesure décisive » – de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme109. Enfin, le régime d’exclusion visé à l’article 162110 satisfait aux conditions requises par la jurisprudence des diverses juridictions internationales des droits de l’homme, s’il ne va pas même au-delà111.

79. La requête de la Défense de Sabra soulève également deux griefs supplémentaires qui, selon elle, devraient inciter la Chambre de première instance à considérer que la Défense n’est pas en mesure de préparer une défense effective. Le premier est que la Défense, par l’entremise du Bureau de la Défense du Tribunal, ne peut solliciter de l’aide qu’auprès du Liban, et le second concerne l’absence d’ « une enquête à décharge approfondie », un élément de la procédure pénale libanaise112.

80. Toutefois, la Chambre de première instance conclut que ces arguments ne sont pas convaincants : s’agissant du premier, la situation des conseils de la défense au regard des demandes de coopération internationale ne diffère de celle du Procureur que parce qu’ils doivent passer par l’intermédiaire du Bureau de la Défense, qui ne peut rejeter que les demandes futiles ou vexatoires113. L’absence d’un juge d’instruction ne contrevient pas aux prescriptions du droit international des droits de la personne. L’Accusation est aussi tenue de communiquer les éléments de preuve à décharge à la Défense, et cette dernière peut mener ses propres enquêtes (avec l’aide

109 Par exemple, Cour européenne des droits de l’homme, Doorson c. Pays-Bas, 26 mars 1996, Rapport 1996-II, par. 76 ; Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, 23 avril 1997, Rapport. 1997-III, par. 55 ; Dzelili c. Allemagne, Décision relative à la recevabilité, no 15065/05, 29 septembre 2009.

110 L’article 162, intitulé Exclusion de certains éléments de preuve, prévoit que : « A) Ne sont pas recevables les éléments de preuve obtenus par des moyens qui en remettent sérieusement en cause la fiabilité ou dont l’admission est de nature à compromettre l’instance et à porter gravement atteinte à son intégrité. B) Ne sont notamment pas recevables les éléments de preuve obtenus en violation des normes internationales en matière de droits de l’homme, dont l’interdiction de la torture »

111 Voir Cour européenne des droits de l’homme, Gäfgen c. Allemagne (Grande Chambre), 1er juin 2010, n° 22978/05, Opinion partiellement dissidente des juges Rozakis, Tulkens, Jebens, Ziemele, Bianku et Power, critiquant la Décision de la Cour relative à l’article 6 de la CEDH, dans lequel des éléments de preuve obtenus par traitement inhumain (tel que défini à l’article 3 de la CEDH) ont été admis à titre exceptionnel.

112 Requête de la Défense de Sabra, par. 52 à 55. Dans certains systèmes de tradition romano-germanique, un juge chargé de l’instruction de l’affaire (juge d’instruction) mène une enquête indépendante sur les crimes au cours de laquelle il est également tenu d’examiner les éléments de preuve à décharge.

113 Articles 16 C) et 18 C).

Page 291: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

291

Légalité et compétence CPI

du Bureau de la Défense)114. Le principe de l’égalité des armes est donc respecté en totale conformité avec les prescriptions du droit international des droits de la personne.

81. La requête de la Défense de Sabra contient d’autres arguments, mais ils ne se rapportent que marginalement aux normes internationales des droits de la personne. Un grief concernant « l’insécurité juridique115 » se réfère aux conclusions de la Chambre d’appel dans une décision préjudicielle116, mais ne réussit pas à démontrer son incompatibilité avec, par exemple, l’article 15 du Pacte international ou l’article 7 de la CEDH. La requête de la Défense de Sabra fait également valoir que le droit international n’interdit pas les amnisties pour les comportements incriminés par le droit interne117. À l’inverse, cependant, ceci n’équivaut pas à un droit, et aucun droit de ce type ne figure dans l’un quelconque des instruments internationaux relatifs aux droits de la personne118. La requête affirme aussi que les dispositions relatives au principe non bis in idem119 visé aux articles 5 du Statut et 23 du Règlement seraient inopérantes. Toutefois, ce point n’est pas démontré et relève de la pure spéculation120. En outre, la requête fait valoir une absence de garanties dans la procédure du Tribunal en matière de détention, allégation qui est directement contredite par le Règlement, notamment les articles 3 2), 67 et 79 C), E) et F)121. Une autre allégation, à savoir que les accusés n’ont aucune possibilité de recours judiciaire en cas de violation d’un

114 Article 15.

115 Requête de la Défense de Sabra, par. 60 à 63.

116 STL/11-01/AC/R176bis, Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, 16 février 2011.

117 Requête de la Défense de Sabra, par. 64 et 65

118 Voir également les articles 194 à 196 relatifs aux grâce et commutation de peine.

119 Voir l’article 14 7) du Pacte international: “Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays”, voir également l’article 4, Protocole no. 7, CEDHR faisant référence à non bis in idem (ou, ne bis in idem).

120 Requête de la Défense de Sabra, par. 66.

121 Requête de la Défense de Sabra, par. 67.

Page 292: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

292

Légalité et compétence CPI

droit fondamental imputable au Tribunal, est pareillement directement contredite par le droit d’interjeter appel visé aux articles 26 du Statut et 176 A) i) du Règlement122.

82. La requête de la Défense de Sabra avance aussi que le principe de « jus de non evocando » a été violé dans la mesure où les quatre accusés n’ont pas la possibilité de porter leur cause devant la juridiction libanaise compétente aux termes du droit applicable à l’époque des faits qui leur sont reprochés, droit qui est garanti par l’article 20 de la Constitution libanaise123. Pour se substituer à une juridiction interne, affirment les conseils de Sabra, la Chambre de première instance doit être convaincue que le principe de jus de non evocando n’a pas été violé, et que le principe du droit à un procès équitable est respecté124.

83. L’Accusation relève à juste titre que l’article 20 de la Constitution libanaise ne contient aucune disposition de ce type, puisqu’il régit uniquement le pouvoir judiciaire, déclarant qu’il est « exercé par les tribunaux des différents ordres et degrés » et « fonctionne dans les cadres d’un statut établi par la loi »125. De plus, dans l’Arrêt Tadić, la Chambre d’appel a conclu que le transfert de compétence à un tribunal international au nom de la communauté des nations ne porte aucunement atteinte aux droits de l’accusé, pour autant que ces droits soient formulés de façon explicite et garantis126. La Chambre de première instance ne constate aucune violation des droits fondamentaux de la personne à cet égard.

c. la substitution du Tribunal au pouvoir judiciaire libanais et la garantie du « juge naturel »

84. La requête de la Défense de Sabra soutient que la substitution du Tribunal au pouvoir judiciaire libanais porte effectivement atteinte aux droits des personnes accusées de présenter leur cause devant leur « juge naturel »127. Cependant, la

122 Requête de la Défense de Sabra, par. 68.

123 Requête de la Défense de Sabra, par. 46.

124 Compte rendu d’audience en anglais, 13 juin 2012, p. 79 à 81.

125 « Réponse de l’Accusation », par. 81.

126 « Réponse de l’Accusation », par. 82, citant l’arrêt Tadić, Chambre d’appel, par. 62

127 La « garantie du juge naturel ».

Page 293: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

293

Légalité et compétence CPI

prétendue garantie à un « juge naturel » ne figure ni dans les instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, ni dans la Constitution libanaise, nonobstant sa présence dans les constitutions d’autres pays. Il ne s’agit pas d’un droit intangible de la personne. Par exemple, nombre de systèmes nationaux, y compris celui du Liban, autorisent, par traité, l’extradition de leurs citoyens128.

85. Toutefois, le Conseil de sécurité peut, au nom de la communauté internationale, créer un tribunal pénal international dont le fonctionnement implique nécessairement que les accusés soient jugés ailleurs que devant leur juridiction interne. Les accusés n’en souffrent pas pour autant un préjudice dans la mesure où ledit Tribunal international sauvegarde leurs droits fondamentaux et garantit leur droit à un procès équitable. La Chambre d’appel conclut que le Statut et le Règlement du Tribunal remplissent toutes ces conditions. Ainsi, aucune violation des droits fondamentaux des accusés n’a été établie.

d. le caractère sélectif

86. La compétence limitée du Tribunal est également attaquée au motif qu’elle est excessivement « discriminatoire »129. Lorsque la communauté internationale considère que la création d’un Tribunal pénal international, par la voie d’une résolution du Conseil de sécurité prise en vertu du Chapitre VII de la Charte, est une réponse appropriée à une menace à la paix et à la sécurité internationales, l’objet et le champ de cette mesure sont nécessairement limités. Ce point est illustré notamment par la compétence limitée conférée aux tribunaux ad hoc des Nations Unies (le TPIY et le TPIR) en leur qualité de premiers tribunaux internationaux depuis ceux de Nuremberg et de Tokyo130. Le fait que ces juridictions et leurs successeurs ont la primauté sur les poursuites et les systèmes judiciaires internes explique leur

128 L’article 30 du Code pénal libanais stipule que : « Nul ne peut être livré à un État étranger en dehors des prescriptions du présent code, si ce n’est par application d’un traité ayant force de loi. »

129 Requête de la Défense de Badreddine, par. 54 à 57 ; Requête de la Défense de Ayyash, par. 3, 47 et 48 ; Requête de la Défense de Sabra, par. 47, 69; Compte rendu de l’audience du 13 juin 2012, p. 32, 45 à 49.

130 Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l’Axe (Accord de Londres) et le statut du tribunal international militaire (1945), Recueil des traités des Nations Unies n° 82, p 281-301 ; Charte du tribunal international militaire pour l’Extrême-Orient, 19 janvier 1946, T.I.A.S. n° 1589, 4 Bevans 20.

Page 294: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

294

Légalité et compétence CPI

compétence limitée. Ils ont pour objet de remplacer ou de compléter les systèmes nationaux, mais uniquement dans des conditions rigoureusement définies. Le TPIY, le TPIR et le TSSL, par exemple, ont une compétence limitée à des paramètres précis – géographiques, temporels, ou tenant au type de crimes passibles de poursuites et aux catégories d’auteurs. À cet égard le Statut du Tribunal n’est pas différent.

87. De plus, les enquêtes et poursuites criminelles sont inévitablement de caractère sélectif, quel que soit le système, même lorsque poursuivre des crimes déclarés est considéré comme légalement « obligatoire ». En bref, ce caractère « discriminatoire » fait partie intégrante de l’histoire des juridictions pénales internationales, et il est une conséquence inévitable de leur création. En outre, le Statut du Tribunal ne contient aucun risque de discrimination pouvant contrevenir aux articles 2 1) et 26 du Pacte international. La compétence limitée du Tribunal ne viole aucun des droits fondamentaux de la personne à un procès équitable.

e. conclusion relative aux droits fondamentaux des accusés

88. La Chambre de première instance conclut que le Statut et le Règlement du Tribunal garantissent aux accusés tous les droits pertinents et nécessaires à un procès équitable conformément aux principes du droit international des droits de la personne, et prennent en considération la jurisprudence d’instances telles que la Cour européenne des droits de l’homme et le Comité des droits de l’homme. Aucune violation des droits garantis en vertu du droit international des droits de la personne n’a été établie. Ainsi, la Chambre de première instance est satisfaite et conclut que le Tribunal a été « établi par la loi » en ce qu’il a été créé par un organe compétent pour ce faire, en l’occurrence le Conseil de sécurité des Nations Unies, et que son Statut et son Règlement garantissent aux accusés tous les droits fondamentaux de la personne. La Chambre de première instance ne voit, par conséquent, aucune raison de renoncer à exercer sa compétence en quelque mesure que ce soit et rejette les requêtes de la Défense dans leur intégralité.

Page 295: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

295

Légalité et compétence CPI

dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs la Chambre de première instance :

RejeTTe les quatre requêtes de la Défense dans leur intégralité.

Fait en anglais, arabe et français, le texte en anglais faisant foi.Le 27 juillet 2012, Leidschendam (Pays-Bas)

M. le juge Robert Roth, Juge président

Mme le juge Micheline Braidy M. le juge David Re

Page 296: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

296

Page 297: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

10.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : la chambre d’appel

Titre : Arrêt relatif aux appels interjetés par la défense contre la décision relative aux contestations par la défense de la compétence et de la légalité du Tribunal

Titre réduit : légalité et compétence cA

297

Page 298: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

298

Page 299: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

299

lA cHAMBRe d’Appel

Affaire n° : sTl-11-01/pT/Ac/AR90.1Devant : M. le juge david Baragwanath, président

M. le juge Ralph Riachy M.lejugeAfifChamseddine M. le juge daniel david ntanda nsereko M. le juge Kjell erik Björnberg

Le Greffier : M. Herman von HebelDate : 24 octobre 2012Original : AnglaisType de document : public

le pROcuReuR c.

sAliM jAMil AYYAsH, MusTAFA AMine BAdReddine,

Hussein HAssAn Oneissi et AssAd HAssAn sABRA

ARRÊT RelATiF AuX Appels inTeRjeTÉs pAR lA dÉFense cOnTRe lA dÉcisiOn RelATiVe AuX cOnTesTATiOns pAR

lA dÉFense de lA cOMpÉTence eT de lA lÉGAliTÉ du TRiBunAl

Bureau du procureur : M. Norman Farrell

conseils de M. salim jamil Ayyash : Me Eugene O’Sullivan Me Emile Aoun

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes M. Mohammad F. Mattar Mme Nada Abdelsater Abusamra

conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: Me Antoine Korkmaz Me John Jonesconseils de M. Hussein Hassan Oneissi: Me Vincent Courcelle-Labrousse Me Yasser Hassan

chef du Bureau de la défense : M. François Roux

conseils de M. Assad Hassan sabra: Me David Young Dr Guénaël Mettraux

Page 300: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

300

Légalité et compétence CA

nOTice inTROducTiVe1

Les conseils de la défense de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra – les accusés – ont contesté la légalité de la création du Tribunal devant la Chambre de première instance. Dans sa décision, la Chambre de première instance rejette les requêtes de la Défense et conclut, notamment, que i) la contestation de la légalité du Tribunal n’est pas une exception préjudicielle d’incompétence ; ii) le Tribunal a été créé par la résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité ; et iii) la Chambre n’a pas compétence pour réexaminer cette résolution. Les conseils de MM. Ayyash, Badreddine et Oneissi ont interjeté appel de la décision de la Chambre de première instance. Ils font essentiellement valoir que le Tribunal a été créé illégalement et qu’il n’a pas autorité pour juger les accusés.

La Chambre d’appel déboute les trois plaideurs de leurs appels à l’unanimité.

Les appelants fondent leurs appels sur l’article 90 du Règlement de procédure et de preuve, qui prévoit un appel interlocutoire des décisions relatives à la compétence du Tribunal. Cependant, l’article 90 E) adopte une définition restrictive du terme « compétence », qui n’inclut pas les contestations de la légalité du Tribunal. La Chambre d’appel conclut donc que les appels de la Défense ne sont pas recevables au titre de l’article 90 du Règlement, pas plus qu’ils ne le sont en vertu de la notion de compétence inhérente. Toutefois, les conseils de MM. Badreddine et Oneissi ont reçu certification aux fins d’appel de la décision de la Chambre de première instance au titre de l’article 126 C) du Règlement.

La Chambre d’appel dit que bien que le dossier de l’affaire n’ait pas encore été transmis à la Chambre de première instance, celle-ci a le pouvoir discrétionnaire d’examiner les requêtes de la Défense en qualité d’« autres requêtes », en application de l’article 126, après les avoir rejetées en tant que requêtes soulevant une exception préjudicielle. Par conséquent, la Chambre d’appel considère les deux appels dont elle est saisie comme recevables. L’appel de M. Ayyash est rejeté à la majorité

1 La présente notice ne fait pas partie de la décision de la Chambre d’appel. Elle a été établie pour la commodité du lecteur, qui peut juger utile de disposer d’une présentation des grandes lignes de la décision. Seul le texte de la décision constitue, en lui-même, le document faisant foi.

Page 301: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

301

Légalité et compétence CA

pour défaut de certification, considérant par ailleurs que M. Ayyash ne subit aucun préjudice dans la mesure où l’essentiel des arguments avancés par son conseil est présenté par les deux autres appelants. MM. les juges Baragwanath et Riachy joignent chacun une opinion dissidente.

La Chambre d’appel conclut à l’unanimité que la Chambre de première instance a conclu à bon droit que le Tribunal avait été créé en tant qu’institution indépendante par la résolution 1757 du Conseil de sécurité adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Ladite résolution intègre les dispositions d’un projet d’accord négocié entre les Nations Unies et le Liban, qui n’a pas été ratifié par le Liban. La Chambre d’appel relève que le Conseil de sécurité a agi de manière similaire en d’autres occasions.

La Chambre d’appel dit également que la Chambre de première instance a affirmé, à bon droit, qu’elle n’avait pas compétence pour réexaminer une résolution du Conseil de sécurité, mais M. le juge Baragwanath joint une opinion dissidente. La majorité considère que le Conseil de sécurité jouit d’un pouvoir discrétionnaire étendu pour qualifier une situation spécifique de menace à la paix et à la sécurité internationales et que le Tribunal ne peut procéder au réexamen judiciaire des actes du Conseil de sécurité. Cette conclusion est également motivée par la difficulté que pose la définition de critères explicites applicables à un tel réexamen en l’absence de critère juridique à cet effet. En outre, les décisions du Conseil de sécurité sont déterminées par pléthore de considérations complexes de nature juridique, politique et autres qu’il est difficile d’évaluer de l’extérieur. De façon similaire, une fois que le Conseil de sécurité a constaté l’existence d’une menace à la paix et à la sécurité internationales en application de l’article 39 de la Charte, il jouit d’un pouvoir discrétionnaire pour déterminer quelles mesures prévues par les articles 41 et 42 de la Charte sont nécessaires au maintien ou à la restauration de la paix et de la sécurité internationales.

Par conséquent, la Chambre d’appel rejette tous les autres arguments de la Défense. MM. les juges Baragwanath et Riachy conviennent que les appels doivent être rejetés, mais avancent des motifs complémentaires à cet effet.

Page 302: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

302

Légalité et compétence CA

inTROducTiOn

1. Les conseils de la défense de MM. Ayyash2, Badreddine3 et Oneissi4, font appel de la « Décision relative aux contestations par la Défense de la compétence et de la légalité du Tribunal »5 rendue par la Chambre de première instance. Ils font essentiellement valoir que le Tribunal a été établi illégalement et qu’il n’a pas compétence pour juger les accusés6. À l’issue de la phase de dépôt des mémoires7, la Chambre d’appel a tenu une audience le 1er octobre 20128.

2. La Chambre d’appel conclut à l’unanimité que les appels doivent être rejetés. Elle estime que les appels présentés par les conseils de MM. Badreddine et Oneissi sont recevables. Elle dit, les juges Baragwanath et Riachy émettant une opinion dissidente, que l’appel interjeté par M. Ayyash est irrecevable. Elle réaffirme la décision de la Chambre de première instance, selon laquelle ce Tribunal a été institué légalement par la Résolution 1757 du Conseil de sécurité (2007). Elle convient en

2 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/AC/AR90.1, Interlocutory Appeal on Behalf of Mr. Ayyash Against the Trial Chamber’s “Decision on the Defence Challenges to the Jurisdiction and Legality of the Tribunal” Dated 30 July, 24 août 2012 (« Appel Ayyash »). Sauf mention contraire, les références aux documents et décisions cités ci-après se rapportent à cette affaire.

3 Mémoire d’appel de la Défense de M. Badreddine à l’encontre de la « Décision relative aux contestations par la Défense de la compétence et de la légalité du Tribunal », 24 août 2012 (« Appel Badreddine »).

4 Mémoire en appel de la Défense de M. Oneissi sur la « Décision de la Chambre de première instance relative aux contestations par la Défense de la compétence et de la légalité du Tribunal », 24 août 2012 (« Appel Oneissi »).

5 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/TC, Décision relative aux contestations par la Défense de la compétence et de la légalité du Tribunal, 27 juillet 2012 (« Décision attaquée).

6 Appel Ayyash ; Appel Badreddine, par. 114 ; Appel Oneissi, par. 58 à 60.

7 Prosecution Consolidated Response to Ayyash, Badreddine and Oneissi Defence Appeals of the Trial Chamber’s « Decision on the Defence Challenges to the Jurisdiction and Legality of the Tribunal », 14 septembre 2012 (« Réponse globale du Procureur ») ; Observations of the Legal Representative of Victims on the Interlocutory Appeal Briefs and Responses to the Trial Chamber’s Decision on the Defence Challenges to the Jurisdiction and Legality of the Tribunal, 19 septembre 2012 (« Observations des représentants légaux des victimes ») ; Réplique de la Défense de M. Badreddine à “Prosecution Consolidated Response to Ayyash, Badreddine and Oneissi Defence Appeals of the Trial Chamber’s ‘ Decision on the Defence Challenges to the Jurisdiction and Legality of the Tribunal ’”, 19 septembre 2012 (« Réplique Badreddine »).

8 Ordonnance portant calendrier relative aux appels interlocutoires, 27 août 2012 ; voir aussi Décision relative à la requête de la Défense de Badreddine aux fins d’obtention du droit de plaider pour le professeur Maison, 20 septembre 2012 (rejetant la requête) ; Ordonnance portant calendrier relative à l’audience en appel, 20 septembre 2012 (établissant un calendrier et invitant les parties à répondre à un certain nombre de questions précises).

Page 303: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

303

Légalité et compétence CA

outre, le juge Baragwanath émettant une opinion dissidente, qu’elle n’est pas habilitée à procéder au réexamen judiciaire des actions du Conseil de sécurité concernant cette Résolution, et rejette par conséquent tous les autres arguments de la Défense.

ARGuMenTs des pARTies

3. Les conseils des trois appelants soutiennent que leurs appels ont été valablement déposés devant la Chambre d’appel9 et demandent à celle-ci d’infirmer la décision attaquée pour un certain nombre de raisons.

4. Les conseils de M. Ayyash avancent que la Chambre de première instance a commis une erreur en concluant que la Résolution 1757 du Conseil de sécurité constitue la « seule base juridique » à la création du TSL et en refusant d’examiner les arguments relatifs à des violations de la Constitution libanaise10. Ils ajoutent que ladite Chambre a commis une erreur de droit en s’abstenant de procéder à un examen de la Résolution 1757 du Conseil de sécurité11. Ils estiment qu’elle s’est également fourvoyée en rejetant l’argument selon lequel le Tribunal n’avait pas été valablement établi, car sa compétence est excessivement étroite et sélective12.

5. Les conseils de M. Badreddine avancent que le Tribunal doit réexaminer la légalité de sa création. Selon eux, par conséquent, la Décision attaquée se contredit dans la mesure où elle accepte en principe de réexaminer la question de la légalité, mais rejette ensuite tout examen des actions du Conseil de sécurité13. Ils arguent que le Conseil de Sécurité n’est pas « souverain », et que le Tribunal a le pouvoir de réexaminer les résolutions du Conseil de sécurité dans une question incidente14. Ils déclarent qu’en adoptant la Résolution 1757, le Conseil de sécurité a commis un détournement des pouvoirs que lui confère la Charte des Nations Unies. Ils

9 Appel Ayyash, par. 7 à 11. Appel Badreddine, par. 10 à 33 ; Appel Oneissi, par. 4 à 22, 56.

10 Appel Ayyash, par. 12 à 19.

11 Ibid. par. 20 à 23.

12 Ibid. par. 24 et 25.

13 Appel Badreddine, par. 34 à 50.

14 Ibid. par. 51 à 65 ; voir aussi Réplique Badreddine par. 11.

Page 304: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

304

Légalité et compétence CA

soutiennent que la Résolution 1757 est par conséquent viciée et que le Tribunal a été créé de manière illégale15.

6. Les conseils de M. Oneissi estiment que la Chambre de première instance a commis une erreur en refusant d’examiner la question de la légalité de l’existence du Tribunal en tant qu’exception préjudicielle d’incompétence16 et en concluant qu’il avait été établi par la loi17. Ils affirment, en particulier, que ladite chambre aurait du examiner si la Résolution 1757 du Conseil de Sécurité était en conformité avec le droit international18. Ils font valoir que la Résolution a été adoptée en vue d’imposer les dispositions d’un traité que le Liban n’avait pas ratifié19 et que ceci constitue un détournement de pouvoir de la part du Conseil de Sécurité20.

7. Le Procureur répond qu’il convient de rejeter les appels21. Il avance qu’aucun appel ne peut être interjeté de droit de la Décision attaquée, et que seuls les appels certifiés présentés par les conseils de M. Oneissi et de M. Badreddine ont été valablement déposés devant la Chambre d’appel22. Sur le fond, le Procureur estime que la Chambre de première instance a eu raison 1) de conclure que les « contestations de la légalité » n’étaient pas des exceptions préjudicielles d’incompétence23, 2) d’établir que la Résolution 1757 du Conseil de Sécurité constituait le fondement juridique de la création du Tribunal24 et 3) de conclure qu’elle n’était pas investie du pouvoir d’examiner la validité de cette résolution25.

15 Appel Badreddine, par. 66 à 113.

16 Appel Oneissi, par. 4 à 22.

17 Ibid. par. 23 à 29.

18 Ibid. par. 30.

19 Ibid. par. 43.

20 Ibid. par. 43.

21 Réponse consolidée du Procureur, par. 4.

22 Ibidem, par. 5 à 8.

23 Ibid. par. 16 à 31.

24 Ibid. par. 32 à 38.

25 Ibid. par. 39 à 85.

Page 305: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

305

Légalité et compétence CA

8. Pour les représentants légaux des victimes, la Chambre d’appel devrait examiner en détail la question de la légalité du Tribunal en se penchant sur l’interprétation actuelle du droit de la Charte et en analysant la pratique du Conseil de sécurité en matière de lutte antiterroriste afin de replacer la Résolution 1757 dans son contexte26. Ils affirment que le Conseil de Sécurité est uniquement tenu de respecter certaines limites de fond et de structure inscrites dans la Charte, qu’il dispose d’une grande latitude au titre du Chapitre VII, et que la Résolution 1757 est conforme au droit et en parfait accord avec la pratique du Conseil27.

cRiTÈRes d’eXAMen en Appel

9. Aux termes de l’article 26 du Statut et de l’article 176 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), un recours en appel peut être introduit en raison d’une « erreur sur un point de droit qui invalide la décision » ou « d’une erreur de fait qui a entraîné un déni de justice ». Les conseils de la Défense soutiennent que la Chambre de première instance a commis plusieurs erreurs dans la Décision attaquée, et que toutes sont des erreurs de droit.

10. D’autres juridictions internationales ont dégagé des principes concis et convaincants pour l’examen en appel de ce type d’erreur28. La Chambre d’appel retient, en particulier, le critère suivant adopté par la Chambre d’appel du TPIY :

« [TRADUCTION] [l]a partie qui allègue une erreur de droit doit identifier l’erreur alléguée, présenter des arguments étayant sa prétention et expliquer en quoi l’erreur invalide la décision. Une allégation d’erreur de droit qui n’a aucune chance de modifier une décision contestée peut être rejetée pour ce motif. Toutefois, même si les arguments de la partie sont insuffisants pour étayer ses prétentions, la Chambre d›appel peut conclure, pour d›autres motifs, qu›une erreur de droit a été commise. [...] La Chambre d›appel examine les

26 Observations des Représentants légaux des victimes, par. 3 à 8.

27 Ibidem, par. 9 à 20.

28 Les Statuts du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie (« TPIY ») et du Tribunal pénal pour le Rwanda (« TPIR ») énoncent, respectivement, les mêmes motifs pour l’introduction d’un recours en appel que celui du Tribunal spécial pour le Liban, voir art. 25 du Statut du TPIY, art. 24 du Statut du TPIR. Le Statut de la Cour pénale internationale (« CPI ») et celui du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (« TSSL ») prévoient des motifs similaires d’appel.

Page 306: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

306

Légalité et compétence CA

conclusions de droit de la Chambre de première instance afin d›établir si elles contiennent ou non des erreurs. »29

La Chambre d’appel relève que « toutes les erreurs de droit ne conduisent pas nécessairement à l’annulation ou à la révision d’une décision de la Chambre de première instance »30. Elle n’examinera donc que les erreurs de droit susceptibles d’invalider la décision de la Chambre de première instance31.

eXAMen

i. Recevabilité

11. Les trois appelants fondent leurs appels sur l’article 90 du Règlement32. Ils affirment que leurs contestations de la légalité de l’existence du Tribunal constituent des exceptions préjudicielles d’incompétence et relèvent de l’article 90 A) i)33. Les appels interjetés contre des décisions relatives à ces exceptions le sont de plein droit. Si les requêtes des appelants avaient la qualité d’exceptions préjudicielles au titre de l’article 90 B) i), leurs appels seraient alors recevables. Or, le Procureur soutient que ces appels sont irrecevables au motif que la Décision attaquée ne portait pas sur une exception préjudicielle d’incompétence, au sens de l’article 9034.

29 TPIY, Le Procureur c. D. Milošević, Affaire n° IT-98-29/1-A, Jugement, 12 novembre 2009 (« Arrêt Milošević ») par. 13 et 14 (avec références incluses à la jurisprudence établie par la Chambre d’appel du TPIY) ; voir aussi TPIR, Gatete c. Le Procureur, Affaire n° ICTR-00-61-A), Jugement, 9 octobre 2012, par. 8 (avec références incluses à la jurisprudence établie par la Chambre d’appel du TPIR) ; TSSL, Prosecutor v. Sesay et al., Affaire n° SCSL-04-15-A, Jugement, 26 octobre 2009, par. 31 ; CPI, Le Procureur c. Banda et al., affaire n° ICC-02/05-03/09 OA 2, Judgment on the Appeal of the Prosecutor Against the Decision of Trial Chamber IV of 12 September 2011 entitled “ Reasons for the Order on translation of witness statements (ICC-02/05-03/09-199) and Additional Instructions on Translation”, 17 février 2012, par. 20.

30 TPIY, Le Procureur c/ Kunarac et consorts, Affaire n° IT9623 & IT9623/1A, Arrêt, 12 juin 2002, par. 38.

31 La Chambre d’appel observe qu’elle peut aussi, dans des circonstances exceptionnelles, statuer sur des questions juridiques qui n’entraîneraient pas l’invalidation d’une décision prise en première instance mais ont néanmoins une portée générale importante pour la jurisprudence du Tribunal, voir Arrêt Milošević, par. 12.

32 Appel Badreddine, par. 11 ; Appel Ayyash, par. 11 ; Appel Oneissi, par. 10 ; The Defence for Mr. Hussein Hassan Oneissi Request for Extension of the Time and Word Limit to File an Appeal to the “Decision on the Defence Challenges to the Jurisdiction and Legality of the Tribunal”, 1er août 2012, par. 2 et 3.

33 Appel Badreddine, par. 15 à 23. Appel Ayyash, par. 9.

34 Réponse globale du Procureur, par. 5.

Page 307: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

307

Légalité et compétence CA

12. L’article 90 A) définit de manière exhaustive35 un certain nombre d’exceptions préjudicielles qui doivent être présentées par écrit et dans un délai maximum de trente jours à compter de la communication des pièces justificatives étayant l’acte d’accusation. L’article 90 A) i) dresse la liste de ces exceptions, parmi lesquelles figurent les « exceptions d’incompétence ». L’article 90 E) définit l’exception d’incompétence en ces termes :

Aux fins du paragraphe A) i) et du paragraphe B) i), l’exception d’incompétence vise exclusivement une requête qui conteste un acte d’accusation, au motif qu’il ne se rapporte pas à la compétence matérielle, temporelle ou territoriale du Tribunal, notamment qu’il ne se rapporte pas à l’attentat commis contre Rafic Hariri ou à un attentat de nature et de gravité similaires qui présente un lien de connexité avec lui, conformément aux principes de la justice pénale.

13. Les appellants contestent la légalité de l’existence du Tribunal. Cependant, ils ne contestent l’acte d’accusation sur aucun des motifs énumérés à l’article 90 E). La Chambre de première instance a donc conclu que ces exceptions ne constituaient pas « des exceptions d’incompétence – telles qu’elles sont exclusivement et correctement définies dans [l’]article 90 […] »36 et « n’entrent donc pas dans la définition d’une “exception préjudicielle” au sens de l’article 90 A) »37. La Chambre d’appel accepte cette conclusion et n’est pas convaincue par les arguments que lui oppose la Défense38. Les juges Baragwanath et Riachy sont en désaccord avec la partie de l’opinion de la Chambre d’appel exposée ci-dessous39.

35 « Les exceptions préjudicielles, à savoir [...] » [non souligné dans l’original]. Contrairement aux observations du conseil de Badreddine lors de l’audience en appel (compte rendu en anglais de l’audience en appel, 1er

octobre 2012 (l’« Audience en appel »), p. 160, les articles 89 F), G) et H) ne viennent pas étayer une définition plus large du terme « exception préjudicielle ». Ils disent uniquement que le Juge de la mise en état peut fixer des délais spécifiques pour le dépôt de ces requêtes, autres que la limite de 30 jours prévue par l’article 90 A). C’est ce qui s’est produit en l’espèce, lorsque le Juge de la mise en état a fixé au 4 mai 2012 la date butoir pour le dépôt des exceptions préjudicielles d’incompétence, en fondant explicitement sa décision sur l›article 89 F), voir TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, compte-rendu de la Conférence de mise en état, 12 avril 2012 (la « Conférence de mise en état »), p. 47.

36 Décision attaquée, par. 37.

37 Ibidem, par. 38.

38 Voir Appel Badreddine, par. 15 à 23 ; voir aussi Appel Ayyash, par. 10.

39 Ci-dessous, par. 14 à 22.

Page 308: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

308

Légalité et compétence CA

14. Il est vrai que dans l’affaire Tadić portée devant le TPIY et sur laquelle s’appuient les appelants, la Chambre d’appel a dit qu’une exception d’incompétence pouvait également recouvrir une contestation, beaucoup plus large, de la légalité de l’existence du Tribunal40. Toutefois, l’interprétation large du terme de « compétence » était possible parce que, à l’époque, le Règlement de procédure et de preuve du TPIY ne la définissait pas41. Une fois que le terme a été défini de façon stricte dans une modification du Règlement du TPIY, s’apparentant à l’article 90 E)42, la Chambre d’appel du TPIY a rejeté toutes les contestations qui n’entraient pas dans cette définition43. De même, alors que dans l’affaire Kanyabashi, une Chambre de première instance du TPIR avait qualifié une requête contestant la légalité d’« objection fondée sur la compétence »44, dans l’affaire Nzirorera , une formation de trois membres de la Chambre d’appel du TPIR45 a rejeté ces griefs suite à une modification du Règlement qui définissait strictement la notion de « compétence » 46.

15. Les conseils de M. Badreddine font valoir en substance qu’il convient d’ignorer la jurisprudence du TPIY et du TPIR ultérieure à la formulation plus restrictive des dispositions de son Règlement, dans la mesure où ces articles n’ont été modifiés

40 TPIY, Le Procureur c/ Tadić, IT-94-1-AR72, Arrêt relatif à l’appel de la Défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995 (« Arrêt Tadić »), par. 6.

41 Voir l’article 73 du Règlement de procédure et de preuve alors en vigueur (IT/32/Rev.5, 15 juin 1995) qui dispose que « [l]es exceptions préjudicielles soulevées par l’accusé sont : (i) l’exception d’incompétence […] ».

42 Voir l’article 72 D) du RPP du TPIY.

43 Voir TPIY, Le Procureur c/ Tolimir, affaire n° IT-05-88/2-AR72.2, Decision on Zdravko Tolimir’s Appeal Against the Decision on Submissions of the Accused Concerning Legality of Arrest, 12 mars 2009 (« Décision Tolimir en appel »), par. 11 et 12, avec références incluses dans la note 23 ; voir aussi TPIY, Le Procureur c/ Karadžič, Affaire n° IT-95-5/18-T, Decision on the Accused’s Motion Challenging the Legal Validity and Legitimacy of the Tribunal, 7 décembre 2009, par. 8.

44 TPIR, Le Procureur c. Kanyabashi, Affaire n° ICTR-96-15-T, Décision sur l’exception d’incompétence de la Défense, 18 juin 1997 (« Décision Kanyabashi »), par. 4 à 6. L’article 73 du Règlement de procédure et de preuve du TPIR alors en vigueur (5 juillet 1996) disposait simplement : « [l]es exceptions préjudicielles soulevées par l’accusé sont : (i) l’exception d’incompétence […] ».

45 Selon les dispositions alors en vigueur, la partie qui souhaitait faire appel d’une décision rendue par une Chambre de première instance pour défaut de compétence devait d’abord en demander l’autorisation à une formation de trois juges de la Chambre d’appel, qui devait déterminer si l’appel entrait dans la définition de la compétence prévue par le Règlement.

46 TPIR, Nzirorera c. Le Procureur, Affaire n° ICTR-98-44-AR72, Decision Pursuant to Rule 72(E) of the Rules of Procedure and Evidence on Validity of Appeal of Joseph Nzirorera Regarding Chapter VII of the Charter of the United Nations, 10 juin 2004, par. 9 et 10 ; voir l’article 72 D) du RPP du TPIR.

Page 309: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

309

Légalité et compétence CA

que postérieurement au dépôt des requêtes contestant la légalité du Tribunal47. Cet argument, cependant, ne prévaut pas sur la formulation explicite de l’article 90 E). Les requêtes contestant la légalité du Tribunal ne relèvent tout simplement pas de l’article 90 A) ; les appelants ne peuvent donc faire appel de plein droit de la Décision attaquée au titre de l’article 90 B).

16. Outre l’article 90, la Défense invoque l’argument selon lequel le concept de compétence du Tribunal est fondamentalement indissociable de sa légalité. Elle soutient que si une requête contestant la compétence du Tribunal sur les motifs restrictifs prévus à l’article 90 E) est recevable, ceci devrait a fortiori s’appliquer à la question primordiale de la légalité de l’existence du Tribunal48. Les appelants renvoient à la décision rendue en l’affaire El Sayed, dans laquelle la Chambre d’appel a dit que le Tribunal jouissait du pouvoir inhérent de statuer sur sa propre compétence49. Mais cette décision doit être replacée dans son contexte. Elle s’appliquait à une situation exceptionnelle, celle de savoir si le Tribunal avait compétence pour répondre à une demande individuelle de documents figurant dans un dossier pénal, dans une affaire dont le Tribunal était déjà saisi et dans laquelle le demandeur ne figurait ni en tant qu’accusé ni en tant que suspect50. À ce titre, elle ne concernait pas le pouvoir du Tribunal de se prononcer sur sa propre légalité, mais se limitait à la question de savoir si le Tribunal pouvait « élargir sa compétence aux questions juridiques incidentes découlant directement de questions dont le Tribunal [était] saisi en rapport avec l’affaire relevant de sa compétence principale »51. Sur la notion de compétence inhérente, la Chambre d’appel a clairement énoncé que celle-ci « ne peut [...] exister que si la compétence principale du tribunal peut être pleinement exercée (comme dans le cas de la compétence de la compétence) »52.

47 Appel Badreddine, par. 21 et 22.

48 Appel Ayyash, par. 9 à 11. conseil de Badreddine, Audience en appel, p. 155 à 158.

49 TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2010/02, Décision en appel concernant l’ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice (« Décision El Sayed »), 10 novembre 2010, par. 43.

50 Ibid. par. 38.

51 Ibid., par. 45.

52 Ibid. par. 48.

Page 310: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

310

Légalité et compétence CA

17. De même, la présente chambre a décrit son pouvoir d’entendre des appels non prévus par le Règlement comme exceptionnel et limité aux cas où s’est présentée « une situation non prévue par le Règlement »53. Mais la question présente n’est pas de celles que les rédacteurs du Règlement ne pouvaient pas anticiper. Au contraire, l’article 90 a été rédigé en des termes spécifiques et précis. En conséquence, aucun appel ne peut être entendu. La jurisprudence des juridictions tant nationales54 qu’internationales55 montre qu’elles s’abstiennent en outre de recourir à cette pratique.

18. En somme, les appels ne sont pas recevables au titre de l’article 90 ou en vertu de la notion de compétence inhérente. Néanmoins, les conseils de MM. Badreddine et Oneissi ont sollicité et obtenu de la Chambre de première instance la certification

53 Ibid. par. 54.

54 Voir, par exemple, la déclaration de Lord Westbury dans la décision rendue par la Chambre des lords dans l’affaire Attorney-General v. Sillem et al. : « [TRADUCTION] La création d’un nouveau droit d’appel est manifestement un acte qui exige un pouvoir de légiférer. La cour qui transmet l’appel et celle qui en est saisie doivent toutes deux être liées, et cela doit résulter de l’acte d’une autorité supérieure. Il n’entre pas dans la compétence d’un des tribunaux ou des deux collectivement de créer un tel droit » (Royaume-Uni, Chambre des Lords, 6 avril 1864, 10 H. L. S Cas. 704 (1864)), p. 721.

55 Les chambres d’appel du TPIY, du TSSL et de la CPI ont toutes rejeté les appels déposés qui n’avaient pas été certifiés, ou les tentatives de faire appel des décisions de certification les concernant. Ainsi, la Chambre d’appel du TPIY a dit qu’il n’existait pas de droit d’appel contre une décision rejetant la modification de l’acte d’accusation car « [TRADUCTION] il n’y a pas de vide juridique dans le Règlement, justifiant que la Chambre d’appel examine cet appel de sa propre initiative » et « la Chambre d›appel n›a pas compétence inhérente pour intervenir dans une décision interlocutoire d›une Chambre de première instance, qui ne fait pas l›objet d›un droit d›appel et dont la certification a été refusée [...] sur la base d›une allégation de l›accusation selon laquelle la Chambre de première instance aurait abusé de son pouvoir discrétionnaire en refusant les modifications de l’Accusation » (TPIY, Le Procureur c. R. Delić, Affaire n° IT-04-83-Misc.1, Decision on Prosecution’s Appeal, 1er novembre 2006, p. 3). La Chambre d›appel du TSSL a conclu qu’elle « [TRADUCTION] pouvait recourir à sa compétence inhérente, dans le cadre de procédures dont elle est valablement saisie, lorsque le Règlement est muet et qu’un tel recours est nécessaire pour rendre la justice. La compétence inhérente ne peut être invoquée pour contourner une disposition explicite. Lorsque le Règlement prévoit une situation particulière, un Tribunal ne peut valablement exercer sa compétence inhérente pour substituer sa vision de ce qu’auraient dû être les dispositions concernées à ce qu’elles sont » (TSSL, Prosecutor v. Norman et al., Affaire n° SCSL-04-14-T, Decision on Prosecution Appeal Against the Trial Chamber’s Decision of 2 August 2004 Refusing Leave to File an Interlocutory Appeal, 17 janvier 2005, par. 32 et 41). La Chambre d’appel de la CPI a dit : « le Statut définit de façon exhaustive le droit de faire appel des décisions rendues par les cours jugeant en premier ressort, à savoir les décisions de la Chambre préliminaire et de la Chambre de première instance. Aucune lacune n’apparaît dans le Statut concernant le pouvoir invoqué dans le sens où les dispositions qui s’y rapportent ne donneraient pas effet à un objectif donné. Le vide juridique [...] n’existe pas ». (CPI, Situation en République démocratique du Congo, Arrêt relatif à la Requête du Procureur aux fins d’obtenir l’examen extraordinaire de la décision rendue le 31 mars 2006 par laquelle la Chambre préliminaire I rejetait une demande d’autorisation d’interjeter appel, 13 juillet, par. 39).

Page 311: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

311

Légalité et compétence CA

de l’appel envisagé contre la Décision attaquée, en vertu de l’article 126 C) du Règlement56. Pour que cet article soit applicable, les requêtes déposées devant la Chambre de première instance par les conseils de MM. Badreddine et Oneissi doivent être « autres que les exceptions préjudicielles »57. La Chambre d’appel a dit plus haut que les requêtes contestant la légalité n’étaient pas des exceptions d’incompétence aux termes de l’article 90 A) i). Elles n’appartiennent pas non plus aux trois autres catégories d’exceptions préjudicielles énoncées aux alinéas ii) à iv) de l’article 90 A). Ce ne sont donc pas des exceptions préjudicielles58. Aucune des autres exceptions prévues à l’article 126 A) ne s’applique. Il s’agit donc « d’autres requêtes » aux termes de cet article.

19. L’article 126 B) n’autorise une partie à saisir la Chambre de première instance d’une requête qu’« après l›attribution d›une affaire à la Chambre de première instance ». Nous avons établi précédemment qu›une Chambre de première instance est saisie d›une affaire dès lors que le Juge de la mise en état lui a transféré le dossier pénal en application de l›article 9559. L’affaire n’avait pas encore été attribuée à la Chambre de première instance à la date où les conseils de la défense ont déposé leur requête contestant la légalité devant elle. On pourrait donc arguer que la Chambre de première instance n›était pas autorisée à se prononcer sur les requêtes de la Défense. Toutefois, ces requêtes avaient d›abord été déposées en tant qu›exceptions préjudicielles d›incompétence en vertu de l›article 90. Une fois que la Chambre de première instance s›est trouvée saisie des requêtes de la Défense et a conclu à juste titre qu›il ne s›agissait pas d›exceptions préjudicielles, elle conservait la possibilité de les traiter en tant qu’« autres requêtes » en vertu de l›article 126 du Règlement60.

56 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/TC, Décision certifiant la décision relative aux contestations par la Défense de la compétence et de la légalité du Tribunal aux fins d’appel, 23 août 2012 (la « Décision de certification »), p. 2 et 3.

57 L’article 126 A) dispose : « Le présent article s’applique à toutes les requêtes autres que les exceptions préjudicielles, les requêtes relatives à la mise en liberté, et toute autre requête de laquelle il peut être interjeté appel, de plein droit, en vertu du Règlement ».

58 Voir ci-dessus note 35.

59 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/AC, Décision relative à la requête du Juge de la mise en état en application de l’Article 68 G), 29 mars 2012, par. 19.

60 Voir Décision Karadžić, par. 10 ; TPIY, Le Procureur c. Karadžić, Affaire n° IT-95-5/18-T, Décision relative à la demande concernant l’accord Holbrooke, présentée par l’accusé, 8 juillet 2009, par. 43 ; TPIY, Le Procureur

Page 312: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

312

Légalité et compétence CA

Il en est ainsi bien que la Chambre de première instance n’ait pas encore été saisie de l’affaire.

20. La Chambre d’appel relève que le critère d’« attribution » n’est pas absolu puisqu’il existe des situations où la Chambre de première instance peut régler certaines questions avant la transmission du dossier de l’affaire. C’est le cas, par exemple, des exceptions d’incompétence relevant de l’article 90. Une autre illustration en est le pouvoir du Juge de la mise en état de renvoyer à la Chambre de première instance, en vertu de l’article 89 E), certains points en litige. En l’espèce, le Juge de la mise en état a renvoyé les requêtes de la Défense à la Chambre de première instance en vertu de l’article 90 du Règlement61. Mais il aurait pu le faire en application de l’article 89 E). À la lumière de ce qui précède, si la Chambre d’appel avait mis l’accent sur la transmission du dossier de l’affaire, c’est-à-dire son « attribution » avant le dépôt des requêtes, un retard considérable en serait résulté car les appelants auraient pu simplement déposer de nouveau leurs requêtes après l’attribution de l’espèce. Or, l’article 21 1) du Statut commande au Tribunal de « prendre des mesures strictes pour éviter toute action qui entraînerait un retard non justifié ». L’examen de cette question par la Chambre de première instance a donc permis d’éviter de retarder davantage la procédure.

21. Dans ce cadre, la Chambre d’appel souligne en outre que les contestations de la légalité du Tribunal par la Défense sont des questions importantes. Elles sont plus fondamentales en réalité qu’une exception d’incompétence du Tribunal aux termes de la définition de l’article 90 E) car elles visent à rendre nulle la Résolution 1757 du Conseil de sécurité et, en dernier ressort, à invalider l’existence même du Tribunal. Enfin, d’un point de vue pratique, il n’était pas nécessaire que la Chambre de première instance soit en possession du dossier de l’affaire avant d’admettre les requêtes de la Défense, lesquelles ne se rapportaient pas aux éléments précis de l’affaire en soi mais à la question générale de la légalité du Tribunal.

c. Dragan Nikolić, Affaire n° IT-94-2-AR72, Décision relative à l’acte d’appel, 9 juillet 2003. p. 2 ; voir aussi Décision Tolimir en appel, par. 13. La présente Chambre observe que, dans la Décision attaquée, la Chambre de première instance n’a pas précisé sur quelle disposition du Règlement elle avait appuyé sa décision pour répondre aux requêtes de la Défense. Néanmoins, dans la Décision de certification, la Chambre de première instance mentionne l’article 126 C) à l’appui de la certification, voir Décision de certification, par. 5 et 6.

61 Voir Conférence de mise en état, p. 47.

Page 313: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

313

Légalité et compétence CA

22. Pour ces raisons, dès lors qu’elle était saisie des requêtes au titre de l’article 90 et même après les avoir rejetées en vertu de ce même article, la Chambre de première instance était investie du pouvoir de qualifier les requêtes contestant la légalité du Tribunal d’« autres requêtes » en vertu de l’article 126 et de les certifier en vue d’une procédure en appel. Les appels formés par les conseils de MM. Badreddine et Oneissi ont donc été valablement déposés devant la Chambre d’appel.

23. Les conseils de M. Ayyash n’ont pas demandé la certification de la décision, ainsi qu’il est requis pour un appel interlocutoire de décisions aux termes de l’article 126 du Règlement. Par conséquent, leur appel est irrecevable. Il ne résulte aucun préjudice de ce fait. D’une part, les conseils de M. Ayyash ont choisi sciemment de ne pas demander de certification auprès de la Chambre de première instance62. Puisque, selon eux, l’appel était fondé sur l’article 90, ils auraient dû envisager que cette position pouvait être rejetée par la Chambre d’appel. De fait, les conseils de M. Ayyash ont été informés que le Procureur s’opposait au dépôt des appels de la Défense au titre de l’article 90 lorsque cette dernière a sollicité une prorogation de délai auprès de la Chambre d’appel63. Dans la décision relative à cette demande, la Chambre d’appel a explicitement dit qu’il lui incomberait « de déterminer si ce fondement est correct ou non, lorsque les conseils auront présenté leurs arguments de fond64 ». Suite à la décision de la Chambre d›appel, les conseils de MM. Badreddine et Oneissi ont déposé une demande de certification65. Nous constatons en outre que M. Ayyash n’est nullement lésé en l’occurence. Les arguments de ses conseils ont

62 Voir Audience en appel, p. 42.

63 Voir Prosecution Consolidated Response to the Badreddine Defence and Oneissi Defence Requests for Extensions of Time and Page Limits for Filing Appeals to the Trial Chamber “Decision on the Defence Challenges to the Jurisdiction and Legality of the Tribunal”, 2 août 2012, par. 5.

64 Arrêt relatif à la requête de la défense aux fins d’augmentation du nombre de mots autorisés et de prorogation du délai, 6 août 2012, par. 12.

65 Voir TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01-PT/TC, Requête de la Défense de M. Badreddine aux fins de certification de l’appel de la « Decision on the Defence Challenges to the Jurisdiction and Legality of the Tribunal », 8 août 2012, par. 2 (« Toutefois, à titre conservatoire et à toutes fins utiles, [la Défense] saisit par la présente la Chambre de céans aux fins de certification d’appel au cas où la Chambre d’appel considérerait que cet appel relèverait du régime de la certification »).

Page 314: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

314

Légalité et compétence CA

également été soulevés par les deux autres appelants. Si leurs appels aboutissaient, les effets d’une telle décision s’appliqueraient également à lui66.

ii. la chambre de première instance a-t-elle commis une erreur en concluant que le Tribunal avait été créé par la Résolution 1757 du conseil de sécurité ?

24. La Chambre de première instance a conclu que « la Résolution 1757 du Conseil de sécurité constitu[ait] le seul fondement juridique du Tribunal »67. Elle a dit qu’il était « inutile d’examiner les questions qui, dans les requêtes de la Défense, allèguent une violation du droit national libanais (Constitution comprise) en rapport avec la question du fondement du Tribunal »68. Si le conseil de M. Badreddine « adhère à la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle le Tribunal a été créé par la Résolution69 », le conseil de M. Oneissi conteste la démarche de la Chambre de première instance. Il soutient « [qu’] une résolution du Conseil de sécurité ayant pour objet de faire entrer en vigueur un traité ne saurait avoir eu pour effet d’atteindre le but recherché, dès lors qu’elle ne possède pas ce pouvoir juridique »70. Selon lui, la Résolution 1757 du Conseil de sécurité ne pouvait mettre en œuvre ce traité de manière unilatérale et en violation de la souveraineté libanaise71. Le Procureur répond que la Chambre de première instance n’a pas commis d’erreur72.

25. Il est indéniable qu’à l’origine, le Gouvernement libanais et les Nations Unies sont convenus d’entamer des négociations afin de créer un Tribunal international73. Un projet d’accord a ensuite été négocié et signé par les deux parties mais n’a pas

66 C’était également la position du Procureur dans l’audience en appel, voir Audience en appel, p. 113 et 114.

67 Décision attaquée, par. 46 ;

68 Ibidem, par. 50.

69 Appel Badreddine, par. 66.

70 Appel Oneissi, par. 46 ; voir aussi par. 45.

71 Appel Oneissi, par. 43 à 45.

72 Réponse consolidée du Procureur, par. 32 à 38.

73 Voir aussi S/RES/1664 (2006) (priant le Secrétaire général de « négocier avec le Gouvernement libanais un accord visant la création d’un Tribunal international […] ») ; voir aussi le Rapport du Secrétaire général sur la création d’un Tribunal spécial pour le Liban, S/2006/893 (2006), par. 2 à 5.

Page 315: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

315

Légalité et compétence CA

été ratifié par le Liban. Or, la ratification constitue un préalable à l’entrée en vigueur d’accords contraignants pour le Liban. Dans cette situation, le Conseil de sécurité a adopté la Résolution 1757 le 30 mai 2007. La Résolution prévoit :

Le Conseil de sécurité, [...]

1. Décide, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

a. Que les dispositions du document figurant en annexe, y compris sa pièce jointe, relatives à la création d’un Tribunal spécial pour le Liban, entreront en vigueur le 10 juin 2007, à moins que le Gouvernement libanais n’ait présenté avant cette date une notification en vertu du paragraphe 1 de l’article 19 dudit document [...]

26. Le Liban avait donc la possibilité de ratifier le projet d’accord. À défaut, le Conseil de sécurité établirait le Tribunal sans le consentement explicite du Liban. Le Liban n’ayant pas ratifié le projet d’accord, ses dispositions sont entrées en vigueur en vertu des pouvoirs conférés au Conseil de sécurité aux termes du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. La Chambre de première instance a eu raison de signaler cette différence et de dire que les dispositions « tirent leur force contraignante de leur incorporation dans la Résolution adoptée en vertu du Chapitre VII », plutôt que de l’entrée en vigueur d’un accord entre le Liban et les Nations Unies74.

27. Les conseils soutiennent que le Tribunal a été créé par un « accord » qui a été adopté grâce au pouvoir coercitif du Conseil de sécurité. Autrement dit, ils laissent entendre que le Conseil de sécurité à unilatéralement fait « entrer en vigueur » le projet d’accord75. Cette affirmation ne repose sur aucun fondement factuel ou juridique. La Résolution 1757 a été formulée avec soin. Elle ne mentionne pas l’entrée en vigueur de « l’accord » mais renvoie uniquement aux dispositions du « document en annexe » et de sa « pièce jointe ». Rien n’indique que le Conseil de sécurité envisageait de remplacer le consentement du Liban au projet d’accord par

74 Décision attaquée, par. 48 ; voir aussi par. 49.

75 Appel Oneissi, par. 43 et 44.

Page 316: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

316

Légalité et compétence CA

sa mise en œuvre unilatérale en tant qu’accord,76 plutôt que d’exercer ses pouvoirs en vertu du Chapitre VII.

28. Cette pratique – par laquelle le Conseil de sécurité décide de mettre en oeuvre les dispositions d’un accord plutôt que l’accord lui-même – n’est pas sans précédent. Dans sa Résolution 687 (1991) concernant le conflit entre l’Irak et le Koweït, le Conseil de sécurité a fait appliquer les dispositions d’un procès-verbal non contraignant, ayant l’accord des parties, mais non ratifié par l’Irak selon la procédure en place à l’époque, relatif aux frontières entre les deux États. Le Conseil de sécurité n’a pas transformé le procès-verbal non contraignant en instrument contractuel ayant force obligatoire, mais s’est contenté d’imposer des conséquences juridiques contraignantes tirées de sa substance au titre des pouvoirs que lui conférent

76 Nous n’avons pas à déterminer si le Conseil de sécurité est en possession de tels pouvoirs. Nous constatons cependant qu’aux termes des instruments juridiques internationaux pertinents, dont la Convention de Vienne sur le droit des traités (23 mai 1969, 1155 U.N.T.S 331), pour être valable, la conclusion d’un accord requiert le consentement des deux parties (voir en particulier les articles 2 et 11).

Page 317: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

317

Légalité et compétence CA

le Chapitre VII77. Cette procédure a été suivie dans plusieurs autres cas78, en rapport notamment avec le terrorisme79.

29. L’argument selon lequel le terme « accord » a été maintenu dans l’annexe à la Résolution 1757 est également dépourvu de pertinence. Il s’agit là d’une simple conséquence des deux options offertes par la Résolution, l’une étant la ratification de l’Annexe signifiant ainsi l’accord du Liban, l’autre étant l’entrée en vigueur des dispositions de l’Annexe au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. L’important est la teneur de la Résolution 1757 du Conseil de sécurité, qui entendait faire entrer en vigueur les dispositions de l’Annexe, indépendamment d’écarts terminologiques mineurs.

77 Voir S/RES/687(1991) : Notant que l’Irak et le Koweït, en tant qu’États souverains indépendants, ont signé à Bagdad, le 4 octobre

1963, le « Procès-verbal d’accord entre l’État du Koweït et la République d’Irak concernant le rétablissement de relations amicales, la reconnaissance et des questions connexes » consacrant formellement la frontière entre l’Irak et le Koweït et l’attribution des îles, instrument enregistré par l’Organisation des Nations Unies en conformité avec l’Article 102 de la Charte des Nations Unies et dans lequel l’Iraq a reconnu l’indépendance et la pleine souveraineté de l’État du Koweït, délimité de la manière qui se trouve indiquée dans la lettre du Premier Ministre de l’Irak en date du 21 juillet 1932 et qui a été acceptée par le souverain du Koweït dans sa lettre du 10 août 1932.

[…] 2. Exige que l’Irak et le Koweït respectent l’inviolabilité de la frontière internationale et l’attribution des

îles fixées dans le « Procès-verbal d’accord entre l’État du Koweït et la République d’Irak concernant le rétablissement de relations amicales, la reconnaissance et des questions connexes », signé à Bagdad le 4 octobre 1963 par les deux pays dans l’exercice de leur souveraineté et enregistré auprès de l’Organisation des États-Unis et publié dans le document 7063 du Recueil des traités de l’ONU, année 1964 ;

3. Prie le Secrétaire général de prêter son concours afin que des dispositions puissent être prises avec l’Irak et le Koweït pour procéder à la démarcation de la frontière entre les deux États en s’inspirant de la documentation appropriée, y compris les cartes accompagnant la lettre, en date du 28 mars 1991, qui lui a été adressée par le représentant permanent du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord auprès de l’Organisation des Nations Unies et de lui rendre compte dans le délai d’un mois ;

4. Décide de garantir l’inviolabilité de la frontière internationale susmentionnée et de prendre, selon qu’il conviendra, toutes les mesures nécessaires à cette fin conformément à la Charte des Nations Unies ;

78 S/RES/1874 (2009)(incorporant dans le texte de la résolution diverses obligations des parties au Traité de non-prolifération et les imposant à la République démocratique populaire de Corée, qui s’était auparavant retirée de ce traité) ; S/RES/1 284 (1999) (modifiant le contenu d’un traité existant entre les Nations Unies et l’Irak, imposant unilatéralement de nouvelles dispositions à l’Irak) ; S/RES/748 (1992) (infirmant une disposition de la Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, signée à Montréal en 1971, par l’injonction faite à la Libye d›extrader certains individus vers les États-Unis d’Amérique ou le Royaume-Uni).

79 S/RES/1373(2001), imposant à tous les États, y compris ceux qui ne l’avaient pas ratifiée, des obligations générées par le texte de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (9 décembre 1999, 2178 U.N.T.S. 197) ; voir aussi le Document de l’ONU A/56/PV.,17, 3 octobre 2001, p. 6.

Page 318: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

318

Légalité et compétence CA

30. La Chambre d’appel ajoute en outre que la décision unilatérale du Conseil de sécurité de créer le Tribunal ne doit pas occulter le fait que le Liban, en tant que membre fondateur des Nations Unies, a participé à la rédaction de la Charte et, en donnant son accord, a consenti à être lié par les décisions du Chapitre VII, en application de l’article 2580. Elle rappelle par ailleurs, comme l’a souligné la Chambre de première instance, que le Gouvernement libanais a demandé la création du Tribunal, coopère avec lui et remplit un certain nombre d’obligations découlant du Statut du Tribunal ainsi que de la Résolution 175781.

31. En résumé, le Tribunal n’a pas été établi par un accord international mais par la Résolution 1757, adoptée par le Conseil de sécurité, en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. La Chambre rejette donc les arguments de la Défense selon lesquels la Chambre de première instance a commis une erreur à cet égard et juge sans valeur les autres arguments selon lesquels la Chambre de première instance s’est fourvoyée en n’examinant pas les violations alléguées de la Constitution libanaise82.

III. la chambre de première instance a-t-elle commis une erreur en con-cluantqu’ellen’étaitpashabilitéeàréexaminerlarésolution1757du conseil de sécurité ?

32. La Chambre de première instance a conclu que le Tribunal « n›est […] investi d›aucun pouvoir de réexamen des actes du Conseil de sécurité »83. Par conséquent, elle a rejeté le réexamen judiciaire des « actes pris par le Conseil de sécurité dans le cadre de son adoption de la résolution 1757 »84. Les conseils des appelants

80 L’article 25 de la Charte dispose : « Les Membres de l›Organisation conviennent d›accepter et d›appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte » ; voir aussi les Observations des représentants légaux des victimes, par. 10.

81 Décision attaquée, par. 7 à 10 et 14.

82 Appel Oneissi, par. 31.

83 Décision attaquée, par. 55.

84 Id. par. 55.

Page 319: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

319

Légalité et compétence CA

allèguent que, ce faisant, elle a commis une erreur85. Ils soutiennent que le recours au chapitre VII par le Conseil de sécurité constitue un détournement de pouvoir ; que ce recours est injustifié parce qu’il n’existait aucune menace contre la paix et la sécurité internationales ; que la création du Tribunal est une mesure inappropriée ; qu’en conséquence, il a été créé illégalement ; et que les poursuites engagées contre les appelants sont nulles et non avenues86. Le Procureur répond que la Chambre de première instance n’a commis aucune erreur à cet égard87.

33. Le Conseil de sécurité est l’un des organes principaux des Nations Unies88. Tous les membres des Nations Unies « confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales »89. Lorsqu’il s’acquitte de cette importante fonction, « le Conseil de sécurité agit conformément aux buts et principes des Nations Unies »90. Les États Membres sont tenus d’appliquer ses décisions91. Les chapitres VI, VII, VIII et XII définissent les pouvoirs spécifiques du Conseil de sécurité. Les articles en lien avec les observations des conseils des appelants sont les articles 39 et 41 de la Charte :

Article 39

Le Conseil de sécurité constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.

Article 41

Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses

85 Appel de M. Badreddine, par. 7 et 8, 45 à 76, 114 ; Appel de M. Oneissi, par. 14 à 30.

86 Appel de M. Badreddine, par. 77 à 114; Appel de M. Oneissi, par. 52 et 59.

87 [TRADUCTION] Réponse consolidée du Procureur, par. 39 à 64 ; voir aussi Observations du représentant légal des victimes, par. 4.

88 Article 7 1) de la Charte des Nations Unies.

89 Article 24 1) de la Charte des Nations Unies.

90 Article 24 1) de la Charte des Nations Unies.

91 Article 25 de la Charte des Nations Unies.

Page 320: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

320

Légalité et compétence CA

décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l’interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques.

34. La résolution 1757 du Conseil de sécurité portant création du Tribunal a été adoptée en application de ces dispositions. La résolution a, en particulier, réaffirmé la conclusion du Conseil, déjà formulée dans d’autres résolutions92, selon laquelle « cet acte terroriste [l’attentat à l’explosif perpétré le 14 février 2005 qui a tué l’ancien Premier Ministre libanais Rafic Hariri et d’autres personnes] et ses incidences constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales »93. La résolution indique explicitement dans le premier paragraphe de son dispositif que le Conseil de sécurité a agi « en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies »94. La résolution a été adoptée à la majorité de dix voix des membres du Conseil95. Cinq membres se sont abstenus96. Aucun membre n’a voté contre97.

35. Les conseils des appelants reconnaissent que la résolution satisfait à toutes les conditions de forme aux termes de la Charte des Nations Unies. C’est le réexamen judiciaire de la résolution qu’ils demandent en réalité à la Chambre de première instance. Celle-ci l’a souligné, « un tel réexamen consisterait à examiner et à déterminer si le Conseil de sécurité, comme le demande les requêtes de la Défense, a évalué correctement une menace à la paix et à la sécurité internationales en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, puis s’il a agi dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés en créant le Tribunal »98. Nous partageons l’avis

92 S/RES/1636 (2005) ; S/RES/1644(2005).

93 S/RES/1757 (2007), p. 2.

94 S/RES/1757 (2007), p. 2.

95 Belgique, Congo, États-Unis d’Amérique, France, Ghana, Italie, Panama, Pérou, Slovaquie, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, voir compte-rendu du Conseil de sécurité des Nations Unies, UN Doc. S/PV.5685 (2007).

96 Afrique du Sud, Chine, Fédération de Russie, Indonésie, Qatar, voir compte-rendu du Conseil de sécurité des Nations Unies, UN Doc. S/PV.5685 (2007).

97 Compte-rendu du Conseil de sécurité des Nations Unies, UN Doc. S/PV.5685 (2007), p. 5 et 6.

98 Décision attaquée, par. 54.

Page 321: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

321

Légalité et compétence CA

de la Chambre de première instance, le Juge Baragwanath émettant une opinion dissidente, selon lequel le Tribunal n’est pas habilité à procéder à un tel examen. Pour les raisons exposées ci-après, la détermination d’une menace à la paix et à la sécurité internationales par le Conseil de sécurité ne peut faire l’objet d’un réexamen judiciaire. Il en va de même pour les mesures que le Conseil de sécurité décide de prendre après avoir constaté une telle menace.

A. L’absence de pouvoir de réexamen

36. La Chambre de première instance a déclaré à bon droit que « [l]e Statut du Tribunal – adopté par le Conseil de sécurité – ne prévoit aucune source de pouvoir explicite habilitant le Tribunal à procéder au réexamen judiciaire des actes du Conseil de sécurité et à rendre une ordonnance contraignante ou à faire une déclaration ayant une portée juridique au regard de ses actes »99. De même, la Charte des Nations Unies est muette sur la possibilité d’un réexamen quelconque des décisions du Conseil de sécurité.

37. Aux termes du chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité dispose d’un large pouvoir discrétionnaire pour déterminer si une situation particulière constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales100. Toutefois, l’article 24 2) de la Charte dispose que, dans l’exercice de ses pouvoirs, le Conseil de sécurité n’agit que « conformément aux buts et principes des Nations Unies ». En effet, dans son avis consultatif relatif aux conditions de l’admission d’un État aux Nations Unies, la Cour internationale de Justice (« CIJ ») a statué que :

le caractère politique d’un organe ne peut le soustraire à l’observation des dispositions conventionnelles qui le régissent, lorsque celles-ci constituent des limites à son pouvoir ou des critères à son jugement. Pour savoir si un organe a la liberté de choisir les motifs de ses décisions, il faut se référer aux termes de sa constitution101.

99 Id. par. 55.

100 Voir Nico Krisch « Article 39 », dans Bruno Simma et al. (eds), The Charter of the United Nations, A Commentary, 3ème éd. (Oxford University Press 2012) (« Charter of the United Nations », et « Krisch, Article 39 », respectivement), marge n°4.

101 CIJ, Admission d’un État aux Nations Unies, (Charte, art. 4), C.I.J. Recueil 1948, 57, p. 64.

Page 322: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

322

Légalité et compétence CA

38. Aux termes de la Charte des Nations Unies, la composition du Conseil de sécurité (cinq membres permanents et dix membres non permanents, élus sur la base de la représentation géographique et dont cinq sont renouvelés chaque année) et son système de vote (exigeant un minimum de neuf voix pour l’adoption d’une décision ainsi que l’absence d’un veto opposé par l’un quelconque des membres permanents) constituent un mécanisme intrinsèque de freins et contrepoids internes sur l’exercice par le Conseil de ses pouvoirs102.

39. Cependant, en dehors de cette notion d’autolimitation, la Charte ne confère nulle part à l’un quelconque des autres organes des Nations Unies le pouvoir de réexaminer les actions du Conseil de sécurité. Lors de la rédaction de la Charte, les tentatives visant à en doter la CIJ, le principal organe judiciaire des Nations Unies, ont été rejetées103. De fait, la CIJ a catégoriquement affirmé qu’elle « n›a pas de pouvoirs de contrôle judiciaire ni d›appel en ce qui concerne les décisions prises par les organes des Nations Unies dont il s›agit »104. Tandis que la CIJ peut subsidiairement se prononcer sur la légalité des décisions du Conseil de sécurité dans le cadre d’une procédure dont elle est saisie105, la portée du pouvoir dont elle dispose pour procéder à une telle évaluation et ses implications concrètes demeurent incertaines106. En tout état de cause, la compétence de ce Tribunal en tant

102 Voir Krisch, « Article 39 », marge n° 6 avec davantage de références, (soulignant que « [TRADUCTION] les membres du Conseil de sécurité débattent fréquemment des limites du champ d’action aux termes de l’article 39, indiquant par là même que les concepts sont investis d’un sens et qu’ils ne sont pas complètement indéfinis »).

103 Voir Anne Peters, « Article 24 », dans Charter of the United Nations, marge n°5 ; voir également Andreas Zimmermann, « Article 27 », dans Charter of the United Nations, marge n° 155.

104 CIJ, Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p.16. (« Avis sur les conséquences juridiques »), par. 89.

105 Ibid.

106 Voir CIJ, Questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), Mesures conservatoires, Ordonnance du 14 avril 1992, I.C.J. Recueil 3 (1992) (« Ordonnance Lockerbie »), opinion dissidente du Juge Weeramantry, p. 66 : « Cependant, dès lors que l’on entre dans le champ d’application du chapitre VII, les choses sont bien différentes, car lorsqu’il s’agit de constater l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression, le Conseil jouit d’une totale liberté d’appréciation. Il semble que c’est le Conseil, et lui seul, qui est juge de l’existence d’un état de choses qui entraîne la mise en application du chapitre VII. Cette décision est prise par le Conseil de sécurité en faisant intervenir son propre jugement et dans l’exercice du pouvoir totalement discrétionnaire qui lui est conféré par l’article 39. Une fois que le Conseil s’est prononcé sur ce point, la porte est ouverte aux diverses décisions qu’il peut prendre en vertu de ce chapitre. Ainsi, une

Page 323: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

323

Légalité et compétence CA

qu’institution indépendante créée par le Conseil de sécurité en dehors du système des Nations Unies107 est nécessairement beaucoup plus limitée que celle de la CIJ.

40. La Défense a fait référence à la jurisprudence d’autres juridictions internationales et régionales qui, de son point de vue, viendrait appuyer l’argument du pouvoir selon lequel ce Tribunal aurait le pouvoir de réexaminer les actes du Conseil de sécurité en général, et la résolution 1757 en particulier. Cependant, à une exception près, aucun de ces tribunaux n’a en fait dit être investi d’un pouvoir de réexamen judiciaire des résolutions du Conseil de sécurité108.

41. En l’affaire Tadić, la seule exception, une majorité des juges de la Chambre d’appel du TPIY a conclu que le dit Tribunal était habilité à « examiner l’exception d’incompétence le concernant fondée sur l’illégalité de sa création par le Conseil de sécurité »109 et que le « soit-disant «caractère politique» ou «non susceptible de recours judiciaire» de la question qu’elle soulève »110 ne l’empêchait pas de procéder à un tel réexamen. La présente Chambre note que même si elle peut généralement s’appuyer sur la jurisprudence d’autres juridictions internationales, elle n’est aucunement liée par celle-ci. S’agissant de cette question en particulier, la Chambre n’est pas convaincue par le raisonnement de la Chambre d’appel du TPIY. Elle observe que la décision a été prise à la majorité111 et qu’elle réfutait une décision

question qui fait l’objet d’une décision valable du Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII n’est pas, prima facie, de celles dont la Cour puisse valablement connaître ». Voir également CIJ, Application de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, Mesures conservatoires, Ordonnance du 13 septembre 1993, C.I.J Recueil 1993, p. 325, opinion dissidente du Juge Lauterpacht, par. 99.

107 Ainsi qu’il ressort de ses mécanismes de fonctionnement, le Tribunal ne fait pas partie des Nations Unies. Par exemple, bien qu’il agisse selon le système commun des Nations Unies dans différents domaines de son activité, il n’est pas financé par le budget des Nations Unies adopté par l’Assemblée Générale. Bien qu’ayant été créé par une résolution du Conseil de sécurité, le Tribunal n’est pas un organe des Nations Unies. La Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies (13 février 1946, 1 U.N.T.S. 15) ne s’applique pas en soi au Tribunal. En conséquence, il ne bénéficie pas du même statut que le TPIY ou le TPIR. Il constitue un sujet de droit international distinct.

108 Il n’est pas nécessaire de se pencher sur la jurisprudence mise en avant par la Défense qui n’est pas en rapport avec le réexamen judiciaire des résolutions du Conseil de sécurité. (Voir Appel de M. Badreddine, par. 35, 36 et 39 ; Appel de M. Oneissi, par. 25).

109 Arrêt Tadić, par. 22.

110 Id. par. 25.

111 Arrêt Tadić, opinion dissidente de M. le juge Li, par. 2 à 4.

Page 324: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

324

Légalité et compétence CA

contraire de la Chambre de première instance112, témoignant déjà de l’existence d’opinions juridiques radicalement différentes sur la question. Plus particulièrement, comme l’a fait remarquer le Procureur113, le recours de la majorité à deux affaires de la CIJ ne résiste pas à un examen plus approfondi.

42. En premier lieu, tout comme la Chambre d’appel du TPIY l’a elle-même déclaré, il s’agissait dans ces affaires de questions de compétence subsidiaire114. Mais le point de savoir si le Tribunal peut réexaminer, et potentiellement invalider, une résolution du Conseil de sécurité n’est pas simplement une question de « compétence subsidiaire ». En effet, si la conséquence ultime de la réponse à cette question était l’abandon de toutes les poursuites dont est saisi le Tribunal, la volonté du Conseil de sécurité telle qu’exprimée dans sa résolution 1757 s’en trouverait directement invalidée. Pareille conséquence n’aurait donc rien de subsidiaire, mais aurait l’effet d’une prescription juridique contraignante.

43. En second lieu, les deux déclarations de la CIJ sur lesquelles s’est appuyée la Chambre d’appel en l’affaire Tadić étaient des avis consultatifs sollicités par le Conseil de sécurité115 et l’Assemblée Générale116, respectivement. En cette qualité, bien que dotés sans aucun doute d’une grande autorité juridique, ils n’avaient pas force obligatoire pour l’un ou l’autre des organes des Nations Unies117. Par contre, le Conseil de sécurité n’a pas demandé au TPIY d’examiner la légalité ou les effets de la résolution portant création dudit Tribunal. Si la Chambre d’appel du TPIY avait

112 TPIY, Procureur c. Tadić, Décision relative à l’exception préjudicielle d’incompétence soulevée par la défense, 10 août 1995, par. 5 (précisant que le TPIY « n’est pas une juridiction constitutionnelle établie pour examiner les actions des organes des Nations Unies » et ne disposait pas de la compétence pour « examiner la légalité de sa création par le Conseil de sécurité »).

113 Réponse globale du Procureur, par. 48, 50 à 55.

114 Arrêt Tadić, par. 20 et 21.

115 Avis sur les conséquences juridiques, par. 1.

116 CIJ, Effet de jugements du Tribunal administratif des Nations Unies accordant indemnité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1954, 47, p. 48.

117 Voir CIJ, Applicabilité de la section 22 de l’article VI de la convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies, avis consultatif, I.C.J. Recueil 1989, p. 177, par. 31 (considérant que « [l]a compétence qu’a la Cour […] pour donner des avis consultatifs sur des questions juridiques permet à des entités des Nations Unies de demander conseil à la Cour afin de mener leurs activités conformément au droit. Ces avis sont consultatifs, non obligatoires »). Voir également CIJ, Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 65, p. 71.

Page 325: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

325

Légalité et compétence CA

conclu à l’invalidité de la résolution, toutes les procédures en cours devant ledit Tribunal auraient été suspendues. Pareille décision serait donc sortie du cadre de simples avis ou conseils.

44. En conclusion, la présente Chambre estime qu’à cet égard le raisonnement de la Chambre d’appel du TPIY en l’affaire Tadić n’est pas convaincant et refuse de s’en inspirer. Elle fait également remarquer que dans une décision ultérieure, la Chambre d’appel du TPIY semble avoir adopté une approche plus prudente118.

45. Aucune des autres décisions citées par la Défense ne soutient la position selon laquelle les tribunaux ont le pouvoir de réexaminer les actes du Conseil de sécurité.

46. Contrairement aux conclusions des conseils de M. Badreddine119, en l’affaire Kanyabashi la Chambre de première instance du TPIR n’a pas déclaré qu’elle était investie du pouvoir de réexaminer la résolution du Conseil de sécurité portant création du Tribunal en question. Elle indique au contraire qu’« il appartient au Conseil de sécurité lui-même de trancher le point de savoir s’il était justifié lorsqu’il l’a fait, à agir en vertu des dispositions du chapitre VII »120. Le TPIR conclut de manière explicite qu’il « appartenait exclusivement au Conseil de sécurité » de se prononcer sur l’existence d’une menace à la paix et à la sécurité internationales121. De plus, dans une décision ultérieure en l’affaire Karemera, une autre Chambre de première instance du TPIR a jugé qu’elle

118 TPIY, Procureur c. Krajišnik, Affaire n° IT-00-39-AR73.2, Décision relative à l’appel interjeté par Momcilo Krajišnik contre la décision rejetant la requête de la défense aux fins de constater que le Juge Canivell ne peut continuer de siéger dans cette affaire, 15 septembre 2006, par. 14 à 16 (déclarant que « […] l’appellant ne conteste pas que la résolution 1668/2006 du Conseil de sécurité [prolongeant le mandat d’un juge] a été valablement adoptée, mais il affirme qu’elle ne lie pas le Tribunal puisque le Statut n’a pas été modifié. La Chambre d’appel rappelle qu’agissant en tant que législateur en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité a adopté le Statut et créé le Tribunal comme un moyen d’exercer sa fonction principale qui est de maintenir la paix et la sécurité […]. Sans s’arroger le pouvoir de se prononcer sur la validité d’une résolution adoptée par le Conseil de sécurité, la Chambre d’appel considère que la résolution 1668/2006 concernait des questions administratives et ne mettant pas en cause la fonction judiciaire du Tribunal » [non souligné dans l’original]).

119 Appel de M. Badreddine, par. 38 et 46.

120 La décision Kanyabashi, par. 26.

121 Id. par. 22.

Page 326: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

326

Légalité et compétence CA

[TRADUCTION] n’est pas investie du pouvoir de réexaminer ou d’évaluer la légalité des décisions du Conseil de sécurité et, en particulier, la légalité de la résolution 955 dudit Conseil [portant création du TPIR]. À cet égard, la Chambre souligne également que l’article 39 de la Charte des Nations Unies confère au Conseil de sécurité le pouvoir discrétionnaire d’évaluer l’existence d’une menace à la paix [...], et de prendre les mesures qu’il juge appropriées afin de maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales122.

47. De même, en l’affaire Kadi, la Cour Européenne de Justice n’a pas réexaminé la légalité d’une résolution du Conseil de sécurité. Elle a en fait plutôt étudié la validité de la mise en œuvre de textes à caractère législatif à l’échelon européen. La Cour a précisé que « le contrôle de légalité […] porte sur l’acte communautaire visant à mettre en œuvre l’accord international en cause, et non sur ce dernier en tant que tel »123. La Cour a conclu que :

S’agissant plus particulièrement d’un acte communautaire qui, tel le règlement litigieux, vise à mettre en œuvre une résolution du Conseil de sécurité adoptée au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies, il n’incombe donc pas au juge communautaire, dans le cadre de la compétence exclusive que prévoit l’article 220 CE, de contrôler la légalité d’une telle résolution adoptée par cet organe international, ce contrôle fût-il limité à l’examen de la compatibilité de cette résolution avec le jus cogens124.

48. En l’affaire Nada, la Cour européenne des droits de l’homme a suivi de manière explicite le raisonnement de l’affaire Kadi limitant son réexamen aux mesures de mise en œuvre d’une résolution du Conseil de sécurité125. S’agissant de certaines allégations de violations de la Convention européenne des droits de

122 TPIR, Procureur c. Karemera, Affaire n° ICTR-98-44-T, [TRADUCTION] Décision relative à l’exception soulevée par la Défense au titre de l’article 72 du Règlement de Procédure et de Preuve prévoyant, entre autres, l’incompétence et le vice de forme de l’acte d’accusation (Decision on the Defence Motion, Pursuant to Rule 72 of Rules of Procedure and Evidence, Pertaining to, Inter Alia, Lack of Jurisdiction and Defects in the Form of the Indictment), 25 avril 2001, par. 25.

123 CJUE, Kadi et autres contre Conseil de l’Union européenne et autres, affaires n° C-402/05 P et C-415/05 P, Arrêt, 3 septembre 2008 (« Arrêt Kadi »), par. 286.

124 Arrêt Kadi, par. 287.

125 CEDH, Nada c. Suisse, requête n°10593/08, Arrêt, 12 septembre 2012 (« L’arrêt Nada »), par. 212.

Page 327: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

327

Légalité et compétence CA

l’homme126 par la Suisse, la Cour a estimé que « aucun élément dans les résolutions du Conseil de sécurité n’empêchait les autorités suisses de mettre en place des mécanismes de vérification des mesures prises au niveau national en application de ces resolutions »127. Dans une opinion concordante, un juge de la Cour a signalé que le Conseil de sécurité devait agir dans les limites imposées par la Charte des Nations Unies128. Il a néanmoins reconnu que « les résolutions du Conseil de sécurité échappent en tant que telles à un contrôle direct de la Cour, les Nations Unies n’étant pas parties à la Convention » et que seules les mesures prises par les États en application desdites résolutions, pouvaient faire l’objet d’un réexamen129.

49. En l’affaire El Sayed, la décision de la présente Chambre ne vient pas étayer l’existence d’un pouvoir dont serait doté ce Tribunal pour réexaminer les résolutions du Conseil de sécurité. Nous l’avons vu,130 cette décision doit être examinée dans son contexte factuel très précis. Elle ne se penchait en aucune manière sur le pouvoir éventuel dont disposerait le Tribunal pour évaluer la légalité de sa propre création au moyen d’un réexamen de la résolution du Conseil de sécurité qui l’a établi131.

50. Enfin, la Chambre estime que ce Tribunal ne saurait être comparé aux juridictions administratives ou constitutionnelles investies du pouvoir de réexamen des décisions d’autres organes de l’État132. Contrairement à ces juridictions, il n’est

126 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, 213 U.N.T.S. 222.

127 Arrêt Nada, par. 212.

128 Arrêt Nada, Opinion concordante du Juge Malinverni, par. 15.

129 Id. par. 20.

130 Voir ci-dessus, par. 15 et 17.

131 Ibid.

132 Voir également l’ordonnance Lockerbie, Opinion dissidente du Juge Weeramantry, p. 55: « Toutefois, à la différence de nombreux systèmes nationaux dans lesquels le judiciaire peut exercer un contrôle sur les actes de l’exécutif en soumettant ces actes aux critères de la légalité constitutionnelle, dans le système des Nations Unies, la Cour internationale de Justice n’est pas investie du pouvoir de contrôle ou d’appel souvent dévolu aux juridictions les plus élevées au sein d’un cadre national. […] Il y a lieu de remarquer aussi une différence importante entre le partage des pouvoirs dans les systèmes nationaux et la répartition des pouvoirs entre les organes principaux des Nations Unies, puisqu’il n’existe pas, entre les organismes et institutions des Nations Unies, le même rigoureux principe de séparation des pouvoirs que celui que l’on trouve parfois dans les systèmes nationaux. […] Il n’existe pas non plus de structuration hiérarchique des organes des Nations Unies […], chaque organe principal étant par inter pares. »

Page 328: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

328

Légalité et compétence CA

doté d’aucun texte juridique l’habilitant à procéder à un tel exercice. En outre, en tant qu’organe extérieur au système des Nations Unies133, le Tribunal ne peut prétendre être habilité à contrôler quelque organe des Nations Unies que ce soit, dans l’exercice de son mandat aux termes de la Charte. Par conséquent, la Chambre ne considère pas que les décisions rendues par des juridictions nationales soient pertinentes ou utiles à cet égard.

B. L’existence d’une menace à la paix et à la sécurité internationales

51. La difficulté que présente la définition d’une éventuelle norme significative pour procéder à ce réexamen vient également corroborer la conclusion de la Chambre selon laquelle le Tribunal n’est pas habilité à réexaminer la résolution 1757 du Conseil de sécurité. En fait, ce que la Défense demande au Tribunal c’est d’évaluer la détermination par le Conseil de sécurité que l’attentat du 14 février 2005 et ses conséquences constituaient une menace pour la paix et la sécurité internationales. Cependant, la Charte des Nations Unies n’énonce aucun critère juridique que le Conseil de sécurité devrait prendre en compte dans cette détermination. La Charte ne définit ni ne spécifie les conditions nécessaires de ce qui constitue la « paix », la « sécurité » ou une « menace pour la paix ». Cela semble être un choix délibéré visant à s’assurer que le Conseil de sécurité jouit de toute la latitude et de toute la flexibilité nécessaires pour s’acquitter de sa responsabilité à l’égard du maintien de la paix et de la sécurité internationales134. Toutes les conclusions du Conseil de sécurité sont donc nécessairement de nature subjective et influencées par un grand nombre de considérations complexes d’ordre juridique, politique et autres. En outre, le Conseil de sécurité n’est pas tenu de donner les raisons spécifiques qui sous-tendent ces déterminations. Par conséquent, toute tentative externe d’évaluer s’il a pris une « bonne » décision ne serait en définitive que pure spéculation. Il serait

133 Voir ci-dessus, note de bas de page 107.

134 Voir Krisch, « Article 39 », marge n° 2 (indiquant que « [TRADUCTION] le Conseil de sécurité devait jouir d’une grande latitude pour décider de l’existence d’une menace à la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression ») ; voir également marge n°4.

Page 329: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

329

Légalité et compétence CA

impossible de vérifier les faits qui fondent sa décision, de quelle manière il les a évalués, et s’il a procédé de manière appropriée135.

C. La nature des mesures prises par le Conseil de sécurité

52. De la même manière, une fois que le Conseil de sécurité a déterminé qu’il existait une menace à la paix et à la sécurité internationales aux termes de l’article 39 de la Charte des Nations Unies, il jouit de la prérogative unique et exclusive de déterminer quelles sont les mesures nécessaires pour restaurer la paix et la sécurité internationales, aux termes des articles 41 et 42 de la Charte. Bien que la création de juridictions pénales ne figure pas dans la liste de mesures pouvant être prises par la Conseil de sécurité aux termes de l’article 41, cette liste n’est en aucune façon exhaustive (« peuvent comprendre »)136. Le Conseil de sécurité a d’ailleurs déjà eu recours à une telle mesure à deux reprises137. Contrairement à l’affirmation du conseil de M. Badreddine, il ne s’agit pas d’une question d’« évolution coutumière »138. La question est plutôt celle de l’application des dispositions de la Charte octroyant au Conseil de sécurité un large pouvoir discrétionnaire aux fins de décider des mesures appropriées « pour donner effet à ses décisions »139. Il importe de noter que ces décisions sont de nature essentiellement politique et que, en tant que telles, elles ne peuvent faire l’objet d’un examen judiciaire.

D. Conclusion

53. La Chambre conclut, le Juge Baragwanath émettant une opinion dissidente, que la Chambre de première instance a jugé à bon droit que le Tribunal n’était pas

135 Voir également Décision Kanyabashi, par. 20 (statuant que « [TRADUCTION] le Conseil de sécurité dispose d’un pouvoir discrétionnaire étendu pour décider s’il existe ou non une menace à la paix et à la sécurité internationales. De par leur nature même, ces évaluations discrétionnaires ne peuvent être examinées judiciairement étant donné qu’elles impliquent la prise en compte de nombreux facteurs sociaux, politiques et circonstanciels, ces derniers ne pouvant pas être examinés et évalués de façon objective par cette Chambre de première instance »).

136 Voir ci-dessus par. 33, voir également Nico Krisch, « Article 41 », dans Charter of the United Nations, marge n° 12.

137 S/RES/827 (1993) (portant création du TPIY) ; S/RES/955 (1994) (portant création du TPIR).

138 Appel de M. Badreddine, par. 65.

139 Charte des Nations Unies, art. 41.

Page 330: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

330

Légalité et compétence CA

habilité à procéder au réexamen judiciaire des actions du Conseil de sécurité lors de la création du Tribunal, en particulier de la résolution 1757 dudit Conseil. La Chambre rejette donc tous les arguments de la Défense à cet égard, y compris ceux relatifs au contenu de ladite résolution.

54. Dans ce contexte, la Chambre note que malgré la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle elle n’était pas en mesure de réexaminer la résolution 1757 du Conseil de sécurité, celle-ci s’est néanmoins attachée à répondre aux arguments de la Défense visant à contester la légalité de la création du Tribunal. C’était une erreur. Cependant, ni les appelants ni le Procureur n’ont interjeté appel sur ce point précis. En outre, l’erreur de la Chambre de première instance n’invalide pas la Décision attaquée étant donné que la Chambre de première instance a rejeté les requêtes des appelants dans leur intégralité. Par conséquent, la Chambre d’appel n’a aucune raison d’intervenir.

Page 331: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

331

Légalité et compétence CA

dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs ;

lA cHAMBRe d’Appel ;

dÉclARe recevables les appels introduits par les conseils de MM. Badreddine et Oneissi ;

dÉclARe irrecevable – les Juges Baragwanath et Riachy émettant une opinion dissidente – l’appel introduit par les conseils de M. Ayyash ;

RejeTTe les appels À l’unAniMiTÉ.

Le Juge Baragwanath joint à la présente décision une opinion séparée et partiellement dissidente.

Le Juge Riachy joint à la présente décision une opinion séparée et partiellement dissidente.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi. Le 24 octobre 2012, Leidschendam, Pays-Bas

M. le juge David Baragwanath Président

Page 332: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

332

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

OpiniOn sÉpARÉe eT dissidenTe de M. le juGe BARAGWAnATH

i. introduction

1. Je conviens que les contestations de la légalité du Tribunal spécial pour le Liban présentées par la Défense doivent être rejetées. Mes raisons diffèrent, et je les exprime donc séparément. Notre divergence constitue le dernier développement en date du long débat portant sur l’applicabilité du réexamen judiciaire à une décision du Conseil de sécurité1.

2. Le Conseil de sécurité est, à juste titre et de nécessité, détenteur d’un pouvoir considérable. Ce pouvoir est cependant limité en droit par la Charte des Nations Unies qui le lui a conféré. Les juges de ce Tribunal ont, en dernière analyse, été nommés en vertu de la même Charte, et il leur est demandé à la fois d’appliquer les normes internationales de procédure pénale les plus élevées2, et d’être indépendants dans l’exercice de leurs fonctions3. Toute juridiction exerçant une compétence pénale doit examiner et trancher tous les moyens de défense recevables : en l’espèce, l’argument selon lequel la décision du Conseil de sécurité des Nations Unies portant création du Tribunal en application de la résolution 1757 du 30 mai 2007, excède le cadre de sa compétence juridique. Cet argument relève, à mon sens, d’un point de droit que nous devons trancher.

3. MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra sont accusés de crimes qui, selon l’Accusation, relèvent de la compétence du Tribunal en vertu de l’article premier du Statut annexé à la résolution. Les questions principales soulevées en appel sont de déterminer si ce Tribunal est habilité à examiner la décision du Conseil de sécurité par laquelle il a été créé en application de la résolution 1757 ; et, dans l’affirmative, quelles en sont les conséquences. Trois des accusés ont fait appel de la décision de

1 Comparez les différentes approches adoptées par le TPIY, Le Procureur c. Tadić, Affaire no IT-94-1-AR72, Arrêt elatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995 (« Arrêt Tadić »).

2 Article 28 2) du Statut du TSL.

3 Article 9 1) du Statut du TSL.

Page 333: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

333

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

la Chambre de première instance. M. Sabra n’a pas intenté de recours. Une autre question consiste à déterminer si l’appel formé par M. Ayyash est valable d’un point de vue procédural ; je considère que c’est le cas.

4. À l’appui de leur raisonnement, les conseils de MM. Ayyash, Badreddine et Oneissi font valoir deux arguments. Le premier est que, dans le contexte de l’attentat du 14 février 2005, la pratique du Conseil de sécurité ne justifiait pas que celui-ci conclue que les conditions permettant l’application des articles 39 et 41 étaient réunies4. Le second est que la résolution emportait un détournement de pouvoir de la part du Conseil de sécurité qui, incapable d’aboutir à un accord dans le respect de la Constitution libanaise, a imposé la résolution pour des raisons étrangères aux véritables buts du Chapitre VII, afin de contourner cet obstacle5. Il s’ensuit, selon eux, que la création du Tribunal spécial pour le Liban est illégale et qu’il ne peut donc exercer aucun pouvoir à leur endroit. De ce fait, leurs appels contre la décision de la Chambre de première instance, par laquelle elle rejette les requêtes contestant la compétence du Tribunal, doivent être accueillis, et les activités du Tribunal, y compris toutes les procédures engagées à leur encontre, doivent prendre fin.

5. Le Procureur soutient que le Tribunal n’est pas habilité à examiner les décisions du Conseil de sécurité et que, en tout état de cause, la décision du Conseil était justifiée par le contexte. Les appels doivent donc être rejetés.

6. Les représentants légaux des victimes estiment que le Tribunal a compétence pour examiner la résolution 1757 et qu’il doit l’exercer ; ils souscrivent également à l’argument du Procureur selon lequel la décision du Conseil de sécurité était justifiée par le contexte.

7. Je conclus que le Tribunal est compétent pour examiner la légalité de la résolution 1757 du Conseil de sécurité et que la présente Chambre d’appel doit exercer cette compétence, mais que les appelants n’ont pas établi le bien-fondé de leurs contestations.

4 Audience relative à l’appel, p. 164.

5 Audience relative à l’appel, p. 170.

Page 334: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

334

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

ii. le droit d’interjeter appel

8. Les conseils des appelants font valoir que les appels qu’ils ont formés sont fondés sur l’article 90 B) i) du Règlement et sont recevables de plein droit. Par mesure de précaution, les conseils de MM. Oneissi et Badreddine ont également obtenu de la Chambre de première instance la certification autorisant l’appel, en application de l’article 126 C) du Règlement. L’Accusation, qui a consenti à la certification, convient que nous sommes saisis des appels formés par MM. Oneissi et Badreddine.

9. Toutefois, l’Accusation soutient que l’article 90 B) i) sur lequel M. Ayyash s’appuie ne s’applique pas en raison du libellé très précis et strict de l’alinéa E), et que M. Ayyash n’a, par conséquent, pas le droit d’interjeter appel. Étant donné que ce dernier ainsi que M. Sabra, sont susceptibles de bénéficier d’une décision relative aux appels formés par MM. Oneissi et Badreddine selon lesquels le Tribunal n’a jamais été créé légalement, d’aucuns pourraient penser qu’il est inutile de prendre en considération cet argument du Procureur. Cependant, l’affaire revêt une importance telle que M. Ayyash a le droit de savoir à quoi s’en tenir.

10. Je conclus qu’il peut faire appel de plein droit, essentiellement en application des principes suivants :

(1) Nul ne peut être jugé, excepté par un tribunal établi par la loi ;

(2) Les appelants font valoir que la création du Tribunal est illégale ;

(3) Le droit fondamental énoncé en 1) doit emporter un droit procédural qui garantit que leur argument exposé en 2) sera tranché.

11. L’article 90 est libellé comme suit :

(A) Les exceptions préjudicielles, à savoir :

1. l’exception d’incompétence ;

2. l’exception fondée sur un vice de forme de l’acte d’accusation ;

Page 335: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

335

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

3. l’exception aux fins de la disjonction de chefs d’accusation conformément à l’article 70 ou d’instances conformément à l’article 141 ; ou

4. l’exception fondée sur le rejet d’une demande de commission d’office d’un conseil formulée aux termes de l’article 59 A)

sont soulevées par écrit et présentées au plus tard 30 jours après que le Procureur a communiqué à la Défense toutes les pièces et déclarations visées à l’article 110 A) i). La Chambre de première instance ou, dans les cas prévus à l’alinéa iv), le Juge de la mise en état se prononce sur ces exceptions préjudicielles.

(B) Les décisions relatives aux exceptions préjudicielles ne peuvent pas faire l’objet d’un appel interlocutoire, à l’exclusion :

1. des exceptions d’incompétence ;

2. des cas où la décision a été certifiée, au motif qu’elle touche à une question susceptible de compromettre de manière significative l’équité et la rapidité de la procédure ou l’issue du procès et qu’un règlement immédiat par la Chambre d’appel pourrait faire progresser sensiblement la procédure.

[…]

E) Aux fins du paragraphe A) i) et du paragraphe B) i), l’exception d’incompétence vise exclusivement une requête qui conteste un acte d’accusation, au motif qu’il ne se rapporte pas à la compétence matérielle, temporelle ou territoriale du Tribunal, notamment qu’il ne se rapporte pas à l’attentat commis contre Rafic Hariri ou à un attentat de nature et de gravité similaires qui présente un lien de connexité avec lui, conformément aux principes de la justice pénale.

12. L’application de l’article 90 est délicate. Les requêtes de la Défense ne tombent pas sous le coup de la formulation littérale du paragraphe E).

Page 336: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

336

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

13. Le libellé du deuxième article autorisant l’appel avant la conclusion de l’affaire présente également une difficulté6. L’article 126 est rédigé comme suit :

(A) Le présent article s’applique à toutes les requêtes autres que les exceptions préjudicielles, les requêtes relatives à la mise en liberté, et toute autre requête de laquelle il peut être interjeté appel, de plein droit, en vertu du Règlement.

(B) Chacune des parties peut, après l’attribution d’une affaire à la Chambre de première instance, saisir celle-ci d’une requête en vue d’obtenir une décision ou une réparation appropriées. La requête est orale, à moins que la Chambre de première instance n’en décide autrement.

(C) Les décisions relatives à toutes les requêtes relevant du présent article ne peuvent pas faire l’objet d’un appel interlocutoire, à l’exclusion des cas où l’appel est certifié, et cela lorsque la décision touche à une question susceptible de compromettre de manière significative l’équité et la rapidité de la procédure ou l’issue du procès, et qu’un règlement immédiat par la Chambre d’appel pourrait faire progresser de manière décisive la procédure.

La Chambre de première instance n’a pas encore été saisie de l’espèce aux termes de l’article 95 B), qui précise que : « [d]ès que la Chambre de première instance reçoit les documents en application du paragraphe A), elle est saisie de l’affaire ». Ainsi, en se limitant à une lecture littérale stricte, on peut arguer que le droit d’interjeter appel n’existe pas non plus en vertu de l’article 126. Je penche en faveur de l’argument selon lequel toute décision légale de la Chambre de première instance doit pouvoir faire l’objet d’un appel avec certification, ce qui en l’occurrence, justifierait les appels formés par MM. Badreddine et Oneissi en vertu de l’article 1267. Je ne suis cependant pas d’accord avec mes confrères sur le fait que ce qu’ils considèrent

6 Stade auquel l’appel est autorisé en vertu de l’article 26 du Statut, ce qui est rappelé dans l’article 176 du Règlement.

7 Ce qui supposerait la lecture de : « [a]près l’attribution d’une affaire à la Chambre de première instance » comme incluant « lorsque la Chambre de première instance a compétence pour traiter d’une question ».

Page 337: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

337

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

comme une requête irrecevable aux termes de l’article 90 puisse servir à faire jouer l’article 126 : une requête irrecevable doit tout simplement être rejetée.

14. Toutefois, comme nous l’avons conclu dans notre décision du 16 février 20118, l’interprétation n’est pas confinée à la seule formulation littérale d’un texte9 ; de fait, en l’espèce, elle doit également prendre en considération la validité même du Statut et du Règlement en question. Si les appelants ont raison en affirmant que le Conseil de sécurité n’était pas habilité à adopter la résolution 1757, cette dernière ainsi que le Statut auquel elle fait référence sont illégaux. Une illégalité fondamentale équivaudrait en l’espèce à un défaut de validité général, allant de la résolution et du Statut qui l’accompagne au Règlement qui en découle : tous ces éléments, y compris les articles 90 et 126 seraient frappés d’invalidité.

A. Les pouvoirs inhérents

15. Le Règlement est censé avoir été établi en application de l’article 28 du Statut, lequel renferme une déclaration de politique générale du Conseil de sécurité énonçant la nécessité de garantir « un procès rapide et équitable » et d’observer « les normes internationales de procédure pénale les plus élevées ». Si la résolution excède le champ d’application de la Charte des Nations Unies, il serait totalement injuste que les accusés demeurent soumis aux contraintes d’un TSL inexistant, ainsi que d’attendre la fin du procès pour trancher la question. Ce ne serait ni rapide, ni dans le respect des normes internationales de procédure pénale les plus élevées.

16. Les juridictions infèrent un pouvoir pour éviter une injustice fondamentale. Ainsi, dans l’affaire R c. Bow St Magistrate ex p Pinochet (No 2), à la suite d’une décision de la Chambre des lords qui présentait l’apparence de partialité judiciaire, Lord Browne-Wilkinson a déclaré :

[TRADUCTION] En tant qu’ultime juridiction d’appel, vos Excellences ont, en principe, le pouvoir de corriger toute injustice causée par une décision

8 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01, Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, 16 février 2011 (« Décision préjudicielle sur le droit applicable »).

9 Décision préjudicielle sur le droit applicable, paragraphes 19 à 32.

Page 338: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

338

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

antérieure de la présente Chambre. Il n’existe pas de règle de prescription pertinente sur la compétence de la présente Chambre à cet égard et, par conséquent, sa compétence inhérente demeure entière10.

17. Cette technique a été appliquée dans l’affaire El Sayed11 où, pour éviter une injustice fondamentale, un droit d’appel a été accordé là où le Règlement était muet. Pour des raisons comparables à celles données dans cette dernière affaire, la présente Chambre doit interpréter les droits d’appel effectivement conférés comme attribuant un droit aux accusés d’attaquer la décision de la Chambre de première instance aux motifs présentés en appel devant la présente Chambre, à laquelle il serait bon d’attribuer au moins un pouvoir de facto jusqu’à décision du contraire12. Il serait sensé que la présente Chambre régisse un tel appel par analogie avec le Règlement dont le statut pose problème. Toutefois, l’analogie ne doit pas être poussée au point de priver les appelants de leur capacité d’interjeter appel.

18. J’exprime respectueusement mon désaccord avec l’argument selon lequel ce qui, dans la thèse de la Défense, est un article du Règlement ultra vires puisse faire obstacle à une requête auprès de la Chambre de première instance ou à un appel, au motif fondamental que le Tribunal n’a jamais été légalement créé.

B. L’interprétation du Règlement

19. Si, par contre, le Règlement est considéré comme intra vires au regard de la Charte, en s’appuyant peut-être sur la notion pragmatique qu’il doit être considéré valable jusqu’à preuve du contraire, le principe général de in favorem libertatis, appliqué dans notre décision du 16 février 2011, va à l’encontre d’une interprétation du Règlement qui serait si restrictive qu’elle refuserait le droit d’interjeter appel contre une affirmation de compétence fondamentalement erronée.

10 R v Bow St Magistrate ex p Pinochet (No 2) [2000] 1 AC 119 (HL).

11 TSL, En l’affaire El Sayed, Affaire n° CH/AC/2010/02, Décision en appel concernant l’ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice, 10 novembre 2010 ; TSL, En l’affaire El Sayed, CH/AC/2011/01, Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011, 19 juillet 2011.

12 Nouvelle Zélande, Cour d’appel, In re Aldridge (1893) 15 N.Z.L.R. 361 ; voir Royaume-Uni, Chambre des lords, Boddington v British Transport Police [1999] 2 AC 143.

Page 339: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

339

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

20. L’article 90 autorise : i) l’appel de plein droit dans le cas d’exception d’incompétence fondamentale (article 90 A) i)), qui touche à la légalité même de la création du Tribunal (article 90 B) i)) ; et ii) l’appel avec certification pour les exceptions fondées sur un vice de forme de l’acte d’accusation, les exceptions aux fins de disjonction ou celles relatives à la représentation (article 90 A) ii), iii) et iv)), si la question est susceptible de compromettre de manière significative l’équité et la rapidité de la procédure ou l’issue du procès, et qu’un règlement immédiat par la Chambre d’appel pourrait faire progresser sensiblement la procédure (article 90 B) ii)). L’article 126 autorise l’appel d’une décision préjudicielle de la Chambre de première instance relative à toute autre question, sous réserve de certification satisfaisant aux mêmes critères.

21. Il existe donc une nette différence hiérarchique entre l’article 90 A) i) et les autres motifs spécifiés aux articles 90 et 126. S’il peut s’avérer à la fois équitable et rapide de certifier un appel interlocutoire pour des motifs alléguant un vice de forme de l’acte d’accusation, pour des motifs de disjonction ou de représentation ainsi que pour des motifs certifiés comme tombant sous le coup de l’article 126, l’article 90 A) i), et en appel l’article 90 B) i), traitent de situations où le Tribunal ne devrait pas du tout siéger et, par conséquent, l’appel est de plein droit, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir une certification.

22. Interprétés conjointement au regard des principes évoqués au paragraphe 10 ci-dessus, les articles 28 du Statut et 90 E) du Règlement doivent autoriser l’accès à la Chambre d’appel lorsqu’il s’agit d’une décision de la Chambre de première instance qui touche une contestation plus fondamentale encore que l’exception d’incompétence telle que définie à l’article 90 E) – à savoir, que le Conseil de sécurité n’est pas habilité à adopter la résolution et que, par conséquent, le Tribunal n’a aucun droit légal à l’existence, ni pouvoir quelconque à l’endroit des accusés.

23. Le Règlement s’inspire dans une large mesure de ceux d’autres tribunaux, et l’article 90 E) est libellé de façon extrêmement restrictive afin d’éviter les appels de plein droit, sauf dans le cas d’absence fondamentale de compétence13. Ce que les

13 S’agissant de la différence entre les catégories principale et secondaire de compétence, voir Royaume-Uni, Chambre des lords, Anisminic Ltd v. Foreign Compensation Commission [1969] 2 AC 147 (HL).

Page 340: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

340

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

auteurs du Règlement ne pouvaient anticiper, c’est la situation où ils ne feraient que brasser de l’air : privés de tout pouvoir d’élaborer un règlement parce que le Statut sur lequel ils s’appuyaient n’était pas valide.

24. Puisque le Statut requiert que les articles soient rédigés « afin de garantir un procès rapide et équitable », les articles 90 et 126 ne peuvent être interprétés comme ayant l’effet inverse. Au contraire, l’article 3 prévoit que :

(A) Le Règlement est interprété conformément à l’esprit du Statut et, par ordre de priorité, i) aux principes d’interprétation établis en droit international coutumier, tels que codifiés aux articles 31, 32 et 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969), ii) aux normes internationales en matière de droits de l’homme, iii) aux principes généraux de droit international pénal et de procédure et, le cas échéant, iv) au Code de procédure pénale libanais.

(B) Toute ambiguïté qui n’aura pas été levée selon les modalités prévues au paragraphe A) est résolue en suivant l’interprétation considérée comme la plus favorable au suspect ou à l’accusé au vu des circonstances de l’espèce.

25. En invoquant « l’esprit du Statut », qui exige équité et rapidité, le paragraphe A) ci-dessus rend impossible toute interprétation littérale de l’article 90 : elle entraînerait une iniquité et des retards inacceptables. Il s’ensuit une ambigüité manifeste. Puisque les mots ne peuvent signifier ce qu’ils semblent dire, quel est leur sens ? Cette question fait appel à l’article 3 B) et au principe selon lequel l’accusé a droit à l’interprétation qui lui est la plus favorable. Une méthode évidente d’interprétation consiste à inférer le droit déjà mentionné d’éviter toute injustice, vers lequel les juridictions se tournent en l’absence d’autre recours.

26. Il s’ensuit que l’article 90 E) doit être interprété de façon à inclure le nouveau chef d’appel parmi ceux de plein droit : à savoir, qu’il soulève la contestation plus fondamentale encore selon laquelle le Tribunal n’a jamais été créé légalement.

27. J’exprime respectueusement mon désaccord avec l’opinion selon laquelle l’article 126, même s’il est applicable, fournit une réponse suffisante. Ledit article,

Page 341: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

341

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

à l’instar de l’article 90 B) ii), requiert certification plutôt que de permettre l’appel de plein droit. L’argument selon lequel la résolution établissant le Tribunal est sans validité aucune revêt un caractère si fondamental que l’appel doit être de plein droit, et non sujet à autorisation.

28. Pour résumer, les motifs donnés en faveur de l’appel de plein droit à l’article 90 E) prennent encore plus de poids en l’espèce. En effet, si les appelants ont raison, les articles 90 et 126 sont fondés sur un Statut sans validité, adopté en application d’une résolution illégale, et les limitations dans le libellé de l’article 90 E) ne peuvent servir à priver les appelants de leur droit absolu à la justice : à savoir, que la Chambre d’appel du Tribunal entende leurs arguments en ce sens.

29. Ainsi, dans ce qui suit, je prends en considération les conclusions écrites et orales des conseils nommés pour représenter M. Ayyash.

III. LeTribunala-t-ilétécrééàlasuited’unaccordoud’unerésolutionduconseil de sécurité des nations unies ?

30. Je souscris au raisonnement formulé dans la Section II de la décision de la majorité.

iV. le pouvoir du conseil de sécurité

31. Le Tribunal pouvant être créé par une résolution valable du Conseil de sécurité, la question suivante est donc, comme l’avancent les conseils des appelants, de déterminer s’il peut examiner la légalité de sa propre création aux termes de la résolution 1757. Pour répondre à cette importante question, il convient d’examiner la résolution dans son contexte.

32. Le Conseil de sécurité est la tête et le bras de l’exécutif des Nations Unies, investi d’immenses pouvoirs pour réagir en urgence au nom de la communauté internationale, au moyen de mesures qui peuvent inclure l’emploi de la force armée. Il a un rôle politique majeur, mais en aucune façon exclusif qui, toutefois, doit être rempli dans le respect de la loi14 ; il détient des éléments des pouvoirs exécutif et

14 Voir Sir Michael Wood, The UN Security Council and International Law, Hersch Lauterpacht Memorial Lecture,

Page 342: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

342

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

législatif15 ; ses décisions doivent souvent être prises sur la base de renseignements confidentiels ; le Conseil possède même la capacité unique de pouvoir, dans l’intérêt de la paix et de la justice internationales, passer outre le pouvoir indépendant des États dans les affaires qui relèvent de leur compétence nationale, fondement même du principe de souveraineté des membres des Nations Unies sanctionné pas la Charte16. En outre, en cas de conflit entre leurs obligations aux termes de la Charte et celles découlant de tout autre accord international, les premières prévalent17.

33. Plus spécifiquement, afin d’assurer l’action rapide et efficace des Nations Unies, ses Membres ont conféré au Conseil la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et convenu qu’en s’acquittant des devoirs qui lui incombent à ce titre, il agit en leur nom18. Ils ont également convenu d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil conformément à la présente Charte19.

34. L’étendue des pouvoirs conférés est énoncée clairement à la fois au Chapitre VI, qui traite du « Règlement pacifique des différends » et, de manière plus évidente, au Chapitre VII intitulé « Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression ». Les articles 39, 41 et 42 revêtent une importance particulière :

Article 39

Le Conseil de sécurité constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux articles 41 et 42, pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. […]

Article 41

7 novembre 2006, p. 7, par. 21 : « [traduction] Le conseil de sécurité est souvent qualifié d’organe politique. Ce terme est vraisemblablement utilisé afin de le distinguer des organes «juridiques», ou des organes techniques ou administratifs. Mais l’expression «organe politique» est malheureusement susceptible d’impliquer que le Conseil peut ne guère prêter d’attention à la loi. »

15 Id. par. 23.

16 Articles 2 1) et 7) de la Charte des Nations Unies.

17 Article 103 de la Charte des Nations Unies.

18 Article 24 1) de la Charte des Nations Unies.

19 Article 25 de la Charte des Nations Unies.

Page 343: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

343

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l’interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques.

Article 42

Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l’Article 41 seraient inadéquates ou qu’elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d’autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies.

35. Malgré cela, le pouvoir du Conseil de sécurité n’est pas sans limite. L’article 24 2) est très clair à ce sujet :

Dans l’accomplissement de ces devoirs, le Conseil de sécurité agit conformément aux buts et principes des Nations Unies. Les pouvoirs spécifiques accordés au Conseil de sécurité pour lui permettre d’accomplir lesdits devoirs sont définis aux chapitres VI, VII, VIII, et XII20.

36. Il s’ensuit nécessairement, comme le groupe d’étude de la Commission du droit international en a convenu, que le Conseil de sécurité n’est pas investi d’une autorité absolue, ce qui signifie que ses résolutions peuvent aller au-delà (ultra vires) des pouvoirs conférés par la Charte21.

37. Il est incontestable que les termes généraux utilisés dans la formulation des « buts » attestent davantage encore l’intention des auteurs de la Charte de laisser au Conseil de sécurité, en même temps que la responsabilité de les atteindre, une très

20 Non souligné dans l’original.

21 Ce rapport est cité par la Grande Chambre de la Cour Européenne des droits de l’homme dans l’Affaire Al-Jedda c. Royaume-Uni (2011), 53 CEDH 23, par. 5757.

Page 344: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

344

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

grande latitude pour ce faire22. Les principes énoncés spécifiquement à l’article 2 sont également formulés de façon générale23.

38. Il convient de noter en particulier que l’égalité souveraine de tous les États Membres des Nations Unies (Principe premier), et le pouvoir exclusif qu’ils exercent dans les affaires qui relèvent essentiellement de leur compétence nationale (première partie du principe 7), ne portent en rien atteinte à l›application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII (deuxième partie du Principe 7). Par conséquent, à moins que les conditions de déclenchement d’une action au titre du Chapitre VII ne

22 L’article premier de la Charte prévoit : Les buts des Nations Unies sont les suivants : 1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en

vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ;

2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ;

3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l›homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ;

4. Être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.

23 L’article 2 prévoit : L’Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans la poursuite des buts énoncés à l’article 1, doivent agir

conformément aux principes suivants : 1. L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses Membres. 2. Les Membres de l’Organisation, afin d’assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant de leur

qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées aux termes de la présente Charte.

3. Les Membres de l’Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger.

4. Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies.

5. Les Membres de l’Organisation donnent à celle-ci pleine assistance dans toute action entreprise par elle conformément aux dispositions de la présente Charte et s’abstiennent de prêter assistance à un État contre lequel l’Organisation entreprend une action préventive ou coercitive.

6. L’Organisation fait en sorte que les États qui ne sont pas Membres des Nations Unies agissent conformément à ces principes dans la mesure nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité internationales.

7. Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ni n’oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte ; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l’application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII.

Page 345: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

345

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

soient réunies, le Conseil de sécurité ne peut pas s’ingérer dans les affaires intérieures d’un État membre.

39. Toutefois, les appelants prétendent, en substance, qu’en créant le Tribunal spécial pour le Liban, le Conseil de sécurité a procédé à une telle ingérence sans fondement légal. Le Tribunal est-il habilité à examiner cette affirmation ?

V. les principes concurrents

A. La reconnaissance du statut du Conseil de sécurité

40. Le statut exceptionnellement élevé du Conseil de sécurité, conféré par chaque Membre des Nations Unies en ratifiant la Charte et en dérogeant ainsi partiellement à sa propre souveraineté, et le fait que le Conseil soit le responsable principal du maintien de la paix et de la sécurité internationales, conjugués en particulier à ses pouvoirs étendus au titre du Chapitre VII, ont conduit nombre d’opinions avisées à conclure que son comportement échappe à tout examen judiciaire. Dans une grande mesure, la nécessité d’une abstinence judiciaire l’emporte largement. La question est de savoir si l’état de droit l’exige et, dans l’affirmative, quel serait le champ d’un examen limité.

41. Les organes judiciaires ont depuis longtemps reconnu que leur rôle ne peut s’étendre à la remise en question des décisions prises par les responsables politiques. À l’échelon national, les hommes politiques bénéficient de la légitimité des urnes, qui implique la possible remise en cause de leur mandat lors de l’élection suivante. Ils ont accès aux meilleurs conseils et l’occasion de procéder à des consultations et des débats. Ils viennent d’horizons et de disciplines très variés.

42. Comme mes collègues l’ont souligné, ces avantages sont plus prononcés encore à l’échelon international. Les quinze membres du Conseil de sécurité ont le soutien à la fois de leurs propres responsables et de leur gouvernement. Aucune juridiction ne peut avoir, ou prétendre avoir les ressources cumulées des décideurs politiques qui examinent la question de savoir si le Conseil de sécurité doit ou non exercer ses

Page 346: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

346

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

pouvoirs au titre du Chapitre VII24. Toute résolution adoptée par le Conseil au titre du Chapitre VII requiert non seulement l’appui de neufs membres, mais également l’absence de veto de l’un des membres permanents. Toute accusation d’erreur peut être soulevée au sein du Conseil de sécurité ou de l’Assemblée générale, et peut émaner qui plus est de toute personne affectée, dont l’opinion peut être diffusée par les médias internationaux. Bien que n’ayant pas une vocation exclusivement politique, le Conseil de sécurité remplit des fonctions politiques majeures, et possède des pouvoirs énoncés de façon subjective et en des termes très généraux, se rapportant aux questions particulièrement litigieuses que sont l’existence de menaces pour la paix et des mesures à prendre pour la rétablir. Nous l’avons vu, le Conseil est mandaté par tous les États membres. Étant donné que la Cour internationale de justice n’a pas de compétence générale pour examiner les actes du Conseil, pourquoi un tribunal ad hoc temporaire revendiquerait-il le pouvoir d’examiner la légalité de l’un de ces actes ?

24 Il convient de noter que même à l’échelon national, les organes judiciaires sont peu enclins à contester le type de décision que le Conseil de sécurité est amené à prendre au titre du Chapitre VII, qui comprend l’emploi de la force armée. Par exemple, dans l’affaire Royaume-Uni, Chambre des lords, Chandler v Director of Public Prosecutions UK, [1964] AC 763, les appelants se sont vu refuser la permission de contre-interroger des fonctionnaires afin d’étayer leur argument selon lequel leur intrusion sur un terrain militaire du ministère de la Défense en protestation contre les armements nucléaires était justifiée. En rejetant l’appel, Lord Radcliffe a déclaré (798-9) que :

[traduction] Le déploiement et l’équipement des forces armées ainsi que les moyens mis à la disposition des forces alliées à des fins de défense constituent un fait établi qui ne peut dépendre de preuves ou de conclusions selon lesquelles les décisions politiques qui les fondent ont été prises, ou non, dans le meilleur intérêt du pays. Je me permets d’ajouter que peu de questions se présentent à mon esprit qui seraient moins susceptibles de faire l’objet d’un procès. Ce serait faire preuve de candeur que de supposer que le genre de preuve que les appelants voulaient présenter pourrait contribuer un tant soit peu à une solution définitive au problème. Les faits qu’ils entendent établir pourraient bien être recevables : néanmoins, à travers l’Histoire, les hommes ont dû courir des risques considérables pour eux-mêmes ainsi que pour d’autres afin d’atteindre les objectifs qu’ils convoitaient pour le bénéfice du plus grand nombre. Plus on y regarde de près, et plus il apparaît clairement, à mon sens, que la question de savoir s’il est véritablement dans l’intérêt national d’acquérir, de conserver ou d’abriter des armements nucléaires, dépend d’une infinité de paramètres, d’ordre militaire et diplomatique, technique, psychologique et moral, ainsi que de décisions, provisoires ou définitives, qui elles-mêmes se fondent en partie sur des examens de faits, et en partie sur des attentes et des espoirs. Je pense que l’on ne peut rien reprocher à une décision qui conclut que ladite question n’a pas sa place devant un juge ou un jury.

Ces questions sembleraient être encore moins susceptibles de faire l’objet d’un examen judiciaire lorsqu’elles portent sur la conduite de l’organisme opérationnel international de premier rang qu’est le Conseil de sécurité qui, contrairement à l’organe exécutif d’un État, dont la légalité des actes fait de nos jours souvent l’objet d’un examen devant les juridictions internes, agit en qualité de représentant de tous les États, et en vertu de pouvoirs dont l’étendue a été soulignée.

Page 347: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

347

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

43. Ces considérations décisives sont sans nul doute à l’origine de l’opinion dissidente du Juge Weeramantry dans la décision de la Cour internationale de justice dans l’affaire Lockerbie (1993)25 que partage la Chambre de première instance ainsi que mes collègues, selon laquelle les décisions prises en vertu du Chapitre VII ne peuvent faire l’objet d’un réexamen judiciaire.

B. La reconnaissance de l’état de droit

44. Toutefois, en l’espèce, l’intérêt général supérieur, qui commande de ne pas s’ingérer dans les travaux importants et difficiles du Conseil de sécurité, se heurte à rien de moins que l’état de droit lui-même. Les appelants avancent, ce qui est indéniable, que : i) tout accusé a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi26 ; ii) les accusés, qui sont présumés innocents jusqu’à ce que leur culpabilité soit légalement établie, peuvent recourir à tous les moyens de défense permis par la loi. Ils soutiennent en outre que ces moyens comprennent l’argument que le Tribunal n’est pas compétent pour les juger.

Vi. le pouvoir d’examiner les résolutions du conseil de sécurité

45. Comment résoudre le conflit entre deux principes fondamentaux selon lesquels le Conseil de sécurité doit pouvoir mener ses travaux sans ingérence et l’accusé présenter ses moyens de défense au tribunal devant lequel il comparaît ? Les conflits entre des intérêts publics concurrents se règlent en général dans le respect des principes de légalité et de proportionnalité27. Ici toutefois, le droit de l’accusé à un procès équitable, y compris le droit à être jugé par un tribunal établi par la loi

25 Voir la décision de la majorité, note de bas de page 106.

26 Article 14 1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

27 Voir Royaume-Uni, Cour d’appel, Douglas v Hello! Ltd [2001] 1 QB 967, 1005 dans laquelle les principes de respect de la vie privée et de liberté d’expression relatifs aux droits de la personne sont contestés. Le juge Sedley a déclaré qu’« [a]ucun élément ne prévaut sur les autres. Ils s’articulent autour des principes de légalité et de proportionnalité qui, comme toujours, forment le mécanisme par lequel le tribunal conclut à l’existence de droits réciproques ou relatifs. On se souvient que dans la jurisprudence de la Convention [européenne des droits de l’homme] la proportionnalité s’apprécie, entre autres, au regard de ce qui est nécessaire dans une société démocratique ».

Page 348: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

348

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

et à présenter ses moyens de défense, est un droit absolu et ne peut être contourné. Or, dans le même temps, est invoqué le droit des résolutions du Conseil de sécurité de bénéficier de l’immunité judiciaire. Dès lors, deux questions se posent. La première concerne, tout d’abord, le pouvoir du Tribunal, le cas échéant, d’examiner ou d’apprécier d’autre manière la décision du Conseil de sécurité dans la présente affaire. La seconde porte sur les modalités d’une telle appréciation.

A. Pouvoir d’examen ?

46. La Chambre de première instance a, en l’espèce, refusé d’examiner la résolution 1757, au motif qu’elle n’était investie d’aucun pouvoir de réexamen des actes du Conseil de sécurité ; que le Tribunal était une pure créature d’une résolution du Conseil de sécurité ; et que le Statut du Tribunal ne prévoyait aucune source de pouvoir explicite autorisant un tel réexamen28.

47. Un tribunal pénal n’a pas besoin d’une autorisation expresse pour procéder à un réexamen judiciaire d’un acte qui, s’il est illicite, constitue un moyen de défense. Un tel pouvoir est inhérent à la fonction judiciaire et à la juridiction saisie d’une affaire : en l’espèce, les Chambres du Tribunal. La conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle le pouvoir de réexamen n’existe qu’à condition d’être expressément conféré constituait l’erreur commise par le tribunal pénal de première instance dans Boddington29. Celui-ci avait déclaré qu’il ne pouvait se prononcer sur la question de l’illégalité d’un panneau « interdit de fumer » apposé dans un wagon, invoqué comme moyen de défense, au motif que cette question relevait de la compétence d’un tribunal administratif. La Chambre des lords a corrigé l’erreur, déclarant que la question, qui avait été présentée comme un moyen de défense, devait être examinée et tranchée par le tribunal dans l’exercice de sa compétence pénale. Il n’y a aucune raison valable de ne pas considérer la décision d’une juridiction nationale de dernier ressort comme « reflétant les normes internationales de procédure pénale les plus élevées » auxquelles le règlement de ce Tribunal international doit

28 Décision attaquée, par. 53-55. Voir Appel Badreddine, par. 47.

29 Boddington, ci-dessus, note de bas de page 12.

Page 349: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

349

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

se conformer. Il est de notre devoir d’examiner la question de droit soulevée par la Défense. Les modalités de cet examen sont une autre question.

48. Le Tribunal est assurément la création du Conseil de sécurité ; mais, avec tout le respect que je dois à la Chambre de première instance, il n’en est pas la simple créature. Ce qui a été créé, au contraire, est un organe judiciaire, c’est-à-dire un tribunal constitué de juges indépendants30 – chargés de respecter les normes les plus élevées de la justice internationale31 – ce qui signifie qu’ils conféreront nécessairement à l’accusé tous les moyens de défense prévus par la loi, y compris le droit d’insister sur le fait que le tribunal soit dûment « établi par la loi ».

49. Bien que la Défense ait concédé que les résolutions du Conseil de sécurité peuvent être présumées licites32, il s’agit de savoir si une telle présomption est réfragable. Comme il a été souligné pour le compte de la Défense et des victimes, aucune autre juridiction n’est saisie de cette question. Si le Tribunal ne l’examine pas, la Défense perdra par défaut la possibilité de faire valoir le bienfondé de son argument. Il est parfaitement vrai qu’aucune juridiction, pas même la Cour internationale de Justice, ne dispose d’un pouvoir général de réexamen des décisions du Conseil de sécurité. Il ressort des travaux préparatoires de la Charte qu’une proposition à cet effet a été rejetée33. Mais il ne s’ensuit point que les résolutions du Conseil de sécurité ne peuvent être contestées dès lors qu’elles sont contraires aux buts et principes de la Charte en vertu de laquelle elles ont été rédigées et que l’article 24(2) lui impose de respecter.

50. Les Appelants affirment que, contrairement à l’article 24 2) de la Charte, le Conseil de sécurité a enfreint les Principes 1 et 7 : il est « interven[u] dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence [du Liban] » et ne peut invoquer la deuxième clause du principe 7 – « l’application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII » – au motif que : i) rien ne permettrait d’établir l’existence d’une menace contre la paix internationale (article 39) ; à titre subsidiaire, le Conseil de

30 Art. 9 1) du Statut du TSL.

31 Art. 28 2) du Statut du TSL.

32 Appel Ayyash, par. 23.

33 Voir par. 39 et note de bas de page 103 de la Décision de la majorité.

Page 350: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

350

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

sécurité a abusé des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 39, qu’il a exercés à des fins non autorisées ; et que ii) l’article 41 ne contient aucune disposition prévoyant le recours à un tribunal pénal international. Il conviendra, pour répondre à ces arguments, d’examiner l’autre question cruciale : comment procéder au réexamen des actes du Conseil de sécurité ?

51. La Chambre d’appel, qui a longuement débattu de cette question, s’est fréquemment référée à la jurisprudence d’autres juridictions pénales, et notamment (mais pas seulement) de tribunaux internationaux34.

52. Dans l’affaire Tadić, la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie s’est prononcée en faveur d’un certain pouvoir de réexaminer, de manière subsidiaire, les résolutions du Conseil de sécurité. Le Procureur avait contesté l’existence d’un tel pouvoir et la Chambre de première instance avait suivi son argument. En appel, les juges de la majorité ont déclaré que :

Cette interprétation étroite du concept de la compétence, soutenue par le Procureur et un amicus curiae, s’est heurtée à une vision plus moderne de l’administration de la justice. Une décision sur une question aussi fondamentale que la compétence du Tribunal international ne devrait pas être repoussée à la fin d’une instance potentiellement longue, marquée par l’émotion et onéreuse. Tous les motifs de contestation sur lesquels s’appuie l’Appelant se traduisent, en dernière analyse, par une évaluation de la capacité juridique du Tribunal international de juger son affaire. Ne s’agit-il pas, en fin de compte, d’une question de compétence ? Et quel autre organe que la Chambre d’appel du Tribunal international pourrait être juridiquement habilité à statuer sur cette question35 ?

De plus :

Toutes ces remarques visent l’hypothèse où la Cour exerce ce contrôle judiciaire comme compétence « principale ». Elles ne concernent pas du tout l’hypothèse d’un examen de la légalité des décisions d’autres organes en tant

34 Appel Badreddine, par. 35 et suivants.

35 Tadić Décision relative à la compétence, par. 6.

Page 351: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

351

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

que compétence « subsidiaire », dans le but de définir et de pouvoir exercer leur compétence « principale » à l’égard de l’affaire dont ils sont saisis36.

53. Cette décision a été suivie par la Chambre d’appel du Tribunal spécial pour la Sierra Leone dans Kallon37. Une Chambre de première instance du Tribunal pénal international pour le Rwanda, dressant le constat judiciaire des événements survenus au Rwanda dans le cadre du génocide, a également indiqué qu’ils justifiaient la création de ce tribunal ad hoc38, tout en déclarant ostensiblement que l’existence d’une menace contre la paix et la sécurité internationales était une question sur laquelle « il appartenait exclusivement au Conseil de sécurité de se prononcer »39.

54. Dans Kadi, la Grande Chambre de la Cour européenne de justice a jugé nécessaire de relever que les effets d’une résolution du Conseil de sécurité n’étaient pas conformes au droit fondamental de l’Union européenne, affirmant que :

[...] les principes régissant l’ordre juridique international issu des Nations Unies n’impliquent pas qu’un contrôle juridictionnel de la légalité interne du règlement litigieux au regard des droits fondamentaux serait exclu en raison du fait que cet acte vise à mettre en œuvre une résolution du Conseil de sécurité adoptée au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Une telle immunité juridictionnelle d’un acte communautaire tel que le règlement litigieux, en tant que corollaire du principe de primauté au plan du droit international des obligations issues de la Charte des Nations Unies, en particulier de celles relatives à la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité adoptées au titre du Chapitre VII de cette Charte, ne trouve par ailleurs aucun fondement dans le traité CE40.

55. On peut bien entendu soutenir que cette décision est différente au sens où c’est le droit de l’Union européenne et non la Charte des Nations Unies qui constitue le

36 Tadić Décision relative à al compétence, par. 21.

37 TSSL, Le Procureur c. Kallon et autres, Affaire n° SCSL-2004-15-AR72(E), Decision on Constitutionality and Lack of Jurisdiction, 13 mars 2004, par. 37.

38 TPIR, Le Procureur c. Kanyabashi, Affaire n° ICTR-96-15-T, Décision sur l’exception d’incompétence soulevée par la Défense, 18 juin 1997, par. 19 à 22.

39 Id. par. 21.

40 CJUE, Kadi et autres c. le Conseil de l’Union européenne et autres, Affaire n° C-402/05 P & C-415/05 P, Arrêt, 3 septembre 2008 (« Arrêt Kadi »), par. 299 et 300.

Page 352: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

352

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

droit fondamental pour la Cour européenne. Mais il s’agissait d’affirmer que son propre « droit fondamental » ne permettait pas même à une norme aussi puissante qu’une résolution du Conseil de sécurité de lui porter atteinte. Ici, tant pour le Conseil de sécurité que pour le Tribunal, le droit fondamental est la Charte des Nations Unies, en particulier ses buts et principes. Dès lors, cette affaire vient étayer l’idée qu’une résolution du Conseil de sécurité qui porte atteinte à ces buts et principes peut être contestée.

56. Dans l’affaire Nada, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que la Suisse aurait pu faire davantage pour améliorer la situation du demandeur dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité qui lui imposaient l’obligation de prendre des mesures susceptibles d’enfreindre les droits de l’homme41. Le juge Malinverni, partageant l’avis de la Cour, a déclaré ce qui suit

… Certes, en vertu de l’article 25 de la Charte des Nations Unies, les États membres sont tenus d’accepter et d’appliquer ses décisions. Par ailleurs, l’article 103 de la Charte précise qu’en cas de conflit entre les obligations des membres des Nations Unies découlant de ce traité et leurs obligations au titre de tout autre accord international, les premières prévaudront. Et selon la jurisprudence de la Cour internationale de justice, cette primauté ne se limite pas aux dispositions de la Charte elle-même, mais s’étend à toutes les obligations découlant d’une résolution contraignante du Conseil de sécurité.

Ces deux dispositions de la Charte donnent-elles pour autant carte blanche au Conseil de sécurité ? On peut sérieusement en douter. À l’instar de tout organe des Nations Unies, celui-ci est en effet lui aussi lié par les dispositions de la Charte. Et l’article 25 in fine de celle-ci précise bien que les États membres de l’organisation mondiale sont tenus d’appliquer les décisions que le Conseil de sécurité a adoptées « conformément à la présente Charte ». Or, en son article 24 § 2, cette dernière dispose que, dans l’accomplissement de ses devoirs « le Conseil de sécurité agit conformément aux buts et principes des Nations Unies ». Il se trouve précisément que, au nombre de ces buts et principes figure, à l’article 1 § 3 de la Charte, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Point n’est besoin d’être grand clerc pour en tirer la conclusion que le Conseil de sécurité doit, lui aussi, respecter les droits de

41 CEDH, Nada c. Suisse, Requête n° 10593/08, Arrêt, 12 septembre 2012 (« Arrêt Nada »), par. 172 et suivants.

Page 353: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

353

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

l’homme, même lorsqu’il agit dans le cadre de ses fonctions de maintien de la paix42.

57. Cette opinion reflète un durcissement par rapport à l’argument principal en l’affaire R (Al-Jedda) c. Defence Secretary of State for Defence (2007). Dans cette affaire, la Chambre des lords devait résoudre un conflit entre le droit à la liberté de l’appelant garanti par l’article 5 1) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales annexée à la loi sur les droits de l’homme du Royaume-Uni de 1998, et la résolution 1546 du Conseil de sécurité datée du 8 juin 2004 adoptée aux termes de l’article 42 de la Charte. Cette résolution autorisait le déploiement d’une force multinationale en Irak ainsi que des mesures d’internement lorsque cela était « nécessaire pour des raisons impérieuses de sécurité ».

58. L’analyse de Lord Bingham fut la suivante :

[TRADUCTION] On a souvent mis l’accent sur le caractère particulier de la Convention européenne en tant qu’instrument relatif aux droits de l’homme. Toutefois, la référence à « tout autre instrument international » contenue à l’article 103 ne laisse aucune place à d’éventuelles exceptions, et tel semble être la position consensuelle adoptée par la doctrine. Les décisions de la Cour internationale de Justice […] ne prévoient pas d’opérer de distinction, excepté lorsqu’une obligation relève du jus cogens et, selon le juge Bernhardt, il semble être désormais généralement admis dans la pratique que les décisions contraignantes du Conseil de sécurité prises en vertu du Chapitre VII remplacent tous autres engagements conventionnels43 […].

Je ne pense pas que, si le droit de l’appelant en vertu de l’article 5 1) faisait l’objet d’une requête portée devant elle, la Cour européenne ignorerait la signification de l’article 103 de la Charte en droit international. La Cour a, en diverses occasions, tenu compte des dispositions du droit international, invoquant le principe d’interprétation exposé à l’article 31 3) c) de la Convention de Vienne sur le droit des traités, reconnaissant que la Convention ne pouvait être interprétée et appliquée dans le vide et que la responsabilité des

42 Arrêt Nada, Opinion séparée du Juge Malinverni, par. 14 et 15.

43 Non souligné dans l’original.

Page 354: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

354

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

États devait être déterminée conformément aux principes applicables du droit international[…].

L’appelant est néanmoins en droit d’affirmer, comme il le fait, que si le maintien de la paix et de la sécurité internationales est un but fondamental des Nations Unies, le fait de promouvoir le respect des droits de l’homme en est un autre. Les Nations Unies ainsi que d’autres organes internationaux ont, récemment et à plusieurs reprises, souligné la nécessité de prendre des mesures effectives contre le fléau du terrorisme, mais ils ont mis l’accent, dans le même temps, sur la nécessité impérieuse que ces mesures soient conformes aux normes internationales en matière de droits de l’homme telles que celles que la Convention vise à garantir. Il [l’appelant] fait valoir qu’il serait anormal et contraire à tout principe que l’autorité des Nations Unies constitue elle-même un moyen de défense des atteintes aux droits de l’homme. Ce raisonnement se reflète dans l’arrêt rendu par la Cour européenne en l’affaire Waite and Kennedy v Germany (1999) 30 EHRR 261, par. 67 […].

Il y a donc un conflit entre, d’une part, le pouvoir ou le devoir de mise en détention pouvant être exercé sous l’autorité expresse du Conseil de sécurité et, de l’autre, un droit de l’homme fondamental que le Royaume-Uni s’est engagé à garantir aux personnes (tel l’appelant) relevant de sa juridiction. Comment concilier les deux ? Il n’existe, à mon sens, qu’un seul moyen d’y parvenir : décider que le Royaume-Uni peut légalement, lorsque des raisons impérieuses de sécurité le justifient, exercer le pouvoir de mise en détention prévu par la résolution 1546 du Conseil de sécurité des Nations Unies et les résolutions postérieures, tout en s’assurant que l’atteinte aux droits du détenu visés à l’article 5 n’outrepasse pas les limites inhérentes à une telle détention. Je règlerais le second point dans ce sens44.

59. En bref, selon l’arrêt rendu en Kadi, les résolutions du Conseil de sécurité doivent s’effacer devant les principes fondamentaux concurrents exposés dans le propre acte constitutionnel du Conseil. Dans Nada, le juge Malinverni laisse entendre que les effets de dispositions relatives aux droits de l’homme peuvent l’emporter sur ceux d’une résolution. Dans Al-Jedda, il est indiqué que « les décisions contraignantes du Conseil de sécurité prises en vertu du Chapitre VII remplacent

44 Royaume-Uni, Chambre des lords, R (Al-Jedda) v Defence Secretary of State for Defence (2007), [2007] UKHL 58, par. 35 à 39.

Page 355: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

355

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

tous autres engagements conventionnels » et limitent les droits concurrents, quoique dans la moindre mesure possible.

60. Il n’y a pas lieu, dans le cadre du présent appel, de choisir entre les motifs invoqués par Lord Bingham et ceux avancés par le juge Malinverni dans le cas de résolutions contraignantes. La présente affaire concerne une résolution du Conseil de sécurité réputée non contraignante car outrepassant les pouvoirs conférés par la Charte45.

61. En l’espèce, la disposition fondamentale du droit est la Charte, qui lie à la fois le Conseil de sécurité et, en tant que prétendue création du Conseil en vertu du Chapitre VII, le présent Tribunal. En principe, tout conflit existant entre une résolution du Conseil de sécurité et la Charte doit, sur le plan juridique, être analysé de la même manière que dans Kadi : la Charte doit prévaloir.

62. La raison d’être du Tribunal est de répondre aux violations alléguées de la règle de droit. Il serait singulièrement paradoxal que lui-même y porte atteinte – usurpant une compétence qu’il ne possède pas et siégeant alors même qu’il n’est pas compétent.

63. Il s’ensuit naturellement que le juge doit décider, à la première occasion, s’il possède ou non le pouvoir de juger l’affaire, et il peut être ainsi amené à répondre à une double question: suis-je personnellement empêché de juger l’affaire ? Sur la base de quel mandat dois-je siéger ?

64. Les deux questions se posent potentiellement en l’espèce. Dans la mesure où la décision relative au maintien du Tribunal les intéresse directement, les juges, s’ils en avaient le choix, soumettraient l’examen de cette question à une autre juridiction. Ainsi, si la question avait été portée devant la Cour internationale de Justice, il aurait été sans nul doute répondu à une autre question : quelle est l’instance la plus qualifiée pour entreprendre le réexamen46 ? Toutefois, puisqu’aucun autre tribunal

45 Comparer l’Opinion individuelle du membre du comité Sir Nigel Rodley (conforme à la décision), p. 36 et 37 dans Comité des droits de l’homme, Communication n° 1472/2006, CCPR/C/94/D/1472/2006, 29 décembre 2008.

46 Mme le juge Rosalyn Higgins a rappelé que « le Conseil de sécurité doit aussi tenir compte du fait que, d’une manière générale, les différends d’ordre juridique devraient être soumis par les parties à la Cour internationale de Justice », cité dans Sir Michael Wood, The UN Security Council and International Law, Hersch Lauterpacht

Page 356: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

356

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

n’est compétent, comme souvent en matière de différends nationaux, le principe de nécessité s’applique et les juges du Tribunal doivent siéger.

65. La deuxième question dépend de la réponse donnée à la contestation formée par la Défense. Si elle est validée, nous ne pouvons plus continuer à exercer notre autorité à l’égard des accusés. La Défense a le droit de recevoir une réponse à cette question.

66. La règle de droit requiert que la légalité des actes de tout organe non investi de l’autorité absolue soit soumise à examen judiciaire. Ce principe revêt une importance particulière lorsqu’il concerne les actes d’un organe politique ayant une incidence sur les droits fondamentaux de la personne, notamment le droit à la liberté et le droit absolu de l’accusé à un procès équitable. En l’espèce, à mon sens, il incombe au Tribunal d’effectuer ce réexamen.

67. Ce n’est pas affirmer pour autant que le Tribunal est nécessairement compétent pour examiner toutes les questions. Le Tribunal, à l’instar d’une juridiction de compétence générale, ayant accepté le pouvoir de réexaminer une décision attaquée, se doit ensuite d’évaluer judiciairement la question de savoir s’il doit, et dans quelle mesure, examiner cette décision47.

Memorial Lecture, 7 novembre 2006, p. 5, par. 15. Mais puisque cela ne s’est pas produit, la question, analogue à celles examinées par Campbell McLachlan (dans Lis Pendens in International Law, Collected Courses of the Hague Academy of International Law, vol. 336, La Haye, 2009), ne s’est pas posée et nous devons nous pencher sur ce point.

47 La notion selon laquelle les affaires impliquant de grandes questions d’État ne peuvent être réexaminées par un tribunal a été catégoriquement rejetée par la Cour suprême du Canada en l’affaire Operation Dismantle v The Queen [1985] 1 SCR 441. Dans celle-ci, la Cour suprême a rejeté l’affirmation selon laquelle l’argument relatif à la décision du Gouvernement canadien de permettre aux États-Unis de tester ses missiles de croisière au Canada ne relevait pas de la compétence des tribunaux. Ayant cité le passage extrait de Chandler reproduit à la note de bas de page 24 ci-dessus, le Juge Wilson a déclaré à la page 54 :

[TRADUCTION] Je ne saurais accepter la proposition selon laquelle certaines difficultés liées à l’obtention de la preuve empêchent la Cour de rendre un certain type de décisions s’il peut être démontré que, pour d’autres raisons, il lui incombe de le faire. J’estime que nous devrions nous demander si les tribunaux devraient ou doivent, et non pas s’ils peuvent, connaître de ces questions. Nous devrions mettre de côté les difficultés liées à l’obtention de la preuve et nous demander si, d’un point de vue constitutionnel, il est approprié ou nécessaire que les tribunaux tranchent la question dont nous sommes saisis.

À la p. 61, elle cite et met en exergue un passage tiré du discours de Lord Devlin dans Chandler (p. 811) : « Les tribunaux ont le devoir d’exercer aujourd’hui la même vigilance qu’ils ont toujours exercée afin de prévenir tout abus de prérogative ». Elle poursuit ainsi :

Il me semble que ce que veut dire Lord Devlin… c’est que les tribunaux ne devraient pas se montrer trop facilement prêts à abandonner l’exercice de leur fonction de contrôle judiciaire simplement parce qu’il s’agit d’importantes

Page 357: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

357

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

68. Or, en toute logique, le caractère de jus cogens d’un procès équitable48, accepté par le Conseil de sécurité à l’article 16 2) de notre Statut, impose de vérifier que la résolution dont dépend l’existence du Tribunal est conforme aux normes fondamentales des buts et principes et à l’article 24 2) de la Charte. Sans cela, le Tribunal pourrait être considéré comme ayant renié sa responsabilité de respecter « les normes internationales de procédure pénale les plus élevées » énoncées à l’article 28 2) du Statut. Qu’une décision judiciaire puisse rendre inopérante la volonté du Conseil de sécurité telle qu’exprimée dans la résolution 1757 ne saurait justifier le refus d’examiner la question de l’inscription éventuelle de cette volonté dans le cadre des pouvoirs conférés par la Charte. Au contraire, l’examen judiciaire a pour objectif principal de s’assurer que les puissants décideurs respectent le droit. Le droit applicable est l’expression de la volonté des États membres qui, lorsqu’ils adoptent la Charte, choisissent de créer le Conseil de sécurité non en tant qu’organe investi d’une autorité absolue mais d’une autorité limitée par le droit.

69. L’argument selon lequel le Tribunal ne peut prétendre posséder le pouvoir de superviser l’un quelconque des organes des Nations Unies néglige le fait que le Conseil de sécurité a choisi de créer un tribunal international indépendant, censé appliquer la règle de droit à tous, quel que soit leur pouvoir : « [Les juges] sont indépendants dans l’exercice de leurs fonctions et ne peuvent accepter ou solliciter d’instructions d’aucun gouvernement ni d’aucune autre source »49. Le Conseil de sécurité ne saurait s’attendre à ce que son propre travail échappe à la règle de droit.

affaires d’État. De même, cependant, il faut se rendre compte que le contrôle judiciaire n’est pas la substitution de l’opinion du tribunal, quant au fond, à celle de la personne ou de l’organisme titulaire d’un pouvoir décisionnel discrétionnaire. Dans un premier temps, il faut établir qui, constitutionnellement, détient le pouvoir décisionnel ; dans un second, il faut établir l’étendue (s’il y a lieu) du contrôle judiciaire de l’exercice de ce pouvoir (p. 62) […] Donc je conclus que si nous devons rechercher dans la Constitution la réponse à la question de savoir s’il est approprié que les tribunaux «prêtent des intentions» à l’exécutif en matière de défense, nous conclurions que non. Mais si on nous demande de décider si un acte spécifique de l’exécutif porte atteinte aux droits des citoyens, non seulement est-il approprié que nous répondions à la question, mais c’est notre devoir en vertu de la Charte d’y répondre ». (p. 64)

Cette décision reflète mieux les « normes internationales de la procédure pénale les plus élevées », a fortiori lorsqu’elle est appliquée à une affaire pénale, que le refus total des autorités nationales d’entreprendre un contrôle judiciaire.

48 Tel que reconnu dans la Décision préjudicielle sur le droit applicable, par. 76.

49 Art. 9 1) du Statut du TSL.

Page 358: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

358

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

70. Cette conclusion est étayée tant par les principes que par la pratique.

B. Le principe du réexamen judiciaire

71. Affirmer que l’on ne peut procéder à un réexamen judiciaire des décisions d’un décideur revient à lui conférer une autorité absolue. De nos jours, dans la grande majorité des États, la législation même émanant des organes législatifs élus peut faire l’objet d’un réexamen judiciaire fondé sur une violation de droits fondamentaux. Il n’existe pas de différence de principe entre le réexamen judiciaire, par un tribunal national, de décisions d’un important organe décisionnel national doté de pouvoirs limités, et le réexamen judiciaire, par un tribunal international, de décisions d’un important organe décisionnel international doté de pouvoirs limités. Il ne s’agit pas de savoir si un organe judiciaire saisi de la question peut entreprendre un réexamen, mais de déterminer le degré de celui-ci50.

72. Un réexamen judiciaire peut revêtir de nombreuses formes, parmi lesquelles, à un extrême, le nouvel examen de décisions en matière de liberté personnelle, mené par des juges spécialisés, dont la liberté conditionnelle et l’habeas corpus sont de célèbres exemples. À l’autre extrême se situe l’examen de principes généraux dans lesquels la nature des décisions, la dimension politique, ainsi que l’absence de connaissances ou d’expertise pertinentes des juges sont autant d’éléments qui limitent leur rôle51.

73. En France, le recours pour excès de pouvoir est un exemple de contrôle mené par les tribunaux administratifs français, en particulier le Conseil d’État – le tribunal administratif suprême – à l’égard de décisions administratives prises par de hauts responsables, lorsque ces décisions enfreignent une règle de droit52. En droit français,

50 Tel a été le consensus adopté par le Congrès de 2010, à Sydney et Canberra, de l’International Association of Supreme Administrative Court Jurisdictions auquel ont assisté des juges de haut rang de plus de 50 États, représentant chaque continent et les grands systèmes juridiques du monde. L’ancienne notion de la common law, selon laquelle les textes émanant d’un parlement élu échappent à un examen judiciaire pour violation de droits fondamentaux, a été largement abandonnée.

51 Operation Dismantle, ci-dessus, note de bas de page 47.

52 Voir G. Cornu, Vocabulaire Juridique, 7ème édition, Presses Universitaires de France, Paris 2005, où le recours pour excès de pouvoir est défini comme étant un « recours contentieux tendant à l’annulation d’une décision administrative et fondé sur la violation par cette décision d’une règle de droit ».

Page 359: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

359

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

ce recours est recevable même lorsqu’il n’existe pas de texte, car il garantit le respect de la légalité53. Le tribunal examine et déclare nulles et non avenues les décisions des instances étatiques qui enfreignent le droit.

74. En Angleterre, le juge Laws a déclaré :

[TRADUCTION] [L]a portée du réexamen dans une affaire de droit public dépend de la question examinée ; ainsi, en particulier, tout organe public qui porterait atteinte à un droit fondamental doit fournir une justification objective substantielle. Dans ce contexte, le passage ci-après extrait du jugement de Sir Thomas Bingham MR en l’affaire R v Ministry of Defence, Ex p Smith [1996] QB 517, 554 a souvent été repris: « Le tribunal ne peut entraver l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire administratif à l’égard de questions de fond excepté lorsque le tribunal est convaincu … qu’il sort du cadre des mesures pouvant être prises par un organe décisionnel raisonnable. Mais, pour conclure que l’organe décisionnel a outrepassé cette marge d’appréciation, le contexte relatif aux droits de l’homme est important. Plus l’atteinte aux droits de l’homme est importante, plus le tribunal exigera de recevoir une justification détaillée afin d’être convaincu que la décision est raisonnable au sens indiqué ci-dessus ».

[…]

Il existe ... ce que l’on peut appeler une échelle progressive de réexamen ; plus l’incidence de la décision sur l’individu concerné est importante, plus la décision doit être justifiée. Il est dans la nature humaine de considérer que les cas dans lesquels, objectivement, la personne est le plus touchée, sont ceux dans lesquels ses « droits fondamentaux », selon l’expression consacrée, sont menacés ou réputés l’être.54

75. Un certain nombre de considérations peuvent intervenir dans l’application de cette échelle progressive 55, parmi lesquelles :

53 Voir la grande décision du Conseil d’État, Dame Lamotte, (CE Ass. 17 février 1950, Ministre de l’agriculture c. Dame Lamotte, Rec. 110), publié dans M. Long et al., Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, 15ème édition, Dalloz, 2005, 1999, p. 406.

54 Royaume-Uni, Cour d’appel, R (Mahmood) v. Home Secretary, [2001] 1 WLR 840, p. 18 et 19.

55 Cf. Nouvelle Zélande, Haute Cour, Mihos v. Attorney-General [2008] NZAR 177 (HC), par. 107.

Page 360: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

360

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

(i) le but du chapitre Vii de la charte, qui est d’apporter une réponse efficace aux menaces contre la paix internationale.

(ii) son principe directeur, qui est que les États membres confèrent des pouvoirs étendus au Conseil de sécurité afin qu’il puisse agir rapidement à cet effet.

(iii) Les termes des articles 39 et 41 déjàmentionnés. Chacun de ces articles est rédigé en termes subjectifs : « le Conseil de sécurité constate l’existence d’une menace contre la paix », « [si] le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l’Article 41 seraient inadéquates ». De même que les articles 40 et 42 : « [l]e Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée doivent être prises », « [s]i le Conseil de sécurité estime… ». Si ces dispositions n’empêchent pas le réexamen judiciaire, elles en limitent le champ. Cette situation est bien connue en droit. En l’affaire Secretary of State for Education and Science v Metropolitan Borough Council of Tameside (1977)56, Lord Wilberforce a répondu ce qui suit :

[TRADUCTION] Cette partie est exprimée sous une forme « subjective » – si le Secrétaire d’État « est convaincu ». Cette formulation est assez connue et, à première vue, pourrait sembler exclure le réexamen judiciaire. Ce type de libellé peut incontestablement exclure tout réexamen judiciaire de ce qui est ou est devenu une question de pure appréciation. Mais je ne pense pas qu’il aille plus loin. Lorsqu’un jugement requiert d’établir l’existence de certains faits avant de pouvoir être rendu, alors, bien que leur appréciation appartient au seul ministre, le tribunal doit tout de même contrôler l’existence de ces faits et vérifier s’ils ont été pris en compte, si le jugement a été rendu sur la base d’une appréciation en bonne et due forme des faits en question, s’il n’a pas été rendu sur la base d’autres faits qui n’auraient pas dû être pris en compte. Si ces conditions ne sont pas remplies, le jugement, quoique de bonne foi, peut alors être contesté…57

56 Royaume-Uni, Chambre des lords, Secretary of State for Education and Science v. Metropolitan Borough Council of Tameside, [1977] AC 1014, 1047.

57 Non souligné dans l’original.

Page 361: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

361

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

(iv) les implications de la décision d’appliquer les articles 39 et 41, qui sont importantes, dotant le Conseil de sécurité de moyens puissants pour rétablir la paix, y compris au prix d’une certaine ingérence dans les affaires de l’État concerné.

(v) les compétences particulières que possède le conseil et non le Tribunal, dont celle lui permettant de déterminer l’existence d’une menace contre la paix internationale et les mesures devant être prises pour rétablir la paix et donner effet aux décisions du Conseil. Quoique composé de juges expérimentés et compétent pour apprécier, sur le plan général, la nature et le caractère de décisions relevant des articles 39 et 41, le Tribunal ne possède ni l’expérience pertinente ni l’accès aux avis d’experts à la disposition du Conseil et de ses membres grâce à leurs ressources diplomatiques et autres.

(vi) le contexte de la décision, y compris le fait que le droit romano-germanique et la common law présument tous deux que le droit doit être interprété in favorem libertatis. La présente Chambre a appliqué ce principe dans sa Décision préjudicielle sur le droit applicable du 16 février 2011. Les éléments importants de la politique internationale et un pouvoir discrétionnaire d’une ampleur sans précédent font également partie du contexte.

76. Les décisions du Conseil de sécurité soulèvent fréquemment des questions relevant de la pure appréciation, dans lesquelles les tribunaux ne s’immiscent pas. Néanmoins, lorsqu’il y a erreur de droit manifeste, le tribunal a le devoir d’en faire état.

C. La pratique du réexamen judiciaire au sein des tribunaux internationaux

77. Outre les rares cas où leur légalité a été contestée en lien avec leur création, les tribunaux pénaux internationaux ont été appelés, en d’autres occasions, à juger de l’importance et de l’étendue de résolutions du Conseil de sécurité. La Chambre d’appel du TPIY, examinant une résolution du Conseil de sécurité qui visait à proroger le mandat de certains juges, a soigneusement choisi ses mots à cet effet :

La Chambre d’appel rappelle qu’agissant en tant que législateur en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité a adopté

Page 362: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

362

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

le Statut et créé le Tribunal comme un moyen d’exercer sa fonction principale qui est de maintenir la paix et la sécurité, et plus précisément de contribuer au rétablissement et au maintien de la paix dans l’ex-Yougoslavie. Bien que le Conseil de Sécurité ne soit pas un organe judiciaire et qu’il ne soit pas doté de pouvoirs judiciaires, il a, pour exercer ses fonctions, tout à la fois un pouvoir de décision et un pouvoir exécutif.

Sans s’arroger le pouvoir de se prononcer sur la validité d’une résolution adoptée par le Conseil de sécurité, la Chambre d’appel considère que la résolution 1668/2006 concernait des questions administratives et ne mettant pas en cause la fonction judiciaire du Tribunal58.

78. Cette approche semble être judicieuse : il ne s’agit pas, pour les tribunaux internationaux créés par le Conseil de sécurité, comme le TSL, de procéder à un examen général de la validité des résolutions du Conseil de sécurité. Mais le fait est que, lorsqu’il décide d’exercer son pouvoir discrétionnaire en créant un tribunal indépendant à part entière, le Conseil procède sur la base de la règle de droit : la Défense évaluera le pouvoir conféré à ce tribunal au regard des dispositions fondamentales de la Charte et l’autorité judiciaire compétente se prononcera sur sa légalité. On peut donc s’attendre à ce que le Tribunal soit appelé à examiner ses documents fondateurs et à les interpréter conformément à la règle de droit, aux normes relatives aux droits de la personne et à leurs garanties d’un procès équitable ;

79. De là, en l’affaire Nottebohm, la CIJ a déclaré qu’« un tribunal international est juge de sa propre compétence et a le pouvoir d’interpréter à cet effet les actes qui gouvernent celle-ci59 ». De la même façon, dans l’affaire de la Namibie, la CIJ a affirmé que « dans l’exercice de sa fonction judiciaire et puisque des objections ont été formulées, la Cour examinera ces objections dans son exposé des motifs, avant de se prononcer sur les conséquences juridiques découlant de ces résolutions60 ». Si

58 TPIY, Le Procureur c. Krajišnik, Affaire n° IT-00-39-AR73.2, Décision relative à l’appel interjeté par Krajišnik contre la décision rejetant la requête de la défense aux fins de constater que le juge Canivell ne peut continuer de siéger dans cette affaire, 15 septembre 2006, par. 15 et 16 (citations internes omises ; non souligné dans l’original).

59 CIJ, Affaire Nottebohm (Exception préjudicielle), Arrêt du 18 novembre 1953, I.C.J. Reports 111 (1953), p. 119 (non souligné dans l’original).

60 CIJ, Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 278 (1970) du Conseil de sécurité, Avis consultatif, I.C.J. Reports 16 (1971),

Page 363: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

363

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

l’on ne peut revendiquer un quelconque pouvoir général de réexamen judiciaire des résolutions du Conseil de sécurité, l’examen de leur légalité peut requérir un examen judiciaire dans un contexte spécifique au regard de normes concurrentes.

80. Lorsqu’il décide de créer un tribunal, le Conseil de sécurité est réputé l’avoir doté non seulement des attributs de la légalité mais aussi du pouvoir implicite de contrôler le respect des normes fondamentales61. Il est inconcevable que le Conseil de sécurité lui-même adhère à des normes moins strictes62.

81. Un tel examen spécifique d’une résolution du Conseil de sécurité n’équivaut pas à un réexamen général de la légalité de la résolution, mais plutôt à une interprétation et à une évaluation spécifiques des effets de cette résolution dans le cadre du mandat du Tribunal, qui est de garantir la tenue d’un procès équitable devant un tribunal indépendant établi par la loi.

par. 89 (non souligné dans l’original). Un avis consultatif – quoique non contraignant par lui-même – dit le droit (qui est lui-même contraignant).

61 Ainsi, par exemple, dans S/RES/1966 (2010), le Conseil de sécurité a veillé à mettre en place une stratégie de continuation pour le TPIY et TPIR, en « [r]éaffirmant qu’il est déterminé à combattre l’impunité … et réaffirmant qu’il est nécessaire de créer un mécanisme spécial appelé à exercer certaines fonctions essentielles des Tribunaux après leur fermeture, notamment de juger les fugitifs » au lieu de fermer simplement les deux institutions ou de rendre lui-même des verdicts.

62 On peut noter que les États qui se sont abstenus au Conseil de sécurité lors de l’adoption du document S/RES/1757 (2007) ont considéré comme essentiels les impératifs de justice et l’équité des procès. Cela vient à l’appui de la proposition selon laquelle le Tribunal doit agir dans le respect de la justice dans l’exercice de sa mission et être perçu comme tel. Voir en particulier les déclarations de l’Afrique du Sud (« L’Afrique du Sud appuie pleinement la création du tribunal et espère que celui-ci travaillera en toute impartialité et conformément au droit libanais et aux normes internationales les plus élevées en matière de justice pénale »), Chine (« nous comprenons et soutenons la demande faite par toutes les parties libanaises en faveur de la création d’un tribunal spécial. Nous espérons que cette initiative permettra d’établir le plus rapidement possible la vérité, de tenir les auteurs du crime pour responsables de leurs actes et de faire en sorte que justice soit faite pour les victimes »), Qatar (« L’État du Qatar reste résolu à aider le Liban à établir la vérité afin que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes devant la justice »), Indonésie (« L’impunité ne doit pas être tolérée ; la justice doit prévaloir. Dès lors, ceux qui sont tenus pour responsables de l’assassinat de feu le Premier Ministre Hariri et d’autres assassinats connexes doivent être traduits en justice »), Fédération de Russie (« La Fédération de Russie a toujours préconisé que l’on recherche la vérité sur l’assassinat de Rafic Hariri. Les coupables doivent être traduits en justice. Nous partageons sans réserve l’objectif premier des auteurs du projet de résolution qui consiste à empêcher l’impunité et la violence politique au Liban »). Voir Procès-verbal de séance du Conseil de sécurité des Nations Unies, UN Doc. S/PV.5685 (2007).

Page 364: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

364

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

Vii. le pouvoir et le but des actes du conseil de sécurité : l’espèce

A. pouvoir

82. Il ressort de l’exposé qui précède que le droit de l’accusé à un procès équitable commande de mettre en œuvre la procédure régulière requise par le système juridique exemplaire consacré dans notre Statut. Il s’ensuit que la résolution 1757 n’échappe pas à l’examen du Tribunal. Mais, compte tenu de la difficulté et de la complexité de la tâche incombant au Conseil, de l’étendue de ses ressources et de son expérience, ainsi que de ce qui relève de la pure appréciation, le champ de cet examen doit être étroitement limité. Comme indiqué précédemment, un organe judiciaire se doit d’éviter toute ingérence, à moins que le Conseil n’ait manifestement excédé les limites de son pouvoir.

83. La résolution 1757 rappelle que le Conseil de sécurité condamne « dans les termes les plus vigoureux l’attentat terroriste à l’explosif du 14 février 2005, ainsi que les autres attentats terroristes perpétrés au Liban depuis octobre 2004 » et réaffirme que « cet acte terroriste et ses incidences constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales ». Le Statut du Tribunal qui lui est annexé vise à lui conférer la compétence précédemment mentionnée à l’égard de personnes responsables de l’attentat du 14 février 2005 mais aussi de personnes responsables d’autres attentats survenus au Liban entre le 1er octobre 2004 et le 12 décembre 2005, reconnus présenter un lien de connexité avec celui du 14 février 2005. Le Tribunal est similairement compétent à l’égard de tout attentat ultérieur ayant un lien de connexité analogue si le Liban, le Conseil de sécurité et les Nations Unies y consentent.

84. Un thème majeur des conclusions de la Défense est qu’en mai 2007, il n’existait pas de « menace contre la paix internationale » mais seuls de graves troubles politiques à l’échelon national uniquement63. Le Tribunal a été créé dans le but d’appliquer non le droit international mais le droit pénal libanais64. Il a été affirmé que ne pouvait être valablement établie, en vertu de l’article 39, l’existence d’une

63 Audience relative à l’appel, p. 17.

64 Audience relative à l’appel, p. 17.

Page 365: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

365

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

menace contre la paix internationale à moins d’une décision antérieure du Conseil de sécurité avalisée par l’Assemblée générale ou relevant du droit coutumier ; à défaut, devait être invoquée l’existence d’un crime international, crime de guerre, génocide, crime contre l’humanité : des crimes internationaux ayant été acceptés comme tels ; ce n’était pas le cas en l’espèce65. L’accusation de terrorisme pouvant être portée contre des personnes conformément au Statut ne découle pas du droit international mais du droit pénal libanais ; l’attentat du 14 février 2005 s’est produit au Liban, visait une personnalité politique locale, et il ne s’agissait pas d’un crime international susceptible de constituer une menace contre la paix et la sécurité internationales66.

85. Il a également été allégué par la Défense que la réponse apportée par le Conseil de sécurité dans l’affaire Benazir Bhutto (27 décembre 2007), différente en ce qu’elle avait revêtu la forme d’une Déclaration du Président et n’avait pas entraîné la création d’un tribunal spécial67, ne constituait pas un précédent pertinent68. La Défense a fait valoir à maintes reprises que jamais, même dans les affaires de terrorisme, il n’avait été décidé de créer un tribunal (excepté bien sûr dans le cas présent)69.

86. Je n’accepte pas cet argument. Tout d’abord, il est reconnu depuis longtemps que « d’autres menaces, de nature non militaire, à la paix et à la sécurité trouvent leur source dans l’instabilité70 ». Plus spécifiquement, au cours des dix dernières années, le Conseil de sécurité s’est vu confier par les États membres des Nations Unies – y compris par le Liban – une compétence étendue afin de lutter contre le terrorisme, y compris le terrorisme national, reconnaissant que ce type d’attentat représente une menace pour la paix et la sécurité internationales. Plusieurs résolutions du Conseil de sécurité relèvent que les incidents relevant du terrorisme national constituent des menaces contre la paix et la sécurité internationales71. Le Conseil de sécurité,

65 Audience relative à l’appel, p. 23.

66 Audience relative à l’appel, p. 24, 34.

67 Audience relative à l’appel, p. 164.

68 Audience relative à l’appel, p. 157 et 158.

69 Appel Badreddine, par. 65.

70 Doc. UN S/23500 du 31 janvier 1992, p. 3 (mentionné dans les Observations du RLV, par. 15).

71 Voir, par ex., S/RES/1515 (2003) (Moyen-Orient) ; S/RES/1516 (2003) (Turquie) ; S/RES/1465 (2003) (Colombie) ; S/RES/1530 (2004) (Espagne) ; S/RES/1611 (2005) (Royaume-Uni) ; voir aussi RES/1618 (2005)

Page 366: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

366

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

alors que le Liban en était membre, a également fait plusieurs déclarations générales dans lesquelles il affirme que le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales72.

87. L’affirmation selon laquelle « [l]e Conseil de sécurité, réaffirmant que le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations constitue une des menaces les plus graves pour la paix et la sécurité internationales », à propos de l’affaire de Mme Bhutto, reprenant des termes déjà employés dans les Déclarations du Président73, englobe de toute évidence les circonstances de l’attentat du 14 février 2005. Le fait que la résolution Bhutto soit postérieure de quinze mois à l’attentat ne modifie pas cette conclusion. Pour interpréter un traité, on doit tenir compte de toute pratique ultérieure dans l’application du traité qui marque l’accord des parties concernant son interprétation74. L’attentat contre Mme Bhutto est très analogue à celui qui a été commis le 14 février 2005 et illustre la norme adoptée par le Conseil de sécurité.

88. Il a été noté que d’autres attentats sont survenus avant le 12 décembre 2005, à l’égard desquels le Tribunal sera compétent si un lien de connexité est établi, et l’article premier reconnaît la possibilité d’« affaires connexes » ultérieures. Pendant la période écoulée entre le 14 février 2005 et la création du Tribunal, les Nations

en rapport avec les attentats commis en Irak, sans que soit utilisée l’expression de terrorisme ‘international”. De plus, voir UNSC Déclarations du Président S/PRST/2004/14, S/PRST/2004/31 (Fédération de Russie); S/PRST/2005/55 (Jordanie); S/PRST/2006/30 (Inde); S/PRST/2009/22 (Indonésie); S/PRST/2007/50, S/PRST/2008/19, S/PRST/2008/35 (Pakistan); S/PRST/2007/10, S/PRST/2007/32, S/PRST/2007/45, S/PRST/2008/31 (Algérie).

72 Voir, par ex., UNSC Déclaration du Président S/PRST/19/2010). Depuis 2003, par conséquent, le Conseil de sécurité a élargi l’étendue des actes terroristes relevant du Chapitre VII en supprimant le terme “international” des résolutions et Déclarations du Président condamnant de tels actes.

Les États ont également fait valoir que la différence entre le terrorisme national et international est uniquement théorique : « [l]e terrorisme est toujours le même, bien qu’il existe sous mille formes différentes » (Procès-verbal de séance du Conseil de sécurité des NU, UN Doc S/PV.4752 (2003)). Dans la correspondance échangée avec le Conseil de sécurité, par exemple, la Tunisie a fait état de ses efforts « pour s’intégrer au régime mondial qui vise à lutter contre ce phénomène et [a] appuy[é] les efforts que déploie la communauté internationale dans ce domaine ». (Rapport présenté au Comité contre le terrorisme (Tunisie), 4 février 2005, S/2005/194, p. 3). L’Iran a annoncé que « le Gouvernement iranien accorde une grande importance à l’application des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, en particulier la résolution 1373 (2001) » (Report to the Counter-Terrorism Committee (Iran), 27 décembre 2001, S/2001/1332, p 1).

73 Voir, par ex., ci-dessus, note de bas de page 71.

74 Convention de Vienne sur le droit des traités (1980), 1155 U.N.T.S. 331, Art. 31 3) b).

Page 367: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

367

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

Unies ont supervisé de très près la conduite de l’enquête ; il était clairement loisible au Conseil de sécurité de conclure que la menace couvait toujours. Les diverses résolutions traitant de la Commission d’enquête indépendante internationale des Nations Unies et du Tribunal sont intitulées « Situation au Moyen Orient » – le Conseil considérait ces événements à la lumière de leur impact sur la région.

89. Le choix des moyens retenus par le Conseil de sécurité face à ces différents attentats terroristes a largement évolué, allant d’une simple condamnation à l’imposition d’obligations conventionnelles à l’égard d’États membres des Nations Unies75, à l’obligation faite aux États d’imposer des sanctions administratives à des individus76, et à la création d’un Tribunal spécial77. Le fait que ce tribunal soit le premier en son genre n’est pas davantage un obstacle à sa validité que la création innovante d’un tribunal pénal international en 1993 ne l’a été pour les travaux du TPIY78.

B. But

90. Les actes du Conseil de sécurité, lors de l’adoption de la résolution et depuis lors, témoignent à l’évidence de sa volonté de rendre justice aux victimes décédées et blessées. Je suis convaincu que rien ne permet d’affirmer que le Conseil de sécurité a agi dans un but inapproprié et non conformément aux buts prévus par le Chapitre VII de la Charte.

C. Conclusion sur le pouvoir et le but des actes du Conseil de sécurité

91. Pour ces raisons, j’ai la conviction, contrairement à l’approche retenue par la Chambre de première instance, que le Tribunal se doit de replacer dans son contexte la résolution 1757 ; et, ceci fait, que les Appelants n’ont pas démontré que le Conseil

75 S/RES/1373 (2001).

76 Voir, par ex., S/RES/1267(1999), S/RES/1333 (2000), S/RES/1390 (2002) et suivantes.

77 S/RES/1757 (2007).

78 Voir aussi les Observations du RLV, par. 11.

Page 368: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

368

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

de sécurité avait excédé ses pouvoirs légitimes aux termes de l’article 39 en adoptant la résolution.

92. La création du Tribunal ne saurait non plus, selon les dispositions de l’article 41 de la Charte, être considérée comme excédant les pouvoirs conférés au Conseil. Un tribunal à caractère international – un tribunal spécial pour le Liban, appliquant le droit libanais et à forte composante judiciaire libanaise – est un moyen approprié de répondre à une menace, d’après le Conseil de sécurité, lorsque l’autre option est l’impunité.

Viii. création d’un tribunal sélectif et a posteriori

93. Aucun juge ne peut accepter avec sérénité une situation dans laquelle certains crimes graves font l’objet de poursuites pénales tandis que d’autres ne le font pas. Le principe selon lequel tous les crimes doivent être traités de la même façon constitue un précepte d’équité fondamental79.

94. Ici, néanmoins, il ne peut être affirmé à bon droit que la création du Tribunal est discriminatoire et, de là, illégalement sélective. Ce Tribunal n’a aucun intérêt à s’immiscer dans la politique libanaise ou autre. Il est uniquement préoccupé par le droit et par tout élément de preuve tendant à prouver ou à réfuter la perpétration de crimes relevant de son ressort. Lors de sa création, l’identité des auteurs de l’attentat du 14 février 2005 était inconnue de tous sauf des participants et peut-être de certains de leurs proches. On ne la connaît toujours pas : on ne peut que spéculer sur leur identité tant qu’une décision judiciaire n’a pas établi que le Procureur a réfuté la présomption d’innocence des accusés traduits devant la justice. Le Statut se borne à tenter de rendre opérant le droit pénal libanais afin d’assurer la bonne conduite

79 Appel Ayyash, par. 25. Dans l’affaire AXA General Insurance Ltd v HM Advocate UK Supreme Court, [2011] UKSC 46, par. 97, Lord Mance a déclaré :

[TRADUCTION] Il peut y avoir des décisions – comme par exemple le cas extrême d’une décision manifestement discriminatoire à l’égard de personnes rousses – dans lesquelles, quelles que soient les limites des buts pour lesquels les décideurs peuvent agir, un tribunal considérera que ce qui a été fait est irrationnel, en raison des effets qu’ont eu ces décisions. Si un Parlement ou une Assemblée doté de compétences propres devait un jour promulguer une telle mesure, je considérerais qu’elle peut être contestée sur la base de la Convention des droits de l’homme ou, à défaut, en vertu de l’atteinte portée aux droits fondamentaux ou à la règle de droit, au cœur même de laquelle résident les principes d’égalité de traitement.

Page 369: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

369

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

des enquêtes et la tenue d’un procès équitable pour les personnes accusées d’avoir commis les attentats du ressort du Tribunal.

95. Bien qu’il soit largement préférable que tous les auteurs d’actes criminels soient traduits en justice, le fait de ne pas parvenir à cet idéal ne constitue généralement pas un moyen de défense pour ceux qui sont poursuivis. Ils ont droit à un procès équitable et non à une remise en liberté au motif que d’autres n’ont pas, ou pas encore, été mis en accusation. Ces derniers doivent s’attendre à être un jour jugés à leur tour. Le droit relatif aux droits de la personne n’interdit pas, à proprement parler la création a posteriori de juridictions pénales tant que les garanties d’indépendance et de procès équitable sont effectivement préservées80. Une interprétation juste de la résolution 1757 du Conseil de sécurité révèle que celle-ci respecte les dispositions essentielles du droit relatif aux droits de la personne, dûment prises en compte par le Conseil de sécurité lorsqu’il a pris la décision de créer le Tribunal.

96. Selon moi, la Défense ne démontre pas qu’une erreur a été commise à cet égard.

80 « Le jugement de civils par des tribunaux militaires ou d’exception devrait être exceptionnel, c’est-à-dire limité aux cas où l’État partie peut démontrer que le recours à de tels tribunaux est nécessaire et justifié par des raisons objectives et sérieuses et ou, relativement à la catégorie spécifique des personnes et des infractions en question, les tribunaux civils ordinaires ne sont pas en mesure d’entreprendre ces procès ». (Comité des droits de l’homme des Nations Unies, Observation générale n° 32, Article 14, Droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable, UN Doc. CCPR/C/GC/32 (2007), par. 22). La Cour européenne des droits de l’homme met l’accent sur l’indépendance et l’impartialité consacrées dans le règlement applicable au tribunal en question, plutôt que sur le caractère sélectif et le statut spécial au sein du système. Voir, par ex., CEDH : Findlay c. Royaume-Uni, Requête n°22107/93 (1997) ; Ari c. Turquie, Requête n° 29281/95 (2001) ; Selçuk Yıldırım c. Turquie, Requête n° 30451/96 (2001). Bien que la Cour interaméricaine des droits de l’homme ait adopté une approche plus stricte à l’égard des cours et tribunaux spéciaux ([TRADUCTION] « [e]n ce qui concerne les poursuites à l’encontre de civils, ceux-ci doivent être jugés par des tribunaux régulièrement constitués dont on peut démontrer l’indépendance vis-à-vis des autres branches du gouvernement et composés de juges dûment qualifiés et formés, et il est généralement interdit de recourir à des tribunaux ou commissions ad hoc, spéciaux ou militaires pour juger des civils », Rapports de la Commission interaméricaine des droits de l’homme sur le terrorisme et les droits de l’homme: Résumé général et recommandations. OEA/Ser.L/V/II.116, Doc. 5 rev. 1 corr., par. 18, 230, 261 (22 octobre 2002) (non souligné dans l’original)). Même dans ce système, les juridictions post facto ne sont pas complètement interdites, à condition d’être créées en tant qu’organes indépendants et impartiaux.

Page 370: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

370

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath)

iX. conclusion

97. Il s’ensuit qu’aucun moyen invoqué en appel ne peut être accueilli et que les appels doivent être rejetés.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi. Fait le 24 octobre 2012, À Leidschendam (Pays-Bas)

M. le juge David Baragwanath

Page 371: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

371

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy)

OpiniOn sÉpARÉe eT pARTielleMenT dissidenTe du juGe RiAcHY

1. Je suis d’avis comme mes collègues que les appels doivent être rejetés. Mais je considère que tous les trois doivent être reçus de plein droit. Je propose en outre des motifs supplémentaires susceptibles, selon moi, d’étayer la conclusion de la Chambre d’appel selon laquelle le Tribunal ne peut réexaminer les actes du Conseil de sécurité.

I. droit de recours

2. Je ne partage pas l’opinion de mes collègues sur l’article 126 et son application en l’espèce. Notre Règlement suit un ordre logique. L’interprétation adoptée par la majorité des juges ne me semble pas en tenir compte. L’article 126 a une portée limitée. Il s’applique aux requêtes « autres que les exceptions préjudicielles1 ». Mais une contestation de la légalité du Tribunal ne peut être soulevée, si tant est qu’elle le puisse, qu’en tant qu’exception préjudicielle. Il s’agit d’une question éminemment préliminaire qui doit en toute logique – et à titre exceptionnel – être traitée in limine litis, avant l’ouverture du procès lui-même. La qualification qui assimile une exception d’illégalité aux « autres requêtes » visées par l’article 126 me paraît donc incorrecte.

3. Quant à savoir si les conseils ont le droit d’interjeter appel de la Décision attaquée : le Règlement ne fait pas spécifiquement mention de la question de la légalité du Tribunal2. Les conseils ont considéré que la question relevait de l’article 90 et devait être traitée comme une exception préjudicielle d’incompétence. Les décisions relatives à ce type de requête peuvent, de plein droit, faire l’objet d’un appel en vertu de l’article 90 B) i). Cependant, dans la Décision attaquée, la Chambre de première instance a rejeté l’opinion des conseils. Ceux-ci ont fait appel des conclusions de

1 Voir Article 126 A).

2 Le Règlement de procédure et de preuve autorise les parties à former deux types de recours devant la Chambre d’appel : i) des appels de plein droit ; et ii) des appels certifiés. La certification est envisagée à l’article 126 et à l’article 90 B) ii) pour les exceptions préjudicielles autres que les exceptions d’incompétence. Sinon, les appels de plein droit font l’objet d’articles spécifiques.

Page 372: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

372

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy)

ladite Chambre, estimant que leurs appels se fondaient sur l’article 90 B) i). La question soumise à la Chambre d’appel est de savoir si les exceptions d’illégalité tombent dans le champ des exceptions d’incompétence.

4. Pour déterminer si une question particulière relève du domaine de la compétence, d’autres tribunaux internationaux ont eu recours à des réponses simples tirées de leurs Règlements. Ces réponses ont établi si le recours formé devant eux était recevable ou non33. Si cette approche devait être adoptée en l’espèce, la présente Chambre serait tenue de trancher définitivement la question de savoir si la contestation de la légalité du Tribunal fait partie des contestations énumérées dans le Règlement. Il en découlerait que les appels seraient soit catégoriquement rejetés, soit examinés au fond.

5. En l’espèce, les conseils contestent l’affirmation de la Chambre de première instance selon laquelle la légalité ne fait pas partie de la compétence. De leur point de vue, le Tribunal n’est pas compétent pour juger les Appelants parce que sa création est illégale. La légalité en tant que telle devient une question de fond essentielle qui concerne à la fois la recevabilité des appels devant notre Chambre et celle des requêtes devant la Chambre de première instance. Si le Tribunal ne peut pas examiner la légalité de sa propre création, il est logique que les conseils ne puissent pas, en termes de procédure, soulever cette contestation.

6. Ainsi, une question qui est intrinsèquement liée au fond affecte la recevabilité des appels devant notre Chambre. Le Règlement, selon moi, ne donne pas de réponse claire à ce problème. Il est donc nécessaire de l’interpréter. Comme le prévoit l’article 3 :

A) Le Règlement est interprété conformément à l’esprit du Statut et, par ordre de priorité, i) aux principes d’interprétation établis en droit international coutumier, tels que codifiés aux articles 31, 32 et 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969), ii) aux normes internationales en matière de droits de l’homme, iii) aux principes généraux de droit

3 Voir TPIY, Le Procureur c/ Tolimir, Affaire n° IT-05-88/2-AR72.2, Decision on Zdravko Tolimir’s Appeal Against the Decision on Submissions of the Accused Concerning Legality of Arrest, 12 mars 2009, par. 11 et 12.

Page 373: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

373

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy)

international pénal et de procédure et, le cas échéant, iv) au Code de procédure pénale libanais.

B) Toute ambiguïté qui n’aura pas été levée selon les modalités prévues au paragraphe A) est résolue en suivant l’interprétation considérée comme la plus favorable au suspect ou à l’accusé au vu des circonstances de l’espèce.

Ces dispositions ouvrent des pistes permettant d’interpréter tous les autres articles. À mon avis, les trois premières ne débouchent sur aucune solution claire et explicite à la question qui nous occupe. Par conséquent, la piste la plus utile à explorer est celle du droit libanais et de la manière dont il résoudrait la question.

7. En droit libanais, sauf disposition contraire expresse, c’est la nature du litige porté devant le juge qui détermine la recevabilité d’un appel. La décision du juge du premier degré n’empêche pas une partie de former un appel lorsque ladite partie conteste la qualification attribuée par le juge44. En l’espèce, le litige porte sur la question de savoir si la contestation de la légalité du Tribunal est une question qui relève du domaine de la compétence. Il s’ensuit que, si nous interprétons le Règlement à la lumière du droit libanais, comme nous y invite l’une des options offertes par l’article 3, les appels doivent être reçus en vertu de l’article 90 B) i) pour nous permettre de débattre sur le fond de la question consistant à savoir si la légalité fait partie de la compétence. En outre, cette interprétation est aussi la plus favorable aux accusés, car elle nous permet de recevoir les trois recours.

4 Il s’agit d’un principe général du droit libanais. On en trouve une application concrète dans les codes de procédure pénale et de procédure civile libanais (ce dernier étant applicable aux procédures pénales en vertu de son article 6). Selon l’article 303 du Code de procédure pénale libanais, le ministère public est autorisé à se pourvoir en cassation contre une décision rendue par la Cour d’appel si cette dernière a considéré que l’infraction commise est une contravention alors que, pour le ministère public, il s’agissait d’un délit. C’est une exception au principe selon lequel il est impossible de se pourvoir en cassation contre des contraventions. En d’autres termes, le pourvoi se fonde non pas sur la qualification donnée par la juridiction du premier degré mais sur les moyens avancés par la partie. Les articles 62 et 640 du Code de procédure civile libanais sont également une application de ce principe général : au Liban, le droit de recours dans les procédures civiles est déterminé par la valeur de l’objet du litige. Si une cour du premier degré décide que cette valeur est inférieure à la limite légale ouvrant droit à recours mais que la partie conteste cette conclusion, la question reste susceptible d’appel ; autrement dit, ce sont les moyens invoqués par la partie qui déterminent si l’appel est recevable ou non. Voir Ahmad Abou el Wafa, Ousoul al mouhakamat al madaniya [Procédure civile], 4e édition, 1989 p. 288. Voir aussi articles 4 et 536 du Code de procédure civile français qui fait référence au même principe.

Page 374: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

374

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy)

8. Pour cette raison, les trois appels de MM. Ayyash, Badreddine et Oneissi sont, de mon point de vue, recevables à ce stade.

ii. sur le fond

9. Il faut d’abord résoudre la question de savoir si une contestation de la légalité relève du domaine de la compétence. À cet égard, je partage les vues exprimées par mes collègues aux paragraphes 12 à 16 de la présente Décision. Pour les raisons qui suivent, je considère qu’une contestation de la légalité ne relève pas des questions de compétence. Cela résulte directement de la nature distincte des deux notions et du libellé clairement restrictif de l’article 90 E).

10. Se demander si la résolution 1757 est légale revient à évaluer l’instrument qui a créé le Tribunal. En revanche, la compétence a trait à la capacité d’une juridiction à connaître d’une certaine question55. Quand on se demande si une juridiction est compétente, on part du principe qu’elle a été légalement constituée66. Il résulte d’un instrument constitutif illégal que les décisions de la juridiction ainsi constituée sont nulles et que la juridiction elle-même doit être considérée comme inexistante. En revanche, la contestation de la compétence d’une juridiction, si elle aboutit, restreint uniquement le champ de ses pouvoirs. Par conséquent, compétence et légalité ne sont pas de même nature et l’une ne saurait englober l’autre. Ce qui justifie le champ étroit et la nature restrictive de l’article 90 E).

11. Cependant, si elle n’est pas une exception d’incompétence, une exception d’illégalité peut-elle être considérée comme une exception préjudicielle d’un autre type dont nous pourrions être saisis ? Pour répondre à cette question, nous devons considérer l’instrument qui a établi ce Tribunal. Je partage l’opinion adoptée dans la Décision. Nous sommes constitués par la résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité et nous ne sommes pas habilités à réexaminer les actes dudit Conseil à cette fin.

5 G. Stefani, G. Levasseur et B. Bouloc, Procédure pénale, Dalloz, 16e édition, 1996, p. 403, par. 395.

6 États-Unis d’Amérique, Cour d’appel de Caroline du Nord, Pinner v. Pinner, 234 S.E.2d 633 (1977) : « [TRADUCTION] La compétence est le pouvoir d’une juridiction de trancher une question en litige ; elle présuppose l’existence d’une juridiction dûment constituée ayant autorité en la matière et sur les parties. »

Page 375: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

375

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy)

12. J’ajoute ceci : il me semble, pour les raisons exposées ci-après, que les résolutions du Conseil de sécurité bénéficient d’une présomption de légalité.

13. Comme il est noté au paragraphe 37 de la Décision, le Conseil de sécurité est habilité à constater l’existence d’une menace contre la paix et la sécurité internationales, mais dans la mesure seulement où il poursuit les buts et agit conformément aux principes des Nations Unies77. Ces buts et principes constituent les limites légales du pouvoir discrétionnaire du Conseil.

14. Les résolutions elles-mêmes du Conseil de sécurité sont présumées légales, c’est-à-dire prises conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies, et en fait, à la Charte tout entière, pour les raisons suivantes :

(i) un engagement fondamental en faveur de la justice et du droit international : Le paragraphe 1 de l’article premier de la Charte définissant les buts des Nations Unies indique que lorsqu’ils agissent pour le maintien de la paix et de la sécurité, les États membres s’engagent à respecter les principes de la justice et du droit international88.

(ii) un organe légalement chargé de prendre des mesures : Aux termes de l’article 24 de la Charte, les États membres « confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu’en s’acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit en leur nom », c’est-à-dire que celui-ci est l’organe approprié, prévu par la Charte, pour prendre des mesures visant au maintien de la paix et de la sécurité internationales99.

7 Voir articles 1 et 2 de la Charte des Nations Unies.

8 La Cour internationale de Justice a statué que « […] lorsque l’organisation prend des mesures dont on peut dire à juste titre qu’elles sont appropriées à l’accomplissement des buts déclarés des Nations Unies, il est à présumer que cette action ne dépasse pas les pouvoirs de l’organisation ».Voir CIJ, Certaines dépenses des Nations Unies (Article 17, paragraphe 2 de la Charte), Avis consultatif du 20 juillet 1962, C.I.J. Recueil 1962, p. 168.

9 Voir également Arrêt Tadić, par. 44 : Le fait que les Nations Unies ne soient pas dotées d’un organe législatif ne signifie pas que le Conseil de sécurité

n’est pas habilité à créer le présent Tribunal international s’il agit conformément à des pouvoirs conférés par sa propre constitution, la Charte des Nations Unies. Nous venons de le voir [….] le Conseil de sécurité est doté du pouvoir de créer le présent Tribunal international comme une mesure prise en vertu du chapitre VII suite à sa décision selon laquelle il existe une menace contre la paix.

Page 376: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

376

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy)

(iii) Lanécessitéd’assurerune«actionrapideetefficace10 » : Cette exigence résulte de l’urgence qui caractérise parfois les actes du Conseil. La remise en cause de ces actes va à l’encontre de l’objectif de rapidité et d’efficacité.

(iv) un système interne de freins et contrepoids : Le Conseil de sécurité est un organe politiquement hétérogène. Quinze États souverains différents, aux volontés politiques différentes, y sont représentés. Le système de prise de décisions requérant une majorité de neuf voix, et l’existence du droit de veto, est très strict. Ainsi, la composition et le système de vote du Conseil autorisent à attacher une présomption de légalité à ses décisions.

15. Cette présomption de légalité dont bénéficient les résolutions du Conseil de sécurité peut sembler réfragable en théorie, autrement dit il est possible de vérifier la conformité des actes du Conseil de sécurité avec les buts et principes de la Charte. Un réexamen de ces actes est cependant impossible en pratique. D’une part, il n’existe pas de mécanisme habilitant une institution à le faire. D’autre part, tout réexamen se heurterait à des obstacles divers tels que l’impossibilité de vérifier le caractère approprié des actes du Conseil et le fait qu’un tel réexamen puisse les entraver. Il en va de même pour la décision du Conseil de sécurité concernant les mesures qu’il prend une fois qu’il a constaté l’existence d’une menace à la paix et à la sécurité internationales.

16. En résumé, les actes du Conseil de sécurité bénéficient d’une présomption de légalité, qui peut paraître réfragable, mais qui, en pratique, ne l’est pas. Pour cette raison et celles mentionnées dans la Décision, je m’associe au point de vue de la majorité selon lequel tout réexamen des actes du Conseil de sécurité par le Tribunal est par conséquent impossible.

10 Voir Art. 24 de la Charte des Nations Unies.

Page 377: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

377

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy)

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi. Le 24 octobre 2012, À Leidschendam (Pays-Bas)

M. le juge Ralph Riachy

Page 378: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

378

Page 379: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

11.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : la chambre d’appel

Titre : Arrêt relatif aux appels interjetés par la défense de la décision de la chambre de première instance relative au réexamen de la décision portant ouverture d’une procédure par défaut

Titre réduit : Réexamen–procédurepardéfautCA

379

Page 380: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

380

Page 381: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

381

lA cHAMBRe d’Appel

Affaire n° : sTl-11-01/pT/Ac/AR126.1Devant : M. le juge david Baragwanath, président

M. le juge Ralph Riachy M.lejugeAfifChamseddine M. le juge daniel david ntanda nsereko, juge rapporteur M. le juge Kjell erik Björnberg

Le Greffier : M. Herman von HebelDate : 1 novembre 2012Original : AnglaisType de document : public

le pROcuReuR c.

sAliM jAMil AYYAsH, MusTAFA AMine BAdReddine,

Hussein HAssAn Oneissi et AssAd HAssAn sABRA

ARRÊT RelATiF AuX Appels inTeRjeTÉs pAR lA dÉFense de lA dÉcisiOn de lA cHAMBRe de pReMiÈRe insTAnce

RelATiVe Au RÉeXAMen de lA dÉcisiOn pORTAnT OuVeRTuRe d’une pROcÉduRe pAR dÉFAuT

Bureau du procureur : M. Norman Farrell

conseils de M. salim jamil Ayyash : Me Eugene O’Sullivan Me Emile Aoun

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes M. Mohammad F. Mattar Mme Nada Abdelsater Abusamra

conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: Me Antoine Korkmaz Me John Jonesconseils de M. Hussein Hassan Oneissi: Me Vincent Courcelle-Labrousse Me Yasser Hassan

chef du Bureau de la défense : M. François Roux

conseils de M. Assad Hassan sabra: Me David Young Dr Guénaël Mettraux

Page 382: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

382

Réexamen – procédure par défaut CA

nOTice inTROducTiVe1

À la suite du défaut de comparution de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra devant le Tribunal, la Chambre de première instance a décidé d’engager une procédure par défaut. Les conseils de la défense désignés pour représenter chacun des quatre accusés ont demandé à ladite chambre de réexaminer sa décision. Celle-ci a rejeté leurs requêtes, et les conseils de la défense ont interjeté appel de ce rejet.

La Chambre d’appel déboute les plaideurs de leurs appels à l’unanimité.

La décision attaquée est une décision relative au réexamen en vertu de l’article 140. Les conseils devaient démontrer qu’ils avaient subi un préjudice causé par le refus de la Chambre de réexaminer la Décision portant ouverture d’une procédure par défaut. Dans la mesure où tout préjudice causé dans ces circonstances sera réparé dès lors que les accusés comparaîtront devant le Tribunal et décideront d’exercer leur droit à un procès de novo, la Chambre d’appel rejette in limine la plupart des contestations de la Défense. Toutefois, le préjudice potentiel qui résulterait d’une violation des droits des accusés d’être informés de la nature des accusations formulées à leur encontre et de participer à la procédure ne pourrait pas être réparé par un nouveau procès. Pour que ces droits soient effectivement garantis, il est indispensable qu’une notification régulière ait eu lieu. Par conséquent, la Chambre d’appel n’est valablement saisie que de cette question.

La Chambre d’appel conclut que la Chambre de première instance n’a pas commis d’erreur en formulant le critère de réexamen en vertu de l’article 140, ni en établissant et en appliquant les critères juridiques applicables à la notification. La Chambre d’appel conclut qu’un procès par défaut ne peut avoir lieu qu’à la condition que i) des mesures jugées raisonnables aient été prises afin d’assurer la notification à personne ; ii) les éléments de preuve relatifs à la notification convainquent la Chambre de première instance que les accusés ont effectivement eu connaissance de l’engagement d’une procédure à leur encontre ; iii) ces éléments sont suffisamment

1 La présente notice ne fait pas partie de la décision de la Chambre d’appel. Elle a été établie pour la commodité du lecteur, qui peut juger utile de disposer d’une présentation des grandes lignes de la décision. Seul le texte de la décision constitue, en lui-même, le document faisant foi.

Page 383: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

383

Réexamen – procédure par défaut CA

spécifiques pour que l’absence des accusés soit interprétée de manière univoque comme un choix de leur part de ne pas assister à l’audience et donc comme une renonciation à leur droit d’être présents. La Chambre de première instance doit être convaincue que, sur la base de tous les éléments de preuve dont elle dispose, ces trois conditions sont réunies ; cette conviction peut résulter d’une déduction sur la base de toutes les circonstances de l’affaire. Du fait de cette nécessité et des conséquences découlant de la décision d’engager une procédure par défaut, il s’agit nécessairement d’une norme exigeante d’administration de la preuve.

Compte tenu de l’ampleur et de la spécificité du réexamen des éléments de preuve relatifs à la notification auquel la Chambre de première instance s’est livrée dans la Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, la Chambre d’appel conclut que la Chambre de première instance a appliqué les normes d’administration de la preuve les plus exigeantes qui soient pour établir que les accusés avaient été informés des accusations formulées à leur encontre, de leur droit de participer à la procédure et des conséquences d’un défaut de comparution. Ce niveau d’exigence a également gouverné les conclusions de la Chambre de première instance, qui indiquent indubitablement que celle-ci est convaincue que les accusés ont été dûment notifiés dans les circonstances particulières de l’espèce. La Défense n’a pas démontré que la Chambre de première instance avait commis une erreur dans la décision attaquée en rejetant leurs requêtes en réexamen pour ce qui concerne la notification.

Page 384: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

384

Réexamen – procédure par défaut CA

inTROducTiOn

1. À la suite du défaut de comparution de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra devant le Tribunal, la Chambre de première instance a décidé d’engager une procédure par défaut2. Les conseils de la défense désignés pour représenter chacun des quatre accusés3 ont demandé à la dite Chambre de réexaminer sa décision4. Dans la Décision attaquée, la Chambre de première instance a rejeté leur requête5 et les conseils de la défense ont interjeté appel6.

2. Les accusés ont le droit de connaître les charges dont ils font l’objet et de pouvoir choisir de participer ou non au procès avant qu’il soit décidé d’engager une procédure par défaut. Sur cette base, nous concluons que les seuls points que les conseils pouvaient attaquer en appel sont ceux relatifs à la notification régulière de la procédure intentée à l’encontre des accusés. Nous concluons que la Chambre de première instance a appliqué la norme juridique appropriée concernant la notification. Nous rejetons par conséquent les appels.

2 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/I/TC, Décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 1er février 2012 (« Décision In Absentia »).

3 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/I/PTJ, Commissions d’office de conseils aux fins de la procédure par défaut tenue en application de l’article 106 du Règlement, 2 février 2012.

4 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/TC : Requête de la Défense de M. Badreddine aux fins de réexamen de la « Décision portant ouverture d’une procédure par défaut » rendue par la Chambre de première instance le 1er février 2012, 22 mai 2012 (« Requête en réexamen de Badreddine ») ; Sabra Motion for Reconsideration of the Trial Chamber’s Order to Hold a Trial In Absentia, 23 mai 2012 (« Requête en réexamen de Sabra ») ; Demande de la Défense de M. Oneissi en réexamen de la décision d’ouverture d’une procédure par défaut du 1er février 2012 (« Demande en réexamen de Oneissi »), 24 mai 2012 ; Ayyash Motion Joining Sabra Motion for Reconsideration of the Trial Chamber’s Order to Hold a Trial In Absentia, 24 mai 2012.

5 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/TC, Décision relative au réexamen de la décision portant ouverture d’une procédure par défaut, 11 juillet 2012 (« la Décision attaquée »).

6 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/AC/AR126.1, Mémoire d’appel de la Défense de M. Oneissi à l’encontre de la Décision de la Chambre de Première instance sur le réexamen de la décision portant ouverture de la procédure par défaut, 5 septembre 2012 (« Appel de Oneissi ») ; Sabra’s Appeal against Decision on Reconsideration of the Trial in absentia Décision, 5 septembre 2012 (« Appel de Sabra ») ; Mémoire d’appel de la Défense de M. Baddredine à l’encontre de la « Décision relative au réexamen de la décision portant ouverture d’une procédure par défaut », 5 septembre 2012 (« Appel de Badreddine ») ; Ayyash Joinder in “Sabra’s Appeal against Decision on Reconsideration of the Trial in absentia Decision”, 5 Septembre 2012. Toutes les autres références à des dépositions et décisions concernent le présent numéro d’affaire, sauf indication contraire. Nous avons rejeté une tentative du conseil de M. Ayyash visant à former un appel sans en avoir obtenu la certification, voir TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/AC, Decision on Request by Defence for Mr Ayyash for Extension of Time to File an Appeal, 17 août 2012.

Page 385: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

385

Réexamen – procédure par défaut CA

les ARGuMenTs des pARTies

3. Les conseils de la défense font valoir en appel un certain nombre d’arguments qui se rapportent en règle générale aux points suivants :

• la décision de la Chambre de première instance de limiter le champ de son examen aux questions découlant de son application de l’article 106 (A)7 ;

• la norme de réexamen appliquée par la Chambre de première instance8 ;

• la légalité des procédures par défaut en général9 ;

• la possibilité de rejuger entièrement la cause dans l’avenir et les modalités d’un tel procès10 ;

• la conclusion que la Décision in absentia ne relève pas d’un pouvoir discrétionnaire11 ;

• l’absence des accusés à la procédure par défaut et l’effet de la commission d’office de conseils12 ;

• le sens et l’effet de l’expression « en fuite » et l’existence ou non d’éléments établissant que les accusés ont pris la fuite13 ;

• la conclusion de la Chambre de première instance qu’il n’est pas nécessaire de prouver que les accusés sont en vie14 ;

7 Appel de Oneissi, par. 12 à 17 ; Appel de Sabra, par. 13 à 18, Appel de Badreddine, par. 4, 10 et 11.

8 Appel de Oneissi, par. 7 à 21, 23 à 41 ; Appel de Sabra, par. 13 à 15, 17, 30 à 34 ; Appel de Badreddine, par. 4, 10 à 15.

9 Appel de Badreddine, par. 10 à 15.

10 Appel de Badreddine, par. 16 à 39 ; Appel de Oneissi, par. 42 à 63 ; Appel de Sabra, par. 57.

11 Appel de Sabra, par. 53 à 60.

12 Appel de Sabra, par. 14(b-d), 19 à 24, Appel de Oneissi, par. 23 à 41.

13 Appel de Sabra, par. 46 à 48, 50 à 52 ; Appel de Badreddine, par. 42 à 44, Appel de Oneissi, par. 64.

14 Appel de Sabra, par. 25 à 29.

Page 386: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

386

Réexamen – procédure par défaut CA

• la conclusion de la Chambre de première instance que les accusés ont dûment reçu notification15.

4. En réponse à chacun de ces arguments, le Procureur a soutenu que la Défense n’avait pas montré : a) que ces questions trouvaient leur origine dans la Décision attaquée, ou b) que la Chambre de première instance a commis une erreur, ou c) que ladite Chambre n’a pas appliqué la norme pertinente aux éléments à sa disposition16.

lA nORMe du RÉeXAMen en Appel

5. La décision de la Chambre de première instance de réexaminer ou non une décision antérieure relève de son pouvoir discrétionnaire17 et la Chambre d’appel doit donc y déférer dès lors qu’elle respecte les principes établis. Aussi, la question à examiner en appel n’est pas de savoir si nous sommes d’accord ou non avec la Décision attaquée, mais s’il est démontré que la Chambre de première instance a exercé indûment son pouvoir discrétionnaire18. En conséquence, nous ne porterons

15 Appel de Oneissi, par. 64 à 73, Appel de Sabra, par. 32, 35 à 44, 49 à 52 ; Appel de Badreddine, par. 45 à 47.

16 Prosecution Consolidated Response to Defence Appeals against “Decision on Reconsideration of the Trial in absentia Decision”, 26 septembre 2012 (la « Réponse globale du Procureur »), par. 2, 10 à 12, 52 à 68 (sur l’ampleur de l’examen des preuves par la Chambre de première instance) ; par. 4, 13 (s’agissant de la norme du réexamen) ; par. 5, 28 à 34 (sur l’obligation de déterminer si l’accusé est vivant) ; par. 2, 52 à 68 (sur la légalité de la procédure par défaut) ; par. 35 à 40 (sur les mesures de notification prises à l’extérieur du Liban) ; par. 41 à 43 (sur la teneur de la notification) ; par. 35 à 40 (sur les mesures de notification à l’extérieur du Liban) ; par. 44 à 49 (sur l’utilisation de l’expression « en fuite ») ; par. 14 à 18 (sur l’absence de conseil au cours de la procédure qui a conduit à la décision d’ouvrir une procédure par défaut) ; par. 19 à 27 (sur la question de savoir si la décision d’engager une procédure par défaut relevait d’un pouvoir discrétionnaire) ; par. 56, 62 et 65 (sur le droit à ce que la cause soit rejugée). Nous avons rejeté la demande de la Défense sollicitant l’autorisation de déposer une réplique à la réponse globale du Procureur, voir Ordonnance relative à la Requête de la Défense en autorisation de dépôt d’une réplique, 8 octobre 2012.

17 Article 140 du RPP du TSL : « une Chambre peut […] réexaminer une décision […] [italique ajouté] ». Nous signalons que, contrairement à la norme reconnue devant les tribunaux internationaux que nous adoptons plus haut, dans certaines juridictions nationales, les pouvoirs discrétionnaires des juges ont une portée plus large, voir G. Cornu, Vocabulaire Juridique, 7e édition, Presses Universitaires de France, Paris, 2005 où le terme discrétionnaire (tel qu’applicable aux juges dans le cadre de leurs procédures) est défini ainsi :

Se dit du pouvoir d’appréciation du juge dans les cas exceptionnels où celui-ci jouit de la faculté de prendre, en fonction des circonstances (qu’il apprécie librement), une décision qui non seulement échappe au contrôle de la Cour de cassation, comme toute appréciation souveraine de fait, mais, plus spécifiquement, peut se référer, pour motif suffisant, au sentiment d’opportunité du juge (sous réserve, en appel, d’une appréciation différente de l’opportunité).

18 TPIR, Bagosora et autres c. le Procureur, Affaire n° ICTR-98-41-A, Interlocutory Appeal from Refusal to Reconsider Decisions Relating to Protective Measures and Application for a Declaration of « Lack of

Page 387: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

387

Réexamen – procédure par défaut CA

pas atteinte à une décision attaquée à moins que la Chambre de première instance n’ait commis une erreur patente19. Ce sera le cas si ladite Chambre i) a fondé sa décision sur une interprétation erronée du droit applicable ; ii) a procédé à une appréciation des faits manifestement inexacte, ou iii) a rendu une décision si déraisonnable qu’elle constitue un abus de son pouvoir discrétionnaire20.

6. La Chambre d’appel limitera strictement son appréciation à la décision portant refus de réexamen. Elle examinera seulement la question de savoir si la Chambre de première instance a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire en refusant de réexaminer sa décision antérieure21.

Jurisdiction », 2 mai 2002, par. 10 ; TPIR, La Procureur c. Karemera et autres, Affaire n° ICTR-98-44-AR73.14, Decision on Mathieu Ngirumpatse’s Appeal from the Trial Chamber Decision of 17 September 2008, 30 janvier 2009 (« Décision Karemera et autres 2009 ») par. 12 ; TPIY, Le Procureur c. Prlić et autres, Affaire n° IT-04-74-AR73.16, Décision faisant suite à l’appel interlocutoire interjeté par Jadranko Prlić contre la Décision relative à la demande de la défense de M. Prlić en vue du réexamen de la décision portant sur l’admission d’éléments de preuve documentaires, 3 novembre 2009 (« Décision Prlić et autres ») par. 6.

19 Décision Prlić et autres, par. 6 ; TPIR, Ngirabatware c. le Procureur, Affaire n° ICTR-99-54-A, Decision on Augustin Ngirabatware’s Appeal of Decisions Denying Motions to Vary Trial Date, 12 mai 2009 (« Décision Ngirabatware ») par. 8 ; Décision Karemera et autres, 2009, par. 18. Ces affaires concernent la jurisprudence relative au réexamen en appel des décisions discrétionnaires en général, voir par exemple, TPIY, Le Procureur c. Stanišić, Affaire n° IT-04-79-AR65.1, Decision on Prosecution’s Interlocutory Appeal of Mico Stanišić’s Provisional Release, 17 octobre 2005, (« Décision Stanišić »), par. 6 ; TPIY, Le Procureur contre S. Milošević, Affaire n° IT-99-37-AR73, Motifs de la décision relative à l’appel interlocutoire de l’Accusation contre le rejet de la demande de jonction, 18 avril 2002, (« Décision de jonction Milošević ») par. 4 et 5; voir également CPI, Le Procureur c. Kony et autres., Affaire n° ICC-02/04-01/05 OA 3, Arrêt relatif à l’appel interjeté par la Défense contre la Décision relative à la recevabilité de l’affaire, rendue en vertu de l’article 19-1 du Statut rendue le 10 mars 2009, 16 septembre 2009, par. 79 à 81.

20 Décision Prlić et autres, par. 6 ; Décision Ngirabatware, par. 8 ; Décision Karemera et autres 2009, par. 15. Voir aussi Décision Milošević relative à la Jonction, par. 4 à 6 ; Décision Stanišić, par. 6.

21 Décision Prlić et autres, par. 6.

Page 388: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

388

Réexamen – procédure par défaut CA

discussiOn

i. Questions préliminaires

A. Les demandes de tenue d’une audience

7. Nous prenons note des demandes des conseils de la défense aux fins d’audience dans le présent appel22. L’article 187 du Règlement de Procédure et de Preuve (le “Règlement”) dispose que l’appel peut être tranché entièrement sur la base des mémoires écrits. Cet article est analogue à ceux adoptés par le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (« TPIY »)23, par le Tribunal Pénal international pour le Rwanda (« TPIR »)24, et par la Cour Pénale Internationale (« CPI »)25. La chambre d’appel du TPIR a conclu que « [TRADUCTION] l’appel d’un jugement interlocutoire est généralement examiné à partir des arguments présentés dans les mémoires sans autre audience. Si elle demande l’autorisation de faire valoir des arguments oralement, une partie doit démontrer que les questions en appel ne sauraient être bien traitées au moyen d’arguments écrits26. » Nous nous rangeons à cette approche pour les appels interlocutoires devant le Tribunal. En l’espèce, les conclusions écrites des parties ont traité exhaustivement les points dont il est fait appel. Les conseils n’ont pas démontré qu’elles étaient insuffisantes pour statuer sur le recours. Nous sommes convaincus qu’une audience n’est ni nécessaire ni utile et en rejetons les demandes.

22 Appel de Oneissi, par. 75 ; Appel de Badreddine, par. 6.

23 Voir Article 116 bis du RPP du TPIY.

24 Voir Article 117 du RPP du TPIR.

25 Voir Règle 156-3 du RPP de la CPI.

26 TPIR, le Procureur c. Karemera et autres, Affaire n° ICTR-98-44-AR.91, Decision on “Joseph Nzirorera’s Appeal From Refusal to Investigate [a] Prosecution Witness for False Testimony” and on Motion for Oral Arguments, 22 janvier 2009, par. 14 ; voir également CPI, Le Procureur c. Ruto et autres, Affaire n° ICC-01/09-01/11 OA, Decision on the “Request for an Oral Hearing Pursuant to Rule 156(3)”, 17 août 2011, par. 10 (faisant valoir que la Chambre d’appel « [TRADUCTION] doit se voir fournir les raisons convaincantes et probantes démontrant qu’une audience est nécessaire en lieu et place ou en complément des conclusions écrites. »)

Page 389: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

389

Réexamen – procédure par défaut CA

B. Le champ des appels

1. Lanormecorrectedelacertification

8. Nous avons noté l’ampleur des questions soulevées en appel dans les quatre mémoires de la Défense. Cela tient pour partie au manque de clarté de la Décision de certification rendue par la Chambre de première instance27. L’Article 126 du Règlement exige de cette dernière qu’elle détermine que la décision pour laquelle est faite la demande de certification autorisant l’appel « touche à une question susceptible de compromettre de manière significative l’équité et la rapidité de la procédure ou l’issue du procès, et qu’un règlement immédiat par la Chambre d’appel pourrait faire progresser de manière décisive la procédure ». Ces conditions sont rigoureuses. Ce même article énonce le principe selon lequel toutes les décisions de la Chambre de première instance ne peuvent pas faire l’objet d’un appel interlocutoire. Hormis les décisions pour lesquelles le Règlement prévoit un appel de plein droit28, seules celles qui répondent aux strictes conditions de l’article 126 C) – ou de l’article 90 B) ii) dans le cas des exceptions préjudicielles – peuvent être attaquées devant la Chambre d’appel avant le jugement définitif. La certification doit nécessairement être l’exception.

9. Les règlements de procédure et de preuve des autres juridictions internationales ont des dispositions analogues29, et nous nous inspirons de leur abondante jurisprudence. Ces instances ont évoqué le caractère potentiellement perturbateur des appels interlocutoires et la nécessité de les limiter aux situations satisfaisant les conditions de l’article 126 C)30. Ces deux conditions – l’existence d’une question

27 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/TC, Décision certifiant la décision relative au réexamen de la décision portant ouverture d’une procédure par défaut aux fins d’appel, 23 août 2012 (« Décision de certification »).

28 Voir articles 11 D), 11 F), 17 H), 60 bis L), 81 C), 88 B), 90 B) i), 92 D), articles 102 C), 108 C), 116 D), 118 K), 119 D), 135 G), 152 I), 170 C) du RPP du TSL.

29 Voir article 73 RPP TPIY ; article 73 du RPP du TPIR ; art. 82 1) d) du Statut de la CPI.

30 Voir, par exemple, TPIR, le Procureur c. Karemera et autres, Affaire n° ICTR-98-44-AR73(C), Décision faisant suite à l’appel interlocutoire interjeté par le Procureur de la décision relative au constat judiciaire, 16 Juin 2006 (« Décision Karemera et autres 2006 »), par. 17 (soutenant que « [i] les appels interlocutoires […] interrompent la procédure judiciaire et ne doivent dès lors être autorisés que s’ils présentent un grand avantage, c’est-à-dire si la Chambre de première instance estime qu’il y a une question importante qui mérite d’être tranchée

Page 390: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

390

Réexamen – procédure par défaut CA

importante et la nécessité d’un règlement immédiat par la Chambre d’appel – doivent être réunies31.

10. Dans sa Décision de certification, la Chambre de première instance n’a pas donné les raisons pour lesquelles elle jugeait que les conditions spécifiques requises par l’article 126 C) étaient réunies. Elle a simplement déclaré :

[L]a question de savoir si la Chambre de première instance aurait dû réexaminer sa décision d’engager une procédure par défaut relève clairement de l’article 126 C) dans la mesure où, premièrement, ladite décision serait susceptible de compromettre d’une manière significative l’équité et la rapidité de la procédure ou l’issue du procès ; et où, deuxièmement, un règlement immédiat par la Chambre d’appel ferait progresser de manière décisive la procédure32.

11. Cette conclusion est insuffisante pour remplir le but de la certification. Confrontée aux nombreux arguments des appelants, la Chambre de première instance était tenue d’expliquer quelle question précise était assez importante de son point de vue pour justifier un règlement immédiat par la Chambre d’appel. En certifiant l’ensemble de la décision sans autre précision, la Chambre de première instance a ignoré la mention explicite d’une « question » susceptible d’appel figurant à l’article 126 C)33. Cette approche de la certification aux termes de l’article 126 C)

immédiatement par la Chambre d’Appel ») ; voir aussi CPI, Situation en Ouganda, Affaire n° ICC-02/04-01/05, Decision on Prosecutor’s Application for Leave to Appeal in Part Pre-Trial Chamber II’s Decision on the Prosecutor’s Applications for Warrants of Arrest under Article 58, 19 août 2005, par. 19. Nous notons que l’article 126 C) du Règlement s’applique également à l’Article 90 B) ii) par. 19. Nous notons que la norme visée à l’Article 126 C) du Règlement s’applique aussi dans le cadre de l’article 90 B) ii) du Règlement.

31 Voir, par exemple, TPIY, le Procureur c. Mladić, Affaire n° IT-09-92-T, Decision on the Defence Motion for Certification to Appeal the Decision on Submissions Relative to the Proposed “EDS” Method of Disclosure, 13 août 2012, par. 3 (soutenant que « [TRADUCTION] l’objet d’une requête en certification aux fins d’appel n’est pas de montrer que le raisonnement qui a conduit à la décision attaquée est incorrect mais de démontrer que les deux conditions qui doivent être réunies, telles que stipulées à l’Article 73 B) sont remplies ») ; TPIR, le Procureur c. Nizeyimana, Affaire n° ICTR-00-55C-T, Decision on Defence Motion for Certification of the Trial Chamber 12 juillet 2011 Decision on Defence Motion to Take Judicial Notice of Adjudicated Facts, 8 août 2011, par. 8 (soutenant que la « [TRADUCTION] [c]ertification aux fins d’appel ne peut être accordée que si les deux critères sont remplis ») ; CPI, le Procureur c. Banda et autres, Affaire n° ICC-02/05-03/09, Decision on the Prosecution’s Application for Leave to Appeal the “Reasons for the Order on Translation of Witness Statements (ICC-02/0503/09-199) and Additional Instructions on Translation”, 1er novembre 2011, par. 6 (notant que « [TRADUCTION] les conditions [...] doivent coexister »).

32 Décision de certification, par. 5.

33 Il est bien sûr possible qu’une décision ne concerne qu’une seule question (voir Décision Karemera et autres,

Page 391: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

391

Réexamen – procédure par défaut CA

va à l’encontre de l’économie judiciaire en ce qu’elle impose à la Chambre d’appel de traiter de questions qui seraient mieux tranchées dans le cadre d’un appel formé contre le jugement définitif de la Chambre de première instance, ou – en fonction de l’issue de l’affaire – qu’il ne serait pas du tout nécessaire de juger en appel. Elle devra donc être évitée à l’avenir.

2. Arguments recevables en appel

12. Les conseils des quatre appelants contestent la Décision attaquée pour plusieurs motifs. Cette décision répondait aux requêtes des conseils sollicitant le réexamen de la décision de la Chambre de première instance portant ouverture d’une procédure par défaut. Aux termes de l’article 140, les conseils étaient tenus de démontrer devant la Chambre de première instance que le refus de réexaminer cette décision occasionnerait au minimum un préjudice pour les appelants.34 Nous concluons que, sauf au regard de la question de la notification, les conseils de la défense n’ont pas démontré que le refus de réexaminer la Décision in absentia pouvait occasionner pareil préjudice.

13. Les articles 22 du Statut et 106 du Règlement permettent au Tribunal, dans certaines circonstances précises, de conduire des procès en l’absence des accusés. Ces dispositions imposent de strictes conditions préalables pour ce faire. Parmi celles-ci figurent l’obligation d’adresser une notification officielle aux accusés conformément au Statut et au Règlement, et de s’assurer que celle-ci est effective de sorte à permettre aux accusés de choisir de renoncer ou non à leur droit de comparaître35.

14. Les accusés conservent le droit à ce que leur cause soit rejugée devant le présent Tribunal quand ils sont appréhendés ou s’ils décident de comparaître de leur plein gré36. Ce droit à un nouveau procès s’applique à tous les stades de la procédure.

2006, par. 16). Toutefois, tel n’était pas le cas ici.

34 TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/AC/R176bis, Décision relative aux requêtes de la Défense en réexamen de la décision de la Chambre d’appel du 16 février 2011, 18 juillet 2012 (« Décision relative au réexamen, article 176 bis »), par. 20, 24 et 25.

35 Voir ci-dessous, par. 22 à 33.

36 Contrairement aux affirmations de la Défense (Appel de Badreddine, par. 31 à 39 ; Appel de Oneissi, par. 42 à 63), ce droit est garanti par le Statut comme par le Règlement. Comme nous l’avons clairement précisé

Page 392: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

392

Réexamen – procédure par défaut CA

De ce fait, en principe, tout préjudice susceptible de naître de la décision de la Chambre de première instance d’engager une procédure par défaut est réparé par la possibilité d’un nouveau procès. La présence des accusés au Tribunal annulerait l’effet de la décision parce que, dès lors qu’ils comparaissent, la procédure reprend ex novo à moins que les accusés n’en décident autrement.37

15. Un accusé a néanmoins le droit de connaître la nature des chefs d’accusation qui lui sont reprochés et celui de participer à toute procédure à son encontre38. Or le préjudice causé à l’accusé par la violation de ces droits ne saurait être réparé par un nouveau procès. Dans le cadre d’une procédure par défaut, ces droits ne peuvent être effectivement garantis que si l’accusé a été en fait dûment notifié et d’une façon suffisamment détaillée pour lui permettre de faire le choix de comparaître ou non. C’est là la question qui justifiait la certification.

16. Nous estimons de plus que les conseils de la défense n’ont que les pouvoirs qu’auraient les accusés s’ils étaient présents39. Or, en l’espèce, admettre tous les arguments de la Défense reviendrait à donner aux conseils plus de droits que n’en auraient les accusés s’ils devaient comparaître, en donnant aux conseils accès à une réparation dont ne disposent pas les accusés40.

dans notre décision du 24 octobre 2012 (TSL, le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/AC/AR90.1, Arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense contre la décision relative aux contestations par la Défense de la compétence et de la légalité du Tribunal, 24 octobre 2012, par. 31), le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté le Statut du Tribunal aux termes du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, rendant ainsi une décision opposable, telle que, entre autres « [e]n cas de condamnation par défaut, l’accusé a […] droit à ce que sa cause soit rejugée […] devant le Tribunal Spécial » (art. 22 3) du Statut), et que ce droit soit effectivement respecté. Le droit d’être rejugé est essentiel à l’utilisation de l’article 22. Sur cette base, nous nous accordons à dire avec la Chambre de première instance qu’il n’y a « aucune raison de penser que ce droit garanti par le Statut ne sera pas respecté. » (Décision attaquée, par. 27). Il n’est nullement nécessaire à ce stade d’étudier comment ce droit à faire rejuger sa cause œuvrera dans la pratique. De plus, à la lumière des dispositions transparentes des articles 108 et 109 du Règlement, l’argument avancé par le conseil de Badreddine selon lequel les Accusés pourraient être considérés comme ayant renoncé de facto à leur droit d’être rejugés pour avoir « accepté un conseil » parce qu’ils n’ont pas comparu au procès (Appel de Badreddine, par. 33 et 34) est sans fondement.

37 Voir articles 108 et 109 du RPP du TSL.

38 Voir ci-dessous, par. 22 à 33.

39 Décision relative au réexamen, article 176 bis, par. 18.

40 Voir ci-dessus, par. 14.

Page 393: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

393

Réexamen – procédure par défaut CA

17. Pour les motifs qui précèdent, nous concluons que la Chambre de première instance n’aurait pas du être saisie des questions intéressant les points qui sortent du cadre de la notification. En conséquence, nous rejetons tous les arguments en appel qui ne se rapportent pas à la question de savoir si la Chambre de première instance a commis ou non une erreur en rejetant les arguments de la Défense relatifs à la question de la notification des accusés.

ii. le bien-fondé des Appels

A. La définition de la norme du réexamen donnée par la Chambre depremière instance est-elle erronée ?

18. Le conseil de M. Oneissi fait valoir que le refus par la Chambre de première instance de réexaminer la Décision in absentia est fondé sur une erreur d’interprétation de la norme du réexamen visée à l’article 140 du Règlement41. Il soutient que cette erreur invalide la décision et qu’elle est en elle-même un motif d’appel42. Les conseils de MM. Badreddine43 et Sabra44 se joignent à cet argument.

19. Le libellé de la norme applicable aux demandes en réexamen aux termes de l’article 140 du Règlement, tel qu’énoncé par la Chambre de première instance dans la Décision attaquée, diffère légèrement de celui que la Chambre d’appel a retenu dans sa Décision relative au réexamen de l’Article 176 bis. Nous y avons souligné qu’une « partie demandant un réexamen est tenue de démontrer que la décision a entraîné une injustice » et que cette injustice doit impliquer, « au minimum, l’existence d’un préjudice »45. Nous avons également indiqué que, parmi les motifs de réexamen, figurent : « une décision erronée ou constituant un abus de pouvoir de la part de la Chambre » ou « des faits nouveaux ou un changement matériel

41 Appel de Oneissi, par. 7 à 17.

42 Appel de Oneissi, par. 18 à 21.

43 Voir Appel de Badreddine, par. 4.

44 Appel de Sabra, par. 13 à 18.

45 Décision relative au réexamen, article 176 bis, par. 24.

Page 394: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

394

Réexamen – procédure par défaut CA

des circonstances une fois la décision rendue »46. La Chambre de première instance utilise l’expression « erreur de raisonnement » et non le terme « erroné » et n’a pas mentionné expressément l’abus de pouvoir parmi les motifs justifiant le réexamen.

20. Cependant, la Chambre de première instance ne commet pas nécessairement une erreur en usant d’un libellé qui diffère légèrement de celui de la Chambre d’appel47. À cet égard, la Défense n’a pas démontré le point essentiel : en quoi la formulation de la Chambre de première instance est-elle incompatible avec la norme de la Chambre d’appel. Nous faisons remarquer que la Chambre de première instance énumère un certain nombre de motifs sur lesquels fonder une demande en réexamen, en insistant sur la « nécessité d’éviter une injustice. » Elle ne dit pas que ces motifs sont exhaustifs48. Ce qui importe est de savoir si ladite Chambre a appliqué correctement la norme du réexamen quand elle a traité les demandes de la Défense. Nous examinerons cette question en rapport avec les points en appel.

B. La Chambre de première instance a-t-elle commis une erreur en refusant deréexaminersadécisionencequiconcernelanotification?

21. Les conseils de MM. Oneissi et Sabra avancent que la Chambre de première instance n’a pas traité dûment leur argument selon lequel les accusés avaient le droit d’être effectivement informés des chefs d’accusation retenus à leur encontre. Ils font valoir que les accusés doivent être informés non seulement des détails propres à l’acte d’accusation49 mais également des conséquences précises de leur défaut de comparution50. Les conseils des quatre accusés soutiennent de plus que la Chambre de première instance fait erreur quand elle conclut que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour informer les accusés des chefs d’accusation à leur encontre. À cet égard, ils arguent que la Chambre se trompe en ne réexaminant pas sa décision de

46 Décision relative au réexamen, article 176 bis, par. 25.

47 Voir, par exemple, la Décision Karemera et autres, 2009, par. 15 (concluant que, bien qu’il eût été préférable que la Chambre de première instance formule le critère d’une façon plus explicite, ce critère a été appliqué correctement et il ne constitue pas un abus de pouvoir par la Chambre de première instance).

48 Décision attaquée, par. 6 ; voir aussi par. 7.

49 Appel de Oneissi, par. 66, 73.

50 Appel de Sabra, par. 32.

Page 395: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

395

Réexamen – procédure par défaut CA

limiter son analyse des mesures de notification à celles prises à l’intérieur du Liban51. Les conseils de M. Sabra avancent en outre que ladite Chambre a omis erronément de se prononcer sur le point de savoir si M. Sabra était en vie. Ils soutiennent par ailleurs que la Chambre a inclus à tort sa conclusion que les accusés étaient en fuite en répondant à la question de savoir si la notification avait eu lieu. Les conseils de tous les accusés font valoir en conséquence que la norme pertinente de la notification aux accusés avant une procédure par défaut n’a pas été observée52. Le Procureur estime que la Chambre de première instance n’a pas commis d’erreur53.

1. Lesnormesjuridiquesapplicablesàlanotification

22. L’article 22 1) c) du Statut dit que :

1. Le Tribunal spécial conduira le procès en l’absence de l’accusé si celui-ci :

[...]

c) Est en fuite ou est introuvable et tout ce qui était raisonnablement possible a été fait pour garantir sa comparution devant le Tribunal et l’informer des charges confirmées par le juge de la mise en état.

L’article 106 A) iii) reprend cette disposition.

23. De plus, l’article 22 2) a) crée une exigence distincte mais complémentaire se rapportant à la signification de l’acte d’accusation à l’accusé :

2. S’il procède en l’absence de l’accusé, le Tribunal s’assure que :

a) L’acte d’accusation a été notifié ou signifié à l’accusé, ou que celui-ci en a été avisé par voie d’insertion dans les médias ou de communication adressée à son État de résidence ou de nationalité.

[...]

51 Appel de Oneissi, par. 71 ; Appel de Sabra, par. 32, 35 à 44, 49 ; Appel de Badreddine, par. 46 à 47.

52 Appel de Oneissi, par. 64-73 ; Appel de Sabra, par. 32, 35 à 44, 49 à 52 ; Appel de Badreddine, par. 45 à 47.

53 Réponse globale du Procureur, par. 35 à 44, 50 et 51.

Page 396: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

396

Réexamen – procédure par défaut CA

Aux termes de l’article 106 B) la Chambre de première instance est tenue de s’assurer que cette exigence est remplie.

24. L’article 76 B) énonce la norme applicable à la notification officielle :

Cette signification se fait par une remise à l’accusé en personne d’une copie de l’acte d’accusation, ainsi que d’une citation à comparaître ou d’un mandat d’arrêt.

Toutefois, si des tentatives raisonnables ont été faites pour signifier ces documents mais ont échoué, le Président du Tribunal pourra ordonner que la signification soit effectuée d’une autre façon, notamment par le biais de la procédure d’annonce publique visée à l’article 76 bis54.

25. Alors qu’il peut paraître à première vue que – à défaut d’une notification ou d’une signification de l’acte d’accusation à l’accusé en personne – la formulation littérale de l’article 22 2) du Statut exige seulement « que celui-ci en [ait] été avisé », les versions en français et arabe du Statut précisent clairement que les accusés eux-mêmes doivent recevoir notification dans toutes les circonstances décrites par le Statut55. La question essentielle est dès lors de déterminer ce qui est suffisant pour constituer une « notification » à l’accusé. À cet égard, nous sommes conscients de notre obligation aux termes de l’article 28 2) du Statut d’interpréter le Règlement comme étant représentatif des « normes internationales de procédure pénale les plus élevées ».

26. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le « Pacte ») que le Liban a ratifié, dispose que toutes les personnes accusées d’un crime ont le droit d’assister à leur procès et que leur soient notifiés les chefs d’accusation retenus à leur encontre56. Le Comité des droits de l’homme a soutenu que les personnes accusées

54 Article 76 E) du Règlement du TSL.

55 Voir art. 22 2) a) de la version française du statut du TSL (« L’acte d’accusation a été notifié ou signifié à l’accusé, ou que celui-ci en a été avisé par voie d’insertion dans les médias ou de communication adressée à son État de résidence ou de nationalité ») ; voir aussi l’article 22 2) a) de la version arabe du statut du TSL :

أن المتهم قد أبلغ بقرار االتهام أو تم تسليمها إليه، أو تم إخطاره بقرار االتهام عن طريق النشر في وسائط اإلعالم أو االتصال في دولة إقامته أو جنسيته؛

56 Articles 14 3) a) et d) du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, 999 U.N.T.S. 171(« le « Pacte »).

Page 397: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

397

Réexamen – procédure par défaut CA

peuvent cependant renoncer à leur droit d’assister à leur procès57. Cette renonciation peut se déduire de l’absence de l’accusé si le tribunal est en mesure de « vérifier que [l’accusé] a été informé de l’affaire en instance »58. Toutefois, pour procéder par défaut, le tribunal doit s’assurer que les mesures nécessaires ont été prises pour convoquer l’accusé en temps opportun et pour demander sa présence59.

27. Alors que la Convention européenne des droits de l’homme60 n’est opposable ni au Liban ni au présent Tribunal, nous avons jugé que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (« CEDH ») pouvait nous aider à évaluer les normes internationales de procédure pénale les plus élevées sur ce point. Le Tribunal diffère nettement de bon nombre des systèmes nationaux de procédure qui forment le cadre de l’examen des affaires par la CEDH. Le Statut et le Règlement du TSL prévoient des garanties qui vont au-delà de celles de bon nombre de ces juridictions, notamment le droit à ce que la cause soit entièrement rejugée61, la possibilité de participer au procès par d’autres méthodes62 et la commission d’un conseil pour représenter l’accusé pendant une procédure par défaut63. Toutefois, la jurisprudence de la CEDH est en partie pertinente pour formuler la norme à observer pour la bonne conduite des procès par défaut, compte tenu du corpus important de jurisprudence à ce sujet64.

57 Comité des droits de l’homme des Nations Unies, Observation générale No. 32 : Article 14 : Droit à l’égalité devant les cours et tribunaux et à un procès équitable, UN Doc. CCPR/C/GC/32, 23 août 2007 (« Observation générale n° 32 »), par. 36 (stipulant que les « [p]rocès en l’absence de l’accusé peuvent dans certaines circonstances être autorisés dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, par exemple quand l’accusé, bien qu’informé du procès suffisamment à l’avance, refuse d’exercer son droit d’y être présent »).

58 Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, Maleki c. Italie, Document des Nations Unies CCPR/C/66/D/699/1996 (1999), par. 9.4 ; voir aussi, Comité des droits de l’homme des Nations Unies, Mbenge c. Zaïre, Document des Nations Unies CCPR/C/OP/2 (1990), par. 14.1 (concluant que la renonciation peut être déduite si toutes les étapes nécessaires ont bien été respectées pour informer la personne accusée des charges et lui notifier les procédures) ; Observation générale n° 32, par. 36.

59 Observation générale n° 32, par. 36.

60 Convention pour la Protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, 213 UNTS. 222 (la « Convention européenne »).

61 Art. 22 3) du statut du TSL ; art. 108, 109 du Règlement du TSL.

62 Art. 103, 104 et 105 du Règlement du TSL,

63 Art. 22 2) c) du Statut du TSL ; Art. 105 bis B) du Règlement du TSL.

64 L’article 6 de la Convention européenne accorde le droit à un accusé « d’assurer lui-même en personne sa

Page 398: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

398

Réexamen – procédure par défaut CA

28. La jurisprudence de la CEDH sanctionne le droit de l’accusé à être présent lors du procès. Elle soutient que l’accusé peut renoncer à ce droit de son plein gré, soit expressément soit tacitement par son comportement, dès lors que la renonciation peut être établie « de manière non équivoque et [qu’elle est] entourée d’un minimum de garanties correspondant à sa gravité »65. Toutefois, pour que l’accusé renonce à son droit d’être présent, il doit d’abord savoir qu’une procédure existe à son encontre. Ce n’est qu’après avoir établi de manière satisfaisante que l’accusé connaissait l’existence d’une procédure pénale à son encontre, ainsi que la nature et le motif de ces charges, que l’on peut conclure qu’il a choisi de renoncer à son droit d’être présent66.

29. La CEDH a jugé à cet égard que la notification doit être effectuée « avec les exigences de procédure et de fond capables de garantir l’exercice effectif des droits de l’accusé ; une connaissance vague et informelle ne saurait suffire »67. La connaissance indirecte de la seule procédure ne suffit donc pas si des mesures officielles n’ont pas été prises, même si elle résulte en une connaissance réelle68. Les

défense ». Nous notons également que le Statut du Tribunal a été rédigé de manière à « prendre en compte la jurisprudence pertinente de la [CEDH], qui fixait la régularité des procès par défaut en respectant totalement les droits de l’accusé » (Rapport du Secrétaire général sur la mise en place du Tribunal spécial pour le Liban, Document des Nations Unies S/2006/893 (2006), 33 [note de bas de page omise]).

65 CEDH, Sejdovic c. Italie, App. N° 56581/00, Jugement (GC), 1er mars 2006 (« Sejdovic c. Italie »), par. 86 ; CEDH, Demebukov c. Bulgarie, App. N° 68020/01, Jugement, 28 février 2008 (« Demebukov c. Bulgarie »), par. 47 ; voir également CEDH, Colozza c. Italie, App. N° 9024/80, Jugement, 12 février 1985 (« Colozza c. Italie »), par. 28.

66 Sejdovic c. Italie, par. 99.

67 Ibid. ; CEDH, T. c. Italie, App. N° 14104/88, Jugement, 12 octobre 1992 (“T. c. Italie”), par. 28-29 ; CEDH, Somogyi c. Italie, App. N° 67972/01, Jugement, 18 mai 2004 (« Somogyi c. Italie »), par. 75.

68 Mais, contrairement à ce qu’affirme le Conseil de M. Oneissi (Appel de Oneissi, par. 66 ; Demande de réexamen de Oneissi, par. 35), cette jurisprudence ne saurait être interprétée comme impliquant que seule la renonciation de l’accusé à être présent peut être déduite de l’absence de celui-ci, si l’accusé a été notifié officiellement et en personne. Dans les trois affaires (Sejdovic c. Italie, T. c. Italie, et Somogyi c. Italie) la notification officielle était manifestement insuffisante pour constituer une notification effective et il a été conclu que l’État avait violé l’article 6 de la Convention européenne. Il faut également prendre en considération que la CEDH a cherché à déterminer à titre général si une violation avait été commise après avoir pris en compte un certain nombre de facteurs différents infléchissant la décision, dont notamment le droit procédural du système national. Dans les affaires citées plus haut, les restrictions limitant le droit à un nouveau procès ou appel complet peuvent avoir été l’un des facteurs qui ont concouru à une conclusion de violation.

Page 399: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

399

Réexamen – procédure par défaut CA

États jouissent d’une grande latitude dans le choix des moyens de procédure à retenir pour assurer la notification. Il importe cependant de démontrer qu’ils sont efficaces69.

30. De plus, la connaissance requise ne se limite pas aux chefs d’accusation énoncés dans l’acte d’accusation. Elle doit également avoir trait aux conséquences encourues par l’accusé s’il manque à l’appel70.

31. Nous avons conclu que les articles 22 du Statut et 106 du Règlement, interprétés à la lumière des normes internationales des droits de la personne, disposent que les procédures par défaut ne sont possibles que dans la seule mesure où i) des mesures raisonnables ont été prises pour notifier les accusés en personne ; ii) les éléments de preuve relatifs à la notification convainquent la Chambre de première instance que les accusés ont effectivement eu connaissance de l’engagement d’une procédure à leur encontre ; et iii) ces éléments sont suffisamment spécifiques pour que l’absence des accusés signifie qu’ils ont très vraisemblablement choisi de ne pas assister à l’audience et donc qu’ils ont renoncé à leur droit d’être présents.

32. Ni le Statut ni le Règlement du Tribunal ni le droit relatif aux droits de la personne n’exigent que la Chambre de première instance reçoive une preuve positive attestant de la connaissance de l’accusé, ou que la notification soit effectuée officiellement et en personne71. Elle doit s’assurer plutôt, sur la base de tous les éléments de preuve dont elle dispose, que les trois conditions énumérées plus haut sont réunies, ce qui peut être déduit des circonstances.

69 Voir Somogyi c. Italie, par. 67 ; voir aussi Sejdovic c. Italie, par. 83.

70 Sejdovic c. Italie, par. 87 (soutenant que « avant qu’un accusé puisse être considéré comme ayant implicitement renoncé, par son comportement, à un droit important sous l’angle de l’article 6 de la Convention, il doit être établi qu’il aurait pu raisonnablement prévoir les conséquences du comportement en question ») ; Demebukov c. Bulgarie, par. 48 ; voir également CEDH, Jones c Royaume-Uni, App. N° 30900/02, Decision as to the Admissibility, 9 septembre 2003. Il convient de noter que le droit garanti à un nouveau procès, auquel l’accusé a accès devant ce Tribunal nonobstant le fait qu’il ait eu connaissance de la procédure le concernant, assure une protection supplémentaire des droits de l’accusé qui s’ajoute à celle existant dans certaines juridictions nationales dont relèvent les affaires devant la CEDH.

71 Contra Appel de Oneissi, par. 66. Nous notons qu’aux termes de l’article 76 A) et B) du Règlement du TSL, il incombe aux autorités de l’État de signifier l’acte d’accusation par une remise à l’accusé d’une copie de l’acte ainsi que d’autres documents pertinents.

Page 400: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

400

Réexamen – procédure par défaut CA

33. Du fait de cette nécessité et des conséquences découlant de la décision d’engager une procédure par défaut, il s’agit nécessairement d’une norme exigeante d’administration de la preuve.

2. l’application de cette norme par la chambre de première instance

a) Conclusions juridiques de la Chambre de première instance

34. Dans la Décision attaquée, la Chambre de première instance rejette un argument des conseils de M. Oneissi au sujet de la notification aux accusés, observant que la Défense n’a pas démontré « que la norme utilisée pour évaluer la notification ne répond pas aux exigences de la législation internationale régissant les droits de l’homme72. » Cependant, elle n’énonce pas la norme appliquée. Nous devons par conséquent revenir à la Décision in absentia originelle pour déterminer quel a été le raisonnement de la Chambre de première instance à cet égard.

35. Dans cette dernière décision, ladite Chambre cite les articles 22 du Statut et 106 du Règlement73. Lors de son appréciation de cet article du Règlement, elle déclare ce qui suit :

Nul n’est besoin non plus à la Chambre de première instance de tenter de définir les termes employés à l’article 106 A) iii), à savoir le fait de garantir la « comparution devant le Tribunal » d’un accusé, ou de l’informer des charges retenues à son encontre. Ces deux éléments impliquent nécessairement les mesures prises pour informer l’accusé de sa mise en accusation. Cependant, le fait de garantir la comparution d’un accusé peut impliquer le fait de « l’appréhender » (probablement en l’arrêtant) ou d’obtenir sa comparution devant le Tribunal en vue de participer à un procès, sans qu’il soit physiquement présent dans la salle d’audience. Aux fins de cette seconde solution, l’accusé doit avoir bénéficié des informations nécessaires, lui permettant de choisir, en connaissance de cause, de participer ou non au procès74.

72 Décision attaquée, par. 24.

73 Décision in absentia, par. 21 et 22.

74 Id. au par. 29.

Page 401: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

401

Réexamen – procédure par défaut CA

36. La Chambre de première instance explique en outre que « toutefois, on ne peut normalement pas se contenter d’une simple signification formelle quand il s’agit d’informer un accusé aux fins de lui permettre de choisir, en connaissance de cause, de participer ou non à son procès (dans les circonstances prévues aux Articles 104 et 105 du Règlement75) »76. Pour clarifier davantage le critère l’autorisant à conclure que les accusés ont renoncé à leur droit d’être présents, la Chambre de première instance a expressément pris en compte les exigences du Statut et du Règlement du Tribunal, du droit international relatif aux droits de la personne et du Code de procédure pénale libanais ainsi que la pratique des autres juridictions internationales77.

37. Elle a conclu que, alors que le Code de procédure libanais impose que soit prise une série spécifique de mesures officielles pour que la « notification » ait dûment lieu, le Statut et le Règlement, interprétés à la lumière du droit international relatif aux droits de la personne et de la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux, requièrent en outre une preuve de la notification effective de l’acte d’accusation à l’accusé78. Elle a soutenu que la norme applicable aux termes du droit relatif aux droits de la personne était la suivante :

L’accusé doit avoir renoncé à son droit d’assister au procès de son plein gré ou implicitement par son comportement. L’objectif ainsi visé est de garantir que l’accusé peut dûment exercer son droit de comparaître ou, inversement, de ne pas comparaître pendant le procès79.

La Chambre de première instance a considéré de plus que :

Les autorités étatiques disposent d’une grande liberté dans le choix des moyens propres à permettre d’informer l’accusé ; ce qui importe est que la communication soit effective80.

75 L’article 104 du Règlement du TSL prévoit un certain nombre de moyens que l’accusé peut employer pour participer à la procédure sans y être physiquement présent. L’article 105 du Règlement du TSL prévoit qu’un accusé peut participer à la procédure par vidéoconférence.

76 Décision in absentia, par. 30.

77 Id. aux par. 31 à 39 ; voir également article 3 du Règlement du TSL.

78 Id. aux par. 28 à 39.

79 Id. au par. 32.

80 Ibid.

Page 402: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

402

Réexamen – procédure par défaut CA

38. Nous considérons que dans la Décision in absentia la Chambre de première instance a correctement identifié les conditions juridiques essentielles pour engager une procédure par défaut, en particulier celles relatives à la connaissance requise des accusés. Elle était donc fondée à rejeter le réexamen de sa Décision in absentia sur cette base.

39. Nous faisons remarquer que la décision de la Chambre de première instance ne contient pas de déclaration spécifique concernant la norme d’administration de la preuve qu’elle a appliquée quand elle a déterminé si les charges retenues à l’encontre des accusés leur avaient effectivement été notifiées, ainsi que les conséquences de leur défaut de comparution. Mais ce qui importe ici est de savoir si la Chambre a en fait appliqué la norme exigeante requise quand elle a apprécié les faits. Nous traitons ce point ci-après.

b) Les conclusions de fait de la Chambre de première instance

i) La norme exigeante d’administration de la preuve a-t-elle réellement été appliquée ?

40. Dans la Décision attaquée, la Chambre de première instance rejette les demandes en réexamen de la Défense se rapportant à une absence alléguée de notification81, mais elle ne récapitule pas les conclusions approfondies qu’elle avait rendues dans la Décision in absentia. Nous revenons donc à celle-ci pour déterminer les normes qu’elle a appliquées.

41. Dans la Décision in absentia, la Chambre de première instance détermine qu’elle doit « examiner les mesures prises aux fins d’informer les quatre accusés des charges telles que confirmées par le Juge de la mise en état dans l’Acte d’accusation82. » Elle interprète en premier lieu les exigences formelles de l’article 76 à la lumière du droit libanais, et conclut que les conditions de notification ont été remplies, notamment que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour signifier en personne les

81 Décision Attaquée, par. 16 à 19 ; 24, 35 à 36.

82 Décision in absentia, par. 45.

Page 403: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

403

Réexamen – procédure par défaut CA

documents considérés83 et, à titre d’exception, par le biais d’annonces dans les médias libanais84. S’agissant de ces dernières, elle conclut que « la signification d’un acte d’accusation de cette autre manière respecte les dispositions du droit international des droits de la personne consacrant le droit d’un accusé d’être dûment informé des charges [...] », en rappelant expressément la jurisprudence de la CEDH85.

42. La Chambre de première instance rappelle également qu’elle a « examiné quantité de documents publiés dans la presse ainsi que dans les médias audiovisuels et électroniques libanais et internationaux, liant l’acte d’accusation aux noms et aux visages » des quatre accusés86 et elle conclut que « [a]ucun des quatre accusés ne peut ignorer, au vu de l’ampleur de la couverture médiatique — au moins non officiellement depuis le 30 juin 2011 — qu’il est un possible accusé »87. La Chambre rappelle les « informations véhiculées presque à saturation par les médias libanais » sur les liens associant les quatre accusés à l’acte d’accusation après la publication de leur nom88. Elle conclut que « [d]es preuves irréfutables montrent que l’acte d’accusation ainsi que les informations concernant les accusés ont été largement diffusés. La Chambre de première instance ne saurait raisonnablement en tirer d’autre conclusion »89. La Chambre mentionne également la couverture médiatique libanaise et internationale qui a suivi la publication complète de l’acte d’accusation90. Elle conclut à nouveau que « les informations liant MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra à l’acte d’accusation, et le contenu de l’acte d’accusation proprement dit,

83 Id. aux par. 45 à 51. La Chambre de première instance a expressément soutenu qu’elle « ne considère pas que l’affichage de documents au bureau [du Tribunal à] Beyrouth constitue un moyen efficace d’informer un accusé de l’existence d’un acte d’accusation ou de son droit de participer à la procédure, et ne saurait dès lors tenir compte de cette prescription du droit libanais pour établir si «toutes les mesures raisonnables» ont été prises », voir Décision in absentia, par. 50.

84 Décision in absentia, par. 52 à 56.

85 Id. au par. 56.

86 Id. au par. 59.

87 Id. at par. 63.

88 Id. au par. 67.

89 Ibid.

90 Id. au par. 71 à 74.

Page 404: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

404

Réexamen – procédure par défaut CA

avaient acquis une telle notoriété au Liban à la date du 17 août 2011 qu’aucun accusé ne peut avoir ignoré les accusations portés contre lui »91.

43. Alors que ces conclusions cherchaient essentiellement à établir la connaissance par les accusés des chefs retenus à leur encontre, la Chambre de première instance a également examiné les éléments visant à déterminer si ceux-ci avaient ou non une idée des conséquences d’ordre procédural qu’entraînerait leur défaut de comparution devant le Tribunal. La Chambre mentionne en particulier une déclaration du Président du Tribunal qui a été diffusée au Liban. Il y expose le droit des accusés à participer aux procédures et y précise que, en leur absence, des conseils de la défense seraient commis d’office pour les représenter92. La Chambre de première instance « constate que la déclaration du Président a été si largement publiée et diffusée au Liban que chacun des quatre accusés, au moment de sa publication, ne peut qu’avoir été informé de son droit de participer à la procédure selon les modalités visées aux Articles 104 et 105 »93.

44. Enfin, la Chambre de première instance a examiné en détail les mesures prises par les autorités libanaises pour informer chacun des accusés des charges et des autres documents pertinents, et notamment du contenu des articles 104 et 105 du Règlement94. Celles-ci ont notamment comporté la recherche des accusés à leurs domiciles potentiels et à ceux de leurs familles95 et – s’agissant de MM. Badreddine et Ayyash – sur leurs anciens lieux de travail96.

45. La Chambre de première instance conclut que :

Étant donné l’ensemble de ces circonstances, il est inconcevable qu’ils [les quatre accusés] puissent ignorer leur mise en accusation. L’acte d’accusation et divers documents du Tribunal les informant de leur droit de participer au procès sans être physiquement présents dans la salle d’audience ont été

91 Id. au par. 74.

92 Id. au par. 68 ; voir également par. 58.

93 Id. au par. 70.

94 Id. aux par. 75 à 104.

95 Id. aux par. 107 à 110 ; voir également par. 71 à 111.

96 Id. aux par. 107 et 108.

Page 405: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

405

Réexamen – procédure par défaut CA

signifiés à MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra, conformément au Code de procédure pénale libanais97.

46. Compte tenu de l’étendue et de la spécificité de l’examen mené par la Chambre de première instance, nous concluons qu’elle a appliqué les normes les plus exigeantes d’administration de la preuve en établissant que les accusés étaient informés des chefs retenus à leur encontre, de leur droit de participer à la procédure et des conséquences encourues s’ils ne comparaissaient pas. Ces normes apparaissent dans les conclusions de la Chambre de première instance, qui ne laissent aucun doute quant à sa conviction que les accusés ont dûment reçu notification dans les circonstances particulières propres à l’espèce.

ii) L’étendue géographique de la notification

47. Les conseils avancent que, dans la Décision attaquée, la Chambre de première instance a commis une erreur en manquant de s’assurer que la notification avait officiellement eu lieu à l’extérieur du Liban98. Dans la Décision in absentia, la Chambre ne fait pas porter son analyse des mesures de notification sur d’autres pays que le Liban, en se fondant sur le fait que « les informations dont elle dispose ne donnent pas à penser qu’aucun des accusés ait quitté le Liban.99 » Elle a réaffirmé cette position lors du réexamen et a conclu que les conseils n’avaient pas présenté de faits nouveaux ni démontré une erreur de raisonnement100.

48. Comme le fait remarquer le Procureur, la Chambre de première instance n’est pas tenue juridiquement d’ordonner la notification officielle des accusés à l’extérieur du Liban101. En concluant dans la Décision in absentia que les mesures de notification n’étaient pas nécessaires hors du Liban, la Chambre a rendu une conclusion factuelle en rapport avec les éléments de preuve dont elle disposait. Lorsqu’elle l’a réexaminée, elle était fondée à décider qu’un simple désaccord avec cette conclusion ne suffisait

97 Id. au par. 106 ; voir aussi par. 111.

98 Appel de Sabra, par. 35 à 44 ; Appel de Oneissi, par. 71 et 72 ; Appel de Badreddine, par. 45 à 47.

99 Décision in absentia, par. 25.

100 Décision attaquée, par. 17 et 18, 36.

101 Voir Réponse globale du Procureur, par. 36, renvoyant à l’article 22 2) a) du Statut du TSL.

Page 406: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

406

Réexamen – procédure par défaut CA

pas à justifier un réexamen et que la Défense n’avait apporté aucun nouvel élément la remettant en cause102. En particulier, l’argument de la Défense reposait sur le manque d’éléments concernant les lieux précis où se trouvent les accusés103. La Défense réitère ici cette affirmation en appel sans apporter de preuve que les accusés ont quitté le Liban104. Cela ne suffit pas à remettre en cause la conclusion raisonnable de la Chambre de première instance. Nous faisons observer cependant que certaines mesures ont bien été prises à l’extérieur du Liban, telles que des mandats d’arrêt internationaux délivrés dès la confirmation de l’acte d’accusation105.

iii) Déterminer si l’accusé est ou non vivant

49. Les conseils de M. Sabra avancent que la Chambre de première instance a manqué, à tort, de s’assurer que M. Sabra était encore en vie106. Ils arguent que, en application des articles premier et 22 du Statut et de l’article 106 A) du Règlement, ladite Chambre était tenue d’établir avec certitude que l’absence d’élément démontrant qu’un accusé est décédé est insuffisante107. Le Procureur estime que ce n’est pas nécessaire108.

50. La Chambre de première instance n’a pas traité la question de savoir si elle était juridiquement tenue d’établir avec certitude qu’un accusé est en vie avant de décider d’engager une procédure par défaut109. Naturellement, il est nécessaire qu’un accusé soit vivant pour que son procès ait lieu110. Cependant, ni le Statut ni

102 Décision attaquée, par. 36.

103 Demande en réexamen de Badreddine, par. 15 à 18, demande en réexamen de Sabra, par. 43 à 45 ; Demande en réexamen de Oneissi, par. 43.

104 Appel de Badreddine, par. 45 à 47 ; Appel de Sabra, par. 35 à 42 ; Appel de Oneissi, par. 71.

105 Voir Décision in absentia, par. 5 (notant que le Juge de la mise en état a délivré quatre mandats d’arrêt internationaux et autorisé le Procureur à demander la diffusion de « notices rouges » à Interpol), par. 59 (notant que la Chambre de première instance avait « examiné quantité de documents publiés dans la presse ainsi que dans les médias audiovisuels et électroniques libanais et internationaux ») ; voir aussi ci-dessus, par. 42.

106 Appel de Sabra, par. 25 à 29.

107 Appel de Sabra, par. 27 et 28.

108 Réponse globale du Procureur, par. 28 à 34.

109 Décision attaquée, par. 35.

110 Voir, par exemple, TPIY, le Procureur c. S. Milošević, Affaire n° IT-02-54-T, Ordonnance mettant fin à la

Page 407: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

407

Réexamen – procédure par défaut CA

le Règlement ni aucun autre texte ne prévoit d’obligation incombant au Procureur d’apporter la preuve indubitable de ce fait à ce stade. Si cette obligation existait, elle rendrait la conduite d’une procédure par défaut impossible, en particulier dans des circonstances où un accusé est en fuite ou introuvable pour quelque raison que ce soit111. Par contre, lors du réexamen, la Chambre de première instance n’avait au contraire pour toute obligation que d’examiner s’il existait des informations indiquant que les accusés pouvaient ne pas s’être vu adresser une notification parce qu’ils étaient décédés. Elle a rappelé à cet égard que le Procureur avait présenté des documents officiels communiqués par les autorités libanaises, attestant qu’aucun certificat de décès concernant l’un des quatre accusés n’avait été délivré112. Ainsi, la Chambre de première instance n’a pas commis d’erreur en refusant de réexaminer sa décision.

iv) Allégation selon laquelle la Chambre de première instance se serait fondée sur la fuite des accusés

51. Contrairement à l’affirmation des conseils de M. Sabra, la Chambre de première instance ne s’est pas fondée sur la fuite constatée des accusés pour conclure qu’ils avaient été effectivement reçu notification113. La Chambre a plutôt traité séparément la question de la notification et, après avoir conclu que la procédure avait été effectivement notifiée aux accusés, elle a rendu la conclusion factuelle prévue à l’article 106 A) iii) du Règlement, établissant que les accusés avaient pris la fuite ou étaient introuvables et que toutes les mesures raisonnables avaient été prises pour garantir leur comparution devant le Tribunal et pour les informer des charges retenues à leur encontre114.

procédure engagée contre Slobodan Milošević, 14 mars 2006, p. 2 (notant que « en cas de décès d’un accusé, il est mis fin à la procédure »).

111 En concluant que les accusés avaient été notifiés et qu’ils étaient en fuite, la Chambre de première instance les considère implicitement comme vivants, voir Décision in absentia, par. 111.

112 Décision attaquée, par. 35.

113 Appel de Sabra, par. 49.

114 Voir Décision in absentia, par. 106 et 111.

Page 408: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

408

Réexamen – procédure par défaut CA

C. Conclusion

52. La Défense n’a pas démontré que la Chambre de première instance a commis une erreur dans la Décision attaquée quand elle a rejeté sa demande de réexamen de la notification. En conséquence, les recours de la Défense sont rejetés.

Page 409: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

409

Réexamen – procédure par défaut CA

dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs ;

lA cHAMBRe d’Appel, statuant à l’unanimité ;

RejeTTe les quatre appels.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi. Le 1er novembre 2012, À Leidschendam (Pays-Bas)

M. le Juge David Baragwanath Président

Page 410: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

410

Page 411: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

12.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : le juge de la mise en état

Titre : décision relative aux première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième requêtesdeladéfensedeSabraauxfinsdecommunication

Titre réduit : Communication–défensedeSabraJME

411

Page 412: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

412

Page 413: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

413

le juGe de lA Mise en ÉTAT

Affaire n° : sTl-11-01/pT/pTjDevant : M. le juge daniel FransenLe Greffier : M. Herman von HebelDate : 8 novembre 2012Original : AnglaisType de document : public

le pROcuReuR c.

sAliM jAMil AYYAsH, MusTAFA AMine BAdReddine,

Hussein HAssAn Oneissi et AssAd HAssAn sABRA

dÉcisiOn RelATiVe AuX pReMiÈRe, deuXiÈMe, TROisiÈMe, QuATRiÈMe, cinQuiÈMe eT siXiÈMe

ReQuÊTes de lA dÉFense de sABRA AuX Fins de cOMMunicATiOn

Bureau du procureur : M. Norman Farrell

conseils de M. salim jamil Ayyash : Me Eugene O’Sullivan Me Emile Aoun

Représentant légal des victimes : M. Peter Haynes

conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: Me Antoine Korkmaz Me John Jonesconseils de M. Hussein Hassan Oneissi: Me Vincent Courcelle-Labrousse Me Yasser Hassanconseils de M. Assad Hassan sabra: Me David Young Dr Guénaël Mettraux

Page 414: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

414

Communication – défense de Sabra JME

i. introduction

1. Le Juge de la mise en état du Tribunal spécial pour le Liban (le « Tribunal ») a été saisi de six requêtes déposées par le conseil de M. Sabra (la « Défense de Sabra ») en vue de la communication de pièces spécifiques et d’informations par l’Accusation1, et se prononce à ce sujet dans la présente décision.

ii. Rappel de la procédure

2. Le 19 juillet 2012, après avoir consulté les parties, le Juge de la mise en état a fixé provisoirement la date de l’ouverture du procès au 25 mars 20132. La date d’ouverture a été fixée le plus tôt possible, dans l’intérêt de la justice, pour permettre à tous les participants d’anticiper les prochaines échéances et de mieux préparer le procès3.

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, Sabra’s First Motion for an Order for Disclosure — Phone Numbers Allegedly in Contact with the Number Attributed to Mr. Sabra [TRADUCTION] Première requête de Sabra aux fins d’ordonnance de communication – numéros de téléphone qui auraient été en contact avec le numéro attribué à M. Sabra, 10 octobre 2012 (la « Première requête aux fins de communication ») ; Sabra’s Second motion for an Order for Disclosure — Theoretical Cell Coverage [TRADUCTION] Deuxième requête de Sabra aux fins d’ordonnance de communication – Couverture cellulaire théorique, 11 octobre 2012 (la « Deuxième requête aux fins de communication ») ; Sabra’s Third Motion for an Order for Disclosure — Information Relating to the Telecard, Attributed SIM and Statements of Staff of News Agencies, [TRADUCTION] Troisième requête de Sabra aux fins d’ordonnance de communication – informations relatives à la télécarte, carte SIM attribuée et déclarations du personnel des agences de presse, 18 octobre 2012 (la « Troisième requête aux fins de communication ») ; Sabra’s Fourth Motion for an Order for Disclosure – Information Pertaining to Abu Adass, [TRADUCTION] Quatrième requête de Sabra aux fins d’ordonnance de communication – Informations relatives à Abu Adass, 19 octobre 2012 (la « Quatrième requête aux fins de communication ») ; Corrigendum to Sabra’s Fourth Motion for an Order for Disclosure – Information Pertaining to Abu Adass, [TRADUCTION] Rectificatif de la Quatrième requête de Sabra aux fins d’ordonnance de communication – Informations relatives à Abu Adass, confidentiel, 1er novembre 2012 ; Sabra’s Fifth Motion for an Order for Disclosure – SMS Records [TRADUCTION] Cinquième requête de Sabra aux fins d’obtention d’une ordonnance de communication – Relevé des SMS, confidentiel, 29 octobre 2012 (la « Cinquième requête aux fins de communication ») ; et Sabra’s Sixth Motion for an Order for Disclosure – Information Relating to Addresses Attributed to Mr Sabra and Alleged Associates, [TRADUCTION] Sixième requête de Sabra aux fins d’ordonnance de communication – Informations relatives aux adresses attribuées à M. Sabra et à des associés présumés, 31 octobre 2012 (la « Sixième requête aux fins de communication »).

2 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, Ordonnance fixant provisoirement la date d’ouverture du procès, 19 juillet 2012.

3 Ibid., par. 19.

Page 415: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

415

Communication – défense de Sabra JME

3. Le 28 août 2012, après avoir de nouveau consulté les parties4, le Juge de la mise en état a rendu une ordonnance fixant au 15 novembre 2012 la date limite pour le dépôt du mémoire d’avant procès de l’Accusation et de documents connexes conformément à l’article 91 G) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »)5.

4. Le 27 septembre 2012, les conseils de la Défense de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra ont déposé une requête conjointe afin que soit rendu une série d’ordonnances fixant des délais pour la préparation du procès (la « Requête conjointe de la Défense »)6.

5. Les 10, 11, 18 et 19 octobre 2012, après le dépôt de la Requête conjointe de la Défense et avant que le Juge de la mise en état se prononce à ce sujet, la Défense de Sabra a déposé quatre requêtes en vue de la communication de pièces spécifiques (collectivement, les « Quatre premières requêtes »).

6. Le 25 octobre 2012, le Juge de la mise en état s’est prononcé sur la Requête conjointe de la Défense, a établi un plan de travail, conformément à l’article 91 A) du Règlement, et a fixé des délais que les parties et participants doivent respecter pour se conformer aux obligations de préparation avant le procès7.

7. Les 29 et 31 octobre 2012, la Défense de Sabra a déposé respectivement la Cinquième requête aux fins de communication et la Sixième requête aux fins de communication (avec les Quatre premières requêtes, collectivement « les Requêtes »).

4 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, STL-11-01, Conférence de mise en état devant le Juge de la mise en état, 26 juillet 2012, Compte rendu officiel, p. 10, l. 9 et s.

5 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, Ordonnance fixant une date pour le dépôt du mémoire d’avant procès du Procureur, 28 août 2012, par. 10, p. 2.

6 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, Joint Defence Motion for Urgent Orders Regarding Trial Preparation, [TRADUCTION] Requête conjointe des conseils de la Défense en vue d’une ordonnance urgente concernant la préparation du procès, 27 septembre 2012.

7 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, Order on a Working Plan and on the Joint Defence Motion Regarding Trial Preparation, [TRADUCTION] Ordonnance portant plan de travail et relative à la Requête conjointe de la Défense concernant la préparation du procès, 25 octobre 2012 (« Ordonnance portant plan de travail »).

Page 416: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

416

Communication – défense de Sabra JME

8. Le 1er novembre 2012, la Défense de Sabra a déposé un rectificatif corrigeant une erreur figurant dans la Quatrième requête8.

III. LesRequêtesauxfinsdecommunication

9. Depuis le 11 juin 2012, les questions soulevées dans les Requêtes et dont le Juge de la mise en état est actuellement saisi, ont fait l’objet de communications entre les parties, notamment de nombreux courriers et réunions entre la défense de Sabra et l’Accusation. De tels échanges ont lieu depuis le 26 avril 2012 en ce qui concerne la Quatrième requête aux fins de communication et depuis le 12 septembre 2012 s’agissant de la Sixième requête aux fins de communication. La défense de Sabra invoque de manière générale et sans distinction les articles 110 B) et 113 du Règlement, concernant les différentes catégories de pièces visées par les Requêtes.

10. Dans la Première requête aux fins de communication (« la Première requête »), la défense de Sabra demande la communication de la liste des numéros de téléphone des personnes ayant été le plus fréquemment en contact avec les téléphones attribués à M. Sabra et M. Oneissi, ainsi que d’autres précisions, telles que le nom de l’utilisateur du téléphone et le lien supposé entre cet utilisateur et M. Sabra et M. Oneissi9.

11. Dans la Deuxième requête aux fins de communication (la « Deuxième requête »), la défense de Sabra demande la communication de pièces relatives à la « couverture cellulaire théorique ». Il s’agit de l’évaluation théorique de l’endroit où pourrait se trouver une carte SIM particulière à un moment donné, en se fondant sur les informations fournies par les mâts de cellule et par les relevés téléphoniques pertinents10.

12. Dans la Troisième requête aux fins de communication (la « Troisième requête »), la défense de Sabra demande la communication de pièces relatives : i) à la carte SIM

8 Corrigendum to Sabra’s Fourth Motion for an Order for Disclosure – Information Pertaining to Abu Adass, [TRADUCTION] Rectificatif de la Quatrième requête de Sabra aux fins d’ordonnance de communication – Informations relatives à Abu Adass, confidentiel, 1er novembre 2012 (le « Rectificatif »).

9 Première requête aux fins de communication, par. 10 et 11.

10 Deuxième requête aux fins de communication, par. 22 i) et 22 ii). Voir également par. 3.

Page 417: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

417

Communication – défense de Sabra JME

attribuée à M. Sabra (la « Première demande de la Troisième requête »)11 ; ii) à la télécarte qui aurait servi pour passer les appels contestés à Reuters et Al Jazeera (la « Deuxième demande de la Troisième requête »)12 ; et iii) aux appels passés à Reuters et Al Jazeera (la « Troisième demande de la Troisième requête »)13.

13. Dans la Quatrième requête aux fins de communication (la « Quatrième requête »), la défense de Sabra demande la communication de pièces relatives au rôle de M. Sabra et de M. Oneissi dans l’identification et le recrutement d’un certain M. Abu Adass, qui aurait présenté la « fausse revendication de responsabilité » dans le cadre de l’attentat contre Hariri14. Cinq demandes particulières de communication sont exposées dans cette requête, à savoir la communication de pièces relatives :

a. aux allégations concernant une rencontre entre M. Sabra et M. Adass (la « Première demande de la Quatrième requête »)15 ;

b. au paragraphe 3 d’une lettre, datée du 26 avril 2012, adressée par la défense de Sabra à l’Accusation (la « Deuxième demande de la Quatrième requête »)16 ;

c. au paragraphe 5 d’une lettre, datée du 10 septembre 2012, adressée par la défense de Sabra à l’Accusation (la « Troisième demande de la Quatrième requête »)17 ;

d. à une discussion lors d’une réunion entre la défense de Sabra et l’Accusation (la « Quatrième demande de la Quatrième requête »)18 ; et

11 Troisième requête aux fins de communication, par. 2.

12 Ibid., par. 3

13 Ibid., par. 4.

14 Quatrième requête aux fins de communication, par. 2, 6, 8, 11, 12 et 13.

15 Ibid., par. 6 et 27 i).

16 Ibid., annexe A et par. 8 et 27 i).

17 Ibid., annexe C et par. 11 et 27 i).

18 Ibid., par. 12 et 27 i).

Page 418: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

418

Communication – défense de Sabra JME

e. au paragraphe 6 d’une lettre, datée du 4 octobre 2012, adressée par la défense de Sabra à l’Accusation (la « Cinquième demande de la Quatrième requête »)19, tel que modifié dans le Rectificatif20.

14. Dans la Quatrième requête, la défense de Sabra demande la communication de pièces relatives à plusieurs relevés de SMS21.

15. Dans la Sixième requête, la défense de Sabra demande la communication de pièces relatives aux lieux de résidence et de travail de M. Sabra et de ses associés supposés ou de personnes qui appartiendraient à sa famille22.

iV. les réponses de l’Accusation

16. L’Accusation conteste chacune des Quatre premières requêtes. L’Accusation conteste la Première requête au motif qu’elle est sans objet23, et mentionne les importantes communications récentes et imminentes24. L’Accusation nie être en possession ou avoir le contrôle des autres pièces demandées et25, en tout état de cause, considère que certaines parties de la requête sont des demandes d’« analyse »26. Elle avance en effet qu’aucune disposition spécifique ne permet de justifier ou d’imposer à l’Accusation une obligation d’« [TRADUCTION] effectuer un travail ou une analyse particulière au nom de la Défense »27. L’Accusation explique qu’elle a invité la défense de Sabra à examiner les relevés de communications téléphoniques pertinents dans la salle d’examen, et qu’elle lui a fourni des indications quant à la manière

19 Ibid., annexe D et par. 13 et 27 ii).

20 Rectificatif, annexe A.

21 Cinquième requête aux fins de communication, par. 15.

22 Sixième requête aux fins de communication, par. 2.

23 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Response to Sabra’s First Motion for an Order for Disclosure, [TRADUCTION] Réponse de l’Accusation à la Première requête de Sabra aux fins d’ordonnance de communication, 17 octobre 2012 (la « Réponse à la Première requête aux fins de communication »), par. 6 et 7.

24 Réponse à la première requête, par. 16.

25 Ibid., par. 10.

26 Ibid., par. 9.

27 Ibid., par. 12.

Page 419: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

419

Communication – défense de Sabra JME

de mener les enquêtes nécessaires28. Enfin, l’Accusation soutient que la défense de Sabra était tenue de faire preuve de diligence raisonnable et de procéder à des analyses supplémentaires29.

17. L’Accusation conteste la Deuxième requête, et mentionne les efforts qu’elle a déployés jusqu’à présent pour respecter ses obligations de communication, en communiquant notamment trois rapports externes relatifs à la couverture cellulaire prévisionnelle30. L’Accusation a également prévu la communication d’autres documents pertinents31.

18. L’Accusation conteste la Troisième requête, et confirme que certaines pièces n’étaient pas sous sa garde ou son contrôle32, tout en précisant que d’autres pièces ont été communiquées à la Défense à de nombreuses reprises, et ce, dès le 4 juin 201233. D’autres documents doivent être communiqués le 15 novembre 2012 au plus tard34. De manière générale, l’Accusation soutient que l’article 110 B) du Règlement prévoit uniquement la communication de pièces et non d’« informations », contrairement à l’article 11335. L’Accusation répète qu’elle n’est pas tenue de trouver des documents ou d’effectuer un travail de recherche pour identifier des numéros ERN pour la Défense, en application des dispositions portant spécifiquement sur la

28 Ibid., par. 14.

29 Ibid.

30 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Response to Sabra’s Motion for an Order for Disclosure on Cell Coverage, [TRADUCTION] Réponse de l’Accusation à la Requête de Sabra aux fins d’ordonnance de communication relative à la couverture cellulaire, confidentiel, 18 octobre 2012 (la « Réponse à la Deuxième requête aux fins de communication »), par. 4. Une version publique expurgée a été déposée le même jour.

31 Réponse à la Deuxième requête aux fins de communication, par. 6 et 7.

32 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Response to “Sabra’s Third Motion for an Order for Disclosure”, [TRADUCTION] Réponse de l’Accusation à la Troisième requête de Sabra aux fins d’ordonnance de communication, confidentiel avec Annexes A et B confidentielles, 24 octobre 2012 (la « Réponse à la Troisième requête aux fins de communication »), par. 8. Une version publique expurgée a été déposée le même jour.

33 Réponse à la Troisième requête aux fins de communication, par. 10, 18, 25 et annexe B.

34 Ibid., par. 25.

35 Ibid., par. 14 et 15.

Page 420: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

420

Communication – défense de Sabra JME

communication36, ni d’« [TRADUCTION] effectuer un travail ou de procéder à l’analyse demandée dans l’intérêt de [la Défense] »37. En précisant les communications précédemment effectuées et correspondant aux catégories de documents demandés, l’Accusation souligne que la Défense n’a pas fait preuve de diligence raisonnable avant de déposer les requêtes aux fins de communication38. De plus, l’Accusation soutient que la Troisième requête répète inutilement des demandes déjà présentées dans d’autres requêtes aux fins de communication, tout comme la Requête conjointe de la Défense, qui était en cours d’examen au moment du dépôt des Première, Deuxième et Troisième requêtes39.

19. L’Accusation conteste l’intégralité de la Quatrième requête. Elle affirme que la Première et la Quatrième requêtes sont avant tout des « [TRADUCTION] requêtes concernant des points particuliers » qui cherchent à clarifier certaines « [TRADUCTION] allégations figurant dans l’Acte d’accusation »40. S’agissant de la Deuxième demande de la Quatrième requête, l’Accusation précise avec soin les importantes communications effectuées jusqu’à présent, ainsi que sa volonté de coopération en permettant l’examen de pièces qui a été reporté par la défense de Sabra juste avant le dépôt de la Quatrième requête41. Compte tenu de ce « respect sans faille » des procédures, l’Accusation soutient qu’une ordonnance du Juge de la mise en état est inutile42. Concernant la Troisième demande de la Quatrième requête, l’Accusation réplique qu’elle ne sera pas en mesure de répondre à la demande avant le 21 décembre 201243. Elle dénonce l’imprécision de la Quatrième demande de la

36 Ibid., par. 28.

37 Ibid., par. 29.

38 Ibid., par. 30 à 32.

39 Ibid., par. 33 à 39.

40 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, Prosecution Response to Sabra’s Fourth Motion for an Order for Disclosure, [TRADUCTION] Réponse de l’Accusation à la Quatrième requête de Sabra aux fins d’ordonnance de communication, confidentiel avec Annexes A, B, C et D confidentielles, 25 octobre 2012 (la « Réponse à la Quatrième requête aux fins de communication »), par. 8 et 9. Une version publique expurgée a été déposée le même jour.

41 Réponse à la Quatrième requête aux fins de communication, par. 14 à 21.

42 Ibid., par. 22.

43 Ibid., par. 32.

Page 421: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

421

Communication – défense de Sabra JME

Quatrième requête, dans la mesure où la Défense mentionne une discussion orale qui aurait eu lieu lors d’une réunion dont ni la date et ni le lieu ne sont précisés44. L’Accusation fait observer que la Cinquième demande de la Quatrième requête est prématurée, dans la mesure où elle répond à un délai imposé par la défense de Sabra, qui n’a pas encore expiré45. De manière générale, l’Accusation réitère ses objections précédentes concernant le manque de diligence raisonnable de la défense de Sabra46, et la répétition inutile des demandes déjà présentées dans la Requête conjointe de la Défense47.

20. Les réponses de l’Accusation aux Deuxième, Troisième et Quatrième requêtes ont été déposées après l’expiration du délai fixé. L’Accusation demande au Juge de la mise en état d’accepter ces réponses tardives conformément à l’article 9 du Règlement48.

21. L’Accusation n’a pas présenté d’observations écrites en réponse aux Cinquième et Sixième requêtes, les délais fixés n’ayant pas expiré. Cependant, pour les motifs exposés ciaprès, ces réponses ne seront pas nécessaires pour se prononcer sur les requêtes concernées.

44 Ibid., par. 35.

45 Ibid., par. 38 à 41.

46 Ibid., par. 42 et 43.

47 Ibid., par. 44.

48 Réponse à la Deuxième requête aux fins de communication, par. 3 ; Réponse à la Troisième requête aux fins de communication, par. 40 ; Réponse à la Quatrième requête aux fins de communication, par. 45. La Réponse à la Deuxième requête aux fins de communication a été retardée, dans la mesure où le membre du personnel de l’Accusation chargé de préparer la réponse était absent en raison de circonstances inattendues et, le Procureur, qui n’était pas au siège du Tribunal, avait besoin de temps pour se pencher sur la réponse. La Réponse à la Troisième requête aux fins de communication a été retardée en raison d’un exercice d’évacuation au Tribunal. La Réponse à la Quatrième requête aux fins de communication a été retardée de deux heures en raison d’autres obligations et dépôts de documents prévus le même jour ; l’Accusation a informé le Juge de la mise en état de cette situation avant l’expiration du délai. Ces trois réponses ont été déposées le jour prévu, mais avec un retard de quelques heures par rapport au délai fixé à midi.

Page 422: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

422

Communication – défense de Sabra JME

V. examen

A. Droit applicable

22. Aux termes de l’article 16 du Statut du Tribunal, un accusé a droit, en pleine égalité, au moins à la garantie suivante : « disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense »49.

23. L’article 110 du Règlement établit les obligations générales du Procureur en matière de communication et prévoit notamment ce qui suit :

B) Sur demande, le Procureur permet à la Défense d’examiner tout livre, document, photographie et objet qui se trouve sous sa garde ou son contrôle et qu’il entend utiliser comme moyen de preuve au procès, qui est utile à la préparation de la défense ou qui a été obtenu de l’accusé ou lui appartient.

24. L’article 113 du Règlement régit la communication d’éléments de preuve à décharge et prévoit notamment ce qui suit :

A) Sous réserve des dispositions des articles 116, 117 et 118, le Procureur communique aussitôt que possible à la Défense toute information dont il dispose ou a connaissance qui peut raisonnablement tendre à établir l’innocence de l’accusé, atténuer la responsabilité pénale de celui-ci ou compromettre la crédibilité des éléments de preuve à charge.

B. Principesdelacommunicationspécifique

25. Il appartient à la Défense de démontrer, entre autres, que l’examen de livres, documents, photographies et objets conformément à l’article 110 B) du Règlement est, à de prime abord, utile à la préparation de la défense50.

49 Article 16 4) b) du Statut du TSL.

50 Tribunal pénal international pour le Rwanda (« TPIR »), Le Procureur c. Édouard Karemera, Matthieu Ngirumpatse, Joseph Nzirorera, Affaire n° : ICTR-98-44-AR73.18, Decision on Joseph Nzirorera’s Appeal from Decision on Alleged Rule 66 Violation, 17 mai 2010 (la « Décision Karemera »), par. 13 ; Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (« TPIY »), Le Procureur c. Zejnil Delalić, Zdravko Mucić alias « Pavo », Hazim Delić, Esad Landžo alias « Zenga », Affaire n° : IT-96-21-T, Décision relative à la requête de l’accusé Zejnil Delalić aux fins de divulgation d’éléments de preuve, 26 septembre 1996 (la « Décision Delalić »), par. 9.

Page 423: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

423

Communication – défense de Sabra JME

26. Les requêtes aux fins de communication spécifique doivent clairement préciser, s’agissant de chaque catégorie de pièces demandées, sur quelle disposition du Règlement elles se fondent, dans la mesure où les articles 110 B) et 113 ne portent pas sur les mêmes éléments. Cependant, le concept d’utilité aux fins de la préparation du procès par la Défense, tel que prévu à l’article 110 B), peut également recouvrir des pièces qui sont de nature à disculper l’accusé51.

27. Aux termes de l’article 110 B) du Règlement, l’Accusation est tenue de répondre à toute demande de pièces et de permettre l’examen de tout « livre, document, photographie et objet » qui se trouverait « sous sa garde ou son contrôle ». L’Accusation doit déterminer si les livres, documents, photographies et objets se trouvant sous sa garde ou son contrôle sont « utile[s] à la préparation de la défense ». Il s’agit d’un critère spécifique et plus souple que celui de la communication de pièces à l’appui des moyens de preuve à charge ou que celui des obligations de communication de l’Accusation conformément à l’article 110 A) du Règlement52.

28. S’agissant de l’article 113 du Règlement, la Défense est également tenue de démontrer, à première vue, que les informations qu’elle demande sont des informations dont le Procureur dispose ou a connaissance, au-delà de la simple hypothèse, et que ces informations sont de nature à disculper l’accusé, en ce sens qu’elles « peu[vent] raisonnablement tendre à établir l’innocence de l’accusé, atténuer la responsabilité

51 TPIY, Le Procureur c. Radovan Karadžić, Affaire n° : IT-95-5/18-PT, Decision on Accused’s Second Motion for Inspection and Disclosure: Immunity Issue, 17 décembre 2008 (la « Décision Karadžić »), par. 14 ; TPIY, Le Procureur c. Zejnil Delalić Mucić alias « Pavo », Hazim Delić, Esad Landžo alias « Zenga », Affaire n° : IT-96-21-T, Décision relative à la requête de l’accusé Hazim Delic aux fins de la communication d’informations à décharge en application de l’article 68 du Règlement, 24 juin 1997, par. 14 ; TPIY, Le Procureur c. Tihomir Blaškić, Affaire n° : IT-95-14-PT, Décision sur la production forcée de moyens de preuve, 27 janvier 1997 (la « Décision Blaškić »), par. 49.

52 L’article 110 A) du Règlement prévoit à juste titre que « le Procureur communique à la Défense, dans une langue que l’accusé comprend : i) dans les 30 jours suivant la comparution initiale de l’accusé, ou dans tout autre délai fixé par le Juge de la mise en état, des copies de toutes les pièces justificatives qui ont été jointes à l’acte d’accusation lors de la demande de confirmation, ainsi que toutes les déclarations de l’accusé recueillies par le Procureur ; et ii) dans le délai fixé par la Chambre de première instance ou le Juge de la mise en état, des copies : a) des déclarations de tous les témoins que le Procureur entend citer au procès ; b) de toutes les déclarations écrites, des comptes rendus de dépositions ou de tout autre compte rendu auquel il a été procédé conformément aux articles 93, 123, 125, 155, 156, 157 et 158 ; et c) des copies des déclarations d’autres témoins à charge. Voir également TPIR, Le Procureur c. Edouard Karemera, Mathieu Ngirumpatse, Joseph Nzirorera, Affaire n° : ICTR-98-44-T, Oral Decision on the Motion for Inspection of Non-Rule 68 Material, 9 mars 2006.

Page 424: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

424

Communication – défense de Sabra JME

pénale de celui-ci ou compromettre la crédibilité des éléments de preuve à charge »53. Un large pouvoir discrétionnaire est accordé au Procureur dans le cadre de son obligation de communication des informations à décharge. Le Procureur est en outre censé agir de bonne foi dans l’exercice de cette obligation. La jurisprudence pénale internationale établit clairement que si la Défense ne démontre pas que l’Accusation a abusé de son pouvoir discrétionnaire et a violé ses obligations, le principe selon lequel le Procureur agit de bonne foi empêchera toute intervention judiciaire54.

29. En outre, il a été clairement établi dans la jurisprudence d’autres juridictions internationales que les catégories de pièces ou d’informations demandées conformément aux dispositions prévoyant un type de communication spécifique doivent être définies le plus précisément possible, et les demandes rédigées avec précision55. La Défense ne peut pas se fonder uniquement sur une « [TRADUCTION] simple description générale des informations demandées, elle est tenue de définir les conditions de sa demande d’examen de manière suffisamment précise »56.

30. Deux conditions importantes limitent la portée des articles 110 B) et 113. Premièrement, l’Accusation n’est pas tenue de séparer ou d’identifier les pièces communiquées en fonction des catégories définies par la Défense57. Le Juge de

53 TPIY, Le Procureur c. Miroslav Bralo, Affaire n° : IT-95-17-A, Decision on Motions for Access to Ex Parte Portions of the Record on Appeal and for Disclosure of Mitigating Material, 30 août 2006 (la « Décision Bralo ») par. 31 ; TPIY, Le Procureur c. Radoslav Brđanin, Affaire n° : IT-99-36-A, Décision relative aux requêtes par lesquelles l’appelant demande que l’Accusation s’acquitte de ses obligations de communication en application de l’article 68 du Règlement et qu’une ordonnance impose au Greffier de communiquer certains documents, 7 décembre 2004, p. 3 ; TPIY, Le Procureur c. Juvénal Kajelijeli, Affaire n° : ICTR-98-44A-A, Judgement, 23 mai 2005, par. 262.

54 Décision Bralo, par. 31 ; TPIY, Le Procureur c. Miroslav Kvočka, Mlado Radić, Zoran Žigić, Dragoljub Prcać, Affaire n° : IT-98-30/1-A, Décision, 22 mars 2004, p. 3 ; TPIY, Le Procureur c. Tihomir Blaškić, Affaire n° : IT9514-A, Arrêt relatif aux requêtes de l’appelant aux fins de production de documents, de suspension ou de prorogation du délai de dépôt du mémoire et autres, 26 septembre 2000, par. 39.

55 Décision Delalić, par. 10.

56 Décision Karemera, par. 32.

57 Tribunal spécial pour la Sierra Leone (« TSSL »), Le Procureur c. Charles Ghankay Taylor, Affaire n° : SCSL-03-1-PT, Decision on Defence Application to Inspect Exhibits in the Custody of the Prosecution Pursuant to Rule 66(A)(iii), 16 février 2007. Voir. TPIY, Le Procureur c. Sefer Halilović, Affaire n° : IT-01-48-T, Décision relative à la requête aux fins d’exécution d’une ordonnance du tribunal concernant le système de communication électronique, 27 juillet 2005 (la Chambre de première instance I a refusé d’ordonner à l’Accusation de créer un index de plus de 4 millions de pages de documents communiqués grâce au système de communication électronique au motif qu’il n’existait pas d’index).

Page 425: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

425

Communication – défense de Sabra JME

la mise en état rappelle le devoir qui incombe à la Défense de faire preuve de diligence raisonnable et d’examiner soigneusement les pièces qui lui ont déjà été communiquées, afin d’éviter toute demande et tout retards inutiles58.

31. Deuxièmement, l’Accusation n’est pas tenue d’effectuer des recherches, de procéder à des analyses, ou de produire des travaux qui ne se trouvent pas sous sa garde ou son contrôle, et dont elle ne dispose pas ou n’a pas connaissance59. Autrement dit, l’Accusation ne peut pas communiquer des informations qu’elle ne possède pas60. Ni l’article 110 B), ni l’article 113 ne permettent à la Défense de demander qu’il soit ordonné à l’Accusation de produire des nouvelles listes, tableaux ou autres types de documents en vue de classer ou d’identifier des documents spécifiques figurant dans les pièces communiquées.

32. Sans préjudice de ces principes qui limitent la portée des dispositions du Règlement prévoyant un type spécifique de communication, le Juge rappelle au Procureur son rôle unique défini par le Statut en tant qu’organe indépendant et distinct au sein du Tribunal61, chargé conformément au Règlement d’« aide[r] le Tribunal à établir la vérité », tout en « respect[ant] également les droits fondamentaux des suspects et des accusés »62. Dans ce rôle essentiel d’assistance à l’administration de la justice63, le Procureur n’agit pas uniquement en qualité de partie à la procédure

58 Ordonnance portant plan de travail, par. 25.

59 TPIY, Le Procureur c. Radovan Karadžić, Affaire n° : IT-95-5/18-T, Decision on the Accused’s Motion for Order to Obtain Witness Statements and Testimony from National Courts, 12 janvier 2011, par. 11 ; TPIY, Le Procureur c. Jovica Stanišić, Franko Simatović, Affaire n° : IT-03-69-PT, Décision relative à la requête de la Défense aux fins de recevoir des copies papier de documents relevant de l’article 66 du Règlement, 11 mars 2005. Les termes « garde ou contrôle », « possession » et « connaissance » sont interprétés comme des synonymes : Décision Blaškić, par. 47 et 50.

60 TPIR, Le Procureur c. Ignace Bagilishema, Affaire n° : ICTR-95-1A-T, Décision sur la requête de la Défense pour que la Chambre ordonne au Procureur de communiquer les aveux de culpabilité des témoins Y, Z et AA, 8 juin 2000, par. 8 ; TPIR, Le Procureur c. Juvénal Kajelijeli, Affaire n° : ICTR-98-44A-T, Decision on Kajelijeli’s Urgent Motion and Certification with Appendices in Support of Urgent Motion for Disclosure of Materials Pursuant to Rule 66(B) and Rule 68 of the Rules of Procedure and Evidence, 5 juillet 2001, par. 14.

61 Article 11 2) du statut du STL.

62 Article 55 C) du Règlement du TSL.

63 TSL, Affaire n° : CH/PTJ/2009/06, Ordonnance du Juge de la mise en état relative à la détention des personnes détenues au Liban dans le cadre de l’affaire de l’attentat contre le premier Ministre Rafic Hariri et d’autres personnes, 29 avril 2009, par. 25 ; Décision Blaškić, par. 50 1).

Page 426: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

426

Communication – défense de Sabra JME

chargée de diriger les enquêtes et d’exercer les poursuites. En tant qu’organe de la justice pénale internationale chargé d’aider à établir la vérité, le Procureur est tenu d’exercer ses devoirs et de communiquer les éléments de preuve à charge, et particulièrement à décharge, de bonne foi. À cette fin, une large marge discrétionnaire est accordée à l’Accusation, qui est tenue en contrepartie de remplir ses obligations de communication de manière organisée, compréhensible, utile et efficace afin de minimiser les retards et de garantir le respect du droit fondamental de l’accusé à un procès équitable.

33. Enfin, le Juge de la mise en état rappelle que l’Ordonnance relative au plan de travail a établi un régime applicable à la gestion des demandes de communication spécifique conformément aux articles 110 B) et 113 (le « Régime de communication spécifique »)64. Le régime prévoit notamment, s’agissant des demandes de communication relevant de l’article 110 B), que l’Accusation est tenue, dans un délai de cinq jours ouvrables :

a. de répondre par écrit et de communiquer les pièces demandées ; ou

b. de répondre par écrit et d’expliquer les motifs pour lesquels les pièces demandées ne relèvent pas des obligations de communication de l’Accusation ; ou

c. de répondre par écrit et de préciser une date, dans un délai de dix jours ouvrables supplémentaires, à laquelle les pièces demandées seront communiquées.

d. les parties peuvent, uniquement si des circonstances exceptionnelles le justifient, saisir le Juge de la mise en état et lui présenter une requête aux fins de modification des délais, concernant une demande spécifique de communication présentée par la Défense65.

34. Le Régime de communication spécifique a été conçu après un examen minutieux des différents intérêts et préoccupations des parties et autres participants à

64 Ordonnance portant plan de travail, par 24 à 30.

65 Ordonnance portant plan de travail, par. 24.

Page 427: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

427

Communication – défense de Sabra JME

la procédure. Le Régime prend notamment en considération les garanties d’un procès équitable et diligent que l’article 16 du Statut accorde à l’accusé, et parmi lesquelles figure le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.

C. Application des principes juridiques aux Quatre premières requêtes aux finsdecommunicationdepièces

35. Pour chacune des Quatre premières requêtes, la défense de Sabra soutient que l’information qu’elle sollicite est utile et nécessaire à la préparation de sa défense, afin notamment de mener ses propres investigations et donner des instructions à des experts66.

36. Dans la présentation de ses requêtes, la défense de Sabra se fonde en grande partie sur des lettres annexées aux Quatre premières Requêtes où les articles 110 B) et 113 du Règlement sont invoqués dans un titre de rubrique ou dans une phrase du corps de la lettre. Dans ses observations, la défense de Sabra traite également de manière très générale le fait que les pièces demandées soient de nature à disculper l’accusé. Invoquer les dispositions relatives à la communication de pièces de manière globale, sans spécifier sur quelle disposition précise l’on se fonde pour chacune des catégories de pièces demandées, ne sert pas la cause de la partie requérante. Au contraire, elle risque de voir sa requête rejetée, car les éléments des articles 110 B) et 113 du Règlement sont différents.

37. En l’espèce, le juge de la mise en état constate que la défense de Sabra ne s’est pas acquittée des obligations que lui impose le régime de la preuve applicable à l’article 113 du Règlement en démontrant de prime abord que le Procureur dispose ou a connaissance de l’information demandée et que celle-ci est de nature à disculper l’accusé. Néanmoins, le juge de la mise en état a la conviction que, conformément à l’article 110 B) du Règlement, l’information demandée est, de prime abord, utile à la préparation de la défense de Sabra, comme celle-ci le soutient.

66 Première Demande de communication, par. 18, 24 et 25 ; Deuxième Demande de communication, par. 5, 6 et 16 ; Troisième Demande de communication, par. 9 ; Quatrième Demande de communication, par. 20.

Page 428: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

428

Communication – défense de Sabra JME

38. Le Juge de la mise en état observe que l’Accusation n’a soulevé aucune objection fondée sur le manque de précision des catégories formulées par la défense de Sabra, sauf en ce qui concerne la Quatrième demande de la Quatrième requête.

39. En conséquence, le juge de la mise en état fait partiellement droit aux Quatre premières requêtes aux fins de communication d’éléments spécifiques, mais s’oppose à tout ou partie de certaines demandes, selon qu’il est précisé dans les conclusions ci-après, au motif qu’elles sont abusives. Cela étant, le juge ordonne que toutes les demandes accordées soient soumises au Régime spécifique applicable aux communications relevant de l’article 110 B). Après examen de chacune des Quatre premières requêtes, il rend les conclusions détaillées suivantes.

1. première requête

40. S’agissant de la Première requête, il semblerait que si certaines demandes ont été satisfaites — telle la liste des numéros les plus souvent appelés, classés par ordre de fréquence d’appel —, d’autres restent en souffrance, telle les noms des abonnés au téléphone en contact avec MM. Sabra et Oneissi, et leur lien allégué avec ceux-ci. Le juge de la mise en état considère que, lorsqu’elles existent, les pièces demandées dans les catégories définies au paragraphe 10 ci-dessus, sont pertinentes et utiles à la préparation de la défense de Sabra. Toutes les pièces en question doivent être communiquées si elles se trouvent sous la garde ou le contrôle de l’Accusation, à la seule condition que celle-ci ne soit pas obligée, du fait de leur communication, de produire des documents supplémentaires, d’effectuer des analyses nouvelles ou de mener des enquêtes. Sous réserve de ce qui précède, il est donc ordonné à l’Accusation de se conformer au Régime spécifique applicable aux communications relevant de l’article 110 B) s’agissant des catégories de pièces demandées dans la Première requête, mentionnées au paragraphe 10 ci-dessus.

2. deuxième requête

41. Il est ordonné à l’Accusation de se conformer au Régime spécifique applicable aux communications relevant de l’article 110 B) s’agissant des catégories de pièces

Page 429: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

429

Communication – défense de Sabra JME

demandées dans la Deuxième requête, mentionnées au paragraphe 11 ci-dessus, qui sont susceptibles d’être communiquées, sous réserve des exceptions suivantes.

42. La demande d’une « [TRADUCTION] liste précise » de divers éléments67, formulée au paragraphe 22 a) de la Deuxième requête, dans la mesure où elle impose à l’Accusation de produire un nouveau document qui ne se trouve pas actuellement sous sa garde ou son contrôle est abusive et donc rejetée. Cependant, les éléments énumérés dans la liste sont inclus, par un renvoi, dans la catégorie suivante faisant l’objet du paragraphe 22 b)68, et dans la mesure où ils constituent en eux-mêmes des « livres, documents, photographies et objets » qui se trouvent sous la garde ou le contrôle de l’Accusation, ils doivent être mis à la disposition de la Défense.

43. La défense de Sabra fait également expressément référence à l’article 113 du Règlement dans deux alinéas distincts des catégories d’informations demandées, à savoir : « [TRADUCTION] toute information affectant la crédibilité ou la fiabilité de ses conclusions, susceptible de relever de l’article 11369 ». Cependant, dans cette Requête, la défense de Sabra ne s’est pas acquittée de ses obligations en démontrant, de prime abord, qu’il existe des informations « dont [le Procureur] dispose ou a connaissance qui peu[ven]t raisonnablement tendre à établir l’innocence de l’accusé, atténuer la responsabilité pénale de celui-ci ou compromettre la crédibilité des éléments de preuve à charge ». Par conséquent, la communication des informations demandées dans ces alinéas n’est pas accordée.

44. En outre, la défense de Sabra demande au juge de la mise en état d’ordonner à l’Accusation de confirmer que les éléments communiqués en application de ces ordonnances « [TRADUCTION] représentent tous les éléments d’information pertinente

67 Deuxième Demande, par. 22 i) a). Ces éléments sont : « [TRADUCTION] i) chacune des informations pertinentes utilisées pour effectuer le calcul de la “couverture cellulaire théorique” en rapport avec les poursuites engagées contre MM. Sabra et Oneissi ; ii) tout logiciel ou matériel informatique utilisé à cette fin ; iii) toute vérification manuelle ou technique des résultats entreprise par le Bureau du Procureur ainsi que la communication des moyens et/ou des informations utilisées à cet effet ; iv) toute opinion ou avis d’expert que l’Accusation a reçu sur cette question ; v) toute information affectant la crédibilité ou la fiabilité de ses conclusions, susceptible de relever de l’article 113. »

68 Ibid, par. 22 i) b). Cette requête vise à obtenir « communication sans délai […] de chacun des éléments ci-dessus », renvoyant au par. 22 a).

69 Ibid, par. 22 i) a) v) et i) b) vii).

Page 430: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

430

Communication – défense de Sabra JME

sans exception se rapportant au calcul de la “couverture cellulaire théorique” ». S’il se trouve que certains de ces éléments sont déjà entre les mains de la Défense, celle-ci souhaite qu’il soit enjoint à l’Accusation de les identifier par leur ERN70. L’article 110 B) du Règlement n’impose pas un tel niveau d’organisation, et le Juge de la mise en état rappelle que la Défense doit faire preuve de diligence raisonnable en identifiant elle-même les pièces pertinentes71.

45. Malgré cela, et conformément à l’Ordonnance portant plan de travail, le Juge de la mise en état ordonne à l’Accusation de déposer un avis d’exécution au plus tard le 30 novembre 2012 signifiant qu’elle s’est conformée à cette Décision. Pour éviter tout malentendu, l’ordre de signifier l’exécution de la présente Décision s’applique également aux Première, Troisième et Quatrième requêtes.

3. Troisième requête

46. Il est ordonné à l’Accusation de se conformer au Régime spécifique applicable aux communications relevant de l’article 110 B) s’agissant des catégories de pièces demandées dans la Troisième requête, mentionnées au paragraphe 12 ci-dessus, qui sont susceptibles d’être communiquées, sous réserve des exceptions suivantes.

47. La Troisième demande de la Troisième requête vise à obtenir des informations relatives aux appels passés vers Reuters et Al Jazeera, en particulier72 :

a. [TRADUCTION] [...] la liste de toutes les personnes — avec leurs déclarations ou les procès-verbaux de leurs auditions — avec lesquelles [l’Accusation] ou d’autres entités ont eu des entretiens et qui travaillaient pour Reuters or Al-Jazeera à l’époque. Si ces pièces ont déjà été communiquées à [la défense de Sabra], en totalité ou en partie, identifier les ERN pertinents.

70 Deuxième Demande, par. 22 ii).

71 Ordonnance portant plan de travail, par. 25.

72 Troisième Demande, par. 4.

Page 431: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

431

Communication – défense de Sabra JME

b. [...] le tableau séquentiel des appels ou tout autre relevé des appels reçus par Reuters et Al-Jazeera le 14 février 2005. Si cette information a déjà été communiquée à [la défense de Sabra], fournir les références aux ERN pertinents.

(non souligné dans l’original)

48. Le Juge de la mise en état fait partiellement droit à la demande de communication portant sur ces catégories de pièces. Comme indiqué précédemment73, l’article 110 B) du Règlement ne fait pas obligation à l’Accusation d’identifier les pièces déjà communiquées par leurs ERN. C’est pourquoi le Juge de la mise en état ne donne pas satisfaction au requérant pour les parties soulignées. Il est fait droit à ces catégories de demandes pour le surplus sous réserve d’une mise au point supplémentaire. Pour éviter tout malentendu, lorsqu’il est fait ici mention de « liste », il est entendu qu’il s’agit d’une liste actuellement sous la garde et le contrôle de l’Accusation et non d’une liste que celle-ci devrait établir pour l’occasion afin de répondre aux demandes spécifiques de la défense de Sabra. Cette autorisation est sans préjudice d’autres restrictions prévues par le Règlement, comme celles de l’article 111 s’appliquant aux rapports, mémoires ou autres document internes établis par l’Accusation dans le cadre de ses enquêtes ou de la préparation de son dossier.

4. Quatrième requête

49. Il est ordonné à l’Accusation de se conformer au Régime spécifique applicable aux communications relevant de l’article 110 B) s’agissant des catégories de pièces demandées dans la Quatrième requête, mentionnées au paragraphe 13 ci-dessus, qui sont susceptibles d’être communiquées, sous réserve des exceptions suivantes.

50. Reformulée en termes impersonnels, la Première demande de la Quatrième requête pose à l’Accusation les questions suivantes74 :

73 Par. 30 ci-dessus.

74 Quatrième Demande, par. 6.

Page 432: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

432

Communication – défense de Sabra JME

i. Prétendez-vous que l’un des accusés a personnellement rencontré une certaine personne ? Si oui, veuillez préciser.

ii. Prétendez-vous que l’un des accusés un certain endroit avec une certaine personne entre certaines dates ? Si oui, veuillez préciser les dates auxquelles, selon vous, ces deux personnes se seraient rendues ensemble à cet endroit.

51. Le juge de la mise en état considère que cette demande n’est ni plus ni moins qu’une demande de précisions visant à obtenir des éclaircissements sur des allégations figurant dans l’acte d’accusation. En tant que telle, elle est abusive, qu’elle se fonde au non sur les articles 110 B) ou 113, et partant, rejetée.

52. S’agissant de la Deuxième demande de la Quatrième requête, le Juge de la mise en état ne donne pas satisfaction au requérant dans la mesure où celui-ci demande à l’Accusation de préciser « [TRADUCTION] i) comment il a été répondu à chaque partie de la Deuxième demande ; ii) quelles parties sont en souffrance, ainsi que, iii) parmi les pièces qui ont été communiquées, celles qui relèvent effectivement de cette demande (sic) et, iv) au cas où des pièces correspondant à cette demande n’auraient pas encore été communiquées, de les communiquer sans délai [...]75 ». Là encore, il s’agit d’un niveau d’organisation qui n’est pas prévu par l’article 110 B) du Règlement. Autrement, le Juge de la mise en état donne satisfaction au requérant pour les éléments restants de cette Deuxième demande de la Quatrième requête, qui est jugée susceptible d’être communiquée, sous réserve de l’application du Régime spécifique de communication de pièces.

53. Par la Quatrième demande de sa Quatrième requête, la défense de Sabra cherche à obtenir communication du « [TRADUCTION] type d’informations dont la Défense demanderait l’identification par l’Accusation s’agissant des pièces recueillies au domicile d’Abu Adass » conformément à « [TRADUCTION] ce qui a été convenu oralement lors de la rencontre avec l’Accusation »76. La requête est rejetée en raison de son imprécision. On ne peut s’attendre à ce qu’il soit donné satisfaction,

75 Ibid., par. 23.

76 Ibid., par. 12.

Page 433: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

433

Communication – défense de Sabra JME

sous cette forme, à une requête se fondant sur des discussions entre l’Accusation et la défense de Sabra, en particulier si le contenu de ces échanges n’a pas été spécifié77. La communication de cette catégorie toute entière de pièces est refusée.

54. S’agissant de la Cinquième demande de la Quatrième requête, la défense de Sabra, qui s’était trompée de lettre à l’annexe D, a corrigé son erreur par un rectificatif déposé le 1er novembre 201278. Celui-ci règle le problème en joignant la bonne lettre, en remplacement de l’annexe D de la Quatrième requête79. Étant donné que le délai imparti à l’Accusation pour déposer sa réponse conformément à l’article 8 du Règlement n’a pas encore expiré, le Juge de la mise en état examinera cette requête spécifique et rendra sa décision séparément, à une date ultérieure, dans l’attente d’observations supplémentaires de la part de l’Accusation.

55. Le Juge de la mise en état note en passant que les Quatrième et Cinquième demandes de la Quatrième requête mettent crûment en évidence pourquoi il est déconseillé de demander la communication de pièces spécifiques en faisant référence à des discussions ou des courriers annexés aux requêtes. Cette pratique est à éviter notamment lorsque des demandes, présentées pour la première fois dans des courriers antérieurs, ont ensuite fait l’objet de longues négociations entre les parties et qu’il en est résulté des communications partielles qui rendent caduques une partie des demandes originales exprimées dans le courrier échangé entre les parties. Devoir déterminer quelles parties de ces lettres, ou série de lettres dans certains cas, sont pertinentes ne sert pas la cause de la partie requérante et n’aide pas le juge ou la Chambre à se prononcer sur la requête. Une telle pratique n’est pas conforme à

77 Décision Karadžić, par. 20.

78 Dans sa requête exprimée au paragraphe 27 ii) de la Quatrième Demande, la Défense de Sabra sollicitait une ordonnance lui permettant de consulter les informations précisées au paragraphe 13 de ladite Demande. Ce dernier paragraphe mentionne des informations « [TRADUCTION] sur la famille, les amis et les associés d’Abu Adass » que la Défense de Sabra a demandées le 4 octobre 2012. Cependant, une note de bas de page renvoyait au paragraphe 6 d’une lettre du 4 octobre 2012, jointe à la Quatrième Demande à l’« annexe D ». L’extrait de la lettre à laquelle il était renvoyé demandait des pièces relatives à des mesures d’investigation visant M. Sabra et ne correspondait pas à la description telle qu’elle figurait au paragraphe 13 du corps de la Quatrième Demande. Bien plus, d’autres lettres étaient annexées à la Quatrième Demande (voir son annexe C : Lettre de la Défense de Sabra à l’Accusation, en date du 10 septembre 2012) qui font bien référence à M. Adass au paragraphe 6, ajoutant à l’incertitude et à la confusion.

79 Rectificatif, Annexe A.

Page 434: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

434

Communication – défense de Sabra JME

l’exigence de précision. Elle n’est pas conforme non plus à l’esprit de la Directive pratique du Tribunal relative au dépôt de documents80. Si des courriers anciens peuvent être joints en annexes à l’appui d’une requête, les catégories d’éléments spécifiques à communiquer devraient, pour bien faire, être désignées avec précision dans le corps de la requête.

D. Application des principes juridiques aux demandes de l’Accusation

56. L’Accusation adresse deux demandes séparées au Juge de la mise en état dans ses Réponses aux Troisième et Quatrième requêtes. Premièrement, en application de l’article 18 2) du Statut et de l’article 77 A) du Règlement, elle demande au juge d’ordonner que « [TRADUCTION] toute partie qui allègue une communication de pièces insuffisante ou en appelle aux obligations de communication doit certifier dans sa requête 1) qu’elle a passé en revue toutes les pièces qui lui ont été communiquées à cette date, et 2) que les pièces communiquées ne contiennent pas les éléments ou l’information dont elle demande l’obtention par voie judiciaire81 ».

57. Deuxièmement, l’Accusation demande au juge de statuer que « [TRADUCTION] les parties ne devraient pas faire des demandes identiques dans des écritures multiples, surtout lorsque le Juge de la mise en état, saisi de la première demande, n’a pas encore rendu sa décision » et « [TRADUCTION] [à] défaut, […] [d’]ordonner que les parties, dans la mesure du possible, déposent des requêtes groupées plutôt que multiples »82.

58. Outre le principe selon lequel l’article 110 B) n’impose pas à l’Accusation de classer ou d’identifier les pièces suivant les catégories spécifiées par la Défense, le Juge de la mise en état rappelle que celle-ci est tenue de faire preuve d’une diligence raisonnable en soumettant à un examen approfondi les pièces qui sont déjà en sa possession. Elle doit s’acquitter de ce devoir de bonne foi pour éviter les demandes

80 Voir TSL, Directive pratique relative au dépôt de documents devant le Tribunal spécial pour le Liban, 23 avril 2012, STL/PD/2010/01/Rev.1, art. 4 1) qui exige que la mesure sollicitée soit clairement exposée.

81 Réponse à la Troisième Demande, par. 41 b) ; Réponse à la Quatrième Demande, par. 46 b).

82 Réponse à la Troisième Demande, par. 41 c) et d) ; Réponse à la Quatrième Demande, par. 46 c) et d).

Page 435: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

435

Communication – défense de Sabra JME

et les contretemps inutiles83. En parallèle, des devoirs correspondants sont imposés à l’Accusation, qui est tenue de s’acquitter de ses obligations de communication avec diligence84. Il est fortement recommandé aux parties de coopérer davantage qu’elles ne l’ont fait jusqu’à présent à l’application du Régime spécifique de communication de pièces, conformément à leurs devoirs respectifs. Au vu du plan de travail et des progrès accomplis dans la mise en place du Régime spécifique de communication de pièces, le Juge de la mise en état refuse, à ce stade, de rendre les ordonnances demandées par l’Accusation et compte sur la Défense pour agir avec diligence et faire preuve de bonne foi, à l’avenir, lorsqu’elle présentera ses demandes de communication de pièces.

59. Quant aux demandes de l’Accusation tendant à faire accepter ses réponses aux Deuxième, Troisième et Quatrième requêtes, déposées hors délai, le Juge de la mise en état estime que des motifs valables justifient ces retards. Compte tenu des circonstances et du fait que le retard, qui se limite à quelques heures, est très léger et avait été notifié à l’avance, le Juge de la mise en état ordonne, en vertu de l’article 9 du Règlement, qu’il soit reconnu que les réponses ont été valablement déposées.

E. Délais de dépôt

1. les Quatre premières requêtes

60. Les Quatre premières requêtes sollicitent dans une large mesure la communication des mêmes pièces que la Requête conjointe de la Défense. Sachant de plus que, selon les observations de l’Accusation, un grand nombre des pièces demandées seront communiquées d’ici le 15 novembre 2012, date limite du dépôt du mémoire d’avant procès de l’Accusation, le juge de la mise en état estime que le Régime spécifique de communication de pièces devrait s’appliquer aux demandes actuelles, à partir de la date de la présente décision. Sur cette base, toute demande pertinente de communication de pièces en vertu de l’article 110 B) devrait avoir reçu une réponse le 15 novembre 2012 au plus tard, et en tout état de cause, être

83 Ordonnance portant plan de travail, par. 25.

84 Voir par. ‎32 ci-dessus.

Page 436: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

436

Communication – défense de Sabra JME

satisfaite le 30 novembre 2012 au plus tard, de même que les autres communications de pièces relevant des articles 110 A) et 113 qui restent à effectuer en application de l’Ordonnance portant plan de travail.

2. la cinquième demande de la Quatrième requête

61. Le rectificatif déposé le 1er novembre 2012 par la défense de Sabra relativement à cette demande particulière appelle désormais une nouvelle réponse de l’Accusation. Dans l’attente de celle-ci, qui devra être déposée conformément aux dispositions de l’article 8 du Règlement, la Cinquième demande de la Quatrième requête reste en suspens. Le Juge de la mise en état rendra une décision séparée à son sujet à une date ultérieure.

3. cinquième et sixième requêtes

62. Les Cinquième et Sixième requêtes ont été déposées après qu’eut été rendue l’Ordonnance portant plan de travail, dans laquelle un Régime spécifique de communication de pièces a été établi pour traiter à l’avenir les demandes de ce type. Par conséquent, le Juge de la mise en état rejette les Cinquième et Sixième requêtes et enjoint à la défense de Sabra, si elle le souhaite, de présenter directement ses demandes à l’Accusation conformément aux dispositions du Régime spécifique de communication de pièces.

Page 437: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

437

Communication – défense de Sabra JME

dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs,

le juGe de lA Mise en ÉTAT,

en ApplicATiOn de l’article 16 du Statut et des articles 9, 89 B), 110 B) du Règlement, FAiT partiellement dROiT, par la présente, aux Quatre premières requêtes, et

a. ORdOnne au Procureur d’appliquer le Régime spécifique de communication de pièces tel que précisé au paragraphe b ci-dessous, afin de permettre à la défense de Sabra d’examiner tout livre, document, photographie et objet qui se trouve sous sa garde ou son contrôle, en l’occurrence :

i. S’agissant de la Première requête, les pièces indiquées au paragraphe 10 de la présente, dans les limites précisées au paragraphe 40 ;

ii. S’agissant de la Deuxième requête, les pièces indiquées au paragraphe 11 de la présente, à l’exclusion des demandes mentionnées aux paragraphes 42 à 44 ;

iii. S’agissant de la Troisième requête, les pièces indiquées au paragraphe 12 de la présente, à l’exclusion des demandes mentionnées aux paragraphes 47 et 48 ;

iv. S’agissant de la Quatrième requête, les pièces indiquées au paragraphe 13 de la présente, à l’exclusion des demandes mentionnées aux paragraphes 50 à 53 ;

b. ORdOnne à l’Accusation, dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de la présente Décision, de :

i. de répondre par écrit et de communiquer les pièces demandées ; ou

Page 438: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

438

Communication – défense de Sabra JME

ii. de répondre par écrit et d’expliquer les motifs pour lesquels les pièces demandées ne relèvent pas des obligations de communication de l’Accusation ; ou

iii. de répondre par écrit et de préciser une date, dans un délai de dix jours ouvrables supplémentaires, à laquelle les pièces demandées seront communiquées.

c. ORdOnne à l’Accusation de signifier l’exécution de la présente Décision par un avis, qu’elle déposera avant le 30 novembre 2012.

d. ORdOnne à l’Accusation de déposer, conformément à l’article 8 du Règlement, sa réponse à la Cinquième demande de la Quatrième requête, telle que modifiée par le rectificatif de la défense de Sabra déposé le 1er novembre 2012 ;

e. RejeTTe les Quatre premières requêtes pour le surplus ;

f. RejeTTe les Cinquième et Sixième requêtes ;

g. RecOnnAÎT comme valablement déposées les Réponses de l’Accusation aux Deuxième, Troisième et Quatrième requêtes, qui ont été déposées hors délai ;

h. RejeTTe toutes les autres demandes de l’Accusation.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi. Leidschendam, 8 novembre 2012

Daniel Fransen Juge de la mise en état

Page 439: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

13.Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

Devant : le président

Titre : DécisionrelativeàlarequêteduChefdubureaudeladéfenseauxfinsd’examendelaDécisionduGreffierrelativeàlacommissiond’officed’unepersonne-ressourceauLiban

Titre réduit : Personne–ressourcePRÉS

439

Page 440: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

440

Page 441: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

441

le pRÉsidenT

Affaire n° : sTl-11-01/pT/pResDevant : M. le juge david Baragwanath, présidentLe Greffier : M. Herman von HebelDate : 21 décembre 2012Original : AnglaisType de document : public

le pROcuReuR c.

sAliM jAMil AYYAsH, MusTAFA AMine BAdReddine,

Hussein HAssAn Oneissi et AssAd HAssAn sABRA

dÉcisiOn RelATiVe À lA ReQuÊTe du cHeF du BuReAu de lA dÉFense AuX Fins d’eXAMen de lA dÉcisiOn du GReFFieR RelATiVe À lA cOMMissiOn d’OFFice d’une

peRsOnne RessOuRce Au liBAn

Bureau du procureur : M. Norman Farrell

conseils de M. salim jamil Ayyash : Me Eugene O’Sullivan Me Emile Aoun

chef du Bureau de la défense : M. François Roux

conseils de M. Mustafa Amine Badreddine: Me Antoine Korkmaz Me John Jonesconseils de M. Hussein Hassan Oneissi: Me Vincent Courcelle-Labrousse Me Yasser Hassanconseils de M. Assad Hassan sabra: Me David Young Dr Guénaël Mettraux

Page 442: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

442

Personne – ressource PRÉS

inTROducTiOn

1. Le Chef du Bureau de la Défense du Tribunal spécial pour le Liban a cherché à s’attacher les services de M. Omar Nashabe afin qu’il assiste les conseils de la Défense des quatre accusés dans l’affaire Ayyash et autres. Or le Greffier a fait savoir qu’il ne souhaitait pas que des fonds du Tribunal soient alloués à cet effet, au motif que M. Nashabe a sciemment publié des informations qu’il savait protégées par une ordonnance de confidentialité rendue par le Juge de la mise en état, et qu’il représente de ce fait un risque pour la sécurité du Tribunal. Le Greffier estime en outre qu’autoriser une dépense à cette fin jetterait le discrédit sur le Tribunal. Le Chef du Bureau de la Défense a saisi le Président d’une requête en examen de la décision du Greffier1.

RAppel de lA pROcÉduRe

2. Le 13 juillet 2012, le Chef du Bureau de la Défense a informé le Greffier qu’il avait l’intention de nommer M. Nashabe en qualité de personneressource au Liban pour assister les équipes de la Défense en prévision du procès mené par défaut à l’encontre des accusés2.

3. Le 27 juillet 2012, le Greffier a informé le Bureau de la Défense qu’il ne pouvait pas « [TRADUCTION] consentir au cadre contractuel proposé pour l’emploi de M. Nashabe3 ». Il a pris cette décision au motif que « [TRADUCTION] le cadre contractuel proposé ne décharge pas le Greffier de sa responsabilité s’agissant de

1 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/PRES, Requête en examen de la décision du greffier du 27 juillet 2012 relative à la commission d’office d’une personneressource au Liban, 31 août 2012 (« la Requête en examen »), par. 2 et 74 (tout renvoi ultérieur à des écritures et des décisions se rapporte à cette affaire, sauf mention contraire), une version publique expurgée a été déposée le 8 octobre 2012 ; voir aussi Defence Office Request for Review of the Registrar’s Decision in Relation to the Assignment of a Local Resource Person Following the Decision of the Pre-Trial Judge Dated 9 November 2012, 15 novembre 2012.

2 Annexe B (confidentielle) à la Requête en examen (mémorandum adressé au Greffier par le Chef de l’Unité de l’aide juridictionnelle par intérim). Le rôle de l’intéressé a été précisé en ces termes : « [TRADUCTION] La personneressource au Liban n’agit que sur instruction explicite du conseil et à sa demande » ; voir aussi l’Annexe D (confidentielle) à la Requête en examen (Conditions générales).

3 Voir la Requête en examen, par. 11.

Page 443: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

443

Personne – ressource PRÉS

la sécurité des fonctionnaires du Tribunal, des victimes et des témoins, et ne le libère pas non plus des obligations qui sont les siennes en sa qualité de dépositaire des documents et des archives », et que la divulgation en toute connaissance de cause d’informations confidentielles par M. Nashabe « [TRADUCTION] porte atteinte aux intérêts du Tribunal »4 . Au terme d’une réunion tenue le 22 août 2012 afin d’« [traduction] examiner des solutions pour sortir de l’impasse5 », le Greffier n’a pas reconsidéré sa position selon laquelle M. Nashabe ne peut être commis d’office par le Chef du Bureau de la Défense6.

4. Le 31 août 2012, le Chef du Bureau de la Défense, conjointement avec les conseils de la Défense, m’a saisi — dans l’exercice de mon rôle administratif de Président — d’une requête sollicitant l’examen du refus du Greffier de l’autoriser à nommer M. Nashabe7. Pour les motifs exposés dans la décision écrite que j’ai rendue le 25 septembre 2012, et principalement dans la mesure où j’ai estimé que ce litige avait des implications pour l’équité de la procédure, j’ai refusé de trancher ce différend en cette capacité. Dès lors que la Chambre de première instance n’est pas encore saisie de l’affaire en application de l’article 95 du Règlement de procédure et de preuve, j’ai invité le Juge de la mise en état, en tant qu’autre instance judiciaire du Tribunal, à envisager de se saisir dudit différend8.

5. Le 9 novembre 2012, le Juge de la mise en état a déclaré ne pas être compétent pour examiner la décision du Greffier et statuer au fond sur la Requête en examen9. Il a considéré que le litige portait davantage sur l’interaction entres les organes du Tribunal — et pouvait être régulièrement tranché par le Président —, que sur l’équité de la procédure — ce qui relèverait, à ce stade, du Juge de la mise en état10. Les parties n’ont pas interjeté appel de la décision du Juge de la mise en état. Dès

4 Ibid., par. 12.

5 Ibid., par. 13.

6 Ibid., par. 14.

7 Ibid., par. 2 et 74.

8 Décision du Président relative à la juridiction et aux expurgations, 25 septembre 2012.

9 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/PTJ, Décision relative à la juridiction qualifiée pour examiner la décision du Greffier relative à la commission d’office d’une personneressource au Liban, 9 novembre 2012.

10 Ibid., par. 19 et 33.

Page 444: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

444

Personne – ressource PRÉS

lors qu’il s’agit d’une décision judiciaire, les parties et moimême, en ma qualité de Président, devons nous y conformer.

6. Le 15 novembre 2012, le Bureau de la Défense a déposé une nouvelle requête me demandant en ma qualité de Président de statuer au fond sur la Requête en examen11. Le Greffe a choisi de ne pas répondre, tandis que le Procureur a rappelé la position qu’il avait déjà fait valoir, à savoir que la question relevait de mon autorité en tant que Président responsable « du bon fonctionnement du Tribunal et de la bonne administration de la justice »12.

7. À la suite de la décision et de l’ordonnance portant calendrier que j’ai rendues le 21 novembre 201213, les parties m’ont respectivement communiqué des observations14 ainsi que des réponses à cellesci15. Le 17 décembre 2012, les parties m’ont présenté des observations orales16. Les 18 et 19 décembre, les parties m’ont également transmis des observations supplémentaires17.

11 Defence Office Request for Review of the Registrar’s Decision in Relation to the Assignment of a Local Resource Person Following the Decision of the PreTrial Judge Dated 9 November 2012, 15 novembre 2012.

12 Prosecution Response to Defence Office Request for Review of the Registrar’s Decision in Relation to the Assignment of a Local Resource Person following the Decision of the PreTrial Judge Dated 9 November 2012, 20 novembre 2012.

13 Décision et ordonnance portant calendrier relative à la requête du Bureau de la Défense du 15 novembre 2012, 21 novembre 2012.

14 Defence Office Submissions on the Merits, 7 décembre 2012 ; Registry Submission Regarding the President’sDecision and Scheduling Order Following Defence Office Request of 15 November 2012, confidentiel, 7 décembre

2012 (« les Observations du Greffe ») (une version publique expurgée a été déposée le 10 décembre 2012) ; Prosecution Submissions Pursuant to Scheduling Order of 21 November 2012, confidentiel, 7 décembre 2012 (« les Observations de l’Accusation ») (une version publique expurgée a été déposée le même jour).

15 Defence Office Consolidated Response Pursuant to the Scheduling Order of 21 November 2012, confidentiel, 14 décembre 2012 (« la Réponse du Bureau de la Défense ») (une version publique expurgée a été déposée le même jour) ; Registry Response Pursuant to Scheduling Order of 21 November 2012, 14 décembre 2012 (« la Réponse du Greffe ») ; Prosecution Response Pursuant to Scheduling Order of 21 November 2012, 13 décembre 2012 (« la Réponse de l’Accusation »).

16 Audience à huis clos, 17 décembre 2012 (version non révisée) (« l’Audience du 17 décembre 2012 »).

17 Registry Submission Pursuant to Rule 48(C) Regarding Oral Hearing of 17 December 2012, 18 décembre 2012 (« les Observations du Greffe du 18 décembre ») ; Prosecution Submissions Relating to Head of Defence Office’s Request for Review of the Registrar’s Decision in Relation to the Assignment of a Local Resource Person, dated 15 November 2012, 19 décembre 2012 ; Réponse du Bureau de la Défense aux observations déposées par le Greffe le 18 décembre 2012, confidentiel, 19 décembre 2012 (une version publique expurgée a été déposée le même jour).

Page 445: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

445

Personne – ressource PRÉS

FAiTs eT pRÉTenTiOns

8. Les faits pertinents sont les suivants : à la suite d’une requête du Procureur, le Juge de la mise en état a délivré une ordonnance rendant confidentielles certaines informations. Dans un de ses articles, M. Nashabe a reproduit les informations protégées. S’il ne relève pas de mes fonctions de statuer sur les actes de M. Nashabe, je note que le Chef du Bureau de la Défense concède qu’il existe des éléments de preuve attestant, de prime abord, que M. Nashabe a agi délibérément18. Lorsque le Chef du Bureau de la Défense a cherché à s’attacher les services de M. Nashabe, d’abord en tant qu’enquêteur puis en qualité de personneressource au Liban, le Greffier s’est opposé à cette commission d’office au motif que l’intéressé avait sciemment violé une ordonnance du Tribunal.

9. Le Chef du Bureau de la Défense avance qu’il relève de sa compétence de prendre une décision à cet égard, et ce, pour servir au mieux les intérêts du Tribunal, parmi lesquels figure la provision d’une défense efficace qui, en l’absence des accusés dans un procès par défaut, nécessite de retenir les services d’une « personneressource au Liban »19.

10. Le Greffier affirme que la décision du Chef du Bureau de la Défense de prendre des dispositions en vue de la commission d’office de M. Nashabe est contraire aux intérêts propres du Tribunal et qu’il peut, en effet, s’y opposer en refusant de dégager les fonds nécessaires20. Il a dans un premier temps invoqué trois motifs à l’appui de son refus :

1) la violation d’une ordonnance de confidentialité dont M. Nashabe se serait rendu coupable ;

2) une évaluation des risques menée en interne par le Greffe défavorable à M. Nashabe ; et

18 Le Chef du Bureau de la Défense a fait remarquer que les informations avaient été publiées sur le site Web du Tribunal, accessible au public, pendant six semaines avant la délivrance de l’ordonnance.

19 Requête en examen, par. 37 et 38.

20 Observations du Greffe, par. 48.

Page 446: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

446

Personne – ressource PRÉS

3) les informations contenues dans une annexe confidentielle ex parte aux observations qu’il a présentées le 7 décembre 201221.

11. Dans la mesure où l’objet du second motif invoqué par le Greffier est un document qui n’a pas été communiqué au Chef du Bureau de la Défense et ne m’a pas non plus été fourni, j’ai attiré l’attention du Greffier sur une décision rendue par la Cour suprême du RoyaumeUni22, dans laquelle la Cour a jugé, dans une affaire similaire, que l’équité de la procédure exigeait que soit divulguée toute information défavorable à la partie adverse23. Le Greffier a fait savoir qu’il aurait été prêt à communiquer ces documents au Président ou à une chambre du Tribunal dans le cadre de l’exercice d’une fonction judiciaire et non administrative24. Il a refusé de les communiquer en l’espèce25. Or les pièces que je n’ai pas été en mesure d’étudier ne sauraient faire partie de mon examen. Par conséquent, je refuse de prendre en considération les arguments du Greffier à cet égard.

12. S’agissant du troisième motif sur lequel s’appuie le Greffier, à savoir les informations contenues dans une annexe confidentielle ex parte aux observations qu’il a présentées le 7 décembre 201226 en réponse à une requête du Chef du Bureau de la Défense demandant à recevoir une copie de ce document27, le Greffier a indiqué qu’il ne souhaitait pas les communiquer au Chef du Bureau de la Défense28. Le Statut du Tribunal exige que l’institution agisse équitablement. La prise en compte d’un document que le Chef du Bureau de la Défense n’a pas eu la possibilité d’examiner irait à l’encontre du principe audi alteram partem, reconnu tant dans le système

21 Audience du 17 décembre 2012, p. 36 à 43.

22 Voir Cour suprême du RoyaumeUni, dans l’affaire de A (un enfant), [2012] UKSC 6, 12 décembre 2012.

23 Audience du 17 décembre 2012, p. 37 et 38, et p. 40 et 41.

24 Observations du Greffe du 18 décembre, par. 7.

25 Idem.

26 Observations du Greffe, Annexe C, confidentielle et ex parte.

27 Urgent Request for Access to Annex C of The Registrar’s Submission of 7 December 2012, confidentiel, 11 décembre 2012.

28 Registry Submission in Relation to The Defence Office’s Urgent Request for Access to Annex C of The Registrar’s Submission of 7 December 2012, 12 décembre 2012, par. 4 et 5. Au cours de l’Audience du 17 décembre 2012, le Greffier a fait savoir que si le Président souhaitait communiquer ce document au Chef du Bureau de la Défense, il le retirerait du dossier, Audience du 17 décembre 2012, p. 10.

Page 447: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

447

Personne – ressource PRÉS

de tradition civiliste que dans le système de common law29. Par conséquent, mon examen ne tiendra pas non plus compte de ce document. Il portera sur le premier motif invoqué par le Greffier. Comme indiqué ci-après, je n’accepte aucun autre argument avancé par le Greffier, par écrit ou oralement à l’audience, selon lequel M. Nashabe ne peut être nommé car il s’est montré critique à l’égard du Tribunal.

13. Le Procureur soutient le Greffier. Les conseils de la Défense ne sont pas intervenus dans cette affaire.

AnAlYse

i. nature du litige

14. Les parties ont soutenu que le Président ne devrait qu’examiner la légalité de la décision du Greffier et leur laisser le soin d’approfondir la question de savoir quelle issue pratique il convient de trouver30. Contrairement à ce qui a été avancé, il ne s’agit pas simplement de déterminer si la décision du Greffier peut faire l’objet d’un recours. Il s’agit plus généralement de déterminer si, et — le cas échéant — dans quelle mesure, en se fondant sur une interprétation du Statut du Tribunal fidèle à son esprit et dans l’intérêt public, les textes prévoient des restrictions à l’exercice des pouvoirs du Chef du Bureau de la Défense et définissent l’autorité chargée de veiller à leur application, les normes auxquelles ces restrictions répondent et les modalités de leur mise en place.

15. En résumé, le litige porte essentiellement sur les pouvoirs respectifs du Greffier et du Chef du Bureau de la Défense. L’article 4 1) de l’Annexe à la résolution 1757 (2007) est libellé en ces termes :

29 Le système de common law en fait un des principes de justice naturelle. Voir la Haute Cour de Justice du RoyaumeUni, John v. Rees [1970] Ch. 345, p. 402, affaire dans laquelle Sir Robert Megarry a mis en garde contre le risque de s’appuyer sur les arguments d’une partie sans entendre l’autre ; voir aussi TPIY, Le Procureur c/ Radovan Karadžić, Affaire n° IT-95-5/18-T, Decision on Motion for Access to Confidential Ex Parte Annex, 15 avril 2011, p. 2.

30 Réponse du Bureau de la Défense, par. 19 ; Réponse de l’Accusation, par. 2 et 4 ; Réponse du Greffe, par. 6. Le Greffier fait cependant valoir que « [TRADUCTION] l’examen mené par le Président englobe la question fondamentale de savoir si le Bureau de la Défense peut engager M. Nashabe en qualité de personneressource au Liban pour le compte des conseils de la défense », Réponse du Greffe, par. 8.

Page 448: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

448

Personne – ressource PRÉS

Le Secrétaire général nomme le Greffier, qui est chargé d’assurer le secrétariat des Chambres et du Bureau du Procureur et de recruter et d’administrer tout le personnel d’appui. Il administre également les ressources financières et le personnel du Tribunal spécial.

L’article 12 du Statut élargit davantage la responsabilité du Greffier. Il prévoit que : « [s]ous l’autorité du Président du Tribunal spécial, le Greffe est chargé d’assurer l’administration et les services du Tribunal », c’estàdire y compris le Bureau de la Défense, créé par l’article 13, de même que les Chambres et le Bureau du Procureur.

16. L’article 13 du Statut confère au Chef du Bureau de la Défense le pouvoir de nommer les fonctionnaires de son bureau. Il est libellé en ces termes :

1. En consultation avec le Président du Tribunal, le Secrétaire général nomme une personnalité indépendante Chef du Bureau de la défense, laquelle nomme à son tour les fonctionnaires du Bureau et établit une liste de conseils de la défense.

2. Le Bureau de la défense […] protège les droits de la défense et apporte un soutien et une assistance, sous la forme de […] rassemblement d’éléments de preuve ou de conseils juridiques […], aux conseils de la défense […].

17. L’article 57 D) x) du Règlement de procédure et de preuve établit qu’il incombe au Chef du Bureau de la Défense de « dresser et tenir à jour une liste d’experts, d’enquêteurs, d’assistants juridiques et de gestionnaires des dossiers hautement qualifiés, susceptibles d’être commis à la défense ». L’article 22 B) de la Directive relative à la commission d’office de conseils de la défense, émise par le Chef du Bureau de la Défense, prévoit également que celuici peut « nommer d’autres personnes pour aider le conseil, telles que des assistants juridiques, consultants, enquêteurs […], et ce, afin d’assister le conseil principal » et « peut exiger des qualifications particulières des personnes appelées à aider le conseil ».

18. Le Chef du Bureau de la Défense affirme31 que par analogie avec l’article 58 A) v) du Règlement, il relève de son mandat — et non pas de celui du

31 Réponse du Bureau de la Défense, par. 6.

Page 449: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

449

Personne – ressource PRÉS

Greffier — de décider si une personne peut assister les conseils, étant convaincu qu’elle :

[…] n’a pas, dans l’exercice de sa profession ou dans toute autre circonstance, adopté un comportement malhonnête ou autrement déshonorant pour un conseil, préjudiciable à l’administration de la justice, susceptible de réduire la confiance du public dans le Tribunal ou l’administration de la justice ou de nature à jeter le discrédit sur le Tribunal32.

19. Le Greffier affirme au contraire que le droit de procéder à des contrôles de sécurité et des vérifications des antécédents s’agissant des personnes employées par le Tribunal relève de son seul mandat, compte tenu de sa responsabilité à l’égard de l’administration et des services du Tribunal, et ne saurait relever de l’autorité du Bureau de la Défense ou du Bureau du Procureur33.

20. Le litige qui nous occupe a été soulevé en août et l’ouverture du procès a été temporairement fixée au 25 mars 2013. Il est donc pressant de trancher ce litige. L’obligation faite par le Statut de conduire les procédures de manière rapide34 exige que cette question trouve une solution pratique, et nécessite d’examiner la décision du Chef du Bureau de la Défense de s’attacher les services de M. Nashabe. Je dois accepter la responsabilité de délimiter la frontière entre les fonctions du Chef du Bureau de la Défense et celles du Greffier afin de sortir de cette impasse.

21. Par conséquent, les questions à trancher sont les suivantes :

1) Quels sont les rôles respectifs du Chef du Bureau de la Défense et du Greffier dans la commission d’une personne qui assiste les conseils ?

2) Le Chef du Bureau de la Défense était-il habilité à nommer M. Nashabe en qualité de personneressource au Liban pour qu’il aide les conseils ?

3) Le Greffier était-il habilité à suspendre l’approbation s’agissant de cette commission d’office et à délivrer la décision du 27 juillet 2012 ?

32 Article 58 A) v) du Règlement de procédure et de preuve du TSL.

33 Observations du Greffe, par. 39.

34 Voir les articles 21 et 28 du Statut du TSL.

Page 450: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

450

Personne – ressource PRÉS

4) Quelle décision doisje maintenant rendre en ma qualité de Président ?

ii. le régime instauré par le statut

22. Outre les Chambres, le Statut établit trois autres organes dont chacun des responsables est nommé par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies : le Bureau du Procureur, le Bureau de la Défense et le Greffe. En application de l’article 11 du Statut, il incombe au Procureur de diriger les enquêtes et d’exercer les poursuites. L’article 13 prévoit que la tâche de protéger les droits de l’accusé et d’apporter un soutien et une assistance aux conseils de la Défense et aux personnes ayant droit à une aide juridique revient au Chef du Bureau de la Défense. Enfin, l’article 12 indique que la tâche d’assurer l’administration et les services du Tribunal, y compris de ses fonds, incombe au Greffier.

23. Toutefois, le Statut n’établit aucune relation hiérarchique entre le Procureur, le Chef du Bureau de la Défense ou le Greffier. Il leur attribue plutôt des fonctions distinctes, en partant simplement du principe que lorsque leurs fonctions respectives entrent en concurrence, des consultations auront lieu, et, si nécessaire, le Président tranchera les questions administratives en application de l’article 10 du Statut, ou une chambre statuera en qualité d’organe judiciaire.

24. Il convient de souligner que s’il existe des similitudes entre le Tribunal spécial et d’autres cours et tribunaux internationaux ou « hybrides », la structure du Tribunal prévue par le Statut, adopté par le Conseil de sécurité de l’ONU dans sa résolution 1757 (2007) en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, diffère de celle des autres en ce qu’elle institue un Bureau de la Défense en tant qu’organe indépendant. Cette importante différence structurelle permet d’assurer le droit de l’accusé à ce que sa cause soit entendue tant équitablement qu’en pleine égalité, en application de l’article 16 du Statut. Si la création du Bureau limite quelque peu le champ des fonctions du Greffier, elle impose également de lourdes responsabilités au Bureau de la Défense, qui se doit d’adopter la posture d’un administrateur avisé veillant aux intérêts généraux du Tribunal.

Page 451: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

451

Personne – ressource PRÉS

iii. le rôle du président

25. Le Président ne joue aucun rôle judiciaire, sauf lorsqu’il siège au sein de la Chambre d’appel. Le Chef du Bureau de la Défense l’a reconnu : je dois interpréter sa requête comme une demande adressée au Président afin qu’il exerce les fonctions administratives prévues aux articles 10 1) et 12 1) du Statut et à l’article 32 C) du Règlement de procédure et de preuve, lesquels :

1) confient au Président la responsabilité de veiller au bon fonctionnement du Tribunal et à la bonne administration de la justice ;

2) placent le Greffe, chargé d’assurer l’administration et les services du Tribunal, sous l’autorité du Président ; et

3) exigent du Président qu’il contrôle les activités du Greffe35.

26. Il convient donc de déterminer quelle approche je dois retenir. Le Greffier a avancé que je devais adopter la pratique d’autres cours et tribunaux internationaux, selon laquelle les décisions administratives doivent répondre au critère du « caractère raisonnable36 », à savoir que la décision du Greffier ne devrait être renversée que si celuici est parvenu à une conclusion que n’aurait pu tirer aucune personne sensée à l’issue d’un examen en bonne et due forme37. Cette approche convient parfaitement aux examens judiciaires dans lesquels une instance sans expertise est appelée à se prononcer sur la légalité de la décision rendue par un organe décisionnel spécialisé. Or, comme je l’ai indiqué dans mon opinion séparée et partiellement dissidente relative

35 L’article 10 1) du Statut du TSL dispose : « Outre ses fonctions judiciaires, le Président du Tribunal spécial représente le Tribunal. Il est responsable du bon fonctionnement du Tribunal et de la bonne administration de la justice ». L’article 12 1) du Statut du TSL prévoit : « Sous l’autorité du Président du Tribunal spécial, le Greffe est chargé d’assurer l’administration et les services du Tribunal ». L’article 32 C) du Règlement est libellé comme suit : « [Le Président] contrôle les activités du Greffe ».

36 Observations du Greffe, par. 22 à 26, voir aussi les Observations du Procureur, par. 4.

37 Voir par exemple, TPIY, Le Procureur c/ Radovan Karadžić, Affaire n° IT-95-5/18-T, Decision on Request for Review of Decision on Privileged Telephone Calls, 23 mars 2012, par. 4 et 5 ; TPIR, Le Procureur c. Siméon Nchamihigo, Affaire No. ICTR-2001-63-T, The President’s Decision on Siméon Nchamihigo’s Appeal Against the Registrar’s Decision Denying the Request for the Withdrawal of Lead Counsel, 12 septembre 2003, p. 5 ; CPI, Le Procureur c. Kony et autres, ICC-02/04-01/05-378-tFRA, Motifs de la Décision relative à la requête déposée par Me Jens Dieckmann le 28 octobre 2008 aux fins d’examen judiciaire de sa nomination par le Greffier en tant que conseil de la Défense, en exécution de la Décision rendue le 21 octobre 2008 par la Chambre préliminaire II, 10 mars 2009, par. 29 à 33.

Page 452: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

452

Personne – ressource PRÉS

aux contestations de la légalité du Tribunal38, un organe chargé de réexaminer une question doit choisir l’approche qui convient le mieux au type d’affaire qui l’occupe, et ce, en tenant compte de plusieurs éléments. Dans le cas présent, ces éléments sont les suivants :

1) l’architecture du Statut qui établit un partage des pouvoirs entre (en l’espèce) trois hauts responsables, à savoir le Chef du Bureau de la Défense, le Greffier et le Président, chacun personnellement nommé par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies ;

2) l’existence d’une impasse entre le Chef du Bureau de la Défense et le Greffier, qui doit être résolue.

27. Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation que le Président ne peut réexaminer cette décision du Greffier que si elle est qualifiée de « déraisonnable ou irrationnelle », un des critères habituellement appliqués dans les examens judiciaires. Une telle approche pourrait convenir si :

i) la décision du Greffier était la seule et unique décision à cet égard et qu’elle n’entrait pas en conflit avec une autre décision contraire du Chef du Bureau de la Défense ; et

ii) le Greffier jouissait d’une expertise particulière pertinente au regard de la décision en question, expertise que le Chef du Bureau de la Défense ou le Président ne partageraient pas. À d’autres égards, le Président se rangerait à l’avis du Greffier : il est, par exemple, expert en matière d’administration et de finances, et possède une capacité sans pareille à évaluer des demandes de financement concurrentes au sein d’une organisation vaste et complexe.

28. En l’occurrence, le Chef du Bureau de la Défense a décidé de nommer M. Nashabe, et le Greffier s’y est opposé. À la lecture de ce que j’appelle l’architecture et le régime du Statut, aucune des deux parties au litige n’a autorité sur l’autre. En

38 TSL, Le Procureur c. Ayyash et autres, Affaire n° STL-11-01/PT/AC/AR90.1, Arrêt relatif aux appels interjetés par la Défense contre la Décision relative aux contestations par la Défense de la compétence et de la légalité du Tribunal, 24 octobre 2012, Opinion séparée et partiellement dissidente de M. le juge Baragwanath, par. 72.

Page 453: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

453

Personne – ressource PRÉS

vertu de l’article 12 1) du Statut et de l’article 32 du Règlement, le Président jouit d’une certaine autorité à l’égard du Greffier, et doit — en application de l’article 10 du Statut —implicitement avoir compétence pour trancher ce différend portant sur la délimitation des fonctions, et ce, eu égard à ce qu’il estime être la meilleure décision d’un point de vue juridique et factuel.

29. Il en va ainsi car le Président s’est vu confier par l’article 10 1) la responsabilité de veiller au « bon fonctionnement du Tribunal et [à] la bonne administration de la justice ». Sans aucun doute, lorsque j’agis en ma qualité de responsable administratif, je dois m’assurer de ne pas outrepasser cette fonction administrative et laisser aux Chambres le soin d’exercer la fonction judiciaire.

iV. discussion de fond

A. Remarque préliminaire

30. À titre liminaire, je souligne tout d’abord qu’il serait avisé que tout organe qui perçoit la possibilité d’un conflit avec un autre organe aborde la question avec celui-ci avant d’entamer une procédure officielle de résolution des litiges. Le Comité de direction, créé par l’article 38 du Règlement, ainsi que des réunions informelles peuvent constituer des pistes fructueuses de résolution des désaccords. En cas d’impasse, la question peut être portée de manière informelle devant le Président, qui — dans l’exercice de ses fonctions administratives découlant de l’article 10 du Statut — peut être considéré comme l’arbitre des différends entre organes. Dans la mesure où c’est la voie officielle qui a été choisie en l’espèce, il convient d’aboutir à une conclusion.

B. Organe décisionnel

31. À de rares exceptions près, généralement considérées comme anormales, il n’existe pas de pouvoir absolu. Tout pouvoir doit être exercé tant dans un but approprié que dans les limites imposées par l’instrument qui le confère. Le Greffier ne peut exercer un pouvoir de contrôle sur les décisions de fond du Procureur ou du Chef du Bureau de la Défense simplement parce qu’il a celui d’allouer les ressources

Page 454: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

454

Personne – ressource PRÉS

du Tribunal, pas plus que ceuxci ne peuvent revendiquer le pouvoir illimité d’utiliser lesdites ressources. En dehors du cadre strictement défini en ce qui concerne (en l’espèce) les questions financières et de sécurité interprétées de manière restrictive, qui relèvent pleinement du champ de ses fonctions en tant qu’organe chargé d’assurer l’administration et les services du Tribunal sous l’autorité du Président, le Greffier est tenu d’exécuter les décisions que d’autres organes sont habilités à prendre.

32. Dans le cas précis de la désignation « des fonctionnaires du Bureau » de la Défense, l’article 13 du Statut confie expressément cette décision au Chef du Bureau de la Défense. Si l’article 4 de l’Annexe à la résolution 1757 du Conseil de sécurité confère au Greffier la responsabilité générale « de recruter et d’administrer tout le personnel d’appui39 », le Greffier a reconnu que l’article 13 du Statut confie au Chef du Bureau de la Défense la tâche de nommer les fonctionnaires du Bureau40 et que l’article 13 des Principes régissant l’aide juridictionnelle accorde au Chef de l’Unité de l’aide juridictionnelle — un fonctionnaire du Bureau de la Défense — un pouvoir décisionnel en matière de désignation des consultants41. Le différend entre le Chef du Bureau de la Défense et le Greffier porte sur la question des risques présumés pour le Tribunal et pour d’autres personnes, risques que le Greffier fait valoir et que le Chef du Bureau de la Défense conteste.

33. Il ne doit souffrir aucun doute que le Statut du Tribunal non seulement prévoit la protection des différents intérêts, mais la rend également obligatoire. Par exemple, au titre de l’article 12 4), le Greffier doit prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité, le bienêtre physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des victimes et des témoins. L’article 28 exige des juges, lors de l’adoption du Règlement de procédure et de preuve, qu’ils s’inspirent du Code de procédure pénal libanais et d’autres textes de référence consacrant les normes internationales de procédure pénale les plus élevées. Les articles du Règlement élaborés en vertu de l’article 28 du Statut prévoient un dispositif complexe de

39 Non souligné dans l’original.

40 Audience du 17 décembre 2012, p. 6 à 8.

41 L’Annexe B à la Requête en examen emploie le terme « commission » [assignment] en référence à la nomination de M. Nashabe.

Page 455: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

455

Personne – ressource PRÉS

protection de la confidentialité s’agissant de certaines parties, particulièrement les victimes et les témoins, et de certaines informations42.

34. Par conséquent, toute procédure de recrutement au Tribunal doit prendre ces éléments en considération et personne n’a carte blanche pour se voir communiquer des informations confidentielles, à moins qu’il n’apparaisse clairement que l’intéressé puisse et veuille en préserver la confidentialité. Aussi des procédures de recrutement appropriées exigentelles de mener une évaluation éclairée et efficace des risques pour la sécurité ainsi que d’autres risques. Toute personne employée par le Tribunal ou qui lui fournit des services est soumise à cette évaluation.

35. Dans le cas présent, le pouvoir décisionnel concernant la désignation de personnes qui assistent le conseil, telle qu’une personneressource au Liban, revient au Chef du Bureau de la Défense. C’est lui qui doit en accepter la responsabilité et les conséquences. Toutefois, le Greffe est l’organe qui, dans la pratique, effectue les évaluations des risques et des menaces. Or, aucune demande adressée par le Bureau de la Défense au Greffe afin qu’il effectue ces vérifications n’a été produite. Par ailleurs, le Greffier peut prendre des mesures pour contester tout acte du Chef du Bureau de la Défense s’il estime qu’il enfreint les règles financières et/ou porte atteinte à la sécurité du Tribunal ou de tierces parties. On peut comprendre que le Greffier ait refusé de cautionner une menace évidente à la confidentialité et — dans l’attente d’un règlement définitif de la question — d’y contribuer en débloquant des fonds à cet effet. Mais le Greffier n’est pas le censeur du Chef du Bureau de la Défense et, en cas de litige ne pouvant être résolu par un accord, il revient aux Chambres et, dans le cas présent, en exécution d’une décision du Juge de la mise en état, au Président de trancher le litige43.

42 Dans l’affaire El Sayed, la Chambre d’appel a à maintes fois souligné la nécessité de concilier le droit de M. El Sayed d’avoir accès à certaines informations et le besoin de, notamment, protéger les victimes et les témoins ainsi que la confidentialité des enquêtes en cours, voir TSL, Affaire El Sayed, Affaire n° CH/AC/2010/02, Décision en appel concernant l’ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice, 10 novembre 2010, par. 69 ; TSL, Affaire El Sayed, Affaire n° CH/AC/2011/01, Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011, 19 juillet 2011, par. 50 ; TSL, Affaire El Sayed, Affaire n° CH/AC/2011/02, Ordonnance faisant droit en partie et rejetant en partie l’appel interjeté par le Procureur de la décision du Juge de la mise en état du 2 septembre 2011 ordonnant la communication de pièces, 7 octobre 2011, par. 34.

43 Je note qu’au paragraphe 49 de ses observations, le Greffier renvoie au Règlement financier, qui régit notamment

Page 456: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

456

Personne – ressource PRÉS

C. Désignation de M. Nashabe

1. le comportement de M. nashabe

a. Les critiques émises par M. Nashabe à l’encontre du Tribunal

36. Premièrement, je n’accepte pas l’argument du Greffier selon lequel les critiques formulées par M. Nashabe à l’égard du Tribunal excluent que l’on s’attache ses services44. Il a le droit d’exprimer son avis sur le Tribunal et cela ne saurait servir d’argument pour rejeter sa nomination par le Chef du Bureau de la Défense en tant que consultant extérieur à l’organisation, et non en qualité d’employé (qui, de par son statut de fonctionnaire, aurait un devoir de loyauté exclusif envers le Tribunal). La liberté d’expression est garantie au niveau tant national qu’international. Aux termes de l’article 13 de la Constitution du Liban : « [traduction] La liberté d’exprimer sa pensée par la parole ou par la plume, la liberté de la presse, la liberté de réunion et la liberté d’association, sont garanties dans les limites fixées par la loi ». Cet article reflète également le principe de la liberté d’expression énoncé à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, à laquelle renvoie le préambule de la Constitution du Liban.

37. L’approche du droit quant à la liberté d’expression des institutions publiques, dont les cours et le Tribunal spécial, a été illustrement décrite par Lord Atkin en ces termes :

[TRADUCTION] […] Le chemin de la critique peut être emprunté par tous : les personnes malavisées ont le droit d’y déambuler, pourvu que les membres du public s’abstiennent de prêter des motifs illégitimes à ceux qui participent à l’administration de la justice, et exercent véritablement un droit à la critique, et agissent sans intention malicieuse ni volonté de nuire à l’administration de la justice ; ces personnes ne peuvent être mises en cause. La justice ne vit pas

la mise à disposition des fonds du Tribunal. Si ce texte est important, il ne saurait l’emporter sur les dispositions du Statut et doit être interprété conformément à cellesci.

44 Voir la Réponse du Greffe, par. 10 (« [traduction] En outre, il a également publié plusieurs articles qui semblent avoir été rédigés avec le dessein malveillant de nuire aux travaux du Tribunal »).

Page 457: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

457

Personne – ressource PRÉS

dans une tour d’ivoire : il faut la laisser subir l’examen et les commentaires respectueux, même francs, des hommes ordinaires45.

b. La publication d’informations confidentielles par M. Nashabe

38. Les arguments du Greffier selon lesquels M. Nashabe a violé une ordonnance judiciaire visant à protéger des informations confidentielles sont sérieux. Le Chef du Bureau de la Défense avance que l’absence de procédure pour outrage entamée contre M. Nashabe à cet égard laisse entendre que les intérêts du Tribunal n’ont pas été lésés et que M. Nashabe n’a pas non plus délibérément interféré avec l’administration de la justice.

39. Dès lors que mon rôle actuel ne consiste pas à examiner les actes de M. Nashabe, je ne fais aucun commentaire à ce sujet, outre le fait — reconnu par le Chef du Bureau de la Défense — qu’il existe à première vue des preuves attestant la violation de l’ordonnance en question. Dans la mesure où cela pourrait traduire une propension à enfreindre, sans aucune justification, une ordonnance judiciaire visant à protéger la confidentialité, je conclus que le Greffier a eu raison, en principe, d’adopter une attitude prudente en l’espèce.

40. Il s’ensuit qu’à ce stade il aurait été hasardeux, et donc contraire à l’intention présumée du Statut, de simplement autoriser la commission d’office de M. Nashabe afin qu’il effectue sans restriction les tâches qui pourraient être confiées, par exemple, à un enquêteur sur lequel ne pèserait aucune allégation de ce genre.

41. Cependant, le Greffier est allé trop loin en imposant une interdiction totale de toute implication dans la cause de la Défense d’une personneressource au Liban, en laquelle le Chef du Bureau de la Défense a confiance. La véritable nature de la publication des informations confidentielles par M. Nashabe importe peu, il est exagéré d’affirmer qu’un tel comportement l’empêche de jouer tout rôle en qualité de personneressource au Liban.

45 RoyaumeUni, Privy Council, affaire Ambard v AttorneyGeneral for Trinidad and Tobago, [1936] AC 322, p. 335.

Page 458: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

458

Personne – ressource PRÉS

42. Dans le cadre contractuel proposé par le Bureau de la Défense, il est envisagé que l’intéressé s’acquittera des tâches suivantes :

• fournir des informations sur des questions d’intérêt factuelles ;

• informer les conseils de toute pièce justificative qu’ils pourraient avoir besoin de recueillir ;

• identifier et proposer des témoins (potentiels) aux conseils ;

• résumer les pièces factuelles pertinentes fournies par les conseils ou accessibles au public et les rapprocher les unes des autres ;

• établir des rapports et mémorandums dans le cadre des activités susmentionnées ; et

• s’acquitter de toute autre tâche pertinente confiée par les conseils46.

Hormis les parties soulignées47, aucune de ces tâches n’implique que des informations confidentielles soient communiquées à M. Nashabe. Par ailleurs, il n’existe aucune allégation concernant son comportement qui pourrait l’empêcher d’être une source d’informations, et non leur destinataire.

43. Dans la mesure où le Greffier semble avancer qu’engager M. Nashabe en sachant qu’il a enfreint une ordonnance du Juge de la mise en état jetterait le discrédit sur le Tribunal48, j’estime que tant que les mesures de protection nécessaires sont en place — notamment la garantie que M. Nashabe n’a pas accès à des informations confidentielles comme indiqué ciaprès —, cette crainte est hypothétique et injustifiée.

46 Requête en examen, Annexe D.

47 - identifier des témoins (potentiels) ; - résumer les pièces factuelles pertinentes […] et les rapprocher les unes des autres ; - s’acquitter de toute autre tâche pertinente confiée par les conseils.

48 Observations du Greffe, par. 48.

Page 459: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

459

Personne – ressource PRÉS

2. la nomination de M. nashabe

44. Le cadre contractuel proposé par la Défense, y compris les tâches susmentionnées, prévoit un certain travail d’enquête et l’accès à des informations communiquées par le Tribunal. Compte tenu des preuves attestant à première vue de la divulgation d’informations confidentielles, il convient d’écarter ces tâches, à moins qu’une chambre n’en décide autrement, le cas échéant. Toutefois, je ne vois rien qui pourrait empêcher l’embauche de M. Nashabe pour assister les conseils de la Défense sur la base des fonds dont ils disposent à cet effet au titre des Principes régissant l’aide juridictionnelle. Ainsi, il serait considéré comme une tierce partie eu égard aux locaux et aux informations confidentielles du Tribunal (lesquelles pourraient si nécessaire lui être communiquées avec le consentement d’un juge ou d’une chambre), mais serait en mesure de fournir des informations pertinentes dans l’intérêt de l’accusé.

45. Ces conditions semblent être conformes aux dispositions de l’article 13 des Principes régissant l’aide juridictionnelle de la Défense encadrant la désignation d’un expert consultant. En application de cette disposition, le Chef de l’Unité de l’aide juridictionnelle doit être convaincu que l’expert consultant satisfait aux critères de nomination d’un expert à la lumière des tâches qui lui seraient proposées. À cet égard, je note que le cadre proposé ne prévoyait pas que ce soit le Tribunal qui conclue un contrat avec M. Nashabe. C’est le conseil principal qui signerait ce contrat. En outre, je souligne la responsabilité du conseil principal de protéger les informations confidentielles du Tribunal en l’espèce. À titre d’exemple, le paragraphe 5 du Code de conduite professionnelle des conseils plaidant devant le Tribunal énonce que le conseil « protège la confidentialité des éléments de preuve et des actes de procédure identifiés comme tels par le Tribunal » et que, sauf décision de la chambre compétente, « le conseil ne peut divulguer des dépositions confidentielles qu’aux personnes tenues, en vertu de la déontologie ou d’obligations contractuelles, d’en protéger la confidentialité et seulement si cette divulgation est nécessaire aux investigations ou à la préparation de la cause »49. On peut considérer que ces dispositions s’appliquent à la relation entre les conseils et les experts consultants.

49 TSL, Code de conduite professionnelle des conseils plaidant devant le Tribunal, 28 février 2011, paragraphe 5,

Page 460: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

460

Personne – ressource PRÉS

46. J’ajoute, par mesure de précaution, que je ne fais aucun commentaire sur l’éventuelle citation de M. Nashabe en qualité de témoin expert. C’est au conseil et à la chambre compétente d’en décider.

47. Il faut bien entendu user de prudence avant de décaisser des fonds publics importants. En l’espèce, le cadre proposé prévoit que les honoraires versés à M. Nashabe peuvent atteindre 8 850 euros par mois. Le Chef du Bureau de la Défense n’a pas prouvé qu’une procédure diligente avait été suivie en vue de justifier une dépense aussi importante. Une procédure appropriée doit être mise en place avant que ne soit envisagée la commission d’office de M. Nashabe.

48. Il convient bien évidemment de rémunérer le travail qu’effectue une personne pour le compte des équipes de la Défense en vue de la préparation de leur cause. Dans les circonstances actuelles, et compte tenu des observations présentées par les parties, M. Nashabe devrait — si les conseils estiment que ses services sont effectivement nécessaires — être payé au moyen des ressources financières attribuées par le Tribunal aux personnes très qualifiées possédant de nombreuses années d’expérience pertinente, conformément aux articles 13.9 et 13.10 des Principes régissant l’aide juridictionnelle de la Défense.

sous Conduite professionnelle.

Page 461: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

461

Personne – ressource PRÉS

dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs ;

le pRÉsidenT

Annule la décision du Greffier du 27 juillet 2012 refusant la commission d’office de M. Omar Nashabe en qualité de personneressource au Liban ;

ORdOnne que le Chef du Bureau de la Défense puisse, si les conseils de la défense le demandent et en tenant compte, entre autres, des contraintes financières et de sécurité, nommer M. Omar Nashabe, et ce, dans les conditions suivantes :

1. M. Nashabe peut fournir aux équipes de la Défense les services ciaprès :

i. fournir des informations sur des questions d’intérêt factuelles ;

ii. informer les conseils de toute pièce justificative qu’ils pourraient avoir besoin de recueillir ;

iii. identifier et proposer des témoins (potentiels) aux conseils ;

iv. résumer les pièces factuelles pertinentes fournies par les conseils ou accessibles au public et les rapprocher les unes des autres ;

v. établir des rapports et mémorandums dans le cadre des activités susmentionnées ; et

vi. s’acquitter de toute autre tâche pertinente confiée par les conseils.

2. Les honoraires de M. Nashabe sont versés par les conseils de la Défense au moyen des fonds alloués aux experts, conformément aux articles 13.9 et 13.10 des Principes régissant l’aide juridictionnelle de la Défense, et ce, sous leur autorité et responsabilité. Ils sont calculés en fonction de la contribution effective de M. Nashabe à la présentation de la cause de la Défense et des contraintes financières susmentionnées ;

3. M. Nashabe est considéré comme un membre du public s’agissant de son accès aux locaux et aux informations du Tribunal et, dans l’attente

Page 462: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

462

Personne – ressource PRÉS

d’une décision contraire d’un juge ou d’une chambre, aucune information confidentielle ne lui sera communiquée, sauf si un juge ou une chambre, selon le cas, sur requête motivée des conseils, ne délivre une ordonnance en ce sens50 ;

4. M. Nashabe ne peut utiliser, divulguer ou rendre accessible à des tiers aucune information dont il a eu connaissance pendant la durée de son affectation au sein des équipes de la Défense, y compris après le terme de son contrat.

ORdOnne au Greffier d’exécuter la décision du Chef du Bureau de la Défense prise conformément aux directives cidessus ;

RAppelle aux conseils qu’ils sont responsables de tout acte accompli par des membres de l’équipe de la Défense, placés sous leur supervision, commis en violation du Code de conduite professionnelle des conseils de la défense et des représentants des victimes plaidant devant le Tribunal spécial pour le Liban, ou de toute ordonnance judiciaire pertinente51.

Fait en anglais, arabe et français, la version en anglais faisant foi. Le 21 décembre 2012, À Leidschendam (PaysBas)

M. le juge David Baragwanath Président

50 Voir, mutatis mutandis, la Décision relative à la requête du Procureur sollicitant des mesures de non-diffusion de pièces du 2 mai 2012, rendue le 25 mai 2012 par le Juge de la mise en état.

51 Code de conduite professionnelle des conseils de la défense et des représentants des victimes plaidant devant le Tribunal spécial pour le Liban, STL/CC/2012/03, 14 décembre 2012, article 6.

Page 463: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

463

indeX 2012

Les nombres utilisés renvoient aux numéros de paragraphe des décisions.123

THÈME EMPLACEMENTAccord de siège (2007) Légalité et compétence CPI1. 12, 13.Accord entre l’Organisation des Nations Unies et la République libanaise sur la création du Tribunal (Annexe à la résolution 1757 (2007) du CSNU)

Procédure par défaut CPI. 112 ; Légalité et compétence CPI. 11, 29, 45, 56 ; Légalité et compétence CA2.26.

Acte d’accusation, confirmation de l’

Procédure par défaut CPI. 60 ; Association de malfaiteurs JME3. 8 ; Modalités de participation JME. 3, 69 ; Réexamen - droit applicable CA. 6, 35, 38, 43, 49 ; Légalité et compétence CPI. 77 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 48 ; Communication - défense de Sabra JME. 27.

Acte d’accusation, examen de l’

Association de malfaiteurs JME. 5.

Acte d’accusation, modification de

Association de malfaiteurs JME. 1, 7, 9.

Acte d’accusation, présentation de l’

Association de malfaiteurs JME. 8.

Acte d’accusation, publicité de

Procédure par défaut CPI. 38, 67, 77 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 42.

Actes criminels Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 95 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 121.

Administration de la justice Commission d’office de conseils JME. 19.Affaire / attentat, ayant un lien étroit avec l’

Procédure par défaut CPI. 65 ; Association de malfaiteurs JME. 2 ; El Sayed Pertinence CA. 12, 31 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 2, 3, 15, 28, 29, 35, 37-39, 45-47, 50-54.

Affaire, Kadi Légalité et compétence CA. 47, 48 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 54, 59 et 60.

Affaire, Kallon Légalité et compétence CPI. 67.

Affaire, Kanyabashi Légalité et compétence CA. 14, 46 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 53.

1 CPI = Chambre de première instance

2 CA = Chambre d’appel

3 JME = Juge de la mise en état

Page 464: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

464

Index

Affaire, Nada Légalité et compétence CA. 48 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 56, 59.

Affaire, Tadić Légalité et compétence CPI. 19, 21, 22, 28, 31, 33, 34, 35, 51, 59, 74, 83 ; Légalité et compétence CA. 14, 41, 43-44 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 52.

Allégations El Sayed Pertinence CA. 41, 43 ; Légalité et compétence CA. 48 ; Communication - défense de Sabra JME. 13, 19, 51.

Amnistie Légalité et compétence CPI. 76, 81.Annonce publique dans les médias internationaux

Procédure par défaut CPI. 11.

Annonce publique dans les médias libanais

Procédure par défaut CPI. 11, 52, 53.

Annonce publique des accusations formulées à l’encontre des accusés

Légalité et compétence CA. 24.

Annonce publique, procédure Procédure par défaut CPI. 52.Appareil judiciaire libanais, compétence Légalité et compétence CPI. 15, 56.

Appel Légalité et compétence CA. 39 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 1-3, 5-11, 17-20, 30, 48.

Appel de plein droit Légalité et compétence CA. 7, 11 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 10, 26-28 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 1.

Appel, certification (aux fins de)

Légalité et compétence CA. 7, 18, 22, 23 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 8, 11, 13, 20-21, 27.

Appel, critères de Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 20.

Appel, droit d’interjeter Légalité et compétence CA. 15 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 8-9, 13, 17, 19, 21, 23 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 3.

Appel, interlocutoire Réexamen - droit applicable CA. 34 ; Légalité et compétence CA. 23, Réexamen - procédure par défaut CA. 7-9.

Appel, mal fondé El Sayed Pertinence CA. 5, 16.Appel, “manifestement abusif” El Sayed Pertinence CA. 43.

Appel, recevabilité Association de malfaiteurs JME. 8, 25, 38 ; El Sayed Pertinence CA. 5, 13, 14, 27 ; Légalité et compétence CA. 2, 11-23 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 4-8.

Page 465: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

465

Index

Application du droit(Application de)

Procédure par défaut CPI. 36, 112 ; Association de malfaiteurs JME. 20 ; Modalités de participation JME. 20 ; Réexamen - droit applicable CA. 40-44 ; Légalité et compétence CPI. 37 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 13, 87 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 3 ; Communication - défense de Sabra JME. 35, 56.

Assemblée générale des Nations Unies

Qualité de victime participant à la procédure JME. 95 ; Légalité et compétence CPI. 69 ; Légalité et compétence CA. 42 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 42 ; 84.

Attentat, 14 février 2005 Procédure par défaut CPI. 4, 5, 60-67, 105 ; Association de malfaiteurs JME. 2 ; El Sayed Pertinence CA. 12, 31 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 2, 3 ; Réexamen - droit applicable CA. 50 ; Légalité et compétence CPI. 3, 5, 6, 14, 58, 61 ; Légalité et compétence CA. 34, 51 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 4, 83, 84, 87, 88 ; Communication – défense de Sabra JME. 13.

Attribution (transmission du dossier de l’affaire)

Légalité et compétence CA. 20.

Audience, publique Procédure par défaut CPI. 14, 36 ; Réexamen - droit applicable CA. 5.

Autorité libanaises Procédure par défaut CPI. 3-9, 41, 46, 51-63, 75-77, 112-118 ; El Sayed Pertinence CA. 33 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 8, 31, 35, 40 ; Légalité et compétence CPI. 6, 58 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 44, 50.

Base de données, recherche électronique El Sayed Pertinence CA. 20, 22.

Buts et principes des Nations Unies

Légalité et compétence CA. 33, 37 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 35, 37, 49, 55, 68 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 14, 15.

Cause entendue, équitablement et publiquement

Légalité et compétence CPI. 66 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 44.

Certification El Sayed Pertinence CA. 13-15, 26 ; Légalité et compétence CA. 7, 17, 18, 23 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 8, 11, 13, 20, 21 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 8-11, 15.

Certification, absence de El Sayed Pertinence CA. 13-15.Certification, norme correcte (de la)

Réexamen - procédure par défaut CA. 8, 10-11, 15.

Chambre d’appel, fonctions d’élaboration du Règlement Réexamen - droit applicable CA. 30, 32, 41.

Page 466: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

466

Index

Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC)

Qualité de victime participant à la procédure JME. 23, 41, 64, 71, 77, 78, 80 ; Modalités de participation JME. 72.

Changement matériel des circonstances

Réexamen - procédure par défaut CPI. 11, 13, 24 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 19.

Charge de la preuve Communication – défense de Sabra JME. 28, 37.Charges, confirmées Association de malfaiteurs JME. 5.Charte des Nations Unies Légalité et compétence CPI. 15, 16, 41, 44, 49, 52, 54, 57, 70,

71 ; Légalité et compétence CA. 5, 26, 29-31, 34-39, 48, 51, 52 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath).15, 55, 56, 60 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 14 ; Personne-Ressource PRES4. 24.

Charte des Nations Unies (article de la)

Article 1 Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 56.

Article 24 Légalité et compétence CA. 37 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 35, 49-50, 56, 68.

Article 25 Légalité et compétence CA. 30 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 56.

Article 39 Légalité et compétence CA. 33-34, 46, 52 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 4, 34, 50, 75, 84, 91.

Article 41 Légalité et compétence CA. 33-34, 52 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 4, 34, 50, 75, 92.

Article 42 Légalité et compétence CA. 52 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath).34, 57.

Article 103 Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 56.

Charte des Nations Unies, Chapitre VII

Légalité et compétence CA. 8, 25-29, 31, 33-34, 37, 46-47 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 4, 34, 38, 42-43, 50, 54, 58-59, 61, 75, 90.

Chefs d’accusation Association de malfaiteurs JME. 2, 5, 8, 10.Chef d’accusation, nouveau Association de malfaiteurs JME. 9. Chef du Bureau de la Défense, pouvoir discrétionnaire du

Commission d’office de conseils JME. 13 ; Personne-Ressource PRES. 16-18, 22, 32.

4 PRES - Président

Page 467: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

467

Index

Chose jugée El Sayed Pertinence CA. 6, 16, 18.Circonstances, changement matériel (des)

Réexamen - procédure par défaut CPI. 6, 11, 13, 24 ; Réexamen - droit applicable CA. 25 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 19.

Circonstances, exceptionnelles

Qualité de victime participant à la procédure JME. 84 ; Réexamen - droit applicable CA. 40 ; Légalité et compétence CA. 10 ; Communication – défense de Sabra JME. 33.

Civil law (Droit romano-germanique)

Légalité et compétence CPI. 79 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 75 ; Personne-Ressource PRES. 12.

Code de conduite professionnelle des conseils plaidant devant le Tribunal

Commission d’office de conseils JME. 25 ; Modalités de participation JME. 56, 90.

Code de procédure civile libanais

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 7.

Code de procédure pénale libanais

Procédure par défaut CPI. 34, 44-46, 77, 79, 86, 92, 100 ; Réexamen - droit applicable CA. 36 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 7 ; Personne-Ressource PRES. 33.

Code pénal libanais Association de malfaiteurs JME. 10-15 ; Réexamen - droit applicable CA. 6, 11, 47, 48, 51.

Code pénal libanais (article du)

Article 188 Association de malfaiteurs JME. 10. Article 212 Association de malfaiteurs JME. 10. Article 213 Association de malfaiteurs JME. 10. Article 335 Association de malfaiteurs JME. 10, 11, 12, 15, 16.

Comité contre le terrorisme (Conseil de sécurité de l’ONU)

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 86.

Comité de direction Personne-Ressource PRES. 30.Comité des droits de l’homme des Nations Unies

Légalité et compétence CPI.74, 88 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 26.

Comité des droits de l’homme des Nations Unies (VOIR : Nations Unies)Commission d’enquête internationale indépendante de l’Organisation des Nations Unies (UNIIIC)

Légalité et compétence CA. 49 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 88.

Commission du droit international

Légalité et compétence CA. 36.

Page 468: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

468

Index

Common Law Réexamen - procédure par défaut CPI. 25 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 71, 75, Personne-Ressource PRES. 12, 13.

Communication El Sayed Pertinence CA. 1-3, 10, 12, 14-16, 19-20, 22, 26, 28, 29, 33, 35, 37-38, 40 ; Modalités de participation JME. 44-46, 65 ; Légalité et compétence CA. 12.

Communication, obligation de communication

Modalités de participation JME. 44 ; Légalité et compétence CPI. 80 ; Communication – défense de Sabra JME. 32.

Communication, pertinence (de la)

El Sayed Pertinence CA. 2, 9, 12, 16-26, 30, 33.

Communiqué de presse Procédure par défaut CPI. 53, 61, 64, 65, 68, 71.Comparution devant le Tribunal

Procédure par défaut CPI. 3, 21, 22, 25, 27, 29, 30, 32, 34, 40, 51, 57, 58, 75-79, 86, 103, 105, 107-110, 116, 117 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 8, 9 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 14, 22, 35, 51.

Comparution devant le Tribunal, défaut de

Réexamen - procédure par défaut CA. 1, 39, 43.

Comparution initiale Modalités de participation JME. 25 ; Communication - défense de Sabra JME. 27.

Compensation Qualité de victime participant à la procédure JME. 14.Compétence Procédure par défaut CPI. 9, 13, 53 ; Légalité et compétence CPI.

26-41, 62-65, 86-88 ; Légalité et compétence CA. 11-21, 41, 42 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 2, 3, 4, 15-23, 83, 88, 94 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 4-11.

Compétence, auxiliaire Légalité et compétence CPI. 12, 36.Compétence, contestation de la

Légalité et compétence CA. 14, 21 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 10 ; Légalité et compétence CPI. 56, 58, 63, 76, 84.

Compétence, inhérente / implicite / subsidiaire / Kompetenz-Kompetenz (ou compétence de la compétence)

Légalité et compétence CPI. 22, 23, 28, 35, 36, 70 ; Légalité et compétence CA. 15-18 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 16.

Compétence, juridique Légalité et compétence CA. 43 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 2.

Compétence, matérielle Légalité et compétence CPI. 18, 27 ; Légalité et compétence CA. 12.Compétence, nationale Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge

Baragwanath). 32, 38, 47, 71.Compétence, objection fondée sur la Légalité et compétence CA. 14.

Page 469: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

469

Index

Compétence, pénale Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 47.

Compétence, principale Légalité et compétence CPI. 15, 35 ; Légalité et compétence CA. 16 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 52.

Compétence, temporelle Légalité et compétence CA. 12 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 11.

Compétence, territoriale Légalité et compétence CPI. 18 ; Légalité et compétence CA. 12 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath).11.

Complot Procédure par défaut CPI. 5 ; Association de malfaiteurs JME. 2, 5, 11, 15, 16 ; Réexamen - droit applicable CA.1.

Comptes rendus de médias Procédure par défaut CPI. 65, 80, 87, 93, 101.Confidentialité Procédure par défaut CPI. 5, 8, 9, 10, 64, 66 ; Qualité de victime

participant à la procédure JME. 5, 129-131 ; Modalités de participation JME. 56, 62, 72, 75 ; Personne-Ressource PRES. 1, 3, 8, 10, 12, 33-35, 38-45.

Confidentialité, levée de (la) Procédure par défaut CPI. 5, 66.Conflit d’intérêts Commission d’office de conseils JME. 25-27, Qualité de victime

participant à la procédure JME. 121, 127.Conseil de sécurité (VOIR sous Nations Unies)Conseil de sécurité des Nations Unies

Procédure par défaut CPI. 4, 37 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 34 ; Légalité et compétence CPI. 1, 2, 5-11, 15, 43, 44, 51-56, 61, 64, 69, 71, 72, 85, 88 ; Légalité et compétence CA. 2, 4, 5, 6, 8, 25-28, 30-43, 45-48, 51-53 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 1-5, 14, 22, 32-40, 42, 44-46, 48-50, 53-56, 58, 59, 61, 68, 69, 75-80, 83-92, 95 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 1, 11, 13-16.

Conseil supérieur de la magistrature libanais

Légalité et compétence CPI. 14.

Conseil(s) Réexamen - procédure par défaut CPI. 1, 5, 13-17, 21, 22, 24-28, 40, 41, 43, 44, 46 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 1-3, 7, 12, 16, 18, 21, 27, 34, 47, 49, 51.

Conseils, commission d’office de conseils, commission d’office de

Commission d’office de conseils JME. 11, 16, 18, 19, 22 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 3, 27.

Conseils, disponibilité des Commission d’office de conseils JME. 14, 23.Conseils, liste des Commission d’office de conseils JME. 10, 18, 16, 22, 24.

Conseils, qualité des Réexamen - procédure par défaut CPI. 2, 3, 5.

Page 470: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

470

Index

Constitution libanaise Légalité et compétence CPI. 15, 41, 42, 44, 45, 49, 84 ; Légalité et compétence CA. 4, 31 ; Personne-Ressource PRES. 36.

Constitution libanaise (article de la)

Article 13 Personne-Ressource PRES. 36. Article 20 Légalité et compétence CPI. 82, 83.

Consultation Procédure par défaut CPI. 39 ; Légalité et compétence CPI. 9, 12, 14 ; Légalité et compétence CA. 41 ; Communication - défense de Sabra JME. 2, 3 ; Personne-Ressource PRES. 16, 23.

Contexte, factuel Légalité et compétence CA. 49 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 4-6, 31, 75, 79.

Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969

Qualité de victime participant à la procédure JME. 56 ; Légalité et compétence CPI. 43 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 24, 58 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 6.

Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 (article de la)

Article 31 Qualité de victime participant à la procédure JME. 23, 56, 88 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 24.

Article 32 Qualité de victime participant à la procédure JME. 23, 56, 88 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 24.

Article 33 Qualité de victime participant à la procédure JME. 23, 56, 88 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 24.

Convention européenne des droits de l’homme

Légalité et compétence CA. 48 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 57, 58 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 27.

Cour africaine des droits de l’homme (CADH) Légalité et compétence CPI. 74.

Cour de Cassation (Liban) Procédure par défaut CPI. 6 ; Légalité et compétence CA. 7.

Cour européenne de justice (CEJ)

Légalité et compétence CPI. 51 ; Légalité et compétence CA. 47 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 54.

Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)

Procédure par défaut CPI. 56 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 37 ; Légalité et compétence CPI. 60, 74, 78, 88 ; Légalité et compétence CA. 48, 56 Réexamen - procédure par défaut CA. 27-29, 41.

Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIADH)

Légalité et compétence CPI. 74 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 95.

Page 471: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

471

Index

Cour internationale de justice (CIJ)

Légalité et compétence CPI. 55 ; Légalité et compétence CA. 37, 39, 41, 43 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 42-43, 49, 64, 79.

Cour pénale internationale (CPI)

Procédure par défaut CPI. 35, 39, 42 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 23, 37, 42, 64, 71, 77, 80, 94, 95, 110 ; Modalités de participation JME. 18 ; Légalité et compétence CPI. 70, 78, 87 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 7, 9 ; Légalité et compétence CA. 10, 17 ; Commission d’office de conseils JME. 24.

Couverture médiatique Procédure par défaut CPI. 60, 63, 65, 67.Crime Association de malfaiteurs JME. 16.Crime contre l’humanité Légalité et compétence CA. 84.Crime d’association de malfaiteurs JME

Association de malfaiteurs JME. 10, 12, 15, 16.

Crime, éléments constitutifs (VOIR AUSSI : élément intentionnel, élément matériel/objectif)

Association de malfaiteurs JME. 10, 14, 15, 16 ; Réexamen - droit applicable CA. 51.

Crimes de guerre Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 84.

Critères d’examen Légalité et compétence CA. 9, 10 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 5, 6.

Cumul de charges (qualifications)

Association de malfaiteurs JME. 3, 16 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 2, 15, 21-22, 26, 28, 30, 35, 39, 41-44, 46, 51.

Cumul de qualifications (Voir aussi : Qualifications)D’office Qualité de victime participant à la procédure JME. 131 ; Modalités

de participation JME. 22, 23, 32 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 6, 46 ; Réexamen - droit applicable CA. 10, 19.

Danger commun Réexamen - droit applicable CA. 48.Décision, administrative Personne-Ressource. 26 ; Légalité et compétence CA. 73.

Décision, interlocutoire

Réexamen - droit applicable CA; 1-4, 6, 12, 18, 19, 21, 28, 29, 35, 37, 43- 49, 51 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 8 ; El Sayed Pertinence CA. 15 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 20.

Déclaration de témoin El Sayed Pertinence CA. 12, 20 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 74 ; Modalités de participation JME. 44 ; Réexamen - droit applicable CA. 7.

Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH)

Légalité et compétence CPI. 49 ; Personne-Ressource 36.

Déclarations de témoins, accès aux El Sayed Pertinence CA. 20.

Page 472: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

472

Index

Défense, représentation (d’un accusé par la) Réexamen - droit applicable CA. 14, 16.

Délai Réexamen - droit applicable CA. 8 ; Communication - défense de Sabra JME. 33.

Détention (privative de liberté, incarcération)

El Sayed Pertinence CA. 20, 22, 33 ; Légalité et compétence CPI. 31.

Détention, arbitraire El Sayed Pertinence CA. 32.Détention, procédure Légalité et compétence CPI. 81.Devoir de loyauté (envers le Tribunal)

Personne-Ressource PRES. 36.

Directive relative à la Commission d’office de conseils JME de la défense (depuis mars 2013 : Directive relative à la nomination et à la commission d’office des conseils de la défense)

Commission d’office de conseils JME. 5, 9, 12, 17.

Directive relative à la représentation légale des victimes

Modalités de participation JME. 56 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 128.

Disposition du droit, générale Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 61.

Documents déposés, à titre confidentiel

Modalités de participation JME. 21, 37, 39, 40-41, 50-51, 55, 74-75, 82, 85, 87, 89-91, 93.

Documents, confidentiels Modalités de participation JME. 1, 54, 55-62.Documents, constituant des copies El Sayed Pertinence CA. 1-3, 9, 12, 14, 16, 17, 35.

Documents, droit de soustraire à la communication (des)

El Sayed Pertinence CA. 1, 20, 28, 35, 38, 39.

Documents, internes Communication - défense de Sabra JME. 48.Dommages-intérêts Qualité de victime participant à la procédure JME. 54, 63, 69, 72-74.Dossier Procédure par défaut CPI. 78, 85, 91, 100.Dossier de l’affaire El Sayed Pertinence CA. 20 ; Modalités de participation JME. 3, 34,

45, 52, 53, 69, 71, 72, 76, 77 ; Légalité et compétence CA. 19-21.Dossier pénal Légalité et compétence CA. 16.Droit à la justice Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge

Baragwanath). 28.Droit à la liberté Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge

Baragwanath). 66.

Page 473: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

473

Index

Droit à un nouveau procès Réexamen - procédure par défaut CPI. 21, 31, 32, 39 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 14, 27.

Droit à un procès équitableLégalité et compétence CPI. 2, 82, 85, 87, 88 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 45, 66, 68, 78, 95

Droit à un recours Qualité de victime participant à la procédure JME. 43.Droit applicable Association de malfaiteurs JME. 1, 4, 6 ; Qualité de victime

participant à la procédure JME. 5; Procédure par défaut CPI. 42.Droit applicable, interprétation du

Association de malfaiteurs JME. 9, 10.

Droit applicable, précisions sur le

Association de malfaiteurs JME. 4, 8.

Droit d’accès à la justice El Sayed Pertinence CA. 33.Droit d’être entendu Procédure par défaut CPI. 19.Droit d’être présent au procès Réexamen - procédure par défaut CPI. 31.

Droit d’interjeter appel El Sayed Pertinence CA. 16, 26 ; Réexamen - droit applicable CA. 34, 37 ; Légalité et compétence CA. 15, 17 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 3, 7.

Droit de participer à la procédure

Procédure par défaut CPI. 32, 58, 73.

Droit de recevoir des documents/pièces déposées

Modalités de participation JME. 51, 54, 70, 82-83.

Droit international Procédure par défaut CPI. 17 ; Association de malfaiteurs JME. 13 ; Réexamen - droit applicable CA. 12, 48 ; Légalité et compétence CPI. 41, 42, 81 ; Légalité et compétence CA. 6 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 14.

Droit international coutumier Procédure par défaut CPI. 28 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 23 ; Réexamen - droit applicable CA. 45, 48 ; Légalité et compétence CPI. 60 ; Légalité et compétence CA. 24 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 84 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 6.

Droit international coutumier, pratique des États

Procédure par défaut CPI. 76 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 24.

Droit interne (VOIR : tribunal, national/ juge national)

Page 474: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

474

Index

Droit national libanais

Légalité et compétence CPI. 50, 56 ; Légalité et compétence CA. 24 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 84, 92 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 6, 7 ; Réexamen - droit applicable CA. 36.

Droit, absolu Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 28, 66.

Droit, fondamental Légalité et compétence CA. 10.Droit, procédural Légalité et compétence CA. 10.Droits de l’accusé Commission d’office de conseils JME. 17 ; Qualité de victime

participant à la procédure JME. 13, 17, 99-101, 113, 120, 123, 127, 130 ; Modalités de participation JME. 15, 19, 59, 61 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 16. Réexamen - droit applicable CA. 16 ; Légalité et compétence CPI. 15, 16, 62, 76, 83, 85 ; Personne-Ressource PRES. 22.

Droits de l’accusé, de communiquer librement et de manière confidentielle avec son avocat

Commission d’office de conseils JME. 17 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 13, 17, 99, 100-101, 111, 113, 120, 123, 127, 130-131.

Droits de l’homme, (droit international relatif aux droits de l’homme)

Procédure par défaut CPI. 31, 32, 56 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 43, 123 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 19, 20, 24, 32 ; Réexamen - droit applicable CA. 37 ; Légalité et compétence CPI. 2, 38-40, 66, 68, 73, 75, 78, 80, 88 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 56, 59, 66, 78, 95 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 32, 34, 37, 41.

Droits de l’homme, normes internationales (relatives aux)

Procédure par défaut CPI. 17 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 43 ; Légalité et compétence CPI. 74, 75, 78, 81 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 24, 58, 80 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 31.

Droits de la défense/ou de l’accusé

Commission d’office de conseils JME. 13, 17 ; Modalités de participation JME. 15, 19, 59, 61 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 40 ; Réexamen - droit applicable CA. 4, 16, 34, 47 ; Légalité et compétence CPI. 1, 15, 16, 41, 62, 74, 76, 83, 85 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 27 ; Communication - défense de Sabra JME. 32 ; Personne-Ressource PRES. 16, 22, 24.

Droits de la personne détenue Légalité et compétence CA. 53.Droits du suspect Réexamen - droit applicable CA. 47 ; Légalité et compétence CPI.

78 ; Communication - défense de Sabra JME. 32.Droits, exercice effectif des Réexamen - procédure par défaut CA. 29.Droits, restriction/limitation des

El Sayed Pertinence CA. 29.

Page 475: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

475

Index

Droits, violation des El Sayed Pertinence CA. 39 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 21 ; Légalité et compétence CPI. 16, 63, 78 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 15.

Économie judiciaire Réexamen - procédure par défaut CA. 11.Égalité des armes Légalité et compétence CPI. 62 ; Légalité et compétence CA. 38,

93 ; Personne-Ressource PRES. 24.Élément de preuve Réexamen - procédure par défaut CA. 3-4, 28, 31-32, 42-43, 48-49. Élément de preuve, à décharge/à charge

Communication – défense de Sabra JME. 32.

Élément de preuve, de prime abord/à première vue

Procédure par défaut CPI. 37 ; Association de malfaiteurs JME. 7, 8 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 2, 3, 17, 27, 51, 57, 58, 62, 67, 73, 75, 80, 84, 91, 105 ; Personne-Ressource PRES. 8, 39, 44.

Élément de preuve, fiabilité (de)

Légalité et compétence CPI. 78.

Élément objectif (Actus reus) Association de malfaiteurs JME. 14.Éléments de preuve Modalités de participation JME. 76.Éléments de preuve à décharge, communication (de)

Légalité et compétence CPI. 80.

En fuite Procédure par défaut CPI. 3, 21, 25, 27, 57, 58, 107, 108- 111 ; Réexamen - procédure par défaut CPI 8, 9, 17, 24 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 3, 21-22, 50-51.

Enquêtes, aux fins de protéger les El Sayed Pertinence CA. 29, 39.

Entente criminelle Association de malfaiteurs JME. 10, 14, 16.Erreur de droit El Sayed Pertinence CA. 28 ; Légalité et compétence CA. 10 ;

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 76.

Erreur de fait Légalité et compétence CA. 9.Erreur de raisonnement Réexamen - procédure par défaut CPI. 6, 11, 12 ; Réexamen -

procédure par défaut CA. 19, 47.Erreur, alléguée Légalité et compétence CA. 10.Erreur, patente Réexamen - procédure par défaut CA. 5. Évaluation des risques El Sayed Pertinence CA. 12 ; Qualité de victime participant à la

procédure JME. 131 ; Personne-Ressource PRES. 10, 35. Ex parte séance/audience/pièces

Réexamen - procédure par défaut CPI. 15, 45.

Examen, critères d’ Légalité et compétence CA. 10, 51.

Page 476: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

476

Index

Exception préjudicielle, définition d’une

Légalité et compétence CA. 13.

Exception préjudicielle d’incompétence

Légalité et compétence CA. 6-7, 11-12, 16, 19-20 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 11 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 3.

Exceptions préjudicielles Légalité et compétence CPI. 17, 18 ; Légalité et compétence CA. 7-12, 18, 19 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 11-13 ; Réexamen - droit applicable CA. 38 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 8.

Expert consultant Personne-Ressource PRES. 45.Faute professionnelle El Sayed Pertinence CA. 6, 44.Favor rei Réexamen - droit applicable CA. 47.Fonctions judiciaires Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge

Baragwanath). 77, 79.Garantie d’une procédure régulière

Légalité et compétence CPI. 65 ; Légalité et compétence CA. 82, Personne-Ressource PRES. 11.

Génocide Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 53, 84.

Gouvernement libanais Procédure par défaut CPI. 2, 4, 5, 15, 16, 25, 46, 112, 115, 117 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 35 ; Légalité et compétence CPI. 6, 8, 42, 43, 49.

Greffier, autorité du Personne-Ressource PRES. 19, 26, 31.Guerre civile au Liban Légalité et compétence CPI. 64.Habeas corpus Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge

Baragwanath). 72.Homicide Association de malfaiteurs JME. 2, 5,Homicide, avec préméditation Procédure par défaut CPI. 5. Homicide, intentionnel Procédure par défaut CPI. 5.Immunité Légalité et compétence CA. 45, 54.In favorem libertatis Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge

Baragwanath). 19, 75.Information Procédure par défaut CPI. 5, 16, 23, 26, 44, 46, 59, 60, 65 ;

Communication - défense de Sabra JME. 1, 11, 18, 24, 28-29, 35, 37, 43-44, 47, 53, 56.

Information(s), sensible(s) Modalités de participation JME. 49.Infraction, alléguée Association de malfaiteurs JME. 3.Infractions, cumul d’ (pluralité)

Association de malfaiteurs JME. 3.

Page 477: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

477

Index

Injustice Association de malfaiteurs JME. 13 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 6, 7, 11, 12, 20, 22, 26, 27, 32, 36-38, 41 ; Réexamen - droit applicable CA. 3, 10, 12, 19-27, 34, 46 ; Légalité et compétence CA. 16, 17, 25 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 19, 20.

Injustice, manifeste Association de malfaiteurs JME. 13.Innocence, présomption d’ Modalités de participation JME. 44 ; Légalité et compétence

CA. (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 94 ; Communication - défense de Sabra JME. 28, 43 ; Qualité de victime participant à la procédure JME.18.

Intention, criminelle/ mens rea (élément intentionnel)

Association de malfaiteurs JME. 14 ; Réexamen - droit applicable CA. 50.

Intérêt de la justice Procédure par défaut CPI. 41 ; Commission d’office de conseils JME. 18-20 ; Association de malfaiteurs JME. 9 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 102 ; Modalités de participation JME. 60, 72, 78 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 4 ; Légalité et compétence CPI. 40.

Intérêt général Légalité et compétence CA. 44, 45 ; Personne-Ressource PRES. 14.Intérêt, légitime El Sayed Pertinence CA. 33 ; Qualité de victime participant à la

procédure JME. 86, 89.Intérêt, personnel Qualité de victime participant à la procédure JME. 85-91, 95, 100,

102, 123 ; Modalités de participation JME. 15, 18, 26, 31, 64, 67, 69, 73.

Interprétation, au sens strict (étroit, restrictif)

Réexamen - droit applicable CA. 45 ; Légalité et compétence CA. 4 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 10, 13, 19, 23, 52 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 10.

Interprétation, formulation explicite

Légalité et compétence CA. 15.

Interprétation, formule littérale

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 12, 14, 25.

Interprétation, libellé restrictif

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 8.

Interprétation, principe d’/ règle d’

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 24-26.

Juge, fonction Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 2.

Juge, impartialité Légalité et compétence CA. 44 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 80, 95.

Juge, indépendance Légalité et compétence CPI. 66 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 2, 44, 48, 69, 78, 81.

Page 478: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

478

Index

Juges, réunis en plénière Réexamen - droit applicable CA. 2, 30, 34, 38 ; Légalité et compétence CPI. 24.

Juridiction Procédure par défaut CPI. 48, 50 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 63, 78.

Juridictions internationales, jurisprudence

Légalité et compétence CA. 41.

Jus cogens Légalité et compétence CA. 47 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 58, 68.

Jus de non evocando Légalité et compétence CPI. 63, 76, 82.Justice pénale, normes les plus élevées (de la)

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 2, 15, 47-48, 68.

Justice, administration de la Commission d’office de conseils JME. 19 ; Légalité et compétence CA. 52 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 26 ; Communication - défense de Sabra JME. 32 ; Personne-Ressource PRES. 16, 18, 25, 29, 37, 38.

Justice, déni de Légalité et compétence CA. 9.

Légalité, contestation de la Légalité et compétence CA. 7, 11, 13-14, 21 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 1, 20, 22 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 11.

Légalité, présomption de Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy).12, 15, 16.

Légalité, principe de la (VOIR : nullum crimen sine lege)Légalité, question de la Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement

dissidente du juge Riachy).10.Liberté d’association Personne-Ressource PRES. 36.Liberté d’expression Légalité et compétence CPI. 45.Liberté d’expression/ droit à la critique

Personne-Ressource PRES. 36, 37.

Liberté de la presse Personne-Ressource PRES. 36.Liberté de réunion Personne-Ressource PRES. 36.

Liberté/pouvoir/pouvoir discrétionnaire

Procédure par défaut CPI. 32 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 128 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 24, 41, 42 ; Réexamen - droit applicable CA. 22, 33 ; Légalité et compétence CA. 8 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 5, 6, 29, 37 ; Communication – défense de Sabra JME. 28, 32.

Page 479: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

479

Index

Mandat d’arrêt Procédure par défaut CPI. 5-10, 18, 33, 38, 43-45, 55, 75, 80, 82, 87, 93, 101, 111, 113, 116 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 8, 14, 15 ; Légalité et compétence CPI. 15 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 24, 48, 49.

Médias libanais Procédure par défaut CPI. 3, 10, 11, 26, 59, 61, 62, 63, 65, 71, 72, 77, 79, 86, 92, 100, 105, 106, 111 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 8 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 41.

Mémoires, internes (UNIIIC ou Accusation)

Légalité et compétence CPI. 14, 61 ; Communication - défense de Sabra JME. 48.

Menace à la paix et à la sécurité internationale

Légalité et compétence CA. 32-35, 37, 46, 51-53; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 42, 50, 53, 75, 83-84, 86-87 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 13.

Mesures de protection Qualité de victime participant à la procédure JME. 7, 102, 131 ; Modalités de participation JME. 40, 71, 74.

Mesures d’investigation Procédure par défaut CPI. 12 ; Communication - défense de Sabra JME. 54.

Mesures du Conseil de sécurité des Nations Unies (actes, décisions, résolutions)

Légalité et compétence CA. 2, 24, 35-36, 39-40, 42, 46-47, 51 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 1, 5-6, 30, 33, 36, 42, 45, 49-50, 52, 56, 59-60, 77, 79, 81, 86 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 1, 12, 15-16.

Mesures raisonnables Procédure par défaut CPI. 9, 17, 21, 22, 25, 27, 28, 30, 34, 35, 36, 37, 38, 50, 53, 57, 75, 105, 107, 108, 109, 110,117 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 8, 9 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 21, 22, 51.

Mise à disposition des fonds Personne-Ressource PRES. 1, 35.Mission d’établissement des faits Légalité et compétence CPI. 6 ; Procédure par défaut CPI. 4.

Modes de responsabilité Association de malfaiteurs JME. 3.Modes de responsabilité, complicité

Procédure par défaut CPI. 5.

Modes de responsabilité, criminalité collective, perpétration indirecte

El Sayed Pertinence CA. 32.

Moyen Procédure par défaut CPI. 43 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 43 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 7 ; Réexamen - droit applicable CA. 23 ; Légalité et compétence CPI. 81 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 16.

Page 480: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

480

Index

Nations Unies Procédure par défaut CPI. 4, 112, 115 ; Légalité et compétence CPI. 2, 9, 11-13, 15, 29, 43-45, 47, 55, 56, 61, 69, 72 ; Légalité et compétence CA. 25, 26, 30, 33, 37, 39, 43, 48, 50. Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 2, 32-35, 38, 40, 42, 54, 55, 56, 69, 83, 88 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 13, 14.

Non bis in idem Réexamen - procédure par défaut CPI. 21 ; Légalité et compétence CPI. 81.

Norme(s) d’administration de la preuve

Réexamen - procédure par défaut CA. 33, 39, 46.

Normes internationales (VOIR : droits de l’homme, normes internationales)Notice rouge Procédure par défaut CPI. 5 ; Réexamen - procédure par défaut CA.

48. Nullum crimen sine lege (principe de légalité/ de non-rétroactivité)

Réexamen - droit applicable CA. 11, 12, 45, 48.

Obligation d’agir de bonne foi

Communication - défense de Sabra JME. 28, 58.

Ordonnance de confidentialité Personne-Ressource PRES. 1, 8, 10.Ordonnance de confidentialité, violation (d’une)

Personne-Ressource PRES. 10.

Ordonnance, irréversibilité de El Sayed Pertinence CA. 15.Ordre juridique Légalité et compétence CA. 42 ; Légalité et compétence CPI. 76.Organes du Tribunal, relations / contestation

Personne-Ressource PRES. 5, 30.

Outrage El Sayed Pertinence CA. 40-43.Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP)

Légalité et compétence CPI. 38, 66, 70, 81, 87 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 26, 44.

Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP) (article du)

Article 2 Légalité et compétence CPI. 87. Article 14 Légalité et compétence CPI. 66, 70. Article 15 Légalité et compétence CPI. 81. Article 26 Légalité et compétence CPI. 87.

Page 481: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

481

Index

Par défaut (absence) Procédure par défaut CPI. 1-3, 13, 16-22, 31-37, 39-42, 50, 56, 105-116 ; Commission d’office de conseils JME. 2, 3, 8, 12-14, 17, 19, 23 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 1-3, 8-27, 34-42, 45 ; Réexamen - droit applicable. 1, 6, 14, 15, 31, 38 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 1-3, 10, 12-15, 18, 21-23, 26, 27, 31, 33, 34, 38, 40, 41, 43, 47, 48, 50 ; Légalité et compétence CPI. 3, 79-81 ; Légalité et compétence CA. 38; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 23, 42, 73 ; Communication - défense de Sabra. 28 ; Personne-Ressource. 2, 9.

Partialité Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 16.

Partialité judiciaire Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 16.

Partie civile Qualité de victime participant à la procédure JME. 41, 49 ; Modalités de participation JME. 72.

Personne-ressource Personne-Ressource PRES. 2, 8, 9, 21, 35, 41.

Personnes qui assistent le conseil

Personne-Ressource PRES. 17, 35.

Personnes qui assistent le conseil, désignation de

Personne-Ressource PRES. 35.

Pièces, justificatives Procédure par défaut CPI. 61 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 107 ; Modalités de participation JME. 44, 69, 71-79 ; Réexamen - droit applicable CA. 7 ; Communication - défense de Sabra JME. 55.

Pièces soumises/pièces communiquées

Modalités de participation JME. 10, 11, 21, 45, 47, 63-65, 68, 70, 74, 79, 81, 84, 86, 88, 89, 94.

Politique, décision Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 42, 72.

Pouvoir discrétionnaire Commission d’office de conseils JME. 13 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 42 ; Réexamen - droit applicable CA. 22 ; Légalité et compétence CA. 46 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 5.

Pouvoir discrétionnaire du Conseil de sécurité des Nations Unies

Légalité et compétence CA. 52.

Pouvoir inhérent (voir : compétence inhérente)Pouvoir, détournement de Légalité et compétence CA. 6, 32 ; Légalité et compétence CA

(Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 4 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 95 ; Réexamen - droit applicable CA. 25.

Page 482: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

482

Pouvoirs (légitimes) du Conseil de sécurité des Nations Unies

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 2, 14, 32, 36, 53

Pouvoirs du Conseil de sécurité des Nations Unies

Légalité et compétence CA. 27, 35, 37-38, 46 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 2, 22, 34-35, 40, 42, 50.

Pratique du Conseil de sécurité des Nations Unies

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 4.

Préjudice Réexamen - droit applicable CA. 24-27, 31, 40-43, 46, 51 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 12-19 ; Légalité et compétence CA. 23.

Préparation du procès Communication - défense de Sabra JME. 26.Président du Tribunal, en qualité de

Personne-Ressource PRES. 6, 15, 25.

Président du Tribunal, fonction administrative

Personne-Ressource PRES. 4, 6, 11, 16, 23, 25, 29.

Président du Tribunal, fonction judiciaire

Personne-Ressource PRES. 11, 25, 27.

Présomption d’innocence Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 94.

Présomption, réfragable Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 15, 16.

Primauté du droit Légalité et compétence CPI. 67 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 40, 44, 62, 66, 69, 78, 93.

Principe du contradictoire (audi alteram partem principe)

Personne-ressource PRES. 12.

Principes généraux de droit international pénal et de procédure

Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 24.

Principes généraux du droit (justice)

Association de malfaiteurs JME. 9 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 26 ; Réexamen - droit applicable CA. 27 ; Légalité et compétence CPI ; Légalité et compétence CPI. 24 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 6.

Principes régissant l’aide juridictionnelle

Personne-Ressource PRES. 2, 32, 44, 45, 48.

Procédure contradictoire El Sayed Pertinence CA. 38 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 20, 21 ; Réexamen - droit applicable CA. 31 ; Communication - défense de Sabra JME. 32.

Page 483: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

483

Index

Procédure, équité de la Qualité de victime participant à la procédure JME. 110 ; Réexamen - droit applicable CA. 14, 18, 31, 37-40 ; Légalité et compétence CPI. 62, 67 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 11, 13, 15, 20, 25, 93, 95 ; Personne-Ressource PRES. 5, 24.

Procédure, exceptionnelle Procédure par défaut CPI. 51.Procédure, rapidité de la Commission d’office de conseils JME. 23 ; Association de

malfaiteurs JME. 8, 9 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 100, 110-113, 120, 127, 131 ; Modalités de participation JME. 31, 37, 42, 59, 61, 64 ; Réexamen - droit applicable CA. 28, 35, 36 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 15, 21, 24, 25 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 8, 10 ; Communication - défense de Sabra JME. 34 ; Personne-Ressource PRES. 20.

Procédure, suspension de la Réexamen - procédure par défaut CPI. 29, 35.Procès de Nuremberg Légalité et compétence CPI. 25, 86.Procès, équitable et rapide Procédure par défaut CPI. 20 ; Communication - défense de Sabra

JME. 34 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 111, 120, 127 ; Modalités de participation JME.15, 19, 59.

Procès, issue du Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 11, 13, 20.

Procès/procédure Réexamen - procédure par défaut CA. 1, 22.Procureur général libanais (Procureur)

Procédure par défaut CPI. 6, 10-17, 24, 46, 50-55, 72-86, 91-101, 112-118.

Procureur, dessaisissement du El Sayed Pertinence CA. 40, 41.Proportionnalité, principe de Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge

Baragwanath). 45.Qualité/droit Modalités de participation JME. 41 ; Réexamen - procédure par

défaut CPI. 2-5 ; Réexamen - droit applicable CA. 3, 9, 12, 14-18 ; Légalité et compétence CPI. 36, 44, 57.

Questions juridiques incidentes

Légalité et compétence CA. 16, 39.

Questions préjudicielles Association de malfaiteurs JME. 1, 3, 8, 9, 16 ; Réexamen - droit applicable CA. 32, 34, 40.

Questions préjudicielles, champ Réexamen - droit applicable CA. 40, 41.

Recevabilité Légalité et compétence CPI. 16 ; Légalité et compétence CA. 5-7.Rectificatif Communication - défense de Sabra JME. 8, 13, 54, 61.Réexamen, conditions préalables au Réexamen - droit applicable CA. 24.

Réexamen, critère de Réexamen - procédure par défaut CA. 3, 18, 20.

Page 484: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

484

Index

Réexamen judiciaire Légalité et compétence CPI. 54, 55 ; Légalité et compétence CA. 35, 39, 52 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 1, 40, 43, 47, 52, 54, 56, 68, 71-81 ; Personne-Ressource PRES. 26, 27.

Réexamen, qualité (pour demander le) Réexamen - droit applicable CA. 9, 12, 14.

Réexamen, requête en Réexamen - procédure par défaut CA. 12, 19, 40 ; Réexamen - droit applicable CA. 4, 7-9, 14, 15.

Régime de communication El Sayed Pertinence CA. 1, 9-12, 28-39 ; Modalités de participation JME. 43-47 ; Communication – défense de Sabra JME. 25-34, 39, 40, 41, 46, 49, 52, 58, 60, 62.

Règlement de procédure et de preuve (en général)

Procédure par défaut CPI. 1, 18, 35, 36, 39, 42, 45, 84, 90, 98, 104 ; Commission d’office de conseils JME. 2 ; Association de malfaiteurs JME. 1, 8 ; El Sayed Pertinence CA. 6 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 2, 64, 71 ; Modalités de participation JME. 3, 72 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 3 ; Réexamen - droit applicable CA. 1, 15, 28, 33, 36 ; Légalité et compétence CPI. 2, 17, 31, 70 ; Légalité et compétence CA. 9, 14 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 7, 9, 25 ; Communication - défense de Sabra JME. 3.

Règlement de procédure et de preuve (article du)

Article 2 Procédure par défaut CPI. 14 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 15, 22, 27-29, 35-40, 46, 55-57, 63-68, 72, 76, 78, 89, 90, 100, 105 ; Modalités de participation JME. 18 ; Réexamen - droit applicable CA. 17.

Article 3 Légalité et compétence CPI. 81 ; Légalité et compétence CA. 24-25 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 6-7 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 36.

Article 9 Communication - défense de Sabra JME. 59.Article 23 Légalité et compétence CPI. 81.Article 32 Personne-Ressource PRES. 25, 28.Article 38 Personne-Ressource PRES. 30.Article 48 Modalités de participation JME. 6, 36, 83.Article 51 Qualité de victime participant à la procédure JME. 6, 16, 125, 128 ;

Modalités de participation JME. 82, 83, 86, 87, 90.Article 57 Procédure par défaut CPI. 19 ; Commission d’office de conseils JME.

8, 18 ; Modalités de participation JME. 90 ; Personne-Ressource PRES. 17.

Article 58 Commission d’office de conseils JME. 6 ; Personne-Ressource PRES. 17.

Page 485: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

485

Index

Article 59 Commission d’office de conseils JME. 6, 10, 12, 15-16, 18, 22-24 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 125 ; Légalité et compétence CPI. 18 ; Légalité et compétence CA. 11.

Article 60 Procédure par défaut CPI. 36 ; El Sayed Pertinence CA. 6, 40, 44 ; Modalités de participation JME. 56.

Article 67 Légalité et compétence CPI. 81. Article 68 Association de malfaiteurs JME. 1, 2-3, 8 ; Modalités de participation

JME. 71 ; Réexamen - droit applicable CA. 1, 4, 10, 14, 19, 41. Article 71 Association de malfaiteurs JME. 1, 7, 8. Article 72 Légalité et compétence CPI. 31, 34.Article 76 Procédure par défaut CPI. 6, 9, 11, 20, 24, 45, 46, 52, 53, 75, 79, 86,

92, 100 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 24, 41. Article 77 Légalité et compétence CPI. 23, 25. Article 79 Procédure par défaut CPI. 44 ; Légalité et compétence CPI. 81. Article 86 Qualité de victime participant à la procédure JME. 17-27, 40, 57,

85, 88, 92, 95, 98-102, 108, 113, 119, 120, 124 ; Modalités de participation JME. 20.

Article 87 Qualité de victime participant à la procédure JME. 4 ; Modalités de participation JME. 32-39, 43-54, 64-72, 76, 80, 82, 86.

Article 89 Modalités de participation JME. 23, 42 ; Légalité et compétence CA. 20.

Article 90 Légalité et compétence CPI. 18-38 ; Légalité et compétence CA. 11-23 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 8-13, 20-28 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 3, 7, 9, 10 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 8.

Article 91 Modalités de participation JME. 24, 76, 77.Article 94 Modalités de participation JME. 25. Article 95 Modalités de participation JME. 3, 71, 72, 76 ; Légalité et compétence

CA. 19 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 13 ; Personne-Ressource PRES. 4.

Article 96 Qualité de victime participant à la procédure JME. 129.Articles 104 et 105 Procédure par défaut CPI. 7, 16, 26, 30, 42, 44, 68, 70, 75, 76, 84, 90,

98, 104 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 36, 43, 44.Article 105 bis Procédure par défaut CPI. 1, 13 ; Commission d’office de conseils

JME. 2, 4, 5 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 13.Article 106 Procédure par défaut CPI. 14-39, 40, 57, 105, 111-118 ; Commission

d’office de conseils JME. 3, 8, 17 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 3, 8-13, 21-27, 34, 37, 39, 42, 46 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 3, 13, 31, 49.

Article 107 Réexamen - droit applicable CA. 15.

Page 486: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

486

Index

Articles 108 et 109 Procédure par défaut CPI. 42 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 39.

Article 110 Communication - défense de Sabra JME. 27, 40 ; Réexamen - droit applicable CA. 4, 7, 15.

Article 113 Modalités de participation JME. 44. Article 126 El Sayed Pertinence CA. 14, 15 ; Légalité et compétence CPI. 20, 21,

25 ; Légalité et compétence CA. 18-23 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 8, 13, 20, 21, 27 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 2.

Article 133 Modalités de participation JME. 55 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 131.

Article 140 Réexamen - procédure par défaut CPI. 6, 10, 32 ; Réexamen - droit applicable CA. 10, 12, 19-24 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 12, 18, 19.

Article 150 Qualité de victime participant à la procédure JME. 102.Article 162 Légalité et compétence CPI. 78.Article 164 Légalité et compétence CPI. 78. Article 176 Légalité et compétence CA. 9 ; Légalité et compétence CPI. 81. Article 176 bis Réexamen - droit applicable CA. 4, 7, 9, 10, 12, 14-21, 28, 37, 40,

42 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 19. Article 187 Réexamen - procédure par défaut CA. 7.

Règlement de procédure et de preuve, TPIY, Article 72 Légalité et compétence CPI. 31, 34.

Rejuger Réexamen - procédure par défaut CA. 3, 14-15, 27.Représentation légale des victimes, articles et directive

Qualité de victime participant à la procédure JME. 128.

Représentation légale, commune

Qualité de victime participant à la procédure JME. 5, 11, 102, 109, 110, 113, 120.

Représentation légale, pleine Commission d’office de conseils JME. 17 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 128.

Résolution 687 du Conseil de sécurité des Nations Unies (1991)

Légalité et compétence CA. 28.

Résolution 1315 du Conseil de sécurité des Nations Unies (2000)

Légalité et compétence CA. 72.

Résolution 1595 du Conseil de sécurité des Nations Unies (2005)

Légalité et compétence CA. 6 ; Procédure par défaut CPI. 4.

Page 487: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

487

Index

Résolution 1644 du Conseil de sécurité des Nations Unies (2005)

Légalité et compétence CPI. 8 ; Légalité et compétence CA. 25.

Résolution 1664 du Conseil de sécurité des Nations Unies (2006)

Légalité et compétence CPI. 8.

Résolution 1757 du Conseil de sécurité des Nations Unies (2007)

Procédure par défaut CPI. 4 ; Légalité et compétence CPI. 2, 6, 11, 12, 14, 15, 16, 29, 42-44, 46-47, 50, 51-52, 53, 55, 56, 61, 69 ; Légalité et compétence CA. 2, 4-8, 21, 24, 25, 27, 29, 31, 32, 34, 40, 42, 51, 53, 54 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 2-3, 6-7, 14, 31, 46, 68, 82-83, 91, 95 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 10-11 ; Personne-Ressource PRES. 15, 24, 32.

Responsabilité, pénale Procédure par défaut CPI. 37.Retard Association de malfaiteurs JME. 8 ; El Sayed Pertinence CA. 10,

16, 30, 40-44 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 18, 111 ; Modalités de participation JME. 42 ; Réexamen - droit applicable CA. 35 ; Légalité et compétence CPI. 77, 78 ; Légalité et compétence CA. 20, 25 ; Communication - défense de Sabra JME. 20, 30, 32, 52, 58.

Révision Légalité et compétence CA. 10.Secrétaire général des Nations Unies

Procédure par défaut CPI. 4, 117, 118 ; Légalité et compétence CPI. 5-10, 12, 14 ; Personne-Ressource PRES. 15, 16, 22, 26.

Section d’appui aux victimes et aux témoins (SAVT)

Qualité de victime participant à la procédure JME. 131.

Section de participation des victimes (SPV)

Qualité de victime participant à la procédure JME. 1, 7-10, 16, 25, 37, 48, 70, 81-131 ; Modalités de participation JME. 1, 13, 38, 63, 64, 81-95.

Sécurité du Tribunal Personne-Ressource PRES. 35.Séparation des pouvoirs Légalité et compétence CA. 50.Signification (des charges, de l’acte d’accusation)

Procédure par défaut CPI. 29-34, 45-58, 83, 84, 89, 90, 97, 98, 103, 104, 113 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 19, 24 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 2, 12-17, 21, 23-25, 29, 31-32, 34-37, 40-41, 47-48, 51-52.

Signification au dernier lieu de résidence

Procédure par défaut CPI. 48, 49.

Signification, autres méthodes/autres moyens

Procédure par défaut CPI. 9, 53.

Signifier l’acte d’accusation Procédure par défaut CPI. 9, 46, 55 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 23, 25.

Signifier les mandats d’arrêt Procédure par défaut CPI. 10, 18, 43, 111, 113, 116.

Page 488: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

488

Index

Situation personnelle Procédure par défaut CPI. 49.Souveraineté Légalité et compétence CPI. 1, 2, 15, 16, 41, 56-61 ; Légalité et

compétence CA. 24 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 32, 40.

Souveraineté du Conseil de sécurité des Nations Unies

Légalité et compétence CA. 5.

SPV, accès aux documents déposés à titre

Modalités de participation JME. 81.

Statut de Rome (article du)Article 68 Qualité de victime participant à la procédure JME. 88, 95.

Statut du TSL Légalité et compétence CA. 36 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 14, 23, 24, 46, 82.

Statut du TSL (article du) Article 1 Légalité et compétence CPI. 23, 75 ; Légalité et compétence CA

(Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 3, 88 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 38.

Article 2 Association de malfaiteurs JME. 12 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 37.

Article 3 Association de malfaiteurs JME. 10.Article 5 Légalité et compétence CPI. 14. Article 10 Personne-Ressource PRES. 25, 30. Article 12 Personne-Ressource PRES. 15, 25, 28, 33. Article 13 Commission d’office de conseils JME. 13 ; Modalités de participation

JME. 91 ; Personne-Ressource PRES. 16, 32. Article 16 Légalité et compétence CPI. 78 ; Légalité et compétence CA (Opinion

séparée et dissidente du juge Baragwanath). 68 ; Communication - défense de Sabra JME. 22, 34 ; Personne-Ressource PRES. 24.

Article 17 Qualité de victime participant à la procédure JME. 87, 88, 93-95, 123 ; Modalités de participation JME. 14, 15.

Article 18 Commission d’office de conseils JME. 9. Article 21 Réexamen - droit applicable CA. 35 ; Légalité et compétence CPI.

78 ; Légalité et compétence CA. 20 ; Association de malfaiteurs JME. 8.

Article 22 Procédure par défaut CPI. 21, 22, 105 ; Commission d’office de conseils JME. 3, 5, 7, 17 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 27, 37, 38, 44 ; Réexamen - droit applicable CA. 16 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 13, 22-25, 31, 34.

Page 489: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

489

Index

Article 25 Commission d’office de conseils JME. 5, 17 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 14, 40 ; Légalité et compétence CPI. 49.

Article 26 Réexamen - droit applicable CA. 3, 32, 37 ; Légalité et compétence CPI. 81 ; Légalité et compétence CA. 9.

Article 28 Réexamen - droit applicable CA. 2, 30, 33, 36 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 15, 22, 68 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 25 ; Association de malfaiteurs JME. 8.

Sûreté d’un État Association de malfaiteurs JME. 10, 15.Témoin, crédibilité du El Sayed Pertinence CA. 36.Témoin, protection El Sayed Pertinence CA. 3, 29, 32, 39, 131 ; Modalités de participation

JME. 55 ; Réexamen - droit applicable CA. 33 ; Personne-Ressource PRES. 33.

Temps et facilités nécessaires à la préparation de la défense

Communication - défense de Sabra JME. 22, 34.

Tentative d’homicide Procédure par défaut CPI. 5.Terrorisme, acte de Légalité et compétence CA.34 ; Légalité et compétence CA (Opinion

séparée et dissidente du juge Baragwanath) 83, 89.Terrorisme, crime de Réexamen - droit applicable CA. 2, 12, 45, 51.Terrorisme, définition du Réexamen - droit applicable CA. 6, 11, 45, 48, 49, 51.Terrorisme, international Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge

Baragwanath). 86.Terrorisme, national Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge

Baragwanath). 86.Terrorisme, pénalisation du Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge

Baragwanath). 84.Texte juridique Légalité et compétence CA. 50.Traité Légalité et compétence CPI. 84 ; Légalité et compétence CA. 6, 24,

37 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 54, 87.

Traitements cruels, inhumains ou dégradants

Légalité et compétence CPI. 75, 78.

Travaux préparatoires Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 49.

Tribunal pénal Procédure par défaut CPI. 35, 39, 42 ; Légalité et compétence CA. 2.Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)

Procédure par défaut CPI. 35-38 ; Réexamen - droit applicable CA. 23, Légalité et compétence CPI. 19, 25, 31, 34, 59, 60, 69, 86 ; Légalité et compétence CA. 10, 14, 15, 41-44 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 52, 77, 89 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 7.

Page 490: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

490

Index

Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)

Procédure par défaut CPI. 35 ; Réexamen - droit applicable CA. 23 ; Légalité et compétence CPI. 31, 69 ; Légalité et compétence CA. 10, 14-15, 46 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 53 ; Réexamen - procédure par défaut CA. 7.

Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL)

Procédure par défaut CPI. 35 ; Réexamen - droit applicable CA. 34 ; Légalité et compétence CPI. 67 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 53.

Tribunal, légalité du Légalité et compétence CA. 5-6, 8, 16, 21, 49, 54 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 20, 78 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 2, 3, 5, 7.

Tribunal, mandat du Réexamen - procédure par défaut CPI. 20, 27 ; Réexamen - procédure par défaut CPI. 53, 64, 65 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 81.

Tribunal, national/ juge, national

Commission d’office de conseils JME. 14 ; Qualité de victime participant à la procédure JME. 43 ; Légalité et compétence CA. 17, 50.

Tribunal, pouvoirs du Légalité et compétence CA. 5, 7, 16-17, 20, 24, 40 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 3, 17.

Tribunal, raison d’être du Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 62.

Tribunaux et cours internationaux

Réexamen - procédure par défaut CPI. 30 ; Légalité et compétence CA. 10, 25, 40 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 23, 50, 71, 77-79, 85, 92 ; Légalité et compétence CA (Opinion séparée et partiellement dissidente du juge Riachy). 4.

Tribunaux libanais Procédure par défaut CPI. 6, 34, 49, 50 ; Légalité et compétence CPI. 76, 82.

Ultra vires Légalité et compétence CA (Opinion séparée et dissidente du juge Baragwanath). 15, 18-19, 36, 60 ; Réexamen - droit applicable. 15, 24, 32 ; Légalité et compétence CPI. 23, 51.

Unité de l’aide juridictionnelle

Personne-Ressource PRES. 32, 45.

Victime participant à la procédure (VPP)

Qualité de victime participant à la procédure JME. 16, 18, 23-24, 27, 89, 94, 96, 100, 102, 119-121, 126-127 ; Modalités de participation JME. 1-5, 19-22, 35, 42, 43, 48-62, 68-80.

Victime participant à la procédure, définition

Qualité de victime participant à la procédure JME. 15.

Victime participant à la procédure, qualité (qualité de VPP)

Qualité de victime participant à la procédure JME. 1-3, 7, 12, 17, 19, 22, 24-26, 45, 46-47, 49-50, 57, 78, 83, 85, 92, 100, 106-107, 114-115.

Page 491: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

491

Index

Victimes à double qualité Modalités de participation JME. 60-62. Victimes, compensation des Qualité de victime participant à la procédure JME. 14.Victimes, intérêts personnels légitimes

Qualité de victime participant à la procédure JME. 86, 88-89, 91, 100, 102, 123.

Victimes, protection des El Sayed Pertinence CA. 3, 29 ; Réexamen - droit applicable CA. 33.Victimes, répartition des Qualité de victime participant à la procédure JME. 20.Victimes, vues et préoccupations

Qualité de victime participant à la procédure JME. 92-96, 98, 100, 102, 123 ; Modalités de participation JME. 3.

Page 492: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2012 · 2018-12-03 · largement diffusées dans les médias libanais aux fins de les informer à ce double égard. La Chambre de première instance

Tribunal spécial pour le Libanwww.stl-tsl.org

Principales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban en 2012

1 Décision portant ouverture d’une procédure par défaut(Procédure par défaut CPI)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre de première instance, Affaire n° : STL-11-01/I/TC, 1 février 2012

2 Commission d’office de conseils aux fins de la procédure par défaut tenue en application de l’article 106 du Règlement(Commission d’office de conseils JME)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état, Affaire n° : STL-11-01/I/PTJ, 2 février 2012

3 Ordonnance relative aux questions préjudicielles adressées à la Chambre d’appel conformément aux articles 68 G) et 71 A) ii) du Règlement de procédure et de preuve concernant le crime d’association de malfaiteurs(Association de malfaiteurs JME)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état, Affaire n° : STL-11-01/PT, 2 mars 2012

4 Décision relative à l’appel partiel interjeté par le Procureur contre l’ordonnance du Juge de la mise en état rendue le 20 février 2012(El Sayed Pertinence CA)

En l’Affaire El Sayed, Chambre d’appel, Affaire n° : CH/AC/2012/03, 18 avril 2012

5 Décision relative à la participation des victimes à la procédure(Qualité de victime participant à la procédure JME)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état, Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, 8 mai 2012

6 Décision relative à l’accès de la Section de participation des victimes aux pièces du dossier et aux modalités de participation des victimes à la procédure devant le Juge de la mise en état(Modalités de participation JME)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état, Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, 18 mai 2012

7 Décision relative au réexamen de la Décision portant ouverture d’une procédure par défaut(Réexamen – procédure par défaut CPI)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre de première instance, Affaire n° : STL-11-01/PT/TC, 11 juillet 2012

8 Décision relative aux requêtes de la défense en réexamen de la Décision de la Chambre d’appel du 16 février 2012(Réexamen – droit applicable CA)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’appel, Affaire n° : STL-11-01/PT/AC/R176bis, 18 juillet 2012

9 Décision relative aux contestations par la défense de la compétence et de la légalité du Tribunal(Légalité et compétence CPI)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre de première instance, Affaire n° : STL-11-01/PT/TC, 27 juillet 2012

10 Arrêt relatif aux appels interjetés par la défense contre la Décision relative aux contestations par la défense de la compétence et de la légalité du Tribunal(Légalité et compétence CA)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’appel, Affaire n° : STL-11-01/PT/AC/AR90.1, 24 octobre 2012

11 Arrêt relatif aux appels interjetés par la défense de la Décision de la Chambre de première instance relative au réexamen de la Décision portant ouverture d’une procédure par défaut(Réexamen – procédure par défaut CA)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Chambre d’Appel, Affaire n° : STL-11-01/PT/AC/AR126.1, 1 novembre 2012

12 Décision relative aux première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième requêtes de la défense de Sabra aux fins de communication(Communication – défense de Sabra JME)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Juge de la mise en état, Affaire n° : STL-11-01/PT/PTJ, 8 novembre 2012

13 Décision relative à la requête du Chef du bureau de la défense aux fins d’examen de la Décision du Greffier relative à la commission d’office d’une personne-ressource au Liban(Personne-ressource PRÉS)

Le Procureur c. Ayyash et autres, Président, Affaire n° : STL-11-01/PT/PRES, 21 décembre 2012

ISBN 978-94-90651-09-1