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Lauranne Callet-Ravat Urbanistes du Monde Eté 2013 Tiphaine Vanlemmens La gare de Gebze au sein du réseau Marmaray : enjeux et impacts d’un méga-projet ferroviaire sur un territoire péri-urbain en transition Avertissement Ce rapport s’inscrit dans le cadre d’un projet intitulé "Gares, lieux de connexions et de vie urbaine dans les pays du Sud" qui a été lancé par Futuribles International et Urbanistes du Monde. Dans un contexte de population et de mobilité croissantes dans les villes du Sud, les enjeux liés au développement des gares sont multiples : politiques, urbains, économiques, sociaux, symboliques, sanitaires, ou encore sécuritaires. Là se joue sans doute aujourd’hui une part de l’avenir de ces villes. C’est pour mieux comprendre ces enjeux, et les réponses qui y sont apportées, c’est également pour découvrir de nouvelles pratiques éventuellement transposables dans les pays du Nord que ce projet d’étude et d’analyse portant sur 13 gares a été lancé. Suivre le projet : https://stationtostation2013.wordpress.com/ 1

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Lauranne Callet-Ravat Urbanistes du Monde Eté 2013Tiphaine Vanlemmens

La gare de Gebze au sein du réseau Marmaray   : enjeux et impacts d’un méga-projet ferroviaire sur un

territoire péri-urbain en transition

Avertissement

Ce rapport s’inscrit dans le cadre d’un projet intitulé "Gares, lieux de connexions et de vie urbaine dans les pays du Sud" qui a été lancé par Futuribles International et Urbanistes du Monde.Dans un contexte de population et de mobilité croissantes dans les villes du Sud, les enjeux liés au développement des gares sont multiples : politiques, urbains, économiques, sociaux, symboliques, sanitaires, ou encore sécuritaires. Là se joue sans doute aujourd’hui une part de l’avenir de ces villes. C’est pour mieux comprendre ces enjeux, et les réponses qui y sont apportées, c’est également pour découvrir de nouvelles pratiques éventuellement transposables dans les pays du Nord que ce projet d’étude et d’analyse portant sur 13 gares a été lancé.Suivre le projet : https://stationtostation2013.wordpress.com/

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Remerciements   :

Ce rapport n’aurait pas pu être rédigé sans l’aide et les conseils de Yoann Morvan, Jérémie Molho, et Murat Ülker. Il doit son inspiration à Jean-François Pérouse, directeur de l’Institut Français des Etudes Anatoliennes, dans lequel nous avons été accueillies pendant ce séjour d’été à Istanbul.Nos remerciements vont également à Murat Güvenç et Orhan Demir, deux spécialistes des transports stambouliotes qui nous ont apporté leur expertise précieuse.

Dans le cadre du programme de recherche lancé à l’été 2013 par l’association Urbanistes du Monde, des étudiants ont été envoyés dans quelques grandes métropoles du Sud telles que Bangkok, Sao Paulo, Mexico ou New Dehli pour enquêter sur leurs gares, en tant que « lieux de connexion et de vie urbaine ». Nous sommes deux étudiantes à avoir choisi pour destination Istanbul, où est en train d’être rénové un train de banlieue qui circulera dans une mégapole de 15 millions d’habitants. Ce projet qui porte le nom de Marmaray est censé fortement soulager Istanbul de ses problèmes de circulation. Il est célèbre pour son tunnel ferroviaire sous le Bosphore qui reliera les rives asiatique et européenne d’Istanbul. Cependant, ce n’est pas cette prouesse technique qui a attiré notre attention, ni les gares centrales par lesquelles passera le train sur la péninsule historique, mais une autre station parmi les 37 arrêts que comportera la ligne, celle de Gebze. Située en périphérie d’Istanbul, cette gare est le terminus est du Marmaray. C’est ici également que devraient transiter les trains à grande vitesse en provenance d’Ankara. En tant qu’extrémité de la ligne et point de départ vers d’autres destinations, cette station en apparence quelconque nous a semblé digne d’intérêt, d'autant plus qu’existent à proximité des infrastructures routières comme la Trans-European Motorway (TEM) et la D 100 qui structurent l’aire métropolitaine.

Si la gare de Gebze a été le point de départ de notre réflexion, c'est son appartenance au réseau ferré métropolitain du Marmaray qui nous a semblé par la suite primordial. Nous nous sommes rapidement intéressées au contexte urbain qui entourait la gare, à savoir une ville appartenant à une zone plus vaste située à la limite administrative d'Istanbul. Avec les municipalités de Darica, Dilovasi et Cayirova, Gebze se trouve dans la continuité fonctionnelle des arrondissements industriels les plus à l’Est de la métropole stambouliote. Une zone forestière sépare ces localités du reste de la province de Kocaeli auxquelles elles appartiennent administrativement. Une synergie particulière existe entre ces municipalités qui étaient jusqu’à récemment réunies en tant que province de Gebze, ce qui justifie leur regroupement dans notre analyse sous l'appellation générale de Gebze. Ces quatre villes partagent un

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même environnement urbain caractérisé par sa discontinuité, entre des noyaux résidentiels plus ou moins denses et des zones industrielles étendues. Entre séparation formelle et continuité fonctionnelle, ce territoire est une périphérie qui, selon les acteurs et les discours, est tour à tour considérée comme une zone en marge d’Istanbul, ou comme une banlieue intégrée de la mégalopole, au poids économique important du fait des activités à forte valeur ajoutée qui s’y déploient. Quelque soit son statut actuel, ce territoire pourrait fortement évoluer avec l’arrivée annoncée à l'horizon 2015 du train Marmaray.

Cette étude se penche sur les impacts du Marmaray dans la zone de Gebze, impacts qui dépendront des changements plus larges que le nouveau train engendrera à l'échelle d'Istanbul. Elle abordera en conséquent les évolutions à prévoir pour Gebze, edge city industrielle d’Istanbul et potentiel futur point nodal dans le système de transports métropolitain.

Dans un panorama non exhaustif, nous décrirons les dynamiques économiques et démographiques, les évolutions sociales et urbaines à l’œuvre dans cette zone périphérique mais représentative par bien des aspects du phénomène de métropolisation que connaît Istanbul. Nous nous intéresserons par la suite à l'organisation des transports à l'échelle de Gebze et d'Istanbul, en présentant l'offre disponible qui sera complétée prochainement par le Marmaray. L'arrivé de cette nouvelle infrastructure pourrait accélérer ou changer l'orientation des dynamiques actuellement en place, qui s'inscrivent dans le contexte plus large des transformations de l'aire métropolitaine d'Istanbul.

Situation géographique de Gebze, à l'extrémité Est de la métropole stambouliote

Méthodologie :

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Ce rapport, à l’aspect fortement prospectif, n'est pas une étude sociologique. Le tunnel du Marmaray n'ouvrira qu'en octobre prochain, quand les lignes de trains et les stations associées, actuellement en travaux, ne devraient être opérationnelles qu'en 2015. De ce fait, conduire des entretiens avec les usagers de la gare de Gebze ou du Marmaray n’était pas possible. Nous avons basé notre travail sur une analyse des politiques publiques de planification urbaine et de gestion des transport, en effectuant notamment des entretiens avec des professionnels ou des experts de ces secteurs. Nous avons également rencontré des représentants des entreprises contractantes du Marmaray. Pour notre recherche bibliographique, outre les articles universitaires et documents officiels, nous avons eu recourt à des cartes pour avoir une meilleure représentation spatiale de l'organisation de notre territoire d'étude. Afin de mettre en valeur la dimension prospective de ce rapport, nous avons essayé d'anticiper les conséquences du Marmaray, et avons déduit de nos résultats de recherche plusieurs scénarios qui décrivent les évolutions futures de la zone de Gebze, reliés à celles d'Istanbul. Ces résultats sont susceptibles, dans une certaine mesure, d'être élargis au contexte turc et international. Ils mettent en évidence certains traits révélateurs des politiques publiques en Turquie, tout comme des structures économiques et modèles géographiques influencés par les dynamiques globales, que l'on peut retrouver en conséquence dans d'autres environnements nationaux.

***

Gebze/Cayirova/Darica/Dilovasi : d’une zone industrielle historiqueà un futur cluster pour hautes technologies ?

Avant de s’attarder sur le Marmaray et ses enjeux pour un espace à l’interface entre les provinces d’Istanbul et de Kocaeli, il est nécessaire de présenter le contexte urbain dans lequel s’insère l’infrastructure ferroviaire. Pour cela, il faut revenir rapidement sur les dynamiques économiques de ce territoire et leurs traductions spatiales et démographiques.

Historiquement, l’aire de Gebze/Cayirova/Darica/Dilovasi est devenu un territoire industriel au début des années 1960, au moment où l’Etat turc lançait une politique nationale d’industrialisation. Le développement du secteur industriel était perçu à l’époque comme la clé de la croissance économique, permettant de sortir d’une économie rurale peu productive. Istanbul, alors pôle culturel et économique en déclin, est devenu le centre industriel de la Turquie. Du fait de l’exode rural et de l’attractivité économique de la ville, les travailleurs migrants se sont installés en nombre sur les rives du Bosphore, embauchés dans les industries localisées au départ dans des zones centrales, comme Haliç ou Eminönü. Petit à petit, le processus d’industrialisation, relativement non planifié, a commencé à se déplacer vers la périphérie de la ville, suivant une ligne est-ouest. Les anciens noyaux industriels devenus centraux ont été délaissés par les firmes, qui ont préféré s’installer sur des parcelles moins chères et plus grandes dans des zones périphériques moins urbanisées. En parallèle de ce processus, des lois poussant les usines hors des centres urbains pour des raisons de santé publique ont été promulguées. A l’Est, les arrondissements de Pendik, Kartal, Maltepe et Tuzla, ou les villes limitrophes d’Istanbul appartenant à la province de Kocaeli comme Gebze ou Dilovasi ont profité de cette “suburbanisation” de l’industrie pour attirer les usines. Les habitations ont suivi ce mouvement de décentralisation, souvent dans un premier temps sous une forme informelle. Cette dynamique est toujours à l’œuvre aujourd’hui, aboutissant à une aire urbaine stambouliote qui englobe du point de vue fonctionnel toute la région de Marmara1. (Dinçer, 2007)

1 ⅔ du marché turc selon le site Internet du GOSB, la Zone Industrielle Organisée de Gebze.

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Colline densément urbanisée dans l'arrondissement de Kartal

Constructions récentes le long de l'axe routier de la D100

Le statut administratif particulier de ce territoire explique également le choix de localisation des grandes firmes industrielles. Cette zone périphérique est en effet organiquement connectée à Istanbul, mais n’entre pas dans son cadre administratif, et n’avait pas à l’époque un encadrement municipal très développé, voire inexistant, contrairement à la situation d’aujourd’hui2. Ce vide juridique et administratif a été utilisé par les autorités locales pour attirer les industries, qui se sont regroupées dans cet espace de manière désordonnée, cette absence de planification n’étant pas pour autant un synonyme d’un manque d’Etat3. Outre l’absence de régulations, la région de Gebze était caractérisée également par un manque criant d’infrastructures et de réseaux publics. Au début de la phase d’industrialisation, ce sont les groupes industriels implantés dans la région qui ont pris en charge la

2 La mairie de Dilovasi n’a été crée qu’en 1987 seulement, par exemple.3 Au contraire, celui-ci a joué également sur cette absence d'encadrement, incitant les industries, de manière plus ou moins formelle, à se localiser dans ces zones de “non-droit”.

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construction d’infrastructures, dont ils avaient par ailleurs eux-mêmes besoin. Palliant les défaillances de l’Etat, ils ont contribué aussi à travers des activités philanthropiques4 au développement de la zone, en échange d’une absence de contrôle sur leurs activités, en pratique l’équivalent d’un permis de polluer. (Dincer, 2007)

A partir des années 1980, la fin de la période de croissance fordiste des années 1950-70, le choc pétrolier et à l’intégration de la Turquie dans le marché international ont entraîné des changements économiques qui se sont faits ressentir localement. Les activités économiques de la zone se sont davantage orientées vers l’exportation. C’est aussi le moment où sont apparues les premières zones industrielles organisées (ZIO), telles que le GOSB (Zone Organisée Industrielle de Gebze), fondé en 1985 pour “discipliner l’industrie”5. Première ZIO de Turquie, construite sur une aire de 5 370 000 km2, à 7 km du centre de Gebze, le GOSB a été crée bien avant que la loi n° 4562 sur les ZIO ne soit adoptée en 20016. Cette loi a pour but la création de parcs industriels ou technologiques, notamment par le biais d’exemptions fiscales et d’incitations financières pour les entreprises.

Comment se traduit spatialement le nouveau modèle économique dont la loi sur les ZIO est l’expression juridique ?

Les ZIO sont au nombre de treize dans la province de Kocaeli, qui accueille également quatre technoparks aux activités davantage tournées vers la R&D en collaboration avec des universités (Marka, août 213). Les ZIO se concentrent dans le périmètre de Gebze, qui abrite par exemple le GOSB, ou le TOSB, regroupement d'entreprises de l’industrie automobile. Ces zones sont des îlots industriels autonomes, avec leurs propres règles, encadrées par la loi de 20017. L’autorisation de créer une ZIO dépend du niveau national, et les mairies locales n’ont qu’un très faible droit de regard sur l’organisation de la ZIO et sur ses activités potentiellement polluantes. Leur indépendance administrative donne à ces zones un statut très particulier, presque déterritorialisé, et la loi n°5216 de 2004 sur les autorités métropolitaines a confirmé cette déconnexion entre ZIO et gouvernance locale. Cette loi renforce l’échelon métropolitain au détriment de l’échelon local, ce qui se traduit pour Gebze par une subordination à la mairie de Kocaeli pour la fourniture des infrastructures, des services de transports et autres services publics (Massicard, 2013). Dans un même temps, ni la mairie métropolitaine de Kocaeli ni les municipalités de district que sont Gebze, Cayirova, Dilovasi ou Darica ne bénéficient par cette nouvelle loi d’un pouvoir de contrôle sur les activités des ZIO. Celles-ci ont en conséquent d’autant plus d’autonomie par rapport aux autorités publiques, locales comme nationales, et ne sont de ce fait que peu coordonnées entre elles par une autorité gouvernementale extérieure.

4 Comme des constructions d’écoles.5 D'après le site internet du GOSB.6 Le GOSB a même joué un rôle important dans l’adoption de cette loi, poussant à sa ratification et apportant son expérience comme une source d’inspiration pour les rédacteurs de la loi.7 Les ZIO sont libres de mettre en œuvre leurs propres plans de développement. L’entretien des infrastructures comme la gestion des services collectifs est assurée par l’administration de la ZIO. Cette dernière met tout en œuvre pour attirer les entreprises les plus compétitives, qui candidatent spontanément en nombre. L'administration d'une ZIO peut prendre en charge les problèmes logistiques et fournir un ensemble d’aménités, comme l’organisation d’évènements culturels et sportifs, ou la création de crèches et de mosquées pour les employés. Grâce à ces externalités positives, les entreprises sont plus susceptibles de s’installer dans la zone, étant de plus ciblées par des incitations financières réglementées au niveau national, par exemple moins de taxes de propriété, de taxes pour la construction de nouveaux bâtiments, et réduction des factures d’eau et d’électricité.

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Vue sur la Zone Industrielle Organisée de Gebze

Le gouvernement central soutient ce modèle de développement qu’on peut qualifier de non territorial En effet, bien qu’étant une source d’emplois locaux8, les ZIO ne profitent finalement que partiellement au territoire local, auquel elles ne paient que peu de taxes. La valeur ajoutée produite dans les ZIO va soit aux sièges sociaux des entreprises, basés à Istanbul, soit aux entreprises étrangères, présentes en nombre9. Ainsi, Gebze peut dans une certaine mesure être considéré comme un centre de production à l’échelle mondiale, dont les ZIO sont connectées directement aux flux économiques internationaux, mais détachées de leur base locale.

Outre les industries, des centres de recherche

Par ailleurs, outre les ZIO sont présents sur le territoire de Gebze de nombreux instituts de recherche et développement, travaillant parfois en synergie avec les grands groupes industriels localisés à proximité. Le GOSB a même développé son technopark interne, fondé au début des années 2000, qui coopérera bientôt avec le nouveau technopark d’Istanbul implanté non loin de là, à proximité de l’aéroport Sabiah Gökçen, dans les limites du territoire métropolitain.

8 Les entreprises implantées dans le GOSB emploient environ 22 000 employés en 2011, contre 9100 en 2005. (Source : site Internet du GOSB).9 A l’échelle du GOSB, 19 % du capital est produit par des entreprises étrangères.

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Vue sur le Technopark d'Istanbul

Egalement implantés dans la région de Gebze figurent des instituts de recherche de haut rang comme le centre Marmara de recherche (MRC) du Tübitak10, tourné depuis le début des années 1990 vers la recherche industrielle appliquée. Sont également présentes des universités de pointe, telles que l’université Sabanci, appartenant administrativement au territoire d’Istanbul, ou le Yüksek Teknoloji Enstitüsü11, une institution fondée en 1992, particulièrement bien cotée dans le classement national des universités, en cinquième position.La présence de cet ensemble d’institutions scientifiques semblent refléter une nouvelle orientation de la région de Gebze vers la R& D et les technologies de l’information et de la communication, ce que semble confirmer le projet national d’Electronics Valley. Annoncé par le Premier Ministre en avril 2013 mais demeurant encore assez obscur, cette Silicon Valley turque devrait être localisée dans la province de Gebze, dans la localité de Muamlliköy, à proximité d’un des campus du Yüksek Teknoloji Enstitüsü (Hürriyet Daily News, 23 mai 2013). Ce projet national s’intègrerait dans une stratégie de reconversion de cette région autrefois industrielle. La proximité spatiale d’un nombre important d’instituts de recherche ou d’industries haut de gamme amène beaucoup de décideurs à conclure à l’émergence d’un cluster12. En réalité, si l’accumulation de centres technologiques, scientifiques et industriels peut donner sur le papier une impression de cluster, la proximité géographique n’est pas un facteur suffisant pour réaliser cette synergie. Le manque de collaboration entre ces différentes institutions, notamment du fait de leur autonomie par rapport à l’échelon municipal local et métropolitain, et l’absence de coordination par une autorité régionale ou nationale fait qu’il est difficile pour le moment d’observer des retombées économiques ou scientifiques fortes qui découleraient d’une vision commune du développement de ce territoire.

10 CNRS turc.11 Institut Technologique de Gebze.

12 L’agence de développement régionale Marka pour la région de Marmara Est voit ainsi en 2023 Gebze comme un centre financier connecté à Istanbul, où les industries lourdes auraient été remplacées par des activités de R&D et d’informatique.

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Carte de l'implantation des universités (en orange) et des ZIO (en rouge) dans le Grand Istanbul

Localement, des plans “visionnaires” qui peinent à se concrétiser

La tentative de changer la vocation économique de la région semble s’accompagner d’une volonté de modifier le peuplement de Gebze et de ses alentours. Historiquement, les « cols bleus » ont toujours habité dans la région depuis l’arrivée des industries lourdes, les travailleurs en provenance de la Mer Noire et du Sud-Est de la Turquie venant s’installer à proximité des usines. La ville de Gebze a connu un boom démographique suite à l’industrialisation de la région, passant d’une population de 33 674 habitants en 1965 à 46 981 habitants cinq ans plus tard, 421 982 habitants en 2000 (Dinçer, 2007). Si les travailleurs « cols bleus » habitent souvent à Gebze et dans ses environs, les « cols blancs » ne vivent pas forcément sur place. La population de la zone étudiée augmente considérablement dans la journée avec l’arrivée d’un flot de travailleurs qualifiés, le plus souvent en provenance d’Istanbul, employés dans les zones industrielles ou les départements logistiques des groupes bancaires implantés en grand nombre dans la région. Reflet de l’orientation prise par les autorités locales et nationales, des projets urbains ont vu le jour, visant à la fois un changement d’activités et de population. A Cayirova, un « vision plan » a été élaboré par un cabinet de conseil, afin de définir les grandes lignes directives que devraient suivre les politiques urbaines locales pour les cinquante prochaines années (Kentsel Strateji, 2010). Ce projet réorganise totalement la disposition de l’espace de manière à améliorer la qualité de vie des habitants et à conférer à Cayirova un «pouvoir régional». Dans ce « plan visionnaire », les industries sont repoussées dans une zone délimitée de la ville, tandis que l'implantation d'industries non polluantes, telles que les activités de logistiques bancaires, est favorisée, ainsi que l’installation de nouveaux résidents plus aisés.

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Couverture de la brochure présentant le plan stratégique de Cayirova

A l’heure actuelle, les anciens habitats informels côtoient de nouveaux îlots de logements neufs, posés en blocs uniformes sur les collines de la ville, sans être accompagnés des équipements urbains nécessaires à l’émergence d’une vie de quartier où pourraient s’installer les classes moyennes et supérieures courtisées par la municipalité. Trois ans après l’élaboration du « vision plan », le projet est toujours dans une phase initiale, et peu de changements semblent s’opérer. C’est la même situation qu’on observe à Gebze, la ville n’ayant pas de son côté élaboré de plan stratégique. Quelques projets de « site » pour classes moyennes ainsi que des aménagements de l’espace public13 ont été mis en place afin de mettre en avant le potentiel touristique de la ville et attirer des nouveaux habitants plus aisés. Cependant, il semble que la population reste très ouvrière, employée dans les zones industrielles organisées à proximité.Il ressort de ces observations que les autorités locales, au-delà de leurs velléités de changements, ne semblent pas avoir une très bonne maîtrise des dossiers concernant la planification territoriale, la régulation des transports et la maîtrise foncière des territoires à leur charge. Il est vrai que, plus que les municipalités de district, ce sont les municipalités métropolitaines qui détiennent depuis la loi de 2004 les compétences en matière d’urbanisme, de transports et de construction d’équipements. Les plans d’urbanisme des mairies d’arrondissement doivent être approuvés par l’autorité métropolitaine, et c’est à celle-ci que reviennent les prérogatives d’aménagement et de planification en cas de projet de transformation urbaine (Massicard, 2013). Pourtant, si en tant qu’autorité métropolitaine la mairie de Kocaeli est en mesure d’influencer plus fortement les politiques urbaines, elle ne semble pas particulièrement investie sur les récents projets urbains qui s’élaborent autour de Gebze, ce qui laisse deviner des possibles défaillances au niveau de l’action publique territoriale, alors que se chevauchent de multiples échelons de décision.

13 Nouveau centre culturel, rénovation de la place centrale, aménagement de la jetée, …

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Colline pas encore urbanisée et bloc d'immeubles récents à Gebze

Gebze et les villes à proximité partagent une histoire industrielle commune, et font face à des mêmes enjeux de reconversion, alors que leur territoire est de plus en plus prisé par le secteur privé (industries parfois étrangères, promoteurs immobiliers…) comme par le secteur public, qui cherche à faire de la zone un haut lieu de la recherche universitaire et industrielle en Turquie.

Cette marge urbaine travaillée par des dynamiques complexes est aussi un lieu stratégique pour les voies de communication du fait de sa localisation géographique. De nombreux axes de transports déjà existant se croisent dans cette interface entre Istanbul et Kocaeli, cœur industriel de la Turquie. Ils seront bientôt rejoints par de nouveaux projets d’infrastructures massifs, dont l’un des plus importants et le plus mis en valeur est le Marmaray, qui pourrait accélérer les évolutions actuelles du territoire.

***

Système de transports local, insertion spatiale et gouvernance du Marmaray

Avant de voir plus en détails comment devrait s’insérer le nouveau train de banlieue dans l’environnement spatial et socio-économique de la région de Gebze, il convient de présenter rapidement l’offre de transports disponible dans l’aire métropolitaine d’Istanbul et localement à Gebze, ainsi que la répartition modale actuellement existante.

La situation existante à Istanbul

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L’automobile est reine à Istanbul, où 1,8 millions de voitures circulent par jour, alors que le taux de motorisation des stambouliotes augmente à un rythme croissant14. Néanmoins si près de 90 % des déplacements se font par la route, de nombreux habitants demeurent dépendant des transports en commun, le taux de motorisation restant relativement faible. Les transports collectifs représentent 40,8 % des déplacements motorisés, avec une offre diversifiée de bus, minibus, dolmus, et servis. Par ailleurs, depuis 2007, un nouveau système de métrobus a vu le jour15. La route est donc le mode de transport dominant à Istanbul, que ce soit sous une forme collective ou individuelle. Du fait du modèle urbain extensif de la ville et de l’augmentation du nombre de véhicules en circulation, les problèmes de congestion et de pollution sont en hausse, notamment au niveau de la traversée du Bosphore. (Fabianski, 2006 ; Houpin, 2010).Solutions à ces problèmes de circulation qui menacent l’accessibilité urbaine, les transports collectifs ferroviaires et fluvio-maritimes représentent une part modale beaucoup moins importante de l’offre de transport existante, avec seulement 4,6 % pour le rail, 2 % pour les ferries publics et les bateaux privés traversant le Bosphore quotidiennement (ibid). Cependant, la mairie métropolitaine a depuis quelques années pris la voie d’une politique des transports clairement affirmée en faveur du rail. Tout un réseau ferré léger est à l’heure actuelle en cours de construction. Celui-ci mobilise une large part du budget municipal (60 %), et donne lieu à des nouvelles architectures contractuelles comme les BOT16, systèmes de concession très en vogue en Turquie. Selon les prévisions de Ulasim, l’entreprise semi-publique en charge de la gestion des transports ferrés urbains, la part modale du rail dans Istanbul devrait passer à 31 % en 2014, et celle de la route baisser à 66 % (Ulasim, 2012). Aujourd’hui, sans compter le Marmaray qui remplacera l’ancien train de banlieue, existent à Istanbul trois lignes de tramway, deux lignes de métro, un LRT, deux funiculaires, deux téléphériques. Ces transports collectifs en site propre ont une vitesse et une fiabilité supérieures à celles d’un véhicule motorisé, notamment pour les déplacements centre-périphérie. (ibid).

L’offre de transport à Gebze

La municipalité de Gebze est traversée par deux infrastructures routières majeures, la TEM au Nord de la ville, et la D100 au Sud. Ces routes sont utilisées de manière intensive par les véhicules individuels et les transports collectifs. Un réseau public de bus fourni par la mairie métropolitaine de Kocaeli existe, offrant un maillage territorial local et également des liaisons avec Istanbul. Cette offre est complétée par un réseau privé très développé de bus et minibus, en phase avec la croissance rapide de l’aire urbaine. Les minibus sont d’autant plus utilisés que la ligne de train de banlieue de 44 km qui reliait Haydarpasa à Gebze est fermée depuis juin 2013, à cause du début des travaux en vue de l’arrivée du Marmaray. Environ 30 000 personnes par jour utilisaient auparavant ce train, un chiffre déjà important quoique l’infrastructure ait été sous-utilisée à seulement 28 % de ses capacités. Le réseau dans son ensemble, de Gebze à Halkali, ne participait qu’à hauteur de 0,4 % des transports publics d’Istanbul, notamment en raison d’une mauvaise intégration avec les autres modes de transports, mais aussi à cause du mauvais état de la ligne et des wagons. Il fallait 65 mn pour aller depuis Haydarpasa à Gebze, un train passant environ toutes les 10-15 mn aux heures de pointe, 20-25 mn en période calme ; et 185 mn pour relier Gebze à Halkali. Les utilisateurs du train étaient principalement des personnes faisant le trajet domicile-travail, d’Istanbul à l’un des centres urbains de la rive asiatique ou inversement, pour un prix modique (2 lires turques), identique quelque soit la distance parcourue. Du fait de ce tarif bon marché, l’ancien train de banlieue était surtout utilisé par des travailleurs modestes ou étudiants (Alan, 2012 ; Işık ,2005).

14 84 000 nouveaux véhicules chaque année, contre 200 000 en 1980.15 Les deux lignes ont un fonctionnement similaire à celui d’un métro, avec un passage très régulier des bus, qui circulent sur des voies spécifiques leur permettant d’échapper au trafic routier.16 Build Operate Transfer.

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Le Marmaray empruntera ce réseau ferroviaire historique, mais sur des voies rénovées et aménagées, qui seront au nombre de trois (deux pour les trains de banlieue, une pour les trains régionaux) qui se réduiront au nombre de deux dans le tunnel. Pendant la nuit, les trains de fret pourront également emprunter les rails. Le nouveau train de banlieue pourra transporter jusqu’à 75 000 passagers par heure et par direction. Un train est prévu toutes les 2-10 minutes et les terminus de Gebze et Halkali seront reliés en 104 minutes. Dans la zone de Gebze, quatre stations du Marmaray sont actuellement prévues : Cayirova, Fatih, Osmangazi et Gebze, le terminus. La station de Gebze sera avec Halkali, le terminus ouest de la ligne, l’une des plus grandes gares du Marmaray. Dans les plans de la future station, le bâtiment historique doit être préservé, contrairement à d’autres gares qui seront détruites du fait des aménagements liés au nouveau train. Avec celui-ci, la gare de Gebze sera reliée en une trentaine de minutes à Yenikapi, le hub central du réseau. 60 000 passagers devraient utiliser la station de Gebze quotidiennement. Pour comparaison 150 000 personnes font le trajet d’Istanbul à Gebze chaque jour. Par ailleurs, d’autres lignes ferroviaires partent de Gebze pour l’Anatolie, et la gare sera l’un des arrêts du train à grande vitesse en provenance d’Ankara. Le Marmaray sera ainsi intégré au réseau régional et national des trains turcs.

La gare de Gebze, avec son bâtiment historique et ses plate-formes en construction

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Les nouveaux wagons du Marmaray

Du fait du rayonnement multiscalaire de la gare et de la présence d’autres voies de communication importantes dans la zone, la station Marmaray de Gebze pourrait faire figure de potentiel pôle d’échanges urbains et interurbains, à l’échelle locale de Gebze, à celle métropolitaine d’Istanbul, et aux échelles régionale et nationale. Néanmoins, cette hypothèse paraît difficilement réalisable du fait de la localisation de la gare et de son manque de connectivité.

Une mauvaise insertion spatiale du Marmaray

Le tracé d'une infrastructure de transport apparait être un facteur déterminant concernant sa fréquentation. Le tracé des lignes du Marmaray suit les voies de l’ancien train de banlieue, qui ont été construites en 1872, au bord du littoral. De même, la localisation de la plupart des arrêts a été conservée, mis à part quelques nouvelles stations. De ce fait, les stations Marmaray dans la zone de Gebze ne sont pas situées dans le centre de la ville mais en marge du noyau urbain, qui s’est considérablement développé depuis la fin du XIXe siècle. Si le Marmaray traversera des zones côtières densément peuplées, celles-ci restent étroites, ne pouvant abriter qu’un nombre limité d’habitants. Le tracé du Marmaray implique ainsi un risque de sous-utilisation de l’infrastructure.

La ligne du Marmaray et les stations de train dans la zone de Gebze

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En comparaison, d’autres lignes de métro, actuellement en cours de construction ou à l’étude17, suivent l’axe est-ouest emprunté par le Marmaray mais sont implantées plus au nord sur les rives asiatique et européenne, traversant des espaces très peuplés où les habitations continuent à se multiplier. Ces nouvelles lignes de métro ont les mêmes capacités techniques que celles du Marmaray, mais ne traversent pas le Bosphore. Les connexions qui pourraient être crées entre ces lignes et le Marmaray seront décisives tant elles pourraient participer à une augmentation de la fréquentation du train, situé beaucoup plus au sud de l’agglomération et donc plus éloigné des nouveaux quartiers en développement.

A ces obstacles géographiques viennent se rajouter des lacunes en termes de politiques publiques concernant l'intermodalité. L’interconnexion du Marmaray avec d’autres moyens de transports est une dimension clé du succès de cette infrastructure. La gare de Gebze pourrait être un potentiel point nodal qui organiserait le regroupement des flux en provenance de Kocaeli ou d’Istanbul et les canaliser vers les réseaux existants (trains, route, bateaux). Toutefois, il n’existe pour l’instant pas de lecture multimodale du territoire. De fait, alors même que les stations du Marmaray sont relativement excentrées, seuls quelques aménagements de connexions intermodales entre les différentes stations du Marmaray et le reste des transports municipaux sont envisagés par les municipalités d’arrondissement que sont Cayirova et Gebze. La mairie métropolitaine de Kocaeli, en charge des transports à l’échelle métropolitaine, a davantage conscience de l’importance d’avoir des connexions inter et intra-urbaines permettant un accès facilité au Marmaray. Sous son impulsion, la liaison reliant Gebze à Izmit devrait être renforcée par davantage de bus municipaux. Néanmoins ces mesures ne paraissent pas primordiales aux autorités municipales, et il est probable que c’est l’offre privée de minibus qui s’adaptera le mieux aux besoins des passagers, de manière spontanée, selon la demande. Ainsi, si la gare de Gebze est appelée station de transfert, seule la liaison entre les réseaux nationaux et métropolitains est envisagée, sans prendre en compte l’intermodalité à l’échelle municipale.

17 Comme la ligne Üsküdar-Ümraniye.

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Ce manque de connectivité de la gare s’observe également par rapport aux zones organisées industrielles présentes en nombre dans le périmètre de rayonnement de la station. Outre le fait qu’elles attirent une main d’œuvre nombreuse, elles sont également à l’origine de flux marchands, du fait de l’importance du secteur logistique dans la zone. Si le Marmaray n’est pas une infrastructure dédiée principalement au fret, les trains de marchandises pourront quand même emprunter la ligne hors des heures de pointe. Afin de relier les ZIO aux voies ferroviaires, dans le but de faciliter le transport des marchandises par train, le ministère des transports a proposé la construction de connexions ferroviaires reliant la gare de Gebze aux ZIO de la région. Néanmoins une forte participation était demandée aux entreprises pour la création de ces infrastructures. Comme seules quelques entreprises ont manifesté leur intérêt, le projet a dès lors peu de chances d’aboutir.

Une analyse insuffisante des futurs usages locaux du Marmaray

Des lacunes s’observent également dans les mesures prises à l'égard du public usager du train. En effet vit à Gebze une population principalement ouvrière qui travaille dans le bassin industriel de la zone, tandis que les cols blancs employés dans le secteur vivent en général à Istanbul. C’est cette dernière population qui est l’une des cibles principales du Marmaray, or plusieurs éléments pourraient être des facteurs de désincitation à l’utilisation du train. Effectivement, les stations de Gebze et de Cayirova étant éloignées des ZIO, il sera peu aisé pour les travailleurs en provenance d’Istanbul d’effectuer le trajet jusqu’à leur lieu de travail si des aménagements spécifiques ne sont pas mis en place. Les servis, navettes d’entreprises au système efficace, pourraient être préférés pour effectuer ces trajets. Les cols bleus concentrés localement dans ce bassin d’emploi bénéficient également de ces servis qui parcourent toute la zone industrielle d’Izmit, alors que le Marmaray s’arrête à Gebze et ne couvre qu’une extrémité ouest de la région de Kocaeli. Ainsi, une part importante de la population reliée par leur travail ou par leur domicile à Gebze et ses environs risque de ne pas utiliser le Marmaray dans ses déplacements quotidiens.

Un point de comparaison intéressant pourrait être celui de la ligne de métro Kadiköy-Kartal qui moins d’un an après son ouverture est sous-utilisée malgré une tarification avantageuse visant à attirer les usagers. Les stations étant situées hors des centres urbains, il est nécessaire d’emprunter un premier moyen de transport pour s’y rendre, ce qui n’est pas toujours aisé. Du fait que l’intermodalité n’ait pas été considérée dans la réalisation de la ligne, des minibus et dolmus suivant le même itinéraire que le métro sont préférés par de nombreux usagers malgré un coût en termes de temps et d’argent plus important. Une telle situation pourrait se reproduire dans le contexte du Marmaray.

Une gouvernance des transports fragmentée et descendante

Localement, du fait de la situation géographique de Gebze, dépendant de la province de Kocaeli mais rattaché dans sa continuité spatiale et par ses infrastructures de transports à Istanbul, la gouvernance des transports est particulièrement complexe. Les responsabilités sont fragmentées entre la mairie métropolitaine de Kocaeli, les mairies de districts et également la mairie métropolitaine d’Istanbul. Cette dernière a vu ses compétences renforcées en termes de planification et de gestion des transports urbains, étant la seule entité compétente à l’échelle métropolitaine. Néanmoins, Gebze étant hors de ce périmètre, la mise en place de liaison entre Gebze et Istanbul nécessite une coordination avec la municipalité métropolitaine de Kocaeli. Ainsi, du fait de l’absence pour le moment d’autorité unique organisant les transports à l’échelle de la région urbaine, il n’y a pas d’intégration réelle des politiques des différentes municipalités sur ce sujet. Cette multiplication des institutions en charge de la planification et de l’exploitation des transports urbains engendre une mauvaise coordination des politiques, voire une possible rivalité institutionnelle. Cela se reflète au sujet du Marmaray, tant concernant l’ensemble du projet que localement à Gebze.Tant pour des raisons techniques que financières18, l’échelle de conception et de mise en oeuvre du projet n’est pas celle de la mairie d’Istanbul, bien que la ligne ne circule quasiment que dans le territoire

18 L'effort énorme d'investissement a été en partie financé par des prêts de la banque japonaise de coopération internationale et la banque européenne d’investissement.

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administratif de la ville, Gebze exclus. Autre facteur explicatif de cette gouvernance par le haut, le nouveau train de banlieue fait partie d’un réseau ferroviaire national actuellement en cours de rénovation et de construction. Par ailleurs, le Marmaray contribue également à faire d’Istanbul une mégapole participant à la compétition interurbaine globale, une vitrine de la Turquie aménagée sous le contrôle des autorités nationales.Cette gouvernance topdown se traduit dans la pratique par un pilotage du projet orchestré par le ministère des Transports et sa direction générale de la construction des chemins de fer, ports et aéroports (DLH), ainsi que directement par le Premier Ministre et son entourage. La DLH peut être considérée comme un contracteur global du Marmaray, qui prend en charge la planification, le design, la construction et le management de ce projet complexe et coûteux. Au niveau opérationnel, l’exploitant du Marmaray sera la compagnie des chemins de fer turcs TCDD. Cette institution verticalement intégrée19 sera en charge du train à l’extérieur comme à l’intérieur des limites administratives d’Istanbul, alors même que la compagnie Ulasim, en tant que filiale de la mairie d’Istanbul en charge du réseau ferré léger dans l’aire métropolitaine, aurait pu prétendre à gérer localement le Marmaray. Outre le fait d’être un projet piloté par des institutions nationales, la gouvernance du Marmaray semble être très focalisée sur les aspects techniques du train et très peu sur son insertion dans l’environnement local, sans prise en compte des impacts que le train aura sur le tissu urbain et sur les comportements de déplacement des habitants du Grand Istanbul.

Une collaboration faible avec les autorités locales

Les lacunes de cette gouvernance descendante et surtout technique se font ressentir au niveau de la collaboration avec les autorités locales concernées par le Marmaray. La concertation qui a eu lieu n’a abouti qu’à des modifications mineures des plans initiaux du ministère des transports. Certes, la DLH a mené des discussions avec les mairies de Cayirova et de Gebze concernant les aménagements souhaités aux abords des stations, tels que des passages pédestres ou la destruction de certains ponts. De même, la municipalité d’Izmit a pu exprimer ses revendications, son désir principal étant de voir étendre le Marmaray jusqu’à Izmit, sans succès. Néanmoins, le dialogue semble s’être restreint à ces demandes et le processus de planification urbaine associé au Marmaray n’a pas dépassé le cadre des ministères concernés. Cela a eu pour corollaire de dessaisir de leur rôle les bureaux d’architecture et de planification territoriale des mairies locales, le personnel en place étant par conséquence peu au fait des aménagements devant accompagner l’arrivée du Marmaray, alors même que les travaux sur les voies ferrées ont déjà commencés. A l’échelle régionale, Marka, l’agence de développement pour la région de Marmara Est en charge du financement des projets locaux et d’un plan de développement régional, participe également aux discussions sur les connexions ferroviaires et intermodales à mettre en place autour du Marmaray. Mais le méga-projet ferroviaire a été élaboré avant la création récente de l’agence, dont la participation est par conséquent réduite.Le fait que les grandes décisions concernant le Marmaray soient prises à l’échelle nationale ne fait finalement que refléter le fonctionnement général du système gouvernemental turc. De fait, au sujet des différents projets qui fleurissent dans la région, que ce soit des infrastructures de transports ou des projets industriels ou scientifiques, il semblerait que les grandes lignes soient déterminées par Ankara, laissant dans un flou relatif les autorités locales, dont la collaboration est garantie du fait d’une même appartenance partisane.20 Malgré les récentes réformes de décentralisation en Turquie, le gouvernement central semble garder la main sur un peu près tous les projets urbains d’une certaine envergure.

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19 TCDD est actuellement en cours de réforme pour séparer l’entretien des infrastructures de la gestion des passagers, du type RFF/SNCF.20 Parti pour la Justice et le Développement, aux orientations islamo-conservatrices et néolibérales.

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Les impacts du Marmaray sur Gebze et Istanbul :Enjeux et prospective

Marmaray, un outil de développement territorial et de décentralisation ?

Un consensus existe autour du Marmaray, encensé par les constructeurs et les commanditaires du projet, tout comme par les acteurs politiques et économiques locaux. Pour les responsables de Gebze, Cayirova ou d’Izmit, le Marmaray permettra d’intégrer cette zone encore en marge d’Istanbul et de renforcer l’unité fonctionnelle du territoire, en facilitant les déplacements des travailleurs entre le centre et la périphérie de l’aire métropolitaine. Le Marmaray pourrait également selon eux réduire la distance sociale, en permettant aux habitants de Kocaeli d’avoir accès à l’offre culturelle et de loisirs d’Istanbul, plus variée. Localement, l’image de modernité véhiculée par le Marmaray pourrait renforcer les projets d’aménagements du territoire, tels que la création éventuelle de nouveaux pôles d’activités autour de la R&D et de la logistique bancaire. Ainsi, dans les discours officiels, il semble aller de soi que le Marmaray sera un outil exceptionnel et inégalé de développement territorial à l’échelle du Grand Istanbul, dont les retombées économiques et sociales seront fortes, y compris pour la périphérie de Gebze.Dans le contexte de desserrement résidentiel et économique de la mégapole stambouliote, il semblerait que l’un des enjeux du Marmaray porte sur les effets de la nouvelle infrastructure de transport sur la maîtrise de l’étalement urbain et la déconcentration d’Istanbul. Par sa vitesse et ses effets indirects positifs sur la congestion routière, le Marmaray va permettre de réduire la distance spatio-temporelle qui sépare le centre et les périphéries, et diminuer ainsi dans l’absolu le temps de parcours moyen des habitants. Néanmoins, ce gain de temps peut être réinvesti pour habiter ou travailler plus loin, en gardant constant le temps passé dans les transports. Historiquement, la tendance est à garder le même temps de déplacement, nonobstant le nombre de personnes vivant dans la ville et le nombre de véhicules21. Ainsi, la vitesse supérieure des déplacements pourra servir à augmenter les distances, et de la sorte à améliorer l’accessibilité des zones les plus éloignées du centre.Les habitants d’Istanbul ont des comportements rationnels dans leurs stratégies de déplacement entre leur lieu de résidence et leur lieu de travail. En tenant compte du coût d’opportunité de la distance, ils habitent en général à proximité relative de leur lieu de travail. La rive européenne concentre plus d’emplois et d’habitants et de ce fait de nombreuses personnes traversent chaque jour le Bosphore dans le sens Est-Ouest, car Istanbul n’est pas divisée autour de cet axe fluvial, obstacle naturel aisément franchissable par vapör22. Si on retrace ces flux journaliers domicile-travail, on peut mettre en évidence deux systèmes intra-urbains de déplacements, qui se côtoient dans l’aire urbaine d’Istanbul sans se confondre. L’un comprend la rive asiatique depuis sa périphérie lointaine jusqu’aux espaces les plus centraux, ainsi que les quartiers de Taksim, Pera et Besiktas sur la rive européenne ; l’autre inclut les rives anciennement industrialisées de la Corne d'Or, la péninsule historique ainsi que la partie ouest de la rive européenne. Le Marmaray va changer cette configuration : en améliorant l’accessibilité urbaine, il va permettre de modifier les choix individuels de localisation des emplois et des logements.

21 1986, 5 millions d’habitants, 45 mn de temps passé dans les transports. 2006 : 13 millions d’habitants, 45 mn passé dans les transports

22 Bateaux utilisés en tant que transports collectifs.

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Carte des déplacements des Stambouliotes

Ainsi, l’un des enjeux principaux du Marmaray réside dans le changement de l’organisation spatiale d’Istanbul qu’il peut causer, du fait d’une nouvelle configuration du système des transports entraînant un potentiel déplacement des activités et des habitants

Un enjeu qui n’en est pas un : la logistique

Du fait de l’importance des activités de fret et de logistique dans la zone de Gebze, le terminus du Marmaray avait été envisagé initialement dans cette recherche comme une potentielle plate-forme multimodale et logistique organisant les flux humains et marchands à une échelle locale et régionale. Contrairement à cette première hypothèse, le secteur marchand ne sera que faiblement concerné par l’arrivée du Marmaray, dédié essentiellement au transport de passagers. La part du fret ferroviaire en Turquie n’est que de 5 %, l’essentiel se faisant principalement autour des axes routiers et maritimes, beaucoup plus importants23.Cependant, les autorités turques semblent vouloir augmenter les capacités du fret ferroviaire, en lien avec les activités de logistique. Un projet national de “village logistique” est en train de se mettre en place non loin de Gebze, à Köseköy, où à proximité des ZIO seront développées des activités de fret multimodal (train et bateau)24. Autour de ce thème a également été crée un cluster de recherche, regroupant des universités et des professionnels du secteur. Cela augure peut-être d’un intérêt nouveau pour le transport de marchandises par rail, dimension un peu oubliée dans l’engouement national récent pour le chemin de fer.

23 Capacité de la voie maritime : 77 millions de tonnes/année ; 2222km d’autoroutes contre 255 km de voies ferrées dans la region de Kocaeli.24 www.intraregio.eu/consortium.cluster_list/cluster_M

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Les activités logistiques sont encore largement dominées par le transport routier

Un effet Marmaray renforcé voire dépassé par d’autres projets d’infrastructures

Le rail est actuellement présenté par les autorités comme la nouvelle orientation des politiques de transports en Turquie, les projets du Marmaray et du TGV Ankara-Istanbul étant les cas les plus cités. D’ici 2023, plus de 14 000 km de rail devraient être construits, dont 10 000 km dédiés aux trains rapides (UK Trade § Investment, 2011). Néanmoins, l’importance de ces chiffres est à relativiser, du fait d’un développement parallèle d’importantes infrastructures routières. La construction entamée d’un troisième pont sur le tronçon le plus au nord du Bosphore et celle d’un pont sur la baie d’Izmit reliant Yalova à la province de Kocaeli annoncent la création d’un corridor européen reliant la Thrace à l’Anatolie en contournant l’agglomération d’Istanbul. Il semblerait que cet axe routier intégré dans le réseau routier Europe-Caucase-Asie soit majoritairement dédiée au fret. Au vu de ce corridor routier qui se construit et qui devrait connaître un transit beaucoup plus important que le Marmaray, l’affirmation d’une politique nationale en faveur du rail reste très symbolique.En conséquence, l’effet du Marmaray sera peut-être dépassé par celui des autres infrastructures routières. Leur impact sera tout aussi voire plus décisif, d’autant plus qu’y est associée la création de villes nouvelles, situées au niveau du troisième pont sur le Bosphore. Ces futurs développements pourraient dévier les dynamiques d’urbanisation de l’axe historique est-ouest que suit le Marmaray au profit du nord de la ville, où s’implantera par ailleurs le troisième aéroport25 et le projet de Kanal26. (Bonzon 2013).

25 Le plus grand du monde.26 Voie fluviale parallèle au Bosphore.

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Carte fournie par Marka présentant les infrastructures de transport construites ou en projet dans la région de Marmara

Des scénarios prospectifs

Scénario 1 : un impact limité du Marmaray sur Istanbul et ses périphéries

L’utilisation et l’impact du Marmaray pourraient être limités :

- par des choix spatiaux

Le Marmaray pourrait souffrir des localisations géographiques peu accessibles de ses gares ainsi que d’un tracé de la ligne ferroviaire ne répondant pas aux actuels modèles de déplacements des Stambouliotes. De plus, ce tracé longe à la fois deux infrastructures routières importantes, la D100 et la TEM, ainsi que la mer de Marmara. Le Marmaray est donc inscrit dans un contexte saturé en termes d’offre de transport et se voit privé d’un bassin plus large d’utilisateurs par l’étroitesse de la zone entre la ligne et la mer, où peu de personnes résident.

- par des lacunes dans la gouvernance locale et globale du projet

Les lacunes en termes de politiques publiques concernant l'intermodalité reflètent l'absence de vision globale concernant la mise en valeur du Marmaray, et la structuration territoriale qu’il pourrait produire.

- par d’autres infrastructures de transports et développements urbains

D’autres projets d’infrastructures routières et de développements urbains, tels que le Pont d’Izmit et son autoroute ainsi que les projets urbains au Nord d’Istanbul pourraient détourner les activités et la demande de transport vers d’autres zones ou sur d’autres modes de déplacements.

- par une surestimation de la croissance démographique

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Les projections statistiques d'usagers du Marmaray pourraient avoir été surestimées. Istanbul ayant subi une augmentation de population exponentielle au cours des cinquante dernières années27, l'habitude a été prise par les autorités et experts de considérer que cette dynamique se poursuivrait. La Turquie abordant une nouvelle période dans sa transition démographique, il est à prévoir un ralentissement de son accroissement naturel. Basé sur des projections de croissance démographique continue et donc d’une demande de mobilité croissante, le Marmaray risque de ne pas être utilisé à ses pleines capacités si la vitesse d’augmentation de la population ralentit.

Effets sur Istanbul et Gebze dans 10- 20 ans

L’impact du Marmaray sur le territoire de Gebze est fortement lié à l'ensemble des développements urbains que la ville va connaître dans les dix à vingt prochaines années. De ce fait, si l'axe d'urbanisation se réoriente vers le Nord de la ville, le territoire de Gebze pourrait ne pas bénéficier des dynamiques économiques nécessaires à l'évolution de ses industries vers des activités à plus haute valeur ajoutée. En conséquence, les développements urbains locaux seraient minimes et les changements dans l'activité économique du territoire faibles.Le Marmaray pourrait être majoritairement utilisé pour la traversée du Bosphore entre des quartiers centraux. Aujourd'hui, 15 millions de déplacements sont réalisés quotidiennement dans Istanbul. 10 % d'entre eux traversent le Bosphore et 80 % sont réalisés par les infrastructures routières (Entretien O. Demir). La demande concernant le franchissement du détroit a augmenté avec la construction successive des ponts qui ont poussés de plus en plus de Stambouliotes à habiter sur la rive asiatique de la ville. Le Marmaray pourrait avoir un effet similaire et à titre d’exemple permettre d'habiter à Üsküdar ou Kadiköy et de travailler sur la péninsule historique, ce qui pour le moment est un trajet long à réaliser quotidiennement.Dans ce cas, les périphéries telles que Gebze seraient faiblement concernées, et peu de changements seraient à prévoir dans la zone, tandis qu’il est probable d’assister à un renforcement du centre de la ville avec une pression foncière liée aux nouvelles connections permettant d’y accéder. Ces changements pourraient toutefois rester relativement limités, car la taille réduite des parcelles et les longues procédures d'expropriation seraient certainement un frein à des plans larges de restructuration et de rénovation urbaine de la part des autorités.

Scénario 2 : un impact important du Marmaray sur la ville et ses périphéries

L’utilisation et l’impact du Marmaray pourrait être encouragés :

- par l’implication du secteur privé

Les lacunes qui ont été mises en avant en termes de gouvernance locale et globale du projet pointent en creux le rôle du secteur privé dans les futurs développements urbains et les interconnexions liés au Marmaray. Les deux facettes de l’implication du secteur privé seront d’une part le pouvoir des investisseurs et promoteurs immobiliers concernant la création de nouveaux logements plus particulièrement dans les zones encore peu densément peuplées telles que celle de Gebze ; et d’autre part, le rôle des transporteurs privés (dolmus, minibus et servis) qui au fil du temps viendront compléter les carences de l’intermodalité des gares en s’adaptant à la demande de trajets locaux des usagers.

27 1 million d’habitants en 1945, 15 millions aujourd’hui.

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- par les stratégies rationnelles de déplacements intra-urbains des habitants

Il est très probable que les Stambouliotes adaptent à moyen terme leurs stratégies en fonction des possibilités de déplacements offertes par le Marmaray, notamment son tunnel. Celles-ci seront également liées aux offres proposées par le secteur privé. Ces deux processus résultant de dynamiques très fragmentées, il est difficile d’en prédire les évolutions, qui auront un rôle important dans les changements de la ville.

Effets sur Istanbul et Gebze dans 10-20 ans

Le Marmaray va engendrer des changements dans les systèmes de déplacements intra-urbains d’Istanbul, en tant que moyen rapide et fiable pour franchir le détroit mais également comme voie de communication facilitant les déplacements terrestres. Si les lacunes des politiques publiques concernant l'adaptation de cette infrastructure au contexte local risquent de limiter l'utilisation et donc l'impact du Marmaray sur les futurs développements urbains, il est important de considérer que l'absence de politiques publiques et d’aménagements spécifiques ne viendront en rien freiner les développements portés par le secteur privé. Ainsi, une augmentation à court et moyen terme des prix du foncier aux abords des gares du Marmaray est à prévoir, et cette spéculation pourrait chasser les ménages modestes habitant à proximité de la ligne de train. Cet impact serait particulièrement visible dans les quartiers centraux comme celui de Yenikapi28, qui pourrait devenir un quartier particulièrement prisé où les prix s'envoleront. L'urbaniste et géographe Murat Güvenç envisage même la création d’un « Manhattan » en lieu et place de la péninsule historique. Cette option est consolidée par le projet du tunnel autoroutier « Avrasya » passant sous le Bosphore en parallèle du tracé du Marmaray (Bonzon, 2013). Cette hyper-connexion de la péninsule historique provoquerait des pressions économiques extrêmement fortes avec une augmentation rapide du prix du foncier. Hors de ces quartiers centraux, il est intéressant de considérer l'avenir du territoire de Gebze. Si le Marmaray est considéré comme une infrastructure offrant une connexion fiable et rapide avec les quartiers centraux de la ville, l'urbanisation dispersée du territoire de Gebze pourrait être utilisée comme un atout afin d'attirer de nouvelles populations désireuses de quitter les immeubles d'habitations pour des espaces plus grands et attractifs. Comme développé précédemment, il y a actuellement très peu de politiques publiques prévues concernant ces développements urbains qui seront en conséquence fortement dépendants du secteur privé et très difficilement prédictibles. Dans le cas de territoires spécifiques comme celui de Gebze, des liens de dépendance et des stratégies d’entraînement entre les différents acteurs semblent se profiler. L'actuel Vision Plan de Cayirova met en valeur la manière dont l'attraction désirée de classes moyennes et supérieures doit être coordonnée à une amélioration de la qualité de vie dans la zone urbaine, ce qui fait donc appel aux pouvoirs publics qui tout en étant volontaristes sont fortement dépendants des investisseurs. Les sommes importantes nécessaires à la montée en gamme de la ville pourraient nécessiter un regroupement d’investisseurs qui apporteraient par leurs premiers investissements la confiance nécessaire pour que d’autres acteurs impliqués aillent plus en avant dans leurs projets. A titre d’exemple, un effet d'entraînement permettrait au centre ville de Cayirova d'être vidé de ses infrastructures de recyclage industriel au profit d'un nouveau centre urbain, à de nouveaux développements immobiliers de voir le jour, au projet de Electronics Valley sur le campus de Yüksek Teknoloji Enstitüsü de se consolider. Ces changements qui sont en germe se verraient solidifiés et accélérés par l'arrivée du Marmaray dans la zone.Enfin, ces dynamiques de déconcentration des logements et activités qui densifieraient les zones périphériques telles que Gebze renforceraient la City Region en développement dans l'aire urbaine élargie d'Istanbul. La partie ouest de la province de Kocaeli mutualise d'ores et déjà certaines ressources avec Istanbul, et les deux territoires sont fortement liés par leurs activités économiques. Le Marmaray viendra compléter et améliorer la connexion du territoire avec le reste de la métropole. L'agence de développement MARKA mais également les autorités municipales actuellement à la

28 Quartier de la péninsule historique abritant la gare permettant l'accès au tunnel du Bosphore.

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recherche des différents moyens de déplacer les activités industrielles de l'Ouest de la province à Sakaria, à l'est de Kocaeli participeraient en cas de succès au renforcement de l’unité fonctionnelle de la région d’Istanbul. Enfin, les limites administratives d’Istanbul ayant fortement évoluées au cours des vingt dernières années afin d’englober un territoire toujours plus large, il est important de considérer la possibilité que dans quelques années ou décennies, Gebze et les territoires limitrophes puissent faire partie d'un Grand Istanbul avec une existence légalement reconnue.

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Conclusion :

Le ton prospectif voulu par ce rapport a permis de mettre en avant certains éléments qui apparaissent devoir jouer un rôle dans les développements à venir de la ville d’Istanbul et de la zone de Gebze. La pondération de ces facteurs dans les différents scénarios apparaît difficile et mériterait d’être l’objet de recherches plus approfondies.Au fil de ce rapport, il est apparu que le Marmaray, considéré comme un outil puissant de développement territorial, est un projet aux objectifs favorables pour la mobilité urbaine des stambouliotes. Cette infrastructure de transport collectif en site propre devrait aider à réduire les problèmes de congestion et de pollution à Istanbul, contrairement à d’autres-méga projets d’infrastructures routières beaucoup plus nocifs pour l’environnement.Cependant, il paraît pour l’instant insuffisamment accompagné par des politiques publiques en mesure de consolider ses potentiels effets. Du fait d’un manque de concertation au sujet de l’intermodalité, des modes et stratégies de déplacement des Stambouliotes, les impacts du Marmaray pourraient être moindres qu’attendus initialement. Néanmoins, les évolutions à prévoir pour le Grand Istanbul et plus précisément pour Gebze sont difficile à cerner, du fait de l’incertitude d’un ensemble de paramètres. Le rôle joué par le secteur privé notamment, possiblement important, reste encore mal connu.

Dans une perspective plus large, une vision plus générale du modèle de développement économique actuel de la Turquie attire l’attention sur une convergence d’éléments qui semblent profiler la possibilité d’une crise économique. Son impact sur les projets urbains dont il est fait mention dans ce rapport pourrait être particulièrement important et devrait être pris en considération dans une vision prospective complète.Le secteur de la construction représente environ 10% de l’économie turque et est un des moteurs de la croissance du PIB du pays. Alors que logements et infrastructures de transports continuent d’être construits en grand nombre, le prix du mètre carré ne cesse d’augmenter29, a un rythme plus rapide que celui du PIB. Ce phénomène, qui ne peut perdurer qu’un laps de temps limité, fut présent aux Etats-Unis et en Espagne avant l’effondrement des marchés immobiliers et la crise économique qui a suivi. Ces dynamiques se déroulent néanmoins dans des contextes différents. Selon certains observateurs 2, la Turquie répondrait depuis les cinq dernières années à une demande qui avait été précédemment retardée par la période d’inflation des années 1980, le tremblement de terre de 1999 ainsi que les crises économiques de 2000 et 2001 (Yalinkilic, 2012). Ces circonstances associées à l’explosion de la demande de la classe moyenne sont mises en avant par les autorités pour expliquer la croissance exponentielle de ce secteur. Néanmoins, l’investissement massif des ménages dans l’immobilier dans une perspective de rentes est une autre raison de la vitalité de secteur. Ceci est souvent la source de mécanismes de spéculation, visibles dans de nombreuses villes, notamment dans les quartiers ciblés par des opérations de rénovation urbaine. Pour lutter contre les risques d’une bulle économique artificiellement gonflée par des prix de l’immobilier trop haut, le gouvernement a récemment introduit différents outils de régulation de l’accès des ménages aux crédits, mais les prêts immobiliers et locatifs restent pour le moment toujours peu régulés.

29 En 2012, le prix des propriétés immobilières a augmenté de 11% par rapport à l’année précédente.

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Ces dynamiques propres au secteur de la construction et de l’immobilier, associées aux difficultés économiques et politiques rencontrées par la Turquie au cours des derniers mois30 pourraient mettre un coup d’arrêt à la vitalité économique du pays, qui connaît un cycle de prospérité depuis dix. Que ce soit une récession de longue durée ou un simple ralentissement de l’économie, il est probable que les évolutions de l’économie turque dans les mois et années à venir affecteront le financements de plusieurs projets d’infrastructures, déjà remis en question par la non sélection d’Istanbul pour la tenue des Jeux Olympiques. Cela ne serait pas sans conséquences pour le Marmaray. Dans un contexte économique morose, cette infrastructure pourrait souffrir d’une moindre utilisation et de l’arrêt des développements de connexions intermodales, tandis qu’à l’échelle locale le train de banlieue rénové n’aurait pas l’impact escompté sur la périphérie de Gebze.

ANNEXES

30 Une augmentation soudaine des taux d’intérêts pour contrer l’inflation résultant d’une réduction des investissements étrangers.

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LISTE DES ENTRETIENS

Nom FonctionDate et lieu de

l'entretienContact

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Gülbün Salor

City planner for the Marmaray Project at Avrasya Consulting.

12 juillet 2013, 11h, dans les locaux

d'Avrasya [email protected]

Ali Doğan Şalva

Associate at EMBARQ Türkiye12 juillet 2013, 16h,

dans les locaux d'EMBARQ,

[email protected]

İlker Ali İliş

Ulaşım Yapıları Bölümü - Tasarım Grup Yöneticisi Prota Mühendislik

Proje ve Danışmanlık Hizmetleri A.Ş.

15 juillet 2013, 14h, dans les locaux de Prota

[email protected]

Çaliskan Çare Olgun

Doctorant en urbanisme à l'université Mimar Sinan, Membre de la chambre

des Urbanistes d'Istanbul 17 juillet 2013, 14h, à l'Université Technique

d'Istanbul

[email protected]

Belgin Gumru

Doctorante en urbanisme à l'université technique d'Istanbul

[email protected]

23 juillet 2013, 11h, Istanbul Technopark

23 juillet 2013, 12h30, TOSB

23 juillet 2013, 15h, GOSB

Koray Yüksel

Coordinateur du design des infrastructures à OHL, contracteur du

Marmaray

25 juillet 2011, 11h, dans les locaux d'OHL

[email protected]

Miray Ozkan

Urbaniste à Kartal Foundation of Urban Development

13 juillet 2013, 16h, Kadiköy

[email protected]

Sila AkalpMember of Kentsel Strateji, co-authors

of the Vision plan for Cayirova municipality

25 juillet 2013, 19h, dans les locaux de

[email protected]

Ziya Murat Ülker

Chargé de projet à l'AFD27 juillet 2014, 14h,

[email protected]

29 juillet 2013, 11h, Mairie de Gebze

Selami Calar

Adjoint du maire29 juillet 2013, 15h, Mairie de Cayirova

[email protected]

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Murat Güvenç

Professeur à l'Université de la Ville d'Istanbul

10 août 2013

Orhan Demir

Consultant à Plan Ofis21 août 2013, 11h, Mimar Sinan Guzel Sanatlar Université

[email protected]

Serkan Öngel

Auteur du livre "Kapitalizmin Kıskacında Kent ve Emek,

Gebze Bölgesi ve Otomotiv Sanayii Üzerine Bir İnceleme"

21 août 2013, 20h, Kadiköy

[email protected]

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