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REVUE BENINOISE DES SCIENCES JURIDIQUES ET ADMINISTRATIVES Revue Semestrielle publiée par l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (E.N.A.M.) et les Facultés de Droit et Sciences Politiques des Universités Nationales du Bénin ISSN : 1840-5169 R.B.S.J.A. N° 31 Année 2013 Sommaire DOCTRINE : LEGISLA TION : JURISPRUDENCE : NAHM-TCHOUGLI Guy Le juge constitutionnel et le fonctionnement des institutions dans l'espace francophone ouest-africain (Page 5) AKEREKORO Hilaire Les mutations des sources du Droit des Finances Publiques au Bénin (Page 53 ) Césaire KPENONHOUN La responsabilité politique des ministres au Bénin : 1959-2013 (Page 181) GUEDJE Ludovic L'intervention des Etats Parties dans la mise en œuvre réelle de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives (Page 95 ) GONCALVES Eric Le régime juridique des actes extrajudiciaires en droit positif béninois (Page 139 ) Loi n°2013-05 du 27 Mai 2013 portant création, organisation, attributions et fonctionnement des unités administratives locales en République du Bénin ( Page 223) Arrêt n°2009-0010-CS-CA-AB du 7 Mai 2009 (Page ) TIRE A PART

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REVUE BENINOISE DES SCIENCESJURIDIQUES ET ADMINISTRATIVES

Revue Semestrielle publiée par l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature(E.N.A.M.) et les Facultés de Droit et Sciences Politiques

des Universités Nationales du Bénin

ISSN : 1840-5169

R.B.S.J.A. N° 31Année 2013Sommaire

DOCTRINE :

LEGISLATION :

JURISPRUDENCE :

NAHM-TCHOUGLI GuyLe juge constitutionnel et le fonctionnementdes institutions dans l'espace francophoneouest-africain (Page 5)

AKEREKORO HilaireLes mutations des sources du Droit desFinances Publiques au Bénin (Page 53 )

Césaire KPENONHOUNLa responsabilité politique des ministresau Bénin : 1959-2013 (Page 181)

GUEDJE Ludovic L'intervention des Etats Parties dans lamise en œuvre réelle de l'Acte uniformerelatif au droit des sociétés coopératives(Page 95 ) GONCALVES Eric

Le régime juridique des actes extrajudiciairesen droit positif béninois (Page 139 )

Loi n°2013-05 du 27 Mai 2013 portantcréation, organisation, attributions etfonctionnement des unités administrativeslocales en République du Bénin (Page 223)

Arrêt n°2009-0010-CS-CA-AB du 7 Mai 2009 (Page )

TTIIRREE

AA PP

AARRTT

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Revue Semestrielle publiée par l’Ecole Nationaled’Administration et de Magistrature (E.N.A.M.) et

les Facultés de Droit et de Sciences Politiques (FADESP)

COMITE SCIENTIFIQUE

PRESIDENT D’HONNEURMaurice AHANHANZO-GLELE, Professeur

de Droit Public à la retraite

MEMBRES

Théodore HOLO : Agrégé de Droit Public, Professeur Titulaire à l’Université d’Abomey-Calavi (BENIN)

Fidèle MENGUE ME ENGOUANG : Agrégé de Droit Public, Professeur Titulaire à l’Université de Libreville (Gabon)

Abdoullah CISSE : Agrégé de Droit Privé, Recteur de l’Université de Bambey (SENEGAL)Ahadzi KOFFI : Agrégé de Droit Public, Président de l’Université de Lomé (TOGO)Akouété SANTOS : Agrégé de Droit Privé, Université de Lomé (TOGO)Dorothé SOSSA : Agrégé de Droit Privé, Université d’Abomey-Calavi (BENIN)Noël GBAGUIDI : Agrégé de Droit Privé, Université d’Abomey-Calavi (BENIN)Jean Baptiste MONSI : Magistrat, Procureur Général près la Cour Suprême du BENINRobert DOSSOU : Ancien Doyen de la Faculté de Droit, Ancien Bâtonnier

COMITE DE REDACTION

Directeur de Publication : Théodore HOLO : Agrégé de Droit Public, Professeur TitulaireSecrétaire Scientifique : Victor TOPANOU, Maître-Assistant au CAMES,

Université d’Abomey-Calavi (BENIN)Secrétaire Adjoint : Roger DOSSOU-YOVO, Docteur en Droit, Directeur Général de

l’Institut International des Assurances (Yaoundé)Membre : Barnabé GBAGO, Agrégé en histoire du Droit, Avocat, Université

d’Abomey-Calavi

COMITE DE GESTION

Président : Professeur Barnabé GBAGO : Doyen de la Faculté de Droit et de Science Politique (FADESP) du Bénin

1er Vice Président : Mr Etienne AHOUANKA, Directeur de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) du BENIN

2e Vice Président : Gabriel ALLOGNON, Doyen de la Faculté de Droit etde Science Politique de l’Université de Parakou (BENIN), Docteur en Droit Public

Responsable à la promotion et à la diffusion : Mme Elisabeth YEDEDJI épouse GNANVO, Maître assistant du CAMES, Droit Privé, Université d’Abomey-Calavi

Trésorier : Mr Marius DOSSA, C/SAF, ENAM

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GUEDJE Ludovic

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L’INTERVENTION DES ETATS PARTIES DANS LA MISE EN ŒUVRE REELLE DE L’ACTE UNIFORMERELATIF AU DROIT DES SOCIETES COOPERATIVES

DOCTRINE

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GUEDJE Ludovic

Par

GUEDJE LudovicAssistant à la FADESP/UAC – BENIN

L’INTERVENTION DES ETATS PARTIES DANS LA MISE ENŒUVRE REELLE DE L’ACTE UNIFORME RELATIF AU

DROIT DES SOCIETES COOPERATIVES

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L’INTERVENTION DES ETATS PARTIES DANS LA MISE EN ŒUVRE REELLE DE L’ACTE UNIFORMERELATIF AU DROIT DES SOCIETES COOPERATIVES

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PlanIntroduction ...................................................................................99I – Une intervention justifiée ......................................................106

A- Un fondement controversé ......................................1071- L’affirmation du principe de l’intervention des Etats

Parties par le Traité OHADA ......................................1082- Les implications du principe ....................................110

B- Une nécessaire articulation de l’Acte uniforme relatif audroit des sociétés coopératives avec les enjeuxéconomiques nationaux .......................................................114

1- le contrôle impératif de l’Etat sur les sociétéscoopératives : gage du respect des principescoopératifs .................................................................115

2- la détermination du régime fiscal applicable auxcoopératives : une prérogative de l’Etat ..................116

Conclusion partielle ........................................................122

II – Une intervention difficile à mettre en œuvre ...........123

A- L’incertitude quant aux règles déterminant la capacitéjuridique des coopérateurs .......................................1231- l’incompréhensible renvoi aux conditions de

capacités de l’Acte uniforme relatif au droitcommercial général .............................................124

2- l’imprécision du renvoi aux législationsnationales .............................................................126

B- L’imparfaite détermination du cadre institutionnel degestion des registres des sociétés coopératives ...1271- l’hésitation caractérisée des choix de l’autorité

en charge de la tenue du registre ......................1292- Approche de solution ....................................132

Conclusion partielle ........................................................135

Conclusion générale .......................................................136

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Introduction

Le principe d’association n’est pas né d’hier, il est contemporain dumonde, pour ainsi dire. Si l’orgueil de sa force conduit l’homme àl’isolement et à l’indépendance, le sentiment de sa faiblesse, en facedes obstacles que la nature extérieure lui oppose, l’amène à serapprocher de son semblable et à partager avec lui les résultats deleurs communs efforts1.

Si pendant près d’un siècle de tâtonnement, la coopérative2 a cherchéà se bâtir un droit propre, elle semble être aujourd’hui et plus que jamais,l’un des atouts majeurs d’une économie en pleine crise identitaire. Dansun monde aux échanges mondialisés, le statut coopératif est un gagede stabilité qui ne recherche pas la rentabilité à court terme et qui n’ade compte à rendre qu’à ses seuls sociétaires3. Ceci lui permettant demieux résister aux crises économiques en raison d’une conception noncapitaliste de l’entreprise4.

Pour faire face à la crise économique mondiale qui secoue tous lespays industrialisés depuis 2008, l’Organisation des Nations Unies (ONU)a déclaré l’année 2012, année internationale des coopératives. A ceteffet, le Secrétaire Général de l’ONU Ban Ki-Moon, a cherché, àimpliquer les jeunes générations pour leur inculquer une autre façonde penser l’économie que le capitalisme :

« J’invite les jeunes à examiner les avantages des coopératives et autresformes  d’entrepreneuriat  social.  En  même  temps,  j’encourage  lemouvement coopératif à faire participer les jeunes, dans un esprit dedialogue  et  de  compréhension  mutuelle.  Reconnaissons  les  jeunesfemmes  et  hommes  comme  des  partenaires  importants  pour  lerenforcement  du  mouvement  coopératif  et  le  maintien  du  rôle  descoopératives dans le développement économique et social »5.1 Observations préliminaires du rapport fait au nom de la commission du corps législatif par M.Mathieu, sur la nouvelle rédaction du projet de loi sur les sociétés publiée les 24-29 juillet 1867,(Bulletin n°15, 528). Extrait de Jurisprudence générale, Dalloz, 1867, p.101.2 La coopérative est définie comme : « une société civile ou commerciale visant à l’éliminationdu profit capitaliste par la prise en charge au bénéfice de ses membres des fonctions de productionou d’intermédiaire ». Dictionnaire « Vocabulaire Juridique », Gérard Cornu et Association HenriCapitant, Dernière édition mise à jour, année 2011, PUF, Paris, p.269.3 LANDRIOT (J.), « Le statut coopératif est un atout », in Le Monde Economie, 1ER février 2011,p.6.4 SEEBERGER (L.), « Essai sur le droit coopératif français de ses origines à la Vème République :entre pratique et normes juridiques » Mémoire de Master II Histoire du Droit, sous la Directionde Madame FERRET MAÏTE, Faculté de Droit et Science Politique de l’Université de Montpellier,année 2011-2012. Contrairement à LANDROT (J.), M. SEEBERGER préfère considérer à l’instarde Gérard CORNU, que la coopération recherche l’élimination du profit capitaliste, p.9.5 Allocution de Ban Ki-Moon du 3 juillet 2011 au cours de la Journée internationale descoopératives.

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L’INTERVENTION DES ETATS PARTIES DANS LA MISE EN ŒUVRE REELLE DE L’ACTE UNIFORMERELATIF AU DROIT DES SOCIETES COOPERATIVES

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Pourtant, si le succès de la coopération semble indéniable, sonémergence et son développement, tardifs, ont longtemps laissé croirequ’elle n’arriverait pas à maturité et resterait une notion archaïque etsommaire, sans incidence sur l’évolution de la ruralité et de l’économiesociale6.

L’évolution du mouvement coopératif en Afrique en général et en Afriquenoire francophone en particulier, n’échappe pas à cette réalité. L’histoiredu développement coopératif en Afrique a abouti à deux conclusionsrépandues mais très contradictoires. Certains considèrent que lescoopératives ont échoué à relever les défis du développement ducontinent et qu’elles ont cessé d’être des agents du développementlorsqu’elles ont été confisquées par les gouvernements et autresagences de l’Etat. En tant qu’instruments du gouvernement, elles nesont plus en phase avec la culture locale, ce qui explique la dégradationdes performances et du fonctionnement pour nombre d’entre elles.D’autres sont d’avis que l’esprit coopératif est la clé du développementafricain. Les partisans de cette vision soutiennent que les coopératives,en tant qu’entreprises privées, s’intègrent très bien aux culturescommunautaires en Afrique et que l’initiative économique (pour lamobilisation des ressources) combinée au souci du bien-être de lacommunauté, ont amené de nombreuses coopératives à aider lespauvres à s’extraire de leur condition et à créer de la richesse dansleurs communautés7. Une telle analyse recentre le débat surl’intervention et l’implication des Etats dans le développement descoopératives en Afrique.

Dans tous les pays africains, l’introduction des coopératives remonte àdes décennies. Les phases coloniale et postcoloniale, traversées parces pays ont laissé leurs marques sur la façon dont les coopérativessont perçues, sur leur mode de fonctionnement et sur les liens qu’ellesentretiennent avec les partenaires extérieurs comme les gouvernementset la communauté des bailleurs de fonds. C’est ce que les économisteset d’autres spécialistes des sciences sociales appellent la « pathdepencency », terme anglophone que l’on pourrait traduire par« dépendance au chemin parcouru »8. Si les coopératives en Afriquetrouvent leurs origines dans des modèles importés, conçusessentiellement pour servir des intérêts externes, elles sont devenues

6 SEEBERGER (L.), op.cit. p.10.7 DEVELTERE (P.) ; POLLET (I.) et WANYAMA (F.), L’Afrique solidaire et entrepreneuriale : larenaissance du mouvement coopératif africain, Bureau International du Travail, Institut de laBanque Mondiale, 2009, p. xiii.8 Ibidem.

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l’une des principales formes d’organisation économique et socialepopulaire pour réduire la pauvreté. Toutefois, leur fonctionnement au fildes décennies a été influencé par au moins cinq modèles différentsfortement marqués, mais pas exclusivement, par les traditions colonialessur le continent9, à savoir le modèle coopératif unifié, le modèled’économie sociale, le modèle des mouvements sociaux, le modèledes producteurs et le modèle indigène.

Après les indépendances dans les années 1960, la plupart desgouvernements des Etats africains, devenus indépendants, ont accordéun rôle essentiel aux coopératives, en particulier pour le développementdes zones rurales. Ce fut une époque dirigiste, estampillée par laprésence de l’Etat dans le système d’achat et de commercialisation.Les coopératives devinrent alors des outils du gouvernement ou desorganisations collectives soumises aux partis au pouvoir avec sesavantages mais aussi ses inconvénients. Les gouvernements denombreux pays transformèrent leurs politiques initiales dedéveloppement coopératif, passant de l’incitation à des formes plus oumoins marquées de coercition. A tel point que le secteur coopératifperdit complètement son caractère volontaire et devint strictementsoumis à des impératifs politiques et idéologiques10.

Au Bénin par exemple, on assiste à la création des coopérativesobligatoires par l’Etat11. Le même système a prévalu dans presque tousles Etats de l’Afrique de l’Ouest, notamment dans les territoires françaistel que la Côte d’Ivoire, le Sénégal, etc., mais aussi dans les territoiresbritanniques de l’Afrique orientale tel que l’Ouganda. Cette pratiqueannihile le libre jeu de la concurrence et cède le pas à une utilisationabusive des coopératives à des fins politiques dans la plupart de cespays.

Au début des années 1990, et quelle que soit leur orientation, la quasi-totalité des coopératives créées dans de nombreux pays africains étaientconditionnées par ces modèles et s’apparentaient plus à des agentsou clients dépendant de l’Etat et d’agences semi-publiques qu’à desentreprises économiques privées mues avant tout par les intérêts de

9 Les Britanniques, les Français, les Portugais, les Espagnoles, les Allemands ainsi que lesBelges et les Italiens apportèrent à leurs colonies respectives leur vision des coopératives.Outre leur représentation du rôle de ces structures dans un environnement colonial, ellesintroduisirent des mécanismes pour stimuler le développement coopératif, notamment des cadresjuridiques, des programmes incitatifs et des systèmes de financements.10 DEVELTERE (P.) ; POLLET (I.) et WANYAMA (F.), Op.cit., p.14.11 Voir articles 9 et suivants de la loi n°61-27 du 10 août 1961 portant statut de la coopérationagricole au Dahomey. Cette loi a créé des coopératives obligatoires et des coopératives libres.

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L’INTERVENTION DES ETATS PARTIES DANS LA MISE EN ŒUVRE REELLE DE L’ACTE UNIFORMERELATIF AU DROIT DES SOCIETES COOPERATIVES

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leurs membres. Selon la plupart des études sur les coopérativesafricaines jusqu’aux années 1990, les médiocres performances de cesstructures étaient imputables en partie à cette relation de dépendanceà l’égard de l’Etat qui les empêchait de fonctionner comme de vraiesentreprises.

La libéralisation de l’économie au début des années 1990 aurait parconséquent dû donner aux coopérateurs la chance de devenir lesvéritables propriétaires de leurs entreprises et améliorer leursperformances, mais hélas !

Il est généralement admis que le rôle de l’Etat dans les affaires descoopératives se limite à quatre fonctions : la législation, l’enregistrement,la dissolution/liquidation et la vérification que les coopératives suiventla loi12. L’objectif principal d’une législation sur les coopératives est degarantir que l’Etat s’ingère le moins possible dans les affaires descoopératives, qu’il dérégule le plus possible, qu’il permette laparticipation démocratique la plus vaste possible et qu’il limite sesdépenses en matière de coopératives. L’affranchissement et lalibéralisation des coopératives, de l’influence très marquée des pouvoirspublics, deviennent donc une impérieuse nécessité pour la promotionet le développement du mouvement coopératif en Afrique.

C’est donc ce défi majeur que le Conseil des Ministres de l’Organisationpour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)13 a tentéde relever avec l’intégration du droit des sociétés coopératives dans ledomaine du droit des affaires de l’espace OHADA, conformément àl’extension du domaine du droit des affaires permise par l’article 2 duTraité de l’OHADA14. Il convient à cet effet, de saluer cette avancéenotable que constitue l’adoption de l’Acte Uniforme du 15 décembre2010 relatif au droit des sociétés coopératives (dénommé AUSCOOP)15.

12 HAGEN (H.), Guide de législation coopérative, Deuxième édition, revue et corrigée, Genève(Suisse), International Labour Office, 2006, p. vi.13 L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires a été instituée par unTraité signé à Port-Louis (Ile Maurice) le 17 octobre 1993 et entrée en vigueur le 18 septembre1995. Voir G. DE LAFOND, Le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique,Gazette du Palais, 20-21 septembre 1995, doctrine P.2; POUGOUE (P-G), Présentation généraleet procédure OHADA, PUA (Yaoundé), 1998. Notons toutefois que ce Traité a été révisé le 17octobre 2008 à Québec. C’est le Traité révisé qui est actuellement en vigueur conformémentaux dispositions de l’article 52 du Traité révisé.14 Le projet fut introduit dans le programme d’harmonisation de l’OHADA depuis 2001 et desséries de négociations ont abouti en 2010 à la finalisation du neuvième Acte Uniforme relatif audroit des sociétés coopératives.15 Voir Journal Officiel de l’OHADA N°23 du 15 février 2011.

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Le législateur OHADA a franchi une étape importante en intégrant lalégislation coopérative dans le domaine du droit des affaires. Cetteavancée notable et salutaire devrait permettre de concevoir uneréglementation spécifique, harmonisée et uniforme, applicable auxcoopératives dans l’espace OHADA16. En adoptant cet Acte Uniforme,le législateur OHADA aurait pu donner plus de vivacité au mouvementcoopératif et aux coopératives ainsi qu’à la tradition juridique y afférente.Le but recherché par le législateur OHADA devrait donc conduire àfaciliter la vie des sociétés coopératives et en adapter les règles àl’environnement socio-économique et culturel africain. La démarcheépistémologique qui se dessinait semble indiquer que l’intégrationjuridique doit désormais être considérée comme un levier indispensablede l’intégration économique. Sur le plan de la théorie juridique, l’Acteuniforme devrait mettre en place une plateforme légale communeapplicable dans tous les Etats membres de l’OHADA. L’un des objectifsvisés par cette codification devrait consister à assurer l’accessibilité etl’intelligibilité de la législation afférente aux sociétés coopératives et decontribuer au renforcement normatif du droit OHADA. D’un point devue pratique, cette législation devrait présenter l’avantage de la sécuritéjuridique et devrait participer à l’élimination des distorsions régaliennesqui empêchaient les sociétés coopératives de prospérer.

Mais à l’analyse, le degré d’intervention des Etats dans la mise enœuvre réelle de cet Acte uniforme soulève quelques interrogations etdont l’analyse présente un intérêt scientifique certain pour la recherche.En effet, s’il est de principe que la mise en œuvre réelle de tous lesActes Uniformes, adoptés et en vigueur à ce jour, nécessite d’unemanière ou d’une autre l’intervention des Etats Parties, celle nécessitépar l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés coopératives, est denature à compromettre sa mise en œuvre et son applicabilité du faitqu’elle subordonne l’applicabilité de l’Acte uniforme aux lois des EtatsParties. Il se pose dès lors la question de la remise en cause du butrecherché par le Traité OHADA. La qualité et le dynamisme quicaractérisaient l’œuvre du législateur OHADA seraient-ils éprouvés ?Le législateur communautaire aurait-il manqué le but et le résultatrecherchés à travers cet Acte Uniforme ?

Le moins que l’on puisse dire à cette étape de l’analyse est que l’ActeUniforme relatif au droit des sociétés coopératives, loin de consacrerun droit spécifique, simple, moderne et adapté pour le développement

16 L’article 10 du Traité de l’OHADA dispose : « Les Actes uniformes sont directement applicableset obligatoires dans les Etats Parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne,antérieure ou postérieure ».

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L’INTERVENTION DES ETATS PARTIES DANS LA MISE EN ŒUVRE REELLE DE L’ACTE UNIFORMERELATIF AU DROIT DES SOCIETES COOPERATIVES

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et la promotion des sociétés coopératives en Afrique, révèle plutôt, lesdifficultés à surmonter dans la construction d’un droit des sociétéscoopératives en Afrique, notamment dans les Etats membres del’OHADA. Le retour à l’interventionnisme17 au détriment du libéralisme18

qui semble être consacré à travers l’analyse de l’Acte uniforme relatifau droit des sociétés coopératives, est en contradiction avec les objectifsdu Traité de l’OHADA.

Alors que la finalité de l’élaboration des Actes uniformes est l’adoptionde règles communes applicables directement dans les Etats membres19,les instruments de mise en œuvre de cette « harmonisation » sontqualifiés d’« Actes uniformes » par l’article 5 du Traité, ce qui peutrenvoyer à l’idée d’une uniformisation voire d’une unification20. La lecturedes Actes uniformes édifie peu à cet égard. La question est par ailleursdélicate à cause des tempéraments posés par le Traité OHADA lui-même à l’abrogation des droits nationaux. Ainsi, les Actes uniformespeuvent prévoir des dispositions expressément supplétives21, c’est lecas des dispositions de l’article 10 de l’Acte uniforme portantorganisation des sûretés qui, tout en réputant solidaire le cautionnement,précise immédiatement que ce dernier peut être « simple lorsqu’il enest décidé, expressément, par la loi de chaque Etat partie ». De même,les Actes uniformes peuvent aussi laisser la liberté aux Etats parties decompléter leur arsenal. Ainsi, aux termes des dispositions de l’article106, alinéas 2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, lesEtats membres peuvent instituer des privilèges généraux autres queceux consacrés par l’Acte uniforme. Le législateur OHADA n’est doncpas à sa première initiative de recours à l’intervention des Etats partiesà travers la compétence reconnue aux lois nationales de chaque Etatmembre soit pour concéder des dérogations spéciales aux dispositionsdes actes uniformes22 ; soit pour se déclarer lui-même incompétent parexemple, en matière d’organisation judiciaire ou de sanctions pénales23.

17 Doctrine économique (ou politique étatique) prônant (ou réalisant) l’irruption de l’Etat dansles affaires relevant traditionnellement du secteur privé ; s’oppose au libéralisme, à la politiquedu libre marché. Voir Vocabulaire juridique de CORNU (G) Op.cit., p.567.18 Doctrine économique (ou politique gouvernementale) qui érige en système l’abandon del’économie à la loi du marché et dont la traduction juridique est l’affirmation en principe de laliberté des conventions, l’intervention de l’Etat dans les relations économiques étant réduite auminimum, sinon exclue. Voir Vocabulaire juridique de Gérard CORNU, Op.cit., p.607.19 Le Traité, dans son intitulé et son article premier, parle lui-même d ’ « harmonisation ».20 POUGOUE (P-G), JAMES (J-C), KALIEU ELONGO (Y-R), NEMEDEU (R.), WANDA (R.),BOUBOU (P.) KENFACK DOUAJNI (G.), MOUTHIEU NDJANDEU (M.A.) et BATOUAN BOUYOM(J.A.), Actes uniformes, Encyclopédie du Droit OHADA, op.cit, p.23.21 La solution de l’Acte uniforme n’est applicable qu’en absence d’une disposition nationaledifférente.22 Articles 916 et 917 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et dugroupement d’intérêt économique.23 Article 5 et 13 du Traité de l’OHADA.

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On peut en déduire que les Actes uniformes n’anéantissent passystématiquement les dispositions des droits internes. Une telleapproche conduit inévitablement à la justification de l’intervention desEtats dans la mise en œuvre des Actes uniformes en général et danscelle de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives enparticulier. Il convient donc d’accorder une attention particulière à lajustification de cette intervention des Etats dans la mise en œuvre del’acte uniforme en étude.

Toutefois, la trop forte dépendance de la mise en œuvre réelle de l’acteuniforme relatif au droit des sociétés coopératives des lois nationaleset ce, aux phases cruciales de la vie des sociétés coopératives à savoirà leur création et au niveau de leur fonctionnement, permet des’interroger sur les conséquences néfastes de cette dépendanceexagérée sur l’applicabilité même de l’Acte uniforme. C’est ce qui ressortde l’analyse d’une part, des dispositions des articles 7, 8 en ce quiconcerne les règles relatives à la détermination de la qualité de l’associé– coopérateur, et d’autre part, de celles des articles 70-81 de l’Acteuniforme relatif au droit des sociétés coopératives, en ce qui concernel’organisation du registre des sociétés coopératives et l’immatriculationdes sociétés coopératives. L’analyse desdites dispositions révèle lesdifficultés résultant du choix du législateur OHADA de recourir auxdispositions internes des Etats membres pour l’effectivité de leur miseen œuvre.

La présente étude se focalisera donc sur la justification de cetteintervention des Etats (I) avant de s’appesantir sur les difficultésinhérentes à ce recours très affirmé aux Etats dans la mise en œuvrede l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives (II).

I – Une intervention justifiéeII – Une intervention difficile à mettre en œuvre

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I – Une intervention justifiée

Pour plusieurs raisons idéologiques et structurelles, le modèleétatique en vigueur avant les années 1980 répondait à nombre debesoins économique et social. Or, depuis le début des années 1980,ce modèle a été remis en question. Les contraintes budgétairesintérieures, le poids de la dette extérieure ainsi que la fin de la guerreidéologique ont mené, dans un premier temps, les Etats, les organismesdonateurs internationaux et les organisations non gouvernementales àprôner un modèle étatique minimaliste24. A l’heure actuelle, ils admettentcependant qu’il ne peut y avoir de développement sans un Etat effectifpartout25, limité à mettre en place des cadres politiques et juridiquespropices aux marchés et à concentrer son action sur les biens publicsque les marchés ne peuvent fournir ou ne fournissent pas de manièreeffective ou efficace.

Pour prospérer, les coopératives ont besoin d’un cadre politique,administratif et socioéconomique favorable. Le modèle dedéveloppement actuellement en vigueur repose sur la liberté, tantéconomique que politique. L’Etat doit assurer le respect des droits del’homme, et notamment de la règle de droit, le libre choix de l’activitééconomique, la propriété privée ou encore une distinction nette entreles domaines public et privé selon les principes de subsidiarité.

Outre l’exercice de ses fonctions de législation, d’inscription au registre,de radiation du registre et de contrôle normatif général, le rôle de l’Etatdans une économie de marché se résume à un devoir de non-ingérencedans les affaires économiques.

Ce constat exige trois clarifications :

- Ce type de rapport entre l’Etat et les organisations économiquesn’est donc pas spécifique aux coopératives. Il détermine la naturejuridique de la loi sur les coopératives et sous-tend le traitementnon discriminatoire des coopératives et de leurs membres, quece soit à leur avantage ou à leur désavantage26 ;

24 BOER (L), «The state in a changing world», in: Third World Quarterly 1997, 935 ff.25 Dans les sociétés complexes, où le contrôle social ne peut plus se baser sur les relationspersonnelles étroites, la régulation des relations sociales s’est avérée être la meilleure solutionpour réglementer les activités des agents économiques qui n’ont pas un lien personnel les unsavec les autres. Par définition, cela est particulièrement vrai lorsque les relations économiquesne concernent pas uniquement des personnes physiques, mais également des personnesmorales. Afin de garantir une sécurité juridique, la loi doit déterminer les critères de définitionde ces dernières, les compétences de leurs organes ainsi que leurs responsabilités, en lieu etplace de celles des membres ou des actionnaires.26 Interdiction de la discrimination positive et négative.

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- Après des décennies d’immixtion dans les affaires descoopératives et alors que les conditions de vie des plus démunis dansde nombreux pays s’aggravent, l’Etat ne saurait se retirerinstantanément et complètement des affaires économiques ;

- Il serait illusoire de penser que l’économie de marché modernene nécessite qu’une structure politique et juridique simple. Bien aucontraire, elle ne peut fonctionner que grâce à un système politique etjuridique hautement complexe27. L’instauration d’un équilibre entre leprincipe de non-intervention et une politique de laisser-faire, destructriceà terme de l’ensemble du système coopératif, nécessite une législationcomplexe. Le droit doit permettre l’existence du plus grand nombred’agents privés et favoriser leur participation aux prises de décision enmatière économique. Dans le domaine des sociétés coopératives, etétant donné les expériences passées, ces fonctions sous-entendentl’impossibilité pour les Etats de transformer les coopératives en courroiesde transmission de la politique nationale et, en particulier, de la politiqued’accompagnement des mesures d’ajustement structurel. Le caractèreprivé des coopératives devra ainsi prévenir leur instrumentalisation àdes fins politiques, sociales, de développement ou autres, qui mettraienten danger leur efficacité.

Le législateur OHADA a pris en compte toutes ces considérations dansl’élaboration de la réglementation harmonisée applicable aux sociétéscoopératives dans l’espace OHADA. En effet, les fondateurs del’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ontaffirmé le principe de l’intervention des Etats Parties dans la mise enœuvre des divers Actes Uniformes. Le fondement de cette interventiondes Etats ainsi posé par le Traité, le législateur OHADA n’a fait queconfirmer l’application de ce principe à travers les dispositions del’AUSCOOP qui font appel aux lois nationales des Etats Parties pourleur mise en œuvre réelle.

Il convient donc d’examiner le fondement de ce principe à travers sonaffirmation et ses implications (A) avant de s’appesantir sur sajustification (B).

A- Un fondement controversé

Dans le cadre de l’OHADA, les Actes uniformes, même s’ils concernentune réglementation unique, laissent une certaine compétence aux

27 HÖSLE (V), Soll Entwicklung sein ? Und wenn ja, welche Entwicklung ?, in: Entwicklung mitmenschlichem Antlitz.  Die  Dritte  und  die  Erste  Welt  im  Dialog, ed. By Leisinger and Hösle,München: Beck 1995, p.13.

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législations nationales. La compétence du législateur OHADA n’est pasalors exclusive dans le domaine concerné. C’est le cas actuellementde l’Acte uniforme portant organisation des sûretés. L’étude de cedernier a amené M. Michel Grimaldi à conclure qu’il vaut mieux parlerd’harmonisation, « car, dans notre domaine,  l’Acte uniforme n’a pasune compétence exclusive, mais une compétence, sinon concurrente,du  moins  partagée  avec  les  législations  nationales,  qui  peuvent  sedéployer pour autant qu’elles ne lui sont pas contraires. Il permet ainsiune densification des droits nationaux autour d’un  tronc commun :  illimite l’expression des sensibilités nationales, il ne l’interdit pas »28.

A la suite de cet auteur, il est légitime de déduire de l’analyse de certainesdispositions du Traité de l’OHADA, l’affirmation du principe del’intervention des Etats, dont il faudra nécessairement cerner lescontours, afin de déceler les implications et les conséquences qui endécoulent dans la mise en œuvre du droit harmonisé.

1- L’affirmation du principe de l’intervention des Etats Parties par le Traité OHADA

L’affirmation du principe de l’intervention des Etats Parties, dans la miseen œuvre réelle de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétéscoopératives, n’est pas un acte isolé. Elle découle du droit primaire ets’applique à l’ensemble des Actes uniformes déjà adoptés ets’appliquera également à d’autres Actes uniformes qui seront adoptés.Le Traité de l’OHADA en son article 5 alinéas 2 consacrait le principed’une intervention directe des Etats Parties pour la détermination dessanctions pénales applicables aux infractions que pouvaientéventuellement prévoir les Actes uniformes. L’article 10 du même Traité,semble quant à lui, réfuter, du moins de façon apparente, cetteintervention des Etats Parties, à travers l’adoption de législationsnationales. En réalité, il n’y a pas une contradiction dans la démarchedes fondateurs de l’OHADA. Il suffit de faire une lecture croisée desdispositions des articles 5 et 10 du Traité de l’OHADA pour y décelerl’affirmation du principe de l’intervention des Etats Parties voire de laplace qu’accorde le Traité de l’OHADA aux législations nationales dansla mise en œuvre du droit harmonisé.

Si l’alinéa 2 de l’article 5 invite à un engagement des Etats Parties àdéterminer les sanctions applicables pour réprimer les incriminations

28 GRIMALDI (L), l’acte uniforme portant organisation des sûretés, Les Petites affiches, n°205,13 octobre 2004, p.30.

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contenues éventuellement dans les actes uniformes, l’article 10 n’écarteles dispositions internes que lorsque ces dernières sont contraires auxdispositions des Actes uniformes qui dès lors priment sur elles, qu’ellesleur soient antérieures ou postérieures. Il est donc évident, que chaquefois que les deux règles ne se contredisent pas, elles pourronts’appliquer et se compléter sans aucune difficulté.

Une telle reconnaissance de la compétence des lois nationales desEtats Parties n’a pas recueilli l’adhésion de toute la doctrine. Lacontroverse doctrinale sur la question résulte de ce qu’une partie de ladoctrine29 se basant sur l’idée de l’harmonisation accueille favorablementcette reconnaissance de la compétence du droit interne des EtatsParties, tandis que l’autre partie de la doctrine30 y voit une contradictionavec l’idée d’uniformisation et d’unification qui se dégage de l’article 5du Traité.

Sans prendre partie pour l’une ou l’autre thèse, il est nécessaire deretenir que le principe de l’intervention des Etats Parties dans la miseen œuvre réelle des actes uniformes en général et de l’acte uniformerelatif au droit des sociétés coopératives en particulier, répond à undouble souci du législateur OHADA à savoir d’une part, celui du respectde certains domaines de la manifestation de la souveraineté des EtatsParties et d’autre part, celui de régler les contraintes résultant de lacomplexité de la réglementation des coopératives.L’analyse des implications du principe illustre parfaitement une telledéduction.

29 Voir GRIMALDI (L), l’acte uniforme portant organisation des sûretés, Op.cit.30 Voir ISSA-SAYEGH (J), Quelques aspects techniques de l’intégration juridique : l’exempledes actes uniformes de l’OHADA, Revue de droit  uniforme, 1999, p.6. - POUGOUE (P-G),OHADA, instrument d’intégration juridique, Revue    africaine  des  sciences  juridiques,  vol.  II,n°2, 2001, p.12. – voir également à ce sujet, GUYON (Y), Conclusion, journée OHADA del’association Henri Capitant du 22 novembre 2002, Les  Petites  affiches, n°205, p.61. –PAILLUSSEAU (J), Le droit de l’OHADA –un droit très important et original, La semaine juridique.Cahiers de droit de  l’entreprise, n°5, supplément à  la Semaine  juridique n°44 du 28 octobre2004, p.2.- Parfait Diédhou qui résume ainsi cette approche : «  A  vrai  dire,  tous  les  actesuniformes,  sans  exception,  consacrent  une  législation  de  type  directe  et  ne  laissent  parconséquent aucune marge d’appréciation au profit  des Etats membres. Les Etats  sont ainsiprivés de la possibilité de légiférer dans le domaine de l’unification du droit puisque les règlesdécoulant des actes uniformes sont suffisamment claires et précises pour ne pas appeler uneintervention  complémentaire  des  Etats  membres » DIEDHOU  (P),  L’unification  du  droit  desaffaires  de  l’OHADA  –  Etude  de  droit  uniforme  et  de  droit  international  privé,  thèse,  Droit,Université de Genève, 2009, pp 88 et 89.

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2- Les implications du principe

Tout en prévoyant l’abrogation des droits nationaux31, faut-il le rappeler ?Le Traité de l’OHADA a également posé des tempéraments à cetteabrogation des législations nationales. Le principe de l’admission deslégislations nationales est clairement affirmé et reconnu par le Traité,soit en tant que dispositions supplétives, soit en complément des actesuniformes, soit en tant que règles dérogatoires des dispositions desactes uniformes ou soit en tant que dispositions applicables lorsque lelégislateur OHADA lui-même se déclare incompétent pour légiférer danstel ou tel domaine.

L’introduction dans les actes uniformes de certaines dispositionsrenvoyant à la compétence des lois nationales des Etats Parties est laconséquence logique de la reconnaissance de l’intervention des EtatsParties dans la mise en œuvre réelle des actes uniformes.

Cette volonté du législateur communautaire se traduit dans certainsactes uniformes, notamment de façon souple dans l’acte uniforme relatifau droit commercial général, celui relatif au droit des sociétéscommerciales et du groupement d’intérêt économique32. Par contre,dans l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, on constate quele législateur communautaire a laissé une place beaucoup significativeà l’intervention des Etats Parties. C’est dans ce sillage que l’on peutclasser les choix du législateur communautaire en ce qui concernel’intervention des Etats Parties dans la mise en œuvre réelle de l’Acteuniforme relatif au droit des sociétés coopératives. En effet, l’article 2de l’AUSCOOP prévoit expressément que : « Les  dispositions  duprésent Acte uniforme sont d’ordre public, sauf dans les cas où il autoriseexpressément les coopérateurs, soit à substituer les stipulations dontils sont convenus ou les dispositions de droit interne des Etats Partiesà celles du présent Acte uniforme, soit à compléter p

Nonobstant  les  dispositions  du  présent Acte  uniforme,  les  sociétéscoopératives  qui  ont  pour  objet  l’exercice  d’activités  bancaires  ou

31 En cela, l’article 10 du Traité de l’OHADA ressemble étrangement à l’article 6 du Traité del’UEMOA qui, traitant de la force juridique et de la portée des actes communautaires, énoncepéremptoirement qu’ils « sont appliqués dans chaque Etat membre, nonobstant toute législationnationale contraire, antérieure ou postérieure ». voir pour plus de développement sur cettequestion : l’Avis n°001/2003 de la Cour de Justice de l’UEMOA du 18 mars 2003 qui a repris lesconclusions du juge communautaire européen, dans l’Arrêt Factortame, Affaire C-213/89 de laCJCE du 19 juin 1990.32 Si l’article 8 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général vise les textes pouvantconsacrer une incompatibilité, l’article 7 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétéscommerciales et du Groupement d’intérêt économique quant à lui, renvoie expressément aux

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financières demeurent soumises aux dispositions du droit  interne oucommunautaire relatives à l’exercice de ces activités ».

Il est vrai que compte tenu du caractère d’ordre public reconnu auxdispositions de l’Acte uniforme, d’une part, les coopérateurs ne peuventy déroger de leur propre chef et d’autre part, même si des dispositionsconventionnelles ou de droit interne sont autorisées, elles ne peuventnon plus, être contraires à l’esprit et à la lettre de l’Acte uniforme.Cependant, force est de constater que l’Acte uniforme relatif au droitdes sociétés coopératives consacre une très large liberté statutaire33

et une place significative à l’intervention des Etats Parties dans sa miseen œuvre réelle.

a- La compétence des lois nationales dans la déterminationde l’objet des sociétés coopératives

L’objet de la société coopérative n’est rien d’autre que l’activité qu’elleentreprend. Il doit être déterminé et décrit dans les statuts. La définitionde façon large de l’objet de la coopérative permet d’éviter la dissolutionau cas où un volet de son activité serait en régression.

L’objet de la société coopérative doit être licite, c’est-à-dire conforme àla loi, à l’ordre public et aux bonnes mœurs. En effet, les sociétés n’ontpas vocation à faire n’importe quoi ; elles doivent afficher un objet socialqui constitue en quelque sorte le programme qu’elles entendentréaliser34 d’autant plus que c’est cet objet qui détermine le caractèrecivil ou commercial de la société coopérative. Par ailleurs, l’objet socialpeut être modifié. Mais cette liberté accordée aux associés coopérateursdans la détermination de l’objet social ne peut être exercée que dansle respect des conditions prévues pour la modification des statuts.Lorsque l’activité exercée par la société coopérative est réglementée,celle-ci doit se conformer aux règles particulières auxquelles laditeactivité est soumise35.

dispositions de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général. D’où, nous pouvons déduireune similitude dans les conditions et règles d’incapacité juridique fixées par le législateurcommunautaire.33 Voir le développement du Professeur JIOGUE Grégoire sur « l’étendue de la liberté statutaire »,Contribution au colloque international sur le droit des sociétés coopératives OHADA, les 19 et20 juin 2013 à Yaoundé.34 GUYON (Y), Droit des Affaires, 1990, N°189 CIMA (Conférence Interafricaine des Marchésd’Assurance).35 A titre d’exemple, une coopérative qui exerce l’activité d’assurance doit se soumettre auxrègles du Code CIMA.

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C’est ainsi que l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopérativesprévoit en ses articles 5 que : « les sociétés coopératives exercentleur action dans toutes les branches de l’activité humaine » et en sonarticle 20 alinéas 2 et 3 que :

« L’objet de la société coopérative doit être licite.Lorsque l’activité exercée par la société coopérative est réglementée,celle-ci  doit  se  conformer  aux  règles  particulières  auxquelles  laditeactivité est soumise ».

Il est aisé de relever de la lecture croisée de ces dispositions que l’objetdes sociétés coopératives en cas de besoin, fera intervenir lesréglementations nationales internes des Etats Parties dans ladétermination du caractère licite ou illicite des activités des coopératives.Le législateur OHADA a ainsi affirmé clairement la compétence deslégislations nationales des Etats Parties en ce qui concerne l’octroiedes agréments pour certaines activités des sociétés coopératives. Unetelle admission de la compétence des législations nationales estjustifiable et défendable à plus d’un titre. En effet, il revient à chaqueEtat, d’organiser et de réguler en fonction des exigences spécifiquesqui lui sont propres, l’exercice de telle ou telle activité selon les risquesliés à l’exercice de ces activités et en fonction du niveau de protectionet de sécurité que cet Etat entend garantir ou assurer à ses populations.Il serait donc difficile de confier la gestion et la régulation d’un domaineaussi sensible au législateur communautaire. D’où l’intérêt pratique del’admission de l’intervention des Etats Parties dans la mise en œuvrede ces dispositions.

b-la compétence des législations nationales dans ladétermination des normes répressives

La coexistence des compétences normatives laisse présager d’un avenird’insécurité et de désordre36. Loin de s’éterniser sur la controversedoctrinale qui caractérise la résolution de la problématique del’éclatement ou de l’effritement du principe de la légalité criminelle aussibien dans sa dimension normative que dans sa dimension constructive,que pose la détermination et la répression des infractions dans ledomaine du droit des affaires OHADA37, l’étude se focalisera juste surla portée et l’intérêt du renvoi à la compétence des lois nationales desEtats Parties, pour la détermination des normes répressives des

36 DELMAS-MARTY (M), in « Critique de l’intégration normative », PUF, Paris, 2004, p.205.37 Voir sur cette question, MAMA (A-B-T), Le principe de la légalité criminelle en droit OHADA,sous la direction du professeur SANTOS (A-P), Mémoire en vue de l’obtention du DEA, EcoleDoctorale de la Faculté de Droit et de Sciences Politiques de l’Université d’Abomey-Calavi, 2013.

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incriminations résultant de la violation des dispositions de l’ActeUniforme relatif au droit des sociétés coopératives.

Sur le plan pénal, le législateur OHADA a laissé la détermination de lasanction à l’appréciation souveraine de chaque Etat Partie. L’article386 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives prévoità cet effet : « Encourt une sanction pénale toute personne qui, sans yêtre habilitée conformément aux dispositions légales et réglementairesapplicables  à  ce  type  de  groupements,  aura  indûment  utilisé  lesexpressions de sociétés coopératives, union de sociétés coopératives,fédération de sociétés coopératives ou de confédération de sociétéscoopératives,  accompagnées  d’un  qualificatif  quelconque,  ainsi  quetoutes les dénominations de nature à laisser entendre qu’il s’agit d’undes groupements cités dans le présent article ».

Ce qui retient fondamentalement l’attention, c’est la compétencereconnue aux lois nationales des Etats Parties pour la déterminationdes sanctions répressives. A l’analyse, il est évident que le choix dulégislateur OHADA de recourir à l’intervention des Etats Parties pourdéterminer les sanctions pénales applicables, peut remettre en causel’effectivité de la mise en œuvre de la réglementation communautaire,du moins, pendant toute la période durant laquelle tous les Etats Partiesn’auraient pas satisfait à cet engagement38.

Ainsi, les conséquences inhérentes à la disparité dans la répressiondes infractions au droit des affaires OHADA constituent une faiblesseà l’effectivité des normes communautaires, contrairement à certainesnormes communautaires comportant aussi bien les incriminations queles sanctions pénales applicables. C’est le cas de la réglementationbancaire applicable dans les Etats Membres de l’Union Monétaire OuestAfricaine. Il en est de même, des dispositions de l’Accord de Banguirelatif à l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle, qui ontprévu une réglementation répressive complète.

A notre avis, le renvoi à la compétence des lois nationales et àl’intervention des Etats Parties pour la détermination des sanctionspénales applicables doit être encouragé et soutenu.

38 Jusqu’en 2011, seuls le Bénin avec la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre lacorruption et autres infractions connexes en République du Bénin, Cameroun avec la loi n°2003/08 du 10 juillet 2003 et le Sénégal avec la loi n°98-22 du 26 mars 1998, ont déjà légiféré sur lessanctions applicables aux infractions aux sociétés.

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En effet, toute norme répressive est sous-tendue par la protection del’ordre public et de certaines valeurs sociales et morales spécifiques àchaque société. Dès lors, il est inconcevable que l’on parvienne àdéterminer des normes répressives communautaires ou régionales,qui tiennent compte des spécificités sociales, culturelles, économiqueset politiques de tous les Etats Membres d’une organisation sousrégionale ou régionale. Cette hypothèse trouve sa justification dans lefait que les populations africaines sont hétérogènes et ne sauraient sereconnaître qu’à travers des valeurs sociales, culturelles, morales,politiques et économiques différentes.

L’admission de l’intervention des Etats Parties dans la mise en œuvredes sanctions pénales en vue de la répression des incriminationsprévues par l’AUSCOOP est donc justifiable et répond à une exigencedu respect de la souveraineté des Etats Parties.

B- Une nécessaire articulation de l’Acte uniforme relatif au droitdes sociétés coopératives avec les enjeux économiquesnationaux

Un bref regard d’analyse sur les réalités de la plupart des Etats Partiespermet de se rendre compte que les Etats d’Afrique noire en général etceux d’Afrique francophone en particulier, auront du mal à libéralisercertains secteurs de production surtout dans le domaine agricole. Eneffet, que ce soit le coton, le cacao, l’hévéa, l’anacarde, le palmier àhuile, l’ananas, le café, etc., la plupart de ces cultures sont érigées enune véritable filière que les gouvernements ont tendance à contrôler.Or, il se trouve que les producteurs de leur côté, s’organisent encoopératives pour développer ces cultures. Comment parvenir àlibéraliser ces coopératives et faire échapper ces coopératives et cesfilières de l’influence remarquable et significative des Etats ?

A l’analyse, on se rend à l’évidence que les Etats ne peuvent pas ou dumoins auront du mal à consacrer une réelle autonomie et indépendanceaux coopératives exerçant dans ces filières. Toute définition des normesapplicables aux sociétés coopératives qui ne prendrait pas en comptece paramètre ne peut raisonnablement cerner de façon adéquate lesréalités de ces pays.

De même, le législateur communautaire ne peut se substituerraisonnablement aux législateurs nationaux dans tous les domaines. Ils’agit notamment de certains domaines nécessitant l’intervention desEtats Parties.

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Dans la recherche pour la construction d’un droit des sociétésspécifiques pour les sociétés coopératives, ces dimensions doivent êtreprises en compte par le législateur. Il en est ainsi du contrôle impératifde l’Etat sur l’exercice des activités des sociétés coopératives et de ladétermination des mesures fiscales applicables aux sociétéscoopératives.

1- le contrôle impératif de l’Etat sur les sociétéscoopératives : gage du respect des principescoopératifs

Le phénomène coopératif a de nos jours un autre visage : nonobstantla souplesse de leur organisation et de leur fonctionnement, les sociétéscoopératives semblent une cible porteuse pour les détenteurs decapitaux. C’est ce qui explique le fait que de gros opérateurséconomiques aient porté leur choix sur les sociétés coopératives39.L’attractivité des sociétés coopératives peut s’expliquer surtout par lesavantages comparatifs résultant du recours à cette forme de société.En effet, la société coopérative est une entreprise dont nul ne peutremettre en cause la capacité à faire des affaires, tout en excluant lapoursuite du profit maximum à titre strictement privé. Mais, du fait, quele législateur n’est pas parvenu à détacher véritablement les règlesd’organisation et de fonctionnement des sociétés coopératives de cellesdes sociétés commerciales40, le risque de voir certains opérateursrecourir à cette forme d’organisation des activités économiques dansle but de contourner les exigences légales liées à l’exercice de certainesactivités est très élevé. A titre illustratif, une société exerçant une activitérelevant normalement du droit des sociétés commerciales, peut choisirla forme coopérative pour éviter les contraintes fiscales et autresexigences de la loi.

Pour faire face à cette situation, le législateur communautaire a prévuentre autres conditions spécifiques pour les sociétés coopératives, lerespect des principes coopératifs.

Selon les dispositions de l’article 6 de l’AUSCOOP, « la sociétécoopérative est constituée et gérée selon les principes coopératifs

39 Fédération des Caisses d’Epargne et de Crédit Agricole Mutuel au Bénin (FECECAM) ; CréditMutuel Agricole en France ; Compagnie Financière de l’Estuaire (COFINEST), CréditCommunautaire d’Afrique (CCA) au Cameroun.40 Le texte reprend pratiquement bon nombre de dispositions de l’acte uniforme relatif auxsociétés commerciales et les GIE, en combinant différents types de sociétés commerciales,pour créer une certaine « originalité » de fonctionnement des sociétés coopératives ; ce quiaboutit à une « mixture » qui risque d’être inadaptée à la nature des sociétés coopératives.

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universellement reconnus ». Ces principes conçus par l’AllianceCoopérative Internationale (ACI), ont été consacrés par l’OrganisationInternationale du Travail (OIT). Ils sont repris par le législateur OHADA.Il s’agit de l’adhésion volontaire et ouverte à tous, le pouvoirdémocratique des coopérateurs, la participation économique descoopérateurs, l’autonomie et l’indépendance, l’éducation, la formation,l’information et l’engagement volontaire envers la communauté. Il est àremarquer que ces principes fondent la distinction entre sociétéscoopératives et autres sociétés (civiles ou commerciales). Ils constituentl’essence même du fonctionnement de la société coopérative etexpliquent que l’inobservation de l’un d’eux, peut être évoquée commemotif de dissolution.

Dès lors, se pose la question du contrôle de l’observation de cesprincipes coopératifs. Si, l’effectivité de ce contrôle ne pose aucunproblème à la création de la société coopérative, il n’en est pas demême du contrôle de leur respect, au cours de la vie de la sociétécoopérative. Doit-on se fier aux dénonciations de la part descoopérateurs (victimes) ou de toute personne y ayant un intérêt dansces cas ?

A notre avis, ce contrôle doit être assuré par l’Etat qui a en charge larégulation de la concurrence sur le marché.

Pour y parvenir, chaque Etat Partie doit donc mettre en place le cadreinstitutionnel adéquat pour assurer le contrôle du respect des principescoopératifs ainsi que des règles spécifiques en cas de nécessité pourcertaines activités (pour lesquelles des autorisations spéciales ouagréments ont été donnés).

C’est dans la même hypothèse que s’inscrit la problématique de ladétermination de la politique fiscale favorable aux sociétés coopératives.

2- la détermination du régime fiscal applicable auxcoopératives : une prérogative de l’Etat

La fiscalité est un instrument de régulation de politique économique.L’Etat peut donc l’utiliser ou l’actionner en fonction de ses objectifs.Une exonération fiscale accordée par l’Etat est une perte de ressourcesfiscales. Elle doit donc être justifiée par un objectif clairement visé etne doit pas créer de distorsions et d’injustices. C’est la problématiquede la détermination de la politique fiscale adaptée aux sociétéscoopératives.

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La situation fiscale des coopératives, souvent déclarée comme étantprivilégiée par rapport aux commerçants ordinaires, a été l’objet desplus vives critiques formulées.

En France, la jurisprudence du Conseil d’Etat a longtemps étéparticulièrement sévère à l’égard des sociétés coopératives qui ont étésoumises, bon gré mal gré, à des règles fondées sur une mauvaisecompréhension de l’esprit coopératif et des divergences inconciliablesqui existent entre leur forme propre et celles qu’elles sont obligéesd’adopter afin de respecter les décisions des magistrats. Ainsi,l’imposition des sociétés coopératives dépend bien évidemment de leurnature, et in fine des dispositions auxquelles elles sont soumises.

Face à la controverse sur la question, le Conseil d’Etat français a étésollicité pour tenter de clarifier la situation. Une première fois, le 26juillet 1923, il a hésité à se prononcer41 ; il a rejeté un pourvoi formé par« La  Populaire » de Saint Gaudens. Cependant, le Conseil d’Etatfrançais l’a déclarée soumise à l’impôt sur les bénéfices industriels etcommerciaux, ainsi qu’à celui sur le chiffre d’affaires, étant donné queles statuts ne fixent pas le mode de distribution des réserves etn’indiquent pas si les porteurs d’actions étaient -ou non - privés dedroits dans cette répartition. En l’espèce, la solution retenue a prisisolément l’assujettissement de la société auxdits impôts sans prendreen considération la théorie extensive, d’ailleurs soutenue par leCommissaire du Gouvernement, qui reviendrait à dire que puisque lasociété est soumise à l’impôt sur les bénéfices industriels etcommerciaux, alors elle l’est aussi pour celui sur le chiffre d’affaires.Une seconde fois, un revirement capital a été opéré par un arrêt SociétéLa  Reveloise  du 18 janvier 192442. Les sociétés coopératives deconsommation sont passibles de l’impôt sur le chiffre d’affaires, dèslors qu’elles achètent pour revendre, sans qu’il y ait à rechercher dansce cas si elles sont ou non concernées par l’imposition sur les bénéficesindustriels et commerciaux. En conséquence, cette décision affirmeque l’application de l’impôt concerne aussi bien des ventes civiles quecommerciales et frappe donc toutes les coopératives sans distinction.

En l’absence donc de dispositions législatives assez précises sur laquestion de la fiscalité applicable aux sociétés coopératives dès lorsque ces dernières peuvent exercer dans toutes les branches de l’activitéhumaine, il y aura inévitablement des difficultés quant au fonctionnementdes sociétés coopératives dans l’espace OHADA.

41 CE, 26 juillet 1923, L Populaire, Rec. Lebon 1923, 2ième esp., p.612.42 CE, 18 janvier 1924, La Société la Reveloise, Rec. Lebon 1924, 4ième esp., p. 173.

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Le législateur OHADA pourrait s’inspirer des solutions adoptées auniveau de l’Union Européenne en la matière. En effet, la Cour de Justicede l’Union Européenne (CJUE) dans son arrêt du 8 septembre 2011, aconfirmé que les Etats peuvent édicter des règles fiscales spécifiques(exonérations par exemple) en faveur des coopératives, sous certainesconditions43. La CJUE était interrogée par la Cour de cassation italienne,dans le cadre d’une question préjudicielle, au sujet d’une dispositionfiscale exonérant les coopératives de pêche de l’impôt sur les sociétés :cette exonération devait-elle être considérée comme une aide de l’Etatcréant une distorsion de concurrence en faveur des coopératives ?

La Cour n’a bien entendu pas jugé le cas d’espèce, ce qui est le rôle dela juridiction nationale, mais a posé un cadre d’analyse juridique globalqui doit servir de guide pour appréhender les relations entre le droitcoopératif et le droit de la concurrence – ce qui donne à cet arrêt touteson importance.

Il ressort que le fait qu’une aide bénéficie à certaines entreprises etpas à d’autres ne suffit pas à déterminer son caractère illégal au regarddu droit européen44. En effet, une différence de traitement fiscal constitueune aide sélective uniquement si elle favorise un certain type d’entreprisepar rapport à « d’autres se trouvant dans une situation factuelle etjuridique comparable » au regard de l’impôt considéré45. Or, la CJUErelève que les sociétés coopératives « obéissent à des principes defonctionnement particuliers qui  les distinguent nettement des autresopérateurs économiques»,  comme l’a d’ailleurs reconnu le législateureuropéen dans le Règlement n°1435/2003 sur la société coopérativeeuropéenne46. En particulier, la Cour a souligné que les coopératives« ne sont pas gérées au profit d’investisseurs extérieurs »47 et qu’elles« n’ont pas ou peu accès aux marchés de capitaux » étant donné queleurs titres ne sont pas négociables et que la rémunération du capitalemprunté et des participations est limitée, « de sorte que leurdéveloppement dépend de leurs fonds propres ou du crédit »48. Forceest donc de constater, conclut la CJUE, qu’eu égard aux caractéristiquesparticulières propres aux sociétés coopératives, celles-ci « ne sauraient,en principe, être considérées comme se trouvant dans une situationfactuelle et juridique comparable à celles des sociétés commerciales »- pour autant, évidemment, qu’elles sont véritablement gérées dans le

43 CJUE, ARRET MINISTERIO DELL’ECONOMIA E DELLE FINANCE C/PAINT GRAPHOSE.A.44 Plus précisément au regard de l’article 87 du Traité instituant la Communauté européennerelatif aux aides de l’Etat.45 Voir « Attendu n°54 » de la Cour.46 Voir « attendu n°55 » de la Cour.47 Voir « attendu n°57 » de la Cour.48 Voir « attendu 59 » de la Cour.

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respect des principes coopératifs, c’est-à-dire « qu’elles agissent dansl’intérêt économique de leurs membres et qu’elles entretiennent unerelation non pas purement commerciale, mais personnelle particulièreavec ces derniers »49.

Cette prise de position de la CJUE peut éclairer le législateur OHADAdans la perspective d’une relecture de l’Acte uniforme relatif au droitdes sociétés coopératives. En effet, l’Acte uniforme a prévu la créationde sociétés coopératives respectueuses des principes coopératifs etdes conditions posées par la Cour de Justice de l’Union Européenne.Le silence gardé pour le moment par le législateur OHADA sur cettequestion, ne permet pas de doter les Etats Parties d’une disposition deréférence pouvant orienter leur intervention en la matière, ce qui présagesoit d’une absence d’une réglementation fiscale adaptée aux sociétéscoopératives dans l’espace OHADA, soit d’une diversité ou d’unedisparité remarquable de dispositions fiscales applicables aux sociétéscoopératives dans l’espace OHADA.

L’alternative pourrait être le recours à la Cour Commune de Justice etd’Arbitrage de l’OHADA pour fixer les Etats Parties sur d’éventuellesdispositions nationales devant être harmonisées tout comme l’a fait laCour de Justice de l’Union Européenne.

A titre illustratif, nous pouvons nous référer au cas de la République duBénin. Aussi bien les mutuelles que les coopératives sont assujetties àun certaines mesures fiscales notamment :

- Le versement patronal sur salaires (VPS),

- La Taxe sur Activités Financières (TAF),

- L’Impôt Progressif sur les Traitement et Salaires (IPTS),

- La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA),

- Ainsi que les impôts indirects payés sur les services bancaires,les droits d’enregistrements payés pour les contrats de travailet d’emprunt…,

Or, du fait que les sociétés coopératives n’ont pas la vocation de réaliserdes bénéfices50 , il aurait fallu exonérer purement et simplement ces

49 Voir « attendu n°61 » de la Cour.50 Pour plus de développement de la question, voir HIERTZ (David) et TADJUDJE (Willy),Présentation du nouveau droit coopératif OHADA, Université de Luxembourg, Septembre 2012, P.8.

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sociétés coopératives qui poursuivent un but social et le bien-être deleurs membres et de leurs communautés.

A la suite des recommandations formulées aussi bien par l’UnionEconomique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et la BanqueCentrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BECEAO) sur les mesuresfiscales applicables aux Systèmes Financiers Décentralisés (SFD) àsavoir :

- Une amélioration du cadre fiscal des SFD ;

- Une amélioration de la fiscalité applicable aux SFD ;

- L’exonération des retenues à la source au titre de l’Impôt sur leRevenu des Créances (IRC) et de l’Impôt sur le Revenu desValeurs Mobilières (IRVM) définitivement acquises au Trésorpublic en faveur des Institutions Mutualistes ou coopérativesd’Epargne et de Crédits (IMCEC) et associations dans la mesureoù l’impôt sur les sociétés ne leur est pas applicable;

- L’exonération d’impôt des opérations de refinancement desIMCEC auprès des banques à l’instar de ce qui se fait auSénégal ;

- L’exonération des IMCEC de droit d’enregistrement et de timbreà l’instar de la pratique en Côte d’Ivoire et au Mali51.

Il convient de rappeler qu’une intervention des Etats Parties estnécessaire pour que les exonérations visées soient étendues à toutesles coopératives dont les activités rentrent dans le champ d’applicationde l’Acte Uniforme. Cette thèse ne rencontre certes pas l’adhésion deplusieurs auteurs qui estiment au contraire que les sociétés coopérativesgagneraient si elles sont soumises à une fiscalité plus ou moinsrigoureuse. Une défiscalisation et trop d’exonération fiscalesconstitueraient une contreperformance aux sociétés coopératives, selonles mêmes auteurs52.

Ainsi, les suggestions suivantes peuvent être formulées :

- La réduction du taux du Versement Patronal sur Salaire (VPS) 53;51 Rapport Final de « L’étude sur les mesures fiscales adaptées au secteur de la micro financeau Bénin », réalisée par le Cabinet « PLURIEX », août 2012, pp.32-33.52 HAGEN (H), Le droit des coopératives OHADA dans le monde, contribution au colloqueinternational sur le droit des sociétés coopératives OHADA, les 18 et 19 juin 2013 à Yaoundé.53 De 4% à 2% pour les sociétés coopératives pour le cas du Bénin et ce, conformément 211 à214 du Code Général des Impôts du Bénin.

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- L’exonération de la TVA supportée sur les acquisitions de bienset services liées aux activités des Sociétés coopératives54.

L’octroi d’incitations fiscales ciblées en faveur des sociétés coopératives,peut avoir des impacts aussi bien sur les acteurs du secteur coopératif,sur l’économie en général que sur le développement de chacun despays dès lors que la lutte contre la pauvreté et la recherche du bien-être des populations à la base, constituent sans aucun doute, desindicateurs de développement.

En somme, malgré la controverse doctrinale qui est entretenu autourdu fondement de la reconnaissance de la compétence des dispositionsnationales pour la mise en œuvre effective des Actes uniformes engénéral et celle plus affirmée de l’Acte uniforme relatif au droit dessociétés coopératives, il convient d’admettre que l’affirmation du principede l’intervention des Etats Parties dans la mise en œuvre réelle desActes uniformes est( justifiable à plus d’un titre.

Toutefois, il est nécessaire de s’interroger sur les difficultés de mise enœuvre des dispositions internes des Etats Parties. En effet, plusieursdifficultés peuvent surgir suivant les différentes hypothèses et il convientde les analyser afin d’apprécier à sa juste valeur l’impact de l’interventiondes Etats Parties dans la mise en œuvre réelle de l’Acte Uniforme relatifau droit des sociétés coopératives.

54 Les enquêtes réalisées dans le cadre de cette Etude ayant révélées que 26 % des SFDconstitués sous la forme IMCEC et 57 % des SFD constitués sous la forme d’association et deprojet ne paient pas la TVA.

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Conclusion partielle

Les Etats membres de l’OHADA ont à juste titre prévu le mécanismedevant leur permettre de jouer un rôle plus ou moins actif dans la miseen œuvre des Actes uniformes. Cette intervention des Etats partiessuscite certes des critiques qui semblent fondées du fait que d’unepart, il s’agit du droit des affaires et donc d’une matière pour laquelle,les règles ne visent que la régulation des relations entre les particuliers ;et d’autre part, du fait que les mêmes Etats ont opté pour une unificationdes normes devant régir ces matières dans l’espace OHADA. Ces deuxconsidérations devraient, selon certains auteurs, amener les Etatsmembres de l’OHADA à remettre en cause leur intervention dans lamise en œuvre des Actes uniformes. Mais la thèse contraire semble ànotre avis plus fondée dans la mesure où l’intervention des Etats Partiesdans la mise en œuvre des Actes uniformes en Général et plusparticulièrement de celui relatif au droit des sociétés coopératives sejustifie à plus d’un titre.

D’abord, il est évident que la particularité de cet Acte uniforme nécessiteque les pouvoirs publics veillent au respect des principes coopératifs,l’objectif étant de limiter les risques d’une usurpation de la formecoopérative par les acteurs et usagers pour contourner les exigencesqui leur sont imposées par les dispositions du droit des sociétéscommerciales.

Ensuite, même si l’attrait à la détermination des normes répressivespar le législateur communautaire devient de plus en plus une réalité enAfrique francophone surtout, il est évident que cette orientation n’estpas sans conséquences aussi bien en ce qui concerne les fondementsmêmes des normes répressives que de leur mise en œuvre au plancommunautaire. C’est donc à juste titre que le Traité de l’OHADA areconnu une compétence exclusive aux dispositions nationales desEtats Parties pour la détermination des sanctions répressives poursanctionner les incriminations définies dans les Actes uniformes.

A cela, il faut ajouter la problématique de la détermination des mesuresfiscales applicables aux sociétés coopératives.

Toutefois, si l’intervention des Etats Parties dans la mise en œuvre desActes uniformes est justifiée par ces considérations, il convient de noterque l’intervention des Etats Parties dans la mise en œuvre réelle desdispositions de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopérativesest un peu exagérée au point de biaiser les objectifs et l’efficacité vouluspar le législateur communautaire. C’est du moins, ce qui ressort del’analyse des difficultés de mise en œuvre de cette intervention dans la

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mise en œuvre réelle des dispositions de l’Acte uniforme relatif au droitdes sociétés coopératives.

II – Une intervention difficile à mettre en œuvre

Dans le processus de la création de la coopérative, l’Acte uniformerelatif au droit des sociétés coopératives distingue trois phases à savoir :la formation, la constitution et l’immatriculation55. La formation consistedans la phase de négociation et de préparation des démarchesnécessaires à l’adoption des statuts. La constitution consiste dansl’adoption des statuts ainsi qu’à la souscription du capital social.L’immatriculation qui se fait au registre des sociétés coopératives, estla phase finale à l’issue de laquelle la société coopérative acquiert lapersonnalité juridique. Si l’intervention de l’Etat n’est pas remarquableau cours des deux phases initiales, elle est par contre très significativepour l’aboutissement de la dernière phase qui est la plus importante.En effet, ce n’est qu’après l’immatriculation au registre des sociétéscoopératives que la société coopérative aura une existence juridiqueet pourra non seulement légitimer les actes juridiques ou lesengagements pris au cours des deux précédentes phases, mais surtoutentreprendre les actions et activités pour lesquelles, elle est constituée.La détermination des règles relatives à la capacité des coopérateurs,le système mixte et pyramidal d’immatriculation56, ainsi que les difficultésd’organisation et de la tenue des registres des sociétés coopératives,sont autant d’obstacles à la libéralisation, à l’autonomie et audéveloppement des sociétés coopératives dans l’espace OHADA.L’analyse des difficultés liées à la mise en œuvre des règles applicablespour la détermination de la capacité juridique des coopérateurs (A),précèdera celle relative à la question de l’organisation et de la tenuedes registres des sociétés coopératives (B).

A- L’incertitude quant aux règles déterminant la capacité juridique des coopérateurs

En principe, l’adhésion à une société coopérative est ouverte sansdiscrimination aux personnes qui peuvent en utiliser les services et quisont disposées et aptes à accepter les responsabilités rattachées austatut de membre. Mais tout comme pour les contrats de droit commun,le législateur communautaire a posé les mêmes conditions communespour la validité de tous les contrats à savoir : la capacité des parties

55 Articles 70 à 83 et 85 et suivants de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives.56 SANTOS (Akuété Pedro) et BOTOKRO (Charles Komivi), Commentaire de l’Acte Uniformedu 15 décembre 2010 relatif au droit des sociétés coopératives, in « OHADA : Traité et ActesUniformes commentés et annotés », 4ème édition, JURISCOPE, 2012, p.689.

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contractantes, le consentement exempt de vices, l’objet et la causelicites. L’incompréhensible renvoi aux conditions de capacité prévuesdans l’acte uniforme relatif au droit commercial général qui se dégageselon la plupart des auteurs, suscite des interrogations et présente unintérêt pratique à l’analyse.

1-l’incompréhensible renvoi aux conditions de capacitésde l’Acte uniforme relatif au droit commercial général

Outre l’hésitation du législateur OHADA dans le choix des conceptsappropriés entre « associé » ou « coopérateur »57, les dispositions del’article 7 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopérativesprévoient que toute personne physique ou morale, peut être« coopérateur » d’une société coopérative lorsqu’elle ne fait l’objetd’aucune incapacité juridique conformément aux dispositions de la loinationale de chaque Etats Partie. Pour certains auteurs, les incapacitésjuridiques auxquelles fait référence l’Acte uniforme sont relatives à cellesprévues et réglées par les articles 6 à 12 de l’Acte uniforme relatif audroit commercial général58. L’associé ou coopérateur doit en principeêtre majeur. Cette majorité s’apprécie selon la loi nationale de chaqueEtat Partie. Il doit ensuite jouir de ses droits civiques. En effet, l’activitédes sociétés coopératives entraînant la commission d’actes decommerce, l’associé coopérateur est alors soumis aux exigences del’article 7 alinéa 1 de l’acte uniforme portant droit commercial généralselon lequel le mineur ne peut avoir la qualité de commerçant ou poserdes actes de commerce que s’il est émancipé.

S’agissant des incompatibilités édictées par les articles 8 et 9 de l’ActeUniforme relatif au droit commercial général, la notion de lien communposée par l’article 8 de l’acte uniforme relatif au droit des sociétéscoopératives faisant allusion à l’identité de profession, d’objectif oud’activité, aucune activité ne serait en principe incompatible à la créationd’une société coopérative , à moins que l’activité elle-même ne soitillicite ou contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

Quant aux interdictions de l’article 10 de l’acte uniforme portant droitcommercial général aux termes duquel nul ne peut exercer une activitécommerciale directement ou par personne interposée, s’il fait l’objetd’une interdiction prononcée par une juridiction professionnelle ou unejuridiction civile ou répressive ; elles pourraient bien toucher un associécoopérateur, surtout si celui-ci fait partie des organes de gestion.

57 SANTOS (Akuété Pédro) et BOTOKRO (Charles Komivi), op. cit, p.673.58 Ibid., p.674.

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Cette analyse permet certes d’orienter le débat sans que la questionde la détermination des incapacités soit résolue.

De même, le législateur OHADA ne s’est pas préoccupéconvenablement de la question de la responsabilité de l’associé oucoopérateur même s’il a prévu une limitation de responsabilité. La seuleréférence à cette question, se trouve à l’article 371 de l’AUSCOOP quiprévoit : « La responsabilité des coopérateurs est au minimum égaleau  montant  des  parts  sociales  souscrites.  Néanmoins,  les  statutspeuvent prévoir une responsabilité plus étendue qui ne peut excédercinq fois le montant des parts sociales souscrites ».

A l’analyse, une telle disposition ne règle pas convenablement laquestion des responsabilités. Une seule certitude se dégage desdispositions de l’article 371, c’est que le législateur communautaireretient la thèse de la limitation des responsabilités. Mais en laissant lafaculté aux coopérateurs d’étendre jusqu’à hauteur de cinq fois lemontant des parts souscrites, on peut y déceler l’admission d’un régimede responsabilité plus sévère et plus élevé que celui des associés d’uneSociété à responsabilité limitée (SARL) et des Sociétés Anonymes (SA).Au-delà de cette interrogation, la limitation de responsabilité est l’unedes caractéristiques des sociétés de capitaux. Peut-on également ydéceler une volonté du législateur OHADA de classer les sociétéscoopératives parmi les sociétés de capitaux ? Dans la négative, doit-on classer la société coopérative parmi les sociétés de personnes ?Le silence du législateur communautaire sur cette question et le renvoien ce qui concerne les règles particulières applicables à la liquidationjudiciaire des sociétés coopératives à défaut de clauses statutairesrelatives à la liquidation à l’amiable, aux dispositions des articles 203 à241 de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et dugroupement d’intérêt économique59, sont autant d’éléments qui fondentcette interrogation restée sans réponse.

Il faut enfin relever que l’Acte uniforme vise directement les dispositionsnationales de chaque Etat Partie sans aucune référence aux articles 6à 12 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général tel qu’onpouvait le croire.

Pourquoi le législateur OHADA n’a pas transposé simplement etpurement lesdites dispositions dès lors que ces dispositions ont étéadoptées par lui et sont à sa portée ?

59 Articles 196 et 197 de l’AUSCOOP.

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A notre avis, le législateur OHADA ne viserait pas directement cesdispositions figurant aux articles 6 à 12 de l’Acte uniforme relatif audroit commercial général. Il convient donc de relever que ladétermination des incapacités juridiques dont il s’agit, reste et demeuresoumise aux lois nationales respectives des Etats Parties.

Même si à la suite de l’analyse du professeur SANTOS, l’on supposeque le législateur OHADA faisait effectivement un tel renvoi auxdispositions des 6 à 12 de l’Acte Uniforme relatif au droit commercialgénéral qui certes est un autre Acte uniforme, ce renvoi n’est pas ànotre avis une option appréciable. En effet, pour faciliter, la clarté, laprécision, la concision et la compréhension des dispositions de l’Acteuniforme relatif au droit des sociétés coopératives, il aurait falludéterminer clairement et de façon précise dans l’Acte uniforme, lesincapacités juridiques visées. D’une part, Ceci aurait permis de faciliterl’application des mêmes dispositions relatives à la qualité d’associé oude coopérateur dans tous les Etats Parties et limiterait sensiblementl’intervention de ces derniers, d’autre part, et compte tenu de la qualitédu public auquel cet Acte uniforme est destiné, ceci aurait facilitél’appropriation des dispositions de l’Acte uniforme par ces derniers.

Dès lors, les Etats Parties ont le devoir de prendre des dispositionslégislatives internes pour fixer lesdites incapacités. En l’absence detelles dispositions, soit l’on ferait abstraction de telles incapacités ettoute personne physique ou morale pourrait être « coopérateur » ou« associé » sans aucune limitation à l’acquisition de la qualité decoopérateur ou d’associé, conséquences du vide juridique en la matière.

Mais au-delà, on peut y déceler une source de disparités devant aboutirà une hétérogénéité des règles applicables à la capacité juridique descoopérateurs dans les différents Etats Parties. Une telle situation seraitcaractéristique d’une contradiction entre la réalité et les objectifsd’uniformisation que poursuivait le législateur OHADA.

2- l’imprécision du renvoi aux législations nationales

Il est nécessaire d’analyser la portée de l’intervention des Etats Partiesdans la détermination des incapacités juridiques afin de juger oud’apprécier son opportunité. En effet, le législateur OHADA devraitdéterminer les différentes situations spécifiques pouvant entraîner uneincapacité juridique à devenir coopérateur ou associé d’une coopérativeet ce, en tenant compte des spécificités du domaine d’activités dessociétés coopératives. Le débat reste donc entier sur l’opportunité detelles incapacités juridiques et la détermination effective des dispositionscommunautaires dans ce domaine spécifique.

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Il résulte de notre analyse que le législateur OHADA ne pouvaitraisonnablement pas élaborer toutes les dispositions nécessaires etqu’il fallait laisser une place aux Etats Parties de compléter les règlescommunautaires à travers des dispositions internes de mise en œuvre.Mais, convient-il de relever que l’on ne doit pas perdre de vue lanécessité d’adopter au niveau communautaire un ensemble de règlespermettant d’assurer l’harmonisation et l’uniformisation voulues dansle Traité. Autrement, l’intervention des Etats Parties dans l’adoptiondes règles de mise en œuvre réelle des dispositions de l’Acte uniformeconduira à coup sûr, à l’émergence et le développement de disparitésentre les règles au niveau des Etats Parties, ce qui est contraire à lasécurité juridique et judiciaire voulues par les initiateurs du Traité del’OHADA. La relecture de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétéscoopératives dans ce sens devient donc une nécessité impérieuse.

B- l’imparfaite détermination du cadre institutionnel de gestion des registres des sociétés coopératives

L’immatriculation est la condition d’existence de toute société. La sociétécoopérative doit demander son immatriculation auprès de l’organe prévuet organisé par l’acte uniforme à cet effet, selon une procédure biendéterminée. La société immatriculée doit faire l’objet de publicité dansle but de révéler l’existence de la société aux tiers.

La coopérative requiert l’immatriculation dans le mois de saconstitution60. Pour accompagner la demande d’immatriculation, undossier doit être constitué et doit comporter plusieurs renseignementset pièces justificatives61. La double immatriculation, ou l’immatriculationsous plusieurs numéros est prohibée62.

Au cours de la vie de la société coopérative, d’autres inscriptions peuvents’imposer pour modifier, rectifier ou compléter les mentions initiales. Ilen est ainsi en cas de modification des statuts notamment, commec’est le cas pour les sociétés commerciales. Dans tous les cas, tousces changements doivent être formulés au registre des sociétéscoopératives, à travers une demande de mention rectificative oucomplémentaire, dans les trente (30) jours suivant la modification63.L’immatriculation ainsi que les inscriptions modificatives survenues

60 Article 75 de l’Acte uniforme.61 Articles 75 et 76 de l’Acte uniforme.62 Article 77 de l’Acte uniforme.63 Article 80 de l’Acte uniforme.

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depuis la date de l’immatriculation doivent être publiées dans un journalhabilité à recevoir les annonces légales64. La désignation, la révocationou la démission des dirigeants sociaux, doit également être publiée auregistre des sociétés coopératives dans le délai d’un mois65. Cependant,il faut signaler que l’immatriculation ne confère la personnalité juridiqueà la société coopérative que pour autant qu’elle se soumette aux règlesqui régissent son activité.

Autrement dit, une société coopérative qui ne se conforme pas auxexigences de l’exercice de son activité, ne peut se prévaloir des effetsde l’immatriculation et ne peut se prévaloir par conséquent de lapersonnalité juridique. En outre, l’immatriculation joue un rôle spécifiquedans les sociétés coopératives ; elle est une mesure qui garantit lasécurité des opérations et assure la protection des coopérateurs etdes tiers qui traitent avec la société coopérative. Elle résout du coup leproblème de la clandestinité dans l’exercice des activités descoopératives et permet à l’autorité administrative d’exercer son contrôlesur l’utilisation et la destination de l’agrément accordé. Autant d’élémentsqui témoignent de l’importance de l’organisation du registre des sociétéscoopératives qui doit recevoir aussi bien l’immatriculation permettantl’acquisition de la personnalité juridique que toutes les informationsrelatives à la modification des statuts après l’immatriculation.

Comme le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM), leregistre des sociétés coopératives a été mis en place dans un butd’information légale, et donc de protection des tiers. A travers cetteinformation légale, le registre est censé contribuer à l’assainissementdu secteur coopératif66 ; lequel a largement souffert, de la colonisationjusqu’aux années 199067, d’une large emprise de l’Etat68. C’est le butrecherché par le législateur OHADA. Cependant, il n’est pas aisé deconclure à la capacité du registre des sociétés coopératives telle queorganisée par le législateur OHADA, à contribuer efficacement àl’assainissement du secteur coopératif, encore moins à assumer cettemission. Notons toutefois que le législateur OHADA n’a pas consacré

64 Article 81 de l’Acte uniforme.65 Article 98 de l’Acte uniforme.66 Voir TADJUDJE (W), « Le registre des sociétés coopératives en droit OHADA des sociétéscoopératives», contribution au Colloque international « Droit OHADA des sociétés coopératives »,Yaoundé, les 18 et 19 juin 2013.67 Voir TADJUDJE (W), « L’évolution historique du droit des sociétés coopératives en Afrique »,Contribution au colloque international « Droit OHADA des sociétés coopératives », Yaoundé,18-19 juin 2013.68 Voir NANDJIP MONEYANG (S), Réflexions sur le cadre juridique des coopératives issues dela réforme de 1992, Thèse de Doctorat, Université de Yaoundé II-Soa, 2003 (spec. Chapitrepréliminaire).

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un développement particulier aux effets de l’immatriculation. Est-ce unoubli ou un renvoi tacite aux dispositions des articles 59 à 61 de l’acteuniforme relatif au droit commercial général ?

Le choix risqué du législateur communautaire en ce qui concernel’autorité en charge de l’organisation et la tenue des registres dessociétés coopératives, retient également l’attention.

1-l’hésitation des choix de l’autorité en charge de la tenue duregistre

Loin de nous appesantir sur l’appréciation des fonctions dudit registrepour y déceler les insuffisances y afférentes69, nous allons focalisernotre attention sur la détermination de l’autorité devant tenir ledit registrecompte tenu de l’interdépendance qui existe entre l’organisation de latenue du registre des sociétés coopératives et leur immatriculation envue de l’acquisition par ces dernières de la personnalité juridique.

« Aux termes de l’article 69 AUSCOOP, l’immatriculation se fait auRegistre des Sociétés Coopératives (RSC) tenu au greffe du TPI dusiège social de la société ou l’autorité administrative chargée de latenue du RSC dans l’Etat Partie, dans le mois de sa constitution »70. Al’analyse, une telle disposition suppose que le projet de l’Acte uniformerelatif au droit des sociétés coopératives, laissait les deux possibilitésau législateur OHADA à savoir le choix entre confier l’organisation et latenue du Registre des sociétés coopératives au greffe du Tribunal dePremière Instance ou à une autorité administrative ayant en chargel’organisation et la tenue de ce Registre. Les dispositions de l’article 70de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives n’ont paspris en compte le greffe du Tribunal de Première Instance71.

Malheureusement, le législateur OHADA a préféré confier la tenue duregistre des sociétés coopératives à une autorité administrative72. Lelégislateur OHADA a-t-il voulu s’inscrire dans la continuité et dans lespratiques en vigueur dans les Etats Parties73 ?

69 Voir sur cette question, l’analyse de TADJUDJE (W), op.cit.70 Encyclopédie du droit OHADA, op.cit., p.1918.71 Voir article 70 de l’AUSCOOP.72 Article 70 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives.73 Dans la plupart des Etats Parties, le registre des coopératives était tenu par diversesadministrations mais principalement par le Ministère de l’agriculture ou des services ou directionsdépendants de ce ministère, dans ces Etats Parties (par exemple : Bénin, Togo, Cameroun,Sénégal).

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En effet, l’alinéa 2 de l’article 70 de l’AUDSC dispose : « Dans chaqueEtat Partie, l’autorité administrative chargée de la tenue du registredes sociétés coopératives est l’organe déconcentré ou décentralisé del’autorité nationale chargée de l’administration territoriale ou l’autoritécompétente, auquel est immédiatement rattaché le siège de la sociétécoopérative ».

A l’analyse, ces dispositions révèlent les difficultés éprouvées par lelégislateur OHADA dans la détermination et la mise en place d’un cadreinstitutionnel spécifique devant faciliter l’acquisition de la personnalitéjuridique des sociétés coopératives. Pourquoi le législateur OHADAn’a-t-il pas voulu transposer les règles organisant l’acquisition de lapersonnalité juridique morale des sociétés commerciales aux sociétéscoopératives ?

Que recouvrent les dispositions suscitées et quelle est leur portée dansla mise en œuvre réelle de l’Acte uniforme ? Autant d’interrogations quidoivent permettre de comprendre et d’apprécier à leur juste valeur, lesdispositions des articles 70 et 74 qu’il convient de lire de façon croisée.

Le législateur OHADA vise de façon alternative un organe déconcentréou décentralisé de l’autorité nationale chargée de l’administrationterritoriale ou l’autorité compétente, auquel est immédiatement rattachéle siège de la société coopérative.

Une telle disposition suppose que l’autorité administrative compétentepour la tenue du registre des sociétés coopératives doit être installéesoit au niveau des Mairies au niveau communal puisque les collectivitésterritoriales décentralisées sont les Communes74 ; soit au niveau despréfectures en tant qu’organe de gestion administrative desdépartements donc un organe déconcentré75 ; soit encore une structuredéconcentrée d’un organe central ayant en charge la gestion dessociétés coopératives au plan national.

A titre illustratif, la mise en œuvre de ces dispositions de l’Acte uniformerelatif au droit des sociétés coopératives au Bénin par exemple, permetde confier la tenue du registre des sociétés coopératives du Bénin àquatre structures différentes76.

74 Pour ce qui est du cas de la République du Bénin tout au moins.75 Idem.76 Voir article 1er de la loi N°97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l’Administrationterritoriale de la République du Bénin qui dispose : « L’Administration territorial de la Républiquedu Bénin est assurée par les autorités et services déconcentrés de l’Etat et par les collectivitésterritoriales décentralisées dans le cadre défini par la présente loi.Les Circonscription administratives de la République du Bénin sont les départements.

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Tout d’abord, à la préfecture de chacun des Départements duBénin, en tant qu’autorité administrative déconcentrée del’autorité nationale chargée de l’administration territoriale77 ;

Ensuite, à la mairie au niveau des collectivités décentralisées(les communes), en tant qu’autorité administrative décentralisée del’autorité nationale chargée de l’administrative territoriale78 ;

Enfin, il peut s’agir des services déconcentrés installés soit auniveau départemental ou au niveau communal mais rattachés etdépendant directement d’une autorité nationale compétente, qui aexclusivement en charge les coopératives.Le facteur de rattachement à cette autorité administrative ayant encharge la tenue du registre des sociétés coopératives est le siège de lasociété coopérative.

Si aucune difficulté ne peut être relevée au niveau de ce facteur derattachement qu’est le siège de la société coopérative, il est évidentque la détermination de l’autorité compétente pour recevoirl’immatriculation pose et posera de réels problèmes dans la mise enœuvre des dispositions de l’Acte uniforme dans les Etats Parties. Lecas de la République du Bénin qui n’est pas isolé, est illustratif à plusd’un titre. Il n’y a aucun doute que les mêmes difficultés se révèleraientdans la plupart des Etats Parties relativement à la détermination del’autorité administrative devant assurer la tenue du registre des sociétéscoopératives et devant immatriculer les sociétés coopératives afin deleur faciliter l’acquisition de la personnalité juridique.

La première difficulté résulte de ce qu’au niveau des préfectures et desmairies, la mise en œuvre de ces dispositions de l’Acte uniformesuppose que des dispositions soient prises par les Etats Parties pourdoter ces autorités administratives territoriales de compétencesnécessaires pour la tenue et la gestion des registres des sociétéscoopératives. Une telle option va certes rapprocher la structure encharge de la tenue des registres et de la réception des demandesd’immatriculation des usagers et facilitera l’acquisition de la personnalitéjuridique des sociétés coopératives, mais il génère un coût et nécessiteen même temps l’existence et la mise à disposition des compétencesadéquates.

Il est créé une collectivité décentralisée dénommée la commune.D’autres collectivités décentralisées peuvent être créées par la loi ».77 Article 4 de la loi N°97-028 précitée.78 Voir loi N°97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République duBénin.

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La deuxième difficulté résulte de ce que l’article 5 de l’Acte uniformerelative au droit des sociétés coopératives étend le domaine des actionsdes sociétés coopératives à toutes les branches de l’activité humaine.Cette extension du domaine des activités des sociétés coopérativesne permet pas aux Etats Parties de continuer comme par le passé, deconfier ou de mettre à la charge des autorités nationales centrales, lagestion des sociétés coopératives, du fait que les coopérativesrelèveraient de leur secteur ou de leur domaine de compétence. A moinsde créer des ministères exclusivement consacrés aux coopératives oude mettre en place des structures interministérielles réunissant plusieurscompétences pour gérer les coopératives, les Etats Parties éprouverontde réelles difficultés à assurer une gestion efficace du registre dessociétés coopératives. C’est cette dernière solution que le législateurOHADA aurait certainement voulu choisir. Ainsi, le vœu du législateurOHADA aurait donc été de confier la tenue du registre des sociétéscoopératives à un ministère « neutre », c’est-à-dire qui ne gère pasune activité, dans le but d’éviter ce malaise. Ce ministère parce qu’ils’occupera de toutes les coopératives ferait office de ministère de tutellepour l’ensemble des coopératives, quelle que soit leur activité. Lacréation au sein des gouvernements des différents Etats Parties d’unministère ayant exclusivement en charge la gestion des sociétéscoopératives serait un vœu pieux79.

2- Approche de solution

A notre avis, il aurait été simple et facile de transposer les règles degestion des registres des sociétés commerciales et de leurimmatriculation aux sociétés coopératives. Il est souhaitable de confierdonc l’organisation et la tenue des registres des sociétés coopérativesaux greffes du Tribunal de Première Instance des différentes EtatsParties. Dès lors, l’autorité qui aurait en charge la tenue des registresdes sociétés coopératives serait la même aussi bien pour les sociétéscommerciales que pour les sociétés coopératives. Une telle option auraitl’avantage de centraliser toutes les formalités au niveau des mêmesautorités et faciliterait également la centralisation des renseignementsconsignés dans les registres au niveau national que régional80.

79 Compte tenu des coûts et moyens que nécessitent la création et l’opérationnalisation d’unministère pour des Etats qui sont très limités en termes de ressources matérielles, humaines etfinancières.80 Voir article 70 alinéas 3 et 4 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives.

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Un telle solution se situe dans la logique du législateur communautairequi a prévu dans les dispositions de l’article 35-1 de l’Acte uniformeportant sur le droit commercial général, en ce qui concerne l’objet duRegistre du Commerce et du Crédit Mobilier :

«1°)  de recevoir les demandes d’immatriculation, notamment :- des personnes physiques ayant la qualité de commerçant au sens

du présent Acte uniforme ;- des sociétés commerciales ;- des sociétés civiles par leur forme et commerciales par leur objet ;- des groupements d’intérêt économique ;- des succursales au sens de l’Acte uniforme relatif au droit des

sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ;- de tous les groupements dotés de la personnalité juridique que

la loi soumet à l’immatriculation audit Registre ;- des  établissements  publics  ayant  une  activité  économique  et

bénéficiant de l’autonomie juridique et financière… ».

Aux termes de ces dispositions de l’article 35-1, notamment en ce quiconcerne tous les groupements dotés de la personnalité juridiqueque la loi soumet à l’immatriculation audit Registre, il est aisé dejustifier cette solution qui consiste à confier l’organisation et la tenuedu Registre des sociétés coopératives par le Greffe du Tribunal. Unchoix du législateur communautaire qui serait en parfaite harmonieavec les dispositions ci-dessus visées.

Ainsi le législateur OHADA aurait pu opter pour le choix du Greffe duTribunal de Première Instance du siège de la société coopérative pourla tenue du registre des sociétés coopératives81. Ce choix aurait permisde réduire considérablement toute intervention des Etats Parties dansla constitution, l’organisation et le fonctionnement des coopératives.Ainsi, l’Acte uniforme aurait pu régler spécifiquement toutes lesconditions d’existence des sociétés coopératives et les formalités deleur constitution à l’instar des sociétés commerciales ; dès lors qu’il aeu le mérite de la simplicité, de la clarté, l’immense avantage de placerles nouvelles sociétés coopératives sous l’empire du droit des affaires.Une telle solution, apparaît très simpliste et réaliste même si sa miseen œuvre pouvait selon certains analystes, induire des coûts pourcertains usagers dans certains Etats Parties. M. TADJUDJE a cité parexemple le cas du Mali où les juridictions sont souvent très éloignées

81 Le projet de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives avait proposé les deuxalternatives à savoir la tenue du registre des sociétés coopératives par le greffe du TPI ou parl’autorité administrative chargée de la tenue du registre des sociétés coopératives.

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des populations. Il estime dès lors que : «confier la tenue du registredes sociétés coopératives à ces autorités, pourrait compliquer la tâcheaux coopérateurs qui n’auront pas  toujours  les moyens nécessairespour  effectuer  les  déplacements »82. A notre avis, cette solutionalternative malgré ces inconvénients, présente moins de difficultés demise en œuvre et limiterait de façon remarquable l’intervention desEtats Parties et leur emprise sur les sociétés coopératives. En effet, enconfiant aux tribunaux la tenue des registres des sociétés coopératives,on se serait assuré de leur autonomie avec l’indépendance des pouvoirsjudiciaires et de l’harmonisation des procédures d’immatriculation etde centralisation des données relatives aux coopératives que dessociétés commerciales auprès d’une seule et même institution. Loind’y voir un risque de confusion comme le souligne M.TADJUDJE, ànotre avis, cela procèderait plutôt d’un avantage certain de simplification.

82 Ibid., p.20.

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Conclusion partielle

Sans remettre en cause le choix des Etats membres de l’OHADA deconsacrer le principe de l’intervention des Etats Parties dans la miseen œuvre des Actes uniformes, force est de constater que cette optionn’est pas sans incidence négative sur la mise en œuvre réelle de l’Acteuniforme relatif au droit des sociétés coopératives. C’est ce qu’illustrentles quelques exemples pris en compte par l’étude.

D’abord, en renvoyant à la compétence des lois nationales des EtatsParties la détermination des règles relatives à la capacité juridique descoopérateurs, le législateur OHADA aura laissé sans solution réelleune préoccupation fondamentale pour la création, le fonctionnementet la dissolution des sociétés coopératives.

Ensuite, en choisissant de solliciter une trop forte implication des EtatsParties pour le cadre institutionnel de l’organisation et de la tenue duRegistre des sociétés coopératives, le législateur communautaire auraopté pour une solution difficile à mettre en œuvre. En effet, le législateurOHADA avait la possibilité de limiter l’intervention des Etats à la miseen place d’un mécanisme permettant de rapprocher la justice auxjusticiables et ce, à travers le renforcement de l’appareil judiciaire dechacun des Etats membres. Ainsi, il aurait été plus aisé de confierl’organisation et la tenue des registres des sociétés coopératives auxtribunaux. Cette alternative aura l’avantage de centraliser toutes lesdonnées relatives aux registres de commerce et du crédit mobilier etcelles relatives aux sociétés coopératives au niveau des tribunaux.

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Conclusion générale

L’étude a permis de montrer la nécessité de l’intervention des EtatsParties dans la mise en œuvre du droit communautaire notammentdes Actes uniformes. Cependant, la consécration d’une fortedépendance de l’application des Actes uniformes des dispositionsinternes des Etats Parties n’est pas sans conséquences à cause desdifficultés réelles qui inhiberaient à coup sûr l’effectivité de la mise enœuvre du droit communautaire.

L’étude a également permis de relever aussi bien les insuffisancesque les contradictions qui caractérisent l’œuvre du législateur OHADAdans sa volonté de construire et mettre en place une législationcommunautaire unifiée et harmonisée devant régir les sociétéscoopératives au sein de l’espace OHADA.

Il est évident que l’exercice n’était pas facile et le législateur OHADAgagné s’il avait réussi ce pari mais hélas !

En effet, la problématique de la construction d’un droit des sociétéscoopératives répondant aux exigences et spécificités africaines, resteet demeure malgré ce premier essai du législateur OHADA. L’intérêtde cette étude réside donc dans l’identification d’un maillon significatifdes difficultés à surmonter pour l’élaboration et la mise en œuvre d’uneréglementation devant assurer la promotion, le développement,l’autonomie et l’indépendance des sociétés coopératives en Afrique. Ils’agit de limiter de façon remarquable l’intervention des Etats. L’analysede l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives en ce quiconcerne surtout le degré d’intervention des Etats Parties dans sa miseen œuvre, relève au contraire un blocage devant conduire à terme à unabandon de la réglementation communautaire qui risque de tomberdès lors en désuétude. « Lenteur dans la mise en œuvre des dispositionsde  l’AUSCOOP  dans  les  Etats  membres… »83 ; « On  peut  direaujourd’hui que l’AUSCOOP n’est pas appliqué… »84 ; « L’AUSCOOPest  un  danger  pour  l’OHADA  elle-même,  car  c’est  le  premier Acteuniforme qui s’applique aux africains exclusivement, dans leurs activitéspropres, pas aux investisseurs étrangers… »85 ; « Quel est le destin dece droit qui souffre d’ineffectivité, d’efficacité et d’efficience ? »86. Telles

83 GUEDJE (L), conclusion tirée à l’issue du colloque international sur le droit des sociétéscoopératives OHADA, les 18 et 19 juin 2013 à Yaoundé.84 HIEZ (D), conclusion tirée à l’issue du colloque international sur le droit des sociétéscoopératives OHADA, les 18 et 19 juin 2013 à Yaoundé.85 Ibidem.86 AKAM AKAM (A), conclusion tirée à l’issue du colloque international sur le droit des sociétéscoopératives OHADA, les 18 et 19 juin 2013 à Yaoundé.

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étaient quelques unes des conclusions issues des travaux du colloqueinternational sur le droit des sociétés coopératives OHADA. Au regardde ces constats d’échec qui résultent des imperfections et insuffisancesrelevées dans l’acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives,on peut en déduire qu’à force d’élargir le domaine du droit des affaires,le législateur communautaire fait de moins en moins preuve d’efficacité.Comment comprendre que le premier acte uniforme consacréexclusivement à l’encadrement juridique des coopératives africainesse révèle un acte uniforme presque impossible à mettre en œuvre ?Pour preuve, l’acte uniforme prévoit en son article 396 « sont abrogéestoutes dispositions légales contraires aux dispositions du présent acteuniforme, sous réserve de leur application transitoire pendant unepériode de deux ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présentacte uniforme, aux sociétés coopératives, leurs unions, fédérations,confédérations et réseaux n’ayant pas procédé à la mise en harmoniede leurs statuts avec les dispositions du présent acte uniforme ». Al’analyse, on se rend compte que le législateur communautaire a prévule mécanisme de « la mise à mort » des sociétés coopérativesexistantes, sans toutefois prendre les précautions de mieux organiserle mécanisme de leur « résurrection ». Cela devrait normalementconduire soit à la disparition de toutes les sociétés coopératives par lefait même du législateur communautaire, soit à la méconnaissancedes dispositions de l’acte uniforme relatif au droit des sociétéscoopératives qui dès lors tomberait en désuétude, comme c’est le casactuellement. C’est à cette dernière alternative que les acteurs ontfinalement eu recours dans presque tous les Etats Parties.

L’œuvre du législateur OHADA reste donc à parfaire et la relecture del’acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives devient uneimpérieuse nécessité. Il s’agira essentiellement d’une part, de limiter ledegré d’intervention des Etats Parties à travers la restriction du domainede compétence des lois nationales dans la mise en œuvre réelle del’acte uniforme ; et d’autre part, d’apporter des clarifications et solutionsà certaines questions restées sans réponses.

Pour finir, il convient de signaler que l’étude a permis de mettre enrelief les difficultés réelles liées à l’élaboration ou la construction d’undroit spécifique aux sociétés coopératives en Afrique. Ces difficultésqui sont de tout ordre ne trouveront leur solution qu’à travers l’implicationdes scientifiques dans la recherche de solutions adaptées aux réalitésafricaines dans un domaine aussi sensible.

L’exercice a permis de prendre conscience des limites de la rechercheen la matière. Cependant, loin d’abandonner l’entreprise, elle constitue

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L’INTERVENTION DES ETATS PARTIES DANS LA MISE EN ŒUVRE REELLE DE L’ACTE UNIFORMERELATIF AU DROIT DES SOCIETES COOPERATIVES

une première tentative qui permet de relancer la recherche sur lesdifférentes questions qui sont restées sans réponses et qui à coup sûrsusciteront la curiosité de plus d’un scientifique.

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