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Note de technique Rééducation « physiologique)) d'une raideur rebelle du genou A 1111, Ki"ésithér" 1982, 9, 133-139 Roland SULTANA 1 L'échec de la rééducation lors des raideurs rebelles du genou oblige trop souvent les chirurgiens à pratiquer une «libération de l'appareil extenseur du genou » encore appelée opération de Judet. Cette intervention a pour but de retrouver une flexion correcte du genou. Dans d'autres cas, les chirurgiens sont contraints de libérer la capsule postérieure du genou pour récupérer l'extension. Un certain nombre de ces interventions pourraient être évitées grâce à une kinésithérapie adaptée. Cependant, les postures « classiques » ne sont pas satisfaisantes car le gain d'amplitude s'accompagne trop souvent d'une instabilité du genou (mouvements de tiroir, de latéralité pathologique) et d'une subluxation postérieure du tibia lors de l'extension. L'auteur vous propose ici une technique d'intervention originale. BILAN HABITUEL 8 SEMAINES APRÈS LA REMISE DEBOUT AVEC APPUI Grâce à une rééducation régulière, la force du quadriceps est excellente (test de charge isométrique, environ 25 kg tenus 15 secondes). La force des muscles fléchisseurs du genou est également très bonne (test isométrique 25 kg pendant 15 secondes). L'amplïtude articulaire de la flexion après ablation du plâtre reste en général insuffisante (900 de flexion), L'amplitude articulaire de l'extension progresse, mais un flexum de 200 persiste fréquemment. 1. M.C.M.K. Kinésithérapeute Chef à l'institut de Rééducation Fonctionnelle Pomponiana, F 83403 Hyères. Chargé d'enseignement à l'École de Kinésithérapie de Marseille. 133

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Page 1: Rééducation physiologique)) d'une raideur rebelle du genou€¦ · rebelle du genou A 1111, Ki"ésithér" 1982, 9, 133-139 Roland SULTANA 1 L'échec de la rééducation lors des

Note de technique

Rééducation« physiologique)) d'une raideurrebelle du genou

A 1111, Ki"ésithér" 1982, 9, 133-139

Roland SULTANA 1

L'échec de la rééducation lors des raideurs rebelles du genou obligetrop souvent les chirurgiens à pratiquer une «libération de l'appareilextenseur du genou » encore appelée opération de Judet. Cette interventiona pour but de retrouver une flexion correcte du genou.

Dans d'autres cas, les chirurgiens sont contraints de libérer la capsulepostérieure du genou pour récupérer l'extension. Un certain nombre de cesinterventions pourraient être évitées grâce à une kinésithérapie adaptée.Cependant, les postures « classiques » ne sont pas satisfaisantes car le gaind'amplitude s'accompagne trop souvent d'une instabilité du genou(mouvements de tiroir, de latéralité pathologique) et d'une subluxationpostérieure du tibia lors de l'extension. L'auteur vous propose ici unetechnique d'intervention originale.

BILAN HABITUEL 8 SEMAINESAPRÈS LA REMISE DEBOUT AVEC APPUI

Grâce à une rééducation régulière, la force du quadriceps estexcellente (test de charge isométrique, environ 25 kg tenus 15 secondes).La force des muscles fléchisseurs du genou est également très bonne (testisométrique 25 kg pendant 15 secondes). L'amplïtude articulaire de laflexion après ablation du plâtre reste en général insuffisante (900 deflexion), L'amplitude articulaire de l'extension progresse, mais un flexum de200 persiste fréquemment.

1. M.C.M.K. Kinésithérapeute Chef à l'institut de Rééducation Fonctionnelle Pomponiana, F 83403 Hyères.Chargé d'enseignement à l'École de Kinésithérapie de Marseille.

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Page 2: Rééducation physiologique)) d'une raideur rebelle du genou€¦ · rebelle du genou A 1111, Ki"ésithér" 1982, 9, 133-139 Roland SULTANA 1 L'échec de la rééducation lors des

BUT DE LA RÉÉDUCATION 8 SEMAINESAPRÈS LA REMISE DEBOUT AVEC APPUI

1) récupérer l'amplitude complète de l'extension;2) obtenir au moins 1200 de flexion;

3) ne pas créer de laxité du genou au cours des postures, ce quicompromettrait la reprise de l'activité professionnelle et sportive;

4) parfaire l'équilibre et la coordination du membre inférieur opéré grâce à une rééducation qualifiée de « proprioceptive» par certains auteurs,mais ce terme ne nous satisfait pas car bien d'autres fonctions entrent enjeu lors d'un travail centré sur l'équilibration et la coordination;

5) un simple entretien hebdomadaire de la force musculaire estsuffisant à ce stade. La force du quadriceps et des fléchisseurs estsuffisante et comparable à celle du côté sain. Il faut noter que sans unebonne récupération musculaire, les postures sont moins bien tolérées.

PROGRAMME D'ENTRETIEN HEBDOMADAIREDE LA FORCE MUSCULAIRE DU QUADRICEPS

Attitude

Patient en décubitus dorsal, la hanche est en extension pour permettreau droit antérieur de fournir un maximum de puissance. Cette positionpermet également de détendre les ischio-jambiers.

Le membre sain est en flexion et le pied appuie fortement sur la tablepour faciliter le travail du quadriceps contro-Iatéral ; grâce à une meilleurestabilité et à une diffusion de la contraction musculaire du côté sain vers lecôté lésé. Le sujet peut ainsi maintenir facilement le bassin en rétroversionmodérée, la région lombaire en légère délordose et le rachis enauto-grandissement (adapté de la méthode Van Gunsteren dite « à base deréflexes posturaux »).

Le genou lésé est placé en extension active maximale. Cette extensionfut de plus en plus complète au fur et à mesure que le flexum diminuait.

Rythme de travail

Le sujet effectue 3 contractions isométriques du quadriceps en courseinterne maximale. La première contraction dure 2 minutes et s'effectuesans résistance autre que la raideur. Cette contraction permet d'obtenir unmaximum d'amplitude active. Ce travail n'est donc pas « strictement134

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isométrique », puisque quelques degrés d'extension active peuvent êtregagnés au cours des 2 minutes que dure la contraction. La deuxièmecontraction dure 1 minute avec 12,5 kilogrammes et constitue unéchauffement. La troisième contraction dure 15 secondes et permet detenir une résistance maximale de 25 kilogrammes. Cette procédure permetun travail efficace dans un temps très bref (8 à 10 minutes au total, ycompris un repos entre chaque contraction, le temps de repos étantapproximativement égal au temps de travail).

Les contractions isométriques sont préférées aux contractionsdynamiques car elles évitent une irritation articulaire, elles sont mieuxtolérées et minimisent le risque d'inflammation et de douleur.

PROGRAMME D'ENTRETIEN HEBDOMADAIRE DE LA FORCE DESMUSCLES FLÉCHISSEURS DU GENOU

Attitude

Patient à plat-ventre au bord de la table, la hanche est placée enflexion pour permettre aux ischio-jambiers de fournir un maximum depuissance, cette position permet également de détendre le droit antérieur,le membre inférieur sain s'appuie fermement au sol pour stabiliser le sujetet permettre ainsi un meilleur travail du genou contro-Iatéral. La régionlombaire est en délordose modérée et le rachis effectue un au­tograndissement. Le genou est placé en flexion active maximale.

Rythme de travail

Le sujet effectue 3 contractions isométriques des muscles fléchisseursen course interne maximale (même protocole que pour le quadriceps).

Les muscles fléchisseurs du genou sont en même temps des musclesrotateurs du genou en flexion. L'exercice ci-dessus permet d'entretenir leurforce quelle que soit leur physiologie. En effet, il ne faut pas confondreforce d'un muscle et coordination.

LES POSTURES DE GAIN D'EXTENSION

Nous proscrivons les postures classiques, avec bras de levier long(fig. 1) car le roulement intempestif provoque une sub-Iuxation postérieuredu tibia par rapport aux condyles, ce qui entraîne une distension ligamen-

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taire et un baillement postérieur de l'interligne. Il n'y a pas de glissementà cause de la compression liée à la mise en tension des éléments rétractés.

La posture « classique)} ayant pour but de lutter contre un flexum dugenou réunit toutes les conditions pour être mal adaptée:

1) Le bras de levier est long, il favorise la compression articulaire etle roulement pathologique au détriment du glissement. (Le roulement phy­siologique est minime dans un genou normal.)

2) La hanche est en flexion, ce qui étire les ischio-jambiers et limitel'extension du genou.

Nous remplaçons la technique ({ traditionnelle)} par la postured'extension avec traction courte au 1/3 supérieur du tibia, et dégagementarticulaire associé.

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FIG. 1. - Effet néfaste dela posture classique avecbras de levier long: le tibiabascule (roulement intem­pestif) et vient s'impactercontre les condyles(compression).

KINÉBALNÉOTHÉRAPIE

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Nous utilisons la piscine, immergeant le patient avec un sandowattaché à une talonière pour réaliser une traction axiale (encore appeléedégagement articulaire). Le but de ce dispositif est de lutter contre lacompression des surfaces articulaires dûe à la mise en tension deséléments rétractés. La force de traction du sandow est supérieure à 5 kilos(fig. 2). Lors de l'installation, le point de fixation du sandow était situé enavant de l'axe du tibia, de manière à coïncider avec cet axe en fin deposture; ce dispositif de traction avec un bras de levier proximal favorisantle glissement au détriment du roulement (fig. 2). La mise en tension desraideurs entraîne une compression des surfaces articulaires. Cettecompression entraîne à son tour un roulement intempestif lors despostures « classiques)} dont l'effet est trop souvent désastreux. Ce n'est pasun hasard si le bras de levier du tendon rotulien est très f:ourt, car cettedisposition favorise le glissement au détriment du roulement.136

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FIG. 2. - Patient immergé, en appui jusqu'au genou: un sandow tracte distalementle segment jambier tandis qu'une traction par poulie et charge s'applique au tierssupérieur du tibia. Le seau d'eau représentant la charge se remplit trèsprogressivement.

La traction tolérée pendant 30 minutes se situe entre 10 et 20kilogrammes, la charge étant constituée par un bidon qui se remplitprogressivement d'eau et peut se vider lentement par siphonnage à raided'un petit tuyau.

La mise en tension et le relâchement de la posture sont très doux, cequi évite une réaction de défense du genou. Le malade pouvait à toutmoment demander une diminution de l'intensité de la posture en cas demauvaise tolérance. C'est donc le malade qui, en dernière analyse, règlel'intensité de la posture et sa durée (environ 30 minutes). Cette convention

-favorise la tranquillité d'esprit du patient, son relâchement .général, etpermet à la posture d'être mieux supportée.

LES POSTURES DE GAIN DE FLEXION

Attitude

La hanche est en flexion pour détendre le droit antérieur. Un sandowpermet une traction avec un bras de levier proximal,. de cette manière, onfavorise le glissement des surfaces articulaires au détriment d'un

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roulement qui serait pathologique (fig. 3). La force de traction tolérée estd'habitude supérieure à 10 kilogrammes.

Il faut noter que le sandow imite l'action naturelle desischios-jambiers.

On peut éventuellement ajouter une traction axiale grâce à un sandowpour lutter contre la compression des surfaces articulaires; cettecompression est due à la mise en tension des éléments enraidis.

En dernière analyse, c'est le malade qui règle l'intensité et la durée dela posture.

Encore une fois, nous proscrivons les postures classiques avec bras delevier long (fig, 4) et compression car le roulement intempestif entraîne unecompression en un point du cartilage. L'interligne articulaire subit un bâillement antérieur, source de distention ligamentaire. Il n'y a pas deglissement à cause de la compression des surfaces articulaires,compression due à la mise en tension des éléments enraidis.

FIG. 3. - Posture de gain en flexion dugenou: le patient immergé, un sandow tiredistalement sur le segment jambier, unetraction élastique tracte postérieurement àpartir d'un point d'amarrage court autour desplateaux tibiaux.

Rythme de travail

FIG. 4. - Effet néfaste de la posture deflexion « classique ii avec bras de levier long:compression des surfaces articulaires, roule­ment intempestif et baillement antérieur.del'articulation.

Durée de la posture: 30 minutes environ (en fonction de la tolérancede la malade), réalisée au rythme de 5 fois par semaine, pendant un mois

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en kinéba/néothérapie pour obtenir un meilleur relâchement musculaire etpour éviter le plus possible les douleurs.

Ces postures peuvent également être réalisées à sec, et d'autrestechniques de gain d'amplitude peuvent être utilisées dans le même esprit,par exemple: les techniques de gain d'amplitude utilisé en P.N.F. (méthodeKabat) peuvent utiliser un bras de levier court, chaque fois qu'il s'agit deposturer manuellement le genou.

Quant à la posture poids-poulie « classique» ayant pour but derécupérer la flexion du genou, elle réunit toutes les conditions pour êtrerejetée.

1) Le bras de levier est long, il favorise la compression articulaire et leroulement pathologique au détriment du glissement (risque de genouinstable).

2) La hanche est fixée en extension, ce qui étire le droit antérieur etlimite la flexion du genou. Or dans le cas qui nous préoccupe, il ne s'agitpas d'étirer le droit antérieur mais de lutter contre des rétractions d'originearticulaire.

AVANTAGES DE LA KINÉBALNÉOTHÉRAPIE

Il est conseillé d'alterner les postures à visée d'extension et à visée deflexion, en respectant un intervalle d'au moilJs 30 minutes pendant lequelle malade est libre de nager ou de se reposer. Les postures enkinébalnéothérapie sont préférables aux postures « à sec» car le relâchement du sujet est meilleur et sa participation au traitement pluscomplète.

Grâce au respect de la physiologie du genou lors des postures, le gaind'amplitude est plus rapide et on peut éviter une instabilité du genou; lakinébalnéothérapie, quant à elle, permet de mettre le patient en confiance.

Rééducation de la coordination et de l'équilibre

Nous n'insisterons pas sur l'intérêt de redonner au malade (en fin de progression) unniveau de coordination supérieur à celui qu'il avait avant son opération.

REMERCIEMENTS

L'auteur tient à remercier pour leurs conseils: BOUYALA (J.M.), DUPERRAY (H.),HEURLEY (G.), les kinésithérapeutes de l'institut: POMPONIANA-OLBIA, LECUIR (F.),METAIREAU (P.), VIEL (E.).

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