sida solidarité magazine n°14

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SIDAsolidarité #14 mai 2005 Profession : travailleuses du sexe Propriété intellectuelle et accès aux médicaments : la dernière chance ! /6 VI èmes Assises Nationales de l’ALCS : Back to Casablanca /7 Comprendre l’organisation de la prise en charge afin de mieux orienter/14 Intérêt du dépistage précoce/16 PDF created with pdfFactory trial version www.pdffactory.com

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Bulletin d'information de l'ALCS Sida Solidarité Magazine N°14 Mai 2005

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SIDAsolidarité#14

mai 2005

Profession : travailleuses du sexe

Propriété intellectuelle et accès aux

médicaments : la dernière chance ! /6

VIèmes Assises Nationales de l’ALCS : Back to Casablanca /7

Comprendre l’organisation de la prise

en charge afin de mieux orienter/14

Intérêt du dépistage précoce/16

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Asolidarité#14 mai 2005

Sommaire

SIDAsolidarité#14 mai 2005 Actualités /3 Visite Royale à l’Hôpital de jour Lancement de la 4ème phase de la campagne nationale sur le sida International /4 L'Inde a voté le changement de sa loi sur les brevets Le Brésil refuse l'aide conditionnée des Etats-Unis Recherche /5 Bébés séropositifs: anti-rétrovirus plus efficaces les deux premiers mois Le bacille qui croque du VIH ! Interview / 6 Othman Mellouk : « Propriété intellectuelle et accès aux médicaments : La dernière chance ! » Evènement / 7 VIèmes Assises Nationales de l’ALCS : Backto Casablanca ! Pourquoi le VIH-Sida, les droits de la personne, et la santé publique sont indissociables ? ICI 5 À 7 ANS Dossier / 9 : Profession :Travailleurses Du sexe/11 Prostitution féminine : Et dire qu’on les appelle les filles de joie ! BOUSBIR : Quand la prostitution était « légale » au Maroc Comprendre l’organisation de la prise en charge pour mieux orienter/14 Pole d’excellence ou centre référent ? Marrakech hésite !/15 Intérêt du dépistage précoce/ 16 Prévention /17-18 Laayoune : L’ALCS à la conquête du Grand Sud Marocain Marrakech : L’ALCS et Manix investissent le milieu festif ALCS News /19

EDITO

Visite Royale Le dimanche 3 avril, Sa Majesté le Roi Mohammed VI nous a fait un grand honneur en effectuant une visite privée du service des maladies infectieuses du CHU Ibn Rochd. Au cours de cette visite, qui a durée une heure et quart, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, accompagné de son Secrétaire particulier, Monsieur Rochdi Chraibi et de son Conseiller, Madame Zouliha Nasri, a vu les personnes vivant avec le VIH hospitalisées, une par une et leur a posé des questions sur leur traitement et leur préoccupations. La principale préoccupation exprimée par les patients a été la pérennité des traitements antirétroviraux et la menace sur l’accès aux génériques. Au cours de la visite de la pharmacie du service, Sa Majesté le Roi a posé plusieurs questions sur l’origine des médicaments dont nous disposons pour le traitement des patients atteints d’infection à VIH, ce qui nous a donné l’occasion d’exprimer notre inquiétude quand à la menace sur la disponibilité des médicaments génériques, au lendemain du nouveau renforcement de la propriété intellectuelle au Maroc. Cette visite a été l’occasion pour Sa Majesté de constater que l’hôpital de jour, que la Fondation Mohammed V avait équipé et que Sa Majesté avait inauguré en novembre 2002, était remarquablement bien entretenu par l’Association de lutte contre les Maladies infectieuses (ALMI) et qu’il répondait aux besoins des patients. A la fin de la visite du service nous avons exposé à Sa Majesté les grands axes des actions de prise en charge et de prévention de l’ALCS et nous lui avons fait par des obstacles que nous rencontrons. Sa Majesté le Roi a été très attentif à nos préoccupations, considérant qu’elles n’étaient très certainement que le résultat d’un manque de communication entre les responsables gouvernementaux et l’ALCS, et qu’un dialogue entre nous nous permettra de résoudre les problèmes. . Enfin, Sa Majesté le Roi nous a encouragé à organiser un nouveau Sidaction. Cette visite confirme l’intérêt que porte Sa Majesté à la lutte contre le SIDA dans notre pays, intérêt qui s’est exprimé par le discours historique que Sa Majesté avait fait lire à l’Assemblée Générale des Nations Unies sur le Sida, en 2001et par l’inauguration de l’Hôpital de Jour du service des maladies infectieuses de l’hôpital Ibn Rochd de Casablanca. . L’intérêt que porte Sa Majesté à cette cause lui a donné une impulsion extraordinaire qui s’est exprimée, au plan national, par l’engagement de plusieurs départements gouvernementaux. Au plan international, l’attitude du Chef de l’Etat du Royaume du Maroc est donnée en exemple par l’OMS. Cette visite vient de nous faire faire l’économie de plusieurs mois de plaidoyer et permettra à la lutte contre le VIH/SIDA au Maroc, de faire un bon considérable.

Hakima Himmich

SIDAsolidarité/ Bulletin interne de l’Association de lutte contre le sida Directeur de publication : Hakima Himmich Rédaction : Rose Marie Marque, Nadia Rafif, Othman Mellouk Contact : [email protected]/ Tél.fax : 00 212 44 43 98 43/ www.alcsmaroc.org

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Asolidarité#14 mai 2005

Actualités

Visite Royale à l’Hôpital de jour Sa Majesté le Roi Mohammed VI a effectué le dimanche 3 avril dernier une visite privée, sans protocole et sans medias, au service des maladies infectieuses du CHU Ibn Rochd à Casablanca où il a été reçu par Hakima Himmich. Cette visite faisait suite à une promesse que le Roi avait faite lors de l’inauguration de l’Hôpital de jour, en novembre 2003. Le souverain qui était accompagné de M. Rochdi Chraibi, Directeur du Cabinet Royal, et de son Conseiller, Mme Zolikha Nasri, a passé plus d’une heure dans le service qu’il a visité ainsi que l’hôpital de jour. Il a discuté avec tous les patients hospitalisés pour infection à VIH, leur demandant, notamment, s’ils avaient leur traitement et comment ils allaient. Lors de la visite de la pharmacie, Sa majesté a posé des questions sur la disponibilité des génériques, ce qui nous a donné l’occasion d’exprimer notre inquiétude quand à leur disponibilité à l’avenir. Sa Majesté a également demandé à Mme Zolikha Nasri de nous aider pour l’organisation du Sidaction. Pour parler des actions de l’ALCS en matière de prévention et de prise en charge, des posters ont été exposés à la salle de réunion de l’hôpital de jour. Cela a été l’occasion pour Hakima Himmich de parler des difficultés rencontrées sur le terrain, par les intervenants des projets PPF, PPM. Sa Majesté a estimé que ces difficultés étaient certainement le résultat d’un manque de communication. Cette visite est une manifestation supplémentaire de l’intérêt que porte Sa Majesté le Roi au problème du SIDA dans notre pays. Comme les précédentes manifestations elle fera faire un bond en avant à cette lutte et lui donnera un maximum de crédibilité. Lancement de la 4ème et dernière phase de la campagne nationale contre le sida

La 4ème et ultime phase de la campagne de communication sociale sur le sida et traitant cette fois-ci de la promotion du dépistage anonyme et gratuit, vient d’être lancée début avril 2005. L’organisation au niveau régional de manifestations pour la promotion du dépistage anonyme et gratuit est prévue dans les semaines à venir. Il sera également question de sensibiliser davantage la population pour la prévention. A cette occasion, des affiches « Faire le Premier Pas, Faire le Test » ont été réalisées ainsi qu’un spot radio en arabe encourageant à faire le test. Un dépliant reprenant les informations sur le dépistage et donnant les numéros de téléphone des différents centres de dépistage régionaux existant a été conçu pour l’occasion. Ces centres de dépistage anonyme et gratuit existent aujourd’hui dans les villes d’Agadir, Azrou, Beni Mellal, Casablanca, El Kelaa, Essouira, Fès, Guelmim, Khénifra, Marrakech, Meknès, Oulad Teima, Rabat, Settat, Tanger, Taroudant, Taza et Tétouan. Il est prévu au cours des prochains mois d’ouvrir 15 nouveaux centres dans les villes qui n’en disposent pas encore et ce dans le cadre du programme d’appui du Fonds Mondial.

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Asolidarité#14 mai 2005

International L'Inde a voté le changement de sa loi sur les brevets

Si le texte adopté assouplit, à court terme, l'ordonnance initiale rédigée par le gouvernement indien, à long terme, il hypothèque la possibilité pour les patients des pays pauvres d'avoir accès à des médicaments vitaux. Désormais, les nouveaux médicaments pourront être protégés en Inde pour 20 ans contre la copie. Or ce pays était le principal fournisseur de médicaments génériques pour les malades du sida dans les pays pauvres. La mobilisation des associations dans laquelle l’ALCS s'était impliquée, en Inde et un peu partout dans le monde, n'aura donc pas suffi. Les parlementaires indiens ont voté la réforme de la loi sur les brevets, qui protégeront désormais les nouveaux médicaments pour 20 ans. Les laboratoires indiens ne pourront plus - ou sous des conditions d'une

telle complexité qu'elles risquent de se révéler impraticables - produire et distribuer des copies génériques, à des prix abordables, des médicaments dont des millions de malades dépendent pour survivre. Le sort des malades du sida est particulièrement préoccupant, puisque 50% de ceux qui bénéficient d'un traitement antirétroviral (ARV) dans les pays pauvres reçoivent des génériques indiens.

Un an après, le Canada n'a toujours pas appliqué la loi sur les ARV génériques

Un an après que le Canada ait voté la loi autorisant la fabrication et l'exportation des médicaments antirétroviraux (ARV) génériques vers les pays pauvres, pas une seule pilule n'a été exportée, selon le journal canadien Canadian Press. "Le retard dans l'application de cette loi est absolument ridicule et intolérable", a dit Stephen Lewis, l'envoyé spécial des Nations Unies pour le VIH/SIDA en Afrique. "En fait, il n'y a pas eu d'initiative significative pour la production et l'exportation de médicaments génériques."

La loi C-9 avait été votée en mai 2004 pour faciliter la vente de médicaments génériques aux pays en développement, notamment en Afrique. Mais selon un responsable du ministère canadien de l'Industrie, Doug Clark, cité par le quotidien Canadian Press, la loi peut servir une cause humanitaire mais elle n'enrichira pas les fabricants de médicaments génériques. "L'exportation des médicaments sera possible dans le futur mais il n'y a toujours pas de garantie", a dit Tony Parmar de Médecins Sans Frontières (MSF). "Aucun fabricant de médicaments génériques n'a montré l'intérêt de faire usage de la loi", a-t-il ajouté.

Le Brésil refuse l'aide conditionnée des Etats-Unis

Afin de lutter contre le sida, les Etats-Unis étaient prêts à verser 40 millions de dollars au Brésil. Ce dernier vient de refuser l'offre "parce qu'elle était assortie d'une condition : rendre la prostitution illégale". Plus largement, selon certains observateurs, les autorités brésiliennes ont rejeté cette aide parce qu'elle est liée à la campagne morale des néoconservateurs américains. "C'est la Bible qui guide l'Amérique, et non la science", a déploré Pedro Chequer, le responsable du programme brésilien de lutte contre le sida lors d'une conférence de presse. En effet, depuis 2003, une loi fédérale exige que les pays susceptibles de toucher de l'argent des Etats-Unis condamnent publiquement la prostitution. De même, les Etats-Unis ont retiré toute aide aux plannings familiaux des pays où l'avortement est légal.

Or, en impliquant les prostituées dans sa lutte contre le sida, le Brésil a adopté une approche très pragmatique et montré qu'il n'avait pas l'intention de se laisser convaincre par l'idéologie régnant aux Etats-Unis. Pour Washington, au contraire, la lutte contre le sida va de pair avec la lutte contre la prostitution, car celle-ci contribue à l'expansion de la maladie. Le Brésil, très touché par le sida – un tiers des malades sud-américains sont des Brésiliens –, a mis au point une politique de gratuité des préservatifs et des soins pour les plus pauvres. Le ministère de la Santé distribue ainsi tous les mois plus de 20 millions de préservatifs. Quant à l'industrie brésilienne, elle s'est lancée dans la fabrication de médicaments génériques contre le sida, qu'elle vend à bas prix.

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Asolidarité#14 mai 2005

Recherche Bébés séropositifs: anti-rétrovirus plus efficaces les deux premiers mois

Les nouveaux-nés séropositifs ont un taux de développement du sida moins élevé s'ils sont traités avec des thérapies anti-rétrovirales les deux premiers mois de leur vie, selon une étude publiée début Mai aux Etats-Unis. "Il y a une grande différence dans la probabilité de progression du sida et l'espérance de vie quand le traitement anti-rétroviral est entrepris très tôt peut faire toute la différence", a expliqué le Dr Yvonne Maldonado de l'école de médecine de Stanford (Californie) qui a dirigé cette recherche parue dans la dernière livraison du Journal of the American Medical Association (JAMA). Selon cette étude, les enfants traités avec un ou deux médicaments anti-rétroviraux dans les deux mois après leur naissance ont moins de chances de développer le sida dès l'âge de trois ans que ceux ayant bénéficié de

ces traitements à seulement trois ou quatre mois, a-t-elle expliqué. Pour les enfants ayant reçu une combinaison de trois anti-rétrovirus puissants, les résultats ont encore été meilleurs, a souligné le Dr Maldonado. Sur le groupe de 205 nouveaux-nés séropositifs ayant fait l'objet de cette recherche de 1988 à 2001, de 20 à 30% n'ayant eu aucun traitement anti-rétroviral ont développé les symptômes du sida à environ quatre mois. Ils sont apparus vers six ans chez les autres enfants ayant été traités avec un ou deux anti-rétrovirus. Au total 55% des enfants dans les deux groupes sont décédés. Aucun des 23 nouveaux-nés ayant été traités avec une combinaison de trois anti-rétrovirus puissants dans les deux premiers mois de leur vie n'a développé de symptômes aigus du sida comme des pneumonies ou avait décédé avant l'âge de trois ans, ont précisé ces chercheurs. Environ 2,5 millions d'enfants sont nés séropositifs et 1.700 nouveaux cas d'infection périnatale sont enregistré chaque jours, selon des statistiques cités dans l'étude publiés dans JAMA. Aux Etats-Unis, plus de 9.300 enfants séropositifs de moins de 13 ans avaient développé le sida en décembre 2003, selon la même étude. Des orphelins américains cobayes pour le sida ! Le ministère de la Santé américain aurait utilisé des centaines d'orphelins séropositifs comme cobayes afin de tester des médicaments expérimentaux contre le sida dans les années 80 et 90. Et souvent de manière illégale. C'est ce que montrent plusieurs études écrites par les chercheurs en charge de «l'expérimentation» révélées dernièrement par l'agence Associated Press (AP). Selon l'étude, les recherches ont été financées par l'Institut national de la santé (NIH), la première agence de recherche médicale publique. Pour se justifier, le NIH a précisé que, «dans de nombreux cas, cela a permis d'apporter des soins de qualité à ces enfants, ce qui a pu prolonger leur vie». L'enquête menée par AP montre toutefois que nombre de ces enfants, issus en majorité de milieux pauvres et défavorisés, ont été traités avec des médicaments qui provoquaient de graves effets secondaires chez les adultes et dont on ne connaissait pas les effets chez les plus jeunes. Certains d'entre eux seraient morts durant les études, qui ont été menées dans sept Etats, sans que les services sociaux et tuteurs ne fassent un lien direct entre leur décès et les médicaments. Dans une étude toutefois, les chercheurs évoquent un taux de mortalité «troublant» chez des enfants qui ont reçu de fortes doses d'un médicament. D'autres études parlent de l'apparition de boutons, de vomissements ou de baisse soudaine des défenses immunitaires. Selon la loi américaine, du fait de l'absence de parents pour donner leur consentement, le NIH aurait dû désigner un «protecteur» indépendant à chaque enfant à qui on proposait ces «tests», afin de lui expliquer les risques encourus mais aussi afin de s'assurer du «bon déroulement» de l'expérimentation. La règle n'a toutefois été que «rarement» respectée, précise Associated Press. Le bacille qui croque du VIH !

Surprise dans les tubes à essai ! Une équipe américaine a identifié une bactérie vivant dans le corps humain, et qui serait apte à cibler puis à piéger le VIH. La bactérie en question est un lactobacille. Elle est donc présente dans les laitages. Le Dr Lin Tao de l'Université de l'Illinois à Chicago, est à l'origine de cette découverte. "Si nous pouvons trouver un ennemi naturel au VIH, nous pourrons (peut-être) contrôler sa propagation de façon naturelle. Un peu comme le

chat contrôle la souris"... Au-delà de la métaphore, Tao a une explication très sérieuse à l'attrait de ces lactobacilles envers le VIH. "Ils le ciblent parce qu'il est recouvert de mannose, un sucre qu'ils affectionnent tout particulièrement". De là à considérer ces lactobacilles comme l'arme fatale qui viendra à bout de la pandémie à VIH, il reste à un pas à franchir... Sources: American Society for Microbiology, Avril 2005

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Asolidarité#14 mai 2005

Interview

Othman Mellouk « Propriété intellectuelle et accès aux médicaments : La dernière chance ! »

Le parlement marocain a adopté le projet d’accord de libre échange avec les Etats-Unis. La loi marocaine sur la propriété intellectuelle (17/97) vient d’entrer en application. Reste-t-il un espoir au Maroc pour bénéficier un jour de versions génériques de médicaments brevetés ? Ou devrons nous nous contenter de génériques vieux de plus de 20ans ? Il est certain qu’avec le durcissement de la protection de la propriété intellectuelle au Maroc la tâche devient de plus en plus difficile. Nous passons d’un système où il n’y avait pas de brevets sur les médicaments à un autre très contraignant presque semblable à celui des Etats-Unis ou de l’Europe. Sans bien entendu avoir ni leurs moyens, ni leurs systèmes de sécurité sociale. Sachant que chez eux les choses se sont fait progressivement au fur et à mesure de leur développement. Ceci dit il faudra aborder les choses séparément. Il existe toujours une possibilité de limiter les dégâts aussi bien pour la loi 17/97 que pour l’ALE. Il faudrait juste la volonté politique de le faire. La loi 17/97 est une loi nationale. Le Maroc l’a faite afin d’être en conformité avec l’accord ADPIC de l’OMC dont notre pays fait partie depuis sa création en 1994. Force est de constater aujourd’hui que le législateur marocain a repris dans cette lois toutes les contraintes sans y inclure toutes les souplesses accordées par l’OMC aux les pays membres afin de protéger l’accès aux médicaments comme les importations parallèles ou la disposition Bolar. Ou alors, quand cela a été fait, ces souplesses ont été soumises à des conditions qui ne sont guère demandées par l’OMC. C’est le cas par exemple des licences obligatoires qui ne peuvent être émise qu’après un délai de 3 ans. L’accord du 30 août autorisant l’exportation de génériques vers d’autres pays n’a pas été incorporé dans la loi marocaine. Pour un pays disposant d’une industrie pharmaceutique moderne, cela s’avère indispensable. S’agissant d’une loi nationale, rien ne nous empêche de la modifier afin d’y inscrire toutes les souplesses permises par l’accord ADPIC. Les recommandations de l’OMS vont dans ce sens. Qu’en est-il de l’Accord de Libre Echange avec les Etats-Unis ? L’accord est largement ADPIC+. Il dépasse de ce fait ce qui est demandé par l’OMC. En plus il s’agit d’un accord bilatéral qui ne peut être modifié sans l’accord des deux parties ce qui parait peu probable après son adoption par le Parlement et le Congrès.

D’après tous les experts que nous avons rencontrés, tout dépendra de la manière dont se fera la mise en application de l’accord. Normalement, le Maroc devra inclure les dispositions de l’ALE dans sa législation nationale en matière de brevets (Loi 17/97). Il faudra doubler de vigilance lors cette étape. L’une des clauses les plus néfastes de l’ALE est celle portant sur l’exclusivité des données confidentielles car elle peut bloquer les processus de recours aux licences d’office et licences obligatoires pour une durée de 5 ans. Si nos législateurs prévoient une possibilité de lever cette exclusivité (compulsary liability) en cas de délivrance de licence obligatoire, cette clause n’aura pas d’impact majeur. Le Maroc devra s’appuyer sur la lettre d’entendement échangée par les deux pays et dans la quelle il est clairement mentionné que les dispositions de l’accord ne devraient pas empêcher les pays à protéger la santé publique. C’est le moment d’utiliser cette lettre. Après il sera trop tard, car de l’avis des experts, cette lettre n’a pas une grande valeur juridique parce qu’elle ne fait pas partie de l’accord en soi. Concrètement, et dans la pratique, quelles sont les prochaines étapes maintenant si on veut protéger l’accès aux médicaments ? Je crois que la première étape serait d’organiser un atelier national sur la protection de la protection intellectuelle et l’accès aux médicaments dans notre pays. L’atelier se penchera sur l’état actuel des lois, et de faire des propositions afin de tirer au maximum profit des souplesses permises par l’OMC et de réfléchir à des moyens de limiter l’impact négatif de l’ALE puisque aujourd’hui l’accord est irréversible. Le contexte international y est favorable et aujourd’hui toutes les organisations internationales comme l’OMS, PNUD et même l’OMC font des recommandations dans ce sens et proposent une assistance technique aux pays qui le souhaitent. Ces ateliers ont eu lieux dans plusieurs pays et régions et ont donné de bons résultats notamment en élaborant des bonnes pratiques en matière de législations sur les brevets. Notre pays devrait en profiter. Nous avons une proposition au ministère de la santé dans ce sens et nous espérons avoir une réponse favorable. Aujourd’hui le temps n’est plus à la confrontation, nous devons travailler ensemble main dans la main aussi bien la société civile, le ministère de la santé que les fabricants de médicaments génériques locaux. Il s’agit une question essentielle pour l’avenir de la santé dans notre pays et de la réussite du projet d’Assurance médicale obligatoire (AMO).

Propos recueillis par Rose Marie Marque

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Evènement VIèmes Assises Nationales de l’ALCS :

Back to Casablanca ! La section de Casablanca s’apprête à accueillir de nouveau les 6èmes Assises Nationales de l’ALCS et ce après un passage par Méknès, Tanger, Agadir et Marrakech. « Sida, santé et droits de l’Homme » tel sera le thème retenu pour ces Assises qui auront lieu les 27, 28 et 29 mai prochains. En effet, la possession du meilleur état de santé, est l'un des droits fondamentaux de tout être humain quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions, et sa condition économique ou sociale. Et la réalisation progressive de ce droit dans le contexte du VIH/SIDA devrait comporter l'accès sans aucune discrimination aux établissements de santé, à la prévention, aux soins, et au traitement. Le Sida est un problème d'une ampleur sans précédent qui constitue une menace pour le développement, la cohésion sociale et l'espérance de vie. Le silence, la marginalisation, la discrimination et le déni ne font qu'aggraver l'épidémie. Devenues au fil des ans, le rendez-vous privilégié de tous les acteurs de lutte contre le VIH/SIDA au Maroc, les Assises nationales de l'ALCS, se présentent comme une réflexion collective de l'ensemble des volontaires, pour faire le point et repenser nos actions et nos orientations. Elles sont aussi un espace de partage des initiatives et des expériences diverses en matière de lutte contre le Sida. Partenaires nationaux et internationaux, institutions, programmes gouvernementaux et associations amies sont invités à participer activement à ces rencontres. Les Assises se présentent comme un événement qui permettra de renforcer les liens de l'ALCS avec ses différents partenaires, présents et futurs, partenaires au niveau national ou international, partenaires institutionnels et partenaires associatifs.

L'impact des Assises peut être très important auprès des responsables politiques. C'est pourquoi, nous avons veillé à inviter tous nos partenaires aux séances plénières d'ouverture et de clôture, en n'hésitant pas à accorder la parole aux personnes ou aux institutions qui peuvent avoir un impact direct ou indirect sur la lutte contre le SIDA au Maroc. Ainsi cette année seront attendus des représentants au plus haut niveau de différents

départements ministériels dont celui de la santé, de la solidarité et de la jeunesse. Les séances plénières et le travail en ateliers permettront aux volontaires présents : - de réajuster les principes de leur engagement sur la base des orientations politiques prises par le bureau national de l'association, aussi bien dans le domaine de la prévention que du soutien aux personnes vivant avec le VIH/SIDA; - de bénéficier d'une actualisation de leurs connaissances dans le cadre des ateliers de

formation continue; - de renforcer le sentiment communautaire d'appartenance à un mouvement de lutte contre le SIDA; - de relier le travail des volontaires des différentes sections, mais également, les actions des volontaires d'autres associations nationales ou extra-nationales. Enfin, les Assises en interne ont pour objectif de renforcer l'unité et la cohésion du travail des volontaires pour lesquels, elles représentent également un moment de reconnaissance et de ressourcement, d'où l'importance de la convivialité.

« Après l’accès aux traitements, l’accès aux Droits !»

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Asolidarité#14 mai 2005

Pourquoi le Vih/Sida, les droits de la personne et la santé publique sont indissociables ?

Des années d'expérience dans la lutte contre l'épidémie de VIH/SIDA ont confirmé que la promotion et la protection des droits de l'Homme représentent une composante essentielle de la prévention de la transmission du VIH et de la diminution des incidences du VIH/SIDA. La protection et la promotion des droits de l'Homme sont nécessaires tant

pour protéger la dignité naturelle des personnes touchées par le VIH/SIDA que pour atteindre les buts de santé publique que sont la diminution de la vulnérabilité à l'infection au VIH, l'atténuation des conséquences négatives du

VIH/SIDA sur les personnes touchées et l'incitation à la lutte que peuvent mener les individus et les communautés contre le VIH/SIDA.

En règle générale, les droits de l'Homme et la santé publique ont un objectif commun qui est de promouvoir et de protéger les droits et le bien-être de tous les individus. Du point de vue des droits de l'Homme, le meilleur moyen d'atteindre cet objectif est de promouvoir et de protéger les droits et la dignité de chacun en mettant particulièrement l'accent sur les personnes qui sont victimes de discrimination ou dont les droits sont lésés d'une manière ou d'une autre. De même, le meilleur moyen d'atteindre les objectifs de santé publique est de promouvoir la santé pour tous en mettant particulièrement l'accent sur les personnes qui sont exposées à des menaces dirigées contre leur bien-être physique, mental ou social. Santé et droits de l'Homme se complètent donc et se renforcent mutuellement dans tout contexte. Ils se complètent aussi et se renforcent mutuellement dans le contexte du VIH/SIDA.

Un aspect de l'interdépendance des droits de l'Homme et de la santé publique ressort d'études qui ont permis de constater que, si les programmes de prévention et de soins liés au VIH ont des côtés coercitifs ou répressifs, ils ont pour effet de réduire la participation et de renforcer l'aliénation des personnes à risque susceptibles d'être infectées. Ces personnes s'abstiendront de demander des conseils, un dépistage, un traitement ou un soutien en rapport avec le VIH si leur démarche risque d'entraîner une discrimination, une atteinte à la confidentialité et diverses autres conséquences fâcheuses. Il est donc évident que les mesures de santé publique coercitives écartent les personnes qui ont le plus grand besoin de ces services etqu'elles ne peuvent atteindre leurs objectifs de

prévention, fondés sur un changement des comportements, et la fourniture de soins et d'un appui sanitaire.

Un autre aspect des liens entre la protection des droits de l'Homme et des programmes efficaces de lutte contre le VIH/SIDA ressort d'une constatation, à savoir que l'incidence ou la propagation du VIH/SIDA est exceptionnellement élevée dans certains groupes de la population. Selon la nature de l'épidémie et selon la situation juridique, sociale et économique de chaque pays, les groupes qui peuvent être touchés de manière disproportionnée sont les femmes, les enfants, les personnes sans ressources, les minorités, les populations autochtones, les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées dans leur propre pays, les personnes handicapées, les détenus, les prostitué(e)s, les hommes ayant des partenaires de sexe masculin, les toxicomanes par voie intraveineuse, c'est-à-dire des groupes qui souffrent déjà d'une protection insuffisante des droits de l'Homme et d'une discrimination et/ou qui sont marginalisés de par leur statut juridique. Faute de protection des droits de l'Homme, ces groupes, s'ils sont touchés par le VIH/SIDA, ne peuvent éviter l'infection et ne peuvent non plus y faire face.

En outre, il est de plus en plus communément admis au niveau international qu'une action globale de mobilisation des personnes touchées par le VIH/SIDA sous quelque forme que ce soit est l'une des principales caractéristiques des programmes de lutte contre le VIH/SIDA qui réussissent. Cette action globale inclut une autre composante essentielle, à savoir l'élaboration et la création d'un environnement juridique et éthique favorable qui protège les droits de l'homme. À cette fin, il faut prendre des mesures pour veiller à ce que les gouvernements, les communautés et les individus respectent les droits de l'Homme et la dignité humaine et agissent avec tolérance, compassion et solidarité.

On peut tirer de l'épidémie de VIH/SIDA une leçon essentielle, à savoir que les responsables de l'élaboration des politiques, lorsqu'ils définissent l'orientation et le contenu des politiques liées au VIH, doivent être guidés par les normes universellement reconnues en matière de droits de l'Homme et que ces normes devraient être partie intégrante des actions nationales et locales de lutte contre le VIH/SIDA, sous tous leurs aspects.

Source : Directives de l'ONU concernant le VIH/sida et les droits de l'homme, adoptées à la 2e Consultation

internationale sur le VIH/sida et les droits de l'Homme.

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Page 9: Sida Solidarité Magazine N°14

Asolidarité#14 mai 2005

Dossier

L’historique de la prostitution montre qu’elle a toujours existé dans tous les pays quels que soient les anathèmes, les interdits et les contraintes dont elle a été l’objet. Aujourd’hui, il s’agit d’une vraie activité économique guidée par le jeu de l’offre et de la demande attaché à tout commerce. Le Maroc ne fait guère exception. Et en matière d’offre et de demande on a l’embarras du choix. D’un côté une pression sociale et religieuse réprimant toute forme de sexualité en dehors du mariage, et poussant plusieurs hommes dans les bras des prostitué(e)s afin d’assouvir l’un des besoins les plus basiques de l’être humain qu’est l’instinct sexuel. De l’autre une offre aussi diversifiée que variée allant du jeune éphèbe à la femme mure en passant par la jeune lycéenne voire des enfants mineurs. Le client ? C’est tout le monde. Mais bizarrement presque toujours des hommes ! Du jeune adolescent à la découverte de son corps à l’homme marié à la recherche de plaisirs interdits. Si certains la considèrent comme une aliénation et une nouvelle forme d’exploitation des personnes, la prostitution disparaîtra-t-elle un jour ? Il faudrait pour cela que les causes mêmes de la prostitution n’existent plus : amélioration des conditions économiques permettant une vie décente et disparition des interdits sexuels. C’est dire que ce n’est pas pour demain !

Dossier préparé par N. Rafif et O. Mellouk Photos (y compris couverture) Alice Sidoli

Profession : Travailleuses du

sexe

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Asolidarité#14 mai 2005

Dossier Prostitution féminine : Et dire qu’on les appelle les filles de joie !

Certains les appellent les « filles de joie ». Expression destinée à désigner des femmes généralement aux mœurs légères, à la sexualité exaltée, paresseuses, ayant des goûts de luxe et avides d’argent facile… La réalité est tout autre. La majorité des femmes rencontrée dans les projets de prévention de proximité de l’ALCS sont des femmes sensibles, honnêtes et travailleuses.

Elles ont entre 15 et 45 ans. Nées pour beaucoup d’entre elles au sein de familles nombreuses et occupant les premiers rangs de la fratrie, elles se voient obligées, de ce fait, d’assumer une partie des charges financières de leur famille, ou au moins de prendre charge de leurs propres dépenses. En exerçant la prostitution, certaines tendent à épargner aux sœurs plus jeunes voire à leurs filles d’affronter le même sort. Elles se sacrifient pour que leurs familles jouissent d’une vie meilleure.

Plusieurs d’entre elles sont déjà passées par l’expérience du mariage, mais sont actuellement, soit divorcées, soit veuves. Selon elles, le divorce reste l’un des déterminants majeurs de la prostitution.

D’ailleurs, c’est ainsi que nombre d’entre elles ont expliqué leur entrée dans le monde de la prostitution. Pour les autres, ce sera une défloration ou une grossesse accidentelle à la suite d’une aventure amoureuse qui a mal tourné. Une fois l’amant évaporé et la famille au courant elles se retrouvent du jour au lendemain sur le trottoir. Certaines ont antérieurement travaillé en tant qu’ouvrières, notamment dans les industries textiles et agro-alimentaires. Mais face à la modicité des salaires, et aux excès de l’harcèlement sexuel, elles s’étaient trouvées, contraintes d’exercer une profession à revenu plus élevé, et de tirer profit de la marchandisation de leur corps au lieu de se laisser doublement exploiter par des patrons peu scrupuleux. Le prix moyen de la passe varie selon les saisons, les lieux de la drague et le profil du client. Pour la majorité, cela ne dépasse guère les 100 DH. L’été reste, la période ou la demande atteint des pics annuels, suivie des jours de fin de semaine et des fêtes religieuses. Pendant les autres saisons et les autres jours de la semaine, l’activité tourne au ralenti et les prix tendent à la baisse et ne dépassent guère les 20 DH. Chaque jour apporte son lot de violences : les insultes, la stigmatisation, les coups, les viols collectifs… Une violence exercée aussi bien par les clients souvent sous l’effet de la drogue ou de l’alcool, que par les proches, les frères et les pères. Même la police y passe. Certains policiers peu scrupuleux profitent de leur détresse pour abuser sexuellement d’elles ou leur soutirer de l’argent sous la menace d’une arrestation. Résignées, elles acceptent leur sort. C’est le risque du métier. Le Mektoub. Porter plainte ? Elles n’y songent même pas. Franchir la porte du commissariat c’est la voie directe pour la prison. Les prostituées n’ont pas de droit. Elles sont hors la loi tout court ! Le sida et les infections sexuellement transmissibles, elles en ont entendu parler et les regroupent sous le terme générique de l’berd (le froid). Par contre elles maîtrisent rarement leurs modes de transmission. Quand aux préservatifs, quasiment toutes les connaissent, mais ne les utilisent que occasionnellement, quand le client l’accepte. Souvent pour des relations vaginales, mais rarement pour un rapport anal et presque jamais lors d’une fellation ! Celles ayant fréquenté l’ALCS et bénéficié de séances de sensibilisation, ont bien assimilé l’intérêt de la prévention et utilisent régulièrement le préservatif. Mais, elles reconnaissent parfois s’en passer devant le refus du client. Pour elles, l’homme marocain n’aime pas les préservatifs et préfère le contact direct de la chair. Devant la concurrence d’autres collègues qui ne rechignent pas à avoir des relations non protégées, refuser un client c’est la course vers la faillite. La prévention de proximité a ainsi ses limites. Il ne suffit pas d’éduquer les professionnelles du sexe, mais c’est tout le pays qui est à éduquer. La multiplication des campagnes de préventions ces deux dernières années grâce aux projets Fonds Mondial a initié le travail. Reste à l’inscrire dans la continuité.

O. Mellouk

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Dossier

Prostitution dans les villages : Les Yeux Secs d’Aghbala !

En 2003, Narjis Nejjar, une jeune cinéaste marocaine défraie la chronique avec son premier long métrage « Les yeux secs » doublement récompensé au Festival International du Film de Marrakech et le très prestigieux Festival de Cannes. L’action se déroule dans un village berbère du Moyen Atlas : Aghbala . Peuplé essentiellement de femmes qui vivent du commerce de leur corps, seuls y entrent les hommes qui paient. Loin de faire l’apologie de la prostitution, le film est un véritable plaidoyer pour dénoncer les conditions de vie des femmes d’Aghbala, pourtant l’affaire arrivera jusque sous la coupole du parlement par les habitants de la régions désormais « souillés dans leur honneur » et « atteints dans leur dignité » par le contenu du film. Pourtant des Aghbala il y en a plein au Maroc. Quasiment chaque région a son village « réservé aux prostituées » et ce depuis des décennies. On ne dénombre plus les Moulay Brahim, Imouzzer, Azemmour, El Hajeb, El Gara etc. Comme quoi la prostitution n’est pas qu’un phénomène urbain. Dans ces villages, des ruelles sont aménagées pour accueillir les prostituées. Elles cohabitent paisiblement avec la population qui tire même profit du tourisme régional généré par la présence des maisons closes souvent sous l’oeil complice des autorités locales. Dans ces maisons, les jeunes de la région viennent tenter leurs premières expériences

sexuelles. Des adultes de tous les ages viennent s’enivrer dans les bras des prostituées aux rythmes des chikhates locales dans des soirées très spéciales organisées par les patronnes. D’autres viennent y chercher quelques minutes de plaisir en échange d’une poignée de dirhams. Cette forme de prostitution reste encore très peu étudiée par les chercheurs, et la prévention demeure inaccessible voire méconnue. En 2003, l’ALCS a démarré des actions de prévention dans deux villages, l’un dans le Moyen Atlas à El Hajeb, l’autre dans le Haut Atlas à Moulay Brahim (avec le soutien du FNUAP). Des projets pilotes qui permettront de mieux connaître cette forme de prostitution et de sortir avec des stratégies de prévention adaptées. Un travail qui commence à donner de bons résultats puisque nous constatons, aujourd’hui, que l’utilisation des préservatifs commence, petit à petit, à apparaître, ainsi que l’accès au dépistage et aux consultations IST. Mais plusieurs difficultés restent à surmonter notamment le manque de collaboration des autorités locales et la susceptibilité des habitants autochtones qui comme ceux d’Aghbala, refusent encore qu’un étranger vienne se mêler des histoires internes du village. La solution passe par l’organisation des professionnelles du sexe et l’éducation par les pairs. L’ALCS y travaille activement…

O.M

Questions à Noura Mejjad Coordinatrice du projet de prévention féminine à l’ALCS Les travailleuses du sexe fréquentant l’ALCS sont souvent présentées comme des personnes vivant dans une grande précarité. N’est ce pas là un excès de misérabilisme ? Cantonner ces femmes dans un statut permanent de victimes c’est aussi une manière de leur retirer une part de responsabilité de la situation qui est la leur ? Ce n’est pas un excès de misérabilisme. Il existe, bien entendu, au Maroc des professionnelles du sexe d’un niveau socio-économique plus élevé et qui s’en sortent mieux. Mais nous avons choisi, à l’ALCS, de cibler la catégorie la plus vulnérable parce qu’elle est la moins armée pour faire face à la maladie. Ces femmes vivent dans des conditions très difficiles et sont souvent d’une grande précarité. C’est une réalité qu’on ne peut pas nier. Quels sont les services proposés par l’ALCS dans le cadre du projet de prévention féminine ? Nous assurons des permanences sur les lieux de la prostitution au cours desquelles, nos intervenant(e)s discutent avec les femmes. Il leur est donné à cette

occasion des informations sur le sida, des préservatifs et des explications sur les services dont elles peuvent bénéficier au local de l’ALCS. Quand elles nous rendent visite à l’association, elles peuvent participer à des séances de sensibilisation plus approfondies. Et également se procurer des préservatifs, faire un test de dépistage ou des consultations gynécologiques gratuitement. De temps en temps des séances de convivialité sont organisées et souvent, ce sont les femmes elles même qui en choisissent le thème. Plusieurs femmes évoquent la difficulté de convaincre leurs clients d’utiliser le préservatif ? En effet, beaucoup d’hommes continuent à refuser le préservatif. Parfois même ils sont prêts à payer plus cher pour une relation non protégée. Notre travail ne consiste pas seulement à donner des informations ou à distribuer des préservatifs. Lors des séances collectives il nous arrive d’organiser des exercices de jeu de rôles afin d’apprendre aux femmes à renforcer leur pouvoir de négociation de la prévention face aux clients réticents. Nous essayons également de créer des liens de solidarité entre elles, une sorte de « conscience professionnelle », pour que toutes refusent les relations non protégées. Les clients n’auraient alors pas le choix. Bien entendu cela reste difficile devant la tentation de l’argent ,vu leurs conditions économiques.

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Dossier BOUSBIR : Quand la prostitution était « légale » au Maroc ! Dans les années 40, le très officiel Guide de Casablanca et sa région invitait « les touristes, amateurs d’études de mœurs… à gagner la ville close de Bousbir, quartier neuf réservé aux femmes publiques. Recluses entre des murs infranchissables et bien qu’évoluant dans un cadre qui ne manque pas de poésie, ces dernières se trouvent là, obligatoirement assujetties à la surveillance constante et vigilante de la police et des services sanitaires (entrée gratuite, autorisée à tous les visiteurs, non recommandée aux enfants et aux jeunes filles) ». Retour sur une page de l’histoire de la prostitution au Maroc…

En 1914, sous le protectorat français, les autorités locales à Casablanca, pour des raisons d’hygiène, de contrôle politique et de sécurité, décidèrent de grouper dans quelques ruelles faciles à surveiller un certain nombre de prostituées. Dans un quartier bâti par des marocains, sur des terrains loués à un certain Prosper Ferrieu, quelques lots furent affectés à la réalisation de quartier réservé. Malgré son opposition, M. Ferrieu, qui n’était que propriétaire du terrain, ne put empêcher la fixation pour une dizaine d’années, du premier quartier réservé de Casablanca à qui il devait donner, bien involontairement, son prénom : Prosper devenu Bousbir ! En 1923, le chef des Services municipaux de Casablanca exigea que les prostituées fussent réunies dans un quartier moins central que le Derb Bousbir, qui se trouvait à Bab Marrakech en bordure

de l’Ancienne Médina. On fit appel à l’initiative privée et une société immobilière fut créée. Un plan du quartier a été réalisé par un architecte municipal et imposé à la société immobilière. Quand les prostituées vinrent s’installer dans leur nouvelle résidence, le nom même de l’ancien quartier, « Derb Bousbir », devint rapidement celui du « quartier réservé ». Entièrement clos de murs, le quartier de Bousbir ne possédait qu’une seule entrée en baïonnette gardée par un double poste, militaire et policier. Il était composé de blocs à usage d’habitation au nombre de 21 d’importance inégale contenant de 2 à 52 logements destinés à accueillir les prostituées. Les blocs étant séparés de petites ruelles portant le nom de femmes de toutes les régions du Maroc (la Marrakchia, la Fassia, la Doukkalia, la Mzabia etc. ). On y trouvait également 8 cafés, des boutiques (coiffeurs, tabacs etc…), un hammam et un même un cinéma ! Les femmes pouvaient s’y installer soit de leur propre gré, pour cela il suffisait d’aller se faire déclarer dans un poste de police et de subir un examen médical ; soit après une rafle de police des spectacles et moralité ( !), ancienne police des mœurs. Mais si les peintres, « poètes maudits », journalistes, navigateurs et autres militaires stationnés à Casablanca, ont créé une légende érotique sur Bousbir chantant les charmes de la femme voilée et reprenant à son compte toutes les fabulations des contes des Milles et Une nuits et tous les poncifs de l’orient. La vérité était tout autre. En effet, sous le couvert d’un illusoire contrôle médical (le sida de l’époque c’était la syphilis), se faisait une honteuse exploitation de la prostituée marocaine. Car si à Bousbir le « maquereau » n’existait pas, la patronne jouait le même rôle que lui et faisait peser sur ses pensionnaires une autorité aussi absolue. Ainsi, en dehors de quelques femmes travaillant seules, toutes les autres étaient exploitées par ces matrones qui exerçaient sur elles des sévices souvent cruels. La patronne habillait, nourrissait et logeait les femmes qu’elle protégeait ; mais s’emparait de la totalité ou prélevait une part importante de leurs gains. Un astucieux système d’avances faisait de la patronne une éternelle créancière. Exploitée dans le quartier réservé par la patronne, par la police, quelques fois par son client de passage, elle pouvait même devenir une source de revenus pour le personnel du dispensaire. La prostituée à Bousbir était une domestique dans le sens étymologique du mot. Elle se vendait, elle s’achetait avec la maison elle-même. Assujettie, dépendante, esclave, elle n’avait qu’un moyen de rompre ses attaches, l’évasion. Encore fallait-il qu’elle soit assez intelligente, assez courageuse, aussi, pour vivre seule à Casablanca ou retourner dans sa tribu d’origine. C’est en 1953, trois ans avant l’indépendance du Maroc qu’on décida de fermer définitivement les quartiers réservés et Bousbir fut le premier de la liste. Apres l’indépendance le quartier a été conservé et n’a subi aucun changement qui l’aurait affecté en matière d’urbanisme et d’architecture hormis sa fonction de quartier réservé aux prostituées. Il sert désormais de quartier de résidence réservé aux Mokhaznis (forces auxiliaires) et à leurs familles et est connu de nos jours par les casablancais comme le quartier de la Baladiya (municipalité). A la fin des années 90 la municipalité a débaptisé ses rues, une tentative d’occulter ainsi la mémoire du quartier.

Sources : Bousbir : La prostitution dans le Maroc colonial. De J. Mathieu et P.H. Maury aux Éditions Paris-Méditerranée

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Prise en charge Comprendre l’organisation de la prise en charge afin de mieux orienter

Au Maroc, la prise en charge de l’infection à VIH est actuellement exclusivement hospitalière. Elle est organisée selon les recommandations de la circulaire ministérielle qui a tracé les grandes lignes du circuit des patients entre les pôles d’excellence et les centres référents. Comprendre et maîtriser cette organisation, est un élément indispensable, pour tous les acteurs de la lutte contre le sida afin de mieux orienter les personnes vivant le Vih/sida vers les structures de soin. Pôles d’excellence et centres référents Deux « pôles d’excellence » sont crées pour la prise en charge du VIH/SIDA et la formation des professionnels de santé dans ce domaine. Le pôle d’excellence Nord est constitué par le service de Médecine A de l’hôpital Ibn Sina à Rabat. Il couvre la zone Nord du pays. Le pôle d’excellence Sud est constitué par le service des Maladies Infectieuses de l’hôpital Ibn Rochd à Casablanca. Il couvre la zone sud du pays. Ces deux pôles d’excellence travaillent en étroite collaboration avec des centres référents au niveau régional. Les centres référents sont situés dans les Centres Hospitaliers Régionaux et dans l’Hôpital d’Instruction Militaire Mohammed V à Rabat disposent de médecins référents formés pour la prise en charge de l’infection par le VIH/SIDA. Ces centres référents sont représentés au niveau de la zone Sud , par les hôpitaux régionaux d’Agadir, Safi, Marrakech, El Jadida, Beni-Mellal et Laâyoune. Et de la zone Nord, par les Hôpitaux régionaux de Tanger, Tétouan, Fès, Meknès, Oujda et Kénitra. Les patients qui ont une sérologie VIH positive doivent être adressés pour une première consultation au médecin du centre référent de préférence ou au pôle d’excellence si cela est nécessaire. Au cours de cette consultation, l’annonce de la séropositivité est faite, ainsi qu’un examen clinique complet. Un bilan biologique et radiologique initial est réalisé. Ce bilan permet d’évaluer l’état immuno-virologique du patient ( Typage des lymphocytes CD4 et une quantification de la charge virale), d’évaluer le statut sérologique du malade vis-à-vis des germes des infection opportunistes , de chercher une infection opportuniste évolutive et d’éliminer les contre indications à un traitement antirétroviral. Le patient sera revu quinze jours après pour une deuxième consultation, au cours de la quelle une décision thérapeutique sera prise en fonction des résultats du premier bilan. Trithérapie antirétrovirale Les combinaisons de trois molécules antirétrovirales, appelées trithérapie et utilisées depuis 1996, permettent de réduire la charge virale plasmatique ce qui aide à la restauration de l’immunité, elle-même à l’origine de l’amélioration clinique. La condition sine qua non de l’efficacité d’un traitement antirétroviral est la prise régulière de ce traitement. En effet une mauvaise observance au traitement entraîne l’apparition des résistances vis à vis des médicaments. Au Maroc, la trithérapie antirétrovirale a été introduite depuis 1999 en partenariat avec le Ministère de la Santé publique et le Fond de Solidarité Thérapeutique Internationale. En 2003 la généralisation de la trithérapie à tous les patients infectés par le VIH a été obtenue grâce au Fond Mondial en partenariat avec le Ministère de la Santé publique. La prescription initiale et les modifications ultérieures du traitement par les antirétroviraux se font au niveau des pôles d’excellence. Les centres référents assurent le suivi médical et l’approvisionnement régulier des patients en médicaments antirétrovirales. Au Maroc, il existe un programme d’éducation thérapeutique permettant d’améliorer l’observance au traitement. Donc après l’institution d’une trithérapie, le patient doit bénéficier d’une séance d’éducation thérapeutique, ainsi d’un suivi clinique et biologique pour évaluer la tolérance et l’efficacité de ce traitement. La surveillance étroite de tout patient traité par une les antirétroviraux permettra de gérer mieux les effets indésirables, d’évaluer l’efficacité du traitement et d’intervenir rapidement en cas d’échec L’infection à VIH constitue une véritable maladie chronique qui nécessite une prise en charge multidisciplinaire et un suivi clinique et biologique régulier pour obtenir une bonne observance du traitement et d’éviter ainsi le développement de résistance du virus.

Dr. Marih

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Décentralisation :

Centre référent ou Pôle d’excellence ? Marrakech hésite ! Mars 2001, un séminaire national destiné à la réflexion sur la décentralisation de la prise en charge de l’infection au VIH-SIDA au sein des Centres référents (CR) de province est organisé par le Programme National de Lutte Contre le Sida (PNLS). En effet, la mise en place de ces centres, qui permettra la décentralisation des soins prodigués aux personnes atteintes par le VIH devenait une réalité incontournable face à la généralisation de l’accès aux thérapies antirétrovirales au Maroc. Il est donc décidé de créer et/ou renforcer des centres référents dans les hôpitaux régionaux de plusieurs villes y compris Marrakech. La création de nouvelles facultés de médecine à Marrakech et à Fès avec leur CHU motive la création de nouveaux Pôles d’Excellence (PE) dans ces deux villes à l’image de Casablanca et de Rabat. Le Pôle d’excellence initialement prévu pour la fin 2003, d’après le plan stratégique national de lutte contre le VIH/SIDA 2002-04 semblait de bon augure pour la ville de Marrakech. Quatre ans plus tard, où en sommes nous ? Durant des années, le centre référent de Marrakech installé à l’Hôpital Avenzohar, a consisté à accueillir quelques personnes touchées dans la ville, à soigner les infections opportunistes, et à stabiliser les cas avant de les adresser au PE de Casablanca pour une prise en charge antirétrovirale et/ou un suivi biologique. Il fonctionnait également comme un service d’urgence qui recevait les personnes sous trithérapie ou non en cas de problème grave. Le manque de moyens réservés à ce centre ne lui a jamais permis d’assumer pleinement son rôle. Malgré la présence de personnel qualifié. Depuis un an, et grâce à la persévérance de l’équipe du service et de l’ALCS à Marrakech, le centre référent a, petit à petit, commencé à jouer un rôle de plus en plus important dans la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA (PVVS) dans la région. Aujourd’hui grâce à la collaboration étroite qui a été instaurée entre l’équipe soignante et la commission prise en charge de l’ALCS, le nombre de personnes suivies ne cesse de croître passant de 11 patients seulement en 2003 à 71 en 2004. Le taux de déplacements des malades, souvent coûteux et pénibles, au PE de Casablanca a été sensiblement diminué. Des formations ont été organisées en collaboration avec l’ALCS et le service des maladies infectieuses (SMI) sur la prise en charge de l’infection à VIH, l’éthique et les risques d’exposition au sang. Les infirmiers et éducateurs de l’ALCS ont été formés à la prise en charge thérapeutique des patients. En mars 2003, un programme d’éducation thérapeutique est démarré en collaboration avec la Fondation GSK. En un an, 126 séances d’éducation thérapeutique ont été données. De son côté, le Ministère de la santé a nommé un infectiologue spécialisé à Marrakech.

Petit à petit, grâce à la débrouille, le centre référent a commencé à s’équiper. On s’arrange comme on peut, on repeint une salle, on y installe un fauteuil de prélèvement, et on commence à réaliser les prélèvements pour les numérations des CD4 et de la charge virale. Le centre référent commence enfin à assumer pleinement son rôle même si, sur place, on attend toujours le matériel promis maintes fois pas le ministère de la santé, et une énième réunion de renforcement annulée ou reportée plusieurs fois. De l’autre côté, le projet de création du Pôle d’excellence, reste lettre morte sur le papier et ne figure guère que sur les présentations du Ministère de la santé. Allant même jusqu’à semer la confusion sur le devenir du Centre référent de l’Hôpital Avenzohar une fois le Pôle d’excellence du CHU mis en place. Le ministère de la santé ne semble pas avoir de vision claire quand à l’avenir de la prise en charge de l’infection à VIH à Marrakech. Ou alors si cette vision existe personne ne l’a encore expliquée au personnes, aujourd’hui, investies dans cette prise en charge. Il n’existe pour le moment aucune forme de collaboration entre le CHU et le Centre référent, et il n’y a pas, à notre connaissance, de service d’infectiologie dans le nouveau CHU. La création d’un Pôle d’excellence à Marrakech signifiera-t-elle la fin du Centre référent ? Alors même que ce dernier commence à se développer, et que le comité d’Ensemble pour une Solidarité Thérapeutique en Réseau (ESTHER) envisage de le soutenir ? En l’absence d’une stratégie claire sur le devenir de la prise en charge à Marrakech, les engagements à long terme semblent difficiles à faire. Aussi bien de la part du personnel hospitalier que des associations actives dans le domaine. Et si finalement au lieu de choisir entre un Pôle d’excellence et un Centre référent, on optait pour les deux ?! La création d’un Pôle d’excellence à Marrakech drainera tous les patients de la région sud du Maroc, la région la plus touchée par l’épidémie. Un seul ne centre ne suffirait pas à prendre en charge tous ces malades. Marrakech pourra se targuer, alors, d’avoir deux centres à l’instar de toutes les grandes villes, y compris dans des pays similaires en Afrique. Tout le monde y gagnera, c’est certain !

Nadia Rafi

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Intérêt du dépistage précoce de l’infection à VIH

L'intérêt de dépister précocement une infection à VIH/SIDA n'est plus à démontrer. Dès les débuts de l'épidémie, tous les acteurs de la prise en charge de l'infection à VIH/SIDA se sont très vite rendus compte des nombreux avantages à le faire. Ces avantages sont bien entendu individuels et concernent tout d’abord l'individu atteint lui-même ; celui-ci pourra adopter (ou maintenir) des comportements propres à éviter la transmission du virus, accéder rapidement à des soins et à un soutien approprié permettant ainsi un meilleur contrôle des infections opportunistes, et donc une meilleure qualité de vie. Mais les bénéfices sont également non négligeables pour la communauté qui voit ainsi ses dépenses de santé diminuées, avec moins d'hospitalisations à supporter et moins d'argent dépensé à traiter des infections opportunistes qui auront été évitées.

En effet, l'accès au dépistage a toujours été considéré comme l’un des points les plus importants de toute stratégie de lutte contre l'infection à VIH/SIDA. Tout naturellement, l'ALCS, et dès les débuts de son existence, s'est attelée à garantir l'accès au test de dépistage au plus grand nombre. Grâce à un partenariat avec le ministère de la santé, l'association a ouvert son premier centre de dépistage anonyme et gratuit, appelé "Centre d'Information et de Dépistage Anonyme et Gratuit" (ou CIDAG), en 1992 à Casablanca. Devant le succès sans cesse croissant de ce genre de centre, d'autres sites ont été ouverts et, aujourd'hui, l'ALCS compte 10 centres de dépistage anonyme et gratuit fonctionnels, à côté d'une unité mobile de dépistage, acquise en 2004. L'implantation de ces centres ne s'est pas faite sans difficultés et aujourd'hui encore certains centres sont toujours menacés de fermeture en raison, notamment, de la pénurie de médecins volontaires. Tous les tests effectués dans le cadre des CIDAG de l'ALCS sont entièrement anonymes et, grâce au soutien du ministère de la santé, gratuits. Les consultants qui ont recours aux CIDAG se voient offrir des séances de counselling avant et après le test propres à les accompagner psychologiquement à affronter l'épreuve d'un test de dépistage. En cas de test négatif, l'accent est mis sur l'importance d'adopter à l'avenir des pratiques sans risque pour rester séronégatif pour le VIH. En cas de test positif, outre le support psychologique, la personne est aiguillée vers le centre de prise en charge, entrant ainsi dans le circuit du système de santé. En même temps, le conseil après un test positif va mettre l'accent sur la nécessité de se protéger et de protéger les autres, de sorte à ne pas disséminer l'infection. Deux dates importantes sont à retenir dans l'histoire des CIDAG de l'ALCS : 1999 et 2004 pendant lesquelles le nombre de consultants a pratiquement doublé. L'augmentation de 1999 s'explique par l'annonce de l'introduction, bien que partielle, des traitements antirétroviraux au Maroc, ce qui avait encouragé les gens à se faire dépister à partir du moment où l'espoir d'être traité était permis. Aujourd'hui, grâce notamment au lobbying de l'ALCS, l'accès au traitement antirétroviral est garanti pour tous. La seconde augmentation importante du nombre de consultants ayant recours aux CIDAG de l'ALCS en 2004 s'explique quant à elle par l'introduction des tests rapides. Ces tests ont véritablement révolutionné le diagnostic de l'infection à VIH puisqu'une simple goutte de sang appliquée sur une bandelette réactive permet de renseigner sur le statut sérologique d'une personne en moins d'une demi-heure ! Plus besoin de disposer d'un laboratoire avec tout ce que cela sous-entend comme logistique et dépenses et le temps d'attente du résultat est réduit au minimum. Cette mini-révolution technique a permis de mener des actions de dépistage à grande échelle, notamment dans les endroits les plus reculés, mal desservis en termes de laboratoires d'analyse, actions renforcées par le passage du bus de dépistage notamment dans les villes où il n'existe pas de centre de dépistage "fixe". Ces avancées techniques ne doivent toutefois pas nous faire oublier l'importance du respect de la confidentialité des personnes testées et des règles d'éthique. La lutte contre l'exclusion et la stigmatisation des personnes vivant avec le virus n'est malheureusement pas définitivement gagnée et c'est au prix d'une sensibilisation de la population grâce à une information claire et n'éludant pas les tabous que nous pourrons faire changer les mentalités.

Mehdi Karkouri

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Prévention Laayoune : L’ALCS à la conquête du Grand Sud Marocain

Le 8 et 9 février 2005, place du Méchouar et de Dchira à Laayoune, les habitants locaux observent avec surprise la première « campagne de lutte contre le sida » de grande envergure organisée par l’ALCS et l’Association locale du corps médical. En effet grâce à l’initiative de quelques médecins de la région une grande partie du staff de l’ALCS et du Programme national de lutte contre le sida (PNLS) ont fait le déplacement dans la région. Quelques 1600 élèves de quatre lycées de Laayoune ont également bénéficié de séances d’info prévention ainsi que 400 étudiants de l’institut supérieur de gestion et d’informatique. Le CIDAG mobile de l’ALCS dépêché pour l’occasion a permis de réaliser 101 tests de dépistage aux personnes le désirant. A la maison de jeunes Al Massira, c’est un public de 80 personnes qui a assisté à une conférence-débat sur le thème du sida. Une discussion intéressante avec les cadres des associations de jeunes et culturelles de la ville s’en est suivie. Hakima Himmich et le Dr. Hamida Khattabi du PNLS étaient également du voyage. Elles ont animé à l’invitation de

l’Association du corps médical une conférence débat sous le thème : « Mise au point sur la prise en charge de l’infection à VIH/SIDA au Maroc ». A cette occasion une section locale de l’ALCS dans la ville de Laayoune a vu le jour sous la responsabilité du Dr. Sbaï Mounir qui en assure désormais la présidence. Méknès : Touche pas à ma vie. Non au sida ! L'ALCS Méknès et le Rotary Club local ont organisé, du 27 au 30 avril 2005 une vaste campagne de sensibilisation, accompagnée d’un cycle de conférences placé sous le thème "VIH / SIDA au Maroc, Etat des lieux". Une série de manifestations culturelles, artistiques et sportives dont l'objectif principal était de contribuer à la sensibilisation des jeunes sur la maladie a eu lieu parallèlement dans la ville. « Touche pas à ma vie ! Non au sida.", tel était le slogan scandé lors de la Course démonstrative organisée pour l’occasion et à laquelle ont pris part, aux côtés des jeunes de la cité Ismaïlienne, des artistes, des chanteurs ainsi que la championne marocaine Nezha Bidouane. Pendant ce temps là, chacun avait le choix d’assister à de nombreuses conférences, animées par des représentants du ministère de la Santé, de l'ALCS, du PNUD, de l'UNICEF, du Ministère des Habous et des Affaires Islamiques et de l'ONUSIDA. Ces 3 jours ont été l'occasion d'aborder des thèmes aussi variés que la santé reproductive pour les jeunes, la prévention et l’intérêt du dépistage anonyme et gratuit, la vulnérabilité des femmes au VIH/SIDA, religion et VIH/SIDA, l’approche de l’éducation par les pairs, l’approche socioculturelle et la prise en charge des personnes ayant une infection à VIH/SIDA au Maroc. Une campagne de dépistage mobile, encadrée par les médecins et volontaires de l’ALCS s’est déroulée parallèlement et a connu un franc succès, puisque plus de 400 tests de dépistage ont été réalisés. Cela aura été aussi l’occasion de rappeler qu’il existe désormais un centre de dépistage anonyme et gratuit dans les locaux de l’ALCS à Méknès, et de communiquer sur la ligne Allo… Info Sida.

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Prévention Tiznit : Large campagne de prévention et de dépistage

En janvier 2005, le conseil national de l’ALCS décidait de renforcer les actions de l’association dans la région de Souss-Massa-Draa, l’une des régions où l’épidémie progresse le plus au Maroc. C’est désormais chose faite avec la création au mois d’avril de la nouvelle section de Tiznit et ce après celle d’Agadir et de Taroudant. Ainsi Tiznit a connu les 22, 23 et 24 avril une grande campagne de sensibilisation contre les IST/SIDA. Une tente a été dressée à l’occasion, et un stand de sensibilisation mis en place. Jeunes et moins jeunes, ont ainsi défilé pendant 2 jours, écoutant d’une manière attentive les explications diverses des volontaires de l’ALCS. Une conférence sur les IST-SIDA, a été animée par le Dr El Issaoui, président de l’ALCS-Agadir. Sur la grande place, le CIDAG mobile a été installé et, comme à l’accoutumée, les gens ont afflué, puisque 146 personnes en ont profité pour effectuer un test de dépistage ; et pour une fois, les femmes sont venues plus nombreuses, elles étaient 74 à avoir fait le test. Enthousiasmées par cette manifestation, 18

volontaires ont tenu à bénéficier d’une formation initiale, et la section de Tiznit a été créée par le Dr Rachida Amaouane élue désormais présidente régionale. De son côté, le délégué du Ministère de la santé, qui a suivi avec intérêt cette manifestation, a promis de mettre à la disposition de la nouvelle association des locaux dans les brefs délais. Il a également exprimé la volonté d’organiser un atelier de formation pour son personnel comme celui organisé récemment à Laayoune. La mise en place un programme de prévention est d’ores et déjà envisagée dans les deux prisons qui dépendent de cette délégation, et ce à Inzeggane et Aït Melloul, qui sont les deux centres pénitenciers les plus peuplés du Maroc. Le Cidag mobile a, par la même occasion, sillonné la région du Sous Massa Draa, en passant par Inzeggane, Ait Melloul, Khmis Aït Oumira , Ouled Taïma, Sebt Algardane, et Taroudant. En tout quelques 508 tests ont été effectués. Marrakech : L’ALCS et Manix investissent le milieu festif L’ALCS Marrakech vient de lancer un partenariat avec le fabriquant de préservatifs Manix pour initier des actions de prévention dans le milieu festif de la ville. Deux nouvelles affiches ont été conçues pour l’occasion par Roby Langenbach, volontaire de la section locale, et seront installées dans les principaux lieux nocturnes de la ville : bars, restaurants, discothèques… La première est inspirée du nouveau code de la route ; la deuxième est une réponse aux personnes rencontrées tous les jours et qui avancent que nos traditions nous protégent de l’épidémie. Désormais, la tradition rime avec prévention ! Les nouvelles affiches ont rencontré un franc succès dans la ville. De son côté Manix s’apprête à installer des distributeurs de préservatifs dans les principales discothèques de la ville. Des totems et présentoirs destinés aux pharmacies sont en cours de réalisation. Ils porteront le logo de la ligne d’écoute de l’ALCS Allo… Info Sida. Des stands de prévention avec distribution de préservatifs dans le milieu festif de la ville ocre seront régulièrement tenus dans les mois à venir. Rappelons que la section de Marrakech organise régulièrement et ce depuis quatre ans ce genre d’actions.

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Asolidarité#14 mai 2005

ALCS News

L’ALCS a désormais 16 sections ! L’ALCS vient d’ouvrir des nouvelles sections à Larache, Beni Mellal, Laâyoune, et Tiznit. D’une part, afin de combler un manque au nord du Maroc, et d’autre part, dans le souci de renforcer notre présence au sein des régions sud considérées comme prioritaires, selon les dernières données épidémiologiques. N’oublions pas que dans la seule région du Souss massa drâ, il y a eu une augmentation de 40% des cas entre 2003 et 2004 ! Les nouveaux présidents élus sont respectivement :M. Mohamed Belabssir à Larache (Centre de santé El Hay Ejadid) ; M. Ait Lamkadem à Beni Mellal (Pharmacie Bin Alwidane Massira II - BENI MELLAL) ; M. Mounir Sbai à Layoune, et Mme R. Amaouane à Tiznit. Les coordonnées complètes de ces nouvelles sections seront disponibles sur le site de l’ALCS dès que possible. L’ALCS au rythme des festivals La saison estivale approche et avec elle, comme à l'accoutumée toute une série de festivals. Comme tous les ans, l'ALCS sera présente dans les événements les plus importants afin de sensibiliser les festivaliers, souvent des jeunes, aux modes de transmission, à la prévention et au dépistage du sida. Déjà deux rendez-vous majeurs sont à retenir : le Boulevard des Jeunes Musiciens à Casablanca et le Festival Gnaoua Musiques du Monde à Essaouira. Une nouveauté cette année à Casablanca : « le Soukasso », un espace réservé aux associations dans lequel l’ALCS, LDDF, l’AMDH, etc… pourront y installer leurs stands.

L’ALCS candidate pour accueillir le 2ème Sommet ITPS L'ALCS vient de déposer sa candidature pour accueillir le 2ème Sommet International de Préparation aux Traitements (ITPS) fin 2005 à Marrakech. Ce sommet est le deuxième du genre organisé par ITPC, la coalition internationale pour la préparation aux traitements. Une coalition d'environ 125 activistes de plus de 65 pays différents des quatre coins du globe, et dont l'objectif est le plaidoyer pour l'accès aux médicaments du sida. Par ailleurs, Othman Mellouk, vient d'être nommé au comité de coordination de ITPC où il représente désormais, aux côtés de Lobna Tabeï d'Egypte, la région Afrique du Nord- Moyen Orient. La Chine et l'Inde ont déjà soumis leur candidature pour être hôte de la conférence. La réponse pour très bientôt ! Le SIDACTION pour bientôt L’idée de la tenue d’un Sidaction au Maroc, lancée l’année dernière par l’ALCS en partenariat avec la chaîne de télévision 2M, est de nouveau d’actualité. Après plusieurs reports puis une simple annulation, des pourparlers sont en cours pour déterminer le date du deuxième Sidaction. Un premier avait déjà réuni les deux partenaires en 1994. Il avait alors constitué un saut important en matière de visibilité de la maladie dans le paysage audiovisuel marocain. Nous espérons renouveler l’expérience avant la fin 2005. Madagascar séduite par l'Info-bus de l'ALCS Les responsables du Ministère de la Santé Malgache dernièrement en visite au Maroc, dont le secrétaire exécutif du Comité national de la lutte contre le Vih/Sida, ont été séduits par le concept du CIDAG mobile de l'ALCS. Ils ont déclaré, de retour dans leur pays vouloir d'ici à la fin de l'année se doter d'un info-bus comme celui de l’ALCS afin de toucher les différentes localités de l'île éloignées des centres de dépistage fixes. Selon un responsable: « Madagascar doit tirer des leçons du voyage que nous avons effectué dernièrement au Maroc. Ce pays d'Afrique du Nord a déjà une longueur d'avance en matière de lutte contre le Vih/Sida et a déjà effectué un grand pas en matière de sensibilisation et de prévention». Enfin des cartes pour les intervenants de prévention de proximité! Suite à l'arrestation sur le terrain en novembre dernier d'un intervenant de l'ALCS par la brigade touristique à Marrakech, et grâce à la rencontre de Hakima Himmich avec le Ministre de l'Intérieur et le Directeur Général de la Sûreté Nationale, des décisions ont été prises pour permettre aux intervenants des projets de prévention de proximité de faire leur travail en toute tranquillité. Chaque intervenant a désormais une carte « d'agent de prévention de proximité », valable un an, mentionnant son identité et la ville dans laquelle il travaille. La liste des intervenants de terrain de l'ALCS a été transmise aux préfectures de police concernées afin que les arrestations ne se reproduisent plus.

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Asolidarité#14 mai 2005

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