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RRAAPPPPOORRTT TTRREENNDD Bordeaux 2010
Usages de drogues en Aquitaine Evolutions et tendances rcentes
Dr Jean-Michel Delile Aurlie Lazes-Charmetant
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Sommaire
Contribution p.3 Introduction p.7 Les espaces dobservation p.9 Observations et rsultats en 2010 p.24 Les stimulants Cocane (dont base) p.28 MDMA/ecstasy p.38 Amphtamines/speed p.40 2CB p.41 Mphdrone p.42 Les opiacs Hrone p.45 Rachacha et opium p.51 Chlorhydrate de mthadone p.52 Buprnorphine Haut Dosage p.53 Skenan p.56 Les hallucinognes dits naturels Champignons hallucinognes p.57 Cannabis p.58 dits synthtiques LSD p.60 Anesthsiants de type dissociatifs Ktamine p.61 GBL/GHB p.64 Gaz, solvants et poppers p.70 Les mdicaments (non opiacs) dtourns dun usage thrapeutique p.73 Alcool p.77 Conclusion p.78 Les Prix des substances - Site Bordeaux 2010 p.82 Lexique p.83 Bibliographie p.102 Sigles p.104 Sites ressources p.105
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Contributions Le rapport trend publi chaque anne sur le site de Bordeaux est une production riche en collaborations. Nombreux sont ceux qui depuis leur champ respectif alimentent le dispositif. Cette anne encore nous remercions et saluons tant les collaborateurs historiques que les nouvelles recrues. Liste OFDT-Paris Mme SAPORTA-POUSSET Maud, Directrice de lOFDT Mme CADET-TAIROU Agns, Responsable de lunit tendances rcentes M. Sayon DAMBELE, Charg dtude ple Trend M. GANDILHON Michel, Charg dtude M. LAHAIE Emmanuel, Charg dtude Mlle MARTINEZ Magali, Charg dtude ple Trend Mlle MOUGINOT Valrie, Secrtaire Mme LANDREAU Nadine, Secrtaire de Direction Lquipe de Trend Bordeaux salue M. COSTES Jean-Michel, ancien Directeur de lOFDT Equipe de coordination TREND/SINTES Bordeaux Dr DELILE Jean-Michel Mme LAZES-CHARMETANT Aurlie M. MOTTIER Jean-Tristan Enquteurs TREND/SINTES Bordeaux Mlle CREYEMEY Agns, espace urbain et festif M. MORALES Jean-Hugues, espace urbain et festif
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Collecteurs projet SINTES M. CAPDEBOSCQ Olivier (La CASE) Mlle CREYEMEY Agns (CEID) M. DELILE Jean-Michel (CEID) Mlle ESCAICH Camille (CEID) Mme LAZES-CHARMETANT Aurlie (CEID) M. MORALES Jean-Hugues (CEID) M. MOTTIER Jean-Tristan (CEID) M. OLAIZOLA Cyril (BIZIA) M. PENAVAYRE Gilles (AIDES) M. RIMBAUD Christophe (CEID) Structures de premires lignes Mme LATOUR Vronique, Responsable du CAARUD et toute lquipe de La Case . Mme REILLER Brigitte et M. BOURGUIGNON Nicolas, Responsables du CAARUD CEID Planterose et toute lquipe. Groupe Focal Sanitaire 2010 Mlle BENY Laure - ANPAA 33 M. BISSOLOKELE Pascal - Mdecin -Service des Urgences - C.H. de Libourne Mlle CARTA Sabrina - ANPAA 33 Mme CLAVEL - SARRAZIN Annie - ARS Aquitaine M. DELILE Jean - Michel - Mdecin - Directeur CEID Coordinateur TREND/OFDT Mlle ELISSADE Marion - ARS Aquitaine Mme FOULON Jolle - Mdecin - ELSA - C. H. Arcachon Mme GARCIA Laurence - Prvention et formation CEID - CAANABUS Mme GARGUIL Vronique - Psychologue - Dpartement daddictologie C.H. Perrens M. GROS Florent - Association Autrement RDR
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Mme HARAMBURU Franoise - Mdecin - Responsable CEIP Bordeaux Mme LATOUR Vronique - Mdecin - Directrice CAARUD La Case MDM M. OCANA Frdric - ARS Aquitaine Mme PAILLOU Virginie - Mdecin - CEID et Dpartement Addictologie C. H. Perrens Mme RAUTURIER Catherine - Mdecin - DT 33 - ARS Aquitaine M. RIMBAUD Christophe - CAARUD Planterose Mme SANCHEZ Marie - Pierre - ARS Aquitaine Mme VALADIE - JEANNEL Martine - MISP DRASS Aquitaine Groupe focal Rpressif 2010 Mlle BECAT Elonore - Charge de mission CLSPD - Mairie de Bordeaux Mme BENBELAID - CAZENAVE - Commandant - Gendarmerie M. BERNES Gil - Chef de lUnit de Prservation Sociale - Service Investigation et Recherche M.BERTHELIN Christophe - Commandant de compagnie de gendarmerie du Bassin dArcachon reprsent par MDL/C RAOUL M. CAMU Jean - Michel - Directeur - Service pnitentiaire dinsertion et de probation M. DE LA HAYE JOUSSELIN Thibault - Directeur de Cabinet de M. Le Prfet de Gironde reprsent par Mme THERUY Docteur DELILE Jean - Michel - Directeur CEID - Coordinateur TREND/OFDT Mme DUMESTRE - TOULET Vronique - Mdecin Toxicologue - Laboratoire TOXGEN Mme DUMONTEIL Anne - Ccile - Substitut du procureur Bordeaux M. FILLON Pascal - Chef Escadron - Commandant Groupement Gendarmerie de la Gironde Mme GARCIA Laurence - Responsable prvention CEID /CAANABUS M. GAYRAUD Olivier - Chef de la Brigade de lutte contre les trafics de Stupfiants - Police judiciaire
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Mme MALLIA Annick - ARS Aquitaine M. OCANA Frdric - ARS Aquitaine M.PAJAUD Denis - Commissaire divisionnaire - Directeur Zonal de la Police aux Frontires reprsent par M. LE GARS M.PARISET Patrick - Adjt Chef Service Gnral - Major de Police Secteur Gare Bordeaux Mlle RAHIS Anne - Ccile - Coordinatrice DaAdd Mme RAUTURIER Catherine - Mdecin - DT 33 - ARS Aquitaine Mme TOTCHEVA Krassimira - psychologue CEID Mme VALADIE - JEANNEL Martine - MISP ARS Aquitaine
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Introduction Trend : Tendances Rcentes Et Nouvelles Drogues. Tendances car cest dans le temps que le dispositif Trend a choisi dobserver les usages de substances. Lobjectif tant de saisir si les phnomnes tudis samplifient, se stabilisent ou tout simplement se rsorbent. Nous examinons des phnomnes dits mergents. Ces derniers recouvrent, soit des phnomnes nouveaux, soit des phnomnes existants non dtects ou documents par les autres systmes dobservation. En assurant un monitoring de ces phnomnes, nous cherchons dgager des tendances, c'est--dire, des phnomnes qui se maintiennent dans le temps et qui ne constituent pas de relles nouveauts ou des points de rupture. Rcentes car le dispositif Trend a pour vocation de fournir des lments de connaissance (sur des groupes de populations forte prvalence dusage) qui portent sur lanne coule, tout en assurant une lecture des phnomnes observs au regard des annes prcdentes. Nouvelles Drogues car bien que le dispositif Trend sintresse toutes les substances , une attention particulire est porte aux nouveaux produits en circulation.1 Ainsi en 2010, au niveau europen cest un total de 48 nouvelles molcules qui ont fait lobjet dune identification. Au niveau local, ces nouvelles substances sont aussi prsentes mais dans une moindre mesure.
1 Et cela dans un contexte de dveloppement de loffre des drogues de
synthse : CF doc OFDT note nouvelles drogues en 2010.
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Un partie du prsent rapport sera consacre aux commentaires des substances disponibles sur notre site dobservation et ayant pu tre observes par le dispositif. Les informations prsentes dans ce rapport 2010 sont obtenues selon une mthodologie spcifique. Nous triangulons des informations obtenues grce diffrents outils qualitatifs. Ainsi toute lanne nous ralisons des observations et des entretiens de types ethnographiques. Pour complter cela, nous ralisons des groupes focaux auxquels participent des professionnels du champ sanitaire (groupe focal dit sanitaire2) et des professionnels du champ dapplication de la loi (groupe focal dit rpressif3). Ainsi que la passation de questionnaires qualitatifs auprs de CAARUD et dassociation de rduction des risques intervenant en milieu festif4. Cest le rsultat dune anne dobservation que nous vous prsentons dans les lignes qui vont suivre.
2 Groupe focal ralis le 20 dcembre 2010.
3 Groupe focal ralis le 06 janvier 2011.
4 Association Autrement RDR.
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Espaces dobservation La mthodologie trendienne a privilgi deux espaces dobservations depuis la mise en place du dispositif : lespace urbain et lespace festif techno. Lespace urbain recouvre pour lessentiel les lieux o lon rencontre des usagers actifs de substances ; ces lieux sont soient institutionnels : CAARUD, CSAPA, soit plus informels : squats, points de regroupements, rue, ... Les populations prsentant un usage problmatique de substances sont de ce fait largement reprsentes. Lespace urbain se dlimite aux zones urbanises ou fortement urbanises. Cependant, nous restons toujours trs attentifs aux informations touchant les espaces ruraux. Lexistence de dispositifs mobiles ou de consultations avances nous permet de recueillir des informations parcellaires sur des zones rurales. Lobservation mene, par TREND, depuis 10 ans autorise cet largissement du primtre, Lapprciation des tendances par les observateurs y est contextualise et fiabilise en regard de la mthodologie habituelle. Toutefois, une attention toute particulire est porte aux traitements des informations qui manent de ces nouveaux espaces. Nous sommes vigilants la densit des observations qui risquerait de faire dun cas particulier, une tendance Lespace festif initialement observ par le dispositif Trend tait celui dit techno . Cela dsignait les lieux (tablissements de nuit ou lieux informels) o tait diffuse de la musique amplifie dite lectronique.
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Un travail5 effectu en 2007 par lOFDT avait mis en vidence lexistence de 4 groupes daffinit chez les amateurs de lespace festif lectro : Alternatif , Soire Urbaine , Clubbing et Select . Cependant, lvolution du mouvement festif techno conduit localement des rassemblements de moindre envergure, une programmation moins exclusive dans les tablissements de nuit, ladossement de rassemblements lectro de grands festivals gnralistes. Ces mutations nous entrainent vers un largissement de lespace dobservation et la prise en compte des festivals gnralistes comme modles dominants des rassemblements de grande envergure. Lespace urbain : Pour cette anne, nous concentrons nos observations sur certaines populations suivies par nos observateurs de lespace urbain : jeunes en errance6, immigrs en situation irrgulire. Nous conclurons ce chapitre, en cho, la dernire publication, sur la prsence des femmes sur cet espace. Avant de dvelopper plus avant, nous reposons quelques dfinitions. Derrire le terme de jeunes en errance apparaissent des parcours diffrents.
5REYNAUD-MAURUPT Catherine et al., Les pratiques et les opinions lies
aux usages des substances psychoactives dans lespace festif Musiques Electroniques , Saint-Denis, OFDT, 2007, 141 p. 6
DELILE J-M, RAHIS A-C, Usagers nomades ou en errance urbaine Bor-deaux. Rapport TREND Aquitaine 2004. Bordeaux : OFDT, 2005, pp. 40-60.
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Les jeunes en errance dont lerrance est qualifie d active et qui affirment avoir choisi ce type de vie dans une dmarche de rupture sociale construite. Ils sont punks, zonards, travellers Des jeunes en errance dite territoriale , emports dans une dynamique dchecs et dexclusion, qui subissent lerrance et qui sy adaptent de faon survivre. Leur primtre daction est souvent limit un bassin de vie au sein duquel ils vont de structure en structure sans sembler vouloir ou pouvoir engager de dmarches de stabilisation. Des grands lycens, des jeunes tudiants et des jeunes travailleurs qui sengagent peu peu dans lerrance loccasion de dynamiques festives (locales, hebdomadaires, estivales, festivalires) et par la rencontre des publics dj en errance prsents dans leurs proximits 7. Comme prcis dans une dition prcdente du rapport bordelais, lerrance urbaine, qui consiste en une dambulation urbaine princi-palement oriente par limmdiatet dun achat, dune vente ou lopportunit de consommer des substances psychoactives, ou par un rendez-vous dans un service social pour obtenir un secours ou encore pour trouver un abri pour une nuit ou un point de chute o lon pourra se poser quelques jours, diffre du nomadisme plus organis o le dplacement est orient par un projet social (re-joindre un rseau amical), culturel (participer un vnement cultu-rel) ou conomique (raliser une activit) 8. Ainsi, Les observations manant du dispositif Trend permettent de pointer deux univers diffrents.
7 Source : CHOBEAUX Franois ; www.cemea.asso.fr/spip.php ?ru-
brique375. Voir aussi CHOBEAUX Francois, Intervenir auprs des jeunes en errance, La dcouverte, coll. Alternatives sociales, Paris, aot 2009,156 p. 8 DELILE J.M., RAHIS A.C., Phnomnes mergents lis aux drogues en Aqui-
taine, rapport local TREND 2004, Observatoire Franais des Drogues et des Toxicomanies (OFDT), 125 p. 2005.
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Les nomades, produit de lmergence, au milieu des annes 1990 du courant musical techno , support ou expression dun mouve-ment culturel de contestation du mode de vie dominant. []Les nomades, se dplacent ainsi, souvent en camion, aux rythmes des vnements alternatifs, en optant pour le mode de vie libr des travellers . Pour ces jeunes adultes, le plus souvent majeurs (18- 35 ans), la marginalit est revendique comme un mode de vie. Celui-ci sinscrit dans un cadre communautaire, et tend se structurer au-tour de projets alternatifs. La prcarit semble y tre maitrise par laccs au RMI quand lge le permet ou de petits revenus lis lintgration au march du travail prcaire, et une couverture so-ciale. [] Les errants - plus jeune (15-25 ans), est [un groupe] compos dindividus pour lesquels la marginalit, marque par des situations de dtresse sanitaire et sociale profondes, constitue laboutissement dun processus de dsaffiliation. Le plus souvent, cest la suite dune rupture familiale ou aprs avoir quitt une institution que ces jeunes se retrouvent sans abris, sans revenus et la plupart du temps sans protection sociale [].Contrairement aux nomades , leur mobilit est opportuniste et inscrite dans une im-mdiatet dicte par les besoins primaires. Lhabitat revt une grande diversit de situations qui se succdent un rythme rapide et font alterner rue, squat, htel, famille, pairs, camions, tentes et foyers. Bien que la distinction entre ces deux groupes apparaisse opratoire sur le plan heuristique, leurs trajets voquent nanmoins un conti-nuum dexpriences partages 9.
9 COSTES J-M. (Dir.), Les usages de drogues illicites en France depuis 1999 -
Vus au travers du dispositif TREND, Saint-Denis, OFDT, 2010, 192 p. page 29.
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Les observations des annes prcdentes concluaient une dilatation de lespace urbain qui sillustrait pour une partie des populations observes (jeunes en errance, population marginalise) par un processus de migration de la ville vers sa priphrie, quil sagisse des communes avoisinantes (CUB) ou plus largement de communes rurales du dpartement. Ce terme de priphrie peut dsigner les villes jouxtant Bordeaux (en pensant la configuration spcifique de la communaut urbaine de Bordeaux c'est--dire 27 communes de lagglomration de Bordeaux) ou bien concerner des communes rurales plus distantes. Ainsi concernant les migrations de lhyper centre bordelais vers la priphrie de la ville ou les autres villes de la CUB, les observateurs de lespace urbain notent un dplacement massif des squats en dehors de Bordeaux centre. Ces dplacements concernent essentiellement le public jeunes en errance. En parallle, de linstallation de squats dans des btiments, est observe une diversification des formes de lhabitat prcaire (campements prennes de tentes ou regroupement en campement sur le campus universitaire et en divers endroits des berges de Garonne ou bordures de rocades). Lextension des lignes du tram rend plus aise la circulation des biens et des personnes entre les villes de la communaut urbaine de Bordeaux. Autre incidence possible de lenrichissement du maillage des transports en commun, le reflux des usagers (de lespace urbain) frquentant le bus mobile10 vers le CAARUD. Concernant les migrations depuis Bordeaux/CUB vers les zones rurales proximit de petites villes, il est rapport une augmentation du nombre de squats ou de regroupements de camions organiss en campement.
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Bus allant la rencontre des usagers (change de seringues, conseils).
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Ces zones rurales sont juges attractives car elles permettent un accs plus ais un logement, ainsi qu un emploi (gnralement des travaux agricoles). Forme de pauprisation des publics, cette configuration suit plus largement les migrations de population qui au vu des prix de limmobilier migrent plus loin des grandes agglomrations et transportent avec elles, leurs habitudes de consommation. 2010 voit la continuation et lamplification dun mouvement dinterconnexion et de la circulation des biens et des personnes qui en dcoule. Nos observateurs ne cessent de dcrire des mouvements (quelquefois balanciers) dchanges entre les espaces que lon pense clivs. Ainsi, on observe des glissements entre les frontires : frontires du centre ville et celles de la CUB, frontires entre les zones urbaines et celles plus rurales et mme frontires entre pays avec lEspagne. Parmi les groupes dusagers de lespace urbain bordelais suivis depuis 2005 par TREND, les migrants originaires dEurope de lEst reprsentent un groupe particulirement visible. Cette population est trs prsente sur les CAARUD (elle reprsente un tiers de la file active pour lun dentre eux). Bien que la barrire de la langue puisse parfois tre un obstacle, les quipes des CAARUD sont une source pertinente, pour ce qui est de mieux apprhender les pratiques et les habitudes de consommation de ce public spcifique. Ainsi, au fil des annes, les intervenants notent des modifications quant certaines pratiques telles quune utilisation plus importante de Sterifilt et des rcuprateurs chez des usagers qui ninjectaient gnralement pas avant larrive en France.
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Pour ce qui est de leurs lieux de vie, les migrants originaires dEurope de lEst, sont rgulirement vacus de leurs lieux de squats. la diffrence du public marginalis cit plus haut, les squats nouvellement investis aprs chaque vacuation sont le plus souvent Bordeaux centrs. Certains squats sont organiss autour de familles avec la prsence dusagers. Il ne nous a plus t rapport de squats dvolus linjection comme prcis dans le dernier rapport. Nos observateurs rapportent des squats essentiellement composs dhommes, originaires de la mme rgion, particulirement injecteurs et trs en demande de traitements de substitution. Les professionnels dcrivent des pratiques communautaires o le partage tiens une place centrale, partage qui se retrouve aussi avec le matriel dinjection. Ces pratiques les rendent particulirement vulnrables aux contaminations virales (HIV, hpatite C et B), Les intervenants auprs de ce public dcrivent des conditions de vie extrmement prcaires (aussi bien pour le logement que pour laccs au soin avec des difficults pour lobtention daccords AME). Ce dernier point pouvant entraner le retardement de la mise sous traitement. En termes de consommations observes sur lespace urbain, Les intervenants de terrain jugent que cest la consommation dalcool qui pose le plus de problmes aux usagers. Il reste toutefois prciser quil semblerait quil sagisse dune nouvelle visibilit (notamment en raison des troubles du comportement engendrs) et pas ncessairement dune ralit en termes de consommation, lalcool ayant toujours une place importante dans le panel des substances consommes dans la rue.
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Dans lenqute Ena Caarud 200811-, 71,9 % des usagers des CAARUD aquitains dclarent avoir consomm de lalcool au cours des 30 derniers jours (ils sont 62,7 % au niveau national). Cependant, le phnomne le plus proccupant pour les professionnels des structures dites de premire ligne est la consommation conjointe dalcool et de mdicaments psychotropes. Ce phnomne nest pas mergent mais nous est systmatiquement rapport cette anne. Cette consommation apparat nettement plus frquente, au point de supplanter celle de la buprnorphine HD. Cela est rapport aussi bien chez les populations classiques des CAARUD que pour les populations immigres originaires dEurope de lEst : Avant ctait le Subutex qui posait problme maintenant cest lalcool . Quant au msusage de Subutex (ou de BHD), il arrive en deuxime position pour les pratiques posant le plus de problmes sanitaires et sociaux au public CAARUD. En usage dtourn, le Subutex est toujours trs inject, notamment chez les populations dEurope de lEst. Lors du prcdent rapport, les observateurs notaient la prsence de femmes jeunes (moins de 20 ans) au sein des groupes des errants. Les CAARUD ont continu dvelopper des accueils spcifiques pour rpondre aux besoins de ce public. Pour cet exercice, des soignants ont identifi des groupes de filles (ou plus exactement des filles voluant dans des groupes mixtes) consommatrices de BHD en sniff. Quant dautres, elles revendiquent une consommation de cocane base et utilisent cette voie comme stratgie pour viter le passage linjection.
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Source : ENa-CAARUD 2008 / OFDT, DGS.
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Les deux CAARUD notent une augmentation des discours sur linjection de la cocane12. L aussi, les intervenants identifient des groupes dinjectrices quils navaient pas reprs prcdemment. Un point sur la rduction des risques Comme prcis dans le prcdent rapport la tendance est lenrichissement de loffre doutils RDR : distribution de feuilles aluminium, de roule ta paille , de matriels de couleurs (cups, garrots), daiguilles fines, Ce complment de loffre agit comme un effet de loupe sur certains usages tels que la consommation dhrone par voie pulmonaire. La demande de feuilles daluminium par les usagers nillustre pas pour autant une quelconque augmentation de ce mode de consommation. Les quipes soignantes notent une quasi-disparition des abcs quelles attribuent une plus importante utilisation du strifilt. La nouvelle gnration des usagers13 frquentant les CAARUD est dcrite comme prenant plus soin delle et comme tant capable didentifier plus rapidement les symptmes dune polydermite ou dun abcs. Toutefois, le capital veineux des usagers injecteurs reste trs atteint.
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Certains usagers semblent tendre leurs consommations par voie injec-te aux stimulants ce qui est notable puisquils taient clairement identi-fis comme uniquement opiophiles. 13
Hors immigrs Europe de lEst.
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Lespace festif Comme prcis plus haut, cet espace est pens en termes de diffusion de musique gnraliste, llection de la musique lectronique qui prvalait dans les annes 2000 nest plus centrale mais fait toutefois lobjet dune attention particulire. Deux quipes de CSAPA gnralistes interviennent sur cet espace pour y effectuer principalement un travail de RDR14. La premire intervient essentiellement sur des festivals de printemps et dt. Les participations aux rassemblements sont fonction de limportance du festival en regard de la frquentation des usagers de lespace urbain (retours de la rue ou prsence de lquipe lanne prcdente mais aussi et surtout mobilisation de lquipe par les participants selon les rumeurs circulant sur le festival). La seconde quipe intervient sur les lieux de ftes bordelais notamment autour de lieux fdrateurs de lespace public (places, quais) ou de zones de forte implantation de discothques. Lespace festif techno et gnraliste est aussi investi par une association de RDR en milieu festif travaillant selon une approche communautaire. Des difficults de financement limitent fortement lheure actuelle son champ dintervention. En termes de rassemblements de grande envergure et en extrieur, le festival gnraliste comme le Reggae Sun Ska Festival ou Garorock simpose comme la nouvelle forme de rassemblement festif dominant. Il existe cependant des festivals de plus petite ampleur. Ces rassemblements regroupant de 500 4000 personnes ont vu se dvelopper, leur marge, des zones dites off. Comme prcis dans le prcdent rapport, ces zones off sont dcrites comme des lieux alternatifs investis par des camions et du matriel de sonorisation et drainent un public htroclite.
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Rduction Des Risques.
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Ces espaces sont identifis comme lieux de diffusion des substances, les associations de RDR intervenant principalement sur ce territoire et sur les campings. Cette anne, cette forme de festival underground - en parallle du festival officiel - se voit cependant limite par des techniques disolement physique. De plus en plus darrts municipaux interdisent les sons en marge des festivals. Certains festivals ont, par ailleurs, pris des dispositions particulires lgard des camions. Au Reggae Sun Ska, le parking camion tait situ 7 km du site officiel. La zone off sest donc organise bien en marge du festival limitant ainsi la porosit avec le festival officiel. Nos observateurs intervenant en milieu urbain le reste de la semaine retrouvent sur ces zones off les jeunes errants de lurbain qui ne vont pas se rendre au festival lui-mme mais investir exclusivement le off. Fait nouveau, certains jeunes errants ( les zonards de lurbain) y montent des stands (vente de nourriture, articles en cuir, vtements, pailles en ptes Fimo, bijoux ). Le dplacement sur le lieu ntant plus uniquement motiv par la fte. Les produits consomms ces occasions sont trs varis et htroclites : les quipes rapportent en plus de la consommation dalcool et de cannabis en toile de fond, la prsence de ktamine, de MDMA, de cocane, de LSD ainsi que de champignons hallucinognes et damphtamines. Il semblerai que ces vnements soient aussi le lieu dexprimentation de nouvelles substances. Un produit tel que la mphdrone dont nous taient rapportes des consommations en club faisait lobjet de rumeur quant sa disponibilit. Point intressant, marqueur de sa faible diffusion, cest uniquement par son nom de rue ( miaou miaou ) que les usagers parlaient de cette substance, ignorant pour la plupart son nom gnrique.
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Nous reviendrons plus en dtail sur ces diffrents produits dans la suite du rapport. Lespace festif techno Au ct des soires en clubs qui sont programmes tout au long de lanne (Trance, Techno, Hardtek, DnB, Dub, ) annonces via des flyers, forums ou rseaux sociaux sont toujours dcrites des soires outdoors dclares ou pas (souvent dans les vignes , pouvant tre appeles festival ou teuf ). La diffusion de linformation seffectue par les mmes canaux. Ces soires drainent du public des dpartements limitrophes de la Gironde voire du Sud Ouest. Le phnomne inverse de migrations de nos publics vers dautres rgions plus ouvertes aux rassemblements techno ou tout simplement plus riches en termes doffre est aussi constat. Quant aux multi-sons dcrits les annes prcdentes (o coexistent plusieurs sons dinspiration diffrente mais de mouvance musique lectronique), il ne nous a pas t rapport de tels rassemblements pour lanne 2010 sur notre zone dobservation. La diffusion dinformation sur les forums fait lobjet de certaines prcautions : On filera l'info en MP aux personnes de confiance et aux conaissances! Ceux qui l'oront ne la faite pas tourner au premier venu!!! 15 La tendance dun redimensionnement des ftes se confirme : plus petites, peut-tre plus intimes et sur des terrains privs. Certains organisent des rassemblements composs uniquement de personnes se connaissant (envergure : moins de 100 personnes).
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Source : forum lectro.
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Dans le prcdent rapport, nous prcisions que les free party en zone rurale taient loccasion pour certains saisonniers agricoles de dcouvrir ce type de rassemblements. Cela est toujours le cas. Nos observateurs notent aussi, durant la priode des vendanges, une europanisation du public avec la prsence notamment de ressortissants espagnols. Le modle de la free party semble tre assimil et dclin sans ncessairement la prsence de la musique lectronique et du code qui va avec ; il sagit dun rassemblement en extrieur avec sonorisation. Ce rassemblement festif en plein air est repr comme format anniversaire et est dcrit comme un rassemblement denviron 250 personnes pour une occasion donne, un anniversaire par exemple. Des ftes entre amis en extrieur et de plus faible envergure encore sont aussi dcrites pour un public de 15-25 ans. En ville, la programmation propose dcompose le temps de la fte techno qui peut se trouver comme ainsi dire saucissonn. Ainsi on annonce un apro son pouvant ou non tre suivi dune party et donc pas ncessairement dun after . Peut-on y voir une mode de lapro ou une consommation diffrente de la fte o lon picorera du son lectronique lors dun apro son pour ensuite se rendre une autre soire pas ncessairement programmation lectro ? Et ceci loppos complet dun rassemblement de type teknival sur plusieurs jours. Lobservation depuis ces deux espaces nous amne conclure ce chapitre par quelques lments de rflexion portant sur la circulation des produits ainsi que sur quelques lments de connaissance sur les consommations en milieu rural.
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Les enquteurs des deux espaces interrogent le plus systmatiquement possible sur la provenance gographique des produits. Ces informations sont corrles celles obtenues par les canaux rpressifs. Des changes transfrontaliers avec lEspagne nous sont toujours systmatiquement rapports, certaines villes espagnoles tant rputes pour tre des lieux de vente de produits spcifiques (Bilbao pour lhrone et la cocane et Irn pour la rsine de cannabis selon les sources rpressives). Les tarifs pratiqus en Espagne tant bien infrieurs ceux pratiqus au niveau hexagonal. On note toujours du trafic via la Hollande et la Belgique pour lhrone en particulier. Le Boom festival qui se droule au Portugal entraine une circulation de produits. Ainsi, avant le festival, les produits sont achets en Hollande et en Belgique (usagers initis) et font lobjet de transactions lors du festival. les produits ceux qui les ramnent rentrent de festival, ils en ramnent et ils font le tour de la France . Dans les mois qui suivent, on nous rapporte des ventes de produits labliss venant du Boom . Il sagit gnralement de produits peu prsents localement tels que des toiles rouges16 . Cet argument peut-tre aussi utilis pour affirmer la qualit suprieure dun produit. Espace rural et consommation : Lors de la rdaction du prcdent rapport, nous notions une nouveaut : lapparition de trafics de cocane en zone rurale (peut-tre dans le sillage ce que nous dcrivions pour lhrone ces dernires annes). Aujourdhui, une tendance la diffusion dune large gamme de produits dans ces espaces nous est rapporte.
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Voir chapitre sur LSD.
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En zone rurale, nous sont dcrits, comme prcis plus haut, des phnomnes de migration dune population urbaine (consommatrice de substances) vers ces zones rurales juges plus clmentes vivre. En parallle de ces no ruraux, sont encore dcrits des petits rseaux de consommateurs , trs implants localement, ( consommation entre amis, souvent de longue date ). Ces usagers, gs dune vingtaine danne et polyconsommateurs (hrone sniffe, cannabis, alcool, cocane) ont initi leurs consommations dans un contexte festif (pas ncessairement milieu techno). Mme si avec le temps le groupe se restreint, il reste toujours bien maill sur le territoire . Avec lavancement dans lge, la consommation au sein du mme groupe damis se poursuit. La palette des produits potentiellement consomms senrichissant.
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Observations et rsultats en 2010 Nous commencerons ce chapitre en traitant des substances stimulantes (cocane base ou pas, grandes familles des amphtamines, 2CB, mphdrone). Puis nous nous intresserons aux opiacs (hrone, rachacha et opium, MSO dtourns ). Nous aborderons ensuite les substances hallucinognes dont lusage de celles dites synthtiques nous a t rgulirement dcrit cette anne. Nous porterons une attention particulire aux anesthsiants de types dissociatifs et dirons quelques mots sur les gaz et les solvants. Pour finir, nous examinerons les usages dtourns de quelques mdicaments non opiacs. Et nous clturerons ce chapitre avec quelques lignes sur lalcool. Au pralable, nous dsirons apporter ici quelques lments dobservations que nous jugeons pertinents. Excepts pour lautoculture de cannabis et la trs litiste culture de spores de champignons hallucinognes, la consommation de substances illicites oblige gnralement avoir recours un vendeur/dealer, figure demblmatique sil en est. Nous rapportons ci-aprs, deux lments les concernant qui ont retenu notre attention. Ainsi, aussi bien les usagers que les acteurs du rpressif pointent, chez certains dealers, un largissement de la gamme des produits revendus. De ce fait sera disponible chez un mme revendeur ou groupe de revendeurs de la cocane mais aussi du cannabis ou de la MDMA ou encore de lhrone. Autre preuve de cette flexibilit et de cette adaptabilit, sont rapports des micro-trafics autour de plusieurs produits (du type cannabis/cocane/hrone) avec une adaptation des quantits transportes en fonction des risques encourus.
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Cette flexibilit se retrouve aussi du cot de lacheteur/usager qui adaptera son achat en fonction de la disponibilit. Autre point plus anecdotique, lhypothse de lusage de gants en latex comme lment signifiant dans la transaction. En milieu festif, nous avons le rcit de dealers portant des gants en latex lors des transactions. Devons-nous y voir la volont de se dmarquer clairement du consommateur ou bien peut-tre une technique de marketing afin de signifier au client la puissance potentielle du produit vendu : En teuf, les produits sont vendus par des gars certains ont des gants en latex de chirurgien pour pas que le produit il passe ou genre moi je consomme pas ? Nous manquons dinformations pour traiter de ce point mais dans tous les cas, cet piphnomne ntait pas le fait de dealers de LSD17. Avant de dvelopper le chapitre traitant des produits, nous apporterons quelques commentaires sur les voies de consommation et le geste qui leur sont associs. Lors du dernier rapport, on dcrivait une pratique du sniff pour la consommation des poudres qui apparaissait moins connote junky par les usagers que linjection. En parallle, nous est rapporte une consommation de tabac priser. Cette voie de consommation est motive selon les usagers par le confort gagn ne plus sortir de la discothque pour fumer18. Sans exclure un biais dobservation, il est intressant de reprer que les intervenants du sanitaire voient dans ce geste une similitude avec une prise de produit illicite19.
17
Cette pratique nous ayant t dcrite par ailleurs chez des vendeurs de LSD format buvard et dans ce cas-l est plus comprhensible du fait de la transpiration des mains et du risque dabsorption du produit par la voie transdermique. 18
Dans le cadre de la loi sur linterdiction de fumer dans les lieux publics. 19
Comme le sniff de cocane par exemple.
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Est aussi dcrite une consommation de LSD (goutte) sur le creux de la main entre le pouce et lindex lidentique dune consommation de cocane (comme dans les films prcise une usagre). Autre mode de consommation, la voie fumable frquemment dcrite semble prendre, chez les usagers non-injecteurs, une place de choix. Cette anne, nous notons une augmentation du nombre de rcits sur la consommation dhrone inhale ( chasser le dragon ou autres techniques). Cet accroissement des rcits est peut-tre mettre en lien avec la distribution de feuilles daluminium par les quipes des Caarud.
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Les stimulants
Les substances stimulantes connaissent - depuis quelques annes - une forte progression quant leur disponibilit et leur accessibilit. Selon lUNDOC, le deuxime flux de cocane du monde, qui a pour destination lEurope, progresse rapidement. Le plus grand march national en Europe est le Royaume-Uni, suivi par lEspagne, lItalie, lAllemagne et la France 20. En France, la disponibilit du chlorhydrate de cocane ne cesse d'augmenter tandis que le prix mdian du gramme diminue progressivement. Comme prcis dans les rapports prcdents, cette diminution des prix favorise laccs des couches de plus en plus larges de la population et quel que soit lespace depuis lequel est observ la tendance. Quant la production mondiale damphtamines, elle est concen-tre en Europe, qui compte plus de 80 % de la totalit des labora-toires damphtamines saisis en 2008 .21 Un phnomne se confirme : une diversification des molcules disponibles. En 2010, lensemble des partenaires du rseau SINTES a collect et identifi 12 nouvelles substances appartenant toutes la catgorie des stimulants.
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UNDOC - Rapport mondial sur les drogues 2010 - Rapport disponible sur www.unodc.or.g 21
Pour lessentiel, la production damphtamines en Europe semble localise aux Pays-Bas, en Pologne et en Belgique et, dans une moindre mesure, en Estonie, en Lituanie et en Allemagne . European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction. Problem am-phetamine and methamphetamine use in Europe. Luxembourg. Publica-tions Office of the European Union 2010, 35 p.
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A titre de comparaison, en Europe, au cours de lanne 2010, 41 nouvelles substances ont t identifies (dont 11 nouveaux cannabinodes de synthse et 15 cathinones), battant les records des annes prcdentes22. Dans le chapitre qui suit, nous traiterons de la cocane (base ou non), de la MDMA/ecstasy ainsi que du 2CB et de la mphdrone23.
Cocane Appele : c , cc , came , coke La cocane se prsente sous deux formes : chlorhydrate (poudre blanche obtenue partir de la feuille de coca) destine tre injec-te (voie intraveineuse) ou sniffe (voie nasale) et base obtenue aprs adjonction de bicarbonate de soude ou dammoniaque au chlorhydrate de cocane (caillou, galette), destine tre fume (voie pulmonaire). La forme base est appele crack lorsquelle est vendue directement sous cette forme et gnralement free base lorsque lusager achte le chlorhydrate et ralise lui-mme la mani-pulation. En France, quelle que soit sa forme, la cocane est classe comme stupfiant. Fortement stimulante, elle produit un sentiment deuphorie, de puissance intellectuelle et physique et une indiffrence la fatigue et la faim24 .
22
Note dinformation SINTES 09 mai 2011/ Rpertoires des nouvelles drogues de synthse identifies en France depuis 2008. 23
LAHAIE E. ; CADET-TAIROU A. ; Mphdrone et autres nouveaux stimu-lants de synthse en circulation - note dinformation SINTES N7 - Dernire actualisation 31 janvier 2011 24
CADET-TAROU A. ; GANDILHON M. ; LAHAIE E. ; CHALUMEAU .; COQUE-LIN A. ; TOUFIK A., Drogues et usages de drogues. tat des lieux et ten-
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La voie de consommation la plus rapporte est toujours la voie nasale. Cependant, nous notons une augmentation des discours sur la consommation de cocane base. Ce point corroborant lobservation dune quipe de CAARUD qui note un lger retour de la base . Comme prcis prcdemment, La cocane injecte fait aussi lobjet de quelques retours chez des usagers frquentant le CAARUD. Ce mode de consommation a t observ notamment chez un public fminin (jeunes en errance et prostitution). Sur notre site, la cocane est gnralement revendue au gramme entre 45 80 . Comme prcis lors du prcdent rapport, la consommation de cocane ne semble pas faiblir dans nos espaces dobservation. Lorsquon interroge des usagers, ils ont gnralement plusieurs plans pour de la cocane qui pourront tre activs en cas de rupture de produit chez lun des vendeurs. Comme le prcise un usager : a devient plus facile de toper de la C. que de la beuh En tant que substance stimulante, la cocane oblige les usagers mettre en place des stratgies de gestion de la descente des effets. Classiquement, le cannabis est utilis pour espacer les prises et amortir le phnomne de dpression qui apparat aprs leffet stimulant, le Rivotril peut galement tre utilis cette fin. Bien que dj observ, un point a plus spcifiquement retenu notre attention. Il sagit du mlange cocane/ hrone appel speedball qui serait utilis comme rgulation de lenvie compulsive de re-consommer engendre par la cocane.
dances rcentes 2007-2009 en France - Neuvime dition du rapport natio-nal du dispositif TREND, Saint-Denis, OFDT, 2010, 280 p.
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Lhrone peut aussi tre consomme seule pour assurer la descente de la cocane. Cette rgulation des effets peut aussi tre faite grce la consommation de benzodiazpines ou dalcool. Dautre part, comme le prcisent les quipes de soignants : certains ont commenc la consommation de cocane en mme temps quils ont entrepris un protocole de soins MSO ou beaucoup de patients substitus la mthadone rapportent un usage de cocane par voie injecte . Des consquences sanitaires dltres tant somatiques que psychiatriques de la consommation de cocane sont toujours systmatiquement dcrites. Ainsi, ct dune altration de ltat gnral des usagers et dun fort amaigrissement, les quipes des CAARUD notent un retentissement important de la consommation sur ltat de la denture des usagers. Sont rapportes des dcompensations psychiatriques ayant ncessit des hospitalisations en psychiatrie. Dans les descriptions des psychiatres addictologues, les troubles bipolaires et la schizophrnie sinscrivent exclusivement dans le cadre de pathologies autonomes pour lesquelles la cocane prend diffrentes valeurs fonctionnelles. Ils caractrisent les autres troubles psychotiques et les symptomatologies anxiodpressives, soit en les inscrivant dans des logiques de troubles transitoires induits par la cocane, soit en tant que pathologies autonomes entretenant avec le stimulant des dynamiques comorbides 25.
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ESCOTS S., SUDERIE G., Usages problmatiques de cocane/crack, quelles interventions pour quelles demandes, Saint-Denis, OFDT, 2010, 246 p. page 71.
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De mme quun cas dendocardite26 et une augmentation du nombre dabcs chez des patients injecteurs de cocane. La cocane pour pouvoir tre fume27 subit une prparation, une cuisine comme disent les usagers, que nous proposons de dcrire dans le paragraphe suivant ; Au point de vue local, nos observateurs ne nous font pas remonter de vente directe de cailloux sous appellation crack mais uniquement la vente de cocane base comme cela avait dj t observ en 2008. De ce fait, nous prcisons : de la base mais toujours pas de crack . La question de la dfinition se pose toujours, les dfinitions de cocane base , de crack , de base ntant pas homognes chez les usagers. Pour certains : Cest de la cocane pure , Cest pas aussi fort que le crack du crack cest de la coke mais avec autre chose Cependant, en termes de profil, les consommateurs de cocane base sont le plus souvent affilis la zone : Cest pas les mmes publics la coke base et la coke sniffe en club il la (cocane) prennent en trait ils sniffent la poudre la base cest pour les punks chiens La population qui cracke est une population qui ressemble beaucoup la population de lhro 28
26
Infection cardiaque occasionnant des dgts essentiellement au niveau valvulaires domins par des risques dembolie et dinsuffisance cardiaque. 27
Sans perdre beaucoup de matire par dgradation thermique. 28
Les sensations recherches et ressenties dans la pratique du Free base sont finalement assez proches des discours connus sur les effets de linjection de cocane. On retrouve les termes de flash , ou de rush , qui dsignent, une sensation de monte violente, une sorte dexplosion
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Cependant, nous notons des rcits de consommation de cocane base observs chez un public plutt insr et fminin, cette voie de consommation tant privilgie pour des motifs conomiques (par rapport au snif) ainsi que chez des usagers insrs et consommateurs rguliers de produits. Aprs transformation la cocane est appele caillou , base , galette . Les consommateurs traversant nos espaces dobservation disent prfrer baser eux-mmes, pour tre srs de la qualit et tester la qualit de la cocane. Cette anne, en festival, nous avons le rcit de la vente dun format caillou sous lappellation O9 (prononcer au 9 ). Il sagit, en fait, dune coke vendue base (en caillou) et qui ressort 0,9 g. C'est--dire, quavec un gramme de cocane, il a t obtenu aprs transformation 0,9 gramme de produit. Ce qui est ici un argument de vente car cette question de avec un gramme combien jen ressors ? un usager expriment rpondit avec 5 g de coke tu fais 2 g de base et un autre avec 1 g je faisais au mieux 0,5 g de base (soit pour lui environ 10 pipes).
soudaine de plaisir, des bouffes de chaleur, ainsi quune sensation de bien-tre et de dtente, qui rappelle aussi les discours habituellement entendus au sujet de la pratique de lhrone . In REYNAUD-MAURUPT C., HOAREAU E., Les carrires de consommation de cocane chez les usagers cachs - Dynamique de l'usage, consquences de la pratique et stratgies de contrle chez des consommateurs de cocane non connus du systme de prise en charge social et sanitaire et des institutions rpressives, OFDT, 2011, Saint-Denis, 273 p. page 77.
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Les descriptions de prparation de cocane poudre en cocane base sont identiques celles dcrites les annes prcdentes, lammoniaque reste la substance adjuvante la plus utilise. La prparation est juge comme plus facile raliser avec de lammoniaque et cependant moins nocive ( la consommation) avec le bicarbonate mais il existe un risque de perdre le produit en cas de mauvaise manipulation. Le bica cest plus technique, demande plus de pratique, moins nocif, plus de dextrit, une initiation diffrente Le bicarbonate est donc jug plus propre: il vaut mieux avoir un rsidu de bic , on fait plus bio. Pendant la phase de prparation, lammoniaque libre des vapeurs odorantes. Etape 1 : Dans une cuillre soupe mettre la cocane et lammoniaque ou le bicarbonate de soude (lammoniaque est achete sous une forme liquide dans le commerce, le bicarbonate sous une forme poudre). Environ 2 ml damo pour 0,5 g de coke Il faut dabord mettre la poudre dans la cuillre et ensuite adapter la quantit dammoniaque en fonction de la quantit de poudre Il faut que lammoniaque recouvre la cocane : que tu la noie Il faut que a baigne en mettre plus que jusque pour lhumidifier Si la prparation est faite avec du bicarbonate de soude : de coke de bica Etape 2 : Porter bullition laide dun briquet pendant 20 30 secondes. Tu chauffes avec le briquet ou le gaz jusqu ce que a bulle Faire monter la temprature petit petit, il faut aller jusquau frmissement pour que a se mlange bien
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Le mlange devient un petit peu pteux sans pour autant changer de couleur il reste tout le temps blanc plutt laiteux . Je maintiens lbullition jusqu ce que la coke soit remonte (la coke tait au fond de la cuillre) II remonte des petites gouttes comme de lhuile, les impurets sont dissoutes dans lamo et jarrte de chauffer Si la prparation est faite avec du bicarbonate de soude, lorsque le mlange est port bullition : a mousse un gonflement et un moment ce tas disparait avec apparition de lhuile pas besoin de rincer . Etape 3 : il faut laisser refroidir ; la tache dhuile se recristallise, tu absorbes lamo avec du sopalin quand a recristallise . Le refroidissement peut tre acclr par le passage dun glaon sous la cuillre. Ou bien : pour acclrer le refroidissement tu peux la mettre au conglo mais pas longtemps leau gle . Etape 4 : Aprs absorption de lammoniaque, vient ltape du/des rinages. Il reste les cristaux tu mets la mme quantit deau que ce que tu avais mis damo et tu rchauffes et tu fais redevenir huileux Cette huile elle est de couleur transparente et translucide si elle est un peu jauntre cest un signe de bonne qualit. (La couleur rostre signerait une qualit encore suprieure). Aprs lavage, lamo qui pouvait rester dans la prparation part dans leau . Certains usagers font plusieurs rinages de la prparation. De multiples rinages ne semblent pas indispensables mais conseills : les toutes premires fois, pas de rinage a se sent au moment de fumer . Je fais un seul rinage, au dbut je faisais plusieurs rinages et thoriquement on ne perd pas de coke en rinant Lidal est de rincer 2 fois
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Le caillou obtenu peut tre consomm immdiatement : On peut la fumer tout de suite, a craque plus si cest pas bien sch, si je la prpare et que je la consomme en deux fois une le lendemain, le lendemain a fait pas le mme bruit Si du bicarbonate de soude est utilis le rinage est jug inutile. Etape 5 : La prparation de la pipe (prononcer pape ) La pipe cest une bouteille deau petite avec un morceau dalu micro perc avec 1 aiguille et une lastique pour que a reste sur le goulot et une paille ou un stylo (la paille ou le stylo servent aspirer la fume psycho-active produite. A la diffrence du bong, la fume ne traverse pas leau, ici leau sert uniquement rduire le volume de la pipe. Disposer sur le morceau daluminium un lit de cendre. Si possible une cendre bien crame plutt de cigarette plus elle est blanche mieux cest si possible pas de cendre de joint . Le lit de cendres doit tre assez pais car il va servir de support au caillou. Attention ne pas mlanger la cocane base la cendre. Etape 6 : Le caillou est ensuite enflamm avec un briquet et la fume inhale via le stylo creux ou la paille. Jaspire en fin filet, rgulier on voit le caillou qui se transforme en liquide, la goutte se lit la cendre et une deuxime fume plus ocre Le temps total de prparation est estim 5 minutes en allant vite et 10 15 minutes en prenant le temps .
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Lutilisation de la pipe artisanale confectionne partir dune bouteille deau minrale de petit format) semble tre localement la norme. La possibilit de jeter cette dernire signe chez un des usagers la libert de rompre un cycle compulsif de consommation. Fumer avec un doseur de verre rutilisable serait une entrave pour cesser une session parce qu la fin on se dit jen ai marre et on la (pipe artisanale) jette et ne permettrai pas cette rgulation. Fumer la cocane via une pipe demande une technique dinspiration spcifique (inspiration lente et augmentation de la pression pulmonaire) : Limportant est de charger bloc tes poumons tu bloques les poumons et tu gardes le plus possible bloqu , Il faut aspirer trs trs lentement le plus lentement possible . Quant au got : Toujours le mme got, un got de plastique brul qui (ne) vient pas de la bouteille Les effets de la base sont clairement dcrits comme diffrents de la pratique du sniff de cocane, le mode dadministration modifiant intensment les effets de la substance. Les usagers rencontrs prcisent que baser la cocane procure un effet intense de dfonce (les effets dureraient quelques minutes) et ne produit pas les effets stimulants de la cocane sniffe de prime abord. a te fait une bouffe de chaleur, tout est cotonneux, tes hyper apais a na rien voir avec le sniff, leffet est compltement oppos a dure 10 minutes jappellerai a le flash (et ensuite tas les effets de la cocane).
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Les effets semblent assez spcifiques cette voie : quand tu le prends en pipe (prononcer le i : a ), leffet est compltement diffrent du sniff . Ils durent trs peu de temps dans la minute qui suit lexpiration la majorit de leffet est estomp. 5 minutes aprs leffet est disparu. Comme un peu une douille pendant un bref instant, une sensation dtre pos dapaisement de bien tre extrmement bref de lordre de la minute . On est un peu comme aprs du sport . La coke en la basant calme et dfonce la diffrence du sniff qui excite . Lenvie de re-consommer du produit rapidement est assez ressemblante celle dcrite avec la cocane sniffe ceci prs que cette envie sexprime trs rapidement aprs chaque consommation : trs vite leffet du manque et lenvie de recommencer den reprendre . quand je commence baser je marrte plus, je fume un joint pour ralentir, je suis dj dans la monte de la base que je pense dj en refaire Comme prcis prcdemment, la consommation de cocane base peut tre rgule avec de lhrone : Leffet nervement est compens par lhro ; cest une drogue (la cocane) onreuse langoisse le stress la descente et pour grer tout a la came seule arrive taider Selon les informations manant des forces rpressives, la cocane est prsente dans le trio de tte des produits retrouvs dans les dossiers de trafic. Sont mme rapportes des consommations directes et visibles dans la rue ou des stigmates de consommation (pochons vides retrouvs par des patrouilles de Police et identifis comme ayant contenu de la cocane).
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Certains vendeurs connus des services de Police pour du trafic de cannabis sont nouvellement identifis comme revendeur de cocane. Certains dealers se dplacent spcialement depuis Bordeaux pour des soires se droulant sur le secteur du Bassin dArcachon (pour rpondre aux besoins dune population consommatrice revenus levs). A noter pour la deuxime anne conscutive des rcits autour dun service dealer domicile sur le principe du traiteur (prix trs lgrement suprieurs ceux du march : 80 /g de cocane) Autre point spcifique, la proximit avec lEspagne qui gnre historiquement et communment divers trafics. Ainsi, nous sont toujours dcrits des micro-trafics qui sorganisent autour dallers-retours France-Espagne. Les quantits transportes sont de lordre de 5 g (5 g de cocane et 5 g dhrone par exemple). Comme prcis dans le rapport prcdent, la cocane semble avoir atteint une phase plateau dans son cycle de diffusion. Sa consommation est rapporte dans tous nos espaces dobservation et au-del.
MDMA/Ecstasy MD , MDMA , taz , 3,4 mthylnedioxymthamphtamine La MDMA est un psychostimulant anorexigne de synthse, un driv amphtaminique. La MDMA est le nom chimique de lecstasy, qui vendue sous un format comprim sera appele taz , ecsta , xtc . La vente au prix de 10 le comprim (en moyenne) est devenu plus rare sur nos espaces dobservation.
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Les usagers rapportent pour ce format pas mal darnaques aux mdocs . Une rumeur voudrait que certains crasent des comprims decstasy pour les vendre en poudre. Car depuis 2007, nous avons pu observer un glissement vers dautres galniques. Sur notre site, cette substance apparait principalement vendue sous une forme poudre sous lappellation MD ou MDMA entre 40 60 / g. Il existe une forme dite cristal juge suprieure, elle se prsente sous forme de bloc compact cristallis. Son prix est lgrement suprieur celui de la poudre, autour de 50 le gramme. Quil sagisse de poudre ou de cristal, la vente peut aussi se faire la glule, entre 10 et 15 , le vendeur remplissant le contenu dune glule29 pour faciliter la revente et le transport. La diffrenciation sur la qualit voire le type semble pouvoir seffectuer dans certains cas par la couleur. Ainsi, ct de la classique de couleur blanche ou beige , on nous rapporte de la MDMA colore ( de la jaune , de la rose ). La consommation de MDMA se fait plutt dans un cadre festif, cest une consommation souvent associe aux festivals mais qui fait partie du paysage des substances consommes dune manire gnrale. 2009, avait t dcrit comme une anne de pnurie de MDMA, en 2010 un usager rapporte le retour du MD en teuf . cest le retour en force du MD pendant deux ans il y en avait moins cause dun problme dapprovisionnement en safranal (en fait cest sassafras mais il est intressant de noter la circulation de ce type dinformation chez des usagers). Cette pnurie serait, sans doute, mettre en lien avec la multiplication des rcits darnaque rapports par les usagers et selon lesquels des mdicaments sont vendus en lieu et place des comprims de MDMA.
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Glule de type levure de bire achete dans le commerce et vide de son contenu.
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Avec la cocane, la MDMA est la substance dont les usagers et les quipes de soignants ou de prventeurs nous parlent le plus. Bien que le format comprim ait connu un dsamour, la forme poudre intresse toujours les usagers aussi bien ceux de lespace festif que ceux de lespace urbain. Sa consommation se fait essentiellement par voie gastrique (en parachute ou en glule) ou par voie nasale bien que cette dernire soit rpute pour irriter fortement les cloisons nasales. Les chantillons de MDMA collects au niveau local et analyss dans le cadre du dispositif SINTES au cours de lanne 2010 ont fait apparaitre des concentrations de MDMA suprieures 70%. Lalcool et le cannabis sont les produits les plus cits comme tant consomms en mme temps que la MDMA.
Amphtamines/speed Appel speed , amphet (avec le t rendu sonore la prononciation), la prsence damphtamine sur notre site dobservation est un bruit de fond. Lamphtamine est un stimulant du systme nerveux central qui induit une hypertension et une tachycardie, ainsi quune plus grande confiance en soi et une sociabilit et une nergie accrues. Elle inhibe lapptit, supprime la fatigue et induit de linsomnie.30 Sa disponibilit varie par priode. Pour cet exercice, nous avons eu peu de rcits venant des usagers de lespace urbain. A contrario, cette substance a t juge comme trs disponible par certains observateurs de lespace festif.
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http://www.emcdda.europa.eu/publications/drug-profiles/amphetamine/fr
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Le prix est assez stable danne en anne, pour cette anne encore, il se situe entre 15 et 20 le gramme. Un seul point de saillance a retenu notre attention, la description de consommations damphtamines (par voie orale et nasale) chez un public dtudiants lors de ftes de fin de semaine. La consommation tant motive par un besoin defficacit : pour pouvoir rentrer plus vite dans la fte le WE sans ressentir la fatigue de la semaine .
2CB Vendu aussi sous le nom de mescaline synthtique . Le 4-bromo-2,5-dimthoxyphnthylamine appartient la famille des phnthylamines. Les effets dcrits par les usagers sont similaires de ceux de la MDMA et du LSD. Lors du prcdent rapport, cette substance assez confidentielle tait essentiellement dcrite comme prsente en milieu festif de type festivalier. Il sagit dun produit de synthse rare dont la prsence avait t observe lors de lexercice prcdent. Le dispositif local opre une veille sur cette substance. Pour cet exercice, cest un produit dcrit comme trs peu disponible et trs peu accessible : cest un produit plutt rare , on le trouve en retour des gros festivals europens et de Hollande . Ce produit nest pas dcrit comme faisant lobjet dun trafic localement: cest pas pour faire du business cest pour faire gouter aux autres .
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Ce produit se prsente en poudre, vendu 150 le gramme (120 /g sil sagit de connaissances). Il se prsente en dose de 0,05 g (vendue 10 ) ou 0,1 g pour ceux qui sont habitus au LSD et aux drogues psychdliques. Vendu directement en glule, il peut aussi tre pris en parachute. Cependant, en cas de consommation par voie orale, le got est dcrit comme dtestable. Le produit peut aussi tre consomm en sniff : si tu le prends en trait a ravage les narines cest super corrosif et avec un gros trait tu restes perch Il est important de contrler la quantit des doses consommes. En effet, les effets sont dcrits comme du LSD version puissance 10 , avec des hallucinations et un peu de rire et au bout de 1 ou 2 heures des hallu svres, des dformations visuelles des ttes des gens, la vgtation qui pousse . Il est prcis que la mescaline met du temps monter et quavec le 2CB une grosse glule a peut durer 12 heures ; cest pas un truc prendre tous les week-ends . Point dj soulev dans un paragraphe prcdent, lutilisation de lhrone pour rguler les effets, ici, les effets de la descente. Cette substance est classe stupfiant31. Nous continuons suivre ce psychostimulant entactogne avec une composante hallucinogne majeure.
Mphdrone Elle porte comme nom de rue : MCAT, Miaou Miaou La mphdrone est achete sur Internet (environ 20 /g) elle est revendue en club entre 50 et 60 le gramme.
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Arrt du 15/07/2002 modifiant larrt du 22/02/1990 fixant la liste des substances classes comme stupfiants - J.O. du 23/07/2002.
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La mphdrone est un stimulant de synthse de la famille des ca-thinones, proche de la famille des phnthylamines (contenant la MDMA et lamphtamine). Ses effets sont proches de ceux de lecstasy et de lamphtamine mais sont moins puissants : elle est empathogne, euphorisante et anorexigne32. La mphdrone fait partie de la famille des legal highs , (appel-les aussi research chemicals , designer drugs ou party pills ), il sagit de substances mimant les effets de lecstasy et/ou de lamphtamine. En France, depuis Juin 2010, la mphdrone est classe comme stupfiant.33 Au niveau local, les usagers ont commenc nous rapporter la prsence de cette substance essentiellement dans lespace festif de type club. Peu voque en dbut danne 2010, il aura fallu attendre le mois de juin pour que les rcits la concernant se multiplient sans pour autant que nous arrivions en collecter. Comme le prcise un usager, elle est vendue en milieu cocane , milieu quil dfinit comme le milieu des clubs plutt lectro . Il ne nous a pas t rapport, pour cette priode, de vente ni dans lespace urbain ni dans lespace techno (de type free-party). La mphdrone est vendue sous forme de poudre, elle est consomme en sniff. Ses effets sont dcrits comme sapparentant un mlange de MDMA et de cocane. Un couple dusagers prcise en consommer uniquement lorsquil y a rupture de MDMA. Telle lArlsienne, les intervenants de RDR en ont entendu parler en festival gnraliste mais nont pas observ de consommation.
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LAHAIE E. ; CADET-TAIROU A. ; Mphdrone et autres nouveaux stimu-lants de synthse en circulation - note dinformation SINTES N7 - Dernire actualisation 31 janvier 2011 33
Arrt publi au journal officiel du 11 juin 2010.
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La diffusion de la mphdrone touche uniquement un cercle dinitis ; certains usagers en ont entendu parler mais ont, par exemple, du mal orthographier son nom. La description des effets ressentis semble aussi moins explicite quavec des produits plus connus, de mme certains usagers ne savent pas exactement de quel type de substance il peut sagir. Elle est prsente par certains comme tant un mdicament, elle est aussi dcrite comme un engrais pour plantes . Cette substance fait lobjet dune attention particulire de la part du dispositif pour lexercice actuel.
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Les opiacs
En suivant nous traitons des usages dopiacs. Les opiacs constituent une famille de produits drivs de lopium, substance provenant de la culture du pavot. La morphine (ou sulfate de morphine) est le produit de rfrence de cette fa-mille. Le terme opiac dsigne aujourdhui lensemble des subs-tances ayant un effet de type morphinique34. Ce chapitre portera tout autant sur des substances illicites : hrone, opium et rachacha que sur des mdicaments base dopiacs. Ces derniers tant soit destins au maintien de labstinence dans le cas dune dpendance aux opiacs (mthadone et BHD) soit vise analgsique.
Hrone hro , meuh , Hlne , brown , rabla, came . A noter que le terme came peut aussi se rfrer dautres produits comme la cocane par exemple : des fois je sais sur des conversations il y a des mprises on se retrouve aller chez des personnes quon est moiti pas bien et que la personne elle vous sort de la coke que vous avez envie de lui faire bouffer par les trous de nez . Lhrone se prsente sous forme de poudre dont la couleur varie entre le sable, le marron et mme le gris. Seule la brune ( brown ) est disponible sur notre site. Avec en 2010, la classique rumeur dun retour de la blanche que seul des usagers de la rue consommateurs de longue date seraient en mesure dacheter.
34 CADET-TAROU et Al., Drogues et usages de drogues. tat des lieux et tendances rcentes 2007-2009 en France - Neuvime dition du rapport national du dispositif TREND, Saint-Denis, OFDT, 2010, 280 p.
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Nos observateurs de lespace urbain notent une disponibilit et une accessibilit de lhrone auprs des errants de lurbain. Un autre marqueur de la diffusion de lhrone est la persistance de cas de dcs o lhrone est retrouve pour notre site (12 en 2010, 18 en 2009). Au niveau national, parmi les dcs collects dans le cadre de lenqute DRAMES35 lhrone est implique dans 116 dcs directement lis son utilisation dont 41 cas o elle est retrouve en association avec dautres substances psychoactives et 75 cas o elle est la seule substance en cause dans le dcs. Parmi ces 75 dcs une association avec une benzodiazpine ou un mdicament psychoactif a t notifie dans 19 cas, une association avec de lalcool dans 32 cas. Par ailleurs, 3 sujets navaient jamais consomme dhrone auparavant36. Sa diffusion ne sarrte videment pas aux ensembles urbains mais touche aussi de plus petites villes pour lesquelles les rcits de consommations et les interpellations se multiplient. Sur notre site, lhrone est revendue entre 40 60 /gr. Bordeaux se situant au dessus de la moyenne nationale qui tait de 42 en 201037. Ces prix peuvent tre diviss par deux en cas dachat en Espagne. La meuh conserve, depuis quelques annes auprs des plus jeunes usagers, une image rsolument plus valorise que lhrone des toxicomanes.
35
Lenqute DRAMES a pour objectifs de recueillir les cas de dcs lis
lusage abusif de substances psychoactives, didentifier les substances impliques (mdicament ou drogue illicite), dvaluer leur dangerosit et destimer lvolution du nombre de ces dcs. 36
Rsultats de lenqute DRAMES 2009, Afssaps-CEIP, avril 2011. 37
Source SINTES-OFDT.
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Lappellation meuh semblant remplacer celle, dj dmode de rabla38 on parle pourtant de la mme chose, mais lappellation rabla tait plus urbaine, plus connote drogue dure . Cette substance dont nous confirmions le retour les annes prcdentes est maintenant souvent dcrite comme un produit consomm au mme titre quun autre et cela lors de temps donns (ftes) ou moments prcis de lanne. Malgr sa prsence constante sur le march, sa consommation nest pas dcrite comme quotidienne mais rserve ou dvolue galement aux moments de la fte qui sy prtent : les afters par exemple (rcits la fois chez des jeunes en squat et chez des teufeurs). Ceci ne renseigne pas sur leur dpendance aux opiacs (sont-ils sous substitution le reste du temps et font-ils un extra ou utilisent-ils de lhrone de manire occasionnelle ?) De plus, les quipes de soins font remonter que les usagers ne se pensent pas dpendants car il grent grce la prise concomitante dun traitement MSO ( le matin ils sont public CSAPA39 et laprs-midi ils sont publics CAARUD40 ). Les quipes sanitaires estiment que la dpendance lhrone nest pas ncessairement la norme dans ces publics pris en charge. Certains usagers pensent se tenir distance de toute dpendance lhrone en consommant exclusivement de lhrone le temps du week-end et sans utiliser de produits de substitution (MSO). Et cela, mme sils ressentent vivement un syndrome de sevrage durant la semaine.
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Driv du mot ghabra , poudre en arabe. 39
Centres de Soins d'Accompagnement et de Prvention en Addictologie. 40
Centres dAccueil et dAccompagnement la Rduction de risques pour Usagers de Drogues.
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Les premires exprimentions peuvent avoir lieu lors de soires, loccasion desquelles de lhrone sera consomme sans tre identifie comme telle. Un usager rapporte avoir entendu lors de soires : mais non cest pas a (de lhrone) cest du brown [] mais non cest pas de lhrone et prcise cest pas la premire fois que jentends a . Cet usager stonne de la dmocratisation de son usage : y a quinze ans lhrone ctait le haut du tableau jai essay a il fallait que jai essay tout le reste avant ctait le plus dangereux . La hirarchisation des modes de consommation des produits ne change pas, linjection est associe limage du toxicomane que la pratique du sniff comme celle de la voie fumable met distance. Nous posons lhypothse dun dveloppement de la consommation dhrone par voie fume. Lhrone peut tre consomme dans une cigarette ou bien avec la technique du chasser le dragon , pratiques mobilisant des techniques trs diffrentes. Un usager prcise : La fumette de lhro se dveloppe pas mal parce que a fait moins tox de la fumer que de la sniffer . Une quipe de CAARUD note une augmentation des rcits de chasser le dragon sur feuille daluminium : ce nest pas la seule faon quils ont de consommer mais a serait une pratique qui se dvelopperait (par rapport au snif) . Cette voie de consommation peut tre pense comme ayant des vertus protectrices : Ainsi, selon un usager, si lhrone est consomme fume : cest comme prendre lapro ; cest ne pas tre dpendant . Ou pour un autre, avec la voie inhale : je me suis jamais retrouv en chien (ne jamais avoir connu de crise de manque).
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La consommation dhrone pour la rgulation des effets dautres produits a retenu notre attention. Bien que cet usage ne soit pas nouveau nous notons une augmentation des discours portant sur de lhrone consomme pour assurer la gestion de la descente de cocane (base ou pas). nous ctait une habitude de prendre de lhro pour se calmer la fin Lhrone est aussi consomme directement associe un autre produit. Avec de la cocane, le mlange est appel speed-ball : tu as le bien tre procur par lhro et le boost de la C (rcit dune consommation en sniff). Cet assemblage fait lobjet de nombreux rcits dans nos deux espaces dobservation. La consommation est dcrite comme se faisant principalement en sniff mais aussi en injection. Autre phnomne, observ en CAARUD , celui des usagers qui compltent la prise dhrone par de la mthadone. Ce profil est dj identifi par le dispositif Trend et appel hybride , il sagit dusagers mlant la fois consommation dhrone et prise de MSO41. De mme, si les usagers sous doss en mthadone, ils consomment un peu dhrone pour atteindre un niveau de confort acceptable.
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COSTES J-M. (Dir.), Les usages de drogues illicites en France depuis 1999 - Vus au travers du dispositif TREND, Saint-Denis, OFDT, 2010, 192 p. page 13.
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Jusqu rcemment, les consommateurs de lespace festif techno stigmatisaient la consommation dhrone. Cette anne pour cet espace, la prsence dhrone nous est clairement rapporte (consommation et vente) et comme prcis plus haut avec de nombreux rcits de consommation dun mlange hrone et cocane. Un signe de cet usage de lhrone est quelle peut-tre vendue dans cette espace la dose au gramme ce qui laisse supposer une tendance lutilisation de lhrone comme produit de descente et de manire ponctuelle au milieu dautres produits. Les forces rpressives rapportent une volution notable dans le sens dune augmentation de la prsence dhrone dans de nombreux dossiers de trafic (dans le trio de tte des produits les plus saisis). Les achats transfrontaliers via lEspagne par de petits rseaux de proximit sont toujours dcrits. Il sagit de petits trafics (parfois 5 ou 10 g). Ainsi lors dun mme voyage, lusager pourra acqurir de petites quantits de plusieurs substances (gnralement : hrone, cocane, cannabis). Ces micro-trafics touristiques 42 sont assez loigns des rcits plus mdiatiss de go fast . En parallle, la Hollande et la Belgique sont toujours rapportes comme pays dachat.
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Selon les termes de lOCRTIS : achat collectif et petite chelle organi-s par des petits groupes dusagers directement l o le produit est moins cher (Pays-Bas, Belgique, Espagne) et le petit deal individuel pour payer sa propre consommation . In CADET-TAROU A. ; GANDILHON M. ; LAHAIE E. ; CHALUMEAU M. COQUELIN A. ; TOUFIK A., Drogues et usages de drogues. tat des lieux et tendances rcentes 2007-2009 en France - Neuvime di-tion du rapport national du dispositif TREND, Saint-Denis, OFDT, 2010, 280 p.
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jai limpression que la came a descend beaucoup de Hollande en fait cest peut tre une impression parce que les gens quand ils commencent se mettre trafiquer des cinquante des cents grammes ici souvent cest beaucoup de Hollande .
Rachacha et opium La rachacha ou rach est un rsidu dopium de fabrication artisanale, la rachacha se prsente sous forme de pte molle de couleur marron rouge et peut tre fume ou ingre en dcoction. Elle est recherche pour ses effets euphorisants, relaxants, "planants"43. Quant lopium, il sagit dun suc exsud de la capsule de pavot se prsentant sous nos latitudes sous la forme dune pte brune (ressemblant beaucoup de la rachacha) consomme ingre ou fume. Nous notons, cette anne, une prsence sporadique dopium dont la provenance est souvent prsente par les usagers comme locale. Cette anne encore, le dispositif ne note pas dvolution significative de la consommation de ces produits ni des publics qui les affectionnent. Une collecte dans le cadre de SINTES a permis didentifier un chantillon dopium prsentant une teneur en thbane de 31%. E. Lahaie (coordination nationale SINTES-OFDT) prcise qu il pourrait s'agir d'un chantillon issu d'un vol de pavot ou d'un dtournement au cours de la "partie industrielle" post cueillette . Les pavots "enrichis" en thbane sont destins la production de buprnorphine. A titre de comparaison, pour l'opium import d'Inde en France (obtenu aprs lincision des capsules), la thbane titre autour de 1,5%.
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Source OFDT.
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Chlorydrate de mthadone44 mtha , sirop La mthadone est un opiode analgsique synthtis en 1937, prescrit dans le cadre d'un traitement substitutif des pharmacodpendances majeures aux opiacs. Ce mdicament est disponible sous un format sirop (conditionnement en flacon verre) aux dosages de 5 mg, 10 mg, 20 mg, 40 mg et 60 mg. Il existe depuis 2008, une forme glule, prescriptible uniquement en centre et rserve aux patients stabiliss dj en traitement (disponible aux dosages suivants : 1 mg, 5 mg, 10 mg, 20 mg et 40 mg). Cest un opiac inscrit sur la liste des stupfiants. Il ne nous est pas rapport de trafic en lien avec le format glule. Quant au format flacon, la fiole est revendue environ 5 (dosage 40 mg). Sont dcrits des arrts de la prise de mthadone (traitement prescrit) avec un passage au Subutex de rue et cela le temps de la cration dune petite rserve dans un but de revente ultrieure (pratique vrifie par la ralisation de dosages urinaires). Bien que la mthadone soit lobjet dun trafic moindre que la BHD, il sagit dun produit qui circule dans la rue. Linitiation la mthadone hors cadre de prescription est usuelle pour une bonne part des usagers dpendants ( mthadone de rue ). Comme le prcise une quipe de CAARUD : Les consommateurs dhrone qui viennent en premier entretien pour une mise sous traitement connaissent dj la mthadone et la Subutex de rue et leurs effets .
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1 mg de mthadone = 3 4 mg de morphine = 1 2 mg d'hrone = 20 mg de pthidine = 30 mg de codine = 7 8 ml d'lixir pargorique (Source CEIP- Orithye)
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Tous les traitements mthadone initis par les mdecins du centre le sont chez des usagers qui se sont dj mis en traitement de rue eux-mmes . Certains aspects du protocole (obligation de prise sur place en centre lors de linitiation du traitement, augmentation lente de la posologie pour atteindre le bon dosage, ) ou encore les effets secondaires (prise de poids), sont biens connus dans la rue et dnotent une bonne connaissance par les usagers des bnfices, limites et effets secondaires du traitement. Nos observateurs, intervenant en RDR, rapportent notamment pour des villes de zone rurale la disponibilit de mthadone (forme sirop), ce qui est moins le cas dans lespace urbain. A noter, que pour ces zones rurales, il est toujours rapport une difficult daccs aux traitements MSO prescrits. En 2009, les observateurs avaient observ, pour la premire fois, la prsence de mthadone dans lespace festif (flacons vides) sans observation de propositions de vente dans ce mme espace. Ce point ne nous a plus t rapport.
Buprnorphine Haut Dosage ou BHD sub , subu , B4 ou B8 Ou encore en rapport avec la galnique : le petit (gnrique) et le gros (princeps). Mise sur le march en 1995, la buprnorphine haut dosage (BHD) est un traitement mdicamenteux de maintien de labstinence en cas de dpendance majeure aux opiacs. Une spcificit franaise est sa prescription en mdecine de ville. La BHD est un opiac de synthse daction partielle et mixte ago-niste/antagoniste, classe liste I (mais soumise aux rgles de pres-cription et de dlivrance des stupfiants). Elle est disponible en pharmacie sous plusieurs dosages : 0,4 mg, 2 mg et 8 mg pour le
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Subutex (princeps) et 1 mg, 4 mg et 6 mg pour la Buprnorphine Mylan et Arrow (gnriques). En usage dtourn, la BHD est consomme principalement injecte ou sniffe : le Subutex en trace : a te pose, tes dfonc . La BHD peut aussi tre fume (rares rcits et principalement en milieu ferm). Aprs lassociation alcool et mdicaments, pour les quipes de CAARUD , le msusage de Subutex (et BHD) est le comportement de consommation engendrant le plus de problmes sanitaires chez les usagers. Selon la dernire enqute Ena-Caarud, parmi les personnes qui ont consomm de la BHD rcemment, 74,1 % affirment la recevoir en traitement de substitution, 6,1 % disent tre traites par un autre opiac et 18,4% dclarent ne pas tre sous TSO 45. Cette substance est dcrite comme trs disponible dans la rue. On observe comme prix de revente entre 5 et 8 le cachet de 8 mg de Subutex (prix constant par rapport lanne prcdente). Nous notons toutefois une variation possible du prix du produit sur un rythme semainier ou circadien: plus cher le lundi matin selon la loi de loffre et de la demande (c'est--dire aprs la galre dune absence de produit durant le week-end ou la nuit et lattente de l ouverture de la scne de deal). Ces pratiques, qui ne sont pas nouvelles, sont observes en milieu urbain chez un public trs marginalis.
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CADET-TAROU A., COQUELIN A., TOUFIK A. CAARUD profils et pratiques des usagers en 2008. Tendances n74, OFDT, Dcembre 2010.
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Lexistence pour la BHD dun princeps et de gnriques est lobjet de beaucoup dinterrogations (pas toujours fantasmes) qui ne peuvent tre ignores et qui conditionnent certains comportements. Les discours sur la qualit suppose suprieure du princeps sont rcurrents : une fois filtre, la BHD gnrique est dcrite comme trs claire et les usagers ont limpression quil y a moins de produit actif dedans. Certains usagers affirment quil faut en prendre deux fois plus si cest du gnrique. Et au march noir, la formule princeps une valeur marchande suprieure aux gnriques. Le trafic de Subutex peut aussi tre entretenu par des patients dits insrs qui refusent de se rendre dans une officine pour obtenir le traitement. Le traitement MSO sera achet dans la rue par peur dtre identifi ou fich . Certains patients dits insrs refusent le suivi du traitement MSO en CSAPA et prfrent se faire suivre en libral (mdecine gnrale de ville ou cabinet psychiatrique). Dun point de vue sanitaire, cela a pour consquence le peu de dlivrance de conseils de RDR et dinformations sur le msusage. A noter, la persistance de cas de primo-consommation dopiacs avec du Subutex. Ce phnomne qui nest pas nouveau est toutefois jug en baisse par un des CAARUD).
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Sknan (sulfate de morphine) Ce mdicament est utilis en cas de douleurs persistantes intenses ou rebelles aux autres analgsiques, en particulier des douleurs d'origine cancreuse. Cest son usage dtourn qui retient notre attention. Les observateurs du dispositif mentionnent une baisse gnrale de la consommation et ne notent pas dapparition de nouveaux consommateurs. Toutefois, noter un cas dendocardite due la consommation de Sknan (voie injecte). La boite de 14 cachets est vendue 50 au march noir ; 5 lunit (Sknan LP 200 mg). Nous concluons ce chapitre sur les opiacs par un phnomne quil faudra monitorer au cours des annes venir. Il sagit de problmes croissants lis des prescriptions mal matrises dopiacs (Lamaline, Oxycontin) des fins antalgiques y compris chez des personnes ges. Ce phnomne est rendu visible par larrive de nouveaux publics dans les centres des soins suite la rforme CSAPA.
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Les hallucinognes Dans ce chapitre, nous traiterons des hallucinognes prsents et observs sur le site pour lexercice 2010. Dans un premier temps, nous traiterons des hallucinognes naturels : famille des champignons et cannabis. Les autres plantes hallucinognes (Salvia divinorium, Datura stra-monium, ) sont consommes, mais de manire beaucoup plus ngligeable et nont pas fait lobjet de rcits spcifiques pour cet exercice. Ensuite, nous aborderons les substances hallucinognes dites synthtiques telles que le LSD auxquelles nous annexerons les anesthsiants de types dissociatifs : ktamine, GHB/GBL.
Les hallucinognes dits naturels
Champignons hallucinognes champotes , champi Vendus frais ou secs (20 le pochon dexotiques et 10 le pochon de locaux). Les champignons ont une aura sympathique, ils sont dcrits comme consomms aussi bien par des lycens que par des consommateurs plus avertis. En 2009, les champignons hallucinognes apparaissaient comme particulirement diffuss et activement recherchs lors de rassemblements festifs de type festival gnraliste. Pour cet exercice, nos observateurs ne font pas tat dune augmentation des consommations. La prise semble avoir principalement lieu en contexte festif. Nos observateurs nont pas dcrit de scnes de deal mais uniquement de partage (notamment champignons consomms infuss dans de lalcool).
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Les achats de spores sont toujours dcrits comme seffectuant via Internet. A noter que les champignons apparaissent pour ces usagers comme un produit rigolo et sans danger voire pouvant constituer, chez les plus jeunes, une porte dentre vers des consommations dhallucinognes de type LSD.
Cannabis shit , beuh , pollen , popo , weed , teuche , Le cannabis est classer parmi les produits hallucinognes, car il a des effets psychodysleptiques et peut entrainer des altrations du cours et du contenu de la pense, modifier les perceptions, lhumeur du sujet et sa relation au monde et autrui. Le cannabis se prsente sous forme de rsine (plus ou moins compacte, dans des tons marrons plus ou moins sombres) ou sous une forme dite herbe . Cette dernire se compose des fleurs sches de la plante. Le cannabis est principalement consomm fum (joint ou pipe de diffrentes formes ( eau ou non). Cependant, certains usagers le consomment par voie orale ( space cake , beurre de Marra-kech notamment). La forte disponibilit et laccessibilit aise cette substance sur notre site sont des points variant peu ces dernires annes. Pour la rsine plusieurs qualits sont disponibles : afghan , aya , com , Ainsi, lappellation afghan qui est considre comme un type de rsine particulirement identifiable en raison de son aspect pouvant se rapprocher de la pate modeler par son lasticit, semble maintenant dsigner chez les plus jeunes simplement un produit de bonne qualit et non plus donner une indication sur la provenance gographique du produit. Les qualits les meilleures se ngocient autour des 600 les 100 g.
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La qualit mdiane : lhaya , le gras, le noir se vend environ 550 les 100 g. Quant la qualit la plus basse : le com , son tarif se situe autour des 230 250 les 100 g. Pour lherbe, lappellation se fait le plus souvent en fonction des varits : Skunk , Ice , Blueberry , White Widow . Elle se ngocie entre 3 ou 4 /g si achat par 100 grammes. Lherbe dite Locale c'est--dire celle produite localement le plus souvent en appartement ou en fort est vendue entre 40 et 50 /10 g. Nous avons au cours de ces dernires annes, observ un changement du conditionnement, ainsi pour la rsine le format 100 g simpose pour la revente. Quant lherbe, elle est le plus souvent vendue en pochon de 10 g. Le phnomne le plus rapport pour cet exercice est lautoproduction aussi bien en extrieur (fort) quen intrieur (placard, balcon, caravane). Pour certains, lauto-culture permet outre des conomies, daccder lautosuffisance (production lanne si culture sous lampe) et un contrle de la qualit du produit. Lachat du matriel et les frais inhrents la culture (lectricit, engrais, achat graines) sont couverts par la revente dune partie de la production. Pour le cannabis, il nous est souvent dtaill des trafics en marge des rseaux classiques de deal structurs. Comme dcrit prcdemment, il sagit dun trafic cim, de plus petite envergure. Le trafic se crant autour de la mise en commun dargent pour un achat group, en Espagne, de 1 2 kilos en vue dune revente rapide. Les achats transfrontaliers concernent aussi bien de la rsine que du matriel de production. Mais ce dernier est dailleurs aussi bien accessible en ligne quen magasin.
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Les hallucinognes synthtiques
LSD trip , peutri , goutte , buvard Il sagit du plus puissant des hallucinognes ; cest un compos syn-thtique : le dithylamide-25 de lacide lysergique. Cest un alcalode de lergot du seigle. Un driv dun champignon nomm Claviceps purpurea un parasite des vgtaux, responsable des pidmies dergotisme qui, au Moyen-Age, ravageaient spora-diquement lEurope. Lergotisme tait appel Mal des Ardents, ou Feu Saint Antoine du nom dun ordre religieux, fond dans le sud de la France au XI sicle pour soigner ceux qui taient victimes de ce flau. 46 Lanne 2010 a vu se confirmer le retour du LSD et cela plus spcifiquement dans lespace festif. Prsence de la forme buvard ( Hoffman , Shiva , Avatar , Calendrier Maya ) et retour notable de la forme goutte. Le LSD tait essentiellement vendu ces dernires annes sous une forme dite buvard, c'est--dire un morceau de papier (imprim dun dessin dont le thme est utilis comme nom) appel planche . Cette dernire qui est imbibe de LSD et prdcoupe en petits morceaux qui seront gnralement vendus lunit. Le prix du buvard se ngocie lunit autour des 10 le buvard (15 /les 2) ; autour de 3 sil sagit dun achat en plus grande quantit. Cependant, le LSD peut tre aussi vendu directement sous une forme liquide. Lusager ou le revendeur achte une fiole et lunit de revente est la goutte.
46 VALLA J.P., Lexprience hallucinogne, coll. Mdecine et Psychothra-pie, Masson, Paris, 1983, 220p. Page.77
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En goutte, la fiole de 400 gouttes est cde autour des 100 ; revendue 10 /la goutte sur un morceau de carton, un sucre ou pour les personnes connues du vendeur directement dans le creux de la main entre le pouce et lindex comme la coke dans les films . A noter, les rcits rcurrents sur la prsence dtoile rouge ou micro pointe rouge dcrite comme du LSD et de la mescaline . Lanalyse dun chantillon par SINTES Veille a permis de mettre en vidence la prsence exclusive de LSD. Les effets des toiles rouges sont dcrits comme puissants et surprennent mme des consommateurs avertis de LSD. Sa disponibilit semble corrle des retours de grands rassemblements notamment le Boom Festival.
Hallucinognes de synthse : les anesthsiants de type dissociatif
Ktamine k , kta , spcial K . Il sagit dun anesthsique humain et v