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RAVI SHANKAR 1920 - 2012 Section Image/Son Son

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biographie ravi shankar

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Page 1: ravi shankar

RAVI SHANKAR 1920 - 2012

Section

Image/Son

Son

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Ravi Shankar fut le prince des musiques du monde et ce, avant même que

le concept soit inventé. Virtuose du sitar, mais danseur et chanteur de

formation, il est dédaigné des puristes pour s’être aventuré dans d’autres

domaines musicaux que le sien propre.

Victime expiatoire de l’impérialisme anglo-saxon, il est considéré à tort

comme un jouet exotique aux mains de George Harrison et des Beatles,

alors qu’il fut une star de tout le sous-continent indien bien avant les

premières mesures de Please Please Me.

Souriant là où d’autres grimacent, Ravi Shankar se contente d’être le plus

fameux musicien indien au monde et, probablement, l’un des Indiens les

plus renommés de la planète.

« Pour moi, son génie et son humanité

sont seulement comparables à ceux de Mozart »,

Yehudi Menuhin.

« Ravi Shankar est le parrain de toutes les musiques du monde »,

George Harrison.

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Pandit Ravi Shankar est né le 7 avril 1920, à Vârânâsi (ou Kashi, plus connu sous le nom de

Bénarès, haut lieu de culte hindou, dans l’est du Bengale), dans une famille orthodoxe et aisée. Il

est le cinquième et dernier enfant d’Hemangini et Shyama Shankar. Il est prénommé Robendra à

sa naissance, puis très vite surnommé Robu et, enfin, Ravi.

Son père, avocat et riche propriétaire terrien, fut ministre du maharadjah de Jhalawar. Membre

de la caste sacerdotale des brahmanes, la plus haute dans la hiérarchie indienne (regroupant les

prêtres, les enseignants et les hommes de loi, cette caste est considérée comme seule habilitée

à soigner les maladies, punitions des dieux), mais ne jouissant d’aucune fonction religieuse, le

patriarche exerce ses talents de juriste dans les prétoires de Londres. Il devient consultant et

homme de loi de la Société des Nations (ancêtre de l’ONU) à Genève, puis professeur de

l’Université Columbia de New York.

En 1930, la famille tout entière réside quelques mois dans la capitale française : ce séjour

marque sans nul doute de manière durable le musicien, lui permettant de se nourrir d’influences

et de traditions musicales occidentales.

Dès l'âge de treize ans, Ravi Shankar participe (de petits rôles, courts et modestes, certes) aux

tournées de la compagnie de danse et de musique de son chorégraphe de frère (Uday Shankar),

se produisant dans toute l’Inde, puis à Londres ou Paris : il voulait être acteur, voire poète, une

carrière de danseur fera l’affaire.

En 1934, il fait une rencontre décisive avec le musicien Ustad Allauddin Khan, formateur de

plusieurs générations de musiciens indiens et qui a une influence décisive sur l’apprentissage et,

partant, la vocation, de Ravi Shankar. D’origine bengalie et musulman de confession, ce maître

de musique sait pratiquer une foule d’instruments et reste comme un compositeur émérite de

musique indienne. Ustad Allauddin Khan rallie dès 1935 la troupe d’Udav Shankar (qui souhaite

s’associer les meilleurs instrumentistes de l’époque), en tant que soliste principal. Sa Présence

au quotidien auprès de Ravi a comme conséquence immédiate que le jeune garçon abandonne

une carrière, tracée en droite ligne, de danseur, pour rejoindre la ville de Maihar et s’initier aux

subtilités de la musique indienne.

Il parfait sa pratique de la vînâ (famille d’instruments à cordes indiens), de l’esraj (vieille qui a

plutôt les apparences d’un luth à cordes pincées), des plus rares surbahar (basse à cordes) et

sursingar (luth) et du sitar. Ce luth à manche long reste emblématique de la musique indienne,

depuis son introduction dans les cours des maharadjahs au XIVème siècle.

En 1935, le père de Ravi décède prématurément. L’adolescent, sur les injonctions de sa mère

(qui disparaîtra également très jeune, le laissant orphelin), décide de rejoindre son maître en

musique : il se rase la tête, adopte une existence ascétique contrastant avec sa jeunesse dorée

et s’impose sept années durant un apprentissage exigeant, laborieux et difficile. Mais l’élève

semble doué et les résultats ne se font pas attendre. Ils sont nécessaires, car la concurrence de

toute une génération de musiciens indiens s’avère farouche, voire déloyale.

C’est en 1939 que Ravi Shankar donne les premiers concerts sous son nom et en 1944 qu’il

quitte la troupe de son frère.

En 1941, il épouse Roshanara Annapurna Khan. En 1945, il compose « Sare Jahan Se Achcha »,

chanson la plus populaire en Inde… après l’hymne national. Ravi Shankar s’installe alors à

Bombay (il y reste jusqu’en 1948), base arrière de ses tournées et refuge où il peut composer (il

commence dès cette époque à travailler pour l’industrie cinématographique et le ballet). C’est

dans cette ville qu’il débute ses premières séances d’enregistrement (pour l’antenne indienne du

label Hmv). Ce passage en studio, aussi modeste soit-il, lui ouvre les portes de la radio nationale

(All India Radio), dont il assume (de février 1949 à janvier 1956, après s’être installé à New

Delhi), les fonctions de directeur musical, et directeur artistique.

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Dès 1947, il participe de fait à la renaissance de la musique indienne. C’est à la fin de cette

décennie qu’il crée en effet l’Orchestre National de la Radio indienne, puis l’Orchestre de

Chambre national. Il débute là une collaboration qui perdurera tout au long de sa carrière, avec

les musiciens Alla Rakha au tabla et Ali Akbar Khan au sarod (instrument à cordes pincées utilisé

en musique classique).

Parallèlement, la carrière internationale de Ravi Shankar prend son essor : après une tournée

triomphale en Union soviétique (1954), il donne ses premiers concerts en Europe et aux Etats-

Unis (1956) deux ans plus tard. Toutefois, le musicien rappelle, à l’occasion de son concert au

Carnegie Hall de New York (2000), qu’il s’est produit sur cette même scène – comme jeune

adolescent, danseur et chanteur – 65 ans auparavant.

En 1957, il se voit attribuer le prix de la meilleure bande sonore au Festival de Venise pour le film

The Chairy Tale (Il était une chaise, des Canadiens Claude Jutra et Norman McLaren).

En 1958, il participe au Festival parisien de l’UNESCO, aux côtés de Yehudi Menuhin et du

violoniste (l’un des plus grands du siècle) David Oïstrakh.

En 1961, il divorce, sanction d’un couple qui ne l’était plus que de façade. Il rencontre également

l’immense John Coltrane, l’un des pères fondateurs du jazz moderne et dont le mysticisme ne

peut que trouver un écho favorable dans l’âme de l’artiste indien. Le Noir américain baptise par

ailleurs l’un de ses enfants Ravi (devenu également saxophoniste de jazz) en hommage au

musicien ami et en souvenir de conversations riches d’enseignement avec ce dernier, au mois

d’août 1965, à New York.

En 1966, Ravi Shankar rencontre les Beatles, plus particulièrement George Harrison, qu’il

éduque à la difficile pratique du sitar. L’Anglais utilise l’instrument en premier lieu dans la

chanson « Norvegian Wood ». Il est suivi par le guitariste des Rolling Stones Brian Jones (« Paint It,

Black ») et par Colin Walcott et son groupe Oregon. Ce dernier, percussionniste de formation

après avoir été roadie de Shankar, est l’un des premiers Occidentaux à intégrer des instruments

indiens dans son ensemble de jazz expérimental, ouvert aux influences multiples des musiques

du monde.

En 1967, Ravi Shankar crée une école d’apprentissage de l’instrument à Los Angeles. Il se

produit à cette occasion au Monterey Pop Festival (aux côtés de Jimi Hendrix, de Janis Joplin et

des Who). Les recettes du festival seront reversées à des œuvres caritatives. L’année suivante, il

se produit au Festival d’Avignon, alors que la scène de l’incontournable Rendez-vous théâtral

français est envahie par des manifestants en rupture d’évènements parisiens. Imperturbable, le

musicien, yeux clos, assis en tailleur à même le sol (comme le veut la tradition indienne), poursuit

sa prestation au milieu des invectives et des slogans.

En 1969, son autobiographie (My Life, My Music) constitue, non seulement un éclairage inédit

sur le parcours de cet artiste émérite, mais de plus la meilleure des initiations possibles aux

multiples richesses de la musique indienne. La même année, il occupe la scène du festival de

Woodstock, en compagnie de Canned Heat, du Grateful Dead, de Crosby, Stills & Nash ou encore

Santana.

De 1970 à 1980, décennie flamboyante, Ravi Shankar croise la route musicale du violoniste

Yehudi Menuhin, avec lequel il n’enregistre pas moins de trois disques (ce fils de rabbin new-

yorkais n’en est pas à son coup d’essai de multiculturalisme, ayant déjà croisé l’archet avec le

jazzman Stéphane Grappelli). Ravi Shankar compose à cette occasion des duos pour violon et

sitar. Il joue également avec le flûtiste Jean-Pierre Rampal (grand collectionneur devant l’éternel

d’instruments à vent en provenance de Chine ou des Balkans), signant pour l’aubaine la partition

d’un Concerto pour Orchestre.

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En 1971, il retrouve en studio le compositeur et chef d’orchestre américain André Previn (pour

l’historique Concert for Sitar). En 1974, il donne des concerts avec des musiciens japonais (le

maître du koto Musumi Miyashita), ainsi que le fils de son maître Ustad Allauddin Khan, praticien

du sarod.

En 1979 naît sa fille Norah Jones, qui grandira loin de tout tumulte médiatique, au côté de sa

mère texane. Dès le début des années 80, son fils Shubbo (qui décèdera prématurément) vient le

rejoindre sur scène. C’est assez naturellement que Ravi Shankar collabore à des musiques des

films de l’Indien Satyajit Ray (qu’on peut considérer comme l’équivalent cinématographique du

musicien… à moins que ce ne soit le contraire) : La Complainte du Sentier, L’Invaincu ou Le

Monde d’Apu constituent quelques-unes de ses plus brillantes musiques à programmes.

En 1981, sa deuxième fille, Anoushka, vient au monde : elle sera le seul exemple de femme à

parvenir à se frayer un chemin dans le très périlleux cercle des instrumentistes indiens : belle et

talentueuse, elle reste au sitar la plus brillante des héritières de son père. En 1982, il signe la

partition du Gandhi de Richard Attenborough (huit Oscars, dont celui du meilleur acteur pour Ben

Kingsley), mais les Américains préfèrent confier l’édition réservée à leur marché intérieur au

compositeur britannique George Fenton. Ravi Shankar est néanmoins à cette occasion, à la fois

nominé pour un Oscar et pour un Grammy.

En 1987, le joueur de sitar rejoint Private Music, label de Peter Baumann (du groupe de musique

électronique et planante allemand Tangerine Dream) et se frotte pour la première fois aux

synthétiseurs et à l’inspiration du New Age (album Tana Mana). Il retrouve George Harrisson dans

le Ravi Shankar Project et assure en 1988 une nouvelle tournée en URSS, pour laquelle il

mobilise 140 musiciens indiens et russes (album Ravi Shankar Inside the Kremlin).

En 1988, il épouse Sukanya Ranjan. En 1989, Shankar compose un spectacle multidisciplinaire

(Ghanashay – A Broken Branch) mêlant théâtre, danse et musique, Orient et Occident, avec

lequel il assure une nouvelle tournée en Angleterre (Birmingham) : c’est l’occasion pour lui de

fêter son cinquantième anniversaire de concerts publics.

En 1990, il édite un nouveau disque, composé pour orchestre indien et occidental, cette fois-ci

en compagnie du compositeur de musique répétitive et contemporaine américain Philip Glass

(Passages). En 1997, l’album Chants of India (produit par George Harrison, qui y joue également

de la guitare et de la basse), constitue un bel hommage, via des cantiques épurés ou des inédits

composés dans l’esprit de la tradition, à la spiritualité indienne.

En 2008, il devait donner, en compagnie de sa fille, deux concerts parisiens, à la Cité de la

Musique et à la Salle Pleyel et se produire à Londres et Barcelone. A l’âge de 88 ans, Ravi

Shankar a annulé ces soirées pour raisons de santé et les a reportées… en 2009…

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Ravi Shankar a naturellement généré le dépit, voire la jalousie ou l’envie, lorsqu’il a pris le risque

d’expérimentations musicales hasardeuses ou qu’il a gravité avec constance dans la sphère

d’influence des Beatles (il reste, après tout, l’homme qui enseigna le sitar à George Harrison). On

peut considérer rétrospectivement que ce risque a brillamment nourri son inspiration et sa

musique.

Son neveu Ananda Shankar, aujourd’hui décédé, a de même tenté, parfois avec succès, le

rapprochement de l’electro et de la tradition musicale indienne. Mais ce sont essentiellement ses

deux filles qui poursuivent la tradition familiale : Anoushka Shankar (née en 1981), compositrice,

joue du sitar de manière exemplaire et accompagne son père dans toutes ses tournées. Elle lui a

consacré une biographie pleine d’allant (Bapi, l’amour de ma vie). Son aînée est naturellement

Norah Jones (née en 1979), chanteuse et star de la pop et du jazz.

Ravi Shankar est Commandeur des Arts et Lettres, Commandeur de la Légion d’Honneur et a été,

en 1999, décoré de la Bharat Ratna, plus haute récompense honorifique civile indienne. Docteur

honoris causa d’un nombre imposant d’universités, titulaire de quatorze doctorats, de deux

Grammy Awards, d’une multitude de prix internationaux, de décorations britannique ou japonaise,

il est membre honorifique de l’Académie américaine des Arts et des Lettres et s’est vu attribuer le

Polar Music Prize (décerné en Suède et souvent considéré comme l’équivalent musical du Prix

Nobel). Il est membre du Parlement indien. Il est naturellement fondateur et président de la Ravi

Shankar Foundation, qui a pour objet la promotion de l’œuvre du maître en particulier, et de la

musique indienne à travers le monde en général.

Mais on peut considérer que, par-delà ses talents de compositeur, sa

virtuosité instrumentale, sa passion pour la musique indienne et son goût

pour les cultures du monde, Ravi Shankar reste l’un des plus parfaits

symboles contemporains de l’ouverture à l’autre, de la compréhension entre

les peuples et de l’humanisme.

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Discographie partielle

Portrait of GeniusThree Ragas

Ragas & Talas

India's Master Musician

Sound of the Sitar

Räga-Mälä

Improvisations

A Morning Raga / An Evening Raga

At the Monterey International Pop Festival

San Fransisco

In New York

In New York

In Concert

West Meets East: The Historic Shankar / Menuhin Collection

tous les albums ci-dessus sont issus de la collection The Ravi Shankar Collection.

The Spirit Of India (1980)

The Doyen of Hindustani Music

From India (1995)

Chants Of India

Raga Mishra Piloo (Meets Ali Akbar Khan)

Bibliographie

1997 : Raga Mala : autobiographie (Genesis Publications), préface de George Harrison, postface

de Yehudi Menuhin

2010 : Raga Mala : Ma vie en musique, éditions Intervalles, version française réactualisée de

Raga Mala : autobiographie.

2010 : Ravi Shankar, le maître du sitar, de Jonathan Glusman, Éditions Demi-Lune, Collection

Voix du Monde, Paris.

Filmographie

Ravi Shankar : l'extraordinaire leçon, film réalisé par Frédéric Le Clair, Accords croisés, ADAV,

Paris, 2010, DVD (contient le documentaire Une masterclass de Ravi Shankar (53 min 20 s) et le

Festival Ravi Shankar Centre (32 min 52 s) + brochure (32 p.)

Copyright 2012 Music Story Christian Larrède