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ECOLE NATIONALE D’ARCHITECTURE ET D’URBANISME DE TUNIS Département d’Architecture
Recueil cours Histoire de l’architecture Le Monde chrétien
Première année
Par Hind KAROUI Assistante
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P.3/ L’Architecture du moyen âge
PARTIE 3, COURS 1, LE MONDE CHRETIEN : ARCHITECTURE PALEOCHRETIENNE
ET BYZANTINE
PLAN
INTRODUCTION
1. L’architecture paléochrétienne
- Eglise Saint-Clément
- Eglise Saint-Pierre de Rome
- Eglise Sainte-Sabine de Rome
- Chapelle San Lorenzo de Milan
- Mausolée Sainte Constance de Rome
- Mausolée Galla Placidia de Ravenne
- Baptistère de Latran de Rome
2. L’architecture byzantine
- Sainte-Sophie de Constantinople
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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Livres disponibles à la bibliothèque de l’ENAU :
SUREDA, Joan, BARRALI ALTET, Xavier, Histoire universelle de l'art -Tome.4, Le moyen- âge : Art Byzantin, Art Islamique, de Rome à l'art préroman (RD.027)
ECOCHARD, Michel, Filiation de monuments Grecs, Byzantins et islamiques : une question de géométrie (UB. 750)
STERNIL, Henri, L’Art byzantin (RA.113)
MAC DONALD, William L., Architecture Paléochrétienne et Byzantine (RM.032)
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INTRODUCTION
Le christianisme est devenu la religion officielle de l’empire romain au courant du IVes ap. J.-C, vers l’an
326, sous le règne de l’empereur Constantin.
1. L’architecture paléochrétienne
Le terme paléochrétien se reporte à la première période du christianisme (300 – 600 ap. J.-C).
L’architecture paléochrétienne désigne ainsi l’architecture chrétienne primitive. Celle-ci se développe dans
la forme de l’église : édifice destiné au culte du Christ, à la prière. Elle est la maison de Dieu et des fidèles
dont la configuration spatiale devrait permettre non seulement le déroulement des cérémonies religieuses
(à caractère liturgique) mais aussi l’accueil, le recueillement et la réunion des fidèles.
Le christianisme va adopter l’une des typologies romaines les plus caractéristiques : la basilique. Etant un
bâtiment public, non lié aux cultes païens, son organisation planimétrique fut très rapidement adaptée aux
besoins de cette nouvelle religion. On a modifié le rapport d’échelle entre le bâtit et l’homme (l’espace est
plus ramassé), et on a organisé l’espace interne en privilégiant un axe directionnel unique, celui qui va de
l’entrée vers l’abside. Il s’en suit une certaine humanisation et dynamique de l’espace puisqu’on a donné de
l’importance au parcours interne (déplacement).
L'église chrétienne primitive présente ainsi un plan « basilical », appelé plan en croix latine qui reproduit
l’image de la crucifixion du Christ (Jésus de Nazareth) :
→ l'abside (tête)
→ le transept (bras)
→ la nef (corps)
Aussi, la forme architecturale de l’église avait-elle sa propre symbolique, « elle est la figure de la croix »
(Saint-Ambroise).
L’abside hémisphérique est généralement située à l’est (levant) et elle abritait le sanctuaire proprement dit
(espace réservé aux hommes religieux). Quant aux deux transepts, ils sont ajoutés de part et d’autre de
l’abside. La jonction entre l’abside, les transepts et la nef est appelée « la croisée du transept ». Deux arcs
de triomphe s’ouvrent sur la croisée et sur l’abside. Parfois, on flanque l’abside centrale de deux absidioles
secondaires, comme c’est le cas dans l’église de Saint-Clément (XIIes).
Plan de l’église Saint – Denis fondée vers 987.
Tableau de peinture de Marc Chagall, « La crucifixion blanche » (1938).
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La nef centrale est plus large et plus haute que les deux (ou 4) nefs latérales. Celles-ci forment les bas-
côtés. L’éclairage de la partie centrale se faisait par l’intermédiaire de fenêtres hautes (claires-voies)
percées à intervalles réguliers. Plus tard, à partir du Ves, on a introduit au dessus des nefs latérales un étage
servant de tribunes.
L’entrée est marquée par un porche à colonnes couvert d’une petite voûte et est généralement précédé
d’une cour à portiques, à l’image de l’atrium romain. Au milieu de la cour se trouvait une fontaine ou un
bassin. Un vestibule, appelé narthex, sert de lieu de transition entre la cour et l’intérieur de la salle.
L’ornementation interne est riche, façonnée de matériaux précieux tant au niveau des murs qu’au niveau
des colonnes, des arcades des plafonds et des sols : marbre, fresques, mosaïques, décorations en relief de
formes géométriques et végétales, représentations picturales de nature liturgique (représentations du
Christ, de ses disciples..).
Toutes les églises étaient construites en pierre de taille (piliers, colonnes) et en brique (murs). Les toitures
en charpente couverte par un faux-plafond en bois.
Plan basilical de l’église Saint-Pierre de Rome (327-335)
Coupe-perspective sur les nefs de Saint-Pierre couvertes d’un système en charpente en bois.
Cour entourée de portiques (atrium)
Salle à cinq nefs
Transept
Abside
Narthex
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A l’encontre de la cella des temples grecs et romains, exclusivement réservée aux prêtres, la basilique
chrétienne englobe dans un même espace :
le lieu sacerdotal, réservé aux sacerdoces (prêtres), aux évêques1 et autres religieux (clergés, curés,
abbés, moines…) : Il s’agit de l’espace formé par l’abside, appelé le presbyterium (ou presbytère).
Les transepts abritent les reliques (restes du corps, tombeau, objets personnels) d’un des 12
compagnons et disciples de Jésus (les Apôtres2) ou bien d’un martyre. Devant la croisée du
transept, on dresse une petite enceinte rectangulaire appelée chœur, réservée au clergé lors de la
lecture de l’évangile.
le lieu de l’assemblée des fidèles : une vaste « allée à colonnes » divisée en trois ou cinq nefs (ou
vaisseaux).
« …Entrez à Sainte-Sabine, vous embrassez
tout l’espace qui s’allonge devant vous ; vous
marchez, accompagné rythmiquement des
colonnes et des arcs ; vous avez conscience que
tout est disposé le long d’un itinéraire qui est le
vôtre, vous faites partie d’un ensemble créé
pour vous. »3
1 Les évêques avaient une autorité religieuse considérable. Ils avaient pour mission d’annoncer la parole de Dieu (l’Evangile : Ensemble de textes et chants qui se rapportent à la vie de Jésus-Christ et des personnages de son entourage), de célébrer et de présider le culte. Ils étaient aidés par les prêtres. 2 Les Apôtres formaient le noyau de la communauté chrétienne. Avec le Christ, ils étaient les premiers fondateurs du mouvement Chrétien. Nous citons : San Paolo (Saint-Paul), San Pietro (Saint-Pierre), San Luca (Saint-Luc)… 3 Bruno Zévi, Apprendre à voir l’architectur, « Sens de l’humain dans l’espace chrétien », Les éditions de Minuit, Paris, 1959, 135p, p.47.
Reconstitution du lieu sacerdotal au Saint-Clément avec le chœur en premier plan (A) et le presbytère en arrière plan (B).
Presbytère
Choeur
Vue sur la nef centrale et les arcades des bas-côtés de l’église Sainte-Sabine (422-430) à Rome.
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L’architecture de cette période s’inspire aussi des édifices funéraires romains de plan centré (circulaire,
cruciforme, polygonal, octogonal). Ces tracés ont été utilisés surtout au niveau des chapelles comme celle
de San Lorenzo.
Les églises à plan octogonal ou circulaire, fortement inspirées des réalisations orientales (voir partie sur
l’architecture byzantine), ont été édifiées surtout au courant du VIes à Ravenne (Saint-Vital, 521-534).
Outre aux églises, l’architecture paléochrétienne s’est développée aussi au niveau des édifices funéraires :
mausolées ou martyria (plur. de martyrium), abritant les corps des personnes vénérées (les saints) et au
niveau des édifices destinés au rite du baptême, les baptistères. Le baptême est un sacrement que toute
personne voulant entrer en christianisme doit effectuer. Ces derniers étaient des édifices isolés construits à
proximité des églises.
- Les mausolées étaient de plan centré. Nous observons une multitude de typologies :
Une pièce centrale délimitée par des colonnes et entourée d’un ou deux déambulatoires.
Cette pièce peut épouser une forme circulaire. Nous parlons, dans ce cas, d’un mausolée-
rotonde.
San Lorenzo à Milan, IVes (378), avec son plan octogonal composé de 4 absides sur les 4 côtés.
L’extérieur de San Lorenzo
Mausolée de Sainte Constance (la fille de Constantin) à Rome, 350.
Plan centré de forme circulaire. L’espace central, couvert par une coupole, est supporté par 12 colonnes jumelées corinthiennes en marbre. L’intérieur est éclairé par des claires-voies. Le déambulatoire circulaire entourant la salle est voûté.
Reconstitution de l’intérieur du mausolée qui a été transformé, depuis 1256, en église.
L’espace central est occupé par le sarcophage. Tous les murs sont recouverts de mosaïques figurant des scènes liturgiques.
La colonnade interne articule et définit l’espace. Tout converge vers le centre.
Ces absides sont entourées par un passage
couvert, un sorte de couloir appelé
déambulatoire. Ce type de plan est appelé
plan en quatre-feuilles (quadrilobé - 4 lobes)
ou tétraconque.
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Un plan trilobé (triconque - 3 absides) ou quadrilobé (tétraconque - 4 absides).
Une organisation en croix latine (cruciforme)
- Les baptistères reprenaient souvent le plan octogonal des salles thermales (caldarium). Colonnade
centrale entourant le bassin rempli d’eau dans lequel était plongé le futur chrétien. Cet espace est
couvert d’une coupole richement décorée de mosaïques à l’intérieur.
Mausolée de Galla Placidia,
Ravenne, (425-433)
La croisée du transept, de forme carrée, est couverte d’une coupole couverte de l’extérieur par une charpente.
Vue sur la décoration interne faite d’arcatures peintes
Plan du baptistère de Latran, Rome, 315 (renouvelé en 432-440)
L’intérieur du baptistère de Fréjus avec vue sur la colonnade entourant le bassin
L’extérieur du mausolée
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2. L’architecture byzantine
L’avènement du christianisme a coïncidé avec le transfert de la capitale de l’Empire romain de Rome à
Byzance, une colonie grecque de l’Asie Mineure devenue Constantinople1 vers l’an 330 (l’actuelle
Istanbul). Cette cité maritime, située sur le Bosphore, connaîtra au fil des siècles suivants, un essor
architectural et économique considérable grâce aux œuvres munies par Constantin, Théodose II et surtout
par Justinien (527-565) qui en a fait un important centre politique, religieux et culturel de l’Orient.
La forme architecturale qui va prédominer le style local est la forme centrée avec des espaces carrés
couverts par des coupoles et des voûtes, le tout inscrit dans un plan basilical type. La tradition des
couvertures en encorbellement est locale puisqu’elle trouve son origine chez les Perses avec les Sassanides.
L’œuvre la plus représentative de l’architecture byzantine est l’église Sainte-Sophie2, réalisée entre 532 et
562 par deux ingénieurs originaires d’Asie Mineure Anthémios de Tralles et Isidore de Millet où la coupole
devient l’élément architectonique dominant de toute la construction, « tout gravite autour d’elle ».
Principe formel : Edifice à plan centré de forme rectangulaire (77x72m) contrebuté sur les côtés par deux
salles couvertes de deux demi coupoles (ou voûtes en cul-de-four), situées l’une à l’est l’autre à l’ouest. De
part et d’autres, les bas-côtés et les galeries se développent sur deux niveaux et sont voûtés. Au fond de
l’église, sur le côté est, se dresse l’abside. Sur le côté opposé, un double narthex assure le passage vers une
cour extérieure.
La grande coupole fait 32,6 m de diamètre et repose sur 4 gros piliers en pierre de taille. L’espace central
est éclairé par 40 fenêtres percées dans la partie inférieure de la coupole. D’autres fenêtres étaient situées
dans les demi coupoles, l’abside et les bas-côtés.
Toutes les parois internes étaient recouvertes de marbre polychrome (vert, rouge, blanc, bleu, noir, jaune)
et de mosaïques. Ce qui caractérise cette œuvre c’est que dès l’entrée, l’ensemble du volume de la coupole
centrale et des absides est perceptible à l’œil nu d’un seul coup. C’est un exemple de perfection
technologique où l’unité de l’ensemble est mise en valeur suite à l’assemblage et à la fusion d’éléments
architectoniques divers (voûtes, demi-coupoles, baies, contreforts, piliers, colonnes, arcs…).
1 Au nom de l’empereur romain Constantin 2 Appelée également Hagia Sophia, ou l'église de la Sainte Sagesse, ou l’église de la « sagesse divine ».
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Plan de l’église
Ci dessous le principe de couvrement des espaces en coupole, demi coupoles et voûtes en berceau. Ce procédé sera en vigueur dans toutes les églises et les monastères de Constantinople et des autres régions de l’Orient chrétien (Syrie, Egypte, Géorgie, Russie…), et ce du VIIes jusqu’au XIIes.
Coupe montrant la succession des espaces internes de Sainte-Sophie
65m
« Une œuvre de lumière »
Vue extérieure de Sainte-Sophie transformée depuis 1453 en mosquée. Les quatre minarets sont ainsi un ajout.
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Note de lecture
PROCOPIUS 1, De Aedificiis, T.1, « La construction de Sainte-Sophie de Constantinople » (Trad.
Laurent Albaret, éd. Haury et Wirth, Leipzig, 1964, pp. 9-12.)
« L’empereur, ne regardant pas à la dépense, appliqua son zèle à la construction et rassembla les
ouvriers de toute la terre. Anthémios de Tralles, le plus qualifié dans la science dite « mécanique »,
non seulement des gens de son époque, mais de tous les temps passés, poussé par l’Empereur,
organisa le travail des ouvriers et fit les plans de la construction, en association avec un autre
ingénieur, un nommé Isidore de Millet, un homme intelligent et apte à exécuter les plans de
Justinien.... L’église est le plus beau des spectacles, merveilleux pour ceux qui le regardent,
incroyable pour ceux qui en entendent parler.... Elle se distingue par son indicible beauté, tant par
sa taille que par l’harmonie des mesures, n’ayant rien de trop ou qui manque.... Elle est éclairée par
les rayons du soleil d’une façon singulière : on croirait qu’il ne vient pas du dehors, mais que ses
rayons proviennent de l’intérieur même, tant est abondante la lumière qui se déverse dans l’édifice.
Au-dessus des arcs se dresse une construction circulaire incurvée à travers laquelle pénètre dès
l’abord la lumière du jour ; car elle a de petites ouvertures ménagées à cet effet, qui laissent passer
la lumière.... La coupole sphérique qui repose sur ce cercle lui confère une beauté exceptionnelle ;
grâce à l’éclairage, l’édifice semble ne pas reposer sur ses solides fondations, mais recouvrir
l’espace qui se trouve dessous comme s’ils était suspendu au ciel par une fabuleuse chaîne d’or ...
Personne ne pourrait se lacer d'un tel spectacle, mais ceux qui pénètre dans l'église sont
émerveillés par ce qu'ils voient, et, lorsqu'il quitte cet endroit, la splendeur ressort de leurs paroles.
De plus il est impossible de décrire avec précision l'or, l'argent offert par l'empereur Justinien,
mais par la description d'une partie, je vous laisse déduire le reste. La partie de l’église tout
particulièrement sacrée, où seuls les prêtres peuvent entrer - appelé le Sanctuaire - contient 14 000
livres d’argent. »
1 Ou Procope, historien byzantin du VIes, auteur de trois ouvrages importants : Livre des guerres (545), Histoire secrète (550) et Sur les constructions de Justinien (Edifices) composé vers 558-560.
L’intérieur de Sainte-Sophie inondé de lumière.
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Une autre typologie s’est répandue dans les régions d’Orient est le plan en croix grecque (4 branches
égales) déduite à partir d’un assemblage de quatre basiliques autour d’une cour octogonale ou carrée. Voir
l’église des Saints-Apôtres à Constantinople et le monastère de Saint-Siméon en Syrie daté du Ves.
Celle-ci a inspiré la construction de certaines églises occidentales telles que Saint-Marc à Venise et Saint-
Front à Périgueux.
En outre, notons que les créations byzantines se sont répandues à travers le commerce et la conquête de
l'Italie et de la Sicile où elles évoluèrent dés le XIIe siècle et elles influencèrent l’architecture de la
Renaissance italienne.
Un autre courant d’influence a touché la rive sud de la Méditerranée, et a fortement inspiré l’architecture
arabo-musulmane de l’Afrique du Nord et l’architecture mauresque d’Espagne.
Plan de l’église Saint-Marc, XIes
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.3/ L’Architecture du moyen âge
PARTIE 3, COURS 2, LE MONDE CHRETIEN : ARCHITECTURE ROMANE
PLAN
INTRODUCTION
3. L’architecture romane
1.1 Eléments de base d’une église romane
1.2 Les œuvres de la première période
1.3 Les œuvres de la deuxième période
1.4 Exemples d’églises romanes
- Eglise abbatiale de Saint-Michel à Hildesheim
- Eglise de pèlerinage de Saint-Sernin de Toulouse
- Eglise de pèlerinage Saint-Jacques-de-Compostelle
- Eglise Saint-Front de Périgueux
- Eglise abbatiale de Cluny
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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Livres disponibles à la bibliothèque de l’ENAU
SUREDA, Joan, Histoire universelle de l'art, Tome.5 : Le Moyen-Âge, Art Roman - Art Gothique (RD.028)
CROZET, René, L’Art roman. (RA.114)
ADAM, Ernest, Architecture médiévale, Tome.1 et Tome 2. (RA.007 et RA.008)
GIEURE, Maurice, Eglises Romanes en France. (RC.015)
PILLEMENT, Georges, Cloîtres et abbayes de France. (RC.012)
COLAS, René, Style roman en France. (RM.096)
KUBACH, Hans Erich, Architecture romane. (RM.497)
OURSEL, Raymond, Univers Roman. (RM.163)
13
INTRODUCTION
A partir du XIes, la puissance économique et politique de l’Eglise chrétienne va aller grandissant dans les
sociétés médiévales d’Occident (France, Allemagne, Espagne, Italie, Hollande, Angleterre). C’était la
période des croisades pour la conquête des terres saintes.
L’architecture religieuse qui s’y est développée se situe dans le prolongement de l’architecture
paléochrétienne où la basilique romaine a définit le modèle de base pour les églises. Nous parlons ainsi du
style « roman », terme qui dérive du latin romanz qui veut dire « de Rome » ou « à la manière des
romains ».
A travers toute l’Europe, il y a eu une grande opération d’édification d’églises, de cathédrales et de
monastères (ou abbayes) dirigés par les abbés et occupés par les moines1.
- Les cathédrales sont des églises gérées par l’évêque2. On les appelle églises épiscopales et elles
étaient édifiées à l’intérieur des villes. En Italie et en Allemagne, la cathédrale est parfois nommée
« dôme » comme est le cas à Venise, Milan et Parme.
- En dehors des villes, on trouvait les églises de pèlerinage vers lesquelles les fidèles s’y rendaient
lors des processions pour prier et se reposer. Les endroits où étaient édifiées ces églises étaient
considérés des lieux sacrés. Les églises de pèlerinage étaient élevées sur une sépulture souterraine
abritant les reliques d’un Saint. Au dessus de ce sanctuaire souterrain (appelé la crypte) se trouve
l’autel : le cœur du presbyterium.
Exp. L’église Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne (1075-1128) vers laquelle 4 grandes
routes de pèlerinage y menaient. Ces routes étaient ponctuées par d’autres églises comme celles de
Saint-Sernin à Toulouse (1080-1120) et de Sainte-Foy de Conques (1050-1065).
1 Le moine est un religieux chrétien vivant à l’écart du monde, le plus souvent en communauté, après s’être engagé à suivre la règle d’un ordre religieux. 2 Voir cours précédent sur l’architecture paléochrétienne
La Crypte souterraine de la cathédrale de Bayeux. C’est dans cette crypte que sont exposées les reliques.
Vue de Sainte-Foy de Conques (1050). L’église est située dans une zone rurale, au milieu d’une vallée.
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1. L’architecture romane
L’architecture romane est un type de construction caractérisé par l’utilisation de techniques constructives
romaines, à savoir l’emploi des murs épais et des piliers, des voûtes en berceau et de l’arc en plein
cintre, et de modèle de conception spatiale se rapportant à celui de la basilique. C’est une architecture
principalement religieuse qui a marqué toute la période allant du XIes jusqu’à la fin du XIIes.
L’histoire de l’architecture romane distingue deux périodes d’évolution dans la conception des églises :
Le premier âge (950 / 1060 - 1070) Le second âge (1060 / 1070 – 1140)
1.1 Eléments de base d’une église romane
• La nef accueille les fidèles, d'où son importance dans les églises de pèlerinage et les cathédrales.
Elle est composée généralement de trois vaisseaux (nef centrale + deux nefs latérales). Ces nefs
latérales, voûtées en demi-berceau ou en arêtes, sont dites collatérales lorsqu’elles sont à même
hauteur que la nef centrale1, bas-côtés lorsqu’elles sont plus basses. La nef est rythmée en
travées. Elle joue le rôle d’une « rue » bordée de « portiques à colonnes ». Au dessus des nefs
latérales sont aménagées des galeries (ou tribunes) voûtées qui pouvaient être occupées par les
fidèles lors des cérémonies.
• Le transept est réservé aux clergés ainsi qu'aux personnes jouant un rôle dans la cérémonie
religieuse. Dans les églises de pèlerinage, le transept est plus large afin de faciliter la circulation des
fidèles.
• La croisée du transept désigne la partie de l'église où se rencontre la nef et le transept. Elle est
généralement coiffée d'une coupole sur trompes ou sur pendentifs. Au dessus de la croisée est
dressée une haute tour de forme octogonale appelée tour-lanterne.
1 Nous parlons dans ce cas d’une « église-halle »
Portail d’entrée
La coupole sur trompes est une coupole dont le passage du plan carré au plan circulaire est assuré par 4 petites voûtes intermédiaires situées aux angles du carré.
La coupole sur pendentif est une coupole dont le passage du plan carré au plan circulaire est assuré par 4 triangles sphériques.
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• L’abside est le lieu le plus sacré de l'église, il abrite le chœur (ou presbyterium). Au milieu de cet
espace, précédé par des marches, se dresse l’autel qui marque l’emplacement de la tombe
souterraine du Saint ou de l’Apôtre (la crypte). Dans les plus grandes églises, on flanque l’abside,
de part et d’autre de l’axe, de petites absidioles jouant le rôle de chapelles secondaires, d’où leur
appellation de « chapelles rayonnantes » (elles rayonnent autour de l’abside). Ces chapelles sont
dédiées aux Saints et occupaient par les religieux. Elles étaient couvertes par des voûtes en forme
d’un quart de sphère appelées voûtes en cul-de-four. Lorsque que l'on regarde l'édifice de
l'extérieur, l'extrémité en hémicycle est dite chevet.
• Le déambulatoire est un espace de circulation situé dans le choeur. Dans les églises de
pèlerinage, le déambulatoire est utilisé par les fidèles lors du rite cultuel (culte des reliques).
1.2 Les œuvres de la première période (950 – 1060/70)
Les églises sont généralement de petites tailles, solides et massives. Construites en pierre de taille, elles se
présentent avec une nef à trois vaisseaux, bordée de bas-côtés rythmés par des colonnes ou des piliers.
Elles se terminent par une abside flanquée d’absidioles voûtées d’un cul-de-four (1/4 de sphère). En
général, une tour-lanterne abritant le clocher domine l’ensemble.
La nef est recouverte par une charpente en bois selon la tradition romaine. Plus tard, on a commencé à
remplacer les faux-plafonds de bois par des voûtes de pierre beaucoup plus lourdes et plus résistantes.
Aussi, les bâtisseurs ont commencé à s’interroger sur plusieurs problèmes d’ordre structurel, constructif et
spatial pour élargir les nefs, accentuer la monumentalité, répartir les charges et exploiter la lumière du jour
pour l’éclairage interne.
Façade principale de l’église Saint Clément de Tahull en Espagne montrant son aspect rustique.
Vue sur la partie orientale (Est) de l’église avec le chevet flanqué de deux absidioles
Voûte en cul-de-four
Exemple d’un chevet roman flanqué d’absidioles situées en échelons (degrés) et épousant la forme d’un triangle.
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L’introduction de la « voûte appareillée » a permis de résoudre les questions relatives au couvrement des
espaces. Le système de voûtement en pierre, sous forme de voûtes en berceau en plein cintre (c'est-à-
dire une voûte dont le tracé épouse la forme d’un demi-cercle), a été appliqué dans un premier temps dans
quelques parties réduites de l’église (abside, absidiole, croisée), et dans un deuxième temps, au niveau de la
longue nef centrale.
La voûte en berceau, étant très lourde, a nécessité des murs épais renforcés de l’extérieur par d'importants
contreforts. Aussi, pour contrebalancer la poussée exercée par la voûte centrale, des nefs latérales voûtées
en demi berceau ont été ajoutées exerçant ainsi une force de contrebutement à la poussée latérale afin
d’éviter l’écartement de la partie haute des murs. Les ouvertures étaient peu nombreuses et petites.
Vue sur la nef en berceau en plein cintre appliquée dans l’église Saint-Sernin de Toulouse
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1.3 Les œuvres de la deuxième période
Cette période correspond à une phase de maturité artistique du style. Cette maturité se manifeste dans une
vision plus monumentale de l’espace intérieur de l’église, dans l’expérimentation de nouvelles techniques
constructives (solutions structurales pour une meilleure répartition des charges à l’aide d’un système de
voûtement plus riche et plus performant) et dans le traitement des matériaux (tympans1 au niveau des
portails richement sculptés, chapiteaux dits « historiés » d’inspiration corinthienne, fresques sur les murs).
La nef centrale s’élève désormais jusqu’à trois niveaux, englobant sur les deux côtés, des galeries ou
tribunes hautes ouvrant sur l’espace central par une arcature et au dernier niveau, une suite de fenêtres en
plein cintre permettant d’éclairer l’intérieur de l’église.
Les bâtisseurs utiliseront également la voûte d'arêtes : deux voûtes en berceau qui se croisent à angle
droit et qui étaient soutenus par des arcs situés à intervalles réguliers appelés arcs doubleaux (arcs
perpendiculaires à l'axe de la voûte et appuyés contre la face intérieure des murs.).
1 Surface située entre le linteau et l’arc
Vue interne au Saint Rémi de Reims : élévation sur trois niveaux
Portail d’entrée d’une église romane
« Portail des Orfèvres » de l’église Saint-Jacques-de-
Compostelle
Tympans
Fenêtres hautes (claire-voie) définissant le niveau supérieur de l’élévation appelé « clair-étage »
Galeries hautes compartimentées en travées selon un rythme bien étudié
Bas-côtés avec ses grandes arcades en plein-cintre
Cette technique a permis d'orienter les charges sur les 4 piliers qui soutiennent
les arcs, permettant ainsi de soulager les murs et de les ouvrir par des fenêtres
pour laisser entrer la lumière. Il s’en suit un amincissement des murs extérieurs
et un allègement de l’ensemble. Les églises du second âge apparaissent ainsi
moins massives, plus élaborées et plus élancées que celles de la première
période.
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Une des autres caractéristiques des églises tardives du XIIes est leur recherche de la luminosité interne. On
a ainsi commencé à percer des ouvertures au niveau de l’abside.
Intérieur d’une nef latérale voûtée par une succession de voûtes d’arêtes.
Système de la voûte d’arêtes soutenue par des arcs doubleaux et appliqué sur une surface carrée
Chœur de l’église de Fontevrault (XIes), voûté en berceau brisé (plus élevée), possède des arcades très hautes et des fenêtres qui laissent passer la lumière du déambulatoire.
Voûte en demi-berceau
Voûte d’arête
Voûte en berceau
Chœur de l'abbatiale Saint-Georges-de-Boscherville à Saine Maritime
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Forme établie d’une église romane
Eléments caractéristiques : Aspect de masse Une juxtaposition de volumes voûtés (voûte d’arête, voûte en berceau, voûte en demi-berceau et en cul-de-four) Les murs sont porteurs, aidés par les arcs doubleaux pour soutenir la poussée des charges
LEGENDE
1. Atrium (cour à portiques)
2. Narthex
3. Corps occidental (Ouest)
4. Deux tours identiques
5. Nef centrale
6. Bas-côtés ou collatéraux
7. Tour-lanterne (au dessus de la croisée du transept)
8. Les deux bras du transept
9. Chœur
10. Abside
11. Déambulatoire souvent doté de chapelles rayonnantes (non figurées sur le dessin de gauche).
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1.4 Exemples d’églises romanes :
- Eglise abbatiale de Saint-Michel à Hildesheim (Allemagne, 1010-1033)
Orientée suivant l’axe Est-Ouest, l’église est accessible du côté nord (depuis le monastère) et du côté sud
(depuis la ville). L’unité de mesure qui gère l’ensemble est le carré de la croisée du transept : (3 sur 1 pour
la nef). Nous remarquons aussi que la travée est ponctuée, de chaque côté, par 4 piliers et 6 colonnes selon
cet ordre d’alternance : « abbabbabba », « a » désignant un pilier et « b » une colonne.
Reconstitution tridimensionnelle de l’église :
1. Atrium semi circulaire, 2. Narthex, 3. Corps occidental, 4. Tour-lanterne de la croisée occidentale, 5. Tourelles occidentales, 6. Nef centrale (clair-étage), 7. Bas-côtés, 8. Tour de la croisée du transept oriental, 9. Transept, 10. Tourelles orientales, 11. Absidioles, 12. Chœur, 13 .Abside
L’église dans son site
L’intérieur de la nef de Saint-Michel avec son plafond plat en bois peint
Plan de l’église
Corps occidental
Transept
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- Eglise de pèlerinage de Saint-Sernin de Toulouse (France, 1080-1120)
- Eglise de pèlerinage Saint-Jacques-de-Compostelle (Espagne, 1075-1128)
L’église est considérée un des chefs d’œuvre de l’architecture romane. Elle présente trois grands portails
d’entrée : à l’ouest, au nord et au sud. Les deux derniers sont situés au niveau des deux transepts.
Le plan est quasi similaire à celui de l’église de Saint-Sernin de Toulouse : La nef principale bordée de
collatéraux surmontés par des tribunes, est divisible en 11 travées et s’ouvre sur un large transept,
également longé de collatéraux, et dont les murs arrières abritent chacun deux chapelles. L’abside, abritant
l’autel, est contournée par un lieu de passage, c’est le déambulatoire qui s’ouvre à son tour sur cinq
chapelles rayonnantes. A la croisée du transept s’élève une tour-lanterne percée d’ouvertures arquées.
Autres éléments verticaux sont les deux tours situés au niveau de la façade, de part et d’autre du portail.
Le système de voûtement comprend :
Voûtes d’arêtes sur les collatéraux
Voûtes en demi-berceau dans les tribunes
Voûtes en cul-de-four dans les chapelles
Vue sur le chevet flanqué par des chapelles rayonnantes semi-circulaires
Plan de l’église Saint-Sernin. Etant une église convenue à accueillir les foules des pèlerins, la nef et les transepts sont élargis.
Coupe sur l’espace central à 5 vaisseaux : bas-côtés à l’extérieur et collatéraux intermédiaires
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- Eglise Saint-Front de Périgueux (France, XIes)
La particularité de cette église réside dans le système de couvrement adopté au niveau de la nef principale.
Il s’agit d’une succession de coupoles sur pendentifs, de 15m de diamètre chacune, qui se tiennent sur
des murs épais ornés d’arcades aveugles.
Rappel : 4 arcs (AB, AC, CD et DB) sont surmontés par deux arcs diagonaux (AD et BC) se coupant à
angle droit. L’intersection donne naissance à quatre triangles sphériques qui vont être maçonnés pour
soutenir la coupole.
- Eglise abbatiale de Cluny (1088-1130) –détruite au XIXes
Abbatiale parce qu’elle était située à l’intérieur d’un monastère tenu par des moines clunisiens. Cette église
est considérée le « chef d’œuvre le plus gigantesque de la chrétienté ». Elle fait 130m de longueur pour une
hauteur globale de 23m. Son architecture a servit de modèle de référence à un grand nombre d’églises de
pèlerinage.
Tout au long de la journée, s’y déroulaient les cérémonies religieuses. Ces célébrations étaient fastueuses et
exigeaient une organisation spatiale particulière permettant la création d’une ambiance propice au
recueillement. C’est ainsi que fut conçu un double transept et un chevet à deux niveaux muni d’un
déambulatoire nécessaire pour la circulation autour de l’autel, et de 5 chapelles rayonnantes. Aux transepts
sont ajoutés 4 tours-lanternes de chaque côté, sur les deux croisés 2 autres tours et de même à l’entrée,
pour souligner davantage la monumentalité de l’édifice.
Triangle sphérique (pendentif)
Le plan de l’église est centré : cette configuration planimétrique qui s’inspire du modèle byzantin, a connu, entre 1125 et 1150, une multitude de variantes : plan en croix grecque (4 bras égaux, cruciforme), octogone, polygone, rotonde, quadrilobe...
Arcatures aveugles
A
C
B
D
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Plan de l’église abbatiale de Cluny. Ce type de plan à
double transept est dit, plan en croix de Lorraine
Reconstitution numérique de l’église montrant la complexité de cet ensemble architectural
Vue sur la seule partie subsistée de l’église
Abside à déambulatoire et à chapelles rayonnantes
Le transept dégage lui aussi des chapelles et des tourelles latérales.
La nef centrale à trois niveaux, flanquée de deux rangées de bas-côtés
Avant nef
Portique monumental à l’entrée flanqué de deux tours
Transept secondaire
68m
Déambulatoire
Chapelles rayonnantes
Chapelle d’axe
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P.3/ L’Architecture du moyen âge
PARTIE 3, COURS 3, LE MONDE CHRETIEN : ARCHITECTURE GOTHIQUE
PLAN
INTRODUCTION
4. L’architecture gothique
1.1 Naissance du style
- Eglise abbatiale de Saint-Denis
1.2 Evolution du style
1.2.1 Première période : Le gothique primitif
- Cathédrale de Chartres
- Cathédrale Saint-Etienne de Bourges
- Cathédrale Notre-Dame de Paris
1.2.2 Deuxième période : Le gothique rayonnant
- Cathédrale d’Amiens
- Cathédrale de Reims
1.2.3 Troisième période : Le gothique flamboyant
- Cathédrale Saint Sévérin de Paris
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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Livres disponibles à la bibliothèque de l’ENAU
SUREDA, Joan, Histoire universelle de l'art, Tome.5 : Le Moyen-Âge, Art Roman - Art Gothique (RD.028)
ADAM, Ernest, Architecture médiévale, Tome.1 et Tome 2. (RA.007 et RA.008)
SALET, Françis, L’Art gothique (RA.110)
COLAS, René, Le Style gothique en France (RM.095)
HOFSTÄTTER, Hans H., Gothique (RM.164)
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INTRODUCTION
Le XIIIes en Europe a été la période des grandes réalisations urbaines qui trouvent dans la cathédrale sa
forme d’expression majeure. Edifiée dans les cités, à la gloire de Dieu, elle était le lieu de rassemblement
des fidèles. Son architecture devait ainsi refléter le lien intime et la symbiose qui se produit entre l’homme
chrétien et le sentiment religieux.
1. L’architecture gothique
Le style gothique s’est développé à partir de la seconde moitié du XIIes et jusqu'au XVIe siècle lorsque les
bâtisseurs se sont rendus compte de la forte résistance structurelle de l’arc brisé appliqué au niveau des
arcades mais surtout au niveau des voûtes d’arête.
C’est ainsi que le voûtement en berceau en plein cintre, qui a caractérisé les grandes réalisations romanes,
va être remplacé par un système perfectionné de voûtements en ogives : voûtes d’arête composées par des
arcs brisés soutenus soit par 4 piliers (quadripartites) soit par 6 (sexpartites).
Les voûtes d’ogives peuvent couvrir une portée allant jusqu'à 20 mètres. Elles furent utilisées pour couvrir
non seulement les bas-côtés et les galeries mais aussi la nef principale.
Voûte d’ogive quadripartite (divisée en 4 compartiments)
L’arc brisé est un arc formé de deux demi arcs symétriques s'appuyant l'un sur l'autre. L’angle est plus ou moins aigu.
Voûte d’ogive sexpartite (divisée en 6 compartiments)
Nous parlons dans ce cas d’une voûte barlongue : Voûte d'ogives couvrant une travée rectangulaire de forme allongée
Voûte sexpartite sur plan carré
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Pour contrebalancer les charges, furent introduits à l’extérieur des murs porteurs, des demi arcs appelés
arcs-boutants soutenus à leur tour par des contreforts massifs. Ces arcs se multiplient tout au long des
murs et sont parfois dédoublés ou triplés pour une majeure solidité.
L’utilisation des arcs-boutants dans un but strictement structurel a permis de libérer les murs de leur rôle
constructif et par conséquent de les alléger en multipliant les ouvertures pour l'éclairage naturel.
D'immenses verrières sont ainsi conçues pour inonder de lumière l'intérieur des édifices. Ce dispositif se
base sur l’utilisation du verre coloré. On parle, dans ce cas, de vitrail (ou vitraux).
« L’architecture gothique est une recherche d'une lumière toujours plus abondante, d'une élévation
toujours plus haute ». En effet, les hauteurs sous-voûtes peuvent atteindre les 35m (Notre-Dame de Paris)
et même les 48m (Saint-Pierre de Beauvais).
Arcs-boutants
Contrefort
Bas-côté
Pinacle orné (décoré)
Systèmes de couvrement en voûtes d’ogives sur plan carré, trapézoïdal, rectangulaire et semi circulaire
L’intérieur de l’église abbatiale de Saint-Denis
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Le nouveau langage esthétique est né de la combinaison de ces quatre éléments dans un même édifice :
1. L’utilisation systématique de la voûte d'ogives à la place de la voûte en berceau
2. L'emploi de l'arc brisé jugé plus résistant à la charge que l’arc en plein cintre
3. Le contre-balancement des charges par des arcs-boutants
4. Le développement du volume en hauteur (élan vertical accentué – ascendance)
« Si l’architecture se définit comme le traitement de l’espace interne et l’agencement des volumes
extérieurs, le gothique s’y adapte pleinement puisqu’il s’applique non seulement à l’architecture,
mais s’étend à tous les arts : vitrail, sculpture, objets d’art…L’architecture, le vitrail et la sculpture
définissaient au XIIes l’édifice gothique : la disparition d’un de ces trois éléments suffit à
bouleverser la signification du monument. »1
Ce style a marqué non seulement les établissements religieux (églises, cathédrales, abbayes) mais aussi les
constructions civiles et militaires (palais, châteaux forts, hôpitaux, halles, hôtels de ville, beffrois, maisons,
enceintes fortifiées).
Dans le cadre de ce cours, nous allons étudier uniquement l’architecture gothique à caractère religieux
apparue en France.
1.1 Naissance du style
Les historiens classent l’église abbatiale de Saint-Denis (1135-1144) située en Ile de France, comme étant
le premier exemple d’application des nouvelles solutions constructives des bâtisseurs médiévaux où furent
combinés, pour la première fois, les quatre éléments gothiques. Il s’agit de l’œuvre de l’abbé Suger.
Trois niveaux d’élévation :
1. Grandes arcades des bas côtés
2. Arcatures ajourées
3. Fenêtres hautes (vitraux)
1 Grand Atlas de l’architecture, p.210.
Vue de la façade principale de Saint-Denis
Les intérieurs de Saint-Denis
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1.2 Evolution du style
L’histoire du style gothique est divisée en trois grandes périodes :
→ Le gothique primitif (premier tiers du XIIes - premier tiers du XIIIes, 1140-1240)
→ Le gothique rayonnant (vers le milieu du XIIIes – première moitié du XIVes, 1240-1350)
→ Le gothique flamboyant (deuxième moitié du XVe - XVIe s, 1350-1500)
1.2.1 Première période : Le gothique primitif
Cette première période est marquée par le développement d’une architecture verticale avec la construction
de nefs hautes s’élevant à 3 niveaux. Le soucis de la verticalité a une forte signification symbolique : Plus la
construction s’élève vers le ciel, plus elle tend vers la spiritualité et la pureté divine.
Dans le but d’accentuer la luminosité interne, les tribunes hautes sont éliminées et sont progressivement
remplacées par le triforium surmonté par une suite de fenêtres hautes (claires-voies ou verrières). De
l’extérieur, d’imposants arcs-boutants sont dressés pour soutenir les murs et transmettre les poussées des
voûtes jusqu’au sol.
Les édifices les plus marquants de cette période sont ceux de Chartres, de Bourges et de Paris.
- Cathédrale de Chartres (1194)
Le modèle architectural de Chartres va inspirer la conception des cathédrales tout au long du XIIIes.
L’édifice présente une élévation à trois niveaux (colonnade des bas-côtés, triforium, verrières). La nef
centrale est couverte par une succession de voûtes d’ogive quadripartites. Tout au fond, au niveau de
l’abside, est aménagé un double déambulatoire sur lequel ouvrent 5 chapelles rayonnantes.
La succession régulière des arcs-boutants
Verrière
Contrefort
Plan de la cathédrale de Chartres (Sud de la France)
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Les accès à la cathédrale se font de trois côtés : A l’ouest se dresse un portail monumental flanqué de deux
tour-lanternes (ou clochers). C’est la « Porte Royale » destinée à la réception des princes et des grands
personnages. Au Nord et au sud, se dressent deux autres portails de moindre échelle composés de trois
porches et précédés par de larges marches. L’ensemble est richement sculpté et ornementé par des baies
brisées, des colonnettes, des sculptures et des roses et des rosaces qui sont de larges fenêtres circulaires
ajourées, en forme de fleur.
Eléments du décor (de gauche à droite) : rosace, rose et baie
Façade occidentale (Ouest)
Façade Nord
La nef principale de la cathédrale de Chartres est couverte par des voûtes d’ogives quadripartites
Elévation à trois niveaux : colonnades des bas-côtés, triforium aveugle et vitraux.
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- Cathédrale Saint-Etienne de Bourges (1195)
A Bourges fut adoptée une élévation pyramidale à trois degrés grâce à l'utilisation de doubles bas-côtés
dont les hauteurs sous-voûte se développent, de part et d’autre de la nef principale, dans un ordre
décroissant.
- Voûte du vaisseau central (1): 38m
- Voûte du premier bas-côtés (2) : 21m
- Voûte du deuxième bas-côté (3) : 9m
La particularité de la cathédrale de Bourges se situe dans l’absence du transept. Le plan est ainsi
longitudinal, avec une nef centrale flanquée de doubles bas-côtés qui se prolongent en un double
déambulatoire sur lequel ouvrent 5 petites chapelles rayonnantes.
L’extérieur est ponctué par une série de contreforts et d’arcs-boutants à double volée.
Détail sur la base des piliers
Cathédrale de Bourges : Vue du côté des chapelles
Voûtes sexpartites au niveau de la nef centrale
1 2 3
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- Cathédrale Notre-Dame de Paris (1163)
Notre-Dame de Paris (1163) : ici, contrairement à Bourges, les doubles bas-côtés sont traversés de l’extérieur par un arc-boutant à volée unique.
Voûtements sexpartites au niveau de la nef centrale qui s’élève sur trois niveaux: grandes arcades, tribunes et vitraux
Façade principale de Notre-Dame
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1.2.2 Deuxième période : Le gothique rayonnant
Cette période est caractérisée par une forte maîtrise structurelle, par une exploitation majeure et plus
réfléchie de la lumière du jour et par une recherche plus poussée vers le raffinement et l’élégance de
l’espace. L'élévation à trois niveaux va se généraliser mais l’église va acquérir plus de monumentalité au
niveau des nefs et du chœur. Des chapelles se multiplient le long des collatéraux et au niveau du
déambulatoire et même entre les contre-forts des bas-côtés extérieurs. Ce qui émane est une vision
unifiée de l’espace interne.
Edifices-type français : les cathédrales d'Amiens (1220-1270) et de Reims (1211-1287), et la Sainte-
Chapelle à Paris (1245-1248).
Chœur de la cathédrale de Rouen conçu comme une véritable « église dans l’église »
Plan de la cathédrale d’Amiens
Intérieur de la nef principale d’Amiens
Les murs s'évident de
plus en plus pour être
remplacés par de grandes
fenêtres munies de verres
colorés. Cet allègement de
l’ensemble est la
caractéristique principale
des cathédrales du XIIIes
et du XIVes.
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1.2.3 Troisième période : Le gothique flamboyant
Le terme flamboyant est dû à la forme de flamme des nervures utilisée au niveau des baies et des roses
(grandes baies circulaires munies de vitraux). Cette dernière période de l’évolution su style est entièrement
marquée par un intérêt grandissant porté sur le décor à motifs courbés. L’ornementation est
« exubérante » dans le sens d’exagérée :
Jeu de courbes et de contre-courbes au niveau des meneaux (chapelle Notre-Dame de Bonnes
Nouvelles à Paris, 1380)
Ajout d’accolades au dessus des arcs brisés des portails
Les piliers se noient avec les nervures des voûtes d’ogive (Saint-Sévérin à Paris)
Ornementation chargée au niveau des sommets de voûtes
Usage de la voûte à liernes et tiercerons, en « étoile », de formes très complexes à tel point qu’elles
vont perdre leur fonction structurale et deviennent seulement un élément décoratif
Deux exemples de façades datant de la dernière période du gothique
Dans la cathédrale de Reims, l’hauteur sous voûte est égale à 33m.
La nef centrale est couverte par des voûtes d’ogives quadripartites et
est divisée en 3 niveaux avec un triforium et des fenêtres hautes.
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Cathédrale Saint Sévérin à Paris où les piliers se noient avec les nervures de la voûte d’ogives
Voûte richement ornée de l’intérieur et dont la forme devient de plus en plus complexe