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LE VIEILLISSEMENT DES MIGRANTS Situation en Midi-Pyrnes

Etude-action ralise dans le cadre du : Programme Rgional pour lInsertion des Populations Immigres DRASS et ACSE Midi-Pyrnes

RAPPORT FINAL

Octobre 2007

OBSERVATOIRE REGIONAL DE LA SANTE DE MIDI-PYRENEES Facult de Mdecine - 37 alles Jules Guesde - 31073 Toulouse cedex tl : 05.61.53.11.46 - fax : 05.62.26.42.40 - courrier lectronique : [email protected]

LE VIEILLISSEMENT DES MIGRANTS Situation en Midi-Pyrnes

Rafa Kadija Mantovani JeanObservatoire Rgional de la Sant de Midi-Pyrnes

Duchier Jenny Gayral-Taminh MartineUnit INSERM U 558 : Epidmiologie et analyses en sant publique ; risques, maladies chroniques et handicaps

OBSERVATOIRE REGIONAL DE LA SANTE DE MIDI-PYRENEES Facult de Mdecine - 37 alles Jules Guesde - 31073 Toulouse cedex tl : 05.61.53.11.46 - fax : 05.62.26.42.40 - courrier lectronique : [email protected]

Sommaire

Introduction : contexte et dmarche de ltude-action La documentation sur la question des vieux migrants Bibliographie Les notions de la culture

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PARTIE I - LES MIGRANTS : de la migration lenracinement... I MIGRER 1- Contexte de l'immigration, projet et devenir Un projet de vie, quelle place dans l'immigration ? 2- Les diffrentes conditions et modles de migration L'migration conjugale ou familiale L'migration politique Entre migration politique et migration conomique Emigration conomique Anciens combattants Des trajectoires plus atypiques 3- Rester ici ou retourner au pays ? Dans la longue dure familiale Les doubles rsidents dont la famille est reste au pays II - LE TEMPS PASSE 1- Le temps de la mutation De la migration lenracinement 2- La question de l'exil 3- Mise distance de la famille 4- Enracinement 5- Trajectoires types de l'enracinement familial 6- Sentiment vis vis de la France 7- Les discriminations 8- Faux problme de l'intgration 9- La question de l'identit

26 29 29 29 30 30 31 32 32 33 33 33 34 35 35 35 36 36 37 39 40 41 41 43

III- VIEILLIR 1- Processus du vieillissement : de ncessaires rvisions identitaires 2- Les vieux migrants Au regard des situations de sant Face laccs limit aux services La question de la rticence Entre modle familial et modle de l'autonomie individuelle 3- Idaux du vieillir Autour des valeurs de l'autonomie Dans la communaut Dans une famille profondment enracine 4- Conditions de statuts IV- HABITER 1- La difficile dfinition du chez soi 2- Double rsidence et secondarit Une situation double ressort Les multi propritaires Les quasi propritaires en Midi-Pyrnes et propritaires au pays Les habitants prcaires 3- Les habitants des foyers V- LES SITUATIONS QUI POSENT QUESTIONS Les moins visibles, les moins accessibles Les familles Les femmes seules Les hommes seuls en habitat vtuste priv La secondarit ou double rsidence des hommes seuls Quel soutien informel auprs des doubles rsidents sans familles sur place ? Les anciens combattants Prcarisation et difficults prcoces de sant Les difficults de logement

46 46 47 47 48 49 49 50 50 52 52 53 55 56 56 56 57 57 58 59 61 62 62 62 63 63 63 63 64 64

HISTOIRES DE MIGRANTS AGES

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PARTIE 2 - LES ACTEURS ET LES SYSTEMES Synopsis des organisations rencontres 1- Rappel de la dmarche 2- Mobilisation des acteurs Une question qui concerne aujourd'hui un nombre significatif d'intervenants divers Diffrences circonstances et facteurs participent la mobilisation des acteurs 3- Les limites de l'implication des acteurs Le regard des acteurs reste centr sur des situations la marge Des dispositifs peu accessibles Des guichets gnralement peu sollicits Des services norms peu mme de considrer les situations hors norme. Quel mandatement des acteurs ? Les segmentations 4- Quelques exemples d'bauches de dispositifs interactifs 5- Regard des oprateurs sur les vieux migrants. Strotypes et contradictions Difficults de lecture La figure du maghrbin seul, mari avec enfants aux pays d'origine Les moins visibles Le registre dficitaire Points de vue contradictoires 6- Des figures marquantes dans un registre plus objectiv 7- Quelques notions importantes de la condition du vieillir des migrants isols Conditions d'habitat Des ruptures biographiques prcoces Quel soutien informel aux sans familles ? Demande et non demande CONCLUSIONS ET ORIENTATIONS Action de droit commun ET action spcifique Les besoins de lintervention de droit commun Les obstacles sur le versant des vieux migrants Quelle action spcifique ? Rseaux de proximit et dimension rgionale ANNEXES

104 105 106 106 107 109 111 111 111 112 112 113 114 115 116 117 117 117 118 119 120 121 121 122 122 122 124 125 126 127 128 130 132

Les vieux migrants : des situations jusque l peu visibles qui se rvlent aux intervenants 107

IntroductionContexte et dmarche de ltude action

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INTRODUCTION

1 - La dmarche

Contexte de l'tude action

La Direction Rgionale des Affaires Sanitaires et Sociales (DRASS) et l'Agence de Cohsion sociale et d'Egalit des Chances (ACSE) de Midi-Pyrnes ont souhait engager un travail dinvestigation et une rflexion caractre oprationnel concernant les situations des personnes migrantes vieillissantes. La dmarche sinscrit dans le cadre du Programme Rgional pour lInsertion des Populations Immigres (PRIPI) et sintresse une composante sociale mal connue, en particulier en Midi-Pyrnes, et jusque-l peu visible des dispositifs publics : Les migrants vieillissants. Lobjectif de ce travail est donc damliorer la connaissance des situations et des phnomnes qui les sous-tendent ainsi que de tester les ressources et les besoins de ces personnes, et de prciser les orientations dune action sociale vises multiples : interventions publiques spcifiques et de droit commun, mobilisation des oprateurs et des dispositifs, formation et sensibilisation des acteurs LObservatoire Rgional de la Sant de Midi-Pyrnes a t charg de coordonner linvestigation et danimer un collectif scientifique constitu de diffrents chercheurs de lORSMIP, de lINSERM U558 : Epidmiologie et analyses en sant publique, risques, maladies chroniques et handicap. Universit P. Sabatier, et du CIRUS-CIEU (Centre Interdisciplinaire dEtudes Urbaines Universit action) Lobjectif du rapport est dengager une rflexion. Il sadresse surtout aux oprateurs de terrain qui se sont rvls en cours denqute particulirement concerns par la question des migrants vieillissants, et en premier lieu aux participants du Comit Technique initi en parallle de ltude. Il s'est donn des objectifs plus long terme de sensibilisation et de mobilisation plus large des acteurs et des institutions concernes, notamment en direction : - des travailleurs sociaux et de leurs structures de rattachement (action sociale de secteur, CRAM/CPAM, MSA, CCAS, CAF), - des bailleurs sociaux (foyers, logement social...), - des services et instances de soutien aux personnes vieillissantes (services domicile, instances de coordination grontologique), - des structures associatives qui portent une action proccupe par la question de limmigration et celle du vieillissement,

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- de faon plus gnrale, lensemble des personnes et instances qui assurent dj, ou qui sont susceptibles dassumer, un rle de mdiation auprs des migrants vieillissants, professionnels ou non.

Questionnement

La question du vieillissement des migrants se situe la croise de plusieurs champs d'investigation relevant des sociologies de la prcarit et des ingalits sociales d'accs aux droits communs, des processus de sgrgation sociale, de l'immigration, du vieillissement comme processus individuel et de la vieillesse comme objet de politiques, et donc d'une sociologie des organisations autant que des approches centres sur les individus. L'invisibilit de cette population en Midi-Pyrnes rend particulirement ncessaire un effort de connaissance pralable toute action adapte par une phase exploratoire d'envergure. S'il apparat ncessaire de faire une place plus large cette question sur l'agenda rgional, la dimension Midi-Pyrnes (8 dpartements contrasts en matire de recours ancien la main d'oeuvre immigre), et les faibles moyens disponibles, imposent de faire des choix de mthode, ceux de la commande, a limit l'investigation sur trois sites urbains. Notre questionnement sest articul autour de trois axes principaux : - sur les conditions dinsertion des personnes migrantes ges de 50 ans ou plus, et notamment sur leurs conditions de logement et dhabitat au sens plus large, daccs aux droits et aux services, dinscription sociale, relationnelle et urbaine . - sur les trajectoires individuelles, familiales, rsidentielles et sociales des personnes. - sur leurs conditions daccs la sant, c'est--dire, au sens large du terme, sur leur situation en matire dautonomie/dpendance, de problmes de sant, daccs aux soins et aux aides formelles (notamment au plan grontologique).

Sites denqute, types dhabitat

Les moyens disponibles ne permettant pas de raliser une tude circonstancie sur les situations des migrants vieillissants dans leur multiplicit (milieux urbains et milieux ruraux des huit dpartements de la rgion). Linvestigation a t limite quelques sites tests choisis dans trois dpartements de Midi-Pyrnes : la Haute-Garonne, les Hautes Pyrnes et le Tarn et Garonne qui prsentent diffrents types dhabitat urbain dans les trois villes de Montauban, Tarbes et Toulouse : 1) foyers et autres formes de logement spcifique (trois foyers sur Toulouse, les autres villes ntant pas dotes de ce type de formule), 2) espaces de logement social, 3) espaces de logement priv de centre ville.

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Concernant la ville de Toulouse, il a t dcid de faire plus particulirement porter lenqute sur trois secteurs : Empalot, les quartiers Nord, Bagatelle-Faourette, en restant ouverts aux opportunits dinformation susceptibles de se prsenter sur dautres sites en cours denqute1.

Mthodologie

Documentation de la question Ltude s'est donne pour premier objectif de raliser une recherche bibliographique des fins de contextualisation de recherche (locale, nationale et internationale), dinformations techniques (quelles actions publiques, quelles dfinitions, quels oprateurs lchelle nationale). Ce volet t complt en cours denqute par une analyse des documents recueillis auprs des diffrentes structures contactes (donnes constitues, rapports dactivit,). Phase de pr enqute Rencontres avec les responsables et animateurs des institutions sociales comptentes, des associations qui interviennent dans ce champ, des services aux personnes susceptibles dintervenir auprs des migrants vieillissants (services personnes ges, gestionnaires de lOPA, autres services sociaux). Avec un questionnement particulier sur la mobilisation des services de droit commun auprs de ces publics et sur les besoins dintervention spcifiques, et avec les bailleurs. Lobjectif de cette phase a t de poser les bases dune analyse des positionnements institutionnels de la question des vieux migrants en Midi-Pyrnes, de raliser un premier tour dhorizon des interventions de terrain au contact de ces publics. Nous avons appliqu en cela une mthode de reprage progressif des actions et des acteurs dabord centre sur les structures les plus visibles dans ce champ (et de leurs responsables) pour entrer en contact avec les intervenants de terrains, au contact direct des vieux migrants, et de prciser les sources dinformation disponibles et les moyens mobilisables pour un recueil complmentaire de donnes (enqutes ralises, rapports dactivit). Enqutes qualitatives sur sites : analyse organisationnelle Le volet danalyse des organisations de proximit sur les diffrents sites retenus s'est attach la ralisation d'un ensemble de monographies de terrain en considrant laction professionnelle (analyse des organisations en prsence, ressources et limites des dispositifs existants), les interventions intermdiaires (actions professionnalises ou non dacteurs en situation de mdiation entre publics et structures (acteurs militants, interprtes, porte-parole), les formes1

Nous avons ainsi t amens tendre le primtre Bagatelle-Faourette en direction du Grand Mirail.

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ventuelles ou potentielles dun soutien informel aux vieux migrants (quels rseaux familiaux ou extra familiaux ? Anims par quelles personnes ?) A la rencontre des migrants vieillissants L'enqute par entretiens auprs des migrants vieillissants a t engage sur des bases qui en ont garanti la faisabilit, elles ont eu aussi pour objectif de tester les conditions dune enqute, et de la mener en fonction des opportunits ouvertes par la mdiation des intervenants professionnels tout en permettant de mieux en mesurer les limites (nous y reviendrons plus bas) : les mdiateurs ont fait parfois dfaut pour permettre lquipe dtablir la relation denqute sur des bases viables (de reconnaissance et de confiance). Les personnes les plus accessibles ne sont gnralement pas les personnes les moins mme de se produire face laction publique. Ce volet a comport des attendus multiples danalyse des relations quentretiennent les migrants vieillissants (relations de parentle, de proximit, aux oprateurs professionnels, aux bailleurs, etc.), de tests des ressources et limites des dispositifs formels et des rseaux informels. Il sagit de mettre les connaissances acquises ce niveau au service dune analyse des besoins dune intervention organise auprs de ces publics, et dintgrer les diffrents points de vue endognes des personnes vieillissantes, partant de rcits de vie recueillis en entretiens individuels souvent au domicile des personnes. Lobjectif ce niveau a t atteint, une quarantaine dentretiens ont t enregistrs ainsi que des rencontres individuelles suscites hors domicile, de mettre une tude de biographies individuelles de vieux migrants au service dune meilleure connaissance de leurs conditions collectives dinsertion sociale, notamment dans une perspective de formation des acteurs et dorientation dune action plus adapte. Echantillon de l'enqute auprs des migrants gs Le projet denqute a fait le pari initial de ne pas enfermer linvestigation auprs des immigrants gs sur des prototypes du vieux migrant . Le recrutement denqute tient aux relations que nous avons tablies dans un premier temps avec divers intervenants de terrain, professionnels ou bnvoles. Ces acteurs sinscrivent dans diffrents registres :

reprsentants de laction sociale municipale ou de secteur, en charge de laccompagnement personnalis des personnes en difficult, intervenants associatifs mandats par les collectivits locales, prestataires de services auprs des personnes ges , acteurs de lanimation socioculturelle de proximit, mdiateurs, reprsentants ou simples passeurs non professionnels.

La constitution de lchantillon est donc reste ncessairement dpendante de la ou des reprsentation(s) quont ces acteurs de la problmatique des vieux migrants , et des contacts

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quils ont eux-mmes pu tablir avec des personnes reprsentatives de cette composante sociale. On peut ainsi penser que les situations les moins visibibilises ne nous ont pas t donnes voir. Nous avons effectivement rencontr des difficults tablir un contact avec :

les familles dorigine immigre qui vivent dans les conditions les plus prcaires, les femmes au sein de ces familles, les plus gs parmi les immigrants de cette priode.

Nous avons rgulirement propos nos intermdiaires un mme profil des personnes que nous souhaitions rencontrer :

immigrants arrivs en Midi-Pyrnes aprs 1945, seuls ou en famille, originaires de tous pays, et dont les trajectoires sociales sinscrivent en milieu urbain ou plutt en milieu rural, gs de plus de 55 ans, ou conjoints dune personne ayant dpass ce seuil dge, reprsentatives de la question sociale des vieux migrants . Notre corpus final2 est constitu dentretiens auprs de femmes et d'hommes dorigines trs diverses : guinenne, sngalaise, centre-africaine, espagnole, portugaise, marocaine, algrienne, tunisienne,

On notera que certaines composantes de limmigration de la gnration des trente glorieuses ne sont pas reprsentes dans notre chantillon : italiens, europens de lest et du nord, Avant analyse des donnes qualitatives constitues, le corpus apparat cependant trs diversifi entre :

hommes et femmes, habitants permanents en Midi-Pyrnes, doubles rsidents , et pratiquants rguliers dune secondarit 3 rsidentielle, habitants des foyers4, du parc de logement social, ou du parc priv plus ou moins vtuste, personnes qui vivent seules, en couple, o dans une famille plus large, individus et familles relevant de la dfinition des plus dmunies et individus ou familles qui ont connu des trajectoires dascension sociale plus marques,

personnes en plus ou moins en bonne sant, selon leurs propres dfinitions, individus plus ou moins porteurs dune demande lgard des services en prsence.

Enqute par questionnaires ouverts auprs des acteurs professionnels des secteurs gographiques non considrs Ce volet complmentaire, ralis par enqute postale, sest adress plus particulirement aux associations et collectivits locales susceptibles de stre mobilises dans la dfinition de publics de vieux migrants, linterface entre les diffrents champs concerns (action2

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Que la convention initiale situait 30 personnes, mais que nous avons largi depuis environ 45 entretiens. Au sens de : Membrado M. (1998), Processus de vieillissement et secondarit , in Yerpez, J. (ed.), La ville des vieux. Recherche sur une cit humaniser, Editions de l'Aube Collection Territoire. Structures destines lorigine aux travailleurs immigrs , dans lesquelles les retraits savrent aujourdhui de plus en plus nombreux

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interculturelle, lutte contre lexclusion, action grontologique). Il a eu pour vocation de mieux situer les expriences tudies sur sites dans le contexte rgional. Comit de suivi et comit de pilotage Un volet essentiel de la dmarche a consist mobiliser lanimation dun comit de suivi de ltude action, runissant les personnes ressources et rfrents de terrain (acteurs associatifs, professionnels, mdiateurs potentiels) dfinis en phase initiale et en cours dinvestigation. Le travail de ce comit sest droul sous forme de rencontres rgulires (tous les deux trois mois) organises autour des rsultats de ltude, de faon en orienter les phases successives. Un comit de pilotage, runissant les reprsentants des institutions comptentes, assure en outre le cadrage de la dmarche. Lobjectif gnral de la dmarche dtude est celui dune mise en dbat de la question des vieux migrants sur la base de linformation recueillie.

2- Quelques donnes de contexte rgional

Aperu dmographique

Toute approche statistique du sujet amne prendre la mesure dun dcalage majeur entre leffectif des personnes recenses comme immigres (en loccurrence, des personnes dorigine et de nationalit trangre)5 et les diverses sources documentaires qui considrent sous lintitul des vieux migrants des personnes essentiellement d'origine maghrbine. Cette approche statistique de la population des migrants vieillissants rend compte de linaptitude des donnes quantifies rendre compte des situations de migrants dans leur diversit. Latlas des populations immigres Midi-Pyrnes6 nous indique quen 1999 la population immigre totale slve 173 606 personnes pour la rgion Midi-Pyrnes (pour une population totale en Midi-Pyrnes de 2 552 125) soit 6,8% (contre 7,4% pour la France). En 1999 en Midi-Pyrnes, dans la tranche dge 45-64 ans, le nombre des femmes immigres est voisin de celui des hommes (49% ; N= 50 375), et suprieur dans la tranche 65 ans et plus (55% ; N=50 941). Dans les deux cas, elle est toujours plus leve que la moyenne nationale (45% et 54% respectivement), indiquant en Midi-Pyrnes une surpopulation fminine dans ces tranches dge.5

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Selon la dfinition adopte par le Haut Conseil l'Intgration, un immigr est une personne ne trangre l'tranger et rsidant en France. Les personnes nes franaises l'tranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilises. A l'inverse, certains immigrs on pu devenir franais, les autres restant trangers. Les populations trangre et immigre ne se confondent pas totalement : un immigr n'est pas ncessairement tranger et rciproquement, certains trangers sont ns en France (essentiellement des mineurs). La qualit d'immigr est permanente : un individu continue appartenir la population immigre mme s'il devient franais par acquisition. C'est le pays de naissance, et non la nationalit la naissance, qui dfinit l'origine gographique d'un immigr. Source Insee, recensement de la population 1999, exploitation complmentaire

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Concernant lorigine gographique, les immigrs des pays non europens constituent 61,6% de la population immigre totale en Midi-Pyrnes : lAfrique runit 50 818 personnes dont 9 225 dAfrique noire (5,3%), et lAsie 11 019 personnes (6,3%). Parmi les maghrbins soit 41 593 personnes (24% au total) 29,2% sont des algriens, 20,4% des marocains et 33,0% des tunisiens qui ont 55 ans et plus. Les asiatiques sont reprsents majoritairement par les vietnamiens (22,1% des asiatiques) et les laotiens (16,3%). Parmi eux 25,2% des vietnamiens et 14,6% des laotiens ont 55 ans et plus. Mais ces chiffres illustrent la forte diversit des communauts gographiques de personnes ges peu ou pas visibles, notamment les femmes et certains groupes asiatiques et dAfrique noire.

Description du contexte rgional

Il se heurte la complexit et aux incertitudes de la problmatique. Il nest pas de dispositif ad hoc et les structures et acteurs contacts sont confronts la question des titres trs divers qui intressent : laction sociale institutionnelle, contrainte dans les dcoupages hrits des deux phases de la dcentralisation entre comptences des Dpartements, des Caisses dAssurance Maladie, des Communes, de lintercommunalit comme l'indique le rle des travailleurs sociaux, et notamment de la MSA et de la CRAM, lgitim auprs des personnes ges de moins de 60 ans est significatif, rencontr au cours de l'enqute.. laction institutionnelle, dans des rapports encore plus contraints de dfinition des comptences. laction associative est cible : - sur les publics de migrants, sans distinction dge, - sur les situations de prcarit sans distinction ni dge ni dorigine gographique, - sur la situation des personnes vieillissantes dans leur ensemble. Laction associative reste relativement dense dans lagglomration toulousaine o elle constitue une ressource importante malgr les difficults rencontres (cessations dactivit, problmes budgtaires) On verra que le site de Montauban est aujourdhui exemplaire dun travail engag sous lgide du CCAS et dans le rapprochement entre les intervenants de cette structure, des associations locales (AMAR, rseau SAMIRE) et diffrents travailleurs sociaux (dont de la MSA), seul exemple dbauche de dispositif de ville . Dans les quartiers toulousains considrs par ltude en cours, dautres formes de dispositifs apparaissent et notamment : - autour des deux CLIC des quartiers dEmpalot et de St Cyprien, - un Atelier Sant Ville dans les quartiers Nord, se donne la question des vieux migrants pour objet dune dmarche concertative.

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LA DOCUMENTATION SUR LA QUESTION DES VIEUX MIGRANTS

La recherche documentaire et lanalyse bibliographique critique ont constitu un objectif transversal de ltude. Il sagissait de mobiliser le plus largement possible les sources de la recherche en sciences humaines et sociales, des tudes de terrain, de la documentation technique et rglementaire, en cherchant particulirement prciser les diffrents apports au croisement entre approches centres sur limmigration, sur le vieillissement, sur la prcarit susceptibles dalimenter une rflexion venir. Nous nous sommes particulirement attachs : lanalyse des dfinitions et formes de catgorisation des populations7

publics 8

contextualisation de recherche (nationale et internationale), mettre lexprimentation en cours ou finalise lchelle nationale (quelles actions

menes, selon quels ciblages et dfinitions de publics, par quels oprateurs), au service de la rflexion sur les besoins nationaux. de faire la part (que lon savait limite de prime abord) de la production rgionale.

Lenqute de terrain a ainsi intgr les documents recueillis auprs des diffrentes structures contactes (donnes constitues, rapports dactivit,). Au stade de la production de ce rapport la documentation constitue reprsente un volume quil serait difficile de prsenter ici de faon dtaille. Nous nous sommes attachs en extraire les rfrences qui nous sont apparues les plus marquantes, le plus souvent parmi les plus rcentes, en fonction de choix ncessairement arbitraires. Le recueil des sources sera poursuivi au-del de la prsente tude.9

Principaux enseignements du volet dtude documentaire Rapide historiqueLes premiers travaux et interventions diverses concernant les vieux migrants se situent significativement au dbut des annes 90. Peu nombreuses ce moment-l, elles sont essentiellement le fait de laction associative, en lien avec quelques chercheurs. La production documentaire qui sest ensuite rgulirement accrue confirme la sensibilit croissante de la question. On assiste depuis peu une augmentation sensible du nombre des publications comme des oprations dtudes et de recherches, de colloques. Lensemble traduit limportance croissante que prend la question des vieux migrants en mme temps quun

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Au sens statistiques. Nous utiliserons souvent les guillemets pour parler des publics de vieux migrants au sens de laction sociale, grontologique ou socioculturelle, dans la mesure o il reste le plus souvent faire la preuve que cette composante sociale Lessentiel des documents exploits sera dornavant accessible au centre de documentation de lORSMIP-Unit INSERM 558. 37, alles Jules Guesde. Toulouse.

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tournant qualitatif. De faon schmatique : les premires publications se donnaient surtout une fonction dinterpellation du politique (en loccurrence de lEtat) en se limitant le plus souvent prsenter certains profils de migrants gs comme nouveaux prototypes de lexclusion ; la phase suivante a vu se diffrencier un peu le propos, entre problmatiques historiques, sociologiques, psychologiques, de sant publique et professionnelles (travail social, action contre les discriminations) ; il faut attendre les dernires annes pour voir enfin apparatre les rsultats de travaux plus systmatiques et porte plus fondamentale. Sur lensemble de la priode, le corpus reste toutefois beaucoup centr autour de certaines thmatiques dorigines diverses : - lexil, le caractre indcis dune vie entre ici et le pays dorigine, le manque dintgration, les barrires de la langue et de la culture, - la situation du travailleur prcaire, limmigr exploit puis rejet, soumis des tches particulirement dures et dangereuses, - les conditions particulirement dfavorables de limmigr vieillissant au plan de la sant, de laccs aux droits et aux institutions, aux services, aux soins autour de la figure du travailleur migrant prmaturment vieilli, us et malade, - les discriminations touchant particulirement les immigrs maghrbins, les manifestations de racisme - les situations de mal logement, lindignit des foyers ou dans lhabitat indigne urbain ou rural, souvent victime des marchands de sommeil, - la marginalit de personnes peu en mesure de porter une demande, peu autonomes, les difficults quelles prouvent porter une demande, - lisolement des individus, le dficit de ressources relationnelles de proximit, Des limites rarement dpasses Dfauts darticulations Nous le posions au stade du projet : la question sociale des vieux migrants se situe la croise de diffrents ples dintrt : ingalits sociales et discriminations, immigration, vieillissement Mais les entres sur cette population restent durablement marques par les dcoupages entre disciplines, professions, univers de laction militante, comme par les segmentations institutionnelles. On constatera notamment que les sciences humaines de lexclusion sont peu prsentes sur le terrain des vieux migrants , et surtout que la grontologie sociale a tard se pencher sur cette question, alors quil apparaissait depuis longtemps que laccessibilit des dispositifs du maintien domicile tait peu assure en direction des migrants gs.

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Il faut en effet attendre la dernire dcennie pour voir apparatre les premiers travaux qui font de la question des vieux migrants un test significatif en vue de ladaptation des dispositifs publics, et notamment des dispositifs de proximit, la diversit des situations de personnes et de groupes sociaux. Le processus de dcentralisation, malgr ses perspectives de dveloppement dune action au plus prs des habitants, navait gure concouru jusque l attirer lattention sur cette composante sociale, dont les spcificits taient supposes se dissoudre soit dans lassimilation, soit dans le retour au pays des retraits de limmigration. Tendances misrabilistes et culturalistes Lexpos rapide des grandes thmatiques qui animent la bibliographie laura dj suggr : les vieux migrants y sont le plus souvent prsents sur un mode essentiellement dficitaire : sous la forme darchtypes de lindividu sans , isol, victime dune immigration subie Leur avance en ge se cultive souvent au carrefour des statuts sociaux de la vieillesse, de laltrit et de la pauvret, en faisant appel demi mots aux figures triviales qui sy attachent, du petit vieux , du pauvre vieux , de ltranger abus et dpendant On peut penser que les crits ont atteint leurs objectifs de sensibilisation et l'interpellation des acteurs et des politiques, de dnonciation des conditions structurelles qui ont particip au dclassement des individus et des entits sociales concernes, de lgitimation de la question sociale. Mais, comme les images, et en faisant parfois appel aux mmes ressorts, ils nont pas toujours anticip lambigut qui sattache au traitement misrabiliste des situations de prcarit. Le traitement de la question des vieux migrants rejoint ici celui de la question des SDF, des errants , des Tziganes Dnoncer le scandale de la situation des plus dmunis sexpose les dsigner la stigmatisation. Le traitement dficitaire de la question des vieux migrants ouvre par ailleurs souvent un dbat, sur lequel nous reviendrons, qui porte sur la dimension culturelle de leurs parcours de vie. La controverse reste rarement explicite10 : au nom de la lutte contre les discriminations elle situe la question des vieux migrants entre deux conceptions antinomiques de la culture : - lune considrant que les diffrences qui distinguent certaines trajectoires de vie des normes en vigueur tiennent par essence la culture originelle, nationale ou ethnique, des personnes concernes. Les acteurs sociaux devraient donc souvrir LA culture de leurs interlocuteurs, - lautre affirmant au contraire les cultures relles, quil ny a de culture que dans les interactions et que les migrants de longue date se situent ncessairement la croise de divers mondes sociaux qui s'entrecroisent, et ncessairement acculturs cette condition, pour stre engags trs tt dans lmigration, pour avoir construit tout ou partie de leur vie dadultes dans la condition de limmigr...

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Voir toutefois Sad Bouamama : La diversit culturelle et la drive culturaliste. Document de travail. IFAR. 2007.

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Limpression qui ressort de la production documentaire, notamment dorigine associative ou professionnelle, est que les conceptions culturalistes qui sattachent la premire dfinition restent souvent prgnantes. Dficit de prise en compte du point de vue des migrants La plupart des sources documentaires semble traduire avant tout la difficult quprouvent les acteurs rendre compte du point de vue des personnes concernes, de leurs valeurs et modles de rfrence, de leur exprience de vie, de la part de contrainte, et de la part de choix qui ont particip leur immigration vers la France et la trajectoire sociale qui sen est ensuivie Il en va de ce que ce que nous venons dvoquer dune imagerie au service des reconstructions de la figure et de la mmoire de limmigrant. Mais le propos renvoie surtout un fonds catgoriel trs ancr dans notre contexte actuel de socit, auquel la notion mme de vieux migrants ne saurait chapper lorsquelle qualifie encore de migrants des personnes qui ont pass lessentiel de leur vie en France et dont certaines ont t naturalises Les diverses dfinitions tenant aux segmentations administratives croisent les distinctions dorigine gographique, les hirarchies de statut social et de ressources ... En creux, la connaissance apparat dficitaire sur ce qui a trait aux conditions vcues des rapports communautaires (y compris familiaux), la socit dorigine et la socit franaise Les tudes centres sur les relations de soutien informel aux plus gs restent par exemple peu nombreuses, qu'il sagisse de qualifier le statut de la vieille personne au sein de la famille, les ressources relationnelles sur lesquelles peuvent sappuyer les hommes rputs isols sur leur lieu dhabitat en France, les pratiques de la double rsidence lge de la retraite donnes pourtant indispensables pour une adaptation de loffre de soutien professionnalise.

Focalisations et invisibilisations On constatera aussi que la plupart des sources disponibles, lexception de quelques publications rcentes majeures, napportent gure dattention qualifier et reprsenter les situations dimmigrs vieillissants dans leur diversit. Le propos se focalise essentiellement sur une des figures marquantes : celle des personnes qui sinscrivent de longue date, et en particulier au-del de lge de la retraite, dans la double rsidence entre lieu dorigine et lieu de sjour en France, comme anciens travailleurs saisonniers ou de statut plus assur, hommes dorigine maghrbine, souvent maris, mais dont conjoint et enfants sont rests au pays , dautres inscrits dans des relations plus distendues la famille dorigine, mais rgulirement qualifis comme isols et en mal dinsertion sociale (sinon dintgration)

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Cet archtype tend occulter les multiples autres composantes sociales des migrants vieillissants leurs situations et trajectoires sociales : - celle des femmes, pourtant majoritaires au plan statistique lchelle rgionale. Les tudes qui sintressent au statut des vieilles migrantes sont remarquablement peu nombreuses, malgr un veuvage important et souvent prcoce, - celle des couples et familles largies : les rares sources ne sont gure en mesure de prciser le statut des conjoints et des enfants, ni la part que prennent les uns et les autres dans le soutien aux plus gs, - celles des migrants souvent dorigine gographique plus lointaine (Afrique subsaharienne, Asie du Sud Est), - celles des arrivants europens de la mme priode (Espagnols, Portugais, Italiens), dont le statut de migrants nest gure plus questionn, sinon travers quelques monographies dont linitiative revient au pays dorigine ou aux enfants de migrants.

Les conditions de lhabiter sous le mme rgime Le nombre de rfrences qui ont trait aux anciens foyers de travailleurs immigrs et la situation de leurs nombreux rsidents gs est symptomatique. Derrire la figure de lhomme isol double rsident se profile une problmatique essentiellement centre sur la part la plus visible du phnomne : les personnes hberges dans les foyers . Labondante littrature cultive parfois la contradiction, notamment dans lindcision quelle laisse planer entre : - une dfinition de la situation dans les foyers comme paroxysme de lindignit faite aux vieux migrants11, - une dfinition de ce type de formule comme offrant une alternative au logement norm, particulirement recherche la fois pour le faible cot des loyers proposs et pour la souplesse quelle offre aux personnes les plus mobiles12. On notera comme prcdemment que les autres conditions dhabitat des migrants vieillissants en milieu urbain, et plus encore en milieu rural, apparaissent nettement sous-informes. Il en va notamment de lhabiter dans le parc priv vtuste, sinon indigne , et aux questions qui laptitude des dispositifs prventifs correspondants se porter la rencontre des vieux migrants. Il reste de mme longtemps difficile de restituer les parcours des plus prcaires dans lensemble plus large des trajectoires rsidentielles de migrants, et notamment au regard des trajectoires

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Source Pour ce qui concerne le contexte midi-pyrnen, voir : In Situ Consultants 2001. Lattractivit du produit offert () ne se limite pas aux caractristiques du logement ou au paiement dune redevance qui inclus les charges et services annexes. () Pour une partie des rsidents, le fait de pouvoir sabsenter pour des priodes parfois longues ou rptes sans risque de perdre son logement est un atout important . In Situ. 2001. Dautres parlent des foyers en tant que bulle sociale .

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dascension sociale quont pu connatre certaines personnes et familles. La focalisation sur les situations les plus immdiatement reprables comme synonymes de grande prcarit fait obstacle la comprhension de ce qui fait leur caractre spcifique. Dficit danalyses des organisations Nous insisterons sur un dernier point : notre recherche est reste quasiment improductive au plan des travaux danalyse organisationnelle. Lanalyse des systmes doffre grontologiques est notamment dans ce cas : les vieux migrants nont pas ce jour justifi une analyse de loffre de service daide et de soins aux plus gs, et les tudes et recherches existantes considrent rarement sur cette catgorie de population. La question de laccs aux droits occulte souvent celle de laccessibilit de loffre publique et prive de soutien ou daccompagnement. Ce constat soulve des interrogations sur ltat des lieux de laction coordonne, entre interventions sociales et actions dinsertion (logement, citoyennet, statut des retraits), dispositifs grontologiques et services de sant. Les besoins de transversalisation et de coordination de laction de prvention et daide aux personnes ont depuis longtemps t mis en vidence. On sait quils ne sont gnralement que trs partiellement satisfaits, et particulirement lorsquil sagit de publics atypiques, telles quapparaissent certaines composantes de la population ge immigre. La question des vieux migrants apparat souvent contrainte dans le champ des controverses idologiques, entre approches culturalistes (les vieux migrants non intgrs parce que non reconnus dans leur culture), structuralistes (les vieux migrants comme victimes du systme socio-conomique dexploitation des immigrs), humanitaires (Les vieux migrants comme victimes de lhistoire de la (d) colonisation), etc. Les sources documentaires disponibles ne suffisent pas lever une certaine ambigut caractristique de ce thme, et notamment entre approches misrabilistes et approches plus pragmatiques, ces dernires souvent en manque dinformations sur la condition de vieillissement des migrants, considrant le vcu et le point de vue des migrants eux-mmes. Les contributions crites se sont jusque l peu attaches dvelopper les connaissances et linformation ncessaires pour orienter laction publique fonde. Nos constats nous inclinent penser quil existe un important besoin de formation des professionnels la question des immigrs vieillissants, mais aussi que la ressource documentaire se montre encore souvent insuffisante.

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4. Exprimentation et action sociale hors rgion Midi-Pyrnes1) Rflexion densemble : spcifique ? Droit commun ? - Emsellem S. Des itinraires de migrants algriens : quelles ncessaires modifications de l'action sociale pour une meilleure prise en compte des immigrs gs ? Rapport pour l'Observatoire Rgional de l'Intgration et de la Ville-Alsace. Strasbourg : ORIV ; 2002. - Emsellem S. Etat des lieux de la situation des personnes ges en Provence-Alpes-Cte d'Azur : CREOPS ; 2006. - ORS Languedoc-Roussillon. Etats de sant et accs aux soins des migrants en France. Analyse et synthse bibliographique. Montpellier ; 2006. 2) Etudes finalises - Sieira-Antelo M, Desmartin-Belarbi V, Ridez S, Ledesert B. Conditions de vie et tat de sant des immigrs isols de 50 ans et plus en Languedoc-Roussillon : rapport 2me phase, enqute en population. Montpellier : CESAM migrations sant, ORS Languedoc Roussillon ; 2003. - CAREPS. Situation et besoins en matire de sant des migrants vieillissants. Rapport n439 du Centre Rhne Alpes d'Epidmiologie et de Prvention Sanitaire. Grenoble ; 2004. - ORSAS. L'accs aux droits et aux services sanitaires et sociaux des populations immigres vieillissantes de l'agglomration nancienne. Etude ralise pour l'Office Nancien des Personnes Ages (ONPA) et la ville de Nancy par Abdelali Fahime. Nancy ; 2005. - APUR Atelier Parisien d'Urbanisme. Les migrants gs Paris. Diagnostic - volution et prconisations. Paris : APUR, 2006/03, 74p 3) Exprimentations et interventions diverses - Pitaud P. L'accs des migrants gs aux services : L'exemple du centre ville de Marseille, extrait d'une recherche action. La retraite dans la trajectoire migratoire. Migrations Sant 1999 ; n 99/100:77-96. 4) Interventions en Midi-Pyrnes a) Etudes, recherches, analyses - Pons M. et aIii In Situ Consultants. Le logement des populations immigres dans le ple urbain toulousain. Toulouse ; 2001. - In Situ Consultants. Rsidence sociale "Le Fronton". Diagnostic social. SONACOTRA

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LES NOTIONS DE LA CULTURE

Les formes danalyse et de traitement de cette question empruntent aussi souvent diffrentes dimensions trs lies entre elles, qui ont trait la culture, lidentit et lintgration. Une partie de la documentation rend compte de ce phnomne, mais aussi, lenqute le confirmera plus loin, les logiques et postures des intervenants associatifs, des professionnels de terrain, comme des acteurs institutionnels. Comprendre les conditions de vieillissement des personnes dorigine immigre demanderait de considrer et protger leur culture et modes didentification au sens de leurs origines nationales ethnico-culturelles, de caractriser leurs situations et parcours de vie interculturels , entre deux cultures : celle de leur pays dorigine dune part et la culture franaise de lautre Ces tendances conduisent relancer sans cesse la controverse qui porte sur la dfinition de la culture . En empruntant Sad Bouamama : Deux approches saffrontent sur le thme de la culture, avec bien entendu des enjeux normes en termes de grille de lecture de la ralit et en terme dorientations pour laction. La premire est une approche essentialiste et/ou substancialiste qui applique sur lobjet culture peut sappeler du culturalisme . Pour cette approche, chaque culture se caractriserait par un noyau dur qui la diffrencierait des autres cultures. Au-del des mutations historiques, un invariant existerait indpendamment des volutions des contextes et des cadres sociaux. Les porteurs dune culture seraient donc essentiellement diffrents, indpendamment de leurs contextes dexistence. 13 Cette conception conduit poser les migrants gs comme tant essentiellement demeurs tributaires des valeurs du corps, des valeurs et modles de la sant, du vieillir, de la vieillesse et de la mort qui se distinguent de celles qui sont en cours dans le pays daccueil, souvent considrs comme dessence religieuse. La seconde approche considre les cultures comme des ralits en mouvement. Issues des besoins de lexistence humaine les cultures voluent donc en fonction de ceux-ci. Depuis que lhomme est sorti de lisolement des groupes humains sans contact entre eux, lhistoire est () surtout celle des interactions entre ces groupes. Par consquent, une culture donne est depuis ce moment le rsultat des interactions avec les autres cultures. Cest dans linteraction avec lautre et avec les autres que se construisent les diffrences et le sentiment de diffrence .14 Cette seconde conception est donc dite interactionniste . Dans ce sens, la culture peut apparatre comme un fonds commun de la vie courante, laquelle les personnes et groupes sociaux marquent un fort attachement, mais comme le constatait dj G. Bataille dans le Brsil des annes 60, dont ils peuvent tre amens changer parfois trs rapidement, en fonction des volutions du contexte de socit.13 14

Bouamama S. La diversit culturelle et la drive culturaliste. Document ronot IFAR 2007. idem

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Lquipe dtude se revendique dune sociologie ou anthropologie interactionniste qui se dfie des tendances enclore les individus et les groupes dans des catgories prconstruites exognes . Celle-ci sattache faire la part dune culture relle qui prend en compte les relations dans lesquelles sinscrivent des individus plus ou moins fortement affilis une famille, un groupe social, une communaut. Dans un contexte historique marqu par les processus dautonomisation individuelle lanalyse de lidentit demande dfinir la culture comme ne relevant pas strictement de lorigine nationale et ethnique, mais de multiples autres dimensions : la culture est aussi affaire de trajectoire sociale, dge et de cycle de vie, de genre, Mais ltude sest dautant plus attache considrer la culture, lidentit et lintgration sous langle des interactions que nous tudions la situation de migrants gs ou trs gs :

Que leur statut dimmigrs situe depuis le moment de leur migration dans un rapport privilgi aux valeurs, modles et idaux du pays daccueil, valeurs du travail, de la solidarit, de lautonomie individuelle et familiale qui refltent limage quils avaient de la France ds avant leur dcision dimmigrer.

Que limmigration a souvent rpondu, quels que soient les rseaux dans lesquels se sont inscrits les no-arrivants, dans la perspective dune individuation dont les modles sont rechercher plutt dans le regard que les partants ont port sur les trajectoires des prcurseurs et des migrants des gnrations antrieures.

Qui vivent en Midi-Pyrnes depuis plusieurs dcennies (parfois depuis plus de 50 ans) Qu'ils sinscrivent depuis ce temps dans des rapports complexes dinterfrence avec des composantes sociales diffrentes de celles de leur communaut dorigine.

Des personnes souvent trs jeunes, ou de jeunes couples, ont pratiqu limmigration dans un esprit d aventure qui ntait pas celui de tel ou tel pays dorigine mais celle dun air du temps anim par les valeurs du progrs conomique et social, dune poque o tre moderne passait dj de plus en plus par tre mobile , se faire entrepreneur de sa propre vie, se faire soi-mme, ne pas hsiter pour cela changer de contexte et de monde relationnel, mettre distance les anciennes appartenances communautaires, et les cultures qui sy attachaient Les immigrants des Trente Glorieuses nont pas effac dun trait le contexte de socit dont ils sont originaires, mais leur culture est avant tout celle de lmigration. Ceci constitue une quasi dfinition de limmigration de cette priode dopportunits et douverture. On verra plus bas que les vieux migrants daujourdhui ont fortement adhr et adhrent toujours fortement ces principes, y compris parmi ceux qui sont reprsents comme les plus indigents. Lapproche culturaliste de lintgration reste contrainte par la vision fige de la culture et de la nation, et enferme la notion dintgration entre deux modles. Le modle assimilationniste veut que ltranger ne puisse tre reconnu comme intgr que pour autant quil se montre compltement accultur aux normes dominantes du pays daccueil, quil ne puisse plus tre

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reconnu comme diffrent. Le modle interculturaliste prend partiellement le contre-pied du prcdent. Dessence humaniste, il milite pour la reconnaissance des cultures en tant que telles, dans leurs diffrences, et pour leur cohabitation. Lapproche interactioniste se tient lcart de cette controverse. Elle sinterroge sur les conditions relles dintgration des personnes et des groupes sociaux, sur leurs diverses formes dimplication, dinsertion ou de participation sociale. Nous prfrerons tout au long de ce rapport questionner les conditions d insertion sociale des personnes, que leur degr d intgration . Nous nous intressons avant tout aux conditions dans lesquelles les migrants gs se sentent ou non aujourdhui, ici partie prenante du contexte local, des systmes relationnels dans lesquels ils sont impliqus entre un ici du quartier, du village, de la ville o ils sont rsidents et le pays dorigine, quil ne faut pas plus entendre au sens de la nation, mais au sens du village, de la rgion, des communauts de proximit. Notre propos nest pas ici de clore une analyse thorique. Il consiste bien marquer limportance que revtent ces questions dans lapproche pratique et oprationnelle des enjeux lis aux migrants gs.

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PARTIE 1

Les migrants

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Les migrants vieillissants de la priode des Trente Glorieuses installs sur le territoire de MidiPyrnes regroupent une population trs htrogne de femmes et d'hommes, ruraux ou urbains toutes origines confondues : africains de Guine, du Sngal, de Centre Afrique, espagnols, portugais, maghrbins du Maroc, de l'Algrie, de la Tunisie, marqus par leurs conditions de migration et fortement enracins localement. Les liens qui les unissent leur pays d'origine restent prgnants et ponctus d'allers et retours plus ou moins frquents, en particulier au moment de la retraite qui font de leur vieillesse : une vieillesse mobile. La plupart continuent pratiquer la double rsidence avec bonheur afin d'entretenir le plus longtemps possible une pratique de secondarit 15. Certains bien que rares, parmi ceux qui ont encore de la famille ou une maison au pays, attendent alors la retraite pour un retour dfinitif afin de recomposer avec l'unit familiale une vie continue, afin de se r enraciner. Des parcours professionnels fait de ruptures, un dclassement social, un divorce ou encore la construction d'un nouveau projet de vie sont autant des raisons qui ont pouss les personnes rencontres dclarer vouloir repartir au pays originel. L'aprs retraite est vcue pour certains comme une seconde vie, o chacun, chacune donne de ce temps en dehors du monde du travail pour un investissement personnel divers (bnvolat, engagement associatif, membre d'un collectif, participant la vie de quartier, entraide d'appartenance...). Certains ont connu des parcours plutt chaotiques dans le travail caractriss par des conditions pnibles, des accidents qui ont conduit trs vite certains d'entre eux du statut de chmeur celui de retrait. La plupart des migrants rencontrs disposent de petites retraites, de faibles ressources triques entre une vie ici pour subvenir aux besoins primaires et l-bas pour assurer le quotidien et l'urgence familiale qui s'tend parfois jusqu' la famille largie. D'autres ont connu de longues priodes de travail non dclar, les documents ncessaires ont t difficilement conservs, ce qui a complexifi les reconstitutions de carrire et affaibli les montants des retraites perues. D'autres encore vivent seules mais ne sont pas pour autant des isols (femmes veuves, hommes avec un statut de pseudo clibataire...), et disposent de relations sociales relativement riches et de rseaux informels de solidarit, dont il a t difficile dans le temps qui a t celui de notre enqute de mesurer la teneur. La sant de ces vieux migrants est parfois altre, affecte par une maladie chronique (diabte, hypertension, insuffisance respiratoire...) ou un symptme aigu (blessure, accident du travail...) qui entranent des difficults dans la quotidiennet. Certaines des situations que nous avons rencontres font problmes : elles concernent notamment les habitants des foyers d'anciens travailleurs immigrs qui demeurent dans une formule de logement trs prcaire inadapt au vieillissement o les rsidents avancs dans l'ge continuent d'habiter soit par intermittence ou de faon continue depuis cinq, dix, vingt ans... jusqu' la mort mme ; les femmes veuves16 ou divorces qui survivent avec de faibles revenus (pension de retraite15

Au sens de : Membrado, M. (1998), Processus de vieillissement et secondarit , in Yerpez, J. (ed.), La ville des vieux. Recherche sur une cit humaniser, Editions de l'Aube Collection Territoire. 16 Dominique J'tais accompagne avec le RMI, maintenant coup le RMI alors le complment, mais le RMI et la CRAM 360 euros, maintenant 500 euros, c'est un peu... mais maintenant mont le loyer, mont la charge, la charge, beaucoup la charge... il a cass quelque chose la maison, moi arrang toute seule ! Moi

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drisoire du conjoint dfunt pour seul revenu, RMI, minimum vieillesse...) et deviennent tributaires de l'assistance ; les hommes seuls qui ne vivent pas en foyer et dont certains occupent un habitat insalubre, un logement indigne et font l'objet d'une action de relogement (les relogs de Montauban ) soumis de fait un double dracinement ; les anciens combattants dont le film Indignes a rcemment branl les consciences, mais pour qui un combat vers la rhabilitation de leur pension de retraite ne semble pas encore gagn. Nous ne manquerons pas d'voquer tous ceux et celles qui ont t sujets le long de leur vie de discriminations comme un rappel de leur prsence illgitime sur ce territoire. Ces paroles de migrants nous a donn lire l'histoire de leur exprience dans la dure de l'immigration et de leur insertion intgration, du temps pass jusqu'au temps prsent... et dans une moindre mesure le temps futur.

je demande au logement je comprends pas arranger moi ! Venez arranger et moi payer mais maintenant les toilettes sont casses, c'est moi qui dois arranger !

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I. MIGRER

Ce projet a repos sur la dmarche d'aller au devant de migrants vieillissants dans leur diversit d'origine et de contexte d'immigration et non de cibler telle ou telle catgorie de migrant dfinie par un ou plusieurs pays d'origine. C'est de cette diversit qu'il convient d'abord de rendre compte.

1 - Contexte de limmigration, projet et devenir Un projet de vie, quelle place dans limmigration ?Nos tout premiers constats nous rappellent une vidence trop souvent perdue de vue, la dmarche dimmigration conomique sinscrit le plus souvent comme un projet de vie ordinaire, commun depuis toujours dans lhistoire des socits, et de la France en particulier. Une trajectoire dmigration/immigration se construit au regard dun modle dascension sociale, dont les personnes sont convaincues de ne pas pouvoir tre porteuse(s) dun modle dascension sociale, et avec la conviction que ce modle (emprunt ce que lon sait de la socit de destination) ne peut pas se raliser dans la socit dorigine. La ou les personnes engagent alors leur capacit dautonomie au sens de l'indpendance, faisant valoir leur capacit faire face, le succs de la dmarche tient pour beaucoup se rendre concrtement matre du modle recherch. La migration nest pas seulement un passage dun pays lautre : le projet qui lorigine anticipe une acculturation (au moins partielle) la socit de destination, une rvision identitaire de soi, entre culture et milieu social du lieu dorigine et du lieu dimmigration. Limmigration reprsente une transition plus ou moins marque comme fin dun moment du cycle de vie (la fin de lenfance par exemple), qui ne suffit dfinir de faon essentielle la personne dans la mesure o sagissant des migrants gs, dautres transitions toutes aussi significatives ont jalonn leur trajectoire de vie (souvent la naissance des enfants, la retraite, parfois lapparition dun handicap).

2 - Diffrentes conditions et modles de migrationLa diversit du fait migratoire incombe aux diffrents modles et diffrents statuts de la migration. Ils sont notamment lis au contexte historique du rapport entre pays dorigine et pays daccueil (on nmigre pas nimporte o !), au contexte de la situation sociopolitique du pays dorigine (qui laisse ou non la porte ouverte sur un ventuel retour ou sur des allers-retours). La nature du projet de migration y participe aussi fortement : migration conomique, politique, dtudes ainsi que les conditions de linstallation, individuelles, familiales, communautaires. Un rseau de connaissances et/ou un rseau parental, plus ou moins denses, constitu de plus ou moins longue date avant larrive du migrant, est intervenu de fait dans la plupart des cas, la fois la gestation du modle

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et laccueil sur le site. Des prcurseurs ont pu jouer un rle analogue, ainsi parmi les personnes d'origine vietnamienne de notre chantillon venues faire des tudes la suite de leurs parents. Notre corpus recouvre ainsi une diversit de cas de figure dont toute intervention doit faire la part.

Emigrations conjugales ou familiales Lpouse rejoint de plein gr son mari arriv plus tt : Cest lexemple dAlice qui rejoint 20

ans son mari, maon couvreur arriv un an auparavant, lui-mme ayant rejoint sa sur, puis son frre. Mre de deux enfants, le projet migratoire se concrtise pour elle dans le travail (mnage). Le couple est devenu propritaire dun appartement, et leurs deux enfants le sont de leur maison. Le couple dit son fort sentiment de russite, et de bien tre : la France cest un plaisir . Marie et immigre sans lavoir souhait : Anna est venue suite un mariage arrang rejoindre

un mari migr conomique arriv quatorze ans avant elle jtais oblige de le suivre , Elle dit avoir fait en France lexprience de la solitude en tant que mre au foyer. Elle est veuve aujourdhui, avec de faibles ressources et se dit partage entre lAlgrie et la France : ici je me sens pas chez moi et l-bas pas tellement . Lexemple reflte les trajectoires contraintes quont connues diffrentes femmes, ainsi que le sentiment souvent ngatif quelles ont de leur existence daujourdhui. Amandine a un parcours trs comparable, venue auprs de son mari pour faire lpouse , elle dit avoir t longtemps tenue enferme et non dclare pour ses activits dans la petite entreprise familiale. Elle a divorc rcemment et vit avec le RMI en situation prcaire de logement. On se reportera aussi lexemple de Dominique : son poux dont elle dit quil se comportait de faon particulirement autoritaire , est dcd depuis peu. On mentionnera aussi la situation de certaines femmes rcemment rapproches : lpouse de Damien, par exemple, ou Thrse arrive en 2000 pour la demande du mari malade. Veuve depuis deux ans, elle ne parle que trs peu de franais, et apparat aujourdhui dpendante de son fils, et toujours trs peu insre socialement.

Emigrations politiques Rfugis politiques vietnamiens : leur situation tient beaucoup la situation hrite de la

dcolonisation dans diffrents pays dAsie et dAfrique : Thierry, comme dautres rfugis politiques du Vietnam qui ont conserv la nationalit dorigine, a vcu et vit en France dans la pauvret. Il a immigr la fin de la guerre, mais non sans projet : la vraie raison du dpart avec les enfants, (cest) pour quils puissent tudier . Mais il est trs peu insr Toulouse, ne rve que de repartir ( je vis toujours avec mes souvenirs et, je pense que je vais retourner dans deux ou trois ans au Vietnam ), mais son pouse est quant elle dfinitivement ancre ici . Cet attachement aux valeurs de la russite scolaire des enfants ne va pas sans rappeler une autre situation type : celle des jeunes vietnamiens venus sjourner en France pour y mener leurs tudes, et qui sont rests ici .

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Etudiants vietnamiens rests en France : ils suivaient une formation en France, ils sont arrivs

entre les annes 50 et 75, et ont t pris au pige dabord du contexte de guerre, puis de la mutation politique de leur pays dorigine. Ils sont rests dans la rgion, o ils se sont plus ou moins tardivement installs en famille. La plupart ont longtemps retard leur demande de naturalisation, et leur insertion professionnelle a souvent t partielle et difficile. Ils privilgient depuis toujours les relations dentre soi. Daniel est de ceux l, qui la fin de ses tudes se place dans lattente dun retour au pays toujours diffr. Il na gure de relations de sociabilit hors de la communaut dorigine, qui lui procure travail et rseau. Didier a connu un parcours professionnel plus riche, mais il est aussi dans ce temps suspendu, devant le constat que toute sa vie est dsormais ici , alors quil continue se reprsenter comme l-bas . La trajectoire de Colette et de son mari, militants vietnamiens qui ont conserv leur nationalit dorigine, est galement reprsentative, mais sur un versant de plus grand ancrage ici , o ils sont dsormais propritaires de leur logement, o les enfants ont t levs dans les valeurs de la famille, de la russite scolaire, du travail. Ces derniers qui ont t placs au centre du projet de vie familiale, et lancrage des parents sest fait travers les enfants et petits enfants. La plupart vivent en France depuis tellement longtemps quils ne sont plus en mesure de se reconnatre dans les changements qu connu depuis le pays dorigine. Lettrs des colonies dAfrique : le pre dOlivier tait enseignant en Guine-Conackry.

Lorsque le pays a bascul dans lautonomie, les enfants se sont disperss dans diffrents pays. Olivier a dabord vcu au Sngal, avant de venir sinstaller Toulouse avec sa famille. Il a trouv sinstaller dans une vie entre militance et travail, au service du dveloppement conomique de lAfrique et de son pays dorigine en premier lieu. Ses frres sont partis sinstaller en Amrique du Nord, et sa vie est toute de mobilit. Il se reprsente comme rsolument ici , mais aussi comme citoyen du monde.

Entre migration politique et migration conomique Boat peoples vietnamiens des annes 75-80. On vient de voir que lexil contraint ne suffit pas clairer les raisons qui ont pouss les personnes et familles immigrer ici , quil y a un projet bien prsent derrire lmigration subie. Cest le cas de bien des migrants parmi ceux qui ont du partir sans espoir de retour au pays avant longtemps, celui des boat peoples notamment. Le parcours de Thierry est exemplaire : dpart du Vietnam dans des conditions dramatiques, il choue une premire fois passer avec sa famille, est emprisonn, avant darriver Toulouse accueilli par une sur depuis longtemps installe sur place. Dans son cas, lmigration sest impose autant au plan politique quen termes de survie conomique, avec un projet familial trs prsent autour dun restaurant Toulouse, de la russite des enfants Mais Thierry nen conserve pas moins un fort sentiment de perte : a a t dur de quitter (...) cest les sentiments (...) tout ce que je connaissais au Vietnam ctait fini quand je suis arriv ici .

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Emigrations conomiquesOn ne sattardera pas sur ce qui constitue le cas de figure le plus frquent, tel que nous lavons voqu en introduction. Un projet initial de russite sociale par le travail sest le plus souvent concrtis sous diffrentes formes (russite individuelle, familiale). Les formulations sont du type : nous ne sommes pas venus comme certains comme rfugis politiques (...) nous sommes venus comme rfugis conomiques et de l on sattendait pas quon va rester jusqu maintenant, a fait 43 ans ou 44 ans (...) je suis venu en France pour travailler et gagner ma vie et aider ma famille (Antonin). Les migrants gs portent aujourdhui pour la plupart un regard trs positif sur leur parcours de vie. Certains se dfinissent aujourdhui comme ayant coup les ponts avec les origines, et comme dfinitivement d ici (par exemple, Olivia, Boris, Marcel, Sarah, Magali). Dautres ont cultiv un double ancrage entre lieu dorigine et lieu de vie. Ils sont les plus nombreux, mais sous diffrentes formes que nous dvelopperons au cas par cas : Des formes dancrage ici qui se dfinit aujourdhui comme essentiel. Mais les personnes continuent pratiquer rgulirement les lieux dorigine, la famille, le villageCertains ont constitu un double patrimoine et la retraite est synonyme de frquents sjours au pays . (Pierre et Denise, Katia) Des formes dans lesquelles le projet de migration a dbouch sur une double rsidence , entretenue par des sjours longs au pays . Cest le cas de bien des travailleurs saisonniers, quils aient travaill dans lagriculture (Albert par exemple, et de nombreux anciens saisonniers) ou dans dautres secteurs dactivit (Alain, Olivier, etc). Ils reprsentent le fort contingent de ceux qui dfinissent aujourdhui leur identit comme la fois d ici et de l-bas . La plupart ont aussi une vision positive de leur trajectoire, mais diverses situations apparaissent aujourdhui problmatiques pour des raisons que nous dvelopperons plus loin. Frdric et Grard, frres de nationalit sngalaise, reprsentent une exception sur laquelle nous reviendrons aussi, pour tre pratiquement les seuls se dfinir encore comme clairement de lbas , malgr lattachement quils expriment pour leur vie de commerant Toulouse.

Anciens combattantsIls se sont engags souvent trs jeunes et pour des raisons conomiques et ont eu souvent une seconde carrire. Mais ils se dfinissent eux-mmes encore comme anciens combattants , et en qute dun statut et dune reconnaissance qui fait question. Lexemple de Thibaud est particulirement significatif : il sest engag 16 ans, puis est entr dans ladministration marocaine la fin de la guerre. Il rside exclusivement au Maroc jusqu la retraite et cest alors seulement quil rejoint la France : jai t la retraite et je suis venu ici en France Pour faire valoir ses droits Marcel, ancien militaire franais install en France, est retourn en Algrie pendant prs de 30 ans, pour revenir lui-aussi tardivement vivre en France avec sa famille. Dautres, comme Antonin, ont suivi des parcours plus classiques ports par un projet dimmigration et dinsertion en France (Marcel, Antonin). Ils se montrent gnralement revendicatifs.

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Des trajectoires plus atypiquesPour finir ce tour dhorizon, certains parcours relvent moins dun projet dtermin que du hasard des rencontres : ainsi celui de Mathilde, venue en 1974 en vacances Toulouse o elle a rencontr sur futur mari Celui de Yolande, venue rcemment en France avec le soutien dune communaut religieuse, alors quelle est atteinte du SIDA. Ces exemples rappellent toutefois le propos gnral : limmigration est affaire de personnes mobiles et en mesure de sautonomiser dans un contexte trs diffrent de leurs origines.

3- Rester ici ou retourner au pays ?Hors de quelques situations contraintes par le contexte politique, la possibilit reste toujours ouverte dun retour dfinitif sur les lieux dorigine. Ceux qui apparaissent effectivement empchs sont peu nombreux (Olivier, Thierry), et ils ont construit un projet ferme d immersion 17 pluri gnrationnelle par la russite sociale des enfants, qui donne sens leur migration contrainte.

Dans la longue dure familialeLa situation de certains des ex tudiants vietnamiens se rapproche beaucoup de celle des exils contraints, mme si les obstacles un retour au pays ne sont plus de mme nature : ils sont arrivs trs jeunes, ont tous ou presque suivi des tudes suprieures avant de vivre trs longtemps (les plus anciens depuis plus de 50 ans) dans une certaine disqualification sociale et dans des relations privilgies entre une famille fonde en France et/ou le groupe affinitaire de la communaut . Quelle que soit la part relative du subi et du choisi, les personnes et familles se sont fixes dans la dure et dans la ligne, et dsormais sans vritables perspectives de retour, dautant que la distance gographique ne facilite pas la mobilit entre ici et l-bas . Il en va de mme de la plupart des situations daujourdhui hritires de la longue dure et en particulier de celles des immigrs conomiques originaires du bassin mditerranen. Dans le cas des espagnols, portugais ou personnes originaires dun des pays du Maghreb, la faible distance relative entre lieu dorigine et lieu dinstallation en Midi-Pyrnes a plutt jou dans le sens du maintien de liens troits avec le pays . Mais la plupart ont construit ici une vie familiale et un ancrage dans les relations de proximit (relations de voisinage, attachement au quartier de rsidence, ). La plupart des migrants gs ont des enfants adultes qui ont eux-mmes fond leur famille ici , et souvent des petits enfants. Quelles que soient les relations maintenues avec le lieu dorigine, la frquence des allers-retours, le patrimoine quon y dtient il est devenu vident quil nest plus question de revenir au pays , sinon pour de courts sjours et dans un rapport qui situe de plus en plus le pays sur un plan secondaire.17

Le mot est dOlivier

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Les doubles rsidents dont la famille est reste au pays Certaines situations apparaissent plus incertaines, ou du moins sont reprsentes comme telles. Cest le cas des anciens travailleurs pauvres qui ont pratiqu assidument le double ancrage, dune part dans une famille et ou une communaut reste au pays, dautre part sur le lieu du travail et des relations entre pairs. Le sens commun les destinait revenir vivre au pays dorigine ds la cessation dactivit de travail, et les arguments qui plaidaient en ce sens pouvaient apparatre nombreux : faibles ressources de retraite, logement de travail inadapt au vieillissement et souvent difficile conserver, faible insertion sociale et absence de soutien familial). Peut-tre certains ont-ils fait ce choix dfinitif et ainsi disparu de la scne midi-pyrnenne mais ltude confirme que ces retraits apparemment isols sont nombreux souhaiter prolonger leur vie ici et que les perspectives quils se donnent dun retour dfinitif au pays semblent plutt samenuiser avec lavance en ge. Leur situation se caractrise le plus souvent dans lentre deux, le double attachement, le non choix, lindcision Certains entretiennent loption du retour dfinitif comme une possibilit ouverte, mais la plupart se situent clairement dans la perspective de continuer cultiver le double ancrage. La longue dure semble l-aussi avoir fait son uvre, mais dans le sens dun attachement un style de vie diffrent , fait des contraintes entre le contexte d ici et celui de l-bas : autonomie individuelle dune part, de lautre un cadre de vie familial et communautaire ou le statut du migrant apparat souvent de plus en plus en dcalage, dans lequel celui-ci ne se reprsente plus gure comme habitant permanent. Ce mode de vie des doubles rsidents privilgie de fait les relations entre pairs dge et de parcours social, laccroche aux conditions de vie ici , aussi prcaires peuvent-elles apparatre dans certains cas. Le projet de vie la vieillesse si situe ainsi dans la continuit du projet migratoire. Pour conclure, notre chantillon denqute ne comporte quun trs faible nombre de personnes qui disent souhaiter revenir un jour vivre titre principal sur leur lieu dorigine, et un nombre encore plus rduit (deux ou trois cas particuliers) qui semblent effectivement dtermines le faire. Frdric et Grard sont de ces exceptions : commerants internationaux, ils disent bien que leur devenir est dans un retour dfinitif dans leur village du Sngal. ils disaient pas je men vais en France pour rester. On fait pas a. Ils ont tout au pays, ils pensent retourner, cest la faon des vieux, ils vivent avec a. Le but cest pas je vais en France pour rester . Mais ils ont dj plus de 70 ans, et disent aussi combien le dpart dfinitif sera difficile et demande tre prpar : quon ne peut pas rester dans un pays trente ans, ce nest pas possible dun coup de partir, (il faut) le faire petit petit, rester 3 mois ou 2 et repartir au Sngal, a se prpare .

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II- LE TEMPS PASSEPenser lexpression vieux migrants dbouche sur un paradoxe majeur, cette double catgorisation hrite du regard social port sur les personnes posent ds lors deux questions, d'une part comment et pourquoi continuer dfinir les personnes d'origine immigre comme migrants alors que le fait migratoire appartient un temps dpass, et d'autre part pourquoi appeler vieux des personnes qui ne se peroivent pas elles mmes comme vieilles.

1- Le temps de la mutation De la migration... l'enracinementNous avons recueilli des histoires de vie qui ne font quune faible part la migration et la dfinition de soi comme migrant . Il est bien question parfois du temps de larrive en France et de linstallation, mais ce que disent les migrants gs de leur parcours insiste beaucoup plus sur la temporalit longue : la guerre, le travail, le logement, les relations de proximit, la vie familiale, le temps de la retraite Lorsqu'elle est pose, la question de la fin de vie peut imposer de nouveau la tyrannique question des origines : o vais-je tre enterr ? Rares sont ceux qui disent le souhait de reposer dans leur pays d'origine, et bien plus nombreux sont ceux qui explicitent le choix dtre enterrs sur le lieu de vie actuel, l o les enfants sont ns, o la famille sest fixe et a grandi. La plupart disent aussi combien il est serait aujourdhui difficile pour eux de se radapter un environnement social, culturel et politique devenu tranger avec le temps. Norbert : il y a un dsquilibre, les gens de l-bas cestici jai lhabitude ( ) Et l-bas, jai pas lhabitude, le caractre des gens l-bas, cest pas le mme, ( ) Oui, ici je connais tout le monde, on parle de bien ou de mal, on sen fout, on a lhabitude ; l-bas je peux pas parce que je connais pas beaucoup, toute la jeunesse quil y a maintenant, cest pas la mme, cest pas commela gnration de maintenant cest diffrent . Denise : il y en a beaucoup qui sen vont, ils partent, ils reviennent trois mois, mais ils viennent se faire soigner ici parce que, quand on est habitu, cest difficile aprs... Le systme, l-bas, est diffrent. Il est diffrent, cest trs difficile ; il y a un problme aussi avec les migrants de notre gnration qui sont arrivs dans les annes 70, la plupart ont des problmes de sant, de dos() on restera quand mme (ici). Les liens avec le pays d'origine restent marqus par la pratique des allers-retours de plus en plus frquents au moment de la retraite. Les jeunes retraits migrants font preuve d'une mobilit que lon connat aux non migrants, parfois dans des conditions de transit peu scurises. Ils sont pour la plupart doubles rsidents et rares sont ceux qui ont coup tout lien avec le lieu dorigine. Antonin : la retraite, aprs peut-tre, on passera la moiti du temps comme on a ici nos enfants, nos petits-enfants jai tout a, mais on partira l-bas trois mois ou comme a . Les migrants se dfinissent dabord comme intgrs et enracins de longue date dans un village, un quartier, une

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ville, un voisinage... en recherche de liens sociaux. Antonin, retrait algrien de 70 ans, ancien combattant : je suis citoyen franais, je fais mon devoir civique comme un franais () je vote, j'ai les papiers franais, moi je veux voter ( ) on est comme des franais anciens . Norbert 73 ans : je suis citoyen toulousain j'ai grandi ici comme si j'tais n ici . Sinscrivant en tant quhabitants anciens ces migrants font socit, participent du local et du national de leur l'histoire et, s'inscrivent en tant que mmoires de la vie pass, du prsent et de l'avenir.

2- La question de lexilLes personnes interroges se rfrent peu la notion. Le silence se fait le plus souvent, lorsquon aborde la question de lexil, moment forte charge motionnelle. De mme, l'histoire migratoire a t peu ou pas transmise par les parents leurs enfants. C'est un peu la part obscure de l'histoire individuelle. Les premiers moments de rupture font lobjet d'un fort ressenti, dans la mesure o pse le soupon permanent de la trahison. De nombreux d'auteurs ont mis en mots le poids de l'exil18, du dracinement. Certains voquent aussi les missions de radio ou les films. Anna : Parce que avant jcoutais une mission, enfin des immigrs ici, ctait pason voyait la vie des immigrs ici, avant dans les annes 60, 70, a(...) ctait une missionde radio le soir (...) la vie des immigrs, comment ils vivent ici (...) que la vie est difficile, quils vivent mal, a ma marque quoi (...) en entendant, il y a des gens qui tlphonent, la famille qui pleure au tlphone (...) a ma marque et moi jtais pas pour vivre ici, que maintenant les gens ils veulent venir pour vivre ici . Bernard : en 86 seulement tu te rends compte, quel exil je suis partie en 52. . Dominique : L'exil, c'est dur, c'est dur mais sinon hamdoulah, mais l'exil tu sais ! De rester toute seule, c'est dur, maintenant je me suis habitue un peu, quand je reviens de l-bas et que je rentre ici toute seule, je commence pleurer toute seule ! Albert : C'est a la vie ! L'exil ! L'exil c'est dur ! Anna : jtais tristeparce que jai laisse la famille l-bas, dj laroport a ctait trs mal pass, la famille que jai laiss l-bas et tout, jtais triste() a fait 30 ans que je suis ici, mais .

3 - Mise distance de la familleL'incertitude domine tout au long de ces parcours de vie qui ont t finalement peu antici