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REVUE

DES

ÉTUDES BYZANTINES

TOME 56 ANNÉE 1998

Publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique

DE BOCCARD 11, rue de Médicis - 75006 Paris

1998

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UN «PSEUDO-GALIEN» DANS LE COMMEN­TAIRE DE STEPHANOS D'ATHÈNES AUX APHORISMES D'HIPPOCRATE :

Ο ΝΕΩΤΕΡΟΣ ΕΞΗΓΗΤΗΣ

Wanda WOLSKA-CONUS

Résumé: Passant minutieusement en revue les quarante-trois passages attribués par Stephanos à Galien, l'auteur arrive à la conviction qu'il s'agit là de fausses attributions. Les passages incriminés ne reviennent-ils pas plutôt à l'exégète dit «le Nouvel Exégète» que Stephanos affirme «être en train d'expliquer» ? La question reste ouverte.

Les pages qui suivent représentent la deuxième partie de l'enquête sur les sources du commentaire de Stephanos aux Aphorismes d'Hippocrate1 : après Asclèpios, «didascale de l'art médical» et «com­mentateur d'Hippocrate, expliquant les œuvres d'Hippocrate d'après Hippocrate», c'est Galien qui prend le devant de la scène. Mais est-ce vraiment Galien ? N'est-ce pas plutôt «le Nouvel Exégète» qui semble se substituer au Galien authentique, un faux Galien donc, ou un «Pseudo-Galien» ?

Voici le plan de l'article, suivi d'une liste des sigles et abréviations : - I. Position du problème : source intermédiaire entre Galien et

Stephanos. - IL Textes témoins : un Pseudo-Galien ou le Galien authentique ? - III. Conclusion. Ό Νεώτερος 'Εξηγητής: Philagrios, Gésios,

Palladios, Jean d'Alexandrie ? - IV. Appendice. Textes témoins : suite.

1. Cf. Wanda WOLSKA-CONUS, Sources des commentaires de Stephanos d'Athènes et de Théophile le prôtospathaire aux Aphorismes d'Hippocrate, REB 54, 1996, p. 5-66. Il serait sans doute utile d'ajouter au titre : Première partie : Asclèpios (Anqilaos), didascale de l'art médical. Précisons aussi que, dans notre hypothèse, Théophile, réserve faite de ses additions personnelles, ne représente que la paraphrase d'Asclèpios.

Revue des Études Byzantines 56, 1998, p. 5-78.

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6 WANDA WOLSKA-CONUS

L I S T E DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

Aph. I-II : W. I, avec indication de la page de l'édition : Stephanas of Athens. Commentary on Hippocrates' Aphorisms, sections I-II. Text and translation by L. G. WESTERINK (CMG XI 1, 3, 1). Editio princeps, Berlin 1985.

Aph. III-IV : W. II, avec indication de la page de l'édition : IDEM, sections III-IV (CMG XI 1, 3, 2). Editio princeps, Berlin 1992.

Aph. V-VI : W. Ill, avec indication de la page de l'édition : IDEM, sections V-VI ; indexes by Jutta KOLLESCH and D. NICKEL (CMG XI 1,3, 3). Editio princeps, Berlin 1995.

La numérotation des Aphorismes est celle des manuscrits de Stephanos. Le chiffre mis entre parenthèses renvoie à la numérotation de l'édition des Aphorismes par Littré, qui est aussi celle de Théophile (D. II).

Aph. I-VII : D. II, avec indication de la page de l'édition : Theophili et Damascii commentarli in Hippocratis Aphorismos cum fragmentis et longioribus et bre-vioribus e Stephani, Atheniensis philosophi, sive Meletii, in eumdem librum e codd. depromptis..., dans F. R. DIETZ, Apollonii Citiensis, Stephani, Palladu, Theophili, Meletii, Damaseli, Ioannis, aliorum Scholia in Hippocratem et Galenum e codicibus mss. Vindobonen., Monacens., Florent., Escorialem., etc., edidit F. R. D., 2 volumes, Königsberg 1834 (réimpression : Amsterdam 1966), II, p. 236-544.

CMG : Corpus Medicorum Graecorum, Leipzig - Berlin 1908 sq. D. I I : voir Aph. I-VII. GAL. In Hipp. Aph. : Hippocratis Aphorismi et Galeni in eos commentarla ; .

t. 172 (sections I-IV), t. 181 (sections VI-VII). . : Claudii Galeni Opera omnia, edidit D. C. G. KÜHN, Leipzig 1821-1833, 20 volumes.

L. : Œuvres complètes d'Hippocrate, traduction nouvelle par É. LITTRÉ, Paris 1839-1861, 10 volumes; t. 4 : Aphorismes (avec quelques changements minimes de traduction), Paris 1844, p. 458-609.

Progn. : J. M. DUFFY, Stephanus the Philosopher. A Commentary on the Prognostiken of Hippokrates. Edition and translation by J. M. D. (CMG XI 1, 2), Berlin 1983.

W. I, II, : voir Aph. I- , І -ІѴ, V-VI.

I. POSITION DU PROBLÈME

SOURCE INTERMÉDIAIRE ENTRE GALIEN ET STEPHANOS :

Ό Ν ε ώ τ ε ρ ο ς ' Ε ξ η γ η τ ή ς

Stephanos mentionne, au cours de son commentaire, un exégète qu ' i l n o m m e ό ν ε ώ τ ε ρ ο ς . Il l 'oppose aux exégètes «plus anciens» et déclare «l 'expl iquer», autrement dit, croyons-nous, fonder son interprétation d 'Hippocra te sur l 'exégète en question2 : Και ο ΰ τ ω ς έ ξ η γ ή σ α ν τ ο οί π α λ α ι ό τ ε ρ ο ι τ ω ν ε ξ η γ η τ ώ ν ό μ έ ν τ ο ι Ν ε ώ τ ε ρ ο ς ' Ε ξ η γ η τ ή ς , δν η μ ε ί ς ε ξ η γ ο ύ μ ε θ α , λ έ γ ε ι δτ ι - Ου δοκε ϊ μοι λ έ γ ε ι ν τ α ύ τ α τ ο ν Ί π π ο κ ρ ά τ η ν .

2. Aph. IV 8 : W. Π, p. 23218"21.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 7

Stephanos le mentionne à propos de ΓAphorisme IV 8 : «Quant aux phtisiques, s'abstenir3». «Certains, écrit-il4, affirment que cet aphorisme est tronqué et incomplet, qu'il a besoin d'un complément: peut-être "Quant aux phtisiques, s'abstenir de purger" ; en effet, si l'on lit cet aphorisme ainsi, rien ne lui manque. D'autres, cependant, continue Stephanos, soutiennent que l'aphorisme en question n'est pas défec­tueux, qu'il est, au contraire, parfait, à condition de le rattacher à l'apho­risme qui ouvre la présente théôria et où il est dit (Aph. IV 6) : "Purger par le haut les gens maigres et qui vomissent facilement, s'abstenir en hiver", à condition que rien ne s'y oppose, par exemple, qu'ils ne soient pas phtisiques ; en effet, les phtisiques, il ne faut pas les purger» (scilicet : en hiver pas plus qu'en été).

Ici, Stephanos intercale un petit développement sur la phtisie, ou plus exactement sur la purge5 : «Nous avons appris à plusieurs reprises, dit-il, ce qu'est la phtisie (donc, comme souvent, d'abord la définition), à savoir que c'est une lésion du poumon (ελκωσις του πνεύμονος).» Il ne faut donc pas, continue-t-il, purger ces gens-là en provoquant des vomissements, de peur que la matière quittant les parties secondaires ne se déplace vers les parties maîtresses (μήποτε άπο τών άκυρων επί τα κύρια άποσκήψη ή υλη) et n'augmente ainsi la maladie. On sait, en effet, ajoute-t-il, que la purge se fait soit suivant le mouvement naturel de la matière (η προς την ροπήν της ύλης) vers le haut ou vers le bas — si, donc, la matière se trouve en haut, il faut purger par le haut ; si, par contre, elle se trouve en bas, il faut purger par le bas —, soit suivant l'importance des parties du corps, en amenant la matière à évacuer des parties maîtresses vers les parties secondaires, ainsi, par exemple, de la tête il convient de la reconduire vers le thorax, du thorax vers l'estomac et les organes nutritifs, du foie vers les veines et les reins. Alors Stephanos ajoute, à l'intention de ses jeunes élèves, quelques indications sur les cas, d'ailleurs rares, où il est permis de déroger à ces principes d'ordre général.

Ce discours (apparemment intercalé) une fois terminé, Stephanos revient aux interprétations proposées par tines et par alloi, pour leur opposer celle de VExégète qualifié de Nouveau. Il écrit6 : «En voilà l'ex-

3. Τους δε φθινώδεας ύποστελλομένους : Stephanos ; τας ανω add. Littré, qui tra­duit : « N'évacuer qu'avec circonspection par le haut les personnes disposées à la phtisie.» Voir la note ad locum.

4. Aph. IV 8 (W. II, p. 2302531) : Τινές λέγουσιν δτι κολοβός καί ατελής έστιν ό πάρων αφορισμός· χρείαν γαρ έχει τινός, τυχόν "Τους δε φθινώδεας ύποστελλομένους καθαίρειν", έαν γαρ οϋτως εχη, ανελλιπής έστιν. "Αλλοι δέ λέγουσιν δτι ούκ εστίν ελλιπής, άλλα τετελείωται- έαν γαρ σύναψης αυτόν μετ'έκείνου του αφορισμού το\5 έν τη άρχη της θεωρίας ταύτης, έν φ φησιν "Τους ισχνούς καί εύημέας ανω φαρμακεύειν, ύποστελλομένους χειμώνα", έαν μή τί ποτέ κωλύστ), τυχόν έαν μή είσιν φθινώδεις- τους γαρ φθινώδεις ου δει καθαίρειν.

5. Ibidem, . 2 < 1-2 2І%. 6. Ibidem, p. 2321937 : Και οΰ'τως έξηγήσαντο οι παλαιότεροι τών εξηγητών ό

μέντοι Νεώτερος Εξηγητής, ον ήμεΐς εξηγούμεθα, λέγει οτι- Ου δοκεΐ μοι λέγειν

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8 WANDA WOLSKA-CONUS

plication des exégètes plus anciens7. Quant au Nouvel Exégète que nous sommes en train d'expliquer8, il dit : Je ne crois pas que cela soit ce que dit Hippocrate. En vérité, vraies sont les affirmations qu'ils avancent; tout le monde sait qu'on ne doit pas, à la lésion du poumon, purger les gens en les faisant vomir. Les conceptions de ce genre ne correspondent pas à la pensée d'Hippocrate. C'est pourquoi cet Exégète, continue Stephanos, a donné l'explication qui suit : Hippocrate ne soutient pas qu'il faut s'abstenir de purger les gens déjà atteints de phtisie, mais les gens "qui sont prédisposés à la phtisie", c'est-à-dire, comme Hippocrate l'a dit lui-même dans les Épidémies 9, "les gens décharnés au cou long et au thorax étroit et sans profondeur, aux épaules qui font penser aux ailes, (bref) les gens aux constitutions semblables". Ces gens-là, en effet, en raison de leur fragilité, ne supportent pas la purge par vomissement... Et voilà, conclut Stephanos au nom du Nouvel Exégète, ce qu'entend ici Hippocrate : il ne faut pas purger les phtisiques, c'est-à-dire non pas les gens atteints de phtisie — ceci tout le monde le sait —, mais les gens prédisposés à la phtisie.»

Reportons-nous maintenant à Asclèpios-Théophile, lequel réunit dans un seul lemme les Aphorismes IV 7 et IV 8 : après avoir expliqué la pre­mière partie du lemme, c'est-à-dire Y Aphorisme IV 7, il s'arrête à sa deuxième partie, Y Aphorisme IV 8 que nous venons d'expliquer. Il écrit10 «(Les mots) "Quant aux phtisiques, s'abstenir" se rapportent à l'Aphorisme précédent (IV 6). Là, Hippocrate a dit : "Purger par le haut

ταΰτα τον Ίπποκράτην. Μετά γαρ αληθείας άληθη είσιν καί τα λεγόμενα, πάντες δε γινώσκουσιν τοΰτο, οτι ού δεί επί τη έλκώσει τοΰ πνεύμονος κεχρησθαι καθάρσει τη δι,'έμέτων. Ταΰτα γαρ εξωθέν είσιν της εννοίας τοΰ 'Ιπποκράτους- διό αυτός ό Εξηγητής οΰτως έξηγησατο, δτι ό Ιπποκράτης ού λέγει τους ηδη έχοντας την φθίσιν παραιτεΐσθαι καθαίρειν, άλλα τους έπιτηδείως έχοντας προς φθίσιν οδτοι δέ είσιν, ως έν Έπιδημίαις αυτός ό 'Ιπποκράτης εφη- "Οδτοι δε είσιν σκελεφροί καί μακροτράχηλοι καί στενοθώρακες καί άβαθη έχοντες τον θώρακα καί πτερυγώδεις καί τα τοιαΰτα." Οδτοι γαρ δια την εύπάθειαν ού φέρουσιν την δι'έμέτων κάθαρσιν... Καί τοΰτό έστιν ο φησιν ένταΰθα ό 'Ιπποκράτης, δτι ού δει καθαίρειν τους φθινώδεις, τυχόν ού τους έχοντας την φθίσιν - τοΰτο γαρ παντί άνθρώπω εγνωσται -, άλλα τους έπιτηδείως έχοντας προς την φθίσιν.

7. Je ne saurais dire ce que représentent ces palaioteroi par rapport aux palaioi, égale­ment présents dans le commentaire de Stephanos. Seraient-ils palaioteroi par rapport au Néôtéros Exègètès, alors que le terme palaioi reviendrait à Galien et aux exégètes, qui sont ses prédécesseurs ou ses contemporains, de même que le titre de palaios, sans autre précision, ne s'applique, dans le commentaire de Stephanos, qu'à Hippocrate, l'Ancien par excellence.

8. 'Όν ημείς εξηγούμεθα, que L. G. Westerink (II, p. 233) traduit de manière trop restrictive, à notre avis : «... the most recent commentator, however, whose interpretation we report, says... », comme si l'intervention de cet Exégète se limitait à ce seul apho­risme.

9. Cf. HIPP. Épid. III 14 ; L. 3, p. 964-98'. Citation qui revient souvent dans le commen­taire de Stephanos, cf. W. II, p. 96 et 112, App. locorum.

10. Aph. IV 7-8 (D. II, p. 38918"23) : Το δέ "φθινώδεας ύποστελλομένους" προς τον ανωτέρω άφορισμον αποτείνει. 'Εκεί γαρ έλεγε "τους ισχνούς καί εύεμέας οίνω φαρμακεύειν." Ένταΰθα δέ τον προσδιορισμον τέθεικε "τους φθινώδεας ύποστελλομένους". Καί ή αιτία- δια την των αναπνευστικών οργάνων άσθένειαν.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 9

les gens maigres et qui vomissent facilement" ; ici, précise Asclèpios-Théophile, il a ajouté une définition complémentaire : "Quant aux phti­siques, s'abstenir". Et la raison en est la fragilité de leurs organes respi­ratoires.»

Ainsi, nous retrouvons chez Asclèpios-Théophile la première partie du commentaire de Stephanos, dans laquelle ce dernier relatait la position «d'autres» (exégètes) : pour que YAphorisme IV 8 ait un sens, il convient de le rattacher à Y Aphorisme IV 6.

Quant aux opinions du Nouvel Exégète, elles réapparaissent, d'une manière inattendue, chez Galien. À VAphorisme IV 8, dont le lemme est plus complet et, en même temps, plus restrictif que celui de Stephanos — τους δε φθινώδεας ύποστελλομένους τας ανω φαρμακείας — fait suite le commentaire que voici11 : «Tu ne donneras pas (aux phti­siques) les purgatifs agissant par le haut, te méfiant de la fragilité de leurs organes respiratoires. Par "phtisiques", il convient d'entendre soit les gens atteints de phtisie, soit ceux qui sont prédisposés à la phtisie, au sujet desquels Hippocrate a dit dans le premier livre des Épidémies n : "Sont morts surtout ceux dont la nature penchait vers la phtisie, ceux qui ont le thorax étroit, ainsi que le poumon qui y est contenu".»

Dans cette opposition entre les palaioteroi et le Néôtéros Exègètès, il n'y a, semble-t-il, aucun élément auquel ne nous aurait déjà habitué la confrontation habituelle entre Y Exègètès Asclèpios (ce nom pouvant être remplacé par τινές, έτεροι, άλλοι, έτερα έζήγησις)13 et Galien. En effet, on y retrouve la partie du texte attribuable à «d'autres» dans le commentaire d'Asclèpios -Théophile. D'autre part, les opinions expri­mées par le Néôtéros Exègètès reviennent partiellement dans Yhypom-nèma de Galien, ce dernier ayant des points de contact avec Asclèpios -Théophile également, pour autant que, lorsqu'ils interdisent de purger les phtisiques, ils invoquent «la fragilité de leurs organes respiratoires». On pourrait donc penser qu'il s'agit toujours des mêmes personnages : Stephanos,- (Asclèpios-)Théophile - Galien, l'épithète de Néôtéros Exègètès revenant à ce dernier.

Cependant, à examiner de plus près les affirmations de Stephanos qui rapporte que, suivant le Néôtéros Exègètès, par les «phtisiques» Hippocrate entend non pas les gens atteints de phtisie (dire, en effet, qu'il est interdit de purger ces gens-là ne serait qu'une banalité indigne d'un grand maître), mais les gens qui sont prédisposés à la phtisie, on hésite. Galien affirme, semble-t-il, le contraire : «Par les phtisiques, écrit-il14, il

11. GAL. In Hipp. Aph. IV 8 (K. 172, p. 6664"11) : Έπί τας ανω, φησί, φαρμακείας ούδέποτ'αζεις, εύλαβούμενος δηλονότι την εν τοις άναπνευστικοΐς αυτών όργάνοις άσθένειαν. 'Ακουστέον "δε φθινώδεις" ήτοι τους φθίσει τη νόσω έαλωκώτας ή τους έπιτηδείως έχοντας προς την φθίσιν, υπέρ ών εΐρηκεν αυτός εν τω πρωτω των 'Επιδημιών "Και μάλιστα εθνησκον οΓσιν ερρεπεν ή φύσις επί το φθινώδες, στενός δε τούτοις εστίν ό θώραξ και ό περιεχόμενος έν αύτώ πνεύμων".

12. Cf. HIPP. Épid. I 2 : L. 2, . ^ - 1. 13. REB 54, 1996, p. 34-37. 14. Texte ci-dessus cité, note 11.

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convient d'entendre soit les gens atteints de phtisie, soit ceux qui y sont prédisposés». D'autre part, Galien n'émet aucune appréciation sur la pen­sée d'Hippocrate, alors que le Néôtéros Exègètès le fait, à en croire Stephanos. Le Néôtéros Exègètès n'est donc pas Galien, comme nous venons de le supposer. Il est, cependant, très proche de Galien.

Nous nous trouvons confrontés, par ce biais, au problème sous-jacent, déjà apparu dans nos précédents articles mais que, jusqu'à présent, nous n'avons pas eu l'occasion de poser directement : Stephanos lisait-il Galien dans l'original ou se servait-il d'intermédiaires que nous ne connaissons pas ? A plusieurs reprises, nous l'avons vu attribuer à Galien les affirmations qui ou bien ne figurent pas dans son commentaire, ou bien ne se trouvent pas là où elles devraient être, ou encore présentent des modifications qui exigent des compléments d'explication. À qui doit-on attribuer ces erreurs de références ou ces différences d'interpréta­tion ? Ne serait-ce pas justement le Néôtéros Exègètès ? Il se trouve, en effet, que tout en suivant de très près le texte de Galien, il est pris en fla­grant délit, pourrait-on dire, de divergence d'opinion par rapport à ce dernier. Ne constituerait-il pas alors le chaînon intermédiaire entre Galien et Stephanos ? Un chaînon qui expliquerait bien des irrégularités par rapport à Galien qu'on rencontre dans le commentaire de Stephanos.

Est-il possible de cerner davantage le personnage de ce Nouvel Exégète que Stephanos déclare «expliquer», ce qui veut dire, supposons-nous, qu'il utilise son commentaire pour expliquer le texte des Aphorismes, un commentaire fortement inspiré par celui de Galien, mais qui pouvait aussi s'en écarter ?

Il est curieux de constater que le Nouvel Exégète et Galien, tels qu'ils sont cités par Stephanos, s'expriment de manière identique. Laissons l'Exégète parler en premier lieu, en reprenant le texte déjà cité15 : Καί ού­τως εξηγησαντο οί παλαιότεροι τών εξηγητών ό μέντοι Νεώτερος 'Εξηγητής, öv ημείς εξηγούμεθα, λέγει δτι* Ου δοκεΐ μοι λέγειν

ταύτα τον Ίπποκράτην. Μετά γαρ αληθείας άληθη είσιν καί τα λεγόμενα, πάντες δε γινώσκουσιν τοΰτο δτι ου δει επί τη έλκώσει του πνεύμονος κεχρησθαι καθάρσει τη δι'έμέτων. Ταϋτα γαρ έξωθεν είσιν της εννοίας του 'Ιπποκράτους· διό αυτός ό 'Εξηγητής ούτως έξηγησατο, δτι ό 'Ιπποκράτης ού λέγει τους ηδη έχοντας την φθίσιν παραιτεισθαι καθαίρειν, άλλα τους έπιτηδείως έχοντας προς φθίσιν.

Et maintenant donnons la parole à Galien que nous avons cité à pro­pos de l'Aphorisme V 27, longuement examiné à une autre occasion16: 'Ενταύθα γενόμενος ό Γαληνός εν το ύπομνήματί φησιν δτι τοΰτο το ρησείδιον έξωθεν της εννοίας του 'Ιπποκράτους εστίν καί οίον ερριπται εν τω μέσω. Ει δέ καί Ίπποκράτειόν έστι το ρητον τούτο, άδιανόητον δοκεΐ είναι... Καί ουκ ήξίωσεν δλως ò Γαληνός και

15. Texte ci-dessus traduit, p. 7-8. 16. Cf. REB 54, 1966, p. 12-13.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 11

πολλοί άλλοι έξηγησασθαι αυτό, άλλα πάντη έξέβαλον αυτό ώς αν δτι εξω της εννοίας του 'Ιπποκράτους αυτό εΐναι και οίον έρρΐφθαι έν τω μέσω. Ό μέντοι 'Ασκληπιός ό ύπομνηματιστής του ' Ιπποκράτους έκ των ' Ιπποκράτους τά ' Ιπποκράτους έξηγούμενος την δέουσαν αύτω έξήγησιν έπεντέθεικεν τούτον τον τρόπον...

Remarquons que, dans ces textes, dans le cas de Galien, l'opinion qu'on y voit attribuer à Galien ne figure pas dans son commentaire, alors que, dans le cas du Nouvel Exégète, Stephanos, tout en l'opposant aux «anciens», le fait plutôt corriger la pensée de Galien. Dans les deux cas, on voit apparaître des libertés considérables par rapport au texte de Galien.

Etant donné ces points de contact entre Galien et le Nouvel Exégète, nous allons poursuivre notre hypothèse et supposer que Galien, tel qu'il est cité dans notre commentaire, n'est pas le Galien lu dans l'original, mais le Galien que Stephanos utilisait pour ses cours (πράξεις), à travers le commentaire du Nouvel Exégète. Aussi, lorsque Stephanos dit ενταύθα γενόμενος ό Γαληνός..., il ne s'agit pas de Galien lui-même — car si Stephanos avait réellement le texte de Galien entre les mains, il n'aurait pas commis les erreurs qu'on décèle dans son commentaire —, mais bien du «Galien» dans l'interprétation du Nouvel Exégète, dont il affirme expressément suivre le commentaire (8v ημείς εξηγούμεθα). Et chose curieuse: on n'explique donc plus τά ' Ιπποκράτους έκ των ' Ιπποκράτους, mais τά ' Ιπποκράτους έκ των Γαληνού, ou, plus exactement έκ των του ψευδο-Γαληνοϋ. Nous y reviendrons.

II. TEXTES TÉMOINS

UN PSEUDO-GALIEN OU LE GALIEN AUTHENTIQUE?

Comme nous l'avons fait pour «Asclèpios, l'Exégète du présent ouvrage17», nous allons passer en revue, dans les pages qui suivent, les commentaires aux Aphorismes particuliers, dans lesquels apparaît le nom de Galien, pour les comparer aux passages parallèles du commentaire de Galien qu'on lit dans l'édition de Kühn. Nous nous limitons aux pas­sages introduits par des formules stéréotypées telles que ενταύθα γενόμενος ό Γαληνός λέγει... ou bien : ό Γαληνός έν τω υπομνηματι λέγει..., formules qui semblent garantir l'exactitude de la référence aux développements précis du commentaire de Galien. Nous espérons faire apparaître de cette façon les différences qui séparent le Galien cité par Stephanos du Galien auteur du commentaire que nous connaissons, et ajouter ainsi la démonstration à l'hypothèse que nous venons de formuler : Stephanos ne lit pas Galien dans l'original.

Les passages, au nombre de quarante-trois, que nous allons examiner, sont de longueur et d'intérêt inégaux. Ils comportent des explications,

M.REB5A, 1996, p. 10-30.

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12 WANDA WOLSKA-CONUS

réflexions, précisions que Stephanos attribue à Galien, mais qui ne figu­rent pas dans son commentaire.

Les plus nombreux et les plus importants concernent les leçons des manuscrits, les corrections du texte, l'ordre, l'omission, l'interpolation, l'authenticité de certains aphorismes.

D'autres présentent des glissements de sens ou des interprétations divergentes des mots et des phrases.

D'autres, imitant les «choses de la vie» (έξωθεν), fournissent des détails et des images, parfois amusantes et vivantes, mais sans consé­quence pour le sens réel de l'aphorisme.

D'autres, enfin, concernent la mise en pratique des préceptes qu'on peut déduire du texte d'Hippocrate.

Cependant, il n'y a pas que de fausses attributions manifestes ou des interprétations résolument différentes dans ces renvois explicites à Galien. Il arrive que les interprétations du Galien cité par Stephanos et du Galien de Kühn soient identiques (ou presque), alors que la forme rédactionnelle, le cadre du raisonnement, l'expression verbale, la manière de dire sont si différents qu'on se pose la question : est-il pos­sible que Stephanos, à rencontre de ses références à Galien, claires et précises, prenne personnellement la responsabilité de transformer le texte original au point de faire douter de sa véritable paternité ? Ou bien faut-il revendiquer, pour ces cas également, l'intervention de cette source intermédiaire, de ce Pseudo-Galien dont nous soupçonnons l'existence ? Ou encore peut-on supposer qu'il s'agit là de ce galénisme sous-jacent, indéfinissable, qui s'infiltre, en se parant du nom de Galien, dans le com­mentaire de Stephanos, comme dans toute la littérature médicale de l'époque ? On regrette de ne pas disposer de témoin comparable à celui de Théophile, le porte-parole d'Asclèpios.

Cet Asclèpios, nous l'avons vu, qu'il soit dit YExégète du présent ouvrage, l'Exégète de l'ouvrage ou l'Exégète tout court, chaque fois qu'il est cité nommément, on le voit opposé à Galien. Il l'est sept fois, sept cas que nous avons longuement examinés dans notre précédent article, sans parler de nombreux développements où il se dissimule sous les dénominations telles que τινές, άλλοι, έτεροι, άλλη έξήγησις.

Cependant, à voir de plus près ces quarante-trois passages où il est question de Galien, on s'aperçoit que ce Galien-là reste inconnu d'Asclèpios (Théophile). S'il arrive que ses opinions rejoignent celles de Galien, ce sont les opinions du Galien de Kühn et non pas, à quelques exceptions près (en effet, les deux Galien peuvent quelquefois se rencon­trer à travers les sources anciennes, aujourd'hui perdues, ou des contami­nations ultérieures), celles du Galien cité par Stephanos. La confronta­tion entre Galien et Asclèpios, qu'on observe dans l'ouvrage de Stephanos, relève d'une mise en scène imaginée par Stephanos qui com­bine, ordonne, associe ou oppose deux commentaires qu'il utilise pour élaborer le sien. Asclèpios (Théophile) et Galien (le Pseudo-Galien) ne s'affrontent pas directement, mais à travers les situations choisies par Stephanos.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 13

Voici les quarante-trois passages en question, présentés dans l'ordre des six sections des Aphorismes. Précisons que, dans les pages qui sui­vent, nous nous trouvons constamment en présence des deux Galien, le Galien (le Pseudo-Galien) cité par Stephanos et le Galien authentique, dont on lit Yhypomnèma dans l'édition de Kühn. Quant à Théophile, désigné souvent comme Théophile (Asclepios), il ne fait que représenter la paraphrase d'Asclèpios.

ΑΡΗ. Ι 9 (4)

Le commentaire à Y Aphorisme I 9 (4) — «Une diète tenue et stricte est toujours dangereuse dans les maladies' longues et dans les maladies aiguës, sauf là où cela n'est pas possible18...» — commence par un long exposés sur les genres, usages, avantages et méfaits de la diète19, avant d'aborder l'explication du texte.

La phrase μη επιδέχεται donne à Stephanos l'occasion de se réfé­rer à Galien20 : «Que veut dire cela : "sauf là où cela n'est pas possible?", demande-t-il et de répondre : Galien dit qu'une diète tenue à l'extrême (εσχάτως λεπτότατη) n'est possible (ουκ ενδέχεται δεχθηναι) ni dans les maladies chroniques ni dans les maladies aiguës, car elle démolit les forces (καταλύεται γαρ υπ ' αύτης ή δύναμις).»

Mais est-ce bien là l'opinion de Galien? Regardons de plus près son commentaire : «... dans cet aphorisme, écrit-il21, (Hippocrate) s'étend

18. μη επιδέχεται : Littré traduit : «... et, parmi les maladies aiguës, dans celles qui ne s'en accommodent pas». L'expression, de toute évidence, posait problème déjà aux exégètes anciens.

19. Aph. I 9 (4) (W. I, p. 7010-7430) : Cette théôria se développe en quatre paragraphes (τέτρασι δε κεφαλαίοις περιγράφεται ή παρούσα θεωρία). - 1) Dans le premier, on examine les dangers que présente une diète stricte pour les gens bien portants et aussi pour les malades : elle détruit leurs forces.- 2) Dans le deuxième, on établit les différents genres de diète : diète tenue à l'extrême, diète moins tenue, tenue tout court, intermé­diaire, abondante, plus abondante, très abondante (εσχάτως λεπτή — qualifiée parfois d'ασιτία - λεπτότερα, απλώς λεπτή, μέση, αδρά, άδροτέρα, αδρότατη). En même temps, on énumère les aliments correspondants à chacune d'entre elles. - 3) Dans le troi­sième, on fait remarquer que la diète poussée à l'extrême n'est cependant pas à rejeter complètement (μηδέ γαρ πάντη άπόβλητον αύτην νομίσης) ; elle est utile dans les maladies arrivées à l'extrême limite. On procède alors à la classification des maladies qui sont soit chroniques, soit aiguës ; les maladies chroniques vont au-delà des quarante jours ; quant aux maladies aiguës, on en distingue trois catégories : les maladies dites aiguës par homonymies (όμωνύμως), qui se prolongent jusqu'au quatorzième jour ; les maladies aiguës tout court (απλώς), qui durent sept ou neuf jours ; enfin, les maladies aiguës arrivées au dernier degré (κατόξεα), qui ne dépassent pas le quatrième jour. - 4) Dans le quatrième, on établit des règles et on ajoute des définitions complémentaires (κανόνας et προσδορισμούς) qui permettent de prescrire une diète appropriée à chaque maladie, en se fondant sur les critères tels que le genre de la maladie, le moment de son évolution, l'intensité de la faculté de résistance (έκ τοΰ ε'ι'δους του νοσήματος, έκ του καιροΰ τοΰ νοσήματος και έκ του τόνου της δυνάμεως), trois critères amplement développés par la suite.

20. Ibidem, p. 76911. 21. GAL. In Hipp. Aph. I 4 : Κ. 172 , p. 36714-3684.

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longuement sur la diète des malades, en nous recommandant de suivre toujours (άεί), dans les maladies longues, une diète tenue (φυλάττεσθαι τάς λεπτάς δίαιτας), et, dans les maladies aiguës, pas toujours (ουκ άεί) ; il semble bien, en effet, que la plupart de ces dernières exigent une diète tenue, mais il y en a quelques-unes (ενια) parmi elles qui en exi­gent une tenue à l'extrême (της εσχάτης λεπτής).»

Ainsi, contrairement au Galien cité par Stephanos, le Galien du com­mentaire que nous connaissons ne rejette pas entièrement la diète tenue à l'extrême, qu'il juge même nécessaire dans certaines maladies aiguës.

Mais l'enquête de Stephanos ne s'arrête pas là. Il oppose à l'opinion du Galien qu'il cite une autre explication : «Il existe , écrit-il22, une autre explication (άλλη έξήγησις) : il a déclaré (άπεφήνατο : Qui ? Galien ? Quelqu'un d'autre ? L'auteur de cet autre exégèse ?) que la diète tenue à l'extrême (εσχάτως λεπτότατη) est difficile à supporter (χαλεπήν) non seulement dans les maladies chroniques et aiguës, mais aussi dans les maladies très aiguës (κατοξεων) ; sans déclarer pour autant qu'elle est à rejeter complètement (ού πάντη άπόβλητον αυτήν άποφηνάμενος), car il ajoute : "sauf où cela n'est pas possible", c'est-à-dire là où les forces sont trop faibles.»

Ainsi, l'auteur de cette autre exégèse, qui ne rejette pas complètement la diète poussée à l'extrême, apparaît plus proche du Galien du commen­taire que du Galien cité par Stephanos, qui écartait résolument la diète poussée à l'extrême pour les maladies aiguës aussi bien que pour les maladies chroniques.

Pour finir, il est intéressant de voir ce qu'en dit Théophile, le porte-parole, dans notre hypothèse, d'Asclèpios, l'Éxégète du présent ouvrage. Il écrit23 : «... une diète stricte et tenue, autrement dit le jeûne complet (ασιτία), est nuisible dans les maladies longues..., mais aussi dans les maladies aiguës le jeûne est nuisible, "sauf là où cela est inadmissible". Quant aux maladies aiguës, on les dit aiguës soit par homonymie (όμωνύμως), celles qui arrivent jusqu'au quatorzième jour, soit aiguës tout court (απλώς), celles qui vont jusqu'au septième ou neuvième jour, ou encore aiguës poussées à l'extrême (κατοξέα) qui ne dépassent pas le quatrième jour. Donc, pour les maladies dites aiguës par homonymie et pour les maladies dites aiguës tout court, les diètes tenues et strictes, c'est-à-dire les jeûnes complets, sont dangereuses, parce qu'il est impos­sible qu'un souffrant (κάμνοντα) reste sans manger aussi longtemps. Mais, pour ce qui est des maladies aiguës poussées à l'extrême, ces diètes ne sont pas dangereuses, parce qu'elles ne durent que quelques jours. Quant à l'expression "sauf où cela n'est pas possible", elle signifie : les maladies auxquelles cela ne convient pas (έφ'&ν μη αρμόζει).»

22. Aph. 9 (4) : W. I, p. 761 4. 23. Aph. 14: D. II, p. 26117"32.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 15

Quelle conclusion peut-on tirer de la juxtaposition de ces cinq textes : s'agit-il de Stephanos lui-même, du Galien qu'il cite, du Galien du com­mentaire, de l'auteur de Vautre exégèse et de Théophile ?

Remarquons, tout d'abord, que dans le troisième chapitre de sa théô-ria, où il relève les avantages de la diète poussée à l'extrême24, Stephanos, comme l'auteur de cette autre exégèse, fait observer que la diète poussée à l'extrême «n'est pas à rejeter complètement» (μηδέ γαρ πάντη άπόβλητον αυτήν νομίσης) ; elle est même utile pour les mala­dies aiguës arrivées à la dernière limite (χρησιμεύει τοίνυν ή λεπτότατη δίαιτα επί των κατοξέων νοσημάτων). D'autre part, il pro­pose une classification des maladies dites aiguës identique à celle de Théophile, qui soutient lui aussi qu'une diète très stricte n'est pas dange­reuse pour les maladies aiguës poussées à l'extrême, «sauf où cela ne convient pas».

Ainsi, Stephanos, l'auteur de Vautre exégèse et Théophile tombent d'accord pour reconnaître quelque utilité à la diète poussée à l'extrême pour certaines maladies aiguës. Comme, dans notre hypothèse, lorsque une αλλη έξήγησις de Stephanos se retrouve dans le commentaire de Théophile, elle désigne leur source commune, nous nous retrouvons ici, comme dans quelques autres cas que nous avons examinés25, en présence de l'Exégète Asclèpios.

Théophile ignore le Galien cité par Stephanos, un Galien qui, comme nous l'avons vu, se trouve souvent opposé, dans le commentaire de Stephanos, à Asclèpios, le seul à être utilisé par Théophile.

ΑΡΗ. Ι 24 (14)

Stephanos écrit à propos de VAphorisme I 24 (14) — «Les êtres qui croissent ont le plus de chaleur innée ; il leur faut donc le plus de nourri­ture ; sinon le corps dépérit ...» — ce qui suit26 : «Arrivé à ce passage, Galien dit que la conjonction en effet (γαρ) fait défaut, pour que la phrase se présente de la manière que voici (ώς είναι το λεγόμενον τοιούτον) : "de tous, ce sont les enfants surtout qui supportent difficile­ment le jeûne ; en effet, les êtres qui croissent ont le plus de chaleur innée"...»

Galien, en effet, propose d'ajouter la conjonction en effet (γάρ) dans le commentaire qu'il fait à VAphorisme I 13 : «Les vieillards supportent le plus aisément le jeûne ..., les enfants le supportent le plus difficilement ...» Il écrit27 : «De cet aphorisme, (Hippocrate) fait connaître lui-même le sens dans celui qui suit (τούτου δε του αφορισμού την αίτίαν αυτός εν τω εφεξής διδάσκει) et qui commence : "Les corps qui croissent ont le plus de chaleur innée", de sorte que si l'on voulait les rattacher l'un à

24. Voir ci-dessus, note 19. 25. Cf. REB 54, 1996, p. 34-35. 26. Aph. I 24 (14) : W. I, p. 1021 8. 27. GAL. In Hipp. Aph. 113 ; . 172, p. 4011(M7.

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l'autre à l'aide de la conjonction en effet, on n'aurait plus qu'un seul aphorisme (parfaitement) clair ; il se présenterait comme suit : "Les vieillards supportent le jeûne plus aisément, en deuxième lieu les hommes faits ; les adolescents le supportent moins bien ; les enfants le moins bien de tous ; en effet, les corps qui croissent ont le plus de chaleur innée...".»

Ainsi, les deux Galien tombent d'accord pour ajouter la conjonction γάρ au début de Γ Aphorisme I 24 (14), mais la proposition de former un seul aphorisme en réunissant les aphorismes 23 et 24 (13 et 14) ne figure que chez le Galien de Kühn.

Théophile, dont la paraphrase se retrouve en grande partie dans le commentaire de Stephanos, ignore Galien et sa conjecture28.

ΑΡΗ. Ι 37 (24)

Venons-en à ΓAphorisme I 37 (24) : «Dans les affections aiguës, user des évacuations rarement, et dans le début ; et le faire après un examen préalable scrupuleux (προεξευκρινήσαντας).»

Stephanos commente la phrase «le faire après l'examen préalable scrupuleux». «C'est-à-dire, écrit-il29, après avoir reconnu l'humeur qu'on doit évacuer, pour que nous puissions prescrire l'évacuant qu'il convient ; ou bien : après avoir préparé la matière (à évacuer), en l'ame­nuisant à l'aide de décoctions appropriées (δια των τοΰτο ποιησαι δυναμένων), comme Hippocrate le recommande plus bas (Aph. II 9) : "Quand on veut évacuer, il faut rendre le corps bien coulant". Bref, en résumant l'essentiel de l'aphorisme (συνελων... το του λόγου), on doit dire : "Dans les affections aiguës, il convient d'user rarement des éva­cuants, et dans le début, après un examen préalable".»

«Cependant, ajoute Stephanos30, Galien, arrivé à ce passage, affirme que, jamais, dans les maladies aiguës, il n'a pratiqué la purge, ce qui (le fait qu'il ne faut pas purger) n'a pas échappé non plus à Hippocrate (δπερ ουδέ τον Ίπποκράτην διέλαθεν είρηκότα), puisqu'il dit qu'il faut en user rarement dans ces maladies-là. Bien au contraire, dit Galien, dans les maladies de ce genre, j 'ai pratiqué la Phlebotomie, même si le corps avait besoin d'une purge, en cherchant ainsi à atteindre deux objectifs (τα δύο εντεύθεν πραγματευσάμενος) : évacuer la matière et apaiser la dyscrasie, en poussant la Phlebotomie jusqu'à l'évanouisse­ment. En effet, là (ένταΰθα), il est de mon pouvoir d'arrêter l'évacua­tion, quand je veux, ou de ne pas l'arrêter, ce qu'il est impossible de faire, en usant de purgatifs, car il n'est de mon pouvoir ni de provoquer l'évanouissement, ni d'arrêter facilement l'évacuation qui se prolonge.»

Ces confidences ou ces recommandations ne figurent pas dans le com­mentaire de Galien à VAphorisme I 24 que nous sommes en train d'exa-

28. Aph. I 13-14 : D. II, p. 2765-2775, et p. 278 7. 29. Aph. I 37 (24) : W. I, p. 1366"12. 30. Ibidem, p. 13613"21.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 17

miner. Peut-être faut-il nous reporter au commentaire à ΓAphorisme I 23, où Galien semble reconnaître, pour certaines maladies, quelques avan­tages à l'évacuation poussée jusqu'à l'évanouissement: «Je ne connais pas de meilleur remède, écrit-il31, dans des inflammations très impor­tantes et dans de très grandes douleurs, qu'une évacuation poussée jus­qu'à l'évanouissement, après avoir déterminé s'il faut recourir à la Phle­botomie ou à la purge, pour en arriver jusqu'à l'évanouissement, comme cela a été démontré dans les mémoires sur la Phlebotomie.»

Affirmation à laquelle le Galien cité par Stephanos, si toutefois notre interprétation est juste, semble s'opposer avec détermination : lui n'a jamais pratiqué la purge dans les maladies graves. Ne l'a-t-il pas prati­quée non plus dans des cas de graves inflammations et de douleur? Stephanos ne le dit pas.

Théophile32, quant à lui, ignore aussi bien Galien que les réserves rele­vées par Stephanos. Cependant, il ne semble pas écarter complètement la purge dans les maladies aiguës, à condition de se conformer aux recom­mandations d'Hippocrate : la faire après un examen préalable.

ΑΡΗ. II 1 ET 2

Les Aphorismes II 1 «Une maladie où le sommeil fait du mal est mor­telle ; si, au contraire, il soulage, cela n'est pas mortel» et II 2 «Quand le sommeil fait cesser le délire, c'est un bon signe» ne font qu'un seul dans le commentaire de Stephanos33. Il écrit34 : «Galien dit qu'il faut innover et introduire dans le texte la conjonction en effet, de manière à ce que l'ensemble des deux aphorismes (τον πάντα σκοπόν) présente la conti­nuité du sens que voici : "Une maladie où le sommeil fait du mal est mortelle ; si, au contraire, il soulage, cela n'est pas mortel. En effet, quand le sommeil fait cesser le délire, c'est un bon signe", (sentence) qui présente l'exemple d'un bon sommeil faisant cesser les symptômes....» Hippocrate, ajoute Stephanos35, ne fait l'état que de l'affection la plus significative (κατ'έξαίρετον), notamment celle du cerveau, pour en faire un «symbole du salut» (ώς αγαθόν σύμβολον σωτηρίας), mais toi, tu dois faire le même raisonnement pour la douleur et pour d'autres mala­dies.

31. GAL. In Hipp. Aph. I 24 (K. 172, p. 4466"10) : "Εν τε ταίς μεγίσταις φλεγμοναϊς καΐ ταίς ΐσχυροτάταις οδύναις ουδέν οΐδα μείζον βοήθημα τοΰ μέχρι λειποθυμίας έκκενώσαι, δι.ορισάμενος είτε φλεβοτομεϊν είτε καθαίρειν αχρι λειποθυμίας προσήκει, καθότι δεδήλωται έν τοις περί φλεβοτομίας ύπομνήμασιν.

32. Aph. 124: Ό. II, ρ. 29228-2934. 33. Aph. II 1 (1-2) : W. I, p. 138'-14410 et p. 14416"25. 34. Aph. II 1 (2) (W. I, p. 14416"21) : Καί φησιν ό Γαληνός, δτι δεί καινοτομησαι την

λέξιν καί τον "γαρ" καταθείναι σύνδεσμον, ώστε μίαν άπαρτίζεσθαι συνέχειαν τον πάντα σκοπόν περΛαμβάνουσαν, ώς ει ελεγεν οίίτως... όπερ παράδειγμα έστι του αγαθόν είναι τον τα συμπτώματα παύοντα υπνον.

35. Ibidem, p. 14421"25.

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Galien36, comme Stephanos, relie les deux aphorismes, mais il met γοΰν (certes) à la place de γάρ : « "Une maladie où le sommeil...etc. Certes, quand le sommeil fait cesser le délire, c'est un bon signe"...»

La différence entre les deux textes n'est pas grande, mais elle est significative de la minutie, pour ne pas dire de l'insignifiance, de l'exé­gèse qui s'exerce parfois sur le traité d'Hippocrate37.

Théophile38 ne fait aucune allusion au problème de la continuité des deux aphorismes, pas plus qu'à la conjonction γάρ ou γοΰν.

ΑΡΗ. II 9 (10)

À propos de VAphorisme II 9 (10) — «Plus vous nourrirez des corps qui ne sont pas purs, plus vous leur nuirez» —, Stephanos écrit39 : «Galien explique : il faut relier cet aphorisme-ci à celui énoncé un peu plus avant où il est dit (Aph. II 7 (8)) : "mais si cela arrive alors qu'il (c'est-à-dire l'homme relevant d'une maladie) ne prend pas de nourriture (et reste languissant), cela indique que son corps a besoin d'évacuation (κενώσεως τούτο δείται)"40. En effet, comme si quelqu'un demandait : pourquoi a-t-il besoin d'évacuation? Hippocrate ajoute (Aph. II 9 (10)) : "Plus vous nourrirez des corps qui ne sont pas purs, plus vous leur nui­rez", pour la bonne raison qu'ils prennent de la nourriture remplis qu'ils sont de mauvais chymes. Puis, après cet aphorisme-ci, il faut mettre celui qui est placé entre ces deux. En effet, interrogé encore : comment faut-il pratiquer la purge (καθάρσει χρήσασθαι) ? Hippocrate ajoute (Aph. II 8 (9)) : "Les corps, lorsqu'on veut les purger, il faut les rendre bien coulants".»

Galien, comme Stephanos, conteste l'ordre des aphorismes, vicié à son avis, et qu'il faudrait rétablir de la manière que voici : Aph. II 10, 8, 9 (9, 7, 8, chez Stephanos). Cependant, se conformant à l'ordre adopté par la plupart des manuscrits, il fait sienne leur interprétation41 .

Théophile42 reste silencieux sur le problème de l'ordre des aphorismes mis en cause par Galien et Stephanos.

36. GAL. In Hipp. Aph. II 2 ; . 172, p. 45637. 37. Stephanos cite Galien une deuxième fois à propos du même Aphorisme Π 1 (W. I,

p. 14218s ), mais, le texte étant, à ce qu'il semble, lacuneux, le sens m'échappe. 38. Aph. II2 ; D. II, p. 29629-2974. 39. Aph. II 9 (10) ; W. I, p. 156815. 40. Notre texte et traduction diffèrent de ceux de Littré. Voir l'ensemble de cet apho­

risme qui a posé quelques problèmes aux éditeurs et qui est longuement discuté par Littré. 41. GAL. In Hipp. Aph. II 8 (K. 172, p. 463,2-4645) : ..."ην δε μη λαμβάνοντος τοΰτο

γίγνηται, είδέναι οτι κενώσεως δείται"' και την γε τάξιν των έφεξης δυοίν αφορισμών πεπλημμελησθαι νομίζω κατά τα πλείστα τών άλλων αντιγράφων..., αλλ' ημείς τη κατά τά πλείστα τών αντιγράφων επόμενοι τάξει την έξήγησιν αυτών ούτω ποιησόμεθα.

42. Aph. II 8, 9, 10 : D. II, p. 300-302.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 19

ΑΡΗ. II 40 (41) Commentant43 Y Aphorisme II 40 (41) — «Ceux qui ont des

défaillances fréquentes et graves, sans cause manifeste, meurent subite­ment» —, Stephanos cite Galien à deux reprises. Une première fois, lors­qu'il rapporte les cas d'évanouissement qui ont une «cause apparente»44 : mauvais combustibles employés dans le bain, maladie utérine, faiblesse de l'estomac ; une deuxième fois, lorsqu'il rappelle les dissections effec­tuées par Galien sur des animaux qui lui ont permis d'expliquer la raison des évanouissements «sans cause apparente»45 : la présence dans les cavités du cœur d'une sorte d'enveloppe membraneuse remplie d'un liquide malodorant (έν τους κοιλίαις της καρδίας χιτώνα τίνα περικείμενον έχοντα πεπληρώμενον ύγροΰ δυσώδους). C'est ce liquide qui, par sa mauvaise qualité, corrompait et souillait, d'une manière permanente, le pneuma vital, en provoquant ainsi le phénomène d'évanouissement (πάθος της έκλύσεως). Cependant, dans ce dernier cas, il ne s'agit plus d'une référence au commentaire des Aphorismes, mais bien à celui du De locis affectis 46, sans que le titre en soit donné.

Quant à Théophile qui, cette fois cite nommément Galien47, il réunit incorrectement les deux cas.

ΑΡΗ. II 44 (45) Le long commentaire à VAphorisme II 44 (45)48 —«Chez les jeunes épi-

leptiques (των επιληπτικών τοΐσι νέοισιν), la guérison s'opère surtout par les changements d'âge (της ηλικίας), de lieu et de genre de vie» — aboutit à des considérations sur la contradiction entre l'expression et le sens que Stephanos croit découvrir dans l'aphorisme qu'il vient d'expliquer :

43. Aph. II40 (41) : W. I, p. 22214-22610 ; cf. REB 52, 1994, p. 63. 44. Aph. II40 (41) : W. I, p. 2247"19 ; cf. GAL. In Hipp. Aph. II41 : K. 172, p. 5401"13. 45. Aph. II 40 (41) : W. I, p. 22424s·, particulièrement 1. 32s. 46. De locis affectis V 2 : K. 8, p. 3033-3045. 47. Aph. II41 : D. II, p. 3327-3335 ; cf. REB 52, 1994, p. 42-43, n. 133. 48. Stephanos commence comme souvent par une définition de l'épilepsie ('Επιληψία

εστί σπασμώδης και άτακτος κίνησις τοΰ παντός σώματος μετά βλάβης τών ηγεμονικών ενεργειών) et continue avec l'exposé sur les affinités et les différences qu'elle présente avec l'apoplexie (Aph. II 44 (45) : W. I, p. 23426-2365 ; cf. GAL. In Hipp. Aph. II 45 : Κ. 172, p. 5488s) — Viennent ensuite quelques remarques sur les noms qu'on donne à l'épilepsie : παιδικόν, ιερά νόσος, 'Ηράκλεια νόσος (W. I, p. 2366"18), suivies d'un récit de l'entretien d'un médecin avec la mère d'un enfant malade pour déterminer les causes de sa maladie : hérédité ? incurable ; mauvaise qualité du lait maternel ? chan­ger de nourrice ; présence dans le cerveau du chyme glaireux ? prescrire des médicaments et nourritures qui le réduisent et réchauffent (κέχρημαι λεπτύνουσι βοηθήμασι και θερμαίνουσι και τροφαίς ωσαύτως). Rien de tout cela ne s'applique au malade? Que conseille, dans ce cas, l'art établi par Hippocrate ? Attendre l'âge de la maturité : chaud par son tempérament, il la guérit de la manière la plus sûre (ή κατά την άκμήν ηλικία θεραπεύσει... τί δε οΰτως θερμον τω οικείω καί έμφύτω θερμω ώς ή άκμαστική ηλικία;) (ibidem, p. 23619-2388). — Cependant, ni le passage à la maturité ni l'art médi­cal, avec ses remèdes et sa thérapie, ne seront efficaces, si le patient persiste à s'adonner à une vie indisciplinée et à la gloutonnerie (ibidem, p. 2389"23).

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20 WANDA WOLSKA-CONUS

«Il convient de constater, écrit-il49, que le caractère particulier de l'ex­pression littérale du texte semble contredire le sens entendu par Hippocrate (μάχεσθαι δοκει ή ποιότης της λέξεως τη διάνοια του Ιπποκράτους) qui, disons-le, se présente de la manière suivante: si quelqu'un souffre depuis l'enfance (εκ παίδων) de Γ epilepsie que l'art est impuissant à guérir, il convient d'attendre l'âge d'adolescence (την ήβητικήν ήλικίαν), pour que celui-ci, en raison de la chaleur de son tempérament, en devienne le médecin (ώς γενησομένης αυτής ίατροΰ). Tel est donc le sens ; cependant, il semble se trouver en contra­diction avec l'expression littérale du texte qui se présente de la manière que voici : les jeunes épileptiques (των επιληπτικών τοϊσι νέοισι), autrement dit ceux qui souffrent d'épilepsie dans leur jeune âge (εν ђ νέα ηλικία), en sont délivrés à l'âge de la jeunesse, c'est-à-dire à l'âge de l'adolescence (ή νέα ηλικία απαλλάσσει, ήγουν ή ήβική). En effet, il est permis de penser que l'âge de jeunesse et l'âge d'adolescence dési­gnent la même chose (ταύτον νοήσαι νέαν καί ήβικήν ήλικίαν), de sorte que, partant de là, ce qui est dit n'est qu'une absurdité (άδιανόητον εΤναι το λεγόμενον). En effet50, si dans le même âge qu'arrive la maladie — il est dit les "jeunes" — arrive aussi dans le même âge, j'entends l'âge d'adolescence, la guérison, comment le mot "changement" peut-il s'accorder avec ce qui est dit, puisqu'on suppose que l'âge reste le même ?»

«C'est pour cette raison que Galien, arrivé à ce passage51, dit qu'il faut sous-entendre le mot : aux enfants ; s'il arrive (aux enfants) de souf­frir d'épilepsie, le passage à l'adolescence, autrement dit à l'âge de jeu­nesse, la fait cesser.»

«À moins qu'on puisse l'expliquer d'une autre manière également52, en partant de ce que dit Hippocrate lui-même53 : il faut bien savoir que ce qui

49. Ibidem, p. 23824"31. 50. Ibidem, p. 23831"33 : Έάν γαρ έν τη αυτί) ηλικία γένηται το πάθος, δια το

ειπείν "τοίσι νέοισι", καί πάλιν ή αύτη παύει αυτό, φημι δη ή ήβική, πώς συμβαίη τοίς λεγομένοις το "αί μεταβολαί", της ηλικίας της αύτης ύποτεθείσης;

51. Ibidem, ρ. 23834"35 : Διό ενταύθα γενόμενος ό Γαληνός, Δει, φησί, προσυπακούειν το παιδίοισιν ει επιληψία γένηται, ταύτην ή κατά την ήβην, ήτοι νέαν ήλικίαν, μεταβολή παύει.

52. Ibidem, p. 23836-2404 : Μήποτε δε καί άλλως εστίν έρμηνεΰσαι έκ των Ίπποκράτει είρημένων. Ίστέον τοίνυν οτι το έν μήτρα δημιουργούμενον "κύημα" καί "εμβρυον" κυρίως λέγεται, το δέ άποτεχθέν "παιδίον" όνομάζουσιν εστί δ'οτε καταχρώμενος τοις όνόμασιν ό 'Ιπποκράτης και το ετι κυοφορούμενον "παιδίον" ονομάζει, ώς δήλοι ή επιγραφή του Περί παιδιού φύσεως συγγράμματος. Έκεΐσε γαρ προθέμενος την έκ της μήτρας γινομένην δημιουργίαν του εμβρύου διεξελθείν ού Περί κυήματος φύσεως ή εμβρύου, άλλα Περί παιδιού φύσεως το βιβλίον έπέγραψε. Μήποτε οδν καί ένταΰθα κατεχρήσατο το ονόματι, νέαν ήλικίαν ού την άκμαστικήν κυρίως καλέσας, άλλα τήν μειρακιώδη, ώς είναι τοιούτον το λεγόμενον "Οσοις έν τη νέα ηλικία, τουτέστι μειρακιώδει, γένηται επιληψία, ούτοι εις άκμαστικήν ήλικίαν έλθόντες θεραπεύονται.

53. Il s'agit sans doute du principe «expliquer Hippocrate d'après Hippocrate», mis en œuvre, selon Stephanos, par Asclèpios dans son commentaire aux Aphorismes ; cf. REB 54, 1996, p. 38-41.

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est en train de se former dans la matrice est dit, au sens propre du mot, fœtus ou embryon, alors que ce qui est né, les gens l'appellent enfant. Et bien, il arrive qu'Hippocrate, employant les mots d'une manière abusive54, appelle "enfant" ce qui est encore foetus, comme le prouve le titre du traité Sur la nature de l'enfant. Là, en effet, s'étant proposé de traiter de la for­mation de l'embryon dans la matrice, il a intitulé l'ouvrage non pas Sur la nature du foetus ou de l'embryon, mais bien Sur la nature de l'enfant. À moins (d'admettre) qu'ici également il a abusé du terme, ayant appelé "jeune âge" non pas l'âge de maturité pris dans le sens propre du mot, mais l'âge d'adolescence, de sorte que l'on aboutit au sens que voici : ceux qui dans le jeune âge, c'est-à-dire à l'âge d'adolescence, souffrent d'épi-lepsie, arrivés à l'âge de la maturité en sont guéris.»

La contradiction entre l'expression et le sens qui préoccupe Stephanos n'éveille pas de soupçons chez Galien. L'explication que lui attribue Stephanos ne figure pas dans le commentaire que nous lisons55.

Il en va de même pour Théophile56.

APH. Ill 13 (12 )

U Aphorisme III 13 (12) — «Si l'hiver est sous le régime du vent du sud..., les femmes dont le terme des couches est au printemps font des fausses couches...» — a été examiné dans le chapitre consacré à Asclèpios et aux exégètes57. Les calculs astronomiques, qui y sont attri­bués à Galien, ne figurent pas dans son commentaire.

ΑΡΗ. ΠΙ 20 (17) Commentant Y Aphorisme III 20 (17), qui traite des maladies causées

par le vent du sud, Stephanos s'arrête sur le terme «vertige» (ίλιγγοι58). «Il faut savoir, écrit-il59 que les vertiges se produisent de la façon que voici : les vents du sud rendent les corps humides ; cette humidité donc

54. Particularité du langage d'Hippocrate, souvent relevée par Stephanos ; cf. REB 50, 1992, p. 82-83.

55. GAL. In Hipp. Aph. II45, loc. cit. à la n. 48. 56. Aph. II 45 : D. II, p. 33629-3384. 57. REB, 54, 1996, p. 29-30 et p. 79. 58. "Ιλιγγος est une forme plus récente de ϊλιγξ, également employée par Stephanos. 59. Aph. III 20 (17) (W. II, p. 12225-1246) : Δεί είδέναι ό'τι Ίλιγγες γίνονται τρόπω

τοιούτω, οτε οί νότοι ύγραίνουσι τα σώματα- αϋτη οςν ή ύγρότης άτμοειδώς φέρεται επί τήν κεφαλήν καΐ συναναπλέκεται τώ ψυχικώ πνεύματι και άμαυροϊ αυτό και μολύνει και παχύνει. Τοΰτο οδν το ψυχικον πνεύμα μή δυνάμενον εύθυπορήσαι δια τήν παχύτητα, επειδή έξέστη του κατά φύσιν, λοιπόν περιφέρεται και περιειλίσσεται και ποιεί τους ιλίγγους. Τούτους δε τους ιλίγγους καί έκτος θεωροϋμεν εντός γαρ γινομένου του πάθους φέρεται δια των οφθαλμών, καί έκτος όρώμεν τήν ΐλιγγα. Ταύτην δε τήν ΐλιγγα ό Γαληνός δι'εύφράδειαν σκοτόδινον καλεί, επειδή εύαρμόστως ονομάζεται σκοτόδινος- το δε άληθεστερον ειπείν δινόσκοτος θέλει όνομάζεσθαι, προτερον γαρ έπεται ή δίνωσις καί οϋτως το σκότος.

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monte, sous forme de vapeurs, vers la tête et se mélange avec le pneuma psychique; elle l'obscurcit, le contamine et l'épaissit. Ce pneuma psy­chique, puisqu'il ne peut plus avancer en ligne droite en raison de son épaisseur, écarté qu'il est de son (état) naturel, tourne tout autour, s'en­roule et provoque des vertiges. Ces vertiges, nous les voyons (se mani­fester) à l'extérieur ; en effet, bien que l'affection se situe à l'intérieur, en débordant, à travers les yeux, à l'extérieur, elle nous fait voir le vertige. Ce vertige, continue Stephanos, Galien, pour rendre sa phrase plus belle, l'appelle "ténèbres vibrantes" (σκοτόδινος), puisque le mot "ténèbres vibrantes" sonne harmonieusement. Il serait pourtant plus juste de l'ap­peler "vibrations ténébreuses" (δινόσκοτος), parce que c'est la vibration qui se produit la première, ensuite viennent les ténèbres.»

Quant à Galien, il définit bien, dans le passage correspondant à Y Aphorisme III 17, le vertige comme «ténèbres vibrantes». Il écrit60 : «Que faut-il dire au sujet des vertiges? Ils sont tout proches de l'épilep-sie et de l'apoplexie. En effet, le vertige ce sont les ténèbres vibrantes (σκοτοδινία), qui se produisent lorsque l'humide mélangé au pneuma épais s'agite dans la tête.»

Ainsi, le Galien du commentaire que nous lisons aussi bien que le Galien cité par Stephanos emploient bel et bien, l'un comme l'autre, le même terme : σκοτόδινος, que Stephanos conteste, lui préférant celui de δινόσκοτος. Le fait-il de sa propre initiative ? La réponse se trouve, à ce qu'il semble, dans le commentaire à Y Aphorisme IV 17.

En effet, Stephanos y revient sur le problème des vertiges61, bien que le mot ' ίλιγγος ne soit pas mentionné dans le lemme de cet aphorisme (IV 17) qui traite des symptômes indiquant qu'une purge «par le haut» est nécessaire et qui nomme, entre autres malaises, celui de σκοτόδινος (traduit par Littré : «vertiges ténébreux»).

Mais, cette fois, il ne s'agit plus des malaises qu'apportent les vents du sud ; ce sont les méfaits de la bile qui, après avoir causé des ravages dans l'estomac, l'œsophage, le pharynx et la cavité buccale, monte sous forme de vapeurs vers le cerveau. Mélangées au pneuma psychique qu'elles souillent, ces vapeurs l'empêchent de fonctionner correctement et provoquent sa vibration (δίνησις). Si ces vibrations se portent sur les nerfs optiques et bloquent le passage (du pneuma), elles causent les «ténèbres vibrantes» (σκοτόδινος), que Galien appelle, dit Stephanos, «vibrations ténébreuses» (δινόσκοτος), car c'est la vibration qui se manifeste la première et ensuite les ténèbres.

Le Galien du commentaire à Y Aphorisme III 20 (17) qui a employé le mot σκοτόδινος serait-il différent du Galien du commentaire à Y Aphorisme TV 17 qui emploie le terme de δινόσκοτος ?

En tous cas, le Galien dont nous lisons le commentaire dit, dans les deux cas, σκοτόδινος — «ténèbres vibrantes». En effet, dans l'un

60. GAL. In Hipp. Aph. III 17 : K. 172, p. 6112"6. 61. Aph. IV 17 : W. II, p. 25619"29.

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comme l'autre cas, il s'agit d'un vertige. Galien explique62 que le σκοτόδινος se produit, lorsque, à la fois, les objets qu'on voit (τα βλεπόμενα) semblent se mettre à vibrer et que, la sensation visuelle s'éclipsant (η τε δια της όψεως α'ισθησις εξαίφνης άπολεΐται), les ténèbres se répandent tout autour. Pour Galien, comme pour Stephanos, ce sont les mauvais chymes, la bile principalement, qui sont responsables de ce phénomène.

Stephanos, on l'a vu, préfère le mot δινόσκοτος retenu dans le com­mentaire à Y Aphorisme IV 17 qui n'est pas celui du Galien auteur du commentaire, qui emploie avec constance le terme de σκοτόδινος. Il existe donc deux Galien, dont un Pseudo-Galien qui hante les pages du commentaire de Stephanos.

La référence, dans le commentaire à Y Aphorisme III 20 (17), à Galien — authentique — est embarrassante, car, dans notre hypothèse, Stephanos ne recourt pas directement à l'original de Galien. Mais peut-être a-t-il déjà trouvé cette référence dans le texte de son Pseudo-Galien ? Peut-être Γ a-t-il connue par l'intermédiaire d'une autre source ? Par ouï-dire ? Difficulté qui reste pour l'instant (et pour toujours ?) sans réponse.

Stephanos ajoute63 que les anciens n'employaient pas le terme δινόσκοτος, parce que le mot sonne mal (δια το κακόφωνον), lui pré­férant celui de σκοτόδινος. Et puisque Galien, dans son commentaire, dans les deux cas examinés ici, dit σκοτόδινος, il faut supposer que, cette fois encore, Stephanos se réfère à un autre (un Pseudo-) Galien qui se serait opposé à l'interprétation des anciens. Entre la cacophonie et la justesse de l'expression, il aurait choisi cette dernière, du moins dans le cas de Y Aphorisme IV 17.

S'opposer aux anciens, c'est là, comme on l'a vu64, la manière de faire du Nouvel Exégète (ό Νεώτερος), entre autres s'opposer aussi, si l'oc­casion s'y prête, au Galien authentique. Remarquons, à ce propos, que le mot δινόσκοτος ne figure pas dans les dictionnaires courants. Ce serait donc l'innovation d'un Galien ? D'un Nouveau Galien65 ?

Quant à Théophile66, dont le texte se retrouve en grande partie dans le commentaire de Stephanos, il n'aborde même pas le problème du sens à donner à ces deux mots : σκοτόδινος — δινόσκοτος.

62. GAL. In Hipp. Aph. IV 17 : . 172, p. 67746. 63. Aph. IV 17 : W. II, p. 25629"32. 64. Voir plus haut, p. 7-8, avec les notes correspondantes. 65. Stephanos ou, plutôt, le Pseudo-Galien (? le Nouvel Exégète) est mauvais philo­

logue. Comme me l'a fait remarquer Denise Papachryssanthou, dans la composition des mots de la langue grecque, ancienne ou moderne, c'est le deuxième mot (ici ôivoç) qui, en règle générale, porte le sens principal, le premier étant une sorte de complément cir­constanciel ; ici, c'est ôivoç le mot clé, parce que c'est le vertige qui apporte les ténèbres, et non pas les ténèbres qui apportent le vertige.

66. Aph. IV 17 : D. II, p. 3958"22. Voir aussi Aph. III 17 : D. II, p. 3661928 ; la citation littérale (lignes 28-33) de Galien n'est, à mon avis, qu'une addition ultérieure (GAL. In Hipp. Aph. III 17 : K. 172, p. 6111215).

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ΑΡΗ. 11121(18)

Dans le commentaire à Γ Aphorisme III 21 (18) examiné dans l'article déjà mentionné et consacré à Asclèpios et aux exégètes67, nous avons relevé le glissement de sens qui s'est produit dans l'expression άκρου του θέρεος, désignant pour le Galien cité par Stephanos «fin du prin­temps» (πέρας του έαρος), et «début de l'été» (αρχή του θέρεος) pour le Galien auteur du commentaire.

ΑΡΗ. Ill 24 (21) Aphorisme ΙΠ 24 (21) : «En été régnent quelques-unes des maladies

précédentes, et de plus des fièvres continues (ξυνεχέες), des causus (καύσοι), beaucoup de fièvres tierces, des vomissements...»

Stephanos commence68 par distinguer entre les maladies qui présen­tent et celles qui ne présentent pas de parenté avec l'été (νοσήματα συγγενή et ετερογενή). Il donne ensuite quelques indications sur la manière de les soigner (il s'agit surtout de toutes sortes d'écoulement du sang : ή του αίματος ρύσις), par la Phlebotomie ou par les bains (avec une référence aux ΕίσαγωγαΡ9), selon qu'elles sont dues à la pléthore de sang (maladies non-apparentées : Phlebotomie) ou à la bile (maladies apparentées : bains) et qu'elles se manifestent au début (phlébotomie) ou en plein été (bains).

Reprenant le lemme, Stephanos continue70 : «"και πυρετοί συνεχείς" : arrivé à ce passage, Galien explique que les συνεχείς πυρετοί signifient καΰσοι ; Hippocrate a mis συνεχείς πυρετοί à la place de καύσοι πυρετοί, puisque ces derniers possèdent des affinités avec l'été, cette matière —j'entends la bile — faisant son apparition en été71.»

Si l'on se reporte au commentaire de Galien, on n'y découvre rien sur la substitution, opérée par Hippocrate, des termes συνεχείς πυρετοί à καύσοι πυρετοί. Galien n'écrit que ceci72 : «Certaines maladies de

67. REB 54, 1996, p. 16-19. 68. Aph. III 24 (21) : W. II, p. 140n-1424. 69. Ad Glauconem I 15 : K. 11, p. 5218-533 ; cf. D. I, 32515"20. 70. Aph. III 24 (21) (W. II, p. 1425"8) ; Ένταϋθα γενόμενος ό Γαληνός συνεχείς

πυρετούς τους καύσους έζηγήσατο, οτι τους συνεχείς πυρετούς αντί των καύσων πυρετών τέθεικεν ò 'Ιπποκράτης, ο'ιτινες συγγενείς είσιν τώ θέρει, επειδή ή τοιαύτη ΰλη έν το θέρει γεννάται, λέγω δη ή χολή.

71. Ici, Stephanos intercale un développement qu'il attribue aux exégètes dits έτεροι (ibidem, p. 1428"13) : 'Έτεροι δε αλλην λέγουσιν έζήγησιν, οτι τα νΰν λεγόμενα ύπο του 'Ιπποκράτους <...> ο'ι'τινες ετερογενείς είσιν, οι γαρ σύνοχοι επί πληθώρα αιματική γίνονται. Πας γαρ σύνοχος πάντως καΐ συνεχής, ού πας δέ συνεχής πάντως και σύνοχος· άλλα συνεχής έστιν και ό τριταίος και ό τεταρταίος και ό άμφημερινος ό μή εις ήμιπυρεξίαν λήγων και διάλειμμα, άλλ'άεί παροξύνων οδτοι λέγονται συνεχείς πυρετοί. Ajoutons que ces exégètes qui chicanent sur les termes σύνοχοι et συνεχείς n'interviennent ni dans le commentaire de Galien, ni dans celui de Théophile.

72. GAL. In Hipp. Aph. III21 : K. 172, p. 619512.

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celles (qui arrivent) pendant le printemps surviennent aussi pendant l'été, notamment à ses débuts ; ceux-ci, puisqu'ils touchent à la fin du prin­temps, lui ressemblent par leur tempérament (κρασις) aussi bien que par les maladies qu'ils font apparaître. Mais, ajoute Galien, il en survient d'autres aussi, propres (ι'διοι) à l'été, les fièvres continues (πυρετούς συνεχείς), les causus, les fièvres tierces, bref les maladies qu'il arrive au corps de subir en raison de la bile jaune...»

Le Galien du commentaire, qui ne dit rien sur la substitution de συνεχείς πυρετοί à καύσοι πυρετοί, n'est donc pas le Galien cité par Stephanos ?

Quant à Théophile, son texte, du moins dans ses débuts, est assez proche de celui de Stephanos : «Ici (ένταΰθα), écrit Théophile73, Hippo-crate énumère les maladies apparentées et étrangères (συγγενή καΐ τα αλλότρια) qui arrivent pendant l'été, comme cela se passe aussi pendant le printemps ; en premier lieu donc, il commence par les maladies qui n'ont pas d'affinité (avec l'été : ετερογενών), disant : "En été quelques-unes des maladies précédentes", autrement dit : quelques-unes des mala­dies qui arrivent au printemps, arrivent aussi pendant l'été, plus exacte­ment à ses débuts, les écoulements du sang et les fièvres continues (συνεχείς), en raison de la surabondance du sang (δια το πλεονάζειν άκμήν το αίμα), mais aussi les causus, et ainsi de suite, maladies qui sont propres (Υδια) à l'été, parce que c'est le chyme de la bile jaune qui abonde.»

Ainsi Théophile attribue les fièvres continues (συνεχείς) qui, selon lui, n'ont pas d'affinité avec l'été, à la surabondance du sang, ce qui est contesté par le Galien cité par Stephanos, qui propose d'entendre par πυρετοί συνεχείς les καύσοι (fièvres ardentes) apparentés en été, pro­voqués qu'ils sont par la bile jaune, chyme caractéristique de l'été.

S'agit-il là, encore, de l'opposition entre Asclèpios (Théophile) et le (Pseudo-) Galien ?

ΑΡΗ. ΠΙ 30 (27)

L'Aphorisme III 30 (27) : «À un âge encore plus avancé et à l'ap­proche de la puberté, beaucoup de maladies précédentes, de plus des fièvres longues et des épistaxis.»

Stephanos écrit74 : «Ils souffrent de "fièvres qui traînent" (γίνονται αύτοϊς και πυρετοί χρόνιοι), parce que la matière qui est à la base est épaisse (επειδή υλη υπόκειται παχεΐα). Réfléchissons : ils souffrent des mêmes fièvres (que les enfants plus jeunes), mais ces fièvres devien­nent longues, parce que la matière qui est à la base est épaisse.»

C'est là l'explication courante : ce sont les matières épaisses et gluantes qui amènent des fièvres de longue durée. Alors intervient l'in-

73. Aph. III 21 : D. II, p. 37012"20. La suite du texte (1. 21-30) se présente comme une transcription littérale du commentaire de Galien (K. 172, p. 6199"14 ; p. 6202"4, 15-6213).

74. Aph. III 30 (27) : W. II, p. 1801214.

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terprétation du cas particulier des fièvres qui frappent les enfants appro­chant de la puberté. «Cependant, écrit Séphanos75, les facultés (δυνάμεις) se renforcent elles aussi avec la puberté (επί αυτών). En effet, Galien met en parallèle la durée et la violence des maladies avec la faculté (de résistance des malades) (το μακροχρόνιον και οξύ των νοσημάτων τη δυνάμει παραμετρεΐ). Les fièvres deviennent donc longues chez les adolescents — ce qui est naturel —, parce que leurs facultés, qui doivent s'adapter à la maladie et s'étendre sur la même durée qu'elle, se renforcent elles aussi. En effet, si la faculté est faible, même dans le cas où la matière est épaisse, la maladie devient aiguë ; la mort arrive la première ; la maladie n'est plus longue mais aiguë.»

Voici d'autre part l'explication qu'on lit dans le commentaire de Galien76 : «Ces enfants (παίδες) souffrent de plusieurs maladies de celles qui frappent les enfants dont on vient de parler (dans l'aphorisme précédent), parce qu'ils sont de tempérament semblable (τ?) της κράσεως όμοιότητι). Cependant, leurs fièvres sont plus longues que celles des enfants ci-dessus mentionnés. Certes, Hippocrate n'a rien dit au sujet des fièvres qui prédominent à cet âge-là, mais ses déclarations présentes indiquent avec évidence que ces fièvres deviennent aiguës. En effet, les états de santé (διαθέσεις) des enfants évoluent très rapidement en raison de l'humidité de leur corps et de la faiblesse de leur faculté naturelle (δια την ύγρότητα του σώματος και την της φυσικής δυνάμεως άρρωστίαν).»

On le voit : alors que, selon le Galien cité par Stephanos, c'est le ren­forcement des facultés qui explique la longue durée des fièvres chez les adolescents, le Galien auteur du commentaire invoque au contraire leur faiblesse, qui fait que les fièvres deviennent rapidement aiguës. Il avoue en même temps ignorer le genre des fièvres entendues ici par Hippocrate ; le Galien cité par Stephanos (le Pseudo-Galien) déclare pour sa part avec assurance : une fièvre déclenchée par des matières gluantes et épaisses.

Théophile, quant à lui, sans passer par l'intermédiaire de Galien, rap­porte l'opinion identique à celle de Stephanos. Rappelant que plusieurs maladies propres aux tout jeunes enfants frappent aussi leurs aînés, Théophile précise77 : «(cela arrive), parce que chez eux également on trouve à la base la même matière, à cette différence près qu'elle est plus épaisse et que les fièvres sont de longue durée, parce qu'à la base il y a une matière épaisse et parce que les facultés sont solides (αϊ δυνάμεις έρρωμέναι), ces facultés qui doivent s'adapter à la longue durée de la maladie (αί όφείλουσαι συμπαραμαρτησαι τω μήκει τοΰ νοσήματος).»

Théophile et Stephanos s'accordent cette fois, à ce qu'il semble, avec le Pseudo-Galien. Car, si les idées de Théophile, porte-parole

75. Ibidem, p. 1801420. 76. GAL. In Hipp. Aph. III, 27 : Κ. 172, p. 637l4-6388. 77. Aph. III 27 : D. II, p. 37810"14.

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d'Asclèpios, diffèrent souvent de celles du Galien cité par Stephanos, il peut arriver aussi que les deux commentateurs tombent d'accord sur tel ou tel sujet.

APH. IV 21

Commentant Y Aphorisme IV 21 — «Des selles noires comme du sang qui viennent spontanément... sont très fâcheuses... , avec un purgatif, cela est meilleur» —, Stephanos précise78 qu'il s'agit ici de l'évacuation spontanée (αυτόματος, par opposition à l'évacuation artificielle, τεχνική, dont il a été question jusque-là79). Cette évacuation spontanée est double ; elle se fait soit selon les lois de la nature (νόμω φυσικω), soit par la violence du symptôme (βία συμπτώματος). C'est cette der­nière, selon Stephanos, qui fait l'objet de l'aphorisme qu'il est en train de commenter.

Stephanos commence par un long exposé sur les selles noires, en trois points80 (τρία τινά δεί ημάς ζητησαι : modes d'évacuation, orgines, différences), suivi81 d'une reprise du lemme et d'une paraphrase explica­tive (έννοια του αφορισμού).

Après ceci, Stephanos écrit82 : «Et voilà ce qu'en dit Hippocrate. Quant à Galien, arrivé à ce passage, il dit, dans son commentaire, qu'une définition complémentaire est nécessaire (δτι προσδιορισμού χρεία) ; certes, il est vrai que l'évacuation des selles noires après l'administration d'un purgatif est une bonne chose. En effet, de quoi s'agit-il? — du fait que les mauvais chymes ont été évacués —; si, cependant, les selles noires s'évacuent spontanément, sans prise d'un médicament, cela ne signifie pas nécessairement quelque chose de funeste.»

Suit une longue explication83 : «Nous avons appris84 en effet que l'évacuation spontanée est double ; l'une se fait d'une manière naturelle, l'autre par la violence du symptôme.» La première, loin d'être dange­reuse, est même bénéfique, lorsqu'elle se produit au moment critique de la maladie (εν ђ άκμη), au moment où apparaissent les signes d'une digestion bien faite ; la deuxième, faite par la violence du symptôme, avant que n'apparaissent les signes d'une digestion accomplie, est funeste.

Ainsi, pour Galien, il s'agit de l'évacuation faite selon la loi de la nature qui est bénéfique, si elle se fait à un moment propice. Et c'est ce que devrait faire connaître le prosdiorismos souhaité par Galien.

78. Aph. IV 21 : W. II, p. 26217. 79. Tous les aphorismes qui précèdent traitent des purges par le haut et par le bas, à

l'aide des médicaments, de l'ellébore principalement. 80. Aph. IV 21 : W. II, p. 2627-26613. 81./toem,p.26614-2684. 82. Ibidem, p. 2685 n . 83. Ibidem, p. 2681118. 84. Aph. I 3 (2) : W. I, p. 5433-564.

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Stephanos continue85 : «Et voici ce qu'en dit Galien. Cependant il y a des gens qui objectent (τινές δε λέγουσιν) : Galien a bien raison ; tout ce qu'il dit est vrai, sauf qu'on peut démontrer qu'Hippocrate n'ignorait pas cette définition complémentaire, mais qu'en raison de sa brachylogie, il n'en a pas fait mention ; cependant, on peut montrer d'après le texte même qu'il connaît cette définition complémentaire..., puisqu'il dit "les selles noires comme du sang qui viennent spontané­ment" (άπο ταύτομάτου ιόντα) ; par le fait d'avoir dit "qui viennent", Hippocrate a montré qu'il traite non pas de l'évacuation des selles noires selon la loi de la nature, mais bien de l'évacuation qui se fait par la vio­lence du symptôme. Si, en effet, cette évacuation se faisait conformé­ment à la loi de la nature, elle se ferait peut-être d'un seul coup, à deux ou trois reprises, et après cela, (les mauvaises humeurs) une fois chas­sées, le bien-être succéderait (επί τούτω άπαλλάττονται ευφορίας διαδεχόμενης86). Au contraire, l'évacuation des selles noires qui se pro­duit par la violence du symptôme est persistante ; en effet, les mots "qui viennent" indiquent la persistance de l'évacuation des selles noires (την έπιμονήν ενδείκνυται).»

Ainsi, pour le Galien cité par Stephanos, il s'agit, dans ΓAphorisme IV 21, de l'évacuation spontanée νόμω φύσεως, alors que, pour les τινές qui rectifient l'opinion de Galien (cité par Stephanos), il s'agit d'une évacuation spontanée βία συμπτώματος.

Cependant, dans les deux cas, il semble bien que les points de départ des développements du Pseudo-Galien aussi bien que de ceux des tines se trouvent dans le commentaire de Galien. On y lit87, d'une part, que les selles noires qui viennent au début de la maladie ne présagent rien de bon ; par contre, venues au moment critique de la maladie, elles indiquent que la physis a éliminé les résidus nuisibles. Hippocrate, il est vrai, ne le dit pas clairement, mais il en donne l'exemple dans ΓAphorisme qui suit (IV 22). D'autre part, Galien explique88 que les mots «qui viennent» indiquent la

85. Aph. IV 21 : W. II, p. 26819"32. 86. L. G. WESTERINK (ibidem, p. 269) traduit : «... after which (the patients) have got rid

of (the matter), and a state of euphoria follows.» Notre traduction se réfère au texte de Stephanos (ibidem, p. 2682"4) : Έαν γαρ ό εΤς χυμός κενούμενος αγαθόν έστιν, επειδή άπήλλακται της ένοχλούσης κακοχυμίας, πολλώ μάλλον έπί τη κενώσει τών διαφόρων χυμών άπαλλάττεται το σώμα τών διαφόρων κακοχυμιών, και αγαθόν έστιν.

87. GAL. In Hipp. Aph. IV 21 ( . 172, p. 6831014s ) : Διό και κατ'άρχάς μέν ουδέποτε έπ'άγαθώ φαίνεται τοιαύτα, μεγάλην κάκωσιν ένδεικνύμενα του σπλάγχνου, ταϊς δ'άκμαΐς έπεται πολλάκις έκκαθαιρούσης τα περιττά της φύσεως, où μην προσέθηκέ γε αυτό κατά τον άφορισμον ό 'Ιπποκράτης, καίτοι γε άλλοθι μέν ειπών καθόλου τα κρίσιμα μη αύτίκα έπιφαίνεσθαι...

88. Ibidem, p. 68418s· : Μη τι τοίνυν έδοζεν αύτάρκως δεδηλωκέναι την έαυτοΰ γνώμην "ιόντα" φάμενος. 'Ενδείκνυται γαρ τοΰτο τοΰνομα χρόνου μήκος, ώς ήτοι δι'δλου τοϋ νοσήματος ή κατά πολύν χρόνον αύτοΰ, ιόντων τοιούτων ύποχωρημάτων. Εί γαρ ενα τινά καιρόν έβούλετο δηλώσαι, πάντως άν ή έπιφανέντα ή έλθόντα εΐπεν, ούκ "άπο ταύτομάτου ιόντα"· τουτί γαρ το "ιόντα" τώ ερχόμενα ταύτόν, ού τω έλθόντα δηλοί.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 29

durée, à savoir que les selles de ce genre viennent soit tout au long de la maladie, soit pendant sa plus grande partie. Si Hippocrate voulait indiquer un temps quelconque, il aurait dit qui sont apparues brusquement ou sur­venues et non pas «qui viennent spontanément». En effet, «qui viennent» veut dire qui surviennent et non pas qui sont survenues.

Ainsi, il semble que le Pseudo-Galien aussi bien que les tines n'inter­prètent plus Hippocrate, mais Galien, en en extrayant, le premier comme les deuxièmes, ce qui leur convient.

Serait-on donc, ici encore, en présence de la controverse entre le Pseudo-Galien et les tines, les porte-parole d'Asclèpios ? Cette hypo­thèse est confirmée, à notre avis, par ce qu'on lit dans le commentaire de Théophile, celui-là même qui nous transmet, répétons-le, l'œuvre de l'Exégète Asclèpios : après avoir rappelé, comme Stephanos, qu'il existe deux genres d'évacuation spontanée, Théophile écrit89 : «Ici Hippocrate discourt au sujet de l'évacuation qui s'accomplit par la violence du symptôme...» Dans un bref développement, où l'on reconnaît quelques éléments qui apparaissent aussi dans le commentaire de Stephanos, Théophile explique le phénomène des selles noires, pour conclure finale­ment90 : «... (l'évacuation) qui se fait avec l'aide du médicament est plu­tôt bonne, celle qui se fait spontanément est plutôt mauvaise, étant donné que les selles s'éliminent en tant que symptôme (λόγω συμπτώματος)...» Et Théophile de régler péremptoirement la contro­verse entre le Pseudo-Galien et les tines (Asclèpios). «Et si quelqu'un demandait, écrit-il91, d'où l'on sait qu'Hippocrate parle ici d'une évacua­tion spontanée faite par la violence du symptôme, nous disons : du fait d'avoir dit "qui viennent". Ce terme (όνομα) indique en effet la durée du temps (μήκος χρόνου) ; l'évacuation qui se fait par la loi de la nature chasse les chymes en peu de temps (εν όλίγω χρόνω τήν άπάλλαξιν των χυμών ποιείται).»

ΑΡΗ. Γ / 30

L'Aphorisme IV 30 — «Dans les maladies à paroxysme, si le paroxysme, ayant cessé à une certaine heure, reprend le lendemain à la même heure, la solution est difficile» — est sémiotique, selon Stephanos ; plein d' obscurité, il est rejeté par plusieurs exégètes. Aussi Galien, nous dit Stephanos, propose d'ajouter un complément (προσθήκην) — à savoir le mot ου ζητώ —, une proposition qui ne se retrouve cependant pas dans le commentaire de Galien.

Théophile, quant à lui, sans la moindre allusion à un Galien quel­conque, reprend l'opinion du Galien du commentaire, et non pas celle du Galien cité par Stephanos92.

89. Aph. IV 21 : D. II, p. 39713I5s. 90. Ibidem, p. 398,911. 91. Ibidem, p. 3981419. 92. Cet aphorisme a été longuement discuté dans la REB 54, 1996, p. 62.

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30 WANDA WOLSKA-CONUS

ΑΡΗ. IV 34 (36) Dans le commentaire à l'Aphorisme IV 34 (36)93 qui traite des sueurs

dans les fièvres — pour être bénéfiques, elles doivent se produire cer­tains jours, le troisième, le cinquième, le neuvième etc. — une aporie surgit94 : «Pourquoi Hippocrate, ayant mentionné le troisième, le cin­quième et d'autres jours qui viennent après, a-t-il omis le quatrième jour, bien qu'il soit, lui aussi, critique ?»

Stephanos propose alors deux solutions ; la première se réclame de l'autorité de Galien ; la deuxième, qualifiée de «autre raison» (έτέραν αιτίαν), est opposée explicitement à celle de Galien. Toutes les deux se retrouvent cependant dans le commentaire de Galien.

1) Stephanos écrit95 : «Galien, arrivé à ce passage, propose dans son commentaire une explication toute faite (πρόχειρον) ; autrement dit, il en donne la raison que voici : je crois, dit-il, qu'une erreur de transcrip­tion s'est produite (έγω οΤμαι καλλιγραφικον γέγονεν σφάλμα) ; il est en effet possible, comme cela arrive souvent, que celui qui a transcrit le premier le présent ouvrage, ayant trouvé plusieurs jours impairs, le troi­sième, le septième et le neuvième, et un seul jour pair, le quatrième, intercalé au milieu, a eu le soupçon que ce quatrième jour n'était pas à sa place, et c'est pour cela qu'il l'a écarté, ce quatrième jour.»

Regardons maintenant le commentaire de Galien96. Après un rappel des nombreux travaux qu'il a consacrés au sujet des jours critiques, Galien s'arrête au problème du «quatrième jour»97 : «... La chose se pré­sente ainsi dans presque toutes les copies (άντιγράφοις) ; on n'inscrit plus le quatrième jour dans cet aphorisme, bien qu'il soit, à ce qu'il semble, le premier jour critique. Cependant, s'agissant de notre apho­risme (νυν), soit Hippocrate lui-même, soit le premier copiste, l'ont passé sous silence... »

2) Revenons à Stephanos, qui continue98 : «Voilà ce qu'en dit Galien ; mais on peut aussi en donner une autre raison ; la voici : Hippocrate a mis beaucoup d'empressement et de souci à combattre des maladies aiguës, parce que c'est un défi qu'elles lancent à l'art (médical) (ως κατεπείγοντα την τέχνην). Et puisque les maladies aiguës se déclen­chent d'ordinaire à partir d'une matière chaude, les paroxysmes, de l'avis communément admis (ομολογουμένως), arrivent tous les deux jours. D'autre part, puisqu'aux mêmes jours où arrivent les paroxysmes, arrivent aussi les crises, Hippocrate a mentionné pour cette raison le troi­sième, le cinquième (et d'autres jours à la suite), en tant que jours impairs ; il n'a pas mentionné le quatrième jour en tant que jour pair.»

93. Aph. IV 34 (36) : W. II, p. 29815-30433. 94. Ibidem, p. 30220"23. 95. Ibidem, p. 30223"29. 96. GAL. In Hipp. Aph. IV 36 : K. 172, p. 7116-7157. 97. Ibidem,?. 7131216. 98. Aph. IV 34 (36) : W. Π, p. 30229"36.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 31

Galien écrit pour sa part ce qui suit" : «Si, cependant, c'est Hippocrate qui l'a omis, il l'a fait, me semble-t-il, pour la raison suivante : la plupart des maladies aiguës, qui sont jugées par les sueurs (δσα συν ίδρώτι κρίνεται), le sont le troisième et le cinquième jour plu­tôt que le quatrième. En effet, bien rares sont les maladies jugées le qua­trième jour, et cela je l'ai découvert moi-même très exactement par expé­rience, lorsque j 'ai examiné ce problème (και μοί τούτο έξεύρηται πάνυ σφόδρα δια πείρας αυτό τοΰτο ζητήσαντι) ; c'est la raison pour­quoi Hippocrate a omis le quatrième jour dans cet aphorisme. Il semble que cela arrive ainsi, parce que, pour les maladies aiguës, le premier paroxysme, le plus violent, se produit aussitôt, et un (autre) pareil, le troisième jour. Nous avons appris que c'est pendant les paroxysmes les plus violents qu'arrivent les crises et que, précisément, les maladies qui atteignent au paroxysme les jours impairs sont jugées plus rapidement, tandis que celles qui arrivent au paroxysme les jours pairs traînent en longueur...»

Quelle conclusion peut-on tirer de la juxtaposition de ces deux exé­gèses ?

Que, selon le schéma de notre hypothèse, la première revient au Pseudo-Galien et la deuxième (ετέρα) à Asclèpios, toutes les deux remontant, en dernière analyse, au Galien qu'on lit dans l'édition de Kühn?

Qu'en composant sa praxis, Stephanos a toujours sous les yeux les textes du Pseudo-Galien et d'Asclèpios qui tantôt se complètent, tantôt se contredisent ?

Que Théophile, le porte-parole d'Asclèpios, confirme en quelque sorte cette conclusion, en passant sous silence la première exégèse (l'omission du copiste signalée par le Pseudo-Galien), en intégrant dans son com­mentaire la deuxième, sous une forme, il est vrai, très réduite. Il écrit100 : «Que le discours (λόγος) d'Hippocrate traite des maladies aiguës, cela est clair du fait qu'il a dit que les sueurs font du bien, lorsqu'elles appa­raissent le troisième et le cinquième jour. En effet, les maladies aiguës jugées par les sueurs arrivent à la crise plutôt aux jours impairs...»

ΑΡΗ. IV 35 (37) Prenons l'exemple de Y Aphorisme IV 35 (37) : «Les sueurs froides se

déclarant dans une fièvre aiguë indiquent la mort ; dans une fièvre modé­rée, la longueur de la maladie». Après un bref résumé de ses conclusions antérieures et une démonstration (ύπόθεσις) illustrant les propos d'Hippocrate101, Stephanos écrit102: «Tel est le sens de l'aphorisme. Quant à Galien, arrivé à ce passage, il formule dans son commentaire

99. GAL. In Hipp. Aph. IV 36 : K. 172, p. 71316-71410. 100. Aph. IV 36 : D. Π, p. 407812. 101. Aph. IV 35 (37) : W. II, p. 3061"27. 102. Ibidem, p. 30628"40.

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32 WANDA WOLSKA-CONUS

Y aporie concernant ce qu'Hippocrate est en train d'affirmer; la voici : comment est-il possible que les deux choses (τα αμφότερα), j'entends la fièvre aiguë et la sueur froide, subsistent (ύττοστηναι) dans un même corps et en même temps? (S'il en était ainsi), en effet, l'une emporterait sur l'autre, et l'autre ne subsisterait pas (μη ύποστηναι), <ou bien c'est la fièvre qui l'emporterait et la sueur froide ne subsisterait pas>, ou bien c'est la sueur froide qui l'emporterait et la fièvre ne subsisterait pas. Comment donc est-il possible que les deux subsistent en même temps? Aussitôt après, Galien prend la défense d'Hippocrate et dit : Il n'y a rien d'invraisemblable à ce que les deux, la fièvre aiguë et la sueur froide, subsistent en même temps (? έν αύτω, ou : dans un même corps ?), la fièvre aiguë se nichant (είναι) dans la profondeur du corps et dans les vaisseaux, la sueur se logeant (είναι) par contre dans une de ses parties ; se répandant (au dehors) sous l'action de la fièvre, elle devient froide103. Il est donc posssible que les deux subsistent dans un même corps et en même temps.»

Cette aporie, on la retrouve dans le commentaire de Galien sous une forme plus élaborée, mais qui inspire manifestement les considérations de Stephanos. Galien écrit104 : «Que cela arrive souvent, l'expérience l'enseigne. Il convient cependant d'en examiner la cause. Il semble en effet absurde au plus haut degré qu'une sueur froide se produise, alors que l'homme se trouve sous l'emprise d'une très forte chaleur fiévreuse. Qu'il faut donc que la chaleur violente se loge dans d'autres parties du corps et que les sueurs froides s'évacuent par d'autres parties, cela est évident. Si, en effet, les sueurs remontaient à l'extérieur en partant des parties chaudes à l'extrême, elles seraient chaudes, mais elles s'éliminent à travers la peau même, qui peut être froide, alors que les parties en des­sous restent brûlantes (κενοΰνται δε έκ του αύτου δέρματος οί ιδρώτες, δπερ έγχωρεΐ ψυχρον είναι, διακαιομένων των ύπ'αύτό)... »

On le voit : le discours de Stephanos n'est qu'une transposition sco­laire du texte de Galien.

Quant à Théophile105, sans relever la contradiction de l'aphorisme commenté, il propose, sous une forme cependant assez différente, l'ex­plication qui synthétise les textes de Stephanos et de Galien.

APH. IV 44 (47)

Une autre proposition de Galien de compléter le texte d'Hippocrate apparaît à propos de Y Aphorisme IV 44 (47) traitant des évacuations pendant les fièvres non-intermittentes (expectorations noirâtres, sangui-

103. La fin de la phrase n'est pas très claire {ibidem, p. 30636"39) : και το μεν οξέως πυρέσσειν έν τω βάθει του σώματος και έν τοϊς άγγείοις είναι, τον δέ ίδρωτα εν τινι μορίω εΤναι καί έκχυθηναι ύπο του πυρετού και ποιησαι ψυχρον ίδρωτα.

104. GAL. In Hipp. Aph. IV 37 : . 172, p. 715u-7165\ 105. Aph. IV 37 : D. II, p. 40810-30.

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nolentes, fétides etc., selles et urines), toujours mauvaises si elles ne sont pas évacuées par les voies qu'il convient106. Stephanos écrit107 : «... ou bien on peut ajouter cette précision complémentaire (ή εστίν προσυπακοΰσαι και τον προσδιορισμόν) formulée par Galien dans son commentaire, pour qu'on ait ceci "et du régime" ; il dit, en effet, qu'il faut sous-entendre "et du régime". Ne voyons-nous pas souvent de nombreuses personnes évacuer des selles huileuses en raison des ali­ments gras pris auparavant, peu de temps avant de tomber malades, et évacuer, pendant la maladie, des excréments huileux et gras qui ne sont ni dangereux ni mortels, éliminés qu'ils sont non pas en raison du dépé­rissement du corps (ουδέ δια σύντηξιν του σώματος), mais en raison des aliments pris auparavant. Il arrive aussi qu'avec les excréments soit éliminée la bile noire (accumulée) à cause des aliments consommés auparavant. En effet, il y a des gens qui mangent le noir des seiches, après l'avoir assaisonné (το της σηπίας μέλαν άρτύσαντές τίνες έσθίουσιν), et qui rejettent (pour cela) des selles noires ; aussi y en a-t-il qui pensent qu'il s'agit là de la bile noire. D'autres, par contre, déposent et évacuent des selles teintes de sang ; elles ne sont pas dangereuses (χαλεπά) ; c'est parce que ces gens ont mangé auparavant... (άπο ζυγού +) ou de l'oursin qu'ils évacuent et déposent du sang. Il faut donc prendre en considération la précision complémentaire de Galien (προσ-υπακούειν και τον προσδιορισμόν τον Γαλήνειον) et interroger le malade sur son régime, pour les raisons qu'on vient d'évoquer. Et voici ce que contient l'aphorisme.»

Le prodiorismos en question ne figure pas dans le commentaire de Galien108, assez différent d'ailleurs de celui de Stephanos.

Il ne figure pas non plus dans le commentaire de Théophile109, très condensé, qui se retrouve cependant presque intégralement, dispersé, dans le texte de Stephanos.

ΑΡΗ. IV 50 (53)

Dans le commentaire à Y Aphorisme IV 50 (53)110 — «Lorsque, dans les fièvres, il se forme des viscosités sur les dents, les fièvres deviennent plus fortes111» —, Stephanos explique que les dents deviennent vis­queuses en raison des chymes froides et gluantes qui remontent du ventre

106. Voir la note de Littré sur les interprétations possibles de la fin de cet aphorisme. 107. Aph. IV 44 (47) : W. H, p. 3289"23. 108-GAL. In Hipp. Aph. IV 47 : Κ. 172, p. 725u-72710. 109. Aph. IV 47 : D. II, 413,2-4144. 110. Aph. IV 50 (53) : W. II p. 33630-33815. 111. 'Ισχυρότεροι dans les lemmes de Littré et de Théophile (Asclèpios), ισχυροί

dans le lemme de Galien, ισχυροί dans le lemme de Stephanos et ισχυρώς dans le texte, avec le commentaire suivant (W. II, p. 33814"15) : Το δε "ισχυρώς" μη νόησης κατά το σφοδρόν, άλλα κατά το μήκος του χρόνου, ćm εις μήκος χρόνου έκταΟήσεται το νόσημα.

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et de l'estomac vers les gencives, un signe qui annonce que la maladie sera longue.

Et Stephanos d'ajouter112 : «Il convient aussi de nous souvenir de la définition complémentaire de Galien (δεί δε και τω Γαληνείω προσδιορισμω μεμνησθαι) : il faut prendre en considération également le régime du malade (προσέχειν καί την δίαιταν). Il faut en effet réflé­chir et interroger car il est possible que les dents soient devenues vis­queuses en raison du régime précédant (la maladie) (άπο προσεχούς διαίτης) et qu'elles restent ainsi pendant deux ou trois jours, si toutefois le malade a usé juste avant (προσεχώς) d'une nourriture grasse. La nourriture grasse rend toujours les dents visqueuses ; pour cette raison, cela n'est pas mauvais et ne signifie pas que la maladie va traîner en lon­gueur, étant donné que c'est à cause de la nourriture prise juste avant (la maladie) que les dents sont devenues visqueuses.»

Ce prosdiorismos est absent du commentaire de Galien, très bref, qui n'a que ceci113 : «Cette viscosité ne peut se produire sans une très grande chaleur desséchant l'humidité glaireuse.»

Ce prosdorismios est également absent du commentaire de Théophile114, dont le texte se retrouve presque intégralement dans la première partie du développement de Stephanos.

ΑΡΗ. IV 58 - 59 (612'1)

Nous avons longuement examiné les Aphorismes Ѵ 58-59 (6121) dans notre précédent article115, en soulignant les divergences d'interpré­tation entre le Galien du commentaire, le Galien cité par Stephanos et les «exégètes» suivis, à ce qu'il semble, par Stephanos et par Théophile (Asclèpios).

ΑΡΗ. IV 63 (65)

Après une brève paraphrase explicative de Y Aphorisme IV 63 (65)116

— «Dans les fièvres, une forte chaleur au ventre et la cardialgie sont fâcheuses» —, Stephanos conclut117 : «Et voici ce que dit Hippocrate. Arrivé à ce passage, Galien livre au public l'opinion secrète d'Hippocrate et le sens (de l'aphorisme) (κεκρυμμένην γνώμην και εννοιαν δημοσιεύει του Ιπποκράτους). Il dit, en effet, qu'il est clair, à en juger d'après les affections, plus exactement d'après les symptômes dont il a fait mention, qu'Hippocrate parle de l'érysipèle, autrement dit qu'il suppose l'existence d'une tumeur érysipélateuse dans la région du

112. Aph. IV 50 (53) : W. II, p. 3381522. 113. GAL. In Hipp. Aph. IV 53 : K. 172, p. 73211"13. 114. Aph. Ѵ 53 : D. II, p. 41718"25. 115. 54, 1996, p. 62-65. 116. Aph. IV 63 (65) : W. II, p. 372714. 117. Ibidem, p. 3721526.

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ventre. Nous savons en effet que l'érysipèle se forme à partir d'une matière acre et bilieuse et qu'ici nous avons justement affaire à une matière bilieuse et acre. Il est clair, d'après ces choses là (έκ τούτων), qu'Hippocrate parle de la tumeur érysipélateuse située dans la région du ventre. Si donc, dans le cas de la fièvre (πυρετού υποκειμένου), il y a de la chaleur intense autour de la cavité abdominale (περί την κοιλίαν) due au bouillonnement (δια το ζέον) de la matière et qu'en raison de sa mordacité l'estomac fait mal (καρδιωγμός)118, il y a aussi une tumeur érysipélateuse dans la partie maîtresse (εν κυρίω μορίω), j'entends dans la région du ventre ; quant à toi, ajoute ce qu'on a dit plus haut119 juste­ment (au sujet de ce qui arrive) à cause du refroidissement des extrémités (τυχόν καΐ δια την περίψυξιν των άκρων) ; elle est mauvaise, une chose de ce genre.»

Ce développement, qui se présente en fait sous la forme d'un diagnos­tic, ne figure pas dans le commentaire de Galien, préoccupé plutôt par les problèmes de vocabulaire suscités par cet aphorisme120. D'autre part, il ne semble pas connaître le diagnostic que lui attribue Stephanos (κεκρυμμένην γνώμην).

Ce développement est également inconnu de Théophile, dont le texte se retrouve cependant intégralement, avec des différences minimes, dans la première partie de la paraphrase de Stephanos121.

ΑΡΗ. IV 66 (68)

U Aphorisme IV 66 (68) —«Dans les fièvres, la respiration entrecou­pée est fâcheuse, car elle annonce le spasme»— donne à Stephanos l'oc­casion de revenir brièvement sur le phénomène, souvent évoqué, de la respiration122 et de compléter son exposé par une remarque de Galien : «Quant à Galien, écrit-il123 , arrivé à ce passage, il en donne une mer­veilleuse explication, lorsqu'il dit (θαυμασίως έπέστησεν λέγων) que l'expression "annonce le spasme" doit être rapportée aussi bien au spasme qui est déjà là (έπί του δντος) qu'à celui à venir (έπι προσδοκώμενου). En effet, (cette expression) signale ou bien un spasme déjà présent (νυν) dans les muscles intercostaux, ou bien elle annonce un spasme à venir, devant affecter le corps tout entier ; autrement dit, les

118. Ibidem, p. 3728"11 : ... κοιλίαν δε άκουστέον νυν την σιτοδόχον, ώς δηλοί το έπαγαγείν αυτόν καρδ ιωγμόν ΐσμεν γαρ, τί έστιν καρδιωγμός, δτι δηξις τοΰ στομάχου της γαστρός. . . Voir aussi GALIEN {In Hipp. Aph. IV 65 : K. 172, p. 74516-7463), qui explique que le mot kardiôgmos signifie «cardialgie», selon les uns, «palpita­tion du cœur», selon les autres.

119. Aph. IV 45 : W. II, p. 32835-330'. 120. GAL. In Hipp. Aph. IV 65 (K. 172, p. 745n-7463 s) : κοιλία, καρδία, στόμα της

γαστρός, καρδιαλγία, καρδιώσσειν, καρδιαλγείν, καρδιωγμός. 121. Aph. IV 65 : D. Π, p. 4251 1 1 9 . 122. Aph. IV 66 (68) : W. II, p. 37617-3788. 123. Ibidem, p. 3789"14.

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choses étant ce qu'elles sont (τούτων ύπόντων), d'autres parties seront elles aussi touchées de convulsions.»

Ce développement ne figure pas, sous cette forme, dans le commen­taire de Galien124, mais c'est manifestement Galien qui inspire la réflexion attribuée par Stephanos à un Galien qui, dans notre hypothèse, n'est qu'un Pseudo-Galien ; le Galien authentique, lui, écrit ce qui suit125 : «... (le spasme) arrive, lorsque les muscles et les nerfs mettant en mouvement le thorax sont déjà prédisposés à des convulsions (ηδη σπασμωδώς διακειμένων). Cette disposition allant croissant et affec­tant (έπιλαβούσης) plusieurs parties (du corps), un spasme véritable s'empare de l'homme.»

Théophile ne connaît pas cette explication «merveilleuse» de Galien rapportée par Stephanos. Son texte126, cependant, à quelques détails près (par exemple, la précision qu'il s'agit ici d'un spasme dû à la sécheresse du corps tout entier), se retrouve dans le commentaire de Stephanos.

ΑΡΗ. TV 67 (69)

Dans un long commentaire à Y Aphorisme IV 67 (69) — «Quand on rend des urines épaisses, grumeuses, peu abondantes, et cela sans fièvre, une grande quantité d'urine ténue, qui succède, soulage : cela se mani­feste surtout chez ceux dont les urines déposent dès le commencement ou peu après» —, conçu dans le cadre d'une théôria 127, suivie d'une lexis 128, Stephanos se réfère à trois reprises à Galien. «Elle est admi­rable, écrit-il129, la sentence (λόγος) que nous transmet maintenant Hippocrate ; elle est de celles qui s'appliquent à chaque circonstance et à tout temps, dans la réalité des choses aussi bien que dans les œuvres de l'art. Arrivé à ce passage, Galien, expliquant le présent aphorisme, dit dans son commentaire : ce qu'Hippocrate relate ici appartient de nos jours aux choses courantes (των ώς επί παν και άεί γινομένων εστίν), mais aux hommes de l'époque d'Hippocrate, cela arrivait rarement (των σπανίως τ)σαν). Nous en apprendrons la raison avec la progression de notre discours. On peut cependant admirer le génie (την μεγαλόνοιαν )

124. GAL. In Hipp. Aph. IV 68 : . 172, p. 749u-75014. 125. Ibidem, p. 74916-7503. 126. Aph. IV 68 : D. II, p. 42625-4279. 127. Aph. TV 67 (69) (W. II, p. 37828 - 38036) : cette théôria (cf. p. 38235 : ώς έν τη

θεωρία ελέχθη) est conçue elle-même sous forme d'un exemple (υποτίθεται) de confrontation entre un χορός τών άγελαίων ιατρών et un ιατρός επιστήμων καΐ τεχνίτης qui se retrouvent au chevet d'un malade et qui interprètent chacun à sa manière le phénomène décrit par Hippocrate.

128. Ibidem, p. 38212-38436 : cette lexis commence avec la reprise du lemme ; on y trouve aussi quelques idées qui viennent du commentaire de Galien (In Hipp. Aph. IV 69 : K. 172, p. 7513-7538), ainsi que des remarques sur deux lectures possibles : θρομβώδεα et βορβορώδεα.

129. Aph. IV 67 (69) (W. II, p. 37819"27) : θαυμαστός έστιν ό νυν ύφ"Ιπποκράτους παραδιδόμενος ήμίν λόγος και τών ώς έπί πάν και άεί εν τοις πράγμασιν και τοις εργοις της τέχνης συμβαινόντων εστίν. Ένταΰθα γενάμενος ό Γαληνός έν τω ύπομνήματι...

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d'Hippocrate, étant donné qu'il a décrit pour nous l'état de choses (την κατάστασιν) qu'il a vu rarement.»

Stephanos, comme il l'a promis, revient un peu plus loin sur la cause du phénomène relevé par Galien. Il écrit130 : «Et voilà les choses qu'Hippocrate nous transmet à travers les remarques que nous venons de faire (δια τούτων). Il nous faut donc examiner maintenant la cause que nous avons suggérée plus haut. Eh bien, la raison de la différence (entre les deux époques) est, selon Galien, la suivante : les affections de ce genre (ταΰτα) arrivent de nos temps de manière générale et tous les jours (ως έπί παν και άεΐ), parce que les hommes mènent actuellement une vie efféminée, au milieu des fêtes, des beuveries et dans l'oisiveté ; aussi les chymes épais et crus qui s'accumulent à la suite de continuelles indigestions font qu'à notre époque ces affections sont communes. À l'époque d'Hippocrate, au contraire, elles arrivaient rarement, parce que les hommes étaient occupés à travailler et à cultiver la terre (τη γεωπονία και γεωργία έσχόλαζον) ; ils ne savaient pas s'adonner à la vie molle et voluptueuse ; ils usaient d'une nourriture simple et ne ces­saient pas de faire des exercices ; alors (το τηνικαΰτα), ils n'accumu­laient pas de résidus superflus et n'amassaient pas de chymes crus ; aussi tombaient-ils rarement malades, victimes de cette affection. Voilà ce qu'on peut dire en guise d'introduction au discours (hippocratique) (ταΰτα ως έν προθεωρία ειρήσθω τοΰ λόγου).»

Stephanos reprend alors quelques phrases du lemme (? lexis), et c'est à propos de l'expression «(urine) tenue qui succède, soulage» qu'il cite, une fois de plus, Galien. «Ici, Galien, écrit-il131, fait la remarque suivante (έπεσημήνατο) dans son commentaire : voilà, ici encore Hippocrate a substitué la cause efficiente au signe (αντί τοΰ δηλωτικοΰ το ποιητικον τέθεικεν), comme si c'était l'urine tenue qui soulagerait ; ce n'est pas l'urine qui soulage, mais bien la faculté (δύναμις) qui digère (l'urine) épaisse et grumeuse et la rend ténue; c'est elle la cause efficiente du soulagement, j'entends la faculté et non pas l'urine. Par contre, c'est l'urine qui indique et en quelque sorte signale que la matière a été digé­rée ; elle n'est pas la cause efficiente. Il est arrivé à Hippocrate de com­mettre cette erreur (τοΰτο δε πέπονθεν), parce que, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, pressé par les choses (έπειγόμενος περί τα πράγματα), il néglige l'élégance du style (καταφρονεί το καλλώπισμα της φράσεως).»

Aucune de ces trois interventions de Galien citées par Stephanos ne figure dans le commentaire de Galien132 ; ni non plus, d'ailleurs, dans celui de Théophile, dont le texte, du moins sa première partie, conçue sous la forme d'une confrontation entre les médecins133, se retrouve dans la théôria de Stephanos.

130. Ibidem, p. 38037-382n. 131. Ibidem, p. 38419"26. 132. GAL. In Hipp. Aph. IV 69 ; K. 172, p. 75015-7538. 133. Aph. IV 69 : D. II, p. 42716-4286 ; voir ci-dessus note 127.

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ΑΡΗ. IV 77 (79) Nous avons déjà eu l'occasion d'examiner Y Aphorisme IV 77 (79) —

«Chez les gens qui ont dans l'urine les dépôts de grains de sable, la ves­sie ou le rein souffrent de lithiase» —, à propos des expressions telles que τινές, έτεροι, άλλοι, άλλη έξήγησις, qui, dans certains cas, ren­voient au texte de Théophile, autrement dit, dans notre hypothèse, à Asclèpios, l'Exégète du présent ouvrage134.

Nous n'aurons plus à y revenir, sauf pour évoquer deux variantes des manuscrits signalés par Stephanos : certains d'entre eux (τινά των αντιγράφων), dit-il, donnent «la vessie ou le rein» — c'est la variante qu'il choisit—; d'autres, ajoute-t-il, n'ont que la «vessie»; c'est la leçon, — mais il ne le dit pas —, qu'on trouve dans le commentaire de Galien. En effet, tout en gardant cette leçon tronquée par rapport à celle retenue par Stephanos, sans la moindre allusion aux variantes qu'on découvre dans les manuscrits, Galien135 envisage l'omission possible des mots «ou le rein» par Hippocrate lui-même ou par l'un des premiers copistes. De cette constatation, il ne tire cependant pas de conséquence, puisqu'il garde la leçon traditionnelle «la vessie». Ce sont les exégètes des générations suivantes (οι νεώτεροι) qui s'en sont chargés136 et parmi eux la source de Stephanos, ό Νεώτερος 'Εξηγητής, dans notre hypo­thèse, un Pseudo-Galien.

Comme aussi, d'ailleurs, l'Exégète Asclèpios, à en croire Théophile, son porte-parole, qui, sans faire allusion aux variantes des manuscrits ou à un Galien quelconque, adopte la leçon ή κύστις... ή νεφρός137.

ΑΡΗ. IV 80 (82) Venons-en à VAphorisme 80 (82) : «Chez ceux à qui il vient des tuber­

cules138 dans l'urètre, ces tubercules suppurant et s'ouvrant, il y a solu­tion.» Stephanos écrit139 : «Cet aphorisme est clair et son sens est évi­dent. Il dit en effet : "si les tubercules (φύματα) se forment" ; nous savons ce qu'est le "tubercule". Eh bien, ici (νυν) par urètre, Hippocrate entend le col de la vessie. Puisqu'il est donc dit : si les tubercules se for­ment dans l'urètre et si, une fois arrivés à suppuration — plus précisé­ment à la formation de pus —, ils crèvent (έκραγέντα), une résorption (λύσις) de la tumeur (του δγκου) s'ensuit. Ceux qui l'ont expliqué

134. Aph. IV 77 (79) : W. II, p. 42030-42212s ; cf. REB 54, 1996, p. 36-37. 135. GAL. In Hipp. Aph. IV 79 : Κ. 172, p. 775n-7762. 136. Voir Littré, IV, p. 531, ad locum, qui pense que les manuscrits «qui portent ή

κύστις η νεφρός avaient été corrigés d'après le commentaire de Galien.» 137. Aph. IV, 79 : D. II, p. 43513"21. 138. Φύματα, dans le texte, que nous traduisons, en nous écartant de la traduction de

Littré («tumeurs») et en nous inspirant de celle de Kühn, par «tubercule» (petite tumeur ou excroissance!), opposé, par la suite, dans le commentaire de Stephanos, à ογκος-«tumeur».

139. Aph. IV 80 (82) : W. II, p. 42623-4282.

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(ainsi) ont tort (κακώς έξηγησαντο). Aussi, arrivé à ce passage, Galien déclare dans son commentaire : cette explication n'a rien qui soit digne de la pensée d'Hippocrate, car c'est une chose connue de tous (πουβλικον γάρ έστιν τοΰτο). Qui ne sait pas que, le tubercule une fois crevé, la tumeur (όγκος) diminue et disparaît (αφαιρείται και παύεται) ? Ces gens-là ont donc donné une mauvaise interprétation ; c'est pour cela que Galien en propose une que voici : dans le cas d'un tubercule, il y a nécessairement de la douleur dans l'urètre, mais aussi une obstruction s'ensuit en raison de la tuméfaction du tubercule (δια τον δγκον του φύματος), et là-dessus survient la strangurie. Si donc, arrivé à suppuration, le tubercule crève, il y a résorption non pas de la tumeur — qui ne le sait pas ? — ; c'est la douleur et la strangurie qui cessent.»

Reportons-nous maintenant à Galien140 : «En raison de sa concision, cet aphorisme, dit-il, n'a rien qui vaille une réflexion. En effet, il est facile à n'importe qui de comprendre que les tubercules qui s'étaient for­més dans le canal urétral qui longe le pénis — c'est cela qu'on appelle urètre — une fois crevés, la résorption s'ensuit. Cependant, ajoute t-il, si l'on y prête plus d'attention, (on y découvre) l'indication (ενδειξίς έστι) d'une réalité plus importante (τινός μείζονος πράγματος). Il est pos­sible, en effet, qu'une rétention d'urine se produise (ίσχουρίαν τινά) à la suite d'un tel tubercule et que, justement, ce tubercule une fois crevé, la rétention d'urine — c'est clair — disparaisse (ίάσεται).»

Ainsi, le Galien cité par Stephanos et le Galien dont nous lisons le commentaire tombent d'accord sur le sens de l'aphorisme: λύσις signale la disparition de la douleur et de la strangurie, et non pas la résorption de la tumeur. Si l'on comprend mal cet aphorisme, la faute en revient aux exégètes, selon le Galien cité par Stephanos, alors que Galien, lui, s'en prend à Hippocrate lui-même, à sa brachy logie exces­sive.

Théophile ignore Galien, faux ou authentique. Son texte, bref et clair, se retrouve intégralement dans le commentaire de Stephanos. Il écrit141 : «Par urètre, (Hippocrate) entend ici le col de la vessie. Si, dit-il, dans l'urètre, plus exactement dans le col de la vessie, les tubercules arrivés à suppuration —autrement dit à la formation du pus— crèvent, la solution (λύσις) s'ensuit. La solution de quoi? Eh bien la solution de la douleur et de la strangurie. En effet, c'est à cause des tubercules qu'est venue la douleur et qu'une obstruction s'en est suivie, et, de là, la strangurie.»

Aph. TV 81 (83)

Le commentaire à ΓAphorisme TV 81 (83) — «Uriner beaucoup pen­dant la nuit annonce des évacuations alvines peu abondantes» — débute par un long exposé qualifié de προθεωρία. Il se développe en trois ­

. GAL. In Hipp. Aph. IV 82 : . 172, p. 7786"13. 141. Aph. IV 82 : D. II, p. 43631-4374.

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ties : 1) la φυσική θεωρία traite du processus de la «triple digestion»142 ; 2) la διάγνωσις se présente sous la forme d'un entretien avec un malade143 ; 3) la θεραπεία livre les réflexions du médecin sur les mesures à prendre (θεωρουντός μου δτι πολλά ήνέχθησαν οδρα, > ~ \144 εννοώ...) .

Cette προθεωρία est suivie d'une reprise du lemme, qui marque le début de ce qu'on pourrait appeler σαφήνεια της λέξεως. Stephanos y insiste en effet sur l'importance du terme εκ νύκτωρ, étant donné que c'est pendant le sommeil que les facultés physiques accomplissent géné­ralement (επί παν) leurs activités (έν τω ύ'πνω πασαι αϊ φυσικά! ένεργοΰσιν δυνάμεις)145.

Ces préalables une fois déterminés, Stephanos, s'adressant à ses élèves, cite Galien146 : «D'autre part, sache ceci également (πάλιν εσο και τούτο γινωσκων δτι...) : bien qu'Hippocrate n'ait mentionné que la moitié (de la règle) (του ενός έμνημόνευσεν), à savoir "uriner beau­coup pendant la nuit147 annonce l'évacuation alvine peu abondante", tu dois, toi, énoncer l'autre motié (de la règle) également (συ δε είπε καί το άλλο) : si l'évacuation alvine est abondante, on urine peu. Quant à Galien148, arrivé à ce passage, il déclare qu'il manque à l'aphorisme l'autre moitié (de la règle) et que c'est toi qui dois suppléer ce qui est sous-entendu (προσυπακοΰσαι προσόν) et ajouter: si l'évacuation alvine est abondante, on urine peu. Sauf, précise Stephanos149, que Galien affirme : moi, j ' a i trouvé dans certaines anciennes copies les deux leçons écrites l'une comme l'autre (τα αμφότερα γεγραμμένα), mais pas n'importe comment, mais de la façon que voici : uriner beaucoup pendant la nuit annonce l'évacuation alvine peu abondante et vice-versa (ωσαύτως δε κα! το εναντίον), c'est-à-dire, si l'évacuation alvine devient abondante, cela annonce l'évacuation urinaire insignifiante. Eh bien, si l'aphorisme se présente ainsi, il est correct (καί εί μεν έχει οΰτως, ιδού κα! καλώς), puisque tu sous-entends l'autre moitié (έπεί τοί γε προσυπάκουσον κα! το άλλο).»

142. Aph. IV 81 (83) : W. II, p. 42825-43019. 143. Ibidem, p. 43019"27 ; cf. le commentaire de Théophile (Aph. IV 83 : D. II, p. 437'°"

18), qui inspire la transposition de Stephanos. 144. Aph. IV 81 (83) : W. II, p. 43028-4328. Il est intéressant de comparer les indica­

tions pratiques et directes de Stephanos avec l'énoncé du principe thérapeutique seul de Galien (In Hipp. Aph. IV 83 : K. 172, p. 77912-7803).

145. Aph. IV 81 (83) (W. II, p. 43213"16, et Stephanos d'ajouter: ούχ οτι κα! έν τη ήμερα ού γίνονται ταΰτα, ου τουτό μου λέγοντος· ενδέχεται γαρ μετά την τροφήν ύπνώσαι καί γενέσθαι ταΰτα- άλλα μετά αληθείας ού τοσαυτα ύπνοϋμεν έν τη ημέρα οσα έν τη νυκτί, καί δια τοΰτο έκ τοΰ ώς έπί πάν έποιήσατο τον λόγον.

146. Ibidem, p. 43217"20. 147. Ibidem, p. 43218 : έν νυκτί, alors que dans le lemme on lit έκ νύκτωρ. Cette

divergence entre la citation d'Hippocrate dans le texte et le lemme n'est pas rare dans le commentaire de Stephanos.

148. Ibidem, p. 43220"22 : les paroles attribuées ici à Galien ne sont qu'une répétition de ce qui précède, ou bien, phutôt, une maladresse de Stephanos.

149. Ibidem, p. 43222"27.

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Se rapporte-t-on au texte de Galien150, on n'y trouve rien sur la défec­tuosité de l'aphorisme ni sur la présence dans certains manuscrits anciens de «l'autre moitié» de la règle omise par Hippocrate.

Quant à Théophile151, si l'on découvre sa brève paraphrase intégrée dans la théôria de Stephanos152, le nom de Galien n'y est même pas mentionné.

APH. V 5

À propos de Y Aphorisme V 5 — «Si un homme ivre perd subitement la voix, il meurt saisi de spasmes, à moins que la fièvre ne survienne ou que, atteignant l'heure où l'ivresse se dissipe, il ne recouvre la parole» —, Stephanos écrit ce qui suit153 : «Arrivé à ce passage, Galien dit qu'il ne faut pas lire l'aphorisme en question de la façon que voici : "Si un homme perd subitement la voix —virgule— pris de spasmes il meurt" ; il ne faut pas le lire ainsi ; au contraire, il faut continuer (la phrase) jusqu'aux mots "à moins que la fièvre ne survienne", et ainsi de suite. En effet, pourquoi meurt-on ? Pas à cause du spasme, mais à cause de l'aphonie, autrement dit de l'apoplexie. En effet, si nous lisons (l'aphorisme) de cette façon, les paroles d'Hippocrate prennent une tour­nure correcte et deviennent faciles à suivre. Et voici l'explication admi­rable qu'en a fait Galien.»

Remarquons cependant que cette proposition de changer la ponctua­tion ne se lit pas dans le commentaire de Galien.

Quant à Théophile, il ignore cette «explication admirable» attribuée par Stephanos à Galien ; en tout cas, il n'y fait pas la moindre allusion.

ΑΡΗ. V 7 Le commentaire de Stephanos à Y Aphorisme V 7 — «L'epilepsie qui

survient avant la puberté est susceptible de guérison ; mais celle qui sur­vient à vingt-cinq ans ne finit ordinairement qu'avec la vie» — partage certes plusieurs idées avec le commentaire de Galien154. Cependant, c'est à propos de la définition de l'âge de la puberté que Stephanos cite Hippocrate et Galien : «Hippocrate, écrit-il155, dit que la puberté va de quatorze à vingt-cinq ans ; Galien dit la même chose dans son commen­taire», ce qui est, pour une fois, parfaitement exact156.

150. GAL. In Hipp. Aph. IV 83 : K. 172, p. 7797-7803. 151. Aph. IV 83 : D. II, p. 437718. 152. Aph. IV 81 (83) : W. II, p. 43021"26. 153. Aph. V 5 : W. III, p. 281219 ; cf. REB 54, 1996, p. 19-22, avec les notes correspon­

dantes. 154. Leur manière de les exposer et de les enchaîner est cependant très différente :

Stephanos, Aph. 7 (W. III, p. 11"27), GAL. In Hipp. Aph. V 7 ( . 172, p. 790I2-79216). 155. Aph. V 7 : W. Ill, p. 302527. 156. GAL. In Hipp. Aph. V 7 (K 172, p. 79115"17) : ... τον της ήβης χρόνον εως των

πέντε καΐ εΐκοσιν ετών έκτετάσθαι νομίζει, την αρχήν λαμβάνοντα μετά την δευτέραν εβδομάδα. Cf. aussi ibidem, p. 7921213.

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Théophile, dont le commmentaire diffère assez, sinon pour le contenu, du moins pour la forme, de celui de Stephanos, retient la même défini­tion de l'âge de l'adolescence : quatorze — vingt-cinq ans157.

APH. V 8

Venons-en à Y Aphorisme V 8 : «Si un homme est pris par un spasme ou un tétanos, la fièvre aiguë survenant fait cesser la maladie.» Stephanos écrit158 : «Certains {tines) affirment que cet aphorisme est une interpolation. En effet, il n'apporte rien de neuf par rapport à Y Aphorisme qui dit... (II 26). D'autres (hétéroi), cependant, soutiennent que (les deux aphorismes) diffèrent (l'un de l'autre) pour autant que le premier traite du spasme seul, alors que celui-ci (parle) dû tétanos égale­ment. Ou encore on peut avancer que le tétanos lui aussi est une espèce de spasme, si l'on ose dire, comme le fait Galien qui dit que, dans le cas du tétanos, les parties (du corps) affectées par le spasme ne se laissent pas voir, et l'on n'a pas l'impression de voir le tétanos, car la forme de la colonne vertébrale reste droite dans le cas du tétanos...»

Ainsi l'attribution de cette réflexion à Galien est claire ; cependant, ni Galien, dont nous lisons le commentaire, ni Théophile (Asclèpios) ne semblent connaître l'existence de cet aphorisme. Une fois de plus, nous rencontrons ce Galien mystérieux, amplement utilisé par Stephanos, resté inconnu de Théophile.

ΑΡΗ. V 11 (10) Commentant Y Aphorisme V 11 (10)159 — «Ceux qui échappent à l'an­

gine, (le mal) se porte chez eux sur le poumon et160 ils meurent en sept jours; s'ils passent ces sept jours, ils sont pris de suppuration» —, Stephanos se réfère à Galien à deux reprises.

Une première fois, lorsqu'en répondant à une aporie concernant le «septième jour», Stephanos écrit161 : «Après cela, ils demandent : com-

157. Aph. V 7 : D. Π, p. 4431830, particulièrement 1. 28-30. 158. Aph. V 8 : W. III, p. 3219 ; voir REB 54, 1996, p. 35-36, avec les notes correspon­

dantes. 159. Aph. VII (10) : W. , p. 40'-444. 160. Notre traduction diverge de celle de Littré pour autant que celui-ci adopte une

leçon différente de celles de Stephanos et de Théophile : voir la note de Littré, ad locum, ainsi que, plus loin, notre développement, p. 43-44.

161. Aph. V 11 (10) (W. III, p.4036-429) : Είτα ζητουσιν ό'τι τήν έβδόμην ήμέραν αρα πώς εχομεν άριθμησαι; Άφ'οδ ηρξατο ή κυνάγχη ή άφ'οδ μετεδόθη ή ϋλη εις τον πνεύμονα; Και λέγει αυτός ό 'Ιπποκράτης και ό Γαληνός δτι δει την έβδόμην άριθμησαι άφ'οδ ηρξατο ή κυνάγχη. Έαν γαρ όσον έφ'έαυτη ή κυνάγχη εντός τών τεσσάρων ημερών επιφέρει τον θάνατον, πόσω μάλλον έπί κυριωτέρω μορίω μετενεχθείσης της ΐίλης, τουτέστιν επί τον πνεύμονα, τάχιστα ό κίνδυνος και ό θάνατος συμβήσεται. 'Αλλά δει άφ'ής ηρξατο ημέρας ή κυνάγχη άριθμησαι την έβδόμην ήμέραν, τεσσάρας της κυνάγχης και δύο ή τρεις ημέρας άφ'οδ ηλθεν ή ϋ­λη και μετεδόθη έπί τον πνεύμονα, και οΰ'τως γίνεσθαι την έβδόμην ήμέραν.

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ment devons-nous calculer le septième jour? Est-ce à partir du moment où l'angine a commencé, ou bien à partir du moment où la matière s'est déplacée vers le poumon? Eh bien, Hippocrate aussi bien que Galien disent qu'il faut compter le septième jour depuis que l'angine a com­mencé. Si, en effet, l'angine, quant à elle, provoque la mort dans les quatre jours, combien plus rapidement le danger de la mort se présen-tera-t-il la matière une fois déplacée vers une partie plus importante, à savoir vers le poumon? Il faut certes compter le septième jour à partir de celui où l'angine a commencé: quatre jours de l'angine, deux ou trois jours depuis que la matière a afflué et s'est transmise au poumon, et voilà qu'on arrive à sept jours...162»

Remarquons dès maintenant que ni Hippocrate ni Galien163 ne se livrent aux calculs qu'on leur attribue164.

Une deuxième fois Stephanos cite Galien à propos du texte même des Aphorismes : «Arrivé à ce passage, poursuit-il165, Galien s'est expliqué

162. Stephanos complète son exposé en se référant aux Maladies des femmes I 35 (L. 8, p. 8213"18). Il écrit (Aph. V 11 (10) (W. , p. 42917) : Οϋτως γαρ και έν τοϊς Γυναικείοις ό 'Ιπποκράτης άπεφήνατο λέγων οτι "γυνή έαν μετά το τεκείν αυτήν μη καθαρθή την λοχικήν κάθαρσιν, άλλ'έμμένη, τοοτο έμμένον σήπεται και σηπόμενον άνάπτει πυρετόν"· καί επειδή είώθασιν οί τοιούτοι πυρετοί έν τη τεσσαρεσκαιδεκάτη κρίνεσθαι, πόθεν δει άριθμησαι τήν τεσσαρεσκαιδεκάτην ήμέραν; ΤΑρα άφ'οδ ετεκεν ή γυνή καί έπεσχέθη ή λοχική κάθαρσις ή άφ'οδ ό πυρετός άνήφθη; Και λέγει ό 'Ιπποκράτης έκεΐσε οτι άφ'οδ ετεκεν ή γυνή καί έπεσχέθη ή λοχική κάθαρσις δει άριθμησαι τήν τεσσαρεσκαιδεκάτην ήμέραν, επειδή άπο τότε ένεφώλευεν ή νοσοποιός αιτία και άπο τότε έμελετατο το νόσημα. L'opinion attribuée ici à Hippocrate ne figure pas dans le traité Sur les maladies des femmes.

163. GAL. In Hipp. Aph. V 10 (K. 172, p. 795615), où l'on retrouve quand même quelques idées exposées par Stephanos (dans le cadre d'une rencontre de deux médecins au chevet d'un malade), par exemple le diagnostic de la maladie d'après le pouls {Aph. V 11 (10) (W. III, p. 4017"29) : ού γαρ αρκείται (ό επιστήμων ιατρός) έπί τη πεπλασμένη ευφορία· καί επιβάλλει τους δακτύλους αυτού τΰ> καρπω του κάμνοντος καί σφυγμολογεί αυτόν. Καί έαν εϋρη τους σφυγμούς σκληρούς καί άνωμαλίαν τινά καί άταζίαν έχοντας, επιμένει λυπούμενος... εί δέ γε εϋρη τον σφυγμον μαλακον και όμαλον και τεταγμένον, εϋρη δέ καί εύπνουν τον άνθρωπον καί τήν δύναμιν άνανεύουσαν, ευφραίνεται καί άγάλλεται ό επιστήμων ιατρός....

164. Théophile, dont le texte se retrouve partiellement dans le commentaire de Stephanos, n'a que ceci (Aph. V 10 : D. II, p. 44613"15) : Έβδόμην δέ ήμέραν άκουστέον, ούκ άφ'οδ ή μετάστασις γέγονεν, άλλ'έζ άρχης του νοσήματος. Aucune allusion à Galien.

165. Aph. V i l (10) (W. III, p. 4218"31) : 'Ενταύθα δέ γενόμενος ό Γαληνός καλώς πάνυ καί θαυμασίως έπεσημήνατο λέγων οτι ού δει άποφαντικώς άναγνώναι τον παρόντα άφορισμόν, άλλ'ύποθετικώς. Ό γαρ 'Ιπποκράτης άποφαντικον έποιήσατο τον λόγον, ού δει δέ οϋτως άναγνώναι, άλλα δεϊ τον "καί" σύνδεσμον ανωτέρω λεχθήναι. Οϋτως γαρ έ'φη· "όκόσοι κυνάγχην διαφύγωσιν, εις τον πνεύμονα αύτοϊς τρέπεται". Ού δει οϋτως άναγνώναι άποφαντικώς, άλλ'ύποθετικώς του "και συνδέσμου ανω προστιθεμένου, Ινα εσηται οϋτως ό λόγος- "όκόσοι κυνάγχην διαφεύγουσα καί εις τον πνεύμονα αύτοίς τρέπεται, έν έπτα ήμέραις άποθνήσκουσιν" καί τα λοιπά. 'Εάν γαρ οϋτως άναγνώμεν μετά του "καί" συνδέσμου, υποθετικός ευρίσκεται ό λόγος καί εύοδουνται ήμίν τα νυν ύφ" Ιπποκράτους λεγόμενα. Ουδέ γαρ πάντως εις τον πνεύμονα μεταδίδοται ή ϋ-λη, άλλ'είς τα κενά τοΰ θώρακος καί κοίλα, καί το τηνικαϋτα ανάγεται εκείνη ή ϋ-λη καί ούκ εσται απειλή θανάτου.

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d'une manière admirablement juste, lorsqu'il dit qu'il ne faut pas voir dans l'aphorisme en question une affirmation, mais bien une hypothèse. Hippocrate, il est vrai, a composé un aphorisme affirmatif ; cependant, il ne faut pas le prendre pour tel, mais il faut placer un peu plus haut la conjonction et ; Hippocrate s'exprime en effet de la manière que voici : "Ceux qui échappent à l'angine, le mal se porte chez eux sur le pou­mon". Il ne faut pas lire cet aphorisme ainsi, comme une affirmation ; il faut le lire comme une hypothèse, après avoir ajouté, en la remontant, la conjonction et, pour que l'aphorisme se présente comme suit : "Ceux qui échappent à l'angine et (le mal) se porte chez eux sur le poumon, ils meurent en sept jours", et ainsi de suite. Si nous lisons cet aphorisme ainsi, avec la conjoncton et, il se trouvera être hypothétique et les paroles d'Hippocrate prennent une tournure correcte. En effet, ce n'est pas tou­jours que la matière se porte sur le poumon, mais sur les creux et les cavités du thorax ; alors la maladie remonte vers le haut, et il n'y a plus menace de mort.»

Eh bien, en dépit des allégations de Stephanos, rien de tel ne se lit dans le commentaire de Galien.

Il est cependant intéressant de constater que Stephanos aussi bien que Théophile166 adoptent dans le lemme la leçon qu'ils contestent, ou du moins qu'ils jugent peu satisfaisante, alors que, dans le corps de leur commentaire, ils en proposent une autre, meilleure à leur avis, une leçon que Stephanos attribue à Galien (Pseudo-Galien) et que Théophile intro­duit avec les mots : "Ινα σαφής γένηται ό αφορισμός, ύπερβιβαζέσθω ό και σύνδεσμος και άναγινωσκέθω ούτως... Une contradiction qu'il est préférable, dans l'état actuel de nos analyses, de constater que d'en chercher l'explication.

ΑΡΗ. V 14 (13)

L'Aphorisme V 14 (13) — «Chez ceux qui crachent (άναπτύουσι) du sang écumeux, ce sang vient du poumon» — donne à Stephanos l'occa­sion de s'arrêter, avec une référence à Galien, sur les différentes leçons des manuscrits : «Arrivé à ce passage, écrit-il167, Galien a signalé que certains manuscrits donnent "vomissent", d'autres "expectorent en tous­sant", d'autres encore "crachent". Ceux qui ont "vomissent" ont une mauvaise leçon. En effet, on ne dit pas "vomir" pour les matières qui remontent (τα αναγόμενα) de la poitrine ou des organes respiratoires,

166. Aph. V 10 (D. Π, p. 4-11) : Ί ν α σαφής γένηται ό αφορισμός, ύπερβιβαζέσθω ό "και" σύνδεσμος καΐ άναγινωσκεσθω οίίτως· "όκόσοι κυνάγχην διαφεύγουσι και εις τον πνεύμονα γίνεται ή μετάστασις, οδτοι έν επτά ήμέραις άποσθνήσκουσιν". Έαν γαρ έν άκυροτέρω μορίω ούσης της ύλης, τουτέστιν έν φαρυγγι, θανάσιμον η\>, πολλφ μάλλον έπί κυρίω μορίω, τουτέστιν έν πνευμόνι μετενεχθείσης της ύλης, ό θάνατος επακολουθήσει, πνιγμοΰ γεγονότος... À comparer avec les textes de Stephanos transcrits ci-dessus dans les notes 161 et 165.

167. Aph. V 14 (13) : W. , p. 5014-27.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 45

mais bien pour celles qui viennent des parties concernant la nourriture, j 'entends l'estomac et le ventre, et d'autres organes de ce genre. On ne dit pas "vomir", comme on l'a déjà fait remarquer, pour les matières remontant des parties respiratoires. À moins qu'on soutienne qu'Hippocrate a dit "vomissent" en prenant en considération l'abon­dance et la quantité de sang qui s'écoule, puisque "vomir" (fait penser) à des flots compacts qui se répandent. Cependant, que le sang rejeté soit abondant ou de petite quantité, on peut affirmer que, de toutes façons, les gens meurent des suites d'un tel mal168 ; mais ce n'est pas sur quelque chose de ce genre qu'Hippocrate tient son discours. Et si les manuscrits donnent "expectorent en toussant" ou "crachent", ils donnent une bonne leçon, puisque nous avons l'habitude de dire "expectorent en toussant" ou "crachent" en parlant des matières qui remontent des organes respira­toires et de la poitrine169.»

Les remarques de Stephanos, on les retrouve dans le commentaire de Galien170. Les trois mots (έμέουσι, άναβήττουσιν, άναπτύουσιν) y sont mis en relation, comme chez Stephanos, avec la notion de la quan­tité de sang rejeté et avec les parties du corps lésées.

Théophile171, dans son commentaire, très bref, plus proche de celui de Stephanos que de celui de Galien, ne dit pas autre chose.

168. Cette conclusion de Stephanos est à rapprocher de l'opinion de Galien : voir ci-dessous, la note 170.

169. Stephanos explique longuement pourquoi le «sang écumeux» indique qu'il vient de poumon (Aph. V 14 (13) (W. III, p. 4820"37) ; Είρηται. οτι ό πνεύμων δια την καρδίαν έγένετο - αύτη γαρ υπουργεί δια το ριπίζειν καί άνεγείρειν το εμφυτον θερμον και είσάγειν καθαρον αέρα, έξάγειν δέ τα λιγνυώδη περιττώματα. Διό δια τοΰτο γέγονεν αύτος ό πνεύμων λεπτός τη ουσία και κοΰφος καί μανός και σομφώδης καί τα τοιαύτα, δια την καρδίαν. "Οθεν καί άπο λεπτομερούς καί κούφου αίματος τρέφεται... και κατά αλλον τρόπον ούκ ήδύνατο από παχύτερου αίματος τρέφεσθαι, δια το άεικίνητον αεί γαρ κινείται· άει δέ αυτού κινουμένου ούκ εφθαζεν πέψαι καί άλλοιώσαι το παχύτερον αΓμα... Έ ά ν οδν αφρώδες αΓμα άναπτύεται ύπό τίνος, εσο γινώσκων οτι εξ αύτης της ουσίας του πνεύμονας έστιν το άναγόμενον...

170. GAL. In Hipp. Aph. V 13 ( . 172, . 79710-7985) : Kal τών αντιγράφων τα πολλά και τών έξηγησαμένων το βιβλίον ούκ ολίγοι Ί'σασι κατά τήνδε την λέξιν τον άφορισμον γεγγραμένον , "όκόσοι αφρώδες αΓμα έμέουσι". Καί τ ινές γε την έξήγησιν αύτοΰ ποιούμενοι πλήθος ένδείκνυσθαί φασι τουνομα καί δια τοΰτο άπο του κυρίου μετενηνέχθαι. Προδήλως δ'οδτοι καταψεύδονται τοΰ φαινομένου. Πολλάκις γαρ ώπται πτύσις αίματος αφρώδους άνευ πλήθους γεγενημένη. Ει μεν οδν όντως ύ φ " Ιπποκράτους ούτως έγράφη, κατακεχρήσθαι τη προσηγορία φήσομεν αυτόν. Ού γ α ρ δή το μέν πολύ την έκ πνεύμονος άναγωγην δηλοί, το δ'όλίγον έξ άλλου τινός.

171. Aph. V 13 : D. Π, ρ. 44729-4485.

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ΑΡΗ. V 23 (22) Dans un très long commentaire172 au très long Aphorisme V 23 (22)

sur les bienfaits de la chaleur suppurative pour différentes affections173, Stephanos cite Galien à deux reprises.

Une première fois à propos de l'expression μέγιστον δε σημείον ές άσφαλειην («signe très important pour assurance»)174 : «Galien dit que cette phrase a été interpolée. Et il (? Hippocrate) énumère d'autres mala­dies et y associe la plaie175. En effet, que dit-il? "La chaleur est suppura­tive dans les plaies" et il ajoute en disant : "signe très important" — Quel signe? Eh bien, le pus — "pour assurance", et il (qui? Hippocrate ou, plutôt le Pseudo-Galien cité par Stephanos qui croit que la phrase est interpolée?) veut qu'on ajoute de la guérison, de sorte justement qu'(on obtienne ceci) : le pus, s'agissant des plaies, est le signe le plus sûr et le plus important de retour prochain à la santé. C'est ainsi que dans le Περί τροφής116 il dit aussi : "le pus, aliment des plaies".»

Tout ce développement est très maladroit. Il s'agit sans doute des notes prises à la hâte par un auditeur ou par Stephanos lui-même parcourant rapi­dement, avant son cours, le commentaire de Galien (du Pseudo-Galien). Ou peut-être, plus simplement, le texte est-il lacunaire ou corrompu.

Si, dans le commentaire de Galien, par ailleurs très proche de celui de Stephanos, on ne trouve rien sur les interpolations et les compléments à apporter au texte d'Hippocrate, il semble bien d'autre part que ce soit lui qui a inspiré les remarques du Pseudo-Galien cité par Stephanos. Galien écrit177 : «Le signe important d'assurance, s'agissant des plaies, est

172. Aph. V 23 (22) : W. III, p. 7422-8417. 173. Et voici le début de cet aphorisme, avec sa traduction par Littré : Το θερμον

έκπυητικόν ούκ επί παντί έλκει, μέγιστον σημείον ές άσφαλειην... «La chaleur est suppurative dans les plaies, mais non dans toutes, et fournit, quand elle l'est, un signe très important de salut... »

174. Aph. V 23 (22) (W. III, p. 7623"30) : "Μέγιστον δέ σημείον ές άσφαλειην". Λέγει ό Γαληνός δτι παρεντέθειται το ρησείδιον τοΰτο. Και αλλά πάθη καταλέγει και έλκος αρμόζει. Τι γαρ φησιν; "Οτι "το θερμον έκπυητικόν έστιν ελκεσιν". Καί επιφέρει λοιπόν καί λέγει "μέγιστον δέ σημείον" - το τί; το πύον - "ές άσφαλειην", θέλει δε προστεθήναι υγιεινή ν; οτι τυχόν άσφαλέστατον και μέγιστον σημείον έστι το πύον τοϊς ελκεσι τοΰ εις ύγείαν μέλλειν τρέπεσθαι. Οϋτω γαρ καί έν τω Περί τροφής αυτός λέγει οτι "ελκεσι το πύον τροφή"...

175. Ibidem, p. 761"11 : καί έλκος αρμόζει. On doit, à ce qu'il semble, rapporter ces mots à ούκ έπί παντί έλκει (voir ci-dessus, la n. 173) : la chaleur n'est pas suppurative pour toutes les plaies ; elle l'est pour les plaies simples (έπί των απλώς ελκών δντων), et non pas pour les plaies dites complexes (où μην έπί τών συνθέτων), autrement dit les plaies purulentes, soumises à l'afflux de la matière (μετά φλεγμονής καί ύλης έπιρρύτου ελκών..., επειδή σύνθετα οντά εχουσι καί σηπεδόνα, το δέ θερμον ου μόνον θερμον έστιν άλλα καί ύγρόν... καί ετι επιτείνει τήν σηπεδόνα το θερμον), et, selon le mot de Galien (In Hipp. Aph. V 22 : K. 172, p. 8097'8), «... (les plaies) auxquelles la chaleur ne convient pas, qui restent sans subir l'action suppurative de la chaleur» (έφ' ών γαρ ούχ άρμόττει, θεάση ταΰτ'άνεκπύητα μένοντα προς του θερμοΰ).

176. HIPP. Nutr. 52 : L. 9, p. 11813. 177. GAL. In Hipp. Aph. V 22 : . 172, p. 8081316.

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fourni par le pus et par son efficacité médicamenteuse. Rien de mauvais ne peut arriver à une plaie produisant du pus..ï»

Théophile178, quant à lui, reproduit un texte identique à celui qu'on lit dans le commentaire de Stephanos. Il ne fait cependant aucune allusion à un Galien quelconque.

C'est à propos des mots εδρη, αΐδοίω, κύστει, ύστερη que Stephanos se réfère, pour une deuxième fois, à l'autorité de Galien1'9 : «...Si le froid est en effet hostile aux nerfs, le chaud leur est utile, autrement dit le chaud est utile, comme cela semble à Galien, aux parties nerveuses, de la manière que voici ; il dit en effet dans son commentaire que ce sont là les parties nerveuses et qu'elles servent d'une sorte de portes et de portails pour les parties maîtresses. Si le froid passe en effet à travers le siège, il frappe les intestins, puis le ventre et l'estomac — et, voilà, la digestion se détraque ; s'il traverse les parties génitales, il frappe l'uretère, la ves­sie, les reins et le foie, et ceux-ci se gonflent d'air ; s'il traverse le col de la matrice, il frappe la matrice elle-même, — le résultat, c'est la stérilité. C'est donc parce que le froid est l'ennemi assassin pour les parties qu'on vient de nommer qu'il y a des portes et une sorte de portail devant les parties maîtresses, comme cela semble à Galien ; la chaleur est donc utile à ces parties-là ; c'est elle qui décide de la crise.»

En relisant le commentaire de Galien180, on constate que pour lui aussi le chaud est l'ami qui décide de la crise (φίλον και κρίνον), tandis que le froid apparaît comme un ennemi qui tue (πολέμιον και κτεΐνον). Cependant, l'image du portail, qui défend l'accès aux«parties maî­tresses» du corps, n'y figure pas. Revient-elle à Stephanos? Ou bien plu­tôt à cet énigmatique (Pseudo- ?) Galien — la référence réitérée à son commentaire est explicite — qui, une fois encore, intervient dans le commentaire authentique que nous connaissons?

Pas de traces de ces raisonnements attribués à Galien chez Théophile.

APH. V 27 (25)

Venons-en à VAphorisme V 27 (25), déjà examiné à propos des rap­ports qui s'établissent, à notre avis, d'une part entre le Galien cité par

178 Aph. V 22 (D. II, p. 45414"18) : Λοιπόν έπί τών απλών ελκών έκπυητικον το θερμον και μέγιστον σημεϊον "ές άσφαλείην", τουτέστι μέγιστον καί άσφαλέστατόν έστι σημείον το πύον τοις ελκεσι τοΰ εις ύγείαν μέλλειν τρέπεσθαι, cf. n. 174.

179 Aph. V 23 (22) (W. III, p. 846"17) : Ει γαρ το ψυχρον πολέμιόν έστι νεύροις, το θερμον ώφέλιμον αύτοίς έστιν. 'Ή ώφέλιμόν έστι το θερμον, ώς δοκει τώ Γαληνώ, τοις νευρώδεσι μορίοις τον τρόπον τούτον φησίν γαρ έν τω ύπομνήματι οτι ταΰτα τα μόρια νευρώδη είσιν καί οίον θύραι και πύλαι κυρίων μορίων εΐσίν. Ει μεν γαρ δι'εδρας διήκει καί διέλθη ή ψΰξις, πλήττονται έντερα, είτα γαστηρ καί στόμαχος, καί βλάπτονται αί πέψεις- ει δέ δι'αίδοίων διέλθη, πλήττονται ουρητήρες, κύστις, νεφροί, ήπαρ, καί έμπνευματοΰνται- ει δέ δια τοΰ τραχήλου της μήτρας διέλθη, πλήττεται αύτη ή μήτρα καί γίνεται άγονία. Τοΰ ουν ψυγροΰ πολεμίου οντος καί κτείνοντος έν τούτοις τοις μορίοις δια το εΤναι θύρας καί οίον πύλας κυρίων μορίων, καθώς τώ Γαληνώ δοκεΐ, ούκοΰν το θερμον ώφέλιμον αύτοίς έστι καί κρίνον.

180. GAL. In Hipp. Aph. V 22 : . 172, . 81016-8119.

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Stephanos et Asclèpios181, et d'autre part entre le même Galien et le Nouvel Exégète182 : «Les gonflement et les douleurs sans plaies, dans les articulations, la goutte, les ruptures (musculaires) sont généralement sou­lagés par d'abondantes affusions d'eau froide qui diminuent la tuméfac­tion et amortissent la douleur ; un engourdissement modéré a la propriété de dissiper la douleur.»

Stephanos écrit183 : «Arrivé à cet aphorisme (ένταΰθα), Galien sou­tient dans son commentaire que le passage en question est étranger à la pensée d'Hippocrate et en quelque sorte intercalé au milieu (du texte). Et même si ce passage revient à Hippocrate, il n'a pas de sens, à ce qu'il semble. En effet, si le spasme se présente comme une solution de la sub­stance fibreuse, autrement dit de la substance nerveuse, comment Hippocrate peut-il soutenir ici que le froid soulage et fait du bien aux nerfs, alors que plus haut (Aph. V 19 (18)), il a affirmé que le froid est l'ennemi des nerfs? Aussi Galien et plusieurs autres exégètes n'ont-ils pas cru juste de commenter cet aphorisme ; au contraire, ils l'ont com­plètement écarté en tant qu'étranger à la pensée d'Hippocrate et, en quelque sorte, intercalé au milieu (d'autres aphorismes).»

Eh bien, en dépit de cette affirmation de Stephanos, claire et nette, on ne voit pas Galien critiquer ou rejeter dans son commentaire l'aphorisme en question ; il n'y aborde pas non plus le traitement des spasmes par l'affusion d'eau froide.

Quant à Théophile184, il ne fait aucune allusion à un Galien quel qu'il soit.

APH. V 34 (33)

Passons à ΓAphorisme V 34 (33) : «Chez une femme dont les règles manquent, il est bon que du sang s'écoule par les narines.» Stephanos écrit185 : «Arrivé à ce passage, Galien dit que le texte de cet aphorisme a servi à Hippocrate d'exemple, puisque, lorsque les règles s'arrêtent chez la femme et que le sang s'écoule par n'importe quel conduit, c'est cette matière (qui a été retenue) qui s'élimine, et cela ne peut pas nuire ; au contraire, cela est bon, non seulement si, pour s'évacuer, la matière s'écoule par les narines, mais aussi par le siège, sous forme d'hémor­roïdes, ou par d'autres voies de ce genre ; cela est bon, puisque, comme

181..REB54, 1996, p. 12-14. 182. Voir plus haut p. 10-11. 183. Aph. V 27 (25) : W. III, p. 9232-943. 184. Aph. V 25 : D. II, p. 458-459. 185. Aph. V 34 (33) (W. III, p. 1102531) : 'Ενταύθα δε γενόμενος ό Γαληνός φησιν

οτι παραδείγματι έχρήσατο το νυν ύπ'αύτοΰ ρηθέν του λόγου, έπεί τοί γε, έαν έπισχεθώσιν τα καταμήνια γυναικί, κενωθη δε δια οιουδήποτε υπονόμου αΓμα, εκκρίνεται εκείνη ή ϋλη και ού δύναται βλάψαι, άλλα τουναντίον καί αγαθόν έστιν, ού μόνον εάν ένεχθη δια ρινών και κενωθη, άλλα καί δι'εδρας καί δι'αίμορροΐδος καί τών τοιούτων αγαθόν έστιν, επειδή, ώς εΐρηται, κενοΰται εκείνη ή υλη καί εκκρίνεται, καί έπί τούτω ού δύναται βλάψαι- πώς γαρ;

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on dit, la matière en question s'élimine et s'évacue ; ceci étant, cela ne peut pas nuire ; en effet, comment cela serait-il possible ?»

Quant à Galien186 , bien qu'il décrive un contexte quelque peu diffé­rent, il voit lui aussi dans Y Aphorisme V 33 un exemple qu'il convient de compléter par d'autres moyens possibles d'évacuation du sang, peut-être plus douloureux, mais aussi efficaces.

Pour Théophile187, dont le texte, très bref, s'intègre entièrement dans le commentaire de Stephanos, les Aphorismes V 32 et 33 ne font qu'un seul. Il ignore Galien.

ΑΡΗ. V 41 (40 ; 39 POUR THÉOPHILE)

Nous avons déjà eu l'occasion188 de nous arrêter à Y Aphorisme V 41 (40 ; 39 pour Théophile) : «Chez les femmes, une congestion de sang dans les mamelles annonce la folie» ; aussi nous bornerons-nous à rappe­ler que l'allégation explicite de Stephanos189 que cet aphorisme a été rejeté par Galien — «Arrivé à ce passage, Galien soutient que l'apho­risme en question est mensonger et doit être complètement écarté de la pensée d'Hippocrate» — ne figure pas dans le commentaire de Galien. Celui-ci, au contraire, bien qu'il exprime des réserves lui aussi sur la véracité de cet aphorisme190, cherche à expliquer et à justifier la position d'Hippocrate191 : la nature des mamelles, éminemment glanduleuse et privée de sang (αναιμος), donc froide par définition, rend le sang froid lui-aussi. Mais, lorsque celui-ci, abondant et effervescent (πολύ τε αμα κοά ζέον), se porte sur la tête, il provoque la folie ; s'il se dirige vers les mamelles, il ne peut pas se transformer en lait, pour les mêmes raisons (διά τε rrjv ζέσιν και το πλήθος).

Stephanos, pour sa part, comme le Galien authentique, cherche à atté­nuer les critiques, qu'il juge excessives, du Galien qu'il cite192, pour rejoindre l'opinion du Galien (authentique) que nous venons de rapporter : ce sont les vapeurs nocives, dit-il, provoquées par la conges­tion du sang dans les mamelles, qui montent vers la tête et déclenchent la folie.

186. GAL. In Hipp. Aph. V 33 (K. 172, p. 8227-8235, spécialement p. 8234"5) : ... φαίνεται γαρ ενίοτε δι'ένος ώς παραδείγματος ό 'Ιπποκράτης αποφαινόμενος υπέρ των ομοίων απάντων.

187. Aph. V 31-32 ( = 32-33) : D. Π, p. 4621322. 188. REB 52, 1994, ρ. 49. 189. Aph. V 41 (40) (W. Ill, p. 12420s) : texte cité dans la REB, art. cit., n. 158. 190. GAL. In Hipp. Aph. V 40 (K. 172, p. 8321014) : Έγω μεν οδν ουπω τοοτο

γενόμενον έθεασάμην, ώστε εί καί γίνεται ποτέ μεν των σπανίων εστίν. Ό 'Ιπποκράτης δ'ώς έωρακως αυτό γράφει- καί εϊπερ γε αληθές έστι, τοιάνδε τινά χρή νομίζειν αύτης την αίτίαν ύπάρχειν...

191. Ibidem, p. 83214-83310. 192. Aph. IV 41 (40) : W. III, p. 1242123 : Άλλ' επειδή Ί'σμεν μηδέποτε ψευσάμενον

τον Ίπποκράτην, παραμυθίας ένεκεν τοΰ λόγου έξηγησώμεθα αυτόν τον τρόπον τοΟτον... Cf. REB 52, 1994, p. 49, . 160.

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Le Galien cité par Stephanos serait-il donc plus critique à l'égard d'Hippocrate que le Galien dont nous lisons le commentaire?

Quant à Théophile193, qui ignore Galien, il occupe en quelque sorte une position médiane entre Stephanos et Galien.

Aph. V 65-67 (62b2-63)

Les Aphorismes V 65-67 (621"2-63) présentent un ensemble dont l'ordre et le contenu sont contestés par Galien avec une véhémence parti­culière, ce qui, à son tour, pousse le Galien cité par Stephanos à rediscu­ter les opinions de son grand prédécesseur et à prendre en quelque sorte la défense d'Hippocrate.

Nous mettons donc en parallèle les deux textes pour donner plus de relief aux différences d'interprétation de nos deux auteurs et pour mon­trer en même temps l'emprise exercée par Galien sur ce Pseudo-Galien tardif du 6e siècle.

Quant à Stephanos, qui ne fait, dans notre hypothèse, que rapporter tant bien que mal les explications de ce Galien dont nous ne connaissons toujours pas l'identité, il se contente d'insérer dans son commentaire des prosdiorismoi et des kanones dont il aime à émailler ses textes.

APH. V (65) (62) = 62 (1)

U Aphorisme V 65 représente, dans le commentaire de Stephanos, la première partie de VAphorisme V 62 : «Les femmes qui ont la matrice froide et dense ne conçoivent pas et ainsi de suite...»

Le Galien cité par Stephanos et le Galien de l'édition Kühn nous livrent leurs réflexions concernant le rapport à établir, plus correct à leur avis, entre VAphorisme en question et VAphorisme V 62 (59).

193. Aph. V 39 : D. II, p. 46515"21 ; cf. REB, art. cit.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 51

STEPHANOS, Aph. V 65 (62)

(W. Ill, p. 16629-34):

«Galien dit194 : S'il était pos­sible d'innover et d'ouvrir une nouvelle voie (dans l'interpréta­tion) du texte des Aphorismes, j 'aurais relié le présent aphorisme à celui (Aph. V 62 (59)) qui dit :

GALIEN, Aph.

p. 8613-16) : V 62 (K. IV

"Si une femme ne conçoit pas et si tu veux savoir si elle va conce­voir", applique la chaleur d'étuve ; si le parfum parvient à travers les profondeurs du corps jusqu'à la bouche et les narines, cela signifie que la matrice est libre de toute affection d'organe, et pas seule­ment cela, elle est libre de toute dyscrasie. »

«S'il m'était possible de mettre de l'ordre dans l'ensemble des Aphorismes, je n'hésiterais pas à transférer l'aphorisme énoncé un peu plus haut (Aph. V 59) à cet endroit-ci, de manière à ce que le développement sur la purge des matrices une fois accomplie, le présent aphorisme en prenne la suite, en nous apprenant de com­bien de manières les femmes deviennent stériles.

Le premier, donc, parmi ces aphorismes est celui qui dit :

"Si une femme ne conçoit pas, et si tu veux savoir si elle va concevoir, l'ayant enveloppée de couvertures, brûle sous elle des parfums..."

(cf. ibidem, p. 86714-86818).

Le deuxième est celui qui nous est présentement proposé et dont l'essentiel est : Les matrices bien équilibrées (εύκρατους) sont aptes à concevoir ; celles qui sont mal équilibrées (δυσκράτους), si elles souffrent d'une dyscrasie modérée, conçoivent difficile­ment; si la dyscrasie est au contraire immodérée, elle rend les femmes stériles...»

194. Aph. V 65 (621) (W. III, p. 1662934) : Φησίν ό Γαληνός οτι· Ει ή"ν δυνατόν καινοτομησαι την λέξιν τών αφορισμών καί νεωτεροποιησαι, τον παρόντα άφορισμον συντάζαι εΐχον έκείνω τώ λέγοντι "έάν γυνή μή λαμβάνη έν γαστρί, βούλει δέ εΐδέναι ει λήψεται", χρήσαι τη πυρία- καί ει μεν δια βάθους τοΰ σώματος ελθη ή οσμή περί το στόμα καί τους μυκτηρας, σημαίνει το άπηλλάχθαι την μήτραν παντός όργανικοο πάθους, ου μην άλλα καί πάσης δυσκρασίας.

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Les deux commentateurs passent alors en revue d'autres raisons pos­sibles de la stérilité féminine (matrices humides, sèches ou froides à l'ex­cès) ; ils le font chacun à sa manière, Stephanos brièvement195, Galien avec une prolixité agaçante196.

Les discours sur les dyscrasies une fois terminés, Stephanos donne quelques explications sur les mots άμαυρουται (au lieu de άποσβέννυται qui figure dans Littré, Kühn et Dietz) et yóvos197, tandis que Galien s'attarde à exprimer ses doutes sur l'authenticité de VAphorisme qui vient à la suite (V 63)198 : ... (Hippocrate a bien consacré les deux aphorismes aux problèmes des femmes, alors qu'il n'a rien dit au sujet des hommes) «ou bien, parce qu'il nous était facile, pensait-il, de transférer ce qui a été dit sur les dyscrasies des femmes sur celles des hommes, ou bien parce qu'ayant remis ce sujet à plus tard il a oublié de le faire. Aussi certains (exégètes) ont-ils ajouté à la suite un autre apho­risme sur les mâles et dont le commencement est "Il en va de même des mâles" {Aph. V 63) ; cependant, les meilleurs parmi les exégètes des Aphorismes soutiennent que cet aphorisme reste manifestement bien au-

195. Ibidem, p. 16634-1687: Ταΰτα vöv παραδίδωσιν ή μ ι ν φησίν γαρ "όκόσαι πυκνας και ψύχρας τοις μήτρας εχουσιν ού κυΐσκουσιν", επειδή ή ψΰζις ούχ έλκει το σπέρμα, άλλα και πυκνοί τήν μήτραν "όκόσαι ύγρας τας μήτρας εχουσιν, ουδέ αδται κυΐσκουσιν", επειδή ή ΰγρότης κατακλύζει το σπέρμα - "όκόσαι δε ξηράς" εχουσιν, ετι μάλλον αγονοί είσιν, επειδή ή ξηρότης πυκνοί τήν μ ή τ ρ α ν ομοίως και αί θερμήν εχουσαι ού κυΐσκουσιν, επειδή ή θερμότης διαχεϊ και διάφορε! το σπέρμα, ή οτι έξικμάζεται αυτή ή ίκμας του σπέρματος ύπο της θερμότητος. Δια γαρ τοΰ ειπείν αυτόν "διακαείς" τήν θερμήν δυσκρασίαν έδήλωσεν, δαπάνα γαρ και έζαναλίσκει τήν ίκμάδα του σπέρματος, καΐ ανικμον μένον αγονον ευρίσκεται. («Voici ce qu' (Hippocrate) est en train de nous transmettre ; il dit, en effet : "Celles qui ont des matrices denses et froides ne conçoivent pas", puisque le froid n'attire pas la semence et, de plus, rend la matrice dense ; "celles qui ont la matrice humide, celles-là non plus ne conçoivent pas", puisque l'humide submerge la semence ; celles, au contraire, qui "l'ont sèche" sont stériles à plus forte raison, puisque le sec rend la matrice dense ; il en va de même de celles qui ont la matrice chaude ; elles ne conçoivent pas, elles non plus, puisque la chaleur dissout et évacue la semence ; ou bien parce que l'humidité s'éva­pore elle-même sous l'action de la chaleur. En effet, par le fait d'avoir dit "ardentes" Hippocrate a désigné la dyscrasìe chaude, car elle consume et détruit l'humidité de la semence ; privée d'humide, celle-ci se retrouve inféconde.»)

196. GAL. In Hipp. Aph. V 62 : Κ. 172, p. 86116-864'3. 197. Aph. 65 (62) (W. III, p. 1688"13) : Καλώς δε πάνυ το "άμαυρουται"· δια γαρ

τούτου έδήλωσεν το οΓον κατακλύζεσθαι το σπέρμα ή το οίον έκλύεσθαι αυτό. («C'est une belle expression "s'émousse" ; Hippocrate a fait comprendre par là que la semence se remplit d'eau et en quelque sorte se dissout») — Καλώς δε καί το "ό γόνος" εΐρηται- γόνιμα γαρ λέγονται πάντα τα σπέρματα, είτε έν τη γη καταβληθώσιν είτε έν τη μήτρα (cf. GAL. In Hipp. Aph. V 62 : . 172, p. 8645"1"), καί γόν ιμα εισιν τα κρατούμενα καί όμοια ποιοΰντα. Δια γοΰν τοΰ ειπείν αυτόν "ό γόνος" έσήμανεν μετά το ήδη κρατηθήναι το σπέρμα, τότε έκκριθήναι. («Et voilà une belle expression, elle aussi, "féconde". On appelle en effet fécondes toutes les semences, qu'on les jette dans la terre ou dans la matrice ; sont (donc) fécondes les semences qui, une fois retenues (dans la matrice), produisent des êtres qui leur ressemblent. Aussi par le fait d'avoir dit "féconde", Hippocrate a fait comprendre que c'est déjà après avoir été retenue (dans la matrice) que la semence s'en trouve éliminée.»)

198. GAL. In Hipp. Aph. V 62 : Κ. 172, p. 8658-8663.

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dessous de la pensée et de la manière de s'exprimer d'Hippocrate. Eh bien, par analogie, il nous est possible, en passant aux hommes...», de transférer sur les semences les dyscrasies observées pour les matrices199.

Théophile200 ignore les innovations attribuées par Stephanos à Galien, bien que son texte soit dans l'ensemble assez proche de celui de Stephanos.

ΑΡΗ. V 66 (62) = 622

U Aphorisme V 66, très bref, recouvre, dans le commentaire de Stephanos, la dernière partie de Y Aphorisme V 62 : «... mais celles qui ont le tempérament bien proportionné (fait) des unes et des autres (... όκόσαι δε εξ αμφοτέρων (? dyscrasies, antithèses ou qualités ?), την κρασιν εχουσι ξύμμετρον), celles-là sont fécondes.» Cet aphorisme, nous l'avons analysé en relation avec les positions prises par Y Exégète du présent ouvrage (Asclèpios-Théophile), et nous avons noté le glisse­ment de sens qui s'est produit du commentaire de Galien qu'on lit dans l'édition de Kühn aux propos tenus par le Galien cité par Stephanos201.

ΑΡΗ. V 67 (63)

Les deux commentateurs continuent leur discours contestant l'authen­ticité de Y Aphorisme V 67 (63) — «Il en est de même des mâles ; ou bien, le corps étant lâche, le pneuma se dissipe au dehors...» —, Stephanos, avec une référence à Galien, Galien à ce qu'il a déjà déve­loppé à propos de Y Aphorisme V 66 (62) :

STEPHANOS, Aph. V 67 (63)

(W. III, p. 16831"33)202 :

«Étant donné qu'il existe aussi des mâles (άρρεν γένος) qui sont stériles, Hippocrate suppose qu'il en va de même pour eux (que pour les femmes).

Cependant Galien affirme que cet aphorisme est faux ; qu'il n'est qu'une interpolation (νόθος... και υποβολιμαίος : remarquons que ces expressions ne figurent pas dans le commentaire de Galien).

GALIEN, Aph. p. 8698-87214)

V 63 (Κ. 172,

«Celui qui a ajouté cet apho­risme ne comprend pas ses propres paroles (ουδέ των ίδιων ακούει φωνών).

199. Ibidem, p. 8664-86714. 200. Aph. V 62 : D. II, p. 47821-47912. 201. REB 54, 1996, p. 22-24. 202. Aph. V 67 (63) (W. III, p. 16831"33) : 'Επειδή καΐ το άρρεν γένος αγονόν έστιν,

νυν ταΰτα υποτίθεται ό 'Ιπποκράτης. Ό δέ Γαληνός φησιν δτι νόθος έστιν ò παρών αφορισμός καΐ υποβολιμαίος.

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En effet, s'il était d'Hippocrate, on devrait admettre que le mâle est stérile pour les mêmes raisons (que les femmes) et dire203

que si c'est en raison du froid que les hommes sont stériles, c'est que le froid engourdit en quelque sorte la semence et, en énucléant, la rend par là même inapte à engen­drer, puisqu'elle s'avère stérile. Si, en effet, en raison de la dyscrasie froide de la matrice, la semence est stérile, elle le sera d'autant plus, lorsqu'elle est froide elle-même.

En effet205, la dyscrasie humide rend la semence fragile, impuis­sante et inefficace, car elle se trouve submergée par l'humide, et, pour cela, elle devient stérile...

Quant à la dyscrasie sèche, elle fait que l'humide s'évapore de la

Ayant annoncé en effet qu'il abordait, au sujet des mâles, à peu près les mêmes thèmes qu'Hippocrate a développés au sujet des femmes (παραττλήσιον ποιήσασθ-αι τον λόγον), il ne pas fait. Et, puisqu'Hippocrate a mentionné quatre dyscrasies, il aurait fallu qu'il parle lui aussi des quatre dyscrasies à propos des mâles, comme nous l'avons fait nous-mêmes204 .»

203. C'est ce que Stephanos s'apprête à faire à la place d'Hippocrate, en passant en revue les quatre dyscrasies responsables de l'infécondité des hommes (ibidem, p. 16833-17015) : Ei γαρ ην του 'Ιπποκράτους, έδει δια τας <αύτας> αιτίας ύποθέσθαι αγονον είναι το άρρεν και ειπείν δτι ει μεν δια την ψΰξιν αγονοί είσιν, ή ψΰξις οΤον ναρκοί το σπέρμα και έκπυρηνίζει αυτό, και έντεΰθεν άνεπιτηδείως έχει προς σύλληψιν, επειδή αγονον ευρίσκεται- έάν γαρ δια την ψυχραν δυσκρασίαν της μήτρας αγονον ήν το σπέρμα, πολλώ μάλλον αυτό δν ψυχρον το σπέρμα εύρεθήσεται αγονον. — Ή γαρ υγρά δυσκρασία αδρανές και άνίσχυρον ποιεί το σπέρμα καί έξίτηλον, κατακλύζεται γαρ ύπο της ύγρότητος και έντεΰθεν αγονον ευρίσκεται... — Ή δε ξηρά δυσκρασία έξικμάζει αυτήν τήν ΐκμάδα του σπέρματος, και το τηνικαΰτα ανικμον δν το σπέρμα αγονον ευρίσκεται. - Ή δέ θερμή δυσκρασία περιφρύσσει καί έξαναλίσκει αυτό το σπέρμα σχεδόν τοΰτο δέ ελάχιστον δν πώς έχει έξαρκέσαι εις τοσαΰτα μόρια καταμερισθήναι ώστε γενέσθαι καί άποτελεσθήναι το εμβρυον; Ce texte est à juxtaposer à celui du commen­taire à VAph. V 65 (621) : voir plus haut, p. 52, n. 195.

204. GAL. In Hipp. Aph. V 62 : K. 172, p. 866316. 205. Γαρ. dans le texte ; peut-être faut-il mettre δέ à la place (? par contre) ?

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semence, et alors la semence, pri­vée d'humide, se retrouve stérile.

Pour ce qui est de la dyscrasie chaude, elle grille et consume presque entièrement la semence même. Celle-ci devenue toute petite, comment, divisée qu'elle est en un nombre de parties aussi important, peut-elle être assez forte pour amener l'embryon à l'existence et à l'accomplisse­ment.»

Et Stephanos de conclure, comme il aime à le faire, en rappelant un principe d'ordre général206.

«C'est pour ces raisons qu'il y a également des hommes qui sont stériles. Quant aux règles, elles sont universelles et concernent (les deux) genres ; aussi conviennent-elles aux unes et aux autres : femmes ou hommes, les causes sont les mêmes.»

Et c'est ici seulement que Stephanos relève, avec quelque indulgence, semble-t-il, l'incohérence de l'aphorisme qu'il est en train de commenter207 :

«Sauf, qu'il (qui ? Hippocrate, ou l'interpolateur ?) n'a mentionné que quelques-unes d'entre ces causes ; il n'a mentionné en effet que le froid et le chaud ; de sur­croît, il s'est servi de je ne sais quels termes insolites208.»

Après ceci, comme s'il cherchait à corriger les incohérences de l'apho­risme en lui faisant dire les choses qu'il ne dit pas, Stephanos ajoute un de ces prosdiorismoi - définitions complémentaires, indispensables, à son avis, pour interpréter correctement la pensée d'Hippocrate209 :

206. Aph. V 67 (W. III, p. 17015"17) : Δια ταύτας οδν τας αιτίας και οί άνδρες αγονοί είσιν. Καθολικοί δέ είσιν οί κανόνες καί γενικοί, έφ' <5ν έπι αμφοτέρων άρμόζουσι, καί επί των γυναικών και επί των ανδρών, αί αύται αίτίαι.

207. Ibidem : Πλην έμνημόνευσε τινών έξ αυτών, έμνήσθη γαρ ψυχρότητος καί θερμότητος, άλλο; ζένοις τισίν όνόμασιν έχρήσατο.

208. En effet, au lieu de continuer avec le sec et l'humide, l'auteur de l'aphorisme (interpolé ?) introduit la porosité (lâcheté) et la densité (du corps).

209. Aph. V 67 (63) (W. ΠΙ, p. 17020"24) : Ειρήσθω δέ καί ό προσδιορισμός ov καί ανωτέρω είρήκαμεν, δτι έαν δια ψυχρότητα το σπέρμα του ανδρός αγονόν έστιν, ή δέ γυνή θερμή εύρεθΐ), έκ τών δύο δυσκρασιών μίξις τις γίνεται καί κρασις, έφ' ?)

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«Ajoutons aussi la définition complémentaire que nous avons formulée plus haut également210, à savoir : si, en raison du froid, la semence de l'homme est stérile, alors que la femme est chaude, les deux dyscrasies finissent par constituer un mélange et une cra-sis, grâce à laquelle la semence devient féconde. Et ce que nous avons dit au sujet d'un seul cas, toi, reporte-le sur d'autres dyscra­sies aussi, mettant en parallèle les choses comparables».

Enfin, après tous ces détours, Stephanos aborde la lexis. Il rejoint ainsi Galien, tout en proposant une interprétation entièrement différente.

STEPHANOS, Aph. V 67 (63)

(W. III, ρ 17025"29)211:

«Ou bien, "le corps étant lâche, le pneuma se dissipe au dehors". Voici le sens de ce qui est dit : lorsqu'un homme a un corps poreux (lâche) qui

transpire abondamment, le pneuma contenu dans la semence se dis­perse ; celle-ci n'est ni éjectée ni envoyée dans la cavité de la matrice ; n'y étant pas envoyée, elle ne reçoit pas la vie ; elle se trouve être stérile de toute évidence.

GALIEN, Aph. V 63

( . 172, p. 86914-8703s.) :

«Au lieu de cela, aussitôt il met en cause la lâcheté (la porosité ?) du corps (την αραιότητα ευθέως τοΰ σώματος μέμφεται) au sujet de laquelle rien n'a été dit, lors­qu'on parlait des femmes ; ensuite, même ce discours-là (λόγος), exa­miné en lui-même, ne s'avère pas véridique, car on voit pas mal d'hommes qui ont un corps lâche et dont la semence est pourtant très féconde...»

«La semence212 est éjectée par la tension des vaisseaux séminaux (τη συντονι'α των σπερματικών αγγείων έκθλιβόμενον) ; elle n'est pas poussée par le pneuma...»

κράσει γόνιμον ευρίσκεται το σπέρμα. Και οπερ έπί τοΰ ενός ημείς είρήκαμεν, συ είπε και έπί τον αλλων δυσκρασιών τα αύτα άντιπαραβάλλων.

210. Aph. V 66 (622) : W. ΠΙ, p. 16816"25 ; cf. REB 54, 1996, ρ. 22-23. 211. Aph. V 67 (63) (W. Ill, . 2529) : '"Ή δια την αραιότητα του σώματος το

πνεύμα εξω φέρεται". Το λεγόμενον τοιούτον έστιν, οτι έαν άραιοπορον έχει το σώμα ό άνηρ και εύδιαφόρητον, διαφορείται το πνεύμα το έν το σπέρματι καΐ ούκ ακοντίζεται ούδε παραπέμπεται έν τω κόλπω της μήτρας- τούτο δέ μη παραπεμπόμενον ού ζωογονείται, άλλ' αγονον ευρίσκεται προδήλως.

212. GAL. In Hipp. Aph. V 63 : . 172, p. 87079s.

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UN «PSEUDOGALIEN» 57

"Ou bien213, le corps étant dense, l'humide se répand214 au dehors". Par "densité", il faut entendre ici (νΰν) la sécheresse ; la sécheresse provoque en effet la densité, et c'est en raison de la sécheresse et de la densité que l'humide, plus précisément la semence, se porte au dehors.

Quant à l'expression216 "se porte au dehors", ne crois pas que la semence (tombe) sur le sol ; non justement, elle se porte au dehors de la matrice ; je précise : dans le vagin ; la semence donc qui se porte au dehors de la cavité de la matrice est évidemment stérile.

«... L'homme215, qui a fraudu­leusement ajouté (παραγράψας) cet aphorisme, ignorait ces choses-là, lorsque, par surcroît, il dit que c'est à cause de la densité que l'humide ne se répand pas au dehors. Si "l'humide" signifie en effet autre chose que "semence", l'aphorisme est absurde. Si d'autre part la semence, comme il le prétend, ne se porte pas au dehors, en raison de la densité du corps tout entier, il avoue son ignorance totale de la structure des organes séminaux ; en effet, il vau­drait mieux en rendre responsable l'étroitesse de ces derniers (αγνοεί την των σπερματικών οργάνων κατασκευήν αμεινον γαρ fjv αίτιάσΦαι την εκείνων στενότητα).

213. Aph. V 67 (63) (W. Ill, p. 17030"32) : ""H δια την πυκνότητα το ύγρον διαχωρεέι εξω". "Πυκνότητα" την ξηρότητα νυν άκουστέον ή γαρ ξηρότης πύκνωσιν ποιεί" τη γαρ ξηρότητι και πυκνότητι το ύγρον εξω φέρεται, τυχόν το σπέρμα.

214. Διαχωρέει : ού διαχωρέει Littré, Kühn et Dietz. Stephanos est le seul, à ce qu'il semble, à proposer cette leçon qui ne figure même pas dans l'apparat critique de Littré.

215. GAL. In Hipp. Aph V 63 : K. 172, p. 87073-8713. 216. Aph. V, 67 (63) (W. III, p. 17032"35) : Το δε "εξω φέρεται" μη νομίσης έπι του

εδάφους, άλλα τυχόν έξωθεν της μήτρας, λέγω δη εις το λαγαρον εντερον, το οδν σπέρμα έξωθεν του κόλπου της μήτρας φερόμενον αγονον προδήλως εστίν.

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"Ou bien217, le corps étant froid, la semence ne s'échauffe pas assez pour se réunir dans le218 lieu" ; en effet, la semence froide est morte ; privée de chaleur, elle ne s'échauffe pas ; elle ne s'éveille pas à la vie ; elle n'est pas ce qui doit façonner (la vie). C'est bien cela que veut dire "pour se réunir dans ce lieu", plus exactement : il n'existe pas de chaleur pour faire vivre la semence.

Ce qui est dit à la suite219, vrai jusqu'à un certain point, devient absurde en raison de ce qui suit. Le fait qu'à cause du froid de la crasis la semence ne s'échauffe pas et reste par conséquent stérile, est vrai ; par contre, les mots "ne pas pouvoir se réunir dans ce lieu" s'y trouvent ajoutés inutilement ; d'autre part, alors que rien n'a été dit auparavant au sujet de ce lieu, on nous laisse nous en faire l'idée nous-mêmes. Pourtant, le mot "ce"220 renvoie à ce qui précède. Mais ce sont là des gaffes mineures (ταύτα μεν σμικρά) ; par contre, ce qu'on trouve à la fin (de l'aphorisme) est une grave erreur ; là où (l'auteur)

217. Ibidem, p. 17036"40 : "Ή δια την ψχρότητα ουκ εκπυροΰται ώστε άθροίζεσθαι προς τον τόπον." Το γαρ ψυχρον σπέρμα νεκρόν έστιν τοΰτο οδν μή έχον θερμότητα ούκ εκπυροΰται ουδέ ζωογονείται ουδέ εστίν το όφείλον αυτό διαπλασαι. Τοΰτο γάρ φησιν οτι "ώστε άθροίζεσθαι προς τον τόπον τοοτον", τυχόν οτι ούκ εστίν θερμότης ή όφείλουσα αυτό ζωογονησαι.

218. Προς τον τόπον : il faut sans doute ajouter τοΰτον, qui figure dans le lemme et qui réapparaît quelques lignes plus bas.

219. GAL. In Hipp. Aph. V 63 : Κ. 172, p. 8173-8723. 220. Ibidem, p. 87110 : τούτων dans le texte, qu'il convient de corriger en τοΰτον {sci­

licet: προς τον τόπον τοΰτον).

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UN «PSEUDO-GALIEN» 59

affirme que "la même chose arrive à cause de la chaleur", car, de toute évidence, ce discours ren­voie à ce qui a été dit précédem­ment ; eh bien, on a dit qu'à cause du froid la semence ne s'échauffe pas pour "se réunir dans ce lieu" ; par conséquent, il faut penser qu'à cause de la chaleur aussi la semence ne s'échauffe, ni ne se réunit dans les organes séminaux. Absurdité évidente ! Il serait de bon sens en effet de dire que la semence se consume, ou qu'elle se dessèche, ou enfin qu'elle subit quelque chose de ce genre à cause de la chaleur ; par contre, affirmer qu'elle ne s'échauffe pas est d'une absurdité parfaite.»

Ce dernier paragraphe, influencé de toute évidence par les critiques de Galien, va à l'encontre de l'interprétation positive pour sa plus grande partie de l'ensemble de l'aphorisme ; en réalité, la phrase «ou bien c'est à cause de la chaleur que cela arrive» ne se rapporte pas au fait que la semence ne s'échauffe pas à cause de la chaleur, comme le suggère Galien, mais bien au fait qu'elle ne se réunit pas «dans ce lieu», c'est-à-dire dans le lieu prévu (la matrice ou les organes séminaux) ; en effet, grillée par la chaleur excessive, la semence222 n'arrive pas à atteindre son objectif : «se réunir dans ce lieu» ; de même que le froid223, en empê­chant la semence de s'échauffer, lui interdit de «se réunir dans ce lieu.»224

Ainsi, Stephanos, tout en se référant à Galien — et ceci dès la pre­mière phrase —, propose une exégèse complètement différente de cet aphorisme : il faut soit l'éliminer, soit justifier sa présence dans l'en­semble de l'ouvrage. Il oscille entre les critiques de Galien qu'il ne peut pas passer sous silence et la conviction qu'il est possible de défendre l'authenticité de cet aphorisme, en dépit de ses incohérences et ses bizar-

221. Aph.. V 67 (63) (W. III, p. 172 ) : "'Ή δια την θερμασίην τούτο γίνεται". Έκ τούτου του ρησειδίου πάντη εστίν έκβαλείν τον παρόντα άφορισμόν Τί γαρ έστιν "τούτο γίνεται"; Τί γίνεται; Το διά την αραιότητα, το δια την πυκνότητα, το δια την ψυχρότητα; Άλλα δια την θερμότητα. Άδιανόητον γάρ έστιν.

222. Voir plus haut, p. 55 au sujet de la dyscrasie chaude qui incommode les hommes. 223. Ibidem, p. 54. 224. Cette interprétation confirme l'hypothèse de Littré qui conteste la position de

Galien et qui écrit : «"produit le même effet" se réfère non à ce que la semence ne s'échauffe pas, mais à ce qu'elle ne se rassemble pas dans les réservoirs.»

"Ou bien221, c'est à cause de la chauleur que cela arrive". C'est en raison de cette sentence qu'il convient d'éliminer complètement le présent aphorisme. Que veut dire cela en effet : "cela arrive" ? Qu'est-ce qui arrive ? Ce qui arrive à cause de la lâcheté ? À cause de la densité, à cause du froid? Mais non, à cause de la cha­leur ! Une absurdité.»

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reries. Il serait sans doute risqué de vouloir distinguer dans cet amalgame de textes d'origines diverses ce qui revient au Galien authentique, au Pseudo-Galien, à Stephanos personnellement, ou encore à Asclèpios. Le cas est cependant intéressant pour autant qu'il illustre les efforts et les artifices des exégètes qui s'évertuent à surmonter les difficultés du texte hippocratique.

L'histoire compliquée de cet aphorisme (bâtard ou non) s'éclaircit peut-être quelque peu à la lecture du commentaire de Théophile qui, dans notre hypothèse, répétons-le, rapporte, du moins partiellement et plus ou moins correctement, les opinions d'Asclèpios : «Ici, Galien affirme, écrit Théophile225, que cet aphorisme est faux ; en effet, s'il était d'Hippocrate, il aurait fallu admettre que le mâle est infécond pour les mêmes raisons que le sont les femmes, puisqu'Hippocrate a dit : "Il en est de même des hommes". À cette réserve près que, si cet aphorisme fait partie, à ce qu'il semble, de ceux qui sont d'Hippocrate, il convient de l'expliquer comme suit (πλην ει δοκεΐ εκ τών 'Ιπποκράτους εΐναι, έξηγητέον αυτόν οίίτως·)226 : Si par hasard l'homme a le corps poreux (καν εύδιαφόρητος ε'ι'η) et qu'il est sans force (εξασθενεί), il ne peut pas éjecter la semence dans les cavités de la matrice ; pour cette raison, il est inapte à engendrer. Si par hasard il est sec (καν ξηρός ?j), il souffre de la densité (πύκνωσιν πάσχει) ; en raison de cette densité et de la sécheresse, l'éjection de la semence ne se fait pas227, et, pour cela, l'homme est infécond ; si par hasard l'homme est froid, la semence est morte ; elle ne s'échauffe pas pour "se réunir dans ce lieu" et recevoir la vie (ζωογονεϊσ&αι) ; en effet, elle se réunit bien dans la matrice, mais elle n'y reçoit pas la vie, parce qu'elle est froide ; et lorsque par hasard la semence est trop chaude, "il se produit la même chose", autrement dit, puisqu'elle est trop chaude, la semence ne peut pas se réunir et recevoir la vie. Par conséquent, sont aptes à engendrer ceux qui ont le tempéra­ment, comme il a été dit, fait des deux antithèses (οι έξ αμφοτέρων τών αντιθέσεων... την κράσιν έχοντες)228.»

La référence à Galien, dans ce commentaire de Théophile, est d'autant plus surprenante que son explication des mots «se réunir dans ce lieu» est celle de Stephanos, ce qui revient à dire celle d'Asclèpios, et non pas celle qu'on lit dans le commentaire de Galien. Asclèpios exprimerait-il pour une fois les mêmes opinions que Galien, plus exactement le (Pseudo-) Galien cité par Stephanos ?

225. Aph. V 63 : D. II, p. 47924-48012. 226. Phrase qui rappelle le principe attribué par Stephanos à Asclèpios : ix τών

'Ιπποκράτους τα 'Ιπποκράτους έξηγεϊσθαι ; cf. REB 54, 1996, p. 38 s. 227. Voir la différence surprenante entre l'explication de Stephanos et celle de

Théophile qui porte sur les mots διαχωρέει pour Stephanos et où διαχωρέει pour Théophile (voir ci-dessus, la n. 214) : alors que c'est la conjonction de la sécheresse et de la densité qui est la cause de l'éjection de la semence pour Stephanos, elle l'est de la non-éjection pour Théophile.

228. Voir REB 54, 1996, p. 22-23.

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ΑΡΗ. V 68 (64) Dans le commentaire à VAphorisme V 68 (64) traitant des méfaits et

des bienfaits du lait selon les maladies qu'on a à soigner, Stephanos cite Galien à propos de l'expression : «il (scilicet : le lait) convient à des phti­siques». Le lait, en effet, est bon pour les phtisiques souffrant d'une ulcé­ration du poumon229 ; pas n'importe quel lait, mais le petit lait (όρος -serum) qui, grâce à sa faculté de désinfecter et de se redistribuer dans le corps, fortifie et nourrit le poumon230.

«Quant à Galien, écrit Stephanos231, il apprête le lait pour ainsi dire et l'assaisonne, et il l'administre de la manière que voici : il le mélange en de proportions adéquates avec du miel et du sel, et c'est ainsi qu'il le donne aux phtisiques souffrant d'ulcération. Aussi recommande-t-il de leur donner du lait d'ânesse, puisqu'il est léger, facile à s'intégrer, à s'as­similer et à digérer.»

Galien recommande232 en effet le petit lait aux malades, sans res­treindre cependant son usage aux phtisiques seuls et sans préciser qu'il s'agit du lait d'ânesse. Aussi, plutôt qu'au commentaire aux Aphorismes, Stephanos pense ici, semble-t-il, aux recettes qu'on lit dans la Mégalè Thérapeutikè27,3, qu'il cite expressément un peu plus haut234 à propos d'une aporie concernant la dyscrasie sèche de l'estomac.

Reportons-nous maintenant à Théophile235. Son commentaire se retrouve partiellement dans le commentaire de Stephanos, mais il

229. Aph. V 68 (64) (W. , p. 1783235) : '"Αρμόζει δέ φθινώδεσιν". "Φθινώδεις" δέ ουχί τους δια έκτικον πυρετον φθινοΰντας καΐ εκτηξιν του σώματος· ... αλλ' εκείνους λέγει νΰν φθισικούς, οίς συμβάλλεται το γάλα, τοις επί έλκώσει τοΰ πνεύμονος ίσχαινομένοις. Cf. REB 52, 1994, ρ. 18-20, avec les notes correspondantes.

230. Ibidem, p. 17835-1804 : Πλην ού το τυχόν γάλα άρμόδιον αύτοίς έστιν, αλλ' ό ορός τοΰ γάλακτος , επειδή είρήκαμεν ρυπτικον εΐναι τον όρόν... τους ΐχώρας τοΰ έλκους ρύπτει και άποκαθαίρει... το δέ γάλα ώς ύγρον υπάρχον έτοιμοανάδοτόν έστι και έτοίμως άναδιδόμενον μεταλαμβάνει τροφής το σώμα, λοιπόν δέ και ό πνεύμων...

231. Ibidem, p. 1808"12 : Ό δέ Γαληνός και εύθύνει καί άρτύει, ώς εστίν ειπείν, το γάλα, καί οΰτως δ ίδωσιν μιγνύει γαρ αυτό μέλιτι συμμέτρω καί άλσί, καί οϋτως δίδωσιν το γ ά λ α τοις έπί έλκώσει φθίνουσιν. "Οθεν παρακελευεται αύτος ό Γαληνός το ονειον γάλα διδόναι τούτοις ώς λεπτόν, ώς εύανάδοτον, ώς εύαλλοίωτον, ώς εύπεπτο ν.

232. GAL. In Hipp. Aph. V 64 ( . 172, p. 87415"17) : Όρρον (sic) μέντοι γάλακτος ήδύνοντες άλσί καί μέλιτι πολλοίς των τοιούτων έδώκαμεν όνίνανται γαρ ύπιούσης αύτοίς της γαστρός .

233. GAL. Meth. Med. Χ 11 ( . 10, p. 72614-7273). 234. Aph. V 68 (64) (W. Ill, p. 17626"36) : "Οθεν ό Γαληνός τα μεγάλα εύδοκίμησεν

έν τη Μεγάλη Θεραπευτική έπί δυσκρασία ξηρότητος της γαστρος καί χολής παραρρεούσης δια την ξηρότητα τώ γάλακτι χρησάμενος· δθεν παρακελευεται καί θερμαίνειν το γ ά λ α καί οΰτως διδόναι δια το έν τη έψήσει έκδαπανάσθαι το ελαιώδες καί λιπαρον καί μέρος τι τοΰ όρου τοΰ γάλακτος καί οϋτως διδόναι. "Οθεν τινές κόχλακας θαλαττίους έμβάλλουσιν έν τώ γάλακτι καί ούτως θερμαίνουσιν το γ ά λ α ώστε έκδαπανασθαι το ελαιώδες τοΰ γάλακτος- καί ούτως διδόασιν το ψυχρον καί ύγρόν, ώστε την ξηρότητα καί την παραρρέουσαν χολήν καταπραΟναι καί παρηγορήσαι. Cf. GAL. Meth. Med. VII 6 : . 10, p. 47457s·.

235. Aph. V, 64 : D. II, p. 48023-48127.

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contient en même temps quelques éléments que Stephanos attribue aux έτεροι236. Ces hétéroi représentent-t-ils ici également une version du texte d'Asclèpios, comme dans quelques autres cas que nous avons exa­minés dans notre article précédent237? En tout cas, Théophile ne fait aucune allusion à Galien.

ΑΡΗ. VI 18

Commentant VAphorisme VI 18 — «Les coupures de la vessie, ou de l'encéphale, ou du cœur, ou du diaphragme, ou d'une partie de l'intestin grêle, ou du ventre, ou du foie, sont funestes (θ-ανατώδες)»—, Stephanos cite Galien, qui, dit-il, affirme que le mot θανατώδες n'est pas à prendre dans le sens de «mortel», mais dans celui de «dangereux» (κινδυνώδες). Cependant, si Galien affirme que le mot Φανατώδες n'implique pas nécessairement l'idée de mort — souvent il signifie «pour la plupart» (ώς επί το πολύ) —, le terme κινδυνώδες ne figure pas dans son commentaire238.

Théophile, quant à lui, ne fait aucune allusion à Galien239.

ΑΡΗ. VI 31 Dans son commentaire à Y Aphorisme VI 31 — «Les maux des yeux

se guérissent par le vin pur, ou le bain, ou les compresses chaudes240, ou la saignée, ou la purgation241» — qui se développe en cinq points (δει ήμας πέντε τινά προλαβείν)242, Stephanos relève d'une part les choses qui, dans cet aphorisme, sont bizarres, insolites et rares (παράδοξα, ξένα, σπάνια) et d'autre part les choses qui sont de pratique courante (ώς επί παν και συνιό^η γινόμενα).

En premier lieu, il est bizarre d'affirmer que le vin, le bain, les com­presses d'eau chaude243 — toutes thérapies qui, faisant fondre la matière, provoquent les maux de tête, les ruptures de vaisseaux et les

236. Cf. REB 52, 1994, p. 20, n. 61. 237. Cf. REB 54, 1996, p. 34-35 238. Aph. VI 18 : W. III, p. 21826"27 : l'aphorisme déjà examiné dans la REB 54, 1996,

p. 28-29, avec les notes correspondantes. 239. Aph. VI 18 : D. II, p. 49431-495n. 240. Πυρίϊί-fumigations : Littré, voir plus loin n. 243. 241. Φαρμακείη : Stephanos, Galien (Kühn) ; φαρμακοποσίη : Théophile, Hippocrate

(Littré) 242. Aph. VI 31 (W. III, p. 23422-24038) : l'ensemble du commentaire est brieèvement

résumé par DIETZ, II, p. 501, en note. 243. Aph. VI 31 (W. III, p. 2361"11) : Πυρίαν γαρ ένταΰθα άκουστέον ύπο του

'Ιπποκράτους ουχί τοΰ χιλιαροΰ την άποσπόγγισιν fi χρώνται οι θεραπευταί, πρώτον γαρ άποσπογγίζουσιν, εΐτα εγχυματίςΌυσιν καί πάλιν άποσπογγίςΌυσιν, και οΰτως περιχρίουσιν κολλουρίοις τισίν άλλα πυρίαν άκουστέον την δια τοΰ θερμού ύδατος επιμόνως πυρίασιν. Τί γάρ; "Οτι κέχρηται καν δεκαπέντε βολαίς τη πυρία τη άπο τοΰ θερμοΰ, εΐτα μετά μίαν ωραν πάλιν κέχρηται ωσαύτως. Καί αυτή δε ή πυρία χύσιν ποιείται καί όχπερ είρήκαμεν, και παράδοξόν έστι πώς παύει όδύνας οφθαλμών.

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ophtalmies — guérissent les maladies d'yeux. Par conséquent, il est nor­mal de recommander la Phlebotomie et la purge (φαρμακείη ήτοι κάθαρσις) pratiquées couramment par les médecins (τούτοις γαρ ώς έπί πάν κεχρήμεθα και συνήθη ήμΐν είσιν).

En deuxième lieu244, il faut savoir qu'Hippocrate ne soigne pas la dou­leur, mais la cause efficiente de la douleur (ποιητικον α'ιτιον) ; en effet, il ne se sert pas de remèdes qui engourdissent, mais de remèdes qui réchauffent (ουδέ γαρ κέχρηται τοις ναρκοΰσιν, άλλα τοις θάλπουσιν).

En troisième lieu245, il faut chercher à comprendre pourquoi Hippocrate, ayant fait mention de différentes thérapies, n'a pas dit qu'il existe aussi des ophtalmies de genres différents ; pourquoi n'a-t-il pas précisé qu'à une telle ophtalmie correspond une telle thérapie, vin pur, bain ou compresse chaude ?

En quatrième lieu246, il convient de se demander chaque fois s'il s'agit d'une ophtalmie simple ayant sa cause dans les yeux mêmes (απλή... και καθ'αυτήν και κατά πρωτοπάθειαν τών οφθαλμών), ou bien d'une ophtalmie complexe qui se produit à la suite de la surabondance des humeurs dans le corps tout entier (σύνθετος... καί κατά συμπάθειαν του παντός σώματος πληθωρικού δντος).

C'est à propos de ces deux genres d'ophtalmies que Stephanos cite Galien247, qui, dit-il, «en a fait une admirable démonstration dans son commentaire, en racontant l'histoire que voici : il y avait à Rome un très bon et admirable périodeute ophtalmologiste qui était incapable de soi­gner les gens malades d'yeux. Alors, comment est-il possible que le même soit très bon thérapeute et qu'il soit incapable de soigner les oph­talmies ? Et Galien d'expliquer que lorsqu'il s'agissait d'une ophtalmie simple, kata prôtopatheian, il soignait admirablement bien les ophtal­mies de ce genre, j 'entends les ophtalmies simples ; mais dès qu'il s'agissait d'une ophtalmie complexe, kata sympatheian, le corps tout entier souffrant de pléthore, il ne savait pas soigner une telle ophtalmie,

244. Ibidem, p. 2361215 . 245. Ibidem, p. 23616"19. 246. Ibidem, p. 23620"22. 247. Ibidem, p. 23622"40 : Και οτι εστίν απλή όφθαλμία καί σύνθετος, ό Γαληνός

τοΰτο θαυμασίως άποδείκνυσιν έν τώ ύπομνήματι διά τίνος ιστορίας λέγων οτι rjv έν 'Ρώμη άριστος καί θαυμαστός περιοδευτής οφθαλμικός, δστις ουδέποτε ήδυνήθη θεραπεΰσαι οφθαλμικούς. Και πώς ενδέχεται τον αυτόν είναι καί κάλλιστον θεραπευτήν και μη θεραπεύειν όφθαλμίας; Καί λέγει αυτός οτι ει μεν απλή ήν όφθαλμία καί κατά πρωτοπάθειαν, θαυμασίως έθεράπευεν τας τοιαύτας όφθαλμίας, λέγω δη τας άπλας- ει μέντοι σύνθετος ή"ν ή όφθαλμία καί κατά συμπάθειαν του παντός σώματος πληθωρικού υπάρχοντος, ήγνόει θεραπεΰσαι την τοιαύτην όφθαλμίαν, λέγω δη την σύνθετον... Τοΰτο δε επασχεν οτι από παρατηρήσεως εμπειρικής έθεράπευεν ουδέ γαρ έγίνωσκεν καθολικούς κανόνας, τυχόν τα σύστοιχα άπο ώρας καί χώρας και τών λοιπών, ΐόστε διαγνώναι τάς συνθέτους όφθαλμίας οτι πληθωρικον υπάρχει το σώμα καί έκ τών είρημένων τον πλεονάζοντα χυμον και ούτως ένστήναι. Ταΰτα οδν άγνοών άπετύγχανεν έπί τάς γινομένας κατά συμπάθειαν όφθαλμίας.

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j'entends une ophtalmie complexe. Les ophtalmies complexes donc, kata sympatheian, le corps entier souffrant de pléthore, il les ignorait et il était incapable de les soigner, alors que les ophtalmies simples, kata prôtopa-theian, dont la cause se situe dans les yeux mêmes, il les soignait admi­rablement bien. Ceci lui est arrivé, parce qu'il soignait (les malades) en partant de l'observation et de l'expérience ; il ne connaissait pas en effet les règles générales, plus exactement les éléments qui vont avec et qu'on déduit des saisons, des pays et d'autres choses du même genre, de manière à diagnostiquer les ophtalmies complexes — à savoir que le corps souffre de pléthore et (à identifier) d'après les critères ci-dessus mentionnés le chyme surabondant, pour le combattre. C'est parce qu'il ignorait ces choses-là qu'il a échoué, s'agissant des ophtalmies surve­nues kata sympatheian.»

Relisons le commentaire de Galien pour nous faire dès maintenant une idée des transpositions de Stephanos, ou plus exactement de celles du Galien qu'il cite — en effet, les mots καΐ λέγει αυτός (voir la note 247) doivent normalement désigner Galien nommé quelques lignes plus haut —, de sa manière de théoriser les remarques faites un peu au hasard que nous lisons dans Yhypomnèma authentique de Galien. La lecture simultanée des deux textes ne manque pas d'intérêt. Galien écrit248 : «C'est plus de l'expérience, me semble-t-il, que d'un savoir rationnel qu'Hippocrate a tiré la connaissance de ce qu'il vient de dire (εκ πείρας μοι δοκεί μάλλον ουκ εκ λόγου τινός έγνωκέναι των είρημένων εκαστον ό Ιπποκράτης). Il n'y a rien d'étonnant en effet à ce qu'un homme souffrant, qui s'était précipité dans un bain, soit libéré de la dou­leur ; ou bien qu'empêché de boire du vin et n'en ayant ressenti aucun soulagement, il se remette à boire avec empressement ; et s'il est par ailleurs porté sur la boisson, qu'il en éprouve ensuite quelque apaise­ment. De même donc que beaucoup d'autres choses ainsi observées ont été écrites par des médecins d'une manière vague (άδιορίστως), de même ici, me semble-t-il, Hippocrate également a noté (ses observa­tions), sans décrire de manière rationnelle les affections ni de manière expérimentale les syndromes (μήτε λογικώς είπόντος αύτοΰ τας διαθέσεις μήτ'έμπειρικώς τας συνδρομάς)...»

Galien se met alors à décrire deux expériences qui lui ont permis de vérifier le bien-fondé des remarques d'Hippocrate. La première249 se déroule au chevet d'un jeune homme souffrant d'une inflammation d'yeux (φλεγμονής μόνης ούσης κατά τους οφθαλμούς), en compéti­tion, pour ainsi dire, avec un ophtalmologiste célèbre séjournant à Rome. Celui-ci a cru bon d'user d'un collyre servant à la fois d'onguent et de calmant, composé qu'il était de blanc de céruse purifié, d'amidon et de

248. GAL. In Hipp. Aph. VI 31 : K. 181, p. 45116. 249. Ibidem, p. 4610-497 : nous résumons brièvement le long récit de Galien.

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pavot250. Une thérapie inefficace, car l'onguent, au lieu d'arrêter l'afflux d'humeurs dans les yeux, en a empêché l'évacuation, alors que l'action du narcotique a fini par abîmer la faculté visuelle (την όπτικήν δύναμιν). C'est alors qu'intervient Galien, qui prescrit d'abord une compresse chaude, tout en ordonnant au jeune homme de s'éponger avec de l'eau chaude, de prendre un bain et une nuit de bon sommeil. Cette thérapie s'étant avérée bienfaisante, Galien en déduit que la maladie ne vient pas de la pléthore du corps et que, par conséquent, on peut la guérir en recourant au bain seul (βαλανείου χρήσει την όδύνην αυτών — sci­licet οφθαλμών — ίασάμην).

Un autre cas251 est celui d'un jeune homme habitant dans une cam­pagne assez éloignée de la ville. Ses yeux sont secs et gonflés, les veines pleines de sang. Galien lui ordonne de prendre un bain, de boire du vin pur et de s'accorder une nuit de sommeil. Le jeune homme s'étant levé guéri le lendemain, Galien croit pouvoir diagnostiquer une forte tension sanguine dans les yeux, sans que l'ensemble du corps soit pléthorique.

Parmi les moyens qui combattent la douleur des yeux252, le plus sûr est celui de la compresse chaude (άσφαλέστατον δ'ή πυρία), et ceci en tant que signe permettant d'établir le diagnostic (ώς σημειον εις διάγνωσιν) et en tant que cause du retour à la santé (ώς αίτιον ύγιείας τοις όφ&χλμοίς) ; elle nous permet de reconnaître la maladie et en même temps de décider quelle sorte d'évacuation convient à quelle maladie : la Phleboto­mie, si le corps est pléthorique, la purge, s'il s'agit de mauvais chymes.

Ainsi, pour combler les lacunes de l'aphorisme, Galien met à profit sa propre expérience et son savoir rationnel, en faisant correspondre, λογικώς et έμπειρικώς, les maladies, les syndromes et les thérapies, ce que n'a pas su faire l'ophtalmologiste de Rome 253.

Mais revenons à Stephanos pour constater que, tout en prenant Galien pour son point de départ, il transforme la description clinique en un dis­cours théorique, pour établir le principe qui revient souvent dans son com­mentaire et selon lequel on répartit les maladies, sinon toutes, du moins un grand nombre parmi elles, entre celles qui se produisent kata prôtopa-theian (ou idiopatheian) et celles qui sont provoquées kata sympatheian.

Reprenant au cinquième point le préambule254, il pousse encore davantage ses divisions ou classifications, en procédant εκ διαιρέσεως.

250. Ibidem, p. 474"7 : Έκείνω μεν οδν έδόκει τότε χρησθαί τινι κολλυρίω των έμπλαστικών τε αμα και ανώδυνων, οΓα τά τε δια ψιμυθίου πεπλυμμένου και αμύλου και μήκωνος συντιθέμενα.

251. Ibidem, p. 497-50'. 252. Ibidem, p. 50112. 253. Ibidem, p. 451(Μ2 ; voir plus haut p. 63-64. 254. Aph. VI 31 (W. Ill, p. 2364І-238 ) : Πέμπτον εστί των ζητουμένων επειδή

άπλης και συνθέτου όφθαλμίας έμνημονεύσαμεν, δει ημάς έκ διαιρέσεως προελθείν περί των παθών ων μέμνηται ενταύθα ό 'Ιπποκράτης. Ή δε διαίρεσις έχει οΰτως... Il est à remarquer que Stephanos attribue abusivement à Hippocrate une diairesis qu'il emprunte peut-être à un traité d'ophtalmologie (? connu également de Théophile-Asclèpios, voir plus loin, p. 67-68).

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Il distingue, parmi les ophtalmies complexes, kata sympatheian, dues aux chymes qui corrompent le corps tout entier, celles qui le sont soit selon la quantité, soit selon la qualité, soit encore selon l'une et l'autre à la fois. S'agissant des ophtalmies simples, kata prôtopatheian, il attribue les unes aux chymes gluants et épais, d'autres aux chymes fins et mor­dants qui se logent tous dans les yeux eux-mêmes.

Une fois la théôria (πέντε τινά) terminée, Stephanos aborde la théra­pie255 : «Après ce préambule, écrit-il, il nous faut adapter chaque mode thérapeutique à chaque genre d'ophtalmie proclamé par Hippocrate dans sa diairesis 256.» C'est ainsi que les affections kata idiopatheian, dues à la matière épaisse, froide et gluante, logée dans les yeux, se soignent à l'aide des moyens qui réchauffent, font fondre et éliminent la matière, le vin principalement recommandé justement par Hippocrate.

Suit un petit développement emprunté à Philagrios257 qui décrit les qua­lités du vin propre à guérir les ophtalmies, sa couleur, son goût, son âge.

Vient ensuite un prosdiorismos recommandant de tenir compte de la structure de la tête (κατασκευήν) : il ne faut pas donner du vin pur aux gens qui ont la tête fragile (ευπαθής)2 5 8 .

Les ophtalmies dues à la dyscrasie du corps entier se soignent à l'aide des bains qui ramènent les corps à Yeucrasie 259.

255. Ibidem, p. 23812"27 : Τούτων ούτω προληφθέντων, έφΌΤς δέον ήμδς αρμόσαι εκαστον τρόπον θεραπείας έκάστω ε'ι'δει όφθαλμίας τών έν τή διαιρέσει άναφανέντων ύπο του 'Ιπποκράτους... Π est à remarquer qu'une fois les prolegomena terminés, Stephanos s'exprime au pluriel : nous, en parlant en son propre nom, en tant que médecin, et non plus en tant qu'exégète d'Hippocrate : κεχρήμεθα (voir notes 259, 260, 261).

256. Ainsi Stephanos (ou sa source) comble la lacune d'Hippocrate : celui-ci, en effet, a bien proposé des thérapies, tout en omettant de préciser les genres d'ophtalmies que ces thérapies doivent soulager. Voir plus haut, p. 63.

257. Aph. VI 31 (W. III, p. 23828-2402) : Ενταύθα δέ γενόμενος ό Φιλάγριος θαυμασίως έπέστησεν καΐ λέγει καί τήν δοκιμασίαν τοο οίνου, ποίον δει είναι τον οΤνον τον έπι ταΐς όφθαλμίαις παραλαμβανόμενον κατά τε χροιάν καί γεΰσιν καί ήλικίαν. Δει γαρ, φησίν, λευκότατον είναι τον οίνον οί γαρ λευκοί οίνοι εύανάδοτοί είσιν ώς λεπτομερείς υπάρχοντες. Οί δέ παχείς καί μέλανες έν τί) γαστρι έγχρονίζουσιν καί δύνανται καί βλάψαι τουναντίον ατμούς γάρ τινας άναπέμπουσιν επί τήν κεφαλήν καί πληροΰσιν αυτήν καί πολλά κακά δύνανται ποιήσαι- τί γάρ; "Οτι καί έπιτείνουσιν τάς όφθαλμίας καί καρηβαρίας έμποιοϋσιν και τα τοιαύτα. Δεί οδν λευκον είναι τον οΐνον δει αυτόν και γλυκυν είναι. Οί γαρ γλυκείς οίνοι εύπεπτοι καί πέψιν παρέχουσα»· αλλ' οδν όμως κακά τίνα απεργάζονται. Οδτοι δέ οί γλυκείς οίνοι πέττουσι κατά λόγον, αλλά και πέττονται· δθεν καί τη φύσει διά τοΰτο τά γλυκέα φίλια είσιν μάλιστα δια το σύμμετρον. Δεί οδν, ώς εΐρηται, λευκον είναι τον οΤνον καί γλυκύν δεί αυτόν μήτε παλαιον είναι, επειδή πάλιν ό τοιούτος βλαπτικός έστιν, μήτε μήν νέον καί μουστον, επειδή ό τοιοΰτος υδαρής ών καί ύδατώδης διουρείται ευχερώς καί ούκ άναδίδοται, άλλα δεί μέσως πως αυτόν είναι και κατά τήν ήλικίαν μήτε παλαιον μηδέ νέον.

258. Ibidem, ρ. 2403"11 : Πλην καί προσδιορισμον τίθησιν τοιούτον οτι... (qui ? Philagrios ?). - Suit (p. 24012"16) une petite remarque sur les choses qui peuvent faire du bien ou nuire, selon qu'on les utilise dans des circonstances favorables ou défavorables.

259. Ibidem, p. 24017"21 : Καί ταΰτα μεν περί τούτου. Εί δέ γε διά δυσκρασίαν του παντός σώματος γένηται όφθαλμία, τότε λοντροϊς κεχρήμεθα- το γάρ λουτρον έπικιρν^ί τήν δυσκρασίαν καί μεταβάλλει καί άλλοιοϊ καί είς εύκρασίαν μετάγει, καί διά τοΰτο έπί τοις όφθαλμιώσιν διά δυσκρασίαν του παντός σώματος λουτροϊς κεχρήμεθα.

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Quant aux ophtalmies kata idiopatheian causées par la matière fine et mordante, on se sert de compresses chaudes qui réduisent la mordacité de la matière, Γ évacuent et rendent moins denses les enveloppes cornées des yeux260.

Pour les ophtalmies causées par la pléthore affectant la totalité du corps, autrement dit les ophtalmies kata sympatheian 261, on pratique la Phlebotomie, s'il s'agit d'une ophtalmie selon la quantité; quant aux ophtalmies selon la qualité, on recourt à la purge, après avoir reconnu le chyme surabondant qu'il convient d'évacuer ; pour les ophtalmies dues à la fois à la quantité et à la qualité, on pratique la Phlebotomie et la purge.

Enfin, après toutes ces tentatives de sauver l'aphorisme contesté, d'ex­pliquer ses bizarreries et ses contradictions, de combler ses omissions, de raccorder la théorie à la pratique, la démarche rationnelle à l'observation, Stephanos donne son absolution à Hippocrate. «Contemple, écrit-il 262, l'art d'Hippocrate. Il a placé les choses bizarres, insolites et rares avant celles dont on a l'habitude. Si, en effet, il les avait rangées en dernier lieu, ces choses inconnues du commun des hommes, on les aurait tenues pour des mensonges. C'est donc pour cette raison qu'il leur a accordé la première place, en rendant en quelque sorte son discours plus propre à susciter des débats, étant donné que, même si ces choses restent incon­nues du commun des hommes, elles s'avèrent néanmoins vraies.»

Il est intéressant de terminer cette longue analyse du texte de Stephanos par nous reporter au commentaire de Théophile : toute l'ambi­guïté et les doutes, les hésitations et les justifications, la démonstration, les références au raisonnement et à l'observation, y disparaissent. Seule la conclusion finale y trouve place, un schéma parfait d'une mise en parallèle : maladie - thérapie ; une correspondance, si difficilement éla­borée par Stephanos, s'y impose magistralement.

Voici le commentaire de Théophile263 : «L'ophtalmie se produit soit kať idiopatheian soit kata sympatheian. L'ophtalmie kať idiopatheian

260. Ibidem, p. 2402227 : Ει δέ γε κατά ίδιοπάθειαν πάλιν αυτών τών οφθαλμών έστιν ή οδύνη, εν αύτοις περιγραφόμενης της ΰλης και γινομένης της οδύνης ύπο λεπτής καί δριμείας καί δακνώδους ϋλης, τότε πυρία κεχρήμεθα. ' Η γαρ πυρία ή δια τοΰ θερμού ύδατος τέως το δηκτικον της ύλης αμα τη προσβολή αμβλύνει-

λοιπόν δέ καί οτι αραιοί τους χιτώνας τών οφθαλμών καί οϋτως διαφορεί την τοιαύτην ϋλην.

261 Ibidem, ρ. 24028 "33 : Ει δέ γε δια πληθώραν του παντός σώματος και κατά συμπάθειαν γίνεται ή όφθαλμία, δει σε έπισκέψαι. Καί ει μεν κατά ποσότητα γένηται ή όφθαλμία, τότε φλεβοτομία κεχρήμεθα· εί δέ κατά ποιότητα, τότε δεί σε θεωρησαι καί διαγνώναι τον πλεονάζοντα χυμον καί κενοΰν αυτόν ει δέ τα αμφότερα λιμαίνουσιν το σώμα, τότε τοις άμφοτέροις κεχρήμεθα, καί φλεβοτομία και καθάρσει.

262. Ibidem, p. 24034"38 : Σκόπει δέ την τέχνην 'Ιπποκράτους, οτι προέταξεν τα παράδοξα καί ξένα και σπάνια τών συνήθων. Εί γαρ τελευταϊον αυτά εταξεν αγνώριστα οντά τώ παντι άνθρώπω, ψευδή ένομιζοντο είναι- δια τοΰτο οδν προέταξεν αυτά καί άγωνιστικώτερόν πως είργάσατο τον λόγον, οτι, ει και μη εγνωσμένα είσίν παντί άνθρώπω, άλλ'οδν όμως άληθη είσιν.

263. Aph. VI 31 : D. II, p. 5019-50212.

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(se déclenche), lorsque la matière logée dans l'œil l'incommode, soit parce qu'elle est épaisse et difficile à déplacer (δυσεκμόχλευτος), soit parce qu'elle est fine et mordante, ou bien lorsqu'une simple dyscrasie s'installe dans l'œil, avec très peu de matière. L'ophtalmie kata sympa-theian, au contraire, (se produit), lorsque l'œil souffre en raison de la surabondance de la matière, soit que celle-ci se concentre dans une par­tie, à savoir dans le cerveau, ou dans une autre du même genre, soit qu'elle (se répande) dans le corps tout entier, l'incommodant par la qua­lité ou par la quantité du chyme (ποιότητι η ποσότητι χυμού ένοχλουμένω), ou par la dyscrasie. Donc, puisqu'il existe des causes diverses d'ophtalmie, les thérapies sont elles aussi diverses : une ophtal­mie incommodant (l'œil) kata sympatheian, en raison de la quantité, c'est la Phlebotomie entraînant l'évacuation qui la guérit, alors que l'ophtalmie (gênant l'œil) en raison de la qualité, c'est la purge (qui l'éloigné). En effet, la cause de la douleur une fois supprimée, la douleur cesse elle aussi. Quant à l'ophtalmie kat'idiopatheian due à l'épaisseur de la matière, c'est le vin pur qui la guérit, parce qu'il réduit, réchauffe et élimine la matière ; l'ophtalmie causée par le mordant de la matière et par la dyscrasie, c'est la compresse chaude (qui la soulage), soit parce qu'elle évacue la matière, soit parce qu'elle humecte (l'œil) et le ramène à Yeucrasie ; la dyscrasie du corps tout entier, c'est le bain (qui la fait disparaître), pour la même raison.»

Il est impossible, dans l'état actuel de nos connaissances, de saisir les étapes différentes du texte de nos deux commentaires, d'évaluer d'éven­tuels apports de Galien, de Philagrios, du Pseudo-Galien, de Stephanos lui-même, de Théophile et de leurs copistes. La différence d'approche, sinon du contenu, entre le discours de Stephanos et celui de Théophile s'explique-t-elle par le fait que, dans notre hypothèse, ce dernier dispose du seul texte d'Asclèpios (enrichi probablement par ses additions per­sonnelles), alors que Stephanos compile et juxtapose tout ce qu'il trouve sous la main ? À l'heure actuelle, nous ne pouvons que poser le pro­blème.

ΑΡΗ. VI44

Enfin, venons-en à Y Aphorisme VI 44 : «Les malades qui, à la suite d'une strangurie, sont atteints d'iléus, périssent en sept jours, à moins que, la fièvre étant survenue, l'urine ne coule en abondance.»

Galien rejette cet aphorisme, nous dit Stephanos264, «parce qu'il pro­clame les choses contraires à l'évidence».

Et réellement, le Galien cité par Stephanos et le Galien, dont nous lisons le commentaire, tombent d'accord pour contester l'authenticité de cet aphorisme. Galien écrit 265 : «Il vaut mieux avouer que nous ignorons

264. Aph. VI 44 (W. ΙΠ, p. 25678) : Τον παρόντα άφορισμον έκβάλλει ό Γαληνός ώς παρά τα ένεργη φθεγγόμενον και μη είναι φησιν 'Ιπποκράτους.

265. GAL. In Hipp. Aph. VI 44 : . 18l, p. 7013-712.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 69

ce qu'Hippocrate veut dire dans cet aphorisme. En effet, ni le raisonne­ment ne démontre sa véracité, ni l'expérience ne l'enseigne; en troi­sième lieu, nous n'avons rien d'autre qui nous ferait croire qu'un tel malade ait jamais été vu par Hippocrate ou par quelqu'un d'autre ; je ne peux même pas dire si cet aphorisme est authentique.»

Quant à Stephanos lui-même, il cherche, en suivant l'opinion de l'Exégète du présent ouvrage, à expliquer et à justifier la position d'Hippocrate : ce n'est pas la strangurie qui provoque l'iléus ; au contraire, c'est l'iléus qui est à l'origine de la strangurie ; le malentendu vient du fait que la strangurie se manifeste tout d'abord, avant l'iléus, bien que ce soit ce dernier la cause de la strangurie266 .

Théophile, qui ignore Galien, ne dit pas autre chose267.

Il va de soi que ces quarante-trois textes ne représentent pas la totalité des emprunts faits par Stephanos à ce Galien qu'il cite et commente. Une analyse minutieuse des commentaires de Stephanos et de Galien (authen­tique) permettrait de définir avec plus de précision les relations qui s'éta­blissent entre ces deux commentaires, si proches et, en même temps, si différents. Une telle étude dépasse les intentions du présent article, mais déjà, à notre première analyse du commentaire de Stephanos, la présence d'une source intermédiaire s'imposait avec force, sans que, dès ce moment-là, nous ayons eu la possibilité d'en apprécier la portée268.

CONCLUSION Ό Νεώτερος 'Εξηγητής :

PHILAGRIOS, GÉSIOS, PALLADIOS, JEAN D'ALEXANDRIE ?

Les textes analysés ci-dessus - ceci concerne aussi bien les développe­ments mis sous le nom de Galien et pourtant absents de son commentaire que les glissements de sens et les divergences d'interprétation - laissent peu de doute, me semble-t-il, sur leur fausse attribution à Galien dont on lit le commentaire. Reviennent-ils, comme nous l'avons suggéré au début de notre article, à ce Nouvel Exégète que Stephanos, selon ses

266. Cf. REB 54, 1996, p. 24-28, avec les notes correspondantes. 267. Aph. VI44 : D. II, p. SÍ^-SIO5. 268. Cf. REB 50, 1992, p. 59-77. En parlant (p. 59) du commentaire aux Aphorismes,

j 'ai dit (simple inadvertance) νέος εξηγητής au lieu de dire νεώτερος εξηγητής, et j 'ai suggéré qu'il s'agissait peut-être d'Asclèpios, une erreur qui représente une des étapes de mon enquête. Le νέος εξηγητής n'apparaît que dans le commentaire au Prognostiken (Progn. I 48 et III 6 : p. 126116 et p. 25632-2583 ; cf. ibidem, p. 13), à propos du problème du «siège» du principe dirigeant de l'âme (το ήγεμονικόν) ; est-ce le cerveau ou le cœur ? Ce néos exègètès est-il identique au néôtèros exègètès ? Dans son commentaire aux Aphorismes II 1 (W. I, p. 13829*30), Stephanos attribue, sans autre précision, le rang du «siège du principe dirigeant de l'âme» au cerveau. Est-il identique à Asclèpios, comme le suggère DIETZ (II, p. ix-x) ? Dans ce cas, il n'est pas identique au Néôtèros Exègètès, notre Pseudo-Galien.

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70 WANDA WOLSKA-CONUS

dires, est «en train d'expliquer» ? Un «faux Galien» dont le commentaire semble se substituer à l'authentique hypomnèma de Galien de la manière si parfaite qu'il fait disparaître chez l'auteur (et à plus forte raison chez le lecteur) jusqu'à la conscience qu'on est en train de se référer à un faux.

Moins volumineux que l'énorme élaboration de Galien, il est plus facile à consulter ; mis sous le nom de Galien — subrepticement, à vrai dire, mais les deux commentaires sont si proches l'un de l'autre ! —, il confère plus d'autorité aux «leçons» de Stephanos que ne le ferait le commentaire d'un néos ou d'un néôtéros, par définition moins presti­gieux qu'un palaios.

Stephanos, croyons-nous, connaît, directement ou indirectement, cet exégète dont il escamote — intentionnellement ou non — le nom et qu'il faut chercher parmi ses contemporains ou ses prédécesseurs plus ou moins immédiats. Il en nomme trois : Asclèpios, Philagrios, Gésios.

Nous nous sommes longtemps arrêtés à la paraphrase d'Asclèpios, cet exégète «expliquant Hippocrate d'après Hippocrate»269. Nous n'avons plus à y revenir. En tous cas, il n'est pas le Nouvel Exégète.

Quant à Philagrios, qui a vécu entre Galien qu'il cite et Oribaše qui utilise ses œuvres, Stephanos le qualifie de périodeutès (Aph. V 26 (24)) et l'introduit (Aph. VI 31) à l'aide de la formule: ΈνταϋΦα δε γενόμενος ό Φιλάγριος θχχυμασίως έπέστησεν270. Auteur de nom­breux livres de médecine, monographies et manuels, il a aussi composé des commentaires à Hippocrate (υπομνηματικα είς Ιπποκρατην). Il n'est connu aujourd'hui que par les fragments ou citations qu'on récu­père à travers les œuvres d'Oribaše, d'Alexandre de Tralles, d'Aètios d'Amida, de Paul d'Égine, de Rhazès ou d'Avicenne. Son commentaire aux Aphorismes (si toutefois il s'agit du commentaire aux Aphorisme s211), Stephanos est le seul, autant que je sache, à le mention­ner. En a-t-il eu une connaissance directe ou par l'intermédiaire d'une troisième source, seule l'édition critique de ses fragments peut nous don­ner la réponse272. Il est peu probable que ce soit lui le Nouvel Exégète.

Gésios est cité une seule fois à propos de ΓAphorisme II 53 (54). Il est permis de supposer que Stephanos, trop jeune pour l'avoir rencontré per-

269. Tout l'article de la REB 54, 1996, p. 5-66, lui a été consacré. 270. Aph. V 26 (24) : W. III, p. 901419, et Aph. VI 31 : W. III p. 23828-2402 (texte cité

plus haut n. 257). Cf. REB 52, 1992, p. 25-26, et note 79 avec la bibliographie, à laquelle il convient d'ajouter F. KUDLIEN, KIP IV, 1979, col. 734, s. v. Philagrios, ainsi que M. ULLMANN, Die Medizin im Islam (Handbuch der Orientalistik I Abteilung. Ergänzungsband VI, I Absch.), Leiden-Köln, 1970, p. 79-81.

271. Peut-être peut-on rapprocher le développement sur les qualités curatives du vin, attribué par Stephanos à Philagrios (Aph. VI 31) de son Περί ηδέων πωμάτων cité par Oribaše (Coll. med. V 17 et 19 s.) : cf. E. BERNERT, PW XIX 2, 1938, col. 2104, s. v. Philagrios.

272. Cf. Rita MASULLO, Prolegomena all'edizione critica di Filagrio, Storia e ecdotica dei testi medici greci. Atti del II Convegno Internazionale, Parigi 24-26 maggio 1994, a cura di Antonio Garzya e Jacques Jouanna, Napoli, 1996, p. 319-333.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 71

sonnellement, a lu et utilisé ses œuvres273. Nous ne possédons cependant aucune donnée objective pour l'identifier avec le Nouvel Exégète.

Nous connaissons deux autres médecins-sophistes, commentateurs d'Hippocrate, ayant vécu à la même époque (6e - début du 7e siècle), Palladios et Jean d'Alexandrie. Bien qu'ils ne soient pas nommés par Stephanos, ils peuvent, l'un ou l'autre, avoir inspiré le commentaire de Stephanos et prétendre au titre du Nouvel Exégète. C'est à ces deux per­sonnages que nous consacrerons notre prochain article.

IV. APPENDICE. TEXTES TÉMOINS : SUITE.

Nous reléguons dans l'appendice les commentaires aux Aphorismes I 5 (3) et IV 73 (75) :

Le premier, parce que, lorsqu'il traite, à propos des facultés physiques et psychiques, du problème de l'alternance de l'acte et du repos (plus exactement du problème du sommeil), il implique, à notre avis, le com­mentaire au Prognostique plutôt que celui aux Aphorismes.

Le deuxième, parce que ses répétitions, ses contradictions et incohé­rences — résultat, sans doute, des contaminations successives — rendent toute conclusion aléatoire.

ΑΡΗ. Ι 5 (3)

U Aphorisme 13 — «Chez les athlètes, les bons états des corps274 por­tés à la dernière limite sont dangereux...» — se trouve décomposé, dans le commentaire de Stephanos, en plusieurs unités {Aph. 14-8).

C'est à propos de la phrase «ne peuvent275 ni rester au même point, ni demeurer immobiles» que Stephanos rapporte l'embarras des exégetes et Γ aporie suscitée par cet aphorisme. «Cet aphorisme paraît obscur, écrit-

273. Sophronios le Sophiste, auteur du recueil des miracles des saints Cyr et Jean, qui a suivi avec son ami Jean Moschos les praxeis de Stephanos le sophiste, en fournit peut-être la preuve, si toutefois on admet notre hypothèse selon laquelle Stephanos le Sophiste, mentionnée dans le Pré Spirituel de Jean Moschos, et notre Stephanos, sophiste et méde­cin, sont identiques. Voir REB 47, 1989, p. 47-59, surtout p. 51-54, avec les notes corres­pondantes, et aussi REB 54, 1996, p. 47-48 et note 146.

274. Έν τοίσι γυμναστικοϊσιν αϊ έπ'ακρον εύεζίαι σφαλεραί, traduit par Littré : «Chez les athlètes, un état de santé porté à la dernière limite est dangereux». Selon Stephanos (Aph. I 5 (3) : W. I, p. 6231-647), le mot ευεξία désigne deux choses, soit un état d'excellence (το κάλλιστον) , soit un terme au-delà duquel il n'y a plus rien (ου τι ούκ εστίν έπέκεινα). Théophile (Aph. I 3 : D. II, p. 25813"14), quant à lui, explique : ... εύεζίαν... (καλεί)... την πολυσαρκίαν, άκρον δε το εσχατον.

275. Ού γαρ δύνανται μένειν έν τω αύτέω (scilicet : αϊ εύεζίαι) ουδέ άτρεμέειν, traduit par Littré : «demeurer stationnaires au même point est impossible.» Nous ne gar­dons pas cette forme impersonnelle de la traduction qui ne désigne pas clairement le sujet : «états de santé ?». «athlètes ?» La forme έν τοίσι γυμναστικοϊσιν ne permet pas d'y voir le sujet. C'est donc, comme le propose Stephanos, εύεξίαι = δυνάμεις.

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il276 ; aussi les exégètes plus anciens (παλαιότεροι) en ont-ils donné des explications différentes. Certains ont dit que les mots "les bons états des corps portés à la dernière limite sont dangereux" pour les athlètes, parce que les facultés (δυνάμεις), alourdies par la masse du sang, sont obli­gées de rester au repos (ήρεμείν), ce qui est absurde. Car, voici, l'aporie qu'on formulera à rencontre de cette opinion : Pour quelle raison Hippocrate met-il en cause le repos des facultés277 ? Nous voyons bien que les facultés restées au repos pendant quelque temps s'en trouvent fortifiées pour les activités à venir (προς τας εφεξής ενεργείας). À ceci, il convient de répondre que les facultés n'existent que pour agir (δια την ένέργειαν γεγόνασι) et que c'est à travers le mouvement et l'action que se manifeste leur vertu (έν τω κινεϊσ&χι και ένεργεΐν ή αρετή αυτών διαδείκνυται). Leur repos et l'inactivité ne sont pas autre chose qu'image de la mort. C'est ainsi qu'Hippocrate dit bien dans un autre écrit278 : "Tout mouvement279 fortifie, l'oisiveté ramollit". Et jus­qu'à quel point le repos leur est nuisible, Hippocrate le fait savoir, lors­qu'il ajoute : puisqu'elles "ne demeurent pas immobiles". Ne pense pas que "ne demeurent pas immobiles" signifie : ne restent pas au repos ; au contraire, cela veut dire qu'alors qu'il n'est pas de leur nature de rester en repos (ήρεμείν μεν ου πεφύκασιν), les facultés sont en train de prendre du repos (νυν δε ήρεμουσι) et s'accordent une sorte de répit, qui est différent de l'arrêt (και έτερον τρόπον ησυχίας παρά τήν άνάπαυσιν ήσυχάζουσιν). En effet, lorsque le sang abonde, les facultés peinent (κάμνουσι), alourdies et engourdies qu'elles sont ; mais cela n'est pas une relâche ; c'est un mouvement indolent (δπερ ουκ εστίν ανεσις, άλλα παθητική κίνησις). "Comme elles ne peuvent plus pro­gresser vers le mieux", il ne leur reste qu'à basculer dans le pire (λείπεται οδν έπι το χείρον μεταπίπτειν αύτάς).»

«Galien, cependant, explique autrement ce passage, continue Stephanos280, et son discours est plutôt plus près de la vérité. Il affirme qu'Hippocrate entend ici nos facultés, surtout nos facultés physiques, car nos facultés psychiques se mettent quelquefois au repos, par exemple pendant le sommeil ; et ceci est conforme à la nature (κατά φύσιν) : alourdies par la repletion, elles restent inertes tout en demeurant en état d'éveil (εν τη πληρώσει βαρυνόμεναι άνενέργητοι κάν τω έγρηγορέναι μένουσι). Il faut donc, comme on dit, prendre les mots en question (το λεγόμενον) pour les facultés physiques, car elles agis-

276. Aph. I 5 (3) ; W. I, p. 641026. 277. Ibidem, p. 6413"14 : 'Απορήσει δε TLÇ προς την τοιαύτην ëvvoiav <οτι Τίνος>

ένεκεν τήν ήσυχίαν των δυνάμεων διαβάλλει ό Ιπποκράτης; 278. Ibidem, ρ. 6419 : έν άλλοις, cf. Hipp. Off. med. 20 (L. 3, p. 32413) : "Οτι χρησις

κρατύνει, άργίη δέ τήκει, traduit par Littré :«I1 faut savoir que l'exercice fortifie et que l'oisiveté énerve». Voir la note de Littré ad locum.

279. Aph. I 5 (3) (W. I, p. 6419) : Κίνησις μετεζετέρη, traduit par Westerink : «a cer­tain amount of motion» et, aussi, même chose dans Liddell-Scott. Κίνησις : al. manu, note Littré ; μετεζετέρη ne figure pas dans Vapp. crit. de Littré.

280. Aph. I 5 (3) : W. I, p. 6426-6610.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 73

sent sans répit, en se relayant les unes les autres (άεννάως έκ διάδοχης ένεργουσιν). Leur œuvre (έργον) consiste à digérer les aliments, à fabriquer des chymes, à apporter la nourriture et à l'assimiler, à entrete­nir (le corps). Ces activités s'effectuant sans relâche et avec plutôt plus d'intensité qu'auparavant, en raison de la pléthore de sang, le corps par­venant à l'extrême limite de repletion et de bon état (του δε σώματος εν άκρα πληρώσει και εσχάτη ευεξία υπάρχοντος), réfléchis à ce qui en résulte. C'est clair : ne pouvant plus progresser vers le mieux, il régresse vers le pire, comme cela arrive aussi pour l'échelle, dans les choses de la vie (ώς κάπί των εζωθεν έχει κλιμάκων) : un homme parvenu jusqu'à la dernière marche, même s'il brûle de désir de grimper plus haut (πρόσω σπεύδων άνελ&είν), puisqu'il n'y a plus d'autre marche, est obligé de reculer (χωρείν).»

«En effet, s'il y a repletion des vaisseaux, dans le cas de l'obstruction des nerfs, ce sont des spasmes, des epilepsies, des apoplexies qui s'en suivent ; au contraire, dans le cas de l'obstruction des veines et des artères, ce sont des suffocations, des ruptures, des afflux excessifs de sang, toutes choses qui mènent à une mort subite».

Tournons-nous maintenant vers Galien qui commente justement la phrase «ne peuvent ni rester au même point ni demeurer immobiles». U écrit281 : «En effet, la physis s'activant sans répit (άεί... εργαζομένης) à la digestion, à la distribution, à la production de sang, à l'apport, à l'ag­glutination et à l'assimilation, lorsqu'il n'est plus possible d'ajouter quoi que ce soit aux parties solides du corps, lorsque les veines n'arrivent plus à contenir la nourriture fournie (par la phy sis) (μήθ-'αί φλέβες ετι χώραν εχωσιν ύποδέχεσΦαι την άναδιδομένην τροφήν), le danger d'une mort subite survient nécessairement, à la suite de la rupture d'un des vaisseaux.»

On le voit : si Galien et Stephanos s'accordent pour dire que l'inces­sante activité de la physis (pour Galien), des facultés physiques (pour Stephanos et le Galien qu'il cite) consiste à assurer la survie du corps, les analogies s'arrêtent là. En effet, il n'y a rien dans le commentaire de Galien282 sur l'alternance activité-repos dans les fonctions échues aux facultés, qui préoccupe Stephanos et les exégètes anciens (et modernes ?).

Aussi, revenant au Galien cité par Stephanos, est-on quelque peu sur­pris de tomber sur une allusion aux facultés psychiques «qui se mettent quelquefois au repos, par exemple pendant le sommeil». Jusque là, rien n'a été dit au sujet des facultés psychiques. On se pose alors la question : cette remarque, Stephanos -t-il trouvée déjà dans le texte de Galien qu'il semble avoir sous les yeux ? Ou bien n'est-ce qu'une remarque per-

281. GAL. In Hipp. Aph. I 3 : K. 172, p. 36429. 282. En effet, Galien concentre son attention sur le problème de repletion - évacuation

- récupération qui doivent toutes s'accomplir progressivement et avec modération.

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sonnelle qu'il insère dans un texte qu'il interprète à sa convenance ? Une remarque qui est la reminiscence d'un différend qui opposa les médecins aux philosophes et qu'il signale dans son commentaire au Prognostikou, en exposant sa théorie sur la cause efficiente du sommeil ?

Les médecins, écrit-il283, soutiennent que l'acte aussi bien que le repos sont l'œuvre de laphysis en tant que cause première (kata proton logon). Ils le démontrent de la façon suivante : la nature, disent-ils, témoigne d'une grande prévoyance et d'une grande sollicitude à l'égard de ses créations ; ayant produit l'acte, elle a pris soin du repos également, afin qu'en raison d'un mouvement et d'une activité qui ne s'arrêtent jamais, les parties (du corps) ne subissent pas d'altération ni leurs facultés de destruction. C'est pourquoi, comme on l'a dit, la nature toute sage a pro­duit comme cause première aussi bien l'acte que le repos ; pour que les parties (du corps), prenant du repos après l'acte, marquent une pause et restent immobiles284, et qu'ainsi leurs facultés s'élancent à nouveau vers l'acte sans effort. Ne voyons-nous pas les bienfaits qu'apporte le som­meil, les différentes (étapes de) la digestion, la discrimination des chymes et autres choses du même genre ? C'est pour cette raison que certains n'ont pas voulu qualifier le sommeil de repos, mais bien de pro­longation de l'action motrice des facultés physiques. Ainsi arguent les médecins. Les philosophes au contraire, continue l'auteur, soutiennent que la nature produit en tant que cause première l'acte seul, le repos n'étant qu'un phénomène secondaire.

Sans doute est-il intéressant de se plonger dans cet enchevêtrement de textes d'origines diverses qui illustrent la richesse de la documentation de l'époque en même temps que les méthodes de travail des hommes qui l'utilisent. Reconnaître avec quelque précision ces hommes et ces docu­ments n'est pas, semble-t-il, possible. Tout au plus peut-on supposer que parmi ces philosophes et médecins se trouvait aussi le Galien (le Pseudo-) cité par Stephanos.

Quant à Théophile285, si sa brève paraphrase se retrouve partiellement dans le commentaire de Stephanos, il ne fait pas la moindre allusion à Galien ou au problème de l'alternance acte-repos dans l'œuvre accom­plie par les facultés physiques pour la bonne condition et la santé de notre corps.

283. Progn. II 11 (10): p. 16032-16213. Cf. REB 47, 1989, p. 33-47, l'exposé de Stephanos sur le sommeil, et particulièrement, p. 36-38.

284. Cf. Progn. II 11, p. 1621929, où les différentes facultés (dynameis) se trouvent attribuées à l'âme sensitive (alogos), entre autres la faculté vitale (dynamis zôtikè) qui assure la pulsation et la respiration selon l'alternance systole - diastole et, dans l'inter­valle, le repos (hèrémia) pour la pulsation ; eispnoè - ekpnoè et, dans l'intervalle, le repos, pour la respiration.

285. Aph. I 3 : D. II, p. 25810-23. Il semble bien qu'il faille lire à la ligne 19 : που δε <ούκ> έχει γενέσθαι {scilicet: ή πέψις των αιτίων, η κατεργασία των χυμών etc.), πρόθεσις ούκ ε"στι...

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UN «PSEUDO-GALIEN» 75

ΑΡΗ. IV 73 (75)

Stephanos commence son commentaire à Y Aphorisme IV 73 (75) — «Si l'on urine286 du sang et287 du pus, cela indique l'ulcération des reins

ou de la vessie» — par rappeler brièvement à ses élèves ce qu'ils ont déjà appris et ce qu'ils vont apprendre (τα έν διαφόροις είρημένα, ώς μεμαθηκαμεν και μαΦησόμε&α) au sujet des organes urinaires288. Ensuite, après une rapide paraphrase expliquant les circonstances, les modes de la formation et de l'évacuation du pus mêlé de sang289 (Και ταύτα μεν τα του Ιπποκράτους ) , il s'arrête à Vaporie que voici290: «Pourquoi Hippocrate, alors qu'il existe différents organes urinaires, mentionne seuls ces deux-là (les reins et la vessie) et passe sous silence les voies urinaires... ou le col de la vessie291.»

Stephanos en propose plusieurs solutions292, dont la dernière nous intéresse particulièrement. «À la fois probable et vraie», selon Stephanos293, elle se déduit de la manière même de s'exprimer d'Hippocrate. Prévoyant en effet la difficulté qu'on allait soulever, il a dit «si l'on urine» (ούρέει) ; le mot «on urine» indique bien que le pus et le sang viennent des «parties supérieures» (υπερκειμένων μορίων). «Et quelles sont ces parties situées au-dessus du col de la vessie?, demande Stephanos. Les reins et la vessie, évidemment. Si c'est donc de ces par­ties ci-dessus mentionnées que se fait l'évacuation, c'est bien l'urine qui s'évacue en même temps, avec le pus et le sang. Et c'est de cela que parle Hippocrate. "On urine" signifie en effet qu'avec le sang et le pus s'élimine aussi le résidu du liquide séreux (ορώδους ύγροΰ περίττωμα). Si c'est cependant le col de la vessie qui est ulcéré, il n'y a pas d'urine dans le pus et le sang ; le pus s'élimine pur et exempt en quelque sorte de tout mélange (ακραιφνές καΐ καθ-αρον το πυον εκκρίνεται και αμιγές τρόπον τινά), à moins qu'avec le temps l'urine ne s'accumule dans la vessie et qu'elle s'élimine avec le pus et le sang ; mais cela n'arrive pas toujours ; il se peut aussi que le pus et le sang

286. Ή. . . ούρέη... «Uriner (habituellement)»... : Littré, voir sa note ad locum. 287. Καί : Stephanos ; ή: Littré, Kühn, Dietz. 288. Aph. IV 73 (75) (W. II, p. 40611"16) : ...τών ουρητικών οργάνων τα μεν

διακριτικά είσιν τοΰ οϋρου... (νεφροί), τα δε παροδευτικά... (ουρητικά αγγεία), τα δε ύποδεκτικά... (ούρηδόχος κύστις), τα δε άποκριτικά... (τράχηλος της κύστεως).

289. Ibidem, p. 40617"23 : Le pus sécrété par un ulcère des reins ou de la vessie pro­voque, pendant son parcours et par sa virulence, des lésions dans les voies urinaires et, par conséquent, des écoulements de sang avec les urines.

290. Ibidem, p. 40624"28 . 291. Ibidem, p. 40822"27. 292. Ibidem, p. 40629-40819 : ) 1)... οτι μνησθεις τών άκρων συμπεριέλαβεν καί τα

μέσα... 2) δτι έν τοίς ούρητικοϊς άγγείοις τών σπανίως εστίν ελκωσιν ... έν δε τοις νεφροίς καί έν τή οΰρηδόχω κύστει τών ώς έπί παν γινομένων... 3) είπε δε καί τρίτην άπολογίαν, ήτις καί το ΐκανον καί το αληθές έχει... νεφρών καί κύστεως μνήμην έποιήσατο δια την ένέργειαν... τών δε ουρητικών αγγείων ούκ έμνημόνευσεν, επειδή μόνην χρείαν ποιούνται... το παροδεύειν το οδρον σωλήνων δίκην...

293. Ibidem, p. 40828-4101.

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76 WANDA WOLSKA-CONUS

s'évacuent spontanément (άπροαιρέτως) ; parce qu'il a dit "on urine", Hippocrate a fait savoir qu'ils s'évacuent avec le liquide séreux, et c'est ce qu'il entend en disant : "indique l'ulcération des reins ou de la ves­sie".»

Dans la Diagnostique 294 aussi, dit Stephanos295, menant une enquête sur les selles, Galien explique que, mêlées au sang, elles signalent l'ulcé­ration «des parties supérieures», c'est-à-dire de l'intestin grêle296. Si par contre le sang et les selles s'évacuent, sans se mélanger, on peut en déduire que l'ulcération se situe dans le gros intestin. «Dans notre cas pareillement, conclut Stephanos, si le pus et le sang s'évacuent mélangés à l'urine, cela indique l'ulcération des parties supérieures. Et quelles sont les parties supérieures par rapport au col (de la vessie), sinon les reins et la vessie ?»

Alors Stephanos propose une autre explication297 : «Galien affirme à différentes occasions (εν διαφόροις), dit-il, qu'il peut parfois arriver qu'il y ait un abcès dans les organes respiratoires ou nutritifs, et qu'une fois cet abcès crevé, le pus véhiculé par les urines s'élimine par le col de la vessie...»

Dans ce nouveau contexte galénique, pourrait-on dire, réapparaît, assez mal à propos298, l'aporie qu'on avait déjà rencontrée : «Pourquoi Hippocrate mentionne-t-il, les reins et la vessie, à l'exclusion (άποκληρωτικώς) d'autres organes ?» À la même aporie, à quelques nuances près, répondent les mêmes solutions299, dont nous ne retenons que la dernière, déjà évoquée elle aussi300 : «Ou encore tu peux dire, poursuit Stephanos, qu'il est clair, à en juger d'après sa manière particu­lière de s'exprimer, qu'Hippocrate est en train de parler des reins et de la vessie seuls (εκ της ποιότητος και ιδιοτροπίας της λέξεως δηλός έστιν περί των νεφρών και της κύστεως νυν αύτω και μόνων ο λόγος). Lorsqu'il dit, en effet, "si l'on urine du sang et du pus", il veut signaler la persistance des urines mêlées de sang et de pus ; en effet, qu'il y ait un abcès dans les organes respiratoires ou nutritifs, que cet abcès crève et que le pus et le sang soient parfois transportés par les urines, ils le sont jusqu'à ce que l'abcès soit vidé de son contenu. Aussi peut-on affirmer que, si Hippocrate avait dit "on a uriné du pus pendant quelque temps", l'aphorisme pourrait présenter la difficulté (εΤχεν αν άπορίαν ό λόγος), mais il a dit "on urine". Il a signalé par là-même la

294. GAL. De locis affectis VI2 : K. 8, p. 382815. 295. Aph. IV 73 (75) : W. II, p. 410213. 296. En effet, en raison de la longue distance à traverser, les selles et le sang s'entre­

mêlent. Si l'ulcère se situe au contraire dans le gros intestin, le sang et les selles s'éva­cuent sans se mélanger, le sang s'éliminant tout d'abord et ensuite les selles.

297. Aph. IV 73 (75) : W. II, p. 4101418. 298. Ibidem, p. 4101825. 299. Voir ci-dessus, note 292. 300. Aph. IV 73 (75) : W. II, p. 41025-34.

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UN «PSEUDO-GALIEN» 77

persistance des urines chargées de pus et de sang, ce qui "implique une ulcération ou des reins ou de la vessie".»

Reportons-nous maintenant au commentaire de Galien. Une constata­tion s'impose du premier coup d'œil : Stephanos et Galien ne disposent pas du même texte des Aphorismes. Alors que le lemme de Stephanos donne «uriner du sang et du pus», le lemme de Galien propose «uriner du sang ou du pus».

Galien examine301 donc les lésions des organes urinaires accompa­gnées, ou non, de rupture d'un vaisseau, qui provoquent les écoulements, avec les urines, soit de pus, soit de sang, soit des deux à la fois.

Il finit par s'arrêter au problème de la formation d'un abcès dans des «parties supérieures». Il écrit 302 : «Parfois, le pus s'écoule avec les urines à la rupture d'un abcès dans une des parties supérieures. Aussi, certains exégètes, et même la plupart d'entre eux, ont-ils choisi une autre leçon, à savoir celle (qui propose) la conjonction et (ειλοντο την έτέραν γραφήν, την δια του χαϊ συνδέσμου) ; voici ce qu'elle donne : "Si l'on urine du sang et du pus, cela indique l'ulcération des reins ou de la ves­sie" ; étant donné que, si c'est le pus seul qui s'évacue avec l'urine, cela signale une ulcération possible non seulement des reins ou de la vessie, mais aussi l'ulcération d'une des parties supérieures. Peut-être disent-ils quelque chose (de valable) eux aussi ; peut-être le verbe "urine" signifie-t-il autre chose que "a uriné" ; qu'il comporte une distinction, car ce n'est pas la même chose que de dire "urine du sang et du pus" et de dire "a uriné du sang et du pus". Il est certes possible qu'on ait uriné du pus durant un, deux ou trois jours, un abcès ayant crevé dans des organes uri­naires. Mais, lorsque cela dure pendant plusieurs jours, voire pendant des mois, cela indique l'ulcération des reins ou de la vessie...» (mais s'agit-il des reins ou de la vessie, c'est la localisation de la douleur et la matière évacuée avec les urines qui permettent de le reconnaître).

Passons maintenant au texte de Théophile : d'abord le lemme qui est celui de Galien et non pas celui de Stephanos — «Si l'on urine du sang ou du pus, cela indique l'ulcération des reins ou de la vessie», et le com­mentaire ensuite303 : «Ayant dit "on urine", Hippocrate a rejeté l'opinion de ceux qui soutiennent qu'à la rupture d'un abcès dans le foie ou dans une autre partie l'urine coule <avec le pus>304. En effet, s'agissant de ces parties-là, (l'urine) se purifie au premier, au deuxième ou au'troisième jour ; cela ne va pas au-delà ; par contre, la purification dans les reins ou dans la vessie s'accomplit dans un long délai de temps (το δε έν παρατάσει χρόνου καΦαίρεσ#αι έν νεφρω η έν κύστει γίνεται), ce qu'Hippocrate a fait savoir (en disant) : "on urine". Si donc on urine du sang et du pus, cela indique l'ulcération des reins ou de la vessie. En

301. GAL. In Hipp. Aph. IV 75 : K. 172, p. 766112. 302. Ibidem, p. 76612-76712. 303. Aph. IV 75 : D. II, p. 43228-4337. 304. Ibidem, p. 43229-4331 ; ... φέρεσθαι το οδρον : Sic ! Il faut sans doute ajouter:

μετά τοΰ πύου.

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effet, l'ulcère, se dévorant lui-même, dévore en même temps quelques vaisseaux (του γαρ έλκους διαβιβρωσκομένου συναναβιβρώσκονταί τίνα αγγεία) , et (alors) avec le pus s'évacue aussi le sang, comme cela arrive également aux gens souffrant de dysenterie305...»

Remarquons qu'il y a beaucoup de répétitions et d'incohérences dans les commentaires à cet aphorisme : Théophile met η dans le lemme et explique le texte en fonction de καί 306. Stephanos commente à deux reprises les formes ούρέτ) et ούρήστ) pour affirmer, à l'encontre du Galien qu'il cite, qu'Hippocrate entend l'ulcération «soit des reins soit de la vessie seuls». Ni l'un ni l'autre ne semble s'apercevoir que la controverse remonte à la remarque de Galien sur la divergence des leçons des manuscrits. Ceci étant, on doit sans doute conclure à une jux­taposition un peu fortuite des sources d'origines différentes.

Wanda WOLSKA-CONUS Centre de recherche d'Histoire et Civilisation de Byzance Collège de France

305. Pour finir, Théophile soulève Γ aporie (déjà discutée aussi bien par Galien que par Stephanos) : ibidem, p. 4338"10 : Δια τί δέ τών ουρητήρων ούκ έμνήσθη; Γίνεται γαρ κάκεισε τοϋτο. Διότι μνησθείς τών άκρων συμπεριέλαβε καί τα μέσα.

306. À moins qu'il ne s'agisse que d'une transmission manuscrite défectueuse.

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TWO REFORMS OF THE 370s: RECRUITING SOLDIERS AND SENATORS IN

THE DIVIDED EMPIRE*

Constantine ZUCKERMAN

Summary: This article traces the fourth century term temonarius in three different contexts. The term being mostly attested to in connection with military recruitment, the major part of the article is dedicated to a comprehensive revision of evidence bearing on the fourth century recruitment procedures, their earlier antecedents and the radical changes they undergo by the end of the century. The use of the term temonarius in connection with the duties of newly promoted senators prompts some observations on the "recruitment" and the status of the senat in the Eastern empire. Finally, the appearance of the term in the Acts of Maximilian is shown, in the Appendix, to shed a new light on the emergence of this remarkable specimen of early hagiography.

Since the textbooks of Byzantine history have to start at a certain point in time, scholars have always debated the symbolic date of foundation of the Byzantine empire. While choosing such date is admittedly a matter of taste, I believe that the two dates often cited, 324 and 395, fail to convey the right message. 324, the year of the founding of Constantinople, was also the year of Constantine's victory over Licinius whereby the whole Roman empire was united, for the one-before-last time, under one emperor. Early in 395, the empire was divided between Theodosius' two sons after having been united by Theodosius in the fall of 394. But this was what I would call the one-after-last reunification and it was not destined to last. Despite being brought for a couple of months under a single ruler, each pars imperii kept its distinct, by then fully forged, political structure.

In a definition which gains currency under the Later Empire, the triple foundation of the imperial power consists of the people, the senate and the army. Thus, taking the people for granted, the Eastern Roman Empire emerges as a distinct political entity once it is endowed with a senate and an army of its own. This happens in the 360s. Before, except for short periods under the second tetrarchy and under Constantine's sons — which

* I am most gratefull to Prof. Jean Gascou for his critical comments on this text.

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80 CONSTANTINE ZUCKERMAN

were fortunately also periods of a relative external peace — the mobile part of the imperial army, the comitatus, acted as one whole. Julian's Persian campaign of 361-363 involved the last large-scale transfer of crack units from the West to the eastern front. No such arrangement existed between Valentinian and Valens after they divided the imperial comitatus in Naissus in 364. The senate of Constantinople, launched on a modest scale in the 340s, started taking shape as a counter-balance to the senate of Rome at the very end of the reign of Constantius II (t 361).

Dividing the army and creating a new senate were circumstancial decisions whose long-term implications could not be fully forseen by the decision-makers. Dividing the army involved a division of recruitment grounds and financial faculties; promoting new senators implied a redistribution of means between the provincial curiae and the capitals. This generated a process of structural readjustment which culminated in the early 370s. Expectedly, it took a different shape in each of the partes imperii thus driving them further apart. A variety of sources, of which the most prominent are papyri and imperial laws, allow us to follow this process step by step, particularly in the East. The regeneration of the eastern pars imperiťs vital political organs marks, more than any other event, the birth of the «Byzantine» empire.

This paper does not aim to describe this process in full. It rather focuses on select aspects of each institution's restructuring: on the comprehensive revision of the recruitment system on the one hand (part one), and on the adjustments in the rules of admission to the senate (part two) and in senatorial privileges (part one, II, 2) on the other hand. The evidence is rich but often misinterpreted. Piling up references, as it is often the case, only enhances the confusion. Here an attempt has been made to explain each source in its proper context and to put, when necessary, the reforms of the 370s in a wider historical perspective. The density of the data provides a rare occasion to observe closely the dynamics of institutional change of which we are most often reduced to tracing the bare outline.

PART ONE: REFORMING THE MILITARY RECRUITMENT IN THE 370S

«In the Later Empire military service was unpopular. Recruits had to be branded.» So states a recent author, after indicating that «the duty of providing recruits was extremely unpopular with landowners» who allegedly «operated a kind of press-gang system, combining incentive payments with coercion, to induce a few individuals to enroll». The poor functioning of citizen levies had for outcome that the defense of the empire was essentially entrusted, since the Tetrarchy, to barbarian recruits and volunteers.1 This picture cumulates several contestable

1. J. H. W. G. LIEBESCHUETZ, Barbarians and Bishops: Army, Church and State in the Age ofArcadius and Chrysostomos, Oxford 1991, p. 1-25, see p. 19-20 for the passages quoted.

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commonplaces, but here it is mainly quoted for its wide chronological grasp. Was the military service equally unpopular throughout the entire period which we designate as the Later Empire? Could the press-gang system (a pure product of imagination, for whatever it matters) operate for a couple of centuries? The recruits were never branded, their arm was marked with a tattoo; but what circumstances generated this practice?

Many a scholarly overview tends to generalize over time conditions and attitudes which are all but typical. In the field of military recruitment, this is particularly the case of a series of laws and of related evidence from the 370s and the early 380s which attest to an attempted reform introducing a recruitment system that only functioned, in the East, for about five years. Circumscribing this phenomenon in time is one of the main aims of the Part one. It starts by describing the pre-reform levies (chapter I) and then studies the reform and its aftermath (chapter II).

I. THE CONSCRIPTION OF CITIZENS (OF NON-MILITARY EXTRACTION) BEFORE 375

1. Flavius Abinnaeus, enforcer of law and order Few documents are more frequently cited to illustrate the forced

conscription of peasants and their abuse by the military in the fourth century Egypt than P.Abinn. 18 and 35, two letters from the archive of Flavius Abinnaeus, commander of the ala V Praelectorum in the fort of Dionysias (Fayoum) ca 342-351. The former text's link to conscription, much emphasized by the editors,2 was not retained by all commentators. But those who admit that this letter does not speak of recruits discover in it the other aspect of the traditional picture, namely the outrages allegedly committed by soldiers against villagers. I explain the texts differently. Less dramatic, the new approach sets the events described among the routine tasks of Abinnaeus' soldiers well attested to in the officer's papers. Thus it helps in eliminating some entrenched misconceptions regarding the fourth century recruitment procedures.

P.Abinn. 18 is a letter of protest addressed to Abinnaeus by Chaeremon, a decurion from Arsinoe. The acts which provoked Chaeremon's complaint are described in the top lines, slightly mutilated at the left and reconstructed by the editors as follows:

[ου καλώς] ποιείς τοιαύτα πράττων άλλα [ύπομένει]ς (?) κίνδυνον κακούργων συνλημ-

5 [φθηναι. έ]πι της Θεοξενίδ[ο]ς άπέστιλας τους [στρατιώτας (?)] τους ύπό σε και άπέσπασας αυτούς ά[δικημ]άτων τοσούτων γεναμένων εν τη κώμη. οΐδας γαρ δτι ή οικία του Ά τ ρ η έσυλήθη, έχοντος αυτού και τοσαΰτα αλλότρια εν παραθέσι· και άπελασία<ι>

2. Η. BELL, V. MARTIN, Ε. TURNER, D. VAN BERCHEM, The Abinnaeus Archive, Oxford 1962. The translation of P.Abinn. 18 below belongs to the editors.

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10 κτηνών γεγόνασιν, και ουκ έπέτρεψας έξέ-τασιν αυτών γενέσθαι, άλλα ηρπαξας αυτούς ώς εν ανομία - μα τον γαρ θεον η τούτους άπόστιλον Ινα γνοΰμεν τα πραχθέντα ύπο αυτών ή πάν­τες oř από του βουλευτηρίου άνανέγκωμεν επί

15 τον δεσπότην μου τον δοΰκα περί τούτου. «You are not justified in acting as you do but you are running the risk of

being convicted of criminal conduct. You sent to Theoxenis the soldiers under your command and you dragged them away although so many outrages have been committed in the village. For you know that the house of Hatres was looted, and that too when he had so many goods of other people deposited with him; and cattle have been driven off, and you did not permit the inquiry to be made for them, but you carried them off as if there were no laws. For by god either you will send these men, so that we may learn by them what happened, or all we of the council will report to my master the Duke about this.»

The editors believe that the evildoers (1. 4) are Abinnaeus' soldiers who were sent to the village of Theoxenis to levy recruits. The soldiers not only dragged «them» (i. e. the recruits, 1. 6) by force, without permitting «the inquiry to be made for them», but also committed crimes against the villagers' property. Chaeremon requests to send the recruits back to the village, «so that we may learn by them what happened». Translating έξέτασιν αυτών as «inquiry to be made for them» strikes, however, as forced. Connecting γνουμεν with ύπο αυτών to produce the meaning «learn by them» is inadmissible. The text makes it very clear that Chaeremon wants to investigate the acts of the people whom he demands to be sent back. Those cannot be the hapless recruits.

Friedrich Zucker admits, therefore, that the events described have nothing to do with recruiting, αυτούς (1. 6 and 11) and τούτους (1. 12) are Abinnaeus' soldiers who pillaged Theoxenis. Their commander «hat sie (gewaltsam, widerrechtlich) entzogen (=άπέσπασας) nämlich der έξέτασις (1. lOf.) ihrer Gewalttaten in Dorf». Chaeremon, for his part, wants them to be sent back for an investigation on the crime scene.3 Yet the idea that soldiers could be investigated by curial or village officials sounds unreal. Besides, Abinnaeus obviously did not drag away by force his own soldiers. Who could hinder their departure from the village?

Jean-Michel Carrie addresses the drawbacks of the earlier commentaries by introducing a new actor in the play. He restitutes in the lacune in the 1. 6 κακούργους instead of στρατιώτας and thus inserts in the text a gang of Abinnaeus' client-peasants who ravage Theoxenis at their patron's instigation. Thus Chaeremon and the villagers «présentent la clientèle civile d'Abinnaeus comme un deuxième numerus ύπ ' Άβινναίον». When the latter are caught red-handed by the villagers, their patron, abusing his official position, sends to Theoxenis his regular soldiers who snatch the culprits from the lawful arrest. Carrie depicts

3. Archiv für Papyrusforschung 18, 1966, p. 107-108. Zucker's interpretation goes back in part to Wilcken's note in Archiv 1, 1901, p. 164.

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T W O REFORMS OF THE 370s 83

Abinnaeus as a mighty landlord with properties in several villages, typical of a period «où les couches supérieures de l'armée romaine, prises d'une véritable fièvre foncière, se livrent à des achats massifs de terre». The clash between Abinnaeus and Chaeremon reflects «l'antagonisme qui oppose les curiales aux officiers»; the attack on Theoxenis, village under a curial patronage, results from a «concurrence pour la propriété du sol et l'emploi des colons» between civilian and military landowners.4 Yet the assumptions underlying Carrie's analysis were contested by Roger Bagnali who insisted on the lack of any tangible evidence for the massive acquisitions of land by officers in the 350s.5 While Abinnaeus and his wife were certainly people of means, their papers furnish very few proofs that they invested in land.6 As to the gang of dependent peasants in Abinnaeus' service, its insertion in P.Abinn. 18 appears all the less warranted since no other text attests to its existence. As pointed out by Bagnali, the restitution στρατιώτας (1. 6) is supported by the subsequent υπό σε which «in this construction always refers to an official relationship, either military or administrative».7

All the same, Carrie is right to observe that Chaeremon demands from Abinnaeus to send back for investigation certain criminals whom the soldiers dragged away from Theoxenis. A different restitution of the lines 4-5 would save the logic of the text:

[ού καλώς] ποιείς τοιαύτα πράττων άλλα [ίδιον εί]ς κίνδυνον, κακούργων συνλημ-

5 [φθέντων έ]πι της Θεοξενίδ[ο]ς, άπέστιλας τους [στρατιώτας] τους ύπό σε και άπέσπασας αυτούς ά[δικημ]άτων τοσούτων γεναμένων έν τη κώμη.

4. Ј.- . CARRIE, Patronage et propriété militaires au IVe s. Objet rhétorique et objet réel du Discours "Sur les Patronages" de Libanius, BCH 100, 1976, p. 159-176, see p. 172-174 and especially p. 173, n. 32. The author draws support from the studies by R. RÉMONDON, Militaires et civils dans une campagne égyptienne au temps de Constance II, Journal des Savants, January-March 1965, p. 132-143; IDEM in Annuaire de l'École pratique des Hautes Études (IVe section), 1963/4, p. 117-119.

5. R. S. BAGNALL, Military Officers as Landowners in Fourth Century Egypt, Chiron 22, 1992, p. 47-54; IDEM, Egypt in Late Antiquity, Princeton 1993, p. 172-180.

6. In an appendix to his study (cited n. 4), p. 176, Carrie presents a cursory survey of what he considers as evidence on Abinnaeus' landed property. The text he cites as the most explicit, however — it mentions a certain ousia {P.Abinn. 41) — is published among Abinnaeus' papers only because its back side was reused, with due excuses, by one of his correspondents {P.Abinn. 21). Nothing proves that the text on the recto was concerned with Abinnaeus' affairs. Carrie's attribution of some of the accounts in the dossier to Abinnaeus' estates is hardly proven either. As for the letters P.Abinn. 4 and 5, Carrie denies their author, Aetius, the position of an official epimeletes, as suggested by the editors, and makes him Abinnaeus' steward. Yet Aetius addresses Abinnaeus as brother, which implies equality. What is more, P.Abinn. 4 mentions soldiers coming with chits to claim rations άφ ' ημών; if «from us» means Abinnaeus' granaries, one would have to admit that the officer supplied the annona to his soldiers from his private means.

7. BAGNALL (cited n. 5), p. 222. While rejecting Carrie's restitution, Bagnall ventures no explanation of his own for the situation described.

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84 CONSTANTINE ZUCKERMAN

«You are not justified in acting as you do but it is at your own peril that, after criminals had been caught in Theoxenis, you sent the soldiers under your command and dragged them away although so many outrages have been committed in the village.» After this preamble, Chaeremon states his main point: the arrested evildoers are suspected of numerous crimes against property recently committed in the village, yet their hasty removal by soldiers prevented their investigation. Chaeremon's request to send them back for an immediate inquiry is motivated by the pressing wish to recover the stollen goods and cattle. The ways of criminal justice probably did not change much in about forty years that separate his letter from Libanios' oration De vinctis in which the rhetor complains that accused criminals, promptly arrested, would stay for a very long time in prison before being brought to trial, so that prison guards and governors could extract money from them.8 This abuse of justice was obviously to the detriment of civil plaintifs in cases like the one described by Chaeremon.

Chaeremon uses a very strong language in denouncing Abinnaeus' intervention. The officer allegedly acted ώς εν ανομία, as if there were no laws. Hence the threat to lodge a formal complaint before the Duke; hence my restitution fiôiov εί]ς κίνδυνον. The division of judicial power between military and civilian authorities in Abinnaeus' time appears rather blurred,9 and the little that we know about the case does not put us in the position to judge if it was Abinnaeus who exceeded his authority or if it was rather Chaeremon who unduly interferred in a criminal inquiry. Nevertheless, the situation which generated the conflict is easily recognizable. Abinnaeus' archive contains several petitions by villagers who complain of aggression or robbery and request to arrest the culprit and to bring him before the Duke's court {P.Abinn. 44-57). This was, no doubt, the mission of Abinnaeus' soldiers in Theoxenis. The robbers were caught this time by the villagers themselves who did not appreciate their speedy removal. Who knows, though, what fate awaited the suspects had the soldiers not intervened.

An analogous situation recurs in P.Abinn. 35, a rather embarrassed report submitted to Abinnaeus by his subordinate Paesios, who can be identified as the decurio of the same name mentioned in one of Abinnaeus' accounts {P.Abinn. 77 A 6).10 Paesios and his men spent three days in the village of Karanis. Nevertheless, he reports, «we could not drag away a single man». He detained the village police officer (irenarch) and wanted to drag him away instead, but then — the text is slightly mutilated — apparently the entire village gathered preventing

8. Libanius, Orationes, 45, ed. R. FÖRSTER, III, Leipzig 1906, p. 359-376. 9. See BAGNALL (cited n. 5), p. 168-169. 10. The editors believe that Paesios in P.Abinn. 35 is a civilian because he opens the

report by refuting the suspicion that, instead of proceeding on his official mission, he spent the time in his own village. Many of Abinnaeus' soldiers, however, came from nearby villages.

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anyone from leaving. The villagers then gave him two gold solidi and 50 talents of silver for Abinnaeus, if the latter approves the deal. Paesios explains that all this occurred in the presence of the praepositus pagi and that he accepted the money since he «did not want to stir up the matter». In the editors' interpretation, propagated by Rémondon, n Paesios' team came to Karanis to levy recruits. It has also been noted, however, that the sum of the pay off, under 3 solidi, stands in no comparison to 30 solidi and more paid for a single recruit. Besides, we will see below that the praepositus pagi, the magistrate personally responsible for filling the municipal quota of recruits, would be the last person to exempt a draftee. Here again the solution is that soldiers were on a police mission. The decision whether to arrest anyone or not was a matter between them and the villagers, fully within Abinnaeus' discretion.

In Karanis the villagers sided with the suspects whom they declined to surrender. PSI 1 47 records a similar confrontation in the village of Tholthis. Riparius Ammonianus threatens the capitularii and the irenarchs of the village that if they do not surrender next day those who inflicted damage on the fields as well as the guards who did not prevent this act, he will make his lord the tribune «come not upon the entire village but upon your houses only and make everything in them soldiers' spoils. And do not think», he adds maliciously, «that anybody else will suffer in the village except for you, the capitularii». Some of the petitioners who seek Abinnaeus' intervention suggest that he apprehends the irenarch and the village officials and forces them to surrender the culprits {P.Abinn. 45, 46). In PSI I 47 like in P.Abinn. 35, the irenarchs responsible for peace in their villages were caught between the two fires.

The role of the army in imposing law and order was always problematic. It was no particularity of Egypt or of the fourth century that it involved much institutionalized violence. Abinnaeus' superior, dux Valacius, defined his duties as tutela publica, assuring the public security {P.Abinn. 2), and Abinnaeus was not above reproach in this role.12

Paesios' letter makes it clear that he expected his commander to accept the bribe, for «to profit a little (...) works well with all men and with God {P.Abinn. 35)». All this being admitted, there is no reason to aggravate the picture by excesses of interpretation. Abinnaeus neither ravaged villages nor dragged away recruits by force. This was not the character of recruitment procedures in his days. An intricate bureaucratic process with heavy pecuniary responsibilities involved, it called for abuses yet

11. To the studies cited in n. 4, add R. RÉMONDON, Papyrologie et histoire byzantine, Annales Universitatis Saraviensis 8, 1959, p. 87-103, see p. 100.

12. On the police duties of the military, see now J.-J. AUBERT, Policing the countryside: Soldiers and civilians in Egyptian villages in the third and the fourth centuries A.D., in Y. LE BOHEC ed., La Hierarchie (Rangordnung) de l'armée romaine sous le Haut-Empire, Paris 1995, p. 257-265.

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— as our next case shows — for finer ones than those attributed to Flavius Abinnaeus by the editors of his archive.

2. Flavius Isidoros and the Gold for Recruits Flavius Isidoros, an officialis, later beneficiarius in the office of the

governor of the Thebaid, appears in over two dozen documents of the Leipzig collection dated between 368 and 389. Some of them are his private papers. A court protocol of 368 shows that Fl. Isidoros, together with his brother Fl. Heracleon, a beneficiarius, and his sister Kyra, were involved in a protracted litigation against their mother's relatives over the division of the family property {P.Lips. 33=M.Chr. 55). Several contracts of lease feature Fl. Isidoros renting out two rooms in his house in Hermoupolis as well as some small plots of land in nearby villages.13

Other documents concern his official duties. Quite a few are related to one dramatic episode in his career when he was charged with supervising the collection, then with the transportation, of the recruits' gold (χρυσός τιρώνων), accused of embezzlement, tried, condemned to a partial restitution of the missing sum, and this was not yet the end of the story. The affair deserves to be studied for the light it sheds on the mores of Thebaidan officialdom. But it will also provide us with matter for observations on the recruitment procedures and on the nature of the «recruits' gold».

The officiales Fl. Isidoros and Fl. Theodoras spent the end of July and the major part of August of the first indiction 372/3 travelling along the Thebaid and summoning to the governor's office the κεφαλαιωταί {capitularii) who had accomplished their term of liturgy in the indictions eleven to fourteen. In each city they visited, they claimed deeds of surety from the local notables to insure the capitularii's arrival, and this series of documents enabled Bärbel Kramer to reconstruct their exact itinerary.14 The question Kramer left open, however, was what could be the of gathering the former liturgists up to four years after the end of their term. The answer lies near to hand. Later in the same first indiction, Fl. Isidoros was dispatched to the imperial comitatus in Hierapolis in Syria carrying with him the recruits' gold for the indictions eleven and fourteen, or rather, as suggested by Wilcken (Archiv, 4, 1908, p. 189), eleven to fourteen (P.Lips. 34). The correspondence of fiscal years is hardly coincidental. One of the capitularii^ duties was furnishing recruits and providing them with a draft allowance.15 I

13. P.Lips. 17 (377): the rooms; P.Lips. 23 (374) and 21 (382): a plot of less than one aroura in the village of Thynis; P.Lips. 20 (381): one aroura in the village of Mony ris. In P.Lips. 22 (388) and 37 (389), Fl. Isidoros, styled former beneficiarius, continues to manage his property while in retirement.

14. B. KRAMER, Zwei Leipziger Papyri, Archiv 32, 1986, p. 33-46, see p. 34-35. 15. See A. H. M. JONES, The Later Roman Empire 284-602 (hereafter LRE), .

Oxford 1973, p. 615 and infra, ch. II, 2; add O.Leid. 342: a receipt issued by a κεφαλοαωτης for, among other taxes, ναύλου τειρώνων.

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believe that the capitularii were not convoked to the officium empty-handed: hence the need for sureties. They had been summoned to deliver the gold that Fl. Isidoros transported to the imperial comitatus soon afterwards.16

Fl. Isidoros' petition to emperors Valens, Gratian and Valentinian relates the circumstances of his voyage. We possess, in fact, two versions of the petition, P.Lips. 34 and 35 to be consulted with Wilcken's crucial corrections and comments. Both were drawn between 376 and 378.17

The two texts describe exactly the same events yet show discrepances in presentation which baffled the editor.18 Nevertheless, the order in which they were written is not in doubt. P.Lips. 35 had been submitted first and returned to the petitioner with a Latin subscription stipulating a request for additional evidence. Fl. Isidoros then used this document as a draft, crossed out a few words and marked some alternative formulations between the lines.19 These corrections are integrated in the text of P.Lips. 34, yet this document bears no mark of official use. This must be a copy of the revised petition which Fl. Isidoros submitted to the emperors after the first version had not produced the desired result.

Since the two documents are very close, the details that change are highly instructive. According to the version submitted first (P.Lips. 35), Fl. Isidoros was charged with transporting 138 solidi. Once in Hierapolis, he was about to deliver them, as prescribed, to the

16. P.Ant. I 33, dated in the second half of the fourth century (P.Landlisten, p. 19), mentions an officialis named Theodoras dispatched, together with his colleague Pankratios, to the Upper Thebaid in connection with the recruits' gold: δια το χρυσίον των] τιρώνων (1. 21-23, cf. 1. 41-42). Even if this Theodoras is not the one who travelled with Fl. Isidoros — the name is common —, the mission, in both cases, might have been rather similar.

17. Archiv, 3, 1906, p. 563-564 and 4, 1908, p. 187-189 (cf. BL I, 206-207). The réédition of P.Lips. 35 as ChLA XII 524 produced no textual improvement. The editor's (Mitteis') dating ca 375 recognizes the fact — overseen by Wilcken, p. 189 — that Valentinian named in both petitions in the third place is Valentinian II proclaimed emperor in Sirmium on November 22, 375. Given the troubled circumstances of his proclamation and the slow communications in winter, the new composition of the imperial college could not be announced in the Thebaid before the beginning of 376. Valens death on August 9, 378, which must have become known in the Thebaid in the early fall, provides the lower chronological limit.

18. Thus Mitteis concluded his analysis (handicaped by numerous misreadings subsequently corrected by Wilcken): «Das Verhältnis der beiden Eingaben bleibt darum zweifelhaft (ad P.Lips. 35, p. 110)».

19. This is the reason why the official quality of P.Lips. 35, duly emphasized by MITTEIS («die lateinischen Subscriptionen auf der Vorderseite und das griechische Indorsai zeigen, dass es wirklich eingereicht worden ist», p. 110), was not recognized by the later students of the text. For the editor of ChLA XII 524, «Il ne s'agit pas d'une 'minute', mais d'une 'expédition' qui a reçu de nombreuses corrections et de ce fait n 'a pas été envoyée aux empereurs, d'où sa provenance (p. 19)»; he does not explain the origin of the Latin subscription. For R. Delmaire, Largesses sacrées et res privata, Rome 1989, p. 328, P.Lips. 35 is no more than a «brouillon». Therefore, recent brief overviews of Fl. Isidoros' papers — see JONES, LRE, p. 596, DELMAIRE, ibid., BAGNALL (cited n. 5), p. 64-65 •— mainly refer to P.Lips. 34 and thus miss the internal dynamics of the dossier.

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προπομπός τιρώνων, alias ύποδέκτης χρυσού τιρώνων (cf. P.Lips. 34 verso), Dioscurides. The latter, however, had then just learned of a recent imperial legislation reducing the allowance due to each recruit to 10 solidi. Therefore, he took only the amount he needed, 61 solidi, leaving the rest of the tax money with Fl. Isidoros άναδιαδοθησόμενον τοις δεδωκόσι, for the restitution to the taxpayers. We should note this crucial indication. Then a horrible thing happened. Fl. Isidoros was robbed, as many respectable citizens of the Thebaid present at the time in the comitatus could testify. He lost not only the public gold but his own valuable vessels as well. Nevertheless, upon his return, the decurions of Hermoupolis accused him before the governor of having appropriated the money.

The presence in Hierapolis of numerous envoys from the Thebaid πρεσβεύσαντες υπέρ της επαρχίας at the time of Fl. Isidoros' visit provides a valuable chronological reference. They arrived, no doubt, for the celebration of Valens' decenalia on March 28, 373.20 Thus our officialis and the delegates probably left Egypt in February and could be back home before the end of the spring. Fl. Isidoros does not tell much about his trial. All we learn is that after inquiry, he was ordered to pay the treasury 72 solidi in his accusers' favor. The rest of the amount missing was credited (λογισθείς) to their tax account, that is the loss was absorbed by the treasury. However fair this ruling may appear, Fl. Isidoros learned of the decurions' intention to appeal it. It was to counter their action that he petitioned the emperor for the confirmation of the governor's judgement.

Fl. Isidoros claimed that he had to sell all his property to raise the money. A receipt found among his papers certifies that on November 11, 375, he actually paid the 72 solidi, λογισθέντα υπέρ [τ]ης με[γά]λης Έρμου πόλεως, to the provincial treasury (P.Lips. 61=W.Chr. 187). For all we can see, he was the only victim in this affair. The decurions of Hermoupolis were credited with the full amount they paid, while the treasury lost a triffle indeed: 138-(61+72)=5 solidi. This picture poses problems, however. If all that Fl. Isidoros risked in the appeal was being obliged to pay five more solidi, why bother the emperor? We understand even less the meanness of the decurions. Though credited with the full

20. The decenalia were celebrated in Themistius' Oratio XI held in Valens' presence, and now we can finally establish the place where it was pronounced. One does not need the data of the papyri in order to reject both locations hitherto proposed, to wit, Constantinople and Antioch; references in G. DOWNEY, Themistii Orationes, I, Leipzig 1965, p. 216, and in J. VANDERSPOEL, Themistius and the Imperial Court, Michigan 1995, p. 177-178. The former is excluded by Themistius' statement that Valens keeps his eye on «Thrace», i. e. Constantinople, despite the great distance between them (ed. DOWNEY, p. 228); the description of the emperor's hardships in the desert climate (p. 224-225) fits badly the imperial palace in Antioch. But Themistius also provides a positive indication: the emperor presently «rushes in person upon Euphrates and Tigris (p. 224)». This could not fit better Hierapolis, Valens' advanced headquarters during the Persian campaigns of 370-377, situated less than 30 km from the Euphrates.

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amount of the taxes paid, they undertake costly proceedings at the emperor's court. Against whom? And what do they expect to gain?

The first question is the easiest to answer. Fl. Isidores ' first petition returned from the imperial chancellery with a laconic subscription in Latin which is now almost entirely lost but whose Greek translation could be read by Wilcken: το ύττό(λοιττον) χρυσίον, όπερ έλαβες παρακομεισε (παρακομίσαι), εί παρέδωκ[α]ς, φανερώτερον διασάφησ[ο]ν («Concerning the rest of the money which you received for transportation — if you transmitted it, prove it more clearly»). Unsigned and unsolemn, unlike the few imperial subscriptions we have, this request for additional evidence makes clear that the petition never made it beyond the scrinium libellorum et sacrarum cognitionum which was charged with investigating the cases submitted to the emperor. 21

The second version of the petition, however, does not provide the required proof, quite the opposite. In the corrected text, Fl. Isidores puts the amount entrusted to him at 238 (rather than 138) solidi and admits explicitly that the money stolen amounted to 177 solidi. Ignoring the missing 100 solidi, Fl. Isidores appends to his petition a copy Dioscurides' receipt for 61 solidi (P.Lips. 34 verso), as if there was any contestation concerning this sum and as if this was the evidence requested. This time he avoids naming the amount which he was obliged to restitute — the 72 solidi pale in comparison to the real loss of 177 solidi — but refers to it as to «a certain prescribed sum». Nevertheless, we know now that the loss sustained by the treasury was not 5 but 105 solidi. Thus Fl. Isidores' eagerness to counteract his accusers is no longer a mystery. He actually risked being condemned to an additional restitution of almost one and a half pounds of gold.

The entire intrigue could be reduced, at the first glance, to a governor's attempt to bail out a member of his officium by covering up a loss of 105 solidi in taxes. That would explain the slowness of the provincial justice — the proceedings dragged for over two years 22 — as well as Fl. Isidores' initial reluctance to admit to the size of the loss. Yet the decurions' position suggests that the reality was more complicated than that. Fl. Isidores indicated in the first petition — in the second, this detail is prudently omitted — that the money not taken by Dioscurides was destined to be refunded to the taxpayers. Thus it no longer belonged to the fisc, it was the taxpayers' private money that the officialis pretended to have lost to the thiefs. The magnanimity of praeses Pergamius would be astounding indeed had he credited the lost amount to the decurions' current fiscal dues. He would be then engaging state finances for resolving a private suit. This was not the case. The 72 solidi

21. See, on the procedure, R. DELMAIRE, Les Institutions du Bas-Empire romain de Constantin à Justinien, I: Les Institutions civiles palatines, Paris 1995, p. 59-61, 69-70.

22. FI. Isidores ' investigation started, no doubt, soon after his return in the spring of 373, yet he did not pay the money which he was condemned to restitute before November 375 (P.Lips. 61).

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restituted by Fl. Isidoros were marked for the recruits' gold «of the days of old»: εις λόγον χρυσο[υ τ]ειρώνων των παλαιών χρό[ν]ων (P.Lips. 61), and the amount of 105 solidi was, no doubt, «credited» by the treasury to the same item. Yet we know that Dioscurides got all the money he needed for the recruits and that the fisc had no claim on the remainder. Besides, real arrears are always paid for specific years. The vague designation of the fiscal entry reveals the hoax. The decurions were credited for taxes they did not owe.

A series of fiscal receipts copied in P.Flor. I 95 provides the background of the governor's design. It shows that in the years 375-377, the decurions of Hermoupolis were summoned to pay considerable amounts of gold in arrear taxes for the indictions six to twelve (362/3-368/9) designated as adaeratio (άπο λόγου έξαργυρισμών) and for the indictions fifteen and one (371/2-372/3) designated as adelegateuta (cf. infra, n. 67); the document is uncomplete. If one makes the connection between the two items, the adaeratio concerned deliveries in kind, normally due to soldiers and to civilian officials, which were not attributed İn the yearly fiscal schedules (delegationes) and which the state now claimed in gold. This would be an appropriate occasion to credit the decurions for the money owed them by Fl. Isidoros. However, their decision to appeal the governor's ruling before the emperor shows that they were not actually reimbursed. The sum involved, almost 2.5 pounds of gold, was important enough as to justify the proceedings.

In taxpayers' petitions decrying the abuse by tax officials, the rhetoric of the complaint often obscures the circumstances of the case to such extent that one tends to doubt their gravity. This time the documents produced by the accused side itself create a strong presumption of official fraud. Whether or not Fl. Isidoros staged the robbery, the procedure elaborated by the governor for allegedly compensating the taxpayers resembles a division of spoils: 72 solidi, credited to a fake account, for praeses Pergamius and the remaining 105 solidi for Fl. Isidoros who, moreover, was promoted beneficiarius soon after the trial. 23 The treasury did not suffer any loss, yet admitting this to the emperor would mean revealing the intrigue and losing the case; this was the irony of Fl. Isidoros' situation. For the decurions, this was no joke at all: unless successful in the appeal, they lost the hefty sum of 177 solidi.

Dioscurides noted in his receipt that the gold delivered by Fl. Isidoros was destined for the recruits' clothing (λόγου ενδυμάτων τιρώνων, P.Lips. 34 verso). He took only as much of it as he needed for supplying the recruits (παρασχείν τοις νεολέκτοις). Thus our documents show that the recruits' gold collected in 372/3, in Egypt, covered the expenses of actual recruitment. But when the sources mention payments related to recruits without specifying the way in which the money was spent, these

23. The earliest documents which attest to Fl. Isidoros' promotion are M.Chr. 77 {P.Lips. 36) and 78 (376 or 378), and P.Lips. 55 (before the end of 378).

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are usually interpreted as evidence for the adaeratio, substitution of draftees with a pecuniary contribution. Modern authorities believe that the state pursued recruiting and adaeratio alternately, the practice going back to the days of Diocletian. 24 This was, however, not the view of Ammianus Marcellinus and Socrates who present the adaeratio as Valens' innovation,25 and one would be wrong to contest their testimony. The major change in the recruitment system took place not under Diocletian but, indeed, under Valentinian and Valens and then, in the East, under Theodosius I. The reform took shape gradually, by trial and error rather than following a predefined design, and I will try to trace its stages. Yet before investigating the reasons which prompted the adaeratio of recruits for cash, we shall see how the system worked as long as the state claimed from the population the corpora, that is recruits in flesh and blood.

3. The corpora

The recruitment procedures under the early Principate amalgamated volunteering and conscription in proportions which we are not in the position to define.26 For the time of the Severi, we have the word of the jurist Arrius Menander that the Roman army of his days consisted by and large of volunteers (Dig. XLIX 16, 4, 10). Contemporary ecclesiastical writers confirm this statement in a way: while denouncing Christians who become soldiers, they never evoke a possibility of one being conscribed against his will. The popularity of the military service is best expressed in the letter of an Egyptian girl named Isis who writes to her mother concerning her brother Aion: «And if Aion wishes to join the army, let him go; for everyone is in the army».27 In this respect, the army of the Principate is commonly contrasted with the non-barbarian component of the fourth century army, issued of forced conscription. A closer look, though, reveals that the sources of the manpower for draft did not change much.

The conscription, as attested to in Egypt and elsewhere through the major part of the fourth century, embraced two categories of citizens: soldiers' sons and recruits of civil origin delivered by the cities. But soldiers' sons had also built by far the largest body of volunteers joining the armies of the middle Principate. In the late second and the early third

24. J. KARAYANNOPULOS, Das Finanzwesen des frühbyzantinischen Staates, Munich 1958, p. 119-123, with bibliography; Jones, LRE, p. 615, cf. p. 149; more recent surveys are due to DELMAIRE (cited n. 19), p. 321-332, and H. BRANDT, Zeitkritik in der Spätantike: Untersuchungen zu den Reformvorschlägen des Anonymus De rebus bellicis, Munich 1988, p. 69-78.

25. Ammianus Marcellinus XXXI 4, 4, ed. W. SEYFARTH, IV, Berlin 1971, p. 254; SOCRATES IV, 34 (cf. n. 105 below).

26. P. A. BRUNT, Conscription and Volunteering in the Roman Imperial Army, Scripta Classica Israelica 1, 1974, p. 90-115, reprinted in IDEM, Roman Imperial Themes, Oxford 1990, p. 188-214, with addenda, p. 512-513.

27. BGU VII 1680 = Sel.Pap. I 134 (third century).

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century, the number of soldiers born castris could attain up to fifty per cent of a unit's strength. 28 In making the hereditary service a law, the Tetrarchs aimed at a group which was service-oriented by custom.29 The method employed for drafting the rest of the manpower required is described in Aelius Aristides' Panegyric on Rome: «You asked from each (city) only as many (recruits) as would cause no inconvenience to the givers, and would not be enough by themselves to provide the individual city with a full quota of an army of its own. Therefore all the cities are well pleased with the dispatch of these men to be their representatives...» 30 The passage is often quoted, yet the commentators fail to notice that Aristides' mid-second-century description would sound just as topical in the mouth of a mid-fourth-century panegyrist. The municipal base of the recruitment system had barely changed.

Diocletianic jurist Arcadius Charisius lists, among a decurion's munera personae, conveying recruits to their place of service (productio tironum, Dig. L 4, 18). This was the task of the προπομπός τιρώνων Dioscurides in 372/3.31 Two years later Meletios, a friend of Saint Basil, was charged with escorting recruits (παραπέμπων τους νεολέκτους) from Caesarea in Cappadocia.32 The very same chore is already attested, however, two centuries earlier. A decree from Thespiae in Boiotia, which bestows bouleutic privileges upon the young men who volunteered to join, on behalf of their city, the army of emperor Marcus Aurelius ca 170, mentions in a prominent place Fl. Iobas, ό παραπέμπων τους νέους. The privileges bestowed upon the volunteers are presented as customary: έπει και πρότερον εδοξεν πολλάκις ј τε βούλτ) καΐ τω [δήμω]. Sending young men to the imperial army was no novelty for the city.33 Oples son of Obrimotes is honored in a contemporary inscription from the city of Greater Termessos in Pisidia as the ήγέμων των έκπεμφθέντων συμμάχων τω μεγίστω αύτοκράτορι Καίσαρι

28. G. FORNI, Estrazione etnica e sociale dei soldati delle legioni nei primi tre secoli dell'impero, in Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II, 1, Berlin-New York 1974, p. 339-390, see p. 389-390.

29. . SEECK, Geschichte des Untergangs der antiken Welt, II, Berlin 1901, p. 45. 30. Aelius Aristides, The Roman Oration 76, ed. tr. J. H. OLIVER, The Ruling Power

(Transactions of the American Philosophical Society, N. S. 43, 4), Philadelphia 1953, p. 988 (text) and 903 (translation).

31. P.Lips. 35, 1. 5. Dioscurides is identified as a decurion from Hermoupolis (βουλευτής Έρμου πόλεως) in P.Lips. 34 verso, 1. 5-6; he was obviously no member of the imperial comitatus, as stated by Bagnali (cited n. 5), p. 65. Recruits' προπομποί from the Thebaid are also mentioned in a governor's letter, deemed by Wilcken too fragmentary to be published, which was joined to the circular of Gaius Valerius Eusebius (W.Chr., p. 554, cf. n. 65 below).

32. Basile de Cesaree, Lettres, 200, ed. Y. COURTONNE, II, Paris 1961, p. 165. PLRE I, p. 594, s. n. Meletius 3, accords Meletios the military grade of protector, yet the definition of his duty leaves little doubt that he was a decurion from Caesarea charged with transporting recruits.

33. The text, now SEG 39, 1989, 456, was studied by . . JONES, The Levy at Thespiae under Marcus Aurelius, GRBS 12, 1971, p. 45-48.

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Μάρκω Αύρηλίω Άντωνείνω. His position was hardly different from that of Fl. Iobas. 34 A fragmentary epitaph on a third century sarcophagus found near Oinoada in Lycia attests to its owner's mission of escorting recruits from his home province as far as Scythia and Dacia (... τον Δανο[ύ]βιν έπλευσα μέχρι [της·] τε Σκυθιας καΐ της Δακι'ας τείρ[ω]νας άπαγάγας).35 A dedication set up not far from Singidunum (Belgrad) by Cilician contirones recruited in 196 confirms the dispatch of recruits from Asia Minor to the Danubian frontier {AE 1990, 854). Dioscurides' anonymous precursor prides himself in the epitaph in having accomplished his mission at his own expense, and rightly so. According to Charisius, a personal munus required from decurion only skill and «bodily effort»; he was not obliged to bear pecuniary expenses which were not reimbursed by the city. Personal charges were opposed in this respect to patrimonial ones which were financed by the liturgist.

Emphasizing the role of municipal authorities in the recruitment under the Principate, Peter Brunt speaks of «a mixture of quasi-compulsion and extraordinary incentives (offered by the city, not the emperor)».36 Thus the decree from Thespiae presents the nearly ninety recruits as volunteers and rewards their civic spirit with extensive privileges. A contemporary petition from Fayoum, which describes the «recruits' hunt» (τειρώνας κυνεγησαι) by the headman of the village of Soknopaiou Nesos, possibly reveals a less consensual method of filling the recruits' quota.37 A third century inscription from a village in Lydia celebrates a pecuniary contribution by a newly appointed magistrate which helped to pay a recruits-related impost (προσχωρήσαντα εις την των τειρώνων συντέλειαν).38 Here we learn for the first time that

34. Ed. R. HEBERDEY, in Tituli Asiae Minoris III, 1, Vienna 1941, n° 106, cf. Jones (cited n. 33), p. 47.

35. G. BEAN, Journeys in Northern Lycia 1965-1967 (Denkschriften der Akademie der Wissenschaften in Wien, phil.-hist. Kl. 104, 4), Vienna 1971, n° 36; Bull. ép. 1972, 443. The third century date suggested in AE 1975, 815 — instead of the first century proposed by the editor — is further argued by Th. DREW-BEAR, Les voyages d'Aurélius Gaius, soldat de Dioclétien, in La géographie administrative et politique d'Alexandre à Mahomet, Leiden 1981, p. 93-141, see p. 126-127. AU the authorities cited support the editor's view that the tirones of the inscription were not soldiers but young gladiators recruited by the sarcophagus' owner on the Danube for the games in his native city. This interpretation, however, is hardly compatible with the deceased's claim that he carried the recruits away (άπαγάγας) in the direction indicated by the order of the localities he passed through, from Asia to Dacia.

36. BRUNT (cited n. 26), p. 512. Brunt's admission, in the addenda, that Roman dilectatores operated through the local authorities is worth developing.

37. P.Lond. II 342, p. 173-174, probably of 185. The editor suggests that the recruits were young men forced by the village headman to participate in his hunting expeditions, but see Brunt (cited n. 26), p. 102.

38. M. ROSTOVTSEFF, SYNTELEIA TIRONON, Journal of Roman Studies 8, 1918, p. 26-33. S. MITCHELL, Anatolia: Land, Men and Gods in Asia Minor, I, Oxford 1993, p. 228-229, links this «tax» with the supplementa claimed, in cash, from the city of Tabala in Lydia by unruly soldiers ca 193 (SEG 38, 1244). The nature of these supplementa is, however, far from clear, see JRS 83, 1993, p. 141.

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raising levies involved expenses for the community. One hears, albeit from a highly biased source, that under Diocletian the recruitment burden on the provinces was felt as particularly heavy, haec quoque tolerări <non> possunt quae ad exhibendos milites spectant.39 In citing this well known passage, I want to insist, anticipating on the argument developed below, on what it does not mention: either the adaeratio or any kind of reform. Yet as devalued salary and increased hardship made the military service less attractive, the old machine of curial recruitment was put to work at ever higher gear.

In the fourth century, the draft-related documents become much more numerous and rich in data. At the anouncement of a draft, the cities would «volunteer» the requested number of recruits and provide them with clothing and expenses, έσθής και χρήματα. The terms first appear in a circular letter concerning a draft in Egypt under Licinius.40

Unfortunately, nothing can be learned from this badly mutilated text either on the value of the draft allowance or on the way it was alloted. In a later document, Fl. Paphnouthis from the village of Toou acknowledges the reception of 30 solidi paid by his village «as prescribed by the treasury on account of my military service»; he undertakes, in his turn, to fulfil irreproachably his army duties.41 Jean-Michel Carrie believes that the 30 solidi constituted, like in CTh VII 13, 7 (studied infra), «une indemnité compensatoire au groupe qui fournit la recrue», but the text states explicitly that the whole amount was paid to the recruit.42 The 30 solidi were surely destined to finance Fl. Paphnoutis' military equipment and it was a considerable sum.

Soon this amount started to drop. Some intermediate stages escape us, no doubt, since Fl. Isidores' petition mentions a law which reduced the recruit's allowance to as little as 10 solidi late in 372 or early in 373 (P.Lips. 35). A law of June 2, 375 brought the amount paid gratia vestis

39. Lactantius, De mortibus persecutorum VII, 5, ed. J. MOREAU, Paris 1954, p. 85 (non is restituted by the editors).

40. P.Sakaon 30 of 313-324. The editor's dating, 307-324, embraces the entire reign of Licinius, mentioned in 1. 2, yet the fact that Licinius is the emperor in charge points to a date after he took over Egypt from Maximinus Daia in the summer of 313. J. D. THOMAS, Gnomon 53, 1981, p. 807 (BL Ѵ І, p. 299), suggests restricting the date to the period before the division of Aegyptus into Iovia and Herculia, ca 314, since the text refers to «recruits from the Aegyptus and the Thebaid». Yet the argument is hardly compelling. The new provinces did not need to be mentioned in a military document covering all of Egypt and issued, or instigated, by the dux of Egypt (1. 1). The creation of new civil provinces did not change the dux's title which remained, between ca 308 and 324, dux Aegypti et Thebaidos utrarumque Libyarum (see PLRE1, p. 579, s. n. Aur. Maximinus 10, and p. 770, s. n. Val. Rometalca).

41 . P.Lond. Ill 985 (p. 228-9)= W.Chr. 466. My interpretation of the text differs from Wilcken's, ad W.Chr. 465 and 466, on which cf. A. K. BOWMAN, The Town Councils of Roman Egypt, Toronto 1971, p. 82.

42. J.-M. CARRIÉ, L'Egypte au rv* siècle: fiscalité, économie, société, in Proceedings of the Sixteenth International Congress of Ρ rology, Ann Arbor 1981, p. 431-446, see p. 436. BAGNALL (cited n. 5), p. 176, as earlier DELMAIRE (cited n. 24), p. 324, maintain the traditional interpretation.

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ac sumptuum down to 6 solidi, and this was probably the rate in force ca 380, when the disgrunted recruit Apollon petitioned his patron Herminos, prôteuôn of Panopolis(?), for the 4 solidi still due to him as χρημά μου της στρατιάς. 43

The task of supplying the recruits could be imposed on the city dwellers. Thus in a document from 324, the meniarchs of an Oxyrynchus guild guarantee by written deeds the recruits that their guild was enjoined to furnish (έπεβλήθημεν παρασχείν τίρωνας νεολέκτους). The guild members undertake to share, each proportionally, in all the expenses (τα πάντα ... άναλώματα ύποστηναι, εκαστον κατά τα μέρη) incurred by the meniarchs on the recruits' account (P.Oxy. XLV 3261). But this may have been an exceptional burden. All other documents attest to recruiting being carried out in villages in the city territory. This was an old practice: already early imperial land surveyors knew that unless the municipal boundaries were well defined, there would be clashes over the right to legere tironem ex vico.44 A private estate of size could be enjoined, as part of the municipal territory no doubt, to enlist one or more recruits 45.

The basic procedure involving guarantees and counter-guarantees was the same in the countryside as in the city. Thus in 340, two village-heads from Prektis in the Hermopolite nome, responsible for delivering a recruit (τον ύποστέλοντα αύτοϊς τι'ρονα), are backed by a deed of surety from two local notables.46 In 377, the villagers from Pesla, in the same nome, pledge the appearance of their recruit-designate, Aur. Papnouthis, for the forthcoming draft (στρατολογίαν).47 Like in Oxyrynchus, the costs were divided proportionally among the villagers: in a fiscal account from Prektis — dated, like the deed of surety, from 340 — this procedure is called μερισμός τιρώνων.48 The municipal authorities administrated the draft. Both the account and the deed of surety from Prektis were addressed to Aur. Asklepiades, the praepositus

43. CTh VII 13, 7, 2 and P.Lond. Ill 982 (p. 242), now in J. R. REA, Letter of a Recruit: P.Lond. Ill 982 Revised, ZPE 117, 1997, p. 189-193; cf. R. RÉMONDON, Papyrologica, Chronique d'Egypte 41, 1966, p. 165-179, see p. 167-172. On this letter and its date, see infra, n. 114.

44. Agennius Urbicus, De controversiis agrorum, ed. . THULIN, Corpus Agrimensorum Romanorum, I, 1, Leipzig 1913, p. 45; cf. F. MILLAR, Italy and the Roman Empire: Augustus to Constantine, Phoenix 40, 1986, p. 295-318, see p. 309-310.

45. See the two orders for delivery of 364: P.Oxy. LXIII 4373; J. R. REA, Order to Deliver: P.Lond. V 1655 Revised, ZPE 115, 1997, p. 187-188.

46. Pap.Gr.Vind. 13103, ed. F. SALOMON (unpublished Ph.D. Thesis, Vienna 1938). I am most grateful to Dr. J. Diethardt for providing me with a photocopy of the relevant part of the thesis.

47. P.Lips. 54=W.Chr. 467 (on the date, see n. 53 below). The στρατολογία is not an otherwise unattested to liturgy of «raising troops» which Aur. Papnouthis was appointed to perform in the name of his village (Wilcken, ad W.Chr. 467), but the draft for which he was bound to present himself at a short notice.

48. BGUI 21, ΙΠ, 12, which only records a fee paid to the praepositus of an unnamed legion on the occasion of the merismos and not the actual amount assessed.

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of the fifteenth pagus and decurion of Hermoupolis, the city to which the recruits were sent (cf. BGU I 21, II, 11-13). The payment of the draft allowance to Fl. Papnouthis by his village of Tôou took place in the presence of Theon, επιμελητής τιρόνων from Heracleopolis (W.Chr. 466). In 347, the chief magistrate (strategos) of Oxyrynchus claimed the recruits from the praepositi of the fifth pagus and further dispatched them to Babylon {P.Oxy. IX 1190). The amount of the papyruswork involved might be to some extent a particularity of Egypt, yet there is no reason to believe that in other parts of the empire the draft procedures were substantially different.

Every stage of the recruitment process involved expenses. To lure volunteers, the draft allowance had at times to be fattened. In 360 the recruits enrolled (στρατευθέντων) by the city of Oxyrynchus complained that they were not paid the agreed sum (του συνφώνου του προς αυτούς). In rejecting their claims, dux Artemius established that they received «not only the allowance prescribed by the treasury but also a certain increment».49 One would not know from the dux's ruling, however, if the recruits had not been promised an even greater bonus than they were actually paid. Recruits clothing, if supplied in kind, could be an object of a special collect: thus PSI VII 781 recto, of April 341, records a per arouram assessment for έσθητος τιρώνων. A payment on this account could be made to the provincial treasury which would then order the uniforms in a centralized manner.50 The accounts from Prektis show that the recruits' expenses during their stay in Hermoupolis, in 340, were born by the village and that the money was mostly spent on wine {BGU I 21, col. II, 11-13 and III, 4). Documents of a private estate near Oxyrynchus which engaged (at least) two recruits in 364 show that they were generously supplied with wine and meat.51 The travel costs were also born by the community: a payment ύπ(έρ) ναύλου τειρώνων is recorded in O.Leid. 342 (fourth century).52 Nothing in the documents before the last quarter of the fourth century would ever suggest that a payment made «for recruits» was intended for other purpose than covering the actual expenses of the local draft.

49. P.Oxy. VIII \\03=W.Chr. 465. Another case of litigation involving the curia of Oxyrynchos and some recruitment matter is very fragmentarily attested to in P.Laur. Ill 61 (with BL VIII, p. 165).

50. R. BOGAERT, La banque en Egypte byzantine, ZPE 116, 1997, p. 85-140, see p. 113-114.

51. P.Oxy. LXIII 4373: wine, P.Lond. V 1655 (as in n. 45 supra): meat. 52. A payment εις λόγον ναυτοτιρωνων in PSI VII 781 verso was understood by the

editor as a misspelling of ναύλου τειρώνων. P. J. SUPESTEJN, Short Remarks on Some Papyri V, Aegyptus 71, 1991, p. 43-51, see p. 48, takes the compound term to designate recruits for the Roman fleet. This would be the only attestation of recruits destined to serve in the fleet; unlike Bagnali (cited n. 5), p. 176, n. 156, I believe that the sailor engaged by villagers in the fragmentary P.Michael. 28 of 313/4 was not a recruit, as he only committed himself for a specific task, έφ' öv χρόνον ή χρεία απαιτεί.

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In the late 370s the character of evidence changes. The deed of surety from Pesla, the last of its kind, dates from February 9, 377.5 3 What we have next is a series of receipts attesting to very heavy payments of the recruits' gold by the city of Hermoupolis for the period from the mid-377 to mid-381 (P.Lips. 62). What is special about them is that all the money collected, 83.5 pounds of gold, instead of being spent by decurions on engaging local recruits, was delivered to the provincial treasury. The dates are the key to the change. In the autumn of 376 the Goths started pushing across the Danube. Making a virtue out of necessity, Valens decided to enroll them in masses while adaerating the curial levies, «so that instead of the levy of soldiers which was contributed annually by each province, there would accrue to the treasury a vast amount of gold» 54. With remarkable precision, the papyri situate this turn in the middle of 377.

IL VALENS' REFORM

This second chapter is conceived as an expanded commentary on emperor Valens' major recruitment law promulgated on June 2, 375 in Antioch and addressed to the praetorian prefect of the East Modestus (CTh VII 13, 7). It is reproduced and translated below:55

Tironum praebitio in patrimo- The furnishing of recruits shall niorum viribus p[o]tius quam in be placed upon the resources of personarum muneribus conlocetur, patrimonies rather than among the ut protoftypiae]56 munus, quod public services of persons, so that provinciarum interna depascitur, the service of prototypia which ab imis, ut dicitur, radicibus erua- feeds on the vitals of the pro-tur. vinces, shall be eradicated from its

lowest roots, as the saying goes. / . Nam inter reliqua vitia haec 1. For among other vices, these

duo vel maxime intolerabilia iudi- two We deem especially camus, quod aurum saepe pro intolerable, namely, that a huge corporibus inmane deposcitur amount of gold is often demanded atque advenarum coemptio iunio- instead of men and that the

53. ZUCKERMAN, La date de P.Lips. 13 & 54, BGU XII 2167 et SB XIV 11378, ZPE 100, 1994, p. 203-205, see p. 204.

54. Ammianus Marcellinus XXXI, 4, 4. Earlier Ammianus ascribes to Constantius the intention of adaerating the provincial levies and enlisting barbarians, Sarmatians this time, instead (XIX, 11, 7, ed. SEYFARTH, II, Darmstadt 1968, p. 72). Ammianus' obvious purpose in introducing this episode is to explain in advance the disastrous effects of such a step, anticipating the results of Valens' decision. He makes it clear, in any case, that Constantius' design was never realized because of the Sarmatians' treachery. Thus intentions aside, there is no evidence on the adaeration of provincial levies before Valens.

55. The text of reference for the first eight books of the Theodosian Code is P. Kriiger's (Berlin 1923-1926); the edition by Th. MOMMSEN and P. KRÜGER (Berlin 1905) is used for the rest. The translations are adapted from C. PHARR, The Theodosian Code, Princeton 1952, reprint New York 1969.

56. proto** in Kriiger's text. The restitution belongs to Gothofredus (see infra).

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98 CONSTANTINE ZUCKERMAN

rum insolentius quam convenit aestimatur. Contra haec sane repe rta est et facilitas et commodi-tas exigendi, cum neque excusari quisquam poterit, ut ante privile­gio consueta fuerat hominis vindi­catio, nee ullus, qui relevandus fiierit, perpetuae ingravationi addici. Illud etiam similiter defini-tum est, ut ìì tantum a consortibus segregentur, quorum iugatio ita magna est, ut accipere non possit adiunctum, cum pro suo numero in exhibendo tirone solus ipse respon­deat. Inter quos vero possessionis exiguae nécessitas coniunetionem postulat, functionis annorum et praebitionis vicissitudo servetur: quippe ut senatores ceterique, qui primo anno et suo et consortis nomine tironem dederint, inse-quenti vice habeantur immunes illique in praebitione succédant, a quorum conventione fuerit ante cessatum. Quem ordinem, cum corpora postulantur, convenit cus-todiri. Sin vero aurum fuerit pro tironibus inferendum, unum-quemque pro modo capitationis suae debitum redhibere oportet.

2. Ne aliquid dubium relinquatur, et solidorum numerům, qui temo-nario inferendus est, designamus,

purchase of strange youths is priced more exorbitantly than is fitting. Against such practices, indeed, an easy and expedient method of recovery has been devised, in which no one can be exempted — as previously people were released by a privilege entrenched in custom — and no person who should be relieved can be consigned to a perpetual burden. Similarly, We designate also that only those shall be set apart from the tax-associates whose taxable property is so great that (its owner) can receive no partner being alone responsible for supplying recruit(s) according to his tax assessment.57

But among those who are constrained to unite by the smallness of their possessions, alternation of the years of duty to furnish a recruit shall be observed in such a way that senators and others, who give a recruit the first year in their own name and that of their tax-associates, shall be exempt in the next round and shall be succeeded in furnishing a recruit by those whom one avoided to solicite on the previous occasion. This order shall be observed when men are demanded; but when gold is to be paid instead of recruits, each person shall pay the sum due in proportion to his (estate's) poll-tax assessment.58

2. So that nothing is left to doubt, We designate also the number of solidi which should be

57. Pro suo numero (sc. iugorum). The phrase in tirone exhibendo does not imply an estate would be liable to provide only one recruit.

58. The terms iugatio and capitano alternate in this paragraphe, since the landowner's liability towards the recruitment expenses (see infra) is obviously determined by the overall tax assessment of the estate combining the iugatio and the capitatio when applicable.

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ut, sive senator honoratus princi­palis decurio vel plebeius tironem suo sociorum nomine ex agro

domo propria oblaturus est, ita se a coniunctis accepturum solidos noverit, ut integri pretii modus in triginta tantummodo et sex solidis colligatur, ut deducta portione, quae parti ipsius conpetit, reli-quum consequatur, sex tironi gra­tia vestis ac sumptuum praebitu-rus.

3. Ipsorum etiam, qui militaturi sunt, privilegiis accedentibus faci-lius devotio provocatur, videlicet ut universi, qui militaria sacramenta susceperint, eo anno quo fuerint numeris adgregati, si tarnen in sus-cepto labore permanserint, inmunes propriis capitibus mox futuri sint.

4. Conpletis vero quinque anno-rum stipendiis, qui comitatensibus numeris fuerit sociatus, patris quoque et matris non et uxoris suae capitationem mentis sujfra-gantibus excusabit. li vero, qui in ripa per cuneos auxiliaque fuerint constituti, cum proprio capite uxo-rem suam tantum post quinque annos, ut dictum est, praestent inmunes, si tarnen eos censibus constiterit adtineri. Et quia publica utilitas quoque cogitando est, ne sub hac ìndulgentia insertae capi-tationis numerus minuatur, ex incensibus adque adcrescentibus in eorum locum, qui defensi militia fuerint, alios praecepimus subro­gau.

paid to the temonarius. Thus if a senator, dignitary, chief decurion, decurion or plebeian is going to fur­nish a recruit from his own land and house in his own name and that of his tax associates, he should know that he will receive solidi from his partners and that the amount of the entire price shall total only thirty-six solidi. When the portion which is his proper share has been deduc­ted, he shall receive the rest, but he shall supply six solidi for clothing and expenses to the recruit.

3. Since increased privileges for the people themselves who are going to serve in the army better stimulate their loyalty, it is obvious that all those who take the military oath shall immediately be exempt from their own poll tax from the year in which they joined their units, provided that they remained steadfast in the task which they assumed.

4. After the completion of five year terms of service, however, a soldier enlisted in one of the field units shall also satisfy the poll taxes of his father and mother as well as of his wife, his (soldierly) merits pleading for him. Those, however, who were stationed on the bank in (cavalry) cunei or in (infantry) auxilia shall only exempt from the poll tax, along with themselves, their wifes, but after a period of five years, as said, and if it is proved that they are enrolled on the tax lists. Because the public welfare also must be considered, in order that the poll tax rolls may not decrease under this indulgence, We order that those who have been protected from taxes by the military service should be replaced by others, among the non-registered on the tax roll or just coming out of age.

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1. Introducing the annual conscription Emperor Valens' reform of recruitment, as announced by the law of

375, introduced three main novelties which shall be studied separately. To appreciate his first crucial innovation, we need to take another look back. The sources which refer to the early imperial dilectus show its irregular character. Recruits were levied at need, with no steady schedule; no system for dividing the quota evenly between the different regions of the empire is apparent either.59 A good illustration of this way of raising troops comes from as late a source as the Expositio totius mundi et gentium (ca 359). In describing Galatia, a province which sustains a rich cloth trade, the author adds that «sometimes {aliquotiens) it also supplies the emperors with good soldiers». As to fertile Thrace, its «men are huge and strong in war; this is why soldiers are often {frequenter) drafted there». ω It is worth reminding that Thrace was an important recruiting ground under the Principate, as attested to by a dedication by Deinias son of Potamon who combined the civic office of phylarchos with the duty of drafter (τειρωνολογών, Bull. ép. 1960, 230).

The Expositio is silent on the draft potential of Egypt, yet if we try to rate it on the scale between aliquotiens ma frequenter, it would probably come in the middle. The recruitment campaigns known to us can mostly be linked to specific war efforts. Pachomius, the future monk, was conscribed when emperor «Constantine» imposed a mass levy all over Egypt to fight back an usurper; it matters little for the description if the draft in question was actually conducted by Maximin Daia's against Licinius in 313.61 The draft of 324 {P.Oxy. XLV 3261) was obviously part of Licinius' last minute preparations for the war against Constantine. The recruitment activity in 340/1 {BGU1 21 etc.) coincides with Constantius' presence in his advanced headquarters in Hierapolis for a Persian campaign: that same year, Fl. Abinnaeus, the future commander of the ala V Praelectorum, delivered to Hierapolis a convoy of recruits from the Thebaid and «adored» the sacred purple (P.Abinn. 1). Finally, there is no need to explain the urgent quest for recruits in 360 (P.Oxy. VIII 1103). That year, as Constantius had in sight both the expedition against the Persians and the eventual confrontation with Julian, «the number of cavalry units was increased, while (...) the legions were reinforced by levies (tirociniis) carried out in the provinces».62

Every class and trade in the empire was enjoined to contribute to the military effort, and the decurions of Oxyrynchus were no exception. The

59. After Th. MOMMSEN, Die Conscriptionsordnung der römischen Kaiserzeit, Hermes 19, 1884, p. 1-79, 210-234; reprinted in IDEM, Gesammelte Schriften, VI, Berlin 1910, p. 20-117, this observation has often been repeated.

60. Expositio totius mundi et gentium, XLI and L, ed. tr. J. ROUGE, Paris 1966, p. 178 and 186.

61. D. J. CHITTY, A Note on the Chronology of the Pachomian Foundations, Studia Patristica 2, Berlin 1957, p. 379-385, see p. 379-380.

62. Ammianus Marcellinus XXI, 6, 6, ed. SEYFARTH, II, p. 140; cf. XX, 8, 1, p. 106.

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T W O REFORMS OF THE 370s 101

atmosphere of emergency at the announcement of a draft is well perceived in a letter of an Egyptian village clerk hastening his brother to send him copper coins which he found the way to exchange for gold at a bargain rate: not a day can be wasted, «seeing that there has been a rumor about the gold for the recruits and everyone is looking for solidi and the price is going up every day».63 It is not for nothing that the laws quoted below name the draft-related liturgies among extraordinary duties. The fourth century curial recruitment remained as sporadic as it was before.

In the early 370s, this situation starts to change. Valens' first preserved law on recruitment, from January 31, 370, indicates that provinces, in which no recruits {corpora) were raised, were enjoined to pay their value ipretia) in gold {CTh VII 13, 2). The innovation consisted either in alternating the drafts with the adaeratio in one and the same province or in making provinces, which were not considered a good recruiting ground, share the general burden through a contribution to the fisc.

In 370, soon after the conclusion of a peace treaty with the Goths, the events in Armenia prompted emperor Valens to move the imperial comitatus to Antioch and to start preparing for a war with Persia.M The following years are marked by a sustained effort to enroll more and more troops. A circular letter of the comes Orientis, Gaius Valerius Eusebius, deals with the transport of recruits from the Thebaid to Antioch and notifies the riparti of the cities on the way of their personal responsibility in the case a single recruit escapes. 65 The προπομπός τιρώνων Dioscurides, who accompanied recruits to Hierapolis in 372, profited no doubt from a similar disposition. In Asia Minor, timid Cappadocians fleeing the draft swelled the ranks of lower clergy. Saint Basil of Caesarea severely reprimanded his suffragan bishops who

63. P.Oxy. XLVIII 3401, ca 350-370. Some recruits-related agitation (ταραχή τειρώνων) — not necessarily a «disturbance among the recruits» as translated by the editors — forced certain Patese to postpone a meeting with a business partner (P.Nag Hamm. 66, fourth century).

64. Valens' movements can be followed in O. SEECK, Regesten der Kaiser und Päpste, Stuttgart 1919, p. 239, 241, 243.

65. Ψ.Chr. 469=Seł.Pap. II 228. The letter was dated in 380 or a little later by R. RÉMONDON, Problèmes militaires en Egypte et dans l'empire à la fin du IVe siècle, Revue historique 213, 1955, p. 21-38, see p. 27-30 (wrong résumé in BL V, p. 153). PLRE I, 309, s. n. Gaius Valerius Eusebius 42, is closer to the mark in dating it between 364 and 375, no doubt after 367 when the Egyptian diocese (mentioned 1. 3-4) was created. Eusebius, also known from a dedication (DESSAU, ILS 8947) to emperor Valentinian I ( t 375), could be the predecessor or the immediate successor of Fl. Eutolmius Tatianus, comes Orientis ca 371-373. The letter belongs to an early stage in the existence of the diocese which, though a distinct administrative unit, is still subjected to the authority of the comes Orientis; likewise the CTh XII 1, 63 (370 or 373) instructs the comes Orientis to intervene in Aegypto, clearly the diocese and not the province. The rigid reasoning of L. D E SALVO, Ancora sull'istituzione della diocesis Aegypti, Rivista storica dell'antichità 9, 1979, p. 69-74, should be revised.

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102 CONST ΑΝΤΓΝΕ ZUCKERMAN

admitted them out of favoritism and, pending an examination case by case, unfrocked all those ordained after the first indiction 372/3. 66

This recruitment campaign required an appropriate fiscal effort. A circular dispatched to the Oasis Maior but representative of the entire Thebaid, shows that the collectors of the recruits' gold for the indictions eleven to thirteen were only appointed in the thirteenth indiction 369/70 (SB XVIII 13252). In other words, the gold was exacted in 370 for the current year and for two years retroactively. But this money did not suffice. A supplementary exaction schedule (προσαίτησις) from a village near Oxyrynchus records a surcharge on a number of military imposts, including the gold for recruits, for the indictions fifteen and one (P.Oxy. XLVIII 3424). The editor indicates as possible dates for the first indiction 357/8 and 372/3, yet there is little doubt that it corresponds to 372/3. 67 The gold transported that same year by Fl. Isidoros must also have been a supplementary charge. The officialis carried the money for the indictions eleven to fourteen (367/8-370/1), while according to the circular, the regular χρυσός τιρώνων for the first three of these years was collected as early as 370. The smallness of the sum entrusted to Fl. Isidoros, 238 solidi, also indicates that this could not be the regular impost for four years: the receipts for the recruits' gold from Hermoupolis for the years 377-381 add up to over thirty times that amount (P.Lips. 62). Charging the retroactive supplement for the indictions eleven to fourteen necessitated an appeal to the former capitularii, and this lengthy procedure explains why the money could not be handed over to Dioscurides before his departure to Hierapolis. If, by contrast, a surcharge was due in the Thebaid, as it was in Oxyrynchus, also for the indictions fifteen and one, it could be exacted by the capitularii in office and handled over to Dioscurides before his departure.

The law of 375 makes it clear that the taxpayers, organized in permanent consortia (infra), were expected to furnish either recruits or gold every year. Ammianus Marcellinus states for his part that by the time Valens decided to enroll the Goths (377), provincial levies took place annually (militari supplemento, quod provinciatim annuum

66. Ep. 54, ed. COURTONNE, I, Paris 1957, p. 139-140. The reference to the first indiction (μετά την πρώτην έπινέμησιν), misunderstood by most Basil's commentators, is correctly translated by W.-D. HAUSCHILD, Basilius von Caesarea, Briefe, I, Stuttgart 1990, p. 119, who dates the letter in 374 (p. 198, n. 269). A transport of recruits from the city of Caesarea ca 374 is mentioned in Basil's Ep. 200, ed. COURTONNE, II, p. 165, on which cf. n. 32 above.

67. One of the items on the schedule are the adelegateuta (άδηληγατεύτων) for the fifteenth and the first indiction (1. 5). Prof. Jean Gascou draws my attention to the fact that the same άδηληγ[ for the fifteenth and the first indictions appear in P.Flor. I 95,1. 39-41; there the first indiction is clearly 372/3. The fiscal item in question is very rare, and its parallel appearance in the two texts strongly suggests that they refer to one and the same year. The date of 372/3 for P.Oxy. XLVIII 3424 is also preferred, on different grounds, by Carrie (cited infra, n. 90), p. 125, n. 29.

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pendebatur, XXXI, 4,4). Our papyrological dossier shows that transforming levies into an annual charge was a recent development, initiated in 370 and applied retroactively from 367/8. For the first time in history, the empire approached the concept of a regular annual conscription.

2. Integrating the senatorial estates in the taxpayers' consortia

Another crucial innovation of the law of 375 consisted in imposing the levies on senatorial estates. This measure, initiated in the Eastern Empire was later partly applied in the West. The differences in its reception and application are revealing of the growing gap between both partes imperii. The examination of the senatorial privileges regarding recruitment will oblige us, moreover, to take a closer look at the obscure vocabulary of the draft-related liturgies.

The law of 375 names the person who provides a recruit temonarius. The onera temonaria, mostly mentioned in laws that grant exemption from this burden, are, logically, associated by scholars with the liturgy of furnishing recruits. Wilhelm Kubitschek goes as far as to affirm that the word temo, meaning pole or yoke-beam of a cart, designated «der Steuerbetrag, der zur Stellung und Ausrüstung eines Rekruten verwendet werden soll, wie aus den Rechtsquellen hervorgeht».68 Yet the legal sources, all quoted by Kubitschek, indicate nothing of the kind. What they do show is that temonaria functio is the exact equivalent of capitularia functio: the magistri memoriae are exempted, by a Western law of 382, totius capitulariae sive, ut rem quam volumus intellegi communi denuntiatione signemus, temonariae functionis (CTh XI 16, 14). The term capitularia functio brings us back to a familiar ground. A capitularius or κεφαλαιωτης «heads» a group of taxpayers who acquit an impost collectively, just as temonarius is the «wheel-horse» who pulls his group. In Roger Bagnall's definition based on the papyri, the kephalaiotai deal with «compulsory deliveries outside the normal taxes»;69 their duties are by no means restricted to raising recruits. This is why a Western law of 412 sets the latter duty apart in specifying that the beneficiary extraordinarium munus ignoret nee ullam temonis patiatur iniuriam, [eqjorum tironumque praestationem nullus agnos[ca]t (CTh VI 26, 14). Producing recruits, horses or uniforms for the army, mules for transportation etc., were all extraordinary imposts repartitioned among non-privileged taxpayers subjected to the curiae.

Emancipated from the curiae in their cities of origin, citizens of Constantinople and senior imperial officials (palatini) were by this very act extraordinariis et temonariis oneribus liberati (CTh XI 16, 6; cf. VI 35, 3). A law addressed to Philip, the praetorian prefect of the East ca

68. W. KUBITSCHEK, S. V. temonarius, RE VA, 1 (1934), col. 463-472, see col. 465; the definition is retained by A. DEMANDT, Die Spätantike, Munich 1989, p. 263, n. 28.

69. BAGNALL (cited n. 5), p. 134.

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344-351, exempted the senators' property and people tarn a temonariis oneribus conferendis quam a ceteris praestationibus, quas iudices describunt, nee non ab omnibus sordidis extraordinariisque et vilioribus muneribus (CJ XII 1,4). The date and the adressée of the law leave no doubt that it concerned the rights of the newly created senate of Constantinople. Relieving the senators of all obligations towards their curiae of origin constituted a decisive step in establishing the metropolitan character of the new institution: thus «le sénateur cesse d'être citoyen d'une cité pour être citoyen de la capitale».70

Since the initial number of Eastern senators was small, the cost of their detachment could not be too heavy for the resources of the cities. Soon, however, their number jumped sharply up. Themistius boasts that his recruitment campaign in 357-361 made the senate grow from three hundred to two thousand members. Whatever his personal part, there is no grounds to doubt the figures.71 As the senate of Constantinople expanded, the curiae lost their wealthiest-contributors.

The spread of privileges and the parallel shrinking in the number of liturgists was one of the reasons for Valens' reform. In designating this development as one of the worst plagues of the recruitment system, the law of 375 puts an end to it: neque excusari quisquam poterit, ut ante privilegio consueta fiierat hominis vindicatio, ullus, qui relevandus fuerit, perpetue ingravationi addici. The remedy devised consists in extending the levies to senatorial estates. Unless large enough to be a unit to themselves, they are integrated in the landowners' consortia and rotate in providing recruits with the lands of other members, decurione and plebeians. The emperor visibly did not care for the law of 361 which exempted the senators from being associated with landowners outside their class in carrying out the patrimonial munera (CTh XI 23, 1). As a meager relief, he granted the senatorial defensores the right of a direct appeal to the emperor if the senators felt discriminated by the fiscal arrangements made by decurions and by provincial governors (CTh I 28, 3 of May 29, 376). The recruitment duties, which senators now shared with decurions under the governors' supervision, must have been a privileged ground for frictions. Thus the senators of the East lost an important privilege, and if it could be taken away so easily, this was because most of them did not enjoy it for long.

In the West, a belated attempt to exact recruits from senators was made in 397, when fresh troops were urgently needed to fight Gildo in Africa. The senators' indignant reaction to this demand shows that it was perceived as a novel burden. Although it was the senate who more maiorum declared the war on Gildo, the letters of Symmachus and two contemporary laws make it clear that the senators loathed the obligation

70. G. DAGRON, Naissance d'une capitale. Constantinople et ses Institutions de 330 à 451, Paris 1974, p. 148.

71. Themistius, Or. XXXIV, 13, éd. G. DOWNEY and A. NORMAN, Leipzig 1971, p. 221; discussed by DAGRON (cited η. 70), p. 129-130.

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to contribute their colons for draft and found a way to mitigate it. Symmachus speaks with indignation of the capitulam (= capitularii) — whom he identifies as curialium vaga et libera exactio — who demand recruits from people on his estates without being able to produce any legal foundation for their claim. He accuses the decurions of trying to fill their quota of recruits at the expense of his people.72 The petitions of the amplissimus ordo moved the emperor to grant its members the choice between furnishing recruits and paying 25 solidi for each and reimbursing, in addition, the initial expenses, the clothing and the charges of transportation for the substitutes hired (CTh VII 13, 13 of September 24, 397); a second law finalized, in response to the senators' requests, their privilege pro tironibus in corporibus postulatis pretia conferri. (CTh VII 13, 14 of November 12, 397). Symmachus describes, in three letters to his children from the winter 397/8, the continuous senatorial lobbying against the new charge which was first suspended and then «forgiven» altogether.73 In the later years, the senators of the Western empire were occasionally enjoined to contribute their share, in cash, to recruitment effort.74 Unlike in the East, however, the levies in the West remained sporadic and, unlike their Eastern colleagues, the Roman senators kept in the recruitment matters a status apart.75

The legal basis for the systematic imposition of the levies on the senatorial properties in the East is defined in the preamble of Valens' law: Tironum praebitio in patrimoniorum viribus p[o]tius quam in personarum muneribus conlocetur, ut protoftypiae] munus, quod provinciarum interna depascitur, ab imis, ut dicitur, radicibus eruatur. The key term traditionally restituted as prototypia introduces us to the old antinomy of prototypia and protostasia. My survey of the scholarly debate focused on the two terms will, however, be short. Once animated, this debate proved rather sterile.

The opposition between protostasia and prototypia was established by Gothofredus in his classical commentary of the Theodosian Code.76 It was developed into a system by Otto Seeck. According to Seeck, the two

72. Symmachus, Ep. IX, 10, ed. . SEECK, Q. Aurelii Symmachi quae supersunt, Berlin 1883, p. 238. Seeck's tentative date for the letter, late in 394, is neither proven nor plausible, cf. S. RODA, Commento storico al libro IX dell'epistolario di Q. Aurelio Simmaco, Pisa 1981, p. 112 (who proposes no date of his own); it would fit better in the context of the big draft of 397.

73. Symmachus' Ep. VI, 64: the lobbying; 58: iuniorum dilectus urbanis familiis imperatus usque ad aeterni principis responso pendebit. de coniunctis exemplaribus formam praecepti utriusque noscetis (praecepti utriusque are probably the two laws); 62 (after Gildo's defeat?): legati ordinis nostri ex usu actis omnibus reverterunt. nam et tironum conquievit indictio et argenti nobis facta gratia est, ed. SEECK, p. 169-171.

74. CTh VII 13, 15 (402); 18 (407); 20 (410); 22 (428); ΛΌν. Val. VI, 3 (444); cf. CTh XI 18, 1 (412).

75. The current misinterpretation of CTh VI 4, 21 of 372 as dealing with the senators' duties as recruiters confuses the issue; this text is studied in part two below.

76. Codex Theodosianus cum perpetuis commentariis lacobi Gothofredi, ed. I. D. RITTER, II, Leipzig 1737, p. 381; IV, Leipzig 1740, p. 176-178.

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terms designate two ways of levying recruits introduced by Diocletian in 289. In both schemes, the capitularius, appointed for five years, collects the prescribed sum of money from the members of his consortium. Then he may hand the money to a member of the consortium who would deliver one of his peasants for draft; this would be the protostasia. Alternatively, he may use the money collected to hire a volunteer; this would be called prototypia.77 Seeck's concept — which, as we will see, has little support in the sources — was expanded by Erich Sander who introduced a third recruitment procedure, the praebitio. Sander perceived the praebitio as «eine personliche Dienstpflicht», non redeemable in money and non transferable to a substitute, which was carried by Germans installed on the Roman soil as coloni or as laeti.78 This analysis fit with the author's general idea of «die Germanisierung des römischen Heeres».79 Two years after Sander's paper was published, however, Wilhelm Ensslin denounced in no uncertain terms the author's misuse of the legal sources.80 Later William Seston linked the protostasia to the poll tax {capitano).81 Santo Mazzarino contested the opposition between protostasia and prototypia, thus adding to the general confusion.82 Indeed, the studies of the recent decades shun the two terms and seem to show a certain exasperation with the subjet.83 It is time, therefore, to bring it back to the sources.

77. SEECK (cited n. 29), p. 46-47. 78. E. SANDER, Praebitio, Protostasia, Erbzwang. Ein Beitrag zur Heeresaufbringung

des 4. und 5. Jahrhunderts, Hermes 75, 1940, p. 192-205. G. GIGLI, Forme di reclutamento militare durante il Basso Impero, Atti della Accademia nazionale dei Lincei, 8th series: Classe di Scienze morali, storiche e filologiche 2, 1947, p. 268-289 is mostly tributary of Seeck and Sander.

79. Title of Sander's article in Historische Zeitschrift, 160, 1939, p. 1-34. 80. W. ENSSLIN, Literatur zur späteren Kaiserzeit aus dem Jahr 1940, Klio 35, 1942,

p. 164-177, see p. 175-176. It is unfortunate that despite Ensslin's decisive rebutai and his explicit warning against making any use of Sander's conclusions, the latter's article is still often quoted.

81. W. SESTON, Dioclétien et la tetrarchie, Paris 1946, p. 367-372, cf. p. 300-302. 82. S. MAZZARINO, Aspetti sociali del quarto secolo, Rome 1951, p. 271-305, especially

p. 280-281; Mazzarino was followed on this point by L. VARADY, New Evidence on some Problems of the Late Roman Military Organization, Acta Antiqua Academiae Scientiarum Hungaricae 9, 1961, p. 333-396, see p. 335-336. F. GRELLE, «Obsequium temonariorum» e «munus temonis», Labeo 9, 1963, p. 7-23, opposes, in his turn, the «giustapposizione simmetrica» of the protostasia as a patrimonial munus and the prototypia as a personal munus (p. 8-9), yet maintains the restitution proto<typiae> in C77i VII 13, 7 (p. 17, cf. supra, n. 56) which is tantamount to admitting this basic juxtaposition.

83. JONES, LRE, p. 615, mentions protostasia and prototypia in one sentence (as two modes of raising recruits instituted by Diocletian); E. P. GLUSHANIN, Sistema nabora soldat v rannevizantijskoj armii rv v. (k voprosu o nekotoryh aspektah social'nyh otnosenij i social'noj politiki Vizantii v rv v.), in Problemy social'noj struktury i ideologii srednevekovogo obščetva, Leningrad 1984, p. 3-22, appeals for studying the fourth century recruitment process and, in particular, the terms protostasia, prototypia and praebitio in their historical development; J.-M. CARRIE, L'État à la recherche de nouveaux modes de financement des armées (Rome et Byzance, rv -̂viii* siècles), in Av. CAMERON ed., The Byzantine and Early Islamic Near East, III: States, Resources and Armies,

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Despite Sander's insistence on the link between the prototypia and the protostasia «mit der sie immer zusammen genannt wird»,84 the two terms never appear together in one and the same law. A liturgy (munus) of protostasia appears for the first time in two imperial rescripts from the reign of Diocletian.85 Several papyri attest to a brief appearance in Egypt, ca 296-297, of the liturgical position of protostates.86 The nature of the liturgy is never properly defined, yet one of the rescripts contains a crucial indication as to the way it was imposed: Nee protostasia vel sacerdotii vel decaprotiae munera corporaţia sunt, sed tantum patrimonii esse non ambiguntur (CJ X 42, 8). The protostasia was a patrimonial munus and thus, by definition, no property owner could be exempted from it. A law of 361 confirms expressly that senators were subjected to the protostasia: Protostasiae munus hactenus senatores inposita necessitate sustinent (CTh XI 23, 1). The law exempts the senatorial estates from being associated with the properties of the lower orders in the execution of the munus; as we have seen, this privilege was suppressed in the East in 375.

As for the nature of prototypia, the essential indication appears in a law of emperor Julian promulgated in Constantinople in 362: Prototypias et exactiones in capitatione plebeia curialium munera et quidem inferiora esse minime dubitatur, atque ideo a senatoribus easdem domibus submoveri oportet (CTh XI 23, 2). The law reasserts the principle, presumed well known, according to which the prototypia is a curial munus not applicable to senators. This reminder became necessary, no doubt, following the explosion of the number of senators in the East in 357-361. An earlier law of a contested date — possibly as early as 326 — accords to certains categories of court officials the privilege ne exactorum vel turmariorum, quos capitularios vocant, curam subeant vel obsequium temonariorum vel prototypiae. These charges are then defined, in a recapitulation, as personalia et corporalia munera.81 What is more, in the excerpt from this law reproduced in the Code of Justinian, the word prototypiae is replaced by the phrase pentaprotiae aut etiam tironis praestationem (CJ XII 28, 2). This paraphrase emphasizes the connection between the prototypia and the draft, suggested in the law's original wording by the place of prototypia

Princeton 1995, p. 27-60, see p. 39-44, retains the traditional scheme, yet gives up explaining the difference between protostasia and prototypia (p. 40).

84. E. SANDER, S. V. protostasia and prototypia, in RE Suppl. X (1965), col. 676-680, see col. 379.

85. CJ X 62, 3 (Diocletian and Maximian); X 42, 8 (Diocletian and Maximian and the two Ceasars).

86. J. E. G. WHITEHORNE, Strategus and Protostatae, ZPE 62, 1986, p. 159-172; R. S. BAGNALL, Notes on Roman and Byzantine Documents, Cd'E 66, p. 1991, p. 282-296, see p. 282-284. The connection between protostatae and protostasia has not been noticed (Whitehorne coins the term «protostateia» to designate the liturgy of a protostates).

87. CTh VI 35, 3; on the date, see DELMAIRE (cited n. 19), p. 32-34. The term turmarius is not attested elsewhere.

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next to obsequium temonariorum. Thus the prototypia, a personal munus restricted to decurions and to properties subjected to the curial authority, implied, in a way which we cannot define in any detail, a responsibility for the curial levies.

The evidence quoted is rather meager yet allows one clear conclusion. As long as the liturgy of producing recruits (onera temonaria involving the tironum praebitio) was defined as a personal munus, it had nothing to do with the protostasia. In other words, the traditional perception of the protostasia as a draft-related munus since the times of Diocletian is groundless. It only became the basis of the draft after the eastern reform of 375.8 8

The preamble of the law of 375 opposes the two categories of munera. Furnishing recruits, which hitherto constituted a personal munus (prototypia), is transformed into a patrimonial one. While the term protostasia is not pronounced by Valens, Theodosius' law of 380 shows that this is how the duty of furnishing recruits was now defined: Si temonarius prodiderit desertorem, protostasiae onere biennio relevetur (CTh VII 18, 3, on which see infra). The term prototypia disappears, as prescribed by Valens, from the general use; this is why it is replaced by a paraphrase in CJ XII 28, 2. At no period was the recruitment based on prototypia and protostasia concurrently.

Transforming recruitment into a patrimonial charge implies — Arcadius Charisius' scheme should serve us as reference — that no one, whether senator, decurion or plebeian, was exempted from it any longer. Annualizing the levies (supra) and generalizing them to all taxable properties were two sides of one coin. They marked the integration of this extraordinary munus in the system of the regular annual taxation.89

Another aspect of the same phenomenon was the emergence, in the 370s, of what Jean-Michel Carrie defined as «impôt militaire combiné» which linked in one package the recruits' gold and three other charges: ves tis militaris, pastus primipili and the «mules' gold».90 Originally destined for financing the items indicated, this combined tax could be easily diverted by the state to other purposes and eventually integrated in the united gold tax known, since the early sixth century, as kanonika (infra).

3. The consortia's new power and the problem o/desertores

Integrating the senatorial estates is not the only measure in the law of 375 which aims at evening the recruitment burden. The law singles out,

88. The idea that the recruitment procedures of the law of 375 go back to Diocletian belongs to Seeck (cited n. 29), II, p. 492; cf. JONES, LRE, p. 615-616.

89. «La trasformazione dell'onere da straordinario in periodico, annuale», is rightly emphasized by GRELLE (cited η. 82), p. 16.

90. J.-M. CARRIE, Observations sur la fiscalité du IVe siècle pour servir à l'histoire moné­taire, in L'«inflazione» nel quarto secolo D. , Rome 1993, p. 115-154, see p. 116-130; IDEM (cité η. 83), p. 30-31. While indicating that this combined tax appears in the fiscal documents in the 370s, the author suggests that was actually put in place by Constantine.

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as the two worst handicaps (vitia) of the system which ruin the provincial taxpayers, the huge amounts of gold claimed in replacement of recruits (pro corporibus) and the fact that strangers hired for service (advenarum coemptio iuniorum) are paid above the official draft allowance. The distinction between the two vitia suggests that they emerged in different circumstances. The former would fit provinces in which the draft was adaerated; it is possible that the anonymous author of De rebus bellicis, in denouncing governors who made the tironum comparano a source of illicit profit, had precisely this kind of abuse in mind.91 The latter vitium recalls the situation in Oxyrynchus where the decurions were unable to lure volunteers for draft with the allowance «prescribed by the treasury» (P.Oxy. VIII 1103). The law devises a single remedy for both abuses in the form of consortia which unite landowners from plebeians to senators. The recruit's value is fixed at 36 solidi and each member of a consortium contributes a share of it in proportion to his tax assessment. When ordered to furnish a recruit, the members are bound to deliver in turn one of the colons registered on their land. The temonarius, that is the member who provides the man for the draft, is compensated by the other members. If, for example, his census makes him responsible for 1/6 of a recruit, he is entitled to be reimbursed 5/6 of the 36 solidi. Out of this amount, he pays the recruit a fixed allowance of 6 solidi and keeps the remaining 24 solidi for himself. When, on the other hand, the consortium is enjoined to pay the recruit's value in gold, each member simply pays his share. Since the rate is fixed, there is no place for extortion. Thus the same basic scheme could be applied to all provinces and the exaction of recruits and gold could be alternated at will.

The new system appears to be as just as it is flexible and universal in application. A rich senator, whose estates exceed the size of a single consortium, would furnish as many recruits as his census requires with no compensation, while a small landowner, if forced to surrender one of his few peasants, is compensated at a generous rate. The interest of the fisc is not forgotten either. A law of September 18, 370 conceded to the estate a fiscal deduction corresponding to the poll-tax of the recruited peasant and later of his wife, traditionally exempted from the capitano, provided that the owner could prove that young people growing up on his land (adcrescentes) were too few to replace the missing taxpayers (CTh VII 13, 6). The law of 375 states expressly that the recruit and his

91. Anonimo, Le cose della guerra IV, 4, ed. tr. A. GIARDINA, Milan 1989, p. 16. On the date of the treatise, under Valentinian I and Valens, see Al. CAMERON, The Date of the Anonymus De Rebus Bellicis, in IDEM, Literature and Society in the Early Byzantine World, London 1985, n° IX (though I would not retain the fortification campaign on the Lower Danube in 369 as the terminus ante quern). Giardina, p. XXXVII-LII, following S. Mazzarino, dates the text in the 350s, under Constanti us II. The attempt by Brandt (cited n. 24), p. 135-162, to situate the treatise in the first half of the fifth century is entirely misguided.

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family members exempted from the capitano could only be replaced by the adcrescentes. In view of the compensation that the landowner received from his consortium, this limitation was fair.

Unfortunately, the reformed system was fair to all except to the conscripts. The law of 370 depicts the draft as a spontaneous engagement of volunteers attracted by fiscal advantages: cum ad spontaneam singuli militiam propositae inmunitatis commodis invitentur (CTh VII 13, 6). In the law of 375, the fiscal privileges are no longer destined to lure recruits to the colors but only to enhance the future soldiers' (militaturi) devotion. In Valens' new design, the landowners were taxed in recruits just as they were taxed in grain and could obviously apply constraint in selecting the men for draft. There are grounds to attribute this approach to his brother's influence. According to Zosimus, Valentinian's first years in power were marked by a mass recruitment «of barbarians dwelling on the Rhine as well as of peasants from peoples submitted to the Roman authority».92 Whatever the methods employed to enroll barbarians, a Western law from ca 370 shows, in regard to peasants, that a landowner could now deliver a colon for draft against the draftee's wish. CTh VII 13, 5 (368, 370 or 373) decrees that a recruit, who cuts off his finger in order to avoid the military service, should be burned alive, while his dominus, who did not prevent this act (qui non prohibet), sould be severely punished. This ruling only makes sense if the recruit is designated by the dominus.

The power granted to a dominus to enforce the army service on a colon marks a sharp departure from the earlier practice when the landowners had to lure volunteers, preferably stangers to the estate (advenae), to fill their quota of levies. As late as 364, an estate near Oxyrynchus produced a recruit from the far-away Sebennytus who «submitted himself for military service» (τίρωνι έπιδεδωκότι εαυτόν είς στρατίαν) on the estate's behalf; its other recruit came from the closer-by village of Alcyoneos.93 The dominus' new authority to designate his colon as recruit was well described by Sander: «Hinzu kommt, dass der tiro nicht vom Staat, sondern vom possessor ausgehoben wird, dieser also dadurch, dass er das Recht hat zu bestimmen, wer Soldat werden soll, sich zwischen Staat und Bauer schiebt». 94 It is unfortunate that this crucial aspect of the Later Roman colonatus is passed in silence in the recent «revisionist» studies which reduce it to a fiscal bound, excluding any personal dependence. 95 The new system of draft was maintained in the West, yet — which is also

92. Zosime, Histoire nouvelle, IV, 12, 1, ed. F. PASCHOUD, II, 2, Paris 1979, p. 273. 93. P.Oxy. LXIII 4373 and P.Lond. V 1655 (as in n. 45 above). 94. Sander (cited n. 84), col. 679. 95. D. EIBACH, Untersuchungen zum spätantiken Kolonát in der kaiserlichen

Gesetzgebung, Cologne 1977, dismisses the military laws in a note (p. 144, n. 359) as irrelevant to the subject; these laws are not discussed by J.-M. CARRIÉ, Un roman des origines: les généalogies du "colonat du Bas-Empire", Opus 2, 1983, p. 205-251.

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most revealing of the colonatus' development — Valens' attempt to apply it in the East proved to be a complete social and military failure.

A round-up of draftees avoiding the service under the pretence of monastic vow was, no doubt, the rational behind Jerome's report on the impious emperor Valens trying to impose military service on Egyptian monks soon after Valentinian's death in 375. 96 The graffiti of recruits hiding from the dux in the monastery of Saint Phoibammon probably belong to this period. 97 In a letter written in the autumn of 375, Saint Basil warns against taking the land road between Constantinople and Caesarea in winter, «since the entire countryside is infested with enemies».98 In a similar passage in a letter written two or three years later, Basil identifies these enemies as «brigands and deserters». " Those are the very terms used in a law of July 383, which inflicts sever punishments on those who harbor desertores vel latrones in the diocese of Pontus ( 77 VII 18, 7). Thus all the elements fit together, since the vast diocese of Pontus covers the territory between Caesarea and Constantinople. Why, then, all these deserters?

The problem of desertion is inherent in any army structure, whatever the method of recruitment. Even a volunteer may eventually change his

96. Multi monachorum Nitriae per tribunes et milites caesi. Valens lege data ut monachi militarent nolentes fustibus iussit interfici, in Eusebii Pamphili Chronici Canones, ed. tr. J. FOTHERINGHAM, London 1923, p. 330; cf. Orose, Histoires (Contre les Païens), VII, 33, 1, ed. tr. M.-P. ARNAUD-LINDET, III, Paris 1991, p. 88. Since both sources situate the persecution after Valentinian's death, there is no reason to follow H. EVELYN-WHITE, The Monasteries of the Wâdi 'N Natrûn, part II, New-York 1932, p. 81-83, who argues for a slightly earlier date in linking the attempted draft to Valens' law of 370 or 373 (CTh XII 1, 63) directed against Egyptians who become monks in order to escape their civic duties.

97. See R. RÉMONDON, Graffiti grecs du monastère de Phoibammon, in Ch. BACHATLY ed., Le monastère de Phoibammon dans la Thébaide, II, Cairo 1965, n° 1, 2, 5, p. 5-6, 9; cf. IDEM (cited η. 65), p. 34-35.

98. Basil, Ep. 215, éd. COURTONNE, II, p. 206-207: the road to Rome έν τώ χειμώνι παντελούς έστιν άπορος, της μεταξύ χώρας από Κωνσταντινουπόλεως μέχρι των καθ ' ημάς δρων πολεμίων πεπληρωμένης. On the date, see F. LOOFS, Zur Chronologie der Briefe des Basilius von Caesarea, Halle 1898, p. 21. The attempt by E. SCHWARTZ, Die Sammlung des Theodosius Diaconos, in Nachrichten von der L· Gesellschafi der Wissenschaften zu Göttingen, phil.-hist. KL, 1904, p. 370 (=Gesamtnelte Schriften, III, Berlin 1959, p. 46), to set the date of the letter a year later by identifying the «enemies» as the Goths in Thrace is based on an oversight. He cites Basil as saying that the enemies made dangerous «das ganze Land von Konstantinopel bis zur illyrischen Grenze», while the letter points, in fact, to the region from Constantinople μέχρι των καθ ' ήμδς δρων, which can only refer to the Armenian border to the east of Basil's Caesarea. R. TEJA-CASUTO, Invasiones de godos en Asia Menor antes et despues de Adrianopolis (375-382), Hispania Antiqua 1, 1971, p. 169-177, reads the text correctly and retains Loof's dating, yet brings in nevertheless Schwartz's Goths. The result is an otherwise unattested to Gothic invasion of Asia Minor in 375; see, however, C. ZUCKERMAN, Cappadocian Fathers and the Goths, TM 11, 1991, p. 473-486.

99. Basil, Ep. 268, ed. COURTONNE, III, Paris 1966, p. 138: Δια δε το άκοΰσαι πάντα ληστών και δησερτόρων πεπληρώσθαι τα της όδοΰ έφοβήθημέν τι εις χείρας έμβαλεϊν του άδελφοΰ.

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mind. It comes as no surprise, therefore, that this offense occupies a central place in the military chapter of the Digesta (XLIX 16). Viewed in this perspective, the laws gathered in the title De desertoribus et occultatoribus eorum of the Theodosian Code (VII 18) could appear as another reflection of the same universal phenomenon. Each of these laws has its date and its realm of application, however, and their closer examination proves to be revealing. There are no laws on deserters before 365: up to that year, the legal dispositions of the Principate, represented in the Digesta, sufficed. A law of Valentinian of 365 opens a long series of legislative measures against deserters promulgated in the West, which continues until 440.10° By way of contrast, the Eastern empire is represented by three laws only, dated in 380, 381 and 383 (CTh VII 18, 3; 5; 7). One could be tempted to follow Jones and to explain them away as repercussions of the Adrianople defeat,101 if not for Saint Basil's letters which prove that deserters were terrorizing the diocese of Pontus, in the rear of Valens' armies fighting in Armenia, three years before the disaster of 378. It is not Adrianople which should be blamed for the mass desertions in the West either. The main reason for the explosion of the number of deserters was the spread of the forced conscription.

The divertion of the money saved by debasing the recruits' allowance to the landowners did not make them conscientious drafters. Laws warn against supplying inappropriate recruits and Vegetius testifies, ca 386, that landowners use the draft in order to get rid of the colons whom they consider to be of no value: ... dum indičtí possessoribus tirones per gratiam aut dissimulationem probantium tales sociantur armis, quales domini habere fastidiunt.102 Moreover, one cannot fail to notice that the main aim of the 370-380s legislation was not to introduce new measures against the deserters themselves. The death penalty for those who abandon the colors in war time, the relative leniency towards recruits who desert as well as towards deserters who surrender themselves of their own free will, all these elements can be found in the Digesta. The novel draconian punishments that the emperors devise are mainly directed against the deserters' harborers, who are the landowners and the stewards of their estates.103 The latter's readiness to shelter deserters is usually explained by the dearth of the working hands, yet this is a very partial explanation. When the recruits who escaped from service were coming back Uluc, unde electi fuerunt {CTh VII 18, 9), that is to their

100 CTh VII 18, 1 (365); 2 (379); 4 (380); 6 (382); 8-17 (391-412); CJ XII 16, 2 (423); Nov. Val. VI, 1 (440).

101. JONES, LRE, p. 648. 102. Flavius Vegetius Renatus, Epitoma rei militaris, I, 7, ed. tr. L. F. STELTEN, New

York 1990, p. 20; CTh VII 13, 8 and 11. On the date of Vegetius, see ZUCKERMAN, Sur la date du traité militaire de Végèce et son destinataire Valentinien II, Scripta Classica Israelica 13, 1994, p. 67-74.

103. See the laws cited in η. 100 above.

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home villages, the presure on stewards not to surrender them was probably more social than economic. The laws on harborers make it clear, in any case, that the deserters whom the emperors had in mind were freshly conscribed peasants who had no wish to serve.

4. Valens' adaeration of levies and the aftermath under Theodosius The reforms of the 360-370s, notably in the shape they were given in

the East by the law of 375, aimed at strengthening the traditional recruitment methods by alleviating the decurions' task, setting limits for the expenses they could incure, preventing extortion. Yet the new system produced bad recruits and it did not take emperor Valens long to draw the lesson of its failure. His solution, which we have already mentioned, consisted in a global adaeratio of the curial levies.

Two main literary testimonies attest to this measure, Ammianus Marcellinus' and Socrates'. According to Ammianus, the court flatterers praised Valens' decision, of summer 376, to admit the Goths in the imperial territory, since joining native and foreign-born forces would produce an invincible army, while instead of the levy of soldiers, which was imposed annually on the provinces, there would accrue to the Treasury a vast amount of gold (ut collatis in unum suis et alienigenis viribus invictum haberet exercitum, et pro militari supplemento, quod provinciatim annuum pendebatur, thesauris accederei auri cumulus magnus). 104

Unlike Ammianus Marcellinus, Socrates was not a witness of the reform and his description is removed from the events by more than half a century. Socrates charges Valens with disdain for his Roman soldiers, allegedly inferior to the barbarians, and with lack of will to increase their number (ήλπιζε γαρ βαρβάρους 'Ρωμαίων φοβερωτέρους εσεσθαι φύλακας, και δια τούτο ήμέλει του λοιπού τους 'Ρωμαίων στρατιώτας αύξησαι. καί τους μεν ηδη πάλαι στρατευόμενους και κατά τους πολέμους γενναίως άγωνισαμένους ύπερεώρα,...). Socrates quotes a fabulous rate for the adaeratio, 80 solidi for each recruit «delivered as tax» by the villages in the provinces, and adds that the emperor introduced the new impost without having reduced the taxpayers' charges beforehand (τον δε συντελούμενο ν έκ των επαρχιών κατά κώμας στρατιώτην έξηργύρισεν, όγδοήκοντα χρυσίνους υπέρ εκάστου στρατιώτου τους συντελεστάς άπαιτεΐσθαι κελεύσας, ου πρότερον τάς συντέλειας κουφίσας αύτοΐς).1 0 5 80 solidi is more than twice the adaeration rate for a recruit in the law of 375 and one can only speculate on the origin of this figure. But Socrates' last remark also sounds strange. Why would he expect Valens to reduce taxes before introducing a new impost and reproach

104. Ammianus Marcellinus XXXI, 4, 4, ed. SEYFARTH, IV, p. 254. 105. Sokrates, Kirchengeschichte, IV 34, 4-5, ed. G. Ch. HANSEN, Berlin 1995, p. 270

(PG 67, col. 553-555).

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him for not doing so? Two textual witnesses suggest, indeed, that this was not what the author actually said.

A shortened Latin translation of our passage appears in the Ecclesiastical History of Cassiodorus: ac propterea milites de cetero neglegebat et eos, qui dudum contra hostes elaboraverant, despiciens etiam collatores provinciae per vicos et civitates pro unoquoque milite octoginta solidos exigebat, qui dudum eorum tributa relevaverat. 106 In this rendering of the final clause, Valens introduces the new impost after having, earlier, reduced the taxes. This presentation has its logic. After Procopius' revolt, Valens made an effort to reduce the fiscal presure earning praise from such a critical observer as Ammianus Marcellinus.107 The Latin adaptation is basically in accord with the Armenian translation of Socrates which follows the Greek text very closely yet replaces the negation ου with the relative pronoun oroy (= ) . 1 0 8 The final clause is thus related to to the preceeding genitive singular: . . .υπέρ εκάστου στρατιώτου τους συντελεστάς άπαιτεϊσθαι κελεύσας, πρότερον τας συντέλειας κουφίσας αύτοΐς. That is, Valens ordered to exact eighty solidi for every recruit, whose fiscal value for the taxpayers he had brought down beforehand. The testimony of Socrates becomes, in this rendering, even more specific, and one cannot-avoid relating it to that of P. Lips. 35 which attests to the reduction, in 372/3, to ten solidi of a recruit's official cost for the taxpayers (supra). The Armenian translator used a much better Vorlage than the preserved Greek manuscripts,109 and there is every reason to believe that his reading is correct.

Ammianus Marcellinus and Socrates affirm that adaerating the provincial levies was part of the plan devised by Valens as he authorized the Goths to settle in the Roman territory in the summer 376. Two papyri suggest that this was not the case. A pledge for the appearance of the recruit-designate of the village of Pesla for the forthcoming draft dates from February 9, 377 (P.Lips. 54). A series of receipts attests to payments of the recruits' gold by the city of Hermoupolis to the provincial treasury starting from the mid-377 (P. Lips. 62). The adaeration of levies was more of an afterthought, a rapid response to the influx of foreign recruits on the one hand and to the patent crisis of the

106. Cassiodorus-Epiphanius, Historia ecclesiastica tripartita, ed. W. JACOB and R. HANSLIK, Vienna 1952, p. 486; qui dudum in the last phrase is the manuscript reading — not indicated in Hansen's apparatus (supra) — which the editors correct to nondum, in conformity with the Greek text.

107. Ammianus Marcellinus XXXI 14, 2; more in Cameron (cited n. 91), p. 9-12. 108. Sokratay Sk'olastikosi Ekeiec'akan patmout'iwn, ed. M. TER-MOVSESEAN,

Vaiarsapat 1897, p. 391. The date traditionally assigned to the complete Armenian translation of Socrates, 696, has been contested by M. Sirinjan, in HANSEN (cited n. 105), p. xxiv-xxvii, who considers possible a date as early as the first half of the sixth century. The discrepancy between the Greek (où) and the Armenian (oroy = ) is not recorded in Hansen's apparatus.

109. See HANSEN (cited n. 105), p. XXVIII.

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curial draft on the other hand. One cannot emphasize often enough that the recruitment reform initiated by Valens and continued by Theodosius I was carried out by trial and error rather than by plan and design. Indeed, the all-embracing network of landowners' consortia set in place by the law of 375 proved ill-designed for supplying recruits, yet it had a tremendous money-raising potential. The recruits' gold, transformed from an occasional impost into a fixed yearly liability and diverted from the curiae to the state (to the caisse of sacrae largitiones), provided the financial basis for recruiting the Goths.

Early in the fifth century, Synesius of Cyrene complains of the heavy-handed exaction του στρατιωτικού χρυσίου του καλουμένου τιρωνικοϋ, π 0 but this is the last time that this «old evil» (so Synesios) appears in the sources with such a distinct profile. Later documents going up to the second third of the fifth century feature the recruits' gold as a yearly tax, along with other taxes paid in gold, the latest dated receipt being P.Oxy. XVI 2001 of 466. Yet this tax was never abolished. It fused with the other components of the «impôt militaire combiné» (supra) and some other imposts into a united gold tax, divided between the sacrae largitiones and the praetorian prefect's purse and designated as kanonika. Thus Valens' adaeration of levies, in pushing for a general annualization and stabilization, in gold terms, of the previously sporadic (extraordinaria) exactions of goods and services, provided a major impetus for a gradual revision of the fiscal system and for the emergence of a regular taxation in gold.

Valens' reform was shortly interrupted by the confrontation with the Goths and the defeat of the Roman army at Hadrianople which made it impossible for a while to draw on Gothic soldiers. Several Eastern laws of 380-382 show that Theodosius I revived the draft in the first years of his reign and that he pressed the provincials for recruits as hard as he could.113 This practice is further illustrated in two contemporary letters of Egyptian recruits Psois and Apollon which both mention the same recruiting officer, Annianos.114 Psois claimed an exemption from service

110. Synesius Cyrenensis, Epistolae, 79, ed. A. GARZYA, Rome 1979, p. 139. 111. Pace DELMAIRE (cited n. 19), p. 417, who did not see the continuity between the

fourth century military taxes and the sixth century taxation in gold. 112. The integration of the λοίργι(τιοναλικά) τίτλα — of which the recruits' gold was

no doubt one — in the κανονικά is demonstrated by P.Cairo Masp. I 67057,1. DELMAIRE (cited n. 19), p. 327, n. 38, insists on the mixed character of the combined tax, observing that «le primipilon est lié au transport de l'annone et ne rentre pas dans les largitionalica». CARRÉ (cited n. 83), p. 31-32, believes that the fourth century combined «impôt» survives, in the sixth century, as some «impôts spécifiquement militaires», which I doubt.

113. CTh VII 13, 8; 9 (featuring the old notion of raising recruits ex opportunis regionibus); 18, 3 (all three from 380); 13, 10; 18, 5 (both 381); 13, 11 (382).

114. On Psois' letter, P.Herm.Rees 7, see C. ZUCKERMAN, The Hapless Recruit Psois and the Mighty Anchorite, John, Bulletin of the American Society of Papyrologists 32, 1995, p. 183-194, in which I identify Psois' patron and argue for dating the text late in 381 or in 382 (cf. infra); the letter of Apollon, P.Lond. Ill 982, is now available in an improved edition by Rea (cited n. 43).

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«on the account of his finger» yet, despite his powerful protectors, could not obtain it. The notorious character of his disability — cutting off a finger was an old way to avoid the army — suggests that it was self-inflicted, while the refusal of the exemption was clearly a consequence of Theodosius' law of September 5, 381, ordering to draft two fingerless candidates for one valid recruit {CTh VII 13, 10). The same law inflicts on recruits «who decline the use of arms by a disgraceful amputation of a finger» a mark of dishonor in the form of a tattoo; Psois, for his part, reports to his saintly patron, John of Lycopolis, that he has not yet been «sealed» (έσφραγισμένος, Greek term for tattooing) so as to prove that it is not too late to act for exemption. Soon tattooing recruits became the general usage.115 Apollon who, unlike Psois, did not object to being drafted, mentions in his letter the oath (δια τον δρκον) which prevents him from leaving his post. Recruit's oath containing a specific commitment not to desert {numquam deserturos militiam) is cited by Vegetius ca 386.116 This dense and coherent evidence situates in the years of crisis the origins of many a phenomenon which scholars quote as general characteristics of the «Later Roman» army.

The system devised in the law of 375 was applied to the letter and the problem of desertion was, expectedly, acute. Both these points find attestation in a law of April 380 which accords to a temonarius who delivers up a deserter an exemption from draft-related duties for two years. Then, in the Eastern empire, such evidence disappears, and it is surely instructive that the last Eastern law attesting to the forced conscription in action, CTh VII 13, 11 of May 382, preceeds by only a few months the conclusion of the peace treaty with the Goths. The decree of 409 concerning the settlement of the captive Sciri is the last text to mention the praebitio iuniorum {CTh V 6, 3), yet it exempts the Sciri from providing recruits and brings no proof that this duty was still imposed on the rest of the population.

Valens' and Theodosius' policy of engaging barbarians had generated a strong backlash in the contemporary public opinion which resounds in some modern studies. Theodosius is often accused of a global

115. In Vegetius (ca 386), Ambrose (392), CTh VII 18, 9 (396) etc. tattooing tirones is mentioned as a general procedure, with no shame attached, see ZUCKERMAN (cited n. 114), p. 184-185.

116 Vegetius II, 5, ed. STELTEN, p. 72. 117. CTh VII 18, 3: Si temonarius prodiderit desertorem, protostasiae onere biennio

relevetur. This law is quoted, inappropriately, as evidence that a temonarius was appointed for a period of five years, see SEECK (cited n. 29), p. 47; SESTON (cited n. 81), p. 367. In fact, the law of 375 makes it clear that each member of a consortium occupied the position of temonarius, that is delivered one of his colons for draft, for one year only. His duty in the following years consisted in paying money to the consortium, and this was the protostasiae onus from which he was liberated by the emperor. This privilege was blatantly unfair towards the other members of the consortium; cf. the same problem in a Western law of 382 {CTh XII 16, 14). It might have been mainly destined for landowners who were too rich to have associates and who would then act as temonarii every year.

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barbarisation of the Eastern Roman army.118 It is worth reminding, therefore, that his policy constituted a pinpoint response to the crisis of the old system of recruitment and that its impact should not be overstated. A lasting result of Theodosius' treaty with the Goths of October 382 was that contingents of Gothic federati became a steady feature of the Eastern armed forces, although their insertion in the regular army structures was only achieved in the middle of the sixth century. By way of contrast, the vast majority of regular soldiers, both in the mobile units (comitatus) and in the provincial garrisons, continued to be recruited among the citizens of the Empire. If a «foreign» unit was integrated in the regular army, local remanning transformed its ethnic character within two generations. 119 The strong voices of Ammianus Marcellinus, Eunapios (hence Zosimos), Synesios and other detractors of the barbarian «domination» of the Roman armed forces make it easy to forget that they are concentrated in less than two decades and only speak for their time.

The abandonment of the forced conscription produced a change of attitude which can be shown on two exemples. An anecdote first. Isidoros of Pelusium addressed a sharp reproach to a certain Quintinianus who destined his son, a gifted student of letters, for military service. Isidoros reminded the father that the engagement in the army would put the youth' life in danger and closed the letter with admonition: «Leave this honor (άξίαν), or rather this punishment, to the vagabonds (άγύρταις)». 120 The last line, by no means a gratuitous slander, is reminicent of Theodosius' law of 380 which mentions the vagabonds (vagi) as a major source of potential draftees (CTh VIII 2, 3). Western laws of 400 and 412 attest to army officers sent as recruiters to the provinces ad inquisitionem vagorum.121 Thus Isidoros, a conservative monk, clings to the notions from the time of crisis, while Quintinianus considers the military career as perfectly honorable for his son. The other exemple is more general in character. Theodosius' law addressed to Cynegius, the praetorian prefect of the East in 384-388, speaks of peasants who, instead of tilling the soil of the emperor's patrimonial estates, go places at their whim and, notably, «flock to the military service» (ad militiam convolantes, J XI 63, 4). The emperor orders

118. See, among the most recent works, Liebeschuetz (cite n. 1), followed by G. W. BOWERSOCK, in Storia di Roma III, 1, Torino 1993, p. 547-549.

119. A sober recent assessment in E. P. GLUSHANIN, Etniceskij sostav rannevizantijskoj armii IV v. (varvarskij vopros), in Problemy social'nogo razvitija (= Anticnaja drevnosť i średnie veka 22), Sverdlovsk 1985, p. 32-42.

120. Ep. I 390, PG 78, col. 401; cf. P. ÉVIEUX, Isidore de Péluse, Paris 1995, who defends the historicity of Isidoros' corpus of letters and situates it in the first third of the fifth century (p. 61).

121. CTh VII 18, 10, cf. 17. One is reminded of Tiberius' decision to stop recruiting Italian volunteers and to carry out levies in provinces instead, because the Italians who presented themselves for service were unworthy vagabonds (inopes et vagi), Tacitus, Ann. IV 4, 2.

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them to be recalled to their proper place. This description contrasts sharply with the contemporary situation in the West, where the conscripts flock Uluc, unde electi fuerant (CTh VII 18, 9), back to their fields.

The Western empire can be considered as a control group of a kind which vindicates the policy adopted in the East. Providing recruits continued to be treated in the West as an extraordinarium (vile, sordidum) munus from which every person of mark sought to be exempted.122 A row of the late fourth-early fifth century laws attests to a continued practice of sporadic drafts and to the emperors' unremitting appeals to landowners to furnish recruits (CTh VII 13, 12-22). The latest legislation on the issue, brought together in Valentinian Ill's Nov. VI, dates from the 440s, not long before the imperial authority in the West practically collapsed. The vicious cycle of forced conscription of colons and of subsequent desertion, legacy of Valentinian I, which Theodosius succeeded in breaking in the East, was perpetuated in the West. related handicap was the chronic shortage of cash. While we cannot put figures on the budgetary transfers from East to West before the empire was divided, there can be hardly a doubt that the division produced an extreme disbalance of public revenues, with an immediate impact on the military budgets, between the two partes imperii.124 Western laws on draft rarely fail to mention the rerum nécessitas (CTh VII 13, 18 of 407), exhausti aerarti nécessitas (CTh XI 18, 1 of 412), the fact that the exhausted treasury cannot bear the costs of raising new troops (Nov. Val. VI, 3 of 444). The recruits due from the honorati were willingly adaerated, but this was apparently the only category of taxpayers who could procure the necessary amount of gold. Thus the vicious cycle continued: the lack of ready cash forced the state to recur time and again to the cheapest source of manpower which were the provincial levies.

* *

Theodor Mommsen, in his landmark investigation of the Later Roman Militärwesen, briefly suggested that the traditional system of draft (dilectus) was maintained through most of the fourth century and was only reformed towards 375. He argued, moreover, that «die allgemeine Dienstpflicht des kriegstüchtigen Mannes ist in der augustischen Ordnung nicht nur festgehalten, sondern auch von dem römischen

122. CTh XI 16, 12 (380); 15 (382); 18 (390); cf. VI 23, 2 (423); 26, 14 (412); 27, 13 403); 30, 20 (413).

123. See the laws cited n. 100. 124. See Η. WOLFRAM, Byzanz und die Xantha Ethne (400-600), in Ε. Κ. CHRYSOS and

A. SCHWARCZ ed., Das Reich und die Barbaren, Vienna-Cologne 1989, p. 237-246, see p. 239.

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Bürger auf den römischen Reichsangehörigen erstreckt worden».125 The present study vindicates Mommsen's chronological scheme as against the current dogma, going back to Otto Seeck, which introduces a major reform under Diocletian. Mommsen's thesis of the survival of the dilectus, recently defended by P. A. Brunt, and of its extension to the non-citizens calls, however, for an additional commentary.

Brunt insists on the Roman government's «reliance on the cities for the dilectus» since the days of the Republic: «A military officer might be sent to a center to recruit, but if he could not obtain sufficient volunteers, he was bound to rely on local authorities to produce {exhibere or producere) men suited for his purpose (...)».126 In the intricate relations between Rome and its subjects, clients and allies, raising men for the Roman army was the role of the local: municipal, royal or tribal authorities. As we learn from a newly (re)published decree of the triumvirs, the free city of Plarassos-Aphrodisias was exempted from the requisition of soldiers by the Romans officials: μήτε χρήματα μήτε στρατιώτας μήτε πλοία μήτε σείτον μήτε όπλα μήτε σχεδίας μήτε μήν ετερόν τι πράγμα τω δήμω (...) έπιτάσσεσθαι. ηι But a city, like Teos in Ionia, could also be enjoined by an imperial order (επιταγή) — the emperor (Σεβαστός) being probably Augustus — to provide soldiers. The mutilated honorific decree which mentions this episode indicates that it was the substantial pecuniary contribution of the anonymous benefactor which convinced the citizens to volunteer for the campaign (αυτομόλους στρατεύσασθαι).1 2 8 The recruits' expenses were obviously financed by the city. This basic condition remained in force under Marcus Aurelius. The texts which attest to the dispatch of recruits by the cities of Thespiae and of Greater Termessos (supra) provide no indication on the way it was financed, but a contemporary inscription from Aezani in Phrygia (ca 169) is most explicit on this point. It honors a benefactor whose name is lost and who, among other contributions to the city, παράσχοντα τω κυρίω Καίσαρι σύμμαχον διωγμείτην παρ'έαυτου.1 2 9 The recruitment of diogmitae, police

125. Th. MoMMSEN, Das römische Militärwesen seit Diocletian, Hermes 24, 1889, p. 195-279 (reprinted in idem, Gesammelte Schriften, VI, Berlin 1910, p. 206-283), see p. 244-248, especially p. 244 for the passage cited.

126. BRUNT (cited n. 26), p. 113-115 (p. 113 for the passage cited) argues for the survival of the dilectus as a legal norm into the fourth century while paying a lip-service to the traditional scheme of the «Diocletianic» reform. Carrie (cited n. 83) fails to cite Brunt, which explains his emphatic statement, p. 39: «Plus personne aujourd'hui ne suit la théorie de Mommsen selon laquelle le système traditionnel du dilectus, l'obligation civique de servir, se serait théoriquement maintenue jusqu'en 375, année où une loi «organique», Cod. Theod. VII, 13, 7, aurait profondement innové en la matière».

127. J. REYNOLDS, Aphrodisias and Rome, London 1982, p. 58 and 93. This passage is badly mutilated in the decree of 39 B.C. (n° 8,11. 34-36), yet appears intact in a separate excerpt (n° 9,11. 4-6). Both texts were engraved on the «Archive wall» of Aphrodisias in the second or the third century.

128. Inscriptiones graecae ad res romanas pertinentes, IV, Paris 1927, n° 1572. 129. Inscriptiones graecae ad res romanas pertinentes, IV, n° 580 (= OGIS 511).

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officers in the cities of Asia Minor, into the regular army under Marcus Aurelius is mentioned in the Historia Augusta. 13° In Ammianus Marcellinus XXVII 9, 6, the diogmitae, as opposed to regular soldiers, are pointedly described as semermes, and the anonymous citizen of Aezani no doubt «offered» one diogmites to the Cesar as «ally» by assuming the cost of equipping a policeman as soldier, on behalf of his city. 131 The recurrent use of the term symmachos recalls the ancient duties of «allied» cities as socii of the Roman state.

These observations bring us back to the question of the origin of the fourth century curial conscription. I have argued that the fourth century practice marked a revival, on a larger scale, of the cities' ancient duties towards the Roman state. This tradition never died out. The municipal levies were originally armed by the cities, and this I believe to be the rationale behind the recruit's allowance gratia vestis ac sumptuum, initially as high as 30 solidi: it would pay for the recruit's uniform and arms. A large-scale reactivation of the cities' military duties, which had the advantage of removing part of the recruitment costs from the state budget, can be plausibly attributed to Diocletian. Later, in the divided empire, the mounting need for manpower exposed the insufficiency of the curial recruitment. The reforms of the 370s started as an attempt to reduce its cost for the taxpayers and to enhance its efficiency, yet they resulted, in the East, in the complete elimination of cities from the recruitment process. This was the end of an old, however deformed, civic tradition, a conclusion of the centuries-long integration of the Greek poleis in the imperial body.

The old debate on the ways and means of early Byzantine recruitment has recently been rekindled by Michael Whitby who argued that the dilectus was still applied ca. 600. The author takes the precaution to stipulate that he uses «the term dilectus for the sake of convenience to designate a compulsory exaction of troops, without intending to imply that anything like the archaic Roman system was maintained», but it is the Roman dilectus and even more so, a certain idea of the fourth century draft that serve him as model.132 This is not the place to discuss the evidence adduced by Whitby, but to insiste on the importance, for this

130. Historia Augusta, Vita Marci Antonini Philosophi, XXI, 7: armavit et diogmitas; ed. tr. CHASTAGNOL, Histoire Auguste, Paris 1994, p. 148 (the editor's definition of these municipal policemen as «sorte de police paramilitaire en service près des frontières» is inexact).

131. To the texts from the Greater Termessos (supra, n. 34) and from Aezani, add Dessau, ILS, 8870. The proliferation of Roman military symbols on the municipal coinage of Asia Minor in the late second-third centuries — see K. W. HARL, Civic Coins and Civic Politics in the Roman East A.D. 180-275, Berkley 1987, p. 49-51 — might reflect the cities' participation in the imperial military effort.

132. M. WHITBY, Recruitment in Roman Armies from Justinian to Heraclius (ca. 565-615), in CAMERON ed. (cited n. 83), p. 61-124, see p. 77, n. 62 for the phrase quoted.

133. Much of it was earlier analyzed by J. HALDON, Recruitment and Conscription in the Byzantine Army 550-950 (Österreichische Akademie der Wissenschaften,

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debate, of a clearer view of the fourth century recruitment. The static notion of the «Diocletianic reform», allegedly fostering the compulsory conscription through the fourth century and later, should be replaced with a model allowing for a slower structural evolution culminating in a series of reforms in the conditions of a divided empire. Regardless of the reformers' original design to enforce the dilectus by constraint, the recuperation of the recruits' gold and the demise of the curiae provided the Eastern empire with the means to resume recruitment, through its own agents, on a volunteer basis.

PART TWO: RECRUITING SENATORS IN THE W E S T AND IN THE EAST

On August 22, 372, emperor Valentinian I dispatched from his headquarters in Gaul an «oration» to be read before the senate in Rome. It was included, in an abreviated form, in the Theodosian Code (VI 4, 21). The text in the Code being slightly mutilated in the only manuscript, it required much acumen from its successive editors to have it satisfactorily repaired.134 The contents and the aim of the law still present a problem, however. Its preamble sets the rules for the appointment of senatorial temonarii. This term designates a holder of a public charge who could be occasionally responsible for raising levies (supra). Many scholars believe, therefore, that the law deals with the senators' duties in the matter of providing recruits and try to learn from it on the fourth century recruitment procedures.135 Yet the compilers of the Theodosian Code inserted it in the title concerned with nominations to the senatorial offices of praetor and quaestor (De praetoribus et quaestoribus). All its dispositions after the preamble deal with purely civilian matters. What is more, the rule laid down in the preamble matches the one established in a contemporary law for the appointment of praetors at the senate of Constantinople. Thus, with the view to the inner coherence of the text and to its legal context, Gothofredus suggested a panoply of corrections transforming the temonarii into remorarii, remotarii, telonarii or telotharii, words which he took to denote praetors living in far-away provinces.136 More recently, André

philosophisch-historische Klasse, Sitzungsberichte, 357), Vienna 1979, p. 20-40, who reached the conclusion to which I subscribe: «the view that widespread conscription was maintained or re-introduced on a permanent basis during the sixth century must (...) be abandonned (p. 28)». Haldon refers to a shorter statement of the same view by JONES, LRE, p. 659-660.

134. See C. PHARR, The Text and Interpretation of the Theodosian Code 6, 4, 21, American Journal of Philology 66, 1945, p. 50-58.

135. Among the recent proponents of this view, see GRELLE (cited n. 82), p. 15-17; G. GERA and S. GIGLIO, La tassazione dei senatori nel tardo impero romano, Rome 1984, p. 90-95 = S. GIGLIO, // tardo impero d'occidente et il suo senato, Perugia 1990, p. 89-94; DELMAIRE (cited η. 19), p. 323.

136. Codex Theodosianus cum perpetuis commentariis Iacobi Gothofredi, ed. J. D. RITTER, II, Leipzig 1737, p. 59.

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Chastagnol simplified the argument in asserting briefly in a note that «le nom insolite temonarii» designates in our text the praetors.137

The meaning of the term temonarii is but one of the problems posed by the law which, like so many others in the Code, was roughly scissored by the Code's compilers. A crucial point which eluded commentators is that the law deals with nominations to two (and not only to one) senatorial offices; hence the division of my commentary in two chapters. A comprehensive study of the text, presented and translated below,138 will show that the military interpretation of the temonarii can only thrive when the preamble is severed from the body of the law; Chastagnol's conclusion is vindicated so far. But I will also try to explain why the unusual term temonarii was used to designate the praetors.

Tempore, quo temonarii desi-gnantur, etiam sofciorumj139

nominatio celebretur fiatque conventio, quam [per ofjficium p(raefecti) u(rbi) curari oportet, ut, si ita res expetit [et ofjficiis provinciarum ad pervestigandum fìdefs nejutiquam conmodatur, ipsi potissimum super [horum dejsignatorum nominibus consula-mus, quo missis [virisj strenuis obligatisque iudicius non modo temona[rii], verum conplices quoque eorum in exhibitionem p[ro]prii muneris urgueantur. Fingamus enim pos[se illud] fieri, ut designati primo et secundo vel tertio an[noJ subterfiıgere inqui-rentium sollicitudinem po[ssint], certe septem reliquis haut dubie poterunt rep[eri]rì.

At the time when the temonarii are designated, the nomination of their partners shall also be formally made and the notification shall be given. The notification must be administrated through the office of the prefect of the City so that, if the situation demands it and no confidence at all is placed in the provincial (governors') offices for tracking down (the appointees), We Ourselves rather take counsel regarding the appointees' names, so as to assure, by sending strenuous men and compelling the governors, that not only the temonarii but also their associates are incited to perform their proper charge. For let us suppose it possible that those designated can elude the diligence of those who search for them in the first and the second or even the third year; surely in the remaining seven years

137. A. CHASTAGNOL, Observations sur le consulat suffect et la preture du Bas-Empire, Revue Historique 219, 1958, p. 221-253, see p. 246, n. 4; reprinted in IDEM, L'Italie et l'Afrique au Bas-Empire, Lille 1987. The same interpretation in JONES, LEE, p. 540 (η. 43).

138. The text is, basically, Kruger's with Pharr's emendations in the preamble; the translation is adapted from Pharr (cited nn. 55 and 134).

139. Krüger notes ad loc: «post sequitur vel similis littera, vix 1» (against Seeck's restitution so[lita]). Pharr's (cited n. 134) proposes the extensions [horum dejsignatorum and pos[se illud] below as optional.

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1. Denìque, ut prius statuimus, eorum, qui per annfos sinjgulos ad candidatum atque honores cer-tos no[minan]tur, in scientiam nos­trani post designation[em dejbitam insinuatione fida vocabula defe-rant[ur. 2. Idem] et in subrogandis certis quibus in diem functofrum lojcum ordo teneatur. 3. Et licentia inolita derogetur offjficiis, quae ex denuntiatione huiusmodi quaestum saepe secuta sunt.

4. Simul provinciales nostri aut animentur spe levions inpensae, aut certe, si editionis suae tempore conmunem patriam declinarmi, metu congruae severitudinis urgueantur. 5. Nec sane excipimus eos, quos ad praesens labor publi-cus officiumve detentat, Providen­tia secutura, ut aut conventi a nobis in vicem proprium idoneos dirigant, aut ipsi, quia res exigit, sump to temporario conmeatu Romom ire deproperent.

6. Super provisione autem sena-tus egregìi atque consulto, quo definiri a nobis reverentissime depoposcìt, ut duo vel [t]res de his qui nomìnantur candidati arcae possint [sub] certo argenti pondere sociari, tunc melius aesti[m]are

it will be possible for them to be found without doubt.

1. And then, as We have for­merly ruled, the names of those who are nominated each year as candidatus and as (holders of) the established honors, should be brought to Our knowledge in a fai­thful report after their due designa­tion. 2. Likewise, concerning the appointed substitutes whose order shall be maintained in replacing those who have completed their days. 3. And the inveterate license of the (governors') offices shall be abated, whereby they often sought gain from the official notifications of this kind.140

4. Our provincials should be, at the same time, either encouraged by the hope of less expense or rather, if they avoid our common fatherland at the time of their exhibition of games, incited by fear of appropriate severity. 5. Nor indeed do We except those who for the present are detained by a public task or office, for they should make provisions, when notified by Us, either for sending suitable subsititutes or, since the situation so requires, for obtaining a temporary leave of absence and hastening to go to Rome.

6. As to the provision and decree of the distinguished senate, whereby it most reverently reques­ted of Us to rule that two or three of those who are nominated candi­dati can be associated with the Treasury for a certain amount of

140. The provincial officials must have claimed a special fee for the urgent notification of a substitute in case of the original appointee's sudden death.

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poterimus, cum duos folles aut quattuor aut certe [ajmplius in professionem habebunt, quid susţi­nere in mufnejribus possint aut debeant, quive editionis ordo sit. Cum enim [sjedulo fuerit intima-tum, conlata a nobis editionis necesfsjitate cum subsidiis facul-tatum et professionis modo riftej poterii definiri, quid unusquisque expensae pro captu virium [djebeat susţinere.

7. Sane eorum arbitrio nulla lege praescribfsjimus, qui pro consideratione patrimonii nata-liumque me[r]ito secundum splen­dorem honoris proprii enor-mita[te]m inpendii non recusant. His enim providendum nos [hajc oratione censemus, qui non solum admonendi sunt, [ne] muneri suo desini, verum praescribtorum sumptuum [vjilitate ac modera-tione provocandi.

silver,141 We shall then be able to make a better estimate as to how much each may be able — and should — bear with respect to his charge and as to what should be the order of the exhibition of games, when their tax declaration of two or four or even more folles has been established. For when this information has been dili­gently given to us, we shall com­pare the necessary expenses for the exhibition of games with the can­didates' subsidiary resources and the amount of their tax declaration, and it will then be possible to rule in a just manner how much expense each must bear according to his financial capacity.

7. Of course, We do not prescribe by any law the (free) decision of those who, in consideration of their patrimony and by the merit of their birth, do not refuse to expend enormous sums in accordance with the splendor of their honor. We rather consider it necessary to provide by this oration for those who not only need to be admonished least they evade their charge, but should (also) be encouraged by the cheapness and the moderation of the prescribed expenses.

141. JONES, LRE, p. 538, understands the phrase as referring to «a scheme whereby two or three poor senators might share expenses». Yet this interpretation is hardly possible without correcting arcae in area (abl.).

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/. The unseen quaestors in CTh VI4, 21

All commentators of the law, whatever the role they attribute to the temonarii in the preamble, assume that the rest of the text is concerned with the nomination of praetors. It has never been noticed that §6 actually deals with the appointment of quaestors. Rectifying this misapprehension gains us important new data on the functioning of the Roman senate under the Later Empire.

The old republican magistracies of quaestor and praetor survived, as part of the senatorial cursus in Rome, through the fourth century. The quaestorship, though, was not transplanted in the newly created senate of Constantinople.142 Long deprived of all functional attributions, it is last attested to, in Rome, in the first quarter of the fifth century. The praetors, who kept a residual judicial function, are known in Rome and in Constantinople until the middle of the sixth century.143 Both the quaestorship and, to a much larger degree, the praetorship involved a heavy pecuniary charge, as the newly appointed magistrates were bound to finance games for the people of the capital and to supervise them in person. The recognition that the expense of the games was far too high for many an appointee prompted Valentinian I to promulgate our law.

The text, in its present shape, mentions neithers quaestors nor praetors expressly, yet it makes a terminological distinction which must have been just as explicit for its audience: the persons who ad candidatum atque honores certos no[minan]tur are opposed {autem) to those qui nominantur candidati. The term candidatus designated under the Early Empire a candidate for a magistracy, quaestor's, praetor's or other, who was recommended by the emperor and thus sure of being elected. The quality of a (one-time) candidatus was regularly indicated in the person's career record. In the fourth century, the emperor's involvement in the elections is not obvious,144 but the term candidatus does not disappear. On the contrary, as observed by André Chastagnol, it becomes practically synonymous with the term quaestor.145 While the number of quaestors appointed each year is not known — twenty was the norm under the Principate —, the number of praetors is fixed, by the early fourth century, at two (urbanus and tutelaris); a third (triumphalis) is added in the middle of the century. Only one of them was the emperor's

142. See A. CHASTAGNOL, Les modes de recrutement du Sénat au IVe siècle ap. J.-C, in C. NICOLET ed., Recherches sur les structures sociales dans l'Antitiquité classique, Paris 1970, p. 187-211, see p. 193, against Jones, LRE, p. 532.

143. See A. CHASTAGNOL, Le Sénat romain à l'époque impériale. Recherches sur la constitution de l'Assemblée et le statut de ses membres, Paris 1992, p. 355-356, for the last attestations of the two magistracies.

144. Elaborating on a theory of O. Seeck, CHASTAGNOL (cited n. 143), p. 254-257, argues that Constantine I abandoned the procedure of nominating candidates and left the free choice of quaestors and praetors to the senate in 336. JONES, LRE, p. 540, especially n. 44 (p. 1227), accords no credence to Seeck's reform and claims that the selection belonged to the senate also earlier.

145. CHASTAGNOL (cited n. 143), p. 242-243.

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(nominal or real) candidates. Thus the pointed use of the singular (ad candidatum) in §1 as opposed to the plural in §6, in which special conditions are set up for «two or three» candidati out of many that are appointed each year, identifies the positions involved. The nomination ad candidatum atque honores certos applies to the praetor candidatus and to the other praetorial positions. The candidati are the quaestors.

The contents of the §6 enhance the argument for applying it to quaestors. At the senate's request, the emperor allows two or three of the candidati «to associate themselves with the Treasury (area, cf. infra) for a certain amount of silver» in financing the games. He admits the principle of adjusting the expenses to the means of the poorer candidati, yet withholds the ruling on the exact reduction they deserve until submitted each beneficiary's fiscal declaration. No such disposition is known in praetors' favor. By way of contrast, it fits closely with what we learn from other sources on the way of aleviating the quaestors' expenses.

Symmachus' Oration 8 provides a crucial evidence. It presents the case of Valerius Fortunatus, scion to an impoverished senatorial family from Spain whose mother gave up, in his name, his dignity of senator in order to avoid the expenses of quaestorship. Fortunatus, represented by Symmachus, pleads now for its restitution, since he would be integrated otherwise in the curia of the city of Emerita which he resents. We are told that Fortunatus' mother «could have certainly requested a quaestorship appropriate to her fiscal assessment, as we do it now, yet, aware of her poverty, she feared as too heavy (an expense) which was less than nothing».147 Thus Symmachus testifies of a recent disposition adjusting the expenses of poorer quaestors to their census. This is the exact tenor of §6.

A passage in the Life of Alexander Severus in the Historia Augusta (ca 400) describes how the relief mechanism worked. It alleges that Alexander «issued an order that the quaestors candidati should give games to the people at their own expense, but with the understanding that after the quaestorship they were to receive a praetorship and then govern provinces; on the other hand, he created the (quaestors) arcarii who gave games — which were more modest — at the expense of the fiscal Treasury (de arca fisci)».148 This description is anachronistic, as it

146. CHASTAGNOL (cited n. 142), p. 191-192; IDEM (cited n. 143), p. 244-245. After quoting the evidence on the three praetors, the author suggests that they were, in fact, more numerous: «En effet, il paraît peu vraisemblable, au moins en théorie, pour des raisons statistiques, que deux, puis trois préteurs aient suffi à assurer le renouvellement du Sénat, même dans le seul cadre des familles aristocratiques de la ville (p. 245)». Much of this difficulty is resolved if we admit with Jones, against Chastagnol, that the basic renewal of the Roman senate was assured by quaestors rather than by praetors {infra).

147. Oratio 8 in Q. Aurelii Symmachi quae supersunt, ed. SEECK, p. 338-339. 148. Scriptores Historiae Augustae, Alexander Severus XLIII, 3-4, ed. tr. D. MAGIE,

London-Harvard Mass. 1924, II, p. 264-265: Quaestores candidatos ex sua pecunia iussit munera populo dare, sed ita ut post quaesturam praeturas acciperent et deinde provincias

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is often the case in the Historia Augusta, and its indication of a link between praetorship and governorship deserves a short digression. It reflects a change in the traditional senatorial cursus honorum which, according to Chastagnol, took place under Constantine I: «l'échelon du consulat suffect s'est fortement dévalué, et même, depuis 315 environ, les membres des familles les plus huppées l'ont sauté pour passer directement de la preture aux gouvernements de provinces».149 The new career pattern is mentioned in a law of 371 which recognizes a special distinction to governors (iudices) «who have attained the proper senatorial dignity by the insignia of the praetorship and (then) have been increased in honors». 15° Now we learn from the Historia Augusta that this career option was conditional, in the West, on a properly celebrated quaestorship.

What interests us here more, however, is the relief mechanism devised for poorer quaestors. It also reflects fourth century realia. Alexander Severus' pretended reform is clearly inspired by Valentinian Γ s division of quaestors in two categories, of which one bore the full cost of the games, while the other was dispensed with a token contribution to the area. No such division is attested to before CTh VI 4, 21, 6. Yet it would have made little sense for the author of the Historia Augusta to simply credit a reform of Valentinian I to his remote predecessor. The readers surely remembered its recent origin. Besides, Alexander Severus was the author's paragon of the imperial virtue, and so his model solution to the problem of indigent quaestors surpassed by far the one retained by Valentinian I. First, Alexander supposedly dispensed them of all payment, while both CTh VI 4, 21, 6 and Symmachus agree that, in the late-fourth-century reality, they were still bound to contribute some money. Second, the cost of the games in the Historia Augusta is taken over by the arca fisci. The term area could be used in several contexts, but the qualification fisci clearly implies that «Alexander Severus» had

regerent; arcarios vero instituit, qui de arca fisci ederent munera eademque parciora. Magie translates arcarios as «ordinary quaestors» and identifies them as those among the quaestors of the Early Empire who were not emperor's candidati; thus he misses the point of the author who presents the arcarii as Alexander Severus' creation (instituit; not translated by Magie). A. Chastagnol, Histoire Auguste, Paris 1994, p. 610-611, translates arcarios as «trésoriers» but admits in a note: «On hésite pour savoir si ces arcarii sont sont les questeurs "pauvres" qui ne paient pas leurs jeux et sont remplacés dans cette fonction par les employés du fisc ou si ce sont ces employés eux-mêmes». The syntax favors, in my view, attaching quaestores ... arcarios together. C. BERTRAND-DAGENBACH, Alexandre Severe et /'Histoire Auguste, Brussels 1990, p. 172, is certainly mistaken in interpreting ex sua pecunia as if the emperor financed the candidati's games from his own pocket («il aide de ses propres deniers les questeurs candidati»).

149. CHASTAGNOL (cited η. 143), p. 247; the author makes no connection between this empirical observation and the testimony of the Historia Augusta.

150. CTh XII 1, 74, 3: His verae dignitatis titulis et iudicibus adiungendis, qui proprium decus senátorům indeptipraeturae insignibus fuerint et honoribus ampliati...

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the replacement games financed directly by the state.151 Valentinian I's generosity towards the senate did not go that far and the area of §6 did not belong to the fisc.

It is again Symmachus who provides the crucial indication. In one of his Relationes from 384, a department of the senate's Treasury bears the new and unusual name of area quaestoria.152 Jones suggested that this could be one of the «departmental treasuries» of the senate's Treasury which «handled the finances of the quaestorian games».153 The name, linking the quaestors to the senatorial area, can only indicate that it was the senate's Treasury, rather than the state fisc, which was charged, in 372, with collecting contributions from the insolvent appointees and with organizing games on their behalf.154 In another relatio, Symmachus mentions as a matter of fact that senators who owed games could provide them without coming to Rome. These censualium editores munerum — so called because their games were put up on their behalf by the senate officials-censuaZes — would simply transfer the sum that they were legały bound to spend to the senate's Treasury (sumptum debitum rei publicae... dedisse).155 A Western law from November 1, 395 seems to alude to the same practice in reminding all quaestors and praetors living in the countryside that they should honor the commitments they have made at their nomination.156 These regulations mark a change of attitude compared to the law of 372 which traditionally insisted on bringing all

151. See, on both terms, G. BOULVERT, "Aerarium" dans les constitutions impériales, Labeo 22, 1976, p. 151-177, see p. 153-156 and 162-163; DELMAIRE (cited n. 19), p. 11-13. Area could notably designate the praetorian prefect's purse.

152. Symmachus, Relatio XX, ed. SEECK, p. 294. 153. JONES, LRE, p. 709. A. CHASTAGNOL, La préfecture urbaine à Rome sous le Bas-

Empire, Paris 1960, p. 75, identifies the area quaestoria as the senate's Treasury. D. VERA, Commento storico alle Relationes di Quinto Aurelio Simmaco, Pisa 1981, p. 281-283, argues that the senate's Treasury disappeared in the last third of the fourth century and was replaced by a municipal treasury, area quaestoria, or publica, or frumentaria, managed by the prefect of Rome and integrated in the sacrae largitiones. See contra DELMAIRE (cited n. 19), p. 5, n. 6, who admits that area quaestoria could be a specialized subdivision of the senate's Treasury.

154. I only found a clear statement that the area of CTh VI 4, 21 designates «le trésor du sénat», in DELMAIRE (cited η. 19), p. 5, who provides no further comments on this text.

155. Symmachus, Relatio XXIII, 2, cf. Ep. IV, 8, ed. SEECK, p. 296 and 101. 156. Cunctos qu[aes]tores et praetores, qui in agris degunt, susce[ptum] et promissum

munus pro notitia officii cenfsuajlis pro eorum dignitate, vel quod spontanea [volunjtate professi sunt, dare praecepimus, CTh VI, 4, 27. Pharr translates: «We command that all quaestors and praetors living in country districts shall pay as a fee for their notification by the tax assessment office all rewards that are undertaken and promised, or whatever they have voluntarily proffered, in accordance with their dignity». Translate instead: «We command that all quaestors and praetors living in country districts shall fulfil their duty (in providing games: munus dare) as they have undertaken and promised, according to the notification by the tax assessment office in accordance with their dignity or what they have voluntarily proffered». The law insists on discharging the financial commitments but no longer on the appointees' duty to come from the agri to Rome. Like in the law of 372, future quaestors and praetors, when notified of their nomination, can either commit themselves to the strict legal minimum as determined by their fiscal status or promise a more lavish contribution.

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senatorial appointees to Rome and threatened the absent with the imperial severitas (§§4-5). What matters for our argument, however, is the evidence that is was the senate which administrated, through its own Treasury, the games of the absent. It was only natural that the indigent quaestors were «associated» with the same area. Moreover, the law of 372 presents this association as initiated not by the emperor but by a «provision and decree of the distinguished senate»; the emperor was to approve the measure and to define the modalities of its application. Such initiative — which involved, as far as one can judge from the wording of the law, no appeal to the imperial generosity — would only be appropriate if the senatorial Treasury, not the fisc, was to assume its cost.

A slightly earlier text reveals the logic of the solution devised in 372. It suggests that the involvement of the senatorial Treasury in organizing and financing games in Rome was not, in itself, a novelty. The so-called Calendar of 354 features ten days of games in the month of December of which six are marked as munus arca(e) and two as munus kandida(torum) I57 The students of the text identify the area as the fisc. As a recent commentator put it with emphasis: «Eight of the ten fixed days for gladiatorial combat in December were devoted to the imperial cult. The imperial treasury financed these games, and the priests of the imperial cult were in charge of their celebration.» 158 It is not clear to me why these games should be linked to the imperial cult. However, the evidence quoted above makes it plausible that the area which paid for the games was the Treasury of the Roman senate, designated as area in CTh VI 4, 21 and as area publica in the Historia Augusta.159 Thus even before this Treasury was called, in 372, to subsidize individual indigent quaestors, it had stepped in to finance games which could no longer be charged to the candidates available.

The texts which I cite have often been commented and juxtaposed in part, yet they only produce a coherent view once they are all put together. The relief measure for the indigent candidati announced in CTh VI 4, 21, 6 is the one alluded to by Symmachus a propos the quaestorius candidatus Val. Fortunatus; it introduces the division of quaestors in two groups which inspired the passage in the Historia Augusta. The area mentioned in the law is the same which financed most of December games already in 354; one of its departments will later specifically be called area quaestoria.

157. Ed. Th. MOMMSEN, Corpus Inscriptionum Latinarum, I, Berlin 1863, p. 407. 158. M. R. SALZMAN, On Roman Time. The Codex-Calendar of 354 and the Rhythms of

Urban Life in Late Antiquity, Berkeley 1990, p. 179, cf. p. 123 for a statement that financing the games designated as munus arca(e) was «the privilege of the emperor». Note, however, the review by J.-M. CARRIE and N. DUVAL, Antiquité tardive 2, 1994, p. 299, who observe that in Salzman's study, «le rôle de l'État et de l'empereur dans le financement des jeux paraît surévalué». The identification of the arca in the Calendar as the imperial fisc is supported with a reference to the arca fisci in the Historia Augusta by CHASTAGNOL (cited n. 143), p. 243.

159. Historia Augusta, Divus Aurelianus, XX, 8, ed. CHASTAGNOL, p. 990.

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The new interpretation of CTh VI 4, 21, 6 has implications in several fields. It establishes the precise historical inspiration for Alexander Severus' pretended reform, thus adding one more terminus post quem for the Historia Augusta (372) and enhancing our understanding of the author's method of writing history. The fact that in §6 the candidati submit a declaration of means (professio), procedure which prepares a formal enrollment in the senate, vindicates Jones' view that exercising quaestorship gained access to the senate of Rome, as against Chastagnol who believed that its membership was only open to praetors.160

2. The recruitment procedures as a divider between the two senates

The most obvious sign that the temonarii in the preamble of CTh V I4 , 21 are none others than praetors in making is that the procedure for their designation ten years in advance, introduced in Rome in 372, copies the one applied to the praetors-designate in Constantinople since 361: ante decennium legitime senatus consulto praetores designati editionem praeturasque ipsas senatus arbitrio sortiantur.161 This analysis, which goes back to Gothofredus and is shared by several recent authorities,162

has implications that should be clearly stated. The use of the term temonarius indicates that the praetorship is conceived as a collective charge. This is why the temonarii are appointed together with their «associates» {socii). Both the temonarii and their «accomplices» (conplices) are summoned to bear each his respective charge: non modo temona[riiJ, verum conplìces quoque eorum in exhibitionem p[ro]prii muneris urgueantur. The term socii recurs, in the context of military levies, in the law of 375, in which the temonarius produces a recruit suo

sociorum nomine (CTh VII 13, 7, 2). Yet the striking structural parallelism between the procedures set up in the two laws should not mislead us into thinking that both deal with the draft. The term exhibitio muneris used in the preamble is most explicit and designates the organization of games.

The transformation of praetorship into a collective charge fits in the general logic of the law. Its aim is stated in the final clause: «Of course, We do not prescribe by any law the (free) decision of those who, in consideration of their patrimony and by the merit of their birth, do not refuse to expend enormous sums in accordance with the splendor of their honor. We rather consider it necessary to provide by this oration for those who not only need to be admonished least they evade their charge, but should (also) be encouraged by the cheapness and the moderation of the prescribed expenses.» The law introduced a comprehensive package of relief measures of which the one applied to quaestors has been

160. JONES, LRE, p. 530, citing the case of Valerius Fortunatus {supra, n. 147) whose whole purpose in exercising quaestorship was to become a senator; CHASTAGNOL (cited n. 143), p. 243-244.

161. CTh VI4, 13, 2; elaborated in 4, 22 of 373. 162. See n. 137 above.

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identified above. The law moderated as well «the prescribed expenses» of praetors who bore a much heavier financial burden. Those who did not have the means to present the games with the traditional splendor could now opt for discharging the munus at a discount.

We can only guess how the shared praetorship worked in practice. The temonarius must have been responsible for the actual organization and the «exhibition» of games. He earned the cheers of the crowd, yet his associates were, no doubt, glad to give up this honor if this dispensed them from traveling to Rome. There is no way to know into how many parts the three nominal praetorships could be split and how many praetors this system produced every year. What should be noted, however, is that the Roman model of shared praetorship inspired imitation. In October 384, Theodosius I reformed the praetorship in Constantinople (CTh VI 4, 25). He doubled the number of praetors from four to eight and organized them in pairs. The first praetura, named after Constantine and Constantius, was collectively (per duos) liable for 1000 pounds of silver, the second pair, named after Theodosius and Arcadius, owed the same amount, the next two couples were liable for 450 and 250 pounds respectively. One aim of this arrangement is clearly stated: it reduced the charges by a half. A couple of praetors was now liable to spend as much money as one praetor spent beforehand alone (ac bini posthac incipiant agnoscere, quod singuli antea transigebant). Theodosius also specified that each associate should contribute half of the prescribed amount. If, nevertheless, he did not define the praetorship as eight separate charges, he certainly had another idea in mind which is also implicit in the temonarii-scheme. A collective munus needs, in order to be validated, to be discharged in full. The praetors who received a collective credit for their service became mutual garantors for the provision of funds.

Our analysis of CTh VI 4, 21 revises André Chastagnol's recently stated view of the relations between the senate in the West and the late-fourth-century emperors. Chastagnol opposes the emperors' «politique de ménagement» towards the senators of Constantinople, which consisted in moderating the cost of their games, to a systematic defiance of the Roman senators subjected to constantly growing ceremonial expenses.163 CTh VI 4, 21 is quoted to illustrate the latter attitude, as Chastagnol alleges that Valentinian I only studied but did not actually implement the relief measures announced.164 This confrontational view is due to the fact that neither the distinction between quaestors and

163. CHASTAGNOL (cited n. 143), p. 272-275; cf. IDEM (cited n. 137), p. 248-250. 164. CHASTAGNOL (as in n. 163), p. 272 and idem, p. 248: «Valentinien promit bien

d'étudier cette question, mais ne décida rien» (with a wrong reference each time to CTh VI, 4, 13, instead of 4, 21). It is true that in the §6 the emperor postpones the ruling on the rate of reduction for each indigent candidatus until he learns of their exact fiscal status, yet this technical delay does not change the fact that the relief measure is approved in principle.

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praetors in the law nor the specific relief mechanism devised for each of these categories were heatherto properly understood. In fact, Valentinian I is most emphatic in announcing the sumptuum ... moderatio and there is no reason to believe he lies.

The emperors had surely no intention to defy the senators in either pars imperii, yet they dealt with very different senates. This is the place to insist on this discrepancy, neglected by scholars, since the procedures we study are one of its major indicators. As it follows from the data presented, the senates' reproductive mechanisms differed greatly in the West and in the East.

The Roman senate, on whose membership we cannot put a figure,165

possessed an unlimited capacity of self-reproduction. The institution of quaestorship allowed every scion of a senatorial family to claim, at a fee, his place in the ordo. The law of 372 made this fee nominal for the less fortunate. The access to praetorship was more onerous and numerically restricted, yet the splitting of this charge in 372 opened it for a greater number of career-oriented young senators. By way of contrast, the senate of Constantinople, which counted two thousand members in the early 360s, was deprived of quaestorship and only disposed of three (340), five (361), four (372), or eight (384) praetorial positions per year.166

Even the latter numerus clausus would only allow for the replacement of ten percent of the senators within one generation (25 years). Thus the Eastern senate's capacity for the hereditary transmission of status was négligeable indeed. This feature is by no means accidental and hangs closely with the senate's origin.

The decision to expand more that sixfold the number of eastern senators was taken when Constantius II ruled over both partes imperii and, therefore, can hardly be explained in terms of competition between East and West.167 The emperor's policy finds a likelier explanation in one peculiar feature of the eastern praetorship. In his study of the senate of Constantinople, Paul Petit has justly observed that «la preture n'est plus au IVe siècle qu'un impôt déguisé»,168 but he did not comment on the destination of this tax. And yet a series of laws shows that unlike in the West, the money produced by the eastern praetors was only partly spent on games. The other part of it was dedicated to the construction works in the capital (CTh VI 4, 13; 29-33). Nothing suggests that in the

165. The number of 2000 senators is often quoted, allegedly imputable to a drastic increase in the membership of the Roman senate by Constantine I, see most recently CHASTAGNOL (cité η. 143), p. 236-237. This estimate, however, has no real foundation and could probably be divided at least by half.

166. DACRON (cited η. 70), p. 150-152. 167. DACRON (cited n. 70), p. 126. 168. P. PETIT, Les sénateurs de Constantinople dans l'œuvre de Libanius, L'Antiquité

classique 26, 1957, p. 347-382, see p. 370; cf. A. A. CEKALOVA, Pretura: osnova komplektovanija senata Konstantinopolja ili nalogovoe bremja senatorov?, Vizantija i srednevekovyj Krym, Barnaul 1992, p. 37-45.

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late 350s and the early 360s, as the senate of Constantinople recruited new members by hundreds and gradually claimed their praetorial dues,169 games were more frequent and splendid than usual. The three, then five praetorial grades functioned at the time as mere tax-brackets to which newly created praetors were assigned according to their census; their duty was to pay rather than to perform a service. 17° The money gathered by the senate's leader, the praefectus urbi, was, no doubt, mostly spent on the building projects in the capital.

Cyril Mango observes «les signes d'une croissance urbaine considérable» in Constantinople at the end of the reign of Constantius

. Libanius, in a letter to praefectus urbi Honoratus datable to 360-361, speaks of the same,172 and it is no coincidence that he makes his remarks in the context of a plea concerning the praetorial charges. The income produced by these charges can be approximately calculated. The average praetor's fee, before Theodosius I cut it by half in 384, was (1000+1000+450+250):4 = 675 pounds of silver which equal 3375 solidi. Assuming that it was paid by fifteen hundred new senators, the income would be 5,062,500 solidi. This is a high estimate since mass recruitment probably produced relatively few candidates who fell in the highest tax bracket. But even if we set the average contribution at 500 pounds of silver = 2500 solidi, the total income would still be 3,750,000 solidi. Thus the massive expansion of the Eastern senate ca 360 was actually tantamount to a huge development tax for Constantinople which injected in its public projects about four million solidi (more money was

169. The law which granted the newly enrolled senators a delay in paying the praetor's dues — a crucial privilege given the amounts involved {infra) — is quoted, in 360-361, by Libanius, Ep. 251, ed. R. FOERSTER, X, Leipzig 1921, p. 238: τοΰ νόμου μεμνημένον, oç τοις άρτι δεδομενοις ύμίν εδωκεν άναβολήν (...). Libanios hardly has in mind the law of May 3, 361 (CTh VI4 , 13) which introduced a waiting period of ten years between the nomination to the praetorship and its execution; he probably refers to an earlier measure, not preserved in the codes, which accorded a more limited delay.

170. This misuse of praetorship produced a confusion in PETIT (cited n. 168), p. 366-370, who cites Libanius' letters 40, 70, 251, 252, 265, 1277 as related to the senatorial surtax (gleba), while in fact they deal with praetorial charges perceived as a tax. JONES, LRE, p. 431, n. 51 (p. 1177) recognized that Ep. 1277 has for subject the exaction (εισπράττεσθαι) of praetorial dues (it mentions at least four levels of imposition which existed, ca 365, for praetors but not for the gleba); thus he invalidated implicitly Petit's basic distinction between the allegedly fiscal (εισπράττεσθαι) and praetorial (λειτουργείν) vocabulary. Jones maintained the distinction, in Ep. 251-252, between matters related to the gleba (φορά) and to the praetorship (λειτουργία), yet it is hardly convincing either. The entire series of Libanius' letters dedicated to the transfer of a certain Olympios from the senate of Rome to Constantinople (notably Ep. 70, 251-252, 265) deals, essentially, with the latter's assignment to the most expensive grade of praetorship which would cost him at least 5000 solidi (infra); any problem related to gleba — a few scores of solidi per year at the most — would pale in comparison, and I see no mention of it in the texts.

171. C. MANGO, Le développement urbain de Constantinople (iv*'-vıf siècles), Paris 1985, p. 37.

172. Libanius, Ep. 251, §11, éd. FOERSTER, X, p. 238.

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spent privately by senators obliged to settle in the capital). This campaign, appropriately dubbed by Libanius ή άπο Θράκης ε'ισπραξις», was perceived as a considerable hardship.173 Its fiscal aspect was foremost in the emperor's mind, as shows his insistence, in a law of 359, that no senator should try to escape the praetorship.174

The circumstances of the Eastern senate's birth explain why it was all but deprived of means of self-reproduction. Its membership was, essentially, a personal promotion. Valens' law of 371 (CTh XII 1, 74) is explicit on this point. Senators of curial origin — that is, the vast majority of members of the eastern senate — were ordered to register a son, or the son if they had only one, in the curia of their native city. The law stipulated that this rule only applied to sons born before their fathers' admission to the senate, yet it was promulgated only ten years after the end of the mass recruitment campaign which probably had brought in very few new members who did not already have children. What is more, certain categories of senators of more recent promotion could be recalled to their curiae if they did not have sons. Logically enough, the emperor who issued this law also integrated, four years later, the senatorial properties in the landowners' consortia together with the lands of decurions and plebeians (supra). Thus unlike in the West, neither the person and the family nor the property of an eastern senator were definitively emancipated from the curia.

Synesios of Cyrene mentions a certain Magnus, «son of a senator, whose entire property was subjected to the city liturgies» (πους ανδρός λαμπρότατου, απασι τοίς ουσι λελειτουργηκος ђ πόλει).175 Such explicit contrast is rare, but not senators' sons who failed to inherit their fathers' status. The same Synesios cites the case of his relative Herodes, a young man of senatorial origin who inherited his father's estate, which was subjected to the gleba, and then was appointed governor and promoted to the senate. He was required to pay a tax as a new senator (συντελεϊν ωσπερ οι νεόβουλοι) despite the fact that his property produced a tax to the senate, and this, as Synesios pointed out, was not fair.176 Jones related this case to a series of contemporary laws which present the gleba as a tax attached to land rather than to the person of its owner, thus obliging a buyer of a senatorial property to continue paying it whatever his personal status.177 What Jones did not notice is that all these laws were promulgated in the West where senatorial properties

173. Libanius, Ep. 34, ed. FOERSTER, X, p. 31; other references in DAGRON (cited n. 70), p. 130-131.

174. CTh VI 4, 15. Libanius, Ep. 252, ed. FOERSTER, X, p. 240, admits that, unlike in Rome, there is no such thing in Constantinople as total exemption from the praetor's fee and only argues for a low rate for his protege, Olympius.

175. Synesius, Epistolae, 72, ed. GARZYA, p. 129. 176. Synesius, Epistolae, 35, ed. GARZYA, p. 48. 177. JONES, LRE, p. 431, n. 51 (p. 1177), citing CTh 2, 21 (398); 22 (401); 24 (417);

X I V 3 , 10(368).

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were firmly established as a fiscal category apart; such ruling would be out of place in the East and there is no evidence that it was applied there. In Herodes' case, the events described by Synesios seem to have followed closely one upon another and the young man was probably promoted senator — and subjected to a praetorial fee — before his father's land was deleted from the senatorial register.178 But this case is mostly instructive in showing that Herodes, son of an eastern senator, only becomes a senator when he obtains a position which carries a senatorial rank in its own right.

The enrollment in the senate of Constantinople remains a personal distinction which can be solicited as honorific or obtained by right upon promotion to certain administrative or military positions or upon retirement. This concept of senatorial rank is different from the one perpetuated in West and represented in the Historia Augusta. Senators's sons claim their place in the senate as quaestors; if they bear the full cost of quaestorship and then become praetors, they are entitled to be appointed governors. The Notitia Dignitatum of the West, roughly contemporary with the Historia Augusta, maintains the division of provinces into senatorial, governed by twenty five clarissimi consulares and correctores, and non-senatorial, governed by thirty one praesides who bear the equestrian rank of perfectissimi.179 This distinction might have been diluted in practice, but this is no reason to dismiss the testimony of the Notitia on the praesides' nominal rank as «uncorrected anachronism». 18° In this dual system inherited from the Principate, exercising an appropriate governorship was a step in the career of a member of the senatorial order. In the East, the appointment as governor was, on the contrary, the most common entry ticket to the senate.

Unlike the senate of Rome, inherited by emperors, the senate of Constantinople was an imperial creation, forged for the most part by Constantius II and Valens. This is why it took the shape not of a hereditary order, endowed with right to transmit the membership to sons and grandsons of the first members, but of an assembly selected by wealth and merit, soon reserved exclusively to the highest state servants. Deprived by design of a capacity of self-reproduction, it depended on imperial nominations to bring in new members. This remained the essential feature of the Byzantine senate in the centuries to come, key to the constant renewal of the early Byzantine aristocracy.

178. PLREII, s. n. Herodes 2, p. 551, recognizes that the tax imposed on Herodes was the praetorial fee (an acting official of senatorial rank, like Herodes who was appointed governor, could escape the praetorship through adlectio, but this was by no means a general privilege, see CTh VI 4, 28 of 396), yet denies Herodes' father his senatorial dignity which is clearly stated in the text.

179. Notitia Dignitatum, Oc. I and XLIII-XLV, ed. O. SEECK, reprint Frankfurt am Main 1962, p. 104-105, 220-224.

180. So JONES, LRE, p. 528-529, especially n. 12 (p. 1221).

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* * *

Lev Nikolaevich Gumilev, an emblematic intellectual figure of perestrojka-time Russia, discovered the way the peoples emerged. Carried by a single «passion», a human group forges a common identity, conquers a space for itself, creates a state. The people lives as long the passion charge (passionarnosť) lasts. Gumilev traced the emergence of the «Byzantine people» to a passionate group of Christians in Asia Minor in the second century A.D., followed its formation from the second to the fourth century as well as its subsequent maturity and degeneration Few byzantinologists know of this discovery and I quote it here to compensate for the fact that of the triad mentioned early in this study — people, army and senate —, the people has been neglected. Leaving the people aside, this study concentrated on the two major secular institutions of the Eastern empire: the army and the senate. Both grow directly out of the institutions of the imperial Rome, yet both have a distinctive start and acquire distinctive features. Their shaping in the 360-370S marks in the clearest way the emergence of a new state which we call, by convention, Byzantium.

APPENDIX. RECRUIT'S FATHER-TEMONARIUS IN THE ACTA MAXIMILIAN!

In his survey of the late imperial recruitment procedures, Erich Sander only noted in passing the Acta Maximiliani, allegedly the earliest source to mention the term temonarius, since he suspected this text to be a late medieval forgery.182 This view of the Acta would find no support nowdays; on the contrary, the text is regularly reedited and quoted among the most genuine of the acta sincera, eyewitness accounts of the martyrs' trials and executions.183 Yet a closer look at the military realia represented in the Acta produces a more nuanced appreciation of their historical value.

Maximilianus, a young recruit who refused, as a Christian, to join the army of the Tetrarchs, was executed at the order of Dio, proconsul of Africa, in 295. The Acta's main claim to fame consists in a concise and dignified exposition of Maximilianus' arguments justifying his refusal of military service; the ideological aspect of the text has been amply studied. What interests us, however, is the procedural side of the story, to wit: why Maximilianus was obligated to become a soldier in the first

181. L. N. GUMILEV, Etnosfera: Istorija ljudej i istorija prirody, Moscow 1993, p. 116-119,242, etc.

182. SANDER (cited n. 84), col. 680. 183. See, most recently, The Acts of the Christian Martyrs, ed. and tr. H. MUSURILLO,

Oxford 1972, p. 244-249; Atti e passioni dei maniri, Milan 1987, p. 233-245 (ed. A. A. R. BASTIAENSEN, tr. G. Chiarini: text quoted below).

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place? The problem is not that the Acta omit to answer this question, but that the answers are more than one.

The opening sentence of the text defines a well known procedural framework: Fabius Victor timonarius est constitutus cum Waleriano Quintiano, praeposito Caesariensi; cum bono tirone Maximiliano (...). Thus a temonarius presents a valid recruit to the proconsul in discharge of his liturgical duties. Then suddenly we learn that the recruit in question is the temonarius''s own son: ...cum bono tirone Maximiliano, filio Victoris (...). Much of the subsequent dramatic tension in the Acta builds on the interaction between the father and the son. This relationship implies, however, a very different procedural pattern, to wit the legal obligation of veterans to present their sons for the military service. The two procedures are patently incompatible.

The latter explanation of Maximilianus' «Dienstpflicht» was the first to be produced. Thus Adolf Harnack, for exemple, spoke of «Maximilianus, der der Sohn eines Veteranen und als solcher militärpflichtig ist»;184 this explanation was recently retained by P. Maraval.185 Most of the recent scholars, however, were rather attracted by the technical term temonarius. So A. H. M. Jones insisted on the fact that «the Christian conscientious objector, Maximilianus, was called up in Africa in 295 by the agency of a temonarius»; according to F. Grelle, Fabius Victor delivered his son for the draft in «sua qualità di temonarius».186 P. Siniscalco cited two possible explanations of Maximilianus' plight, but opted for the more elaborate one: «Nella sua qualità di figlio di veterano più probabilmente a causa del nuovo reclutamento fondato sul sistema della capitatio, il giovane sarebbe stato chiamato ad entrare nell'esercito».187 The latter explanation goes back to W. Seston.188 Then finally Peter Brock devised an explanatory scheme which combined both data contained in the text. Fabius Victor, Maximilianus' father, was, indeed, a «temonarius, i. e. "an agent who collected the temo, or tax levied for the outfitting of military recruits"; the latter was obliged to present his son for army service if he could not find another suitable recruit».189

184. A. HARNACK, Militia Christi, Tübingen 1905, p. 84. 185. P. MARAVAL, Les Persécutions durant les quatre premiers siècles du

christianisme, Paris 1992, p. 103. 186. JONES, LRE, p. 60; GRELLE (cited η. 82), p. 9-12. 187. P. SINISCALCO, Massimiliano: un obiettore di conscienza del tardo impero, Torino

1974, p. 31. 188. W. SESTON, A propos de la Passio Marcelli centurionis, in Aux sources de la

tradition chrétienne. Mélanges M. Goguel, Neuchâtel 1950, p. 239-246 (reprinted in IDEM, Scripta Varia, Rome 1980, p. 629-636), p. 241. Seston identifies the praepositus Caesariensis, who accompanied Fabius Victor and his son to Theveste, as praepositus limitis Caesarienis (p. 246).

189. P. BROCK, Why did St Maximilian Refuse to Serve in the Roman Army?, Journal of Ecclesiastical History 45, 1994, p. 195-209, see p. 195, cf. p. 200. The author refers to Harnack (as cited in n. 184), who says nothing of the kind.

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138 CONSTANTINE ZUCKERMAN

Brock's solution introduces a new legal concept: a temonarius becomes liable with his own offspring for finding a valid recruit. If, however, we abandon this fairy-tale logic and stay within the framework of the established administrative practice, the inner contradiction of the Actďs data becomes all the more apparent. No law and no custom would oblige a temonarius, executor of a fiscal duty on behalf of his community, to sacrifice his son. Besides, in the case described, this would be plainly pointless: a recruit executed before enlistment would have to be replaced.

Maximilianus' story clearly implies the protagonists' personal liability for service. This is the situation described in Sulpicius Severus' Vita of Saint Martin of Tours who was «given up» to the military by his father, an officer, in application of the imperial law: Sed tarnen edictum esset a regibus ut veteranorum filii ad militiam scriberentur, prodente patre qui felicìbus eius actibus invidebat, cum esset annorum quindecim, captus et catenatus sacramentis militaribus inplicatus est. 19° The veterans' duty to report their able-bodied sons for service is mentioned as known and established in a law from 313; scholars believe that this legal norm originated with the Tetrarchs.191 The personal character of Maximilianus' engagement is further shown in the episode with the clothes which he, imitating Christ, left to the executioner: Et hilari vultu ad patrem suum sic ait: «Da huic speculatori vestern meam novam quam mihi ad militiam praeparaveras (...)». The vestis belongs to Maximilianus and his father and they can freely dispose of it. This would not be the case of a vestis militaris acquired by a temonarius on behalf of the tax-payers: it would have been given to another recruit.

H. Musurillo observed on the Acta Maximiliani: «Though the details remain puzzling, there seems little doubt but that we have here a document of great antiquity of the order of the Acts of the Scillitan Martyrs, or the Acts of Cyprian».192 But in the study of ancient acta, the devil is in technical details! They show that the text combines and confuses two distinct recruitment procedures and this confusion reflects, in my view, two stages in the Actďs creation.

In the original version, Fabius Victor reported his son for service in his capacity as a veteran. This created a contradiction between Maximilianus' unconditional condamnation of the military service as evil on the one hand, and his attitude to his father, a Christian whom he expected to meet in heaven, on the other hand. This was at least one of the reasons why a later editor put the events in a different procedural and conceptual framework which is, basically, resumed, in the first and in the

190. Sulpice Severe, Vie de Saint Martin, II, 5, ed. tr. J. FONTAINE, I, Paris 1967, p. 254. Martin's father reported him for service before the legal age of sixteen {CTh VII 22, 4), because he was unhappy with his son's Christian devotion.

191. CTh VII 22, 1 (the manuscript date of 319 is corrected by Seeck); see JONES, LRE, p. 614-615.

192. MUSURILLO (cited n. 183), p. XXXVII.

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TWO REFORMS OF THE 370s 139

last sentences of the Acta. At the start, Fabius Victor timonarius est constitutus (...) cum bono tirone Maximiliano. At the end, pater autem eius Victor regressus est domui suae gaudio magno, gratias agens Deo quod tale munus Domino praemisit. Delivering Maximilianus for martyrdom becomes a voluntary offering to God on the part of his father (tale munus Domino praemisit) in his capacity of a temonarius. The new script fits the practice of the late fourth and of the early fifth century (in the West), when a temonarius no longer needed to find a volunteer but could force into service un unwilling recruit (supra). This was probably the time of the Acta's revision, and the historians of the African church will have no difficulty in defining the milieu which produced it.

Constantine ZUCKERMAN Collège de France - UMR 7572

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HÉLÉNA NOTARA GATELIOUSAINA D'AINOS ET LE SANKT PETERBURG BIBL.

PUBL. GR. 243

Thierry GANCHOU

Résumé: Des documents génois inédits permettent d'identifier la dernière souveraine d'Ainos. Veuve de Giorgio Gattilusio (t 1449), fils aîné de Palamede d'Ainos, cette prin­cesse était l'une des quatre filles du célèbre Loukas Notaras. Héléna Notara Gateliousaina était par ailleurs propriétaire de l'actuel Sankt Peterburg Bibi. pubi. gr. 243, un manuscrit offert par son père et élaboré à Constantinople en 1450, au sein du prestigieux scriptorium des Hodèges. Apparemment remariée à un Kantakouzènos après son éviction d'Ainos, cette sœur aînée d'Anna Notara mourut sans postérité, entre 1459 et 1485, sous le nom monastique d'Euphrosynè.

La chute de la ville d'Ainos (ou Enos, auj. Enez), tombée au début de 1456 entre les mains des Ottomans, ne semble pas avoir eu en Occident, et même à Gênes, un retentissement particulier. Il est vrai qu'au moment de l'événement, la Superbe était déjà sous le coup d'une double perte infiniment plus préjudiciable à ses intérêts économiques immédiats : celle de la Vieille et surtout de la Nouvelle Phocée, dont les riches alu-nières étaient exploitées par la Mahone de Chio, deux places confisquées par le sultan dès la fin de l'année précédente l. Il est vrai aussi qu'Ainos, comme d'ailleurs Phocée la Vieille, n'était pas à proprement parler une

1. Nouvelle Phocée (Foglia Nuova) tomba le 31 octobre 1455, Vieille Phocée (Foglia Vecchia), le 24 décembre, cf. W. MILLER, The Gattilusj of Lesbos (1355-1462), BZ 22, 1913, p. 430. S'il reste la meilleure synthèse pour l'histoire des Gattilusi, ce travail est désormais un peu daté. On lui préférera un article qui propose une analyse renouvelée, à la lumière de nombreux documents inédits tirés des archives d'État de Gênes, Giustina OLGIATI, I Gattilusio, Dibattito su Famiglie Nobili del Mondo Coloniale Genovese nel Levante, Accademia Ligure di Scienze e Lettere 9, Gênes 1994, p. 85-99. Sur Palamede d'Ainos, voir dernièrement Catherine ASDRACHA, Les prétentions politiques de Palamede Gattilusio (1409-1455), seigneur d'Ainos, d'Imbros et de Samothrace, Oriente e Occidente tra Medioevo ed Età Moderna. Studi in onore di Geo Pistarino, I, Gênes 1997, p. 41-45.

Revue des Études Byzantines 56, 1998, p. 141-168.

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142 THIERRY GANCHOU

colonie génoise, mais une principauté, contrôlée par la branche cadette des Gattilusi de Mityléně (Lesbos) ; et quoique dirigée par une famille d'origine génoise, la mainmise de Gênes s'y faisait moins directement sentir que dans ses colonies. En outre, si la ville d'Ainos était sans conteste l'une des plus florissantes de Thrace, elle jouait toutefois un rôle moindre sur la scène du grand commerce international. Sa fortune reposait principalement sur l'exploitation de ses salines, mais la vente de ce sel concernait surtout l'approvisionnement de la Thrace et de la Macédoine. Enfin, à la veille de sa chute, ce commerce se trouvait déjà fortement obéré par les Ottomans : Palamede Gattilusio, seigneur de la ville, ne devait-il pas verser chaque année au sultan les deux tiers du pro­duit des salines et des autres recettes fiscales 2 ? Telles sont sans doute les raisons qui expliquent pourquoi, à Gênes, la nouvelle de la chute d'Ainos ne fut apparemment pas perçue comme une catastrophe compa­rable à celle de la Vieille Phocée, si bien qu'il y a peu d'espoir de décou­vrir un jour, même dans les archives génoises, une relation circonstan­ciée de l'événement.

Le témoignage du biographe grec de Mehmed II, Kritoboulos d'Imbros, comble toutefois les lacunes de la documentation occidentale. Un témoignage d'autant plus précieux que l'homme, on le sait, s'est trouvé très étroitement impliqué dans le règlement politique des affaires égéennes, en sa qualité d'archonte de l'île d'Imbros. Outre la proximité géographique de cette île avec la ville d'Ainos, un lien supplémentaire, politique celui-là, explique l'intérêt de notre chroniqueur: à l'époque de l'événement, Imbros était gouvernée par les Gattilusi d'Ainos, pour le compte du conquérant de Constantinople3. Travaillant en sous-main pour soustraire son île natale à la tutelle, même indirecte, des maîtres d'Ainos — une tutelle qui lui permettait peu en effet de jouer dans l'île

2. Elizabeth A. ZACHARIADOU, La part des Turcs dans les revenus des colonies latines de Romanie, Coloniser au Moyen Âge, sous la direction de M. BALARD et A. DUCELLIER, Paris 1995, p. 348-349.

3. Après la chute de Constantinople, Mehmed II accepta de reconduire la domination de Palamede sur Imbros «sur la base des accords passés du temps du basileus», au prix d'une augmentation substantielle du tribut ; il montra la même mansuétude à l'égard des Gattilusi de Lesbos, KRITOBOULOS D'IMBROS, Critobuli, Imbriotae Historiae, éd. D. R. REINSCH, Berlin 1983, p. 8627"28. De nombreuses sources, tant épigraphiques que littéraires — notamment le témoignage de Ciriaco d'Ancona — confirment en effet qu'au cours du 15e siècle, les basileis furent amenés progressivement à répartir entre les Gattilusi de Lesbos et ceux d'Ainos le gouvernement de leurs dernières possessions égéennes, au nom de la Realpolitik, les Gattilusi étant mieux à même d'en assurer plus efficacement la défense devant les Turcs, cf. Ch. BAKIRTZIS, Trois inscriptions à Kastro (Thasos), Thasiaca, BCH Suppl. 5, 1979, p. 455-466. C'est ainsi que Palamede d'Ainos se vit confier par Jean VIII, dès 1431 au moins, l'île de Samothrace, mais il dut attendre le règne de Constantin XI pour se voir attribuer l'île d'Imbros, Catherine ASDRACHA, Inscriptions byzantines de la Thrace orientale et de l'île d'Imbros (XHe-XVe siècles). Présentation et commentaire historique, Άρχαιολογικον δελτίον 43, 1988 (1995), p. 283. Pour une dis­cussion sur le statut des Gattilusi dans ces îles, ainsi que sur la date plausible de la dévolu­tion d'Imbros à Palamede, voir notes 48 et 53 infra.

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HELENA NOTARA GATELIOUSAINA 143

un rôle politique à la mesure de ses ambitions —, Kritoboulos ne pouvait manquer de suivre avec intérêt, à partir de 1455, les épisodes de la lutte qui déchirèrent les héritiers du vieux Palamede d'Ainos. Des convulsions qui, à l'en croire, furent directement à l'origine de la chute de la ville. On ne saurait donc s'étonner de la précision et du luxe de détails avec lesquels notre chroniqueur, et lui seul, relate les faits 4.

Il nous apprend ainsi que Palamede Gattilusio, qui présidait aux desti­nées de la ville depuis 1409, avait procédé de son vivant au partage de sa succession entre ses deux fils, associant l'aîné au pouvoir comme co-souverain, et réservant à son cadet Dorino la propriété de ses biens sis dans l'île de Mityléně5. Kritoboulos ne donne pas le nom de ce fils aîné, mais deux sources au moins suppléent à cette lacune. La première émane du voyageur historiographe Ciriaco d'Ancona, qui, en 1444, lors d'une de ses tournées dans l'archipel égéen, fut reçu à Ainos par Palamede et ses deux fils, Giorgio et Dorino 6. La seconde est une lettre de condo­léances adressée le 21 novembre 1449 à Palamede Gattilusio par un de ses gendres, le doge de Gênes Ludovico de Campofregoso, pour la mort prématurée de son fils Giorgio, survenue très récemment7.

Kritoboulos confirme a posteriori le décès de Giorgio, soulignant que lorsque «ce fils aîné était encore en vie, le père lui avait donné pleine autorité» et qu'après sa mort, «Palamede nomma alors dans son testa­ment Dorino ainsi que la veuve de feu son frère aîné et ses enfants comme cohéritiers de tous ses biens et ses successeurs au pouvoir». Il précise cependant que le vieux souverain «avait octroyé la plus grande part à la veuve et à ses enfants, puisque le pouvoir avait appartenu en droit à son fils aîné»8.

Or, lorsqu'intervint le décès de Palamede, en 14559, «Dorino, au mépris de la justice et du testament de son père, et même de sa propre

4. Doukas, en sa qualité de secrétaire et ambassadeur attitré des Gattilusi de Mityléně auprès de la Porte, devait être aussi bien renseigné que Kritoboulos sur les circonstances qui présidèrent à la chute d'Ainos. Il se contente cependant de mentionner froidement l'événement, DOUKAS, Ducas, Istoria Turco-Bizantină (1341-1462), éd. V. GRECU, Bucarest 1958, XLIV, 8, p. 41819"21.

5. KRITOBOULOS D'IMBROS, op. cit., p. 10133-1021. 6. W. BODNAR - C. MITCHELL, Cyriacus of Ancona's Journeys in the Propont is and the

Northern Aegean 1444-1445, Philadelphia 1976, p. 41 : «Ad V Kal. Novemb. ex Imbro insula Lemnea devectus cymba, Aenum antiquam in Thracia ab Aenea profugo conditam civitatem venimus, ubi Palamedem Gatalusium, eiusdem urbis et Samothracem princi­pem, duobus cum filiis Georgeo ac Dorino invenimus...»

7. A. LUXORO - G. PINELLI-GENTILE, Documenti riguardanti alcuni dinasti dell'Arcipelago, pubblicati per saggio di studi paleografici, Giornale ligustico di Archeologia, Storia e Belle Arti 5, 1878, p. 349-350 : «Domino Enii. Magnifice ac potens tamquam pater carissime. Nuntiatus nobis fuit his diebus obitus magnifici nati vestre dominationis cognati nostri domini Georgii, quem vehementer ut equum est doluimus ; nam is erat nobis non solum cognatus sed frater, in quo et pro vobis et pro nobis multa sperare posse videbamur...»

8. KRITOBOULOS D'IMBROS, p. 10127 '33. 9. Si nous ne connaissons pas précisément la date du décès de Palamede, du moins

l'année 1455 est-elle sûre. Et d'après un document génois, on peut soutenir qu'il était déjà

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sécurité, car il eût été tranquille s'il avait respecté les droits des enfants de son frère et ceux de leur mère, écarta la femme et ses enfants, et s'em­para injustement de tous leurs biens privés ainsi que de la pleine auto­rité» I0. Et Kritoboulos de relater les différentes tentatives de conciliation de la veuve spoliée, toutes vaines, au point que la malheureuse, ayant épuisé tous les recours possibles, dut se résoudre à une démarche dont elle mesurait pourtant le danger: aller porter directement le litige à Andrinople pour solliciter l'arbitrage du sultan, suzerain suprême d'Ainos.

Les craintes de la souveraine étaient justifiées, car Mehmed II trancha le différend d'une manière toute personnelle : il prit lui-même la tête d'une expédition terrestre, improvisée en toute hâte, qui quitta Andrinople le 24 janvier 1456, et s'empara d'Ainos, déjà bloquée sur mer par une partie de la flotte. Kritoboulos s'attarde ensuite sur le sort de Dorino II Gattilusio, qui réussit au moins à sauver sa tête dans l'entre­prise. Assez étrangement toutefois, il ne dit plus rien sur la veuve de Giorgio Gattilusio, dont on ignore ainsi le sort ultérieur.

L'identité de cette princesse n'est pas révélée non plus par notre chro­niqueur. À notre connaissance, aucun historien ne s'est essayé à des ten­tatives d'identification. L'intérêt d'ailleurs en paraissait mince, car la dis­crétion de Kritoboulos d'Imbros ne permettait guère de penser à autre chose qu'à une princesse d'origine latine, probablement issue d'un lignage marchand génois u . Rien en particulier ne laissait supposer que la dernière souveraine d'Ainos ait pu être, comme la première12, une Grecque de haute lignée. Un document tiré des archives d'État de Gênes nous permet aujourd'hui de jeter quelque lumière sur ce personnage jus­qu'ici anonyme : la malheureuse veuve de Giorgio Gattilusio avait pour nom Héléna, et se trouvait être l'une des filles du célèbre Loukas Notaras, mégadoux et dernier mésazôn à Constantinople.

mort le 27 octobre 1455. Ce jour-là en effet, à Gênes, Valentina, dernière fille de Palamede à contracter mariage, rédigeait son testament, dans lequel elle est dite fille de feu Palamede d'Ainos, Giustina OLGIATI, I Gattilusio, op. cit., p. 95-96, n. 39. Il est pos­sible que Valentina apprît la mort de son père une fois arrivée à Gênes, mais peut-être était-il déjà mort lorsqu'elle s'embarqua d'Ainos.

10. KRITOBOULOS D'IMBROS, p. 1021"6. 11. Les Gattilusi d'Ainos comme de Lesbos multiplièrent notamment les unions avec

des Doria, et cela sur plusieurs générations. Des actes génois inédits évoquent au 15e siècle leurs «propinqui et attinentes ex albergo nobilium de Auria».

12. Maria Palaiologina, sœur du basileus Jean V et épouse du fondateur de la dynastie des Gattilusi, Francesco I., cf. Prosopographisches Lexikon der Palaiologenzeit (PLP), éd. E. TRAPP, Vienne 1976 s., n° 16888. Bien des points de la biographie de cette prin­cesse demeurent obscurs. Cela dit, ce n'est pas le seul cas où Kritoboulos tait l'origine grecque d'une princesse mariée à un dynastę étranger. Si l'on ne disposait que de son seul témoignage, on ignorerait par exemple que l'épouse du despote serbe Djuradj Branković était Eirènè Kantakouzènè, ou que celle du despote Lazar était Héléna Palaiologina, fille du despote de Morée Thomas. Dans sa chronique, ces princesses n'ont jamais droit à la mention explicite de leur nom et ne sont que l'épouse, la fille ou la veuve d'un souverain.

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HELENA NOTARA GATELIOUSAINA 145

C'est en 1459 qu'eut lieu, à Gênes, le règlement de la succession de l'héritage génois de Loukas Notaras, à l'occasion d'un procès intenté par Anna Notara à rencontre de Giovanni de Chiavari, curateur des biens de son père, procès dont nous publierons les actes ultérieurement. L'unique fils survivant du mégadoux, Iakôbos, se trouvant écarté de la succession paternelle du seul fait de sa conversion à la religion musulmane, l'héri­tage fut dévolu aux quatre filles de Loukas. Et parmi elles, les actes men­tionnent «Elena, ohm filia dicti quondam domini Luce, et uxor quondam magnifici domini Georgii Gateluxii, Ennii domini» 13.

L'identification de ce Giorgio Gattilusio, seigneur d'Ainos, avec le fils et co-souverain de Palamede ne semble pas douteuse. Quant à son épouse, Héléna Notara, devenue Héléna Gattilusio (Gateliousaina) par ce mariage, si rien, jusqu'à présent, ne laissait présager de son identité, il est à relever cependant que le PLP consacre une notice à une certaine «'Ελένη Γατελιούζαινα, Herrscherin von Ainos/Thrakien» 14. Le pro­blème, c'est que les rédacteurs de ladite notice placent son existence autour de 1400. La référence à cette princesse est, en effet, bien mince. Elle provient de six codices grecs constituant la tradition manuscrite d'une compilation spirituelle élaborée au début du 13e siècle, et connue sous le nom de «Livre II de l'abbé Isaïe». Aucun de ces six manuscrits n'est contemporain de l'œuvre d'Isaïe et, telle qu'elle est établie actuel­lement, cette tradition manuscrite s'échelonne entre le 14e et le 17e siècles 15. Et, sur chacun de ces témoins, sous le titre de l'ouvrage, βιβλίον δεύτερον του άββα Ήσαΐου, on trouve ces mots : Βίβλος καλλίστη 'Ελένης Κατελούζενας κυράς μεγάλης Αίνου πεμφθέν έκ πατρός προς γλυκύτατον τέκνον φαΐνον, παραινούν, νουθετούν τε και λέγον εί θέλεις τέκνον...16.

Tout ce que l'on peut dire avec certitude, c'est que cette mystérieuse souveraine d'Ainos était la propriétaire d'un manuscrit de l'œuvre d'Isaïe, copié pour elle à la demande de son père ; et que de ce manuscrit initial dépendent tous les témoins parvenus jusqu'à nous, sans qu'il puisse être exclu, bien sûr, que l'un d'eux ne soit l'original lui-même. Avant de poursuivre, signalons qu'il n'est pas dans notre intention de nous pencher sur l'étude d'un texte jugé du reste par son principal com­mentateur comme «une des plus méchantes productions d'une littérature où elles ne manquent pas» 17. Disons simplement que ce Livre II de

13. ARCHIVIO DI STATO DI GENOVA (ASG), Archivio di San Giorgio (SG), Primi Cancellieri, busta 99, e. 97 : «Anna Natara contro Gio. de Chiavari curatore dell'eredità lasciata da Luca Natara.» 11 s'agit d'un dossier áz filze non folioté, chaque filza contenant les minutes du procès qui se déroula de mai à octobre 1459. L'extrait est tiré d'un docu­ment daté du 18 juin in vesperis.

14. PLP, n° 3581. 15. La tradition manuscrite a été établie par J. GOUILLARD, Une compilation spirituelle

du siècle, E0 38, 1939, p. 73. 16. IDEM, p. 79. 17. IDEM, p. 90. Signalons en effet que I. Hausherr a donné, lui aussi, un autre com­

mentaire de l'œuvre d'Isaïe (Le Métérikon de l'abbé Isaïe, OCP 12, 1946, p. 286-301), mais sans faire référence au travail antérieur de Gouillard.

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146 THIERRY GANCHOU

l'abbé Isaïe se présente sous la forme d'un directoire spirituel adressé à la nonne Theodora, fille de l'empereur Isaac Ange, vers 1204. Car ce qu'il importe ici, c'est de décider si, oui ou non, il nous faut renoncer à identifier cette 'Ελένη Κατελούζενα, κυρα μεγάλη Αίνου, à l'épouse de Giorgio Gattilusio.

Si l'on considère la période de la domination des Gattilusi sur Ainos, soit 1382-1456 18, on peut écarter d'emblée deux manuscrits comme trop tardifs : le Panteleimonos 578 {Athos 6085), du 17e siècle 19, ainsi qu'un manuscrit appartenant à l'I.F.E.B.20, daté de 1787. Restent donc en lice quatre manuscrits, deux du mont Athos, le Xenophontos 34 (Athos 736), daté du 14e siècle par Lambros21, et Ylviron 532 (Athos 4652), daté par le même auteur du 16e siècle22, un manuscrit de Lesbos, le Ioann. Theol. 9, daté du 14e siècle par Papadopoulos-Kerameus 23, et un manus­crit conservé à Saint-Pétersbourg, le Sankt Peterburg Bibi. pubi. gr. 243 24, qui porte, lui, la date de 1450.

Penchons-nous tout d'abord sur le cas du Ioann. Theol. 9, prétendu­ment daté du 14e siècle. Dans un article récent, S. Kofopoulos, se propo­sant de réviser la généalogie des Gattilusi, dit avoir examiné le manuscrit in situ, et, constatant que son écriture date du 14e siècle, il a identifié cette 'Ελένη Κατελούζενα, κυρα μεγάλη Αϊνου comme étant sans l'ombre d'un doute l'épouse du premier dynastę Gattilusio d'Ainos, Nicolò I (ca 1384-1409), pour des raisons de chronologie évidentes. Or il est manifeste que, ce faisant, il ne s'est livré à aucune étude sérieuse du manuscrit, se contentant de reprendre tout bonnement la datation pro-

18. Nicolò I est attesté comme seigneur d'Ainos en 1384, mais deux lettres de Kydonès témoignent clairement du fait que la ville était déjà entre les mains des Gattilusi en 1382, KYDONÈS, Demetrios Kydones, Briefe , éd. et trad. F. TINNEFELD, Stuttgart 1991,1, 2, Τ 218 p. 195-196, Τ 219 p. 197-199. Cette année-là en effet, c'est sans enthousiasme que Dèmètrios Kydonès se rendait auprès de son ami Francesco I Gattilusio de Lesbos, sur l'ordre de Jean V, pour négocier avec lui le retour de la ville d'Ainos à l'Empire, une démarche qui n'aboutit pas. On peut donc supposer que la conquête, ou plus vraisembla­blement la cession, de la ville aux Gattilusi fut le fait d'Andronic IV, entre 1376 et 1379. Mais il est aussi possible que Francesco I ait profité de la situation trouble des années 1379-1381, avant la conclusion de la paix de Turin, pour s'emparer d'Ainos à un moment où le pouvoir impérial n'était pas encore fermement revenu entre les mains de Jean V.

19. S. P. LAMBROS, Catalogue of the Greek Manuscripts on Mount Athos, Cambridge 1900, II, p. 400.

20. C'est d'après ce manuscrit, le seul qu'il ait pu consulter, que Gouillard a bâti son analyse de l'œuvre de l'abbé Isaïe, J. GOUILLARD, Une compilation, p. 73. À la note 6, il en donne une description.

21. S. P. LAMBROS, Catalogue of the Greek Manuscripts on Mount Athos, Cambridge 1895,1, p. 64.

22. Ibidem, II, p. 165. Lambros y signale par ailleurs une date portée sur le manuscrit : 12 mai 1587.

23. A. PAPADOPOULOS-KERAMEUS, Κατάλογος τών έν ταίς Βιβλιοθήκαις της νήσου Λέσβου ελληνικών χειρογράφων, in Μαυρογορδάτειος Βιβλιοθήκη, Παράρτημα τοΰ ΙΖ'τόμου, 1884, ρ. 149.

24. G. ZERETELLI, De compendi'is scriptura cod. gr., Saint-Pétersbourg 1896, p. 221 ; E. GRANSTREM, Katalog greceskich rukopisej Leningradskich chranilišc, W 9, 31, 1971, p. 143-144.

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HELENA NOTARA GATELIOUSAINA 147

posée autrefois par Papadopoulos-Kerameus, sans chercher à l'asseoir sur des preuves plus convaincantes, ne serait-ce qu'un simple examen des filigranes25. Un point l'a toutefois gêné, momentanément il est vrai : c'est que, selon Karl Hopf, la femme de Nicolò I aurait eu pour nom Peretta Doria 26. Mais ce n'est que pour balayer la contradiction en souli­gnant que Hopf ne saurait être suivi, puisque cet historien était bien connu pour ne divulguer que très occasionnellement ses sources, quand il ne les inventait pas pour les besoins de sa cause. On ne peut nier que Hopf soit effectivement coutumier du fait, mais le procédé est un peu expéditif. D'autant que l'accusation se révèle ici sans fondement, puisque Hopf a donné là toutes les références de son information, tirée d'un document génois27. Et puis, pourquoi aurait-il inventé de toutes pièces une Peretta Doria ?

Une vérification dans le fonds des columne des archives génoises, cité par Hopf, a en effet apporté la confirmation de cette assertion : en 1410 par exemple, dans un cartulaire de la compagna Burgo, est inscrite la somme de 375 livres au nom de «d. Petra uxor d. Nicolai Gateluxi domini Enii» 28. A l'orthographe près — mais Peretta n'est que le dimi­nutif de Petra —, l'information de Hopf doit donc être avalisée.

25. S. KOFOPOULOS - A. MAZARAKIS, I Gattilusio : revisioni genealogiche et numisma­tiche, Πρακτικά Συνεδρίου : Οι Γατελούζοι της Λέσβου , éd. A. MAZARAKIS, Athènes 1996, p. 402-403. Dans cet article, l'étude numismatique est due à A. Mazarakis, les révi­sions généalogiques à S. Kofopoulos. C'est apparemment le fait que ce manuscrit soit conservé dans l'île de Lesbos, siège du gouvernement des Gattilusi, qui a incité l'auteur à lui accorder une importance excessive, au mépris de tous les autres, en négligeant la tradi­tion manuscrite de l'œuvre.

26. IDEM, p. 402.

27. C'est effectivement là un bien mauvais procès que S. Kofopoulos intente à Hopf lorsqu'il prétend que ce dernier «non fa in nessun caso riferimento ad un preciso docu­mento, ma in modo generico all'archivio di Genova», S. KOFOPOULOS, op. cit., p. 402. En effet, après avoir soutenu, à la p. 151, que «Sicher ist, daß Nicolò I. von Aenos 1409 starb ; ihn überlebten seine Gattin Peretta Doria (gest. 1425) und zwei Kinder...», Hopf précise en bas, à la note 69 : «Die genealogischen Daten über die Gattilusio basiren übe­rall auf die Urkunden des Archivio notarile zu Genua und die Cartularii des Archivs von St. Giorgio ebendaselbst (vergi. Col. 1409. , u. s. f.)», . HOPF, Geschichte Griechenlands vom Beginn des Mittelalters bis auf unsere Zeit, Leipzig 1868, II, p. 151, et n. 69. Manifestement, «Col. 1409. . u. s. f.» était mis pour «Col(umna) [Jahre] 1409, [compagna] B(urgo), u(nd) s(iehe) f(olgende)». C'est donc très légitimement que Hopf s'est permis d'introduire Peretta Doria dans son tableau généalogique des Gattilusi, K. HOPF, Chroniques gréco-romanes inédites ou peu connues, publiées avec notes et tableaux généalogiques, Berlin 1873, p. 502. C'est tout aussi malencontreusement que S. Kofopoulos reproche à E. Trapp, rédacteur du PLP, d'avoir abusé «ingiustificamente» des points d'interrogation, au lieu d'identifier plus nettement Héléna Gateliousaina (PLP, n° 3581) avec l'épouse de Nicolò I d'Ainos.

28. ASG, SG, Cartularii delle columne, compagna Burgo, n° 7, 1410, f. 646v. Hopf se montrait même étonnamment renseigné sur le compte de cette Peretta, qui aurait, selon lui, survécu jusqu'en 1425 à son époux. La biographie de Peretta Doria n'étant pas de notre propos, nous n'avons pas cherché à contrôler la véracité de cette dernière informa­tion dans les archives de Gênes. Hopf a manifestement découvert un autre acte mention­nant expressément sa mort en 1425. C'est ce que laisse entendre le prénom sous lequel il la connaît, Peretta et non Petra, et surtout le nom de famille qu'il lui prête, très vraisem-

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Enfin, à défaut d'avoir pu examiner in situ le Ioann. Theol. 9, nous avons pu toutefois en consulter le microfilm, à la section grecque de l'I.R.H.T.29. Or il apparaît de manière claire que son écriture n'appar­tient pas, comme l'avance Kofopoulos à la suite de Papadopoulos-Kerameus, au 14e siècle, mais plutôt à l'extrême fin du 15e siècle. Toujours sur microfilm, la même constatation a pu être faite pour l'autre manuscrit daté du 14e siècle par Lambros, le Xenophon 34 : celui-là aussi trahit une main de la fin du 15e siècle, si ce n'est plus. Quant à VIviron 532, son écriture est bien, en effet, du 16e siècle.

Autrement dit, aucun des témoins constituant la tradition manuscrite de l'œuvre d'Isaïe n'est antérieur au 14e siècle !

Reste le Sankt Peterburg Bìbl. pubi. gr. 243. De tous, il est le seul à pouvoir être daté de façon certaine, puisque son scribe, Méthodios, y a porté la date de 145030. Il est aussi le seul à avoir, à ce jour, bénéficié d'une étude vraiment sérieuse, notamment l'examen de ses filigranes, une étude qui a confirmé pleinement la date portée par son scribe31. Enfin, c'est un manuscrit luxueux, richement enluminé32. Quant à son écriture, elle rappelle étrangement celle en vigueur dans le célèbre atelier de copistes du monastère των 'Οδηγών de Constantinople, telle que l'a analysée, en 1958, L. Politis33. Et l'appartenance de Méthodios au monastère des Hodègoi est par ailleurs confirmée par la formule avec laquelle il signe son œuvre dans ce manuscrit : Θ(εο)ΰ το δώρον και Μεθοδίου πόνος, particulièrement en faveur chez les copistes de ce scriptorium34. Or un moine-copiste du nom de Méthodios est bel et bien

blable au vu des nombreuses alliances matrimoniales entre les deux familles, celui de Doria.

29. M. Paul Géhin a bien voulu nous faciliter la consultation des microfilms de l'I.R.H.T., et nous conseiller dans cette recherche. Qu'il trouve ici le témoignage de notre reconnaissance. Il va sans dire que les conclusions auxquelles nous nous livrons dans cet article relèvent uniquement de notre responsabilité.

30. Le manuscrit est signé au f. 105r du second volume (transcription faite par nous-même à partir du microfilm de ce manuscrit à l'I.R.H.T.) : Τελειωθ(εν) κ(α)τ(ά) το ,ς"*\νηω ετ(ος) (ίνδικτιώνος) ιγ ' . θ(εο)υ το δώρον καί μεθοδίου πόνος. Cf. Ε. GRANSTREM, Katalog greceskich rukopisej Leningradskich chranilišc, op. cit., p. 143 (avec différences mineures).

31. IDEM, p. 143-144. Les filigranes relevés par Granstrem correspondent aux n" 3666-3668 (Ciseaux) de C. M. BRIQUET, Les filigranes. Diet. hist, des marques de papier, Genève 1907.

32. Les miniatures du manuscrit ont fait l'objet d'une étude spécifique, abondamment illustrée, par V. D. LIHAČEVA, Le rôle des realia et du paysage dans les miniatures du manuscrit grec 243 de la Bibliothèque publique d'État (en russe), W 27, 1967, p. 229-242.

33. L. POLITIS, Eine Schreiberschule im Kloster τών 'Οδηγών, BZ 51, 1958, p. 17-26, 261-287. Depuis est paru l'article de H. HUNGER - O. KREŞTEN, Archaisierende Minuskel und Hodegonstil im 14. Jahrhundert, JOB 29, 1980, p. 187-236, qui a confirmé et affiné la typologie et l'analyse générale mise au point par L. Politis.

34. L. POLITIS, Eine Schreiberschule, op. cit., p. 270.

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attesté en 1427 35 et 143636, dans ce même monastère37. Et en compa­rant sur microfilm l'écriture du manuscrit Sankt Peterburg Bibi. pubi. gr. 243 avec celle du Panaghia Kamariotissa 139, l'un des deux manuscrits attribués jusqu'ici à ce Méthodios, nous avons pu constater qu'il s'agis­sait là, sans aucun doute possible, du même copiste38.

L'identification avancée par S. Kofopoulos doit en tout cas être reje­tée. L'Héléna Gateliousaina ne saurait être l'épouse de Nicolò I, d'abord parce qu'aucun des manuscrits n'est datable du 14e siècle, ensuite parce que ce dynastę était l'époux d'une femme d'origine latine, Petra Doria. Et comme le souligne S. Kofopoulos lui-même, il ne saurait y avoir iden­tité de personne entre cette Petra (ou Peretta) Doria, une Génoise donc, et l'Héléna Gateliousaina du manuscrit, assurément une Grecque de nais­sance et de culture39. Il faut donc chercher parmi les épouses des trois dynastes Gattilusi d'Ainos au 15e siècle : Palamede (1409-1455), son fils

35. Le Panaghia Kamariotissa 139, de Constantinople, dont une partie est due à Méthodios, en 1427, est signé au f. 182r (transcription faite par nous-même à partir du microfilm de ce manuscrit à l'I.R.H.T.) : θ(εο)ο το δώρον καί μεθοδίου πόνος. έτελειώθ(η) έτους ,ς"*\λε' (ίνδικτιώνος) [[.]] ; cf. E. TSAKOPULOS, Περιγραφικός κατάλογος των χειρογράφων της Βιβλιοθήκης του Οικουμενικού Πατριαρχείου, Ι, Τμήμα χειρογράφων Παναγίας Καμαριωτίσσης, Istanbul 1953-1956, ρ. 194, qui a oublié le mot έτους et donné comme indiction ε'.

36. L'Iviron 788, copié en 1436, porte la note suivante, telle que transcrite POLITIS, Eine Schreiberschule, p. 271, η. 88, rectifiant les erreurs de transcription de LAMBROS, Catalogue, op. cit., II, p. 225 : Έτελειώθει ό παρών μην αυγουστος δια χειρός έμοΰ του αμαρτωλού Μεθοδίου μονάχου καί δομεστίκου της μονής της 'Οδηγήτριας κατά το , ς ^ μ [ δ ] ' ετει ίνδ. ιδ'.

37. L. POLITIS, Eine Schreiberschule, op. cit., p. 270 n. 88, a établi que le copiste Méthodios de Vlviron 788 (1436), manuscrit qu'il consulta à l'Athos, ne faisait qu'un avec le copiste Méthodios du Kamariotissa 139 (1427). Nous n'avons pu toutefois vérifier le bien-fondé de cette identification puisqu'il n'existe pas actuellement de reproduction photographique publiée de Vlviron 788, et que l'I.R.H.T. n'en possède pas le microfilm. Cette identification a été en tout cas retenue par le PLP, puisque le Μεθόδιος, n° 17591, est dit «Hs.-Schreiber, 1427-1436». Mais c'est pour se contredire ensuite car on accorde également une entrée spécifique, sous le n° 17590, au Μεθόδιος de la Kamariotissa, «Hs.-Schreiber 1426/27», après avoir reconnu donc, au n° 17591, qu'il ne faisait qu'un avec le copiste homonyme de l'Iviron.

38. À l'époque où il rédigeait son article (1958), Politis ne pouvait ajouter à l'actif de ce Méthodios la rédaction de notre manuscrit de Saint-Pétersbourg, sa description com­plète, faite par E. Granstem, datant de 1971. Du reste, le PLP lui a accordé aussi une entrée spécifique : Μεθόδιος, n° 17592 : «Hs.-Schreiber 1449/50.» En réalité, les trois Μεθόδιος répertoriés dans le PLP sous les n° 17590, 17591 et 17592 n'en font qu'un : le moine et domestikos Μεθόδιος du monastère τών 'Οδηγών à Constantinople, copiste d'au moins trois manuscrits, le Panaghia Kamariotissa 139, en 1427, Vlviron 788, en 1436, et enfin le Sankt Peterburg Bibi. pubi. gr. 243, en 1450.

39. S. KOFOPOULOS, op. cit., p. 403. N'oublions pas que le manuscrit est entièrement en grec, et que son contenu s'adresse clairement à une orthodoxe. Pour le R. P. HAUSHERR, Note sur l'inventeur de la méthode hésychaste, OC 20, 1930, p. 180, n. 1, l'œuvre d'Isaïe constituerait même «une étape entre Syméon le Nouveau Théologien et l'hésychasme du XIVe siècle». Une opinion que J. GOUILLARD, Une compilation, p. 89, aussi critique soit-il sur l'originalité de la pensée d'Isaïe, partage lui aussi : «... Isaïe fait penser à l'hésy­chasme du siècle suivant. Il l'annonce».

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aîné Giorgio (t 1449), associé au pouvoir du vivant de son père, puis, à partir de 1455, Dorino, le frère cadet.

Nous ne connaissons pas le nom de l'épouse de Palamede40. Nous ne savons pas non plus si Dorino avait déjà été marié avant d'épouser Elisabetta Crispo, fille du duc de Naxos, après son éviction d'Ainos. Chacun de ces deux dynastes peut donc, en théorie, avoir eu pour épouse une Grecque répondant au nom d'Héléna. Il n'en reste pas moins que le seul historiquement attesté désormais comme ayant été dans ce cas se révèle être Giorgio Gattilusio (t 1449).

Le manuscrit ayant appartenu à Héléna Notara Gateliousaina, l'ex-libris indique qu'il lui a été envoyé par son père, en l'occurrence Loukas Notaras. A quelle date? Au vu du texte d'Isaïe, qui propose dans une intention d'édification, une série d'exemples féminins de sainteté et de renoncement, on suivrait aisément l'opinion de J. Gouillard lorsqu'il constate avec étonnement qu'un tel «recueil n'a rien pour une dame du monde» 41. Sans doute, mais ne conviendrait-il pas à merveille pour une trop jeune femme frappée cruellement par le veuvage, et pour laquelle, comme le dit le manuscrit, «la fleur de la prairie à peine touchée, la voilà déjà fanée» ? C'est pourquoi il paraît raisonnable d'admettre que l'ouvrage ait été commandé — évidemment à Constantinople — par le mésazôn peu de temps après la mort de Giorgio Gattilusio, survenue en 1449. Compte tenu du temps nécessaire à son élaboration, ce serait donc entre 1450 et 1453 — mort de Notaras —, qu'il dut parvenir à sa destinataire.

Or, on l'a vu, de tous les manuscrits envisageables, le Sankt Peterburg Bibi. pubi. gr. 243 présente de manière frappante les conditions requises. Les autres sont plus tardifs, et ne sont que des miscellanea, le texte d'Isaïe n'étant que pour partie de leur contenu. Le Sankt Peterburg est, lui, entièrement consacré à cette œuvre. C'est à Constantinople qu'il a été copié, précisément en 1450, par le moine Méthodios, copiste che­vronné du prestigieux atelier du monastère des Hodègoi. Quoique de dimensions modestes 42, il est d'une facture indiscutablement plus presti-

40. Le PLP donne comme épouse à Palamede une certaine Valentina : «Γατελιουζος Παλαμήδης. Verheir. mit Valentina», n° 3583, p. 153. Mais cette référence vient de K. HOPF, Geschichte Griechenlands, op. cit., II, p. 152 : «In dem nämlichen Jahre, in dem Dorino I. starb, beschloß auch sein Vetter Palamede von Aenos sein Leben ; seine Witwe Valentina heirathete in zweiter Ehe den Marchese Giorgio von Carretto und testirte am 20. Juli 1458», information reprise dans ses Chroniques gréco-romanes, op. cit., p. 502 (tableau généalogique). Or Hopf s'est ici trompé : cette Valentina Gattilusio était une fille de Palamede, et non son épouse, dont l'identité reste encore à établir. En effet le testament auquel il fait allusion ne laisse aucun doute sur cette filiation : ASG, Archivio Segreto, Materie Politiche, 2737 b, doc. n° 50. De même qu'un premier testament de Valentina, redige à Gênes le 27 octobre 1455, ASG, notaio Andrea Testa, filza 7, doc. n° 202 ; Guistina OLGIATI, I Gattilusio, op. cit., p. 95-96, n° 39.

41. J. GOUILLARD, Une compilation, op. cit., p. 83. 42. Le manuscrit présente aujourd'hui bien des dégradations. Sa reliure d'origine a dis­

paru et il comporte désormais deux volumes, de taille inégale. Le premier volume, qui compte 121 folios, mesure 196 x 134 mm. Le second, avec 135 folios, mesure 145 x 100 mm. Une quinzaine de folios comportant des miniatures ont été découpés.

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gieuse que ses autres concurrents. C'est un manuscrit de luxe, l'un des derniers peut-être de ce type à avoir été élaboré à Constantinople avant la chute, alors que les commandes impériales se faisaient bien rares, faute de moyens. La légendaire fortune du mésazôn et depuis peu mégadoux Loukas Notaras, sinon ses préoccupations littéraires 43, lui permettaient largement ce genre de dépenses. En bref, le manuscrit de Sankt Peterburg se révèle en tous points digne de la richesse et de la position politique d'un tel commanditaire, comme du statut de souveraine de la destinataire.

Probablement vers le début des années 1440 — puisqu'en 1449, date de la mort de Giorgio Gattilusio, plusieurs enfants étaient déjà nés de cette union —, Loukas Notaras mariait sa fille Héléna avec l'héritier de Palamede d'Ainos, lui constituant par ailleurs une dot de quelque 20 000 hyperpères 44. Aucune autre source contemporaine, hormis notre docu­ment génois, ne fait allusion à cette union. Signalons toutefois que Sphrantzès rapporte que, le 27 juillet 1441, Loukas Notaras commandait l'escadre qui devait conduire à Mityléně le despote Constantin venu y épouser Caterina Gattilusio, fille de Dorino I, maître de Lesbos 45. Or la présence de Notaras en cette circonstance est un peu surprenante. Alors second mésazôn 46 de Jean VIII, sa position ne lui permettait guère de quitter Constantinople. C'est même là le seul cas connu où l'on voit Notaras agir hors de la Ville où le retenaient habituellement ses fonctions47. Est-il permis de penser que l'on procéda alors à un double mariage, ayant pour but d'unir plus étroitement à l'Empire les deux branches de la famille Gattilusio, celle de Mityléně et celle d'Ainos, le despote Constantin épousant la fille du maître de Lesbos et le puissant Notaras, déjà gambros du basileus, mariant sa fille à l'héritier d'Ainos ? La traditionnelle allégeance des Gattilusi à l'Empire byzantin s'en serait

43. Jusqu'à présent, le nom de Loukas Notaras n'était lié qu'à un seul manuscrit, le cod. Hauniensis GkS 6, 2°, unique spécimen parvenu jusqu'à nous de sa bibliothèque, cf. P. GÉHIN, Note sur la bibliothèque de Georges Cantacuzène, Όπώρα. Studi in onore di mgr Paul Canari per il LXX compleano, in Bollettino della Badia greca di Grotta/errata 51, 1997, p. 228-229, et n. 21.

44. Renseignement tiré du procès de 1459. 45. SPHRANTZÈS, Giorgio Sfranze, Cronaca, éd. R. MAISANO, Rome 1990, XXIV, 10,

p. 88. 46. Th. GANCHOU, Le mésazôn Démétrius Paléologue Cantacuzène a-t-il figuré parmi

les défenseurs du siège de Constantinople (29 mai 1453) ?, REB 52, 1994, p. 263-265. Loukas Notaras n'était que le second mésazôn, le premier mésazôn étant Dèmètrios Palaiologos Kantakouzènos. Les deux hommes sont attestés comme collègues à cette charge de 1431 à 1450 au moins.

47. Ainsi ni lui ni le premier mésazôn Kantakouzènos n'allèrent au concile de Ferrare-Florence, dont furent pourtant presque toutes les illustrations du règne. Jean VIII préféra les laisser dans la capitale pour assister le régent, le despote Constantin — le futur empe­reur —, à un moment où les intentions de Murad II sur la Ville pouvaient susciter quelques inquiétudes, SYROPOULOS, Les «Mémoires» du Grand Ecclésiarque de l'Église de Constantinople Sylvestre Syropoulos sur le concile de Florence (1438-1439), éd. et trad, de V. LAURENT, Paris 1971, p. 214.

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trouvée singulièrement réaffirmée48. L'hypothèse est séduisante. Mais, outre que Sphrantzès ne parle pas d'un double mariage à cette occasion, la date de 1441 nous semble, à plusieurs égards, un peu trop précoce49. Quoi qu'il en soit, Héléna ayant déjà au moins deux enfants en 1449, une date postérieure à 1445-1446 est à exclure50. Le mariage entre Giorgio Gattilusio et Héléna Notara, donc entre un catholique et une orthodoxe, fut conclu après le concile de Florence, qui proclama l'Union des Églises. Si l'on ne peut raisonnablement avancer l'idée que cet événe-

48. Cette allégeance est clairement démontrée par l'ostentation avec laquelle les Gattilusi manifestent au 15e siècle leurs liens avec les Palaiologoi par le biais de leurs monnaies, blasons, inscriptions, et jusque dans leur vocabulaire administratif, cf. l'étude numismatique récente due à A. Mazarakis dans S. KOFOPOULOS - A. MAZARAKIS, I Gattilusio : revisioni genealogiche e numismatiche, op. cit., p. 414-434. Outre le fait qu'ils appartenaient indubitablement à la familia impériale — l'union entre le basileus Jean VII et Eirènè-Eugénia Palaiologina ( 1440), sœur de Palamede, étant venue encore s'ajouter à celle qui fonda leur dynastie, cf. note 12 supra —, et qu'ils avaient tout intérêt à se poser dans leurs domaines d'Ainos et de Lesbos en continuateurs des Palaiologoi afin de se concilier leurs sujets grecs, cette allégeance s'explique surtout si l'on tient compte des conditions du passage sous leur domination des îles de Samothrace, Thasos, Lemnos et Imbros, obtenues au cours du 15e siècle, cf. note 3 supra. En effet ces îles ne furent pas cédées formellement aux Gattilusi, mais dévolues en "fiefs". Les basileis leur en confièrent la garde et la défense — ainsi qu'une part difficilement appréciable des revenus — mais elles étaient toujours considérées comme partie intégrante de l'Empire, et les fonctionnaires impériaux continuaient à y côtoyer les représentants des Gattilusi. C'est ainsi que Kritoboulos d'Imbros rapporte qu'après la chute de Constantinople, en juin 1453, «arriva aussi auprès du souverain une ambassade venant des îles, envoyée par Kritoboulos l'Imbriote, l'auteur de ce livre. Elle venait pour lui céder les îles de la mer Egée, Imbros, Lemnos et Thasos, soumises jusqu'ici au basileus Constantin, car les archontes, qu'il [le basileus] y avait envoyés auparavant, désespérés, prirent la fuite dès qu'ils apprirent la nouvelle de la capture de la Ville et de sa mort [du basileus]», KRITOBOULOS, p. 8528-862. C'est donc au nom du basileus de Constantinople que les Gattilusi gouvernaient ces îles, ce qui les plaçait bien dans un rapport de "vassalité" à leur encontre. Cette analyse est toutefois mise en doute par Catherine ASDRACHA, Les préten­tions politiques de Palamede, op. cit., p. 41-45, qui préfère voir, dans toutes ces manifes­tations d'attachement des Gattilusi à l'égard des Palaiologoi, les signes «d'une volonté certaine et prétentieuse de la part des maîtres génois». Outre que le mot de «prétention», au contenu facilement péjoratif, nous semble impropre, l'auteur a surtout négligé le témoi­gnage de Kritoboulos, et en particulier le passage éclairant que nous venons d'évoquer. Il va de soi que les termes de «suzeraineté» ou de «vassalité» sont employés ici par commo­dité, et ne renvoient nullement au sens très précis qu'ils connaissent dans le vocabulaire de la féodalité occidentale.

49. Même si l'on admet qu'Héléna était l'aînée des filles de Notaras, ce qui est vrai­semblable, elle devait être bien jeune en 1441 si l'on songe que son frère Iakôbos, âgé d'environ douze ans au moment de la chute de Constantinople, n'avait peut-être pas encore vu le jour à cette date.

50. Pourquoi Palamede ne choisit-il pas plutôt pour son héritier une princesse Palaiologina ? Le choix d'une Notara ne fut peut-être qu'un pis-aller, la famille impériale n'ayant pas — ou plus — à l'époque, de Palaiologina à proposer. Les frères de Jean VIII, les despotes Théodoros II et Thomas, étaient les seuls à avoir des filles à offrir. Il est pos­sible que, pressentis et visant plus haut, ils se soient récusés ; ou bien leurs filles étaient déjà mariées, ou engagées ailleurs : Héléna, fille de Théodoros II, épousa le roi de Chypre Jean II de Lusignan, le 3 février 1442, PLP, n° 21367. Une autre Héléna, la fille de Thomas, épousait Lazar de Serbie en décembre 1446, mais les tractations matrimoniales étaient en cours depuis longtemps, PLP, n° 21364.

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ment fut décisif pour la conclusion d'un tel mariage — les unions inter­confessionnelles pour raison d'État ayant toujours été la règle —, on peut noter toutefois qu'il s'inscrivait parfaitement dans la ligne politique et religieuse prônée officiellement par Jean VIII, et suivie par son gou­vernement, c'est-à-dire par Loukas Notaras, qu'une certaine historiogra­phie a longtemps considéré, à tort, comme un anti-unioniste farouche.

Bien faite pour resserrer les liens unissant les Gattilusi à l'Empire, cette union prestigieuse était de nature à consolider aussi la position poli­tique de Loukas Notaras à Constantinople, peu assuré de la conserver en cas de disparition du basileus Jean VIII : ses petits-enfants ne régne­raient-ils pas un jour sur Ainos ? Et de fait, lorsque le nouveau basileus Constantin XI — dont les mésazontés Dèmètrios Palaiologos Kantakouzènos et Loukas Notaras eurent l'habileté de défendre les droits à la succession de Jean VIII —, arriva enfin à Constantinople, le 12 mars 1449, il confirma les deux hommes à leur poste. Mieux : pour les récom­penser de leur fidélité, il octroya le titre de prôtostratôr (3e rang) au fils de Kantakouzènos, et revêtit Loukas Notaras de la haute dignité de mégadoux (2e rang). L'ascension du personnage devait enregistrer une nouvelle étape décisive quelques mois plus tard, probablement en 1450, lorsque, à la suite de la mort du premier mésazôn Kantakouzènos, Notaras fut revêtu de sa charge. Une charge qu'il devait conserver sans partage jusqu'à la chute de Constantinople, Constantin XI ayant choisi de ne pas nommer de second mésazôn51.

Entre-temps, un événement inattendu dut cependant troubler quelque peu la quiétude du palais Notaras à Constantinople : c'est lorsqu'y par­vint, dans les derniers mois de 1449, la nouvelle de la mort de Giorgio Gattilusio d'Ainos52. Palamede respecterait-il les droits de la veuve et des enfants de celui qu'il avait associé à son trône, ou se laisserait-il flé­chir par les réclamations — prévisibles — de son fils cadet Dorino ? Nul doute qu'inquiet des dispositions de son sympenthéros, Notaras n'ait intéressé immédiatement le nouveau basileus au règlement de l'affaire. Après tout, si le litige paraissait relever surtout du domaine privé, et en

51. Sur tout ce développement, tiré de l'analyse du seul Chronicon Minus de Sphrantzès, GANCHOU, Le mésazôn, op. cit., p. 271-272. D'après Sphrantzès, Constantin XI aurait toutefois proposé à Notaras de démissionner, en hiver 1451/52, sous le prétexte que ce dernier, depuis peu mégadoux, ne pouvait continuer à cumuler cette charge avec ses fonctions de mésazôn. Notaras réussit à écarter cette menace en exigeant en compensation l'attribution pour ses deux fils aînés des hautes dignités alors disponibles de mégas logothétès (4e rang), et de mégas kontostablos (5e rang), SPHRANTZÈS, XXXIV, 8, p. 128. Cela dit, le fait qu'une de ses filles ait eu rang de souveraine rend finalement ses prétentions moins exhorbitantes qu'elles ne le semblaient jusqu'ici.

52. Étant donné que Ludovico Campofregoso a adressé une lettre de condoléances à Palamede le 21 novembre 1449, et cela dès la réception à Gênes de la nouvelle du décès de Giorgio, on peut considérer — en tenant compte de la distance — que, sauf problème exceptionnel de navigation, cette mort a dû survenir au début d'octobre 1449. En revanche, au vu de la proximité géographique d'Ainos et de Constantinople, la nouvelle dut être connue dans la capitale byzantine peu de jours après l'événement.

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l'occurrence ici de la défense des seuls intérêts de la famille Notaras, n'y en allait-il pas aussi des intérêts supérieurs de l'Empire ? Il est vraisem­blable qu'en fin de compte, la décision finale de Palamede, si conforme aux intérêts byzantins, fut moins le résultat d'une initiative spontanée du souverain d'Ainos, comme semble le laisser entendre Kritoboulos d'Imbros, que le fruit de tractations diplomatiques passées avec le gou­vernement de Constantin XL Est-ce à cette occasion que, dans le but de fléchir Palamede, le basileus dut consentir à lui abandonner le gouverne­ment de l'île d'Imbros53 ? L'accord auquel on parvint fut en tout cas de nature à dissiper les inquiétudes du mégadoux : dans l'immédiat, Héléna et ses enfants voyaient leurs droits reconnus, sous la protection de son beau-père. Et l'avenir semblait d'autant plus garanti que, en cas de dis­parition de Palamede avant leur majorité, ce dernier avait prévu, par tes­tament, que la régence reviendrait conjointement à Héléna et à son beau-frère Dorino : l'empereur Constantin XI, ne serait-ce qu'en sa qualité de suzerain, saurait veiller au respect de ces dispositions testamentaires.

Malheureusement, lorsque cette mort intervint, en 1455, ni le basileus ni son premier mésazôn n'étaient plus là pour protéger les droits d'Héléna et de ses enfants contre les ambitions de Dorino... Le suzerain constantinopolitain s'appelait désormais Mehmed II. On comprend d'au­tant mieux les réticences de la jeune femme, totalement isolée désormais, à faire appel à son arbitrage lorsqu'on songe au sort que ce sultan réserva au mégadoux et à sa famille lors de la chute de Constantinople, à peine deux années plus tôt: situation plutôt cornélienne que celle de devoir s'adresser, pour sauvegarder la position de ses enfants, à celui qui portait la responsabilité de la mort d'un père et d'une mère, de deux frères, du veuvage prématuré de deux sœurs, sans parler de l'apostasie du dernier frère54 !

53. C'est la réflexion qui vient en effet à l'esprit si l'on considère, à la suite de Catherine ASDRACHA, Inscriptions byzantines de la Thrace orientale et de l'île d'Imbros, op. cit., p. 283, qu' «Imbros lui [à Palamede] fut en fait cédée par l'empereur Constantin XI Paléologue entre 1450 et 1453». L'auteur se fonde sur une série d'inscrip­tions de l'île y attestant, jusqu'en 1447, la présence d'un gouverneur agissant pour le compte du basileus, cette année-là Georgios Palaiologos Dermokaïtès, puis celle, en 1452/1453, de Jean Laskaris Rontakènos, représentant de Palamede Gattilusio. Le témoi­gnage de Kritoboulos, on l'a vu, confirme bien que l'île se trouvait déjà gouvernée par les Gattilusi d'Ainos avant 1453, cf. notes 2 et 48 supra. Rien ne permet malheureusement de préciser pour l'instant la date exacte du règne de Constantin XI à laquelle il conviendrait de placer cette dévolution. Car si, dans un article plus récent, Catherine ASDRACHA, Les prétentions politiques de Palamede Gattilusio, op. cit., p. 41, précise que Palamede obtint l'île de Constantin XI «en 1450», aucune note ne vient expliciter cette affirmation, et on peut se demander où l'auteur aura trouvé depuis matière à telle précision. Dans ces condi­tions, il nous semble plus sage de renoncer à l'hypothèse — bien séduisante au demeurant — d'une dévolution d'Imbros à Palamede à l'occasion des tractations diploma­tiques passées entre Constantinople et Ainos en 1450 pour la sauvegarde des droits d'Héléna et de ses enfants.

54. Tous ces renseignements sur le sort de la famille Notaras après la chute de Constantinople sont tirés des documents génois dont nous préparons la publication.

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Sans doute comptait-elle sur la faveur présente de son jeune frère Iakôbos auprès du souverain, dans le sérail d'Andrinople, ou sur les regrets que, d'après Kritoboulos, Mehmed II aurait finalement nourri de l'exécution des Notaras, prétendument arrachée contre son gré, pour obtenir de lui d'être réintégrée dans ses droits55. Mais ne pas se conten­ter d'invoquer la violation du testament paternel de la part de son beau-frère, dénoncer au contraire son double jeu vis-à-vis du sultan et révéler ses manœuvres avec les Italiens ainsi que ses préparatifs d'armement, était risqué. La tentation n'était-elle pas trop grande, pour le sultan, de saisir l'occasion d'en finir avec cette menace potentielle en reprenant énergiquement le contrôle de la situation dans la région ? L'expédition éclair de l'hiver 1456 mit en tout cas une fin brutale aux espérances d'Héléna Gateliousaina.

Cela dit, c'est là la version des faits proposée par Kritoboulos, et à trop vouloir justifier le bon droit de Mehmed II dans l'affaire, elle manque singulièrement de conviction. Selon le chroniqueur, deux argu­ments auraient déterminé le sultan à agir : la nouvelle de la trahison de Dorino et ses collusions avec les Italiens ; son usurpation au détriment des droits des enfants d'Héléna. Mais aucun de ces deux arguments ne résiste à la critique.

Kritoboulos défend la thèse d'un sultan uniquement soucieux de ses devoirs de suzerain, prompt à prendre les armes pour la défense des droits bafoués d'une veuve et d'orphelins venus se mettre humblement sous sa protection, et saisi d'une sainte colère à l'annonce des injustices commises à leur endroit. Or il est manifeste que le cas d'Héléna, monté en épingle par le chroniqueur, n'a été en réalité qu'un prétexte, puis­qu'une fois la ville prise, il n'est plus question d'une réparation quel­conque en sa faveur. Kritoboulos pousse même le paradoxe jusqu'à ne plus se soucier de renseigner le lecteur sur son sort ultérieur, après avoir tenté pourtant de faire accroire que l'injustice dont elle fut victime fut à l'origine de l'expédition, ce qui laisse du même coup son lecteur quelque peu dubitatif devant la personnalité d'un tel suzerain-justicier. Car non seulement Héléna ne recouvre pas ses droits sur Ainos, mais c'est Dorino II que le sultan traite par la suite en prince dépossédé, lui propo­sant dans un premier temps de recouvrer ses anciens domaines, puis, plus sagement, lui offrant en guise de compensation une installation en Macédoine, dans le district de Zichna56. N'est-ce pas la preuve que, aux

55. KRITOBOULOS, p. 8423"28. Les regrets tardifs du sultan soulignés par Kritoboulos nous semblent en effet un peu problématiques. Quoique son œuvre ait été destinée au sul­tan, cet écrivain, moins servile qu'on ne l'a dit, n'a pourtant pas hésité à y inclure une oraison funèbre de Loukas Notaras, où il dit tout le bien qu'il pensait de l'homme. Mais pouvait-il se le permettre sans feindre de croire aux regrets de son bourreau ? Son argu­mentation, selon laquelle l'exécution fut arrachée au sultan par de mauvais conseillers, vient sans doute de là.

56. KRITOBOULOS, p. 10728"29.

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yeux de Mehmed II, le seul maître effectif d'Ainos avait été, depuis le début, Dorino? D'ailleurs, Kritoboulos se trahit lui-même par la façon dont il commence son récit de l'affaire : c'est à Constantinople «au milieu de l'hiver, que le sultan apprit la nouvelle que le maître d'Ainos, et des îles d'Imbros et de Samothrace, Dorino, méditait de bouleverser les relations existantes et d'entrer en révolte57». Jusqu'à ce moment-là donc, Dorino Π était bel et bien considéré par la Porte comme le maître légitime de la ville, ce qui signifie bien sûr qu'elle l'avait auparavant reconnu officiellement comme tel. Depuis quand, c'est plus difficile à dire. Mais on a vu que dès le 27 octobre 1455, on savait déjà, à Gênes, la mort de Palamede, ce qui place au plus tard ce décès dans le courant du mois de septembre. À notre avis, il ne fait aucun doute que Dorino n'at­tendit pas d'en finir complètement avec sa belle-sœur pour faire savoir à la Porte qu'il était le nouveau souverain d'Ainos, et en recevoir la béné­diction, très peu de temps après la mort de Palamede. En graissant la patte des vizirs et en proposant une augmentation du tribut annuel, l'af­faire ne posa certainement aucun problème. On objectera que Kritoboulos ne dit rien de tel. Mais le pouvait-il, après avoir choisi de s'en tenir à une version selon laquelle le coup de force du sultan était légitimé avant tout par la défense des droits d'Héléna ? En privilégiant cette version des événements, le fait que Dorino ait été reconnu, dès le début, par le sultan, devenait un détail gênant, qu'il valait mieux passer sous silence. Autrement dit, lorsqu'au «milieu de l'hiver», Héléna, après avoir épuisé tous les moyens de conciliation possibles avec son beau-frère, se résolut à dépêcher son oncle maternel au sultan, c'était pour lui apprendre tout à la fois que le maître d'Ainos qu'il avait reconnu quelques mois auparavant le trahissait en fait de toutes les façons, mais aussi qu'en s'emparant du pouvoir, il avait, à l'occasion, usurpé les droits de ses enfants sur la ville58. À supposer que le sultan ait été dès le début au courant du testament de Palamede favorisant Héléna, ce qui n'est pas certain, on conçoit que l'usurpation de Dorino ne l'ait pas beaucoup ému à l'époque où ce dernier sollicita sa reconnaissance offi­cielle comme maître de la ville : à tout prendre, mieux valait à la tête d'Ainos un homme fort qu'un gouvernement tenu conjointement, au nom d'un enfant mineur, par une étrangère et un ambitieux qui n'au­raient de cesse de se déchirer59. Pourvu que l'usurpateur fût un mini-

57. IDEM, p. 1012527. 58. Le récit de Kritoboulos indique clairement que c'est par l'envoyé d'Héléna que

Mehmed fut informé des trahisons de Dorino, «au milieu de l'hiveD>. C'est-à-dire certai­nement fin décembre ou début janvier, soit très peu de temps avant que le sultan ne prit la tête de ses armées pour Ainos, le 24 janvier. À cette époque-là, Dorino était donc au pou­voir depuis au moins trois mois.

59. Car si elles avaient satisfait les anciennes autorités byzantines, ces clauses testamen­taires ne pouvaient plaire au nouveau maître ottoman, dont les conceptions gouvernemen­tales n'étaient guère favorables au pouvoir des femmes. Il est étrange que Palamede n'ait pas modifié après 1453 ce testament prévoyant un gouvernement bicéphale, rédigé après la mort de Giorgio, probablement en 1450. Car la chute de Constantinople, en substituant la suzerai­neté ottomane à la byzantine, changeait singulièrement les données du problème.

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mum accepté par ses sujets, docile au pouvoir ottoman, et qu'il versât régulièrement le tribut à son trésor, Istanbul ne demandait qu'à fermer les yeux. C'est peut-être d'ailleurs, on le vena, parce qu'elle savait très bien que le seul argument de ses droits bafoués aurait peu de chance d'émouvoir le sultan — qui n'avait pas, après tout, émis d'objection à l'avènement de Dorino quelques mois plus tôt —, qu'Héléna préféra alors accuser son beau-frère de trahison vis-à-vis de la Porte. Ce rappel de la situation de chacun des protagonistes au moment des faits explique en tout cas pourquoi c'est Dorino II qui fut traité par le sultan comme un souverain dépossédé auquel on propose une compensation territoriale, et non Héléna.

Quant au deuxième argument évoqué par Kritoboulos pour légitimer le coup de force de Mehmed II, à savoir les trahisons de Dorino avec les puissances maritimes italiennes, ses projets d'armement ainsi que la mise en défense de ses possessions, il n'a, à la réflexion, pas plus de poids. On peut en effet douter que Dorino ait eu le temps de monter une entreprise anti-ottomane aussi dangereuse que le laisse entendre Kritoboulos. Car à moins d'admettre qu'avant sa disparition, Palamede ait été lui-même l'initiateur de cette politique, on conviendra que la période de pouvoir personnel de Dorino, quelques mois à peine, une période troublée de plus par les réclamations du parti de sa belle-sœur, lui laissèrent peu le loisir d'échafauder une opération de grande envergure. En avait-il d'ailleurs tout simplement les moyens ? Les relations entre la Porte et ses vassaux, placées sous le signe de la défiance réciproque, étaient com­plexes, mais en fin de compte, le sultan était gagnant. S'il tolérait les pouvoirs occidentaux en Egée par exemple, c'est en fait parce que ces îles étaient, à long terme, intenables. Sa flotte, quoique plus puissante qu'elle ne l'avait jamais été dans l'histoire ottomane, ne l'était pas encore suffisamment, sinon pour s'en emparer, du moins pour s'y main­tenir à coup sûr, en raison d'une menace navale occidentale toujours pos­sible60. Une fois conquises, leur exploitation économique serait donc sans cesse compromise. En continuant à y tolérer des dynastes tels que les Gattilusi de Mytilène, le sultan assurait à son trésor, par le biais des tributs, des revenus importants et réguliers — une régularité garantie tant par la sécurité que connaissaient alors ces territoires que par le mode d'exploitation très efficace mis en place par ces princes italiens —, sans avoir à se préoccuper des frais d'exploitation directe. De plus, s'il ne se faisait guère d'illusion sur la fidélité de ces dynastes, qui n'avaient de cesse d'encourager les pouvoirs occidentaux à les délivrer de sa tutelle, la ponction financière qu'il exigeait d'eux les rendait incapables d'agir directement contre lui, ni même d'assurer sur leur territoire une défense

60. À travers l'exemple plus tardif de deux autres îles, c'est aussi l'analyse de N. VATIN, Deux îles à la dérive : Samos et Icaria entre 1475 et 1572, Studies in Ottoman History in honour of Professor V. L. Ménage, Istanbul 1994, p. 339-349.

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militaire sérieuse. En raison de leur double-jeu, leur maintien pouvait toujours s'avérer dangereux, mais ceci compensait cela.

L'énorme tribut qu'il soutirait à Dorino interdisait en tout cas à ce der­nier toute velléité d'indépendance, et a fortiori de rébellion. Quant à espérer la complicité des puissances italiennes pour contrer le sultan, s'il est possible après tout que Dorino ait eu la tentation de les solliciter61, il n'y fallait pas songer. A cette époque, Venise et Gênes entendaient sur­tout observer une position de statu quo, préférant encore les avantages d'une paix larvée qui fût propice au maintien de leurs intérêts commer­ciaux en Orient, aux risques d'un conflit ouvert. Même la république ligure, pourtant si particulièrement liée aux Gattilusi, qu'elle continuait à considérer comme des «Ianuenses», et qui recevait d'eux, de plus en plus régulièrement, des appels à l'aide pressants, était résolue à laisser faire. C'est que dans ces années-là, la Superbe était avant tout préoccupée par la perspective d'un coup des Turcs contre Caffa, la dernière des colonies qui lui restât en Mer Noire, sachant bien en effet qu'un simple ordre du sultan à sa flotte eût suffi à l'éliminer 62.

Autrement dit, les arguments rapportés par Kritoboulos ne furent jamais que des prétextes, plus ou moins acceptables, qui furent bien imprudemment fournis au sultan par les dynastes d'Ainos pour justifier des annexions qui, en réalité, s'inscrivent parfaitement dans le plan géné­ral de conquête de la région égéenne qu'il mit au point à l'époque. Sûr que Venise et Gênes ne bougeraient pas, Mehmed venait d'ordonner à sa flotte de s'emparer des Nouvelle et Vieille Phocées, ce qui fut fait le 31 octobre, et le 24 décembre 1455. Et il est évident qu'on ne peut dissocier ces événements concomitants, comme le fait pourtant Kritoboulos, du coup de force contre Ainos, décidé à peine un mois plus tard. Or la Vieille Phocée était une possession d'un cousin de Dorino et d'Héléna, Domenico Gattilusio, nouveau maître de Mityléně. Doukas rapporte lon­guement comment, depuis la mort de son père le 30 juin 1455, les nerfs de Domenico étaient soumis à rude épreuve par la Porte, par une poli­tique d'intimidation continue qui visait à lui extorquer ses possessions une à une 63. C'est ainsi qu'outre Vieille Phocée, il perdit très vite l'île de

61. Mais à notre connaissance, aucune lettre de Dorino II d'Ainos enjoignant les auto­rités génoises à lui venir en aide n'a jamais été retrouvée, tandis que l'on en a plusieurs émanant des Gattilusi de Mityléně.

62. Sur l'attitude génoise, cf. Giustina OLGIATI, The Genoese colonies in front of the Turkish advance (1453-1475), Türk Tarih Kurumu basımevi, Ankara 1994, p. 1053-1061. Seule une force navale affrétée au nom du souverain pontife, qui n'avait pas, lui, les mains liées par un traité avec le sultan, pouvait donc jouer un rôle offensif en Egée, et il ne s'en priva pas. Mais sans la participation directe de Gênes et Venise, ce ne furent jamais que des succès très éphémères.

63. DOUKAS, op. cit., XLIV, 1-8, p. 41128-41917. Le récit de Doukas est d'autant plus fiable que c'est lui qui était chargé des relations diplomatiques entre Domenico Gattilusio et la Porte, passant ainsi la fin de 1455 en allées et venues entre Lesbos et Andrinople. De manière générale, son témoignage complète heureusement celui de Kritoboulos, mais ils ne se superposent pas. Doukas évoque les tribulations des Gattilusi de Mityléně, Kritoboulos uniquement celles des Gattilusi d'Ainos.

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Thasos, tandis que les Lemniotes, mécontents du gouvernement de son frère Nicolò, regardaient déjà du côté d'Andrinople pour les en délivrer. Pouvait-on trouver contexte plus maladroitement choisi, à Ainos, pour s'adonner à des luttes intestines, alors que Mehmed II n'attendait visible­ment qu'une occasion propice pour intervenir ?

Une fois débarrassé de ses contradictions internes, le récit de Kritoboulos relatif à la démarche d'Héléna s'éclaire un peu mieux. Ayant déjà perdu — irrévocablement — la partie, elle ne vint pas implorer le maître afin qu'il la réinstallât sur le trône d'Ainos aux côtés de son beau-frère : un tel arrangement n'était plus de saison. Et quant à réclamer le pouvoir à la place de Dorino, c'était là une requête plus déraisonnable encore, au vu des pratiques gouvernementales ottomanes qui toléraient mal le pouvoir des femmes. En réalité, elle vint trouver Mehmed pour obtenir de lui que lui soient restitués, d'une manière ou d'une autre, ses biens et revenus, puisque non content d'avoir usurpé les droits de ses enfants sur Ainos, Dorino s'était emparé aussi de tous leurs biens privés, les laissant dans le dénuement le plus complet. Ou Dorino se voyait contraint de rendre ce qu'il lui avait dérobé, ou elle obtenait, en répara­tion de son trône perdu, que le sultan l'établisse elle et ses enfants à l'in­térieur de l'Empire, en lui octroyant par exemple un timar. Cela dit, elle ne pouvait compter que sur la générosité de Mehmed II, n'ayant rien de bien tangible à lui offrir en échange. Si elle avait été maîtresse d'Ainos à l'époque, les choses auraient sans doute été différentes. On a des exemples contemporains de princesses dépossédées qui furent dédom­magées de la sorte. C'est ainsi que, trois ans plus tard, la basilissa Héléna de Serbie, veuve du despote Lazar, reçut, en compensation de Smederovo tombée en 1459, deux villes de Dalmatie et Bosnie M. Mais la princesse serbe, assiégée, avait passé au préalable un accord avec le sultan en vue de sa reddition, et était encore maîtresse de Smederovo lorsqu'elle le fit. Tandis que lorsqu'Héléna Gateliousaina entra en contact avec Mehmed II, en lui envoyant d'abord son oncle maternel65, puis, dans un second temps, en allant le trouver à Constantinople 66, elle

64. KRITOBOULOS, p. 11911"16 ; SPHRANTZÈS, op. cit., XXXVII, 15, p. 148. Une autre prin­cesse chrétienne fut elle aussi gratifiée de timars par Mehmed II : sa belle-mère, la despina Mara, veuve de Murad II, cf. Irène BELDICEANU-STEINHERR, Les illusions d'une princesse. Le sort des biens de Mara Branković, Frauen, Bilder und Gelehrte, Studien zu Gesellschaft und Künsten im osmanischen Reich, Festschrift H. -G. Majer, à paraître. Il s'agissait là de tîmars non grevés d'obligations militaires.

65. KRITOBOULOS, p. 1022830 : «Mais la femme, abandonnant une fois pour toute l'es­poir de le convaincre, s'enfuit auprès du souverain. Elle lui avait envoyé auparavant son oncle maternel, en qualité d'ambassadeur et de porte-parole.»

66. Il n'est pas facile de déterminer en fait si Héléna alla à Andrinople ou bien à Constantinople. En effet, s'il est sûr que c'est bien à Constantinople que son oncle vint trouver le sultan, puisque ce dernier, d'après Kritoboulos, y passait l'hiver et s'occupait d'embellir la ville, il n'est pas certain que ce soit là qu'Héléna le joignit à son tour puisque l'expédition terrestre, avec le sultan à sa tête, partit d'Andrinople. D'ailleurs, Doukas et Kritoboulos sont en désaccord sur ce point : le premier dit que le sultan partit

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ne représentait plus rien, Ainos ne lui appartenant plus. Dépouillée de tout, elle n'avait même plus derrière elle, à l'évidence, un parti qui fit que l'on dût la ménager. Il n'en avait pas toujours été ainsi. Au début de son conflit avec son beau-frère, selon Kritoboulos, elle ne manqua pas alors du soutien de «personnes sages et capables de la région, et en parti­culier de parents communs» pour défendre ses droits et parlementer avec Dorino pour tenter de le fléchir67. Mais bien évidemment, après quelques mois de pouvoir de Dorino, et surtout sa reconnaissance par la Porte, les rangs de ses partisans s'éclaircirent. Ce qui le prouve, c'est que le seul émissaire qu'elle trouva alors à adresser à Mehmed fut son oncle maternel, donc quelqu'un qui lui était seulement proche par les liens du sang — une indication qui peut donner une idée de son isolement à l'époque —, et qui ne devait jouer aucun rôle politique dans la ville puis­qu'il s'agissait évidemment d'un Grec de Constantinople, réfugié auprès d'elle à la suite de la prise de la capitale byzantine68. Sans doute en se refusant à en appeler directement au sultan dès le début de son conflit avec Dorino commit-elle alors sa première erreur ; une fois ce dernier reconnu par la Porte, elle se trouva tout-à-coup sans appui sérieux à Ainos. Mais on comprend ses réticences : mêler le sultan à ces querelles était dangereux, et puis c'était solliciter l'aide du bourreau de sa famille, pour lequel elle ne pouvait éprouver qu'une grande répugnance. Cela dit, lorsqu'elle se résolut à entreprendre cette démarche, sa conduite ne fut certainement pas dictée alors par l'inconscience, comme le laisse entendre Kritoboulos, mais bien plutôt par un froid calcul. Elle voulait obtenir de Mehmed qu'il les mit, elle et ses enfants, à l'abri du besoin en leur permettant une existence conforme à leur rang, fût-ce à l'ombre du pouvoir ottoman. Dans l'espoir d'intéresser le sultan à sa cause, cette femme si dramatiquement isolée sut alors user de la seule carte dont elle pouvait disposer encore pour jouer son jeu. Elle avait eu à se plaindre de Dorino, et certes, elle n'était pas venue entretenir le sultan d'une affaire qui, désormais, ne le concernait plus ; cependant, leurs intérêts à tous deux se trouvaient liés puisque, félon vis-à-vis d'elle, Dorino ne l'était

de Constantinople, le second d'Andrinople. Il semble que l'on doive plutôt accorder foi à Kritoboulos, car à l'époque, Andrinople était bien le lieu de rassemblement de l'armée rouméliote.

67. KRITOBOULOS, p. 102810. L'identification de ces «parents communs» pose pro­blème.

68. Oncle maternel, c'est-à-dire frère de l'épouse de Loukas Notaras, du moins si Kritoboulos entend ce terme dans le sens précis que nous lui donnons aujourd'hui, ce qui n'est pas certain. De toute façon, comme on ne connaît toujours pas le nom de l'épouse du mégadoux, cela ne nous avance guère. Signalons toutefois que, dans son testament rédigé à Venise en 1493, Anna Notara léguait une somme d'argent à son «oncle Dèmètrios Asanès». Vu l'écart des dates, — quarante ans ! — il est douteux qu'il puisse s'agir du même personnage. Néanmoins, que cet oncle envoyé à Mehmed II en 1455 ait pu être un membre de cette famille — dont une branche, repliée en Morée était résolument turco-phile —, et par là même, que l'épouse de Loukas Notaras ait été une Asanına, n'a rien a priori d'invraisemblable.

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pas moins vis-à-vis du sultan : en loyale sujette, elle venait en fournir des preuves et mettre ainsi en garde le puissant sultan contre les trahisons d'un de ses vassaux ; en contrepartie, elle attendait de lui qu'il lui fit réparation en lui accordant un établissement. N'était-ce pas là le seul marché qu'elle fût en mesure de passer avec le souverain ? Sans doute ne pouvait-elle douter qu'en accusant Dorino de trahison à rencontre du sultan, et en sollicitant ainsi son intervention, elle fournissait en réalité à ce dernier un prétexte acceptable pour peut-être confisquer la ville pour lui-même. Le risque en était grand, mais la perspective de provoquer du même coup la perte de Dorino n'était certainement pas pour lui déplaire. Et puis elle n'avait guère le choix : après celle de Dieu, seule la main du sultan, en s'abattant sur Dorino, pouvait lui permettre d'assouvir une vengeance qu'elle était totalement incapable d'obtenir par ses propres forces. De la sorte, injustement frustrée par son beau-frère du trône d'Ainos, et sans espoir de le récupérer, ce dernier, châtié par Mehmed II, n'en jouirait pas longtemps non plus. On peut se demander toutefois quelles preuves elle put avancer pour étayer ses accusations contre Dorino. Mais si le dossier qu'elle monta n'était peut-être pas très lourd — quoique suffisant pour éveiller l'intérêt d'un sultan qui ne demandait qu'à se laisser convaincre —, elle pouvait toujours user en dernier recours d'un argument de poids : quelle loyauté pouvait-on attendre, de toute façon, à la Porte, d'un homme qui n'avait pas hésité à trahir les dernières volontés d'un père comme le souvenir d'un frère, et à piétiner les droits d'orphelins quand il eût dû leur assurer protection et assistance ?

Discutable quant aux circonstances qui présidèrent à la conquête d'Ainos, le témoignage de Kritoboulos est encore plus surprenant lorsque ce chroniqueur relate l'expédition elle-même. Alors qu'il n'avait nul besoin de détailler l'opération militaire proprement dite, voilà qu'il s'y attarde avec une complaisance suspecte, révélant que ce qui n'aurait dû être qu'une simple promenade militaire, au vu de la distance entre Andrinople et Ainos, tourna en fait à la catastrophe. D'après lui, l'opéra­tion se solda en effet par d' importantes pertes humaines du côté ottoman, infligées non par une résistance quelconque — les autorités de la ville offrirent leur reddition avant même l'arrivée du sultan et de ses troupes —, mais par l'hiver balkanique, particulièrement rigoureux cette année-là. «Leur marche fut à ce point entravée par la neige, le froid et les vents du nord, que de nombreux fantassins moururent ensevelis sous la neige, et cela dès leur traversée des faubourgs de la ville (Andrinople), mais aussi sur le reste du trajet, tandis que non négligeable fut aussi le nombre de ceux qui eurent les extrémités gelées et les perdirent, mutilés de nez et d'oreilles, ainsi que d'autres parties du corps» 69.

On est un peu surpris de cette insistance à relever l'ampleur de pertes humaines subies au cours d'une expédition menée contre une ville totale-

69. KRITOBOULOS, p. 1061"7.

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ment négligeable au point de vue défensif, surtout lorsqu'une telle expé­dition est dirigée par le sultan en personne ! Serait-ce une erreur d'appré­ciation militaire et stratégique de Mehmed II que relève, assez perfide­ment, Kritoboulos ? Habituellement une armée ottomane n'entre pas en campagne en plein cœur de l'hiver, et quel qu'ait pu être le souci du sul­tan de s'assurer directement la possession d'une ville si importante au point de vue stratégique en cas de riposte italienne, cela pouvait bien attendre le printemps. D'ailleurs, les contingences météorologiques valaient aussi bien pour les Occidentaux et leur flotte, ce qui limitait sérieusement un risque d'attaque de leur part à ce moment-là, et en l'oc-curence, on l'a vu, la passivité des Républiques italiennes ainsi que l'in­signifiance des préparatifs guerriers de Dorino II ne réclamaient nulle­ment une riposte urgente. Il semble bien que ce soit surtout la perspective d'une expédition rapide, au vu de la proximité géographique d'Ainos et d'Andrinople, l'effet de surprise aussi — Dorino se trouvait alors en villégiature d'hiver à Samothrace —, qui convainquirent le sul­tan de braver hardiment les rigueurs de l'hiver. Recherche d'un succès facile, susceptible d'entretenir son image de ghâzî à peu de frais ? En tout cas, l'épisode n'ajoute rien à la gloire du Conquérant et se révèle peu digne, en définitive, de celui qui se voulait l'émule du grand Alexandre. Car c'était là connaître les affres d'un Hannibal franchissant les Alpes pour un bien piètre objet, et Kritoboulos connaissait ses clas­siques... Outre ces erreurs d'appréciations, le chroniqueur relève au pas­sage un autre travers de caractère de Mehmed : une impulsivité irréflé­chie. Selon lui, l'expédition fut décidée par le sultan sur un véritable «coup de sang» à l'annonce des trahisons de Dorino. Une colère qu'il justifie certes comme un sentiment légitime de la part d'un suzerain aussi soucieux du respect du bon droit, mais aussi accès d'humeur que Kritoboulos savait bien propre à brouiller son jugement et à lui faire prendre des décisions inconsidérées. Le récit de Kritoboulos, un histo­rien si souvent taxé de courtisanerie70, permet donc, si on sait le lire entre les lignes, une lecture de l'événement sensiblement différente de celle donnée par les annalistes ottomans.

C'est ainsi que le chroniqueur 'Achikpachazâde71 ne mentionne la conquête d'Ainos que pour trouver une nouvelle occasion d'exalter le Conquérant en sa qualité de ghâzî, combattant de la foi dont le seul but

70. L'historiographie traditionnelle, par parti-pris idéologique, s'est très longtemps interdit une lecture au second degré de l'œuvre de Kritoboulos, taxé tout simplement de "collaborateur". Comme le souligne à juste titre le dernier éditeur et traducteur de l'œuvre, D. R. REINSCH, Mehmed I. erobert Konstantinopel. Das Geschichtswerk des Kritoboulos von Imbros, Graz-Vienne-Cologne 1986, p. 15, «Kritoboulos ist mehr als nur der Lobredner Mehmeds». Et de fait, sous l'encens des flatteries, le lecteur averti peut déceler sans peine, à l'occasion, nombre de critiques voilées à l'encontre du Conquérant.

71. 'ACHIKPACHAZÂDE, Vom Hirtenzelt zur Hohen Pforte ; Frühzeit und Aufstieg des Osmanenreiches nach der Chronik «Denkwürdigkeiten und Zeitläufte des Hauses Osman» vom Derwisch Ahmed, genannt 'Aşık-Paşa-Sohn, trad. R. F. KREUTEL, Graz-Vienne-Cologne 1959, p. 202-204.

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est de châtier les infidèles récalcitrants. Si, dans ses grandes lignes, sa relation de l'expédition est conforme à celle donnée par Kritoboulos 72, tout détail susceptible de détourner le récit de cette préoccupation est banni. L'auteur jette ainsi un voile pudique sur le désastre que connut l'expédition terrestre et ne souffle mot d'Héléna Gateliousaina et de son différend avec son beau-frère, l'affaire se devant de mettre simplement aux prises, comme toujours, le glorieux sultan et un insolent tekfiir régnant sur de non moins insolents giaours. Un tekfür bien entendu pourvu — c'est un topos auquel échappent rarement les chroniques du genre — d'une fille ensorcelante comme une houri. Ce qui est moins conventionnel en revanche, ce sont les raisons qui, d'après 'Achikpa-chazâde, présidèrent à cette nouvelle conquête. L'initiative serait venue du kadi de Fere (Pherrai), venu exposer au sultan les doléances des habi­tants de Fere et ipsala (Kypsela) — villes turques enserrant Ainos au nord —, leurs esclaves n'ayant de cesse de se réfugier à Ainos où ils étaient assurés d'y trouver refuge et impunité. Si elle diffère totalement de l'argumentation développée par Kritoboulos, plus ancré dans l'événe­mentiel et donc a priori plus fiable, l'explication de 'Achikpachazâde a cependant l'avantage d'éclairer un peu plus sur les motivations réelles du sultan. Tel un îlot chrétien au milieu d'un territoire musulman depuis près d'un siècle73, on comprend qu'Ainos ait suscité une accumulation de griefs de la part des villes turques voisines. Car économiquement, sa prospérité leur portait directement préjudice, et le fait qu'à l'époque elle versait déjà un énorme tribut au trésor ottoman leur importait peu, ces villes n'en voyant guère les retombées. Ainos contrôlait en effet l'exploi­tation et la vente du produit des pêcheries des lacs environnants et sur­tout du sel de ses salines, source de revenus considérables ; située à l'em­bouchure de l'Hèbre (Maritza), elle contrôlait aussi à la fois l'accès à la mer et la circulation sur ce fleuve. Rien d'étonnant à ce que, après la chute de Constantinople, les populations de ces villes turques aient considéré que le moment était enfin venu d'en finir avec cette concur­rence déloyale : la perte de son indépendance, en intégrant la ville dans le marché thrace, ramènerait cette concurrence à de plus justes propor-

72. Ainsi de l'action combinée d'une force terrestre, commandée par le sultan, et d'une force navale, dirigée par l'amiral Yûnus. Ou du choix du sultan de prendre ses quartiers à ipsala. En revanche, le chroniqueur turc simplifie à l'extrême le récit des événements. S'il est vrai que Dorino II choisit finalement d'aller trouver directement le sultan, il ne le fit pas à ipsala dès qu'il constata qu'Ainos était encerclée sur terre et sur mer, — 'Achikpa­chazâde ne dit pas qu'il était alors à Samothrace —, mais une fois la campagne finie, à Andrinople, et dans d'autres circonstances rapportées par Kritoboulos. Tous deux sont cependant d'accord pour rapporter que le sultan lui offrit alors en compensation les reve­nus d'un territoire à l'intérieur de l'Empire, mais Kritoboulos est le seul à révéler que Dorino II préféra finalement s'enfuir.

73. La Thrace, déjà ravagée par la compagnie catalane au début du 14e siècle, et en particulier la région autour d'ipsala et Fere, était la zone de prédilection des begs Hâdji Ilbegi et Evrenos dès les années 1350. C'est sans doute dans la décennie postérieure que les deux villes tombèrent entre leurs mains, mais il convient d'être prudent, la chronologie précise de la pénétration turque en Thrace étant loin d'être établie.

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tions. Et puis, Constantinople prise, pouvait-on encore tolérer, en plein cœur de la Thrace turque, cette verrue chrétienne ? Sa situation de ville grecque gouvernée par un pouvoir chrétien, en attisant les haines, ne fai­sait qu'ajouter encore un argument, ou un prétexte idéologique, en vue de sa liquidation. Il n'est pas sans intérêt à ce propos de relever que, selon 'Achikpachazâde, le kadi de Fere aurait souligné le fait que la population d'Ainos appartenait au peuple du tekfiir de Constantinople, dénonçant ainsi le côté désormais anachronique de cette indépendance. Sa dénonciation comme refuge privilégié des esclaves en fuite — unique grief directement formulé par le chroniqueur —, renvoie lui aussi à la situation post 1453. Ces esclaves fuyards étaient évidemment des chré­tiens, et dans leur écrasante majorité, des Grecs réduits en esclavage lors de la chute de Constantinople74. Qu'ils aient cherché à se réfugier dans le dernier réduit chrétien le plus proche, gouverné en outre par la fille de leur ancien mésazôn, est compréhensible. Si l'on manque de sources pour le prouver, il ne fait aucun doute qu'Ainos dut fonctionner, à partir de 1453, comme un centre de rachat des prisonniers de Constantinople, de part la position d'Héléna dans la ville, sinon de sa propre initiative75. Mais les racheter était une chose ; leur donner asile en état de fuite en était une autre, des conventions de renvois réciproques à leurs légitimes propriétaires réglant évidemment ce genre de cas. Le sultan ne pouvait

74. Une série de lettres contemporaines, toutes préoccupées du rachat des malheureux prisonniers de la capitale tombée, évoque plusieurs fois Ainos. Le 29 juillet 1453, à Andrinople, un certain «Dèmètrios l'infortuné» écrivait à Ainos à Manuel Christônymos — le futur patriarche ? —, et lui envoyait ses lettres par l'intermédiaire de l'émin présent dans la ville, Andronikos, dépendant lui-même du «grand émin du grand seigneur» à Andrinople, Nikolaos Isidôros, qui s'occupait alors activement de racheter ses compa­triotes, cf. J. DARROUZÈS, Lettres de 1453, REB 1964, lettre 5, p. 90-92. La présence d'un émin à Ainos en 1453, présence qui embarrassait J. Darrouzès, puisque la ville était encore à cette date indépendante, s'explique en fait parfaitement, les Turcs étant partie prenante dans la gestion de ses salines, dont ils prélevaient par l'intermédiaire de leurs agents sur place une part des revenus, sans compter une partie des autres recettes fiscales, cf. Elisabeth A. ZACHARIADOU, La part des Turcs dans les revenus, op. cit., p. 349. Quelques lettres échangées entre Nikolaos Isidores et ses agents concernent l'exploitation de salines et de pêcheries (ainsi les lettres 3 et 4), sans mention de lieu. Darrouzès pensait à Anchialos, mais on peut songer aussi à Ainos.

75. Du dossier de lettres précédemment évoqué, la plus intéressante pour notre propos est la lettre 8 (DARROUZÈS, Lettres, op. cit., p. 101). Datée du 27 (septembre ?) 1453, on y voit Nikolaos Isidôros demander à un certain papas Galinas d'aller trouver la «fille du mégadoux», apparemment à Andrinople, pour qu'elle accorde l'argent destiné au rachat «des fillettes». S'agit-il d'Héléna, venue trouver le sultan dans sa capitale pour tenter de racheter des membres de sa famille, et sollicitée ainsi pour d'autres personnes ? Ou bien d'une autre de ses sœurs? En tout cas Héléna n'aura pas manqué de faire pression sur Palamede, dès juin-juillet 1453, pour tenter de racheter au moins ses sœurs prisonnières, à l'occasion de l'ambassade envoyée d'Ainos pour traiter avec le Conquérant au lendemain de la chute de Constantinople. En septembre 1454, Georgios Sphrantzès passa à Ainos, où il se cacha le temps d'attendre le retour du mirahur du sultan à Andrinople — alors à Sofia avec son maître —, qui détenait sa femme, prisonnière depuis la chute de la Ville, pour la lui racheter, SPHRANTZÈS, op. cit., XXXVII, 6, p. 144. Sans doute sollicita-t-il alors une entrevue auprès de la souveraine du lieu, fille de son ancien rival politique.

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être longtemps sourd à ces récriminations, les avantages qu'il tirait de la permanence de la situation ne pesant finalement pas lourd dans la balance.

Si la conquête systématique des îles de l'Egée devait être encore diffé­rée, pour les raisons évoquées plus haut, Ainos, ville de Thrace, pouvait être annexée directement à l'Empire ottoman sans inconvénients majeurs. Sur le plan intérieur, le sultan contentait la population de la région en mettant fin à une concurrence économique insupportable. Sur le plan idéologique et politique, il faisait l'unité de la Thrace ottomane et entretenait son image de gâzî. Sur le plan stratégique surtout, cette conquête, qui allait de pair avec celle des îles d'Imbros et de Samothrace, avait l'avantage de lever définitivement l'hypothèque d'une possible invasion occidentale par l'Hèbre, tout en resserrant encore sa prise sur l'Egée.

Mal conçue, l'expédition qui quitta Andrinople le 24 janvier 1456 donna tout de même les résultats escomptés, Ainos tombant dans l'escar­celle ottomane par la reddition de sa population. Héléna eut au moins la satisfaction de voir son beau-frère dépouillé, et peut-être Mehmed, sen­sible à sa démarche courageuse et confiante — puisqu'elle était venue d'elle-même se mettre sous sa protection —, lui accorda-t-il finalement quelques revenus, surtout après que, négligeant ses offres d'un tîmar dans la région de Zichna, Dorino eût préféré s'enfuir à Naxos et rompre ses relations avec lui. Cela dit, l'accord durait souvent ce qu'il durait76, puisqu'il dépendait uniquement du caprice du maître. La question est aussi de savoir si Héléna Gateliousaina était femme à supporter long­temps cette situation inconfortable, compte tenu surtout du fait que, très vite, les survivants de sa famille paternelle prirent la direction de l'Italie, une translation grandement facilitée par la perspective de récupérer là-bas les placements financiers déposés autrefois par leur père.

En 1459, lorsque se règle à Gênes la question de la succession pater­nelle, Héléna n'est pas présente, pas plus d'ailleurs que sa sœur Maria. Était-elle encore à cette date dans l'Empire ottoman ? En tout cas rien ne s'opposait à ce que, via Péra par exemple, elle n'y reçût chaque année sa part des dividendes des placements paternels qu'Anna, par l'intermé­diaire de ses procureurs, était censée lui verser. Les minutes du procès intenté par Anna en son nom propre, celui d'Héléna ainsi que de ses deux autres sœurs, n'évoquent pas non plus ses enfants, chose cependant assez normale, puisque le règlement de l'héritage ne concernait que les héritiers immédiats de Loukas Notaras. Étaient-ils avec elle lorsqu'elle se réfugia auprès du sultan, et en ce cas, n'est-il pas vraisemblable de penser qu'ils furent placés dans le sérail d'Andrinople ? Ou bien, suffi-

76. Et se terminait en général fort mal pour le bénéficiaire. L'ex-basileus de Trébizonde David II et le despote Dèmètrios Palaiologos de Morée en surent quelque chose. En dédaignant, lui, les offres de Mehmed II, Dorino eut au moins la satisfaction de sauver sa tête.

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samment instruite par l'exemple de son dernier frère, contraint à l'apo­stasie, eut-elle soin de les mettre en sûreté avant de se rendre auprès de «l'autorité suprême» ?

Les documents génois relatifs à la succession de Loukas Notaras, s'ils ne permettent pas, de par leur nature même, d'apporter des réponses à toutes ces questions, et encore moins de reconstituer une biographie satis­faisante de cette princesse, autorisent toutefois à poser quelques jalons sup­plémentaires. On se plairait à penser que, cruellement éprouvée par tant de malheurs à la fois privés — veuvage, massacre de sa famille paternelle —, et publics — la perte de son statut de souveraine —, Héléna Gateliousaina ait choisi de se réfugier loin du monde en se cloîtrant dans quelque monas­tère où elle aura pu, sinon trouver la paix de l'âme, du moins s'identifier à toutes ces saintes femmes, princesses malheureuses comme elle, dont son père lui avait autrefois conseillé l'exemple des vertus de résignation et la recherche de consolations spirituelles. Or avant d'opter pour ce destin, sous le nom d'Euphrosynè, Héléna contracta un second mariage, probable­ment au début des années 1460.

Le 6 mars 1486, soucieuse de s'assurer la possession intégrale de l'hé­ritage paternel déposé à Gênes, Anna Notara faisait savoir aux protec­teurs du Banco di San Giorgio qu'elle restait désormais la seule héritière de son père Loukas depuis la mort de son frère Iakôbos et de ses sœurs Maria et Héléna, précisant que, «defonti sunt omnes tres sine filiis mas-culis vel feminis, et quod filii dicti domini Iacobi et dictarum sororum de hac vita decesserunt ante mortem ipsorum» 77. Oberto Foliete, le notaire qui rédigea l'acte, disposait de quelques pièces justificatives, dont un document passé à Venise devant le notaire «Gasparo de Buratis quondam ser Danielis» le 13 décembre 1485, par lequel Anna avait déjà fait constater le décès de son frère et de ses sœurs, sur la foi de témoins grecs d'origine constantinopolitaine78. Or, d'entre les trois sœurs d'Anna, Héléna n'y est plus évoquée comme «Elena, olim filia dicti quondam domini Luce, et uxor quondam magnifici domini Georgii Gateluxii, Ennii domini» comme en 1459, mais désormais comme la «magnifica domina Eleana Catacussina»79. L'ex-souveraine d'Amos aurait donc

77. ASG, SG, Fogłiazzi delle Columne, n° 3669, anno 1486, le 6 mars. Il s'agit là aussi de filze non foliotées.

78. Malheureusement, cet acte vénitien, nécessairement plus détaillé, et qui comportait peut-être les dates des décès respectifs des enfants du mégadoux, ne s'est pas conservé à VArchivio di Stato de Venise. La disparition de ce document est surtout regrettable par le simple fait qu'elle interdit toute confrontation avec l'acte génois d'Oberto Foliete, qui pré­sente des difficultés de lecture tant pour ce qui est de l'écriture proprement dite que du latin employé.

79. Voir références à la note 77 supra. L'identification de l'Elena de 1459 avec cette Eleana comme une seule et même personne ne souffre aucun doute, la liste des filles du mégadoux étant là bien conforme à celle de 1459. D'ailleurs, Eleana est ici la seule des quatre à être désignée comme «magnifica domina», les autres l'étant simplement de «domina» ; ce qui constitue assurément un rappel de son ancien statut de souveraine, Giorgio Gattilusio étant, dans le document de 1459, qualifié de «magnificus dominus».

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épousé en secondes noces un Kantakouzènos. S'il nous paraît plus pru­dent d'attendre la découverte d'autres documents avant d'accepter sans restriction cette information, on peut tout de même se livrer d'ores et déjà à quelques réflexions. Alors que sa sœur Anna se retirait définitive­ment à Venise, Héléna ne semble pas avoir gagné l'Occident. Tout indique que, soit elle sera restée jusqu'au bout dans l'Empire ottoman, soit elle se sera réfugiée plus vraisemblablement dans quelque posses­sion orientale latine80. Il est donc douteux qu'elle ait pu épouser un Kantakouzènos réfugié en Italie. D'ailleurs, la généalogie inédite de cette famille, retracée par Angelo Massarelli au début du 16e siècle et signalée récemment par D. M. Nicol81,· ne mentionne pas une telle alliance, Massarelli ignorant la descendance des membres mâles de la famille demeurée en Orient immédiatement après la chute de Constantinople82. En tout cas, lorsqu'elle mourut, tous ses enfants — et donc ceux qu'elle avait eus de Giorgio Gattilusio —, étaient déjà morts, comme nous l'apprend le document génois. Quant à la date de sa dispari­tion, elle est antérieure au 13 décembre 1485, mais on ne peut être plus précis83.

Lorsqu'en 1493, Anna Notara rédigea à Venise son testament, elle prévit, entre autres clauses, un legs qui apparaissait jusqu'ici bien mysté­rieux, mais qui prend désormais tout son sens. Elle léguait en effet une somme d'argent destinée à racheter et à libérer des mains des Turcs un captif chrétien, et cela pour l'âme de «madona Phrosina, mia sorella», qui avait réclamé la réalisation de ce vœu au moment de mourir84. On

80. Et plus particulièrement vénitienne. C'est ainsi que l'île de Corfou a constitué un repli privilégié pour nombre d'anciens aristocrates constantinopolitains. C'est là que Georgios Sphrantzès se réfugia ; c'est là aussi qu'une des sœurs d'Héléna, Theodora, choisit de prendre le voile.

81. A. MASSARELLI, «Dell' Imperadori Constantinopolitani», vatic, lat. 12127, f. 349v-353, inédit ; cf. D. M. NICOL, Theodore Spandounes, On the origin of the Ottoman Emperors, Cambridge 1997, p. xvii.

82. Les Kantakouzènoi installés à Novo Brdo en Serbie avant 1477, et qui tenaient en fermage les mines pour le compte du sultan, n'y figurent pas. Signalons que, parmi ceux qui furent exécutés en 1477 sur ordre de Mehmed II, figuraient un Jean, époux d'Euphrosynè, et un Dèmètrios, époux d'Héléna. Les veuves se retirèrent dans des monas­tères, cf. D. S. RADOJIČIČ, Un Byzantin, écrivain serbe : Démétrius Cantacuzène, Byz. 29, 1959, p. 77-87.

83. Par des documents inédits, nous savons en effet que ce n'est pas l'annonce de la mort d'Héléna ou de Maria qui décida Anna à faire établir cet acte du 13 décembre 1485, mais bien celle, toute récente, de leur frère Iakôbos, le dernier membre de la famille dont l'existence l'empêcha encore de mettre la main sur la fortune paternelle. Autrement dit, en 1485, Héléna et Maria étaient déjà décédées, et peut-être depuis beaucoup plus longtemps que leur frère Iakôbos. Quant à la dernière sœur vivante, Theodora, elle n'était pas gênante pour Anna, sa condition présente de moniale l'excluant de la succession.

84. «... ακόμη να εξαγοράσουν ένα άμάλοτον άπο τους τούρκους χριστιανδν και να το ελευθερώσουν διά την ψυχην της κυρα Φροσύνης της αδελφοίς μου καθδς το έπάφεικεν έν τι ώρα του θανάτου αύτης». Nous avons préféré recourir, pour l'édition de cet extrait, au texte original du testament d'Anna (ASV, Notai di Venezia Testamenti, notaio Troili de Manfredis, busta 36), plutôt qu'à la publication de ce même document

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connaît la coutume byzantine qui consiste à changer de prénom lors de la prise d'habit monastique, et cela par un autre prénom commençant par la même lettre. Des trois sœurs d'Anna — Maria, Héléna et Theodora —, notre Héléna, c'est-à-dire 'Ελένη, est ainsi la seule à avoir pu opter pour le prénom monastique de Phrosynè, diminutif très répandu d'Euphrosynè (Ευφροσύνη)85.

On reconnaîtra donc, sous ce dernier avatar, l'ultime trace laissée dans l'Histoire par l'infortunée Héléna Notara Gateliousaina, dame d'Ainos et propriétaire du ms. Sankt Peterburg Bibi. pubi. gr. 243, devenue peut-être Kantakouzènè par un second mariage, et enfin nonne sous le patro­nyme monastique d'Euphrosynè86.

Thierry GANCHOU Associé au Centre d'Histoire et Civilisation de Byzance Paris

réalisée par K. D. MERTZIOS, Ή διαθήκη της "Αννας Παλαιολογίνας Νοταρά, Άθηνα 53, 1950, ρ. 19, très fautive. Mertzios n'a pas vu du reste que dans cette même busta 36 se trouvait une traduction vénitienne du texte grec, réalisée par «Nicolaus de Negronponte, interpres de lingua greca in latinám», le 30 mars 1493, alors que la version grecque, rédi­gée par le propre confesseur d'Anna, le papas «Caloiani Capnissi, sacerdotes», date du 24 mars. Voici le passage correspondant : «.. anchora a rescatar uno schiavo christiano da li Turchi et liberarlo per lanima de madona Phrosina mia sorela come essa la ordenado nel ponto de la sua morte».

85. C'est ainsi qu'une autre sœur d'Héléna, Theodora, choisit son prénom monastique en fonction de cette tradition, puisqu'elle se décida pour celui de Théodoxia. Il est curieux que, dans son testament, Anna ne fasse pas mention de son autre sœur, Maria, décédée entre 1459 et 1485.

86. Il y a deux possibilités : soit Héléna est entrée en religion assez tôt, à la suite vrai­semblablement de son second veuvage, soit sa prise d'habit s'est faite seulement sur son lit de mort, comme c'était alors l'usage commun. Mais cette solution n'est guère satisfai­sante, car, dans ce dernier cas, comment admettre qu'en 1493, c'est-à-dire si longtemps après son décès, sa sœur Anna ait pu se souvenir encore d'elle comme de la nonne Euphrosynè, et non comme d'Héléna, si sa vie religieuse s'était résumée à une simple prise d'habit au seuil de la mort ?

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LE CODEX PARISINUS GRAECUS 1555 A ET SA RECENSION DE L'ÉPITOMÈ BYZANTIN

D'HISTOIRES ECCLÉSIASTIQUES

Bernard POUDERON

Résumé : Le codex Parisinus gr. 1555 A intègre à la recension, qui lui est propre, de l'Epitomè byzantin d'histoires ecclésiastiques, deux séries de fragments anonymes sépa­rées par une brève généalogie de la famille de Constantin. La première série (527-609) offre des parallèles remarquables avec la Chronique de Jean Malalas et surtout celle de Théophane, mais elle se clôt au règne de Phocas ( t 610) comme celle de Jean d'Antioche, l'un des utilisateurs de Malalas : ce qui permettrait de supposer une filiation Jean Malalas (6e s.) — Jean d'Antioche (7e s.) — l'Epitomè (7e s.) — Théophane (9e s.)· La seconde (465-562), elle aussi très proche de Jean Malalas et surtout de Théophane, pourrait dépendre de la Chronique de Basile de Cilicie (6e s.), qui s'étendait du règne de Marcien (450-457) jusque vers 555/560 : c'est en effet à cet auteur que renvoie la notice anonyme conservée dans le codex Baroccianus gr. 142, l'un des autres témoins de l'Epitomè.

Cet article clôt la série d'études que nous avons consacrées à l'Epi­tomè byzantin d'histoires ecclésiastiques et aux manuscrits qui nous l'ont transmis II porte sur une partie de l'Epitomè, qui n'est conservée que dans un seul manuscrit : le Parisinus graecus 1555 A.

Ce codex de papier de \Q+194 folios, écrit sur deux colonnes de 29 lignes, est daté des 13e-14e siècles ; il a été décrit par H. Omont dans son Inventaire sommaire des manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale, t. 2, Paris 1888, p. 93-94. Sa description peut être complétée par celle que fait G. C. Hansen dans son édition de Théodore le Lecteur : Theodoros Anagnostes Kirchengeschichte, GCS, Berlin 1971, XXV-

1. Le témoignage du codex Baroce, gr. 142 sur Athénagore et les origines du didaska-leion d'Alexandrie, Science et vie intellectuelle à Alexandrie, éd. G. ARGOUD, Mémoires XIV, Centre Jean Palerne, Saint-Étienne 1994, p. 163-224 ; Les fragments ano­nymes du Baroc. gr. 142 et les notices consacrées à Jean Diacrinoménos, Basile de Cilicie et l'anonyme d'Héraclée, REB 55, 1997, p. 169-192.

Revue des Études Byzantines 56, 1998, p. 169-191.

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170 BERNARD POUDERON

XXVI, et par celle d'E. Jeffreys, M. Jeffreys et R. SCOTT, The Chronicle of John Malalas (trad, angl.), Melbourne 1986, p. XXXIII-XXXIV2.

A. L E MANUSCRIT ET SON CONTENU

I. La partie historique du Parisinus gr. 1555 A

La partie qui nous intéresse est la toute première, celle qui contient des fragments historiques : fol. A à fol. 23v. En voici le contenu : — fol. A-J (10 folios non numérotés très mutilés) : fragmenta historica de V. T. et N. T. — fol. l r-5 r : chronologia brevis ab Adamo usque ad Tiberium II (578)3.

Sine titulo ; inc. fol. Γ a, 1. 1 : ... και εις συνταγας άγαθάς- και ή μεν ; des. fol. 5r b, 1. 25-26 : ... κατ'έκεϊνον τον καιρόν μαρτυρησάσης.

— fol. 5r-7r : Eustathii Epiphanensis epitome Fl. Josephi Archeologiae 4. Tit. fol. 5r b, 1. 26-29 : Ευσταθίου Έπιφανέως Συρίας επιτομή της αρχαιολογίας Ίωσήπου ; inc. fol. 5Γ a, 1. 1 : Τα δε ένέστησεν έν τω πρώτω ; des. fol. Τ b, 1. 22-23 : ετη ο'· γίνονται τα πάντα ετη δυκ'.

— fol. 7r-23v : Epitome historiarum ecclesiasticarum. Sine titulo ; inc. fol. 7r b, 1. 24 : τω μβ' ετει της βασιλείας Αυγούστου Καίσαρος ; des. fol. 23ν a, 1. 5 : άρατε πύλας οί άρχοντες υμών. [— fol. 23ν-28Γ : ordo thronorum patriarch, metropol.].

II. La recension de l'Épitomè propre au Paris, gr. 1555 A

L'Épitomè contenu dans le Parisinus a été publié par J. A. Cramer, Anecdota graeca e codd. manuscriptis bibliothecae regiae Parisiensis, Oxford 1839, p. 87-114, sous le titre Έκλογαί άπο της εκκλησιαστικής ιστορίας. Et G. . Hansen a bien entendu utilisé la recension de l'Épitomè propre à ce manuscrit dans son édition des frag-

2. La consultation de la CPG, 2, p. 203 (n° 3078), m'a fait écrire par erreur que Γ 'Ιστορία εκκλησιαστική de Basile contenue dans le codex Parisinus graecus 1555 A (fol. 167va-178va}, en laquelle j'avais reconnu une recension plus complète des 'Ερωτήσεις αποκρίσεις περί εκκλησίας, attribuées à Grégoire de Nazianze et trans­mises par le Laur. 56, 13 (fol. 19r-21v) et le Vaticanus Ottobonianus graecus 441, fol. 437bv-439r, était restée inédite. En fait, cette compilation byzantine, dont il existe plu­sieurs versions, attribuées tantôt à Basile (non répertorié dans la CPG), tantôt à Grégoire (CPG n° 3078), tantôt à Germain de Constantinople (CPG n° 8023), ou encore à Jean de Constantinople (Jean IV le Jeûneur plutôt que Jean Chrysostome ; non répertorié dans la CPG), a été éditée pour la première fois par Dèmètrios DOUKAS dans Αϊ θεΐαι λειτουργιαι, Rome 1526, pour ce qui est de la version de Germain, et en dernier lieu par F. E. BRIGHTMAN, JThS 9, 1908, p. 248-267, et 387-397, pour ce qui est de la version attri­buée à Basile. Outre Brightman, on consultera R. BORNERT, Les commentaires byzantins de la divine liturgie du Vile au XVe siècle, Paris 1966, p. 125-180.

3. Les termes de cette chronologie correspondent à peu près à ceux de la Chronique de Jean Malalas : d'Adam (p. 5 DINDORF) à 562/563 (p. 496 DINDORF), et certainement un peu au-delà, puisque la fin du texte est perdue (jusqu'en 574 ?).

4. Eustathe d'Epiphanie a composé une Histoire qui s'arrêtait vers 502/503 ; ses frag­ments ont été édités par MÜLLER, FHGIV, 138-142 ; il était l'une des sources d'Évagre.

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ments de Théodore, de Gélase et de Jean Diacrinoménos. Voici comment il se présente : — fol. 7r à fol. 9V : abrégé d'Eusèbe (Cramer p. 87-91).

Sine titulo ; inc. fol. 7r b, 1. 24 : Τω μβ' ετει της βασιλείας Αυγούστου Καίσαρος (naissance de Jésus à Bethléem) ; des. fol. 9V a, 1. 1 : (δέκα δε ετη τον κατά των Χριστιανών ττόλε)μον άνερρίπησαν (le règne de Maximin).

— fol. 9V : abrege de Gélase (Cramer p. 91 = frag. 1, 2 et 6 Hansen). Sine titulo ; inc. fol. 9V a, 1. 2 : Κύριλλος ό 'Ιεροσολύμων επίσκοπος (frag. 1) ; des. fol. 9V b, 1. 8 : άναιρεθηναι έκέλευσεν (frag. 6).

— fol. 9v-20r : abrégé de Théodore le Lecteur (Cramer p. 91-108 = frag. 5 à 524 Hansen, série incomplète).

Sine titulo ; inc. fol. 9V b, 1. 9 : Μαξενθίου και Λικινίου άναιρεθέντων (frag. 5) ; des. fol. 20r a, 1. 9: ην γενομένην Αύγούσταν Εύφημίαν οί δημόται ώνόμασαν (frag. 524).

— fol. 20 ѵ : abrégé de Jean Diacrinoménos (Cramer p. 108-109 = frag. 538-556 Hansen, série incomplète).

Sine titulo ; inc. fol. 20r a, 1. 10 : Δύο επισκόπων αμφισβητούντων (frag. 538) ; des. fol. 20v a, 1. 12 : και πασι τοις λοιποΐς πράγμασι (frag. 556).

— fol. 20v-23v : abrégé d'un (ou plusieurs) auteur(s) anonyme(s) ; absent des autres témoins de l'Épitomè (Cramer p. 111-114 ; absent de l'édition de Hansen).

Sine titulo ; inc. fol. 20v a, 1. 12 : Ίουστίνος άνηγόρευσε Βασιλέα ; des. fol. 23v a, 1. 5 : άρατε πύλας οί άρχοντες υμών.

III. Les fragments anonymes contenus dans le Paris, gr. 1555 A

Comme ces derniers fragments ne sont précédés d'aucun titre et qu'ils ne figurent pas dans les autres témoins de l'Épitomè, il est a priori impossible de dire de quel ouvrage ils ont été tirés. En voici la descrip­tion ; l'incipit et le desinit sont accompagnés de l'indication des loci paralleli dans les Chroniques de Jean Malalas et de Théophane d'Epi­phanie, très proches de notre anonyme, ainsi que dans différentes Histoires et Chroniques, en grande partie d'après les indications d'E. Jeffreys5. Nous avons rectifié les erreurs de lecture de Cramer, ainsi que quelques-unes de ses nombreuses fautes d'accents.

— Première série : de l'accession de Justinien au règne de Phocas (527 — 602/610) — frag. 1 : fol. 20v a, 1. 12 (= Cramer p. 109, 1. 26 ; 1. 27 : je lis τεσσάρις, que Cramer corrige en τεσσάρας).

Inc. Ίουστΐνος άνηγόρευσε (mort de Justin : an. 527 ; acccession de son neveu Justinien à l'Empire ; séisme d'Antioche : an. 526 ou an. 528) ; des. έν έκείνω τω χρόνω. Parali, (accession de Justinien) Jean Malalas, Chron. p. 425 Dindorf = PG 97, 627 A; Théophane, Chron. p. 174 de Boor = PG 108, 401 (séisme

5. On trouve en effet une liste quasi exhaustive des passages parallèles à la Chronique de Jean Malalas dans l'édition d'E. Jeffreys.

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d'Antioche) Jean Malalas, Chron. p. 419-421 et 423 Dindorf = PG 97, 620 A - 621 + 625 A ; ou p. 442-443 Dindorf = PG 97, 652 ; Théophane, Chron. 172 de Boor = PG 108,̂ 401 A ; ou 177-178 de Boor = PG 108, 409 [cf. pour le séisme de 526: Évagre, HE. IV, 5, p. 155-156 (d'après Jean Malalas) ; Jean d'Éphèse, 224-225 ; Georges le Moine, 626 ; Leo Grammaticus, 319; Georges Cédrènos, 640-641 ; Jean de Nikiou, 90; ps.-Dionysien, 846 ; Marcellinus Cornes, ad ann. 526 ; Procope, Hist. seer. 18, 41 ; pour celui de 528 : Évagre, HE. IV, 6, p. 156 ; ps. Zacharias, VIII, 4 ; Georges Cédrènos, 646 ; Georges le Moine, 643 ; Jean d'Éphèse, 226-227 ; ps.-Dionysien, 851 ; Michel le Syrien, 9, 21 et 9, 29].

— frag. 2 : fol. 20v b, 1. 1 (= Cramer p. 110,1. 3 ; pas de faute de lecture). Inc. Έπιφανίου του επισκόπου (Anthime de Trébizonde succède à Épi-phane de Constantinople : an. 535) ; des. τα μετά ταοτα γενόμενα. Parali. Jean Malalas, Chron. : néant (mais p. 479 Dindorf = PG 97, 696 A : le synode de Constantinople depose Anthime) ; Théophane, Chron. p. 217 de Boor = PG 108, 477 (p. 183) [cf. Évagre, HE. IV, 9, p. 160].

— frag. 3 :1 . 8 (= Cramer p. 110,1. 6 ; pas de faute de lecture). Inc. Πολλάς δωρεάς οί βασιλείς (reconstruction d'Antioche, baptisée Théoupolis : après 528) ; des. προσέταξαν Θεούπολιν όνομάζεσθαι. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 443-444 Dindorf = PG 97, 653 A-B ; Théophane, Chron. p. 178 de Boor = PG 108, 409 B-C [cf. Évagre, HE. IV, 6, p. 156].

— frag. 4 :1.17 (= Cramer p. 110,1. 10 ; pas de faute de lecture). Inc. Θεοδώρα ή Αύγούστα (Theodora et les prostituées) ; des. συγκροτήσεως άξιώσασα. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 440-441 Dindorf = PG 97, 649 A-B ; Théophane, Chron. : néant [absent d'Évagre ; voir Procope, Hist. seer. 17, 5-6].

— frag. 5 : 1 . 21 (= Cramer p. 110,1. 12 ; pas de faute de lecture). Inc. Σαμαρεΐται και 'Ιουδαίοι (révolte des Juifs et Samaritains de Palestine : an. 529 6) ; des. δια τοΰ βασιλέως άνάλωσεν. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 445-446 Dindorf = PG 97, 656 ; Théophane, Chron. p. 178 de Boor = PG 108, 412 A [absent d'Évagre ; voir Procope, Hist. secr. 11, 24-30 : an. 529 ; Constantin Porphyrogénète, De ins. 44; Chron. Pasch. p. 619-620 Dindorf = PG 92, 872-873; Georges Cédrènos, 646-647 ; Jean de Nikiou, 93 ; Michel le Syrien, 9, 21].

— frag. 6 : 1. 28 (= Cramer p. 110, 1. 16 ; à la ligne 17, je lis bien υπαπαντή au lieu de la leçon fautive ύπαπαντις signalée par Cramer) ; cf. frag. 33.

Inc. Παύλος άνεχώρησεν (Zoïle succède à Paul comme patriarche d'Alexandrie : an. 541 ; première célébration de la fête de la purification) ; des. Φευρουαρίου μηνός έορτάζεσθαι. Parali. (Zoile) Jean Malalas, Chron. : absent ; Théophane, Chron. p. 222 de Boor = PG 108, 488 ( . 188) ; (la fête de la purification) Jean Malalas, Chron. : absent; Théophane, Chron. p. 222 = PG 108, 488 ( . 188) [cf. Évagre, HE. IV, 11, p. 161 (Zoïle, successeur de Théodose - Paul étant oublié) ; sur Paul, voir Procope, Hist. secr. 22, 3-25].

6. Une autre révolte se produisit en 548 : Jean Malalas, p. 487 DINDORF ; Théophane, p. 178-179 DE BOOR.

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— frag. 7 : fol. 21 r a, 1. 7 (= Cramer p. 110, 1. 20 ; pas de faute de lec­ture).

Inc. Πέτρος ό επίσκοπος 'Ιεροσολύμων (Macaire succède à Pierre de Jérusalem, Apollinaire à Zoïle : an. 552) ; des. ποιήσας εις μοναστήριον. Parali. (Macaire) Jean Malalas, Chron. : absent ; Théophane, Chron. p. 241 de Boor = PG 108, 525 A (p. 204) ; (Apollinaire) Jean Malalas, Chron. : néant ; Théophane, Chron. p. 226 de Boor = PG 108, 500 A (p. 192) [cf. Évagre, HE. IV, 37, p. 186].

— frag. 8 :1 . 16 (= Cramer p. 110,1. 24 ; pas de faute de lecture). Inc. Ό άββάς "Αγαθός (les démêlés de l'abbé Agathos ou Agathôn avec l'abbé Eustochios ; Eustochios prend la place de Macaire sur le siège de Jérusalem : an. 552) ; des. γέγονεν άντ'έκείνου επίσκοπος. Parali. Jean Malalas, Chron. : absent ; Théophane, Chron. p. 242 de Boor = PG 108, 528 A-B (p. 205) [absent d'Évagre].

— frag. 9 :1 . 28 (= Cramer p. 110,1. 30 ; pas de faute de lecture). Inc. τά εγκαίνια της 'Αγίας Ειρήνης (Apollinaire et Menas célèbrent de concert à Constantinople le dépôt des reliques de sainte Irène : an. 551/552 ?) ; cf. frag. 28 ; des. την άκολουθίαν έτέλεσεν. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 486 Dindorf = PG 97, 703 ; Théophane, Chron. p. 228 de Boor = PG 108, 500 D - 501 A (p. 193) [absent d'Évagre].

— frag. 10 : fol. 21 b, 1. 10 (= Cramer p. 111,1. 1 ; pas de faute de lec­ture).

Inc. Χοσρόης παρέλαβεν Άντιόχειαν (prise d'Antioche par le roi des Perses Chosroès Ier : an. 540 ; fondation d'une seconde 'Antioche' en Perse) ; des. έν αυτί) τη πόλει οίκεΐν έκέλευσεν. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 479-480 Dindorf = PG 97, 695 ; Théophane, Chron. p. 218 de Boor = PG 108, 479 -D (p. 185) [cf. Évagre, HE. IV, 25, p. 172 (d'après Procope, Bell. Pers. II, 5-14).

— frag. 11 : 1. 19 (= Cramer p. I l l , 1. 5, qui lit à tort Δομνίμου au lieu de Δομνίνου).

Inc. Δομνίνου του επισκόπου 'Αντιοχείας (Anastase succède à Domninos comme évêque d'Antioche : an. 559) ; des. άποκρισάριος ών Άπολ(λ) ιναρίου. Parali. Jean Malalas, Chron. : absent ; Théophane, Chron. p. 234 de Boor = PG 108, 512 -D (p. 198) : simple mention de l'année de l'entrée en fonction [cf. Évagre, HE. IV, 39,p. 190].

— frag. 12 :1 . 25 (= Cramer p. I l l , 1.8 ; pas de faute de lecture). Inc. Βελισάριος συν τη γαμέτη αύτου (campagne victorieuse de Bélissaire en Afrique contre les Vandales : an. 533) ; des. μετά πραίδας άφατου ύπέστρεψεν. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 478-479 Dindorf = PG 97, 693 C; Théophane, Chron. p. 189 sq. de Boor = PG 108, 433 A sq. (p. 161 sq.) [cf. Évagre, HE. IV, 16-18, p. 166-168 (d'après Procope, Bell. Vand.)].

— frag. 13 :1 . 29 (= Cramer p. 111,1. 10 ; pas de faute de lecture). Inc. Θεοδώρα ή Αύγούστα (mort de Theodora : an. 548) ; cf. frag. 26 ; des. τοΰ ανδρός αύτης. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 484 Dindorf = PG 97, 701 A ; Théophane, Chron. p. 226 de Boor = PG 108, 497 ( . 191) [absent d'Évagre ; voir Georges Cédrènos, 658].

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— frag. 14 : fol. 2 1 v a, 1. 3 (= Cramer p. 111,1- 12 ; pas de faute de lec­ture).

Inc. Έκβληθέντος Μακαρίου (Eustochios, devenu évêque de Jérusalem à la place de Macaire, chasse Apollinaire et Macaire de la Nea Laura — près de Bethléem — comme origénistes : après 552) ; des. έξέβαλεν ώς ώριγενιαστάς. Parali. Jean Malałaś, Chroń. : absent ; Théophane, Chron. p. 242 de Boor = PG 108, 528 (p. 205) [cf. Évagre, HE. 37-38, p. 186].

— frag. 15 : 1 . 9 (= Cramer p . 111,1· 15 ; pas de faute de lecture). Inc. Το περί φθαρτού καΐ άφθαρτου δόγμα (mort de Justinien, dont l'au­teur rappelle et condamne l'édit sur l'aphthartodocétisme ; accession de Justin II à l'Empire : an. 565) ; des. ανεψιός του προβασιλεύσαντος. Parali. Théophane, Chron. p. 240-241 de Boor = PG 108, 524 ( . 203-204) [hors des termes chronologiques de Jean ; voir Évagre, HE. IV, 39-41, p. 190-192 (fin de son HE.) ; Chron. Pasch. p. 688 Dindorf = PG 92, 957 A].

— frag. 16 : 1. 19 (= Cramer p. 111,1. 20 ; pas de faute de lecture). Inc. Μετά Βιγίλιον γέγονε πάπας (succession des papes : Vigile, Pelage Ier, Jean III, Benoît Ier, Pelage II, Grégoire le Grand, Sabinien, Boniface III, Boniface IV : de 537-555 à 608-615) ; des. και τούτον ομώνυμος Βονιφάτιος. Parali. Jean Malalas, Chron. : pas de liste ni même d'indication similaires7 ; Théophane, qui indique régulièrement les différents évêques de Rome, ne donne pas non plus de liste similaire, et n'emploie pas de toute façon le mot π ά π α ς pour les désigner [pas de liste similaire chez Évagre].

— frag. 17 : 1 . 28 (= Cramer p . 111,1. 24 ; pas de faute de lecture). Inc. Τω πρώτω ετει βασιλείας Ίουστίνου (la première année du règne de Justin, départ pour la Palestine de 'l'abbé Photius', i. e. Photeinos, muni des pleins pouvoirs : an. 565) ; des. κατά παντός προσώπου και πράγματος . Parali. Théophane, Chron. p. 242 de Boor = PG 108, 525 ( . 204) [hors des termes chronologiques de Jean Malalas ; absent d'Évagre ; voir Jean d'É-phèse, I, 32 ; Michel le Syrien, IX, 30].

— frag. 18 : fol. 2 1 v b , 1. 6 (= Cramer p. 111,1. 28 ; pas de faute de lecture). Inc. Θεόδωρος ό άποσκριβώνων (mort par l'épée sous Phocas de Théodore 'Aposcribônôn', i. e. Scriban, patriarche d'Alexandrie8, et d'Anastase, évêque de Théoupolis, i.e. d 'Antioche9 : an. 609); des. αμφότεροι δε μαχαίρα άπέθανον. Parali. Théophane, Chron. p. 296 de Boor = PG 108, 624 A (Anastase) ; pas de mention de la mort de Théodore, a fortiori de ses circonstances 10 [hors des

7. Même s'il est vrai qu'on peut trouver mention des évêques de Rome de-ci de-là : Agapet (535-536) : p. 480 ; Vigile (537-555) : p. 483, 484 et 485 ; «le pape de Rome» : p. 491, etc.

8. Théodore Scribon, patriarche d'Alexandrie de 607 à 609 ; il fut assassiné après la prise d'Alexandrie par le général Bonakis, lors de la révolte d'Héraclius, très probable­ment par ses adversaires monophysites (DHGE, t. 2, Paris 1914, art. Alexandrie, col. 333-334).

9. Saint Anastase, patriarche d'Antioche de 599 à 609 ; il fut mis à mort par les Juifs lors de la révolte suscitée à Antioche et dans toute la Syrie par les conversions forcées ordonnées par Phocas (DHGE, t. 2, Paris 1914, art. Anastase 31, col. 599-609).

10. Théophane indique en revanche l'entrée en fonction de Théodore : p. 294 DE BOOR (I e année) ; p. 295 DE BOOR (2e année).

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termes chronologiques de la Chronique de Jean Malalas et de YHE. d'É-vagre].

Glose (ou préliminaire) intégrée au texte — frag. 19 :1 . 13 (= Cramer p. 111,1. 32 ; pas de faute de lecture ; le pas­sage semble interpolé).

Inc. 'Αναιρείται δε και Λικίνιος (à la mort de Licinius, règne de Constantin; descendance de Constantin et de Fausta: Crisposn, Constantin II, Constance II, Constant Ier, Hélène, qui devint l'épouse de Julien) ; des. τώ τρισαθλι'ω Ίουλιανώ. Parali, cod. Baroce. 142, Epitome, frag. 1 de Théodore 12.

— Seconde série : du règne de Léon Ier (457-467) à celui de Justinien (527 à 565) — frag. 20 : fol. 21v b, 1. 23 (= Cramer p. 112,1. 4 ; pas de faute de lec­ture).

Inc. Έπί Λέοντος του βασιλέως (sous Léon Ier, grand incendie de Constantinople : an. 465) ; des. επί παλαιστην μίαν. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 372 Dindorf = PG 97, 553 ; Théophane, Chron. p. 112 de Boor = PG 108, 285 A (p. 96) [cf. Évagre, HE. II, 13, p. 64-65 ; Chron. Pasch. 595 Dindorf ; ps.-Dionysien, 785 ; Candidus Isaurus, frag. 1 Müller ; voir encore Théodore le Lecteur, I, 23 ; Georges Cédrènos, I, 609 ; Zonaras, III, 252, d'après PW 12, 1959].

— frag. 21 : fol. 22r a, 1. 9 (= Cramer p. 112, 1. 11 ; à la ligne 12, je lis dans le codex έπεσαν au lieu de la leçon correcte επεσον choisie par Cramer).

Inc. 'Επί της Ζήνωνος βασιλείας (sous Zenon, grand séisme de Constantinople) ; des. ό σεισμός επί πολύν χρόνον. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 385 Dindorf = PG 97, 572 A-B ; Théophane, Chron. p. 125-126 de Boor = PG 108, 312 A-B (p. 108) [cf. Évagre, HE. Ili, 28, p. 124-125 ; Chron. Pasch. 605 ; Georges Cédrènos, 618].

— frag. 22 : 1. 25 (= Cramer p. 112,1. 19 ; à la ligne 19, Cramer lit ΙΝΔ là où je lis ΙΝΔΔ = ίνδικτιώνος δ').

Inc. Τώ ε'ετει της 'Ιουστινιανού βασιλείας (la 5e année de Justinien, insur­rection dite Nika et usurpation d'Hypatios : an. 532) ; des. παρά τάς λ' χιλιάδας. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 473-475 Dindorf = PG 97, 688 b - 692 ; Théophane, Chron. p. 181-186 de Boor = PG 108, 417 A - 428 ( . 154-158) [cf. Évagre, HE. IV, 13, p. 163 (d'après Procope) ; Chron. Pasch. 620-623 Dindorf; Constantin Porphyrogénète, De ins. 46].

— frag. 23 : fol. 22 b, 1. 15 (= Cramer p. 112,1. 28 ; à la ligne 28, il faut lire ΙΝΔΔ là où Cramer lit ΙΝΔΛ).

Inc. Τω ζ' ετει της αύτης βασιλείας (la 7e année de Justinien, élection de Menas au siège de Constantinople : an. 536 ; la 10e année, synode de

11. Crispus est en réalité d'un autre lit. 12. Cf. P. NAUTIN, La continuation de l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe par Gélase de

Cesaree, REB 50, 1992, p. 174.

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Constantinople condamnant Sevère d'Antioche 'le maudit' : an. 536) ; des. ή κατά Σευήρου τοΰ καταράτου σύνοδος. Parali. (Menas) Jean Malalas, Chron. p. 479 Dindorf = PG 97, 696 A ; Théophane, Chron. p. 217 de Boor = PG 108, 477 ( . 184) ; (synode) Jean Malalas, Chron. p. 479 Dindorf = PG 97, 696 A ; Théophane, Chron. p. 217 de Boor = PG 108, 477 (p. 184) [cf. Évagre, HE. IV, 11, p. 161].

— frag. 24 :1 . 27 (= Cramer p. 112,1. 34 ; pas de faute de lecture). Inc. Τώ ια' ετει της αύτης βασιλείας (la 1 Ie année de Justinien, inaugura­tion de la 'très sainte grande église', i.e. Sainte-Sophie: an. 537); des. τώ λαώ συλλιτανεύοντος. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 479 Dindorf = PG 97, 696 ; Théophane, Chron. p. 217 de Boor = PG 108, 480 A (p. 184) [cf. Évagre, HE. IV, 31, p. 180-181 (description de l'édifice)].

— frag. 25 : fol. 22v a, 1. 7 (= Cramer, p. 113, 1. 4 ; pas de faute de lec­ture).

Inc. Γίνονται òrco της ημέρας της καύσεως (laps de temps écoulé entre l'incendie de la Sainte-Sophie primitive brûlée lors de l'insurrection Nika et celle inaugurée sous Justinien : 5 ans et 11 mois ; la 15e année du règne de Justinien, la grande peste de Constantinople : an. 542) ; des. το μέγα θανατικόν. Parali, (la peste) Jean Malalas, Chron. p. 482 Dindorf = PG 97, 697 -D (la peste épargne Constantinople pendant deux mois — si j 'ai bien compris le texte) ; Théophane, Chron. p. 222 de Boor = PG 108, 488 ( . 188) [cf. Évagre, HE. IV, 29, p. 177 (la peste à Antioche et dans tout l'Orient) ; Jean d'Éphèse, 227-240 ; ps.-Dionysien, 855 ; Michel le Syrien, 9, 28 ; Georges le Moine, 641 ; voir aussi Procope, Bell. II, 23, 1 ; Hist. seer. 4, 1].

— frag. 26 :1 . 13 (= Cramer p. 113,1. 8 ; pas de faute de lecture). Inc. Τω κα ' ετει τοΰ αύτου" βασιλέως (la 21e année de Justinien, mort de Theodora : an. 548) ; cf. frag. 13 ; des. Θεοδώρα ή βασίλισσα.

Parali. Jean Malalas, Chron. p. 484 Dindorf = PG 97, 701 A ; Théophane, Chron. p. 226 de Boor = PG 108, 497 (p. 191) [absent d'Évagre ; voir Georges Cédrènos, 658].

— frag. 27 : 1. 16 (= Cramer p. 113, 1. 10 ; 1. 10 : là où Cramer lit μηνι Ίουνίω ια', je lis μηνι Ίουνίω κη' ; 1. 12, là où Cramer lit έβάσταξεν, je lis έβάσταζεν).

Inc. Τώ κδ' ετει της αύτης βασιλείας (la 24e année de Justinien, inaugura­tion de l'église des Saints-Apôtres: an. 550-551); des. άδεστράτου έμπροσθεν. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 484 Dindorf = PG 97, 701 ; Théophane, Chron. p. 227 de Boor = PG 108, 500 (p. 192) [cf. Évagre, HE. IV, 31, p. 181 ; Georges Cédrènos, 658-659 ; Michel le Syrien, 9, 33].

— frag. 28 : 1. 26 (= Cramer p. 113, 1.15 ; à la 1. 20, peut-être faut-il lire κδ ' là où Cramer lit κλ ' ).

Inc. Τώ κς' ετει της αύτης βασιλείας (la 26e année de Justinien, inaugura­tion de l'église de Sainte-Irène ; mort du patriarche Menas : an. 552) ; cf. frag. 9 ; des. έχειροτονήθη ό έν άγίοις Ευτύχιος. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 486 Dindorf = PG 97, 704 B-C ; Théophane, Chron. p. 228 de Boor = PG 108, 500 D - 501 A (p. 193) [cf. Évagre, HE. IV, 38, p. 187].

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— frag. 29 : fol. 22v b, 1. 15 (= Cramer p. 113,1.24 ; pas de faute de lec­ture).

Inc. Τώ κη' ετει της αύτης βασιλείας (la 28e année de Justinien, grand séisme à Constantinople 13 : an. 554) ; des. εν τω αύτώ σεισμώ. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 486-487 Dindorf = PG 97, 704 D - 705 A ; Théophane, Chron. p. 229 de Boor = PG 108, 501 - 504 A ( 94) [absent d'Évagre ; voir Gr. Chron. 8 ; Georges le Moine, 642 ; Jean d'Éphèse, 241 ; ps.-Dionysien, 862 ; Michel le Syrien, 9, 29].

— frag. 30 : 1. 28 (= Cramer p. 113,1. 31 ; à la 1. 33, Cramer corrige avec raison πολλή en πολύ et τούτο en τοΰ τε).

Inc. Τώ λ' ετει της αύτης βασιλείας (la 30e année de Justinien, nouveau séisme à Constantinople 14 : an. 556/557) ; des. τα συνήθη άριστα εν τη εκκλησία. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 488-489 Dindorf = PG 97, 705 D - 706 A ; Théophane, Chron. p. 231 de Boor = PG 108, 505 - 508 A (p. 195-196) [absent d'Évagre ; voir Georges le Moine, 642 ; ps.-Dionysien, 879].

— frag. 31 : fol. 23ra, 1. 22 (= Cramer p. 114,1. 10 ; pas de faute de lec­ture).

Inc. Τώ αύτώ ετει φυγόντες οι Άβάρεις (la même année, fuite des Avars, qui demandent à s'installer en Scythie et en Mysie : an. 557/558) ; des. ώστε δεχθήναι αυτούς. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 489 Dindorf = PG 97, 708 (les Avars à Constantinople) ; Théophane, Chron. p. 232 de Boor = PG 108, 508 - 509 A (p. 196) [cf. Évagre, HE. V, 1, p. 196].

— frag. 32 :1 . 29 (= Cramer p. 114,1. 14 ; pas de faute de lecture). Inc. Τώ λα' ετει της αύτης βασιλείας (la 31e année de Justinien, écroule­ment de la coupole de Sainte-Sophie : an. 558-559) ; des. τοΰ αύτοΰ τρούλλου και γενέσθαι άνωθεν. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 489-490 Dindorf = PG 97, 708 - 709 A ; Théophane, Chron. p. 232-233 de Boor = PG 108, 509 A-B (p. 197) [absent d'Évagre ; voir Gr. Chr. 11].

— frag. 33 : fol. 23 b , 1. 17 (pas de faute de lecture). Inc. Τώ λε' ετει της αύτης βασιλείας (la 35e année de Justinien, transfert de la fête de la purification : vers 561) ; des. τη β' τοΰ αύτοΰ μηνός. Parali. Jean Malalas, Chron. : absent ; Théophane, Chron. p. 222 = PG 108, 488 ( . 188) : première célébration de la fête de la purification à la date du 2 février : cf. frag. 6 [absent d'Évagre].

— frag. 34 : 1. 23 (= Cramer p. 114,1. 26 ; à la ligne 228, Cramer lit par erreur Τυχίου alors que la leçon du manuscrit est bien Ευτυχίου).

Inc. Τώ λς' ετει της αυτής βασιλείας (la 36e année de Justinien, deuxième inauguration de Sainte-Sophie : an. 562) ; des. άρατε πύλας οί άρχοντες υμών. Parali. Jean Malalas, Chron. p. 495 Dindorf = PG 97, 716 B-C ; Théophane, Chron. p. 238 de Boor = PG 108, 520 -D (p. 202) [absent d'Évagre ; voir Chron. Pasch. p. 687 Dindorf].

13. Il s'agit du séisme qui vit s'écrouler la Porte d'Or. 14. Il s'agit du séisme qui vit s'écrouler l'église de Samuel.

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. V E R S UNE IDENTIFICATION DES AUTEURS ANONYMES

En préliminaire, il convient d'abord de remarquer que les deux séries que nous avons distinguées sont tout à fait indépendantes l'une de l'autre. D'une part, elles traitent d'époques différentes : 527 à 609 pour la première, 465 à 562 pour la seconde ; leur succession dans l'Épitomè ne suit pas l'ordre chronologique, qui aurait vraisemblablement été res­pecté si l'ensemble des fragments avait été emprunté à une seule et même œuvre ; enfin, certaines périodes se recoupent de l'une à l'autre série : par exemple, une partie du règne de Justinien est traitée dans la première comme dans la deuxième 15. D'autre part, le style de chacune est très différent ; l'auteur de la seconde série est très attaché au cadre chronologique, et il date les événements qu'il rapporte en utilisant le sys­tème des indictions, contrairement au premier auteur, qui relate le plus souvent des faits bruts. Enfin, le contenu même de chaque série est assez différent. Le premier auteur s'en tient à des faits historiques, politiques ou religieux, tandis que le second semble plutôt intéressé par les catas­trophes naturelles (incendies, séismes) et les événements ecclésiastiques (synode, fêtes religieuses). Il importe donc de distinguer deux auteurs, et de procéder éventuellement à une identification séparée.

I. La première série de fragments

La première série de fragments suit immédiatement dans le manuscrit les extraits de Jean Diacrinoménos. Elle ne peut pas cependant leur être rattachée, dans la mesure où VHistoire de Jean couvrait les règnes de Théodose II (408-450) à Anastase Ier (491-518)16, tandis que celle de l'anonyme couvre les règnes de Justinien (527-565), Justin II (565-578), Tibère II (578-582), Maurice (582-602) et Phocas (602-610) : — règne de Justinien : frag. 1 (accession de Justinien) à frag. 15 (mort de Justinien) ; — période s'étendant de la mort de Justinien au règne de Phocas : frag. 16 : succession des papes, de Vigile (537-555) à Boniface IV (608-615) [on peut suposer que cette succession des différents papes corres­pond à la période couverte par l'histoire ainsi abrégée] ; frag. 17 : début du règne de Justin : 565 ; frag. 18 : règne de Phocas (602-610).

15. Certains événements sont ainsi traités deux fois, par ex. le dépôt des reliques de sainte Irène et la consécration de son église (frag. 9 et 28), et la mort de Theodora (frag. 13 et 26).

16. Son Histoire comprenait deux tomes de cinq livres chacun. Le premier tome (livres I à V — celui qu'a lu Photius) allait de la déposition de Nestorius (an. 431) à celle de Pierre le Foulon (première déposition : an. 471) ; il est donc raisonnable de penser que le second allait de 471 à 510. Voir PHOTIUS, Bibi, cod. 41 ; HANSEN, op. cit., p. 152, frag. 526 rattaché au livre 1 (affichage de la sentence de déposition de Cyrille et Memnon : juin 431) à frag. 561 rattaché au livre 10 (Sévère d'Antioche jette l'anathème sur le concile de Chalcédoine malgré la promesse faite à Anastase : entre 509 et 518).

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D'une étude rapide des passages parallèles chez chacun des grands historiens de la période, Jean Malalas, Évagre, et Théophane, il ressort : — qu'en aucun cas l'Histoire ecclésiastique d'Évagre ne peut être la source de la première série de fragments, puisque les faits rapportés ne correspondent que rarement de l'une à l'autre, que, quand la matière est la même, c'est son traitement qui diffère, et souvent du tout au tout, et qu'enfin les termes chronologiques de l'une et de l'autre (431-594 pour Évagre ; 527-609 pour l'anonyme) ne coïncident pas ; — qu'en revanche, les deux Chroniques de Jean et de Théophane sont assez proches de notre anonyme pour qu'on puisse avancer les hypo­thèses suivantes : ou bien les fragments sont tirés de Jean et (ou) de Théophane ; ou bien ce sont Jean et (ou) Théophane qui se sont inspirés de l'anonyme ; ou bien tous trois dépendent d'un même (ou de plusieurs) ouvrage(s).

Toutefois, les différences qui séparent les trois textes sont parfois si considérables qu'il semble déraisonnable de tirer d'un examen superfi­ciel des conclusions trop hâtives. Nous procéderons donc à une étude minutieuse des passages parallèles, classés selon leur degré de parenté.

a. Fragments très proches de l'un ou de l'autre des deux chroniqueurs — frag. 5 de l'anonyme : Σαμαρεΐται και 'Ιουδαίοι έν Παλαιστίνη άντάραντες, βασιλέα έστεψαν Ίουλιανον ονόματι και πολλας άρπαγας και φόνους καί εμπρησμούς ειργάσαντο - πάντας δε Θεός δια τοΰ βασιλέως άνάλωσεν.

- Jean, ρ. 445, 1. 19 - 447, 1. 12 : Τω δε ίουνίω μην ι της έβδομης ίνδικτιώνος ταραχής γενομένης εθνικής, συμβαλόντων γαρ των Σαμαρειτών μεταξύ Χριστιανών και 'Ιουδαίων, πολλοί τόποι ένεπρήσθησαν έν Σκυθοπόλει έκ τών αυτών Σαμαρειτών. Και τούτο άκουσας ό αυτός βασιλεύς ήγανάκτησε κατά του άρχοντος Βάσσου-

δντινα διαδεξάμενος άπεκεφάλισεν έν αύτη τη χώρα. Οι δέ Σαμαρεΐται γνόντες την καθ'έαυτών άγανάκτησιν, έτυράννησαν καί έστεψαν λήσταρχον ονόματι Ίουλιανον Σαμαρείτην, και έκαυσαν κτήματα και εκκλησίας και έφόνευσαν πολλούς Χριστιανούς [le récit continue sur 24 lignes, jusqu'à l'issue finale]. Έπεσον δέ έκ τών Σαμαρειτών έν τω πολέμω χιλιάδες είκοσι· και οι μεν εφυγον εις το ορός το λεγόμενον Άρπαρίζιν, άλλοι δέ και εις το Τράχωνα εις το λεγόμενον σιδηρούν ορός [le récit continue sur 4 lignes encore] ; - Théophane, p. 178 : Τω δέ ίουνίω μην! Σαμαρεΐται και 'Ιουδαίοι έν Παλαιστίνη βασιλέα Ίουλιανον τίνα έστεψαν καί κατά Χριστιανών δπλα κινήσαντες άρπαγας και φόνους και έμπυρισμούς κατά Χριστιανών ειργάσαντο. Ους ό θεός παρέδωκεν εις χείρας Ιουστινιανού, και άνήλωσε πάντας, καί άπεκεφάλισε τον τύραννον Ίουλιανον.

— frag. 8 de l 'anonyme: Ό άββας "Αγαθός αδελφός ή"ν Άπολ(λ)ιναρίου του επισκόπου 'Αλεξανδρείας καί γενόμενος εις την Άλεξάνδρειαν εδρεν μέγαν οίκονόμον τον άββάν Εύστόχιον τοΰτον δέ λόγους είσπράττων της οικονομίας άπέκλεισεν ό δέ φυγών δια της στέγης άνηλθεν εις το Βυζάντιον καί Μακαρίου σκευασθέντος τοΰ ' Ιεροσολύμων γέγονεν άντ'έκείνου επίσκοπος.

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- absent de Jean Malalas ; - Théophane, p. 242 : Τώ δ'αύτώ ετει ό άββας "Αγαθός αδελφός Άπολ(λ)ιναρίου του επισκόπου 'Αλεξανδρείας έλθών εις Άλεξάνδρειαν καί λόγους εισπραττόμενος Εύστόχιον μοναχον μέγα οντά [καί] οικονόμον 'Αλεξανδρείας τότε της οικονομίας χάριν έφρούρησε τούτον δς φυγών δια της στέγης ήλθεν εν Βυζαντίω Μακαρίου τότε έκβληθέντος της εκκλησίας κατά συσκευήν καί έχειροτονήθη Εύστόχιος αντί Μακαρίου επίσκοπος Ιεροσολύμων.

— les fragments 14, 15 et 17 présentent la même ressemblance que le fragment 8 avec le texte de Théophane, et n'ont pas non plus leur paral­lèle exact chez Jean.

b. Fragments assez éloignés de l'un et l'autre chroniqueurs — fragment 9 de l'anonyme : Τά εγκαίνια της αγ ίας Ειρήνης εν Συκαΐς έν τούτω τω χρόνω γεγονασι. Καί ευρεθέντος εν Βυζαντίω Άπολ(λ)ιναρίου του επισκόπου 'Αλεξανδρείας προετρέψατο αυτόν Μηνάς ό επίσκοπος και συν αύτω εις το δχημα άνελθων την κατάθεσιν των λειψάνων και πασαν την άκολουθίαν έτέλεσεν.

- Jean p. 486 : Μηνί σεπτεμβρίω ίνδικτιώνος ιε' γέγονε τα εγκαίνια της αγίας Ειρήνης της ούσης πέραν έν Ίουστινιαναϊς- καί έξήλθον τα άγια λείψανα εκ της μεγάλης εκκλησίας μετά καί δύο πατριαρχών, λέγω δη Μήνα τοΰ πατριάρχου Κωνσταντινουπόλεως καί Άπολλιναρίου του πάπα 'Αλεξανδρείας· καί έκάθισαν αμφότεροι έν τώ βασιλικω όχήματι κατέχοντες έν τοις γόνασιν αύτοις τα άγια λείψανα ; - Théophane, ρ. 228 : Τούτω τώ ετει μηνί σεπτεμβρίω ίνδικτιώνος ιε' γεγονασι τα εγκαίνια της αγίας Ειρήνης πέραν έν Συκαΐς· καί έξήλθον τά άγια λείψανα έκ της μεγάλης εκκλησίας μετά καί δύο πατριαρχών Μήνα του Κωνσταντινουπόλεως καί Άπολ(λ)ιναρίου Αλεξανδρείας- και έκάθισαν αμφότεροι έν τώ βασιλικω όχήματι κατέχοντες έν τοίς γόνασιν αύτοίς τα άγια λείψανα.

— fragment 16 de l 'anonyme: la liste des papes de Rome de 537 à 608/615 n'a d'équivalent ni chez Jean, ni chez Théophane.

c. Fragments assez éloignés de l'un ou de l'autre des deux chroniqueurs — fragments très éloignés ou absents de Jean Malalas :

frag. 2 : rien sur Anthime chez Malalas ; frag. 4 : le passage sur les prostituées est très différent de celui de l 'anonyme; frag. 5 : le traitement de la révolte des Juifs est très différent ; cf. ci-dessus ; frag. 6 : passage absent de Malalas ; frag. 8 : passage absent de Malalas.

— fragments très éloignés ou absents de Théophane : frag. 3 : la brève mention que fait Théophane de la reconstruction d'Antioche ne fait nulle place à l'édification de l'église de la Mère de Dieu ni à celle de l'hospice de Justinien, dûment mentionnées par l'anonyme ; frag. 4 : le passage sur les prostituées ne se trouve pas chez Théophane;

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frag. 18 : Théophane évoque assez longuement le 'mar tyre ' d 'Anastase , mais pas l 'assassinat de Théodore.

d. Fragment rapportant les mêmes faits de manière différente — fragment 1 de l ' anonyme (deuxième par t ie ) : [ Ί ο υ σ τ ΐ ν ο ς . . . έ τελεύτησε . . . ] Σ ε ι σ μ ό ς φ ο β ε ρ ό ς ε ι ς Ά ν τ ι ό χ ε ι α ν γ έ γ ο ν ε κ α ι π ο λ λ ά π λ ή θ η απέθανε* μ ε θ ' ω ν κ α ι ό ε π ί σ κ ο π ο ς ' Α ν τ ι ο χ ε ί α ς Ε ύ φ ρ ά σ ι ο ς . Κ α ! γ έ γ ο ν ε μ ε τ ' έ κ ε ι ν ο ν ε π ί σ κ ο π ο ς Ε ύ φ ρ α ί μ ι ο ς ό Ά μ ι δ η ν ο ς κ ό μ η ς ' Α ν α τ ο λ ή ς ω ν έ ν έ κ ε ί ν ω τ ω χ ρ ό ν ω 17.

- Jean, p. 419 : Τώ δε έβδόμω ετει της αύτοΰ βασιλείας επαθεν υπό θεομηνίας 'Αντιόχεια ή μεγάλη το πέμπτον αυτής πάθος έν μηνι ύπατείας Όλυβρίου - πολύς γαρ ή"ν ό φόβος ό του Θεού γενόμενος κατ'έκεϊνον τον χρόνον ώστε τους συλληφθέντας υπό τών οικημάτων έν τη γη και πυρικαύστους γενέσθαι καί έκ του αέρος δέ σπινθήρας πυρός φαίνεσθαι - και εκαιον ώς ύπο αστραπής τον εύρισκόμενον καί έκόχλαζε το έδαφος τής γής και έκεραυνοΰντο οί θεμέλιοι κουφιζόμενοι υπό τών σεισμών και ύπο του πυρός τεφρούμενοι ώστε καί τοις φεύγουσιν ύπήντα το πΰρ... [le récit continue sur 53 lignes]18; et p. 423 : Τής δέ θεομηνίας σύμβασης κόμης ανατολής ύπήρχεν Έφραίμιος· όστις μετ 'όλίγον χρόνον αναγκασθείς προεχειρίσθη πατριάρχης 'Αντιοχείας· ό γαρ προ αύτοΰ γεγονώς Εύφράσιος έν τη θεομηνία πυρίκαυστος έγένετο ; - Jean, p. 442-443 : Συνέβη δέ έν αύτώ τώ καιρώ ύπο θεομηνίας παθεϊν Άντιόχε ιαν το έ'κτον αυτής πάθος. 'Ο δέ γεγονώς σεισμός κατέσχεν έπι μίαν ώραν [le récit continue sur 7 lignes]. Ό δέ πατριάρχης 'Εφραιμιος πάντα τα γενόμενα ανήγαγε τώ βασιλεΐ- καί άκούσαντες οί έν τώ Βυζαντίω τα συμβάντα έλιτάνευον έπι ημέρας ίκανάς 19 ; - Théophane, p. 172 : Και έσείετο ή γή έπί ένιαυτον ε'να (...). 'Ρωμαίων βασιλεύς Ίουστΐνος ετη θ ' (...). Τούτω τω ετει του σεισμού επικρατούντος Εύφράσιος ό επίσκοπος 'Αντιοχείας κατεχώσθη ύπο του σεισμού καί άπέθανεν 20.

Il ressort de cette étude que Jean Malalas ne peut en aucun cas être la source directe de l ' anonyme, puisque, sauf except ions 2 1 , il n ' y a pas de parallèles exacts entre l 'un et l 'autre. Mais , malgré une parenté indé­niable et souvent répétée, on ne peut pas soutenir non plus que

17. L'anonyme situe clairement l'événement au tout début du règne de Justinien : tremblement de terre de 528, et non de 526. Mais Euphrasios mourut lors du séisme de 526, sous Justin, puisqu'Ephrem fut évêque d'Antioche de 527 à 545 ; cf. DHGE, art. Ephrem d'Amid, t. 15, col. 581-585. Sans doute y a-t-il eu confusion de deux événements distincts.

18. Il s'agit bien du tremblement de terre (θεομηνία) de 526, le cinquième qui ait frappé Antioche, même si Jean insiste davantage sur les incendies qui suivirent que sur le séisme lui-même.

19. Ce tremblement de terre, le sixième, est celui de 528, qui eut lieu sous le règne de Justinien (la mort de Justin et l'accession à l'Empire de Justinien sont évoquées aux p. 424-425 DINDORF).

20. Théophane situe donc l'événement à la neuvième et dernière année du règne de Justin (an. 526/527).

21. Par ex. au frag. 9 : τα εγκαίνια της 'Αγίας Ειρήνης... γεγόνασι et γέγονε τα εγκαίνια της 'Αγίας Ειρήνης peuvent provenir d'une même source; mais il s'agit là d'expressions bien banales !

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Théophane soit la source unique de l'anonyme, puisque figurent chez ce dernier des événements que ne mentionne pas la Chronique de Théophane22, et qu'il est fort vraisemblable que cette dernière est posté­rieure à l'anonyme23. Ailleurs, c'est l'ordre des événements qui diffère, aussi bien pour Jean que pour Théophane24. Précisons enfin que la Chronique de Jean s'arrête en 563, même s'il y a de bonnes raisons de supposer que le texte initial se prolongeait jusqu'en 574 25, ce qui exclut qu'elle puisse être la source unique de l'auteur abrégé, tandis que celle de Théophane poursuivait son cours jusqu'au règne de Michel Ier

Rangabè (813), bien au-delà des termes de notre anonyme : l'une, si je puis dire, est trop courte, tandis que l'autre est trop longue.

Or, nous admettons, comme Hansen, que l'Épitomè originel, qui s'ar­rêtait au règne de Phocas, a été composé peu après la fin de son règne 26 ; sinon, nous comprendrions mal qu'aucune des deux suites à l'abrégé de Jean Diacrinoménos (à savoir nos deux séries d'extraits anonymes) ne se soit poursuivie au-delà de son règne. Aussi est-on amené à supposer que la Chronique anonyme utilisait, non pas l'ouvrage de Théophane (qui lui est postérieur, puisqu'il a été composé au début du 9e siècle), mais ou bien l'une de ses sources, commune aux deux ouvrages, ou bien une source qui lui était propre, et à laquelle Théophane n'eut accès que par l'intermédiaire de la Chronique anonyme ou de la partie de l'Épitomè qui l'abrégeait27.

Différents indices peuvent nous permettre, sinon d'identifier cette source, du moins de lui donner un profil. Le premier est d'ordre chrono­logique : il nous paraît en effet vraisemblable que la Chronique anonyme traitait uniquement de la période embrassée par la collection de frag­ments (soit 527-610), qui est la même que celle couverte par la succes­sion des papes évoquée au fragment 16 (de 537/555 à 608/615). La période traitée expliquerait la place de la compilation dans l'Épitomè, juste après Jean Diacrinoménos, dont l'Histoire s'arrêtait au règne d'Anastase (491-518). Le second indice est d'ordre géographique: l'au-

22. Par ex. frag. 3 : bâtiments nouvellement construits à Antioche ; frag. 4 : les prosti­tuées.

23. Cf. infra. 24. Par exemple, le fragment 9 correspond à Jean, p. 487 DINDORF ; le fragment 10, à

Jean, p. 479-480 DINDORF ; le fragment 12, à Jean, p. 478-479 DINDORF ; le fragment 13, à Jean, p. 484 DINDORF; chez Théophane, c'est la campagne de Bélisaire (p. 189 sq. DE BOOR = frag. 12 de l'anonyme) qui est placée bien avant les événements correspondant aux fragments 6 (= Théophane, p. 222 DE BOOR) à 11 (= Théophane, p. 234 DE BOOR).

25. Selon WOLF, PW, art. Joannes 22, Malałaś. Toutefois, selon Évagre, HE. IV, 5, 156, 7-9, la Chronique de Malalas s'arrêtait aux tremblements de terre d'Antioche, c'est-à-dire en 528 ; les décennies suivantes (jusqu'en 563, ou même en 574) auraient été trai­tées par un continuateur ; cf. P. ALLEN, Evagrius Scholasticus. The Church Historian, Louvain 1981, p. 7 et 177-179.

26. G. C. HANSEN, op. cit., p. XXXVII (sur la prolongation de l'Épitomè originel jusqu'au règne de Phocas) ; p. xxxv-xxxix (stemma et datation de l'Épitomè).

27. Cf. HANSEN, op. cit., p. xixx, qui range Théophane parmi les utilisateurs de l'Épi­tomè.

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teur témoigne d'un grand intérêt pour Antioche et la Syrie28 ; c'est vrai­semblablement dans cette région qu'il faut le situer. Le troisième indice est d'ordre polémique: l'auteur manifeste des positions religieuses très tranchées : hostilité, semble-t-il, envers Anthime de Trébizonde, patriarche de Constantinople, devenu l'un des partisans de Sévère d'Antioche29 ; hostilité envers les Juifs (frag. 5) ; bienveillance envers l'évêque d'Antioche Anastase30; hostilité envers l'évêque de Jérusalem Eustochios31. On peut donc le définir comme un diphysite, de tendance origéniste. Il est toutefois possible que cette 'coloration' ne soit pas le fait de l'auteur abrégé, mais de l'excerpteur — même si cette hypothèse n'est pas la plus vraisemblable.

Source : l'Histoire universelle de Jean d'Antioche ? Ces différents renseignements peuvent être confrontés aux principales

sources connues32 pour la période. Outre la Chronique de Jean Malalas (6e siècle), dont Y Histoire universelle nous est conservée jusqu'en 563, et celle de Théophane le Confesseur (9e siècle), qui va du règne de Dioclétien à la chute de l'empereur Michel Ier Rangabè (813)33, ce sont : — les archives des Comités d'Orient, qui sont, selon E. Jeffreys, l'une des principales sources de Jean Malalas34, une source «neutre», que notre anonyme, s'il y eut accès, ne peut avoir utilisée qu'indirectement ; — Marcellinus Comes, auteur d'une Chronique allant de 379 à 534 ; — Procope de Cesaree, l'historien officiel de Justinien, mort vers 562 ; — les continuateurs de Procope : Agathias, mort en 582, dont l'ouvrage, inachevé, couvrait les événements militaires de 552 à 558 (éd. R. Keydell, Berlin 1967), et Ménandre, dont l'ouvrage poursuit celui

28. Frag. 1 : séisme d'Antioche ; épiscopats d'Euphrasios et d'Ephrem d'Amid ; frag. 3 : reconstruction d'Antioche; frag. 5 : révolte des Juifs et des Samaritains de Palestine; frag. 10: prise d'Antioche par Chosroes; frag. 1 1 : Anastase évêque d'Antioche.

29. Patriarche monophysite, grand adversaire de Chalcédoine : frag. 2. 30. Il s'était opposé à l'édit de Justinien sur l'aphthartodocétisme et avait composé un

ouvrage contre les monophysites, le De divina incarnatione. 31. Un partisan du concile de Constantinople de 553, qui condamnait l'origénisme ; cf.

frag. 8 et 14. 32. Cf. par ex. Ch. DIEHL, Justinien et la civilisation byzantine, t. I, New York 1969

(Ί901), p. xi-xxxviii («Les sources de l'histoire de Justinien»); P. GOUBERT, Byzance avant l'Islam, t. 1, Paris 1951, p. 305-306 ; t. 2, Paris 1955, p. 205 ; P. MARAVAL, Procope. Histoire secrète, Paris 1990, p. 24-26 ; E. JEFFREYS et alii, The Chronicle, p. XXXI-XLI.

33. Pour la période concernée, elle s'appuie essentiellement sur Malalas et Procope (PG 108, 56 sq.).

34. Cf. E. JEFFREYS, Malalas' Sources, Studies on John Malalas, éd. E. et M. JEFFREYS, R. SCOTT, Sydney 1990. Les principales sources qu'elle suppose pour l'ensemble de la Chronique sont en dehors des termes chronologiques de nos deux séries d'extraits : Domninos, un historien antiochien, dont l'ouvrage s'étendait jusqu'au règne de Théodose II (408-450) ; Nestorianos, dont l'ouvrage s'arrêtait au règne de Léon II (474) ; Timothée, peut-être contemporain de Malalas, qui a rassemblé une collection de textes hermétiques et orphiques.

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d'Agathos : 558-582 (éd. Dindorf, HGM t. 2, 1871 ; Müller, FHG t. 4, p. 200-269) ; — Évagre le Scolastique (v. 537-après 594), dont YHistoire ecclésias­tique va de 431 à 593 (PG 86, 2, 2405-2886) ; — les sources d'Évagre, qui sont, outre Procope et Malalas, Eustathe d'Epiphanie (5e-6e s.), dont Γ Histoire s'arrêtait en 502/503 (fragments chez Müller, FHG IV, 138-142); ps. Zacharias le Scholastique, dont VHE. survit uniquement dans un epitome syriaque augmenté, qui se poursuit jusqu'en 569 (éd. Broks, CSCO, 1921-1924) ; Jean d'Epiphanie (6e s.), dont YHistoire s'arrêtait en 591 (fragments chez Müller, FHG IV, 272-276)35;, — Jean d'Éphèse (6e siècle), un auteur syriaque, qui composa une Histoire ecclésiastique allant de la création du monde à l'année 584 (éd. E.W. Brooks, CSCO, 1925) ; — Jean d'Antioche, dit aussi Jean le Moine (7e siècle ?), dont YHistoire universelle allait de la création à la mort de l'empereur Phocas (610) ; ses fragments ont été publiés par Müller, FHG t. 4, p. 535-622 ; — le Chronicon Paschale (7e siècle), qui s'étend de l'origine du monde à l'an 629 (PG92, 69 sq.); — Jean de Nikiou (7e s.), auteur d'une Chronique universelle dont la source principale est Jean Malalas (éd. H. Zotenberg, Paris 1883) ; — Georges le Moine, qui rédigea sous Michel III (842-867) une Chronique universelle allant de la création d'Adam à la mort de l'empe­reur Théophile : an. 842 (PG 109, 823-984).

Les autres historiens et chroniqueurs sont largement postérieurs à la compilation36. C'est donc YHistoire universelle de Jean d'Antioche qui semble la plus proche de ce que nous supposons être la source de l'abrégé37. D'une part, Jean est originaire d'Antioche, une cité abon­damment représentée dans la série d'extraits. D'autre part, le terminus post quem de son Histoire est le même que celui de la compilation (à savoir le règne de Phocas). Mais l'ouvrage de Jean d'Antioche est perdu, et il nous faut bien reconnaître qu'aucun des fragments recensés par Müller ne concerne l'histoire ecclésiastique38 ; on a donc bien du mal à

35. Cf. P. ALLEN, op. cit., p. 6 sq.

36. Parmi eux, le ps. Syméon, dont la Chronique s'arrêtait vers 963 ; Georges Cédrènos, dont la Chronique s'arrêtait vers 1057 ; Michel le Syrien, dont la Chronique s'arrêtait vers 1200. On peut aussi citer d'autres auteurs syriaques (comme Joshua le Stylitě ou le ps. Dionysien), mais il est difficile de voir en l'un d'eux la source directe de l'anonyme. Parmi les autres chroniqueurs byzantins que nous avons négligés : Théophylacte de Simokatta (6e s.), qui raconte le règne de Maurice (582-602) ; Georges le Syncelle (v. 800), qui est trop court (jusqu'à Dioclétien) ; Léon le Grammairien (9e s.), Syméon Logothète (10e s.), Zonaras (12e s.), Théodore Skoutariôtès (13e s.), qui sont trop tardifs.

37. E. JEFFREYS (et aliî), The Chronicle, p. xxxv. 38. Les fragments de Jean d'Antioche se trouvent au t. 4 des FHG de Müller, p. 535-

622. Seuls les derniers d'entre eux concernent notre époque : frag. 203-209 (p. 616-618) sur le règne de Léon ; frag. 210-219 (p. 618-622) sur la période qui couvre les règnes de Zenon à Justinien, dont frag. 217-218 sur le règne de Justinien (ses démêlés avec les

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discerner dans l'image si floue qui se dégage de ces passages la person­nalité si forte de l'auteur de nos fragments. E. Jeffreys place Jean d'Antioche parmi les utilisateurs de Jean Malalas ; si cette hypothèse était retenue, on pourrait supposer une filiation : Jean Malalas (6e s.) — Jean d'Antioche (7e s.) — l'abrégé (c'est-à-dire la partie finale de l'Epi­tome : 7e s.) — Théophane (9e s.), qui ne vaudrait, bien sûr, que pour les passages communs aux différents auteurs.

II. La seconde série de fragments

La seconde série couvre les règnes de Léon Ier (457-474), Léon II, Zenon (474-475 et 476-491), Anastase Ier (491-518), Justin Ier (518-527) et Justinien (527-565). Les fragments se répartissent ainsi : — règne de Léon : frag. 20 : le grand incendie de Constantinople (an. 465); — règne de Zenon : frag. 21 : le grand séisme de Constantinople ; — règne de Justinien : frag. 22 à 34 (de l'insurrection dite de Nika, 532, à la deuxième inauguration de Sainte-Sophie, 562). C'est donc encore le règne de Justinien qui occupe la place essentielle, ce qui a priori nous renvoie aux mêmes sources que celles de la première série. Toutefois, quelques éléments nouveaux vont nous permettre d'orienter différem­ment notre recherche.

En tout premier lieu, il importe de remarquer que cette seconde série de fragments ne suit pas l'ordre chronologique qui avait jusqu'ici peu ou prou été de règle dans l'Épitomè, puisqu'elle nous ramène un siècle en arrière, dans une période que traitent en partie VHistoire ecclésiastique de Théodore le Lecteur (de 439 à 518) et celle de Jean Diacrinoménos (de 431 à 510/520). On peut donc en déduire avec la plus grande vrai­semblance que, si la période embrassée n'obéit pas à une nécessité chro­nologique, elle correspond à une contrainte littéraire, celle qu'impose le désir de rendre compte d'une œuvre dans son intégralité, en en respec­tant le cadre chronologique. Bref, tout donne à penser que l'œuvre abré­gée couvrait les règnes de Léon Ier à Justinien, et peut-être un peu au-delà en aval ou en amont.

Les parallèles qui peuvent être faits entre les fragments anonymes de la deuxième série et les Chroniques de Jean Malalas et Théophane sont bien plus saisissants encore que dans le cas de la première série. Chaque frag­ment de l'anonyme a son correspondant chez l'un et l'autre des deux chro­niqueurs (à l'exception du fragment 33 : le transfert de la fête de la purifica­tion, dont je n'ai pas trouvé l'équivalent). Mais les parallèles sont loin d'être mot pour mot, ce qui semble exclure que Malalas ou Théophane

Huns) ; frag. 219 (p. 622) concernant Phocas : δτι εΤχε φίλην ό Φωκάς Καλλινίκην άπο προϊσταμένων. 'Ο αυτός Φωκάς ύπηρχεν αίμοπότης. Τέλος της ιστορίας 'Ιωάννου μοναχοί) (extrait du codex Turonensis, qui nous a aussi conservé le titre de l'ouvrage : Έκ της 'Ιωάννου Άντιοχέως ιστορίας χρονικής άπο Αδάμ). Voici le commentaire que fait Müller sur le personnage : De vita loannis accuratius nihil compertum habemus.

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puisse être la source directe de l'excerpteur. Voici les exemples les plus représentatifs des parallèles qui peuvent être établies entre les trois auteurs : — frag. 24 de l'anonyme : Τω ια' ετει της αύτης βασιλείας ίνδικτιώνος α' μην! δεκεμβρίω γέγονε τα πρότερα εγκαίνια της άγιωτάτης μεγάλης εκκλησίας- έζήλθεν ή λιτή άπο της αγ ίας 'Αναστασίας καθήμενου του πατριάρχου Μηνά εν τω βασιλικω όχήματι και του βασιλέως τω λαω συλλιτανεύοντος.

- Jean Malałaś, p. 479 : Έν αυτί) δέ τη ύπατεία γέγονε τα εγκαίνια της μεγάλης εκκλησίας ; - Théophane, p. 217 : Τούτω τω ετει μηνι δεκεμβρίω κζ' ίνδικτιώνος α' γέγονε τα πρότερα εγκαίνια της μεγάλης εκκλησίας-και έξήλθεν ή λιτή άπο της αγίας 'Αναστασίας καθήμενου Μηνά του πατριάρχου έν τω βασιλικω όχήματι καί του βασιλέως συλλιτανεύοντος τω λαω. Γίνονται οδν άπο της ημέρας της καύσεως της άγιωτάτης μεγάλης εκκλησίας μέχρι των εγκαινίων ετη ε' μήνες ια' ήμέραι i'.

— frag. 27 de l'anonyme : Τω κδ ' ετει της αυτής βασιλείας μηνί ίουνίω κη ' [ια' Cramer] ίνδικτιώνος ιγ ' έγένετο τα εγκαίνια των αγίων 'Αποστόλων, και καθήμενος ό πατριάρχης Μήνας έν τω χρυσώ όχήματι έβάσταζεν [έβάσταζεν Cramer] τα λείψανα των αγίων τριών αποστόλων 'Ανδρέου Λουκά καί Τιμοθέου- αλλού χρυσοί) οχήματος προηγουμένου άδεστράτου έμπροσθεν.

- Jean Malalas p. 484 (Théophane p. 192) : Μηνί ίουνίω κη' ίνδικτιώνι τη αύτη (τώ δέ ίουλίω μηνί κη' ημέρα γ ' Th.) έγένετο (γέγονεν Th.) τά εγκαίνια των 'Αγίων 'Αποστόλων και ή κατάθεσις τών τιμίων (αγίων Th.) λειψάνων 'Ανδρέου Λουκά καί Τιμοθέου έν Κωνσταντινουπόλει (τών αποστόλων Th.)- και διήλθεν ô επίσκοπος Μηνάς μετά τών αυτών (om. Th.) αγίων λειψάνων καθήμενος έν όχήματι βασιλικω (+ διαλίθω κρατών τάς τρεις θήκας τών αγίων αποστόλων εις τά γόνατα αυτού-καί ού'τως έποίησε τά εγκαίνια Th.).

— frag. 32 de l'anonyme : Τω λα ' ετει της αύτης βασιλείας ίνδικτιώνος ς ' μηνί Μαίω ζ' φιλοκαλουμένου του τρούλλου της άγιωτάτης μεγάλης εκκλησίας δια το γενέσθαι ρήγματα διάφορα είς τους λαγόνας του αύτοΰ τρούλλου εκ τών γενομένων σεισμών ώρα ε' της ημέρας επεσεν αίφνίδιον το άνατολικον μέρος της προϋποστολής τοΰ αγίου θυσιαστηρίου καί συνέτριψε τό τε κιβώριον καί την άγίαν τράπεζαν καί τον άμβωνα* συνεϊδεν οδν ό βασιλεύς κατενεχθήναι καί το λοιπόν μέρος το απόμειναν του αύτου τρούλλου καί γενέσθαι άνωθεν.

- Jean Malalas, Chron. p. 489-490 (Théophane, p. 232-233) : Έν αύτω δέ τω χρόνω (τούτω τώ ετει μηνί μαίω ζ' ημέρα γ ' ώρα ε' Th.) φιλοκαλουμένου τοΰ τρούλλου της μεγάλης εκκλησίας, ρήξας γάρ ήν εις φανερούς τόπους έκ τών γεγονότων κατά φιλανθρωπίαν Θεού φόβων, αιφνιδίως (ήν γάρ διερρηγμένος έκ τών γενομένων σεισμών Th.) εργαζομένων τών Ίσαύρων έπεσε το άνατολικον μέρος της προύποστολής (+ του αγίου θυσιαστηρίου Th.) καί συνέτριψε το κιβούριον (κιβώριον Th.) συν τη αγία τραπέζη (καί την άγίαν τράπεζαν καί τον άμβωνα Th.). (+ Καί κατεγινώσκοντο οι μηχανικοί — καί διά τούτο ούκ έβάσταξαν Th.). Κατηνέχθη δέ καί το λοιπόν μέρος το απόμειναν καί αυτά τά είλήματα (Λοιπόν συνιδων ô ευσεβέστατος βασιλεύς — καί έδέζατο τον τροΰλλον Th.)· έκτίσθη δέ ό αυτός τρούλλος υψωθείς έπί πόδας είκοσι

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(και ούτως έκτίσθη υψωθείς πλέον είκοσι πόδας εις άνάστασιν επάνω του πρώτου κτίσματος Th.).

— frag. 33 de l 'anonyme: Τω λε' ετει της αυτής βασιλείας ίνδικτιώνος ι' μετηνέχθη ή σύναζις της υπαπαντής γινομένη το πριν τη ιδ' τοΰ φευρουαρίου και γέγονε τη β'τοΰ αύτοΰ μηνός (= transfert de la fête de la purification en 561).

- Théophane, p. 222 : Και τω αύτώ χρόνω ή υπαπαντή τοΰ Κυρίου ελαβεν αρχήν έπιτελεΐσθαι έν τω Βυζαντίω τη β'τοΰ φευρουαρίου μηνός (= pre­mière célébration de la fête de la purification à la date du 2 février) ; cf. supra frag. 6 (= an. 540 ou 541 : première année du patriarchat de Zoïle) ; - pas de parallèle chez Jean Malalas.

— frag. 34 de l'anonyme (deuxième inauguration de Sainte Sophie) : Τω λς ' ετει της αύτης βασιλείας ίνδικτιώνος ια' μην! δεκεμβρίω κδ ' έγένοντο τα β' εγκαίνια της μεγάλης εκκλησίας καί έςηλθεν ή λιτή άπο του άγιου Πλάττωνος καθήμενου τοΰ έν άγιοις Ευτυχίου [Τυχίου Cramer] έν τω χρυσω όχήματι καί φοροΰντος το άποστολικον σχήμα καί κρατούντος έν ταΐς χερσίν το άγιον εύαγγέλ ιον καί έλιτάνευον το άρατε πύλας οί άρχοντες ημών.

- Jean Malalas, p. 495 : Καί τη αύτη ίνδικτιώνι έγένοντο τα εγκαίνια της άγιωτάτης μεγάλης εκκλησίας το δεύτερον. Προσετέθη δέ τφ τρούλλω κατά το παλαιον σχήμα πόδες λ' καί τάς δύο καμάρας έκ προσθήκης ποιήσαντες την τε άρκτωαν καί τήν μεσημβρινήν. Έν δέ τη συμπληρώσει του είλήμματος Ευτυχίου τοΰ πατριάρχου κατέχοντος το αγιον μεγαλεΐον καί τοΰ όχλου παρισταμένου έψάλλετο- άρατε πύλας οί άρχοντες ημών καί έπάρθητε πύλαι αιώνιοι καί είσελεύσεται ό βασιλεύς της δόξης καί τά λοιπά ; - Théophane, p. 238 : Τω δέ δεκεμβρίω μηνί κδ' γέγονε τά εγκαίνια της μεγάλης εκκλησίας το δεύτερον ή δέ παννυχίς των αυτών εγκαινίων γέγονεν εις τον άγιον Πλάτ(τ)ωνα καί έξήλθεν εκείθεν ό πατριάρχης Κωνσταντινουπόλεως Ευτύχιος μετά της λιτής συμπαρόντος καί του βασιλέως καθεζόμενος έν τώ όχήματι καί φορών το άποστολικον σχήμα καί κρατών το άγιον εύαγγέλιον πάντων ψαλλόντων το άρατε πύλας οί άρχοντες ημών.

Il ressort de l'examen de ces textes : — que cette collection est le plus souvent bien plus proche de Théophane que de Jean Malalas, à la fois sur le plan textuel et sur celui des informations contenues ; — que les liens entre Malalas et Théophane ne sont pas ceux de la simple dépendance: la présence chez Théophane de renseignements qu'ignore Malalas prouve, s'il en était besoin, que Jean n'est pas la seule source de Théophane, même pour la période qu'il traite dans sa Chronique. Le cas du fragment 27 est particulièrement révélateur : on trouve chez Théophane une addition importante par rapport au texte de Malalas, ce qui conduit à supposer : soit que le texte qui nous est parvenu de Malalas a été abrégé et ne correspond pas tout à fait au texte original39, soit que Malalas et

39. Il est en effet possible que nous ne disposions pas du texte original de Malalas, mais seulement d'un texte expurgé ; cf. P. ALLEN, op. cit., p. 179 : «The text of Malalas

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Théophane proviennent tous deux indépendamment d'une même source, soit que Théophane savait combiner habilement plusieurs sources (à savoir Malalas et un ou plusieurs autres auteurs inconnus) ; — que la seconde série de fragments ne provient certes pas directement de Jean Malalas, puisqu'on y trouve des renseignements que ne contient pas sa Chronique, par exemple le transfert de la fête de la purification (frag. 33), les ravages de la peste à Constantinople (frag. 25), ou encore l'installation des Avars en Scythie et en Mysie (frag. 31)40 ; — qu'il est vraisemblable qu'elle ne provient pas non plus de Théophane, à la fois pour des raisons chronologiques (Théophane est vraisemblablement plus tardif41), et parce que l'on retrouve dans les extraits anonymes des renseignements qu'ignore Théophane, comme par exemple le transfert de la fête de la purification (frag. 33) ; — qu'il est en revanche très plausible que Théophane dépende directe­ment (au moins en partie) soit de la partie finale de l'Épitomè (7e siècle), soit de l'auteur qu'il abrège (6e ou 7e siècle)42 ; — que, indépendamment des liens qui unissent la Chronique de Malalas (6e siècle), notre dernière série de fragments anonymes (7e siècle ?) et la Chronique de Théophane (9e siècle), les trois remontent vraisemblable­ment à une source unique 43.

Cette source commune à Jean, à Théophane et à notre excerpteur ano­nyme, peut-elle être identifiée ? S'il faut la chercher, c'est nécessaire­ment parmi les sources de Malalas, le plus ancien des trois auteurs. Dans un article récent, Elizabeth Jeffreys u passe en revue les sources suppo­sées de Jean Malalas. À dire vrai, son étude porte principalement sur les auteurs que le chroniqueur cite comme autorités. Pour le 6e siècle, ils se ramènent à deux noms : ceux d'Eustathe d'Epiphanie (dont Γ Histoire s'arrêtait vers 502/503 45) et de Timothée le Perse, qui semble être la source des oracles cités par Malalas. Aucun d'entre eux ne peut faire l'affaire, le premier pour des raisons d'ordre chronologique, le second parce que son contenu diffère considérablement de celui de l'anonyme. A ces noms cependant s'ajoutent d'autres sources, qui nous sont mainte-

which Evagrius used was, like those available to John of Ephesus, the author of the Chronicon Paschale, the eighth century compiler of the Chronicon Palatinum, Theophanes, and the Slavonic translator and abridger, a more detailed version than that which survives to us today.»

40. Le texte de Jean dit simplement: «Cette même année, l'étrange (ou: étranger?) peuple des Huns appelé Avars vient à Contantinople.»

41. Voir supra ce qui a été dit des dates respectives de l'Épitomè et de la Chronique de Théophane.

42. Voir supra ce qui a été dit de la dépendance de Théophane par rapport à l'Épitomè. 43. Voir l'édition de E. JEFFREYS, The Chronicle of John Malalas, p. - іѵ, qui

suppose une source commune à la dernière partie de Malalas et à Théophane. 44. Article cité à la note 34. 45. Fragments édités par MÜLLER, FHGIV, 138-142.

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nant inaccessibles : les différentes archives 46 que Malalas a dû consulter, mais que notre auteur anonyme n'a vraisemblablement utilisées qu'indi­rectement, parce que ses notices ressemblent par trop à une simple com­pilation. Un demi-siècle plus tôt, von Stauffenberg avait supposé chez Malalas trois sources principales : une Histoire de l'Empire romain, qui contenait des éléments communs à Aurelius Victor, Eutrope et Γ Histoire Auguste (et qui se situe donc en dehors des termes chronologiques de notre chaîne) ; une Chronique universelle rédigée par un chrétien oriental ; une Histoire locale d'origine antiochienne. Mais ses conclu­sions trop vagues, et que j'accepterais bien volontiers, ne nous font guère progresser.

Il m'en faut donc revenir à une hypothèse que j ' a i avancée dans un précédent article, qui voit en Basile de Cilicie la source de notre auteur anonyme, et aussi (pourquoi pas ?) l'une de celles de Jean Malalas.

Source : Basile de Cilicie ? Nous avions alors fait remarquer que la recension de l'Épitomè d'his­

toires ecclésiastiques propre au Baroccianus gr. 142 contenait trois notices anonymes, consacrées respectivement à Jean Diacrinoménos, Basile de Cilicie et un écrivain inconnu du 10e siècle, les deux premières étant empruntées à la Bibliothèque de Photius, la dernière étant propre à ce manuscrit47. Or, de façon tout à fait extraordinaire, les trois notices n'indiquaient pas le nom des différents historiens auxquels elles étaient consacrées, mais remplaçaient sa mention par le simple pronom οδτος. Cela laissait supposer que les auteurs en question figuraient quelque part dans la collection d'extraits qui composaient l'Épitomè. Cette hypothèse se vérifiait pour Jean Diacrinoménos, dont les extraits figurent en effet à la fin de la recension de l'Épitomè propre au Baroccianus. Mais il n'y a pas trace dans le Baroccianus d'extraits de Basile de Cilicie. Nous avions donc avancé l'hypothèse que les extraits de Basile se trouvaient dans la version intégrale de l'Épitomè, et pouvaient éventuellement se retrouver dans ses autres témoins, c'est-à-dire le Parisinus suppl. gr. 1156, ΓAthos Vatopédiou 286 et le Parisinus gr. 1555 A. Les deux premiers manuscrits sont d'ores et déjà à exclure de notre enquête, puisque leur recension s'arrête bien plus avant dans l'Épitomè : pour l'un à Jean Diacrinoménos (frag. 561 Hansen incomplet), et pour l'autre à Théodoret. Reste donc le Parisinus gr. 1555 A.

Il est en conséquence bien tentant de vouloir attribuer à Basile tout ou partie des extraits anonymes qui figurent à la fin de la recension de l'É­pitomè propre au Parisinus gr. 1555 A. Encore faut-il que ce que nous savons de l'ouvrage de Basile concorde avec ce que livrent les extraits. Or, YHistoire ecclésiastique de Basile, aujourd'hui perdue, n'est connue que par Photius. Nous savons par sa Bibliothèque (cod. 107) que Basile

46. Par exemple, pour les événements d'Antioche, les archives des comités d'Orient ; pour ceux de Constantinople, les Acta de la capitale : JEFFREYS, art. cit., p. 213-214.

47. Cf. B. POUDERON, Les fragments anonymes du Baroc. gr. 142 (voir n. 1).

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de Cilicie fut prêtre d'Antioche sous Anastase (491-518), puis évêque d'Irénopolis. Il était proche de Nestorius, et anti-chalcédonien déclaré. Son Histoire comportait trois livres, dont le premier allait du règne de Marcien (450-457) à celui de Zenon (474-491), le second, de la mort de Simplicius (en 483) à celle d'Anastase (en 518), et le troisième de la mort d'Anastase et du début du règne de Justin (518) à une date incon­nue, mais que nous situerions volontiers vers 555/560, pour respecter la périodicité des trente-cinq ou quarante années que couvrent les deux pre­miers livres, et que devait probablement couvrir le troisième 48.

Le fait est que la seconde série des extraits anonymes du Parisinus s'inscrit peu ou prou entre les deux dates extrêmes de YHistoire ecclé­siastique de Basile (frag. 20 : grand incendie de Constantinople sous Léon Ier, le sucesseur immédiat de Marcien ; frag. 34 : deuxième inaugu­ration de Sainte-Sophie en 562). En outre, il convient de remarquer que la Chronique de Jean Malalas s'arrête elle aussi à la deuxième inaugura­tion de Sainte-Sophie (PG 715 B), que suivent de très peu la mort du cocher Julianicus et l'envoi par Justinien de son neveu Marcien en Afrique pour combattre les Mauritaniens ; même s'il apparaît que la fin de la Chronique est amputée (mais l'on ne sait pas de combien de folios), ce n'en est pas moins un indice supplémentaire pour voir dans les années 560 le terme de la source commune de l'auteur anonyme et de Jean Malalas ; or ce terme peut aussi être celui de Γ Histoire de Basile.

Si donc l'on admet que les fragments contenus dans le Parisinus appartiennent bien à l'Épitomè primitif, comme le fait par exemple G. Hansen49, et que l'on accepte d'y rattacher comme ses légitimes appendices les deux notices consacrées à Jean Diacrinoménos et Basile de Gilicie qui figurent dans le Baroccianus gr. 142, alors il y a toute pro­babilité que la notice sur Basile renvoie à la partie de l'Épitomè qui cor­respond à ses termes chronologiques, c'est-à-dire aux fragments de la deuxième série du Parisinus gr. 1555 A, ceux que nous avons numérotés 20 à 34.

Cet argument de bonne logique n'est pas négligeable, mais il est le seul qu'on puisse invoquer en faveur de Basile. En effet, rien dans ces fragments ne désigne ni un Antiochien (il n'y est pratiquement question que de Constantinople), ni un nestorien (puisqu'on n'y trouve trace d'au­cune forme de polémique religieuse). De plus, les fragments conservés dans le Parisinus évoquent plutôt une Chronique qu'un livre d'histoire ; chacun d'eux commence par une indication chronologique : la simple mention du règne pour les fragments 20 et 21 ; l'année du règne de Justinien pour l'ensemble des autres fragments (à l'exception du frag. 25). Il est donc possible que la source de notre anonyme ne soit pas directement Basile, mais une Chronique (toute semblable à celle de Jean

48. On retrouve un calcul un peu différent dans l'article de Jülicher dans la PW, qui étend ΓHistoire de Basile jusqu'en 540 seulement : «da das erste im J. 450 zu beginnen scheint, dürfte das dritte etwa bis 540 gereicht haben.»

49. G. HANSEN, op cit., p. XXXVII.

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LE CODEX PARISINUS GR. 1555 A 191

Malalas) qui l'aurait exploité ; la présence d'un intermédiaire entre Y Histoire ecclésiastique de Basile et les derniers fragments de l'Épitomè expliquerait le léger décalage que l'on peut constater entre le terme de Basile (vers 560) et celui de l'Épitomè (562).

On peut donc en dernier ressort supposer la filiation suivante : Basile (début du 6e s.) — Chronique inconnue intermédiaire (6e s.) — Malalas (seconde moitié du 6e s.) et l'Épitomè (7e s.) — Théophane (9e s.).

Conclusion

Nous ne nions pas qu'il soit hypothétique d'attribuer des fragments anonymes à un auteur dont l'œuvre s'est perdue. Un seul indice, celui des termes chronologiques, d'ailleurs approximatif, n'y peut suffire. Quand un second s'y ajoute, l'hypothèse prend du poids ; mais encore faut-il préciser que le deuxième indice repose sur la reconstruction, certes très plausible, à partir de trois manuscrits différents, d'un Epitome complet ou continué, accompagné de ses trois notices 'explicatives'. C'est ainsi que le présentent G. Gentz et K. Aland ou G. C. Hansen 50; c'est aussi ainsi que nous l'imaginons. Et c'est ainsi seulement que l'on peut prendre en considération l'attribution de quelques fragments ano­nymes à ce Basile que nous ne connaissions jusqu'ici que par la notice de Photius. La question est d'importance, car au-delà des maigres extraits contenus dans le codex Parisinus, c'est une partie des sources de Jean Malalas et de Théophane qui se révélerait ainsi à l'historien.

Bernard POUDERON Université de Tours

50. G. GENTZ - K. ALAND, Die Quellen der Kirchengeschichte des Nicephorus und ihre Bedeutung für die Konstituierung des Textes der älteren Kirchenhistoriker, ZNTW 42, 1949, p. 104-141 (particulièrement p. 113-114, abrégés 1 à 8) ; G. . HANSEN, op. cit., p. xxxvn-xxxix.

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NÉOPHYTOS PRODROMÈNOS COPISTE ET RESPONSABLE (?)

DE L'ÉDITION QUADRIVIUM-CORPUS ARISTOTELICUM

DU 14e SIÈCLE

Michel CACOUROS

Résumé: L'auteur traite d'une «édition» du quadrivium et du corpus aristotelicum faite à Constantinople au 14e siècle et habituellement attribuée à Nicéphore Grégoras. Grâce au rapprochement fait avec le corpus de logique établi par Néophytes Prodromènos et le Coislin. 327, annoté par lui, l'auteur démontre que les manuscrits de cette édition ont été copiés par Néophytes et formule l'hypothèse que Néophytes pourrait être le respon­sable, au moins en partie, de l'édition constantinopolitaine.

On connaissait jusqu'à présent l'existence d'une «édition» comprenant plusieurs œuvres du quadrivium et l'ensemble du corpus aristotelicum, probablement effectuée à Constantinople au début du 14e siècle, mais on ignorait les conditions dans lesquelles elle avait été effectuée. Autrement dit, le nom du responsable de l'entreprise aussi bien que celui du scribe qui en avait établi copie dans les années 1350-1375 restaient inconnus. Une copie plus tardive, établie au milieu du 15e siècle, était plus connue. Faute de mieux, on avait proposé Nicéphore Grégoras comme le maître qui aurait conçu cette œuvre. Dans cet article, nous nous proposons d'identi­fier l'auteur qui a produit l'exemplaire datant des années 1350-1375 ; nous examinerons également si son rôle a été plus important que celui d'un simple scribe travaillant à la copie de l'encyclopédie mathématico-philoso-phique qu'on présentait aux lettrés de Constantinople.

I. UNE ÉDITION DU QUADRIVIUM - CORPUS ARISTOTELICUM À BYZANCE.

En travaillant sur l'édition des œuvres d'Apollonius de Pergè, J. L. Heiberg avait été impressionné par le Paris, gr. 2342

Revue des Études Byzantines 56, 1998, p. 193-212.

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194 MICHEL CACOUROS

(Paris, gr. - Pgr), de contenu géométrique et astronomique x, copié par un seul scribe ; en effet, le texte des Coniques et le commentaire par Eutocius compris dans ce témoin présentaient, selon cet érudit, des «interpolationes <quae> peritiae haud mediocris testes sunt»2. La conclusion de J. L. Heiberg fut la même lorsqu'il examina le texte de Y Optique d'Euclide3 et les opuscules Sur la section du cône et du cylindre par Sérénus d'Antinoè, tous compris dans ce manuscrit4. Ces interventions ingénieuses l'ont poussé à chercher d'autres témoins copiés par ce scribe intéressant, et il a localisé les Paris. Coislin. 161 et 166 (Coislin. = C), qui, manifestement, par la mise en page et l'identité de copiste, appartiennent au même groupe5.

Les C161 et 166 diffèrent quant au contenu du Pgr2342, puisqu'ils constituent une édition presque complète du corpus aristotelicum, la plu­part des textes étant encadrés de commentaires : le 166 comprend les œuvres physiques d'Aristote, quelques traités zoologiques et des opus­cules des Parva Naturalia, le Cl61 englobe l'ensemble Éthique (Grande Morale, Ethique à Nicomaque)-Politique-Economique-Métaphysique6. Plus tard, J. Mogenet, travaillant sur les œuvres astronomiques

1. Contenu : «les Éléments d'Euclide, à partir de I, 29 (f. lv) ; les Data du même, pré­cédés du Commentaire de Marinus (f. 960 '. la recension de Théon de Y Optique* d'Euclide (f. 1090, Optique de Damien (f. 1141), suivie de quelques extraits de Géminus, la Catoptrique d'Euclide (f. 116 ), les Sphériques* de Théodose (f. 118v) et le De Sphaera* d'Autolycus (f. 129v-131r)· Puis viennent les Phénomènes* d'Euclide (f. 1310. les Habitations (f. 137") et les Jours et nuits* (f. 139r) de Théodose, le De magnitudinibus* d'Aristarque (f. 1471) et les Levers et Couchers* d'Autolycus (f. 150v-154v). Enfin YAnaphoricus* d'Hypsiclès (f. 1551), les Coniques d'Apollonius, accompa­gnés des Commentaires d'Eutocius (f. 156v) et la Section du cône et du cylindre de Sérénus d'Antinoè (f. 1871), le dernier des deux traités étant mutilé» (description du contenu d'après J. MOGENET, Autolycus de Pitane. Histoire du texte, suivie de l'édition cri­tique des traités De la sphère en mouvement et Des levers et couchers, coll. Recueil de travaux d'histoire et de philologie de l'Université de Louvain, 3 e série, fase. 37, Louvain 1950, p. 80 (sur la signification des astérisques que nous avons ajoutés, voir n. 14) ; des­cription du contenu aussi dans M. DECORPS-FOULQUIER, Un corpus astronomico-mathéma-tique au temps des Paléologues. Essai de reconstitution d'une recension, Revue d'histoire des textes 17, 1987, p. 16-18.

2. I. L. HEIBERG (éd.), Apoïlonii Pergaei quae graece exstant, coll. Teubneriana, II, Leipzig 1893, p. LXIX ; aussi I, Leipzig 1891, p. v. M. Decorps-Foulquier, en étudiant l'histoire du texte des Coniques d'Apollonius de Pergè, a attiré l'attention sur le fait que le corpus astronomico-mathématique [plutôt astronomico-géométrique] compris dans le Pgr2342 et dans deux autres témoins représente une recension effectuée «par un même savant de l'époque des Paléologues» (Un corpus, p. 16).

3. I. L. HEIBERG (éd.), Euclidis Optica, Opticorum Recensio Theonis, Catoptrica cum scholiis antiquis, Euclidis Opera omnia, VÌI, coll. Teubneriana, Leipzig 1893, p. x x : «... et quae meliora habet prompta erant librario illi perito audacique.»

4. IDEM (éd.), Sereni Antinoensis Opuscula, coli. Teubneriana, Leipzig 1896, . ѵ-ѵ . 5. IDEM, Handschriftliches zum Commentar des Simplicius zu Aristoteles de Caelo,

Sitzungsber. d. kònigl. Pr. Akad. d. Wiss. zu Berlin, 1892, p. 73 et IDEM, Apollonii Pergaei quae graece exstant, II, p. LXIX-LXX. Heiberg avait également ajouté à ce groupe le 169 (Apollonii Pergaei, II, p. LXIX), mais ce manuscrit est écrit par une autre main.

6. R. DEVREESSE, Le fonds Coislin, Bibl. Nationale, Département des manuscrits, Catalogue des manuscrits grecs, II, Paris 1945, p. 148-149 et 145-146.

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NÉOPHYTOS PRODROMÈNOS 195

d'Autolycus de Pitane7, reprit en partie les conclusions de J. L. Heiberg et ajouta au groupe aristotélicien le Pgrl921, lequel, écrit par le même copiste et présentant la même mise en page, comprend plusieurs œuvres zoologiques d'Aristote et quelques traités des Parva Naturalias. D. Harlfinger9, en se fondant sur des critères paléographiques et codico-logiques (identité du copiste et des filigranes), a ajouté à ce groupe le Hierosol. Bibl. Patr. Sancii Sep. 150 (= SSel50)10, qui comprend les œuvres logiques d'Aristote.

A. Les particularités.

L'ensemble ainsi constitué (abrégé CPhM ; CPh et CM pour les cor­pus philosophique et mathématique) et copié par le même scribe attire l'attention par le choix des textes et la présentation.

Pour ce qui concerne le contenu, les éléments suivants sont à retenir. Le Pgr2342 constituait à l'origine très probablement, soulignons-le, un quadrivium, donc un ensemble de textes et commentaires se rapportant à l'arithmétique, la géométrie, l'astronomie et, peut-être, la musique (dans les manuscrits du quadrivium, la musique est fréquemment omise) u . Le manuscrit étant gravement mutilé, surtout au début (on a conservé uni­quement les cahiers κγ'-μη'12), on peut raisonnablement supposer que la section arithmétique a été perdue et que la section géométrique était à l'origine plus développée 13. La section astronomique14, elle aussi, devait

7. J. MOGENET, Autolycus, p. 81-82. Cet érudit signale, p. 81, que les trois Parisini «semblent sinon de la même main, du moins du même atelier» que le Pgr2342.

8. H. OMONT, Inventaire sommaire des manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale, II, Paris 1888, p. 163-164.

9. D. HARLFINGER, Die Textgeschichte der pseudo-aristotelischen Schrift Περί ατόμων γραμμών. Ein kodikologisch-kulturgeschichtlicher Beitrag zur Klärung der Überliefe­rungsverhältnisse im Corpus Aristotelicum, Amsterdam 1971, p. 55-57.

10. Description dans P. MORAUX et alii, Aristoteles Graecus. Die griechischen Manuskripte des Aristoteles, I (Alexandrie-Londres), coll. Peripatoi 8, Berlin-New York 1976, notice par P. Moraux, p. 385-387. Voir D. HARLFINGER, Die Textgeschichte, p. 55-57. Bibliogr. dans M. CACOUROS, La tradition du commentaire de Théodore Prodrome au deuxième livre des Seconds Analytiques d'Aristote : quelques étapes dans l'enseignement de la logique à Byzance, Hommage à Bruno Lavagnini, Δίπτυχα 6, 1994-1995, p. 336-338.

11. Pareille constatation dans M. DECORPS-FOULQUIER, Un corpus, p. 18, mais la com­position du corpus actuel serait différente (voir n. 13).

12. «Venaient en tête 22 cahiers supplémentaires, soit au moins 176 feuillets», J. MOGENET, Autolycus, p. 80 ; voir I. L. HEIBERG (éd.), Sereni Antinoensis Opuscula, p. VI.

13. Elle comprend les deux premiers et les trois derniers traités du manuscrit : les Élé­ments et les Data d'Euclide, les Coniques d'Apollonius et la Section du cône et du cylindre de Sérénus d'Antinoè. Je présume toutefois que les trois derniers traités géomé­triques, vu leur caractère spécifique, avaient été attachés à la section astronomique. M. DECORPS-FOULQUIER, Un corpus, p. 18, considère que, dans ce manuscrit du quadrivium, on a perdu uniquement (?) la musique.

14. Cette section dans le CM comprend tout d'abord des ouvrages constituant un cor­pus de géométrie sphérique, réuni dès l'Antiquité et destiné à un usage purement astrono­mique (textes avec astérisque, n. 1) ; ils servaient de préliminaire à l'étude de la Syntaxe

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être plus complète, si l'on juge par le fait que le dernier traité15 est mutile et qu'une œuvre astronomique, le traité de Jean Philopon, Sur Vusage de l'astrolabe, est actuellement mutile et incorporee au Pgrl921 16. Par conséquent, selon toute probabilité, le Pgr2342 est un manuscrit lacunaire du quadrivium.

La philosophie et les mathématiques ont été liées dans l'enseignement supérieur à Byzance, où la philosophie, 'sœur' des sciences du quadri­vium, introduisait et couronnait leur étude17. Rien d'étonnant donc si on considère, comme il a été fait, que le CPh et le CM constituaient un ensemble : on a intérêt toutefois à maintenir la relative indépendance des deux corpus (voir suite). Par philosophie, les Byzantins, depuis le 9e siècle 18, entendaient fréquemment la logique : le fait donc de trouver dans ces manuscrits l'ensemble du corpus aristotelicum (logique, phy­sique, métaphysique, zoologie, éthique) est une véritable rareté, qui mérite d'être soulignée. Les textes utilisés étaient en principe commentés et on utilisait les commentaires 'officiels' de l'époque : pour les Seconds Anal. II, on a employé le commentaire de Théodore Prodrome, qui était, depuis au moins la fin du 13e siècle, le commentaire de référence pour ce livre d'Aristote 19.

La présentation des textes dans cet ensemble, qui n'a pas été étudiée jusqu'à présent, n'est pas habituelle non plus.

La mise en page. Dans le CPh, le texte du Stagirite, écrit plus près du pli que de la gouttière, est encadré de commentaires. La mise en page dans le CM est plus pauvre : le texte est écrit à pleine page (ou sur la colonne principale, qui occupe la majeure partie de la page), alors que les remarques, scholies et figures géométriques ont été ajoutées dans les marges. On dirait que le CM témoigne d'une étape moins élaborée que le CPh.

de Claude Ptolémée ; voir I. L. HEIBERG, Geschichte der Mathematik und Natur­wissenschaften im Altertum, coli. Handbuch der Altertumswissenschaft, Munich 1960, p. 58-60 ; Th. HEATH, Aristarchus of Samos. The Ancient Copernicus, Oxford 1913, p. 317-319. Apparemment les Byzantins avaient effectué des ajouts à ce premier corpus, voir exposé supra.

15. Il s'agit de la Section du cylindre de Sérénus d'Antinoè ; voir n. 1, 4, 12. Le texte s'arrête à λμνξ' σημεία = I. L. HEIBERG (éd.), Sereni Antinoensis Opuscula, p. 10213 (ibi­dem, p. vi).

16. Jean Philopon, Traité de l'astrolabe, [par les soins d'] A. P. SEGONDS, coll. Astrolabica 2, Paris 1981, p. 114-115, 124, avec reprod. du texte de l'édition B. Hase (Ioannis Alexandrini cognomine Philoponi De usu astrolabi ejusque constructione libel-lus, Bonn 1849), p. 137-197. Le texte de Philopon s'arrête à la p. 1813 de Γ éd. HASE (voir A. SEGONDS, p. 115).

17. L'Anonyme qu'a édité J. L. Heiberg est le premier témoignage direct conservé : Anonymi logica et quadrivium, cum scholiis antiquis, coll. Det. Kgl. Danske Videnskabemes Selskab. Historisk-filologiske Meddelelser 15, 1, Copenhague 1929. Pour ne pas alourdir l'exposé, nous renvoyons à notre contribution : La philosophie à Byzance, dans Encyclopédie Philosophique Universelle, P.U.F. (sous presse).

18. Par exemple, dans l'Anonyme de Heiberg (n. 17). 19. Exposé dans La tradition, p. 333-336, 353.

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NEOPHYTOS PRODROMENOS 197

Les systèmes de renvoi. Dans le CPh, les renvois entre le texte de base et les commentaires correspondants se font de trois façons. Le premier système appliqué est numérique. Des lettres de l'alphabet grec (corres­pondant à des chiffres, comme c'était l'usage chez tes Byzantins), notées en rouge et placées devant le texte de base ou au-dessus des lignes, sont reproduites devant les scholies. Ce système s'applique page par page : ainsi, le 166, f. 23v présente quatre renvois dans le texte et quatre scho­lies dans la marge, numérotés α'-δ', alors que le f. 24r présente cinq ren­vois dans le texte et cinq scholies dans la marge, numérotés α'-ε'. Les lettres placées devant le texte de base ou mis en exposant à l'intérieur du texte sont en principe régulièrement espacées : elles servaient, peut-être, à répartir ce texte en unités, à peu près comme dans la PG de J.-P. Migne.

Le deuxième système appliqué est signalétique. Des renvois, sous forme de signes notés en rouge dans le texte et répétés devant les com­mentaires, servent à désigner les passages correspondants. L'emploi des systèmes de renvoi, appelons-les signalétiques, a été généralisé dans les corpus de scholies vers le 13e siècle20; ainsi, le Pgrl917 offre plusieurs spécimens d'un système signalétique datant des années 1260. Les signes employés dans ces systèmes étaient tantôt empruntés aux abréviations astronomiques (par exemple l'abréviation pour la lune, le soleil), tantôt provenaient de la combinaison de différents éléments graphiques (la ligne droite ou courbe, le cercle). Or, les signes pour les renvois employés dans le CPh diffèrent assez souvent des signes habituellement utilisés dans les corpus de scholies (les signes du soleil et de la lune sont rarement employés). Ils sont fréquemment constitués d'un signe de base barré de différentes façons, afin d'augmenter le nombre de signes dispo­nible.

Certaines pages présentent uniquement le système numérique (Cl66, f. 23v), d'autres seulement le système signalétique (Cl66, f. 15r, 172r; Pgrl921, f. 6V). Parfois, sur la même page, les deux systèmes se combinent par juxtaposition (un système par colonne ; C166, f. 17r, 19r), ou par suc­cession (deux systèmes, l'un succédant à l'autre sur la colonne unique ; Pgrl921, f. 70v). L'emploi simultané des deux systèmes correspond proba­blement aux besoins de mise en page et d'exploitation de différentes sources. En fait, les extraits cités dans la première colonne de scholies et signalés par des lettres proviennent souvent d'un seul commentaire ; dans ce cas, les scholies 'surajoutées' sont signalées par des appels.

Le CM est plus particulier à cet égard. Pratiquement tous les textes copiés à pleine page ou dans la colonne principale sont répartis en sec­tions par des lettres, mais il n'y a pas de système numérique de renvois correspondant. Les scholies, auxquelles on renvoie par un système signa­létique peu développé, ne constituent pas une colonne indépendante, mais sont dispersées dans la page.

20. Dans les manuscrits des commentaires d'Aristote, les premiers témoignages d'un système de renvois signalétique sont de beaucoup antérieurs au 13e siècle.

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198 MICHEL CACOUROS

Le caractere inachevé. Le scribe intervient même après l'achèvement de la copie. Ainsi, il ajoute des gloses supralinéaires en rouge, il effectue des ajouts dans la marge à côté du texte de base (Pgr2342, f. 18r) ou du commentaire (Pgrl921, f. 183r)· Parfois les ajouts dans la marge sont liés au texte, de façon peu orthodoxe, par des traits, alors que, dans d'autres cas, il n'hésite pas à entourer l'ajout effectué par un rectangle ou une ellipse (Pgrl921, f. 234v ; C166, f. 4V). Il n'hésite pas non plus à isoler, de cette façon, le texte principal des scholies (C166, f. 4V). On dirait un scribe qui travaille pour lui-même (des manuscrits personnels) ou pour ses élèves et qui, par conséquent, se permet d'intervenir, notamment aux dépens de la présentation, sur le texte qu'il copie.

B. L'auteur de la collection et la postérité du corpus.

Par qui pouvait être assurée une pareille édition ? J. L. Heiberg rap­procha la diorthôsis dont témoignent les traités du Pgr2342 de celle qu'a effectuée Nicéphore Grégoras (1290/1291-1359/1360) dans d'autres manuscrits de contenu similaire et lui attribua la responsabilité du CPhM 21. J. Mogenet évoqua quelques arguments qui affaiblissaient cette hypothèse, mais ne l'a pas entièrement rejetée 22.

Cette édition aurait connu, à l'exception de la collection des manus­crits signalés, une autre postérité. En effet, J. L. Heiberg avait également remarqué que les Mosqu. Bibl. Synod. 6 et 7 (Savva = Vladimir 450, 448), du milieu du 15e siècle, avaient une présentation similaire à celle des autres manuscrits23. D. Harlfinger a corrigé et élargi la liste des Mosquenses cités plus haut, en lui joignant quelques nouveaux témoins : celle qu'il a établie comprenait les Mosqu. Bibl. Synod. 6, 8 (et non pas 7) et 239 (Savva = Vladimir 450, 451, 449) et, également, Y Alexandr. Bibl. Patriarc. 87 24.

L'analyse philologique du texte d'Aristote que D. Harlfinger a opérée dans les deux collections 25 a démontré que celles-ci sont apparentées, ne sont pas liées par un rapport de modèle à copie, mais remontent à une source commune qu'il situe dans les milieux érudits (aristotélisants) de Constantinople. Il s'agirait donc de deux copies de l'édition complète du corpus aristotelicum, produite probablement dans le milieu de Grégoras à Constantinople. De ces deux copies, l'une remonte au troisième quart du 14e siècle et l'autre au milieu du 15e siècle 2 .

21. I. L. HEIBERG, Apollonii Pergaei, p. LXIX-LXX ; aperçu dans J. MOGENET, Autolycus, p. 82, n. 5, 6 et D. HARLFINGER, Die Textgeschichte, p. 55-57.

22. J. MOGENET, Autolycus, p. 82-84. P. MORAUX, Aristoteles Graecus, p. 387, a retenu, à propos du corpus logicům, le nom de Grégoras, mais en le faisant suivre d'un point d'in­terrogation.

23. I. L. HEIBERG, Apollonii Pergaei, II, p. LXIX-LXX ; aperçu dans J. MOGENET, Autolycus, p. 81, n. 3.

24. D. HARLFINGER, Die Textgeschichte, p. 56. 25. Ibidem, p. 56, n. 3. 26. Ibidem, p. 56-57.

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IL NÉOPHYTOS PRODROMÈNOS COPISTE DE LA COLLECTION DU 14 e SIÈCLE.

Comme on le constate d'après le sommaire, rien ne démontre que l'édition constantinopolitaine ait été faite par Grégoras. Les réticences de J. Mogenet à cet égard sont parlantes. À nouveau se pose la question de savoir qui étaient l'auteur et le copiste de la collection parisienne, que nous nous proposons d'identifier à Néophytos Prodromènos, moine au monastère de Saint-Jean Prodrome à Pétra (Constantinople)27.

En fait, en étudiant dans les années 1989-1992, en vue de l'édition, le commentaire (alors inédit) de Théodore Prodrome, érudit du 12e siècle, aux Seconds Anal. II28, j'avais été frappé par les similitudes que présente l'écriture de Néophytos Prodromènos avec celle du copiste du texte de Prodrome dans le SSel50, qui représente la section «logique» du CPhM. Faute de témoignages supplémentaires, j'avais alors préféré ne pas en traiter. Mais les indices que l'examen des commentateurs byzantins de la logique d'Aristote m'a permis de réunir, et qui se sont accumulés au fil du temps, ont permis d'éclaircir le problème. Le développement qui suit présente quelques recoupements avec l'exposé fait, indépendamment de nos propres recherches, par Br. Mondrain 29. Les remarques qu'elle a for­mulées corroborent une partie de nos conclusions et nous évitent des développements plus amples sur certains points.

Notre argumentation repose d'une part sur le corpus de logique que Néophytos Prodromènos a établi, d'autre par sur un manuscrit qu'il a annoté, le Coislin. 327.

A. La démonstration à partir du corpus de logique de Néophytos.

Pour comparer le corpus de logique que Prodromènos a établi avec le CPhM, il importe, tout d'abord, d'en donner un bref aperçu30, puis de confronter les deux corpus.

27. Sur ce monastère, voir R. JANIN, La géographie ecclésiastique de l'Empire byzantin, lèrc partie : Le Siège de Constantinople et le Patriarcat Œcuménique, III : Les églises et les monastères, coll. Publications de l'Institut français d'Études byzantines, Paris 21969, p. 421-429 ; sur ce monastère, le xénon du Krai, qui lui était adjoint, et le rôle de Prodromènos dans la copie des manuscrits médicaux, voir A. TOUWAIDE, Un recueil grec de pharmacologie du xe siècle illustré au xrve siècle : le Vaticanus gr. 284, Scriptorium 39, 1985, p. 53-54.

28. M. CACOUROS, Le commentaire de Théodore Prodrome aux Analytiques posté­rieurs, livre II d'Aristote : texte (editio princeps, tradition manuscrite), étude du commen­taire de Prodrome, Paris IV-Sorbonne, Paris 1992.

29. Congrès International sur l'Organon d'Aristote, Montréal, 31 août - 4 septembre 1996, Actes à paraître.

30. Pour les détails, nous renvoyons à notre démonstration : M. CACOUROS, Un corpus de logique dû à Prodromènos (Paris, gr. 1928, 1846, Vatic, gr. 1018, f. 1, écrits par lui / Vatic, gr. 209), annoté et copié par Chortasménos, Scholarios et Bessarion, Congrès International sur l'Organon d'Aristote [abrégé : Un corpus de logique]. Pour un aperçu sin­ce corpus de logique, voir IDEM, Jean Chortasménos katholikos didaskalos. Contribution à

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Néophytos Prodromènos a établi, comme nous l'avons démontré31, peu après le milieu du 14e siècle, un corpus de logique (nous l'avons intitulé Corpus logicům prodromenianum : CLP). Celui-ci comprend les textes de l'Organon, encadrés de scholies provenant de commentaires néoplatoniciens et byzantins d'Aristote. Chaque texte de l'Organon est introduit par un bref commentaire, composé par Prodromènos. L'ensemble est précédé de quelques traités sur la logique et sur la philo­sophie d'Aristote, composés aussi par Néophytos. Des diagrammes ren­dent la lecture des opuscules introductifs plus facile32. Ceux-ci sont, à leur tour, précédés des extraits provenant des Éléments d'Euclide et du commentaire que Proc lus a consacré à ce livre33.

Nous avons localisé une partie importante de l'original de l'auteur, actuellement répartie entre les Pgrl928 et 1846 et le Vatic, gr. 1018 (= Vgrl018), f. 13 4 . L'ensemble est naturellement organisé d'après l'ordre néoplatonicien de la lecture de l'Organon {Isagoge de Porphyre, puis les œuvres logiques d'Aristote : Catégories, De l'interprétation, Premiers et Seconds Analytiques, Topiques, Réfutations Sophistiques). Le Pgrl928 comprend, après les passages géométriques et les textes introductifs à l'Organon, VIsagoge, les Catégories — l'introduction de Néophytos aux Catégories a été conservée dans le Vgrl018, f. 1 3 5 — et le De l'interprétation, encadrés d'extraits de commentaires, alors que le Pgrl846 contient les Premiers Analytiques36. Les textes et commentaires aux Seconds Analytiques, Topiques et Réfutations Sophistiques, perdus dans l'original, ont été restitués grâce aux apographes que nous avons localisés.

l'histoire de l'enseignement à Byzance, Synodia. Studia humanitatis Antonio Garzya sep-tuagenario ab amicis atque discipulis dicala, éd. U. CRISCUOLO et R. MAISANO, Collectanea 15, Naples 1997 [abrégé : katholikos didaskalos], p. 83-84.

31. Ibidem. 32. Nous éditons actuellement l'ensemble des éléments (textes, diagrammes et autres)

composés par Prodromènos [abrégé : Néophytos, édition]. Édition partielle dans É. BOIXINGIER (aucune mention du corpus organisé par Néophytos), Essai sur l'œuvre de Néophytos Prodromènos, Université Catholique de Louvain, Faculté de Philosophie et Lettres, Louvain 1966. Quelques diagrammes récapitulatifs ont été inclus dans Michaelis Pselli Philosophica Minora, I : Opuscula logica, physica, allegorica, alia, éd. J. M. DUFFY, coll. Teubneriana, Stuttgart et Leipzig 1992.

33. Références dans Néophytos, édition (voir n. 32). 34. Dans les articles Un corpus de logique et IDEM, Marginalia de Chortasménos dans

un opuscule logique dû à Prodromènos {Vatican, gr. 1018), REB 53, 1995 [abrégé: Marginalia], p. 274-275. J. DUFFY, Michael Psellos, Neophytos Prodromènos, and Memory Words for Logic, Gonimos. Neoplatonic and Byzantine Studies Presented to Leendert G. Westerink at 75, éd. J. DUFFY - J. PERADOTTO, Buffalo, New York 1988, n. 22, 28 mentionne les Pgrl928 et 1846 comme autographes de Néophytos (sans parler de cor­pus). Le Vatic, gr. 246 fait aussi partie du CLP, mais, vu ses particularités, j ' en traite dans un autre contexte.

35. Marginalia^ p. 274-275. 36. f. l r-185 r. À la fin du manuscrit, on trouve Jean Philopon, Définition de l'harmo­

nique et Nicéphore Grégoras, Système du monde ; description de ces témoins dans Néophytos, édition.

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La mise en page et la décoration du CLP présentent, elles aussi, des particularités.

La mise en page. Chaque texte de Γ Organon étudié par Prodromènos est copié vers le milieu de la page (plus près du pli que de la gouttière) et le reste est occupée par une première colonne de scholies. Une deuxième colonne, moins organisée que la première, fut ajoutée du côté externe lorsque Néophytes revint sur le même texte d'Aristote.

La division des textes en unités. Chaque texte de l'Organon est divisé en plusieurs unités, numérotées, de façon continue, par des lettres mises en exposant et écrites en rouge vif au début de chaque section. Ainsi, VIsagoge de Porphyre, dans le Pgrl928, est divisé en i' (60) sections.

Les systèmes de renvoi. Le découpage en sections grâce à des lettres en nombre suffisant et en numérotation continue facilite la lecture des œuvres d'Aristote ainsi que la consultation en parallèle du commentaire correspondant. En fait, Neophytos a reproduit les lettres à valeur numé­rique devant les passages correspondants des commentaires. Il a créé ainsi un système précis de renvois, qui rappelle notre système d'appels de note, les renvois se faisant, chez lui, dans la marge (et non pas en bas de page). Un système différent, signalétique, a été mis en application dans la deuxième colonne, où les renvois se font avec des signes dont plusieurs se rencontrent dans les corpus de scholies (tels les signes du soleil, de la lune, et autres), alors que certains semblent plus originaux.

La décoration. Néophytes a noté en rouge vif avec un calarne épais les initiales majeures, les chiffres de renvoi (voir supra), les éléments décoratifs (rubans, anneaux, trèfles...) dans les titres ou dans les textes. Ces éléments, particulièrement nombreux, ont été employés dans un but pratique : annoncer les différents paragraphes, sections et chapitres des textes reproduits. Neophytos a même étendu l'ornementation aux marges, où des fleurons annoncent certaines scholies.

Le caractère inachevé. Il convient d'ajouter une dernière caractéristique : le corpus n'a pas été copié, semble-t-il, d'un seul tenant. Plusieurs indices en témoignent, comme les ajouts effectués dans la marge, que Prodromènos lie, en traçant des lignes, aux textes de l'Organon ou des commentaires, ou l'ajout d'une deuxième colonne de scholies, non prévue, dans la marge et l'emploi, pour elle, d'un système différent pour les renvois. En plus, pour éviter toute confusion, Néophytes n'hésite pas à séparer les deux colonnes en traçant une ligne entre les deux. Il emploie le même procédé pour sépa­rer les passages qui se prolongent dans d'autres secteurs.

Confrontation du CLP avec le CPhM. La confrontation des deux corpus peut s'effectuer sur plusieurs plans.

Sans nous attarder sur l'écriture (malgré la différence de taille qu'elle présente dans le CLP par rapport au CPhM, il s'agit, d'après nous, du même copiste, dont l'écriture n'est pas «élégante», mais surtout «rapide», et qui «fourmille d'abréviations»37), nous centrerons notre

37. J. MOGENET, Autolycus, p. 81.

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intérêt sur la mise en page et la décoration, puis sur le type de papier qui servit de support aux deux collections.

Pour ce qui est de la mise en page et la décoration, il suffit de parcou­rir les caractéristiques du CPhM (p. 196-198) et du CLP (p. 201) décrites plus haut pour se rendre compte des similitudes qui existent entre les deux corpus : mise en page très similaire, avec un texte de base (Aristote ou autre) encadré des commentaires ; renvois systématiques, faits, dans les deux cas, à l'aide des mêmes systèmes, numérique et signaletique; emploi d'une encre rouge (plus passée dans certains cas) pour les ini­tiales majeures, pour la division du texte commenté en sections et pour les lemmes : il en résulte une meilleure 'visibilité' du texte étudié. Enfin, dans les deux corpus, on distingue la même tendance de la part du copiste à intervenir après l'achèvement de la copie ; de plus, les moyens choisis pour le faire sont les mêmes.

Malgré les similitudes marquées, le CM se différencie, du point de vue de la présentation, du CPh et du CLP. En effet, les textes du CM sont répartis en sections numérotées, mais il n'y a pas de système numérique de renvois correspondant et le système des renvois signaletique est fai­blement représenté. Quant au CLP, il semble plus évolué que le CPh : le découpage du texte de base en unités, mieux adapté aux systèmes de ren­vois, est plus réussi dans le CLP ; le CLP témoigne d'une meilleure connaissance dans le signalement des éléments notés à l'encre rouge ; le système de renvois numérique se fait page par page dans le CPh, alors qu'il est continu dans le CLP ; le système de renvois signaletique est mieux disposé dans le CLP, puisqu'il occupe la deuxième colonne de scholies ; les signes de renvoi employés semblent relever, dans le CPh, en grande partie de l'initiative du copiste et non pas de la connaissance des signes employés dans les autres corpus. On dirait donc que les trois corpus représentent trois moments différents dans la production du même copiste (d'où la nécessité de différencier le CPh du CM).

Si on examine le type de papier employé pour deux collections, on constate que les manuscrits du CLP et du CPhM, écrits sur papier fili­grane, ont les mêmes dimensions38 et présentent en grande partie les mêmes filigranes39. En fait, nous avons déjà montré que les mêmes fili-

38. Pgrl846: 275/280x205/210 mm; Pgrl921 : 290/295x215/220 mm; Pgrl928 : 270/275x205/210; Pgr2342: 293x222 mm; C161 : 300/305x225/230 mm; C166: 295/300x220/225 mm; Vgrl018: 285/290x200 mm; SSel50: 290x220 mm. Les Pgrl846 et 1928 sont de dimensions un peu plus réduites à cause du rognage intensif au moment de recevoir la reliure Henri II.

39. Répertoires cités en abrégé : Br = C. M. BRIQUET, Les filigranes. Dictionnaire his­torique des marques du papier dès leur apparition vers 1282 jusqu 'en 1600 (Facsimile de Γ éd. de 1907, avec du matériel suppl.) ; éd. A. STEVENSON, Amsterdam 1968 ; Likh = K. LIKHACHEV'S Watermarks. An english-language version, éd. J. S. G. SIMMONS, . VAN GINNEKEN-VAN DE KASTEELE, coll. Monumenta Chartae Papyraceae Historiam illustranüa XV, The Paper Publications Society, Amsterdam 1994, trad, de

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granes, datant des années 1350-1365, se rencontrent tout au long du CLP 40. La raison en est la suivante : les manuscrits du CLP constituaient à l'origine une seule unité, actuellement répartie sur plus de deux manus­crits (une partie de l'original a été perdue)41. Les manuscrits du CPhM 42

présentent, comme l'a signalé D. Harlfinger43, des filigranes identiques, datant des années 1350-1375 et Br. Mondrain a signalé qu'on pouvait serrer davantage cette fourchette pour les années 1350-1365. Parmi les manuscrits du CPhM, P. Moraux avait catalogué les filigranes du SSelSO, J. Mogenet avait énuméré deux filigranes du Pgr2342 et M. Decorps-Foulquier en avait fait identifier cinq M.

Mais les filigranes du CLP n'avaient pas été rapprochés des filigranes du CPhM. La comparaison des filigranes que nous avons effectuée se fonde sur les témoins du CLP et du CPhM. Pour rendre la démonstration plus solide, nous avons également pris en considération VAthous Dionysiou 194 (Lambros 3728/194 ; Efthymiou 306)45.

Le Dion. 194 (= Dİ194), 200/205x140/145 mm, ff. 412. 30 lignes env. par page, que nous avons examiné sur place, est un autographe de Néophytos et, plus exactement, son manuscrit personnel. De même que les témoins du CLP et du CPhM, il provient, très probablement, du monastère de Pétra à Constantinople. Il est écrit sur papier filigrane et les filigranes, une trentaine environ, datent des années 1350-1370. Vu ses dimensions, il représente un pliage en plus par rapport aux manuscrits du CLP et du CPhM ; à cause de cette particularité, les filigranes sont pris dans le pli. Il comprend des tomoi hésychastes et des traités hésychastes ou antilatins par divers auteurs du 14e siècle, dont Prodromènos 46. Ce manuscrit de Prodromènos est daté : la souscription sur la page finale signalait que ce témoin : ... έγράφη ,ςουωοα' ίνδ. α' μηνι Μαρτίω κα'47. Probablement écrite par Prodromènos, elle correspondait à l'an­née du monde 6871 (= 1363). Malheureusement, le dernier cahier du manuscrit a été égaré. Une autre indication chronologique est fournie

N. P. LIKHACHEV, , 3 vol. et album, Saint-Pétersbourg 1899 ; MT = V. A. MOŠIN - S. M. TRALJIĆ, Filigranes des XIIIe

et XIVe siècles, 2 vol., Zagreb 1957. 40. Un corpus de logique et Néophytos, édition. 41. Ibidem. 42. Les rapports internes entre les manuscrits du CPhM, du point de vue des textes

choisis et de leur répartition dans l'ensemble original, n'ont pas été étudiés. Nous envisa­geons d'y revenir, car certaines sections du Pgrl921 s'apparentent à des textes qui font actuellement partie du Pgr2342 ; voir p. 195-196.

43. D. HARLFINGER, Die Textgeschichte, p. 56. 44. P. MORAUX, Aristoteles graecus, p. 385-386; J. MOGENET, Autolycus, p. 81 n. 2

(deux filigranes correspondant à Br6636 sq. et 13863) ; M. DECORPS-FOULQUIER, Un cor­pus, p. 16 (on y relève «dix filigranes», mais, en fait, il y en a onze).

45. Description dans Sp. LAMPROS, Κατάλογος των έν ταΐς Βιβλιοθήκαις τοΰ Άγιου "Ορους ελληνικών κωδίκων, Ι, Cambridge 1895, ρ. 357-360.

46. Édition en cours dans le Corpus christianorum, Series graeca. 47. Reproduction partielle de la souscription d'après Sp. LAMPROS, Κατάλογος,

p. 360.

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dans le même témoin : un opuscule anti-latin de Prodromènos date, sui­vant l'auteur, de 6865 (= 1356/7) et a été composé durant la 4e année du règne de Jean V Paléologue, lors de la visite, sous le patriarcat de Calliste, du légat du Pape (Pierre Thomas) à Constantinople (= avril-mai 1357).

Pour ne pas alourdir la démonstration 48, parmi les filigranes qui sont communs entre les CLP, CPhM et Di 194, je me contenterai de mention­ner deux cas : — Cloche de forme conique et à trois attaches, longueur 54-59 mm, largeur 30 mm. Presque identique à Br3937 (Blois 1348, Palerme 1340), MT2842 (Dubrovnik 1347), très similaire à Br3932 (Lucques 1337, var. 1338-1343) = MT2807 (même datation). Manuscrits : Pgrl921, 1928, 2342, C161, 166, SSel50, Dİ194. — Croix à deux traverses, longueur 72-77 mm, largeur 35 mm. Identique à Likh293 (c. 1360) et 294 (c. 1360); presque identique à Likh292 (c. 1360) et Br5766 (Zeevond 1362); assez ressemblant à Likh299 (c. 1352). Manuscrits : Pgrl921, 2342, SSel50, Dİ194.

La confrontation systématique des filigranes que présentent les CLP, CPhM et Dİ194 (nous n'en avons présenté plus haut qu'un spécimen) montre que, si les liens entre ces trois ensembles sont indubitables, ils semblent être particulièrement importants entre le Pgr2342, le Pgrl921 (en partie) et le Dil94. Pourrait-on déduire que ces trois témoins datent exactement de la même période dans la vie de Prodromènos et que, si l'activité de Prodromènos écrivant les CLP, CPhM et Di 194 se situe dans les années 1350-1370, le CLP témoignerait, dans cette production, de l'étape la plus tardive ? Il est vrai que nos remarques sur l'emploi des renvois-lettres et l'utilisation de l'encre rouge corroborent cette constata­tion ; toutefois, il doit être traité, au moins pour ce qui concerne le papier, avec précaution, car Néophytos a employé — et c'est le cas de Dİ194 — de vieux stocks de papier et que, en plus, il a probablement regroupé dans ce témoin, peut-être en 1363 (date de la souscription), des opuscules plus anciens, comme celui de 1355.

Il résulte de cette démonstration que dans le CLP et le CPhM — ces corpus sont écrits sur le même type de papier — la mise en page et la décoration sont les mêmes ou très similaires. L'écriture est la même ; or le CLP a été copié par Prodromènos : il s'ensuit que le CPhM l'a été aussi.

B. La démonstration à partir du Coislin. 327. La démonstration effectuée peut être corroborée par l'emploi d'un

autre témoin, le Coislin. 327. Nous en donnerons, tout d'abord, un aperçu, puis nous démontrerons, en nous fondant sur certains textes com­pris dans ce manuscrit, que Néophytos est le copiste du CPh.

48. Exposé complet dans Néophytos, édition.

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NÉOPHYTOS PRODROMÈNOS 205

Le C32749 (260x190 mm, ff. I+275+I), est un manuscrit sur papier non filigrane 50. Mutilé au début (premier folio égaré) et en mauvais état, il comporte une série, plus ou moins régulière, de quaternions (f. 88-99, 172-177, ternions ; 266-275, quinion), signés dans la marge inf. interne du premier folio. La réglure du manuscrit consiste en deux lignes hori­zontales complétées par deux lignes verticales, le tout formant un rec­tangle, fréquemment mal tracé (f. 128r) de 150/160x110/120 mm. Les rectrices pour guider l'écriture, s'il en a existé, ne sont pas visibles.

Plusieurs scribes51 ont participé à la copie. Ils sont contemporains et écrivent dans une Fettaugen-Mode52, qui nous permet de situer la copie vers la fin du 13e siècle. Étant donné la réglure, qui est la même tout au long du manuscrit, et le fait que le deuxième scribe intervient dans plus d'une partie, nous pouvons considérer que le C327 témoigne de l'activité d'un groupe de copistes53 probablement spécialisés dans la copie des manuscrits de contenu logique ou, plus généralement, philosophique. Ce

49. R. DEVREESSE, Le fonds Coislin, p. 313-314 ; description sommaire dans H. OMONT, Inventaire sommaire des manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale, III {Ancien fonds grec), Coislin-Supplément, Paris et Départements, Paris 1888, p. 183. Notre description repose sur une autopsie.

50. Fils de chaînette groupés par trois, non parallèles à la gouttière ; pâte du papier (vergeures bien visibles) rappelant celle du papier filigrane italien : une rareté pour le monde byzantin. Mme Bavavéas, spécialiste du papier, que nous remercions beaucoup, a confirmé que ce papier est extrêmement rare à Byzance, alors qu'il est plutôt fréquent dans le monde arabe ; il daterait de la seconde moitié du 13e siècle.

51. La plupart de ces écritures étant assez proches, il est parfois difficile de les distin­guer (R. DEVREESSE, Le fonds Coislin, p. 314, ne distingue qu'un seul copiste) : scribe A : f. l-35 r (f. 35v complété plus tard) ; : f. 36r - première moite du f. 55r (partie inf. complé­tée ultérieurement, f. 55v blanc) ; c'est lui qui a probablement copié les f. 92v, 1. 3-f. 99v et les f. 218r-275r ; scribe : f. 56r-91r (f. 9 complété tardivement) et 92r-92v, 1. 2 ; scribe D : f. -І І" ; scribe E : f. 132r-217v (mais son écriture présente des variations).

52. Voir H. HUNGER, Die sogenannte Fettaugen-Mode in griechischen Handschriften des 13. und 14. Jahrhunderts, Byzantinische Forschungen 4, 1972, p. 105-113.

53. Le C327 a-t-il été copié en Chypre ? J. DARROUZÈS, Manuscrits originaires de Chypre à la Bibliothèque nationale de Paris, REB 8, 1950 (= IDEM, Littérature et histoire des textes byzantins, Londres 1972, n° XI), p. 173, semble rejeter cette possibilité ; C. N. CONSTANTINIDES - R. BROWNING, Dated Greek Manuscripts from Cyprus to the Year 1570, Nicosie 1993, mentionnent ce témoin, p. 25 η. 50, mais ne le comprennent pas dans leur répertoire. Le Néophytes qui signe aux f. 274, 275 (voir exposé) n'est pas Néophytes le Reclus: R. DEVREESSE, p. 314, fait suivre son nom d'un point d'interrogation; J. Darrouzès justifie ce doute, et j 'avais signalé à M. G. Christodoulou, lors de l'élabora­tion de sa thèse (Le livre des Catéchèses de Néophyte le Reclus : texte et commentaire his­torique, Paris IV, 1997), qu'il s'agit probablement de Néophytes Prodromènos, qui a sans aucun doute annoté le manuscrit (voir exposé), et non pas de Néophytes le Reclus. Bien que la main Ε (η. 51) soit probablement chypriote, l'ensemble ne l'est peut-être pas. En tout cas, il se trouvait à Constantinople quand il fut annoté par Prodromènos et, plus tard, par Kamariôtès (voir p. 212). Quant à l'origine du C327, H. OMONT, Missions archéolo­giques françaises en Orient aux XVIIe et XVIIIe s., II, Paris 1902, p. 857, range le C327 dans un lot de 9 manuscrits provenant de l'Encleistra et ramenés par Athanase le Rhéteur (1643-1653) pour le compte de Séguier (C. N. CONSTANTINIDES - R. BROWNING, p. 25 n. 50), alors que pour R. DEVREESSE, p. vi, le manuscrit fut ramené de l'Orient (et non pas, nécessairement, de Chypre : p. rv-vi pour les manuscrits de Chypre).

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témoin, comme plusieurs manuscrits philosophiques, n'a pas de préten­tion artistique. En témoigne la réglure, aussi bien que la décoration : les initiales et les titres auraient dû être notées à l'encre rouge, mais le rubri-cateur n'est pas intervenu54.

Le C327 comprend l'ensemble des textes de la logique d'Aristote, Ylsagoge (f. l-13v) y compris55 : Catégories (f. 14v-35r), De l'interpré­tation (f. 36r-47r), Premiers Analyt., livre I (f. 47v-99v) et livre II (f. 100r-131v), Seconds Analyt. 56, livres I (f. 132r-154r) et II (f. 154r-166r), Topiques (f. 166r-250v) et Réfutations Sophistiques (f. 251r-275r)57· Les dimensions de la surface écrite (160x120 mm), qui coïncident avec celles de la surface réglée, nous permettent de déduire que l'espace occupé par les marges est plutôt réduit : 60 mm pour la marge inf., 50 mm pour la marge ext. et 40 mm pour la marge sup. Pourtant un certain nombre de scholies a été mis par écrit dans les marges du C327.

Sont-elles contemporaines de la copie du manuscrit ? Les scribes qui ont copié le texte d'Aristote n'ont pas écrit de scholies marginales (une exception : le second copiste a écrit une note dans la marge ext.- inf. du f. 56r) et les dimensions des marges suffisent à peine pour copier des cor­pus de scholies. En fait, l'annotation, assurée par plus d'une main, n'est ni homogène ni organisée. Par conséquent, les notes du C327 ne consti­tuent pas un corpus de scholies qui aurait été conçu et réalisé en même temps que le texte d'Aristote, mais des annotations qui y ont été ajoutées (ne fût-ce que de peu) après la copie du manuscrit.

54. Ainsi, le premier copiste a écrit, au f. 19v, le titre de la catégorie [Π]ερί ποσού, mais la lettre initiale a été omise. Parmi les éléments qui manquaient, quelques-uns ont été ajoutés à l'encre rouge, aujourd'hui passée (voir exposé).

55. Texte mutilé au début, inc. ]το κ(α)τά πλειόνων (= Porphyrii Isagoge et in Categorias commentarium, éd. A. BUSSE, 1887, coli. Comm. in Aristotelem graeca IV, 1, p. 217) ; des. normal, p. 2213) : κοινωνί(ας) παράστασιν. Voir aussi R. DEVREESSE, Le fonds Coislin, p. 313.

56. L'indication dans H. OMONT, Inventaire sommaire, p. 182, suivant laquelle les Seconds Anal, commencent au f. 92 est erronée (voir R. DEVREESSE, Le fonds Coislin, p. 313) : au f. 132r, on a ajouté, avant le texte, le titre qui manquait : άριστοτ(έ)λ(ους) αναλυτικών ύστέρ(ων) πρώτον, ήτοι άρχη της άποδεικτικ(ης).

57. Une main (ou deux mains ?) a (ont) marqué de façon assez systématique, au début et (ou) à la fin des traités d'Aristote, le nombre de folios qu'occupe chacun d'eux. — f. 13v, m. inf. (fin de Ylsagoge) : f τοΰ πορφυρίου φύλλα ιδ' (le manuscrit n'avait pas pas encore perdu le folio initial) ; — f. 49v, m. ext. : t φύλλα ν ' (début de la première figure des Prem. Anal. I) ; — f. 55r, milieu page : f φύλλα ιθ' (fin de la 3 e figure des Prem. Anal. I) ; — f. 9 9 \ m. sup. (décompte pour les Prem. Anal. I, f. 47v-99v) : φύλλα μ δ ' (indication exacte à un folio près) ; — f. 132r, 165v, m. inf. (décompte pour les Seconds Anal, f. 132r-165v) : f της αποδεικτικής φύλλα λδ ' (calcul exact) ; — f. 166 , 250v, m. inf. (décompte pour les Topiques, f. 166r-250v) : f φύλλα πε ' της διαλεκτικής (f. 250ν, calcul exact ; probablement même indication au f. 166r, où une main, celle qui a complété le f. 35v, voir n. 51, a réécrit la partie après φύλλα, en notant, de façon erronée, π ε ' au lieu de ρη') ; — f. 251Γ, m. inf. (décompte, presque totalement effacé, pour les Réfut. soph., f. 251 -275 ) : t οί σοφιστικοί έλεγχοι φύλλα κδ ' (indication exacte à un folio près) ; f. 275 , m. inf. à la fin du manuscrit, on trouve le décompte total (y compris le premier folio de l'Isagoge) : t φύλλα σ[[ο]]ς (= 2[[7]]6).

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NÉOPHYTOS PRODROMÈNOS 207

1. Néophytos Prodromènos. annotateur du C327.

L'annotation, qui est assurée, pour l'essentiel, par deux mains diffé­rentes (I, II), est sporadique jusqu'au f. 55r (main II, parfois main I), elle devient tout à fait systématique du f. 57r au f. 166r (mains I et II), puis elle est de nouveau sporadique jusqu'au f. 238V (mains I et II) pour deve­nir assez systématique à partir du f. 239r {Topiques, livre VII sq.) jusqu'à la fin du manuscrit (main II) : il n'y a donc que les Premiers et Seconds Analytiques, f. 57v-166r, qui ont été véritablement commentés et ce par les deux annotateurs à la fois.

Le premier annotateur (f. 136rv... 149v, 150r), écrivant à l'encre café, est contemporain ou de peu postérieur aux copistes du texte. Le second scribe a écrit, de façon systématique, à l'encre rouge (aujourd'hui pas­sée), et, beaucoup plus rarement, à l'encre bistre. Ce choix se justifie, peut-être, si on admet que sa tâche consistait, au moins à l'origine, à compléter les initiales et les titres du texte d'Aristote, que le rubricateur n'avait pas notés. Son intervention est postérieure à celle du premier annotateur, car, lorsque les deux colonnes de scholies se juxtaposent, celle que le deuxième annotateur a écrite se situe plus à l'extérieur (f. 149v, 150r, 153r, 158r...) et s'emboîte dans la première. Par consé­quent, la première colonne de scholies était déjà écrite quand il est inter­venu.

Parmi les caractéristiques de cet annotateur, nous mentionnerons le système des renvois employé. En fait, il a mis des appels de note dans le texte d'Aristote (déjà écrit) et a ajouté les signes correspondants devant les scholies qu'il a notées dans la marge. Il a ainsi établi une correspon­dance précise entre le texte du Stagirite et les scholies marginales. Les appels de note, sous forme de signes, ne sont pas communs et semblent, dans plusieurs cas, relever de l'initiative de l'annotateur; ils sont fré­quemment constitués d'un signe de base barré de différentes façons, afin d'augmenter le nombre de signes disponible. Ainsi en est-il du signe qui ressemble au chiffre I romain (f. 257v, texte 1. 12), lequel, barré, donne le chiffre II (f. 253v, 1. 6), mais qui peut également donner naissance à un rectangle traversé de deux traits (f. 257v, 1. 12), ou à un ksi majuscule droit (f. 260v, 1. 5) ou incliné (f. 36r, 1. 8). Nous essaierons de démontrer que le deuxième annotateur est Prodromènos.

L'examen de l'écriture, qui se fait facilement, montre qu'il s'agit, d'après nous, de Néophytos. Si, en plus, on confronte les caractéristiques de ses annotations dans le C327 avec celles du CLP, décrites plus haut (p. 201), on remarque que le système signalétique des renvois employé dans le C327 est similaire à celui qu'a adopté Prodromènos dans le CLP. Le C327 présente aussi un système de division du texte d'Aristote en unités, couplé avec un système numérique de renvoi, similaire à celui du CLP.

En fait, pour marquer les articulations du texte du Stagirite, le copiste divise les Topiques, livre II (f. 177ѵ-188 ), (f. 188r-194v), IV (f. 195r-205v) et V (205v-220r) en μβ', ττγ', οη', λα' sections, notées en rouge

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208 MICHEL CACOUROS

dans la marge du texte d'Aristote. Mais, en appliquant ce système, l'an­notateur du C327 ne fait qu'improviser. En témoigne le fait qu'une amorce de ce système se trouve au livre I (f. 166r-177r), où le chiffre β' (le premier qu'on voit) est noté au f. 174r, donc longtemps après le début du livre. En témoigne aussi le fait que l'annotateur ne l'applique pas au-delà de la première moitié du livre V.

Il semblerait donc que le C327 représente, pour ce qui est du système de division du texte-base en unités et les systèmes de renvois utilisés, un prédécesseur du CLP.

En plus, comme il a été signalé, le deuxième annotateur a montré une prédilection pour les Analytiques. Mais, Néophytos a montré aussi un vif intérêt pour ce texte d'Aristote (Jean Chortasménos partagera, plus tard, cet intérêt58, qui, peut-être, constituait une préoccupation courante auprès des érudits à Pétra) : en témoignent les annotations marginales que Néophytos a consacrées dans le CLP, de façon exclusive, aux Analytiques. Ces scholies, une trentaine environ, sont en principe intro­duites par la mention : νεοφύτου μονάχου. Les éléments de cet ensemble sont parfois disposés (Pgrl846, f. 129r) sous forme de triangle. Cette remarque, qui ne constitue pas une preuve, mais un indice, corro­bore les conclusions déjà formulées.

Enfin, dans la marge inf. des f. 274v et 275r du C327, on trouve l'indi­cation : f ό έν ίερομονάχοις ελάχιστος νεόφυτος f. Elle n'est pas de la main du copiste de ces folios et, bien qu'il ne soit pas facile de faire une identification sûre (les traits sont stylisés59), il s'agit probablement de l'écriture du deuxième annotateur, Néophytos Prodromenos. Il se pose alors un problème de titulature (à l'exception du problème que pose, aussi, le cas employé : le nominatif peut-il indiquer que Néophytos était possesseur du manuscrit ?).

Il est vrai que, dans les titres de ses œuvres autographes, Prodromenos souligne, de façon systématique, qu'il est moine et qu'il relève du monastère de Prodrome à Pétra (Προδρομηνός). Ainsi en est-il, par exemple, dans son opuscule sur la Sainte Croix, introduit par l'indication : νεοφύτου αμαρτωλού (και) προδρομηνοϋ μονάχου (Dİ194, f. 297[289]r). Si le Néophytos des f. 274v et 275r est Néophytos Prodromenos, le C327 serait-il à cet égard un hapax ? L'absence, dans la 'souscription', de l'adjectif d'appartenance 'Prodromenos' ne doit pas nous surprendre, car, par exemple, il fait également défaut dans les scho­lies de Néophytos aux Analytiques {supra).

C'est, en revanche, le titre de 'hiéromoine' employé par le Néophytos des f. 274V et 275r qui pose problème : il montre que celui-ci appartenait

58. Voir M. CACOUROS, Un manuel de logique organisé par Jean Chortasménos et des­tiné à l'enseignement. Catalogage du manuscrit, REB 54, 1996, p. 67-68 et n. 3.

59. L'indication du f. 275r suit celle du nombre des folios total (n. 57) ; les deux écri­tures se rapprochent, mais sont trop stylisées pour les identifier. En tout cas, si Prodromenos est le copiste de la 'souscription', il pourrrait être, aussi, celui des indica­tions numériques.

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NÉOPHYTOS PRODROMÈNOS 209

à une communauté monastique précise et qu'il avait aussi reçu un ordre, probablement celui de prêtre (ιερεύς)ω, relevant de la hiérarchie ecclé­siastique. Or, Néophytos Prodromènos ne se présente jamais comme hié-romoine, mais comme simple moine. Aurait-il alors été trop concis ? Même si la concision pouvait constituer, dans ce cas, une profession d'humilité, il est vrai que, en matière de titulature, elle est rare chez les Byzantins. Alors, le C327 témoignerait-il d'une étape (ultérieure) dans sa vie où il aurait renoncé à sa fonction sacerdotale ?

2. Le deuxième annotateur et le copiste du SSel50.

Il a été démontré que le copiste du CLP et le second annotateur du C327 sont la même personne, Prodromènos. Nous allons prouver par la suite que l'annotateur du C327 s'identifie au copiste du CPhM. Parmi les manuscrits du CPhM, la démonstration se fondera sur le SSel50.

Le SSel50 comprend (f. 110r-127r) le commentaire de Théodore Prodrome aux Seconds Anal. II61. Mais, ce qui était passé inaperçu jus­qu'à présent, le C327 comprend, lui aussi, le commentaire de Prodrome. Comme il a été signalé, les Seconds Anal. II, abondamment commentés dans ce témoin, commencent au f. 154r. Dans la marge du f. 154r, le deuxième annotateur, Néophytos Prodromènos, après l'indication : κ(α)τ(α) τα γένη των ζητημ(ά)τ(ων) έκδε|κτέον τον λόγ(ον), signale : του πρ(ο)δ(ρό)μ[[ου]] et donne en marge du texte d'Aristote des extraits assez longs du commentaire de Théodore Prodrome 62.

La confrontation de l'écriture du copiste du commentaire de Prodrome dans le SSel50 avec celle du scribe qui a copié le même texte dans la marge du C327 permet de constater l'identité des deux personnes. Par ailleurs, si on confronte le texte de Prodrome dans le SSel50 avec les extraits que comprend le C327, on constatera que le premier est très pro­bablement le modèle du second. Ajoutons que la présentation du texte de Prodrome dans les deux manuscrits est la même (lemmes d'Aristote notés à l'encre rouge, renvois à partir des Seconds Anal. II au commen­taire de Prodrome qui l'encadre faits de la même façon).

Dernier argument: S. Ebbesen, en étudiant l'histoire des commen­taires aux Réfutations Sophistiques, avait effectué la même comparaison que nous entre le SSel50 et le C327 pour le commentaire du Pseudo­Alexandre aux Réfutations Sophistiques, compris dans ces témoins ; il avait conclu que le texte du second est un apographe du premier 3.

60. Je remercie beaucoup A. Failler pour la précision sur l'ordre de la prêtrise. 61. Référence in n. 28. 62. Quelques exemples, pris au début et à la fin des Seconds Anal. II (les références se

font d'une part au Coislin., d'autre part à notre édition de Prodrome, voir n. 28,1, fase. 2) : C327, f. 154 , marge ext. 1. 2-16 = Pr. I66"80 ; 1. 16-17 fm = Pr. 230"34 ; 1. 18-19 = Pr. 237"41 ; 1. 19-20 = Pr. 255"57 ; 1. 20 = Pr. 269"71 ; 1. 20-21 = Pr. 271"75 et 278"79 ; 1. 21-22 = Pr. 280"81 ; 1. 22 = Pr. 283"84 ; 1. 22-23 = Pr., 290"91... f. 166r, 1. 1-28 = Pr. 1993"96 ; 1. 28-38 = Pr. 19133" 139 ; 1. 38-39 = Pr. 19145"149.

63. S. EBBESEN, Commentators and Commentaries on Aristotle's Sophistici Elenchi : A Study of Post-Aristotelian Ancient and Medieval Writings on Fallacies, coll. Corpus

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210 MICHEL CACOUROS

Il suit de notre analyse que le copiste du C327 est le même que celui du SSel50. De plus, l'argument de l'identité dans la présentation au sein du SSel50 et du C327 ne porte pas seulement sur le texte de Prodrome, mais concerne l'ensemble du CPhM et du C327 : en effet, dans le CPhM aussi bien que dans le C327, on trouve le même système de renvois signalétique (mêmes signes utilisés) et le même système de renvois numérique, qui est moins performant que celui du CLP. Par conséquent, le second annotateur du C327 s'identifie, à la fois, à Néophytos et au scribe du CPhM : il résulte que Néophytos est le copiste du CPhM. Cette conclusion corrobore celle que nous avions formulée auparavant (p. 204) et qui reposait, elle, sur une démonstration différente. Aucun doute n'est donc permis : Néophytos est le copiste du CPhM.

I I I . NÉOPHYTOS PRODROMÈNOS RESPONSABLE

DE L'ÉDITION DU CORPUS ?

Si, comme nous l'avons démontré, Néophytos Prodromènos est le copiste du CPhM, il est le responsable de l'exemplaire du CPhM exécuté dans les années 1350-1375. On peut même s'interroger sur son rôle exact : a-t-il uniquement copié le texte qu'on lui a soumis ou a-t-il joué un rôle plus important ; peut-il être considéré comme le responsable de cette édition ?

Cette hypothèse se heurte à deux difficultés. D'une part, D. Harlfinger a montré que la collection de Paris (CPh) et celle de Moscou proviennent d'un modèle commun et que l'une n'est pas l'apographe de l'autre. D'autre part, M. Decorps-Foulquier, en étudiant l'histoire du texte des Coniques d'Apollonius de Pergè dans le Pgr2342, a montré que ce texte et, aussi, d'autres textes compris dans ce manuscrit, témoignent d'une recension que le copiste du Pgr2342 a connue par un intermédiaire perdu M. Le Pgr2342 n'est donc pas le témoin autographe de cette recen­sion. Les deux conclusions sont indépendantes l'une de l'autre (l'auteur de la seconde n 'a pas pris en considération les travaux de D. Harlfinger).

Selon J. L. Heiberg, les traités du CM témoignent d'une étape parti­culière dans la tradition de ces textes ; en plus, ils portent les traces de l'intervention du scribe (Néophytos) après l'achèvement de la copie. Ces éléments le poussèrent à considérer les textes astronomiques du CM comme le produit d'une diorthôsis, qu'il a attribuée au copiste du CM : «scriptus est a librario audaci et rerum et sermonis mathematici peritissimo..., qui multos locos féliciter emendauit» (Sur la section du cône et du cylindre par Sérénus d'Antinoè dans le Pgr234265). M. Decorps-Foulquier, en attribuant l'état du texte transmis à une recen-

Latinum commentariorum in Aristotelem graecorum VII 1-3, Leyde 1981, 1, p. 291 ; 3, p. 17, 288.

64. M. DECORPS-FOULQUIER, Un corpus, p. 15-16, 19, démonstration in p. 21sq. 65.1. L. HEIBERG (éd.), Sereni Antinoensis Opuscula, p. v-vn.

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NÉOPHYTOS PRODROMÈNOS 211

sion que le copiste a indirectement connue, signale que ce scribe «ferait référence [à la recension] dans les traités où d'autres sources lui ont été préférées» (p. 37) et explique certains ajouts du scribe effectués après la copie par le fait qu'«il a eu connaissance, après sa copie, de la recen­sion» (p. 38).

Or, si le scribe a utilisé, pour le même texte, «d'autres sources», il a connu au moins deux versions d'origine différente (dont une seule cor­respond au texte de la recension), et il a fait bien plus qu'un copiste ordi­naire, sans parler des scholies marginales. Autrement dit, s'il n'est pas l'auteur de la recension, rien n'interdit qu'il soit le responsable de l'édi­tion 'enrichie et commentée', fondée sur la recension et sur «d'autres sources», qu'on voit dans le CM. Cette hypothèse demande à être appuyée sur l'examen de tous les éléments mis par écrit (et non pas seu­lement de ceux qui relèvent de la recension) dans le CM. Il en est de même du CPh. En plus, le CPh et le CM, aussi bien que le CLP, relèvent des moments différents dans la même période de la vie de Néophytos et nous avons souligné plus haut que, témoignant d'une évolution dans le travail de Prodromènos, ils présentent des divergences dans la présenta­tion. Il est normal que la même évolution existe, aussi, au niveau du trai­tement des sources employées par Néophytos. Autrement dit, l'idée de Prodromènos responsable du CPhM (et du CLP), tel(s) qu'on le(s) voit dans les manuscrits copiés par lui, peut être conservée et mérite d'être examinée en détail.

Mais à présent, afin de démontrer que cette idée peut être globale­ment vraie, il importe de souligner l'unité de conception dans l'en­semble que constituent les CPh, CM, CLP. Les similitudes dans la pré­sentation ont déjà été mentionnées, il n'est pas nécessaire d'y revenir. Du point de vue de contenu, je signalerai que l'ensemble philosophique (CPh, CLP) témoigne du vif intérêt de Néophytos pour les mathéma­tiques, ce qui le rapproche incontestablement du CM. Ainsi, pour expli­quer certains textes logiques d'Aristote dans le CLP, Néophytos n'hésite pas à reproduire les extraits mathématiques requis et nous avons signalé (p. 200) que son introduction au CLP est de contenu géométrique.

Assez étonnamment, l'intérêt pour les mathématiques se décèle même après l'achèvement des corpus (par ailleurs on a vu qu'il faut entendre le mot 'achèvement' au sens large). Ainsi, en bas du Pgr2342, f. 17r, après avoir noté σημεΐ[α] χαλδα'ι'κά, le copiste a ajouté, après le texte, une série de chiffres hindous (les chiffres utilisés par les Arabes), en notant au-dessus de chacun la lettre correspondante à valeur numérique de l'al­phabet grec (tableau partiellement repris dans la marge inf. des f. 44v et 46r)· Le copiste s'est donc intéressé au système numérique hindou. Or, une série complète des chiffres hindous, introduite par l'indication f αριθμοί ινδικοί f et écrite, cette fois aussi, par Néophytos, se trouve en bas du f. 15r du Pgrl928 (CLP). Ces chiffres sont accompagnés d'une scholie, elle aussi notée par Prodromènos, qui ajoute dans la marge f νεοφύτ(ου) | μονάχου | σχόλιον. C'est donc à lui que revient la pater-

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212 MICHEL CACOUROS

nité de la scholie, comme signalé P. Tannery, qui éditée66. Le parallélisme probant entre les séries numériques du Pgr2342 et le texte du Pgrl928 montre l'unité de conception dans ces ajouts effectués dans les marges. Ajoutons que des indications numériques dans plusieurs figures du Pgr2342, f. 45r-55r sont données par le copiste, lors de la copie, en chiffres hindous : on a la preuve de son intérêt durable, après la copie, mais aussi lors même de la copie, pour ce système de numérota­tion. Une autre conclusion s'impose aussi : Néophytos disposait à la fois des Pgrl928 et 2342, qu'il mit lui-même par écrit et conserva probable­ment au monastère de Pétra.

L'unité de conception, qui va de pair avec le maintien des manuscrits dans le même endroit, peut être suggérée par la destinée du corpus. Le CLP a été commenté et copié, comme nous l'avons montré, par Jean Chortasménos (ca 1370-1431), probablement lorsque celui-ci était katholi­kos didaskalos, par ses élèves Bessarion et Georges Scholarios 67. Mais le Pgrl921 (CPhM) porte, lui aussi, trois notes de Chortasménos 68. Matthieu Kamariôtès, élève de Scholarios, a écrit une ou deux notes dans le CLP69

et ajoutons que le C327 porte plusieurs notes de sa main (f. 36r, 201r, 214r, 216v...). Par ailleurs, Kamariôtès est en grande partie, suivant D. Harlfinger, le copiste des Mosquenses (il a donc probablement connu aussi les CPh et CLP, écrits par Néophytos ; le CPh ne serait-il pas le modèle des Mosquenses ?). Le cercle de Chortasménos, tourné vers l'étude de la logique, était lié à Pétra. Ces éléments suggèrent donc fortement la présence de tous ces témoins, le C327 y compris, dans ce monastère et, plus précisément, dans le xénon du Kral, adjacent au monastère, où l'on assurait un enseignement. Alors n'a-t-on pas la preuve de l'unité dans la conception de l'œuvre et, aussi, de sa conservation, pendant plus d'une génération d'érudits, au même endroit ?

Les CLP, CPh, CM (et Di 194) ont été écrits par Néophytos Prodromènos dans les années 1350-1370 et sont, au moins en partie, le fruit de l'activité qu'il déploya au monastère de Pétra. Il en est de même de l'annotation du C327. Néophytos apparaît donc sous une lumière nouvelle et l'activité qu'il déploya au monastère de Prodromou à Pétra se précise.

Michel CACOUROS

École Pratique des Hautes Études IVe Section

66. P. TANNERY, Les scholies du moine Néophytos sur les chiffres hindous, Mémoires scientifiques de Paul Tannery, publiés par J.-L. HEIBERG, IV, Toulouse-Paris 1920, p. 20-26, texte p. 24, trad. p. 25, avec pi.

67. Katholikos didaskalos [voir n. 30], p. 84-86. 68. Bulletin de Philosophie médiévale 38, 1996, p. 173 = résumé d'une communication

intitulée «Les annotateurs du Paris, gr. 1921, Jean Chortasménos et la Historia animalium», prononcée dans l'International Workshop sur La tradition de l'Histoire des Animaux d'Aristote, Leuven 30 mai-I juin 1996.

69. Identification de sa main dans le Pgr 1928 par Br. Mondrain (n. 29).

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LA SEZIONE SUI MUSULMANI DELL'OPERA DI TEODORO STUDITA

CONTRO LE ERESIE

Antonio RIGO

Résumé : Il contributo presenta il testo di una sezione dell'opera perduta (e sino a oggi sconosciuta) di Teodoro Studita sulle eresie. Il capitolo dedicato alle credenze e alle pra­tiche musulmane è tradotto e commentato alla luce degli scritti degli autori bizantini contemporanei (Giovanni Damasceno, Giorgio monaco, Niceta Byzantios, rituale d'abiura, ecc.) dedicati allo stesso argomento.

Il volumetto di Friedrich Sylburg, Saracenica sive Moamethica opera (1595), è innanzitutto, per le intenzioni che furono alla base della sua composizione, un frutto tipico di un secolo nel quale il pericolo turco, immaginario reale, era una delle preoccupazioni centrali del mondo europeo. Ma Saracenica di Sylburg può oggi essere anche considerata l'opera di un pioniere che fece conoscere a un pubblico più ampio diverse opere bizantine di polemica antiislamica. Con il tramonto, per­lomeno l'affievolirsi, delle preoccupazioni d'ordine apologetico, l'atten­zione per questo genere di testi era destinata a diventare una vera e pro­pria costante nella generale crescita delle ricerche sulla letteratura bizantina anche in anni più vicini a noi, come si vede ad esempio dai numerosi contributi di Güterbock1, W. Eichner2, A.-Th. Khoury3 e E. Trapp4. Questo fiorire di studi ha condotto a risultati importanti dal punto di vista documentario, consentendo di capire quali fossero le noti­zie in possesso dei Bizantini sulle credenze e sulle pratiche dei loro

1. Der Islam im Lichte der byzantinischen Polemik, Berlin 1912. 2. Die Nachrichten über den Islam bei den Byzantinern, Der Islam 23, 1936,

pp. 133-162 ; 187-244. 3. Les théologiens byzantins et l'Islam. Textes et auteurs (VIIIe-XIIIe s.), Louvain-Paris

21969. 4. In particolare Manuel II. Palaiologos. Dialoge mit einem «Perser», Wien 1966

(Wiener byzantinischen Studien 2) (introduzione).

Revue des Études Byzantines 56, 1998, p. 213-230.

Page 213: REByz-56 (1998)

214 ANTONIO RIGO

vicini Musulmani e, soprattutto, di individuare le vie, le tappe e i momenti principali in cui fu costituita e organizzata questa considerevole quantità di informazioni.

Da un'analisi attenta dei dati emerge con chiarezza che l'epoca tra Γ VIII e il ix secolo fu davvero Γ «età formativa» della letteratura bizantina sull'Islam. Si può dire che alla conclusione di quel periodo il quadro concettuale, interpretativo e documentario era oramai definito, e che tale quadro, con rare integrazioni e pochi aggiustamenti, si conservò di fatto inalterato sino al XIV secolo, allorché la traduzione greca dell'opera di Riccoldo da Monte Croce fornì finalmente nuovi elementi e altri parame­tri. Per questa età decisiva, gli anni tra viii e ix secolo, ma il discorso potrà forse essere allargato anche ad altri momenti, gli studi menzionati poc'anzi si rivelano manchevoli, perché limitati, tranne poche eccezioni, all'analisi e allo studio (privilegiando sempre un approccio contenuti­stico) delle opere pubblicate tra '500 e '700. Non è stato condotto, in altre parole, un lavoro preliminare che è di fatto indispensabile in questo tipo di indagini : l'inventario delle opere e degli autori, condotto sulla base dei repertori per i testi editi, ma soprattutto sulla base di uno spoglio sistematico dei fondi manoscritti per quelli inediti. Tenendo conto più in generale di tali osservazioni, presentiamo in questa sede un'operetta inedita sui Musulmani degli inizi del ix secolo, scritto importante sia per la cronologia sia perché prova ulteriore dell'attenzione di quell'età alle credenze religiose dei vicini orientali dell'Impero.

I.

La collezione di scritti antiislamici del codice Lavra Ω 44 (1854)5, che nella sua forma attuale risale alla fine del xiv agli inizi del xv secolo, conserva alcuni testi bizantini di argomento polemico contro i Musulmani di sicuro rari : l'opera del monaco Evodio, un excerptum della Confutazione di Bartolomeo di Edessa e una serie di trimetri giam­bici di Teodoro Studita «contro le eresie». Di questi ultimi, oggetto del presente intervento, il manoscritto lavriota è appunto l'unico testimone conosciuto. Dalla rubrica del codice sappiamo che ci troviamo dinanzi a un estratto di un'opera di Teodoro Studita (Θεοδώρου του Στουδι-ώτου) 6, intitolata Discorsi in versi contro le eresie (Στιχιστικοί λόγοι κατά αιρέσεων). Tra gli scritti editi e inediti conosciuti di Teodoro

5. Descrizione del ms. in A. R., Niceta Byzantios, la sua opera e il monaco Evodio, in In partibus Clius. Scritti in onore di Giovanni Pugliese Carratelli, a e. di G. FIACCADORI, Udine 1998.

6. La forma «Στουδιώτης», a fianco delle più frequenti «Στουδίτης», «Στουδείτης», si ritrova nei florilegi, cf., e. g., la cosiddetta Panoplia : A. MICHEL, Humbert und Kerullarios, II, Paderborn 1930, . 2 4 6 8 .

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SUI MUSULMANI DI TEODORO STUDITA 215

Studita (759-826)7 non sembra possibile, almeno in un primo momento, trovare qualcosa di simile.

La testimonianza delle Vitae di Teodoro, che è al riguardo preziosa, va sfruttata adeguatamente. Si deve ricordare innanzitutto che la Vita più antica, scritta nella seconda metà del ix secolo (in ogni caso post 868) dal monaco studita Michele8, è la fonte delle altre9, la Vita A, composta da Teodoro Daphnopates nel χ secolo10, e la Vita C.n II primo biografo di Teodoro dedica un paragrafo dell'opera agli scritti composti dal suo eroe. In questa lista, dopo aver menzionato un titolo sui patriarchi e prima di parlare delle epistole e delle opere contro gli Iconoclasti, scrive: «Egli anche enumerò ogni eresia e la sottopose all'anatema, in versi, come si dice, trimetri e puri. E refutò completamente alcune di queste».12 Quest'opera, nel passo corrispondente della Vita scritta da Teodoro Daphnopates, compare allo stesso punto nell'elenco degli scritti di Teodoro Studita, ma è indicata con termini leggermente diversi : Teodoro Studita raccontò in un libro le vicende della genesi e dei Patriarchi, «ed enumerò in esso tutta l'eresia degli Iconoclasti, che sotto­pose all'anatema quali intriganti del male».13 Le stesse notizie sono for­nite dalla Vita : Teodoro, in un libro in versi giambici, oltre a narrare le vite dei Patriarchi da Adamo ai figli di Noè, «enumerò ogni eresia degli eterodossi e la sottopose all'anatema».14 Le divergenze facilmente rileva­bili nel racconto degli agiografi sono in ultima analisi responsabili dei dubbi degli studiosi moderni, incerti se quest'opera perduta di Teodoro fosse rivolta contro gli Iconoclasti contro tutte le eresie e se formasse un tutt'uno con la composizione sui Patriarchi.15 Già i dati forniti dalle Vitae di Teodoro consentono in verità di risolvere la questione in modo soddisfacente. La biografia più antica di Michele Studita, fonte — lo ripetiamo — delle altre, parla di una esposizione in trimetri giambici di

7. Sul quale cf. in primo luogo M.-H. CONGOURDEAU, Théodore Stoudite, DS, t. 15, 1990, coli. 401-414; A. KAŹDAN, Theodore of Stoudios, ODB, t. III, 1991, pp. 2044-2045 ; G. FATOUROS, Theodoři Studitae epistulae, Berlin 1992 (CFHB 31/1), pp. 3*- 38*.

8. Vita (BHG 1754) : PG 99, coll. 233-328. 9. Cf. J. LEROY, Les petites catéchèses de S. Théodore Studite, Le Muséon 71, 1958,

pp. 333-334 ; FATOUROS, Theodoři Studitae epistulae, p. 4*. 10. BHG 1755 : PG 99, coll. 113-232. 11. BHG 1755d : B. LATYŠEV, Zitie prep. Theodora Studita, W 21, 1914, pp. 258-304 ;

per la Vita D, cf. ivi, pp. 222-254. 12. «"Ετι γ ε μην καΐ πασαν αι'ρεσιν άπηριθμήσατο, καί τώ άναθέματι

καθυπέβαλεν, στίχοις, ώς εφην, τριμέτροις και καθαροΐς - τ ινάς δέ αυτών καί παντελώς άνέτρεψεν» : PG 99, col. 264C1415.

13. «Άπηριθμήσατο δέ έν αυτί) και πδσαν την των Εΐκονομάχων αι'ρεσιν, ους καί ώς κακών σπουδάρχας, τ ο άναθέματι καθυπέβαλεν» : PG 99, col. 153A.

14. «Προς δέ καί ή δια στίχων ιάμβων συντεθεϊσα βίβλος αύτφ κατά μέρος ύπαγορεύουσα την τε διάπλασιν του γενάρχου καί την έπιτιμίαν και τον θάνατον [...] Άπηριθμήσατο δέ έν ταύτη καί πασαν των κακοδόξων αι'ρεσιν και τώ άναθέματι καθυπέβαλεν» : LATYŠEV, Zitie prep. Theodora Studita, pp. 273-274.

15. Cf. PG 99, coll. 47-48, 264 . ; H.-G. BECK, Kirche und theologische Literatur im byzantinischen Reich, München 1959 (Hb. d. Altertumswissenschaft xn.2.1), p. 4 9 5 ; P. SPECK, Parerga zu den Epigrammen des Theodoras Stoudites, 'Ελληνικά 18, 1964, pp. 30-31, 35 ; FATOUROS, Theodoři Studitae epistulae, p. 37*.

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tutte le eresie, distinta dalle opere contro gli Iconoclasti, che sono ricor­date di lì a poco (di seguito alle lettere), e dalla composizione sui Patriarchi. Sarà Teodoro Daphnopates a trasformarla in uno scritto «contro l'eresia degli Iconoclasti», senza rendersi conto che in questo modo nella lista delle opere di Teodoro veniva introdotto un doppione, dato che il titolo successivo era ugualmente mantenuto. Non ci dilunghe­remo qui sulle ragioni che furono alla base di tale interpretazione del testo più antico da parte di Daphnopates : basti soltanto considerare che le composizioni contro gli Iconoclasti di Teodoro godettero sempre di una straordinaria popolarità e che la stessa fama del santo fu sempre indissolubilmente legata alla sua difesa delle immagini sacre, mentre l'operetta antiereticale, come ci testimonia il suo destino, non ebbe certo un simile successo. Va altresì detto che fu sempre Daphnopates a fare dei due titoli sui Patriarchi e sulle eresie un' unica opera.

Per riprendere il filo del discorso, la testimonianza della Vita più antica, che ci sembra l'unica degna di fede, merita un'ultima osserva­zione. Quanto dice Michele Studita, unito alla testimonianza dell' excerp­tum conservato nel manoscritto di Lavra, ci consente di vedere come Teodoro avesse scritto una summa antiereticale in versi di cui la sezione antiislamica sembra essere l'unica parte a noi pervenuta. Lo scritto contro le eresie in trimetri giambici ricordato dalla Vita corrisponde infatti, per tali caratteristiche, ai Discorsi in versi contro le eresie del manoscritto.

Gli interessi eresiologici di Teodoro Studita emergono qua e là nel resto della sua opera, quando, oltre a quella che è ai suoi occhi, sotto l'urgenza del presente, la peggiore delle eresie, l'Iconoclasmo, menziona gli Acefali, i Manichei, i Pauliciani e gli Ebrei, e quando si sofferma su problemi specifici come la questione della pena capitale inflitta agli ere­tici «manichei».16 Ma lo scritto sicuramente più interessante al riguardo è la lettera al discepolo Naucrazio dell'809-811.17 In queste pagine Teodoro, dopo aver riproposto la tripartizione degli eretici oramai tradi­zionale 18, dà una definizione di indubbio interesse del fatto ereticale, creazione diabolica allo stesso tempo cangiante e immutabile : «L'eresia in generale assomiglia a una catena demoniaca : l'una è connessa all'al­tra e dipendono tutte da un unico vertice di empietà e ateismo, sebbene si differenzino per il nome, l'epoca, l'area, la diffusione, le caratteristiche,

16. Nell'epistola a Teofilo di Efeso dell'821-826 : FATOUROS, Theodoři Studitae epistu-lae, II, pp. 644-647 (n° 455). Testo da collegare ad altre fonti contemporanee sui Pauliciani, cf. in merito P. LEMERLE, L'histoire des Pauliciens d'Asie Mineure d'après les sources grecques, TM 5, 1973, p. 83 ; V. GRUMEL - J. DARROUZÈS, Les regestes des actes du patriarcat de Constantinople, vol. I, fase. 2 et 3, Les regestes de 715 à 1206, Paris 1989, n° 384.

17. FATOUROS, Theodoři Studitae epistulae, I, pp. 115-120 (n° 40) ; su N. cf. la notizia ivi, p. 184* η. 149.

18. Sulla quale v. le nostre osservazioni in P. ELEUTERI, A. R., Eretici, dissidenti, Musulmani ed Ebrei a Bisanzio. Una raccolta eresiologica del XII secolo, Venezia 1993, p. 38.

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la forza e l'attività. Non possiedono infatti un solo e identico corpo e un solo membro, ma molti, e si differenziano a vicenda per attività, forza, proprietà, tesi e importanza».19 L'autorità definitiva e insuperabile sulle eresie, il solo mezzo sicuro per districarsi nella genealogia dell'errore è, a detta di Teodoro, il «sacro libro» di Epifanio : «nessuno dei Padri» lo ha saputo eguagliare.20

Ritornando allo scritto di Teodoro Studita sulle eresie, va detto innan­zitutto che quest'opera deve essere evidentemente avvicinata al De hae-resibus et synodis del patriarca Germano I (t 733 ca.) e al De haeresibus di Giovanni Damasceno (t 753/4 ?). Quest'ultimo testo, forse il modello che, come abbiamo appena visto, all'epoca era ritenuto insuperabile, ' Anakephalaiôsis di Epifanio, debbono essere tenuti pre­senti per cercare di immaginare quale fosse la struttura dell'opera di Teodoro. La Vita ci dice che egli vi «enumerò ogni eresia», e l'estratto a noi pervenuto è costituito dalla sezione sui Musulmani, che corris­ponde all'ultimo capitolo (n° 100) del De haeresibus. Si può quindi pen­sare che i Discorsi in versi contro le eresie di Teodoro avessero un'arti­colazione analoga a quella dello scritto del Damasceno. Al di là della forma adottata, Teodoro Studita sembra così essere l'ultimo esempio dell'«enciclopedismo» eresiologico, prima che questo genere letterario sparisca definitivamente, sostituito, ma soltanto «beaucoup plus tard par des "panoplies" de type anthologique, ou par des monographies sur telle ou telle hérésie».21

Restano da dire un paio di parole sulle circostanze e sulla data dei Discorsi in versi contro le eresie. La parte finale della sezione contro i Musulmani (vv. 69-77)22 ci mostra che l'operetta era, nelle intenzioni dell'autore, un breve promemoria (προς ύπόμνησιν) scritto per i suoi monaci del monastero di Stoudios.23 Per quanto riguarda la cronologia, il testo non fornisce alcuna indicazione utile ; possiamo soltanto supporre che questi versi, come le altre opere ricordate dalla biografia di Michele Studita, risalgano al soggiorno di Teodoro a Stoudios negli anni tra il 798/9 e Γ808, decennio di certo tra i più fecondi della sua vita.24

19. FATOUROS, Theodoři Studitae epistulae, I, p. 1177177. 20. «καΐ πάλιν περιττολογείν εστί ταϋτα άφηγεΐσθαι, α ό θεοφόρος Έπιφάνιος

έξεΰρε και διέγραψεν ώς ουδείς των πατέρων. "Εντυχε οδν τη περί αυτών ιερά αύτοΰ βίβλω, κάκεϊσε διαγνώσειας α μαθεϊν έφίεσαι» : ivi, ρ. 115^124.

21. J. GouiLLARD, L'hérésie dans l'empire byzantin des origines au XIIe siècle, TM 1, 1965, p. 301.

22. La presenza di termini quali «l'errore dei barbari» (των βαρβάρων την πλάνην), ovvero degli Arabi musulmani, ci mostra che siamo dinanzi alla chiusa della sezione e non dell'intera serie di versi.

23. Come si ricava dalle parole «to τέκνα», qui Teodoro si rivolge ai monaci di Stoudios ; su questa espressione nelle sue opere poetiche cf. P. SPECK, Theodoros Studites, Jamben auf verschiedene Gegenstände, Berlin 1968 (Supplementa Byzantina 1), pp. 139, 161, e n° 12, 1 ; 14, 1 ; 17, 2 ; 18, 1 ; 26, 1 ; 27, 1 ; 28, 1.

24. Cf. FATOUROS, Theodoři Studitae epistulae, I, p. 12*.

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II.

Procediamo ora all'analisi del testo di Teodoro, rileggendolo sulla base dei dati forniti dalla letteratura bizantina dell'viii-ix secolo sull'Islam, senza accumulare in modo inutile e noioso le notizie ricava­bili dai testi più recenti, che da questa dipendono. Nostro punto di par­tenza sarà un testo di capitale importanza quale il capitolo 100 del De haeresibus di Giovanni Damasceno 25, a cui segue il filone duplice, sia pure per certi versi intrecciato, della tradizione «damascenica», rappre­sentata da un lato da Teodoro Abu Qurrah26 e dall'altro da Michele S incello.27 Oltre alla Cronaca di Teofane 28, si dovrà tener conto di un anonimo opuscolo di un certo interesse, il Contro Maometto, base della formula d'abiura per i Musulmani redatta verso 880.29 Il nostro oriz­zonte temporale saranno gli scritti di due autori della seconda metà del ix secolo, Niceta Byzantios e il monaco Evodio30, che sono allo stesso tempo il vertice e la conclusione di un'epoca.

«Questi sono figli di Agar la serva di Sara : essi vengono dalle altre porte dell'Ade. Un culto malefico e imbarbarito, che per ostentare la loro dignità fa risalire la sua origine a Ismaele, figlio di Agar, rampollo di Abramo, dal quale questo popolo si accrebbe enormemente» (vv. 3-9).

Teodoro esordisce31 soffermandosi sulle origini degli Arabi prima dell'Islam. In queste righe su Agar e Ismaele egli rimanda a due degli appellativi con cui, all'epoca, si indicavano gli Arabi e i Musulmani. Essi erano chiamati, con due termini d'origine biblica32, Agareni in quanto discendenti da Agar, e Ismaeliti quali stirpe di Ismaele.33

25. Sul quale cf. P. KHOURY, Jean Damascène et l'Islam, Würzburg-Altenberge 21994 (Religionswissenschaftliche Studien 33) ; KHOURY, Les théologien byzantins, pp. 47-65 ; D. J. SAHAS, John of Damascus on Islam. The «Heresy of the Ishmaelites», Leiden 1972.

26. Sul quale cf. . DICK, Un continuateur arabe de saint Jean Damascène : Théodore Abuqurra, évêque melkite de Harran. La personne et son milieu, Proche Orient Chrétien 12, 1962, pp. 210-223 ; 319-332 ; 13, 1963, pp. 114-129 e la più recente messa a punto di S. H. GRIFFITH, Reflections on the Biography of Theodore Abu Qurrah, Parole de l'Orient 18, 1993, pp. 143-170 (bibi.).

27. Cf. Giorgio Monaco, Chronicon : DE BOOR, II p. 699 l l a p p (P) ; v. anche TRAPP, Manuel IL, p. 16*.

28. In merito cf. L. I. CONRAD, Theophanes and the Arabic Historical Tradition : Some Indications of Intercultural Transmission, Byzantinische Forschungen 15, 1990, pp. 1-44 ; in particolare 11-20.

29. Al riguardo v. le nostre osservazioni in ELEUTERI, A. R., Eretici, dissidenti, Musulmani ed Ebrei a Bisanzio, pp. 53-57.

30. In merito cf. A. R., Niceta Byzantios, la sua opera e il monaco Evodio. 31. Da segnalare l'incipit simile a quello di una delle Quaestiones et dubia di Massimo

il Confessore : "Αγαρ ή παιδίσκη Σάρρα, cf. Vatic, gr. 1703, f. 29v. 32. Cf. A. LEGENDRE, Agaréens, Agaréniens, in Dictionnaire de la Bible, t. 1, coll. 263-

264, REt. 7, coll. 2188-2189, s. v. Hagarenoi. 33. Cfr. A. LEGENDRE, Ismaélites, in Dictionnaire de la Bible, t. 3, coll. 992-993, RE t.

9 І, coll. 2133-2134, s. v. Ismaelitai, I. EPH'AL, «Ishmael» and «Arab(s)» : A Transformation of Ethnological Terms, Journal of Near Eastern Studies 35, 1976, pp. 225-235. E cf. anche I. SHAHÎD, Rome and the Arabs. A Prolegomenon to the Study of Byzantium and the Arabs, Washington DC, 1984, pp. 100-101.

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L'abbinamento di questi due appellativi era corrente : così, ad esempio, li ritroviamo, uniti a un terzo, «Saraceni», all'inizio del capitolo 100 del De haeresibus di Giovanni Damasceno : «Esiste anche e dura sino ad oggi la religione degli Ismaeliti, culto seduttore del popolo e precursore dell'Anticristo. Trae origine da Ismaele, il figlio che Agar diede ad Abramo : perciò sono detti Agareni e Ismaeliti. Li si chiama anche Saraceni, cioè "vuoti da Sara" (Σαρακηνοί δε αυτούς καλουσιν ως εκ της Σάρρας κενούς), per il fatto che Agar disse all'angelo : "Sara mi mandò via vuota (Σάρρα κενήν με άπέλυσεν)" [cf. Gen. 16, 8]».34

L'interscamblabilità dei tre appellativi per indicare gli Arabi era già cor­rente in epoca patristica. Così Girolamo nella Cronaca di Eusebio scri­veva : «Abraham ex anelila Agar generat Ishmael, a quo Ishmaelitarum genus, qui postea Agareni et ad postremum Saraceni die ti» 35, e altret­tanto faceva Epifanio : «Ismaele fonda Pharan nel deserto : da lui discen­dono le tribù degli Agareni, chiamati anche Ismaeliti, e che ora si chia­mano Saraceni».36 L'osservazione di Teodoro, secondo la quale gli Arabi si proclamerebbero discendenti di Ismaele per elevare la propria dignità, non è senza paralleli37, ma non tanto in relazione a Ismaele quanto in rapporto con Sara. Nel Commento ad Ezechiele di Girolamo leggiamo infatti : «Agareni qui nunc Saraceni appellantur, assumentes sibi falso nomen Sarae quo scilicet de ingenua et domina videantur esse generati».381 diversi elementi si ritrovano in Sozomeno : «Infatti questa stirpe prende origine e ha il nome da Ismaele figlio di Abramo. Dal pro­genitore gli antichi li chiamarono Ismaeliti. Rigettando l'accusa di essere bastardi e l'origine ignobile da Agar madre di Ismaele — era infatti una schiava —, chiamarono se stessi Saraceni, come discendenti da Sara moglie di Abramo».39 Infine, la considerazione di Teodoro sulla grande crescita della stirpe di Ismaele riposa in ultima analisi su alcuni passi biblici (Gen. 16, 10 ; 17, 20 ; 21, 13).

«All'inizio, dediti all'errore idolatra adoravano la stella del mattino assieme ad Afrodite chiamata Chábar» (vv. 10-12).w

34. B. KOTTER, Die Schriften des Johannes von Damaskus, IV, Opera polemica, Berlin-New York 1981 (Patristische Texte und Studien 22), . 60 6.

35. R. HELM, Die Chronik des Hieronymus, Berlin 1956 (GCS 47), p. 24a e il passo parallelo nel Chronicon Paschale.

36. Panarion, 4, 1, 7 : K. HOLL, Leipzig 1915 (GCS 25), p. 1809"12. 37. Per una messa in discussione a Bisanzio nel IX secolo della discendenza degli

Arabi da Ismaele cf. A. R., Gli Ismaeliti e la discendenza da Abramo nella Refutazione del Corano di Niceta Byzantios (metà del IX secolo), in L'immagine del nemico, a e. di G. RUGGIERI, Bologna 1997, pp. 83-104.

38. In Hiezechielem, VIII, XXV, 1/7 : S. Hìeronymi presbyteři opera pars I. Opera exegetica 4 Commentarìorum in Hiezechielem libri XIV, Turnhout 1964 (Corpus Christianorum. Series latina75), p. 3357 7 7 9 .

39. Historia ecclesiastica, VI, 37 : J. BIDEZ - G. HANSEN, Berlin 1960 (GCS 50), p. 299.

40. Teodoro Studi ta presenta la forma «Χάβαρ», mentre gli altri autori contemporanei indicano la divinità quale «Κουβάρ» (Giorgio monaco)/«Xaßop» (Giovanni Damasceno)/«Xo(ìóp» (Germano)/«Xoi)ßap» (Niceta Byzantios). La compilazione di

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Queste parole di Teodoro Studita hanno un primo precedente nell'esordio del capitolo 100 del De haeresibus di Giovanni Damasceno, ove si parla del culto idolatrico di Afrodite/Chabàr diffuso presso gli Arabi in epoca preislamica : «Sino ai tempi di Eraclio erano apertamente idolatri e adoravano la stella del mattino e Afrodite, che nella loro lingua hanno chiamato Chabàr (Χαβάρ), che significa grande».41 Un testo di qualche decennio posteriore a Teodoro, la Cronaca di Giorgio monaco, si dilungava sulla questione : «Un tempo erano idolatri e adoravano la divinità chiamata dagli Elleni Afrodite, cioè il piacere, e veneravano anche il suo astro, che ritengono sia la stella del mattino, chiamato, nella loro lingua volgare Koubàr (Κουβάρ), cioè la grande. Essi persistono sino ad oggi a considerare Afrodite una divinità. E perché qualcuno non creda che diciamo il falso, sveleremo il loro grande mistero. Ecco la for­mula della loro nefanda e scelleratissima preghiera : "Alla, Alla, Ouà, Koubàr, Alla" ('Αλλά, 'Αλλά, Ούά, Κουβάρ, 'Αλλά). E "Alla, Alla" significa "Dio, Dio", "Ouà" significa "più grande", "Koubàr" "la grande", cioè la luna e Afrodite. La sequenza per intero : "Dio, Dio più grande e la grande (cioè la luna e Afrodite), Dio"».42 Al culto di Afrodite presso gli Arabi, tema che sembra godere di una certa fortuna a Bisanzio tra VIII e ix secolo43, accenna anche una lettera del patriarca Germano I del 725.44

«Poi, in tempi molto più recenti, quando regnava il nobile Eraclio, mutarono il loro errore idolatra introducendo in apparente conformità alla Legge un falso profeta chiamato Maometto, il quale si unì probabil­mente a un uomo più che malvagio, un oscuro monaco affetto dall'errore di Ario. Il dragone, iniziato all'errore da quello, raccolse qualche ele­mento dell'antica Legge, come fosse stato rivelato da Dio, e diede una legge alla stirpe degli Ismaeliti. Queste cose sono messe per iscritto» (vv. 13-24).

Una fonte di queste righe è sicuramente il passo parallelo del De hae­resibus di Giovanni Damasceno, dove troviamo gli stessi elementi : «Fino ai tempi di Eraclio essi erano apertamente idolatri. Da quel tempo in poi e sino a oggi, sorse fra loro un falso profeta di nome Maometto, che avendo conosciuto per caso l'Antico e il Nuovo Testamento e avendo apparentemente frequentato un monaco ariano fondò una propria eresia. Dopo essersi conciliato il favore del popolo simulando la pietà,

Evodio, che dipende da Niceta, ha la stessa forma di Teodoro Studita, «Χάβαρ» ; cf. Lavra Ω 44 (1854), f. 143r. Ma in questi trimetri la forma «Χάβαρ» è dovuta semplice­mente alla parossitonesi.

41. KOTTER, Die Schriften des Johannes von Damaskus, IV, p. 607*9. 42. DE BOOR, II, pp. 70522-70612. 43. In merito cf. A. R., Gli Ismaeliti e la discendenza da Abramo, p. 97-98 (bibi.). 44. «την μέχρι του νυν έν τη έρήμω τελουμένην παρ'αύτών λίθω άψύχω

προσφώνησιν, την τε του λεγομένου Χοβαρ έπίκλησιν» : PG 98, col. 168CD. Su questa epistola, cf. GRUMEL - DARROUZES, Les regestes des actes du Patriarcat de Constantinople, vol. I, fase. 2 et 3, n° 330.

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mise in giro la voce che una Scrittura venuta dal cielo gli era stata rive­lata da Dio».45

Innanzitutto, la simultaneità cronologica tra la comparsa dell'Islam e il regno di Eraclio (610-641) è reale, ma era stata fissata dal Damasceno e ripresa da chi da lui dipende46, mentre altri autori (e. g. Anastasio Sinaita, Teofane, Giorgio monaco) presentavano una cronologia diversa ed errata.

L'idea di un abbandono dell'idolatria per un'accoglienza soltanto apparente della Legge ricorda, sia pure alla lontana, quanto possiamo trovare nel Damasceno e in Giorgio monaco.47

Il nome del Profeta è menzionato da Teodoro nella forma «Μάμεδ», che ritroviamo proprio nel De haeresibus. Mentre la Cronaca di Teofane scrive «Μουάμεδ» 48, Giorgio monaco «Μουχούμεδ» 49, Teodoro Abu Qurrah «Μωάμεθ» 50, un opuscolo composito quale il Contro Maometto, e la formula d'abiura che ne deriva, oscillano tra «Μωάμεδ», «Μωάμεθ», «Μουχούμετ», e «Μαχούμετ».51 Niceta Byzantios utiliz­zerà la forma «Μωάμετ»52 e il monaco Evodio quella «Μωάμεδ».53

Maometto è definito da Teodoro Studita un «falso profeta» (ψευδοπρο-^ appellativo, già presente nel De haeresibus, che non poteva non

ricordare gli ammonimenti paolini. Tale definizione per Maometto era corrente in quegli anni a Bisanzio54 : la ritroviamo in Teodoro Abu Qurrah55, Teofane56, Michele Sincello57 e Giorgio monaco.58

A detta di Teodoro Studita un ruolo determinante nel tirocinio di Maometto ebbe la sinistra figura diabolica di un monaco ariano. Con queste parole siamo agli albori della leggenda sulle origini dell'Islam, del suo Profeta e sul di lui maestro, il monaco Bahîrâ, che tanta impor­tanza e popolarità ebbe nel Medioevo cristiano. Anche in questo caso

45. KOTTER, IV, pp. 6010-6115. 46. Come Michele Sincello apud Giorgio monaco, Chronicon : DE BOOR, II, . 699

l'anonimo autore del Contro Maometto: PG 104, col. 1448B. 47. «και προφάσει το δοκείν θεοσέβειας το έθνος είσποιησάμενος» : KOTTER, IV,

ρ. 6013"14 ; «καί προφάσει θεογνωσίας είσποιησάμενος το έθνος» : DE BOOR, Π, p. 7004"5.

48. DEBOOR, p. 333laPP. 49. DE BOOR, Π, . 6 9 7 . 50. Opuse. 20 : PG 97, coll. 1544AD, 1545AC. 51. Rispettivamente PG 104, coll. 1448-1449 ; E. MONTET, Un rituel d'abjuration des

Musulmans dans l'Église grecque, Revue de l'histoire des religions 53, 1906, p. 14817"18. 52. Cf. e. g. PG 105, coll. 669-670 (tit.), 701D, 704AD, 720 , 724 , ecc. 53. V.VASUJEVSKIJ, P. ΝΙΚΓΠΝ, Skazanija 42 amorijskich mučenikach, S. Petersburg

1905 (Zapiski Imperatorsk. Akad. Nauka S. VIII, t. VII/2), pp. 6712, 6813, 6931, 708, ecc. 54. Ma già in un testo quale la Doctrina Jacobi nuper baptizati, scritto nel 640 circa, si

usava per Maometto (del quale peraltro non veniva fatto il nome) un'espressione simile : «πλάνος έφάνη προφήτης», V. 16 : V. DÉROCHE, TM 11, 1991, p. 2093'4.

55. Opuse. 20 : PG 97, col. 1545C2. 56. DE BOOR, p. 2 . 57. DE BOOR, II, p. 6991 >.

58. Ivi, p. 69713.

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l'immediato precedente sembra essere Giovanni Damasceno che aveva appunto evocato «un certo monaco ariano». L'affiliazione ariana del maestro di Maometto sembra essere la costante nei testi bizantini dell'vni-ix secolo, mentre più tardi si parlerà di un monaco giacobita nestoriano. Così un testo agiografico sull'assedio di Costantinopoli del 717/18 ricorda che i Musulmani sono stati istruiti da «un certo pseu-doabba ariano».59 Teodoro Abu Qurrah scrive che Maometto diventò uditore di un ariano.60 E la Cronaca di Giorgio monaco scrive che Maometto si valse della falsa testimonianza di «un certo monaco ariano».61

Il «dragone» (δράκων)62 Maometto, prosegue Teodoro, iniziato all'errore da siffatto maestro, mise allora insieme degli elementi tratti dall'Antico Testamento. Un sicuro precedente di queste parole si ritrova nel passo poc'anzi citato del De haeresibus : Maometto conobbe «per caso l'Antico e il Nuovo Testamento». L'accento messo esclusivamente sull'antica Legge non è casuale, se si considera che molti testi bizantini di quell'epoca abbinano i Musulmani e gli Ebrei. L'operazione stigma­tizzata da Teodoro si ritrova, in altre forme, nella Cronaca di Giorgio monaco e nel Contro Maometto : Maometto mise insieme le dottrine degli Ebrei, degli Ariani e dei Nestoriani e così creò la sua religione.63

Facendo credere, aggiunge lo Studita, che queste cose fossero state rive­late da Dio (παρ'αύτοΰ του Θεοΰ κατηγμένα), diede una legge agli Ismaeliti. Questo semplice cenno alla rivelazione divina accordata a Maometto ricorda senza dubbio, persino nelle espressioni, le righe cor­rispondenti del De haresibus 64, mentre il Contro Maometto e la formula d'abiura accennano al ruolo di messaggero ricoperto dall'arcangelo Gabriele : «Anatematizzo il cosiddetto Corano, cioè tutta la Scrittura di Maometto, che finge essergli stata rivelata dall'arcangelo Gabriele».65

Anche Teodoro Studita a questo punto parla del Corano, dicendo che queste cose sono state messe per iscritto in libri (δελτίοις γεγραμ-μένα). Il termine «libro» (δελτίον) qui utilizzato sta a indicare la suddi­visione in sure, come si evince da un verso successivo (v. 45) ove si parla del «libro della cammella» (της καμήλου δελτίον). Giovanni Damasceno aveva invece indicato le sure con la parola «scrittura»

59. «την μοναρχίαν δέ διδάσκονται ύπό τίνος ψευδαββα άρειανοΰ», Sp. P. LAMPROS, 'Ιστορικά Μελετήματα, Atene 1884, ρ. 142.

60. « Ό γαρ ψευδοπροφήτης αυτών άρειανοΰ ακροατής οίτε γεγονώς , τούτο αύτοίς το αθεον και δυσσεβές παρέδωκε δόγμα», Opuse. 25 : PG 97, col. 1560A35.

61. «[....] συμψευδομαρτυροΰντος αύτώ άρειανοΰ τίνος μονάχου»: DE BOOR, II, p. 6991-2.

62. Appellativo che compare nell'opuscolo Contro Maometto : PG 104, col. 1449C10. 63. Rispettivamente DE BOOR, II, p. 7002"4 = KOTTER, IV, p. 6012app e PG 104,

col. 1449A, CD. 64. «έζ ούρανοΰ γραφήν ύπό θεοΰ κατενεχθήναι έπ 'αύτον διαθρυλλεί» : KOTTER,

IV, p. 6014. 65. ΜΟΝΤΕΤ, Un rituel, ρ. 1491215, e cf. PG 104, col. 1449D.

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(γραφή)66, mentre gli autori successivi parleranno di «capitoli», di «versi», di «favole», ecc.67

«Uno è il Dio e il signore di tutte le cose, che non è generato né ha generato un figlio» (vv. 25-26).

Con queste parole inizia l'esposizione più propriamente dottrinaria. La proclamazione dell'unicità di Dio e l'impossibilità che Egli abbia un associato alla sua divinità e un figlio è stata riconosciuta da molti pole­misti bizantini come la dottrina centrale della religione islamica. Quanto scrive Teodoro Studita va posto in relazione, innanzitutto, con quanto aveva scritto il Damasceno : «Dice che c'è un unico Dio creatore di tutte le cose, che non è stato generato né ha generato».68 Mentre la Cronaca di Giorgio monaco nella sua laconicità non è qui di particolare ausilio69, molti testi della controversistica cristiano-orientale tra Musulmani e Cristiani dell'viii-ix secolo ci mostrano la centralità di questa proposi­zione. Cosi, ad esempio, una lettera inviata dalla corte abbaside a Bisanzio neH'860 circa70 si apriva con l'affermazione : «Dio è uno e non ha un associato alla sua podestà; poiché non ha un associato non ha avuto neanche un figlio».71 Ma i testi sicuramente più interessanti sono quelli di Teodoro Abu Qurrah, del Contro Maometto e della formula d'abiura, e di Niceta Byzantios che riprendono la traduzione greca della sura 112 : «Egli è il Dio uno, il Dio stabile72, che non ha generato e che non è stato generato e non esiste alcuno simile a lui».73

66. Cf. KOTTER, IV, pp. 6496 (γραφή της γυναικός) ; 65114 (γραφή της καμήλου) ; 67149 (γραφή της τραπέζης) ; 67152 (γραφή βοϊδίου).

67. Cf. Α. R., Una formula inedita d'abiura per i Musulmani (fine X - inizi XI secolo), Rivista di Studi Bizantini e Neoellenici n. s. 29, 1992, p. 165.

68. «Λέγει ένα Θεον ποιητήν των όλων, μήτε γεννηθέντα μήτε γεγεννηκότα» : KOTTER, IV, ρ. 6117"18.

69. «ενα μόνον προσκυνείν Θεόν» : DE BOOR, , . 7006"7. 70. In merito cf. A. R., Niceta Byzantios [cfr. n. 5]. 71. «Θεός εστίν εΤς, κοινωνον μή έχων της έαυτοΰ εξουσίας· και δια το μή εχειν

κοινωνόν, ούκ εσχεν ουδέ παίδα» : PG 105, col. 824A. 72. «Şamad» in arabo, cf. in merito F. PARET, Der Koran. Kommentar und

Konkordanz, Stuttgart-Berlin-Köln 1980, p. 530. Il termine è reso in greco con parole ben attestate quali «όλόσφυρος» (cfr. n. successiva), «σφυρήλατος» {Formula d'abiura : PG 140, col. 133A2), «σφυρόπηκτος» (cfr. n. successiva). Niceta di Bisanzio, giocando sull'assonanza di «όλόσφυρος» con «όλόσφαιρος», potrà malignamente parlare di un Dio materiale «sferico» : «δτι σφαιρικόν έστι το θείον, μάλλον δέ, ώς αυτός είπεν, όλόσφαιρός έστιν ό Θεός, σώμα πάντως αυτόν οίόμενος» : PG 105, coll. 705D6-708A2. Ma nel seguito della Refutazione di fatto si smentisce quando scrive, dopo aver citato la sura 112 : «ει μή το σχήμα της σφαίρας δηλοί το όλόσφυρον, αλλά γε το πυκνον καΐ πεπιλημένον, όπερ καΐ αυτό τοΰ σώματος ίδιον» col. 776B1115 .

73. «αυτός εστί θ ε ό ς εΤς, Θεός όλόσφυρος, ούκ έγέννησεν, ουδέ έγεννήθη, ουδέ έγένετο όμοιος αύτώ τις», Formula d'abiura, n° 22 : MONTEL, Un rituel, p. 15524"26 ; « Ό Θεός μουνάζ, ό Θεός σφυρόπηκτος, öç ούκ έγέννησεν, ουδέ έγεννήθη, ουδέ γέγονεν αύτώ άντιμεριστής τις», Teodoro Abu Qurrah, Opuse. 20 : PG 97, col. 1545C ; «Λέγει περί Θεοΰ δτι αυτός, θ ε ό ς ων, εστίν ό ποιήσας τα πάντα, οϋτε έγένετο όμοιος αύτώ τις, άλλ'εΓς Θεός όλόσφυρος ούκ έγέννησεν, ουτ'έγεννήθη», Contro Maometto : PG 104, col. 1453C ; «αυτός έστι θ ε ό ς εΓς, Θεός όλόσφυρος, ούκ έγέννησεν, ουδέ έγεννήθη, ουδέ έγένετο όμοιος αύτώ», Niceta Byzantios : PG 105, col. 776B.

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«Scrive che Cristo è nato senza seme da Mana, la sorella di Mosè. Dice che è lo Spinto e il Verbo di Dio, e che si mostrò creato e servo di Dio. Ciancia che egli non soffrì nella carne, ma solo la sua ombra, e che in apparenza spirò sulla croce, dando a vedere di morire. Dice che Dio lo trasse a Lui. Allora Dio gli rivolse queste parole : "Oh Gesù, dunque tu hai detto questo di te : di essere mio figlio e ti sei dichiarato Dio ?" Egli rispose : "Abbi pietà di me, Onnipotente. Dicono il falso coloro che mi attribuiscono queste parole, sono loro infatti a essere in grave errore. Non è mia l'audacia, io in verità sono un tuo servo". E Dio gli rispose di nuovo : "Io stesso so che non sei giunto a tanto"» (vv. 2744).

In questi versi Teodoro espone le credenze musulmane su Cristo, ripren­dendo, anche nella successione degli argomenti, il De haeresìbus di Giovanni Damasceno : «Dice che Cristo è il Verbo di Dio e il suo Spirito, ma creato e servo e che è nato senza seme da Maria sorella di Mosè e di Aronne. 11 Verbo e lo Spirito di Dio, dice infatti, sono entrati in Maria e generarono Gesù che è un profeta e un servo di Dio. E dice che i Giudei, avendo violato la Legge, vollero crocifìgierlo, e, dopo essersi impadroniti di lui, crocifissero la sua ombra. Cristo, dice, non fu crocifisso né morì. Dio infatti lo condusse presso di sé in cielo perché lo amava. E dice anche che, giunto Cristo nei cieli, Dio lo apostrofò dicendogli : "O Gesù, hai detto : Sono il figlio di Dio e Dio ?" E, dice, Gesù rispose : "Abbi pietà di me, Signore. Tu sai che io non ho detto ciò e che non disdegno di essere tuo servo, ma degli uomini trasgressori hanno scritto che io avevo detto ciò. Essi hanno mentito nei miei confronti e sono in errore". E Dio, dice, gli rispose : "So che tu non hai fatto un'affermazione simile"».74

Ma procediamo con ordine, esaminando i diversi elementi in detta­glio. La nascita di Gesù da Maria sorella di Aronne e di Mosè (cf. sura 19, 28) diventa ben presto un topos della polemica antiislamica 75, e i relativi passi coranici furono oggetto di lunghe digressioni da parte dei commentatori musulmani (e. g. Haqqî, Ţabarî). Per il concepimento ver­ginale di Gesù Teodoro usa un'espressione (πλην σποράς) che si ritrova in Damasceno, nel Contro Maometto e nella formula d'abiura.76

Le definizioni di Cristo quale Spirito e Verbo, creato e servo, ritor­nano, oltre che in Giovanni Damasceno, in tutti gli altri autori.77

Maometto, prosegue Teodoro, «ciancia» (φληναφεΐ)78 che Cristo non

74. KOTTER, IV, p. 6118"32. 75. Cf. Giorgio monaco: DE BOOR, II, p. 70010"12 ; Niceta Byzantios : PG 105,

col. 708B. 76. «ó Κύριος ημών και Θεός 'Ιησούς Χριστός άπο Μαρίας της αδελφής

Μωσέως καΐ 'Ααρών έγεννήθη άνευ σποράς» : ΜΟΝΤΕΤ, Un rituel, p. 15210"13; cf. PG 104, col. 1452D.

77. Cf. quindi Giorgio Monaco : DE BOOR, II, p. 7007"10 ; Contro Maometto : PG 104, col. 1452D ; Formula d'abiura, nr. 12 : ΜΟΝΤΕΤ, Un rituel, p. 1521315 ; Niceta Byzantios : PG 105, coll. 712B, 736AB.

78. Espressione che sarà tipica della chiusa dei capitoli nella Refutazione di Niceta Byzantios, cf., e. g., PG 105, coli. 724B, 729C, 736B, 740D, 744C, 752A, 753D, 757A, 760C, 761B, 761D, 765C.

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patì nella carne, ma che solo la sua ombra fu crocifissa. Elemento questo dell'ombra che compare soltanto nel De haeresibus e nella Cronaca di Giorgio monaco79, mentre gli altri testi presentano una tradizione diversa quando parlano della crocifissione come del frutto di una sorta di allucinazione collettiva della quale soffrirono gli Ebrei.80

La successiva elevazione di Gesù al cielo e il suo dialogo con Dio, nel quale egli nega di essersi definito Figlio di Dio e Dio, ricompare in una forma analoga, oltre che nel De haeresibus, nell'opuscolo Contro Maometto e nella formula d'abiura.81 Il racconto di Giorgio monaco è invece molto più stringato.82

«E di nuovo scrive il libro della cammella, grandissimo e meravi­glioso prodigio, che beveva tutto un fiume in una volta. Essendo morta, , la sua piccola chiese a Dio di essere rapita in cielo per non venir anch'essa fatta perire dagli uomini malvagi che avevano ucciso la madre» (vv. 45-51).

Anche in questo caso si deve partire dal testo del De haeresibus di Giovanni Damasceno : «C'è inoltre la scrittura Della cammella di Dio. Al riguardo dice che una cammella era stata inviata da Dio e beveva l'in­tero fiume e non poteva passare tra due monti perché non c'era spazio sufficiente. In quel luogo, dice, c'era un popolo e un giorno era questo a bere l'acqua e il giorno seguente la cammella. Quando beveva l'acqua, la cammella li nutriva dando loro il latte al posto dell'acqua. Ma quegli uomini, che, dice, erano cattivi, si levarono e uccisero la cammella. C'era una piccola cammella da lei generata, che, dice, dopo la morte della madre si rivolse a Dio e Egli la portò presso di lui».83 Questo rac­conto della cammella sacra, altro topos della polemica antiislamica, è molto simile nel Contro Maometto84 ed è invece brevemente riassunto dalla formula d'abiura.85 Alcuni elementi presenti in questi versi di Teodoro consentono di vedere a quali di questi testi tradizioni egli più si avvicini. Lo Studita parla del «libro della cammella», come il Damasceno aveva parlato della «scrittura della cammella», quando una sura con questo titolo non compare nel Corano. Si vuole qui rimandare a un episodio della vita di Şâlih basandosi non tanto sul Corano86 quanto

79. «[...] άλλα βδελύττεσθαι τον σταυρόν και την σκιάν έσταυρώσθαι τοΰ Χρίστου όμολογείν» : DE BOOR, II, p. 7001416.

80. Cf. Contro Maometto : PG 104, col. 1453A ; Formula d'abiura, n° 12 : MONTET, Un rituel, pp. 15221"25 ; Niceta Byzantios : PG 105, coll. 733B-736A.

81. Cf. rispettivamente PG 104, col. 1453AB e MONTET, Un rituel, pp. 15225-1532. 82. «αδθίς τε τον Ίησοΰν παραστηναι και άρνήσασθαι έμπροσθεν τοΰ Θεοΰ οτι·

ούκ έλάλησα εαυτόν είναι υίον Θεοΰ» : DE BOOR, II, pp. 70022-7011. 83. KoTTER, IV, p. 65114-121. 84. PG 104, col. 1456AB. 85. MONTET, Un rituel, p. 1541318. 86. Cf. sure , 64-67 ; 7, 73-78 ; 26, 155-158 ; 54, 27-31 ; 91, 13-15 ; v. anche Niceta Byzantios : PG 105, col. 756B.

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sulle tradizioni successive (cf. ad esempio Ţabarî).87 Le grandi dimen­sioni della cammella di cui parla Teodoro, soltanto adombrate dall'ellit­tico cenno del De haeresibus, sono esplicitate dal Contro Maometto (μεγάλω μήκει τε και πλάτει).

«E di nuovo descrive i quattro fiumi che eternamente scorrono proprio nell'Eden : l'uno di latte, l'altro scaturisce d'acqua, il terzo sgorga di vino abbondante, e il quarto di miele dolcissimo» (vv. 52-56).

Questa descrizione del paradiso presente nei versi di Teodoro consente alcune osservazioni di un certo interesse. Giovanni Damasceno aveva scritto : «Dite infatti che nel vostro paradiso scorrono tre fiumi, uno d'acqua, uno di vino e uno di latte».88 Sempre di tre fiumi parlava la Cronaca di Teofane («il fiume di vino, di miele e di latte»)89 e Giorgio monaco : «Dice che in paradiso ci sono tre fiumi, uno di miele, un altro di latte e un terzo di vino».90 Le parole dello Studita rimandano evidente­mente a un'altra tradizione e precisamente a quella che riposa sulla tra­duzione greca di sura 47, 16 : «Nel paradiso ci sono quattro fiumi, di acqua limpida, di latte il cui sapore resta inalterato, di vino dolce e di miele filtrato».91

«Egli insegna inoltre queste cose : di non osservare il sabato e assolu­tamente di non essere battezzati ; di avere quattro mogli legali e, oltre a queste, di averne altre quante se ne possa mantenere ; di recidere la carne, non deve esserci prepuzio incirconciso ; di assecondare la carne e di accostarsi a quello che non è lecito. Dice soltanto di non mangiare maiale e proibisce completamente di bere vino»(vv. 59-66).

In questa ultima parte dell'esposizione92 sono elencate di seguito una serie di pratiche che colpivano particolarmente gli autori cristiani : in tali usanze, aggiungeva Teodoro, indulge la stirpe degli Ismaeliti (vv. 57-58).

"87. Cf. A.-Th. KHOURY, Polémique byzantine contre l'Islam (VIIIe -XIIIe s.), Leiden 21972, p. 159 ; SAHAS, John of Damascus on Islam, pp. 91-92.

88. KOTTER, IV, p. 66131132. 89. DE BOOR, p. 33423"24. 90. DE BOOR, II, p. 7011518 . 91. « [...] ò παράδεισος, έν φ λέγει τεσσάρας είναι ποταμούς έξ ύδατος

άθολώτου, και γάλακτος μη άλλάσσοντος τον νόστον αύτοΰ, και ο'ι'νου ήδέος, καί μέλιτος ύλιστοΰ», Contro Maometto: PG 104, col. 1456C8"11 ; «'Αναθεματίζω τον παράδεισον τοΰ Μωάμεδ, έν φ λέγει τεσσάρας είναι ποταμούς έξ ύδατος άθολώτου, καί γάλακτος μη άλλάσσοντος τον νόστον αύτοΰ, καί οίνου ήδέος, καί μέλιτος ύλιστοΰ», Formula d'abiura, n° 5 : ΜΟΝΤΕΤ, Un rituel, p. 14920-25 ; «Τον παράδεισον, τεσσάρας ποταμούς λέγει εχειν έξ ύδατος άθολώτου, καί γάλακτος μη άλλασσομένου τοΰ νόστου αύτοΰ, καί οϊνου ήδέος, και μέλιτος ύλιστοΰ», Niceta Byzantios: PG 105, col. 769A11"14 (corretta l'edizione sulla base del Vatic, gr. 681, ff. 123v-1240.

92. I versi immediatamente successivi, «A ciò aggiunse molti altri insegnamenti erro­nei, cose che mi sembra inutile qui mettere per iscritto» (vv. 67-68), ricordano ancora una volta un passo del De haeresibus : «καί άλλα τινά ρήματα γέλωτος άξια, ά διά το πλήθος παραδραμείν οΐομαι δείν» : KOTTER, IV, p. 67152153.

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È innanzitutto ricordato il rifiuto di osservare il sabato e del battesimo, ovvero i due tratti distintivi del Giudaismo e del Cristianesimo, con un'espressione che rinveniamo sostanzialmente identica nel De haeresi­bus di Giovanni Damasceno e nella Cronaca di Giorgio monaco.93

Il punto successivo, riguardante le usanze matrimoniali, ha sempre eccitato la fantasia dei polemisti. Anche in questo caso basti riprendere il passo corrispondente del De haeresibus : Maometto «prescrive aperta­mente a ciascuno di prendere quattro mogli e, se è possibile, mille concubine, quante la sua mano ne può tenere sottomesse, oltre alle quat­tro mogli».94 La questione è toccata, con termini simili, da Teodoro Abu Qurrah95, dal Contro Maometto96 e dalla formula d'abiura.97

In merito alla circoncisione, Teodoro Studita fornisce delle informa­zioni simili a quelle dei suoi predecessori e contemporanei. Infatti, sia Giovanni Damasceno98 che Giorgio monaco99 parlano dell'usanza di circoncidere sia gli uomini che le donne.

Per le prescrizioni alimentari, di cui parla Teodoro alla fine, va ricor­dato quanto aveva scritto Giovanni Damasceno : «concedendo loro di mangiare alcuni cibi proibiti dalla Legge, ma ordinando di astenersi dagli altri. Ha proibito categoricamente di bere vino».100 Giorgio monaco rendeva espliciti tali divieti alimentari quando ricordava la proibizione di mangiare carne di maiale.101

Dalla nostra analisi sono emersi alcuni elementi di un certo interesse sui quali va ora richiamata la nostra attenzione. Un semplice esame esterno consente di cogliere in questa serie di versi una chiara suddivi­sione degli argomenti trattati : appellativi e «genealogia» dei Musulmani, idolatria degli Arabi preislamici, missione di Maometto. Segue quindi un'esposizione dottrinaria che tocca i seguenti punti : Dio, Gesù Cristo, racconto della cammella, descrizione del Paradiso islamico, pratiche diverse e prescrizioni alimentari. I versi di Teodoro Studita riprendono pertanto il capitolo 100 del De haeresibus di Giovanni Damasceno del quale seguono addirittura l'articolazione e la successione. Il raffronto potrebbe essere condotto più in dettaglio : basti solo ricordare la sincro­nicità stabilita tra Maometto e Eraclio, i rimandi ai libri del Corano la stessa forma (Μάμεδ) utilizzata per il nome del Profeta. Sulla base di

93. «καί μήτε σαββατίζειν μήτε βαπτίζεσθαι προστάξας», KOTTER, IV, . 67154 ; «μήτε δε βαπτίζεσθαι μήτε σαββατίζειν αυτούς έδίδαζεν» : DE BOOR, II, p. 70012"13.

94. KOTTER, IV, pp. 6494-65". 95. Opusc. 24 : PG 97, col. 1557B. 96. PG 104, col. 1452A. 97. MONTET, Un rituel, p. 15123"29. 98. KOTTER, IV, p. 67153. 99. DE BOOR, p. 70056. 100. KOTTER, IV, p. 6715515«. 101. «παρηγγυήσατο δε αύτοίς καθόλου των το νόμω άττηγορευμένων

μετασχείν πλην ύείων κρεών, οΐνον δε παντάπασιν μη χράσθαι» : DE BOOR, II, . 700, '8.

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queste considerazioni si può senz'altro dire che questa operetta di Teodoro Studita è rappresentativa di certi ambienti bizantini degli inizi del ix secolo, nei quali si conservava e riprendeva il retaggio damasce-nico. Questa serie di versi va innanzitutto inscritta in quel filone, ricor­dato all'inizio, che qualche anno dopo avrà in Michele Sincello il rappre­sentante più significativo. Teodoro in questa sua «memoria» contro i Musulmani non si limita soltanto a riattualizzare quanto era già stato fis­sato da Giovanni Damasceno : egli è anche testimone di altre tradizioni allora presenti a Bisanzio, depositarie di nuove notizie sugli Arabi e l'Islam rispetto al De haeresibus. Una prova inconfutabile in questo senso ci è data dalla descrizione del paradiso musulmano fatta da Teodoro, basata su un passo coranico in una versione che in quegli anni fu ripresa da altri testi e autori, e che conosciamo soprattutto grazie alla Refutazione di Niceta Byzantios. Su questa traduzione greca del Corano 102 non possiamo ovviamente qui dilungarci : questa è, come si dice, un'altra storia.

Έ κ τ£5ν στ ιχ ιστ ικυν λόγων Θεοδώρου τοϋ Στουδιώτου τ ο ν κατά αιρέσεων.

"Αγαρ παιδίσκης της Σάρας οδτοι παίδες, οδτοι προηλθον έκ ττύλων άλλων "Αιδου*

5 θρησκεία δεινή και βεβαρβαρωμένη εν τω πλατυσμώ της εαυτών άξιας τον Ισμαήλ δε τήν άπαρχήν εισφέρει, "Αγαρ τον υίόν, Αβραάμ τε τον γόνον, άφ'οδ τοσούτον έθνος ηυξηται μέγα.

10 ΟΤσπερ καταρχάς τη κατειδώλω πλάνη αστρω προηγον προσκυνειν έωσφόρω συν 'Αφροδίτη τη καλούμενη Χάβαρ* έπειτα πολλοίς τοις έν ύστέρω χρόνοις, οτε κρατών ήν 'Ηρακλής ό γεννάδας, ||

15 ηλλαξεν αυτών τήν κατείδωλον πλάνην παρεισαγωγη δήθεν έννόμω τέως ψευδοπροφήτου του Μάμεδ καλουμένου. 'Όστις συναφθείς άνδρί που κακιστάτω σκαιώ μοναστη τής του 'Αρείου πλάνης,

20 άφ'ου μυηθείς και πλάνησιν ό δράκων άποσπαράξας μικρά του πάλαι νόμου ως αν παρ'αύτου του Θεού κατηγμένα, νόμον δέδωκεν Ίσμαηλιτών γένει*

102. Cf. al riguardo E. TRAPP, Gab es eine byzantinische Koranübersetzung ?, Δίπτυχα 2, 1980/81, pp. 7-17 ; . VERSTEEGH, Greek Translations of the Qur'ân in Christian pole­mics (9th Century A.D.), Zeitschrift der deutschen Morgenländische Gesellschaft, 141, 1991, p. 52-68.

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εστί δε ταΰτα δελτίοις γεγραμμένα. 25 ETç έστι πάντων και Θεός καί δεσπότης

ου μην κυηθείς, οΰτε γεννών υιέα, Χριστον τετέχθαι πλην σποράς διαγραφή έκ Μαρίας τησδε της αδελφής Μωσέως Θεοϋ μεν αυτόν πνεύμα και λόγον λέγει

30 κτιστον δε δοϋλον του Θεοΰ πεφηνότα, δν ουδέ σαρκί φληναφει πεπονθέναι, η το σκίασμα τούδε και μόνον πέλειν έν τοις δοκουσιν έν σταυρώ τούτον κτεινειν, και γουν παρ 'αύτα του δεδείχθαι τεθνάναι

35 Θεός προς αυτόν φησι τούτον ήρπάκει. Είτα προσειπείν τον Θεον τα τοιάδε* (5 γουν Ίησοΰ, συ προσεφθέγξω τάδε, υιός πέλειν μου και Θεός πεφηνέναι ; Ό δέ προς α υ τ ό ν Ιλεως μοι παγκράτορ

40 ψευδηγορουσιν οΓκατειπον μου ταϋτα* || είσΐ γαρ οδτοι πεπλανημένοι λίαν, ου μοι γαρ ύβρις, δοϋλον είναι σου μάλλον. Και γε προς αυτόν άντέφη Θεός π ά λ ι ν Κάγω συνεΐδον μη σε τοιαύτα φθάσαι.

45 Αδθις χαράσσοι της καμήλου δελτίον μέγιστον αυτήν έκτεθαυμακως τέρας, όλον ποταμον έκπίουσαν εις άπαξ· ώς και θανούσης τήν άπ 'αύτής υίάδα εις ούρανον εφη τον Θεον διαρπάσαι

50 ώς μή προς ανδρών τών κακών μητροκτόνων καύτήν ομοίως τω φθόνω πεπονθέναι. Πάλιν ποταμούς τέτταρας υπογραφή ώς εξ Ε δ έ μ βρύοντας εις αεί μάλα· ον μεν γάλακτος , δν δέ πηγάζειν ύ'δωρ,

55 τον άλλον, οίνου πλουσίως άπεκβρύειν, και τον τέταρτον, μέλιτος γλυκύτατου. Έ ν οΓς διάγειν Ίσμαηλιτών γένος πότμου μέθεξιν εις αεί δώρων χάριν. 'Έτι προς άλλον έκδιδάσκει και τάδε*

60 μή σαββατίζειν, μηδέ βαπτίσθαι π ά μ π α ν εχειν γυναίκας τεσσάρας τάς έννομους, αλλάς προς αύτας εχειν δσας και φέρει* τέμνειν δέ σάρκα, άκροβύστης μή πέλειν, σαρκοτροφεΐσθαι και οΤς ού θέμις θιγειν,

65 δν δέ και μόνον μή βιβρώσκεσθαι φάσκει* || οίνου μετέχειν ούδ'δλως επιτρέπει. Τούτοις γε πολλά προστίθησι της πλάνης α μοι περιττον έγγράφειν νΐ5ν ενταύθα* ταΰτα δέ μόνον διαγράψας ένθάδε

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70 ελιττον ύμιν προς ύπόμνησιν πδσιν, ϊν 'έκφυγόντες τών βαρβάρων την πλάνην ΠατρΙ καί Λόγω συν τω Πνεύματι μόνω το σέβας νέμειν μνηθητε (5 τέκνα* τούτοις γαρ μόνοις το σέβας άπονέμειν

75 π α ς ό θίασος τών προφητών προυγράφη και τών καθ'ήμας της σεπτής εκκλησίας όσοι κράτιστοι καί θεοφόροι άνδρες.

havra Ω 44(1854), ff. 149v-151r

14 γεννάδας : γενάδας | 15 ηλλαξεν : ηλλαξεν | 18 κακιστάτω : κακιστάτου | 21 άποσπαράξας : από σπαράξας | 26 οϋτε : ούτε ] 33 εν τοΐς-κτείνειν in marg. | τούτον : τούτων | 34 τεθνάναι : τεθναναι | 36 προσειπεΐν : προς ειπείν | 37 προσεφθέγξω : προς έφθέγξω | 39 ιλεώς : ιλεός | 41 πεπλανημένοι : πεπλανημένη | 42 ου : ου | 44 μη σε : μεϊσαι | 45 καμήλου : καμίλου | 46 έκτεθαυμακως : έκτεθαυμακώς | 58 δώρων : δώρον | 60 μηδέ βαπτίσθαι : μη δε βαπτίσθη | 62 δσας : ωσας | 63 πέλειν : πέλιν | 64 θέμις : Θέμης | θιγείν : θίγειν | 65 δν : ^ν | 66 μετέχειν : μετάσχειν s. 1. | 67 προστιθησι : προς τιθησι | 68 περιττον : περιττον | 69 διαγράψας : δια γράψας | 73 νέμειν : νέμην | 75 προυγράφη : προγραφή ||

Antonio RIGO Università degli studi della Basilicata Dipartimento di scienze storiche 1-85100 Potenza

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MÉLÈCE LE CONFESSEUR ET LE MONASTÈRE SAINT-LAZARE

DE CONSTANTINOPLE

Albert FAİLLER

Résumé : Le corps de Mélèce le Confesseur était vénéré au monastère Saint-Lazare de Constantinople, qui était dédié à Lazare de Béthanie et où était conservé également le corps de Lazare le Galésiote. Mais aucune source n'indique que Mélèce, comme on écrit sur la foi d'une mauvaise traduction d'un passage de Georges Pachymérès, ait passé ses dernières années dans le monastère où il fut inhumé.

Mélèce le Confesseur, appelé aussi le Galésiote pour avoir pratiqué la vie monastique sur le mont Galésios, est présenté par l'historien Pachymérès comme l'un des héros du retour à l'orthodoxie, au début du règne d'Andronic II Palaiologos. Sous le règne de Michel VIII, il avait subi toutes les avanies à cause de son opposition à l'union avec les Latins. Dès la mort de cet empereur (11 décembre 1282), il recouvra la liberté. Selon son biographe, Macaire Chrysoképhalos, il ne survécut que trois ans. Il mourut un 19 janvier (ou un 21 janvier?), puisque c'est à cette date que, une fois canonisé vers 1325 \ il fut fêté. On en a déduit qu'il est décédé le 19 janvier 1286. Comme son biographe lui donne soixante-dix-sept ans de vie, on a placé sa naissance en 1208/9.

Le corps de Mélèce le Confesseur était vénéré au monastère constanti-nopolitain de Saint-Lazare, qui avait été fondé par Léon VI le Sage, à la fin du 9e siècle, et qui était dédié au saint Lazare des Évangiles, l'ami du Christ. Dans ce monastère, on conservait d'une part des reliques de Lazare lui-même, de ses deux sœurs, Marthe et Marie, ainsi que de Marie-Madeleine, et d'autre part les dépouilles de Lazare le Galésiote, le moine du 11e siècle qui avait fondé le centre monastique du Galésios près d'Éphèse, et de Mélèce le Confesseur. Il ne convient pas de dédou­bler le monastère Saint-Lazare, comme l'a fait R. Janin, qui mentionne

1. Voir J. DARROUZÊS, Regestes, n° 2132 (avant 1327 ?).

Revue des Études Byzantines 56, 1998, p. 231-238.

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d'un côté un monastère Saint-Lazare le Galésiote2, où auraient été dépo­sées les dépouilles de Lazare le Galésiote et de Mélèce le Confesseur, et d'autre part un monastère Saint-Lazare de Béthanie, qui aurait conservé les reliques des amis du Christ et où, de plus, Mélèce le Confesseur aurait vécu ses dernières années3. L'emplacement du monastère est connu, au moins de manière approximative : il se trouvait à l'est de Sainte-Sophie, tout près d'une poterne ouverte dans le rempart4.

L'examen des sources permet de rétablir une image que les historiens ont brouillée. D'un côté, l'existence d'un monastère Saint-Lazare le Galésiote a été inférée à tort à partir des témoignages qui mentionnent sa dépouille dans un monastère Saint-Lazare, et l'homonymie a trompé le lecteur : Lazare le Galésiote était vénéré dans un monastère Saint-Lazare, qui n'était pas dédié pour autant au Galésiote, mais au Ressuscité de Béthanie. Zosime le Diacre signale la présence de la dépouille de Lazare le Galésiote, qualifié de manière incorrecte d'«évêque de Galassie» ( , )5, au monastère de Lazare qui resta mort «quatre jours» ( )6, c'est-à-dire Lazare de Béthanie. De même le Pèlerin anonyme russe signale au monastère Saint-Lazare les reliques de Lazare de Béthanie, de Marthe et de Marie-Madeleine, ainsi que la dépouille de saint Mélèce. On peut ajouter un passage de l'Anonyme arménien7. Dans les trois sources, il s'agit donc d'un seul et même monastère Saint-Lazare. Or, pour justifier le dédoublement du monastère Saint-Lazare, R. Janin a fait appel, en premier lieu, au témoignage de Zosime, mais celui-ci est expli­cite : le corps de Lazare le Galésiote se trouvait dans le monastère Saint-Lazare de Béthanie, non dans un monastère qui lui fût personnellement dédié. En second lieu, R. Janin évoque un passage du Dialogue de Théodore Agallianos, mais, comme on le verra plus bas, cette mention renvoie en fait au seul et même monastère Saint-Lazare de Constantinople.

2. R. JANIN, Les églises et les monastères [de Constantinople]2, Paris 1969, p. 298. Sur Lazare le Galésiote et la fondation du centre monastique du Galésios, voir R. JANIN, Les églises et les monastères des grands centres byzantins, Paris 1975, p. 242-250.

3. R. JANIN, Les églises et les monastères [de Constantinople]2, Paris 1969, p. 298-300. 4. Voir PACHYMÉRÈS, IX, 18 : Bonn, II, p. 2382"3. 5. G. P. MAJESKA, Russian travelers to Constantinople in the fourteenth and fifteenth

centuries, Washington DC 1984, p. 18315"16, 381. 6. Ibidem, p. 18314. 7. Là où, d'après la traduction du texte (S. BROCK, A medieval Armenian pilgrim's des­

cription of Constantinople, Revue des études arméniennes 4, 1967, p. 8631"32), l'Anonyme arménien signale que «the relies of Melitos, patriarch of Antioch, are there», il faut sans doute voir la dépouille de Mélèce le Confesseur, comme l'a d'ailleurs soupçonné l'éditeur {ibidem, p. 93), qui écrit: «The relies of Meletios are not mentioned in other sources as being here : could there be some confusion with the anti-unionist of this name, nicknamed "the saint", who lived in this monastery (end 13th century) ?». Voir aussi G. P. MAJESKA, op. cit., p. 381.

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Écrite par Macaire Chrysoképhalos, le métropolite de Philadelphie, la Vie de Mélèce le Confesseur8, sur laquelle est fondée la plus grande part de sa biographie, n'évoque nulle part le monastère Saint-Lazare. Quant à l'acolouthie, qui est cependant tardive9, composée par un certain moine Mélèce en l'honneur de son patron et enrichie d'un apport de Nicodème l'Hagiorite, elle mentionne le monastère Saint-Lazare dans un passage où sont louées la sainteté de Mélèce et l'intégrité de sa dépouille : «Le monastère de Lazare s'honorait autrefois d'être le sanctuaire le plus sacré de la ville impériale : il conservait en effet en son sein comme un trésor très précieux le corps très sacré de Mélèce le trois fois bienheu­reux, qui conservait tous les signes de la sainteté : la coloration safran, l'indicible bonne odeur et le flot des miracles qui s'écoulait de lui comme un fleuve pour ceux qui s'approchaient avec foi» ("Εχαιρε πάλαι ή του Λαζάρου μονή, της βασιλίδος πόλεως σεμνεϊον το εύαγέστατον αύτη γαρ κατεϊχεν εν κόλποις ώς θησαυρον πολυτίμητον του" τρισμάκαρος Μελετίου το ίερώτατον λείψανον, άπαντα διασωζον τα της άγιότητος σήμαντρα, τον κροκοβαφή χρωματισμόν, τήν άρρητον εύωδίαν και τα των θαυμάτων ρείθρα, τα ποταμηδον έζ αύτοΰ προχεόμενα τοίς μετά πίστεως προσπελάζουσιν10). L'intégrité de son corps est à nouveau rapportée plus bas: «La grâce vivifiante du Saint-Esprit... conserva à son corps l'incorruptibilité dans la tombe» (Ή του αγίου Πνεύματος ζωοπάροχος χάρις..., το δε σώμα εν τάφω άδιάφθορον συντηρήσασα11). De même, il est à nouveau signalé que son corps déga­geait une bonne odeur12.

Dans son Dialogue d'un hiéromnèmôn avec un moine contre les Latins, écrit en 1442, Théodore Agallianos (le futur Théophane de Mèdeia) consacre de longs passages à Mélèce le Confesseur, qu'il pré­sente comme un héros de l'orthodoxie et un modèle de résistance pour les orthodoxes de son temps, opposés à l'Union de Florence13. Théodore Agallianos s'inspire largement de la Vie de Mélèce, que, vraisemblable­ment bien informé, il attribue à Macaire Chrysoképhalos, le métropolite de Philadelphie (1343-1382). C'est grâce à ce texte qu'on a connaissance

8. BHG 1246a. Elle a été éditée par SPYRIDÔN LAURIÔTÈS, Γρηγόριος ό Παλαμάς 5, 1921, p. 582-584 et 609-624, avec la suite et fin dans la revue Ό "Αθως 8-9, 1928, p. 9-11. Dans le même volume de cette seconde revue ( Ό "Αθως 8-9, 1928, p. 617-638) fut également éditée l'acolouthie de Mélèce dont il sera question plus loin. Le texte de la Vie et de l'acolouthie a été repris par Th. N. SIMOPOULOS, Μελέτιος ό Γαλησιώτης (1230-1307), Athènes 1978, respectivement p. 77-92 et 531-552.

9. SPYRIDÔN LAURIÔTÈS, Ό "Αθως 8-9, 1928, p. 617 en note. 10. Ibidem, p. 62127-6223. 11. Ibidem, ç.625210. 12. Ibidem, p. 63421 (εϋοσμον), 63514 (σώμα ευωδιάς πλήρες). 13. Le texte a été édité, à partir d'un manuscrit aux folios brouillés, par DOSITHÉE DE

JÉRUSALEM, Τόμος χαράς, Rimnic 1705, p. 610-633. Sur Théodore Agallianos, voir Ch. G. PATRINÉLÈS, 'Ο Θεόδωρος Άγαλλιανος ταυτιζόμενος προς τον Θεοφάνην Μήδειας και οι ανέκδοτοι λόγοι του, Amènes 1966 (ρ. 43-44 pour le présent écrit).

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de la canonisation de Mélèce le Confesseur, dont la sainteté fut officiel­lement proclamée vers 1325 sous le patriarcat d'Isaïe14. Le même auteur nous apprend que la fête de Mélèce le Confesseur était célébrée au monastère Saint-Lazare, où se trouvait son corps, le 19 janvier: «et depuis lors il est chanté dans le vénérable monastère de Lazare le saint et le juste, où il est déposé, le 19 du mois de janvier» (και έκτοτε ψάλλεται έν τη σεβάσμια μονρ του άγιου και δικαίου Λαζάρου, ένθα κατάκειται, τη ιθ' του ίαννουαρίου μηνός15).

À ces témoignages on doit ajouter trois passages de l'Histoire de Georges Pachymérès, qui sont d'ailleurs l'objet principal de la présente note. En voici le contenu : - après le concile de Lyon, le moine antiunioniste Mélèce fut envoyé à Rome, en compagnie de son confrère Ignace, pour y être corrigé par le pape(1279-1280)16; - plus tard, vers 1280, l'empereur lui fit couper la langue pour punir son opposition à sa politique17 ; - après la mort de Michel VIII (1282), il fut chargé de purifier Sainte-Sophie, en compagnie de son ancien confrère du Galésios, Galaktiôn, et de punir les unionistes18.

Les trois mentions sont brèves, mais elles émanent d'un écrivain qui sait à l'occasion économiser les mots, comme il sait les prodiguer. Peu de mots donc, mais des informations nombreuses et précises. L'état du texte dans les manuscrits a provoqué plusieurs méprises.

Pour le troisième passage, l'établissement du texte fait problème. À la suite du nom de Mélèce, le manuscrit ajoute une précision : «celui qui est dit saint et qui gît dans le monastère de Lazare le saint et le juste» (8ç και άγιος, ό έν τη μονή του αγίου καΐ δικαίου Λαζάρου)19. Cette incise, omise par les autres manuscrits, est une addition postérieure et s'insère mal dans le mouvement de la phrase. Le premier éditeur l'a cependant retenue, tout en la modifiant d'ailleurs légèrement : il a ajouté à la fin le participe κείμενος20, qui ne se trouve pas dans le texte de C. Dans la marge de C, le copiste a porté le mot ξένον, qu'un signe rap­porte à άγιος21. Le sens de la remarque, qui provient d'un lecteur ou

14. DOSITHÉE DE JÉRUSALEM, op. cit., p. 63333. Voir la note 1. 15. Ibidem, p. 62637"38. 16. PACHYMÉRÈS, VI, 17-18 : nouvelle édition, II, p. 58510"20. 17. PACHYMÉRÈS, VI, 24 : nouvelle édition, II, p. 6Π20'21. 18. PACHYMÉRÈS, VII, 3 : Bonn, II, p. 17713 . 19. Ibidem, p. 178"9. Les manuscrits de l'Histoire de Georges Pachymérès sont désignés

ici par les sigles qui leur sont attribués dans la nouvelle édition, c'est-à-dire A (Monac. gr. 442), (Barberin. gr. 198-199) et (Barberin. gr. 203-204).

20. L'éditeur a porté en marge sur le manuscrit (f. 2V), qui sert de modèle à son édi­tion, les mots suivants : öç καί άγιος, ό έν ђ μονή του αγίου καΐ δικαίου Λαζάρου κείμενος, ών ò μ(έν). On peut penser que ce κείμενος, destiné à donner à la phrase un tour plus naturel, est inspiré du texte de la Version brève, comme on le verra plus bas.

21. Voir A. FAILLER, La tradition manuscrite de l'Histoire de Georges Pachymérès (livres VII-XIII), REB 47, 1989, p. 122.

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d'un copiste et qui est de la même main que le corps du texte, n'est pas évident : l'auteur de la note marginale semble marquer de l'étonnement devant la qualification donnée à Mélèce. Veut-on s'étonner de l'appella­tion avant la canonisation officielle du personnage ? Dans ce cas, la remarque serait antérieure à la date de la canonisation (vers 1325). Mais le texte du manuscrit suggère plutôt que, déjà de son vivant et avant toute intervention de l'Église, Mélèce le Confesseur était appelé «le Saint», comme le laisse entendre un passage du début de la Vie22 et comme l'écrit Dosithée de Jérusalem23. Ou bien veut-on s'étonner qu'il ne soit pas appelé όσιος24, plutôt que άγιος ?

Voilà pour le texte original de l'Histoire et l'incise ajoutée dans le manuscrit C. Venons-en à présent au texte abrégé de l'Histoire. Si le rédacteur de la Version brève se contente de reproduire le contenu de son modèle pour la première mention de Mélèce (le voyage à Rome), il en va autrement pour les deux suivantes. Bien qu'ils transmettent la même information que l'addition relevée dans le manuscrit C, les deux déve­loppements de la Version brève sont sans doute indépendants de cette addition. Les deux textes de la Version brève seront reproduits ici à la suite du passage correspondant de l'original (1. pour l'original, 2. pour la Version brève), et les fragments qui sont identiques de part et d'autre seront marqués par l'italique.

Pour la deuxième mention de Mélèce (son supplice vers 1280), l'addi­tion se réduit à une brève incise : 1. Μελέτιον δε αφαιρείται της γλώσσης25. 2. Μελέτιον δε, τον έν ђ του αγίου Λαζάρου μονί) κείμενον, αφαιρείται της γλώττης.

Pour la troisième mention de Mélèce (la purification de Sainte-Sophie en 1283), le rédacteur de la Version brève insère un développement plus conséquent et insiste sur la sainteté du moine : 1. Ήσαν δ'ούτοι και μάλλον ό Γαλησιώτης τε Γαλακτίων και ό Μελέτιος26, <δν ό μεν στέρησιν ομμάτων, ό δ'έκτομήν γλώττης πέπονθεν, έπ 'αίτίαις ό μεν ψεύδους, ώς Ί'δοι βασιλέα λέγων

22. SPYRIDÔN LAURIÔTÈS, Γρηγόριος ό Παλαμάς 5, 1921, p. 58432"35 : αρκέσει δ'ήμίν τοσούτον ειπείν, δτι τοις πράγμασι τα ονόματα έπεται, ώς ό πολύς φησι και μέγας Βασίλειος - όθεν και ό νυν εις ύπόθεσιν προκείμενος άγιος, μελέτην άπαντα τον εαυτού βίον πνευματικήν θέμενος, είκότως είχε και την κλησιν οΤς έπραττε συμφωνούσαν.

23. DOSITHÉE DE JÉRUSALEM, Τόμος αγάπης, Iaşi 1698, Προλεγόμενα, p. 69"10 : Μελέτιον τον έπονομαζόμενον όίγιον (άλλα και αληθώς άγιος έγένετο, καΐ εκείτο εις την μονήν του Λαζάρου)...

24. Voir, par exemple, le titre tant de la Vie que de Γ acolouthie : του οσίου πατρός ημών Μελετίου τοΰ όμολογητοΰ (Vie : Γρηγόριος ό Παλαμάς 5, 1921, ρ. 582), τοΰ οσίου και θεοφόρου πατρός ημών Μελετίου τοΰ όμολογητοΰ (acolouthie : Ό "Αθως 8-9, 1928, ρ. 617).

25. PACHYMÉRÈS, VI, 24 : nouvelle édition, II, p. 61720"21. 26. Ici s'insère l'addition du manuscrit dont il a été question plus haut.

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άζύμοις εις άγιασμον χρώμενον, την άνατολήν διερχόμενος, ό δ'υ -βρεως, ΤουΛίανσν άλλον τον βασιλέα είπων κατά πρόσωπον21. 2. ΤΗσαν δε οδτοι και μάλλον ό Γαλησιώτης Γαλακτίων και ό Μελέτιος, ών ό μεν στέρησιν ομμάτων, ό δε γλώττης έκτομήν, ώς ηδη προείπομεν, πέπονθεν, στάντες κατά πρόσωπον του βασιλέως Μιχαήλ το πρότερον, άλλον Ίουλιανον και άζυμίτην άπεκάλουν, και δτι δίκαιος ην ό κατά Θεον ζήλος αυτών, δείκνυσι νυν ό Μελέτιος, κείμενος σώος έν τη μονή του αγίου και δικαίου Λαζάρου και εύωδίαν άρρητον πέμπων εκ του οικείου λειψάνου.

La comparaison des textes appelle plusieurs remarques. - Au premier abord, on pourrait croire que l'incise accolée à la deuxième mention de Mélèce par le rédacteur de la Version brève est une anticipa­tion28 et qu'elle est empruntée à la troisième mention de Mélèce telle qu'elle figure dans le manuscrit C, avec l'addition signalée plus haut. Mais ce n'est probablement pas le cas, car le rédacteur de la Version brève n'avait pas sous les yeux le texte que présente l'actuel manuscrit et qui, de plus, ne contient pas le participe κείμενος, mais il s'inspire plutôt du texte qui est conservé dans les manuscrits A et B. - Le rédacteur de la Version brève reprend la même information que le manuscrit C, à savoir que la dépouille du moine se trouvait au monastère Saint-Lazare, mais il l'insère à un autre endroit et il l'exprime en des termes différents. - Le surnom d'Azy mite qui est donné à Michel Ѵ par le rédacteur de la Version brève ne présente aucune originalité, car il se rencontre dans d'autres textes29 ; la version originale de l'Histoire, si elle ne contient pas le surnom lui-même, en fournit d'ailleurs la substance (βασιλέα... άζύμοις εις άγιασμον χρώμενον). - L'addition mentionne l'incorruptibilité du corps de Mélèce, qui est signalée également, à deux reprises, dans le Dialogue de Théodore Agallianos (τώ το αγιον αύτου λείψανον άσινές τηρηθηναι τη διαφθορά30, το ιερόν αύτου λείψανον τετήρηκεν άδιάφθορον31). Celle-ci est encore relevée dans l'acolouthie du saint, qui évoque aussi la bonne odeur qui se dégageait du corps32.

27. PACHYMÉRÈS, VII, 3 : Bonn, II, p. 17713 . 28. Voir la note 20. 29. Michel VIII est qualifié également d'Azymite (synonyme de λατινόφρων, dans la

mesure où les Latins utilisent le pain azyme pour l'Eucharistie) dans le Dialogue d'Agallianos (DOSITHÉE DE JÉRUSALEM, Τόμος χαράς, p. 61728) comme dans la metaphrase de la Vie de Mélèce (Μιχαήλ ό Άζυμ ί της : NICODÈME L'HAGIORITE, Νέον Έκλόγιον2, Constantinople 1863, p. 285/II30 = . Ch. DOUKAKÊS, Μέγας Συναξαριστής, Janvier, Athènes 1889, p. 39028) ; mais le mot n'est pas employé dans le passage correspondant de la version originale de la Vie par Macaire Chrysoképhalos (SPYRIDÔN LAURIÔTÈS, p. 619, avec la note 3). Voir aussi D. J. GEANAKOPLOS, Emperor Michael Palaeologus and the West (1258-1282). A study in Byzantine-Latin relations, Cambridge Mass. 1959, p. 275, avec la note 76.

30. DOSITHÉE DE JÉRUSALEM, op. cit., p. 61717"18.

31. Ibidem, p. 621 3 1 3 2 . 32. Voir les textes cités plus haut, avec les notes 10-12.

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Comme l'addition de est très vraisemblablement postérieure à la composition de l'ouvrage, on peut conclure que le texte original de Georges Pachymérès ne contient nulle information sur l'endroit où était vénérée la dépouille de Mélèce le Confesseur, puisque les trois mentions (l'ajout de et les deux additions de la Version brève) sont postérieures. La précision apportée par ces additions constitue néanmoins une infor­mation avérée, puisque, comme on l'a dit plus haut, elle est corroborée par le triple témoignage de l'Anonyme russe, de l'Anonyme arménien et de Théodore Agallianos.

Ajoutons que l'insertion de l'incise du manuscrit dans le texte de la première édition a provoqué une erreur. On a dit plus haut que le parti­cipe κείμενος est un ajout de l'éditeur à l'intérieur de l'incise, qui est elle-même un ajout de copiste. On peut supposer que le mot κείμενος provient de la Version brève, à laquelle l'éditeur a fait divers emprunts ; le mot figure en effet en marge du manuscrit B, où ont été reportées, en vue de l'édition, les variantes du texte de C. Cela étant, P. Poussines a donné du texte ainsi établi une traduction erronée, en rendant κείμενος par residens : «... Meletius, qui et sanctus vocabatur, in monasterio sancii et iusti Lazaři residens». Le traducteur a ainsi considéré que Mélèce, au retour de son exil à Skyros après la mort de Michel VIII (11 décembre 1282), résida au monastère Saint-Lazare de Constantinople, sans doute durant les trois années qui séparèrent ce retour de son décès. L'information a dès lors été relevée et retenue33. Mais il est exclu que le participe κείμενος, qui qualifie littéralement un «gisant» (un mort ou un malade allongé), puisse avoir cette signification. Le contexte montre assez clairement qu'il est question seulement de la présence du corps et de sa vénération au monastère Saint-Lazare. Quelques sources parallèles (Anonyme russe, Anonyme arménien, Théodore Agallianos) viennent par ailleurs, comme on l'a vu, attester l'information donnée dans l'addition du manuscrit et dans les deux incises ajoutées au texte original de l'Histoire par le rédacteur de la Version brève.

Les articles ou notices qui s'inspirent seulement de la Vie de Mélèce composée par Macaire Chrysoképhalos ne font pas état du monastère Saint-Lazare, puisque la Vie elle-même est muette sur ce point : c'est le cas de L. Petit, qui est le premier à avoir tracé une biographie détaillée de Mélèce en analysant sa Vie34, ou encore de B. N. Giannopoulos35. Les

33. En voici quelques témoignages : «Mélétios, dit le saint, qui vivait au monastère Saint-Lazare...» (R. JANIN, Les églises et les monastères [de Constantinople]2, Paris 1969, p. 299) ; «Mélèce... s'installe au monastère urbain de Saint-Lazare» (D. STIERNON, Dictionnaire de spiritualité, X, 1978, col. 974) ; «Unter Παλαιολόγος 'Ανδρόνικος II. im Dez. 1282 befreit, ins Lazaros-Kl. in Kpl, war dann drei Jahre krank» (PLP, n° 17753). J'ai repris la même opinion {REB 37, 1979, p. 172), avant d'avoir examiné le texte de Georges Pachymérès de manière plus attentive.

34. L. PETIT, DTC, X, 1928, col. 536-538. 35. B. N. GIANNOPOULOS, ThEE, VIII, 1966, col. 949.

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auteurs grecs ont généralement fait état du monastère Saint-Lazare, en se référant autant aux informations du Pèlerin russe qu'à l'Histoire de Georges Pachymérès, et particulièrement à l'addition contenue dans le manuscrit et incorporée dans le texte par P. Poussines. Ils s'en sont rapportés directement au texte grec (ό Μελέτιος, δς καΐ άγιος, ό εν τη μοντ) του άγιου και δικαίου Λαζάρου κείμενος36), par-delà la traduc­tion incorrecte de P. Poussines («Meletius, qui et sanctus vocabatur, in monasterio sancti et iusti Lazaři residens»). C'est le cas, par exemple, de M. Gédéôn37.

L'inhumation de Mélèce le Confesseur au monastère Saint-Lazare pourrait néanmoins être due au fait qu'il fût membre de cette commu­nauté religieuse. Ainsi, tout en étant erronée, la version présentée par P. Poussines dans sa traduction ne comporte rien de choquant et pourrait correspondre à la réalité. Mais le texte grec ne contient pas pareille infor­mation.

Pour terminer, on peut relever cette intrusion, aussi bien du lecteur ou du copiste du manuscrit que du rédacteur de la Version brève, dans le texte même de l'Histoire de Georges Pachymérès pour célébrer la mémoire et le culte de Mélèce le Confesseur. J'ai eu l'occasion de signa­ler la même double intervention et amplification, à propos de Michel Glabas cette fois, aussi bien dans le manuscrit que dans la Version brève38. Le rapprochement et la similitude des deux cas ne fournissent pourtant aucun nouvel élément, car il n'y a pas de lien connu entre les deux personnages ou entre les deux institutions qui se rattachent à eux. Il est probable que, dans les deux cas, les ajouts de et de la Version brève sont indépendants, contrairement à ce qu'on pourrait croire au premier abord. Le rédacteur de la Version brève avait sous les yeux le texte des manuscrits A et B, et non celui du manuscrit C.

Albert FAILLER C.N.R.S.-UMR186^ et Institut français d'Études byzantines (IFEB)

36. Bonn, II, p. 178"9. 37. M. GÉDÉÔN, Βυζαντινόν Έορτολόγιον, Constantinople 1899, p. 61, n° 19. Voici

les derniers mots de la notice, justifiés par une référence à l'Histoire de Pachymérès (Bonn, II, p. 17) : 'Ετάφη έν τη μονή του αγίου και δικαίου Λαζάρου, τιμηθείς αμέσως ώς άγιος . L'adverbe αμέσως, cependant, ne peut être justifié par l'incise intro­duite dans le manuscrit de l'Histoire de Georges Pachymérès.

38. A. FAILLER, Pachymeriana altera, REB 46, 1988, p. 76-79.

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DE L'APPELLATION DE PÉRA DANS LES TEXTES BYZANTINS

Albert FAİLLER

Résumé: Le mot grec «péraia» (l'«autre rive», la «rive opposée») doit être considéré comme un nom commun. Même s'il désigne souvent le quartier auquel les Latins ont donné le nom de Péra, il ne constitue pas pour autant un toponyme. Il demeure un terme générique, qui, dans certains contextes ambigus, doit être accompagné d'un déterminatif.

L'adjectif substantive περαία (ή περαία, sous-entendu γη) est employé fréquemment dans les textes grecs classiques, puis byzantins. Il est un élé­ment de la terminologie maritime ou fluviale et il est utilisé pour désigner la rive opposée à celle où se tient soit l'auteur du récit soit l'acteur de la scène : c'est l'autre rive ou le pays d'en-face. Terme générique à l'origine, le mot est parfois passé dans la classe des noms propres, pour désigner soit une région, soit un lieudit : c'est ainsi que la partie de la Palestine située de l'autre côté (πέραν) du Jourdain est appelée la Pérée (Περαία). Mais les registres de recensement de la Grèce moderne présentent à peine une ou deux mentions de lieudits portant ce nom.

La question se pose dans divers textes byzantins tardifs : lorsque les Constantinopolitains désignent par le mot περαία la Péra des Génois, qui fait face à leur ville de l'autre côté de la Corne d'Or, entendent-ils employer un toponyme ou un nom commun de la terminologie maritime ? Le quartier a bien pris le nom de Péra dans les langues occi­dentales, mais est-ce la transcription du toponyme grec ou la dérivation d'un nom commun grec ? Le mot Péra des sources occidentales est dérivé de l'adverbe πέρα(ν), non de l'adjectif substantive περαία, qui aurait donné Peraea ou Perea, accentué sur la pénultième. En fait, ni πέραν ni περαία ne semblent avoir donné en grec un toponyme.

Bien que beaucoup d'éditeurs de textes, parmi lesquels j 'ai eu le tort de me ranger, aient commis cette erreur, accordé la majuscule au mot grec Περαία et à son équivalent dans leurs traductions (Péra/Péraia en français, Peraea en latin), il faut sans doute maintenir le terme dans son statut de nom commun. Pour le sens, c'est souvent une erreur vénielle,

Revue des Études Byzantines 56, 1998, p. 239-247.

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puisque c'est effectivement le quartier de Péra qui est visé dans le contexte la plupart du temps, mais la faute est plus grave sur le plan grammatical.

1. — C'est en confrontant divers passages de l'Histoire de Pachymérès que j 'ai mieux distingué les données du problème et constaté que j'avais donné à celui-ci une mauvaise solution dans la première partie de l'édi­tion. Le rapprochement des vingt occurrences du mot dans l'Histoire est éclairante. La formule est employée principalement pour situer à Péra quelques séries de faits : l'installation de la colonie génoise et son départ précipité devant l'arrivée des Vénitiens, l'incendie provoqué par les Vénitiens après le départ des Génois et divers autres incendies, l'exis­tence de communautés de frères latins. Citons d'abord les douze pas­sages qui ne présentent pas de difficulté (les mentions successives sont séparées par une simple virgule) : τους επί της περαίας Γεννουίτας, τοις κατά την περαίαν Γεννουίταις, φρερίοις έντυχόντες κατά που την περαίαν, Γεννουίτας... κατά την περαίαν, σκευαγωγησάντων και των 'Ρωμαίων έκ της περαίας [les Grecs de Péra avant l'incen­die], 'Ιταλών κατά την περαίαν, τον κατά την περαίαν άπαντα τόπον, οί γαρ κατά την περαίαν πασαν έσκευαγώγουν, κατά την περαίαν τοις Γεννουίταις, Γεννουίτας κατά την περαίαν, τοίς κατά την περαίαν φρερίοις, τους έν περαία κατωκημένους1.

Dans une deuxième série, le terme περαία ne concerne plus la Péra des Génois, mais une autre «rive opposée» à Constantinople ou à une autre région désignée comme lieu du récit ou point de référence du pro­tagoniste de l'action. S'il peut être appliqué à d'autres lieux que Péra, on soupçonnera qu'il s'agit d'un terme générique, puisque rien ne le diffé­rencie dans ses divers emplois. Le contexte montre alors que le mot est appliqué à divers sites : - la rive asiatique du Bosphore ou même, de manière plus large, l'en­semble de la côte de Bithynie, face à Byzance (πανταχού της περαίας, την περαίαν της Βυζαντίδος2) ; - la rive meridionale de l'Hellespont occupée par les Turcs, que les Catalans attirent vers Kallioupolis (ήκούετο δε και ώς Πέρσας έκ της περαίας καλεϊν βούλοιντο, ει καί πολλοί την περαίαν διακατέχοντες3).

Restent quatre cas, qui sont apparemment plus obscurs et donc sus­ceptibles d'apporter de nouveaux renseignements, mais qui obligent à un examen de détail et à une révision d'ensemble. Pour des raisons de com­modité, on les prendra dans l'ordre inverse de leur apparition dans le texte.

1. Voici les références aux passages cités : nouvelle édition, II, p. 471 4 5 , 53916, 57917 ; Bonn, II, p. 23816"17, 2395"6, 2424, 2692, 52914"15, 532910 , 5392, 61616, 6268.

2. Bonn, II, p. 4112"35 . 3. Bonn, II, p. 5433"4, 55718.

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Le quatrième cas est le moins clair. Comme deux autres passages mentionnés plus haut, il a trait aux Turcs qui, à l'automne 1306, pou­vaient approcher impunément la rive asiatique du Bosphore. L'historien rapporte que la forteresse de Hiéron, située sur la rive asiatique du Bosphore près de la mer Noire, fut attaquée par les Turcs qui, pour tra­duire littéralement, «se trouvaient à l'est de l'autre rive» (οί καθ'εω της περαίας Τούρκοι4). Qu'est-ce à dire? L'historien affirme plus haut que les Turcs ne s'aventurèrent que progressivement jusqu'au Bosphore : ils commençaient à faire des incursions jusqu'au détroit, comme le prouve l'occupation passagère de la forteresse de Hiéron, mais ils n'essayèrent cependant pas de s'y maintenir, parce qu'ils avaient conscience de ne pas être encore maîtres du terrain. En un mot, ils n'occupaient pas encore de manière permanente «la rive opposée» (la rive asiatique du Bosphore), mais se maintenaient «à l'est de cette rive». L'expression mentionnée dans le paragraphe suivant (επί της κατά βορραν περαίας) m'avait d'abord suggéré une correction, qu'on pouvait envisager d'autant plus naturellement que le texte de ce passage de l'Histoire n'est transmis que dans le manuscrit (Barberin. gr. 198-199), qui, de plus, est la moins fiable des copies. On obtiendrait ainsi, par le jeu d'une simple transposi­tion, l'expression suivante : οί της καθ'εω περαίας Τούρκοι («les Turcs de la rive opposée orientale»). Mais l'emploi d'un simple génitif (οι της περαίας) paraît douteux, car ailleurs le terme περαία est précédé d'une préposition, et on attendrait plutôt οί έπί της καθ'εω περαίας Τούρκοι, ou οί κατά την καθ'εω περαίαν Τούρκοι. Si l'expression pouvait cependant être retenue, elle qualifierait «les Turcs de la rive opposée orientale», qui seraient ainsi distingués des «Turcs occcidentaux» établis en Thrace aux côtés des Catalans ou des «Turcs méridionaux» de la côte de l'Hellespont que les Catalans cherchaient à attirer en Chersonese. Quoi qu'il en soit de ces hypothèses, on donnera la préférence à la leçon du manuscrit.

Le troisième passage concerne un cas qui n'a pas encore été relevé : le mot περαία désigne cette fois la région de Crimée, qui se trouve sur la rive septentrionale de la mer Noire. Ici, on peut se demander par rapport à quel point la Crimée est donnée comme «la rive opposée du nord», par rapport à Constantinople ou par rapport aux Tatars que l'historien appelle «orientaux». Nogaï, écrit l'historien, fut envoyé «par les chefs de sa nation... sur la rive opposée septentrionale» [ou «sur la rive opposée, au nord»] : πεμφθείς... έπΙ της κατά βορραν περαίας5. On peut suppo­ser que le texte exprime le point de vue du narrateur, plutôt que celui de l'ilkhan des Tatars, le donneur d'ordres. Ainsi l'historien situe l'action par rapport à lui-même, c'est-à-dire par rapport à Constantinople, plutôt

4. Bonn, II, p. 62711. Ce texte n'est malheureusement pas repris par le rédacteur de la Version brève, qui aurait peut-être éclairé la fonction des deux déterminatifs.

5. Bonn, II, p. 2632·3.

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que par rapport à l'Asie, comme semble l'avoir compris P. Poussines («obversae Asiae continentis boréales partes»).

Les deuxième et premier exemples, qui présentent un parallélisme évi­dent, sont, au premier abord, déconcertants. Mais, une fois situés dans l'ensemble, le sens devient apparent. Les deux passages concernent Péra : l'un a trait aux deux incendies qui s'y déclarèrent sous le patriarcat de Grégoire de Chypre (και άφίημι τα κατά την περαίαν την δυτικήν, ώς και άπαξ και δις ένεπρήσθη6), l'autre à l'installation des Génois sous le règne de Michel VIII (Γεννουίτας μεν κατά την προς δύσιν περαίαν προς τω Γαλατά... κατοικείν7).

Le parallélisme de la construction grammaticale de ces quatre exemples montre que le mot περαία est pris partout pour un nom com­mun, une simple indication géographique, susceptible de recevoir une précision topographique. L'historien identifie ainsi par un déterminatif une double «rive opposée» (περαία) : - la «rive opposée occidentale» (ή περαία ή δυτική ou ή προς δύσιν περαία), qui est la Péra des Génois, - la «rive opposée septentrionale» (ή κατά βορραν περαία), qui indique la Crimée.

Ainsi, lorsque le contexte est ambigu, le terme περαία exige une détermination pour être clair. En résumé, on peut distinguer, depuis Constantinople et en arc de cercle, quatre «rives opposées» : Péra (la rive «occidentale»), la Crimée (la rive «septentrionale»), la Bithynie (la rive «orientale»), la Mysie (la rive «méridionale»). La plus grande partie de l'empire est ainsi située sur la «rive opposée».

2. — Autour du terme περαία se regroupent une série d'harmoniques, qui éclairent encore mieux le sens du mot et mettent en valeur la narra­tion de l'historien constantinopolitain. Le voisinage maritime inspire son récit, de manière tout à fait logique : les visiteurs arrivent par mer, les armées victorieuses et vaincues également, les navires ennemis aussi. L'omniprésence de la mer apparaît encore dans le style même de l'histo­rien, qui multiplie les comparaisons ou métaphores inspirées par cet environnement maritime, qui donne à la Ville son décor.

L'adverbe πέραν («sur l'autre rive», «sur la rive opposée»), d'où les Latins ont tiré le nom de Péra pour désigner le quartier de Galata, est rarement utilisé par Georges Pachymérès, et une seule fois pour désigner Péra (οί... ΓεννουΙται πέραν τας οικήσεις ποιούμενοι8). Il indique parfois l'au-delà d'une mer : ainsi Tunis par rapport à la Sicile9. Mais il indique en général «l'au-delà» ou «l'autre rive» d'un fleuve: à l'occa-

6. Bonn, Π, p. 1787·8. 7. Nouvelle édition, I, p. 221 . 8. Bonn, II, p. 4893-4. 9. Nouvelle édition, II, p. 46521.

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sion, le Pénée en Thessalie10 ou la Maritza en Thrace11, mais surtout le Sangarios en Bithynie12. Dans une dernière occurrence, il indique 1'Hellespont où devait passer l'entourage de Mélèk Isaac en quittant la Thrace13. Dans le même contexte, on trouve un usage fréquent de verbes de la même racine : περαν/περαιοΰν, διαπεραν/διαπεραιοϋν, άντιπεράν/άντιπεραιοϋν, έκπεραν. Mais leur emploi ne pose pas de problème et n'induit pas d'obscurité.

Par contre, les deux dérivés, l'adjectif substantive άντιπέραια et l'ad­verbe άντίπεραν, présentent un registre de sens strictement parallèle à celui de περαία. Le terme άντιπέραια est habituellement accentué en proparoxyton dans les copies de l'Histoire, et cette accentuation a été étendue à tous les cas dans la nouvelle édition. C'est un équivalent redondant de περαία. Il est employé assez rarement. Dans deux formules identiques (την της Βυζαντίδος άντιπέραιαν, την άντιπέραιαν της Βυζαντίδος14), il indique successivement la Bithynie et Péra par rapport à la ville de Constantinople. Plus souvent, il désigne la Mysie par rapport à la Thrace ou Lampsaque par rapport à Kallioupolis (οι δε... περί την Λάμψακον, οί δε πλείους την άντιπέραιαν κατελάμβανον, διαπεραιούμενοι τον Έλλήσποντον ; εις τα κατ 'άντιπέραιαν άσφαλη ; οί δ'είς άντιπέραιαν ωρμων ; διαπεραιοΰνται και πασαν την άντιπέραιαν έπέχουσιν15). L'emploi de l'adverbe άντίπεραν est identique : il indique successivement Kallioupolis par rapport à Lampsaque (την άντίπεραν Καλλιούπολιν16), le continent face à Rhodes par rapport à Rhodes (τα άντίπεραν 'Ρόδου17), la Mysie par rapport à la Thrace (επί τοις άντίπεραν18), la Bithynie par rapport à la Thrace (προς την άντίπεραν19).

3. — Voilà les mots de la famille. Dans le cas de l'Histoire, la Version brève, qui fut composée moins d'un siècle plus tard et dont le but est de fournir un texte abrégé et simplifié, offre toujours un recours pour l'ex­plication grammaticale ou textuelle du modèle. On peut y faire appel aussi dans le cas présent. Commençons par les occurrences du mot περαία. Sur les vingt emplois signalés plus haut, on observe divers trai­tements de l'original : pour la moitié des cas, le passage n'est pas repris littéralement, et la substance du mot περαία n'apparaît nullement dans le nouveau texte. Dans deux cas seulement, le mot περαία est repris de l'original : il désigne successivement la rive de l'Hellespont par rapport à

10. Nouvelle édition, I, p. 27125. 11. Bonn, II, p. 6391015. 12. Nouvelle édition, II, p. 40513, 40718, 63313 ; Bonn, II, p. 32713, 33012, 33110. 13. Bonn, II, p. 63115. 14. Bonn, II, p. 1069'0, 44816. 15. Bonn, II, p. 31810"12, 4027, 44115, 48114"15. 16. Nouvelle édition, I, p. 1679. 17. Nouvelle édition, II, p. 4053. 18. Bonn, II, p. 5917. 19. Bonn, II, p. 6085.

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la Thrace20 et la Péra des frères latins21. Dans cinq cas, περαία est rendu par άντίπεραν, suivant la tendance du rédacteur de la Version brève à rendre des mots grammaticalement ou lexicalement faibles par des mots plus marqués, voire redondants ; voici comment sont rendus ces passages: τους αντίπερα Γεννουίτας, τοϊς κατ 'άντίπεραν Γεννουίτας, φρερίοις κατά την άντίπεραν, τα κατά άντίπεραν της πόλεως προς τω Γάλατα μέρει, το άντίπεραν της Βυζαντίδος22 . Dans les derniers cas, le terme générique περαία est remplacé par des mots différents, dont la caractéristique est d'être plus clairs : Galata (ταϊς οίκίαις του Γάλατα23), les pays nordiques (τα κατά τα βόρεια μέρη24 [remplaçant επί της κατά βορραν περαίας]).

Ajoutons que les six passages où άντιπέραια est employé dans l'ori­ginal n'ont pas leur équivalent dans la Version brève. Par contre, les quatre emplois de l'adverbe άντίπεραν dans le texte original sont conservés en l'état dans la Version brève, généralement sous la forme d'adverbes substantives : την αντίπερα Καλλιούπολιν, τα αντίπερα 'Ρόδου, επί της άντίπεραν, προς άντίπεραν25.

Comme la Version brève retient de son modèle les données les plus précises, en particulier les noms propres de personnes et de lieux, on peut supposer que le rédacteur du texte abrégé a considéré, d'une part, le mot περαία comme un terme générique et s'est efforcé, d'autre part, de l'exclure de sa recension, parce qu'il n'aurait pas présenté toutes les garanties de clarté.

4. — On a remarqué que le rédacteur de la Version brève a remplacé une fois la mention de περαία par Galata26. Mais, dans la mesure où, à cet endroit, il ne reprend pas l'original de manière littérale ou mot par mot, on ne peut pas conclure que le «Galatas» de la Version brève est le sub­stitut du περαία de l'original. De même, dans un autre cas, où l'original contient une double marque (κατά την προς δύσιν περαίαν προς τω Γαλατά27), le rédacteur de la Version brève se contente de relever la seconde, en lui donnant une forme légèrement différente (προς τω του Γαλατά μέρει). Autrement dit, les deux termes peuvent recouvrir une même réalité : le quartier de Péra ou de Galata. En fait, Georges Pachymérès semble réserver la dénomination «Galatas» à la forteresse

20. Équivalent du passage suivant de l'original : Bonn, II, p. 5433. Dans les notes sui­vantes de ce paragraphe, on se contentera de renvoyer, sans plus de précision, au passage du texte original que le rédacteur de la Version brève démarque.

21. Bonn, II, p. 61616. 22. Nouvelle édition, II, p. 4714, 53916, 57917 ; Bonn, II, p. 1787, 4115. La graphie et

l'accentuation de l'adverbe sont celles du manuscrit V (Vatican, gr. 1775) de la Version brève.

23. Bonn, II, p. 2396. 24. Bonn, II, p. 2633. 25. Nouvelle édition, I, p. 1679 ; II, p. 4053 ; Bonn, II, p. 5917, 6085. 26. Bonn, II, p. 2396. 27. Nouvelle édition, I, p. 2277.

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qui surplombait le quartier28. Mais le passage qui vient d'être cité laisse cependant penser que le mot avait déjà pris une acception plus large pour désigner un quartier. Une dernière occurrence du mot dans l'Histoire va dans le même sens : relatant l'attaque des Vénitiens contre les Génois de Péra, l'historien remarque qu'on suggéra de «jeter un pont sur le détroit de Galata avec des bateaux de pêche et des cargos»29.

Chaque fois que le texte original de l'Histoire contient le mot «Galatas», le rédacteur de la Version brève le reprend. Il a pour principe de conserver les données les plus précises de son original, et particulière­ment les noms propres de personnes ou de lieux.

5. — Il faut donc considérer le mot περαία comme un nom commun et le traduire par «l'autre rive» ou «la rive opposée». Il convient de corriger en conséquence les quatre occurrences contenues dans la première partie, déjà éditée, de l'Histoire de Georges Pachymérès30, aussi bien dans le texte grec que dans la traduction et dans l'annotation. Sur les quatre pas­sages, trois ne demandent qu'une correction rapide : ravaler au statut de nom commun le mot περαία, qui a été indûment gratifié d'une majus­cule, et convertir les Génois ou les frères de «Péra» en Génois ou frères de «la rive opposée».

Le premier passage demande plus. L'expression κατά την προς δύσιν περαίαν31 doit être rendue, comme on l'a vu plus haut, par «la rive opposée occidentale», qui viendra remplacer «la partie occidentale de Péra»32 : de fait, on ne voyait pas bien comment délimiter cette «par­tie occidentale de Péra près de Galata». Mais ce passage requiert une autre correction. L'analyse du mot περαία montre désormais de manière plus claire que la première occurrence du mot dans les manuscrits de l'Histoire ne peut être retenue, comme je l'avais déjà suggéré en note33, mais sans l'assurance qu'on peut avoir à présent. Dans ce passage qui relate l'octroi, à la colonie génoise, du «quartier qui fait face à la Ville, à la seule exception de la forteresse de Galata», il faut lire : καταντικρύ της πόλεως παρά μόνον το του" Γάλατα φρούριον34, car l'expression καταντικρύ της Περαίας (ou περαίας), qui est donnée unanimement par les manuscrits, ne peut avoir de sens, tandis que καταντικρύ της πόλεως («en face de la Ville», par rapport à la Corne d'Or) équivaut à περαία35. L'adverbe καταντικρύ, qui se convertit aisément en locution

28. Nouvelle édition, I, p. 16711, 1692, 1712426, 1773 (άνακομίζει... προς τον Γαλατάν το λείψανον : la dépouille de Basile le Bulgaroctone est transportée dans la for­teresse qui abrite l'armée), 2272·6·7.

29. Bonn, II, p. 3245"7 (γεφυροΰν άλιάσι καΐ φορτηγοίς... τον του Γαλατά πορθμόν).

30. Nouvelle édition, I, p. 2277 ; II, p. 4714, 53916, 57917. 31. Nouvelle édition, I, p. 2277. 32. Comme on l'a exposé plus haut, les deux expressions ή προς δύσιν περαία et ή

περαία ή δυτική s'éclairent mutuellement et ont une même signification. 33. Nouvelle édition, I, p. 226 n. 1. 34. Nouvelle édition, I, p. 2271"2.

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prepositive, est précisément utilisé ailleurs par l'historien pour former un équivalent précis de περαία, et cela dans le contexte du siège que Michel VIII dressa devant la forteresse de Galata en 1260, alors qu'il «essayait de prendre la citadelle qui fait face à Byzance et que l'on nomme Galata» (έφ'δ... πειρωτο κρατήσειν το καταντικρύ της Βυζαντίδος φρούριον, το ούτω πως λεγόμενον Γαλαταν36).

6. — On ne dispose pas d'index suffisants des œuvres byzantines pour effectuer une comparaison commode des textes. Je me contenterai de quelques références à une œuvre qui est comparable à l'Histoire de Georges Pachymérès, aussi bien par le style que dans le temps, et qui a bénéficié d'une récente réédition et d'une traduction anglaise : l'Histoire de Nicétas Chômâtes37. Dans un même contexte, le mot περαία a été considéré tantôt comme un terme générique tantôt comme un toponyme, aussi bien par les anciens éditeurs (H. Wolf et I. Bekker) que par le nou­vel éditeur ou le traducteur. Ces derniers ont relevé, dans leur index des noms propres, quelques occurrences du mot, qu'ils ont donc alors consi­déré comme un toponyme, puisqu'il figure dans l'index des noms propres, même lorsqu'il n'a pas été affecté de la majuscule dans le texte lui-même38. La comparaison de quelques emplois du mot περαία dans l'Histoire de Nicétas Chôniatès semble conduire à la conclusion que, dans cette œuvre aussi, il s'agit constamment d'un terme générique.

Il est probable que Nicétas Chôniatès et Georges Pachymérès font un usage identique du mot περαία. Un troisième historien, Nicephore Grègoras, adopte un même dispositif. J. Boivin était arrivé à cette conclusion, au moment de rééditer, en 1702, l'Histoire de Nicephore Grègoras, dont H. Wolf avait donné une première édition en 1562. Proche de certaines formules de Georges Pachymérès mentionnées plus haut, l'expression de Nicephore Grègoras désigne la forteresse de Galata dans les termes suivants : το κατά την περαίαν του Γαλάτου έπικεκλημένον φρούριον39. Le premier éditeur rendit ainsi la formule : «castellum Peraeae, cognomento Galatae». J. Boivin corrigea avec rai­son : «castellum cognomento Galatae in ad verso littore situm». Dans ses notes40, il terminait ainsi son commentaire sur ce passage : «περαία hoc

35. Mais καταντικρύ της περαίας, sous la plume d'un Constantinopolitain, désigne­rait... Constantinople elle-même !

36. Nouvelle édition, I, p. 16710-11. 37. Éditée par I. A. VAN DIETEN, I-II, Berlin - New York 1975 ; traduite par H.

J. MAGOULIAS, City of Byzantium, Annals ofNiketas Chôniatès, Detroit 1984. 38.1. A. VAN DIETEN (II, index, p. 69) cite quatre passages : p. 25021, 3466, 54260, 55288.

H. J. MAGOULIAS (index, p. 437) n'en mentionne que deux : p. 297 (= éd., p. 54260), p. 302 (= éd., p. 55288).

39. GRÈGORAS, IV, 1,4: Bonn, I, p. 8023"24. Nicephore Grègoras s'inspire probablement du chapitre de Georges Pachymérès (II, 20), qui porte le titre suivant : «De l'attaque de l'empereur contre la forteresse de Galata» ; mais ce chapitre ne contient cependant pas le terme περαία.

40. GRÈGORAS : Bonn, II, p. 1165.

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DE L' APPELLATION DE PÉRA 247

loco adversum littus significat. Quodsi castellum illud hodie Pera dici-tur, non idcirco Gregorae verbis vis facienda est.» La même critique peut être adressée à mon édition de l'Histoire de Georges Pachyméres : il n'y avait pas lieu de faire violence aux termes employés par l'historien ! Mais l'édition de la seconde partie de l'Histoire rachètera l'erreur com­mise à quatre reprises dans la première partie.

Albert FAILLER C.N.R.S.-UMR186 et Institut français d'études byzantines (IFEB)

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LA CONFERENCE SUR LA VENERATION DES IMAGES EN DÉCEMBRE 814*

Tatiana MATANTSEVA

Résumé : Les différents témoignages sur cette réunion sont discordants, mais il est pos­sible de reconstituer l'enchaînement des événements et peut-être de retrouver une source commune à tous les textes qui nous sont parvenus.

En 814, lors de la campagne de propagande de Léon V en faveur de l'iconoclasme, à la veille de la persécution des iconophiles, la réunion du clergé iconophile autour de l'empereur, où a été discutée la légitimité de la vénération des icônes, constitue un moment clé dans l'histoire du second iconoclasme. La suite des événements, telle qu'elle est présentée par P. J. Alexander et adoptée par les byzantinistes, est la suivante : démarches de Léon pour assurer à l'iconoclasme une plate-forme idéolo­gique, entretien privé de l'empereur avec le patriarche au sujet de la vénération des icônes, discussion de Léon avec le clergé sur le même sujet, veillée des iconophiles qui contrarie l'empereur, suppression sous un prétexte insignifiant de l'icône de la Chalké ; la veille de Noël, lecture du florilège iconoclaste dans la résidence du partiarche, qui encourage

* Abréviations : TH. ST., ep. Theodoři Studitae Epistulae, éd. G. FATOUROS, Berlin 1991-1992 (CFHB

XXXI / 1-2). V. Euth. S. J. GOUILLARD, La Vie d'Euthyme de Sardes ( t 831), une œuvre du

patriarche Méthode, TM 10, 1987, p. 1-101 (BHG 2145). Scr. Inc. Scriptor Incertus de Leone, éd. BEKKER, dans LÉON LE GRAMMAIRIEN,

Chronographia, Bonn 1842, p. 335-3622 (éd. de F. IADEVAIA, Messine 1987, délibérément laissée de côté).

V. Nicét. Méd. Vie de saint Nicétas de Médikion (BHG 1341) par Théostèriktos, éd. AASS April I, p. xxii-xxxii.

V. Nicéph. CP Vie de saint Nicéphore de Constantinople par le diacre Ignace (BHG 1335), éd. DE BOOR, Nicephori archiepiscopi Constantinopolitani opuscula historica, Leipzig 1880, p. 139-217.

VTSB Vie de saint Théodore Stoudite par Michel le Moine ([B], BHG 1754), éd. MAI, PG 99, 234-328, les sigles VTSA et VTSC renvoyant aux deux autres Vies.

Revue des Études Byzantines 56, 1998, p. 249-260.

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les iconophiles à rester fidèles à l'orthodoxie ; le jour de Noël, confé­rence sur les images au Grand Palais ; en conclusion, mesures drastiques contre les iconophiles l. Une telle reconstitution résulte, à notre sens, de la superposition hâtive de différentes sources, principalement du Scriptor Incertus et de la Vie de Nicétas de Médikion.

Présentation des sources

Tout d'abord, nous avons deux brefs témoignages provenant de per­sonnages qui assistaient à ces événements : une remarque rapide de Théodore Stoudite, mentionnant que Léon voulait engager une discus­sion avec les iconoclastes sur le dogme et y avait renoncé (ep. 47848"50) ; le récit du futur patriarche Méthode, dans la Vie d'Euthyme de Sardes, qui prétend ne retenir de la Conférence que ce qui concerne son héros et se contente de citer son discours (V. Euth. S. 9, 1. 171-190). Ces brèves données attestent la réalité de cette réunion et en rapportent certains détails.

Ensuite, nous possédons quatre documents, rédigés peu de temps après la Conférence, qui relatent ces événements d'une manière plus ou moins détaillée: ce sont le Scriptor Incertus, la Vie de Nicétas de Médikion, la Vie du patriarche Nicéphore et la Vie de Théodore Stoudite.

Le Scriptor Incertus, daté du 9e s., mais dont la datation plus précise est discutée2, constitue la seule source qui donne un exposé plus ou moins détaillé sur les démarches de Léon, qui ont précédé la persécution des iconophiles : ainsi il fournit le contexte historique assez précis de la Conférence sur la vénération des images, qu'il présente par ailleurs assez sommairement.

La Vie de Nicétas de Médikion par Théostèriktos, contemporain du deuxième iconoclasme, rédigée entre 829 et 8443, constitue une bonne source, en décrivant d'une manière suivie le déroulement des faits 4.

La Vie du patriarche Nicéphore, œuvre d'Ignace le Diacre, autre contemporain, offre, en comparaison des autres textes, une version fort animée et émouvante, fourmillant de recherches rhétoriques, avec des discours du héros allant jusqu'à une dizaine de pages, mais elle est très pauvre en détails précis sur le sujet qui nous occupe5, malgré son ancienneté.

1. P. J. ALEXANDER, The patriarch Nicephorus of Constantinople, Oxford 1958, p. 126-135 ; cf. G. DAGRON, L'iconoclasme et l'établissement de l'orthodoxie, dans Histoire du christianisme 4. Évêques, moines et empereurs, Paris 1993, p. 139-143.

2. Cf. The Oxford Dictionary of Byzantium, III, Oxford 1992, sub voce. 3. ALEXANDER, Nicephorus, p. 126 n. 2 et ŠEVČENKO, Hagiography of the Iconoclast

Period, dans Iconoclasm, éd. A. BRYER, J. HERRIN, Birmingham 1977, p. 118 η. 42. 4. Sa valeur a été signalée par P. J. ALEXANDER, ibidem, p. 126 ; p. 130, n. 2. 5. J. KARAYANNOPOULOS, G. WEISS, Quellenkunde zur Geschichte von Byzanz (324-

1453), II, Wiesbaden 1982, p. 349, n° 223.

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La Vie de Théodore Stoudite, rédigée entre 868 et 878 6, fournit pro­bablement le plus récent de nos quatre témoins. Mettant en avant son héros, Théodore, aux dépens des autres participants de la Conférence, l'auteur garde néanmoins l'ordre détaillé des événements, de façon plus ou moins cohérente, et ce facteur donne une certaine valeur à son témoi­gnage.

Quant à la Chronique de Georges le Moine7, rédigée vers le troisième tiers du 9e s.8, elle dépend, pour son exposé sur la Conférence, de la Vie de Nicétas de Médikion, comme le révèlent tout au long les passages qu'elle a en commun avec celle-ci, à partir de la mort de l'impératrice Irène9, et nous l'écartons de notre examen. Les autres sources relatives à la Conférence de Noël, la Vie de Georges de Mityléně, celle de Théophile de Nicomédie (BHG 2451)10 et l'Éloge d'Euthyme de Sardes par Métrophane (BHG 2146)n , sont pauvres en renseignements concrets, dénonçant ainsi leur date tardive ; aussi nous y référerons-nous rarement.

Date de la conférence Si on examine les quatre sources retenues, en tenant compte de la

chronologie interne de chacune (v. tableau), on remarque tout d'abord que, en ce qui concerne la période précédant la Conférence, deux de nos sources, la Vie de Nicéphore de Constantinople et la Vie de Théodore Stoudite (= VTSB) concordent toujours avec la Vie de Nicétas de Médikion ; nous les écartons donc pour l'instant de notre analyse. En comparant les sources, on constate qu'elles ne relatent qu'une seule dis­cussion entre le clergé et l'empereur sur la vénération des icônes, alors que la reconstitution habituellement proposée en présente deux, la pre­mière tout au début de la campagne iconoclaste de Léon et la deuxième qui est la Conférence de Noël.

Une telle interprétation provient probablement d'une confusion entre deux événements : la discussion de l'empereur avec le clergé à propos des icônes et la cérémonie de Noël, pendant laquelle le patriarche s'adresse à l'empereur pour défendre la vénération des images (épisode figurant seulement dans le Scriptor Incertus), c'est pourquoi on a

6. Voir notre article Éloge des archanges Michel et Gabriel par Michel moine {BHG 1294a), JOB 46, 1996, p. 123-124.

7. Chronicon, éd. C. DE BOOR, I-II, Leipzig 1904. 8. Voir l'aperçu de la discussion dans The Oxford Dictionary of Byzantium, sub voce. 9. Voir l'apparat critique p. 774, 778-780. Remarquons que Georges le Moine insère

ce récit assez négligemment, admettant une incohérence : le patriarche Nicéphore est chassé (p. 77710"11), et c'est après cela que la Conférence a lieu (p. 778-779) ; ensuite, il relate une seconde fois l'expulsion du patriarche (p. 7805"6).

10. Éd. A. VOGT, S. Théophylacte de Nicomédie, An. Boll. 50, 1932, p. 71-82. 11. Éd. A. PAPADAKIS, The unpublished life of Euthymius of Sardi: Bodleianus

Laudianus graecus 69, Traditio 26, 1970, p. 63-89.

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confondu arbitrairement la dispute sur les images au Palais, rapportée dans la Vie de Nicétas de Médikion, avec cette cérémonie de Noël.

Or, le Scriptor Incertus ne fait aucune mention d'une discussion sur les images qui aurait suivi l'exhortation du patriarche: à ce discours, l'empereur répondit seulement par une ruse, feignant de vénérer les icônes, ce qui gagna à sa cause la majorité du clergé. Quant à la date de la discussion proprement dite, les autres sources ne fournissent aucun indice explicite, mais elles la présentent comme la première démarche officielle de l'empereur dans sa campagne iconoclaste. Il est clair qu'il n'y a pas de raison d'identifier les deux événements en question.

D'autre part, les informations du Scriptor Incertus concernant les entretiens de l'empereur avec le patriarche et le clergé au début de décembre concordent pour l'essentiel avec les données sur la Conférence fournies par les autres sources : le tête-à-tête avec le patriarche, qui pré­cède la discussion avec le clergé, le déroulement et le contenu de la dis­cussion. Il en va de même pour le fond des propos tenus à cette réunion : une partie de la tirade du patriarche (35217"22) est très proche du discours d'Euthyme de Sardes figurant dans la Vie de Nicétas de Médikion (xxixE-xxxA) et l'argumentation des iconophiles, qui renoncent à mettre en cause les décisions du Concile (35317 20), est à rapprocher d'un autre passage du même discours (xxxA). Deux détails diffèrent: première­ment, la participation du patriarche à la discussion de l'empereur avec le clergé, alors qu'elle est niée par le Scriptor Incertus. En second lieu, la place de la discussion par rapport à la veillée des iconophiles (pour le Scriptor Incertus, cette veillée a lieu après la Conférence, alors que pour les autres sources elle la précède). Ces deux divergences sont à nos yeux d'ordre secondaire, comparées aux éléments concordants ; elles sont donc sans influence pour notre démonstration.

Examinons néanmoins de près, dans les deux documents, les circons­tances de la veillée des iconophiles. Le Scriptor Incertus indique implicite­ment qu'elle eut lieu dans la résidence du patriarche après la Conférence, tandis que la Vie de Nicétas de Médikion la situe dans la Grande Église, avant la Conférence, la considérant comme une réaction du patriarche aux manœuvres iconoclastes de l'empereur, qui recrutait des collaborateurs pour sa cause. Ainsi, la localisation de la veillée est problématique : le Scriptor Incertus signale une réunion de prière privée, et la Vie de Nicétas lui donne un caractère, pour ainsi dire, officiel ou public. Or, cela révèle un trait contradictoire de la Vie de Nicétas : un acte public du patriarche est présenté comme une réaction aux démarches non-officielles de l'empereur, ce qui met en cause l'exactitude de cette information et invite à soupçon­ner une modification postérieure.

Notons à ce propos que la résidence patriarcale était attenante à Sainte-Sophie n ; sans doute, aux yeux de l'auteur de la Vie de Nicétas,

12. R. JANIN, La géographie ecclésiastique de l'empire byzantin, I. Le Siège de Constantinople et le patriarcat œcuménique, 3. Les églises et monastères, Paris2 1969, p. 177-180.

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la différence entre les deux locaux n'était-elle pas tellement importante, et il situe la réunion du clergé iconophile dans la Grande Église pour donner plus d'éclat à cet événement.

Ainsi, nous pouvons identifier les entretiens de l'empereur avec le patriarche et le clergé, début décembre, dont nous parle le Scriptor Incertus, avec la discussion sur les images au palais qui figure dans la Vie de Nicétas de Médikion. Ce qui impose une mise au point impor­tante dans la reconstitution des événements : la discussion du clergé, au palais, n'a rien à voir avec la cérémonie de Noël et n'a donc pas eu lieu le 25 décembre 814, mais au début de ce même mois.

Les porte-parole

Nous trouvons la liste des figures les plus engagées lors de la Conférence dans deux sources : la Vie de Nicétas de Médikion, qui cite Émilien de Cyzique, Michel de Synnada, Théophylacte de Nicomédie, Pierre de Nicée, Euthyme de Sardes et Théodore Stoudite, alors que la Vie de Théophylacte de Nicomédie 13 nomme Euthyme de Sardes, Émi­lien de Cyzique, Joseph de Thessalonique, Eudoxe d'Amorion, Michel de Synnada et Théophylacte de Nicomédie. Les divergences de noms entre les deux listes, Pierre de Nicée et Théodore Stoudite dans la pre­mière, à qui la deuxième substitue Joseph de Thessalonique et Eudoxe d'Amorion, suscitent quelques réflexions.

Par ailleurs, nous rencontrons une enumeration très proche de ces listes dans le Synodikon de l'Orthodoxie (1. 121-124)14 : Euthyme de Sardes, Théophile d'Éphèse, Émilien de Cyzique, Théophylacte de Nicomédie, Pierre de Nicée, Michel de Synnada, Joseph de Thessalonique, similitude déjà remarquée par J. Gouillard, qui y voit une représentation symbolique de cette réunion 15. Faute d'autres informa­tions directes à ce sujet, il est difficile de décider laquelle de ces trois

13. V. Grumel identifie une mention dans la Vie de Théophylacte qui concerne la réunion du clergé autour du patriarche, à celle du Scriptor Incertus qui parle de la réunion où a été lu le florilège iconoclaste (Les regestes des actes du patriarcat de Constantinople, I. 2, Paris 19892, n° 391) ; il considère donc que la liste de la Vie de Théophylacte cite les participants à la réunion chez le patriarche et non ceux qui assis­taient à la Conférence. Or cela contredit le contexte de la Vie, où nous lisons que les hié­rarques en questions, après avoir été encouragés par le patriarche «αυθαιρέτως τώ τυραννώ προσέρχονται γραφικαίς άποδείζεσι διδασκαλίαις τε και παραινέσεσι συμβουλεύοντες της μισοχρίστου άποστηναι αΐρέσεως» (ρ. 79, fin § 12) ; il s'agit sans aucun doute de la Conférence qui a suivi la réunion chez le patriarche.

14. Daté de 843, éd. J. GOUILLARD, Le Synodikon de l'Orthodoxie. Édition et commen­taire, TM 2, 1967, p. 141.

15. Ibidem, p. 143. Nous signalons une inexactitude dans l'interprétation de J. Gouillard: à la suite de V. Grumel, qui identifie la réunion du clergé autour du patriarche relatée par la Vie de Théophylacte et celle sur la réunion où a été lu le florilège iconoclaste rapportée par le Scriptor Incertus (voir note 13), il définit cette réunion comme «collège synodal de 814 duquel la restauration orthodoxe de 843 entend tirer sa légitimité».

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listes est dans le vrai ; cependant, nous croyons utile de présenter quelques considérations, fondées sur les éléments pertinents.

La Vie de Théophylacte, œuvre très éloignée de l'époque du saint16 et très pauvre en détails, contient néanmoins un renseignement précieux qui est le nom d'Eudoxe, évêque d'Amorion ; en dehors de la Vie de Théophylacte, cet évêque est cité dans une source contemporaine des événements17 parmi les personnages compromis dans la révolte de Bardanios Tourkos 18, circonstance qui suggère qu'Eudoxe était persona non grata et pourrait expliquer la rareté des informations à son propos. Mais en même temps cela atteste l'authenticité de la liste des porte-parole fournie par la Vie de Théophylacte, puisque son auteur ne pouvait y introduire de son chef ce personnage peu connu de son temps, mais l'avait sans doute découvert dans une autre source relative à la Conférence, différente de la Vie de Nicétas et probablement plus ancienne.

Quant au nom de Théodore Stoudite, il peut être mis en doute, du fait que la Vie de Nicétas est conservée dans un unique manuscrit qui est d'origine stoudite19 ; étant donné que les rapports entre Nicétas de Médikion et Théodore ne furent pas toujours très amicaux 20, il est pos­sible que nous ayons ici affaire à une version modifiée de cette Vie dans un contexte pro-stoudite 21, et on peut supposer qu'un correcteur a volon­tairement substitué à Joseph de Thessalonique son frère Théodore Stoudite. D'autre part, Théodore se distingue des porte-parole évêques figurant dans les deux autres listes par sa qualité d'higoumène, élément qui confirme notre hypothèse.

Pierre, métropolite de Nicée, est connu comme proche de Théodore Stoudite : destinataire de six de ses lettres, pleines de louanges à son égard22, objet d'un éloge funéraire qui vante sa piété et sa fermeté dans la confession (ep. 544, P. Cat. 266568) ; il accompagnait Théodore lors de sa visite chez saint Ioannikios 23. Il est intéressant de noter que, dans toute l'œuvre de Théodore, nous ne trouvons aucune allusion à un épi­sode compromettant pour sa figure de confesseur, quand Pierre s'était trouvé parmi les lapsi qui se rallièrent aux iconoclastes 24, ce qui pourrait expliquer l'absence de son nom dans la liste la plus ancienne, celle reprise par la Vie de Théophylacte.

16. ŠEVČENKO, Hagiography, p. 118 et n. 39. 17. J. GOUILLARD, Une œuvre inédite du patriarche Méthode : la vie d'Euthyme de

Sardes, BZ 53, 1960, p. 36-40. 18. J. GOUILLARD, Euthyme, p. 5 n. 31. 19. Vatic, gr. 1660. 20. E. VON DOBSCHÜTZ, Methodios und die Studiten, BZ 18, 1909, p. 81-82. 21. Ibidem,p. 82-83. 22. Voir l'index des destinataires des lettres dans l'édition de G. Fatouros. 23. Vie de Ioannikios par Pierre {BHG 936), AASS Novembre II. 1, p. 404C. 24. V. Nicét. Méd., p. XXX-XXXI.

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Source préexistante sur la Conférence ?

Si nous confrontons nos témoins au sujet de la campagne iconoclaste «idéologique» de Léon, nous relevons des éléments constants, présentés d'une manière plus ou moins complète : ayant embrassé l'iconoclasme pour assurer la longévité de sa dynastie, Léon cherche et trouve des adhérents qui préparent une base pour sa propagande ; la Conférence sur la vénération des images a lieu ; les iconophiles se rassemblent chez le patriarche, ce qui contrarie l'empereur. Cette convergence peut faire pen­ser que ces documents remontent, d'une manière ou de l'autre, à une source commune, qu'ils utilisent à leur guise, en omettant, complétant ou modifiant certains éléments.

Examinons de plus près comment cette séquence est introduite par les sources dans l'ensemble de la narration. Comme nous l'avons déjà remarqué, le Scriptor Incertus décrit la Conférence assez sommairement, sans indiquer explicitement les circonstances concrètes, et c'est ce qui semble avoir provoqué la confusion dans la reconstitution des événe­ments chez les byzantinistes modernes ; pour cette raison, ce document n'est pas pertinent pour le problème posé. Il en va de même pour la Vie du patriarche Nicéphore.

La Vie de Théodore Stoudite considère cet épisode comme un des hauts faits de la carrière de Théodore confesseur ; il est utile, pour notre étude, de reprendre les lignes générales de ce récit : Léon, qui ignore la doctrine iconodoule, est corrompu par des esprits faux, parmi lesquels Jean le Grammairien, et veut proclamer l'iconoclasme. D'abord, lors d'un entretien en tête-à-tête, il cherche à gagner le patriarche de diffé­rentes façons ; mais, ayant échoué, il prend place sur son trône, et fait appeler les autres iconophiles pour leur demander de réviser le dogme sur les images ; les iconophiles lui répliquent en exposant la doctrine patristique. Mais l'empereur exige qu'ils engagent une discussion avec ses suppôts sur la vénération des images ; les iconophiles s'y refusent, et Théodore, en discutant avec Léon, présente les raisons de ce refus. Irrité, l'empereur chasse du palais les iconophiles qui rentrent à la résidence du patriarche et se tiennent autour de Théodore (§ 30-32).

Cet exposé présente deux incohérences patentes25: premièrement, n'ayant pas réussi à persuader le patriarche, l'empereur Léon prend place sur son trône et fait appeler le clergé pour s'entretenir de la vénération des images. Les circonstances de l'entretien avec le patriarche n'étant pas décrites, c'est seulement la mention de l'empereur siégeant sur son trône qui nous laisse penser qu'il s'agit d'une procédure officielle se déroulant au palais. En second point, l'audience terminée, nous voyons le clergé iconophile rentrer à la résidence du patriarche ; or, nous igno-

25. Notons que VTSA et VTSC corrigent ces incohérences : dans le premier cas, elles montrent Léon rassemblant le clergé avant de prendre place sur son trône, 172BC et 279 0-34. jjgjjg j e second, elles ne parlent pas d'un retour du clergé chez le patriarche, 184B et2827"8 (BHG 1755, 1757).

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rions leur visite précédente chez Nicéphore. Ces incohérences semblent montrer que l'auteur a utilisé une source préexistante qu'il a introduite dans la Vie sans faire les remaniements nécessaires pour l'adapter au contexte de celle-ci.

Une des «soudures» par lesquelles cette source supposée se rattache à VTSB est évidente : le brusque saut que notre récit fait, au début, de Jean le Grammairien à Léon (§ 30,1. 6-12 ; 12-18), comme si c'était Jean qui tentait de séduire le patriarche, et non l'empereur.

Il est significatif à ce propos que dans VTSB nous rencontrions une autre fois ce phénomène d'emprunt d'une source préexistante, qui, elle, nous est conservée. Il s'agit du récit des derniers jours de Théodore ; ce texte suit ici (§ 63-66) presque mot à mot, plusieurs folios durant, l'Encyclique par Naucratios sur la mort de Théodore (BHG 1756)26 ; les différences entre les deux textes, sauf celles qui résultent du changement de construction 27, sont pour la plupart insignifiantes, pour le sens et pour le style, si bien qu'on peut les considérer comme des variantes impu­tables aux copistes.

La Vie de Nicétas de Médikion laisse voir également le caractère adventice de ce qui concerne la Conférence de décembre. Cet épisode, qui est présenté d'une manière détaillée (§ 31-37) et qui est précédé d'une vaste digression sur l'histoire de l'iconoclasme (§ 25-31), n'a pas de rapport direct avec le sujet de la Vie, puisque son héros ne faisait pas partie de la Conférence, et il constitue ici un véritable corps étranger.

En ce qui concerne le rapport entre ces deux documents, nous pou­vons constater que VTSB, plus récente, ne dépend pas de la Vie de Nicétas de Médikion, bien qu'elle lui ressemble beaucoup28. C'est que la version des faits dans VTSB couvre une suite d'événements plus éten­due que celle de la Vie de Nicétas, allant jusqu'à la réunion dans la rési­dence patriarcale — avec l'énoncé de cet événement qui contient la deuxième erreur de rédaction —, tandis que la Vie de Nicétas s'arrête à la Conférence.

Le fait que nos deux sources présentent deux versions des faits, proches mais indépendantes l'une de l'autre, indique qu'elles remontent à une source commune et renforce notre hypothèse sur l'existence de cette source qui figurera dorénavant dans notre étude sous le nom de Récit sur la Conférence. Nous considérons donc que les passages en

26. PG 99, 1841 A-1845AB. 27. L'Encyclique est rédigée à la première personne. 28. Un élément commun, entre autres, est qu'une partie des discours de Théodore dans

VTSB suit de très près la tirade du même personnage dans la Vie de Nicétas de Médikion, 284A et xxxAB. Il est intéressant de noter que cette tirade de Théodore est comparable

par le fond avec le passage d'une lettre de Théodore où il explique pourquoi il a renoncé à engager la dispute sur le culte des images avec l'empereur Michel II (ep. 47856"58). Peut-on considérer cette convergence comme un indice que V. Nicét. Méd. et VTSB reflètent des propos vraiment tenus lors de la Conférence de décembre ?

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question de la Vie de Nicétas de Médikion et de VTSB sont inspirés du Récit sur la Conférence.

Quelques détails concernant le Récit sur la Conférence

1. Que ce Récit (ou plusieurs Récits ?) ait réellement existé, nous avons de cela quelques indices. Il s'agit tout d'abord d'une remarque assez imprécise du futur patriarche Méthode : malgré la brièveté affichée, Méthode, en effet, contrairement à Michel le Moine, esquisse les circons­tances de la Conférence. En relatant, dans la Vie de Saint Euthyme de Sardes, le comportement courageux de son héros à la Conférence, l'auteur, avant de commencer son exposé sur la Conférence, précise qu'il présentera seulement les propos de saint Euthyme et écrit : Είτα ηρξατο [sc. l'empe­reur Léon] μεν εις το κοινόν, τρόπω και ήμερα και προφάσει όποίοις δηλουν ου μοι ανάγκη καθέστηκεν, έτέροις τάχα γραφεΐσιν ή και γραφησομένοις τοις τα εκκλησιαστικά ιστορήσουσιν έμοί γαρ τα του άγιου λεκτέον μόνον. — «Là-dessus, il commença à agir publique­ment : comment, quand et sous quel prétexte, je n'ai pas à l'exposer ici ; cela a pu être déjà écrit ou le sera par d'autres qui feront l'histoire de l'É­glise, pour moi, je n'ai à rapporter que ce qui concerne le saint» (Vf Euth. Sard. § 9,1. 164-166).

Les mots έτέροις τάχα γραφεΐσιν ή και γραφησομένοις τοις τά εκκλησιαστικά ιστορήσουσιν, malgré l'imprécision due à la recherche rhétorique, nous attestent, en ce qui concerne le Récit supposé, le fait que, s'il n'était pas encore rédigé, il était du moins projeté de le faire ; dans le cas contraire, Méthode n'aurait pas mentionné la possibilité que ce Récit ait pu être déjà écrit.

2. Nous pouvons, semble-t-il, nous faire une idée de la véracité du Récit sur la Conférence. En effet, si nous comparons la version du dis­cours d'Euthyme de Sardes donnée par le patriarche Méthode et celle de la Vie de Nicétas de Médikion, nous relevons des éléments communs : les deux discours défendent la vénération des icônes en se référant à la tradition de l'Église qui la sanctionne (xxixE; § 9, 1. 175-180), et en jetant contre les iconoclastes un anatheme inspiré du Concile de Nicée Π (xxxA ; § 9,1. 185-190 et n. 90). Pour expliquer cette convergence, deux hypothèses sont possibles : a) la version de la Vie de Nicétas de Médikion remonte ici à Méthode ; dans ce cas, nous constatons que le Récit a utilisé de bonnes sources (rappelons que Méthode était témoin oculaire de la Conférence) ; b) le Récit a puisé ses informations à une source indépendante de Méthode, mais proche de la réalité.

Certes, les maigres données dont nous disposons nous ont permis de vérifier le Récit sur un seul point, ce qui n'est pas suffisant pour soutenir qu'il est également fiable pour la totalité de ses informations ; néan­moins, ce résultat constitue un indice important que le Récit sur la Conférence est assez proche de la réalité.

3. Les bévues de VTSB dans le passage sur la Conférence, qui, ainsi que nous l'avons montré, accusent la dépendance de ce passage par rap-

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port au Récit sur la Conférence, peuvent être expliquées à partir des ver­sions du même Récit qui figurent dans les autres sources.

La mention surprenante de l'empereur siégeant sur son trône peut s'expliquer ainsi : la source de VTSB sur la Conférence, dans la partie qui précédait le passage utilisé, décrivait les circonstances de cette réunion du clergé, comme nous le constatons dans la Vie de Nicétas de Médikion, qui nous informe que la discussion avec le patriarche et le clergé a eu lieu au Palais.

Pour expliquer la deuxième méprise, nous devons tout d'abord com­parer la réunion du clergé après l'audience impériale, rapportée par VTSB, avec les données des autres sources. VTSB veut que la figure clé de cet épisode soit Théodore, à qui les autres confesseurs auraient rendu hommage pour sa brillante apologie de la vénération des images devant l'empereur ; nous apprenons ensuite que l'éparque de la Ville a dissous ce rassemblement. La première affirmation est douteuse : conformément aux règles de l'hagiographie, l'auteur met trop en avant l'higoumène stoudite au détriment des autres protagonistes de cette réunion, y com­pris du maître des lieux, le patriarche. Ce que nous pouvons retenir, abs­traction faite du rôle de Théodore, ce sont les circonstances et «l'ordre du jour» de cette affaire, à savoir la réunion du clergé chez le patriarche après l'audience impériale, où il s'agissait de la vénération des images, réunion qui a été dissoute par les pouvoirs publics.

En comparant ces éléments avec la description de la veillée des icono-philes chez le Scriptor Incertus, nous les y retrouvons tous, avec la seule différence que le Scriptor Incertus n'est guère précis quand il expose la réaction immédiate de l'empereur devant la veillée, disant seulement que l'empereur redoublait de fureur contre la vérité (πλέον έμαίνετο κατά της αληθείας, 35413) ; nous pouvons néanmoins retenir qu'il se montra hostile envers cette réunion, ce qui concorde avec l'affirmation de VTSB qu'elle fut dissoute par l'éparque. La ressemblance entre ce que nous disent le Scriptor Incertus d'une part et VTSB de l'autre sur ce rassem­blement du clergé après l'audience impériale nous permet donc de rap­porter ces deux témoignages au même événement.

Revenons à la deuxième méprise dans l'exposé de VTSB. L'affirmation sur le clergé iconophile rentré à la résidence du patriarche après l'audience au Palais ne peut s'expliquer que par le fait que la source de VTSB parlait de deux réunions du clergé chez le patriarche, avant et après la Conférence. Cette conclusion permet de comprendre la divergence entre le Scriptor Incertus et la Vie de Nicétas de Médikion : s'ils situent différemment la Conférence par rapport à la veillée des ico-nophiles (v. supra), c'est que les deux œuvres ont probablement omis chacune une des deux réunions qui figuraient dans leur modèle. La deuxième bévue de VTSB contribue ainsi à résoudre une des diver­gences qui apparaissent entre les autres sources, en même temps qu'elle fournit une donnée supplémentaire sur le contenu du «Récit sur la Conférence».

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La nouvelle reconstitution des événements

La reconstitution des événements autour de la Conférence sur la véné­ration des images à laquelle nous aboutissons est donc la suivante : démarches de Léon pour assurer à l'iconoclasme une plate-forme idéolo­gique ; réunion des iconophiles chez le patriarche ; convocation du clergé iconophile en décembre 814 au Grand Palais pour une discussion sur la vénération des images, en deux étapes : d'abord un entretien privé de l'empereur avec le patriarche, ensuite une discussion publique avec le clergé ; veillée des iconophiles dans la résidence du patriarche, ce qui irrite l'empereur; suppression sous un faux prétexte de l'icône de la Chalké par l'empereur ; à la veille de Noël, lecture du florilège icono­claste dans la résidence du patriarche qui encourage les iconophiles à rester fidèles à l'orthodoxie; cérémonie de Noël 814, où le patriarche implore Léon de ne pas proclamer l'iconoclasme ; mesures drastiques prises contre les iconophiles.

Pour terminer, signalons l'existence d'une enluminure qui représente la Conférence, celle d'un Psautier provenant du monastère de Stoudios et daté de 1066 {Brit. Mus. add. 19. 352, f. 27v), où nous voyons Léon avec le patriarche Nicéphore à sa gauche et Théodore Stoudite à sa droite, image qui est inspirée, sans aucun doute, de VTSB 29.

Tatiana MATANTSÉVA Paris

29. S. DER NERSESSIAN, L'illustration des Psautiers grecs du Moyen Âge II = BCA 5, Paris 1970, p. 73, fig. 48.

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Scriptor incertus

Léon choisit l'iconoclasme pour assurer la longé­vité de sa dynastie (p. 349).

Il cherche et trouve des partisans de l'icono-clasme, parmi lesquels Jean le Grammairien. Caractéristique de ce dernier (p. 349,8-p. 3509).

Ils recherchent dans les livres anciens des argu­ments pour la doctrine de l'empereur. Caractéristique des autres iconoclastes (p. 35№-p. 352").

Décembre 814. [Tête-à-tête] entre l'empereur et le patriarchę sur la vénération des icônes ; le patriarche se réfère à la tradition apostolique (p. 352"-p.35313).

Conférence du clergé iconophile avec l'empereur sans le patriarche.

Les iconophiles renoncent à la discussion en se référant à la tradition de l'Église (p. 353l3-p. 354").

La veillée des iconophiles réunis autour du patriarche [chez le patriarche] priant Dieu d'empê­cher l'iconoclasme ; accusation de complot portée par l'empereur contre les iconophiles (p. 3544-15).

24 décembre. Lecture du florilège iconoclaste dans la résidence du partiarche qui encourage les icono­philes à rester fidèles à l'orthodoxie (p. 3558"24).

25 décembre. [Au cours de la cérémonie de Noël] le patriarche adresse un diseurs d'exhortation à l'empereur. Attitude hypocrite de Léon qui, tei­gnant la vénération des icônes, gagne à sa cause quelques iconophiles (p. 35ff4-p. 3574)

Maladie du patriarche (p. 357,e_z2).

Exil du patriarche (p. ^ - . 359»).

Vie de Nicétas de Médikion

Léon choisit l'iconoclasme pour assurer la longé­vité de sa dynastie (p. xxixA).

Il cherche et trouve, dans différents milieux, des partisans de l'iconoclasme, parmi lesquels Jean le Grammairien (p. xxixAB).

[Sans date]. Pannychide dans la Grande Église (p. xxixBC).

Tête-à-tête entre l'empereur et le patriarche (p. xxixC).

Conférence du patriarche et du clergé iconophile avec l'empereur (p. xxixC).

Controverse. Les iconophiles mettent notamment en cause l'impartialité de l'empereur et se réfèrent à la tradition de ('Église (p. xxixc-xxxB).

Exil du patriarche et des iconophiles (p. xxxBC).

Vie de Nicéphore CP

Léon choisit l'iconoclasme pour assurer la longé­vité de sa dynastie (p. 16514'19).

Il introduit au Palais des partisans de l'icono-і і . і 20-25).

Ils trouvent dans des livres anciens des arguments pour justifier l'iconoclasme (p. 165&3°).

Léon, par des menaces et des ruses, contraint certains évêques à accepter sa doctrine ; ils inter­disent les églises aux iconodoules (p. 16531-16626).

[Sans date]. Devant ces faits, le patriarche réunit chez lui les iconodoules et les encourage à rester fidèles à leur foi. L'empereur soupçonne un com-plot(p. ( ^ - І 26).

Tête-à-tête entre l'empereur et le patriarche (p. 169-185).

Conférence du patriarche et du clergé iconophile avec l'empereur (186-187).

Controverse. Les iconophiles mettent notamment en cause l'impartialité de l'empereur et se réfèrent à la tradition de l'Église (p. 187-188).

Le patriarche écrit plusieurs lettres pour défendre sa cause. Maladie du patriarche (p. 189-190).

Exil du patriarche (p. 190-192).

We de Théodore Stoudite

Léon choisit l'iconoclasme pat ignorance du fon­dement de la doctrine iconodoule ( . 277 ).

Il trouve des partisans de l'iconoclasme, parmi lesquels Jean le Grammairien, traits caractéris­tiques de ce demier ( . 277CD).

[Sans date]. Tête-à-tête entre l'empereur et le patriarche (c. 277D-280A).

Conférence du patriarche et du clergé iconophile avec l'empereur ( . 2 ).

Les iconophiles se réfèrent à la tradition de l'É­glise. Léon propose d'engager une dispute (C.280AB).

Controverse entre Théodore et l'empereur ( . 280C-281C). Les iconophiles mettent en cause l'impartialité de l'empereur (c. 281 C). Réplique de Théodore (c. 281CD-284AB).

Les iconodoules reviennent à la résidence du par­tiarche et se réunissent autour de Théodore (c. 284BC).

Les iconophiles sont consignés ( . 284 ).

Théodore soutient le patriarche dans son découra­gement (c. 284D-285A).

Exil du patriarche et d'autres iconophiles ( . 285 ).

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Page 260: REByz-56 (1998)

LES SCEAUX BYZANTINS DU MUSÉE DE MANIŞ A

Jean-Claude C H E Y N E T

Résumé: Le musée de Manişa ne possède que cinq sceaux byzantins, mais ils sont intéressants car trois d'entre eux nous font connaître le nom de famille du fonctionnaire : Madytènos, Chalkoutzès et Tzimpéas.

Après avoir étudié les sceaux des musées d'Antioche et de Tarse, je me suis intéressé aux sceaux conservés dans les musées de l'ouest de la Turquie, à Seldçuk et à Manisa1. Je me propose de publier les cinq sceaux que j ' a i pu photographier au musée de Manişa, grâce à l'amabi­lité du directeur du musée et de ses adjoints. Ces sceaux ont été récem­ment acquis sur place et on peut penser qu'ils ont tous été trouvés dans le ressort de l'ancien thème des Thracésiens.

Constantin Madytènos, spatharocubiculaire, asèkrètès, hebdoma-rios et juge de Cappadoce 2.

Inv. : n° 6607 (acquis le 15/10/1986). Dia. 26. Bon état de conservation ; écrasé légèrement sur la gauche du droit comme du revers. Inédit.

Au droit, buste de saint Nicolas, dans sa représentation habituelle d'évêque. Dans le champ, à droite : [ ( Ό άγιος) Νι]κόλ(αος). Au sommet du champ, l'invocation habituelle ....Ѳ І : [Κ(ύρι)ε βοή]θει τω σω δούλ(ω).

1. Les sceaux d'Antioche et de Tarse ont été publiés dans TM 12, 1994, p. 391-478 et REB 54, 1996, p. 249-270.

2. Je remercie le professeur H. Malay qui m'a fait parvenir une photographie de ce sceau.

Revue des Études Byzantines 56, 1998, p. 261-267.

Page 261: REByz-56 (1998)

262 J. CL. CHEYNET

Au revers, légende sur sept lignes, précédée d'une croisette : - + -+KUN Κων(σταντίνω)

ΟΠΑΘΚϋ σπαθ(αρο)κου-KACHKPH (βι)κ(ουλαρίω), άσηκρή-

, τ(τ)), έβδο'μαρ(ίω) .KP 1Ј [κ(άι)] κριτ($) Καπ-.ΑΔΟΚ,Τ. [π]αδοκ(ίας) τ[ω] .ΑΔνΤ,Ν [Μ]αδυτ(η)ν(ω).

10e siècle (fin) - 11e siècle (début). Les sceaux dejuge de Cappadoce sont assez rares. Quatre sont connus depuis plus d'un siècle : Théodore (?) Karabiziôtès, juge de l'Hippodrome et de C. ; Constantin, protono­taire, mystolecte, juge du Velum, de l'Hippodrome et de C. ; Michel, spatharocandidat, asèkrètès et juge de C. et Acace, spatharocandidat asè­krètès et juge de C.3. Depuis ont été ajoutés à cette courte liste Pierre, protospathaire impérial et juge de C.4, Michel, asèkrètès, notaire impé­rial de l'eidikon et juge de C.5 et enfin Hypatios, juge de . .

Les Madytènoi, originaires de la ville de Madyta de Thrace, sont assez bien représentés sur les sceaux du 11e siècle. Aux différents sceaux de Jean Madytènos et à celui de Menas déjà édités ou signalés7, il faut ajouter ceux de Nicephore, protocuropalate et de Nicolas8. Ce dernier pourrait être identifié au Nicolas Madytènos, protovestarque et grand chartulaire en 1087 9. Constantin, un eunuque en principe, puisque cubi-culaire, était attaché au Palais impérial, normalement au service du pré­posé à l'eidikon, car les «semainiers» relevait de lui d'après les taktika.

Basile Chalkoutzès, protospathaire du chrysotriklinos, juge du Velum et exaktôr

Inv. : n° 7235. Dia. : 18. Flan trop petit pour le boullôtèrion et une partie de la légende est restée hors champ, sinon la gravure était nette. Inédit.

3. G. SCHLUMBERGER, Sigillographie de l'empire byzantin, Paris 1884, p. 277-278. 4. A. SZEMIOTH - T. WASILEWSKI, Sceaux byzantins du Musée national de Varsovie,

Studia Zródłoznawcze. Commentationes 11, 1966, n° 49. 5. G. ZACOS (éd. J. NESBITT), Byzantine Lead Seals II, Berne 1984, n° 1007. 6. Sceaux byzantins de la collection Seyrig, éd. J.-Cl. CHEYNET, C. MORRISSON et

W. SEIBT, Paris 1991, n° 170. 7. Seyrig, n° 309. 8. Sceaux DO 58.106.5061 et DO 58.106.5007, d'après le fichier du centre byzantin de

Dumbarton Oaks, que j ' a i pu consulter grâce à la libéralité de N. Oikonomides et J. Nesbitt que je remercie vivement.

9. Βυζαντινά έγγραφα της μονής Πάτμου, Ι. Αυτοκρατορικά, éd. Éra VRANOUSSI = Patmos, I, p. 334.

Page 262: REByz-56 (1998)

SCEAUX DE MANİSA 263

Au droit, légende sur quatre lignes terminée par une croix cantonnée de perles et accostée de deux tirets.

+.. І 6І [Βα]σιλεί(ω) ..ΠΑΘΑΡΙ [(πρωτο)σ]παθαρί(ω)

..І ^ [έπ]ί του χρ(υσο)(τρι)κλ(ίνου) .ΚΡΙΤΗ ' [κ(αΐ)] κριτ?)

Au revers, suite de la légende sur cinq lignes : .OVftH. [τ] ου βή[λ(ου)] .AieZA. [κ]αι έζά[κ]-ŢOPITU τορ ιτω XAAKtí Χαλκού-

ŢZI τζι.

11e siècle (milieu). Les Chalkoutzai sont bien attestés depuis le siècle précédent10. Le plus fameux, Nicétas, général qui réussit à échapper à l'émir d'Alep, Sayf ed-Dawla, lors d'une défaite de ce dernier en 950, reprit plus tard l'île de Chypre sous Nicephore Phocas n . Nicolas connut un destin plus malheureux en participant au complot manqué contre Romain II1 2 . Léon semble le dernier à avoir exercé une charge militaire : il fut capturé par les Petchénègues, lorsque ceux-ci envahirent la Bulgarie sous Michel IV13 . Au 11e siècle, les autres membres de la famille exercèrent des fonctions civiles que nous connaissons surtout par des sceaux : ceux de Georges asèkrètès et basilikos de Rhodes 14, de Grégoire, asèkrètès 15, de Grégoire, sans doute le même que précédem­ment, spatharocandidat et chartulaire du génikon 16, de Jean, fils de Basile, kensôr et protonotaire de la sacelle 17, d'un Jean (qui n'est sans doute pas à identifier avec le précédent, car le motif iconographique de son sceau est différent), hypatos et chartulaire du stratiôtikon 18, de

10. Sur les Chalkoutzai, cf. A. SAWIDES, Ο βυζαντινός οίκος Χαλκούτζη (Χαλκούτση) (β' μισό 10ου - β' μισό 13ου αι.), ΆρχεΙον Ευβοϊκών Μελετών 28, 1988/1989, ρ. 63-73. Je n'avais pas trouvé cet article à Paris et je remercie vivement Ch. Angélidi de me l'avoir envoyé d'Athènes.

11. Ioannis Scylitzae Synopsis Historiarum, éd. I. THURN, Berlin-New York 1973, p. 242, 270.

12. Ibidem, p. 250-251. 13. Ibidem, p. 399. 14. Catalogue of Byzantine Seals at Dumbarton Oaks and in the Fogg Museum of Art

2, ed. by J. NESBITT and N. OIKONOMIDES, Washington DC 1994, n° 54.1. (Cité après DOSeals).

15. V. LAURENT, Le Corpus des sceaux de l'Empire byzantin, II. L'administration cen­trale, Paris 1981 (= LAURENT, Corpus, II), n° 106, avec les références antérieures.

16. Ibidem, Ώ° 380. 17. Ibidem, n° 808. 18. Ibidem, n° 558. L'éditeur identifie ce Jean au fils de Basile, attesté comme fonc­

tionnaire en 1088, et date le sceau autour de 1100, ce qui semble un peu tardif.

Page 263: REByz-56 (1998)

264 J. CL. CHEYNET

Nicétas, protospathaire et épiskeptitès du Méandre 19, qui fut aussi ek prosôpou des troupeaux20, Pierre, simple protospathaire21, et enfin Etienne 22.

Basile n'est probablement pas identique à son homonyme attesté en 1088 23. Il pourrait être son grand-père ou un oncle et éventuellement le père du Jean qui se réfère à son géniteur sur son sceau. La fonction d'exaktôr est logiquement associée à celle de juge du Vélum, puisque le titulaire de cette fonction siège au tribunal impérial24.

Les Chalkoutzai étaient donc bien établis dans les services centraux de l'administration civile, comme beaucoup d'anciennes lignées de mili­taires qui préférèrent tirer parti des opportunités et s'enrichir dans les fonctions fiscales : l'un fut basilikos, un autre épiskeptitès. L'arrivée au pouvoir des Comnènes, auxquels ils ne paraissent pas s'être apparentés, ne marque nullement la fin de leur fortune. Des Chalkoutzai sont men­tionnés à la veille de la Quatrième Croisade comme propriétaires en Eubée.

Constantin, protospathaire

Inv. : n° 7932. Dia. : 16 Nettement gravé, mais légèrement pressé et avec des petites échancrures aux extrémités du canal. Inédit.

Au droit, buste de saint Nicolas ; dans le champ :Θ Ν I || , = Ό (άγιος) Νικ(ό)λα(ος). Au pourtour, début de la légende: Κ6Ρ>Θ : Κ(ύρι)ε β(οή)θ(ει).

Au revers, buste de saint Nicétas ; dans le champ : Ѳ Ν Ι 11 Κ Η Τ, = Ό (άγιος) Νικήτ(ας). Au pourtour, suite de la légende: KUNACriAQ,: Κων(σταντίνω) (πρωτο)σπαθ(αρίω).

11e siècle (deuxième moitié). La fréquence du nom et de la dignité à l'époque de la frappe interdisent toute identification. La présence d'un saint rarement représenté, Nicétas, ne permet pas non plus un rapproche­ment avec un personnage ou une famille connus.

19. DOSeals 3.25.1. 20. LAURENT, Corpus, II, n° 591. 21. Collection Shaw (inédit). 22. Redaté correctement du 11e siècle par Ch. STAVRAKOS, Die Byzantinischen

Bleisiegel mit Familiennamen aus der Sammlung des Numismatischen Museums Athen, Vienne 1990 (thèse inédite), n° 275.

23. Patmos, I, p. 330. Un autre membre de la famille, Thomas, signe le même docu­ment.

24. N. OIKONOMIDÈS, Les listes de préséance byzantines des IXe et Xe siècles, Paris 1972, p. 325-326.

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SCEAUX DE MANİSA 265

Grégoire, duc

Inv. : n° 7340. Dia. : 33, 28. Bon état général avec de légères échancrures aux orifices du canal. // Fogg 708 ; M 8005 ; plusieurs exemplaires dans les ventes aux enchères (cf. Cl. Sode). Plusieurs exemplaires de cette bulle sont conservés dans la collection Zacos. Ed.: A. KULIK, Gregorios Dukas, ein bisher unbekannter Byzantiner des 11. Jahrhunderts, Geldgesch. Nachrichten 130, ^1989, p. 93 ; N. P. LICHAČEV, Molivdovuly Grečeskogo Vostoka, éd. V. S. ŠANDROVSKAJA, pi. LXII, n° 6 ; CI. SODE, Byzantinische Bleisiegel in Berlin II, Bonn 1997, n° 347 ; mention par W. SEIBT dans Byzantinoslavica 54, 1993, p. 364.

Au droit, buste de saint Théodore tenant la lance et le bouclier. Dans le champ :

• | ѳ I Δ I U | PO,: [ ( Ό άγιος)] Θεόδωρο(ς).

Au revers, légende sur six lignes précédées d'une croisette :

+CON Σον ΓΡΗΓΟΡΙΟΝ Γρηγόριον

0IK6THNCU οίκέτην σώ-ΟΟΝΛΟΓ,ΤΟΝ σον, Λόγ(ε), τον

Ѵ І І δοΰκα, λιταΐς Ѵ ,ѳ μάρτυρ(ος) Θε-

ΟΔϋΡΟ. οδώρου.

lle-12e siècle. Les premiers éditeurs de ce sceau, ont considéré que δοΰκα se rapportait au nom du propriétaire du sceau. W. Seibt a fait remarquer, à juste titre je crois, qu'il s'agit plutôt de la fonction de duc, l'article précédant la fonction pour donner une forme métrique à la légende. De plus, comme Cl. Sode le reconnaît, le nom de Grégoire n'est pas attesté chez les Doukas à cette date, alors que la famille est en pleine lumière.

Constantin Tzimpéas

Inv. : n° 7732. Dia. : 40. Nettement gravé, mais pressé sur les bords et détruit dans la partie supérieure gauche du droit. // Coll. privée. Mentionné dans la vente Gorny (29 avril 1997), n° 421 (lecture W. Seibt).

Au droit, saint Georges, debout, tenant la lance et le bouclier. Dans le champ, .| Π |OC || |(Ј | |. : [ Ό α]γιος Γεώργιο[ς].

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266 J. CL. CHEYNET

Au revers, légende métrique sur cinq lignes : .PAtA... [Γ]ραφα[ς κυ-

.UNMOIKU.... ρ]ών μοι Κω[νσταν]-ŢINUTZIM.eA τίνω Τζιμ[π]έα .ΚΤΡΟΜΛΤϋΝ [έ]κ χρωμάτων .Ѵ і Ѵ [ρ]ύου με συ, στρα-

ΤΗΛΑΤΑ τηλάτα.

Ca 1279. À cette date, Constantin Tzimpéas est attesté comme ana-grapheus de Thessalonique par divers documents des monastères atho-nites 25.

Jean-Claude CHEYNET Université de Paris-Sorbonne

25. Cf. notice du PLP, n° 27968.

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LE «CERCLE DES LECTEURS» AUTOUR DE PHOTIUS :

UNE SOURCE CONTEMPORAINE

Luciano CANFORA

Résumé: Les canons 8 et 9 du IVe concile de Constantinople permettent d'affirmer, contrairement à l'opinion de certains modernes, l'existence d'un cercle de lecteurs auprès de Photius, avant l'accession de ce dernier au patriarcat, et même lorsqu'il était patriarche.

«Variée et diverse est la méchanceté que depuis longtemps le misé­rable Photius a déployée au sein de l'Église de Constantinople. En effet, nous avons appris que bien longtemps avant son tyrannique patriarcat, il s'attirait par des écrits signés de sa propre main des partisans désireux d'apprendre la sagesse qui a été changée en folie par Dieu».

Ces mots figurent au début du 9e canon du IVe concile œcuménique de Constantinople (869/870), compté chez les Latins comme le VIIIe

concile œcuménique, mais considéré nul par les Grecs1. Ce concile fut voulu par le pontife Hadrien , puis accepté et présidé par l'empereur Basile Ier.

Le texte dont nous venons de lire la traduction est conservé en latin, dans le manuscrit Vat. lat. 4965, f. 124r, lignes 6-7. Il s'agit du précieux manuscrit contenant la traduction des Actes du IVe Concile Constantinopolitain, rédigée par Anastase le Bibliothécaire, qui avait été témoin direct de la dernière séance du Concile et qui fut chargé par la délégation romaine de la traduction des actes grecs, presque incompré­hensibles pour les délégués latins. Le manuscrit a valeur d'autographe, puisque c'est Anastase lui-même, dont on a reconnu la main, qui l'a revu et corrigé2. Malheureusement l'original grec est perdu et ce qui en reste

1. Cf. Les conciles œcuméniques, Les décrets, tome II/1, texte original établi par Alberigo, Dossetti, Joannou, Leonardi, Jedin, édition française sous la direction de A. DUVAL, B. LAURET, H. LEGRAND etc., Paris 1994, p. 381.

2. Sur ce sujet voir, du moins : C. LEONARDI, Anastasio bibliotecario e l'ottavo concilio ecumenico, Studi medievali S. HI, 8, 1967, p. 59-192; D. LOHRMANN, Eine

Revue des Études Byzantines 56, 1998, p. 269-273.

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270 LUCIANO CANFORA

n 'es t qu ' un abrégé, des excerpta, conservés dans deux exemplaires, indé­pendants l 'un de l 'autre, tous les deux du 14e siècle : le Marc. gr. 167 et le Monac. gr. 436 3 , qui sont à l 'origine de la tradition subsistante de cette collection.

Il faut considérer comme dépassée la thèse répandue chez les savants grecs et protestants : le texte authentique serait celui des excerpta et la traduction latine aurait été largement manipulée (par Anastase lui-même). Voir par exemple, le récit de A. IVANTZOFF-PLATONOV, Le patriarche Photius, Revue Internationale de Théologie (Berne) 5, 1894, p. 94 («la version d'Anastase contient des interpola­tions évidentes, et malgré cela est considérée en Occident comme une source parfaitement sûre pour la biographie de Photius !»). L'authenticité de la rédac­tion latine était repoussée déjà par Jean Valetta {Φωτίου Έπιστολαί, London 1864, p. 62, η. 2) et, après lui, par Sophocle Oikonomos (préface à l'édition des Amphilochia, Athènes 1868, p. λζ, η. β). De son côté, Oikonomos se rattache à l'autorité de William CAVE, Scriptorum Ecclesiasticorum Historia litteraria, publiée à Genève à la fin du 17e siècle et réimprimée en Angleterre au début du siècle suivant (I, p. 392 ; II, p. 176). Du côté protestant, on peut noter au moins le chapitre Griechische Kirche, signé par J. Hasermann, qui fait partie de l'ar­ticle Griechenland de Y Allgemeine Encyclopädie der Wissenschaften und Künste dirigée par Ersch et Gruber (Erste Sektion, Band 84, p. 157, n. 3 : «Die Übersetzung stimmt nicht mit dem noch vorhandenen Original überein») et l'ar­ticle sur le IVe concile constantinopolitain écrit par É. Chrysos pour le Lexikon des Mittelalters (vol. 5, 1991, col. 1396). En tout cas le titre du texte grec indique très clairement qu'il s'agit d'extraits (έκ των πρακτικών κτλ). Signalons une curiosité : l'erreur de considérer les extraits grecs (publiés pour la première fois par M. RADER, Ingolstadt, 1604) comme un original complet ( !) figure déjà chez Baronio, dans le tome X des Annales Ecclesiastici (1602), publié lorsque les extraits grecs étaient encore inédits. Ce qui a porté le pauvre Rader à imaginer que Baronio possédait à Rome l'original grec d'Anastase (voir les pages **2r"v et **3 de son édition : «Anastasii Bibliothecarii exemplar aeque Graecum Latinum [...] multis annorum centuriis neglectum et ignotum iacuisse», et en particulier l'éloge de Baronio «qui et Anastasium interpretem et codicem Graecum emit e tenebris» !). Je reviendrai sur le rôle de Baronio et sur les malentendus qu'il a provoqués dans une (prochaine) histoire du texte des extraits grecs du concile «Constantinople IV». L'idée erronnée selon laquelle les extraits sont le texte authentique et la traduction d'Anastase une manipulation, constitue une réponse grecque à la formule très dure qu' Anastase lui même emploie contre les Grecs, accusés d'être des faussaires (préface à la traduction des Actes) : «pro futurorum cautela temporum arctius memoriae commendan-dum, ne forte procedente tempore in Graecis codicibus reperiatur huic Sanctae Synodo quidquam (...) suatim [ !] additum vel mutatum» {PL 129, 18C). L'expression n'est pas d'une élégance poussée.

Ironie de l'histoire. À la suite de l'alarme jetée par Anastase, le cardinal Hergenröther, dans son livre monumental sur la vie et les œuvres de Photius,

Arbeitshandschrift des Anastasius Bibliothecarius, Quellen und Forschungen aus italieni­schen Archiven und Bibliotheken 50, 1971, p. 420-431 ; M. PALMA, Antigrafo/apografo. La formazione del testo latino degli Atti del Concilio Constantinopolitano 869/70, // libro e il testo, a cura di QUESTA e R. RAFFAELLI, Urbino 1984, p. 309-335.

3. Voir les variantes entre les deux, classées par A. SMITHIES, Nicetas Paphlago's life of Ignatius : a critical edition, Diss. Univ. New York 1987 (inédite), p. xii-xni.

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LE «CERCLE DES LECTEURS» 271

rassure le lecteur : «In der That finden wir aber im griechischen Exemplar keine Zusätze, sondern weit eher Abkürzungen und Auslassungen» (Photios, Patriarch von Konstantinopel, II, Regensburg 1867, p. 64). Le problème est plu­tôt que le savant Anastase n'a pas toujours compris le grec qu'il lisait. Il le dit lui-même à la fin de la préface : «Rara praeterea interpreti doctiori interpretanda servavi» (PL 129, 18B = Mansi XVI, 9D). Mais revenons à notre passage.

Le texte latin du 9e canon est le suivant : «Variam et diversam mali-tiam antiquitus in ecclesia Constantinopolitana infelix operatus est Photius. Didicimus enim, quod et multo ante tyrannicum praesidatum4

propriae manus subscriptionibus muniebat adhaerentes sibi clientes, ad discendam sapientiam quae a deo stulta facta est.»

Le témoignage est précieux : le canon dit d'une façon très précise que Photius dirigeait un cercle d'élèves liés à sa personne grâce à des «pro­messes» (subscriptiones), et par conséquent indiqués commes «ses clients» (adhaerentes sibi clientes) ; qu'il enseignait à ces «clients» la sagesse profane (sapientia quae a deo stulta facta est)5 ; qu'il a continué cette activité dangereuse même lorsqu'il était désormais patriarche. Aucun doute que les clientes sont destinataires et «complices» de lec­tures profanes : ce type de lectures, dont la Bibliothèque (Myriobiblos) de Photius est le document concret et explicite (voir άνεγνώσθη, άνεγνώσθησαν etc. au début de chaque chapitre)6. Le canon précédent (le huitième) parle aussi des «promesses» que Photius aurait exigées et obtenues «ad propriam tutelam» (à titre de protection). Mais il s'agit là d'un autre genre de «promesses», visant à la loyauté des «fidèles» en général vis-à -vis du patriarche, non pas à l'étude de la sagesse profane. On distingue donc, de la part des auteurs des canons, d'un côté les «pro­messes» de dévotion au patriarche, de l'autre un type tout à fait particu­lier de promesses, que Photius prétendait tenir d'un certain nombre de clientes, bien avant son patriarchat (multo ante tyrannicum praesidatum) : ce dernier est le cas du «cercle de lecture» constitué autour de lui à l'époque où il était encore laïque7, cercle qui est resté en fonction — c'est là une «révélation» du canon 9 — même après l'elee-

4. Praesidatum est la forme exacte qu'on lit dans le manuscrit d'Anastase (Vat. lat. 4965, f. 124r, lignes 6-7). Praesidiatum est la forme incorrecte, que l'on lit chez Mansi et dans les éditions modernes des Decreta Conciliorum. Voir aussi Thés. ling. Lat. Χ, 2, fase. VI, Stuttgart-Leipzig 1987, s.v. praesidatus, coli. 877-878 (tout spécialement 8781"7).

5. Définition topique de la science profane : voir saint Paul, Ière Lettre aux Corinthiens, 1, 20.

6. Le témoignage contemporain des Actes Conciliaires est définitif contre l'opinion de W. Treadgold, qui considère étrangement le «reading circle» autour de Photius comme «a myth that has no basis» (Photios and the Reading Public for Classical Philology in Byzantium, Byzantium and the Classical Tradition, ed. by M. MULLETT and R. SCHOTT, Birmingham 1981, p. 124.

7. Voir à ce propos le témoignage qu'il donne dans la lettre 290 (Photii Patriarchae Constantinopolitani epistulae et Amphilochia, éd. B. LAOURDAS - L. G. WESTERINK, Leipzig 1983-1985), p. 12664"81.

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272 LUCIANO CANFORA

tion de Photius au patriarcat et pendant son patriarcat. Deux types de «promesses» analysés dans deux canons différents.

On dispose heureusement du texte grec du canon 8, correspondant (en partie) à la traduction latine du savant Anastase. Voilà tout d'abord le grec : Γ^λθε φήμη ταίς άκοαϊς ημών, ώς ου μόνον αιρετικοί και παράνομοι της άγ ιας Κωνσταντινουπολιτών εκκλησίας προεδρεύειν λαχόντες, άλλα και ορθόδοξοι πατριάρχαι χειρόγραφον ποιείν άπαιτουσι προς 'ίδιον συνασπισμόν (Rader, ρ. 352 = Mansi, XVI, col. 404 = Decreta Concil. Oecumen., tr. citée, p. 380).

Anastase s'est trouvé en difficulté, notamment face au mot λαχόντες : «auditibus nostris fama sonuit, quod non solum haeretici, et ii qui Sanctae Constantinopolitanorum ecclesiae sacerdotium sortiti [Anastase a imaginé que λαχόντες προεδρεύειν ferait allusion à un type d'occu­pation coupable du siège patriarcal, et par conséquent il traduit «non solum haeretici et ii qui sacerdotium sortiti» !], sed et orthodoxi et legi­timi patriarchae a sacerdotali catalogo [cette référence précise est absente de l'extrait grec ; il semble toutefois hautement probable qu'elle soit originale] propriae manus scripta facere (= χειρόγραφον ποιείν) ad propriam tutelam favoremque suum et quasi stabilitatem exigant et com-pellant». Quoique le traducteur ait eu une défaillance, le sens est bien clair. L'usage des promesses exigées du clergé est largement répandu : non seulement les schismatiques «à la Photius», mais les orthodoxes aussi y ont recours ; dorénavant εδοξεν μηδαμώς τοΰτο γενέσθαι (= visum est sanctae huic et universali Synodo nequaquam id ex hoc a quo-piam fieri). Les promesses réclamées προς 'ίδιον συνασπισμόν («ad propriam tutelam») sont exigées du clergé : «a sacerdotali catalogo». Les promesses du canon 9 («ad discendam sapientiam, quae a deo stulta facta est») sont exigées de tout sorte de gens, même des personnes privées, d'autant plus que Photius les requérait même avant son accession au patriarcat.

Or, le thème des «promesses» avait été déjà à l'ordre du jour du concile lors du débat à la huitième session (novembre 869), et la ques­tion y est posée d'une façon moins claire qu'elle ne le sera dans les déli­bérations codifiées (canons 8 et 9). Le récit de la huitième session com­mence par évoquer les mauvais artifices grâce auxquels Photius a lié à sa personne le Sénat, le clergé, la ville tout entière ; peu après la liste est dressée des catégories impliquées : άπο παντός ιερατικού καταλόγου και παντός τάγματος κληρικού της μεγάλης εκκλησίας καί τών εξω, μεγάλων τε και μικρών (Rader, ρ. 326 = Mansi XVI, col. 384). Ici aussi Anastase s'est trompé : il n'a pas compris que οί εζω sont les laïques (ceux qui n'appartiennent pas à l'Église, au «catalogue sacré») ; par conséquent il parle, dans sa traduction, de la «Grande Église» (c'est à dire Sainte-Sophie) et des «églises qui sont dehors» (sic !) : «ab omni sacrato Catalogo et omni ordine clericorum tam magnae ecclesiae quam earum quae foris sunt» (Vat. lat. 4965, f. 104 ).

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LE «CERCLE DES LECTEURS» 273

Les mots των εξω, μεγάλων τε και μικρών sont, à leur tour, suivis d'une liste analytique, qui comprend, à la suite des Sénateurs, «les autres personnages, soit illustres soit obscurs, les gens qui se sont illustrés dans tout genre de science (επιστήμη) ou de métier (τέχνη)». Après quoi on lit une liste de métiers (σκυτείς, ίχθυοπρατείς, ξυλινάδαι, βελονάδαι) ; une liste dont le propos ironique est évident : on veut mon­trer que Photius n'a épargné personne, qu'il n'a pas voulu renoncer même à l'appui du moindre artisan.

Les deux types de «promesses», bien que soigneusement distingués aux canons 8 et 9, ici sont mélangés ; le ton est polémique et apparem­ment hyperbolique. Pour être compris, ce qui est dit ici au début de la huitième session doit être comparé avec les deux textes «formels» (canon 8 et 9). Ce n'est qu'une hyperbole de dire que Photius avait lié à sa personne toute la ville et tous les membres des couches sociales des plus hautes aux plus basses. En réalité il s'agit, d'un côté du rapport éta­bli avec les membres du clergé (ce qui n'est pas une nouveauté ni une particularité des hérésiarques : canon 8), et de l'autre des rapports établis par Photius avec les différents milieux du monde laïque (ce qui doit se rapporter essentiellement au problème soulevé dans le canon 9 : c'est-à-dire l'interdiction de l'enseignement de la «sagesse profane», enseigne­ment entrepris par Photius bien avant l'élévation au patriarchat et pour­suivi — ce qui apparaît encore plus grave — lorsqu'il était désormais patriarche).

L'hyperbole adoptée dans le récit de la huitième session suggère que des masses considérables de laïques auraient été liées à Photius par ce second genre de «promesses». Le nombre élevé dépend, peut-être, du fait que plusieurs générations d'élèves, de compagnons d'études et de lectures, s'étaient succédées : en effet le système des «promesses» avait fonctionné, «ad discendam sapientiam quae a Deo stulta facta est», depuis plusieurs années : «iam multo ante tyrannicum praesidatum.» Il y a à peu près dix ans (858-867) que Photius est patriarche au moment (869) où ces mots sont écrits : et ces dix années sont précédées à leur tour d'une assez longue période («multo ante»). C'est pourquoi l'auteur du récit dit que «la ville tout entière» (πάσα ή πόλις) a été liée à Photius par ce lien formel des «promesses» «pour des fins injustes» (εις υποθέσεις άδικους : p. 324 Rader = Mansi, XVI, 384)8.

Luciano CANFORA Université de Bari

8. Le rapport des βάναυσοι avec les disciplines philosophiques est envisagé d'une façon admirable et en même temps polémique par ce passage du philosophe Tommaso Campanella (De libris propriis et recta studendi ratione, [Parisiis 1642], cap. II, art. V : «Sed cum in officinis artistarum plus philosophiae realis habeatur quam in scholis philosophorum, consulendi sunt diligenter pictores, tinctores, ferrarii, aurifices, auriductores, agricolae, milites, bombardării, pannifici, destillatores et id genus reliqui»).

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BIBLIOGRAPHIE

Les ouvrages pour compte rendu doivent être envoyés anonymement à la Revue des études byzantines ; ils entrent dans le fonds de la bibliothèque de l'Institut. L'envoi personnel à l'un des membres de la Rédaction n'engage en rien la Direction de l'Institut ou de la Revue. La Revue n'accepte pas de publier les recensions qui lui sont proposées sans avoir été sollicitées.

Les recensions sont rangées par ordre alphabétique à l'intérieur de deux séries. La première série comprend les comptes rendus plus détaillés. Dans la seconde série sont regroupés les comptes rendus brefs : ceux-ci se limitent à une description suc­cincte du contenu de l'ouvrage et ils ne sont pas signés. Quant aux ouvrages qui ne se rapportent pas directement à l'empire byzantin, ils figurent sur une liste des « Ouvrages reçus ».

Alexander ALEXAKIS, Codex Parisinus Graecus 1115 and Its Archetype (Dumbarton Oaks Studies 34). — Dumbarton Oaks Research Library and Collection, Washington DC 1996. 24 χ 16 ; relié, xvi-422 p., 11 pi. insérées entre les p. 42 et 43.

L'ouvrage constitue une étude sur le contenu doctrinal du Paris, gr. 1115 et, en parti­culier, le florilège iconophile qu'il comprend (f. 235v-283v). Ce manuscrit, copié par Léon Kinnamos {PLP 11723), a été achevé, suivant la souscription, en mars ,ςψπδ' (6784/1276), puis a été déposé à la bibliothèque impériale (βασιλική βιβλιοθήκη). Il a été copié (μετεγράφη), précise le scribe, sur un modèle, trouvé à Rome et écrit en l'année ,ςσξζ' (6267/759-760), il y a 517 ans. Il comprend des florilèges composés d'extraits patristiques, employés lors de différents conciles, notamment œcuméniques (II-VII). Le florilège iconophile du Parisinus est lié aux actes du concile (VII) de Nicée II (787), dont il partage plusieurs passages. Ces éléments suffisent à comprendre pourquoi le manuscrit a attiré à plusieurs reprises l'attention des érudits, en commençant par Bernard Montfaucon, et, aussi, pour quelles raisons il pose encore de multiples problèmes : pro­blème de datation (date-t-il vraiment de 1276 et son modèle remonte-t-il véritablement à 759/760 ?), problème de modèle (K. H. Uthemann et J. Munitiz avaient mis en doute l'ori­gine romaine du Parisinus, soutenue, en revanche, par R. Riedinger), problèmes de com­position (rapports de ces textes avec les actes des conciles, en grande partie résolus après la publication de la plupart des actes) et, en particulier, problème de la raison d'être du florilège iconophile et de ses rapports avec les actes du concile de Nicée II (VII).

Pour répondre à ces questions, l'auteur donne tout d'abord un aperçu sur l'usage réservé aux florilèges dans les conciles («I. The Use of Florilegia in Church Councils», ρ. 1-42, suivi de onze illustrations du Paris, gr. 1115). Il y traite de la genèse et de l'évo­lution de la coutume d'employer, pendant les conciles, des florilèges de textes patristiques pour faciliter l'échange des réponses. Cet usage n'était pas sans dangers, puisqu'il fallait

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reproduire fidèlement les extraits employés, sans les isoler du contexte dans lesquels ils avaient été conçus. Puis, l'auteur aborde le cas du Paris- gr. 1115, en étudiant les particu­larités et le contenu de ce témoin («II. Codex Parisinus 1115», p. 43-91), et montre que le florilège sur la procession du Saint Esprit, contrairement à ce qu'on croyait, est pro-latin. Ensuite, il aborde l'étude du florilège iconophile compris dans ce témoin («III. The Iconophile Florilegium of Parisinus Graecus 1115», p. 92-226). Cette approche l'oblige à examiner l'emploi des florilèges pendant le VIIe concile œcuménique («IV. On the Use of Florilegia by the Seventh Ecumenical Council, Nicaea II, 787», p. 227-233) et il montre que, pendant ce concile et contrairement à ce qu'avait affirmé Van den Ven, on a utilisé, à la fois, des textes patristiques et des florilèges. L'origine latine du Parisinus ayant été éta­blie (ou réétablie), il restait à l'auteur à préciser le contexte dans lequel a été effectuée la copie et les archétypes qui ont servi au scribe («V. The Archetype of Codex Parisinus Graecus 1115, the Liber de Fide Trinitatis (Libellas) of Nicholas of Cotrone, and the Treatise Contra Errores Graecorum of Thomas Aquinas», p. 234-253). Après les conclu­sions («VI. Conclusions», p. 254-260), l'auteur donne une liste d'Appendices (p. 261-360), des Addenda (p. 361-362), une bibliographie et des index (p. 363-422). Signalons que l'Appendice I (p. 261-312) décrit le contenu du Parisinus (à l'exception du florilège iconophile aux f. 235v-283v) et l'Appendice II (p. 313-334) celui des f. 235v-283v.

Cet ouvrage, grâce à une argumentation serrée, apporte une réponse sur l'origine du Parisinus, dont il rétablit la paternité romaine. Cette réponse repose sur la lecture et l'in­terprétation des textes disponibles et, en partie, sur d'ingénieuses hypothèses, comme celles formulées dans le chap. V. Par conséquent, les conclusions de l'auteur ont toute chance de correspondre à la réalité des faits.

Michel CACOUROS

Pauline ALLEN - Elizabeth JEFFREYS (Éd.), The Sixth Century, End or Beginning ? (Byzantina Australiensia 10). — Australian Association for Byzantine Studies, Brisbane 1996. 24,5 χ 17,5. χνιιι-309 p., 13 pi. Prix : 45 $.

«The eastern Mediterranean world approaches the sixth century as a train approaching a tunnel. Even allowing for the usual qualifications, it is recognizably a late-antique train — the Christian late-antique, by this time, but late-antique nonetheless. At the other end of the tunnel the train emerges and, though it is patently the same train, it has become, again with all the usual qualifications, a recognizably Byzantine train. The interessing question is : «What happens in the tunnel ?»» (P. Gray, p. 187).

Cette image saisissante exprime tout à fait la problématique de ce volume. Le noyau est constitué par les actes d'un colloque tenu à Brisbane en 1995, mais les éditrices ont voulu répondre à une ambition plus large et fournir le tour d'horizon le plus complet pos­sible sur les différentes façons dont on peut considérer le 6e siècle comme la charnière entre l'Antiquité tardive et le Moyen Âge. Elles ont donc adjoint aux actes du colloque proprement dits un certain nombre de contributions complémentaires. La variété des points de vue, de la théologie à la politique, de l'iconographie à l'histoire des textes, de la littérature à la climatologie et à l'astronomie, fait de ce recueil, aux apports souvent neufs et originaux, un instrument de travail dont on pourra difficilement se passer au cours des années qui viennent. Ne pouvant détailler l'intérêt de chacune des contributions, nous devons ici nous contenter d'en donner la liste.

Philip Rousseau, Inheriting the Fifth Century : Who Bequeathed What ? Roger Scott, Writing the Reign of Justinian : Malalas versus Theophanes. Catherine Adshead, Procopius and the Samaritans. Michael Jeffreys, Bury, Malalas and the Nika Riot. Elizabeth Jeffreys, The Chronicle of John Malalas, Book I : A Commentary. Wolfgang Liebeschuetz, The Use of Pagan Mythology in the Christian Empire with

Particular Reference to the Dionysiaca of Nonnus. Barry Baldwin, Notes of Christian Epigrams in Book One of the Greek Anthology.

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BIBLIOGRAPHIE 277

Ian Martlew, The Reading of Paul the Silentiary. Daniel Callam, Early Monasticism and Ps. Denys. Kathleen Hay, Impact of St Sabas : The Legacy of Palestinian Monasticism. John Chryssavgis, Aspects of Spiritual Direction : The Palestinian Tradition. Michael Maas, Junillus Africanus' Instituta Regularia Divinae Legis in its Justinianic

Context. Corrie Molenberg, The Silence of the Sources : The Sixth Century and East-Syrian

«Antiochene» Exegesis. Pauline Allen, Severus of Antioch and the Homily : The End of the Beginning ? Mary Cunningham, The Sixth Century : A Turning-Point for Byzantine Homiletics ? Patrick Gray, Through the Tunnel with Leontius of Jerusalem : The Sixth Century

Transformation of Theology. Karl-Heinz Uthemann, Christ's Image versus Christology : Thoughts on the Justinianic

Era as Threshold of an Epoch. Joan Barclay Lloyd, Sixth Century Art and Architecture in «Old Rome» : End or

Beginning ? Ann Moffatt, Sixth-Century Ravenna from the Perspective of Abbot Agnellus. Michael Milojević, Forming and Transforming Proto-Byzantine Urban Public Space. Paul Farquharson, Byzantium, Planet Earth and the Solar System. Johannes Koder, Climatic Change in the Fifth and Sixth Centuries ?

Marie-Hélène CONGOURDEAU

Marie-France AUZÉPY (Intr., éd. et trad.), La Vie d'Etienne le Jeune par Etienne le Diacre (Birmingham Byzantine and Ottoman Monographs 3). — Variorum, Adelshot 1997. 24 χ 16. 357 p. Prix : 42,5 £.

Cette première édition critique de BHG 1666, une des rares sources anciennes sur le premier iconoclasme byzantin, donne une base philologique sûre aux études ultérieures, même si elle apporte relativement peu de modifications au texte bien connu de la PG, qui reposait par chance sur un bon témoin, le Paris, gr. 1463. Pour l'histoire du texte, on notera le relevé des marques de lecture (p. 54-58), qui indiquent des kathismata, et donc un usage liturgique. Comme YEpistula ad Theophilum fait partie de la tradition indirecte, l'auteur (p. 58-60) commente brièvement l'histoire de ce texte et rejette la datation tardive proposée dans l'édition récente de H. Gauer (cf. REB 53, 1995, p. 361-363). L'auteur maintient également (p. 5-6) la cohérence de la Vie, rédigée d'une seule venue, et récuse donc la datation tardive proposée par P. Speck (réécriture vers 843) pour maintenir les dates traditionnelles, 807 ou plutôt 809, en partant du comput propre à Etienne le Diacre (p. 8-9). Le choix entre 809 et 807 n'est pas anodin : comme la conspiration d'Arsaber est démasquée en 808, année où éclate aussi le conflit du patriarcat avec les Stoudites, la date de 809 permet de comprendre la Vie comme un plaidoyer pour un patriarcat en difficulté et non seulement pour les établissements monastiques du Mont Auxence en général et le monastère féminin des Trikhinaréai en particulier (p. 18-19).

La traduction est heureusement accompagnée de nombreuses notes qui identifient notamment (à la suite de l'article pionnier de Gill) les sources utilisées par Etienne le Diacre et les nombreux parallèles. En effet, comme souvent à cette époque, le texte est saturé de referents littéraires et marqué par la préciosité, et les notes sont indispensables au lecteur pour apprécier les choix opérés dans la traduction (on regrettera qu'elle n'ait pu être imprimée en regard du texte grec). La version française est globalement bonne et aisée à lire, mais quelques corrections restent souhaitables d'après un sondage dans les § 10-11. § 10,1. 18, la δεσποτική είκων est évidemment une «image du Seigneur» et non une «image souveraine»; § 11, 1. 2, ή Κωνσταντινούπολις διέμενεν έρεθίζουσα ne peut se traduire par «Constantinople provoquait continuellement», qui ne fait guère de sens faute de complément d'objet direct, mais par «représentait une provocation conti­nuelle». Enfin, des index français et grec nourris en facilitent l'usage.

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Tout commentaire de la Vie amène à une interprétation du premier iconoclasme et de la politique de Constantin V, à cause de la proximité chronologique, entre 765 et 767, de la mort d'Etienne, du complot de Podopagouros, du début de la campagne contre des moines et de la persécution contre les iconophiles. Par comparaison avec la Chronique de Théophane et le Breviarium de Nicéphore, l'auteur suggère (p. 21-42) que les efforts d'E­tienne pour «recruter» des hauts dignitaires proches de Constantin V sont le vrai point de départ de la «crise» de 765-767 comprises comme «le tournant du règne» : la répression iconoclaste serait une riposte plus qu'une initiative ; surtout, l'élément proprement «ico­noclaste» serait minime dans la politique de Constantin V, relue comme mesure de salut public contre une entreprise de subversion intérieure. Bref, contrairement à ce que suggé­rait P. Brown, il faudrait dissocier «iconomachy» et «monachomachy», et minorer la part de la querelle des images dans l'époque isaurienne.

Vincent DÉROCHE

Pedro BÁDEŇAS, Antonio BRAVO, Immaculada PÉREZ-MARTIN (Éd.), 'Επίγειος ουρανός. El cielo en la terra. Estudios sobre el monasterio bizantino (Nueva Roma 3). — Consejo Superior de Investigaciones Cientificas, Madrid 1997. 17 χ 23,8. 352 p., 32 pi. noir et blanc.

Il s'agit ici de 23 contributions, écrites à la demande des éditeurs, et consacrées à l'un des «nombreux aspects en relation avec le monachisme dans l'empire multiethnique et multilingue que fut Byzance, sans s'attacher à une ligne de recherche spécifique ni à tel ou tel problème concret, ni, encore moins, à une méthodologie particulière» (introduction, p. XII). Voici la liste des contributions (en espagnol) où, à côté d'études sur le monachisme à proprement parler, on trouvera plusieurs travaux sur la culture dans les monastères et sur les manuscrits : 1. R. Teja, La violence des moines comme instrument de la politique ecclésiastique : le

cas du concile d'Éphèse (431). 2. J. M. Candau, Une démonstration d'ascétisme païen. Paramètres de la propagande

politique dans le Misopogon de Julien l'Apostat. 3. P. Bádeňas de la Pena, La transformation du monachisme à l'époque macédonienne :

refondations et patronage. 4. Ch. Maltezou, Moines latins dans la Romanie : un programme religieux. 5. L. Mavrommatis, Le monastère et la ville à Byzance : le cas de Serrés (13e-15e s.). 6. A. Bravo Garcia, Moines et démons : niveaux sociologiques et psychologiques de

leur relation. 7. J. Simon Palmer, Le langage corporel de Siméon d'Émèse, «Fol en Christ». 8. E. Rubio, Usages du savoir médical dans l'Italie médiévale. Du monastère aux écoles

de médecine. 9. M. Lopez Salva, Assistance et thérapeutique au Cosmidion de Constantinople. 10. G. Cavallo, Culture des monastères ou culture des moines ? Préliminaires d'une

enquête. 11. M. D'Agostino, Notes préliminaires à une étude de la décoration dans les manuscrits

de type Anastase. 12. Y. Corrales, L'activité dans les centres de copie des monastères de l'Athos (11e-

12e s.) : quelques considérations à la lumière des fragments du Paris, suppl. gr. 663. 13. A. Džurova, Le ms. D. 282 (olim P.A.14) de la collection du Centre de recherches

slavo-byzantin Ivan Dujčev. 14. T. Laleva, Le monastère byzantin et la création du premier alphabet bulgare. 15. I. Pérez Martin, Le scriptorium de Chora: un modèle pour étudier les centres de

copie byzantins. 16. J. Martinez Gázquez, Le ms. VIII.B.IO de la Bibliothèque nationale de Naples et la

première traduction latine de la rédaction byzantine de la Vie de Barlaam et de Josaphat.

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18. S. Alvarado, Saint Nil de Sora et saint Joseph de Volokolamsk : un conflit monas­tique en Russie à la fin du 15e s., et ses conséquences.

19. F. J. Juez Gálvez, Autour de la Vita popularis de saint Jean de Rila. 20. M. Cortes Arrese, Icônes monastiques du Musée de la Casa Grande de Torrejon

(Madrid). 21. E. Popeanga, Motifs historiques byzantins dans l'iconographie monastique moldave. 22. M. Moraru, Saint Jean Climaque et la Scala Paradisi dans la littérature roumaine. 23. A. Pippidi, Manucrits byzantins de la bibliothèque des Mavrocordato.

Bernard FLUSIN

Klaus BELKE, Tabula Imperii Byzantini. 9, Paphlagonien und Honörias (Öster­reichische Akademie der Wissenschaften. Philosophisch-historische Klasse. Denkschriften 249). — Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, Vienne 1996. 30 χ 21. 327 p., 131 ill., 1 carte.

Le nouveau volume de la Tabula concerne la province de Paphlagonie et inclut, tout normalement, la province plus exiguë de l'Honoriade, qu'elle a d'ailleurs absorbée, même si les éparchies ecclésiastiques ont survécu au regroupement administratif. Après la pré­face et les indications générales et bibliographiques, sont présentées au lecteur les habi­tuelles rubriques : délimitation territoriale, aperçu géographique, développement histo­rique et administratif, Église, réseau des communications, économie. Suit l'examen des divers toponymes dans l'ordre alphabétique (p. 153-285).

Sur la façade septentrionale de l'Asie Mineure, les deux provinces échappèrent pro­gressivement au contrôle de l'empire byzantin à partir du 12e siècle ; à la fin du 13e siècle, la frontière était stabilisée sur le Sangarios, qui sépare l'Honoriade de la Bithynie. Au début de son règne, Michel VIII Palaiologos contrôlait encore une partie de la région, mais, à la fin de sa vie, il mena plusieurs expéditions à la frontière de la Bithynie, conscient que le Sangarios était la dernière défense à l'est. À ce moment, l'empire ne contrôlait plus que quelques enclaves côtières, qui n'étaient d'ailleurs accessibles que par mer et qui sont, d'ouest en est, Héraclée du Pont, Tios, Amastris, Krômna (Pachymérès, IV, 27 : II, p. 405). L'intérieur, y compris la route côtière, était abandonné depuis ^long­temps. Une partie de la population grecque resta dans les régions intérieures, mais l'Église suivit cependant le mouvement de retrait : les métropoles (Klaudioupolis pour l'Honoriade, Gangres pour la Paphlagonie) furent transférées sur la côte et établies respec­tivement à Héraclée et à Amastris, dont les sièges disparurent à leur tour lorsque les villes furent prises à la fin du 14e siècle.

Les quatre villes données par Pachymérès comme les seules villes byzantines resca­pées dans les deux provinces sont également les mieux documentées dans les sources et elles sont dotées des notices les plus riches dans le répertoire : Amastris (p. 161-170), Héraclée du Pont (p. 208-216), Krômna (p. 241-242), Tios (p. 276-278). J'ai examiné de plus près la notice la plus longue, celle concernant Héraclée. La ville a eu une longue et riche histoire, avant sa prise par les Turcs le 4 juillet 1360. La date est contenue dans une note marginale du Barberin. gr. 203 (f. 74), un des manuscrits de l'Histoire de Pachymérès. Dans la note 62 (p. 215), comme plus haut dans l'exposé historique (p. 100, avec la note 295), on pouvait ajouter une référence à la nouvelle édition, dont l'apparat reproduit bien la note (II 405). Un autre point est plus sérieux. Se référant à un passage de Pachymérès (la note 58, p. 215, dit: «Georg. Pach. [Becker (sic)] II 413»), l'auteur affirme que, dans le cadre d'un exposé sur les mauvaises conditions qui régnaient dans le nord-ouest de l'Asie Mineure vers 1303, l'historien constate que la route d'Héraclée à Nicomédie était devenue impraticable. Ce serait de la part de l'écrivain un curieux constat, car la chose va de soi, d'après ce qu'il a affirmé auparavant sur l'inaccessibilité des villes par une autre voie que la mer. Le texte dit autre chose.

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Voici les deux propositions de la longue phrase dans laquelle l'historien entend indi­quer seulement comment on pouvait encore accéder à Nicée : Ώ ς γαρ άποκέκλειστο μεν ή έξ 'Ηρακλείου καί Νεαγκώμεως προς την Νίκαιαν..., ή δε κατά Κίον... διεκδρομή προς Νίκαιαν Ανοικτό... De ce début de phrase on peut donner la traduction suivante : «Comme la route d'Hèrakleion et de Néankômis vers Nicée était fermée, mais que le passage de Kios vers Nicée restait ouvert...». Autrement dit, il n'est pas question de Nicomédie dans le texte, mais de Nicée, et surtout il n'est pas question d'Héraclée du Pont ( 'Ηράκλεια ou Ποντοηράκλεια), qui reste extérieure à tout le contexte, mais d'Hèrakleion (Ήράκλειον) : ce lieu-dit se trouve sur la côte méridionale du golfe de Nicomédie, à environ 5 km à l'est de Prainétos ; il est signalé sur la carte de R. Kiepert (Karte von Kleinasien, 1/400 000, Berlin 1902-1906, A II) sous l'appellation Erikli. La même interprétation erronée est donnée plus haut dans l'ouvrage, dans l'exposé historique (p. 99, avec la note 292).

Une distraction passagère n'enlève évidemment rien à la valeur et à l'intérêt d'un ouvrage qui se recommande autant par l'excellence de son contenu que par les qualités de sa présentation. À mesure que les volumes s'accumulent, la documentation s'enrichit par les apports successifs et la multiplication des recoupements. Petit à petit se forge ainsi un instrument de travail précieux et se dessine un état des sites de l'ancien empire byzantin.

Albert FAILLER

Gabriel BERTONIÈRE, OCSO, The Sundays of Lent in the Triodion : The Sundays Without a Commemoration (Orientalia Christiana Analecta 253). — Pontificio Istituto Orientale, Rome 1997. 23,5 χ 17. 216 p.

Cet ouvrage est la première partie d'une étude sur les dimanches de Carême dans la liturgie byzantine, effectuée principalement (mais non exclusivement) à partir de 85 manuscrits du Triodion grec. Elle porte sur les second, quatrième et cinquième dimanches de carême, qui, dans les premiers siècles, ne comportaient pas de commémoration de saints.

L'auteur étudie tout d'abord la période antérieure à la création du Triodion. Il présente les sources, qui relèvent de la tradition liturgique de Constantinople et de celle de Jérusalem, puis étudie la divine liturgie de ces dimanches de Carême (thèmes, lectures, chants), la prière du soir dans les sources hiérosolymitaines et les premiers kontakia. Il souligne les différences entre les liturgies de Constantinople et de Jérusalem et montre, à partir de Romanos le Melode, l'importance des textes prophétiques de l'Ancien Testament. La seconde partie se fonde sur le Triodion. Elle montre l'importance accordée aux différentes hymnes : idiomèles, stichères et canons. Dans une troisième partie, l'au­teur prend en compte les documents liturgiques autres que le Triodion : typika monas­tiques, lectionnaires patristiques, kontakaria, euchologes italo-grecs.

À partir de cette analyse, l'auteur essaie de reconstituer la façon dont fut composé le Triodion. Le mélange de traditions hiérosolymitaines (pour les dimanches essentielle­ment) et stoudites (pour la semaine) l'amène à penser que la composition du Triodion, à partir de traditions liturgiques diverses, fut probablement commencée au Stoudios et com­plétée dans les monastères palestiniens, dans les années qui suivirent la mort de Théodore Stoudite.

L'étude est complétée par une présentation des manuscrits consultés, une table des matériaux poétiques, un glossaire des termes liturgiques et un index général. Signalons simplement, sur la couverture et la page de titre, une coquille susceptible d'engendrer des malentendus (particulièrement chez les non spécialistes) : Triodion y est orthographié Tridion.

Marie-Hélène CONGOURDEAU

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Pascal BOULHOL, ΆΝΑΓΝΩΡΙΣΜΟΣ. La scène de reconnaissance dans l'ha­giographie antique et médiévale. — Publications de l'Université de Provence, Aix-en-Provence 1996. 20 ,5x15 . 260p. Prix: 170FF.

Depuis Y Odyssée, le motif littéraire de la reconnaissance a connu une grande fortune dans l'épopée, le théâtre et le roman grecs. Aristote en a fait la théorie dans sa Poétique. Loin de disparaître avec le christianisme, le motif a survécu dans les productions hagio­graphiques. Cet essai a pour but d'en traquer la survie et l'adaptation dans cette littérature.

Dans les quatre premiers chapitres (eh. I-IV), l'auteur analyse le processus de recon­naissance lui-même : prélude, modalités, cadre spatio-temporel, fonctions. Puis, passant à l'analyse individuelle des pièces les plus anciennes (ch. V-VIII), il met en évidence les directions tout à fait nouvelles que prend le thème dans le cadre du christianisme. L'anagnôrismos n'a plus pour seule fonction de rétablir des liens familiaux ou sociaux que l'adversité avait défaits, dans un happy end, mais il s'ouvre sur un au-delà ; il est sou­vent l'occasion d'un nouveau départ et d'une nouvelle séparation, conversion, vie ascé­tique, mort, martyre. On voit même apparaître un motif nouveau, la séparation dans la proximité, bien illustré par la Vie de Jean Calybite. Le roman pseudoclémentin {Homélies et Reconnaissances) occupe dans cet ensemble une place à part. Encore proche des modèles antiques (après bien des tribulations, une famille dispersée se retrouve autour de l'apôtre Pierre, moyennant une triple reconnaissance) et antérieur au mouvement monas­tique, il a une visée essentiellement didactique. La trame romanesque, et Y anagnôrismos en particulier, sont au service d'un propos théologique et apologétique : «le roman devient leçon, et la reconnaissance s'élève du statut de péripétie à celui de preuve théologique» (p. 70). Les deux derniers chapitres (ch. IX et X) étudient la postérité du thème dans l'hagio­graphie médiévale grecque et latine, et son retour dans la sphère profane.

L'ouvrage se termine par cinq appendices (corpus textuel paléochrétien ; historicité des saints concernés ; traductions des scènes de reconnaissance ; l'identification à retardement dans l'arrestation du saint ; Y anagnôrismos odysséen, un modèle pour les hagiographies ?), quatre index, une liste des abréviations et une bibliographie, quatre illustrations commen­tées, et un tableau synoptique mettant en évidence les conditions psychologiques du dévoilement d'identité.

Paul GÉHIN

Françoise BRIQUEL-CHATONNET, Manuscrits syriaques de la Bibliothèque natio­nale de France (nos 356-435, entrés depuis 1911), de la bibliothèque Méjanes d'Aix-en-Provence, de la bibliothèque municipale de Lyon et de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. Catalogue. — Bibliothèque nationale de France, Paris 1997. 29,5 χ 21. 261 p. Prix: 220 FF.

Ce catalogue de manuscrits syriaques décrit les 80 manuscrits entrés à la BnF depuis 1911 et les 32 manuscrits déposés dans trois bibliothèques publiques des départements, Aix, Lyon et Strasbourg.

Le fonds syriaque de la Bibliothèque nationale de France est modeste en comparaison de ceux de la British Library de Londres et de la Bibliothèque Vaticane. Quand Zotenberg en fit la description en 1874, il comptait 288 unités. Il s'est enrichi depuis cette date de 148 unités. Les manuscrits entrés entre 1874 et 1911 ayant été analysés dans des articles de revue par J.-B. Chabot et F. Nau, le présent catalogue reprend là où le travail de des­cription s'était arrêté. La publication était d'autant plus attendue qu'on ne disposait, pour la plupart de ces nouvelles acquisitions, que de notices inédites, portées à la main à la fin du catalogue de Zotenberg, ou d'un bref signalement. On distingue dans ce lot trois grands ensembles : 13 manuscrits (360-372) provenant de la collection de Mgr Addai' Scher, archevêque chaldéen de Séert, dans le Kurdistan turc (qui s'ajoutent à six autres entrés précédemment) ; 6 manuscrits (383-388) constitués par les papiers personnels de

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l'abbé François Nau; 34 manuscrits (402-435) provenant de la collection de Mgr René Graffin, le fondateur de la Patrologia orientalis, cédés par son neveu à la BnF en 1989 (ces manuscrits provenant eux-mêmes pour leur plus grande part de la collection rassem­blée par Henri Pognon, consul de France à Alep et Bagdad au tournant du 19e et du 20e s.)· Les autres manuscrits ont des origines diverses ou inconnues.

Cette tranche de manuscrits est loin de refléter la diversité des églises syriaques (mel-kite, maronite, jacobite et syrienne catholique, nestorienne et chaldéenne). La plupart des manuscrits ont une origine chaldéenne, aussi bien ceux de Mgr Scher, qui appartenait à cette Église, que les manuscrits de la collection Pognon, et l'écriture est syro-orientale. Le consul Pognon, ami de la nation chaldéenne, a fait copier un grand nombre de manuscrits dans la région de Mossoul, particulièrement à Alqosh, gros bourg du nord de l'Irak actuel, dans le voisinage duquel se trouve le monastère de Notre-Dame-des-Semences, pourvu d'une riche bibliothèque (plusieurs manuscrits de ce couvent ont servi de modèle). Les manuscrits Jacobites sont en nombre réduit (par exemple 356, 395 et 396), et il n'y a qu'un manuscrit melkite (382).

Les manuscrits syriaques des bibliothèques d'Aix, Lyon et Strasbourg avaient été som­mairement décrits dans le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements. Les trois manuscrits d'Aix sont d'origine maronite ; les deux manuscrits de Lyon sont anciens et datés, le premier est un manuscrit jacobite qui vient d'Alep. La collection de Strasbourg, la plus importante par le nombre (27 mss), a été constituée quand la ville était encore sous domination allemande. À quelques exceptions près, les manuscrits sont récents et ont appartenu à de grands érudits allemands de la fin du 19e s. Copiés également en milieu nestorien ou chaldéen, ils s'inscrivent dans cet intense mouvement de copie déjà observé avec le consul Pognon.

Il est difficile d'établir des regroupements précis selon le contenu ou les genres litté­raires, car trop de manuscrits sont des miscellanées ou des recueils composites, et l'en­semble n'est pas totalement homogène. Outre les papiers d'érudits, on y trouve des amu­lettes (400), une editio princeps annotée (357), un catalogue de manuscrits (S4126), des documents modernes (419, 420 et 427). Signalons seulement que les livres liturgiques (lectionnaires, bréviaires et rituels) sont un peu plus d'une dizaine, tout comme les livres bibliques. La littérature patristique traduite du grec est représentée par quelques manus­crits importants, les auteurs traduits étant Grégoire de Nazianze, Évagre, le Pseudo-Denys, le Pseudo-Épiphane, auxquels il faut joindre quelques textes anonymes. La plus grande partie des manuscrits transmet une littérature originale syriaque, avec une nette prédomi­nance d'auteurs nestoriens. Les ouvrages rélèvent de la théologie, de l'ascétique, de l'ha­giographie ou de l'exégèse. La littérature scientifique est représentée par quelques manus­crits grammaticaux (369, 370 et 426) ou médicaux et astrologiques (423, 424-425). L'auteur le plus copié est Théodore Bar Koni, dont le Livre des scholies touche à des domaines aussi variés que l'histoire, la théologie, la philosophie et la grammaire (366, 408-409, 412, 430, 435, S4140). Pour ce qui est de l'âge des manuscrits, les 3/5 sont des copies récentes (19e-20e s.), 1/5 appartient aux 16e-18e s., 1/5 est antérieur au 16e s. (les plus anciens remontant rarement au-delà du 8e-9e s.).

Faire un catalogue de manuscrits syriaques est une entreprise ardue. Les difficultés tiennent en particulier aux trois facteurs suivants : 1) Les manuscrits sont souvent en mauvais état, parfois à l'état de débris. C'est ainsi que les n° 389-390 sont formés de feuillets volants rassemblés dans des enveloppes. Inutile d'insister sur la difficulté d'identifier des textes dont le début et la fin manquent. 2) Une partie de la littérature syriaque est traduite du grec. Si l'identification des textes de la Bible ne fait pas difficulté, il n'en va pas de même pour les textes patristiques, ascé­tiques, hagiographiques, apocryphes. Les versions syriaques que transmettent les manus­crits sont de plus bien souvent inédites. Pour toute cette partie, un renvoi aux répertoires en usage chez les hellénistes s'impose : CPG = Clavis Patrům Graecorum ; CANT = Clavis Apocryphorum Novi Testamenti ; BHG = Bibliotheca Hagiographica Graeca. 3) La langue d'une partie des textes est l'arabe et non le syriaque. Ce sont tous les textes en garshuni : textes en langue arabe écrits en caractères syriaques. Il faut noter que les deux langues peuvent être très imbriquées. Plusieurs manuscrits sont mixtes, comportant des parties en syriaque et d'autres en garshuni. Il arrive même que le passage d'une

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langue à l'autre s'effectue à l'intérieur des textes eux-mêmes (377. 25 et 26 : titres en gar-shuni et texte en syriaque ; 434. III. 3 : rituel du mariage, après un début en syriaque, les explications se poursuivent en garshunï). Pour cette littérature, il faut recourir au magis­tral travail de Graf sur la littérature arabe chrétienne. Les quelques sondages effectués m'ont montré que la transcription des titres et incipits des textes en garshuni comportait un nombre important d'erreurs. Il faudra en refaire une lecture systématique avec un ara­bisant (voir quelques remarques infra).

Cela signifie qu'il est difficile de réaliser quelque chose de définitif et que des amélio­rations peuvent toujours être apportées, notamment dans l'identification des textes. Il faut aussi beaucoup de patience pour rechercher l'origine des membra disjecta dont sont for­més plusieurs recueils. Il faut alors tenter de découvrir le manuscrit auquel les folios ont été arrachés ou de retrouver d'autres feuillets ayant appartenu au même manuscrit démembré. Le travail a déjà été fait pour le ms. 4116 de Strasbourg, originaire de Sainte-Catherine du Sinai', dont 2 folios sont à Saint-Pétersbourg, 12 à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan et 2 dans le fonds Mingana à Birmingham. Il ne devrait pas être difficile de découvrir l'origine des folios du recueil factice 378, achetés chez le libraire parisien H. Leclerc, le 4 février 1922, et expertisés l'année précédente à Zurich. L'auteur du catalogue a déjà remarqué que d'autres folios des manuscrits qui constituent les parties I et V se trouvent dans le fonds Mingana. Après avoir découvert de mon côté que la partie I provenait du Sinaiticus syr. 60, je suis persuadé que tout le lot a une origine sinaï-tique. La partie IX, par exemple, pourrait très bien venir du Sinaiticus syr. 24.

Dans le catalogue, beaucoup de manuscrits sont désignés comme composites. Le terme est employé de façon abusive, et il recouvre en fait trois réalités assez différentes : le cas du manuscrit qui réunit sous une même reliure des parties substantielles de deux ou plu­sieurs manuscrits d'origines différentes (recueil composite proprement dit), le cas du manuscrit (complet ou partiel) qui est protégé par des feuillets de garde arrachés à un autre manuscrit ou qui comporte des feuillets isolés insérés par erreur dans le corps du volume et enfin le cas du recueil formé de débris de plusieurs manuscrits réunis par un bibliothécaire ou un collectionneur (recueil factice). Le ms. 373 est abusivement désigné comme composite : c'est un manuscrit de 314 folios dans lequel se trouve inséré, entre les folios 30 et 31, un fragment provenant d'un autre manuscrit. Le manuscrit 378, déjà men­tionné, est un recueil factice, qui regroupe des fragments empruntés à 9 manuscrits anciens différents (les feuillets sont tous montés sur onglet).

La grande nouveauté de ce catalogue, par rapport à ceux de Zotenberg, Chabot et Nau, tient dans la place accordée à l'histoire, à la paléographie et à la codicologie (traitées selon un plan exposé aux pages 10-15). Les souscriptions laissées par les copistes syriaques sont nettement plus prolixes que celles de leurs collègues grecs : elles abondent en détails historiques de toutes sortes, nous livrant, outre les dates et les lieux, des détails sur le modèle utilisé (424), le copiste et sa famille (il y a des dynasties de copistes), la situation ecclésiastique ou politique contemporaine, etc. Le colophon du ms. 359, par exemple, indique que ce manuscrit a été copié en deux temps : commencé par Rabban David, il fut volé alors qu'il était encore inachevé ; retrouvé, il fut achevé par Paulos 16 ans plus tard, en septembre 1235. Les colophons modernes ne manquent pas de pitto­resque non plus, comme ceux de certains manuscrits copiés à la demande de Pognon. Les copistes usent volontiers de l'hyperbole. Pognon yest gratifié du titre de Mar au même titre que le pape Léon XIII et les hiérarques de l'Église locale et présenté dans les mss 424-425 comme le «détenteur du sceptre du royaume des Français» (le mot république n'existe pas en syriaque !) ; le copiste des mss 405-406 compose même un poème acros­tiche en son honneur. À cela il faut ajouter les nombreuses marques laissées par les lec­teurs et les possesseurs successifs (notes qui sont loin d'avoir été toutes exploitées, surtout quand elles sont dans d'autres langues). Par l'attention accordée à l'écriture et à la struc­ture des manuscrits, ce catalogue va donner un nouveau souffle à la paléographie et à la codicologie syriaques, qui n'ont pas reçu depuis le travail de pionnier de Hatch (An Album of Dated Syriac Manuscripts, 1946) les développements espérés. Une attention toute par­ticulière a naturellement été accordée aux manuscrits anciens datés, qui font aussi l'objet d'une publication dans le Fichier des manuscrits moyen-orientaux datés (FiMMOD).

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Laissant aux spécialistes de la littérature syriaque le soin de faire des remarques sur les œuvres dont le syriaque est la langue originale, je m'attacherai surtout aux textes traduits du grec ou à quelques textes arabes. Voici quelques ajouts ou corrections, en suivant l'ordre des manuscrits : — 376. Le terme d'homélie est impropre pour désigner les Discours ou Orationes de Grégoire de Nazianze. — 377. 12. Apocalypse de Paul, CANT 325, version syriaque éditée par G. Ricciotti, Orientalia, n.s. 2, 1933, p. 1-25 et 120-149. — 13-14. Cette dormition syriaque de la Vierge correspond certainement à CANT 123 ou 124. — 398 (ms. garshunî). I. 2. Oubli d'une lettre dans le premier mot, lire al-bustän («le jar­din») ; la première ligne de l'incipit, en fait une formule pieuse, a été mal lue : al-šukr li­liali alladı huva al-bari' dû al- am al-băligat («Grâces [soient rendues] à Dieu le Créateur dispensateur de grâces eminentes», etc.). — I. 3. Dans le titre, le deuxième mot de la troisième ligne est mahrağ; le premier élément de l'incipit, à vrai dire plutôt une manchette, est awal ; d'autres fautes dans la suite : lire dâlikael -1-nisă'. — I. 4. Le deuxième mot de l'incipit est bad — I. 5. Liste de témoignages scripturaires attribués à Épiphane de Chypre, CPG 2, 3786 ; le premier mot de l'incipit est 1'abran. — I. 6. Lire Jean de Carpathos (ou Jean Carpathios), au lieu de Jean des Carpathes : Carpathos est une île située au sud de Rhodes, dont Jean était l'évêque. Le mot a été déformé par le copiste syriaque en Carthbaios. — I. 7. Texte connu comme la «Collation des douze anacho­rètes», BHG 1448r, texte grec édité par J.-C. Guy, An. Boll. 76, 1958, p. 422-427. La fin du titre doit être corrigée et complétée : kuli wăhid minhıım yadkuru (mot au-dessus de la ligne) taiiqat naskihi li-yantafi' bihâ («chacun rappelle la voie de son ascèse de façon à ce que les autres en tirent profit»). — I. 10. Le premier mot du titre est va-aydan («et aussi»). — I. 13. Le septième mot de l'incipit est dafa'ât.— I. 15. L'avant-dernier mot de l'incipit est owwal ; la première vertu mentionnée dans l'incipit est al-faqr al-ihtiyârï («la pauvreté volontaire»). — I. 16 le premier mot de l'incipit est 'ammà, et les deux avant-derniers bad dălika. — 403. IV. Epiphane, Homilia in festo palmárům, CPG 3767 ; Graf, I, p. 357. — 414. 3. Cf. CANT 236. Plusieurs copistes syriaques ont dans ce texte apocryphe confondu les apôtres Matthias et Matthieu. — 434. II. 2. Certainement BHG 2366, histoire édifiante de Pierre le Publicain. — II. 4. Révélation de Macaire sur le sort des âmes après la mort, BHG* 999w, version syriaque éditée par A. van Lantschoot, Le Muséon 63, 1950, p. 168-176. — II. 5. Le titre français «Réfutation du délateur à propos des fruits des actes corrompus» est sans grand rapport avec le titre syriaque : «Réfutation démontrant que les causes des corruptions qui se sont produites ou se produisent dans les livres...». — III. 1. Profession de foi d'Athanase, CPG 2295. — III. 3. Le mot syriaque qui n 'a pas été correctement lu dans le titre, à cause d'une rature, est assez facile à deviner : c'est makûryö («le mariage»). — S4138. 3. Ammonios et non Ammonis ; renvoyer à l'édition F. Nau, PO 10, p. 567sv (les papiers préparatoires à cette édition forment les folios 283-336 du ms. 388, précédem­ment décrit).

Le catalogue se termine par huit précieux index : auteurs, titres en français, titres syriaques, incipits, noms de personnes dans les colophons et les notes, noms de lieux dans les colophons et les notes, manuscrits datés, manuscrits ornés. Ces index séparés ne dis­pensent pas d'un index général. On aurait par exemple souhaité des entrées comme : manuscrits cités, types d'écriture, garshuni, etc.

Ce catalogue nous donne une idée assez exacte du contenu des manuscrits décrits. Certaines imperfections auraient pu être évitées s'il y avait eu une collaboration avec des hellénistes et des arabisants. Les auteurs de catalogues de manuscrits orientaux ont tout intérêt à regarder ce qui se fait dans d'autres domaines linguistiques (grec, latin, etc.) où des normes de description strictes ont été établies.

Paul GÉHIN

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Annaclara CATALDI PALAU, Catalogo dei manoscritti greci della Biblioteca Franzoniana (Genova) (Urbani 21-40) (Supplemento n° 17 al «Bollett ino dei Classici»). — Accademia Nazionale dei Lincei , R o m a 1996. 24 χ 17. 235 p. , 41 pi. Prix : 100000 LI .

Cet ouvrage, consacré aux Urbani 21-40, constitue la seconde et dernière partie du catalogue qui porte sur ce fonds de manuscrits, conservé à la Biblioteca Franzoniana (Genova) et réuni par Filippo Sauli (1492-1528) : un premier volume (Urbani 2-20) avait paru en 1990 (Supplemento n° 8 al «Bollettino dei Classici», Accademia Nazionale dei Lincei ; voir REB 50, 1992, p. 266). Les principes adoptés dans la publication de 1990 n'ont pas été modifiés depuis (quelques changements mineurs sont signalés à la p. 5) : l'auteur a procédé, comme auparavant, à la description détaillée et précise des manuscrits, en donnant tout d'abord le contenu (en latin), puis les caractéristiques paléographiques et codicologiques (en italien).

La partie principale de l'ouvrage (p. 6-184) comprend la description des manuscrits. L'auteur y a utilement ajouté une liste de «Aggiunte e correzioni» (p. 185-196) à la publi­cation précédente, en commençant par un inventaire inédit, datant du 5 août 1810, des Urbani qui ont été transportés à Paris sous Napoléon («Inventario inedito (1810) dei manoscritti Urbani, inviato a Parigi», p. 185-189). L'auteur a également ajouté, pour les deux volumes : une liste de «Initia operum quae inedita vel minus nota visa sunt» (p. 197-200) ; un «Index indicis» (p. 201-202) et un «Index alphabeticus» (p. 203-231) et, supplé­ment utile, une enumeration des «Officinaram Chartariarum signa» (p. 233-235). Le volume se clôt avec 41 planches (non numérotées), où tous les manuscrits sont représen­tés, fréquemment avec plus d'une planche.

Sur les 20 manuscrits décrits, on notera la présence imposante de 8 manuscrits anciens datant du 10e et du 11e siècles (n° 27, 29, 33-38) : ils témoignent du goût sûr de Filippo Sauli pour les manuscrits anciens. Les 12e-14e siècles sont un peu moins bien représentés (5 manuscrits; n° 24, 25, 30, 31, 40), alors que 7 manuscrits datent du 15e et du 16e

siècles (ils sont probablement issus du scriptorium d'Aristoboulos Apostolis : 1 du 15e s., le n° 32 ; 6 du 16e s., notamment du début de ce siècle, n° 21-23, 26, 28, 39). Les manus­crits sont, dans la quasi-totalité, de contenu théologique, étant donné la prédilection de Sauli pour les commentaires exégétiques. Seule exception, le n° 40, du 13e siècle, qui comprend le commentaire de Simplicius aux Catégories d'Aristote (éd. KALBFLEISCH, Commentarla in Aristotelem graeca VIII, Berlin 1907). Dans ce manuscrit intéressant, l'ordre des folios est perturbé, mais il n'y a pas de lacune dans le texte («nulla invenitur lacuna», p. 181) ; les f. 5-7 semblent avoir été ajoutés postérieurement.

La présentation de l'ouvrage est soignée, le grec est correctement cité, la liste des Initia et les index, donnés à la fin, facilitent sa consultation.

Michel CACOUROS

Vénizelos CHRISTOPHORIDÈS, 'Ισιδώρου Γλαβά, αρχιεπισκόπου Θεσσα­λονίκης, 'Ομιλίες. Τ ό μ ο ς B ' . — ' Ε κ δ ό σ ε ι ς Π ο υ ρ ν α ρ δ , Thessa lonique 1996. 24 χ 17. 394 ρ.

Ce second tome des homélies d'Isidore Glabas comporte en réalité les vingt-quatre premières homélies de l'archevêque de Thessalonique. Le premier tome comportait les homélies 25 à 40. La référence de ce premier tome est assez difficile à trouver, elle ne figure qu'à la page 388 du présent volume, à la fin du sommaire, en numéro 3 de la courte liste bibliographique des œuvres d'Isidore déjà publiées par l'éditeur : il s'agit de 'Ισιδώρου Γλαβα, αρχιεπισκόπου Θεσσαλονίκης, 'Ομιλίες. Τόμος πρώτος, 'Επιστημονική 'Επετηρίδα Θεολογικής Σχολής Πανεπιστημίου Θεσσαλονίκης -Τμήμα Θεολογίας, τόμος 1, Παράρτημα 6, Thessalonique 1992 (pp. 1-236).

Les homélies d'Isidore Glabas, souvent savoureuses à lire, sont toujours d'un grand intérêt pour connaître la mentalité des Byzantins en cette fin de 14e siècle, dans une région ravagée par les guerres civiles et la conquête turque. Les présentes homélies portent prici-

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paiement sur les évangiles du carême et du cycle pascal, sur l'Exaltation de la croix et sur divers évangiles des dimanches. On y retrouve les thèmes de prédilection d'Isidore, sa spi­ritualité hésychaste, très proche de celle de Nicolas Cabasilas (insistance sur le baptême, sur la présence du Christ dans le baptisé, sur l'écoute intérieure de la Parole, sur la com­passion envers le prochain, sur le «retour en soi-même»), son style chaleureux et familier (où l'on retrouve les expressions traditionnelles de la piété byzantine, tel ό έμος Χριστός : horn. I, 1. 15), son insistance sur l'humanité et la douceur du Christ: toutes caractéristiques de la piété hésychaste de ce siècle.

Le texte des homélies est accompagné d'un apparat critique (peu abondant puisqu'il s'agit d'un manuscrit unique, le Paris, gr. 1192) et de notes présentant les sources ainsi que quelques précisions et des indications bibliographiques et renvois à d'autres œuvres d'Isidore. Un index général clôt l'ouvrage.

Marie-Hélène CONGOURDEAU

V. CRISAFULLI - J. NESBITT (Trad.), J. HALDON, The Miracles of Artemios, A Collection of Miracle Stories by an Anonymus Author of Seventh-Century Byzantium, trad, et comm. V. CRISAFULLI et J. NESBITT, avec un «supplemen­tary essay» de J. HALDON (The Medieval Mediterranean Peoples, Economies and Cultures, 400-1453, vol. 13). — E. J. Brill, Leiden, New York, Cologne 1997. 24,5 χ 16,5. xx-301 p. Prix : 106,50 $.

Cette traduction abondamment commentée d'un texte particulièrement difficile et riche de l'époque des «siècles obscurs» rendra de grands services : la langue vulgaire et les rea­lia manquent de parallèles, ce qui justifie la présentation des Miracles comme «a mine­field of problems» (p. XVII). Ces 45 Miracles (BHG 173) furent opérés à Constantinople par un curieux «saint» martyrisé à Antioche sous Julien l'Apostat, pour des raisons sans doute étrangères à la religion (la mort de Gallus), dont les reliques furent transférées à Constantinople à une date difficile à préciser ; il est difficile de classer et surtout de dater les différentes versions de la Passio d'Artémios (BHG 172) dont V. C. et J. N. dressent un bilan prudent (p. 1-7) ; les auteurs semblent ignorer que A. Kazhdan a voulu dater de l'époque iconoclaste la Passio la plus développée, attribuée à Jean Damascène ou au mys­térieux Jean de Rhodes : Hagiographical Notes 17-20, Erytheia 9, 1988, p. 197-209 (en fait la note 18, p. 200-205), réimpr. dans son Authors and Texts in Byzantium, Variorum Reprints 1993 ; mais pour des raisons trop longues à développer ici, cette datation est impossible à retenir et ne remet donc pas en question le commentaire. Sans doute à cause d'un détail des supplices de la Passio, Artémios est devenu guérisseur par incubation comme les Anargyres, mais avec une spécialisation dans les hernies testiculaires. La pré­sente traduction repose sur le texte de la vieille édition de A. PAPADOPOULOS-KERAMEUS, Varia Graeca Sacra, St Pétersbourg 1909, p. 1-75, qui est reproduit en regard de la tra­duction ; comme cette édition, en théorie dépassée, a eu la bonne fortune de prendre comme manuscrit de référence le meilleur et seul complet, le Messanensis BU 30 (C dans l'apparat de P. K.) qui est Γapographon d'un manuscrit ancien dont nous avons gardé des fragments palimpsestes à Messine et à Bruxelles (voir M. B. FOTI, Daniele scriba del SS. Salvatore in lingua phari, Codices manuscripti 9, 1983, p. 128-132, et J. NORET, An. Boll. 95, 1977, p. 101-117), l'édition critique que je prépare avec M. Lassithiotakis apportera relativement peu de changements ; la traduction anglaise ne souffre donc guère des inexactitudes du texte grec. Le parti d'une traduction très littérale accompagnée de notes permet au lecteur de comprendre le contexte des miracles et d'apprécier les problèmes textuels même en ignorant le grec.

Le lecteur restera en revanche perplexe devant les datations divergentes qu'on lui pro­pose pour la rédaction des Miracles : V. C. et J. N. mentionnent (p. 7-8) les deux dates certaines contenues par le texte, 656 pour le mir. 23 et 658 pour le mir. 41, tous deux datés par le règne de Constant II, mort en 668, présenté ici comme encore vivant, et se ral­lient donc à l'idée usuelle d'une compilation entre 658 et 668 ; la mention de la «mémoire

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impie» du patriarche Serge, inconcevable avant la condamnation du concile de 680, serait alors une altération mécanique par un copiste. En revanche, le «supplementary essay» de J. H., p. 33-35, s'appuyant sur cette altération et sur les petits développements homilé-tiques qui servent de conclusion aux miracles 31 et suivants, propose une rédaction sup­plémentaire postérieure au concile Quinisexte de 692 (dont il croit voir une trace dans les invectives du texte contre les Juifs et les Ariens, notamment dans les mir. 32 et 38) ; le tra­vail de rédaction aurait pu se prolonger jusqu'au 9e s. si, avec J. H., on suit tout ou partie des hypothèses de P. Speck qui considère les mentions d'images comme des interpola­tions iconodoules (dans ce cas, il resterait à expliquer comment elles ont pu se glisser dans le texte de qui recopie scrupuleusement un témoin antérieur à l'iconoclasme). Là encore, en réservant pour plus tard le détail de la démonstration, l'hypothèse de V. C. et J. N. est plus économique et donc préférable : les Byzantins n'ont pas attendu le Quinisexte pour faire étalage d'orthodoxie en condamnant les Juifs et les Ariens, les mentions d'images et de culte d'images avant l'iconoclasme ne peuvent être écartées a priori, puisque les condamnations iconoclastes du début du 8e s. présupposent nécessairement certaines formes d'iconodoulie (notons d'ailleurs que les images mentionnées dans le texte n'y jouent qu'un rôle assez secondaire, comme l'a bien relevé P. Speck : un rema­niement iconodoule délibéré les aurait justement mises au cœur de l'intrigue !).

Cela n'exclut pas en principe que le texte ait connu des modifications après 668, en sus de celle déjà repérée à propos du patriarche Serge ; V. C. en propose trois (p. XII), que pourtant je ne crois pas fondées. Au mir. 6, p. 91, il est exact que le récit continue après le moment où le marin Isidore constate sa guérison et où tous rendent grâces à Dieu, mais le séjour supplémentaire d'Isidore s'explique par la comparaison avec d'autres cas : désir de «payer» les saints par un séjour prolongé, mais aussi désir de vérifier que la guérison est durable ; les saints viennent conclure le séjour par une apparition qui tient lieu de congé. Dans le mir. 2, un homme «souffrant des pieds» est ensuite guéri des testicules : malgré l'apparence et l'opinion de V. C , il n'y a pas contradiction, mais, comme l'a bien vu I. Sorlin, simple euphémisme biblique, les «pieds» désignant les parties génitales. Le mir. 34 (p. 177-185) est plus riche d'enjeux, parce que c'est celui qui décrit les images du templon de l'église et une image à l'entrée de l'église ; P. SPECK, Wunderheilige und die Bilder, Poikila Byzantina 11, 1991, p. 219-228, pense à des interpolations, et les traduc­teurs, sans suivre son hypothèse, n'excluent pas des altérations mineures (p. 279-280). En fait, si l'on admet qu'il pouvait exister des images et un culte autour d'elles vers le milieu du 7e s., l'argumentation de P. Speck peut se résumer à deux points : la mention d'une femme «de mauvaise réputation» parmi les dévots du saint indiquerait la présence d'une histoire édifiante antérieure mal intégrée au récit, le fait que la jeune fille, revenue à elle après une attaque de peste, «montre» les images d'anges dans l'église à ses parents indi­querait que nous ne sommes plus dans la maison de la malade, mais dans l'église, ce qui trahirait une rupture dans le texte. En fait, ces deux points curieux se ramènent à des pro­blèmes philologiques habituels avec des solutions banales. La femme du début de l'his­toire n'est pas δυσώνυμος, «de mauvais renom», mais δισώνυμος, «à deux noms» (elle s'appelle de fait Ioannia et Maxima, corriger la traduction sur ce point) : certains manus­crits corrigent cette faute banale de iotacisme qui avait échappé au premier éditeur. La petite fille guérie ne «montre» pas les images des anges dans l'église, p. 180, 1. 23, elle «indique» ou «décrit» (ύπέδειξεν) : le même verbe a clairement ce sens figuré p. 178, 1. 29, et il n 'y a pas de raison de lui en donner un autre quelques lignes plus bas. Bref, ce texte fourmille d'hapax ou de mots utilisés dans un sens inattendu, mais il reste cohérent. Des accidents de tradition manuscrite ont pu se produire, comme à la fin du mir. 9 (p. 95 ; excellente présentation du problème par les traducteurs p. 241-242), mais l'état du texte ne laisse pas soupçonner de remaniement véritable après 668 : les Miracles peuvent (et doivent) continuer à être utilisés comme une source fiable du 7e s. La seule exception rele­vée par J. Grosdidier de Matons tient au mir. 45, sans doute d'une autre main, mais de toute façon assez pauvre de contenu.

Si la vue d'ensemble est claire, en revanche les problèmes de détail sont légion, et les traducteurs ont parfois erré, ou ont hésité entre différentes possibilités au point de ne plus suivre dans le commentaire la solution retenue dans la traduction — tous ceux qui

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connaissent bien et ce texte et le travail de traduction ne s'en formaliseront pas. Je signale quelques points dans le seul but d'éviter des méprises au lecteur : — mir. 6, p. 88, 1. 2, traduction «in charge of a hospital» trop précise pour le simple sens de «comme dans un hôpital» ; bon commentaire p. 11-12 (l'hypothèse d'un rattachement organique entre l'église d'Artémios et l'hôpital de la Christodotè, mentionné au mir. 22, est séduisante, mais non démontrable) ; — mir. 9, p. 93,1. 1, la traduction oublie άγωνιάσας, «en transes» ; — mir. 15, p. 104, 1. 20, pas de raison de traduire κοινωνήσαι par «communal eating» alors que le plus vraisemblable (et le plus intéressant) est la communion ; — mir. 18, commentaire p. 251 : je ne comprends pas le comput chronologique des tra­ducteurs qui repose sur l'idée que la fête de St Jean Baptiste doit tomber sur un dimanche — alors qu'elle peut très bien tomber un autre jour ! (la chronologie proposée pour le mir. 22, p. 262 est donc elle aussi inexacte). Il est également douteux que le σεκρετάριος ait donné un faux témoignage délibéré au procès comme le supposent les traducteurs, p. 251. L'idée du rédacteur est plutôt qu'Artémios a arrangé un malentendu à l'insu de tous les participants. Il n'est pas sûr non plus que le cambriolage ait eu lieu au matin {ibid.) : διαφαυούσης signifie simplement que nous sommes dans la nuit avant tel ou tel jour ; la seule conséquence est que nous n'avons pas là d'attestation d'une veillée de toute la nuit ; — mir. 21, commentaire p. 259: la reconstitution de l'itinéraire du diacre est possible, mais non certaine pour la bonne raison que nous ne savons pas où pouvait loger le διοικητής Kosmas (par conséquent, le sens de «tournant» donné à πάροδος n'est pas sûr) ; p. 128, 1. 6 et commentaire, p. 260, le sens de «litter facility» ne convient pas à βαστέρνιον, qui a ici de toute évidence le sens de «passage couvert» donné par une glose du Code Justinien ; p. 128,1. 13, la traduction correcte «and the labour cost» est démentie à tort par le commentaire, p. 261 : le diacre rend la matière première des cierges brisées et le coût de la confection en échange de cierges en bon état, il ne paie donc pas tout le prix une fois de plus ; — mir. 22, p. 130,1. 25 : traduire διαφόρως non par «on various subjects», mais par «diffé­remment (des autres), particulièrement» ; p. 134,1. 5 : traduire σκεπάσματα καί... έγκοίτια non par «bandages and the bedclothes», mais par «couvertures et vêtements de nuit» ; — mir. 23, commentaire p. 264 : le proverbe a été identifié par Kougéas chez Nicéphore Choumnos ; — mir. 24, p. 142, 1. 21-23 : bien que le passage soit très difficile, la subordonnée Ίνα... κυρτωθί) au subjonctif ne peut sûrement pas se comprendre comme une relative de lieu («wherever the membrane bulges»), mais uniquement comme une finale ; βιαίως ne peut pas porter sur όφείλουσιν («ought most definitely»), mais sur τέμνεσθαι ; je propose provisoirement : «Eux qui prescrivent, puisque cette maladie féminine consiste seulement en une enflure inguinale, de couper d'abord vivement la peau repliée en deux de la malade afin que, sous la tension, le péritoine fasse une bosse» ; — mir. 24, p. 144, 1. 9 : traduire au sens concret et littéral έν οΓς... κατ'αύτον, «les par­ties par lesquelles ton serviteur a souffert, c'est par elles qu'il brille dans ses guérisons» (trad, suggérée au commentaire p. 266 !) ; — mir. 25, p. 144, 1. 23, έσημειώσατο au sens médical, «examiner» ; le δτι devant implique un style indirect... sans verbe qui l'introduise ; traduire «le saint lui apparut... et (il rêva) qu'il l'examinait, lui le malade, et qu'il lui perçait», etc. ; — mir. 26, p. 148,1. 6 : δυσωπειν veut dire «supplier» et non «pester» ; p. 149, milieu de page, «I swear» ne correspond à rien en grec ; p. 148, 1. 20, έντραπείς signifie «confondu» plutôt que «embarrassed» ; p. 150,1. 27 (trad. p. 153), έαυτο ne désigne pas Dieu, mais le médecin incompétent qui s'arroge le mérite d'une guérison spontanée ; — mir. 28, p. 156,1. 23 : non pas «bring 'truth' as a charge», mais «nous accusent sur la réalité (du miracle)», solution que suggère d'ailleurs le commentaire des traducteurs, p. 272; — mir. 30, p. 162,1. 18 : ούχ ώς έν όράματι ne porte pas sur la vision miraculeuse précé­dente («not exactly as in the vision»), mais sur la vision en général («non pas comme en vision», pas imaginairement, donc exactement comme dans la vision) ; le commentaire p. 274-275 s'interroge inutilement sur la trad., p. 161, qui est adéquate (γέμω est ici tran­sitif, bien que ce soit un hapax de construction) ;

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— mir. 32, p. 166,1. 26 et commentaire p. 276 : le στιχάριν n'est pas ici le vêtement litur­gique du diacre («deacon's alb»), mais la tunique de dignitaire assortie du baudrier (βαλτίδιν), comme l'ont bien vu ailleurs les traducteurs (voir leur commentaire, p. 238-239); idem, p. 168,1. 23-24; — mir. 32, p. 168, 1. 1-2 : πιλώσας... μερών, non pas «skilfully compressing it against my 2 thighs», mais simplement «palpant adroitement mes deux cuisses» ; — mir. 32, p. 170, 1. 31 : ους, non pas «les mots», mais «ceux qui» (les gardiens postés par les Juifs devant la tombe du Christ) ; ce sont les mêmes soldats et non Judas qui reçoi­vent les «silver pieces» (corriger le commentaire p. 278) ; — mir. 33, p. 174,1. 22 : ιατρεία, non pas «thank-offerings» des malades pour Artémios, mais «remèdes» d'Artémios pour les malades (en clair, ses reliques) ; — mir. 37, p. 196, 1. 26 et comm. p. 284 : le contexte impose de comprendre l'hapax μετριοπάθεια comme «bonté» ou «absence de rancune» (contre Pierre qui l'avait offensé) ; «humility» ne convient pas ; — mir. 36, commentaire p. 282: la traduction «The doctors... » est bonne malgré les doutes du commentaire, άπό a ici le sens distributif et porte sur δώδεκα καΐ όκτω νομίσματα, même si l'accusatif peut surprendre (voir A. J. FESTUGIÈRE, Vie de Syméon et Vie de Jean de Chypre, Paris 1974, p. 547) ; — mir. 39, p. 202, 1. 5, ως εν ђ... , non pas «as when...», mais «parce qu'il avait été enrôlé ...» ; — mir. 40, p. 204, 1. 29 : corr. έπιθείναι en έπιτεϊναι, ce qui évite de supposer une lacune ; «pendant qu'il soulevait une pierre et que ses entrailles se tendaient et...» ; — mir. 40, p. 206,1. 17-18 : καν non pas «même si» («Even if»), mais «bien que» ; — mir. 40, p. 208, 1. 5 : ώς ne veut pas dire «approximately», mais un intraduisible «en tant que» ; — mir. 40, p. 208, 1. 22 (commentaire p. 6-7) : συναξογράφιν traduit par «synaxarion» pose problème, parce qu'il ne s'agit sans doute pas encore de ce que nous appelons «synaxaire» avec des notices hagiographiques abrégées, apparu au 10e s., mais plutôt d'un simple martyrologe avec les dates et noms des commémoraisons (voir à titre de comparai­son G. GARITTE, Le calendrier palestino-géorgien du Sinaiticus 34, Bruxelles 1958, sur lequel B. Flusin a bien voulu attirer mon attention) ; — mir. 40, p. 210, 1. 10: τί εν (abrégé de ενεστι) ne peut pas signifier «are you in here ?», mais seulement «qu'y a-t-il ?», «qu'est-ce que cela veut dire ?» ; — mir. 41, p. 212,1. 1 : άποστάντα mal rendu par «he stood aside there» ; soit «il s'ar­rêta là», soit plutôt «il fit un détour là» ; — mir. 41, p. 212, 1. 15 : non pas «on the holy coffin», mais «dans la sainte châsse», c'est-à-dire sans doute dans la pièce où se trouve la châsse ; — mir. 42, p. 216, 1. 25 : έπισκέψαιτο ne signifie pas «examiner», mais «visiter de sa grâce», terme technique depuis le Nouveau Testament pour désigner l'épiphanie du divin en ce monde ; — mir. 45, p. 222,1. 22-23 : il ne s'agit pas de 40 jours de repos pour l'accouchée, mais des 40 jours où elle est impure d'après la loi mosaïque.

Vincent DÉROCHE

Gilbert DAGRON, Empereur et prêtre. Étude sur le «césaropapisme» byzantin (Bibliothèque des Histoires). — Gallimard, Paris 1996. 22,5 x 14. 435 p. Prix: 180 F.

Traditionnellement, le «césaropapisme» byzantin fut opposé à la «libertas» que l'É­glise romaine sut imposer aux princes d'Occident. Cette image servait trop les intérêts de l'Église d'Occident pour ne pas avoir été complaisamment diffusée. L'opposition et la solidarité entre l'Église et l'État sont infiniment plus complexes et le fruit d'une histoire, la rencontre d'un Empire préexistant, à vocation universelle, et d'une religion visant à la conversion de tous. L'unité du royaume terrestre, à l'image de celui de Dieu, postule une tête unique, et c'est naturellement l'empereur le mieux placé, mais pour que cette unité

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soit accomplie, il faut que l'empereur appartienne d'une certaine manière à l'ordre des prêtres, avec un danger, l'Antéchrist à venir sera aussi empereur. Cette nécessité n'est jamais abordée de front, mais dans les moments de crise, certains osent la formule «empe­reur et prêtre», se référant à la figure de Melchisédech. C'est l'étude de cette relation fon­damentale, qui dépasse, et de loin, les seuls acteurs byzantins, qu'a entreprise G. Dagron en divisant son œuvre en trois temps : les principes, les empereurs, les clercs.

Derrière les principes, se cachent les fondements de la légitimité impériale. Le modèle hellénistique pèse, depuis la conversion de Constantin, moins lourd que l'héritage vétéro-testamentaire. Pour être légitime, l'empereur doit être appelé par Dieu, mais en même temps, la logique politique implique que le fils succède au père, pas seulement par calcul familial, mais parce qu'il est rassurant, lorsque l'Empire est en proie à des difficultés, invasions ou épidémies, de supprimer l'incertitude de la transmission impériale. Ce n'est pas le seul hasard d'une progéniture, si la succession familiale est réintroduite sous Maurice, mais conduisant à un échec, avant de se consolider sous la dynastie fondée par Héraclius. Mais G. Dagron souligne que cette évolution est passée par l'étape de la légiti­mité d'une famille plus que d'un individu : collégialité des fils d'Héraclius, gouvernement familial de Basile le Macédonien, et, ajoutons que cette idée d'une «race d'or», destinée à la pourpre, est encore bien vivace à l'époque des Comnènes. La légitimité du sang trou­vait son modèle dans la royauté de David et le Christ lui-même était issu de la lignée de David.

Mais si la transmission dynastique de PEmpire-patrimoine a été vite acceptée, la basi-leia, élection divine, devait être maintenue. Le choix par «concours de beauté» des impé­ratrices aurait contre-balancé l'hérédité, en introduisant l'élément de hasard, signe d'un choix échappant aux hommes. Bien sûr, plus prosaïquement, l'époque, les 8e-9e siècles, correspond aussi à l'aristocratisation de la société et la famille impériale avait tout intérêt à s'allier à de puissants groupes en expansion sans s'aliéner ceux que le mariage excluait.

Les empereurs, après l'échec de Piconoclasme, ont réinvesti à la figure de David : Basile, assassin de son prédécesseur, est un nouveau David : d'humble origine, il succède à un prince décrié, il expie un crime de sang par la perte de son fils aîné. Léon VI, son fils, est tout à la fois un nouveau Salomon et un David repentant, donc renouant l'alliance divine. La fondation de la Néa, établie près de et face à Sainte-Sophie, consacre ce modèle, en accumulant des reliques vétérotestamentaires.

Autre argument pour suggérer la nature sacerdotale du pouvoir impérial, la nature de l'onction impériale. Le couronnement constitue une étape médiocre dans la création d'un basileus, qu'elle sanctionne le pouvoir de fait d'un empereur sorti du rang ou qu'elle sanc­tionne l'héritage de la pourpre. Au 12e siècle, alors que l'onction reste immatérielle, car appliquée plus à la basileia qu'à un basileus, Balsamôn, le grand canoniste de ce temps, la considère comme un sacrement, qui, comme le baptême, effacerait les péchés antérieurs, expliquant ainsi que le patriarche Polyeucte ait pu recevoir à Sainte-Sophie, Tzimiskès, encore couvert du sang de son prédécesseur. Même en Orient, une telle thèse suscita des réticences et, dès le 13e siècle, alors que l'onction de Théodore Lascaris, à Nicée, fut, peut-être à l'imitation de l'Occident, pratiquée par le patriarche avec le saint chrême, l'onction devient un «sacramental», cérémonie aux mains de l'Église.

La royauté des patriarches : le titre est provoquant, à réjouir un pape de la réforme gré­gorienne. À vrai dire, l'effet de symétrie est un peu illusoire. Que le poids de l'histoire ait joué plus que l'évolution des idées, on en a la preuve dans le rapport de forces entre l'em­pereur et l'Église. Lorsque l'Empire se relève et que son chef se croit l'agent d'une vraie renaissance, il se veut l'unique responsable devant Dieu, et ce n'est pas un hasard si c'est à Léon qu'on a attribué le fameux «je suis empereur et prêtre», pas plus que les préten­tions de Manuel Comnène, le dernier qui puisse se voir en empereur universel, à se pré­tendre épistémonarque. À l'inverse, les prétentions des clercs sont un mauvais signe pour la santé de l'Empire : Théodore Stoudite revendique un «gouvernement de l'Église» appuyant un patriarcat fort, alors que les défaites s'accumulent et que l'angoisse de l'opi­nion s'exacerbe ; les prétentions de Cérulaire, un patriarche bien particulier, puisqu'ancien prétendant à l'Empire, s'élèvent lorsque la succession impériale est incertaine ; enfin, Syméon de Thessalonique peut rabaisser l'empereur au rang de «simple bedeau», car la fonction est près de l'extinction. Cependant, la pensée de Balsamôn nous rappelle que les

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clercs ne se situent pas systématiquement dans le camp opposé au rôle sacerdotal de l'em­pereur et que, une fois de plus, toute opposition catégorielle tranchée serait trompeuse.

Cette rapide analyse et ces quelques commentaires ne peuvent rendre compte de tous les thèmes abordés dans cet ouvrage, qui pose les termes d'un débat fondamental, ouvert par la conversion de Constantin, le saint empereur, et par la mise en place des enjeux sous la plume d'Eusebe de Cesaree, concevant Constantin, comme un quasi-évêque et en partie refermé lors de l'échec des iconoclastes.

Jean-Claude CHEYNET

Ysabel DE ANDIA (Éd.), Denys l'Aréopagite et sa postérité en Orient et en Occident. Actes du Colloque International, Paris, 21-24 septembre 1994 (Collection des Etudes Augustiniennes, Série Antiquité 151). — Institut d'Études Augustiniennes, Paris 1997. 24,5 χ 16. 671 p., 3 pi.

Ce colloque, s'inscrivant dans la suite du Colloque international sur la philosophie dio-nysienne, qui s'était tenu à Athènes en 1993, est donc le Second Colloque international sur Denys. Après les discours d'ouverture, il comporte les communications suivantes :

1 - La tradition manuscrite de Denys. J. Irigoin, Les manuscrits grecs de Denys l'Aréopagite en Occident, les empereurs byzan­

tins et l'abbaye royale de Saint-Denis en France. M. Nasta, Quatre états de la textualité dans l'histoire du Corpus Dionysien. P. Tombeur, Une double clef pour l'étude du Corpus Dionysiacum : les concordances

gréco-latine et latino-grecque réalisées par le CETEDOC. / / - Denys et les néoplatoniciens. D. O'Meara, Evêques et philosophes-rois : Philosophie politique néoplatonicienne chez le

Pseudo-Denys. C. Steel, Denys et Proclus : L'existence du mal. S. Lilla, Pseudo-Denys l'Aréopagite, Porphyre et Damascius. / / / - Denys et Jean de Scythopolis. B. R. Suchla, Das Scholienwerk des Johannes von Skythopolis zu den areopagitischen

Traktaten in seiner philosophie-und theologiegeschichtlichen Bedeutung. M. van Esbroeck, La triple préface syriaque de Phocas. P. Rorem, The doctrinal concerns of the first dionysian scholiast, John of Scythopolis. U. Reinhold Jeck, Philosophische Grundbegriffe des Ps.-Dionysius Areopagita in altarme­

nischer Version. IV - Denys en Orient. L. Siassos, Des théophanies créées ? Anciennes interprétations de la Ie Lettre de Denys

l'Aréopagite. J. Paramelle, Morceau égaré du Corpus Dionysiacum ou pseudo-Pseudo-Denys ?

Fragment grec d'une Lettre à Tite inconnue. T. Hainthaller, Bemerkungen zur Christologie des Ps.-Dionys und ihrer Nachwirkung im

6. Jahrhundert. Y. de Andia, Transfiguration et théologie négative chez Maxime le Confesseur et Denys

l'Aréopagite. A. Louth, St Denys the Areopagite and the Iconoclast Controversy. I. Perczel, Denys l'Aréopagite et Syméon le Nouveau Théologien. V - Denys en Occident É. Jeauneau, L'Abbaye de Saint-Denis introductrice de Denys en Occident. E. H. Wéber, L'apophatisme dionysien chez Albert le Grand et dans son école. W. J. Hankey, Dionysian Hierarchy in Thomas Aquinas : Tradition and Transformation. I. Andereggen, La originalidad del Comentario de Santo Tomas al De divinis Nominibus

de Dionisio Areopagita. P. Kalaitzidis, Theologia: Discours sur Dieu et sciences théologiques chez Denys

l'Aréopagite et Thomas d'Aquin.

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292 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

W. Beierwaltes, Dionysius und Bonaventura. - A. Bernard, La triple forme du discours théologique dionysien au Moyen Âge.

VI - Denys et le palamisme. A. Rigo, Il Corpus Pseudo-Dionisiano negli scritti di Gregorio Palamas (e di Barlaam) del

1336-1341. J. Nadal, Denys l'Aréopagite dans les traités de Grégoire Akindynos. A. Ritter, Gregor Palamas als Leser des Dionysius Ps.-Areopagita. V7/- Humanisme et temps modernes. T. Leinkauf, Philologie, Mystik, Metaphysik, Aspekte der Rezeption des Dionysius

Areopagita in der Frühen Neuzeit. M. de Gandillac, La figure de Denys chez le Cusain. M. Huot de Longchamp, Le Pseudo-Denys en défense de l'orthodoxie contemplative de

saint Jean de la Croix, selon José de Jesus Maria Quiroga dans son Apologie Mystique. S. Breton, Sens et portée de la Théologie Négative. Y. Kumada, Die Übersetzung des Corpus Dionysiacum ins Japanische. Des résumés des communications en langues étrangères, un index du Corpus

Dionysiacum et un index des noms complètent l'ouvrage.

Marie-Hélène CONGOURDEAU

Vincent DÉROCHE, Études sur Léontios de Néapolis (Acta Universitatis Upsal iensis , Studia Byzant ina Upsalensia 3). — Uppsala 1995. 22,7 χ 15,5. 3 1 6 p .

Cet ouvrage rassemble des études sur Léontios de Néapolis, hagiographe chypriote du 7e siècle, à partir de ses deux principaux écrits : la Vie de Syméon Salos et la Vie de Jean le Miséricordieux (ou l'Aumônier), patriarche d'Alexandrie. Rappelons que l'auteur a également publié l'Apologie contre les juifs de Léontios (TM 12, 1994).

L'auteur commence par présenter sa démarche scientifique, expliquant comment la singularité de Léontios l'a conduit à déborder les limites de la pure philologie pour s'aventurer sur les terres de l'analyse historique et littéraire. La personnalité de Léontios, sa spiritualité, qui sort des sentiers battus de l'hagiographie, la façon dont il utilise le lan­gage, modifiant délibérément les niveaux de langue en fonction de son public, justifiaient cette démarche.

Les études qui composent ce recueil portent sur : la tradition manuscrite de la Vie de Jean (la Vie de Syméon étant connue par les études de L. Rydén), chapitre qui ajoute aux recensions déjà connues d'autres versions grecques et des traductions syriaque, arabe, géorgiennes, slave et latines ; les sources de l'hagiographe (qui permettent de souligner l'enracinement syriaque de la spiritualité de Léontios) ; la spiritualité du salos (les saloi à Byzance et leur évolution après l'iconoclasme et jusque sous les Paléologues, leur prolon­gement en Russie et les parallèles occidentaux et musulmans) ; miracle et sainteté (avec une analyse de Γ «économie miraculeuse» bien distinguée de la thaumaturgie) ; une théo­logie pour le peuple (parallèle à la littérature des Érôtapokriseis). Plusieurs dossiers inté­grés dans ces études font le point sur un certain nombre de questions, comme le rôle d'Arcadios de Chypre (commanditaire de la Vie de Jean) dans la crise monothélite, l'iden­tité entre Sophrônios le sophiste et le patriarche de Jérusalem, les deux types principaux de saloi (salos passif et souffrant, dans la lignée du serviteur caché cherchant l'humilité, et salos actif et provocateur, que l'on pourrait qualifier d'«apostolique»).

Les pages les plus stimulantes concernent la sainteté selon Léontios, ou comment cet auteur a dû adapter le modèle hagiographique traditionnel, pour rendre compte de saints qui n'entraient pas dans le moule. À travers Syméon et Jean, le fou en Christ et l'évêque charitable, c'est en fait la spiritualité de Léontios qui transparaît, une spiritualité faite de simplicité, de discrétion, de refus de juger autrui, et qui réhabilite la sainteté laïque et séculière ; une sainteté qui déborde les cadres du sacré pour investir le monde laïc, qui sanctifie le monde au lieu de s'en croire souillée, qui se définit non par l'ascèse, mais par la pureté du cœur. Des parallèles contribuent à replacer ce modèle dans le contexte plus

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general de la sainteté byzantine (Philarète le miséricordieux) ou occidentale (François d'Assise, voire François de Sales). L'hagiographie de Léontios est un des derniers témoins de cette sainteté hors cadre, parfois marginale, à forte influence syrienne, qui était sur le point d'être marginalisée par le concile in Trullo (qui enferme les moines dans les monastères et emprisonne les fous en Christ)... avant de resurgir sous les Paléologues et dans la Russie moderne.

Les parallèles esquissés par l'auteur nous autorisent à en suggérer quelques autres : p. 239, n. 35, à la personnification des vertus par des femmes, on peut ajouter à Byzance le choix de Sophia par Constantin-Cyrille ou en Occident l'allégeance de François d'Assise à Dame Pauvreté. Parmi les rares saloi occidentaux nous rangerions Benoît-Joseph Labre, type du saint pérégrinant et soumis aux outrages, qui distribue aux autres pauvres les aumônes qu'il reçoit, et dont la sainteté n'est connue que de ses confesseurs, ou Martin de Porrès suppliant son supérieur de le vendre comme esclave pour payer les dettes du couvent (doublet américain de Pierre le douanier). Le thème de l'argent des aumônes qui sert à acheter la grâce, dans l'économie miraculeuse, rappelle l'interprétation de la parabole des dix vierges par Jean Chrysostome (homélie III sur la conversion) : les marchands à qui les vierges folles doivent acheter l'huile qui empêchera leurs lampes de s'éteindre sont les pauvres qui mendient aux portes des églises.

Passons sur quelques coquilles : p. 15, le déplacement inopiné d'un substantif conduit à qualifier le concile de Nicée II de «flou concile» ; p. 28, n. 49, il faut lire «PG 91» et non «291». Quant à la critique de l'usure fondée sur le fait que «l'argent en tant que tel est improductif» (p. 238, n. 30), elle n'est pas propre à l'Occident médiéval, mais se trouve chez les Cappadociens.

Une bibliographie détaillée (qui complète la liste initiale des Abréviations) achève le volume.

Marie-Hélène CONGOURDEAU

Théocharès DÉTORAKÈS, Βυζαντινή φιλολογία. Ta πρόσωπα και τα κείμενα. Τόμος A'. Προβυζαντινοί και πρωτοβυζαντινοί χρόνοι (περ. 150-527 μ. Χ.). — Ouvrage pubié à compte d'auteur, Hérakleion 1995. 17,4 χ 24,8. 574 p.

Th. Détorakis, professeur de littérature byzantine à l'Université de Crète, a fait, au cours de son enseignement, la même constatation que ses collègues : il n'existe guère, dans cette discipline, de manuel à mettre entre les mains des étudiants débutants. C'est pour pallier ce défaut qu'il a décidé de composer une anthologie de la littérature byzantine qui comprendra trois volumes, dont voici le premier, consacré aux périodes «prébyzan­tine» et protobyzantine, de 150 env. à 527.

Pour Th. Détorakis en effet, de même qu'il existe une Byzance après Byzance, il y en a une avant, et il convient donc de rechercher dans la littérature des premiers siècles chré­tiens ce qui annonce les grandes tendances qui vont se développer. L'ouvrage s'ouvre donc avec Justin Martyr pris comme symbole de la rencontre entre l'hellénisme savant et le christianisme et de la reconnaissance que «ceux qui ont vécu méta logou sont des chré­tiens, même s'ils ont été considérés comme des athées». Après une première partie réser­vée ainsi aux 2e et 3e siècles considérés comme «prébyzantins» (p. 39-122), le corps de l'ouvrage est consacré à la période protobyzantine, qui est, pour l'auteur, marquée par la coexistence d'une littérature païenne et d'une littérature chrétienne. C'est cette vue qui conditionne à la fois la périodisation (le début du règne de Justinien, en 527, marque en effet pratiquement la fin de la littérature païenne de langue grecque) et la structure de l'ouvrage: d'abord les auteurs païens (2e partie, p. 123-211), puis chrétiens (3e partie, p. 211-541). Pour les quelque quatre-vingts auteurs ou œuvres anonymes répartis dans ces trois parties et classés dans chacune par ordre chronologique, on trouve, après une brève notice biographique, des renseignements bibliographiques utiles, et quelques extraits accompagnés de notes explicatives ou, rarement, d'une traduction. Tel qu'il se présente, le

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manuel de Th. Détorakis, par la diversité des textes retenus, rendra certainement de nom­breux services aux étudiants et aux enseignants.

Bernard FLUSIN

Elio DOVERE, «lus principale» e «catholica lex» dal Teodosiano agli editti su Calcedonia (Pubblicazioni del Dipartimento di diritto romano e storia della scienza romanistica dell'Università degli Studi di Napoli «Federico II» VIII). — Jovene, Naples 1995. x-324 p.

L'intérêt accordé par l'histoire du droit romain, ou celle de l'Église, à l'époque théodo-sienne et post-théodosienne a produit dans les dernières décennies une énorme masse de publications : la bibliographie qui enfle les notes du présent livre en témoigne. Sans se laisser intimider par cet état de la recherche, l'auteur a choisi de revenir sur le problème central indiqué par le titre. Mais non sans se permettre un mouvement préliminaire et rela­tivement inhabituel.

Au chapitre I (Prolegomeni), l'auteur fait une longue déclaration d'intention sur la méthode et la finalité de ses recherches. Il y refuse Γ «isolationnisme», tentation récurrente dans l'histoire du droit romain, qui semble pourtant vouloir s'en distancier. Les sources (principalement les actes des conciles et l'histoire ecclésiastique) que l'auteur veut mettre à profit en plus des sources proprement juridiques ne sont pas «étrangères», mais plutôt parallèles. L'auteur attribue à ces textes, que l'histoire du droit n'ignore certes pas, la valeur d'un témoignage autonome et, en principe, aussi intéressant que celui des sources juridiques pour reconstruire les événements qui importent à sa recherche. Si une norme impériale insérée dans le Code théodosien diffère, dans la forme codifiée, de celle que cite un historien chrétien, il n'y a pas de conclusion a priori en ce qui concerne la rédaction originelle et les possibles modifications, introduites plus ou moins consciemment en che­min. Sur cette double base, l'enquête vise à reconstruire, entre Théodose II et Marcien, le déroulement d'un changement dans la conception des rapports entre droit impérial et normes ecclésiastiques. D'après l'auteur, «les quelques années séparant la publication du Code théodosien du concile de Chalcédoine apparaissent vraiment comme un moment de passage complexe mais important entre deux époques très diverses» (p. 38). Le poids tou­jours plus grand que la catholica lex assume par rapport à la formulation de normes impé­riales doit se repérer, selon l'auteur, non seulement en s'appuyant sur des affirmations de principe, mais aussi en cherchant à reconstruire concrètement l'activité «parallèle» des bureaux impériaux et des écrivains ecclésiastiques. L'attention à la microhistoire, née dans d'autres milieux, trouve en dernier lieu ses partisans dans l'histoire du droit aussi.

Dans le chapitre II (L'evento teodosiano), l'auteur revient sur la signification culturelle de la compilation théodosienne et son impact sur une opinion publique non limitée aux seuls «opérateurs juridiques», mais étendue à des milieux culturels plus vastes, y compris ecclésiastiques. Les travaux produits récemment sur ce thème et, plus généralement, sur le mouvement de codification sont si imposants qu'un simple exposé du status quaestionis représente une lourde tâche. Plutôt que d'insister sur les aspects connus de cette problé­matique, je m'arrêterai aux touches de nouveauté, qui, si elles n'emportent pas toutes l'adhésion, sont utiles pour illustrer le climat culturel d'un milieu et d'une époque «multi­raciale et plurilingue» (p. 75), non seulement en Orient, mais aussi dans l'Occident bar­bare. En soulignant cette «complexité», l'auteur ne fait pas un clin d'œil à un thème à la mode, mais attire l'attention sur une donnée réelle de l'Antiquité tardive.

Une hypothèse non dénuée de probabilité, même si l'auteur l'entoure de multiples pré­cautions, en usant continuement du conditionnel, concerne l'insertion de C. Th. 1,1,5 (donc du premier projet de codification, jamais réalisé) dans les Gesta Senatus Romani, quand fut présenté en 438 au Sénat romain le Code achevé et circulant déjà en Orient, mais rédigé sur la base d'un second projet, différent. Faire précéder du vieux projet la «nouveauté» théodosienne ne représenterait pas, selon l'auteur, «une opération d'archéo­logie culturelle», mais viserait à souligner la continuité d'une opération de codification et l'accord d'intention entre les deux chancelleries. Plus fragile me semble la proposition

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d'identifier le Théodore, destinataire de l'Histoire ecclésiastique de Socrate (scholasticos ou avocat), avec le Théodore magister memoriae, vir spectabilis et comes consistorianus, membre de la première commission de redigendo codice (p. 99). La tentation de l'identifi­cation prosopographique est forte chez l'historien, qui renoue des fils que la transmission des matériaux a coupés afin de reconstituer plus concrètement un milieu. Mais la vivacité des narrations, des indiscrétions entre Phistorien-avocat et le «grand commis» de l'État byzantin, que l'auteur cherche à reconstruire à partir de sources moins utilisées, ne semble pas disposer d'une base textuelle vraiment solide.

Le chapitre III {L'indirizzo normativo nell'età del Codice) s'ouvre par des réflexions sur des thèmes eux aussi largement débattus, et depuis longtemps : les rapports entre cul­tures païenne et chrétienne à l'époque théodosienne, s'agissant notamment de l'activité de compilation. Pour l'auteur, la christianisation de l'intelligentsia pousse celle-ci à accepter le Code, grâce au rôle attribué à l'Église ou aux avantages qu'elle pouvait en tirer ; par ailleurs, la législation postérieure au Code ne pouvait ignorer l'ampleur de la christianisa­tion. L'auteur reprend ce thème intensément étudié pour approfondir une évolution pré­cise : la spécificité de la matière religieuse, à laquelle un espace autonome est réservé Qe livre 16).

L'auteur s'arrête d'abord à trois constitutions du titre 11, le dernier, qu'il étudie sous l'angle de la compétence des seuls évêques en matière de religion, de leur extériorité par rapport à Y imperium, et de la nature formelle de telles mesures. Une comparaison avec des matériaux parallèles conservés par les Gesta coïlationis Carthaginensis lui permet de suivre l'histoire de ces textes, de repérer parfois la rédaction d'origine, plus proche des circonstances, et de la confronter à celle du Code, modifiée en vue de l'insertion dans le recueil. L'auteur examine ensuite un groupe de constitutions du titre 16,2, sur la définition de l'orthodoxie catholique par les évêques et leurs synodes, dont la rubrique est de episco-pis, ecclesiis et clericis. Il souligne qu'un ordre hiérarchique descendant aurait suggéré une séquence de ecclesiis, episcopis et clericis : l'accent mis sur les évêques manifeste la position privilégiée attribuée aux pasteurs des églises. Le privilège réside dans leur droit exclusif de définir la foi, de vérifier les dogmes et d'interpréter les canons : toute discus­sion dogmatique aurait dû se dérouler uniquement entre évêques, à l'exclusion de toute intervention de l'empereur, qui, en matière de foi, devait se considérer comme un sujet parmi d'autres. Des convergences significatives avec les constitutions impériales, repa­rables chez l'évêque Ambroise ou l'historien Sozomène, révèlent une concordance sub­stantielle entre les milieux ecclésiastiques et la chancellerie impériale. L'empereur renonce même à insérer dans la loi la formule du credo et renvoie nominativement, pour la définition de l'orthodoxie, à ceux des évêques qui sont les gardiens du symbole de Nicée ; la contrepartie est, au moins en principe, que les évêques renoncent à toute préten­tion sur Y imperium.

Le sujet n'est pas nouveau : les romanistes ont montré, récemment encore, une atten­tion aiguë à ces aspects et à d'autres, analogues, du Code théodosien. Il faut donc appré­cier l'effort de l'auteur pour confirmer avec d'autres arguments les propositions déjà avancées ou repérer de nouvelles perspectives sur des points particuliers. Je voudrais en discuter certains. Que concilium de C. Th. 16,2,4 (Constantin, 321) signifie, dans le texte originel, «synode episcopal» et non une forme de réunion moins structurée peut être révo­qué en doute, pour une époque aussi haute, et devrait être vérifié par une recherche lexi­cale sur des textes contemporains ; tout autre est la question de la signification que lui donnent les compilateurs du Code. En ce qui concerne la réception dans le Code (16,1,4, Valentinien, Théodose et Arcadius, Milan, 386) d'une constitution qui cite les conciles de Rimini et Constantinople, suspects d'hétérodoxie, la solution proposée par l'auteur est que les compilateurs ne se seraient pas interrogés sur le contenu des décisions, pourvu qu'elles fussent synodales. On objectera que, dans la constitution précédente (16,1,3, Gratien, Valentinien et Théodose, Héraclée, 381), les empereurs se sont empressés d'introduire — et les compilateurs de conserver— des listes d'évêques «fiables» (probabiles). On pour­

rait sans doute supposer, même à peu d'années de distance, des situations et des solutions diverses en Orient et en Occident. Rappelons aussi combien, à cette époque, les ortho­doxies pouvaient se renverser facilement en leur contraire, assez pour embarrasser des compilateurs qui n'étaient pas des théologiens de profession.

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Au chapitre IV, l'auteur analyse la production normative de fide catholica des années qui suivent la publication du Code, et spécialement la législation de Marcien. La compa­raison avec les sources parallèles (l'histoire ecclésiastique et surtout les actes conciliaires) se fait particulièrement étroite. Dans cette lumière rasante, les constitutions de Marcien font bien entrevoir la difficulté pour la loi impériale d'imposer une adhésion générale à des décisions conciliaires qui renversaient parfois rapidement des orthodoxies pénible­ment atteintes ou visaient à couper net des appartenances religieuses hétérodoxes, qui se conjuguaient avec de fortes traditions locales autonomistes ou subversives, s'appuyant parfois sur une figure charismatique d'évêque. Dans cette situation, la tendance théodo-sienne à faire des évêques les responsables privilégiés pour les questions de fide devenait insuffisante, sinon contreproductive. Les constitutions de Marcien sont donc rédigées très différemment de celles de Théodose : elles ne défendent pas seulement le dogme chalcé-donien contre des adversaires génériques (comme si quis, C. J. 1,1,4,1, 452), mais men­tionnent, comme destinataires des normes, les clercs, les soldats, les libres et les esclaves (C. J. 1,1,4,3) et puis, explicitement, les moines, à qui revenait une part importante des troubles (C. J. 1,7,6, 455). Pour Marcien, qui anticipe ainsi la position de Justinien, la législation impériale doit se référer non pas à l'opinion d'évêques individuels, mais au dogme conciliaire.

Telles sont les conclusions d'une recherche dont il serait difficile de rendre compte plus en détail, en suivant l'auteur dans son intention de reconstruire, avec l'attention de la microhistoire, la genèse de décisions et de mesures sur lesquelles l'histoire du droit a tra­vaillé pendant des siècles, mais dans un tissu à mailles plus larges. Le relief donné à la production législative de fide de Marcien dans le chapitre final apporte à la recherche des résultats neufs. Restent quelques réserves sur des choix d'écriture. Les références biblio­graphiques sont surabondantes, comme dans bien des recherches de ces dernières années, où les notes tendent à devenir de véritables banques de données. Mieux vaudrait libérer nos pages de ce qui finit par représenter un excès d'information et opérer un choix signifi­catif entre totalité et sélection, pour employer les termes que Luciano Canfora appliquait au traitement des sources, et non à la bibliographie. De même, quelque redondance et excès d'explication pourraient être élagués : comme lectrice, j 'aurais parfois préféré une allure plus rapide. Cette remarque formelle n'entend rien enlever à la solidité d'une mono­graphie où il a fallu à l'auteur beaucoup de courage pour affronter des thèmes si débattus et trouver quelque manière nouvelle de les affronter.

Giuliana LANATA

Lil iane ENNABLI, Carthage. Une métropole chrétienne du IVe à la fin du VIIe

siècle. Préface d ' A n d r é MANDOUZE (Études d 'Ant iqui tés Africaines). — CNRS Édi t ions , Paris 1997. 28 χ 22 . 178 p . , bibl iographie, table des

figures.

Cet ouvrage propose un panorama de l'implantation monumentale du christianisme à Carthage entre le 4e et la fin du 7e siècle. Après une première partie donnant une liste de 35 sites, formée à partir des textes dans lesquels un édifice chrétien est cité, l'auteur s'en­gage dans une description du cadre historique de la ville et des monuments religieux chré­tiens mis à jour par l'archéologie.

Dès la préface, A. Mandouze met en garde le lecteur qu'il s'agit d'une tentative de synthèse à partir de fouilles disparates dans les méthodes et dans le temps, que d'autre part l'auteur a intégré des hypothèses personnelles concernant Bigua et Cathagenna qui n'ont pas fait l'unanimité des chercheurs et se réserve de les défendre dans un autre volume. Il ne faut pas y chercher une histoire de Carthage ou même de sa vie religieuse, mais plutôt une étude des sites chrétiens qui ont été fouillés.

L'apport du volume tient en particulier à la présentation de l'histoire des fouilles anciennes et récentes qui ont eu lieu à Carthage, notamment celles qui ont été faites dans le cadre du «Save Carthage Project» de l'Unesco. L'auteur connaît personnellement très bien le site et a rencontré nombre des chercheurs qui ont participé aux fouilles. Elle a

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aussi édité un grand nombre des inscriptions chrétiennes de Carthage. L'auteur met à pro­fit sa remarquable connaissance du terrain et de l'histoire de la cité pour proposer des hypothèses reliant les données topographiques et liturgiques révélées par les textes, y compris celles des sermons d'Augustin nouvellement retrouvés et édités par F. Dolbeau, avec le cadre monumental mis à jour par les fouilles.

Toutefois, sur des points précis, on peut regretter des erreurs. Pour ne prendre qu'un exemple, les analyses sur le processus juridique de fermeture et destruction du temple de Caelestis sont erronées (p. 35 et 50). L'auteur cite le Code Théodosien XVI, X, 15, l'édit d'Honorius du 29 janvier, sans doute en 399, pour affirmer que c'est à la suite de cette loi que le temple fut désaffecté. Une simple vérification lui aurait permis de voir que ce texte adressé par les empereurs Arcadius et Honorius au vicaire d'Espagne, Macrobius, et au Vicaire des Cinq Provinces, Proclianus, ne parle pas de désaffecter les sanctuaires païens, mais protège les temples comme monuments publics et interdit leur destruction. Une trop grande confiance donnée aux analyses de R. Braun dans son édition du Liber Promissionum de Quodvultdeus amène aussi l'auteur à reproduire ses erreurs concernant la prétendue dévolution des temples païens aux autorités ecclésiastiques avec liberté d'abattre et briser les statues. Or la loi du 15 novembre 407 (Code Théodosien XVI, 10, 19) qui est citée (sans référence) à l'appui de cette thèse ordonne que : 1) les impôts en nature prélevés sur les biens des temples soient versés au bénéfice de l'ar­mée ; 2) si des images de divinité reçoivent un culte dans les temples, elles soient retirées ; 3) les autels soient détruits et les temples affectés à un usage public ; 4) les évêques usent de leur pouvoir pour interdire les cérémonies païennes.

Il n'est nulle part question de donner les biens des temples aux Églises. La loi suivante dans le Code (XVI, 10, 20) qui est datée de 415 aurait pu être analysée et citée car elle concerne directement Carthage, et en particulier les prêtres païens et les biens des temples qui sont expressément attribués à la res privata et non aux Églises. Seuls les biens des temples qui appartenaient déjà aux Églises leur sont laissés en propriété. Une prise en compte des débats sur l'interdiction des cultes païens (P. Chuvin) ou sur les aspects plus techniques de la gestion des biens des temples et des cités (R. Delmaire) aurait permis d'éviter ces erreurs et de montrer à propos de Carthage la transformation de la cité païenne en cité chrétienne.

D'une façon générale, on peut regretter l'absence des débats historiographiques dans la présentation de l'ouvrage. On aurait ainsi aimé voir discuter l'impact des Vandales sur la cité à la lumière des discussions récentes qui tendent à minimiser leurs destructions. Or l'auteur accorde une grande confiance à Victor de Vita qui fait la chronique des «ravages de l'occupation vandale». Les remises en question par C. Lepelley, C. Bourgeois ou Y. Thébert et J. L. Biguet, bien que citées dans la bibliographie, ne sont pas prises en considération dans le corps du texte. C'est dommage.

Béatrice CASEAU

Pierre ѵ (Éd., trad.) , Isidore de Péluse. Lettres. Tome I. Lettres 1214-1413. Introduction générale, texte crit ique, traduction et notes (Sources chrétiennes 422) . — Les Edi t ions du Cerf, Paris 1997. 20 χ 13. 555 p . Prix : 245 FF .

Après avoir consacré à Isidore de Péluse une monographie en 1995 (er. REB 54, 1996, p. 288-289), l'auteur nous livre le premier tome de la correspondance de cet auteur, 200 lettres sur les 2000 que contient le corpus. L'éditeur a pris le parti de débuter sa publica­tion, là où commence le désordre dans les éditions anciennes. Les 1213 premières lettres, qui ont été publiées au 16e s. dans leur ordre correct par J. de Billy, d'après le Parisinus gr. 832, ne seront traitées qu'à la fin du programme.

L'auteur reprend dans une introduction générale les principales conclusions auxquelles il est arrivé dans son précédent travail, concernant l'authenticité du corpus épistolaire et la personnalité d'Isidore de Péluse. Le ch. VI est plus particulièrement consacré à l'histoire des éditions anciennes et à l'examen de la tradition manuscrite. Le classement des manus-

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crits repose sur la distinction fondamentale entre collections et recueils. L'édition a pour but de reconstituer une collection de 2000 lettres numérotées, organisée certainement peu de temps après la mort d'Isidore, et déjà attestée à Constantinople, au couvent des Acémètes, en 564, par le diacre latin Rusticus (qui traduira une sélection de 49 lettres). Cette introduction est solide, même si on relève çà et là quelques coquilles ou bizarreries. En français, Munich s'écrit sans tréma. Un manuscrit de la Biblioteca Angelica est appelé Angelicus et non Angelicanus. Les manuscrits syriaques de la British Library de Londres doivent être cités sous la cote Additional : Addit. 14731 (Wright 827) et Addìi. 7190 Rich (Rosen-Forshall 49). Pour le Marcianus gr. 126 (p. 144), un renvoi au nouveau catalogue de Mioni s'impose.

Je voudrais surtout faire porter mes remarques sur le corps de l'ouvrage, en les grou­pant sous quatre têtes de chapitre :

1) La correction du grec. On regrettera tout d'abord une ponctuation trop abondante, qui fait perdre de vue, dans les plus longues périodes oratoires, la structure de la phrase et entraîne des difficultés dans la traduction (par ex. 1357, 4-8). Parfois, cette ponctuation est totalement aberrante, comme en 1398, 56 (όπερ, οΐμαι, δηλοΰν το...), où elle sépare le verbe οΐμαι de l'infinitif δηλοΰν qu'il gouverne. On relèvera de loin en loin quelques coquilles ou fautes d'accents. Le mot σκιά est encore souvent accentué sur Y iota (p. 148 n. 4 ; Lettres 1227, 33 ; 1251, 42, dans l'apparat seulement, aux pages 244 et 247 ; 1274, 15). La coronis manque plusieurs fois sur ταύτόν (1274, 24 ; 1276, 125 ; 1302, 5). En 1233, 13, dans une citation de Démosthène, il faut certainement lire οϋτω κάν ταίς πόλεσι et non καν (Γ éd. des Belles Lettres a simplement και). Voici quelques passages où le grec est fautif (je restitue à chaque fois la forme correcte) : 1214, 6 βίου ; 1243, 1 προλήψει; 1244, 32 ταχίστην; 1252, 3 ύγίειαν ; 1258, 3 συλλέξασθαι ; 1265, 10 περιττον; 1265, 15 ποίηση; 1275, 25 ευγένεια; 1276, 32 ιατρός; 1279, 1 et 5 αδίκως; 1294, 8 ομοίων; 1338, 42 Χριστιανοΐς ; 1355, 13 εκείνων; 1363, 4 εγκράτεια; 1398, note 2 συνεχώρησεν ; 1398, 16 άκρίδειαν ; 1407, 5 τα. En certains endroits, le texte n'est pas satisfaisant, comme dans cette citation non identifiée de la lettre 1314 où l'adoption de μερίμνησις, une correction de certains copistes, ne résout pas la difficulté (le mot serait en outre un hapax). En 1398, 13, il semble qu'il manque la pré­position εις avant άδόκιμον νουν.

2) La présence épisodique d'un apparat des sources littéraires. Celui-ci ne se justifie pas, pour deux raisons : d'abord parce que les citations ou allusions avérées font en géné­ral l'objet d'une note et que cela fait double emploi, ensuite parce que plusieurs de ces rapprochements ne sont pas convaincants. Ils se limitent souvent à un mot ou à un thème commun. Les quatre renvois aux Discours de Grégoire de Nazianze, par exemple, ne por­tent pas sur des citations, mais sur une vague parenté thématique. En 1247, 5, à propos de l'emploi du verbe άποδύεσθαι, on ne voit pas pourquoi on renverrait à Platon plutôt qu'à s. Paul. En comparaison, les sources scripturaires ont été trop négligées. En 1303, 31, l'al­lusion à l'incestueux de Corinthe qui vivait avec sa belle-mère (I Cor. 5, 1-5) n'a pas été relevée, et la traduction de Τον γαρ πορνεύσαντα par un pluriel les fornicateurs est fau­tive (le même personnage est à nouveau évoqué en 1398, 46). En 1312, 12, il faut ren­voyer à Ps. 32, 15 pour l'expression ό πλάσας κατά μόνας τας καρδίας ημών; en 1398, 34-36, ce qui est dit de la tristesse selon Dieu est une citation de II Cor. 7, 10, etc.

3) Le traitement des suppléments donnés par les versions latine et syriaque. À deux reprises, un supplément est inséré dans la traduction française, suppl. latin (lettre 1399, p. 481) ou syriaque (lettre 1278, p. 295). Le procédé ne me paraît pas bon, d'autant plus que les italiques utilisées alors ont dans les autres lettres une fonction différente. Il est absolument nécessaire que le texte traduit sur la page de droite corresponde au grec qui lui fait face. Hormis ces deux cas, les suppléments et les divergences des versions sont signa­lés dans des notes. Là encore, on aurait pu éviter de surcharger l'apparat critique par une version latine du syriaque, quand le syriaque est intégralement traduit en français dans une note (lettres 1250, 1251, 1258, 1389 et 1409). Étant donné son intérêt et ses particularités, la version syriaque devra de toute façon faire l'objet d'une édition séparée dans la PO ou le CSCO.

4) La traduction française. Malgré d'incontestables trouvailles, elle est dans l'ensemble assez inégale. Çà et là, on attendrait une traduction plus pittoresque (comme en 1233, 4,

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BIBLIOGRAPHIE 299

où l'expression το περιεργάζεσθαι τα αλλότρια κάλλη est traduite par s'intéresser à la beauté d'autrui; il s'agit en fait d'une coupable et dangereuse curiosité pour les belles femmes des autres foyers), plus philosophique (comme en 1320, 2-3 et 1323, 6-7, où l'ex­pression την των πραγμάτων φύσιν est traduite la première fois par la réalité et la seconde fois par la situation telle qu'elle est) ou plus littérale (comme en 1276, 82, où on n'a pas fait seulement descendre Jérémie dans une citerne, mais on l'y a enfermé ; en 1283, 6 et 9, où les σκιρτήματα du corps et de la chair sont des sautes ou des mouve­ments de révolte plutôt que des bouillonnements; en 1287, 1, où l'expression tradition­nelle de nourrissons de la vertu — cf. Lucien, Bis accusatus 6, 9 — est traduite par fils spirituels, ce qui nous fait changer de registre, etc.).

Signalons encore quelques erreurs ponctuelles: en 1227, 11-12, τους άλιτηρίους δαίμονας est traduit par démons ravisseurs, au lieu de démons funestes, comme si l'ad­jectif venait d'une racine signifiant «enlever» (en 1326, 14, l'adjectif est traduit par malins) ; en 1249, 41-42, le participe προσόν est traduit par utile, alors qu'il signifie sim­plement appartenant en propre (en 1287, 11-12, il est correctement traduit) ; en 1258, 3, σχήμα a dans le contexte le sens d'habit; en 1311, 8, έζάπτει est le verbe signifiant «allumer», et non l'homonyme qui signifie «enchaîner» ; en 1311, 8, l'Esprit Saint n'ins­pire pas, mais distribue à chacun ce qui lui convient; en 1332, 4, la traduction de παρεμβολής par enceinte, et non par camp, résulte certainement d'une confusion avec περιβολής. Dans certains cas, la construction n'a pas été comprise (1244, 30-32 ; 1247, 2-5 ; 1357, 4-8 ; 1358, 6-7 ; 1398, 53-54) ou présente une difficulté (1244, 33-35 ; 1398, 50-52). Je me contenterai d'examiner plus particulièrement trois passages : — 1307, 2-3 Παρά το εδ λέγεσθαι εΐρηται ένταΰθα το ευλογείται, τοΰτ'εστίν επαινείται : On a employé ici un mot qui se rapproche de l'expression εδ λέγεσθαι (dire du bien de) : το ευλογείται (il est béni), c'est-à-dire il est loué. Nous avons ici la tour­nure caractéristique des etymologies (παρά το + infinitif), utilisée depuis Platon. On tra­duira donc : Dans ce passage, le verbe ευλογείται vient de εδ λέγεσθαι, il signifie : il est loué, etc. La même tournure n'a pas été non plus reconnue en 1369, 11. — 1327, 7-9 Τώ μεν γαρ ένταΰθα είληφότι είκότως ύποτέμνεται ό μισθός, το δε μη είληφότι ακέραιος δηλον 8τι φυλάττεται : Car celui qui est récompensé ici-bas perçoit un juste salaire, mais pour celui qui ne l'est pas, le salaire, évidemment, lui est tout entier gardé. Je propose de traduire : Pour celui qui a reçu sa récompense ici-bas, le salaire se trouve naturellement entamé ; mais pour celui qui ne l'a pas reçue, le salaire est évidem­ment gardé intact. — 1392, 1-3 Ήνίκα γράμματα δεχοίμην της σης λογιότητος, και παιδεύσεως πληρούμαι, και σφόδρα γέγηθα. "Εστί γαρ έν αύτοίς καΐ διαθέσεως, και λόγων έπίδειξις : Quand je peux recevoir des lettres de ton éloquence, leur culture me comble et ma joie est immense. Elles sont en effet un modèle de composition et d'expression. La ponctuation est fautive, et il n'y a aucune raison de séparer παιδεύσεως de λογιότητος. La seule question qui se pose est de savoir si les deux génitifs appartiennent à la subor­donnée ou à la principale. Comme on attendrait plutôt une construction du type δέχεσθαί τι παρά τίνος dans la première hypothèse et qu'un emploi absolu de πληροοσθαι me paraît peu vraisemblable, j'opte pour la seconde solution, et je mets une virgule après δεχοίμην. Dans la suite, le mot διαθέσεως ne vise pas la composition de la lettre, mais les sentiments du correspondant. Toute cette lettre est un topos sur la correspondance comme substitut de la présence. Il faut également noter que l'expression ή ση λογιότης και παίδευσις a la valeur d'un titre honorifique. Quand il s'adresse à Cyrille d'Alexandrie (1392, 1), Isidore lui dit ή ση σύνεσις (ta Sagesse) ; il utilise ή ση παίδευσις, quand il écrit au scholasticos Théodore (1357, 1). Dans sa correspondance, Grégoire de Nazianze utilise constamment ή ση λογιότης, et une fois ή ση λογιότης καί σύνεσις (lettre 38). Je traduirais donc : Chaque fois que je reçois une lettre, ton Élo­quence et ta Culture me comblent, et ma joie est immense. Car chacune d'elles est l'ex­pression de tes dispositions intérieures et de tes paroles.

Signalons encore que les lignes 15-17 de la lettre 1303 ont échappé à la traduction. Ce premier échantillon de lettres nous fait entrevoir la personnalité d'Isidore et de plu­

sieurs de ses correspondants. Les réponses d'Isidore vont du court billet au long exposé. Par la variété des sujets abordés, on comprend que les excerpteurs soient allés chercher

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dans cette correspondance, en fonction de leurs préoccupations, des commentaires exégé-tiques, des mises au point doctrinales, des consultations spirituelles, ou tout simplement des modèles épistolaires.

Cette édition repose sur une solide base critique, et les imperfections qui ont été rele­vées, en particulier le manque d'homogénéité et de précision de la traduction, pourront facilement disparaître des volumes à venir.

Paul GÉHIN

Paul Jonathan FEDWICK, Bibliotheca Basiliana Universalis. A study of the manus­cript tradition, translations and editions of the works of Basil of Caesarea, II. The Homiliae morales, Hexaemeron, De litteris, with additional coverage of the letters. 1, Manuscripts ; 2, Editions, translations (Corpus Chris t ianorum). — Brepols , Turnhout 1996. 26 χ 17,5. L X I V - 1 3 2 6 p . (en paginat ion conti­nue) .

Sur l'œuvre de Basile de Cesaree, qui est aussi importante par son contenu que par son volume, P. J. Fedwick réalise une investigation impressionnante dont le résultat est un tableau complet de la tradition manuscrite. Un premier tome, paru en 1993, était consacré aux Lettres. Le tome II, en deux volumes, traite des Homélies morales (composées des 15 homélies sur les psaumes et des 25 homélies diverses), des Homélies sur l'hexaèméron (au nombre de 9) et du De litteris. L'étude n'embrasse pas seulement la tradition grecque des textes, mais également les traductions et les adaptations anciennes (langues arabe, arménienne, copte, éthiopienne, géorgienne, latine, slaves, syriaque).

La majeure partie des deux volumes présente un répertoire des manuscrits contenant ces œuvres de Basile de Cesaree. Dans une première série (p. 1-244) sont relevés les manuscrits les plus importants, qui permettent d'identifier des familles dans la tradition manuscrite. Dans une seconde série, qui occupe à elle seule à peu près la moitié du tome II (p. 245-817), sont répertoriés, selon un classement alphabétique des villes qui abritent ces fonds, les manuscrits moins importants ; pour chaque fonds, les manuscrits déjà cités et décrits dans la première section sont à nouveau rappelés. Pour cette deuxième série, la division en chapitres (ch. 4-10) est purement artificielle, puisqu'elle consiste seulement en une distribution des lettres de l'alphabet. Si l'on additionne les 900 manuscrits de la pre­mière série et les 7 000 de la seconde, on voit que près de 8 000 manuscrits, dispersés dans quelque 400 bibliothèques, contiennent au moins une de ces œuvres de Basile.

La description des manuscrits basiliens occupe tout le premier tome. Le second tome s'ouvre sur la liste des éditions des textes, qui sont classées en deux parties selon un cri­tère chronologique : avant et après 1700 (p. 819-998). Il n'était peut-être pas utile de rele­ver, mêlées aux éditions critiques de premier plan, certaines traductions modernes, sou­vent partielles d'ailleurs, dans la mesure où elles n'apportent aucune information nouvelle sur le texte et sont réalisées le plus souvent dans un but d'édification plutôt que d'étude. La dernière section (p. 999-1171) est la plus importante : elle permet de mettre en œuvre les renseignements accumulés précédemment. Une notice est établie pour chacune des cinquante œuvres identifiées ; elle est présentée selon le schéma suivant : titre usuel latin et numéro de la Clavis Patrům Graecorum ; titre dans le manuscrit, incipit et desinit ; liste des manuscrits, des éditions et des traductions.

L'auteur nous offre là une présentation exhaustive de l'œuvre de Basile de Cesaree dans sa transmission à travers les siècles et à travers les idiomes médiévaux. Pour une recherche de cette qualité, la mise en page aurait mérité quelques enrichissements. Ainsi, dans la dernière section, qui est en quelque sorte une clef pour l'utilisation des résultats, il aurait convenu de mieux séparer — ou simplement de séparer — les unités, de mettre en valeur les titres des traités, de marquer le passage d'une rubrique à l'autre. Les titres cou­rants ne sont guère plus éloquents. En fait, il sera préférable — et sans doute indispen­sable — de recourir directement et constamment à l'index général.

Albert FAILLER

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BIBLIOGRAPHIE 301

Enrica FoLLiERi, Byzantina et Italograeca. Studi di filologia e di paleografia, a cura di Augusta ACCONCIA LONGO, Lidia PERRIA, Andrea Luzzi (Storia e Letteratura 195). — Edizioni di Storia e Letteratura, Roma 1997. 26 χ 18.

ѵ -554 p. Prix : 140 000 LI.

Depuis presque cinquante ans, Enrica Follieri développe une activité de recherche par­ticulièrement riche qui touche les domaines de la poésie byzantine, de la paléographie et de l'hagiographie.

Publié à l'occasion de son soixante-dixième anniversaire, ce recueil d'articles regroupe vingt études consacrées à la paléographie et à la philologie grecques. Un autre volume ras­semblera les articles qui traitent d'hagiographie.

E. Follieri a fait faire des progrès considérables à la paléographie grecque, notamment à la connaissance des écritures minuscules anciennes. Au premier Colloque de paléogra­phie grecque et byzantine, qui s'était tenu en oct. 1974 à Paris, elle avait proposé une typologie des écritures minuscules des 9e et 10e siècles qui reste, dans ses grandes lignes, toujours valable {La minuscola libraria dei secoli IX e X, repris ici sous le n° IX). Mais elle s'est intéressée aussi aux origines de la minuscule (Tommaso di Damasco e l'antica minuscola libraria greca, n° VII) et au coût des manuscrits (Un codice di Areta troppo a buon mercato, n° VIII). Un compte rendu de l'édition du Christus patiens lui offre l'occa­sion de quelques remarques pertinentes sur la persistance des écritures onciales (Ancora una nota sul Christus patiens, n° XVIII). Ses origines familiales l'ont tout naturellement portée à s'intéresser de façon privilégiée à l'Italie méridionale, et elle a consacré plusieurs études à la production manuscrite de cette région : Un nuovo codice «ad asso di picche» (n° V), Ciriaco ό μελαΐος (η° VI), Due codici greci già cassinesi (n° XI), Attività scritto-ria calabrese nei secoli X-XI (n° XII), Niceforo «il nudo» e una nota del codice Niliano Crypt. Β.β.Ι (n° XIII). Dans cette recherche, la figure omniprésente de Nil de Rossano, le futur fondateur de l'abbaye de Grottaferrata, fait en quelque sorte le lien entre paléogra­phie et hagiographie. En rapport avec l'Italie méridionale et la Sicile, signalons encore l'étude sur un auteur de panégyriques (Per l'identificazione del grammatikos Leone Siculo con Leone da Centuripe, n° XV) et celle du chrysobulle de Roger II en faveur de Grottaferrata, daté d'avril 1132 (n° XVII).

L'autre composante du recueil est philologique. C'est d'ailleurs par une histoire de la philologie byzantine en Italie, au 20e siècle, que s'ouvre le recueil. Parmi les articles de cette nature, certains abordent des problèmes lexicographiques : sens de μελαΐος, terme d'humilité par lequel se désigne le copiste Cyriaque de Capoue (n° VI, déjà cité), sens des mots αντίστοιχα (n° XIV) et κυριώνυμος (n° XIX) ; l'article II est consacré à une forme singulière de génitif (ΤΗΣ ΑΜΕΙΝΩ), l'article XX au problème de l'iota muet dans les textes byzantins, l'article III à l'ordre de lecture des vers de quelques épigrammes byzan­tines. L'article X met en évidence les services que la philologie et l'étude des textes peu­vent rendre aux archéologues. Les articles IV et X nous conduisent à l'époque des pre­mières impressions de textes grecs. L'étude d'un thème littéraire (La vita somiglia a una panegyris) de l'Antiquité au Moyen Âge clôt la collection d'articles.

Le recueil se termine aux pp. 497-506 par des Addenda et Corrigenda qui sont dus à Enrica Follieri et aux pp. 509-554 par trois index (noms, lieux et choses remarquables ; mots grecs ; manuscrits, documents et papyrus cités).

Le regroupement des articles d'un grand savant dans des volumes d'Opera minora est toujours accueilli favorablement, à cause de son aspect pratique. Ici, il y a plus. Outre qu'il met en évidence l'unité et la richesse d'une œuvre exceptionnelle, le recueil illustre une haute conception de la recherche, qui n'est jamais austère ni ennuyeuse, mais généra­trice d'un véritable plaisir intellectuel.

Paul GÉHIN

R. C. GREGG, D . URMAN, Jews, Pagans, and Christians in the Golan Heights. Greek and Other Inscriptions of the Roman and Byzantine Eras (South

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Florida Studies in the History of Judaism 140). — Atlanta 1996. 29 χ 22. xxi-360 p., dont 6 cartes. Ce recueil d'épigraphie régionale (p. 7-287), assorti d'une esquisse de géographie reli­

gieuse (p. 289-322), repose sur la prospection de 44 sites du Golan au sens large, y compris au sud une partie de la Galilée. Sans constituer un corpus exhaustif (les inscriptions aupara­vant publiées ne sont ici reprises que si elles ont été revues), il présente toute la documenta­tion en grec découverte à partir de 1967, abondante puisque, sur 241 inscriptions, 207 étaient inédites. Le latin est ici quasiment absent (sauf p. 30, l'acclamation spes bona), mais la col­laboration des deux auteurs a permis de faire figurer 12 inscriptions en araméen ou en hébreu (hors numérotation). Ne retenant que les sites où coexistent des inscriptions grecques et sémitiques, à l'exclusion de ceux dont l'épigraphie est exclusivement sémitique (cf. p. 308), ce recueil ne reflète donc pas entièrement la géographie linguistique réelle. Le cata­logue des documents suit un classement topographique, site par site. Il inclut, outre les ins­criptions, 103 blocs anépigraphes, au décor sculpté ou gravé (symboles religieux notam­ment, croix ou menorah). A l'écart des centres urbains (sauf Hippos au sud, Césarée-Panéas au nord), cette épigraphie villageoise, presque exclusivement gravée sur basalte (hormis, en Galilée, les mosaïques de Khisfîn, n° 63, et el-Kursî, n° 68), est d'exécution généralement médiocre. L'ensemble, globalement tardif, s'échelonne de la fin du 2e au début du 7e s. Laissant ici de côté les inscriptions et les cultes du paganisme (voir ma brève analyse, REG 110, 1997, p. 594-595), rappelons la découverte de textes juifs d'un exceptionnel intérêt, quoique antérieurs à l'époque byzantine. Parmi les six inscriptions sémitiques de Dabbûra, publiées par D. Urman dès 1971, on notera surtout (p. 129) le linteau gravé en hébreu de l'École de Rabbi Eli'ezer ha-Qappar (fin 2e-début 3e s.), abondamment connu par la littéra­ture talmudique. L'épigraphie chrétienne monumentale consiste en particulier en dédicaces de martyria (n° 156, 164, 174), auxquels on peut ajouter le (me)morion (terme que je resti­tue au sens martyrial) édifié par Diomèdès (n° 219), un architecte originaire de Zoraoua, dans le Haurân. Au titre de la prosopographie chrétienne, laïque et ecclésiastique, on relè­vera les dédicaces pieuses du clarissïme Fl(avios) Balbiôn (n° 155 et 163-164, dans deux villages voisins), dont le gentilice, au n° 164, a été méconnu et pris pour une date. L'évêque Gérontios, à Aphèka (n° 22), était probablement un évêque d'Hippos, cité dont dépend aussi l'église de Khisfîn, décorée en 604 par l'higoumène Thomas (n° 83). À Sûrmân, le fragment de dédicace n° 199, «pour le salut de mes despotai», est rapproché par R. Gregg d'inscrip­tions d'Asie Mineure pour Héraclius et son fils : interprétation fondée sur la mention des despotai, auxquels se rapporterait l'épithète «que Dieu garde». À la 1. 2, où l'auteur voit le nom mutilé du dédicant, (...)ecticius, je crois pouvoir lire et restituer: [Πρ]αικτικίου θε<ο>φυλ(άκτου) αύτώ(ν) τέκν[ου], le nom latin Praejecticius étant aussi attesté en grec (un Prèktikios, évêque de Serrés ; voir aussi Praejecta, nièce de Justinien). La dédicace asso­ciait-elle à un couple impérial (lequel ?) un jeune prince de ce nom, on peut en douter faute d'autre source à l'appui, mais cette conjecture n'est pas à exclure absolument. — La syn­thèse finale, compte tenu des découvertes ci-dessus, propose, cartes à l'appui, une mise au point provisoire sur la répartition territoriale («settlement patterns») des différentes religions dans le Golan. Les nouvelles données ruinent l'hypothèse d'une stricte démarcation entre villages juifs (dans le Golan occidental) et non juifs (païens puis chrétiens), soutenue par Z. Ma'oz en 1981 ; elles confirment, dans près de la moitié des villages, la coexistence de reli­gions différentes, mise en évidence dès 1982 par C. Dauphin. Une esquisse de l'histoire du judaïsme dans le Golan (p. 305-310) associe les inscriptions aux sources littéraires grecques et sémitiques (du 2e s. av. J.-C. à environ 375), et conclut à un nouvel essor des établisse­ments juifs après la crise du 4e s. Un dernier chapitre (p. 311-322) offre de l'expansion du christianisme dans le Golan un tableau géographiquement et chronologiquement nuancé, en cherchant des éléments de comparaison surtout en Syrie du Sud. Dans un Golan au substrat religieux complexe, une telle reconstruction historique demeure assez hypothétique, faute de textes juifs ou polythéistes fermement datés de la période byzantine. La plus ancienne ins­cription chrétienne du Golan serait la dédicace d'un martyrion apparemment daté de 376. Ce texte (cité ici p. 317, mais non édité) vient d'être publié par R. Gregg in : C. DAUPHIN et alii, Proche-Orient chrétien 46, 1996, p. 325-326, n° 25.

Denis FEISSEL

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BIBLIOGRAPHIE 303

André GuiLLOU, Recueil des inscriptions grecques médiévales d'Italie (Collection de l'École Française de Rome 222). — École Française de Rome, Rome 1996. 24 χ 17. 257 p. et 216 pi. L'utilité de ce livre n'est pas à démontrer puisqu'il rassemble 231 inscriptions, souvent

publiées dans des revues fort dispersées, et que beaucoup d'excellentes photographies sont données, qui permettront aux spécialistes de vérifier les transcriptions proposées. L'auteur a délibérément écarté les inscriptions peintes, qui sont nombreuses dans le sud de l'Italie, mais souvent de lecture difficile. Pour le reste, on peut ainsi connaître la réparti­tion et la provenance des inscriptions. Cent trois sont importées d'autres provinces de l'Empire et notamment de la capitale, ainsi les pièces d'origine impériale conservées dans le Trésor de Saint-Marc. Parmi les inscriptions ayant voyagé, signalons la copie d'un chrysobulle de l'empereur de Thessalonique, Théodore Doukas-Ange en faveur du métro­polite de Corfou, Georges Bardanès. Cette inscription est assurément la plus longue du Corpus.

Les grandes inscriptions à caractères historiques sont finalement assez rares : celle de l'exarque Isaac (n° 109), celle célébrant Basile (Argyros) Mésardonitès, catépan d'Italie (n° 143), ou encore celle du duc de Sardaigne, Constantin, victorieux des Lombards sous Constant II. Si on observe la répartition des inscriptions, on sera déçu par le petit nombre provenant de Sicile, pourtant longtemps byzantine et réhellénisée aux 7e-8e siècles, la Sardaigne étant en comparaison mieux lotie. En Sicile, on a retrouvé quelques inscriptions sur des encensoirs, la dédicace d'un kastron par un stratège de l'île, mais la plupart des monuments notables, au premier rang desquels ceux consacrés à l'amiral Georges d'Antioche et les siens, datent de l'époque normande.

Les fiches de commentaire des inscriptions ont souvent été rédigées longtemps avant leur publication et n'ont pas été remises à jour systématiquement. Certains points, data­tion, identification des personnages, suscitent des interrogations. Je ne prendrai que quelques exemples. Le monastère d'origine du skeuophylax Etienne (n° 15) est bien le monastère d'Euèmès, comme cela a été montré par N. Oikonomidès (Peace and War in Byzantium, ed. T. S. MILLER and J. NESBITT, p. 77-82), grâce à un sceau connu en plusieurs exemplaires, dont un de la collection Seyrig (n° 286), incomplètement lu par les éditeurs. Le proèdre et parakoimomène Basile, qui a commandité un calice, est à distinguer de Basile Péteinos, un contemporain, dont la carrière fut brisée lors d'un complot manqué contre Romain II (n° 75). L'origine attribuée à Basile Mersyniôtès surprend (n° 146), la ville cilicienne n'étant pas attestée à l'époque byzantine, car c'est Pompéiopolis qui est le centre actif de la région, le site de Mersin étant occupé par l'ancien évêché de Zéphyrion (TIB 10). Enfin le nom du stratège des Cibyrrhéotes, lu Klostonev, est interprété Kladôn (n° 181). Un tel changement mériterait d'être explicité.

À propos des titulatures, le fait que Georges d'Antioche ait reçu le titre de panhypersé-baste n 'a rien d'invraisemblable (n° 200), car si le titre, il est vrai, était réservé à Byzance à un membre important de la famille impériale, la titolature pour les étrangers était plus généreuse. Le doge de Venise obtint ainsi le titre de protosébaste dès le règne d'Alexis Comnène. S'il est vrai que la dignité à'apo éparchôn est encore attestée par le Clétorologe de Philothée, elle ne semble plus attribuée à des personnages notables après la première moitié du 8e siècle, c'est pourquoi je préférerai le 8e siècle au plus tard plutôt que le 9e pour le duc Serge (n° 32). La date du 10e siècle, donnée aux monogrammes de Léon, patrice, semble basse, car ce type de monogramme s'accorderait mieux aux 7e et 8e siècles, Léon étant peut-être stratège de Sicile (n° 145). De même, le Théodore, apo éparchôn, de l'inscription du baptistère de Santa Severina, malheureusement non repro­duite, car la lecture de la dignité par V. Laurent serait à vérifier, était datée par ce dernier des 7e ou 8e siècle et non des années 894-898. On pourrait multiplier les remarques de détail, mais il n'en reste pas moins vrai que ce recueil constitue un instrument de première utilité pour les historiens de l'Italie de langue grecque.

Jean-Claude CHEYNET

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Chris topher H A A S , Alexandria in Late Antiquity. Topography and Social Conflict. — The John Hopkins University Press, Bal t imore et Londres 1997. 22 χ 14,5. χνιιι-494 p . Prix : 54 $.

Après la somme d'Annick Martin sur Athanase et l'Église d'Egypte au 4e siècle (cf. REB 55, 1997, p. 329-331), nous avons ici un nouvel aperçu sur l'Egypte des premiers siècles chrétiens. Ces divers travaux témoignent du renouvellement de notre connaissance des communautés égyptiennes dans l'Antiquité tardive. Le présent ouvrage est à la fois plus large chronologiquement (l'Antiquité tardive, pratiquement jusqu'à la veille de la conquête arabe) et plus resserré géographiquement (Alexandrie), mais il utilise des sources similaires et en particulier l'apport de la papyrologie et de l'archéologie, tout en fournissant une bibliographie abondante, détaillée et récente. C'est donc un instrument de travail très précieux.

Le double objet de cette étude est indiqué dans le titre : il s'agit tout d'abord de présen­ter Alexandrie sur le plan de la topographie, dans sa dimension urbaine, ses différents dis­tricts, ses voies et ses installations portuaires (et ce malgré le handicap d'une archéologie difficile à mettre en œuvre dans une cité peuplée), et ensuite de montrer la réalité sociale de la cité au cours de ces siècles décisifs, en décrivant les différentes communautés, puis en examinant la façon dont ces communautés entrent en conflit, à l'intérieur d'elles-mêmes et entre elles. Ces conflits sociaux constituent ce que l'auteur appelle «la pièce de théâtre» elle-même, les autres parties n'ayant pour but que de présenter les lieux et les personnages en présence (p. 15). Cependant chaque communauté est présentée avec beau­coup de soin, des études croisées permettant de voir comment les structures sociales ren­contrent les structures ethnico-religieuses, ou comment les structures éducatives propres à chaque communauté solidifient en quelque sorte la différenciation communautaire, tandis que des institutions populaires comme le théâtre et l'hippodrome rassemblent au contraire toutes les composantes de la société alexandrine (p. 62 s.).

Les trois communautés en présence sont la communauté juive, la communauté païenne et la communauté chrétienne. Cette dernière est gratifiée d'un plus grand nombre de pages, parce que c'est elle qui peu à peu occupe l'essentiel du paysage. Elle apparaît d'ailleurs comme profondement divisée. Dans chaque partie, l'auteur commence par éva­luer et critiquer les sources disponibles, puis décrit la communauté envisagée, sa composi­tion sociologique, son évolution, de façon vivante grâce aux exemples concrets qui foi­sonnent. Un grand nombre de dossiers sont ainsi envisagés, la bibliographie indiquée en note permettant d'approfondir les détails de questions qui ne peuvent ici qu'être esquis­sées. Un dernier chapitre revient sur différents conflits violents, comme l'expulsion des juifs ou le meurtre d'Hypatie. Un épilogue permet de voir le passage de l'Alexandrie romaine à l'al-Iskandariyyah musulmane. L'ouvrage offre également en appendice une table chronologique des empereurs, préfets et patriarches aux 4e et 5e siècles, de très abon­dantes notes fourmillant de références bibliographiques, et un index.

Marie-Hélène CONGOURDEAU

John HALDON, State, Army and Society in Byzantium. Approaches to Military, Social and Administrative History, 6th-12th Centuries (Collected Studies S e r i e s ) . — Var iorum, Adelshot 1995. 2 3 x 1 5 . x-322 p . Prix : 49 ,50 £.

Ce recueil contient huit articles, dont certains fort récents, auxquels s'ajoutent des notes complémentaires qui tiennent compte de la bibliographie récente. Toutes ces études ont donc l'armée comme centre d'intérêt commun, et pour cadre chronologique la crise du 7e siècle et ses prolongements, ce qui est attendu de J. Haldon qui a également consacré plusieurs ouvrages aux themata et aux tagmata.

I - Some remarks on the background to the iconoclast controversy. II - Ideology and social change in the seventh century : military discontent as a baro­

meter.

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BIBLIOGRAPHIE 305

Ces deux textes traitent de la crise du 7e siècle et des rapports difficiles entre l'armée et le pouvoir central. Les empereurs apparaissent impuissants à un moment où les événe­ments extérieurs donnent aux généraux un rôle capital. Constantinople n'arrive pas à contrôler les forces régionales : révolte des troupes en Italie, en Afrique, dans les Anatoliques (Léon III), dans l'Opsikion (Artavasde). Il faut attendre le milieu du 8e siècle pour retrouver un équilibre, quand Constantin V a reconstitué une armée centrale.

III - Some considerations on Byzantine society and economy in the seventh century. Il s'agit de montrer l'affaiblissement des cités, qui ne deviennent plus, sauf exception, que des centres administratifs, et qui abandonnent le site antique quand il n'offre plus la sécu­rité face aux raids ennemis. Constantinople attirait déjà les élites recherchant une belle éducation et les titres. Le déclin des cités n'implique pas que les campagnes aient subi un recul aussi marqué.

IV - The feudalism debate once more : the case of Byzantium. V - Administrative continuities and structural transformations in East Roman military

organisation 580-640. J. Haldon reprend ici un de ses thèmes favoris sur l'absence d'une réforme sous Héraclius. Les transformations ont plutôt eu lieu sous Maurice qui uniformise les unités d'élite, gardant leur nom spécifique, alors que leur recrutement devient identique. Toutes ces unités survivent, même lorsqu'elles sont réparties dans les provinces au cours du siècle suivant.

VI - The army and the economy : the allocation and redistribution of surplus wealth in the Byzantine state. L'auteur offre une réflexion sur l'évolution des deux modes d'enri­chissement dans un Etat médiéval, perception des revenus de la terre ou appropriation des impôts. Plusieurs points méritent discussion : peut-on opposer un État dominant aux 8e-9e siècles à un État obligé de composer avec la haute aristocratie au 11e siècle ? Le contraste, perceptible, ne nous paraît pas si marqué. De même, déterminer si la base fis­cale au 11e siècle se réduit reste hypothétique, car le plus grand nombre d'exemptions pourrait être compensé et au-delà par l'exploitation directe des terres que le fisc possédait en plus grande abondance.

VII - Military service, military lands, and the status of soldiers : current problems and interpretations. Cette étude, la plus importante du recueil, forme une remarquable mise au point sur le statut social du soldat. La question des terres stratiotiques et de leur apparition est au centre des débats. J. Haldon est favorable à une date tardive, à l'opposé de N. Oikonomidès qui estime qu'au 8e siècle, les familles de militaires disposaient de biens-fonds. Comme le remarque J. Haldon, on peut lire le texte de VEcloga sur l'héritage du soldat, qui sert de support à l'hypothèse de N. Oikonomidès, sans qu'il soit nécessaire de supposer l'existence d'une terre militaire. À la différence du Bas-Empire, l'armée byzan­tine, du 7e au 10e siècle, fut enracinée dans les provinces où elle était recrutée et, encadrée par l'aristocratie, elle participa activement aux luttes pour le pouvoir.

VIII - Synônè : re-considering a problematic term of middle Byzantine fiscal adminis­tration. Pour J. Haldon, la synônè est devenue au cours des 7e et 8e siècles l'impôt prépon­dérant, car adapté à la pénurie monétaire. Cette position est contestée par d'autres, dont N. Oikonomidès, qui considère que la synônè a toujours été complémentaire de l'impôt de base, même si elle a acquis un caractère régulier.

Jean-Claude CHEYNET

Kenneth W. HARL, Coinage in the Roman Economy 300 B.C. to A.D. 700. — The Johns Hopkins University Press, Baltimore-Londres 1996. x-533 p. ;

relié. 267 monn. ill., fig. et tabi., index. Prix : 60 $.

Spécialiste du monnayage des cités romaines d'Asie mineure et du Proche-Orient au 3e siècle de notre ère, l'auteur envisage ici l'histoire monétaire et économique du monde romain dans la longue durée puisqu'il embrasse le millénaire qui s'étend de la création du denier romain au début des «siècles obscurs». L'ouvrage est révélateur d'une tendance de plus en plus forte qui vise depuis une dizaine d'années à dépasser une conception de la numismatique limitée à l'étude des monnaies comme objet de classement et d'identifica-

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tion divers et cherche plus à interpréter leur témoignage pour l'étude de l'histoire écono­mique et sociale en s'intéressant particulièrement à leurs fonctions et à leur usage, ten­dance illustrée récemment, avec des orientations d' ailleurs différentes, par les travaux de Howgego sur la monnaie romaine, de Hendy sur la monnaie byzantine, de Spufford ou de Mayhew sur la monnaie médiévale.

Des sept chapitres d'histoire monétaire qui ouvrent ce livre important, le byzantiniste retiendra évidemment les deux derniers («Imperial Regulation and Reform, AD 305-498» et «The Loss of Roman Monetary Ways, AD 400-700») et aura chemin faisant quelque indulgence pour les mentions de nummiae et de leurs composés (sic passim) ou de «triple miliarareni» (sic) de la jaquette. Il pourra consulter ensuite les passages concernant Byzance dans les chapitres thématiques qui suivent traitant respectivement des buts et besoins de l'État, des monnaies dans les villes et les marchés romains, des prix et des salaires, enfin de la diffusion des monnaies romaines hors des frontières.

La perspective a le mérite de l'ampleur et l'interprétation celui de ne pas accepter sys­tématiquement tous les clichés convenus: l'auteur souligne, par exemple, sans toutefois tenter de le mesurer, le haut degré de monétarisation de l'économie («the ubiquitous use of coins»), où les transactions quotidiennes étaient assurées par un monnayage de bronze semi-fiduciaire convertible en espèces d'or ou d'argent de pleine valeur. Il insiste sur le fait que l'absence ou le faible nombre relatif de découvertes monétaires hors des centres urbains relève plus de la concentration des fouilles sur ces sites qu'elle ne reflète la non-monétarisation des campagnes comme on le prétend généralement. L'exemple des trou­vailles de Déhès (Syrie du Nord) aurait pu illustrer ce propos. L'auteur suggère aussi, avec raison me semble-t-il, que les monnaies d'or romaines ou byzantines découvertes en Inde reflètent plus la vigueur du commerce romain qu'une prétendue fuite dramatique du métal précieux.

La rançon de cette ambition est une information et une synthèse de qualité inégale. Excellente par exemple dans le domaine papyrologique, où l'auteur a bénéficié de l'aide de Bagnali (mais ignore toutefois l'étude de Maresch sur les nomismatia et propose une reconstitution contestable, selon Callu, Rev. Num. 1998, du système monétaire de la fin du 3 e et du 4e siècles) et pour les périodes qu'il connaît mieux, elle laisse parfois à désirer pour les 6e et 7e siècles ou des régions plus éloignées de ses préoccupations. L'absence de monnaie d'or vandale n'est pas un «échec» qui pourrait être dû au «fait que les Maures auraient interrompu le commerce de l'or de l'Ouest africain» (p. 186), dont on ignore tout à cette époque et qui n'est attesté qu'au tournant du 8e siècle, mais un phénomène qui montre le respect du monopole impérial par des rois qui recherchent l'alliance et la recon­naissance de Rome ou de Constantinople. Les trouvailles monétaires italiennes du 6e siècle, telles que les chercheurs de la péninsule et les progrès récents de l'archéologie préventive nous les font connaître, nuancent le panorama désolé de la circulation dressé p. 190 (cf. E. A. ARSLAN, La circolazione monetaria (secoli V-VIII), La storia dell'alto medioevo italiano (VI- secolo) alla luce dell' archeologia, Biblioteca di Archeologia Medievale, Sienne 1994, p. 497-519). L'auteur reconnaît d'ailleurs plus bas (p. 204) la résistance de la monétarisation dans l'Italie et la Sicile byzantines. De même la Syrie du milieu du 7e siècle ne vivait pas sur «un stock de plus en plus réduit de vieux solidi usés et de folles», mais conservait une circulation relativement active par rapport à celle d'autres provinces et les cités n'avaient cessé à cette époque de frapper des folles plus ou moins réguliers, destinées à subvenir aux besoins des échanges. Enfin, malgré la brèche incon­testable du 8e siècle, il est exagéré de dire qu'en 700 «la plupart des habitants de l'empire de Justinien avaient cessé d'employer la monnaie de bronze», alors que non seulement la capitale, mais aussi certaines zones littorales et surtout la Sicile étaient loin de l'avoir abandonnée.

Exacte dans ses grandes lignes, cette synthèse méritoire vaut donc d'être lue, même s'il faut en certains cas l'utiliser avec prudence.

Cécile MORRISSON

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BIBLIOGRAPHIE 307

Walter E. KAEGI , Jr. (Éd.) , Byzantinische Forschungen, Band XXIII , herausge­geben von W . E. KAEGI . — Verlag A. M . Hakkert , Amsterdam 1996. 23 χ 15,5. 163 p .

This volume is divided in two parts. The first, with an introductory study by Annemarie Weyl Carr, originated in five papers on Comnenian Culture given at the 20th Annual Byzantine Studies Conference in September 1994. The second, which is called «Other Aspects of Byzantine Studies», with six papers, is, in both their origin and content, more heterogeneous. All but two of the papers were written by women. It seems that most could be classified as gender studies, but they are not tendentiously feminist.

Naturally Anna Comnena comes in for considerable attention. Did she conform to the ideal of imperial Comnenian women? asks Barbara Hill (p. 7-18). The ideal woman would have been of noble birth, beautiful, virtuous, fertile, merciful, pious and loving (but surely this description would be valid for the ideal woman in most European cultures up to the present century). Perhaps Anna Comnena was too intellectually brilliant, as a per­son not just as a woman, to be easily classified. In a second paper, in the second part, Barbara Hill maintains that Anna Comnena, although not a feminist, was an advocate for womans's place at the centre of power (p. 45-53). Thalia Gouma-Peterson dwells upon the complex nature of both the Alexiad and its author, by reason of her «multiple-engendered self» : daughter, granddaughter, sister, wife, Greek princess and historian (p. 25-34). Sarolta A. Takacs presents Anna Comnena's comments on astrology (p. 35-44).

Among the more heterogeneous papers are one on Slave Women in the Legislation of Alexius I, which, it seems, was largely ignored : captive women were not easily freed ; sacramental marriage was often prevented for slave women who were easily engaged as prostitutes (Charles M. Brand, p. 19-24). Liliana Simeonova presents cases of diplomatic abuse in Byzantine and Bulgarian history (p. 55-73). But such misdemeanours were gene­rally rife. The harbinger of bad news was exposed to punishment and ill treatment even by king David. Ivan Krivushin presents Socrates Scholasticus's Church History (p. 95-107). Eva De Vries-Van Der Velden describes relations between Psellos and his profligate son-in-law (p. 109-149). Tatiana Matantseva publishes a fragment of a new Life of Theodore Studite (BHG 1755f), previously dismissed by Delehaye as «nullius momenti» (p. 151-163).

Perhaps my judgement is too subjective if I suggest that the most important text in this volume is Kathryn M. Ringroses's, Eunuchs as Cultural Mediators, p. 75-93. She presents them as a «distinctively gendered group», which, although castration was prohibited, per­sisted as an institution for nearly a thousand years. «They functioned as mediators bet­ween both spiritual and social realms in ways that were difficult for physically whole men and women.» She establishes that, although much that was recounted about them was pejorative, they were, on the whole, kindly presented by hagiographers. Numerous bishops, as well as saints, were eunuchs. They also served highly placed persons, «func­tioning as surrogates, guards and protectors of protocol».

The author suggests that, for a family of limited means living in the provinces, a cas­trated son could be sent to make a career in Constantinople. If he became rich and power­ful, he could send «money home to help the old folks». This fascinating article is drawn from a larger project exploring the role of eunuchs in Byzantine society. One looks for­ward to its completion and publication.

Christopher WALTER

Walter E . KAEGI , Jr. (Ed.), Byzantinische Forschungen, Band X X I V , herausge­geben von W. E. KAEGI . — Verlag Α. Μ. Hakkert , Amsterdam 1997. 23,5 χ 17. ν ι ι - 3 8 9 ρ .

Dans ce volume sont édités les actes de la viue Conférence de l'Association austra­lienne des études byzantines tenue en juillet 1993 et portant sur un thème très en vogue : Conformity and Non-Conformity in Byzantium.

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Après une introduction par G. T. Dennis (Were the Byzantines Creative or Merely Imitative ?), les vingt et une contributions sont réparties en six sections d'inégale lon­gueur. I - Historians and the Early Church (Contributions de G. W. Trompf, P. Rousseau,

A. Sunderland, H. E. J. Cowdrey). II - Manuscripts and Sources (P. Allen et W. Mayer, J. A. Munitiz, R. G. Tanner,

A. Quinlan, M. Wilcox). III - Cultural and Religious Continuity : the Sixth Century (R. Lim, H. A. S. Tarrant,

P. T. R. Gray, . Milner). IV - Society and Court (A. Moffat, D. . Smythe, A. F. Stone, L. Garland). V - Byzantium and its Future (D. C. Smythe, J. S. Ryan). VI - Building on the Classical Past (P. M. Milojevic, R. L. Hohlfelder).

En dépit du même commun retenu, les contributions sont assez disparates. Il faut par exemple une grande souplesse d'esprit pour rattacher à ce thème l'exposé à propos de la méthode pour travailler avec un ordinateur sur le projet de l'Évergétis (D. C. Smythe). Quelques articles concernant l'époque médio-byzantine retiennent l'attention, celui de H. E. J. Cowdrey, Eleventh-Century Reformer's Views of Constantine (p. 63-91), où l'au­teur expose l'image de Constantin qu'avaient les réformateurs de l'Église de Rome au 11e siècle d'après le Liber Pontificalis, le Constitutum Constantini, la Descriptio basilicae Lateranensis, alors que la Vie par Eusèbe restait inconnue, et l'usage qu'ils en ont fait pour soutenir leur prétentions, notamment face à Constantinople. Lynda Garland consacre un long développement aux malheurs qui ont frappé deux impératrices byzantines, Marie d'Antioche et Éuphrosynè Kamatèrissa (Morality versus Politics at the Byzantine Court : the Charges against Mary of Antioch and Euphrosyne, p. 259-295). L'auteur oppose la popularité de l'impératrice Zôè, en dépit de ses relations adultères, et les accusations de conduite immorale portées contre Marie d'Antioche, qui finirent par lui coûter la vie, et celles dont fut victime l'épouse d'Alexis III, qui la conduisirent temporairement en exil. Elle conclut que le pouvoir des conventions morales pouvait être une arme redoutable contre une impératrice menaçant les intérêts de la bureaucratie. Une telle conclusion va de soi, mais, en fait, la situation de ces trois femmes est trop particulière pour qu'on puisse tirer des leçons de leurs destins. Zôè était légitimée par quatre générations impériales, Marie d'Antioche n'avait jamais pu faire oublier son origine latine, qui provoqua son iso­lement, alors qu'Euphrosynè avait le soutien d'un puissant groupe aristocratique autour de ses parents Kamatèroi, ce qui explique le caractère temporaire de sa disgrâce.

Jean-Claude CHEYNET

Iôanna KOLTSIDA-MAKRÈ, Βυζαντινά μολυβδόβουλλα. Συλλογή Ορφανίδη-Νικολα'ιδη Νομισματικού Μουσείου Αθηνών (Τετράδια Χριστιανικής Αρχαιολογίας και Τέχνης 4). — Χριστιανική Αρχαιολογική Εταιρεία, Athènes 1996. 28 x 21. 210 p., 59 pi.

Le Musée numismatique d'Athènes ne contient pas seulement les sceaux jadis publiés par K. M. Konstantopoulos, mais aussi plusieurs fonds rentrés dans les années 1920. La collection de 585 plombs a été rassemblée par deux réfugiés grecs, originaires d'Asie Mineure, mais la provenance des sceaux est inconnue et le plus probable est qu'ils vien­nent comme tant d'autres d'Istanbul. Dans l'ensemble, les objets sont de médiocre qualité et il a fallu beaucoup de courage à l'éditeur pour préparer leur publication. Les planches reproduisant les sceaux sont en règle générale de bonne qualité, mais ne permettent guère la vérification des pièces en mauvaise condition.

En dépit de ce handicap et même si certaines conjectures de lectures semblent aventu­rées, cette nouvelle publication enrichit nos connaissances sur les fonctionnaires de l'Empire. Parmi les pièces les plus remarquables, notons un dioecète de Palaiopolis, ville de Phrygie (n° 17), un archonte de Kérasous, dont le sceau, d'une facture maladroite, a été gravé localement (n° 27). C'est une pièce de plus à verser au dossier des archontes, celui-ci appartenant sûrement au groupe des archontes maritimes. Un nouveau nom apparaît

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BIBLIOGRAPHIE 309

dans la liste des juges de la Mer Egée, celui de Michel Antipapas, dont la dignité de proto-proèdre indique qu'il fut nommé à la fin du 1 Ie siècle ou au début du suivant (n° 33).

En revanche, il n'est pas sûr que nous ayons le premier stratège de Xantziert, la lecture du toponyme étant improbable (n° 28), ni le premier hôrreiarios de Madytos (n° 40), ni un juge de Sicile (n° 51), lecture impossible à la date de frappe ( l l /12 e s.). Il faudrait lire Génésios (S clair au début de la seconde ligne de la légende) comme nom du stratège de Péloponnèse (n° 48) ; il se trouve que vers 980 un Génésios était nommé stratège de cette province (J. DARROUZÈS, Epistoliers byzantins du Xe siècle, Paris 1960, p. 100-101). Le sceau de Joseph Tarchaniôtès, duc plutôt que domestique de tout l'Occident (n° 66), peut être précisément daté en 1071/1072. En 1071, il est magistre, et succéda à un autre «Macédonien», Bryennios, à la tête des tagmata d'Occident, avant d'être nommé duc d'Antioche en 1072, gratifié de la dignité de proèdre, puis de protoproèdre.

Des pièces parallèles permettent de corriger certaines lectures. Les n° 10 et 11 appar­tiennent à Jean Doukas, beau-frère d'Alexis Ier Comnène (W. SEIBT, Bleisiegel..., Vienne 1978, n° 39). Le sceau de Constantin Lascaris (n° 14) a été publié dans la BZ (1997, p. 416), Pierre Gymnos, et non Pétrônas, n° 19), était patrice, anthypatos et juge des Thracésiens (DOSeals 3.2.26). Artavasde, juge des Kibyrrhéotes, se prénommait Jean plu­tôt que Georges (n° 31 ; cf. G. SCHLUMBERGER, Sigillographie..., Paris 1886, p. 262). Le curopalate Batatzes se prénomme Symbatikios (n° 161, // DO 55.1.3384, signalé par J. Langdon), indice d'une alliance entre cette famille d'Andrinople et des orientaux. Le nom Karianitès est attesté sur plusieurs sceaux (n° 163). Les n° 389-391 appartiennent au même personnage, Léon Skylitzès (// Fogg 1572 et DO 47.2.1497).

Cet ouvrage apporte donc un matériel nouveau qu'il faut vérifier avec soin, notamment sur les planches. En cas de doute, il faudra attendre la publication de pièces parallèles pour tirer des conclusions. Le travail de l'auteur n'en est pas moins méritoire.

Jean-Claude CHEYNET

Nike-Cather ine KOUTRAKOU, La propagande impériale byzantine. Persuasion et réaction (viif-x? siècles). Bibl io thèque «Sophie N . Saripoulou» n° 9 3 . — Athènes 1994. 24 χ 17. 459 p .

Ce livre, issu d'une thèse soutenue à Paris, traite de la propagande destinée aux sujets de l'Empire, laissant de côté la diffusion à l'étranger de l'image et de la gloire impériales pour un travail futur. Les trois siècles choisis se divisent nettement en deux temps dis­tincts : la querelle iconoclaste et l'ascension de la dynastie macédonienne. Dans l'un et l'autre cas, la personne de l'empereur constitue un enjeu majeur de la propagande.

Dans une première partie, l'auteur s'attache à décrire les moyens de diffusion de la propagande ou de la critique des empereurs : textes écrits, textes lus, voire chantés ou déclamés, tout ce qui ressort de l'apparence, représentations figurées, spectacle, art de prestige. Dans un second temps, l'auteur décrit les thèmes et les procédés de la propa­gande officielle et ceux souvent de même nature, mais de sens inversé, des adversaires. Deux publics sont particulièrement visés, car leur réaction peut faire et défaire les empe­reurs, le peuple des villes et tout particulièrement celui de Constantinople, et l'armée, qui, depuis les défaites du 7e siècle, est devenue un facteur actif de la vie politique byzantine. Un certain nombre d'indices complètent l'ouvrage dont le plus significatif est celui des termes injurieux à l'égard des empereurs iconoclastes. Constantin V et Léon V l'empor­tent nettement sur leurs collègues par le nombre et la virulence des insultes dont ils ont été victimes. Cet index témoigne aussi de l'ampleur des sources lues par l'auteur qui a solli­cité la moindre poésie, la plus modeste des vies de saints, même s'il se défend de ne pas avoir été exhaustif.

En analysant la propagande impériale, il est impossible de ne en pas évoquer les thèmes, au risque de revenir sur des sujets un peu rebattus. De plus l'époque iconoclaste, si elle illustre bien les efforts des partisans des iconoclastes et de leurs adversaires pour gagner l'opinion publique, est un peu biaisée, car dans une large mesure la réponse icono-doule n'est pas exactement contemporaine des attaques contre les images et quand elle

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s'exprime, elle est devenue conforme à l'idéologie du pouvoir en place et n'est donc plus exemplaire de la Kaiserkritik. Sans doute, certaines œuvres, telles les lettres de Théodore Stoudite, échappent à cet inconvénient. Ce combat impérial pour imposer une conception du pouvoir n'est du reste pas si nouveau que l'auteur semble le penser dans la mesure où la querelle monothélite a déjà servi à roder les arguments, notamment en raison des écrits et de la personnalité de Maxime le Confesseur.

Cet ouvrage rappelle que le tout puissant empereur ne s'imposait durablement que s'il était accepté par ses sujets et ne pouvait imposer ses options politiques, militaires ou reli­gieuses qu'à travers son propre réseau de parents, de serviteurs et de fidèles nommés aux postes clés de l'Empire, ceux que l'auteur appelle les «agents d'influence». Cette caracté­ristique vaut pour toutes les époques, seul le rapport entre les diverses catégories change, tel empereur, par exemple Monomaque, privilégia le réseau des amis et serviteurs, tel autre, notamment sous les Comnènes, la parenté.

Jean-Claude CHEYNET

Freddy LEBRUN, Nicétas le Paphlagonien. Sept homélies inédites. — Ouvrage publ ié à compte d 'auteur , Leuven 1997. 24 χ 16. ѵ -386 .

Nicétas David Paphlagôn, disciple d'Aréthas de Cesaree avec lequel il finit par se brouiller, hagiographe prolifique, commentateur des psaumes, adversaire résolu du qua­trième mariage de Léon VI, est à la fois un auteur assez important pour l'histoire de la lit­térature aux IXe-Xe s., et un acteur curieux de l'affaire de la tétragamie. Personnage encore mal connu, on se réjouira de lui voir consacrer une monographie. Ce travail, effec­tué semble-t-il dans des conditions parfois difficiles (cf. p. vi-vn), appelle toutefois quelques remarques.

F. Lebrun propose ici la première édition, avec une traduction française et une intro­duction, de sept homélies de Nicétas : . in s. Iacobum fratrem Domini (BHG 766a) ; in s. Lucam (BHG 993c) ; in s. Timotheum (BHG 1848n) ; in s. Dionysium Areop. (BHG 556b) ; in s. Iohannem Climacum (BHG 883c, anonyme) ; in catenas s. Petri (BHG 1488n, anon.) ; in ss. Cyriacum et Iulittam (BHG 318).

Les sept homélies ne forment pas un ensemble homogène. Il faut mettre à part l'homé­lie Sur les chaînes de s. Pierre, d'attribution incertaine, qui n'est transmise que par le Paris, gr. 1449, où elle est anonyme ; l'homélie Sur les saints Cyrice et Julitte, avec la tradition assez complexe qui lui est propre (cf. p. 61-79, 119-148) ; enfin, les cinq autres pièces qui forment un corpus dont la tradition manuscrite est là encore assez abondante (cf. p. 42-61, 80-119). L'ensemble des manuscrits semble avoir été collationné, mais les principes qui ont présidé à leur classement nous sont restés parfois obscurs. La description des manuscrits laisse le lecteur sur sa faim : on regrette l'absence presque totale de réfé­rences bibliographiques ; on aimerait savoir aussi au moins quelles œuvres de Nicétas Paphlagôn se trouvent dans le manuscrit utilisé, et où.

Les filiations que l'auteur propose entre les témoins qu'il a collationnés semblent éton­namment précises. C'est ainsi que le stemma partiel, p. 94, laisse apparaître les faits sui­vants : sur les douze témoins pris en compte, dix dépendent directement ou indirectement du ms Δ 78 de Lavra, qui serait lui-même une copie ou un descendant du ms 112 conservé dans le même monastère. Mais le lien entre les deux manuscrits athonites ne nous a pas paru assuré : sur les trois additions données comme caractéristiques du Lavra 112 (cf. p. 81), une seule, semble-t-il, se retrouve dans sa prétendue copie (cf. p. 83). L'éditeur n'a-t-il pas admis trop facilement des relations de filiation entre des manuscrits qui, au mieux, appartiennent à une même famille ?

Pour le texte, les coquilles, qui le plus souvent ne gênent pas la compréhension du texte, sont peut-être un peu nombreuses à certaines pages : p. ex., p. 163,1. 3 αγίων ; 1. 16 προσηχορίαν ; 1. 24 προσωγθικέναι ; 1. 28 δικαιοσύης. Α la p. 155, 1. 13, τα ανθενα nous est resté mystérieux : faut-il lire ανθηρά, ou plutôt, comme le contexte y incite (oi δώδεκα κώδωνες καί αϊ ρόαι και τα ανθ.), άνθινα ? Une référence à la description du vêtement du grand-prêtre, Ex. 28, 15-34, serait plus utile qu'un renvoi à Apoc. 21, 14-21.

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BIBLIOGRAPHIE 311

La ponctuation peut poser parfois quelques problèmes. Ainsi, p. 167 : η άθλεί μεν ού νομίμως, δέ ή νομίμως; μεν ού περιφανώς, δέ η λαμπρώς; μέν παραπλησίως, δέ τινι τών προ αύτοΰ μεμαρτυρηκότων η μετ' αυτόν; «Se contentait-il de lutter tantôt contre les règles, tantôt en les suivant, tantôt d'une façon obscure, tantôt avec éclat, ou bien en imitant quelqu'un qui ait rendu témoignage avant lui ou après ?»

On lira plutôt : η άθλεί μέν, ού νομίμως δέ; ή νομίμως μέν, ού περιφανώς δέ; ή λαμπρώς μέν, παραπλησίως δέ τινι τών προ αύτου μεμαρτυρηκότων η μετ'αυτόν; («Ou bien lutte-t-il, mais sans respecter les règles ? Ou respecte-t-il les règles, mais sa lutte manque-t-elle d'éclat ? Ou bien est-elle brillante, mais l'un de ceux qui ont rendu témoignage avant lui ou après ont-ils pu l'égaler ?»)

Pour la traduction, en plus du titre des homélies (par ex., p. 153, Νικήτα ρήτορος τοΰ κατά την Παφλαγονίαν κειμένου αγίου ανδρός, qui est obscur, mais ne veut certaine­ment pas dire «De Nicétas, de souche paphlagonienne, rhéteur et saint homme»), nous prendrons deux exemples dans une même page de l'homélie 5 saint Denys :

— p. 239, 1. 5-10 : έδει τον αρετή και λόγοις την άκροτάτην εΰκλειαν άποισόμενον έκ της τών λόγων μητρός και τιθήνης άνασχόντα μη κατά τους πολλούς της (!) ένεγκαμένην (!) καταψεύσασθαι, σεμνΰναι δέ μάλλον και τοσούτω λαμπρϋναι πλέον τη της αρετής περιουσία δσω και πάντων αεί τών έξ αύτης ορμώμενων ύπέρεσχεν (!). 'Αθήναι γαρ ή πόλις... «il fallait que, ayant acquis la gloire la plus élevée dans le domaine de la vertu et des lettres, de la mère et nourrice des lettres (= Athènes), il ne feignît pas n'avoir atteint en ce domaine que ce qui est l'apanage (κατά) de beaucoup mais qu'il se glorifiât et s'enorgueillît davantage de la possession de la vertu même d'autant plus qu'il a toujours surpassé ceux qui ont pris leur élan à partir d'elle. Car la ville d'Athènes...»

Nous comprenons plutôt quelque chose comme ceci : «Il fallait en effet que celui qui, par la vertu et l'éloquence, devait parvenir au comble de la gloire, naissant de la mère et nourrice de l'éloquence, ne donnât pas une fausse idée de celle qui l'avait porté, comme le font la plupart, mais bien plutôt qu'il la rendît auguste et qu'il lui donnât par l'abondance de sa vertu un surcroît d'illustration à la mesure de la supériorité qu'il obtint sur tous ceux qui, à toute époque, tirèrent d'elle leur origine. Cette cité, c'était Athènes...»

— p. 239, 1. 20-28 : "Αλλοι μεν οδν άλλο τι παιδείας είδος - πολλών δηλονότι καθεστώτων - παρέργως ή και σπουδαίος μετιόντες, εντεύθεν έαυτοίς εΰκλειαν οΓόν τέ τίνα περιποιείν ό δέ, πάσης όμοΰ λογικής τέχνης και πάσης θεωρητικής επιστήμης καί γνώσεως δσαι δη τοις φιλολογωτάτοις τών 'Ελλήνων δια τοΰ μακρού θεόθεν αιώνος έπικεχορήγηνται πόθον έγκάρδιον κτησάμενος, ού πρότερον άνίη (!) μελέτη φιλοπονωτάτη χρώμενος και σπουδή πριν ή τήν εκάστης οίκραν περιωπήν καταλα^είν. «Alors que d'autres se livraient accessoirement et même avec zèle à quelqu'autre forme d'éducation — évidemment, il s'en présentait beaucoup — mais pour en tirer pour eux-mêmes quelque gloire, lui, par contre, possédant l'intime soif à la fois de toute technique du raisonnement et de toute science et connaissance ayant trait à la contemplation, toutes celles qui précisément ont été dispensées aux plus grands lettrés des Grecs durant le grand siècle béni des dieux, agissant avec un zèle et une attention des plus nettes, il ne cesse pas avant d'avoir atteint le sommet élevé de chacune.»

Nous proposerions plutôt : «Les autres donc, pratiquant avec dilettantisme ou sérieux chacun un genre d'étude différent — car il y en a beaucoup, bien sûr —, pensent (οΐονται) par là se procurer de la gloire. Mais lui, avec au cœur un amour ardent pour tous les ails de la paiole à la fois et toutes les sciences et connaissances contemplatives que Dieu, tout au long des siècles, a dispensés aux Hellènes les plus amis des lettres, il ne ces­sait de consacrer à chacun l'étude et le soin le plus laborieux avant que d'en avoir atteint l'extrême sommet.»

Pour la présentation de l'auteur (p. 1-14, Nicétas et ses œuvres), il aurait fallu tenir compte du texte publié dans TM 9, Paris, 1985, p. 119-131, et qui, s'il pose des pro­blèmes, a de bonnes chances de faire partie d'une Vie disparue de Nicétas David, sur lequel il nous renseigne en tout cas. Si l'on tient compte de l'ensemble de la documenta­tion disponible à ce jour sur ce curieux personnage, peut-être aura-t-on quelque mal à par­tager le jugement qu'exprime F. Lebrun : «on dirait aujourd'hui qu'il y a chez lui (seil. : Nicétas) un souci très vif d'œcuménisme... Cela n'a rien d'insolite si l'on tient compte des

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rapports normaux qu'a dû entretenir Nicétas avec le Stoudion et de l'existence à Byzance d'un parti que l'on peut qualifier de parti du juste milieu. Ce parti, qui groupait nombre de partisans, désirait vivement la fin de toutes les querelles de religion de quelque nature qu'elles soient.» La position extrême qu'adopte Nicétas dans la querelle de la tétragamie est loin d'autoriser un tel irénisme.

Bernard FLUSIN

D. G. LETSIOS, Νόμος 'Ροδίων Ναυτικός. Das Seegesetz der Rhodier. Untersuchungen zu Seerecht und Handelsschiffahrt in Byzanz (Δημοσιεύματα Ναυτικού Δικαίου 1) — Ινστιτούτο Αιγαίου του Δικαίου της Θάλασσας και του Ναυτικού Δικαίου, Rhodes 1996. 24 χ 17. 294 ρ.

Le titre du livre est celui que de nombreux manuscrits donnent à un recueil juridique byzantm où sont rassemblées diverses dispositions de droit maritime (principalement sur le commerce maritime). Ce texte anonyme, dont la transmission est souvent liée à ΓAppendix Eclogae, ou bien à la «Loi agraire» ou la «Loi militaire», ou encore à l'Appendice de la Synopsis Basilicorum maior, est généralement considéré, depuis l'étude fondamentale d'Ashburner (W. ASHBURNER, Νόμος 'Ροδίων Ναυτικός. The Rhodian Sea-Law, Oxford 1909), comme un recueil privé, de caractère composite, dont le noyau originel a été rédigé entre 600 et 800 : il combine des dispositions inspirées du Digeste et des règles coutumières qui s'étaient imposées en Méditerranée orientale et dont on ratta­chait l'origine à l'île de Rhodes.

Cette «loi navale des Rhodiens» constitue donc une source sans équivalent sur la navi­gation commerciale à Byzance. Mais la formulation en est parfois obscure, en raison notamment de son caractère lapidaire ; et l'interprétation se heurte à de nombreuses diffi­cultés, en particulier pour déterminer l'origine de telle ou telle règle. En 1978, P. Pieler signalait l'absence d'une analyse juridique précise de l'œuvre (dans H. HUNGER, Die hochsprachliche profane Literatur der Byzantiner, II, Munich 1978, p. 442). Le livre de l'auteur ne comble pas ce vide, en raison de la démarche et de la présentation adoptées : s'il rassemble des observations de tous ordres qui peuvent servir à éclairer le contenu du recueil, il n'est pas conçu comme un commentaire suivi et détaillé du texte dans son entier.

Le chapitre I (p. 51-80) est consacré à des généralités sur l'activité maritime et le com­merce en Méditerranée au Moyen Âge, ainsi que leur importance pour l'Empire byzantin, d'une part, sur le contexte de la «Loi navale» et les principaux caractères de l'ouvrage, d'autre part.

Le chapitre II (p. 81-143) envisage les aspects techniques et les conditions concrètes de cette navigation : les types de navire, leur capacité (qui tendrait à décroître), les progrès techniques, l'importance de la piraterie mais aussi des intempéries, la composition de l'équipage, avec la figure centrale du ναύκληρος — que la «Loi navale» présente princi­palement dans sa fonction de capitaine, mais en qui semble se cumuler, le plus souvent, la propriété, l'armement et le commandement du navire —, la rémunération de l'équipage, les contrôles exercés par l'État, les denrées transportées, le contexte monétaire. On trouve, dans ce chapitre, des remarques sur le vocabulaire employé pour la cargaison (p. 89), les parties constitutives du bateau (p. 95-99) ou les différents membres de l'équipage (p. 128-130).

Le chapitre III (p. 145-214) a pour objet les règles juridiques contenues dans la «Loi navale». De nombreux passages de la deuxième et de la troisième parties du texte y sont paraphrasés ou commentés. Ils concernent l'affrètement (p. 156-158), les conséquences du «jet à la mer» (iactus) et des avaries (p. 172-179), puis différents contrats : la κοινωνία (société), dont le sens n'est pas univoque (p. 185-188), le prêt maritime (p. 193-197 : ces textes sont parmi les plus obscurs du recueil) et le dépôt, pour lequel les règles exprimées sont conformes à celles du droit romain (p. 198-200). Le chapitre se clôt par l'étude des moyens permettant de faire respecter les contrats, les questions de procédure et les penali-

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BIBLIOGRAPHIE 313

tés : y sont analysés les passages traitant des arrhes, du serment et ceux qui concernent la notion de négligence ; les similitudes avec le droit pénal de la «Loi agraire» sont souli­gnées. Ces analyses juridiques ne fournissent pas d'éléments nouveaux par rapport aux études antérieures, notamment celle d'Ashburner, en ce qui concerne les évolutions pai" rapport au droit romain. Mais l'auteur conclut, contrairement à Ashburner, que III 18 concerne le prêt plutôt que la société.

Le chapitre IV (p. 215-235) envisage, d'une part, le problème de l'existence d'un droit maritime rhodien dans l'Antiquité et de sa réception en droit romain : cela implique l'exa­men du prooimion de la «Loi navale», reconnu comme un ajout tardif, peut-être un exer­cice lié à l'école de droit de Constantinople. Il examine, d'autre part, la question de l'inté­gration de la «Loi navale» dans les Basiliques (au livre 53). L'auteur donne un état de la question, depuis Fabrot et les frères Heimbach, en passant par Ashburner, jusqu'aux conclusions des derniers éditeurs des Basiliques. Lui-même estime impensable que la «Loi navale» ait fait partie intégrante des Basiliques dès l'origine (en raison de son style et de dispositions qui contredisent celles du droit justinien figurant au livre 53) et se pro­nonce pour une addition intervenue très rapidement.

Une brève conclusion (p. 237-239) est suivie de trois appendices et d'une traduction de la «Loi navale», qualifiée de «Arbeitsübersetzung».

L'ouvrage apporte au total peu de neuf. L'auteur reconnaît d'ailleurs (p. 239) que bien des problèmes ne trouveront, éventuellement, leur solution qu'après une étude précise de la tradition manuscrite et une édition critique.

Joëlle BEAUCAMP

Henry MAGUIRE, The Icons of Their Bodies. Saints and Their Images in Byzantium. — Princeton Universi ty Press , Princeton NJ 1996. 25,5 χ 19.

ѵ -222 ., 167 illustrations in black and white in text.

In his introduction — and surely, it could hardly be put better — the author explains that for the Byzantines, «it was the image, whether in icons or in visions, that made the unseen world real, and the unseen world that gave real presence to the image». His study concentrates upon the logic of the saint's image in Byzantium. He has undertaken it as an art historian for whom the role of society in the design of icons is more important thant the role of icons in Byzantine society.

His study is divided into four chapters. The first, entitled Likeness and Definition (p. 5-47), describes how the Byzantines verified their icons. Notoriously, especially in the early centuries, the authenticity of an apparition was established by comparing it with an icon of the saintly person in question. Equally, deceased saints obligingly appeared to artists in order that an authentic likeness could be painted. Maguire remarks that modern critics do not always understand the Byzantine notion of «true-to-life». The signs of veridicity for Byzantines had little in common with modern photographic realism or illusionism. They were manifest rather in costume and attributes. Portrait types existed before Iconoclasm, but it was rather from the tenth century that they became the norm, doubled with a legend naming the saint.

In the second chapter, entitled Corporality and Immateriality (p. 48-99), Maguire shows how the physique of saints was standardized according their category. Here his title becomes more relevant. As the author explains, the phrase was taken from the Acts of the Iconoclast Council of Saint Sophia (DOP 7, 1953, p. 62, n° 28 ; compare Mansi XIII, 300). The icons of bodies were rejected by the Iconoclasts in favour of icons of souls. A refe­rence back to John Chrysostom establishes that the writings of saints provide us with the image of their souls, out of their bodies. Maguire, however, is evidently concerned with the physical representation of saints. It would have been helpful if he had explained the relevance, if any, of this citation to the theme of his study.

In fact, Maguire demonstrates with some dexterity how corporal physique was used to distinguish between categories of saints. The handsome, wellbuilt warriors at Nerezi (figure 10) are compared with the ascetic, emaciated monks in the same church (figure 41,

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p. 49). These contrasts are general in Byzantine art. Another analogous contrast exists be­tween «humanized» apostles and «formalized» bishops. «Such formal distinctions were observed consistently throughout the entire spectrum of post-iconoclastic Byzantine art, in all media» (p. 60). Maguire's citations confirm that the Byzantines were really aware of these contrasts, which do not, in consequence, depend only on the author's personal pers­picacity.

The third chapter is entitled Naming and Individuality (p. 100-145). Here Maguire sets out to explain how and why the Byzantines developed a system of hagiographical portrai­ture. This seems to be part of the apparent «tidying-up», which took place from the late ninth century. Icons, which, together with other apotropaic emblems and formulae, had played an important, and even autonomous, role in counteracting the maleficent activities of demons, were now integrated into a global ecclesiasticaf fight against evil. There was contrast between the public cult of saints and their private exploitation. «The definition of magic», writes the author (p. 119), «was a vexed question in Byzantium, just as it is today». Personally, he uses the word «to describe relations with the supernatural that were outside the regular channels of the Church» {ibidem). Themes current on amulets, like men on horseback killing dragons, were coopted into «official» art. Repetitive use of «amuletic» motifs tended to disappear. The Cross and the standardized portrait of a saint identified by a legend become the habitual prophylactic images.

The fourth chapter is entitled Detail and Deficiency (p. 140-194). It is more ambitious than the preceding ones, contrasting the characteristics of cycles of the Virgin with those of cycles of saints, notably warrior saints. As usual, Maguire's perspicacious eye detects intriguing details which may well have escaped other art historians. However the subject is too vaste for succint treatment. It merits — and maybe will get — a whole book to itself.

In his Conclusion (p. 195-199), Maguire describes development in Byzantine art as proceeding from using to viewing with a significant loss of control for the individual. The production of domestic art decreased ; what was produced was subject to the norms of «official» art as fixed by the clergy. The saints represented accepted appeals for their intercession ; they were not coerced. In his earlier study Art and Eloquence in Byzantium, Princeton NJ 1981, reprinted 1994 (see REB 42, 1984, p. 344-345 and 54, 1996, p. 332), Maguire showed how a study of rhetorical devices in literature could help understanding of Byzantine art. It was not necessary to agree with all his conclusions in order to appreci­ate the usefulness and value of his approach. The same may be true of the present book, which is above all an «eyeopener». The reader who applies Maguire's methods assidu­ously will acquire some of his perspicacity.

Two minor points of detail may be noted. The artist painting a portrait of the Virgin and Child in Jerusalem, Taphou 14, f. 107v, regularly identified erroneously as Saint Luke (p. 8, figure 2), would have been in fact an itinerant artist mentioned in the Commentary of the Pseudo-Nonnus. The apparition of Saint Theodore posthumously to pose for his portrait, attributed by Maguire to a twelfth-century biography (p. 22) was probably first recounted much earlier (and perhaps may be associated with the early establishment of a consistent portrait type of the saint). On this subject, the article by C. Zuckerman, The Reign of Constantine V in the miracles of Theodore the Recruit (BHG 1764), REB 46, 1988, p. 191-210, may be profitably consulted.

Christopher WALTER

Jean-Pierre M A H É - Rober t W. THOMSON (Éd.), From Byzantium to Iran. Armenian Studies in Honour of Nina G. Garsoian. — Scholars ' Press , Atlanta 1997. 23 χ 15. ѵ -523 p. , 9 pi . Prix : 79 $.

Le titre de ce volume de mélanges reflète le large éventail des domaines dans lesquels Nina Garsoian a exercé sa perspicacité de chercheur. La bibliographie de ses ouvrages et de ses plus importants articles (p. ѵі- ѵ ) et la diversité des contributions données par ses amis et collègues pour la réalisation de cet hommage, en donnent aussi une petite idée.

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BIBLIOGRAPHIE 315

Nous ne pouvons malheureusement que citer les titres des contributions, qui se répartis­sent en quatre domaines. / - Iran and Georgia Ph. Gignoux, Quelques réflexions sur la représentation du paradis. J. R. Russell, A Parthian Bhagavad Gita and Its Echoes. C. Toumanoff, The Princely Nobility of Georgia. Z. Aleksidze, Sur le vocabulaire de la Conversion du Kartli : miap 'ori, niap 'ori ou

minap'ori? B. Martin-Hisard, Jalons pour une histoire du culte de sainte Nino (fin IVe-XIIP s.) II - History L. Avdoyan, Afro-Centrism, Armeno-Centrism, and the Uses of History. R. H. Hewsen, An Ecclesiastical Analysis of the Naxarar System : A Re-examination of

Adontz's Chapter XII. V. A. Ariutnova-Fidanjan, «I Smbatay» or «I Spahan» ? (Sebeos, ch. 25). N. Thierry, Héraclius et la vraie croix en Arménie. A. Kazhdan, Joseph the Hymnographer and the First Russian Attack on Constantinople. G. Dédéyan, Le cavalier arménien. R. Somerville, Pope Urban II and the Canons of St. Jean-des-Vignes at Soissons. / / / - Linguistics and Literature Ch. de Lamberterie, Le préverbe arménien (h)an-. A. Périkhanian, Deux Notes sur une inscription araméenne d'Artaxata et sur l'arménien

t'armatar. R. W. Thomson, Uses of the Psalms in Some Early Armenian Authors. B. Outtier, La version arménienne du Commentaire de Cyrille d'Alexandrie sur Isai'e et

les douze petits prophètes. Deux fragments inédits. S. Arevsatyan, Mastoc' et les débuts de la patristique arménienne. K. Yuzbasyan, L'amertume de Lazar P'arpec'i. S. Peter Cowe, Elise's «Armenian War» as a Metaphor for the Spiritual Life. M. Van Esbroeck, La postérité littéraire des villes fortifiées de Théodose. Ch. Renoux, Samuel Kamrjajorec'i. Le traité sur l'Arajawor (lèrepartie). J.-P. Mahé, Les humeurs et la lyre : fragments arméniens d'un enseignement médico-

musicologique. IV - Epigraphy, Architecture, Miniature Painting M. E. Stone, Three Observations on Early Armenian Inscriptions from the Holy Land. J.-M. Thierry, Le monument tétrapode d'Ani. D. Kouymjian, Identifying the Apostles in Armenian Art. T. F. Mathews and A.-C. Daskalakis, The Portrait of Princess Marem of Kars, Jerusalem

2556, fol. 135b. H. Evans, Kings and Power Bases. Sources for Royal Portraits in Armenian Ciucia. J. Teixidor, Science versus foi chez Paul le Persan. Une note.

Marie-Hélène CONGOURDEAU

Anna MARAVA-CHATZINIKOLAOU - Christ ina TOUFEXI-PASCHOU, Catalogue of the Illuminated Byzantine Manuscripts of the National Library of Greece, vol. III. Homilies of the Church Fathers and Menologia 9th -12th century. — Academy of Athens , Centre of Byzant ine and Post-Byzant ine Art, Athènes 1997. 28,5 χ 21 ,5 . 235 p . , 10 pi . en noir et b lanc consacrées aux reliures byzant ines , 430 figures (1-335 en couleur ; 336-430 en noir et blanc) .

Avec cet ouvrage publié sous les auspices de l'Académie d'Athènes, les auteurs pour­suivent le programme d'étude des manuscrits enluminés de la Bibliothèque Nationale de Grèce. Les deux publications précédemment parues étaient consacrées aux manuscrits du Nouveau Testament, celle de 1978 aux manuscrits des 10e-12e siècles, et celle de 1985 à ceux des 13e-15e siècles (recension dans REB 38, 1980, p. 324-325 et 45, 1987, p. 233-

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234). Comme pour les deux précédents volumes, il y a une double édition, grecque et anglaise. Le présent volume étudie 60 manuscrits enluminés, datés du 9e au 12e siècle, contenant des homélies des plus grands Pères de l'Église (habituellement Jean Chrysostome, mais aussi Grégoire de Nazianze, exceptionnellement Basile, Grégoire de Nysse et Jean Climaque) ou des ménologes. Beaucoup de ces manuscrits, transférés à la Bibliothèque Nationale à la fin du siècle dernier et au début de ce siècle, proviennent des monastères grecs (principalement Dousikon, Météores et Prodrome de Serrés) ou du Gymnase de Thessalonique.

La description de chaque manuscrit suit le même plan. Une première partie donne les informations essentielles (dimensions, mise en page, écriture, reliure, notes historiques) et se clôt par une bibliographie succincte. Une seconde partie est consacrée à la description du décor proprement dit: «headpieces», «initial letters», éventuellement «miniatures», «tailpieces», «bands». L'ensemble se termine par des remarques synthétiques mettant, quand c'est possible, en relation décor et histoire du manuscrit.

Ce volume est somptueux. Il l'est d'abord par l'abondance des planches couleur (335 reproductions couleur sur un total de 430), ensuite par la qualité et la variété des décors représentés. L'ouvrage étant consacré aux manuscrits des Pères, il ne faut pas s'attendre à trouver un grand nombre de miniatures à pleine page, comme c'était le cas dans les manuscrits néo-testamentaires. On ne trouvera ici que deux portraits, un de s. Jean Chrysostome et un autre de s. Paul, dans le cod. 210 (n° 5), voir fig. 45 et 46. Les décors se composent la plupart du temps de bandeaux rectangulaires ou de portes et de grandes initiales ornées, en tête des homélies chrysostomiennes ou des Orationes de Grégoire de Nazianze. Un des styles décoratifs les mieux représentés est naturellement le Blütenblattstil, selon la nomenclature de Kurt Weitzmann (en anglais Flower-Petal Style), style qui atteint avec les numéros 9 et 40 des sommets de raffinement. Pourtant, ce grand style n'est pas le seul à être attesté : la décoration du n° 6, en écriture bouletée, relève du Laubsägestil (en anglais Serrated Style) et celle du n° 18 du style bleu-or. Un des manus­crits les plus intéressants est sans conteste le codex 211 (n° 2), de la fin du 9e s., qui contient des esquisses dans un style antiquisant rappelant des modèles hellénistiques ou paléochrétiens, œuvre d'un artiste confirmé et original ; les auteurs mettent en relation la réalisation de ce volume avec l'empereur Léon VI le Sage. D'autres manuscrits, par une palette différente, par l'absence d'or ou l'exécution plus fruste, n'en attirent pas moins l'attention, et peuvent avoir une origine provinciale, comme le n° 13 qui paraît provenir d'Italie méridionale (à noter l'utilisation de badigeon jaune sur les titres et les initiales), ou le n° 51, avec ses couleurs vives (rouge, bleu et jaune), qui a de bonnes chances d'être épirote.

Historiens de l'art, paléographes, spécialistes d'histoire trouveront leur profit dans ce magnifique ouvrage. Plusieurs manuscrits présentés ici ne sont presque pas connus (les mss dont le numéro dépassent les 2500 n'ont pas encore été catalogués). Les auteurs don­nent fréquemment, dans le cours de l'exposé, des photos des souscriptions, dédicaces et notes de possession, ce qui permet de contrôler la transcription qu'ils en font. Les indica­tions paléographiques, à juste titre sommaires, sont en général pertinentes. On ne com­prend cependant pas la qualification de Kirchenlehrerstil donnée à l'écriture des manus­crits 32 (p. 140) et 46 (p. 188), puisque cette terminologie créée par Herbert Hunger équivaut au style bouleté décrit par Jean Irigoin : ces deux manuscrits n'ont rien à voir avec l'écriture bouletée ! Sous ce chapitre, signalons l'apparition d'un beau delta «de type latin» dans le titre de la figure 284 (en majuscule distinctive alexandrine). Le manuscrit numéroté 55 a été donné par Michel d'Amasée, métropolite bien connu de la fin du 12e siècle, au monastère d'Andr(o)sthénès. Ce monastère ne semble pas attesté ailleurs, et il ne figure pas dans l'article posthume de Jean Darrouzès, REB 50, 1992, qui donne aux pages 103-112 une liste d'églises et de monastères d'Hellénopont. La photo (p. 213) montre d'ailleurs que la finale du génitif n'est pas -ouç mais -ου. Raison de plus de ne pas faire disparaître le nom de ce monastère de l'index final. Le manuscrit numéroté 27 vient du monastère des Strophades dans l'île de Zakynthos (Zante). Comme un certain nombre de manuscrits ayant cette origine, il comporte la mention de l'higoumène Ματθαίος Σκλίβας. Comment concilier la date donnée à l'inscription (17e s.) et la période où a vécu ce personnage, le 13e s., selon le PLP 26114 ?

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BIBLIOGRAPHIE 317

Pour terminer, signalons que les quelques erreurs affectant les planches ont été répa­rées dans les errata de la p. 234. La répétition en titre courant des numéros assignés à chaque manuscrit et deux tables de concordance (dont l'absence avait été regrettée dans le premier volume) rendent très aisée la consultation de l'ouvrage. Le temps qui s'est écoulé entre l'achèvement des notices et la publication semble avoir été assez long. La bibliogra­phie s'arrête en 1990. On ne sera dès lors pas étonné de ne pas trouver certaines réfé­rences : l'ouvrage de Nancy P. Ševčenko, Illustrated Manuscripts of the Metaphrastian Menologion, Chicago-Londres 1990 (notice sur VAtheniensis 2535 aux p. 82-85), les deux volumes de Maria Luisa Agati consacrés à l'écriture bouletée (1992), le Repertorium Nazianzenum II de Justin Mossay (1993).

Paul GÉHIN

Pierre MARA VAL, Récits des premiers pèlerins chrétiens au Proche-Orient (IVe-VHe siècle). Textes choisis, présentés, traduits et annotés par Pierre MARAvAL (Sagesses chrétiennes). — Les Éditions du Cerf, Paris 1996. 19,5 χ 12,5. 302 p., 4 cartes et 4 planches hors texte entre les p. 32 et 33.

Pierre Maraval, dont les travaux sur les pèlerinages à l'époque protobyzantine sont bien connus, présente ici un élégant petit livre où sont réunis, en traduction française, onze textes dont chacun est précédé d'une courte introduction : 1. Itinéraire du Pèlerin de Bordeaux (333) ; 2. Athanase d'Alexandrie, Lettre à des vierges qui étaient allées prier à Jérusalem (vers 350) ; 3. Grégoire de Nysse, Lettre sur ceux qui vont à Jérusalem, à Censitor (381); 4. Egèrie, Itinéraire (381-384), précédé d'extraits du traité de Pierre Diacre sur les lieux saints; 5. Jérôme, ép. 108, 6-14 (385-386); 6. Jean Rufus, Vie de Pierre l'Ibère (trois extraits ; 438-439 et après 457) ; 7. Eucher, La topographie de Jérusalem (après 444) ; 8. Breviarius de Hierosolyma (début 6e s.) ; 9. Théodosius, La topographie de la Terre sainte (après 518) ; 10. Le Pèlerin de Plaisance, Itinéraire (560-570) ; 11. Adomnan, Des lieux saints (vers 680).

Comme on le voit, aux sept récits de pèlerinage, tous occidentaux, qu'on s'attendait à trouver là, sont joints quatre autres textes, patristiques ou hagiographiques, importants pour le voyage en Terre sainte et la spiritualité du pèlerinage. Un seul nous a posé un pro­blème chronologique: la Vie de Pierre l'Ibère par Jean Rufus, dont P. Maraval traduit quelques pages d'après le texte syriaque édité par Raabe, se rapporte bien au milieu du 5e siècle ; mais sans doute faudrait-il prévenir le lecteur que le texte lui-même est posté­rieur d'un-demi siècle. L'annotation qui accompagne les textes est très simple. L'index final, qui ne porte que sur les principaux lieux saints et sanctuaires, est loin d'épuiser la richesse des textes réunis. Dans l'ensemble, il s'agit d'un ouvrage de consultation agréable et commode, qui met à la disposition du public francophone des textes impor­tants.

Bernard FLUSIN

Ernest MARCOS HIERRO, Die byzantinisch-katalanischen Beziehungen im 12. und 13. Jahrhundert unter besonderer Berücksichtigung der Chronik Jacobs I. von Katalonien-Aragon (Miscellanea Byzantina Monacensia 37). — Institut für Byzantinistik, Neugriechische Philologie und Byzantinische Kunstgeschichte der Universität, Munich 1996. 21 χ 15. LXIX - 517 ., tableaux à la fin (sur 2 dépliants).

La Chronique de Jacques Ier de Catalogne-Aragon (1213-1276), intitulée Llibre dels Feyts del Rei En Jaume, mentionne les premiers contacts établis entre le royaume catalan et l'empire byzantin. Ils se produisirent d'une part à propos du mariage de Guillaume VIII de Montpellier avec Eudocie Komnènè, d'autre part à l'occasion de la petite croisade que

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la Catalogne organisa pour secourir Acre, à l'instigation de l'ilkhan de Perse et de l'empe­reur de Constantinople.

L'ascendance d'Eudocie Komnènè, qui arriva en Provence en 1178, reste conjecturale. La légende en a fait la fille de Manuel Ier Komnènos, dont elle était en réalité une nièce, et la fiancée d'Alphonse Ier de Catalogne-Aragon, le grand-père de Jacques Ier. Elle fut dès lors présentée comme la dame byzantine de Montpellier ou encore l'impératrice byzantine, qui aurait eu des droits sur le trône de Constantinople. Telle était l'image indécise que les histo­riens, jusqu'à nos jours, ont présentée. Peut-être Eudocie Komnènè portait-elle à l'origine le simple titre de basilis (princesse impériale), qui pouvait abuser sur sa condition. Mariée à Guillaume VIII de Montpellier, elle donna le jour à une fille prénommée Marie, qui naquit en 1181/2 et qui fut mariée au roi Pierre Ier de Catalogne-Aragon, le père de Jacques Ier.

Tel est le contenu de la première étude. Beaucoup plus volumineuse (p. 181-443), la seconde étude traite d'une expédition catalane en Terre Sainte. Une ambassade mongolo-byzantine vint en Catalogne en janvier 1269, car l'expédition, destinée à poursuivre le sul­tan Baybars, se faisait à l'instigation de l'ilkhan de Perse et de l'empereur de Constantinople. Composée d'environ 3 000 hommes, la flotte catalane quitta Barcelone au début de septembre 1269. Une violente tempête, qui apparut comme un mauvais présage, troubla le départ. Le roi fut dérouté vers le nord et débarqua à Aiguës Mortes ; hésitant à repartir pour l'Orient, il gagna Montpellier et rentra en Catalogne. Placés dès lors sous les ordres des deux fils naturels du roi, Ferran Sanctus et Pere Ferrandis, les navires accostè­rent à Acre dans la seconde moitié d'octobre 1269. Après avoir soutenu une modeste bataille contre les troupes de Baybars le 18 décembre, les troupes catalanes quittèrent la Syrie dès janvier ou février 1270. Les Archives de la Couronne d'Aragon conservent une très riche documentation sur l'expédition, tant sur le nombre des bateaux et l'effectif des troupes que sur la solde et les provisions.

Mais le récit qui concerne la préparation et le déroulement de l'expédition n'occupe qu'une minime part (p. 376-434) de cette seconde section. C'est sans doute dommage, car c'est la partie la plus neuve et la plus intéressante. Tout le reste de l'exposé (p. 181-376) sert, pour ainsi dire, de cadre à l'expédition navale. Mais le cadre paraît un peu grand pour le tableau ! L'auteur fait de longs développements, intéressants d'ailleurs, sur la politique exté­rieure, voire intérieure, des divers États qui se côtoyaient et se combattaient autour de la Méditerranée : Saint-Siège, Sicile et France, sultanats de Tunis et d'Egypte, ilkhanat de Perse et khanat de la Horde d'Or. Mais il n'était peut-être pas indispensable de remonter jus­qu'aux premières invasions mongoles de 1240-1241 ou jusqu'à l'usurpation de Michel VIII Palaiologos en 1258 pour rendre compte de la politique catalane en 1269, même si l'expédi­tion fut inspirée par l'ilkhan et par l'empereur, qui fournit d'ailleurs vivres et argent et dont l'envoyé accompagna la flotte catalane en Syrie. Ajoutons cependant que ces exposés sont clairs et judicieux. Mais l'étude aurait gagné, à mon avis, à se concentrer sur le sujet annoncé, qui se prêtait à des développements plus amples et plus neufs.

L'expédition catalane démontre que Michel VIII attachait beaucoup d'importance aux bases latines de Syrie, comme le souligne de son côté l'historien Pachymérès, qui signale à plusieurs reprises, et avec tristesse, leur disparition progressive. Certains points auraient pu être mieux illustrés : la réserve de Louis IX devant le projet de la reconquête latine de Constantinople après 1261, ou son autorité morale sur les autres chefs d'État occidentaux, ou encore le rôle d'ennemi privilégié dévolu à Charles Ier d'Anjou dans la politique de Michel VIII, si bien que l'empire crut possible de renoncer à sa flotte, une fois le roi de Naples disparu. Ici ou là, les citations données en note sont transcrites avec quelque négli­gence, à ce point que certaines phrases deviennent inintelligibles (voir, par exemple, p. 437 n. 7 et 8). D'autre part, en ouvrant le livre, on cherche vainement quelques lignes d'introduction, dont la table des matières (p. ix-xin) tient apparemment lieu, car l'exposé commence de manière abrupte par l'histoire de P«impératrice byzantine». Signalons enfin un point de généalogie : Catherine, la femme de Stefan Dragutin de Serbie, était la fille d'Etienne V de Hongrie, non de Béla IV (p. 356), et la sœur de Marie (qui est correcte­ment identifiée un peu plus bas, ρ 357 η. 189, comme fille d'Etienne V), la femme de Charles II d'Anjou, ou d'Anne, la première femme d'Andronic II Palaiologos.

Albert FAILLER

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Anastasios Ch. MEGAS (Éd.), Μαξίμου Πλανούδη (± 1255- ± 1305) Βοηθίου Παραμυθίας της Φιλοσοφίας Μετάφραση (Λατίνο-Ελληνική Βιβλιοθήκη 9). — Thessalonique 1996. 24 χ 17. 415 ρ.

Il s'agit de l'édition critique de la traduction grecque, par Maximos Planoudès, de la Consolation de la Philosophie de Boèce. Deux éditions de cette traduction grecque exis­taient déjà: celle (partielle) de Weber en 1833 et celle (complète) de Bétant en 1964, à partir d'un manuscrit inconnu. La présente édition se veut aussi respectueuse que possible de la tradition manuscrite.

L'introduction comporte tout d'abord une présentation de la tradition manuscrite du texte grec : description des 32 manuscrits, essai de reconstitution du manuscrit inconnu utilisé par Bétant, liste d'erreurs communes à l'ensemble des manuscrits. L'auteur aborde ensuite le texte latin et ses différentes éditions, en présentant quelques cas où le texte grec a permis de corriger le latin, puis les scholies de Planoudès au texte de Boèce. L'édition de la Consolation est précédée de celle d'une Vie de Boèce, en latin et en grec, qui se trouve dans plusieurs manuscrits.

L'édition présente sur la page de gauche le texte latin, établi par l'auteur sur la base des éditions de Weinberger (1934) et de Bieler (1957, 19842), avec dans Γ apparat-critique quelques remarques empruntées à l'édition de Sitzman (1607) ou aux notes critiques d'autres philologues. Sur la page de droite, se trouve la traduction de Planoudès. La Consolation proprement dite est suivie de l'édition des Scholies, métriques et herméneu­tiques, de Planoudès. En annexe, l'auteur donne l'édition du Tractatus de metris Boethii de Servatus Lupus (dont le manuscrit latin de Planoudès devait comporter une version), des tableaux des différents mètres d'après Planoudès et Lupus, des extraits d'un Commentarius anonyme, édité par Silk en 1935, qui présentent une parenté avec les Scholies de Planoudès, la Lettre à ses familiers de Maxime Holobolos qui précède sa tra­duction de De topicis differentiis.

Une bibliographie sélective et un index général complètent l'ouvrage.

Marie-Hélène CONGOURDEAU

Hristo MELOVSKI, The Moscopole Collectanea. The Hagiographies of Saints. Édité par Nade PROEVA (Bibliotheca Miscel lanea Byzant ino-Macedonica . Monographiae 1/1-2). — Skopje 1996. 28,5 χ 2 1 . 224 p. , 4 ill. (1), 136 Ρ- (2).

Les deux volumes sont le fruit de la recherche qu'a menée Hristo Melovski (1932-1996) dans les dernières années de sa vie autour de l'imprimerie créée à Moschopolis (aujourd'hui Voskopojë en Albanie) par le hiéromoine Grégoire Konstantinidis. Cette aventure de presse a été étudiée récemment par M. D. PEYFUSS dans son ouvrage intitulé Die Druckerei von Moschopolis, 1731-1769. Buchdruck und Heiligenverehrung im Erzbistum Achrida et édité en 1989, puis réédité en 1996 (voir les recensions dans la REB 49, 1991, p. 314-316; 55, 1997, p. 368). Parmi les ouvrages édités à Moschopolis, H. Melovski a choisi cinq acolouthies de saints locaux, qui sont reproduites photographi-quement, transcrites, traduites et commentées.

Dans le second volume sont reproduites les cinq acolouthies, qui célèbrent respective­ment les Quinze martyrs de Tibérioupolis, Jean Vladimir, Érasme, Clément d'Òhrid et Naoum. Elles portent les numéros 7, 8, 9, 6 et 10 dans l'inventaire de M. D. Peyfuss, selon qui les acolouthies 6-12 formaient, à leur parution, un seul volume. Le modèle uti­lisé pour la reproduction n'était malheureusement pas en parfait état ; de plus, de nom­breux mots étaient soulignés.

Le premier volume contient la transcription en lettres d'imprimerie modernes du texte grec, suivie de la traduction en macédonien et d'un bref commentaire. Contrairement à ce qui a été fait, il aurait évidemment été souhaitable de transcrire et d'étudier les acolouthies dans l'ordre de leur reproduction dans le second volume. De plus, la lecture n'est pas tou­jours attentive, et la nouvelle transcription ne dispensera pas de recourir à l'original. Sans

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aller plus loin que la première demi-page de grec (1, p. 32) et alors que le texte imprimé à Moschopolis est correct, on rencontre nombre de graphies fautives : Νικηφόρος, εΐκαδι, δυσεβης, μυσόχριστος, πολλύς, ίδέτε, πονυρίας, άσεβείαν, διωγδον (pour διωγμον), κατά τον χριστιανον (pour κατά τών χριστιανών). À la fin du volume, trois courts cha­pitres sont consacrés à diverses questions : la langue et le style des Vies, l'illustration de la collection de Moschopolis, l'imprimerie de Moschopolis. Cet exposé, qui est ensuite traduit en anglais (p. 198-210), se limite à quelques généralités.

Comme je l'ai dit, il aurait été souhaitable de donner aux deux volumes un ordonnan­cement parallèle et plus logique. De plus, l'étude n'apporte rien de neuf tant pour l'ana­lyse et la compréhension des textes que pour une meilleure connaissance de cette institu­tion novatrice et originale que fut l'imprimerie de Moschopolis. Mais cela reste un sympathique hommage à l'activité editoriale du hiéromoine Grégoire.

Albert FAILLER

S. MERGIALI, L'enseignement et les lettrés pendant l'époque des Paléologues (1261-1453) ( Κ έ ν τ ρ ο ν Έ ρ ε ύ ν η ς Β υ ζ α ν τ ί ο υ 5). — ' Ε τ α ι ρ ε ί α τ ώ ν φ ί λ ω ν τ ο υ λ α ο ϋ , Athènes 1996. 24 x 17. 319 ρ.

L'auteur de cet ouvrage a étudié l'enseignement et le rôle des lettrés et érudits sous les Paléologues. C'est une longue période qui va de la reprise de Constantinople par Michel VIII Paléologue en 1261 jusqu'à la chute finale de cette ville aux mains des Ottomans (29 mai 1453).

Cette étude, qui porte sur la dernière période de Byzance, vient compléter les ouvrages de synthèse que P. Lemerle (aussi, P. Speck) et N. Constantinides avaient consacrés à l'enseignement et les lettrés des périodes précédentes (à l'exception des Comnènes) : P. LEMERLE, Le premier humanisme byzantin. Notes et remarques sur enseignement et cul­ture à Byzance des origines au Xe siècle, Paris 1971 ; IDEM, Cinq études sur le XIe siècle byzantin, coll. Le monde byzantin, Paris 1977 ; C. N. CONSTANTINIDES, Higher Education in Byzantium in the Thirteenth and Early Fourteenth Centuries (1204-ca. 1310), Nicosie 1982. Quant à la culture et l'enseignement sous les Comnènes, ils ont été examinés de façon systématique, en premier lieu, par R. Browning. L'intérêt donc du sujet traité par l'auteur est indéniable.

L'auteur a suivi un plan chronologique : «I. Le rétablissement des études dans la capi­tale au cours de la seconde moitié du XIIIe siècle» (p. 15-42) ; «II. Le mouvement litté­raire et scientifique de la première moitié du XIVe siècle» (p. 43-112) ; «III. L'ouverture vers l'Occident à partir de la seconde moitié du XIVe siècle» (p. 113-164) ; «IV. L'état intellectuel durant le règne de Manuel II Paléologue (1391-1425)» (p. 165-191) ; «V. Attitudes intellectuelles et contexte social dans le Despotat de Morée au XVe siècle» (p. 193-220) ; «VI. L'état intellectuel à Constantinople avant la chute» (p. 221-234). On trouve à la fin de l'ouvrage, après la conclusion (p. 235-239), une liste d'annexés (p. 241-252), la bibliographie (p. 253-292) et des index (prosopographique et général ; p. 293-319). Les termes techniques liés à l'enseignement, les noms de professeurs et la réparti­tion géographique des érudits dans le monde byzantin ont fourni les listes qui composent les annexes.

Le but de l'auteur était, en se fondant sur les développements et conclusions formulées dans les études consacrées à ce sujet, de donner un aperçu aussi complet et synthétique que possible. On comprend donc aisément le rôle qu'acquiert la bibliographie (et, même, la bibliographie secondaire) et celle qu'a donnée l'auteur témoigne de ses lectures riches et variées. On regrettera que seules les sources écrites de caractère littéraire aient été utili­sées, les documents épigraphiques, archéologiques ou autres faisant en principe défaut. En plus, au sein de chaque chapitre, l'auteur développe l'activité des érudits byzantins concernés, alors que les institutions qui ont abrité les lettres et les sciences sont mention­nées de façon accidentelle et la liste des termes techniques liés à l'enseignement des p. 243-245, dépourvue de références, ne comble pas cette lacune : ainsi, ni les institutions où était enseigné, par exemple, le quadrivium ni le contenu de cet enseignement ne sont

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mentionnés, si ce n'est de façon sporadique. Enfin, des inexactitudes s'immiscent parfois dans l'ouvrage et les titres mentionnés dans les notes ne donnent pas, dans tous les cas, la meilleure référence (que, pourtant, l'auteur connaît, comme l'attestent les renvois faits ailleurs).

Pour illustrer les dernières remarques, nous nous contenterons du portrait d'un seul érudit étudié par l'auteur, Jean Chortasménos, en en donnant quelques exemples.

— p. 174: Chortasménos n 'a pas été «protonotaire», mais simple notaire (probable­ment confusion entre πρωτονοτάριος et πατριαρχικός νοτάριος).

— p. 176 (cf. p. 178) : Il n 'a pas été «notaire du patriarcat depuis 1391», mais, comme l'a étabH H. HUNGER, Johannes Chortasménos (ca. 1370 - ca. 1436/37). Briefe, Gedichte und kleine Schriften. Einleitung, Regesten, Prosopographie, Text, Vienne 1966, p. 14, il l'était depuis au moins 1391 {terminus non ante quem).

— p. 178 : «Quoiqu'on soupçonne que ces ecclésiastiques enseignent au nom du patriarche, les sources ne le disent pas toujours clairement.» C'est passer sous silence ce que l'auteur mentionnera quelques lignes plus loin (voir remarque suivante) : en fait, Michel Balsamon a enseigné la géométrie (peut-être aussi Γ astronomie) à Chortasménos précisé­ment sur la demande du patriarche Matthieu Ier (όρισμω τοΰ... πατριάρχου). Ce témoi­gnage provient de Chortasménos même {Mutin, gr. 142 [II.E.9], f. 113 r; voir H. HUNGER, p. 15-16; J. DARROUZÈS, Les Regestes des Actes du Patriarcat de Constantinople, I, Les Actes des Patriarches, fase. VI, Les Regestes de 1377 à 1410, Paris 1979, n° 3060).

— ibidem : «Ayant bénéficié lui-même [Chortasménos], pendant sa jeunesse, d'un enseignement procuré par l'Église, notamment à la discipline de la géométrie...» On croi­rait à tout un ensemble de cours procurés par l'Église à Chortasménos ; or rien ne nous permet d'avancer cette affirmation, qui risque de fausser la réalité. Il s'agit tout simple­ment d'un cours de géométrie, peut-être aussi d'astronomie, assuré par un seul enseignant, le katholikos didaskalos Michel Balsamon.

— p. 180, l'auteur mentionne le terme enkyklia mathèmata, énumère «la grammaire, la poésie, la rhétorique et probablement la Logique d'Aristote», mais ne souffle mot dans son texte sur le fait que les trois premiers cours faisaient partie du trivium, mentionné in n. 881.

— p. 180 n. 881. Pour montrer l'activité de Chortasménos comme copiste, l'auteur renvoie à Ch. G. PATRINÉLÈS, "Ελληνες κωδικογράφοι των χρόνων της 'Αναγεννήσεως, ΈπετηρΙς τοϋ Μεσαιωνικού 'Αρχείου 8-9, 1958-1959, ρ. 120. Sans nier la qualité du travail de Patrinélès, plusieurs ouvrages sur ce sujet ont vu le jour depuis 1958-1959. De plus, l'auteur oublie qu'elle a déjà donné, deux pages auparavant (p. 178 n. 870), les références à ces ouvrages plus récents sur le même sujet : «sur son activité [de Chortasménos] de copiste».

— p. 180 n. 882 : «sur le contenu de ce manuscrit [du Vindob. suppl. gr. 75], dont la copie s'acheva le 7 juin 1415, voir Patrinélis, 'Έλληνες κωδικογράφοι ρ. 120, 1.». L'auteur oublie, cette fois aussi, qu'elle a donné des références plus récentes à la p. 178 n. 870, notamment celle à P. CANART - G. PRATO [le nom de G. Prato a disparu dans le titre], Les recueils organisés par Jean Chortasménos et le problème de ses autographes, Studien zum Patriarchatsregister von Konstantinopel, I, éd. H. HUNGER, Vienne 1981.

— p. 182 : «il est assez significatif qu'avant de devenir métropolite il [Chortasménos] signe toujours comme διδάσκαλος» [c'est nous qui mettons en italiques]. C'est fausser la réalité, car l'auteur ne se fonde que sur un seul témoignage direct {Vatic, gr. 1365, f. IV, copié dans YAmbros. 1005 [El inf.]) et un témoignage indirect — qui pouvait avoir une valeur métaphorique —, celui de Sylvestre Syropoulos.

L'intérêt du sujet traité ne laisse pas de doute et l'ouvrage mérite d'être lu, même s'il faut en certains cas l'utiliser avec prudence.

Michel CACOUROS

Charles MITCHELL - Edward W. BODNAR (Éd. et trad.), Vita viri clarissimi et famosissimi Kyriaci Anconitani by Francesco Scalamonti. Edited and transla­ted by Charles MITCHELL and Edward W. BODNAR (Transactions of the

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American Philosophical Society Held at Philadelphia for Promoting Useful Knowledge, Volume 86, Pt. 4). — American Philosophical Society, Philadelphie 1996. 25 χ 17. vii-246 p. Le lecteur trouvera dans cet ouvrage l'édition, suivie de la traduction et de l'étude, de

la Vita de Cyriaque d'Ancóne ( 1391-avant 1457), composée par son ami Francesco Scalamonti, correspondant de François Filelfe (comme Cyriaque lui-même). Cyriaque d'Ancóne a été le voyageur le plus intrépide de son époque : il a laissé plusieurs récits de voyage, qu'il désignait sous le titre de commentarla. Auteur polygraphe, il a également composé des opuscules et des poèmes, dont certains restent encore inédits. L'intérêt de sa production consiste, entre autres, en ce que plusieurs autographes de ses œuvres ont été conservés. Cyriaque occupe une place importante dans l'histoire de l'humanisme italien naissant. Bon connaisseur des tractations diplomatiques en Orient, il a également été l'in­formateur fidèle du Pape Eugène IV ; de cette façon, il a participé à la formation de la diplomatie papale des années 1450.

Les éditeurs ont employé le manuscrit de Trévise, Bibl. Capitolare 2, A/1. Ce témoin est écrit et enluminé par Felice Feliciano (1433-ca 1479), antiquaire à Vérone, disciple et grand admirateur de Cyriaque, sur l'instigation de Samuele da Tradate, littérateur de Milan au service de Gonzague à Mantoue. Le volume, aujourd'hui lacunaire (perte de plu­sieurs folios), est écrit sur papier et parchemin, les feuillets sur parchemin englobant, dans chaque cahier, les folios sur papier. La reliure a été effectuée par Feliciano lui-même. Il est intéressant de noter que ce livre s'ouvre sur un poème (f. 10, dont le but est de dissua­der d'emprunter l'ouvrage : Sempre se dice che unfa male a cento.

La Vita occupe la première section du livre (à peu près la moitié du volume, f. 22r-108r) et est introduite (f. 10v-21v) par une lettre dédicatoire, où Francesco Scalamonti s'adresse à Lauro Quirini (ca 1420-1480/1481), humaniste vénitien, pour expliquer les motifs qui l'ont poussé a rédiger la Vita et présenter sa composition. Quirini, plus jeune que Scalamonti, appartenait à une grande famille vénitienne. Il avait séjourné, en 1441, chez Bessarion, notamment lorsqu'Eugène IV se trouvait à Florence. La seconde section du manuscrit (f. 108v-1980 comprend des extraits provenant des ouvrages de Cyriaque composés dans les années 1435-1449. La troisième section (f. 198v-220r) comprend une lettre à propos de Cyriaque rédigée par Antonio di Leonardo et, aussi, des inscriptions provenant de Mantoue et de Brescia. Enfin, la dernière partie du manuscrit (f. 201v-220v) comprend le récit d'un voyage que Felice a effectué au lac de Garde avec des amis le 24-25 septembre 1464.

Documentée, cette étude ne se contente pas de donner la Vita de Cyriaque par Scalamonti, mais elle présente une chronologie de la Vita (p. 13-18) et des Annexes utiles : — «Appendix I. Letter of Ciriaco to Pietro di Liberio de Bonarellis, Rimini, 15 March 1423», p. 166-180 ; — «Appendix II. Correspondence with Leonardo Bruni, 1423-1433», p. 181-190; — «Appendix III. Letters of Francesco Filelfo written to or about Ciriaco, 1427-1434», p. 191-195. La lettre 4, en grec (publiée avec quelques inatten­tions), avait déjà été éditée par E. LEGRAND, Cent-dix Lettres Grecques de François Filelfe publiées intégralement pour la première fois d'après le Codex Trivulzianus 873, avec trad., notes et commentaire, Paris 1892, n° 8, p. 17-18) ; — «Appendix IV. Letter of Antonio Leonardi to Felice Feliciano, 5 October 1457», p. 196-198 ; — «Appendix V. Ciriaco's 'Itinerarium'», p. 199-207: les éditeurs donnent les passages de l'Itinerarium qui ont des parallèles dans la Vita ; — «Appendix VI. Ciriaco's Drawings of Hagia Sophia in Constantinople», p. 208-212, mais, malheureusement, les croquis de Cyriaque n'ont pas été reproduits.

À travers les événements mentionnés dans la Vita et l'analyse qui en est faite par les éditeurs, on peut mieux saisir la carrière mais aussi le rôle de Cyriaque dans l'humanisme italien.

Michel CACOUROS

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BIBLIOGRAPHIE 323

John NESBITT - Nicolas OIKONOMIDES, Catalogue of Byzantine Seals at Dumbarton Oaks and in the Fogg Art Museum. Vol . 3 . West, Northwest and Central Asia Minor and the Orient. — Dumbar ton Oaks Research Library and Collection, Washing ton D C 1997. 28,5 χ 22 . xii-240 p .

Ce troisième volume couvre la moitié occidentale de l'Asie mineure, comprenant les thèmes importants des Thracésiens, de l'Opsikion et des Anatoliques. Comme toujours ce sont les sceaux des ecclésiastiques qui fournissent les toponymes les plus nombreux. La plupart avaient déjà été publiés par V. Laurent dans son Corpus (tome V, 3 e partie). Les éditeurs apportent souvent des corrections importantes à l'édition de V. Laurent qui tra­vaillait à partir des photos et non des objets. À titre d'exemple, le 14.5 redonne à Ephèse, le sceau de l'archevêque Nicolas attribué à Cesaree, le 15.1 appartient à l'évêché d'Éry-thra au lieu de la métropole de Corfou, le 32.5 à la métropole de Sardes et non à celle de Smyrně...

Une pièce parallèle (Musée archéologique d'Istanbul) permet de restituer le prénom, Nicéphore, de Mousaraph, stratèlatès d'Orient, et de restituer à saint Nicéphore l'effigie du droit (99.12). Les éditeurs hésitent à attribuer au protovestiaire de Nicéphore Botaneiatès, Jean, le sceau de Jean, protovestiaire, nobélissime et grand domestique des Scholes d'Orient (99.7), car ils doutent qu'un tel commandement ait encore existé à cette date. Or, selon Nicéphore Bryennios, Jean avait reçu le commandement de l'armée char­gée de reprendre Nicée aux Turcs et ce titre était tout à fait normal pour une telle mission. La fonction d'hôrreiarios du drome d'un thème, lue de façon incertaine sur un sceau du thème des Anatoliques (86.22), devra trouver confirmation pour être acceptée. J'avais noté, peut-être par erreur, dans le fichier de Dumbarton Oaks le sceau de Michel, fils d'Euthyme, juge de l'Opsikion (DO 55.1.2909), qui n'est pas mentionné. Pierre, le domestique des Optimates et catépan des Ibères — curieuse et intéressante combinaison —, vivait sans doute à la fin du 9e siècle plutôt qu'au temps de Basile II (71.11). Signalons enfin que le stratège du Sténon mentionné par V. Laurent (73.1) s'ap­pelait Chagé et non Chapsé (fonds Zacos de la BnF).

L'apport historique est, comme à l'habitude, considérable. Des fonctions inconnues ou mal attestées par d'autres sources sont présentées pour la première fois. Constantin était éparque du prétoire du domestique des Scholes d'Orient (99.10), Nicétas, ek prosôpou des Thracésiens pour la cavalerie (2.7), Michel, épeiktès de la konchylè des Thracésiens (2.8), Grégoire, protocentarque de Nicée (59.6) ou encore Constantin Gabalas, topotèrètès des Anatoliques (86.63). On aurait le premier sceau d'un commerciaire d'Éphèse, où se déroulait une foire fameuse (14.2), mais il faut dire que le nom de Parthénos pour saint Jean le Théologien n'est pas attesté jusqu'ici sur des sceaux comme substitut à Éphèse. Plusieurs responsables de greniers à blé sont cités dans ce volume, dont celui de Saint-Épsébios que les éditeurs assimilent à Saint-Eusèbe, en Bithynie (79.1). A l'appui de leur hypothèse, on rappelera qu'une moniale, Eusébie, avait transcrit sur son sceau son nom, Épsébia (Zacos II, n° 454). Des formules rares sont aussi à noter, comme le «laos» de Kellibara (22.3). On remarquera aussi les listes abondantes déjuges de l'Opsikion et des Thracésiens, car on y retrouve des noms communs aux deux thèmes et qui appartiennent à l'élite de l'aristocratie constantinopolitaine : Abalantès, Serblias, Monomachos, Thylakas, ce qui confirme l'intérêt de ces familles pour deux thèmes fort prospères et depuis long­temps à l'abri des raids ennemis. De nouvelles étapes de la carrière de militaires connus par ailleurs sont attestées : Panthérios, sans doute un Sklèros, fut stratège des Thracésiens (2.48), sous le règne de Romain Lécapène, car c'est probablement lui qui devint domes­tique des Scholes en 944. André, stratège des Anatoliques, est aussi un futur domestique des Scholes (86.46).

La moisson est abondante et désormais, il ne manque plus qu'un volume pour complé­ter la série des sceaux comportant une mention géographique.

Jean-Claude CHEYNET

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Donald M. NICOL (Éd., trad.), Theodore Spandounes. On the origin of the Ottoman Emperors. Translated and edited by Donald M. NICOL. Translated from the Italian text of 1538 as edited by C. N. Sathas, Documents inédits relatifs à l'histoire de la Grèce au Moyen Âge, IX, Paris 1890, p. 133-261 : Theodoro Spandugnino, Patricio Constantinopolitano, De la origine deli Imperatori Ottomani, ordine de la corte, forma del guerregiare loro, reli­gione, rito, et costumi de la natione. — Cambridge University Press, Cambridge 1997. 23,5 χ 16. xxix-161 p., 1 pi. 30 $.

Dans son étude pionnière sur les Kantakouzènoi : The Byzantine Family of Kantakouzenos (Cantacuzenus) ca. 1100-1460. A Genealogical and Prosopographical Study (Dumbarton Oaks Studies XI, Washington DC 1968), l'éminent byzantiniste anglais avait fait déjà une large utilisation du traité de Théodore Spandounès, Dall'origine de' principi Turchi, justifiée par les nombreux renseignements que ce traité livre sur les alliances de la famille au 15e siècle. C'est que Spandounès, descendant par son père d'une famille grecque établie en Italie, déclarait descendre aussi par sa mère des Kantakouzènoi, une parenté qu'il jugeait assez flatteuse pour s'intituler lui-même «Theodoro Spandugino Cantacusino». C'est donc une familiarité ancienne avec cette œuvre qui explique que l'au­teur ait pris l'initiative de cette nouvelle édition, alors que sa spécialisation le prédisposait peu, a priori, à entreprendre une telle tâche. Une réédition s'imposait en effet, car le texte, publié précédemment par Sathas, ne comportait aucun commentaire, sinon une présenta­tion fort discutable de la vie du chroniqueur (C. N. SATHAS, Documents inédits relatifs à l'histoire de la Grèce au Moyen Âge, t. IX, Paris 1890, p. 133-261). Depuis, dans un article très fouillé, La cronaca italiana di Teodoro spandugino, // Veltro. Rivista della civiltà italiana 2-4, anno XXIII, marzo-agosto 1979, p. 151-171, Christiane Villain-Gandossi, après avoir établi avec minutie la tradition manuscrite du traité de Spandounès et signalé à la fois les difficultés de l'établissement d'un texte dont on a plusieurs ver­sions, et celles du commentaire auquel il appelait, avait indiqué la voie à suivre : celle d'un travail de longue haleine, alliant les compétences d'un philologue à celles d'un otto-manisant. L'ambition de l'auteur a toutefois été plus modeste : l'ouvrage propose une tra­duction anglaise annotée de l'édition Sathas — basée elle-même sur un seul manuscrit, le BnF, fonds italien 881 —, une traduction qui n'est pas, d'ailleurs, littérale, «for the Italian text is frequently repetitive and unnecessarily verbose ; and some of the passages of it have been only summarised or condensed» (p. xviii). Un parti-pris aussi clairement for­mulé peut, au premier abord, surprendre. Il est toujours délicat d'évaluer ce qui, dans un texte du 15e siècle, peut être considéré comme «unnecessarily verbose», et, à coup sûr, l'initiative d'un éditeur qui, sous couvert de rendre plus intelligible et accessible un écri­vain byzantin, prendrait de telles libertés dans sa traduction serait diversement appréciée. Il ne faut donc pas perdre de vue que le présent ouvrage ne prétend pas éviter le recours à l'édition Sathas, et se veut avant tout ouvrage de vulgarisation : les spécialistes, mais aussi le grand public, disposent désormais d'une traduction anglaise d'un texte difficile à trou­ver et d'un maniement pas toujours aisé, puisqu'il fut rédigé dans la langue italienne du 15e siècle. Mais l'intérêt principal réside dans le commentaire qui accompagne cette édi­tion : c'est avec raison que l'auteur souligne combien Spandounès n'était pas «a systema­tic historian», aussi les notes s'avèrent-elles fort utiles puisqu'elles visent à rectifier les nombreuses «factual errors» — souvent grossières, il est vrai— de Spandounès. Sans ces rectificatifs, le lecteur, même spécialiste, serait vite désorienté. Du reste, claires et concises, placées généralement avec à-propos, elles rendent justice au savoir-faire et à l'érudition de l'auteur. Certaines auraient pu toutefois être plus fouillées. Ainsi, lorsque Spandounès déclare qu'Orhan (mort en 1362) fut enseveli dans le village de «Plagin», ou «Plagiari», près de Gallipoli (I, p. 20 ; n. 20, p. 82), c'est bien une erreur, mais elle s'ex­plique par une confusion avec le fils d'Orhan, Süleyman Pacha, «Plagin»/«Plagiari» dési­gnant en fait le village de Bolayir (cf. Irène BELDICEANU-STEINHERR, Recherches sur les actes des règnes des sultans Osman, Orkhan et Murad 1, Acta Historica, t. VII, Munich 1967, doc. 17, p. 135-148). De même, s'il est sûr en effet que le duc de Bourgogne Philippe le Bon ne fut pas de la bataille de Varna (I, p. 30 ; n. 44, p. 86), et que c'est donc

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à tort que Spandounès le met au compte des prisonniers, c'est sans doute qu'il pensait au comte de Nevers, le futur duc de Bourgogne Jean sans Peur, fait prisonnier lors d'une autre croisade malheureuse, celle de Nicopolis (1396). On peut déplorer surtout que, dans la transcription des termes turcs, une règle plus clairement définie n'ait pas été arrêtée, au lieu d'hésiter en permanence entre transcription anglaise et transcription en turc moderne. Il eût mieux valu d'ailleurs s'en tenir encore à une transcription anglaise, la transcription en turc moderne étant souvent rendue de façon fautive par, entre autres, une ignorance systématique des «i» sans point («1»). On appréciera en revanche sans réserve la finesse avec laquelle, dans l'introduction, est brossé le portrait psychologique du chroniqueur, dont sont bien soulignées l'indépendance et l'ouverture d'esprit : en rédigeant son traité, Spandounès a fait avant tout œuvre d'information. S'il s'agissait pour lui de mettre en garde l'Occident, et en premier lieu ses princes, du danger que représentait l'Empire otto­man pour l'Europe en cette fin du 15e siècle, il s'est refusé pour autant à en faire un repoussoir, à en donner une image noircie au service de la propagande de son temps. L'Empire ottoman y est jugé sans complaisance, mais aussi sans préjugé, et il n'est pas rare que Spandounès laisse percer, parfois, une certaine admiration. Cette originalité de Spandounès impliquait que l'on s'interrogeât sur la provenance de ses informations, les ouvrages antérieurs qu'il aura pu utiliser: c'est donc ajuste titre qu'une partie de l'intro­duction est consacrée à cette question (The Text and his sources, p. ѵ і- ѵ). Mais si le portrait psychologique et moral de Spandounès est réussi, car l'auteur a su prendre ici ses distances avec les erreurs de vue de Sathas — qui voulait à toute force voir en Spandounès un glorieux stratiote «heroically serving Venice and his greek fatherland in warfare against the Turks» (p. xi) —, on ne peut en dire autant de la présentation de la car­rière de l'homme lui-même. Loin d'apporter ici de nouvelles lumières sur la question, l'auteur n'a que trop tendance à reproduire encore des fables sorties tout droit de l'imagi­nation de Sathas, sans contrôle préalable. À partir de quelques documents d'archives, Férudit grec avait bâti un roman certes séduisant, mais proprement extravagant de la vie de Spandounès, et il faut admettre qu'une fois débarrassée de ces élucubrations, cette bio­graphie se réduit à bien peu de choses. Cent ans après, une recherche nouvelle, par exemple dans les archives vénitiennes et romaines, n'aurait pas été superflue. On conçoit qu'il soit difficile, par exemple, de faire justice à la légende selon laquelle «it was no doubt under the care of his great-aunts Mara and Catherine that he [Spandounès] learnt some Turkish and acquired his interests in the history and customs of the Ottoman people and his rulers» (p. x). Mais il faudrait admettre une fois pour toutes que non seulement Spandounès ne dit rien de tel, mais en outre qu'aucun des documents mis en avant par Sathas ne permet de mettre directement en contact notre chroniqueur avec celles qui furent effectivement ses grand-tantes, la veuve de Murad II Mara Branković (t 1487) et sa sœur Caterina de Cilly, et encore moins de penser qu'auprès d'elles, «Spandounès spent some of his boyhood». Certes l'auteur a la prudence de laisser en suspens la question de la date de naissance de Spandounès, mais une réflexion sur ce sujet l'aurait sans doute amené à plus de circonspection devant les invraisemblances de la biographie proposée par Sathas. Relevons à ce propos que le «Théodore» envoyé en 1472 devant le sénat vénitien par Caterina de Cilly pour consulter la Serenissime sur l'achat du château de Belgrado n'était certainement pas notre Spandounès, comme l'a affirmé Sathas (p. XIII), à supposer qu'il soit seulement né à l'époque. Cette erreur n'est certes pas reprise, mais qu'est-ce qui autorise à affirmer encore, à la suite de Sathas, que la mère de Spandounès, Eudokia Kantakouzènè, «had moved to Italy before the Fall of Constantinople in 1453» (p. ix) ? Ce n'est là qu'une supposition — certainement fausse d'ailleurs — qu'aucun document ne vient étayer. Un point important a toutefois été établi : en se servant de la généalogie, tou­jours inédite, d'Angelo Massarelli, DelFImperadori Constantinopolitani, Vatic, lat. 12127, f. 352, l'auteur apporte la preuve que l'appartenance affirmée de Spandounès à la famille des Kantakouzènoi était bien réelle, sa mère Eudokia étant une petite-fille, en ligne mas­culine, de Georgios Palaiologos Kantakouzènos (f. 351v). Ladite généalogie montre même que cette parenté était double, puisque Eudokia était, par sa mère, également petite-fille de Jean Palaiologos Kantakouzènos (t 1453), gouverneur de Corinthe (f. 351v et 352v), une information qui n'est pas évoquée ici, mais il est vrai qu'elle ne se justifiait pas, Spandounès n'en soufflant mot. On est en revanche plus étonné que, ce texte inédit ayant

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été mis à contribution, on trouve encore, dans la généalogie de Spandounes proposée en p. xxvi, l'improbable despoina de Trébizonde «Héléna Kantakouzènè Komnènè». L'auteur tenait pourtant là l'occasion de rectifier une grave erreur de Spandounes lui-même, et du même coup, de proposer un correctif non négligeable pour l'histoire de Byzance, et plus spécialement de Trébizonde, au 15e siècle. Le généalogiste apporte en effet un démenti formel à l'information de Spandounes selon laquelle une des sœurs de Georgios Palaiologos Kantakouzènos, Héléna, aurait été l'épouse du basileus David II de Trébizonde (1458-1461), une information universellement admise depuis sur la foi de son seul témoignage. Soulignons que des considérations purement chronologiques rendaient le fait déjà douteux, même si, à notre connaissance, personne ne s'est jamais exprimé à ce propos. Massarelli (f. 349v) clarifie opportunément les choses : la sœur de Georgios Palaiologos Kantakouzènos devenue despoina de Trébizonde appartenait à la génération précédente, et il s'agit de Theodora Kantakouzènè Komnènè (t 1426), l'épouse du basi­leus Alexios IV (1417-1429). La dernière despoina de Trébizonde ( t 1463 ?) n'était donc certainement pas une Kantakouzènè, et la mémoire approximative de Spandounes quant à ses alliances familiales lui aura là joué un tour : mieux vaut désormais s'en tenir à l'infor­mation de la chronique de Panarétos selon laquelle l'épouse de David II aurait été Maria de Gothie, confirmée d'ailleurs par Massarelli lui-même (f. 349v).

En signant cette nouvelle édition de l'œuvre de Spandounes, l'auteur s'est démarqué de ses productions antérieures, plus strictement attachées aux études byzantines, telles ses précédentes biographies de Constantin XI (1992) et de Jean VI Kantakouzènos (1996), saluées ajuste titre. Peut-être une réédition de l'œuvre de Spandounes aurait-elle exigé en définitive des ambitions et des compétences plus larges, ce texte intéressant à la fois byzantinistes, ottomanisants, et en général, tous ceux qui travaillent sur l'image et la per­ception de l'autre à la fin du Moyen Âge. Mais celle-ci a tout-de-même le mérite de rendre plus accessible un texte qui, peut-être en raison d'une précédente édition difficile à trouver, n 'a pas été jusqu'à présent utilisé comme il le méritait.

Thierry GANCHOU

Nicolas OiKONOMroÈs, Fiscalité et exemption fiscale à Byzance (nť-xf s.), Institut de recherches byzantines, Monographie 2. — Fondat ion nationale de la recherche scientifique, Athènes 1996. 24 χ 17. 319 p.

L'Empire byzantin, même aux pires moments des invasions du 7e siècle, a su conser­ver un système de taxation, en partie hérité de l'époque romaine. C'est cet avantage qui le distingue des autres États médiévaux chrétiens, explique sa survie et sa renaissance à par­tir de la seconde moitié du 8e siècle. L'étude de la fiscalité est donc fondamentale pour comprendre l'évolution politique, militaire et économique de l'Empire. Il peut sembler curieux que depuis Fr. Dölger, il y a près de trois-quarts de siècle, personne n'ait proposé de nouvelle synthèse sur ce thème. Les obstacles sont importants, car nous disposons d'un petit nombre de textes théoriques établis pour des fonctionnaires du fisc, et encore ne sont-ils pas de datation sûre ni d'interprétation aisée. Sans doute le nombre de documents de la pratique a été augmenté par la publication des archives monastiques, mais il est bien modeste au regard de la documention conservée en Occident et, de plus, nous n'avons quasiment rien pour le 9e siècle.

La question fiscale a trop souvent été liée à des interrogations préalables sur la nature de l'État byzantin et la querelle sur la «féodalité» a engendré une grille faussée de lecture de la taxation et de l'exemption, l'exkoussia, qui n'a rien à voir avec l'immunité occiden­tale, faute d'une approche plus attentive aux textes mêmes. N. Oikonomidès s'est appuyé sur toutes les données disponibles et nous propose une synthèse qui, nécessairement, va au-delà de la simple fiscalité. Il s'interroge par exemple sur le poids de l'impôt par rapport à la production («revenu de la terre et fardeau fiscal») et, confirmant des travaux anté­rieurs, conclut que l'impôt représentait au moins un quart du revenu des paysans, ce qui n'était pas insupportable. Rappelons qu'une telle estimation repose sur un rendement du blé tournant autour de 4 à 5 pour un 1, c'est-à-dire une productivité que certains, tels

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N. Svoronos et, plus récemment, M. Kaplan ont jugé moindre (3 ou 3,5 pour 1). Le sys­tème finalement mis en place de taxation ad valorem est assez moderne, car, indirecte­ment, plutôt proportionnel aux revenus, même si des exemptions allaient parfois à ren­contre de l'équité.

Tout autant que sur les prélèvements, l'auteur insiste sur les exemptions. C'est peut-être en ce domaine qu'on perçoit le mieux la capacité de l'Empire à évoluer en tenant compte des changements, ici dans le passage du village de paysans propriétaires au grand domaine. La multiplication des exemptions permettait aussi, au 11e siècle, de remédier à la pénurie de numéraire, en obtenant un service sans avoir à le rémunérer directement.

Il ne faudrait pas croire que toute l'histoire de la fiscalité byzantine est définitivement éclairée. Des questions restent en suspens. Outre le point encore débattu du rendement, la date du passage de l'impôt de répartition à l'impôt de quotité, que l'auteur situe autour des années 800, n'est pas si certaine. La grande transformation du système fiscal pourrait être un peu antérieure, car apparaissent dès le 7e siècle les services fiscaux qui gérèrent la levée et la répartition de l'impôt. Le degré de monétarisation de l'économie et partant le versement en numéraire de l'impôt sont encore discutés. N. Oikonomidès a fait remarquer que dès le début du 9e siècle les habitants de la Bithynie payaient en numéraire, mais dans quelle mesure peut-on généraliser au reste de l'Empire la pratique de Γ arrière-pays immé­diat de Constantinople, sûrement en avance sur les autres provinces ? En tout cas, tous ceux qui se posent des questions sur les impôts byzantins ne doivent pas hésiter à plonger dans cet ouvrage grâce auquel les mécanismes apparemment les plus complexes se révè­lent logiques et finalement assez simples à comprendre.

Jean-Claude CHEYNET

Joseph PATRIOT, Sabas, Leader of Palestinian Monasticism. A Comparative Study in Eastern Monasticism, Fourth to Seventh Centuries (Dumbarton Oaks Studies 32). — Dumbarton Oaks Research Library and Collection, Washington DC 1995. 24 χ 16. xv-420 p., 80 illustrations.

Le désert de Juda, à l'époque protobyzantine, occupe dans l'histoire du monachisme et plus largement dans la vie de l'Église impériale une place importante. A la différence d'autres centres monastiques, il présente en outre l'intérêt de nous être connu à la fois par les traces nombreuses qu'il a laissées sur le sol et par plusieurs textes, au premier rang desquels il faut mettre bien sûr les Vies écrites par Cyrille de Scythopolis à la fin du règne de Justinien. C'est le mérite particulier du beau livre de Joseph Patrich que d'avoir su exploiter à la fois les sources littéraires et la documentation archéologique pour écrire l'histoire d'une partie importante de ce milieu monastique jusqu'à la conquête arabe.

À la différence d'autres savants, comme Y. Hirschfeld par exemple, J. Patrich ne prend pas pour objet de son étude l'ensemble des monastères d'une aire géographique considé­rée, mais se concentre sur un mouvement particulier : celui des fondations dues à saint Sabas ( t 532) ou à ses disciples. Il y a là en effet un cas particulier intéressant puisque, alors que la situation la plus fréquente pour le monachisme ancien en Orient est l'autono­mie de chaque monastère (la législation de Justinien interdira du reste qu'un higoumène gouverne plus d'un couvent), nous avons affaire ici à une dizaine de laures ou de cénobia qui, jusqu'à la mort de Sabas au moins, ont dépendu d'une autorité unique.

Le livre de J. Patrich suit un plan très classique. Après avoir rappelé l'histoire du monachisme palestinien à ses débuts et quelques caractéristiques du monachisme ancien, l'auteur en vient à son véritable sujet : Sabas, avec sa biographie (p. 37-50), ses fondations monastiques et celles de ses disciples (p. 51-168), son activité comme supérieur et législa­teur monastique (p. 169-278), son rôle dans l'histoire de l'Église (p. 279-322), ses succes­seurs (p. 323-352), puisque la dernière partie de l'ouvrage est consacrée aux années 532-638 et qu'on y trouve même un aperçu sur l'époque de l'iconoclasme ou les débuts de la querelle du Filioque.

Dans son ensemble, le livre de J. Patrich est un exposé clair et bien documenté. Il constitue de fait la première monographie à être consacrée à un sujet important. Tout bien

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sûr n'y est pas également neuf et son apport principal nous a paru être plus archéologique qu'historique. Chaque monastère sabaïte fait l'objet d'une étude spéciale et les résutats, en particulier pour les laures, sont importants. On notera, p. 122, la définition de ce qu'est, archéologiquement, une laure : «a colony of scattered anchorite cells, which are connected by a constructed path to each other and to the core, where the church and other communal structures are built.» La nouveauté, ici, est dans l'insistance mise sur le réseau de sentiers, dont J. Patrich a su montrer l'existence en particulier pour la Grande Laure, et qui sou­ligne à la fois l'unité organique de la laure et la dépendance des cellules par rapport au cœur de l'ensemble. D'autres précisions sont apportées ailleurs dans le texte : la laure est bornée (cf., p. 162, ce qui est dit de la tour de bornage au nord de la Grande Laure) ; les cellules anachorétiques, au moins pour la Grande Laure, ne sont pas l'œuvre des moines, mais de maçons professionnels (p. 87 : «It is evident that these structures were planned in advanced and were constructed by expert masons, not by the monks themselves.») Ces cellules font l'objet d'une étude particulière, où il y a beaucoup à prendre. Notre seul regret est qu'une attention plus grande n'ait pas été portée à la question des jardins. Malgré ce qui est dit, p. 82, du jardin de la Grande Laure, nous restons en effet dans l'in­certitude : y a-t-il dans les laures palestiniennes (et lesquelles) des jardins autour des ermi­tages ? La question n'est pas sans importance, puisqu'il y va en fait de la relation entre les habitants des cellules et le centre de la laure. Il semble qu'à la Grande Laure tout au moins, les anachorètes n'aient pas de jardin particulier, ce qui les met, pour leur subsis­tance, entièrement dans la dépendance de l'higoumène et de l'économe. On pourra oppo­ser cette situation à celle qui prévaut par exemple au Sinai, où les textes et l'archéologie montrent l'importance des potagers pour l'alimentation des ermites.

Pour la partie historique de l'ouvrage, et surtout pour l'étude sur les successeurs de saint Sabas, il faudrait sans doute recourir à la liste des higoumènes de la Grande Laure qui se trouve dans le Sin. iber. 53 (cf. G. GARITTE, Le Calendrier palesîino-géorgien, Bruxelles 1958, p. 124). La voici : Sabas, Zenon, Méliton, Théodule, Gélase, Cassien, Conon, Anastase, Etienne, Nicodème, Thomas, Jean, Jean, Etienne, Job, Constantin, Stratégios, Salomon, David, Pierre..., Anastase, Salomon. Si certains noms posent des problèmes curieux (p. ex. celui de Zenon entre Sabas et Méliton), d'autres éclairent le texte de Cyrille de Scythopolis : c'est ainsi qu'il devient clair que Théodule, tout comme son frère Gélase, a été higoumène de la Grande Laure. Il n'est pas indifférent de voir se succéder à la tête de la principale fondation de Sabas les deux architectes isauriens qui ont construit l'église de la laure.

Enfin, les parties théologiques sont peut-être moins sûres que les autres. Il est clair, par exemple, que les origénistes appelés «Tétradites» ne portent pas ce nom parce qu'ils jeû­neraient à de mauvaises dates (cf. p. 339 : «The source of this name presumably lies in their custom of fasting on Easter as on Wednesdays.»). Le renvoi à FESTUGIÈRE, Les moines d'Orient, III. 2, p. 127, qui présente en fait cette explication comme une simple possibilité, n'est pas pertinent. Il faut se référer à l'ouvrage classique d'A. GUILLAUMONT, Les Képhalaia Gnostica d'Évagre le Pontique et l'histoire de l'origénisme chez les Grecs et chez les Syriens, que J. Patrich signale dans sa bibliographie, et qui montre bien quelles sont les particularités christologiques expliquant les surnoms dont sont affublés les origé­nistes.

Malgré ces quelques réserves, qui ont pour objet de rappeler que le sujet traité ici n'est nullement épuisé, il faut redire que l'ouvrage de J. Patrich est une source de renseigne­ments précis, souvent neufs et importants, que tous les historiens du monachisme ancien se réjouiront d'avoir à leur disposition.

Bernard FLUSIN

Jadranka PROLOVIĆ, Die Kirche des heiligen Andreas an der Treska (Veröffentlichungen der Kommission für Byzantinistik, Band VII). — Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, Vienne 1997. 29 χ 21. 308 p., 22 illustrations in colour, 144 in black and white, 33 drawings in text.

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The church of Saint Andreas is charmingly situated in the Treska valley outside Skopje. The construction of a barrage, transforming this part of the river into a lake, has not greatly decreased the natural beauty of its surroundings. In her book, the author offers an exhaustive study of the church, which, although modest in conception and somewhat deteriorated in condition, nevertheless merits the attention of Byzantinists.

Its origins (p. 29-51) are fairly well documented. Several inscriptions, which the author transcribes and translates into German from Old Slavonic, give interesting information about its origins. Andreas, the second king Vukasin, was the founder in 1388/1389 (p. 29 and figure 1). Another inscription gives the name of the first hegumen, Kalest (presuma­bly a Slavonic adaptation of the Greek Kallistos) Kyrii, who, together with his brother, organized the painting of the church. Another artist was involved, whose œuvre is well known : Jovan Zograf. An icon attributed to him of Christ (pi. 126) in the museum of Skopje, as well as the portrait of a prophet in the church of Saint Demetrius, Přilep (pi. 127), may be associated not only with the paintings at Saint Andreas but also with those at Zrze and Globoko.

The architecture is modest (p. 59-75), a simple cross with curved ends to the north and south branches and a cupola in the centre. A narthex was added later. Given the reduced space available, the decoration is limited : conventional programmes in the sanctuary and cupola, a series of Great Feasts and a Passion Cycle. For the rest, there are portraits of prophets, evangelists and saints.

Unfortunately, the Great Feasts and the Passion Cycle are in deteriorated condition. For the most part, the author has only been able to supply drawings of them (p. 111-162). The sanctuary, with its Officiating Bishops, is better preserved (p. 98-111). It should be noted that, while the dedicatory inscriptions are in Old Slavonic, the legends on the bishops' rolls are in Greek, as, indeed, the legends which accompany the portraits of saints. Vukasin's son, Andreas, was a Slav, but the language of the local inhabitants was Greek. One detail, which, personally, I find intriguing, is the curious bird represented on the front of the altar in the scene of the Officiating Bishops in the sanctuary. It is not per­haps, a typical dove, but it surely represents the Holy Spirit (pi. 9 and 15). It is interesting to find the presence of the Holy Spirit associated so explicitly with the Eucharist in icono­graphy. This is not common, in spite of the fact that the invocation on the Spirit in the Epiklesis renders the dove's presence perfectly orthodox.

The author concentrates more particularly on the portraits in the church, which seem to have been conserved in much better condition than most of the scenes. The military saints, Demetrius, George, the two Theodores (surprisingly qualified as the soldiers of the great Basil, p. 193), but also the Holy Five, Mardarios with his typical headdress (pi. 82), figure here, elaborately clothed, all, as was normal in late Byzantine painting, with glamorous features.

The place of the paintings at Saint Andreas in fourteenth-century art is summarily trea­ted (p. 201-222), as well as the sixteenth-century paintings in the narthex, which include the remains of an Akathistos cycle.

This detailed and competent study will be generally appreciated by historians of Byzantine art.

Christopher WALTER

Donald E. QUELLER - Thomas F. MADDEN, The Fourth Crusade. The Conquest of Constantinople, Second edition with an essay on primary sources by Alfred J. ANDREA. — University of Pennsylvania Press, Philadelphie 1997. 24 χ 16. xi-357 p.

Cette seconde édition n'est pas une simple mise à jour de la précédente, puisqu'elle comporte une centaine de pages supplémentaires. La nouvelle édition comporte un cha­pitre additionnel consacré au sac de Constantinople. Les onze chapitres précédents ont conservé leurs titres et la majeure partie du texte précédent, mais ont subi des additions dues à T. Madden, auteur d'une thèse inédite sur Henri Dandolo et sa famille avant la qua-

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trième croisade, qu'il utilise pour nous faire mieux percevoir le point de vue vénitien de l'intérieur (par exemple, p. 57-58, 61, 84-85...)· En effet, certains critiques de la première édition avaient jugé la thèse de D. Queller trop favorable aux Vénitiens. La thèse princi­pale de l'ouvrage n'a pas changé et exempte les Vénitiens des noirs desseins dont ils ont souvent été accusés. Il n'y avait pas dès la constitution de l'armée croisée un plan machia­vélique pour conduire les soldats à l'assaut de Constantinople.

Une grande place est faite à la psychologie des chefs et de la troupe. Dandolo, contrai­rement à une opinion commune, mais non fondée, n'était plus un ennemi des Byzantins, quelle que fût sa colère après la confiscation des biens vénitiens en 1171. Il s'était, au contraire, consacré, non sans succès, à renouer les liens avec l'Empire. En fait en 1203, les indemnités dues à Venise avaient été payées en grande partie et Venise avait beaucoup à perdre en s'engageant contre Alexis III.

L'analyse des événements du point de vue byzantin s'est affinée et on lit avec intérêt les pages sur le gouvernement de l'empereur Alexis IV Ange, trop souvent ramené à un rôle de marionnette des chefs croisés. On ne peut sous-estimer la colère de la population de la capitale après l'incendie catastrophique allumé par les Latins et qui ravagea 150 hec­tares du cœur de la mégalopole, détruisant des églises et des palais, laissant des dizaines de milliers de sans-abris. Même si les Latins n'avaient pas voulu une telle catastophe, leur responsabilité dans l'affaire a torpillé les chances d'un accord durable entre Grecs et Latins.

Le nouveau chapitre sur le comportement des croisés après leur victoire d'avril 1214 est directement inspiré du récit de Nicétas Chôniatès, témoin du désastre. Il y est rappelé non seulement la fameuse dispersion des reliques, mais aussi la perte de tant d'œuvres d'art antiques fondues par les Occidentaux, dont Chôniatès a consigné la liste dans son De Signis. L'ouvrage se termine sur l'élection de l'empereur latin, concluant sur ce qui reste la thèse du livre : l'issue la moins attendue de toute l'entreprise, le règne d'un chevalier flamand dans la cité impériale. Sans doute, cette croisade résulta de nombre d'événements fortuits, mais Constantinople était en danger depuis qu'avait germé l'idée chez bien des princes occidentaux que la Terre Sainte ne pourrait être sauvée qu'avec l'apport des res­sources de la première puissance d'Orient.

En appendice, A. Andrea offre une fort utile évaluation de toutes les sources dispo­nibles, dont le nombre n'a pas augmenté depuis le siècle dernier, mais dont ont paru de nouvelles éditions et de nombreuses traductions.

Jean-Claude CHEYNET

Use ROCHÓW, Kaiser Konstantin V. (741-775). Materialien zu seinem Leben und Nachleben. Mit einem prosopographischen Anhang von Claudia LUDWIG, Ilse ROCHÓW und R.-J. LILIE (Berliner Byzantinische Studien. Band 1). — Peter Lang, Frankfurt am Main 1994. 14,8 χ 21. xxvn-253 p.

Le livre d'Use Rochów est guidé tout entier par le souci de débarrasser la mémoire de Constantin V des préjugés tenaces que lui ont valus son rôle dans la querelle des images et plus encore la propagande iconophile du 9e siècle, afin de faire mieux apparaître que cet empereur a été l'un des plus importants des siècles obscurs (cf. p. 173), ou même l'un des plus grands de Byzance : «Konstantin war vielmehr einer der bedeutendsten und fähigsten byzantinischen Kaiser, und man sollte daher diese Bezeichnung (il s'agit du surnom de Copronyme) nicht aufrechterhalten. Auch ist es verfehlt, ihn nur mit dem Bilderstreit in Verbindung zu bringen. Seine Regierung war durch eine Vielzahl anderer Probleme gekennzeichnet, und das Problem der Bilderverehrung war nur eines unter vielen» (p. 1).

Le plan de l'ouvrage est simple et classique : après une brève introduction, sont pas­sées en revue la famille et la vie privée de Constantin (p. 7-20), sa politique intérieure (p. 21-42), religieuse (p. 43-72), extérieure (p. 73-122); puis l'auteur examine le jugement des contemporains et de la postérité (p. 123-172). La conclusion est une simple récapitula­tion. Viennent enfin, avant les indices, quatre appendices précieux : une traduction des Peuseis de Constantin (p. 177-188), un tableau chronologique (p. 189-196), un tableau

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généalogique de la famille de l'empereur (p. 197), une étude prosopographique sur les contemporains de Constantin V (p. 199-204).

L'image de Constantin V qui est proposée au lecteur n'est pas celle d'un souverain actif et heureux à l'extérieur, mais tyrannique à l'intérieur ; bien plutôt, Constantin dont la personne et la vie privée sont mal documentées, apparaît comme un politique qui, après les grands changements amorcés au Τ siècle, poursuivant l'œuvre de son père, consolide l'empire à la fois à l'intérieur et à l'extérieur. La situation qu'il trouve à la mort de Léon III le 18 juin 741 était en effet difficile : le processus de consolidation interne n'était pas achevé, ainsi qu'on le verra à l'occasion de la révolte d'Artabasde ; la question des images est ouverte ; l'Asie Mineure est en butte aux raids arabes ; l'expansion bulgare menace les Balkans ; en Occident, Byzance est confrontée aux Lombards et aux Francs, tandis que la souveraineté nominale qu'elle exerce sur Rome vient à sa fin.

Le bilan du règne de Constantin V, malgré certains échecs (Italie), est flatteur. À l'in­térieur, l'armée, l'administration, les finances sont réformées. À l'extérieur, l'empereur stoppe l'avance arabe en Asie Mineure, conforte la position de l'empire en Arménie, rem­porte des succès importants dans les Balkans, tandis qu'il mène une activité diplomatique intense, dont l'importance n'avait pas été suffisamment soulignée jusqu'à ce jour: échanges d'ambassades avec le califat, contacts avec les Bulgares et les Slaves. Reste la question religieuse, qui n'est nullement éludée par Use Rochów, mais qui est remise à une juste place : «M. E. stand die Krchenpolitik nicht im Mittelpunkt der innenpolitischen Massnahmen K.s» (p. 43). Dans la politique religieuse de l'empereur, il faut bien sûr accorder une attention spéciale à la querelle des images : si les thèses soutenues par Constantin V, finalement, auront le dessous, il n'en reste pas moins que cet empereur a su donner à la doctrine iconoclaste un contenu théologique et christologique que reprend en partie à son compte le concile réuni à Hiéreia en 754. Quant aux mesures de Constantin contre les moines, leur origine est obscure, mais elles ne sauraient être expliquées seule­ment en fonction de la lutte contre les images : «Keinesfalls dürfen sie nur im Zusammenhang mit der Bilderverehrung gesehen werden» (p. 173).

Peut-être réducteur pour les véritables dimensions de la crise iconoclaste, ce point de vue fait en tout cas justice à l'importance qu'il convient d'accorder à l'œuvre théologique de Constantin (cf. p. 43-55). En ce sens, la présence d'un appendice consacré aux Peuseis est justifié. On sait que ce texte capital n'est connu qu'indirectement et qu'il faut, à la suite de Melioranskij, Ostrogorsky et Hennephof, aller en rechercher les fragments dans les Antirrhétiques du patriarche Nicéphore. L'étendue de ces fragments est du reste sujette à discussion : c'est ainsi qu'Hennephof, à la différence de ses prédécesseurs, admet l'exis­tence d'une troisième Peusis. I. Rochów, dans cet appendice, se propose un objectif limité. S'aidant du repérage d'Hennephof, elle reprend le texte de la Patrologie grecque (t. 100), qu'elle accompagne d'une traduction allemande (cf. p. 178: «Zum besseren Verständnis für Nichtheologen wird eine deutsche Übersetzung beigegeben»), qui, pour les Ie et 2e Peuseis, dépend en partie de celle de H. Bacht (dans G. DUMEIGE, Nizäa Π, Mainz 1985). Cette traduction nous a paru peut-être moins sûre que le reste de l'ouvrage et, avec toutes les hésitations qu'on peut éprouver devant un texte souvent obscur, nous proposerons quelques suggestions.

Il serait sans doute souhaitable, tout d'abord, que les fragments soient situés dans leur contexte et que le lecteur soit averti des incertitudes qu'entraîne la technique de la citation propre au patriarche Nicéphore. Par ex., p. 177-178, dans le premier fragment, après la profession de foi sur l'unique hypostase et les deux natures du Christ, la dernière proposi­tion (καν πάσα είκών παράγωγος πρωτοτύπου τινός γνωρίζηται) est surprenante. N'est-on pas en présence d'une nouvelle phrase? L'énoncé est-il complet? Faute d'un commentaire, le lecteur reste embarrassé. Il est notable que d'autre part Nicéphore (qui accuse du reste Constantin de passer du coq à l'âne, cf. PG 100, col. 224B : καΐ ταΰτα μηδέ της ακολουθίας τοΰ λόγου φερούσης, άκαταλλήλως εκτιθέμενος) indique que les trois premiers extraits qu'il cite se succèdent de très près : le 2e fragment est introduit en effet par εισάγει ευθύς (PG 100, 225A), et le 3e par έχόμενός φησιν (228D) alors que le 4e est explicitement donné comme distant du 3 e (232A : ' Ημείς δε τίνα των έν μέσω... παραδραμόντες) . Enfin, il faut faire remarquer que le 1er fragment, donné en bloc col. 216BC, est repris ensuite élément par élément (217CD ; 221B ; 224A). De ce

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fait, le terme αδζος, qui inspire aux éditeurs des inquiétudes assez raisonnables [αδξος (αυξιν ?)], est repris deux fois (221B4 ; 221B11).

Pour les remarques ponctuelles qui suivent, en l'absence d'une numérotation des frag­ments, nous renvoyons à la page et au numéro d'ordre du fragment dans la page :

— p. 178, 3 e fragment, l'expression classique έκ δύο φύσεων est mal traduite («in zwei Naturen» : lire : «de deux natures») ; 4e fragment : Τώ αυλω έπεται το μη γράφεσ&αι, καθάπερ ηδη και το άνείδεον και ασχημάηστον. «Das ist das Eigentümliche des Geistigen wie auch des Unsichtbaren und Gestaltlosen, dass es sich nicht (sinnenhaft) darstellen lässt.» Mais les deux adjectifs substantives (το άνείδεον και άσχημάτιστον, pour lesquels on pourrait renvoyer à Basile de Cesaree, . Euri. I, 23) sont au nominatif: «L'immatérialité a pour conséquence le fait de n'être pas représentée, tout comme déjà elle entraîne l'absence de forme et de figure.»

— p. 179, 1er fragment : οι (lire : oî) ; όπότερα (lire : όποτέρα) ; 2e fragment : χαρακτηρίζηται (χαρακτηρίζεται) ; 3e fragment ολη (τη δλη Φεότητι) n'est pas traduit ; la ponctuation de la traduction ne tient pas compte de celle du texte.

— p. 180, 1er fragment : απερίγραπτος est bien rendu par «unumschreibbar» (Bacht propose : «nicht eingrenzbar»). Il faudrait sans doute s'inspirer de ces traductions pour le verbe περιγράφειν au 5e fragment de la p. 178.

— p. 181, 1er fragment: την μορφήν χαρακτηρος του πρωτοτύπου αύτης προσώπου («die charakteristische Gestalt des Prototyps der Person») ; lire : «la forme caractéristique de la personne qui sert de prototype.»

— p. 182, 1er fragment: καί το Χριστός όνομα γιγνώσκεται, οτι ού μόνον ανθρωπον δηλοί, άλλα καί θεόν : «Der Name «Christus» gibt zu erkennen, dass es nicht nur einen Menschen darstellt, sondern auch Gott». Je comprends : «Mais il est bien connu que le nom de Christ désigne non pas seulement l'homme, mais Dieu.»

— p. 185, 3 e fragment: "Οτι "Ελληνες μεν... «Weil Heiden...». Le οτι initial est en fait déclaratif et introduit le fragment (même problème p. 187, 1er fragment)

— p. 186, 2e fragment: πώς περιγραφήσεται το κεκλεισμένων τών θυρών προς τους μαθητας εΐσιον ; «wie wird der Eintritt (Christi) zu den Jüngern... bei verschlosse­nen Türen dargestellt werden. » Je comprends : «Comment circonscrira-t-on ce qui entre vers les disciples alors que les portes sont fermées ?»

Ces quelques remarques, qui portent sur un appendice, n'enlèvent rien à la qualité générale d'un ouvrage utile, clair et équilibré.

Bernard FLUSIN

Lennart RYDÉN (Éd., trad.), The Life of Sî Andrew the Fool, I. Introduction, testi­monies and Nachleben. Indices, II. Text, Translation and Notes. Appendices (Acta Universitatis Upsaliensis. Studia Byzantina Upsaliensia 4 1/2). — Uppsala 1995. 23,5 χ 16.1-404 et n-437 p. Prix : 198 Sek.

Cette publication longtemps attendue du mystérieux BHG 115z doit se lire avec tout le dossier des articles préliminaires de l'auteur sur ce thème (12 énumérés, I, p. 16-17 !) qui visent tous à assurer le Sitz im Leben du texte — leur longueur a amené l'auteur à n'en donner qu'un résumé très succinct dans l'édition finale, déjà ample, ce qui prive le lecteur du détail de l'interprétation au profit de la présentation des données. La Vie du saint «fou en Christ» André prétend en effet placer son personnage sous le règne de Léon Ier (452-474), mais cite déjà Syméon Salos, de la fin du 6e siècle, comme une figure «de jadis» : la fiction chronologique est patente, mais à quelle date placer la composition réelle de la Vie dont le premier manuscrit connu (8 folios du codex gr. 443 de la Bayerische Staatsbibliothek, A chez L. Rydén) semble avoir été copié entre le milieu du 10e s. et le début du 1 Ie s. ? Contre l'opinion courante qui plaçait la rédaction peu avant ce manuscrit,

Mango avait proposé de remonter la rédaction jusqu'à la fin du Τ s. ou au tout début du 8e s., en tout cas avant le déclenchement de l'iconoclasme (The Life of St Andrew the Fool reconsidered, RSBS 2, 1982, p. 297-313, réimpr. dans IDEM, Byzantium and its Image, Londres 1984). Après plusieurs articles préliminaires, l'auteur maintient au contraire son

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hypothèse initiale — entre 950 et 1000 — dans les pages les plus attendues de l'édition, «The Date of Composition», I, p. 41-56 : pour résumer, C. Mango lui paraît sous-estimer l'effort d'«antiquaire» d'auteur de la Vie qui réussit au moins en partie à oblitérer les marques de son époque, et négliger en revanche des critères plus objectifs, indépendants de la volonté d'un auteur (la parenté de vocabulaire, de composition ou d'idéologie avec les Vie de Basile le Jeune, Vie de Niphon — qu'il comprend comme un dérivé de la Vie d'André, voir I, p. 190 n. 1 — et Vie de Philarète dans la version remaniée, justement du 10e s.)· En fait, L. Rydén reconstitue la démarche de l'auteur dans une perspective propre­ment hagiographique là où C. Mango lui appliquait implicitement les critères de l'histo­riographie : or, cet excellent roman hagiographique ferait une piètre histoire de Constantinople. Même la fameuse apocalypse se comprend mieux dans la perspective d'un auteur à demi-compétent, qui «bâcle» la transition avec le passé récent du 10e s., peu reconnaissable, mais organise néanmoins l'ensemble autour d'un parallèle entre Constantin le Grand et l'empereur du temps, Constantin Porphyrogénète, ce qui corres­pond bien à des préoccupations du temps attestées par des Apocalypses de Daniel et les apocalypses de la Vie de Basile le Jeune et de la Vie de Fantin le Jeune. Si, comme le pro­pose l'auteur (I, p. 72-82), le fameux fragment en onciale de A est bien un autographe de Nicéphore (c'est-à-dire, plutôt que son manuscrit initial de travail, le manuscrit de publi­cation : nous possédons vraisemblablement les deux dans le cas de la Vie de Léontios de Jérusalem, voir REB 53, 1994, p. 351-352), cela confirmerait l'hypothèse d'un faux conscient du 10e s. imitant la présentation des manuscrits de la haute époque (L. Rydén mentionne le parallèle de la «Bible de Nicétas» et surtout celui de la fausse prophétie sur Basile Ier que Photius aurait fait circuler en «lettres alexandrines»).

Sur plus de cent manuscrits connus, l'édition a utilisé exhaustivement les treize les plus anciens, plus des sondages dans d'autres (I, p. 83-105) et produit ainsi un texte bien meilleur que l'édition Jannings reproduite dans la Patrologie, notoirement insuffisante ; un riche appareil de notes et des index nourris accompagnent la traduction anglaise très soi­gneuse, à laquelle on ne pourrait apporter que des nuances (par exemple, 1. 345, on tra­duira άπετήρει par «il attendait de trouver» plutôt que par «he knew»). L'ensemble témoigne d'un soin minutieux ; je n'ai pu relever comme négligence que le lapsus sur le centurion Corneille de Cesaree (Actes 10, 2) mis au féminin, ευλαβής και φοβούμενη τον Θεον, à cause du parallèle dans la Vie d'André (I, p. 122), et dans la bibliographie, la curieuse mention d'un article dépassé de F. Trombley sur Euchaïta (voir désormais C. ZUCKERMAN, The Reign of Constantine V in the Miracles of St. Theodore the Recruit (BHG 1764), REB 46, 1988, p. 190-210). Ces volumes sont désormais indispensables pour aborder non seulement la Vie d'André, mais encore toute l'hagiographie de l'époque macédonienne.

Vincent DÉROCHE

Werner SEIBT, Geschichte und Kultur der Palatologenzeit. Referate des Internationalen Symposions zu Ehren von Herbert Hunger, Wien, 30. November bis 3. Dezember 1994 (Österreichische Akademie der Wissenschaften, Philosophish-Historische Klasse, Denkschriften, 241 Band, Veröffentilichungen der Kommission für Byzantinistik VIII) — Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, Vienne 1996. 29,5 χ 21. 269 p., 38 pi.

Ces mélanges offerts à Herbert Hunger comportent les contributions suivantes, présen­tées lors d'un symposium à Vienne :

Hélène Ahrweiler, Le récit du voyage d'Oinaiôtes de Constantinople à Ganos (texte de la lettre d'Oinaiôtes, établi par G. Fatouros).

Vassil Gjuzelev, Der letzte bulgarisch-byzantinische Krieg (1364). Christian Hannick, Zur slavischen Überlieferung der Patriarchatsurkunden aus der

Palaiologenzeit.

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Dieter Harlfinger, Autographa aus der Palaiologenzeit. Armin Hohlweg, Astronomie und Geschichtsbetrachtung bei Nikephoros Gregoras. Jean Irigoin, L'Autriche et les débuts de la codicologie grecque. Ioannis Karayannopoulos, Ein Beitrag zur Militärpronoia der Palaiologenzeit. Angeliki E. Laiou, The Correspondence of Gregorios Kyprios as a Source for the

History of Social and Political Behavior in Byzantium or, on Government by Rhetoric. Gennadij G. Litavrin, Ethnische und politische Sympathien der Bevölkerung der

Grenzgebiete zwischen Byzanz und Bulgarien in der ersten Hälfte des 14. Jh. Ljubomir Maksimović, War Simonis Palaiologina die fünfte Gemahlin von König

Milutin ? Chryssa A. Maltezou, Portrait of the Notary in the Latin-ruled Greek Regions of the

14th Century. Klaus-Peter Matschke, Regierungsversprechen und Regierungsverhalten in der frühen

Palaiologenzeit. Igor Medvedev, Die Russen als «Heiliges Volk» aus der Sicht Konstantinopels im 14.

Jh. Cécile Morrisson, Les noms des monnaies sous les Paléologues. Donald M. Nicol, AD 1354 — Annus fatalis for the Byzantine Empire. Nicolas Oikonomidès, Pour une typologie des villes «séparées» sous les Paléologues. Peter Pieler, Das Testament des Theodoras Kerameas. Gerhard Podskalsky, Zur byzantinischen Mönchskritik : Ein Vergleich zwischen zwei

Erzbischöfen von Thessalonike, Eustathios und Symeon. Marceli Restie, Konstantins- und Herakleiosbilder in Ost und West. Peter Schreiner, Literarische Interessen in der Palaiologenzeit anhand von

Gelehrtencodices : Das Beispiel des Vaticanus gr. 914. Ihor Ševčenko, The Logos on Gregory of Nazianzus by Theodore Metochites. Spyros N. Troianos, Die Wirkungsgeschichte der Novellen Leons VI. im 14.

Jahrhundert. Les communications sont suivies des indices suivants : index prosopographique, index

géographique, res et verba memorabilia, manuscrits cités, documents d'archives, auteurs modernes.

Marie-Hélène CONGOURDEAU

Werner SEIBT und Marie Luise ZARNITZ, Das byzantinische Bleisiegel als Kunstwerk. Katalog zur Austeilung. — Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, Vienne 1997. 24 χ 17. 231 p.

L'idée de considérer le sceau de plomb comme une œuvre d'art, qui paraît évidente à voir ce catalogue, avait encore été peu exploitée. Ce choix esthétique explique la forme inhabituelle de ce livre servi par une illustration remarquable, qui privilégie l'intérêt des effigies et la qualité de la gravure. Pour les éditeurs, c'est aussi un avantage, la bonne conservation de la plupart des légendes en rendant la lecture plus aisée. Les sceaux pré­sentés ici appartiennent en petit nombre à des musées et en majeure partie à des collec­tionneurs privés, dont M.-L. Zarnitz, en premier lieu. Une partie des sceaux a été acquise récemment dans les ventes aux enchères des cinq dernières années dont on a ainsi prélevé la meilleure part. C'est pourquoi beaucoup de ces plombs sont encore inédits, à part une brève mention à venir dans les Studies in Byzantine Sigillography 5 ou 6. Beaucoup de sceaux paraissent provenir de l'ouest et du sud-est de la Turquie.

Après une introduction due à A. Effenberger sur le sceau en tant qu'œuvre d'art, le catalogue est divisé en cinq sections : 1) L'empereur et l'État. 2) Les fonctionnaires de la capitale et des provinces. 3) Les images sur les sceaux. 4) Légendes métriques, mono­grammes, représentations d'animaux. 5) L'Église. Bien entendu, nous n'avons pas trouvé de corrections à apporter à la lecture des légendes. Sans doute le sceau d'un duc des dis­tricts de Dyrrachion (2.3.8) peut être interprété différemment. La structure du thème de Dyrrachion, avec ses nombreuses forteresses isolées, ressemble à celle de la région de

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Chersoń et le fonctionnaire en question pourrait être un archonte plutôt qu'un duc. Une ou deux fois la datation pourrait être discutée. Le sceau du sebaste Jean Gabras (1.2.8.), qui orne la couverture, aurait appartenu à un fonctionnaire de l'Empire de Nicée actif en 1216. Une telle qualité étonne à une époque où Théodore Lascaris peine encore à rassem­bler les terres byzantines. On a peine à imaginer que ce sceau ait pu être gravé hors de Constantinople après 1204. Les éditeurs ont redaté le sceau de Theodora Comnène, épouse du mégaduc Isaac, publié jadis par G. Zacos et A. Veglery (n° 2751), le rajeunis­sant d'un siècle et demi et ils l'attribuent à Theodora Palaiologina, effectivement épouse d'un mégaduc Isaac, qui vivait au début du 14e siècle. Signalons enfin que le sceau de Nicéphore, métropolite de Séleucie, appartenant au musée de Tarse a été publié dans TM 12, 1994, p. 433 (n° 68).

Beaucoup de ces 165 plombs méritent de retenir l'attention. Les femmes sont bien représentées avec neuf plombs, dont une Ékatérina Tzéfrédina (?) pourrait être d'origine latine. De nouveaux officiers sont mentionnés pour la première fois : Gilielmos (Guillaume, un Latin sans doute), homme de l'empereur et stratège de Séleucie, un Pankratios Diogénès, stratège, qui atteste que cette famille a contracté des alliances armé­niennes, et les éditeurs signalent un sceau du même personnage, qui le donne stratège de Cappadoce. Notons ensuite un Adrien Marzapoulos, catépan de Mésopotamie, dont le nom dénote une origine arménienne ou «perse», Grégoire, un nouveau catépan d'Antioche, enfin deux membres de la famille peu connue des Tzipourélès, respective­ment taxiarque et stratège. Par cet échantillon, on comprend que ce catalogue apporte beaucoup de nouvelles pièces.

Comme attendu, ce catalogue offre une iconographie peu banale, dont deux cavaliers, les saints Anargyres, Kyros et Jean, les saints Paphnoutios, Spyridon, Thècle... Une Annonciation au droit du sceau de Theodora Comnène me paraît faire, entre toutes les homonymes contemporaines, de la fille d'Alexis Ier Comnène, épouse en secondes noces de Constantin Ange, la candidate la plus vraisemblable, car en raison de leur nom les Anges ont affectionné ce motif iconographique. L'ouvrage se clôt sur tous les indices habituels qui en font une vraie publication scientifique.

Jean-Claude CHEYNET

Claudia SODE, Byzantinische Bleisiegel in Berlin. II, mit Unterstützung durch Paul SPECK, bearbeitet von Claudia SODE, 14. — Dr. Rudolf Habelt GMBH, Bonn 1997. 20 χ 15. 338 p., 25 pi. Ce second volume des sceaux conservés à Berlin ajoute 298 nouveaux plombs au tome

précédent édité par P. Speck. Ces sceaux se trouvent dans des collections privées de la capi­tale allemande, mais dans son avant-propos, P. Speck précise que des sceaux restent inédits, car portés trop tard à la connaissance de Cl. Sode. Nous pouvons donc espérer un ou des compléments à ce deuxième tome. Il apparaît en effet que des collectionneurs sont actifs à Berlin et ceci explique que parmi les sceaux publiés ici apparaissent des pièces qui étaient passées peu de temps auparavant dans des ventes aux enchères. À la fin de l'ouvrage, les corrections avancées par plusieurs recenseurs du premier volume sont reprises. Ajoutons enfin que la qualité des planches permet une vérification facile des lectures proposées.

Beaucoup des sceaux présentés dans ce volume sont de la haute époque et comportent donc des monogrammes dont, comme toujours, le déchiffrement n'est pas aisé. Les plombs des 10e-12e siècles ne sont pas nombreux et, en conséquence, on trouve peu de nouveaux fonctionnaires.

256. On peut hésiter sur l'attribution de ce sceau de Georges, patriarche d'Antioche. 299. Sceau très proche de DOSeals 3.39.51 : même légende, mais boullôtèrion diffé­

rent. 314. Premier sceau connu et bien conservé du monastère Saint-Théophylacte du

Kouzènas attesté à l'époque de la frappe, entre autres, comme lieu d'exil d'un prétendant à l'Empire, Prôteuôn, écarté par l'impératrice Theodora (Skylitzès, Synopsis Historiarum, éd. I. THURN, p. 478).

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347. Ce sceau est connu en de nombreux exemplaires. Comme l'a déjà noté W. Seibt, plutôt que de voir en Grégoire un membre de la famille Doukas, où le prénom n'est pas attesté à cette date, il vaut mieux le considérer comme un duc, titre militaire répandu à la fin du 1 Ie siècle.

350. Le sceau paraît plus tardif que le 9e siècle proposé, en dépit de l'écriture du revers.

377. Il faut peut-être lire ainsi la fin de la légende: ..KHt|...IVKJ|"l>, [Νι]κηφό[ρω δ]ιυκπ:(ΐ)).

385. Sceau très intéressant du stratège de Tarse, Théodore Marchapsabos. Le 12e siècle est exclu et Théodore fut stratège entre 1050 et 1080. Ce stratège était d'origine locale, puisque issu d'une célèbre famille syriaque. On notera d'une manière plus générale qu'une part importante des sceaux comportant une précision d'ordre géographique (Tarse, Irénoupolis, Isaurie, Séleucie, Théoupolis) renvoie à la Cilicie et à l'Orient, ce qui consti­tue sans doute un indice de leur provenance.

387. Le nom final pourrait être Dipotamitès. Le nom se renconte sur le sceau de Syméon Dipotamitès signalé par A. DUNN (A Handlist of the Byzantine Lead Seals and tokens (and of Western and Islamic Seals) in the Barber Institute of Fine Arts, Birmingham, Birmingham 1983, n° 60). Un toponyme Dipotamos, appelé aussi Mésanykta, est attesté en Phrygie.

392. Sceau d'un grand curateur de l'oikos de l'impératrice. Vu la date du sceau, l'im­pératrice en question pourrait être Zôè.

394. Un pièce parallèle conservée à Dumbarton Oaks (DO 58.106.3587) permet de confirmer que l'archange représenté au droit est bien saint Michel.

415. Sceau du Géorgien Čortvanel Semranisde qui date de l'époque où s'installent les Ibères à l'Athos, mais il ne paraît pas lié aux Čortvanel cités parmi les parents de Tornikios.

418. Un des premiers sceaux patronymiques. Le nom malheureusement est mal conservé. La suggestion de Radènos paraît la meilleure, car est conservé à Dumbarton Oaks (n° 58.106.4033), le sceau du patrice anthypatos Jean Radènos avec au droit une croix patriarcale ornée de fleurons. Les deux sceaux pourraient avoir appartenu au même personnage.

431. À noter le plus ancien sceau connu d'un archonte de Chypre (7e/8e s.). 445. Il me paraît difficile d'attribuer tous les sceaux au nom de Constantin

Choirosphaktès au même personnage. Il faudrait distinguer un Constantin à l'apogée de sa carrière vers 1050-1060, qui fut juge de l'Opsikion et catépan des dignités, d'un homo­nyme plus jeune, un petit-fils ou un neveu, qui fit une bonne partie de sa carrière sous Alexis Comnène. Ce sceau où il est anthypatos et notaire pourrait être situé au début de sa carrière.

454. À noter un bel exemple de la réutilisation d'un boullotèrion. L'évêque Théodore a fait graver un nouveau revers, sans doute sur place, car la qualité de l'inscription est vrai­ment médiocre, tout en conservant le droit d'un sceau antérieur où figurait le nom de l'évêché.

Jean-Claude CHEYNET

Branislav TODIĆ, Staro Nagoričino. — Republički zavod spomenika kulture, Presveta, Srpska akademija nauka i umetnosti, Belgrade 1993. 30 χ 24. 248 p., 17 colour plates, 103 photographs in black and white, 24 drawings (deve­loped abstract in French).

The church of Saint George at Staro Nagoričino is certainly not being presented to Byzantinists here for the first time. As the author points out in his introduction, distingui­shed scholars have long been interested in it. These studies are listed by V. J. DJURIĆ in his Vizantijske freske u Jugoslaviji, Belgrade 1974, p. 203-204. However, usually scholars have either given a summary presentation of the architecture and painting or they have dealt with only a single aspect or iconographical theme. Consequently a comprehensive

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BIBLIOGRAPHIE 337

monograph such as Todić's was definitely a desideratum. Regrettably it did not reach the REB for review until recently.

Little is known of the antecedents of the extant building, nor for that matter, of its sub­sequent history. However it can be securely dated by an inscription as later than the Bogorodica Ljeviška, Prizren (1307-1309), and earlier than Gračanica and Saint Nikita, Čučer. The region of Zegligovo, where Nagoričino is situated, had passed to Milutin when he married Simonida, the daughter of Andronicus II. Todić plausibly links the reconstruc­tion of the church and its dedication to Saint George with a victory of the Byzantine emperor over the Turks in Asia Minor, thanks to military aid furnished by Milutin. Stylistically the church fits into the group of churches painted for Milutin by Michael and Eutychius, who have obligingly but discreetly left their names there (as elsewhere). The affiliation of this church with others in Thessaloniki is evident.

After his introduction (p. 25-34) and a rapid account of what can be known of the site before Milutin (p. 35-41), Todić examines the architecture of the fourteenth-century buil­ding in detail (p. 43-70). He suggests that the architect of the Bogorodica Ljeviška, whose name (Nicolas) is known, was also responsible for adapting the remains of the earlier church at Nagoričino (whose walls had survived to the height of six metres). It had been a rectangular building. Within these limits, the architect did not attempt to insert a traditio­nal Middle Byzantine «cross-in-square» edifice. He sought inspiration in churches in Thessaloniki, notably Saint Catherine and the Holy Apostles, without following them sla­vishly. In fact the resultant building seems almost to be a parody of the traditional «cross-in-square» church. The four small cupolas are not functional. They do not support the lar­ger central cupola. Rather they serve an aesthetic purpose and are not symmetrical. At the east end, a prothesis and a diaconicon chapel, «squashed» into the overall rectangular building, are surmounted by cupolas also «squashed» into the overall plan. On the other hand the cupolas over the narthex at the west end are spaced more widely apart. Some of these eccentricities had been noticed by earlier scholars. Todić's merit is to have syntheti-zed and explained them.

There follows a general description of the paintings (p. 71-87). Todić presents them according to their position in the church : in the sanctuary, the side-chapels, the nave, the narthex. He transcribes the legends and inscriptions, which are in Greek, not surprisingly, since presumably the population of the region, conquered by Milutin from the Byzantine Empire, would have been Greek-speaking. This chapter, which is, in fact, a catalogue, might have been easier to follow if it had been presented as such.

In the next chapter (p. 89-126), Todić analyses the iconographical programme which is extremely rich : a dozen cycles with several hundred scenes and figures. Some cycles are characteristic of the period, as the Childhood of the Virgin and the Life of Saint Nicolas in the side apses. The Celestial Liturgy in the main cupola, however, was something of an innovation, first attested in the Panagia Olympiotissa, Elasson, about 1296. The Menologion had been extensively published by P. Muović, Menolog, Belgrade 1973. As is often the case with wall-calendars, it is full of unusual iconographical details not always easy to parallel. Todić also calls attention to the unusually developed Dormition cycle and to that of Saint George's Passion and Miracles (twenty scenes).

Saint George, of course, as patron of the church, and Milutin as founder come in for special treatment. George is attributed the rare epithet «Gorgos», presumably a contrac­tion of the Greek word signifying speedy. The picture of Milutin holding a model of the church, accompanied by Simonida and receiving a sword from Saint George, in court not military dress (p. 121, drawing 21), has an antecedent, now only known from a contempo­rary description in Marc. gr. 524, f. 36, of Saint Theodore Tyron presenting a sword to the Byzantine emperor Manuel I Comnenus (1143-1180).

A final chapter treats the place of the paintings in this church in the œuvre of Michael and Eutychius. For Todić, Staro Nagoričino represents their apogee. Their acquired tech­nical competence and their familiarity with contemporary iconographical trends explain the reason why this church may be considered their masterpiece, although, of course, they continued to work at Gračanica and at Saint Nikita, Čučer.

Thus Todić provides us not only with the first full description of this monument and a study of its architecture and painting but also a sitimulating account of the achievement of

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Michael and Eutychius. This last merits further development given that, even as the Byzantine epoch was drawing towards its end, the existence of such an important œuvre of artists whose name is known was by no means common.

Christopher WALTER

Gabriele WINKLER, Koriwns Biographie des Mesrop Mastoc. Übersetzung und Kommentar (Orientalia Christiana Analecta 245). — Pontificio Istituto Orientale, Rome 1994. 24 χ 16,8. 452 p.

La Vie de Mesrop Mastoc, inventeur de l'alphabet arménien, est trop fameuse pour qu'il soit nécessaire de souligner ici sa valeur documentaire. Rappelons simplement que, outre son intérêt exceptionnel pour les pays du Caucase, elle nous renseigne très directe­ment sur l'Empire des Romains où se déroulent plusieurs épisodes importants : voyage de saint Mesrop et de ses disciples à Amida et à Edesse ; mention de l'école grecque de Samosate (§9-10); voyage à Constantinople, où Mesrop, qui, en route, a rencontré le général Anatolios et l'évêque Acace de Melitene, est reçu par Atticus et par l'empereur Théodose II (§ 18-21) ; mission du saint en Arménie romaine (§ 22-24) ; séjour de plu­sieurs disciples du saint à Édesse et à Constantinople, où ils traduisent diverses œuvres du syriaque ou du grec en arménien (§§ 24-33). Pour l'histoire religieuse et culturelle du 5e siècle, la Vie ici traduite et commentée est ainsi d'une importance toute particulière.

Son auteur, Koriwn, dont on sait peu de chose sinon qu'il était parmi les traducteurs séjournant à Constantinople (Vie, § 31), l'a écrite peu après la mort du saint (439-440), certainement avant 449. Elle constitue un témoignage contemporain, mais son texte, sou­mis à divers remaniements, a été mal transmis et la reconstitution de sa physionomie pri­mitive est une entreprise très délicate. Gabriele Winkler, dans une première partie, montre quels rapports s'établissent entre les deux formes sous lesquelles le texte de la Vie nous est parvenu: Koriwn I, plus ancien et plus long ; Koriwn II qui, bien que plus tardif, conserve parfois de bonnes leçons. La tradition indirecte est également prise en compte, avec les problèmes délicats qu'elle pose. La traduction, aux pages 92-120, dépend pour l'essentiel du texte de Koriwn I, dans l'édition de M. Abelyan (Erevan 1941) et, pour Koriwn II, de l'édition de Venise (1894). Les problèmes critiques concernant l'établisse­ment du texte sont renvoyés à la très riche annotation des p. 186-430, qui contient en outre un abondant commentaire historique. G. Winkler offre ainsi aux lecteurs qui ne connais­sent pas l'arménien une référence commode pour une source d'une importance capitale.

B. FLUSIN

P. WIRTH (Éd.), Regesten der Kaiserurkunden des Östromischen Reiches von 565-1453, bearbeitet von Fr. DÖLGER. 2. Teil. Regesten von 1025-1204. Zweite, erweiterte und verbesserte Auflage bearbeitet von Peter WIRTH, mit Nachträgen zu Regesten Faszikel 3. — Verlag C. H. Beck, Munich 1995. 24 χ 30. Lin-381 p.

P. Wirth a remanié considérablement le travail de Fr. Dölger tant se sont multipliées depuis soixante-dix ans les nouvelles éditions, telles les archives des monastères de l'Athos ou de Saint-Jean de Patmos, et les études permettant de redater tel ou tel docu­ment. La bibliographie a été soigneusement dépouillée, ce qui renforce l'utilité de ces nouveaux régestes. Toutefois, le manuscrit de ce volume est probablement resté assez longtemps chez l'imprimeur, car il ne prend pas en compte la bibliographie parue après 1990, juste à temps pour exploiter le volume II des actes d'Iviron, qui a fourni de nom­breuses entrées supplémentaires, notamment pour le règne d'Alexis Comnène.

À propos des documents déjà connus, de nombreuses corrections ont été apportées, principalement en ce qui concerne leur authenticité et leur datation. Les archontopouloi de Crète, prétenduement attestés en 1182, ont été rejetés à juste titre. Le métropolite

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BIBLIOGRAPHIE 339

d'Athènes, Nicolas Hagiothéodôritès, a franchi un siècle pour retrouver sa place en 1173 (n° 1515a au lieu de 960).Un certain nombre d'édits de Manuel Comnène datés par leur seule indiction ont été datés fermement (n° 1332e, n° 1516a...).

Dans un travail d'une telle ampleur, on peut toujours relever quelques points contes­tables. Je n'ai pas trouvé trace du jugement de l'impératrice Theodora qui privait le futur gendre de Psellos de son titre de patrice. On peut se demander pourquoi la novelle de Constantin IX créant le nomophylax est datée de 1045, puisque J. Lefort, dont l'article est cité en référence, l'a datée de manière convaincante de 1047. De même, P. Wirth ne retient pas la date de 1060/1061 établie par P. Gautier pour la confiscation des biens de Nicolas Cheilas par Constantin X (n° 1023). Le Constantin, drongaire de la Veille sous Michel VII, (n° 1004, 1026 b et c), n'est pas un Doukas, mais le neveu de Michel Cérulaire. La chronologie des guerres petchénègues sous Constantin IX est à revoir, car il est impossible que Kégénès ait été tué dès 1047 (n° 883c). Qualifier d'ambassade au prince arménien Philarète Vrachamios, l'ordre envoyé par Romain Diogénès à ce général qui appartenait à l'armée byzantine, est curieux (n° 970). Le seul prostagma attribué à Eudocie Comnène paraît supect, car il est adressé au protonobélissime Théodore Dalassènos, or cette dignité n'est guère attribuée à un fonctionnaire avant l'époque des Comnènes (n° 967). Le n° 1663 du 18 juillet 1203 est attribué au règne d'Alexis III, alors que ce chrysobulle en faveur des Croisés fut rédigé par Alexis IV.

Le volume comprend quelques additions au volume III des régestes, mais sans tenir compte du tome III des actes d'Iviron paru trop pard (1994). Il se clôt par des indices très complets qui permettent de retrouver commodément tout le contenu de ce volume, ainsi par exemple toutes les mentions de sceaux.

Jean-Claude CHEYNET

Elisabeth A. ZACHARIADOU, Αέκα τουρκικά έγγραφα για την Μεγάλη Εκκλησία (1483-1567) ( Ι ν σ τ ι τ ο ύ τ ο Β υ ζ α ν τ ι ν ώ ν Ε ρ ε υ ν ώ ν , Π η γ έ ς 2) . — Ε θ ν ι κ ό Ί δ ρ υ μ α Ε ρ ε υ ν ώ ν , Α θ ή ν α 1996. 24 χ 17 ; broché. 206 p . , 10 pi . (pi. 1 à quatre é léments , pi. 7 et 8 à deux, les autres comportant un seul é lément) .

Cet ouvrage, qui est d'un contenu plus étendu que ne le laisse soupçonner son titre, comprend deux parties. Dans la première («H Μεγάλη Εκκλησία κατά τον Πρώτο Αιώνα μετά την Άλωση», ρ. 29-144), l'auteur examine les relations entre d'une part le patriarcat, les métropoles et le clergé grec, d'autre part le pouvoir ottoman et l'Islam pen­dant le premier siècle d'occupation turque. Plusieurs chapitres relèvent de l'approche his­torique «traditionnelle» : pourquoi les Byzantins préféraient, peu avant la prise de Constantinople, être sous les Turcs plutôt que sous les Occidentaux ; originalité de la situation après 1453, où ils se trouvèrent dotés d'un patriarche, mais sans empereur ; rap­ports religieux et financiers de l'Islam avec les chrétiens. Deux chapitres se démarquent par l'originalité de l 'approche: l'étude des Grecs qui ont su s'enrichir aux dépens des Turcs et de leurs correligionnaires («Οι Ισχυροί υπόδουλοι», p. 63-77) ; la présentation des évêchés («Οι έδρες των Μητροπόλεων», p. 109-144). Dans la seconde partie («Ta Έγγραφα», ρ. 147-190), qui comprend l'édition de dix documents ottomans de 1483 à 1567 (p. 157-187), l'auteur donne, tout d'abord, un aperçu sur les types de documents qu'échangeaient le patriarche et le sultan : Μπεράτια (p. 147-153 : mot d'origine arabe, comme le signale l'auteur, p. 147-190) ; Φιρμάνια (ρ. 153-154 : mot passé au turc, mais l'arabe n 'a été qu'un chaînon dans la tradition, car le mot est persan, voir lemme firman, pi. furâmina dans A. De BIBERSTEIN KAZIMIRKSI, Dictionaire arabe-français, Paris 1860 [plus, réimpr. Beyrouth], vol. II, p. 587a, ou, encore, lemme / dans AL-SAYYID 'ADDI SIR, Mu'ğam al-alfâd -farìsiyya І- siğil, Beyrouth 1980, p. 119); Ιεροδικαστικά έγγραφα (χοτζέτι, siğil, p. 155 : termes d'origine arabe). L'édition diplomatique de chaque document est faite comme suit : description du document ; traduc­tion en grec moderne ; texte en caractères arabes. L'ouvrage comprend un glossaire (p. 189-190) et des index (p. 191-200), qui en facilitent la consultation.

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Cet ouvrage, grâce à l'aperçu historique liminaire, l'exploitation des sources ottomanes et de la bibliographie moderne en turc, vient enrichir nos connaissances sur le patriarcat grec pendant l'occupation ottomane. Rappelons, à cet égard, les travaux de Ch. G. Patrinélès (bibliographie, p. 18-19), qui, grâce à l'étude de l'activité de Théodore Agallianos, de Manuel Corinthios, de Jérémie Ier et d'autres personnalités marquantes, posa les assises de l'examen systématique de l'institution patriarcale après 1453. Rappelons, en dernier lieu, l'étude de Machè APOSTOLOPOULOU-PAÏZÈ, Ό Θεσμός της Πατριαρχικής 'Εξαρχίας, 14ος-19ος αιώνας, Κέντρο Νεοελληνικών 'Ερευνών 56. Θεσμοί καΐ 'Ιδεολογία στη νεοελληνική κοινωνία, 'Εθνικό "Ιδρυμα 'Ερευνών, Athènes 1995 ( . r. REB 54, 1997, p. 295-296).

Michel CACOUROS

F. E. ZEHLES et M. J. ZAMORA, Gregor von Nazianz : Mahnungen an die Jungfrauen (Carmen 1,2,2) (Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums. Neue Folge. 2. Reihe : Forschungen zu Gregor von Nazianz. Bd. 13). — Ferdinand Schöningh, Paderborn-Munich-Vienne-Zurich 1996. 23,5 χ 16. ѵ - .

Cet ouvrage prend place dans la série de travaux accompagnant l'entreprise d'édition critique des poèmes de Grégoire de Nazianze. Il réunit deux commentaires distincts por­tant respectivement sur la première et la seconde partie du poème 1, 2, 2 de Grégoire {PG 37, col. 578-632, d'après l'édition de Caillau) : le premier, pour les vers 1-354, est de Frank Erich Zehles ; le second, pour les vers 355-689, de Maria José Zamora. Tous deux avaient été soutenus comme «dissertations» de l'Université de Münster.

L'introduction du volume (p. 1-31) est rédigée, elle, par Martin Sicherl. Elle traite d'abord du thème de la virginité dans la poésie de Grégoire, en mettant en relief les rap­ports des différents poèmes entre eux. Puis elle s'attache à la structure du poème 1, 2, 2, et formule notamment deux hypothèses sur la composition du texte: les vers 371-401 devraient être rejetés comme une insertion ultérieure ; les vers 489-651, qui représentent une apologie de la virginité vis-à-vis des païens, auraient formé à l'origine un poème dis­tinct. L'introduction envisage ensuite la place du poème dans la littérature sapienţiale : tant pour le thème des conseils paternels que pour le terme ύποθηκαι ou l'utilisation des modes, des comparaisons avec Homère, Hésiode, Théognis ou Phocylide s'imposent ; et les réminiscences stylistiques concernant Hésiode ou Théognis sont particulièrement frap­pantes. Le poème présente par ailleurs des caractères qui permettent de le rapprocher du genre de la diatribe.

Les deux commentaires successifs sont faits sur un texte obtenu à partir de la collation de tous les témoins indépendants (le stemma figure en p. 30 de l'introduction), mais non encore publié (les divergences par rapport à l'édition antérieure sont signalées au fur et à mesure et récapitulées dans l'index 1).

Dans chacun des deux, le poème est divisé en courtes séquences thématiques. Pour chaque unité est donné un résumé du contenu, puis des analyses portant sur les sujets développés dans un ensemble de vers, puis, vers après vers, sur les mots et les expressions du poème. Ces analyses prennent en considération les passages parallèles dans les autres œuvres de Grégoire, les expressions similaires dans l'ensemble de la littérature grecque, tant classique que biblique ou chrétienne, et les thèmes et les notions comparables (non seulement à partir du reste de l'œuvre et de la littérature patristique, mais aussi dans leur développement historique, d'Hésiode ou Platon aux stoïciens et néoplatoniciens, chez Philon aussi, ou encore du Nouveau Testament aux Pères de l'Église) : de multiples indi­cations bibliographiques sont données ; dans le second commentaire, les pratiques sociales de l'époque de Grégoire sont également évoquées. À ces développements s'ajoutent des observations sur l'établissement du texte, sur les phénomènes grammaticaux, sur les figures de style et, pour de nombreux termes, des traductions ou des interprétations (par exemple, au vers 7, sur l'emploi particulier de πτώσις chez Grégoire).

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BIBLIOGRAPHIE 341

Plusieurs index facilitent la consultation du volume, mais il manque un registre com­plet des mots grecs commentés.

Joëlle BEAUCAMP

Frédéric AMSLER et ALII (Trad.), Actes de l'apôtre Philippe. Introduction et notes par Frédéric AMSLER, Traductions par François BOVON, Bertrand BOUVIER et Frédéric AMSLER (Apocryphes 8). — Brepols, Turnhout 1996. 19 χ 12. 318 p.

Comme la plupart des textes apocryphes du Nouveau Testament, les Actes de l'apôtre Philippe ont une tradition manuscrite complexe et présentent un texte composite, avec diverses strates et des parties qui se répondent et se réfutent mutuellement. Le texte grec sera édité prochainement dans le Corpus Apocryphorum, mais une traduction française est publiée dès à présent.

Le texte est présenté avec de brèves notes, mais précédé d'une longue introduction (p. 13-88). L'opuscule est divisé en seize épisodes : quinze Actes, qui contiennent le récit des pérégrinations et des missions de l'apôtre, et un Martyre, qui raconte le supplice de l'apôtre Philippe, crucifié la tête en bas. Les diverses parties du texte remontent au 5e siècle. Nourri de citations de l'Ancien et du Nouveau Testament, l'opuscule présente un caractère syncrétiste, qui fait apparaître, à côté du noyau biblique, des éléments hétéro­doxes et mythologiques. Située à Hiérapolis de Phrygie (aujourd'hui Pamukkale), qui est le lieu de la crucifixion de Philippe, la quatrième partie, en particulier, déploie un bestiaire symbolique, où, à côté du serpent et des dragons, figurent le léopard et le chevreau, qui viennent, de manière touchante, demander la communion à l'apôtre (p. 200-201).

Brian CROKE (Trad.), The Chronicle of Marcellinus. Translation and commen­tary (Byzantina Australiensia 7). — Australian Association or Byzantine Studies, Sydney 1995. 25 χ 17,5. xxvii-152 p.

La chronique de Marcellin, qui couvre les années 378-534, et dont la continuation ano­nyme va jusqu'en 548, est une source importante en particulier pour la fin du 5e et la pre­mière moitié du 6e siècle. Le présent ouvrage reproduit le texte de l'édition Mommsen (MGH AA. XI, 39-108, 1894), accompagné d'une traduction anglaise, et surtout d'un riche commentaire (p. 53-139), très utile pour qui veut se servir de ce texte important.

G. DIMITROKALLIS, 'Αρμενική ναοδομία. — Athènes 1996. 30 χ 21. 63 p., 215 illustrations en noir et blanc (plans et photographies insérées dans le texte).

Après un rapide prologue (p. 5-6), l'auteur présente les genres de bâtiments de l'archi­tecture arménienne médiévale (p. 7-14), ensuite leurs caractéristiques morphologiques (p. 15-30). La suite est consacrée aux divers genres de monuments ecclésiastiques : basi­liques (p. 31-36) ; églises à plan central (p. 37-44) ; églises tétraconques en forme de croix (p. 45) ; églises tétraconques avec déambulatoire (p. 46-48) ; autres églises en forme de croix (p. 48-55) ; églises tétraconques octogonales (p. 56-59) ; croix votives, surtout sépul­crales (p. 60-63).

Malgré sa brièveté, cette plaquette offre une introduction très utile à l'architecture arménienne médiévale, en raison de sa présentation claire des monuments et de la qualité des abondantes illustrations.

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Alain DucELLiER, Chrétiens d'Orient et Islam au Moyen Âge VIIe - XVe siècle (Collection U, Série Histoire). — Armand Colin, Paris 1996. 24 χ 16. 492 p.

L'auteur reprend ici sous une forme plus ambitieuse un premier essai paru en 1971, Le Miroir de l'Islam. Musulmans et chrétiens d'Orient au Moyen Age (VIIe-XIe s.). Les bornes chronologiques ont cette fois été déplacées jusqu'à la chute de Byzance.

L'ouvrage n'entend pas raconter par le menu l'histoire des relations islamo-chrétiennes sur une période de huit siècles. Tout entier centré sur l'histoire des idées, il montre com­ment au cours de cette longue période l'Islam a été perçu par les chrétientés orientales, comment cette image a pu varier selon les régions, les milieux et les circonstances. La gamme a été grande qui est allée de la diabolisation à la sympathie la plus sincère, et les pratiques quotidiennes sont souvent venues démentir les idéologies qui avaient cours. Les évolutions se sont faites au gré d'équilibres précaires, remis en cause par l'irruption de nouveaux venus, Croisés, Seldjoukides et Ottomans.

L'ouvrage se compose d'une introduction qui met en place le cadre chronologique de l'étude, de trois grandes parties (I. Les musulmans : un ennemi religieux ou politique ? ; II. Byzance, l'Islam et l'irruption de l'Occident ; III. La restauration impériale, obstacle au rapprochement religieux), et d'un chapitre de conclusion sur la rencontre manquée entre Islam et chrétiens d'Orient. Il se termine par quatre cartes, une bibliographie générale (sources, ouvrages et travaux) et trois index (noms de personnes, de peuples et de commu­nautés ; noms de lieux ; notions et institutions). Cet ouvrage, destiné à un public universi­taire, a, entre autres mérites, celui de traduire un grand nombre de sources.

Cécile DULIÈRE et ALII (Éd.), Thysdrus. El Jem. Quartier Sud-Ouest, par Cécile DULIÈRE et Hédi SLIM, avec la contribution de Margaret A. ALEXANDER, Steven OSTRÓW, John G. PEDLEY, David SOREN (Corpus des mosaïques de Tunisie. III. Thysdrus (El Jem). Atlas archéologique de la Tunisie, Feuille 81. Fascicule 1). — Institut National du Patrimoine, Tunis 1996. 27,5 χ 21. xvn-114 p., 74 planches, 8 plans.

Quatre maisons ont été mises à jour dans ce quartier de Thysdrus (actuel El Jem, dans l'Est tunisien, entre Sousse et Sfax) ; elles contiennent de beaux pavements en mosaïques polychromes, de belle facture et parfois conséquentes en surface. La première (Sollertiana Domus) tire son nom de l'inscription qui y a été découverte. Les trois autres ont été nom­mées d'après le motif le plus caractéristique qui y a été trouvé : Maison du Paon, Maison des Dauphins, Maison des Mosaïques Blanches.

On trouve les habituels motifs des mosaïques romaines : beaucoup de dessins géomé­triques, nombre d'animaux (tigres, antilopes, oiseaux, poissons), quelques scènes mytho­logiques.

José M. EGEA, La Crònica de Morea. Estudio preliminar, texto y traducción (Nueva Roma 2). — Consejo Superior de Investigaciones Cientificas, Madrid 1996. 24 χ 17. Lxxvm-545 p.

La nouvelle collection de Madrid met à la disposition du lecteur, du lecteur espagnol en particulier, le texte grec et la traduction espagnole de cette œuvre originale et atta­chante qu'est le Χρονικον τοΰ Μορέως.

Une longue introduction (p. XHI-LXXVIU) donne les éléments nécessaires à l'intelligence et à l'évaluation de l'œuvre : contenu, sources, caractéristiques principales. Le texte grec est la version courante déjà retenue par J. Schmitt et P. Kalonaros dans leur édition res­pective. Il est fondé sur le manuscrit H (Hauniensis) de Copenhague, dont les lacunes sont suppléées par le manuscrit Ρ (Parisinus). Quelques variantes de cette seconde copie, qui représente une rédaction plus ancienne, sont également intégrées au texte (p. LV-LXIII). La traduction s'efforce de suivre l'original tant par le mouvement de la phrase que pour les

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BIBLIOGRAPHIE 343

propriétés du vocabulaire, qui est réduit, puisque sont utilisés à peine plus de deux mille mots. L'appareil bibliographique et le système de références manquent parfois de préci­sion et de clarté.

Marie-Christine FAYANT - Pierre CHUVIN (Trad.), Paul le Silentiaire. Description de Sainte-Sophie de Constantinople (traduction). — Éditions A. Die, Paris 1997. 24 χ 16. 169 p., 9 fig.

La Grande Église de Constantinople édifiée par Justinien après la destraction de la pre­mière Sainte-Sophie lors de la sédition Nika de 532, fut ébranlée par un tremblement de terre en 557, et sa coupole s'effondra l'année suivante lors de travaux de restauration. Elle fut à nouveau consacrée, une fois remise à neuf, lors des fêtes de Noël 562, et c'est à cette occasion que Paul le Silentiaire prononça cette Description qui est en fait un panégyrique aussi bien de l'empereur que de l'église.

Une introduction historique (de P. Chuvin) présente à la fois l'édifice, Paul le Silentiaire et les allusions à l'actualité contenues dans ces poèmes ; une introduction litté­raire (de M.-C. Fayant) met en lumière l'originalité de l'auteur et de son art qui «(exprime) en langage homérique une sensibilité en rupture complète avec le passé». Suivent les ïambes à l'empereur Justinien, les iambes au patriarche, la Description de la Grande Église et la Description de l'ambon, le texte grec (de l'édition de P. Friedländer très probablement, bien que nous ne l'ayons pas trouvé explicitement précisé) étant accompagné de la traduction française originale et suivi de notes sur cette traduction.

C'est un texte important de la rhétorique byzantine du 6e siècle qui est ainsi mis à la disposition des chercheurs et du public.

J. M. FEATHERSTONE (Éd.), Nicephori Patriarchae Constantinopolitani Refutatio et Eversio Definitionis Synodalis Anni 815 (Corpus christianorum Series Graeca 33). — Editions Brepols, Turnhout-Leuven 1997. 25 χ 16,5. 381 p.

La Réfutation de la définition synodale et du florilège du concile de 815 par Nicéphore est une des dernières œuvres du patriarche en exil, écrite dans les années 820. L'intérêt du texte édité ne réside pas dans la réfutation elle-même, peu originale et redondante par rap­port aux œuvres antérieures de Nicéphore, mais dans le fait qu'il est le seul témoin de la Définition et de son florilège, ainsi que de quelques textes patristiques. Les sources de Nicéphore sont principalement les Actes de Nicée II et des florilèges iconodoules, mais il a aussi eu accès à des manuscrits qui ne sont pas parvenus jusqu'à nous : le patriarche insiste d'ailleurs sur les efforts qu'il a déployés pour trouver les meilleurs manuscrits des textes en cause, afin de dénoncer les fraudes iconoclastes. Le matériel qui nous est acces­sible à travers ce texte n'est donc pas négligeable. On appréciera davantage cet effort phi­lologique du patriarche que la peu charitable finale dans laquelle il voue à la damnation éternelle tous les iconoclastes.

L'édition est fondée sur le Coislin. 93 (10e-lle s.) et le Paris, gr. 1250 (14e s.). Elle reproduit la langue de l'original malgré ses déficiences. Le texte de la Réfutation est suivi d'une reconstitution de la Définition de foi et du florilège de 815, à partir des citations de Nicéphore. Divers indices (noms, citations bibliques, autres sources et parallèles, termes byzantins) complètent l'ouvrage.

Gianfranco FIACCADORI - Paolo ELEUTERI (Éd.), / Greci in Occidente. La tradi­zione filosofica, scientifica e letteraria dalle collezioni della Biblioteca Marciana. Catalogo della mostra a cura di Gianfranco FIACCADORI e Paolo ELEUTERI, con la collaborazione di Andrea CUNA. Presentazione di Marino ZORZI, Prefazione di Giovanni PUGLIESE CARRATELLI. — Il Cardo, Venise 1996. 3 0 x 2 1 . Lxxv-92p.

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344 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

Publié à l'occasion d'une exposition qui s'est tenue du 16 octobre au 15 novembre 1996 (et non 1966 comme il est indiqué p. iv) à la Biblioteca Nazionale Marciana, ce cata­logue se divise en deux parties : une présentation générale intitulée Umanesimo e grecità d'Occidente, due à Giafranco Fiaccadori (p. XVII-LXXV), et une série de fiches consacrées aux différentes pièces exposées.

L'exposé préliminaire, d'une grande densité, retrace le destin de cet hellénisme d'Occident qui a ses racines dans la Grande Grèce antique et brille d'un éclat nouveau à la Renaissance. L'auteur sait tirer le meilleur parti des travaux les plus récents consacrés à l'Italie méridionale et à l'humanisme péninsulaire.

La seconde partie présente sous forme de fiches synthétiques les différentes pièces exposées, toutes tirées des fonds de la Marcienne. Ce sont des manuscrits ou des éditions anciennes, en particulier des éditions sorties de l'atelier d'Aide Manuce. Elles sont répar­ties en quatre sections : — 1. Autori italioti, sicelioti e cirenaici. — 2. Testimonianze sulla storia e la cultura di Magna Grecia, Sicilia e Cirenaica . — 3. Testi diffusi tra i Greci d'Occidente. — 4. Tradizione e fortuna dei generi nel Medioevo bizantino e italogreco. Un des intérêts de cette partie est de donner des reproductions de la quasi totalité des œuvres présentées.

Le catalogue se termine par un index des œuvres présentées et une bibliographie.

Günther Christian HANSEN (Éd.), Theodoros Anagnostes. Kirchengeschichte. Zweite, durchgesehene Auflage (Die griechischen christlichen Schriftsteller der ersten Jahrhunderte. NF 3). — Akademie Verlag, Berlin 1995. 24 χ 17 ; relié. XLi-232 p.

D'abord parue en 1971, la nouvelle édition de Théodore le Lecteur connut une diffu­sion limitée. Elle est reprise à présent, sans modification, dans la nouvelle série du GCS. Sont seulement ajoutées une note liminaire (p. vi) et quatre pages finales (p. 229-232) de «Berichtigungen und Ergänzungen», qui relèvent en particulier quelques nouvelles infor­mations et conclusions tirées des études, parues dans cette revue, de P. Nautin sur la tradi­tion des Histoires ecclésiastiques.

Au début du 6e siècle, Théodore le Lecteur composa une Histoire tripartite, ainsi appe­lée parce que l'auteur a compilé, en les combinant et en les démarquant souvent de manière littérale, les trois Histoires ecclésiastiques de Socrate, Sozomène et Théodoret, qui couvrent le 4e siècle et les trois premières décennies du 5e siècle. Il est lui-même l'au­teur d'une nouvelle Histoire ecclésiastique, qui prend la suite et couvre les années 439-527. De ces deux ouvrages perdus, l'édition présente les fragments conservés : passages des livres I et II (p. 1-55) et Epitome des livres III-IV de l'Histoire tripartite, passages de l'Histoire ecclésiastique et de son Epitome (p. 96-151).

Christian HOGEL, Metaphrasis. Redactions and Audiences in Middle Byzantine Hagiography (The Research Council of Norway, KULTs skriftsereie n° 59). — Oslo 1996. 23,5 χ 17. 82 p.

La metaphrase, ou réécriture des textes (principalement hagiographiques), n'a pas bonne presse parmi les historiens, qui ont surtout en mémoire la perte des matériaux anciens qu'ils doivent au travail d'un Syméon Métaphraste. La présente brochure ras­semble quatre essais qui, partant du principe que l'hagiographie est un genre littéraire vivant, et comme tel évolutif, considèrent le phénomène de la réécriture non comme une catastrophe philologique, mais comme un élément du culte des saints. Alors que l'étude des textes métaphrastiques cherche souvent à retrouver le substrat pré-métaphrastique, ces quatre essais prennent comme objets d'étude les transformations opérées par le «rewri-ter», envisagé comme un écrivain à part entière.

Christian Hogel, The Redaction of Symeon Metaphrastes : Literary aspects of the Metaphrastic martyria.

Elisabeth Schiffer, Metaphrastic Lives and Earlier metaphraseis of Saint's Lives.

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BIBLIOGRAPHIE 345

Jan Olof Rosenqvist, Changing Styles and Changing Mentalities : The Secondary Versions of the Life of St Philaretos the Merciful.

Stephanos Efthymiadis, The Byzantine Hagiographer and his Audience in the Ninth and Tenth Centuries.

Ces quatre essais élaborés dans le cadre du Centre for the Study of European Civilisation de l'Université de Bergen, s'inscrivent dans le contexte plus large d'un projet sur la rhétorique et la transmission de la culture.

Apostolus KARPOZÈLOS, Βυζαντινοί ιστορικοί και χρονογράφοι. Τόμος Α' (4ος-7ος αι.). — Εκδόσε ι ς Κανάκη, Athènes 1997. 24 χ 16,5. 642 ρ.

L'objet du nouveau manuel, destiné avant tout aux étudiants grecs, est de présenter les œuvres historiques byzantines à travers les auteurs sans doute, selon la méthode tradition­nelle, mais aussi à travers les textes. L'ouvrage combine de manière heureuse la biogra­phie des historiens et les morceaux choisis de leurs œuvres. Dans ce premier volume est passée en revue la production historique dans l'empire byzantin du 4e au 7e siècle. La matière est divisée en deux grandes sections (histoire ecclésiastique et histoire profane), qui sont à leur tour subdivisées chacune en trois chapitres.

La naissance du christianisme est à la source de l'histoire ecclésiastique, qui a pour rôle d'expliquer, grâce à des concepts nouveaux, le déroulement de l'histoire. Le genre atteint sa maturité avec Eusèbe de Cesaree et son statut avec les historiens du 5e siècle (Philostorge, Socrate, Sozomène, Théodoret). Une fois le genre établi, il y eut des conti­nuateurs, mais les siècles suivants n'offrent que des figures moins prestigieuses, comme Théodore le Lecteur ou Évagre le Scolastique. L'histoire profane reste, au contraire, dans la tradition de l'historiographie hellénistique. Mais au 6e siècle se développe un genre plus original, la Chronographie ; c'est l'objet du dernier chapitre, qui en présente les protago­nistes et les œuvres : Hésychios, Jean Malalas, Jean d'Antioche, la Chronique pascale.

Ernst KITZINGER, / mosaici del periodo normanno in Sicilia, V. // duomo di Monreale, i mosaici delle navate (Istituto siciliano di studi bizantini e neoel­lenici, Monumenti 5). — Palerme 1996. 32,5 χ 25. 57 p., 396 illustrations en noir et blanc, 5 illustrations subsidiaires, 6 schémas dessinés.

Le projet de publier des photographies de toutes les mosaïques siciliennes de la période normande, sous la direction d'Ernst Kitzinger, eminent connaisseur du sujet, a commencé à être réalisé en 1992. Le présent fascicule, consacré aux mosaïques décorant les nefs de la cathédrale de Monreale, comporte surtout le cycle exceptionnellement déve­loppé de la Genèse (pi. 1-162), qui suit soigneusement le modèle du même cycle dans la Chapelle palatine, ensuite un cycle de la Vie publique du Christ, notamment de ses miracles (pi. 163-252), une série de portraits de saints et saintes, pour la plupart en buste (pi. 261-328), encore une série de portraits en buste, cette fois-ci d'anges (pi. 344-389), et deux brefs cycles hagiographiques (pi. 330-343).

Il existe, évidemment, partout dans ces mosaïques des réminiscences stylistiques et iconographiques de l'art byzantin. L'exemple le plus probant est sans doute la Vierge Kykkotissa, dont le modèle serait la Vierge de Kykkos (Chypre). Toutefois, du moins au premier abord, on a l'impression que ces mosaïques ont été inspirées davantage par la cul­ture occidentale. La question des sources devra être approfondie, car l'introduction de l'auteur (p. 11-18), suivie d'un catalogue (p. 21-51), est malheureusement sommaire.

Fritz Peter KNAPP, Die Literatur des Früh- und Hochmittelalters in den Bistümern Passau, Salzburg, Brixen und Trient von den Anfängen bis zum Jahre 1273 (Geschichte der Literatur in Österreich von den Anfängen bis zur Gegenwart 1). — Akademische Druck- u. Verlagsanstalt, Graz 1994. 28 χ 19 ; relié. 666 p. (incluant 16 planches).

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346 REVUE DES ETUDES BYZANTINES

Destiné à un large public, ce manuel présente un «canton» de la littérature allemande, qui correspond approximativement à l'espace occupé aujourd'hui par l'Autriche et déli­mité par les quatre diocèses primitifs. Les lettres s'y développèrent tardivement, après la disparition de l'empire romain et l'émergence de nouvelles civilisations et cultures, que la Renaissance carolingienne vint irriguer dans les provinces de l'Europe. C'est le haut Moyen Âge qui est traité dans le premier volume d'une série qui devrait en compter sept, dont deux consacrés au Moyen Age.

L'ouvrage est divisé en trois parties, fort inégales : Fondation et préhistoire au temps de la colonisation et des missions (8e-lle s.), De la querelle des Investitures au Privilegium minus (1075-1156), Le duché de Babenberg et l'Interregnum (1156-1273). Chaque partie se termine et se résume dans un «Profil de l'époque». La première époque (p. 17-50) constitue plutôt la préhistoire de la littérature dans la région : sans doute s'agit-il alors de transmission plutôt que de création, mais une certaine activité littéraire se déve­loppe, en particulier autour de la métropole de Salzbourg et de son chapitre. La deuxième époque (p. 51-146) est une sorte de protohistoire et voit une explosion de la production lit­téraire, surtout en langue allemande. La troisième époque (p. 147-593) est marquée par la poésie courtoise et le roman de chevalerie. L'ouvrage est clos par une bibliographie détaillée (p. 595-634), quelques planches et un index général (p. 653-666), qui répertorie les auteurs et les œuvres.

Gianni KORINTHIOS, Prolegomena al greco di oggi, vol. I, Dai Settanta alla caduta di Constantinopoli. Con un'antologia di brani. — Centro Editoriale e Librario, Università degli Studi della Calabria, Rende 1996. 24 χ 17 ; broché.

ѵ -378 .

Ce manuel comprend une présentation linguistique de l'évolution du grec à travers les siècles et, aussi, des textes en grec. Le premier chapitre («Pregiudizi duri a morire», p. 1-28) porte sur la prononciation du grec et le système adopté par Érasme pour le grec ancien. Le second chapitre («La koinè ellenistica e testamentaria», p. 29-60) est consacré à la création de la koinè hellénistique et le grec du Nouveau Testament. La suite constitue un florilège de textes en grec amplement commentés. Au troisième chapitre, l'auteur pré­sente une anthologie des textes qui témoignent de l'évolution du grec pendant le premier millénaire («Florilegio di testi del primo millennio», p. 61-142). On y trouve une quaran­taine de textes, qui vont du 1er au 1 Ie siècle et couvrent plusieurs genres ; on y trouve même des exemples d'énigmes (p. 141-142). La littérature byzantine (au sens large) est amplement représentée : poésie liturgique, Jean Moschos, La vie de Philarète... Ce cha­pitre est complété par des considérations sur la langue de cette période («La lingua del primo millennio», p. 143-157). Le dernier chapitre est consacré à la littérature en grec vul­gaire («Testi protoneoellenici», p. 157-356), avec neuf catégories de textes, allant de l'épopée des Acrites aux Lamentations sur la prise de Constantinople. Les textes sont commentés et une bibliographie est donné pour chacun d'eux. Ce manuel peut aider ceux qui se mettent à l'étude de la langue grecque.

Andrii KRAWCHUK, Christian Social Ethics in Ukraine. The Legacy of Andrei Sheptytsky. — Canadian Institute of Ukrainian Studies Press, Metropolitan Andrey Sheptytsky Institute of Eastern Christian Studies, and The Basilian Press, Edmonton - Ottawa - Toronto 1997. 23 χ 15 ; relié, xxiv-404 p.

André Szeptyckyj, qui devint métropolite de Lvov en 1900 et mourut octogénaire en 1944, fut mêlé à tous les bouleversements que connut la Galicie au cours du demi-siècle. Province de l'empire austro-hongrois, la Galicie fut envahie par la Russie tsariste en 1914, avant d'être rattachée à la Pologne en 1923. En 1939, elle fut occupée à nouveau par la Russie, soviétique cette fois, avant d'être envahie par le Reich allemand, qui s'y maintint de 1941 à 1944. Le métropolite mourut quelques mois après la libération de son pays et son annexion par la Russie.

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BIBLIOGRAPHIE 347

Au milieu de cette sanglante agitation, André Szeptyckyj assura au mieux un travail de pasteur, soucieux de la formation intellectuelle du clergé et de l'évolution sociale de la population. Au carrefour de l'orthodoxie gréco-slave et du catholicisme romain, auquel appartient l'Église gréco-catholique d'Ukraine depuis la fin du 16e siècle, le métropolite de Lvov se préoccupa constamment des relations interecclésiales et œcuméniques ; il ima­gina des solutions nouvelles pour rapprocher les communautés.

Comme en fait foi l'importante bibliographie présentée par l'auteur (p. 372-389), la pensée et l'action d'André Szeptyckyj, qui a laissé lui-même une œuvre considérable (p. 278-371), ont déjà fait l'objet de nombreuses études. Le présent ouvrage est consacré à un secteur moins connu de son activité : l'action pastorale et sociale, dans le sillage des préoccupations sociales de Léon XIII. L'exposé se déroule en cinq chapitres, qui corres­pondent à autant de contextes politiques différents : d'abord province de l'empire austro-hongrois, la Galicie fut successivement intégrée à la Russie tsariste, à la Pologne, à la Russie soviétique, au Reich allemand.

Nicolaos NICOLOUDÈS (Trad.), Laonikos Chalkokondyles. A translation and Commentary of the «Demonstration of Histories» (Books l-lll) (Historical Monographs 16). — Historical Publications St. D. Basilopoulos, Athènes 1996. 20,3 χ 14. 391 p.

Laonikos Chalkokondyles est l'une des sources majeures pour les dernières décennies de l'empire byzantin. L'originalité de son ouvrage (dont le titre, Αποδείξεις Ιστοριών, fait explicitement référence à Hérodote) tient à la variété de sa documentation (sources byzantines, occidentales et ottomanes, traditions orales, sans compter son expérience per­sonnelle) et à sa philosophie propre (élève de Pléthon, il tient de son maître la conscience de l'héritage culturel grec, une curiosité «ethnographique» pour les autres peuples et un certain détachement quant au sort de l'empire et de l'orthodoxie). Poursuivant la tradition des grands historiens byzantins du siècle précédent (Pachymère, Cantacuzène ou Grégoras), il ne se contente pas de rapporter les événements, mais tente de les comprendre et de les analyser. Le sujet de son œuvre est également original, puisqu'elle se focalise sur la montée en puissance de l'empire ottoman, dont la chute de l'empire byzantin n'est qu'une conséquence. Elle se présente ainsi plutôt comme une histoire du monde que comme une histoire de Byzance. Mais par ailleurs, le regard que porte ce Byzantin non conformiste sur la grecite (caractérisée par la langue grecque), sur les derniers empereurs (cet historien succombe, comme la plupart des autres, au charme de la personnalité de Manuel II, seul empereur byzantin sympathique en fin de compte sous sa plume), sur l'Islam (décrit avec une neutralité ethnologique remarquable chez un auteur byzantin) est irremplaçable. On remarquera en particulier (seule touche « prophétique » chez un auteur si rationnel par ailleurs) sa conviction, affirmée dans le Prooimion, que la civilisation hel­lénique finira par reprendre le dessus et qu'un prochain empereur grec lui redonnera sa splendeur.

Le présent ouvrage comporte les trois premiers livres de cette œuvre qui en compte dix. L'introduction propose une biographie de Chalkokondyles, puis un portrait de cet auteur dans le contexte intellectuel de son époque. Le texte de l'édition de Darkó (Budapest 1922-1927) est reproduit sur la page de gauche (la reproduction photogra­phique laisse parfois à désirer) tandis que la page de droite présente la traduction anglaise. Les notes sont reportées à la fin de chaque chapitre et permettent de comparer les affirma­tions de Chalkokondyles avec celles d'autres sources, ou de rectifier certaines erreurs de l'historien. Des cartes et un index complètent l'ouvrage.

Hélène PAPAÈUOPOULOU-PHÔTOPOULOU, Ταμεΐον 'Ανεκδότων Βυζαντινών 'Ασματικών κανόνων seu Analecta Hymnica graeca e codicibus eruta Orientis Christiani. Ι. Κανόνες Μηναίων. — Σύλλογος προς διάδοσιν ωφελίμων βιβλίων, Athènes 1996. 23,5x17 ; broché. 351 p.

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348 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

L'auteur a donné l'inventaire systématique des Canons compris dans les Menées (de l'ensemble de l'année) qui ont été copiés dans les manuscrits provenant de l'Orient chré­tien. Cet ouvrage se veut donc à la fois le complément des œuvres d'inspiration analogue mais de moindre envergure (comme celle de S. EUSTRATIADÈS, Ταμείον εκκλησιαστικής ποιήσεως, 'Εκκλησιαστικός Φάρος 35, 1936-51, 1952, ou la collection AHG , réservée à l'Italie du sud : Analecta Hymnica graeca e codicibus eruta Italiae inférions, sous la dir. d'E. SCHIRÒ, 12 vol., Rome 1966-1980). En plus, les indices donnés aux p. 289-351, où l'on trouve aussi les «Initia canonum» et les «Canonum Acrostichides» constitue un complément utile à l'ouvrage d'E. Follieri, Initia Hymnorum Ecclesiae Graecae, I-V, coll. Studi è Testi 211-215bis, Cité du Vatican 1961-1966. On trouve au total 899 Canons dont les 450 étaient inconnus par ailleurs.

Marie-Claude ROSSET et Christian BOUCHET (Trad.), Dieu et le mal selon Basile de Cesaree, Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome. Introduction, annotations et guide thématique par Marie-Hélène CONGOURDEAU (Les Pères dans la foi 69). — Migne (Diffusion Brepols), Paris 1997. 19,5 χ 13,5. 158 p.

Le nouveau volume des «Pères dans la foi» présente trois textes brefs et éloquents sur la manière dont les Pères grecs du 4e siècle expliquaient l'existence du mal dans un monde créé par un Dieu bon. Voici les trois opuscules traduits : Basile de Cesaree, Dieu n'est pas l'auteur des maux ; Grégoire de Nysse, Λ Hiéros, sur les enfants morts prématu­rément ; Jean Chrysostome, L'Homme ne peut être victime que de lui-même.

Vincenzo RuGGffiRi, Guillaume de Jerphanion et la Turquie de jadis. — Rubbettino Editore, Soveria Mannelli 1997 (Viale dei Pini 10, 1-88049 Soveria Mannelli). 30 χ 21,5 ; relié. 261p.

Guillaume de Jerphanion (1877-1948) visita la Turquie au début du siècle. Il fut le découvreur d'«une nouvelle province de l'art byzantin» : les églises rupestres de Cappadoce, dont le corpus a paru de 1925 à 1942. En parcourant ce pays, il a fixé son objectif aussi bien sur les monuments des temps anciens que sur les scènes de la vie quoti­dienne du peuple. L'album nous livre ainsi son regard sur ce pays, et publier une partie de la collection de photographies laissée par lui constitue la meilleure illustration de l'œuvre et le plus bel hommage à son auteur.

Précédées d'une brève présentation et d'une esquisse biographique de Guillaume de Jerphanion, les reproductions photographiques sont regroupées par sites : Ankara, Amasya, Sivas, villes et villages de Cappadoce, Kayseri, Tokat, Istanbul. Suivent dix-sept planches en couleurs (cartes, plans et dessins), puis la table des photos et des planches.

A. STAURIDOU-ZAFRAKA, Th. KORRES, IZ' Πανελλήνιο Ιστορικό Συνέδριο (31 Μαιου-2 Ιουνίου 1996). Πρακτικά. Υπεύθυνοι έκδοσης Α. Σταυρίδου-Ζαφράκα, Θ. Κορρές (Ελληνική Ιστορική Εταιρεία). — Εκδόσεις Βάνιας, Thessalonique 1997. 24 χ 17. 433 ρ.

Sur les 21 articles que comprend l'ouvrage, un seul se rapporte à Byzance : N. KOURÉAS, H Ελληνόρυθμη Μονή του Σωτήρος στην Μεσσήνη της Σικελίας από τον 12ο αιώνα ως τα μέσα του Μου (ρ. 27-40). Dans celui-ci, l'auteur trace l'histoire du monastère de Saint-Sauveur à Messine. Fondé par Roger II entre 1122 et 1132, sous la domination normande, ce monastère constitua un des quatre centres autour desquels furent groupés les monastères de rite orthodoxe (Patiron à Rossano, Saint-Nicolas à Taren te, Grotta Ferrata près de Rome et Saint-Sauveur). Ce monastère a connu la protection papale et normande jusqu'à la domination angevine (1266), puis commence la décadence que les Vêpres siciliennes (1282) n'interrompirent pas.

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BIBLIOGRAPHIE 349

I. E. STÉPHANÈS - P. SÔTÈROUDÈS (Éd.), 'Αγίου Νεοφύτου τοΰ Έγκλειστου Συγγράμματα. Τόμος Α' : Δέκα λόγοι περί του Χρίστου εντολών. Πεντηκοντακέφαλον. — 'Ιερά Βασιλική και Σταυροπηγιακή μονή 'Αγίου Νεοφύτου, Paphos 1996. 25 χ 18. κα'-429 ρ.

Cet ouvrage, édité par le monastère Saint-Néophytos de Paphos, se présente comme le premier tome d'une édition critique des œuvres complètes du saint reclus, qui doit en comporter quatre et s'accompagner d'un volume annexe présentant la vie, les œuvres, la personnalité et la bibliographie de Néophytos. Des traductions en grec moderne sont éga­lement prévues.

L'œuvre de cet auteur très personnel du 12e siècle n'a connu jusqu'à présent que des éditions partielles (qui d'ailleurs se poursuivent). Cette édition des œuvres complètes a été confiée à une équipe de philologues et de théologiens. Le premier tome comprend les Dix discours sur les commandements du Christ (édités à nouveaux frais par I. E. Stéphanès, l'édition de B. Englezakis appartenant à l'Académie d'Athènes) et le Pentekontakephalon, série de courtes exhortations spirituelles fondées sur l'Écriture (édité par P. Sôtèroudès).

Chaque texte est précédé d'une introduction et accompagné d'un apparat des princi­pales sources scripturaires et patristiques et d'un apparat critique qui comporte les variantes des manuscrits et des autres éditions. Des reproductions de manuscrits (Coisl. gr. 287, ff. 133v et 197v; E.B.E. [= Εθνική Βιβλιοθήκη της Ελλάδος] 522, ff. 11 et 378) et des indices (index scripturaire, auteurs non bibliques, index verborum) complètent l'ouvrage.

Robert F. TAFT (Ed.), The Armenian Christian Tradition. Scholarly Symposium in Honor of the Visit to the Pontifical Oriental Institute, Rome, of His Holyness Karekin I, Supreme Patriarch and Catholicos of All Armenians, December 12, 1996 (Orientalia Christiana Analecta 254). — Pontificio Istituto Orientale, Rome 1997. 23,5 χ 17. 197 p., 17 pi. La venue à Rome du patriarche et catholicos arménien Karekin Ier, ancien étudiant

d'Oxford et auteur d'une thèse sur Chalcédoine et l'Eglise arménienne, a donné lieu à un symposium sur la tradition arménienne. L'ouvrage s'ouvre sur quelques documents concernant la visite du patriarche à Rome, que complètent les 33 photos des planches (Note biographique sur le patriarche, liste de la délégation de l'Église Apostolique Arménienne, discours de circonstance). Les actes du symposion sur la tradition armé­nienne chrétienne comportent les contributions suivantes :

Gabriele Winkler, Armenian Anaphoras and Creeds : A Brief Overview of Work in Progress.

Claudio Gugerotti, Valori etnici e scambi interculturali nella liturgia armena delle ordi­nazioni.

Boghos Levon Zekiyan, Quelques observations critiques sur le «Corpus Eliseanum». Michael Findikyan, The Liturgical Expositions Attributed to Catholicos Yovhannes

Ojnec'i : Problems and Inconsistency. Robert F. Taft, The Armenian «Holy Sacrifice (Surb patarag)» as a Mirror of

Armenian Liturgical History.

Natalia B. TETERIATNIKOV, The Liturgical Planning of Churches in Cappadocia (Orientalia Christiana Analecta 252). — Pontificio Istituto Orientale, Rome 1996. 23,5 χ 16,5. 240 p., 83 illustrations en noir et blanc, 19 croquis. L'auteur rappelle le nombre extraordinaire de monuments byzantins en Cappadoce.

Selon certains savants, il existe environ 300 églises dans la région ; selon d'autres, autant que 700 (p. 31, n. 14). Malheureusement, la documentation littéraire dont nous disposons à propos de ces monuments est notoirement maigre. Une recherche archéologique, comme

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celle que l'auteur a entreprise, lui permet de classer ces églises (sans, évidemment, les connaître dans leur totalité) de façon utile, bien que, nécessairement, les questions qui se posent sont multiples et les réponses conjecturales. L'auteur étudie successivement le sanctuaire (p. 33-78), le naos, avec son aménagement : niche de la prothèse, les diverses cuvettes, la disposition des sièges (p. 79-127), les entrées: le portique et le narthex (p. 129-164), et l'emplacement des tombes, assez nombreuses dans les églises cappado-ciennes (p. 165-182). Cette analyse détaillée lui permet de caractériser, en quelque sorte, la spécificité de cette architecture «provinciale, mais empruntant aux habitudes courantes et à Constantinople et en Orient». Elle constate que la présence d'une chapelle de prothèse et de diakonikon dans ces églises, creusées dans le rocher, est rarissime, alors que souvent il y avait plusieurs chapelles indépendantes, ce qui rendait possible plusieurs célébrations quotidiennes dans la même église. Elle note aussi que, à la différence des églises-bâti­ments, les entrées aux églises creusées dans le rocher étaient étroites et peu nombreuses. Autre détail significatif pour elle est la forme du sanctuaire en fer à cheval. Sans doute la partie la plus utile de cette étude, parce que la plus concrète, est celle où elle dresse une liste des noms de fondateurs connus d'après les inscriptions : 28 donateurs moines ou membres du clergé et 53 donateurs laïcs (p. 216-224).

Il incombe aux spécialistes de l'art cappadocien d'estimer la valeur de cette étude.

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OUVRAGES REÇUS.

A. KÔNSTANTAKOPOULOU, Βυζαντινή Θεσσσαλονίκη. Χώρος και ιδεολογία (Επιστημονική Επετηρίδα Φιλοσοφικής Σχολής, Δωδώνη, Παράρτημα αρ. 62). — Πανεπιστήμιο Ιωαννίνων, Jannina 1996. 23 x 17. 276 ρ.

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TABLE DES MATIÈRES

I. _ ARTICLES

1. Wanda WOLSKA-CONUS, Un «Pseudo-Galien» dans le commentaire de Stephanos d'Athènes aux Aphorismes d'Hippocrate : ' Ο Νεώτερος Εξηγητής 5

2. . ZucKERMAN, Two reforms of the 370s : recruiting soldiers and senators in the divided Empire 79

3. Th. GANCHOU, Helena Notara Gateliousaina d'Amos et le Sankt Peterburg Bibi Pubi. gr. 243 141

4. . PouDERON, Le codex Parisinus graecus 1555 A et sa recension de l'Epitome byzantin d'histoires ecclésiastiques 169

5. M. CACOUROS, Néophytos Prodromènos copiste et responsable (?) de l'édi­tion quadrivium-corpus aristotelicum du 14e siècle 193

6. A. RIGO, La sezione sui Musulmani dell'opera di Teodoro Studita contro le eresie 213

7. A. FAILLER, Mélèce le Confesseur et le monastère Saint-Lazare de Constantinople 231

8. A. FAILLER, De l'appelation de Péra dans les textes byzantins 239

9. Tatiana MATANTSÉVA, La conférence sur la vénération des images en décembre 814 249

10. J.-Cl. CHEYNET, Les sceaux byzantins du Musée de Manisa 261

11. L. CANFORA, Le «cercle des lecteurs» autour de Photios : une source contemporaine 269

IL — B I B L I O G R A P H I E

ALEXAKIS Α., Codex Parisinus Graecus 1115 and Its Archetype 275 ALLEN Pauline - JEFFREYS Elizabeth (Éd.), The Sixth Century, End or

Beginning ? 276 AMSLER F. et ALII (Trad.), Actes de l'apôtre Philippe 341 AUZÉPY Marie-France (Intr., éd. et trad.), La Vie d'Etienne le Jeune par

Etienne le Diacre 277 BÁDEŇAS P., BRAVO Α., PÉREZ-MARTIN Immaculada (Éd.), Επίγειος

ουρανός. El cielo en la terra. Estudios sobre el monasterio bizantino ... 278 BELKE K., Tabula Imperii Byzantini. 9, Paphlagonien und Honörias 279

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354 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

BERTONIÈRE G., The Sundays of Lent in the Triodion : The Sundays Without a Commemoration 280

BOULHOL P., ΆΝΑΓΝΩΡΙΣΜΟΣ. La scène de reconnaissance dans l'hagio­graphie antique et médiévale 281

BRIQUEL-CHATONNET Françoise, Manuscrits syriaques de la Bibliothèque nationale de France (n° 356-435, entrés depuis 1911), de la biblio­thèque Méjanes d'Aix-en-Provence, de la bibliothèque municipale de Lyon et de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. Catalogue 281

CATALDI PALAU Annaclara, Catalogo dei manoscritti greci della Biblioteca Franzoniana (Genova) (Urbani 21-40) 285

CHRISTOPHORIDÈS V., Ισιδώρου Γλαβα, αρχιεπίσκοπου Θεσσαλονίκης, 'Ομιλίες 285

CRISAFULLI V. - NESBITT J. (Trad.), HALDON J., The Miracles of Artemios, A Collection of Miracle Stories by an Anonymus Author of Seventh Century Byzantium 286

CROKE B. (Trad.), The Chronicle of Marcellinus 341 DAGRON G., Empereur et prêtre. Étude sur le «césaropapisme» byzantin 289

DE ANDIA Ysabel (Ed.), Denys VAréopagite et sa postérité en Orient et en

Occident 291

DÉROCHE V., Études sur Léontios de Néapolis 292

DÉTORAKÈS Th., Βυζαντινή φιλολογία. Ta πρόσωπα και τα κείμενα 293 DiMiTROKALLis G., Αρμενική ναοδομία 341 DOVERE E., «lus principale» e «catholica lex» dal Teodosiano agli editi di

Calcedonia 294 DUCELLIER Α., Chrétiens d'Orient et Islam au Moyen Age VIIe - XVe siècle 342 DULIÈRE Cécile et ALII (Ed.), Thysdrus. El Jem. Quartier Sud-Ouest 342 EGEA J., La Crònica de Morea 342 ENNABLI Liliane, Carthage. Une métropole chrétienne du IVe à lafın du VIIe

siècle 296 ÉVIEUX P. (Éd., trad.), Isidore de Péluse. Lettres 297 FAYANT Marie-Christine - CHUVIN P. (Trad.), Paul le Silentiaire. Description

de Sainte-Sophie de Constantinople 343 FEATHERSTONE J. M. (Éd.), Nicephori Patriarchae Constantinopolitani

Refutatio et Eversio Definitionis Synodalis Anni 815 343 FEDWICK P. J., Bibliotheca Basiliana Universalis. A study of the manuscript

tradition, translations and editions of the works of Basil of Caesarea, II. The Homiliae morales, Hexaemeron, De litteris, with additional cove­rage of the letters 300

FIACCADORI G. - ELEUTERI P. (Éd.), / Greci in Occidente. La tradizione filoso­fica, scientifica e letteraria dalle collezioni della Biblioteca Marciana 343

FOLLIERI Enrica, Byzantina et Italograeca. Studi di filologia e dì paleografia .... 301 GREGG R. C , URMAN D., Jews, Pagans, and Christians in the Golan Heights.

Greek and Other Inscriptions of the Roman and Byzantine Eras 301

Page 354: REByz-56 (1998)

TABLE DES MATIÈRES 355

GuiLLOU Α., Recueil des inscriptions grecques médiévales d'Italie 303

HAAS Chr., Alexandria in Late Antiquity. Topography and Social Conflict 304

HALDON J., State, Army and Society in Byzantium. Approaches to Military,

Social and Administrative History, 6th-12th Centuries 304

Christian HANSEN G. Chr. (Éd.), Theodor os Anagnoste s. Kirchengeschichte 344

HARL ., Coinage in the Roman Economy 300 B.C. to A.D. 700 305

HOGEL Chr., Metaphrasis. Redactions and Audiences in Middle Byzantine

Hagiography 344

KAEGI W., Jr. (Éd.), Byzantinische Forschungen, Band XXIII 307

KAEGI W., Jr. (Éd.), Byzantinische Forschungen, Band XXIV 307

KARPOZÈLOS Α., Βυζαντινοί ιστορικοί και χρονογράφοι 345 KITZINGER Ε., / mosaici del periodo normanno in Sicilia, V. Il duomo di

Monreale, i mosaici delle navate 345 KNAPP F. P., Die Literatur des Früh- und Hochmittelalters in den Bistümern

Passau, Salzburg, Brixen und Trient von den Anfangen bis zum Jahre 1273 345

KOLTSIDA-MAKRÈ Iôanna, Βυζαντινά μολυβδόβο λλα. ΣυΡίλογή Ορφανίδη-Νικολαΐδη Νομισματικού Μουσείο Αθηνών 308

KÔNSTANTAKOPOULOU Α., Βυζαντινή Θεσσσαλονίκη. Χώρος και ιδεολογία 351 KoRiNTHios G., Prolegomena al greco di oggi, I. Dai Settanta alla caduta di

Constantinopoli 346 KOUTRAKOU Nike-Catherine, La propagande imperiale byzantine.

Persuasion et réaction (vuf-ić siècles) 309 KRAWCHUK Α., Christian Social Ethics in Ukraine. The Legacy of Andrei

Sheptytsky 345 LEBRUN F., Nicétas le Paphlagonien. Sept homélies inédites 310

LETSIOS D. G., Νόμος 'Ροδίων Ναυτικός. Das Seegesetz der Rhodier. Untersuchungen zu Seerecht und Handelsschiffahrt in Byzanz 312

MAGUIRE H., The Icons of Their Bodies. Saints and Their Images in Byzantium 313

Jean-Pierre MAHÉ J.-P. - THOMSON R. (Éd.), From Byzantium to Iran. Armenian Studies in Honour of Nina G. Garsoian 314

MARAVA-CHATZINIKOLAOU Anna - TOUFEXI-PASCHOU Christina, Catalogue of the Illuminated Byzantine Manuscripts of the National Library of Greece 315

MARA VAL P., Récits des premiers pèlerins chrétiens au Proche-Orient (IVe Vile siècle) 317

MARCOS HIERRO E., Die byzantinisch-katalanischen Beziehungen im 12. und 13. Jahrhundert unter besonderer Berücksichtigung der Chronik Jacobs I. von Katalonien-Aragon 317

MEGAS A. (Éd.), Μαξίμου Πλανούδη (± 1255-± 1305) Βοηθίου Παραμυθίας της Φιλοσοφίας Μετάφραση 319

MELOVSKI Η., The Moscopole Collectanea. The Hagiographies of Saints 319

Page 355: REByz-56 (1998)

356 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

MERGI ALI Sophia, L'enseignement et les lettrés pendant l'époque des Paléologues (1261-1453) 320

MITCHELL Ch. - BODNAR E. (Éd. et trad.), Vita viri clarissimi et famosissimi Kyriaci Anconitani by Francesco Scalamonti 321

NESBITT J. - OIKONOMIDES N., Catalogue of Byzantine Seals at Dumbarton Oaks and in the Fogg Art Museum 323

NICOL D. (Éd., trad.), Theodore Spandounes. On the origin of the Ottoman Emperors 324

NicoLOUDÈs N. (Trad.), Laonikos Chalkokondyles. A translation and Commentary of the «Demonstration of Histories» (Books 1-111) 347

OIKONOMIDES N., Fiscalité et exemption fiscale à Byzance (nf-xf s.) 326

PAPAÈLIOPOULOU-PHÔTOPOULOU Heléne, Ταμεΐον 'Ανεκδότων Βυζαντινών Ασματικών κανόνων seu Analecta Hymnica graeca e codicibus eruta Orientis Christiani. Ι. Κανόνες Μηναίων 347

PATRICH J., Sabas, Leader of Palestinian Monasticism. A Comparative Study in Eastern Monasticism, Fourth to Seventh Centuries 327

PROLVIĆ Jadranka, Die Kirche des heiligen Andreas an der Treska 328 QUELLER D. - MADDEN Th., The Fourth Crusade. The Conquest of

Constantinople 329 ROCHÓW I., Kaiser Konstantin V (741-775). Materiálen zu seinem Leben und

Nachleben 330 ROSSET Marie-Claude - BOUCHER Chr. (Trad.), Dieu et le mal selon Basile de

Cesaree, Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome 348 RUGGIERI V. , Guillaume de Jerphanion et la Turquie de jadis 348 RYDÉN L. (Éd., trad.), The Life of St Andrew the Fool 332 SEIBT W., Geschichte und Kultur der Palaiologenzeit 333 SEIBT W. - ZARNITZ Marie Luise, Das byzantinische Bleisiegel als

Kunstwerk. Katalog zur Austeilung 334 SODE Claudia, Byzantinische Bleisiegel in Berlin 335 STAURIDOU-ZAFRAKA Alkmènè, KORRES Th., / Z ' Πανελλήνιο Ιστορικό

Συνέδριο (31 Maio -2 Ιο νιο 1996) 348 STÉPHANÈS I. E. - SÔTÈROUDÈS P. (Éd.), "'Αγίου Νεοφύτου του Έγκλειστου

Συγγράμματα 349 TAFT R . (Éd.), The Armenian Christian Tradition 349 TETERIATNIKOV Natalia ., The Liturgical Planning of Churches in

Cappadocia 349 ToDić ., Staro Nagoričino 336 WINKLER Gabriele, Koriwns Biographie des Mesrop Mastoc. Übersetzung

und Kommentar 338 WiRTH P. (Éd.), Regesten der Kaiserurkunden des Östromischen Reiches von

565-1453 338 ZACHARIADOU Elisabeth Α., Δέκα τουρκικά έγγραφα για την Μεγάλη

Εκκλησία (1483-1567) 339 ZEHLES F. Ε. -ZAMORA M. J., Gregor von Nazianz: Mahnungen an die

Jungfrauen (Carmen 1,2,2) 340

Page 356: REByz-56 (1998)

RÉSUMÉS D'AUTEURS

REB 56 1998 France p. 5-78

Wanda WOLSKA-CONUS, Un «Pseudo-Galien» dans le commentaire de Stephanos d'Athènes aux Aphorismes d'Hippocrate : Ό Νεώτερος 'Εξηγητής. — Reviewing carefully the forty-three passages which Stephanos ascribes to Galen, the author reaches the conviction that this attribution is erroneous. Are not the passages in question to be attributed to the exeget called the «Newer Exeget», whom Stephanos asserts «he is explaining him» ?

REB 56 1998 France p. 79-139

Constantin ZUCKERMAN, Two reforms of the 370s : recruiting soldiers and senators in the divi­ded Empire. — Cet article examine le mot du 4e siècle temonarius en trois contextes diffé­rents. Le mot est attesté, le plus souvent, en relation avec le recrutement. La plus grande par­tie de cet article est consacrée à l'examen des preuves portant sur les procédures de recrutement au 4e siècle, leurs antécédents et les changements radicaux de la fin du siècle. L'usage du mot temonarius en relation avec les devoirs des sénateurs nouvellemnt promus suggère quelques observations sur le recrutement et le statut du Sénat dans l'empire d'Orient. En dernier lieu, l'apparition de ce mot dans les Actes de Maximilien permet à l'auteur de ver­ser, dans un Appendice, une nouvelle lumière sur ce remarquable exemple d'hagiographie précoce.

REB 56 1998 France p. 141-168

Thierry GANCHOU, Héléna Notara Gateliousaina dAinos et le Sankt Peterburg Bibi. Pubi. gr. 243. — Unpublished Genoese documents allow to identify the last ruler of Ainos. This prin­cess, the widow of Giorgio Gattilusio (t 1449), the elder son of Palamedes of Ainos, was one of the four daughters of the famous Loukas Notaras. Furthermore, Helena Notara Gateliousaina was the owner of the now Sankt Peterburg Bibli. Publi. gr. 243, a manuscript offered her by her father, and elaborated in the prestigious Hodegoi scriptorium of Constantinople in 1450. Apparently married for the second time to some Kantakouzenos after she was evicted from Ainos, this eldest sister of Anna Notara died without posterity, between 1459 and 1485, under the monastic name of Euphrosyne.

REB 56 1998 France p. 169-191

Bernard POUDERON, Le codex Parisinus graecus 7555 A et sa recension de l'Épitomè byzantin d'histoires ecclésiastiques. — The Parisinus gr. 1555 A codex includes, in its own recension of the Byzantine Epitome of ecclesiastic histories, two series of anonymous fragments which are separated by a brief chronology of the Constantine family. The first series (527-609) shows remarkable parallels with John Malalas' Chronicle, and above all with Theophanes',