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Rapport final de l’expédition

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Sauf mentions contraires, ce document est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution 3.0 France : http://creativecommons.org/licenses/by/3.0/fr/ Vous êtes libre de partager, reproduire, distribuer et communiquer ce document, l’adapter et l’utiliser à des fins commerciales à condition de l’attribuer de la manière suivante : La Fing et OuiShare, Rapport final, « ShaREvolution », 2015 Ce document ne doit pas être attribué d’une manière qui suggérerait que la Fing vous approuve, vous ou votre utilisation de l’oeuvre.

Table&des&matières&

I.! Synthèse+de+l’expédition+ShaREvolution+................................................................................+3!II.! ShaREvolution+:+La+démarche+..................................................................................................+9!III.! Cartographie+de+l’offre+de+la+consommation+collaborative+.......................................+10!IV.! Résultats+de+l’enquête+“Je+partage+!+Et+vous+?”+...............................................................+12!V.! Les+territoires+d’innovation,+6+sujets+de+la+consommation+collaborative+..............+14!VI.! Zoom+:+la+consommation+collaborative,+un+réel+potentiel+pour+l’environnement+?

+ 19!VII.! Les+pistes+d’innovation+.........................................................................................................+23!Piste+1+:+Vers+des+objets+conçus+pour+le+partage+................................................................................+23!Piste+2+:+Des+hubs+de+partage+pour+la+consommation+collaborative+...........................................+34!Piste+3+:+Consommation+collaborative+:+pour+de+nouvelles+réponses+aux+défis+sociaux+.......+49!Piste+4+:+Consommation+collaborative+:+l’enjeu+du+financement+et+de+la+gouvernance+(vers+

une+consommation+coopérative+?)!!Piste+5+:+La+consommation+collaborative+:+de+nouvelles+pistes+pour+la+jeunesse+....................+71!

VIII.! Perspectives+:+la+consommation+collaborative,+quels+sujets+pour+demain+?+.....+80!+

TABLE+DES+MATIERES+DES+ANNEXES+..........................................................................................+85!Evénements+ShaREvolution+...........................................................................................................+86!+“Je+partage+!+Et+vous+?”:+Résultats+de+l’enquête+.......................................................................+87!Cartographie+de+l’offre+...................................................................................................................+114!

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I. Synthèse de l’expédition ShaREvolution

Février 2014-Mars 2015 Contexte La consommation collaborative est une tendance à l’oeuvre depuis depuis le milieu des années 2000, brouillant les frontières entre consommateur, producteur, fournisseur de service,... Elle s’est illustrée depuis quelques années par de premiers succès : celui des startups (de BlablaCar à Airbnb), mais aussi de projets citoyens qui s’étendent (Freecycle, Ressourceries,...), menant même de grands acteurs de l’économie traditionnelle à s’engager sur le sujet. Mais elle pose également un certain nombre de questions ; avec les premiers succès, viennent les premiers doutes, qui s’illustrent déjà : New York poursuit AirBnB, Taskrabbit change de modèle, les taxis dénoncent VTC et covoiturage courte-distance, le fisc s’intéresse au "travail gratuit" des internautes… Quelles questions nouvelles émergent aujourd’hui ? Comment la consommation collaborative pourrait se développer ? Et a-t-elle vocation à rester une niche, ou à devenir un nouveau paradigme économique ? Entre février 2014 et mars 2015, la Fing et Ouishare ont mené ensemble ShaREvolution, un projet de R&D collective autour de la consommation collaborative. Plus qu’une étude de marché, plus qu’une étude prospective, ShaREvolution est une exploration commune dans le présent et le futur-de la consommation collaborative ; elle a produit de nouvelles connaissances autour du sujet (de l’offre, des usages, des tendances), mais aussi des intuitions nouvelles et des pistes d’innovation inédites, à destination des entreprises, des acteurs publics, des acteurs de la consommation collaborative, des citoyens.

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En synthèse Le paysage de la consommation collaborative auquel s’est intéressé ShaREvolution couvre différents modèles de coopération (autour de la redistribution de biens, de la fonctionnalité, de services P2P, de systèmes locaux) et des acteurs variés. ShaREvolution a dressé une cartographie de l’offre, de ses acteurs et écosystèmes. Elle montre une très grande diversité d’acteurs (grandes plateformes, petits acteurs), une coexistence de modèles marchands et de modèles non marchands, des différences d’échelle (local vs mondial),... Ces nouveaux acteurs bousculent les modèles et secteurs établis, en proposant leurs modèles distribués. ShaREvolution a également réalisé une enquête qualitative sur les motivations et pratiques des usagers avec plus de 2000 répondants, consommateurs collaboratifs. L’expérience vécue par les consommateurs collaboratifs diffère selon les modèles et les pratiques : il n’y a bien sûr pas UN consommateur collaboratif. Nombreux sont ceux qui y recherchent les économies, alors que d’autres cherchent à retrouver du sens, à consommer autrement. De nouvelles questions apparaissent : quel statut, quels droits et garanties pour les nouveaux contributeurs de la consommation collaborative ? Quelle valeur collective, sociale peut-être produite par ces modèles ? Quelles opportunités pour les territoires ? En tirant le fil des tendances, des tensions, des incertitudes nouvelles, plusieurs récits racontent des évolutions possibles de la consommation collaborative. ShaREvolution propose plusieurs pistes d’innovation qui vont dans le sens d’une consommation coopérative (partage de la valeur, gouvernance) mais aussi une consommation collaborative qui puisse répondre à des enjeux sociaux. La consommation collaborative amène également à questionner les objets et les modalités du partage. Si elle continue à se développer, les objets pourraient être conçus en amont pour répondre aux pratiques de partage ; des lieux devront être conçus pour en faciliter la circulation, stimuler les échanges et outiller les projets collectifs sur les territoires. Enfin, parmi les opportunités à saisir, il nous semble que la consommation collaborative pourrait contribuer à répondre à des défis sociaux, mais aussi aux défis rencontrés par certaines populations, comme la jeunesse. Des questions encore ouvertes ShaREvolution décrit un paysage en mouvement, non stabilisé. Plusieurs questions émergent des travaux de ShaREvolution :

● Une première porte sur les acteurs de l’offre collaborative : comment le périmètre de la consommation collaborative va-t-il évoluer, entre des plateformes proches d’une économie “on-demand” et des acteurs hyperlocaux, revendiquant formes de partage et proximité ? Quels rôles vont y jouer les acteurs de l’économie traditionnelle, offreurs B2C, tiers, médiateurs ?

● Une seconde concerne le positionnement des individus dans ces nouveaux modes de consommation : aujourd’hui davantage du côté du recours à des services ou des biens, vont-ils davantage passer du côté de l’offre de leurs propres biens et services demain ? Comment les acteurs publics mais aussi du secteurs vont-ils accompagner ces nouvelles formes d’activités, afin d’éviter qu’elles ne conduisent à de nouvelles précarités ?

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● Une troisième enfin porte sur l’ancrage territorial de la consommation collaborative : comment les acteurs publics s’empareront-ils de ses dispositifs et de son potentiel sur leurs territoires ?

Conclusion La consommation collaborative n’est plus vraiment une niche, mais elle n’est pas non plus un nouveau paradigme pour tout le monde. Elle affecte déjà un certain nombre de secteurs, mais avec une ampleur variable ; et selon la pratique étudiée, elle concerne des parts variables de la population. Mais elle bouscule d’ores et déjà les acteurs établis et les modèles économiques existants ; elle transforme nos façons de consommer, en redonnant du choix aux individus. Elle fait naître des incertitudes, mais ouvre surtout de nouveaux possibles sur les territoires, en matière de mobilité, de logement, de services à la personne,... Les opportunités qui émergent s’adressent autant aux acteurs privés que publics ou citoyens. ShaREvolution ouvre quelques pistes : à ces acteurs de s’en saisir ! Les 5 intuitions fortes / pistes d’innovations issues de ShaREvolution Consommation collaborative : pour de nouvelles réponses aux enjeux sociaux Tout un pan de la consommation collaborative affirme des finalités sociales ou environnementales. La consommation collaborative a des liens de parenté forts avec l’économie sociale et solidaire (ESS), bien qu’elles s’opposent parfois et que les acteurs des deux mouvements se connaissent et se parlent finalement encore assez peu. Les acteurs de l’ESS ne se reconnaissent souvent pas dans la consommation collaborative, troublés par l’ampleur et les trajectoires de croissance de certaines plateformes. Et certains des acteurs de la consommation collaborative perçoivent encore l’ESS comme étant peu numérique et agile, enfermée dans des statuts rigides. Pourtant à l’heure de défis sociaux et sociétaux considérables (emploi, insertion, pauvreté,...), il nous semble qu’ESS et consommation collaborative auraient tout intérêt à dialoguer, s’emparant de l’agilité de l’une et des méthodes et finalités de l’autre, afin de proposer de nouvelles réponses à ces défis. Comment entamer dialogue et collaborations pour mieux répondre à des défis sociaux ? 3 Orientations pour l’action :

● Stimuler les croisements, en multipliant les opportunités de rencontre et de collaboration ● Expérimenter pour identifier les domaines de complémentarité ● Identifier les besoins mutuels

Pour aller plus loin : 2 démonstrateurs Des Communities Mix Mettre en place des dispositifs physique et/ou numériques pour « mixer » les communautés de l’ESS et de la consommation collaborative : lieu, pépinières, événements, résidences croisées,… Pôle (Co)emploi - Le pôle d’activité collaboratif Répondre aux problématiques de l’insertion et de l’emploi s’appuyant sur une communauté d’entraide : formations, échange de compétences P2P, bons plans, nouvelles activités… via une plateforme, et en articulation avec les acteurs de l’emploi existant.

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De nouvelles pistes pour la jeunesse Les jeunes sont ceux qui aujourd’hui pratiquent en plus grand nombre la consommation collaborative, pour des raisons tenant surtout de la débrouille, mais également parce qu’ils sont les plus connectés. Ils connaissent aussi d’importantes problématiques individuelles et collectives : pauvreté, difficulté d’accès à l’emploi ou à un logement... Face aux enjeux qu’ils rencontrent, les acteurs et les politiques visant à accompagner les jeunes dans toutes leurs problématiques sont nombreux – notamment du côté de l’éducation populaire. Mais au sein de ce bouquet, les diverses politiques nationales et territoriales (habitat, social, transport, vie étudiante…) ont du mal à dialoguer et à se penser en complémentarité. Mais le collaboratif (qui propose des réponses agiles, met en relation les besoins et l’offre, et.) ne pourrait-il pas leur venir en aide, en décloisonnant, en proposant de nouveaux modes d’organisation et solutions? Est-il possible pour les acteurs de la jeunesse de s’appuyer sur ces pratiques collaboratives pour renforcer de façon concrète et rapide les politiques publiques dédiées, pour expérimenter de nouveaux formats d’action non seulement vers mais aussi avec ce public ? Nouveaux circuits de récupération et de redistribution de biens de consommation, mobilités ou campus collaboratifs, échanges de compétences… Pour aller plus loin : Une expérimentation de politiques jeunesse plus collaboratives Expérimenter une lecture transverse des défis de la vie étudiante sur un territoire défini (campus par ex.), pour faire émerger des solutions nouvelles reposant sur du collaboratif. Vers des objets conçus pour le partage Dans le contexte actuel de crise et en particulier de la remise en cause de la consommation de masse, notre rapport aux biens évolue. Nous les utilisons, sans forcément les posséder...Est-ce que demain, les objets seront utilisés différemment, voire même davantage utilisés, parce que partagés ? À l'ère de la consommation collaborative, on ne possède plus systématiquement un objet : on en fait usage ou, si on le possède, on le partage avec d’autres... Dans ce contexte, est-ce que les objets sont amenés à se transformer ? Doit-on penser, concevoir, fabriquer des objets pour le partage ? Ces objets ont-ils des caractéristiques différentes des autres objets ? La notion de partage peut être intégrée dans la conception des objets, avec d’abord toute une série de caractéristiques intrinsèques à ces objets en partage comme la robustesse, la sécurité. A cela s’ajoute une forme d’intelligence de l’objet pour organiser le partage de celui-ci : l’identifier, le réserver, le collecter le restituer,...Il serait également possible d’imaginer avoir accès à des informations sur le cycle de vie de l’objet, par exemple de l’usage qui en est fait (entre quelles mains, quelle durée, s’il est sous-utilisé ou sur-utilisé, s’il a besoin de partir en réparation,...). Au-delà, de ces fonctions intrinsèques au partage, on voit émerger deux modèles de partage autour de l’objet :

● un modèle de partage calqué sur un modèle d’une économie à la demande où l’expérience recherchée est celle de l’efficience du service et une réduction des frictions potentielles ;

● un modèle de partage où l’expérience du partage et la dimension sociale sont privilégiées Pour aller plus loin : ShareVoisins2 Une plateforme de partage associant particuliers et professionnels pour mieux imaginer avec les usagers les modalités de l'avenir du partage, les objets concernés et les modèles économiques possibles. ThingsMix : 100 objets en partage

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Un hackathon, un « thingsmix » pour réinventer 100 objets clefs pour le partage, en créer des prototypes, une exposition, des scénarios d'usages. Comment concevoir une voiture en multipropriété ? Quelles modalités de circulation propres ? A la recherche du graphe du partage Un programme de recherche/action autour de l’expérience du partage pour développer des critères plus associatifs et inclusifs pour le partage. Consommation collaborative : l’enjeu du financement et de la gouvernance (vers l’émergence d’une consommation « coopérative » ?) Les trajectoires de développement d’un certain nombre de plateformes de la consommation collaborative posent question, alors qu’émergent des critiques d’utilisateurs mécontents de l’évolution des services. La croissance des services se fait parfois au détriment de ces utilisateurs, qui ne sont pas associés à la décision. Beaucoup de startups semblent prises dans un engrenage : leur trajectoire de financement et de développement les pousse à une croissance rapide, dès lors qu’elles se tournent vers des investisseurs qui attendent un retour sur investissement. Ainsi, gouvernance, gestion, valeur partagée sont, pour beaucoup d’innovateurs, incompatibles avec le lancement d’une startup… Mais les modes de gouvernance et de propriété actuels des plateformes pourraient être plus risqués encore à terme. Il est temps d’inventer de nouvelles structures d’entreprises collaboratives et de nouvelles trajectoire de développement. Peut-on s’inspirer de modèles de gouvernance plus partagée, où la redistribution de la valeur aux utilisateurs est un véritable enjeu ? Comment les principes du modèle coopératif par exemple, associant valeurs de solidarité et démocratie – et déjà adopté par certains acteurs de la consommation collaborative - peuvent-ils être explorés et adaptés à cette dernière ? Comment stimuler et accompagner, afin qu’émergent des projets collaboratifs de toute taille ? Pour aller plus loin : Co-Coop : des coopératives de projets collaboratifs Des plateformes coopératives multisectorielles, fournissant un cadre pour aider les petits projets collaboratifs et coopératifs à émerger, à se structurer et à se pérenniser. Coopstarter Du crowdfunding équitable pour des projets de consommation collaborative plus coopératifs, avec de nouvelles contreparties : des parts dans le projet, devenir membre de la coopérative,… RobinHood, l’incubateur équitable Un dispositif pour expérimenter des modalités d’investissement, d’accompagnement, d’incubation alternatives, afin de trouver des voies de croissance durable pour les entrepreneurs et les startups de la consommation collaborative. Des Hubs de partage pour la consommation collaborative La consommation collaborative est aujourd’hui surtout visible grâce à son volet numérique (AirBnb, BlaBlaCar…) Or un service de partage d'objets entre voisins ou dans un quartier a certainement aussi besoin de rencontre physique pour exister. Ces “Hubs de partages”, lieux pour se rencontrer, pour partager, pour créer collectivement sont à la fois un facteur de développement et de reconnaissance des services collaboratifs. Ils permettraient de renforcer la proximité et le lien social, de répondre à des besoins du quotidien ; ils permettraient au plus grand nombre, y compris à ceux qui ont peu d’usages numériques, de prendre part à des pratiques

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collaboratives. Ces lieux hybrideront nécessairement des dimensions physiques (qu’il s’agisse de dédier au partage un lieu, une pièce, une boîte aux lettres…), numériques (étant couplés à des plateformes, des services, fonctionnant en réseau), et organisationnelles (agenda partagé, plateforme de réservation d’un lieu). Entre caractéristiques communes et propres à chaque Hub, quels seront les modèles économiques, de gouvernance et de fonctionnement de ces lieux ? La piste des Hubs de partage ouvre de nouvelles pistes d’expérimentation tant pour les acteurs publics territoriaux, que pour les acteurs collaboratifs ou les acteurs privés. Pour aller plus loin : Le quartier malléable Une expérimentation en situation de la proposition d'optimiser l'usage des bâtiments privés et publics en les ouvrant à de nouvelles formes de partage. Le 1% sociabilité Développer des outils du vivre ensemble et de la sociabilité du voisinage grâce à un nouveau cadre législatif. La conciergerie glocale Développer le partage hyperlocal en expérimentant un service de conciergerie qui propose une multiplicité d’offres collaboratives, et explorer le seuil de rentabilité, ce qui fonctionne ensemble ou pas, les usages croisés, etc.

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II. ShaREvolution - La démarche

ShaREvolution, une expédition de la Fing et OuiShare En 2014, la Fing et OuiShare ont lancé ShaREvolution, un programme d’étude collectif d’un an autour de la consommation collaborative. ShaREvolution visait à explorer le sujet de façon transverse, en proposant :

● Une lecture du paysage de l’offre et des modèles économiques (partie ● Une analyse des usages, motivations et freins du côté des usagers ● L’identification des tensions, questions et controverses au cœur du sujet

Une grande question au coeur de l’expédition : La consommation collaborative a-t-elle vocation à rester marché de niche et un effet de mode, ou à devenir un nouveau paradigme économique ? Démarche et production de l’expédition ShaREvolution

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III. Cartographie de l’offre de la consommation collaborative

ShaREvolution a permis de dresser un tableau de la consommation collaborative aujourd’hui. Ce travail dessine un paysage très hétérogène, dans lequel se trouvent des modèles économiques, des secteurs, des trajectoires très divers. Nous nous sommes appuyés sur la définition souvent utilisée par Rachel Bostman, tout en prenant quelques hypothèses propres, plus à même de décrire le paysage des acteurs présents en France.

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Nous avons distingués 4 modèles au sein du paysage de la consommation collaborative :

La synthèse de la cartographie est disponible en ligne 1. Retrouvez le reste de l’étude en annexe.

1 Retrouvez la cartographie : http://fr.slideshare.net/slidesharefing/sharevolution-cartographie-de-loffre-de-la?qid=f37f35c0-23cd-4069-bd5a-853a4d95988f&v=qf1&b=&from_search=2

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IV. Résultats de l’enquête “Je partage ! Et vous ?”

Dans le cadre de l’expédition ShaREvolution, portée par la Fing et OuiShare, nous avons souhaité mener une enquête auprès de consommateurs collaboratifs, afin de comprendre leurs motivations, leurs pratiques, leurs trajectoires dans la consommation collaborative.

« Je partage ! Et vous ? » a été menée en ligne, entre l’été et le début de l’automne 2014, grâce au relais des partenaires de l’expédition et de plateformes de la consommation collaborative auprès de leurs usagers .

Elle a touché 2150 usagers de la consommation collaborative. Nous n’avons pas cherché, avec cet « échantillon » de répondants, à avoir un échantillon représentatif de la population française, ni des consommateurs collaboratifs. Il présente par conséquent un certain nombre de spécificités, dues aux biais de recrutement : sur-représentation des cadres, des urbains…

Précisions méthodologiques Cette enquête ne nous permet pas de dire : ● quelle est la proportion de personnes pratiquant la consommation collaborative dans la

société : nous nous sommes intéressés uniquement aux consommateurs collaboratifs et non à la population française.

● quelle est la composition socio-démographique exacte des consommateurs collaboratifs ; du fait de la non-représentativité de l’échantillon, certaines catégories de populations y sont sur-représentés, d’autres sous-représentées. Nous ne pouvons donc pas dire « 30% de telle CSP » pratiquent la consommation collaborative, ni « 45% des consommateurs collaboratifs sont des urbains ». Nous pouvons surtout en tirer des intuitions, qui pourront être confirmées par une enquête représentative.

● quel est le poids économique des pratiques de consommation collaborative. Elle nous permet par contre de : ● D’identifier des profils types de consommateurs collaboratifs : engagés, opportunistes,

pragmatiques, sceptiques ● D’analyser les caractéristiques des usagers des différentes pratiques : qui sont

globalement les covoitureurs, qui est sur-représenté parmi les utilisateurs de l’hébergement entre particulier, qui est sous-représenté,…

● De repérer et d’analyser les usages fortement pratiqués par une tranche générationnelle, une CSP particulière, par les urbains,…

● De décrire les caractéristiques des pratiques des répondants (mais pas, encore une fois, des consommateurs collaboratifs dans leur intégralité)

● De révéler la diversité des « pratiquants » de la consommation collaborative, mais aussi de cerner un profil type « sur-représenté » du consommateur collaboratif ;

● D’identifier un certain nombre de corrélations entre des caractéristiques et des pratiques ;

● De répondre à un certain nombre d’idées reçues sur la consommation collaborative. Les premiers résultats de cette enquête, menée auprès de consommateurs collaboratifs, sont en ligne2. Ce livrable a été produit en collaboration avec les designers du Collectif Bam.

Retrouvez aussi le rapport plus détaillé en annexe de ce rapport.

2 Consultez les résultats de l’étude en ligne : http://fr.slideshare.net/slidesharefing/je-partage-et-vous et en HD : http://doc.openfing.org/Sharevolution/enquetedataviz-2602-VF.pdf

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Quelques enseignements clés

● Il n’y a pas 1 consommateur collaboratif : les pratiques et les motivations de la consommation collaborative sont diverses. Certaines personnes n’ont qu’une pratique, alors que d’autres les cumulent.

● Certaines pratiques sont plus typées que d’autres : le covoiturage, par exemple, est une pratique privilégiée par les jeunes, qui sont en tension sur leur budget. D’autres pratiques sont moins typées, et l’on va y trouver une mixité et une diversité de profils générationnels, socio-démographiques, … : c’est par exemple le cas de l’achat/vente d’objets entre particuliers, ou même de location d’appartement entre particuliers, du côté “voyageur”.

● Si l’on devait retenir un profil plus fortement collaboratif, il s’agirait des urbains de 25-34 ans : ils pratiquent davantage, et concilient souvent plusieurs pratiques.

● Les motivations principales des répondants, au coude à coude, sont la recherche de sens (consommer plus durable, éthique, rencontrer des gens,…) et la motivation économique (faire des économies, avoir un revenu complémentaire).

● L’impact des pratiques sur le porte-monnaie des répondants reste modeste. 69% des répondants affirment gagner tout au plus 30€ par mois grâce à leurs pratiques.

● Les répondants sont beaucoup plus du côté de l’usage des biens et du côté de la demande que du côté de l’offre, qu’il s’agisse de covoiturage, location de logement ou de véhicules, entre particuliers,...

● On observe peu de trajectoires de sortie de la consommation collaborative, même après une expérience décevante (65% des individus ayant eu une mauvaise expérience n’ont rien changé ! ).

● Les répondants sont plutôt confiants quant à la place qu’est amenée à occuper la consommation collaborative à l’avenir .

● Le “multipratiquant” type a entre 25 et 34 ans, il est plutôt urbain, ayant une profession intermédiaire ou superieure (cadres, professions libérales,...), mais pas des revenus très importants (les personnes gagnant moins de 2500 € par mois y sont sur-représentées ). Il est plutôt confiant dans la place qu’est amenée à occuper la consommation collaborative

● Certaines pratiques sont très “typées” : ○ Le passager-type du covoiturage est un jeune entre 18 et 34 ans , qui a de

faibles revenus (voire encore étudiant), plutôt urbain, très connecté. ○ L’hôte-type (tantôt voyageur, tantôt hébergeur) des pratiques de location de

services entre particuliers est un jeune entre 25 et 34 ans, sans enfant, locataire, très connecté.

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V. Les territoires d’innovation, 6 sujets de la consommation

collaborative

La consommation collaborative est régulièrement présente dans les média, en raison des conflits entre les acteurs traditionnels et les acteurs collaboratifs, des enjeux de régulation, etc. Ce n’est qu’un aspect des enjeux qui entourent la consommation collaborative. Six grands sujets ont été abordés au cours de l’expédition ShaREvolution, dépassant les questions de régulation pour s’intéresser à ceux qui ont ces pratiques, aux paysages et aux modèles économiques, aux enjeux de ces pratiques pour les territoires, etc.

I. Les consommateurs collaboratifs sont-ils des consommateurs comme les autres ?

L’expérience collaborative, entre recherche de sens et motivations économiques Pouvoir consommer autrement est la principale promesse de la consommation collaborative. Dès 2012, une étude de l’Obsoco sur les pratiques de consommation émergente révélait une aspiration à “mieux consommer” : acheter des produits qui durent plus longtemps, respectueux de l’environnement,... Dans le cas de la consommation collaborative, “retrouver du sens” peut signifier rencontrer d’autres consommateurs/offreurs, échanger ou partager avec une personne plutôt qu’une organisation, pouvoir s’organiser collectivement pour bénéficier de produits et de services plus intéressants (de meilleure qualité, de proximité,...) ou à moindre coût. L’enquête “Je partage ! Et vous ?3”, menée dans le cadre de ShaREvolution auprès de 2150 consommateurs collaboratifs, révèle d’ailleurs l’importance de cette motivation dans les choix de consommation. Dans le même temps, un certain nombre d’initiatives alternatives, locales, parfois moins numériques que les grandes plateformes médiatisées de la consommation collaborative, suscitent un fort engouement, ou tout du moins attirent l’attention en se développant : ressourceries, circuits courts collaboratifs (des Amaps aux Ruches qui (disent) oui !), supermarchés coopératifs (à l’image du Park Slope Food Coop, le People Supermarket à Londres, et bientôt La Louve à Paris…) Mais la réalité des motivations des “consommateurs collaboratifs” n’est pas si évidente. Recherche de sens et motivations économiques (faire des économies, ou toucher un revenu supplémentaire) sont au coude à coude, et bien souvent, même les individus “recherchant du sens” citent aussi l’aspect économique. Mieux consommer, oui, mais si cela fait économiser ou gagner de l’argent, c’est encore mieux... D’autres, moins nombreux, déclarent s’être tournés vers ces pratiques collaboratives pour leur caractère pratique : se déplacer en l’absence de transports publics,...

3 Voir les résultats de l’enquête “Je partage ! Et vous ?”, ShaREvolution, 2015

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L’importance de la motivation économique permet de douter des spécificités de la consommation collaborative : vont-elles perdurer à mesure que se développera ce mode de consommation, qu’il s’étendra à de nouveaux publics, ou au contraire s’étioler ? La qualité de service des plateformes augmente - à la fois pour répondre aux attentes des usagers et pour conquérir de nouveaux marchés - avec l’instauration de cadres de confiance, d’un ensemble de services,... mais cela se fait parfois au détriment du contact direct et du lien social. C’est ce que reprochent notamment aux grandes plateformes de la consommation collaborative certains utilisateurs de la première heure, qui n’apprécient pas leur évolution. Comment, dans ce contexte, éviter la dilution de l’expérience collaborative à mesure que les modèles se développent, tout en répondant aux attentes de ces consommateurs collaboratifs divers ?

Nouveaux contributeurs, nouveaux travailleurs Ces nouvelles pratiques de consommation collaborative brouillent aussi de façon inédite les frontières entre consommateurs, producteurs et fournisseurs de service. Elles offrent de nouvelles possibilités de valoriser des ressources matérielles ou immatérielles (mes compétences, mes services…) ; elles promettent aussi une émancipation nouvelle pour ceux qui les perçoivent comme de nouvelles formes de travail : elles sont tantôt la perspective d’obtenir un revenu complémentaire, tantôt celle de devenir “entrepreneur de soi-même”. De nouvelles formes d’activités émergent, lorsqu’un supermarché coopératif invite ses membres à 2h de bénévolat par mois en échange de l’accès à ses services ; en ligne, c’est le “Digital Labor”, qui va au-delà du seul collaboratif, qui se développe, invitant les utilisateurs des plateformes à contribuer aux services de différentes façons. Mais ce paysage fait aussi émerger de nouvelles incertitudes : nombreuses sont les activités en “zone grise” réglementaire, voire dans l’illégalité. Le cadre juridico-légal ne s’est pas à ce jour adapté à ces pratiques collaboratives. De nouvelles précarités pourraient voir le jour : des travailleurs pauvres monétisant toutes leurs ressources, cumulant les activités, ne bénéficiant pas de garanties ni de protections sociales ? Si de plus en plus de personnes se tournent vers la consommation collaborative, comment s’assurer que l’engagement en tant “qu’offreur” sur ces plateformes soit un engagement choisi et non pas subi, dans une situation de dépendance totale des plateformes ? Et quel cadre juridique, technique, légal adéquat pour ces pratiques ?

II. Un paysage de l’offre collaborative en dévelopement

La disruption collaborative La consommation collaborative vient bousculer un certain nombre de secteurs et d’acteurs existants. La mobilité est un des secteurs les plus touchés : sur les longues distances, elle a connu l’explosion du covoiturage, avec le développement notamment de BlaBlaCar. Sur les courtes distances, des modèles à la lisière du collaboratif - Uber,

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qui propose à la fois des services de VTC traditionnels et du “covoiturage” courte distance non professionnel - viennent changer les cartes, au point de susciter l’ire des acteurs installés, les taxis en tête. Le tourisme est transformé par la possibilité d’héberger des gens dans son propre appartement, via des services de location d’appartements entre particuliers ou d’échange de maison. D’autres secteurs commencent à être concernés, alors que certains observateurs4 annoncent une extension dans tous les secteurs de notre quotidien. Comprendre les transformations, et les raisons de la diffusion du collaboratif dans certains secteurs est essentiel pour anticiper les mutations de demain. L’irruption de ces modèles distribués dans l’économie traditionnelle est d’ores et déjà vectrice de résistances du côté des acteurs traditionnels. Certains, comme les taxis, défendent leurs avantages, en tentant de bloquer les nouveaux entrants. Du côté des grandes entreprises, plusieurs stratégies sont adoptées. Certaines, comme la SNCF, lancent leur propre offre collaborative (IDVroom). D’autres - comme la Maïf - se positionnent soit en accompagnateurs des pratiques, soit en nouveaux partenaires pour les acteurs collaboratifs. Comment mieux dépasser les situations de stricte concurrence et construire des formes plus complémentaires ? Comment, pour les acteurs de l’économie traditionnelle, se réinventer ?

Quelles évolutions du paysage de l’offre En réalité, le paysage de l’offre collaborative lui-même est extrêmement hétérogène5. Des services marchands cohabitent avec du non-marchand, des gros acteurs avec de petites initiatives, des services très locaux avec des services dé-territorialisés, dans des secteurs divers… C’est aussi un paysage qui se transforme : les grandes plateformes de services sont perçues comme se rapprochant de plus en plus de l’économie “on-demand”, alors que certaines initiatives revendiquent leur positionnement de proximité, de création du lien social. La mortalité des startups est importante. Certains gros acteurs cherchent à se diversifier, comme Airbnb qui tente de s’ouvrir au tourisme d’affaire. Autour des acteurs collaboratifs, émergent des écosystèmes de services et de fonctions supports, visant à enrichir la proposition de valeur : conciergeries, tiers de confiance,... Comment comprendre ce paysage ? Quelles sont les caractéristiques du passage à l’échelle des modèles collaboratifs ? Présentent-ils de nouveaux modèles économiques ? Et comment s’assurer que cet écosystème reste ouvert et en mouvement, plutôt qu’il ne se fige autour de monopoles ?

4 Jeremiah Owyang, http://www.web-strategist.com/blog/2014/12/07/collaborative-economy-honeycomb-2-watch-it-grow/ 5 Voir la cartographie des acteurs de la consommation collaborative, ShaREvolution, 2015

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III. La promesse de valeur collective et sociale de la consommation collaborative, une réalité ? A ses débuts, la consommation collaborative offrait de véritables promesses de valeur collective, sociale, environnementale… l’occasion de réduire la pollution et le nombre de véhicules sur les routes pour le covoiturage, de rallonger la durée de vie des produits, de recréer du lien social… Il est certain que ce mode de consommation ne génère pas uniquement de la valeur économique ; les formes de consommation “porteuses de sens”, proches de l’ESS, telles que les Amaps, les SELs, les réseaux sociaux de proximité en sont quelques exemples. Mais peut-on pour autant réellement attendre du collaboratif qu’il réponde à des enjeux sociaux, environnementaux,...? Les promesses initiales peinent à être tenues : beaucoup de modèles de la consommation collaborative sont finalement relativement traditionnels, dans leur mode de financement, dans leur trajectoire de développement… suscitant de vives critiques quant à leur concentration de la valeur. La valeur collective ou sociale n’est souvent que secondaire… La focalisation sur la seule valeur économique est aussi un travers dans lequel tombent souvent les acteurs publics, territoriaux ou nationaux, lorsqu’ils se demandent comment tel service générera de valeur sur le territoire. Le potentiel environnemental de la consommation collaborative est bien réel…. mais ne pourra être pleinement exploité que si certaines conditions sont réunies, comme le note l’Iddri6. Y a-t-il des modèles réellement alternatifs dans la consommation collaborative ? Comment répondre aux promesses initiales ? Doit-on mesurer pour mieux valoriser la valeur non-économique de la consommation collaborative ? IV. Quelles transformations et enjeux pour les territoires ? Un sujet d’intérêt et de méfiance pour les acteurs publics Encore peu présente à l’esprit des acteurs publics territoriaux, la consommation collaborative commence néanmoins à susciter leur intérêt, autant que leur méfiance7. Alors que certains rejettent les modèles collaboratifs (Berlin ou Paris interdisant UberPop en raison de la concurrence déloyale ), d’autres engagent des partenariats pragmatiques, à l’image d’Amsterdam autorisant Airbnb sous certaines conditions, ou encore de San Francisco mettant en place un partenariat avec la plateforme pour la collecte de la taxe hôtelière. D’autres enfin adoptent de véritables stratégies, comme Séoul, qui se déclare “Sharing City”, en développant le soutien aux startups, aux pratiques, en développant ses propres plateformes de transport… L’acculturation des acteurs publics à ces nouvelles pratiques reste en grande partie à faire, pour leur permettre de saisir les opportunités et les risques qu’elles représentent pour les territoires :

6 Économie du partage : enjeux et opportunités pour la transition écologique, Damien Demailly (Iddri), Anne-Sophie Novel, 2014, http://www.iddri.org/Evenements/Interventions/ST0314_DD%20ASN_eco%20partage.pdf 7 Villes et territoires en partage -L’économie collaborative au service des territoires, La Fabrique Ecologique, 2014http://media.wix.com/ugd/ba2e19_d6720e44e1904db9a4c13d24e3f9c886.pdf

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développement local, cohésion sociale, développement durable, création de valeur et d’emplois d’un côté, services différenciés, concurrence déloyale et dérégulation de l’autre… Pourtant, la consommation collaborative a déjà commencé à transformer les territoires : de nouveaux lieux collaboratifs (dédiés au travail, à la production, aux projets divers et variés,...) voient le jour, de nouvelles dynamiques territoriales émergent. Des aménagements sont déjà prévus pour les pratiques collaboratives (lignes et aires de covoiturage,...), et ces nouvelles pratiques pourraient tout à fait faire émerger de nouveaux flux, de nouvelles centralités touristiques.. Comment amener les acteurs publics à comprendre la consommation collaborative, et à adopter un positionnement clair ? Comment leur permettre de veiller aux dynamiques émergentes, de comprendre quels projets soutenir et comment ? Quel est le potentiel de transformation des territoires par la conso collab ? Et peut-on concevoir des territoires pour la consommation collaborative, bienveillants face à ces pratiques émergentes ?

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VI. Zoom : la consommation collaborative, un réel

potentiel pour l’environnement ?

ShaREvolution proposait de se pencher sur les potentialités de la consommation collaborative pour l’environnement. Un travail de veille et un atelier ont montré que le sujet était loin d’être évident. Une des études les plus complètes sur le sujet est celle de Damien Demailly et Anne-Sophie Novel, Economie du partage : enjeux et opportunités pour la transition écologique (Iddri, 2014). Si le potentiel en terme d’écologie que possède la consommation collaborative n’est pour les auteurs pas contestable, l’intérêt de cette étude est d’essayer de voir comment transformer ce potentiel en durabilité. Comment rendre la consommation collaborative vraiment durable ? Il est rappelé que la promesse environnementale est souvent mise en avant par les inventeurs du concept de l’économie du partage, parfois par les entrepreneurs des plateformes. Pour Damien Demailly, il est temps de passer d’un argument de durabilité à un objectif de durabilité. De la même façon, les territoires pro-actifs sur la thématique de l’économie du partage, qui misent pour l’instant davantage sur les opportunités en termes de dynamisme économique, doivent se positionner sur les enjeux environnementaux. Des pratiques aux impacts environnementaux variables Les auteurs se sont centrés dans leur étude sur les questions de réemploi, mutualisation et mobilité partagé, et donc sur les pratiques liées à l’excess capacity et au cycle de vie des objets. Si l’on veut mesurer l’impact écologique de ces pratiques collaboratives, il est important de s’intéresser à leurs potentialités, qui dépendent de chaque pratique. Concernant la mobilité partagée, il faut par exemple distinguer le covoiturage “domicile-travail” et le covoiturage occasionnel. Sur une autre pratique, un auto-partageur va diminuer de moitié la distance parcourue en voiture individuelle, au bénéfice des transports en commun, car on observe qu’on utilise différemment un objet partagé d’un bien personnel. En somme, la consommation collaborative peut être durable… sous conditions. La durabilité de la consommation collaborative dépend pour Damien Demailly en grande partie de la qualité des objets. En effet, si le fait de partager ma perceuse a pour conséquence une détérioration plus rapide de l’objet et un rachat dans la foulée, le bilan environnemental n’est alors pas satisfaisant. Il est donc important d’encourager la création d’objets pensés et designés pour le partage, robustes et facilement réparables, dont l’usage prime sur la possession. Pour l’auteur de l’étude, si la qualité des biens partagés est primordiale, ce sont bien les comportements de consommation qui détermineront in-fine la durabilité du tout… les modes de consommation étant en effet liés aux différents services. L’exemple des “fashionistas” d’Ebay illustre bien ce paradoxe. Le fait d’avoir accès à des biens d’occasion moins chers, permet-il de mieux consommer ou de consommer davantage ? De la même façon, la baisse du besoin / de l’envie de posséder dépend sans doute des objets. Si l’on exprime aujourd’hui moins le souhait de posséder la dernière voiture à la mode, ce n’est pas forcément le cas pour le dernier téléphone portable.

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L’épineuse question de l’effet rebond a été l’occasion d’un long débat entre les participants d’un atelier organisé en septembre 2014. S’il semble bien difficile à mesurer et à éviter, dépassant largement le seul cadre de la consommation collaborative, il faut, selon Damien Demailly distinguer l’effet rebond local et global. L’effet de substitution est plus facilement repérable au niveau local, et c’est donc à cette échelle que l’on peut trouver des règlementations ou des incitations pour éviter les externalités environnementales négatives. Trois grands leviers ont été repérés durant cette étude et à travers les échanges :

• Travailler la qualité des biens partagés (durable, recyclable, manufacturé) • Améliorer la logistique (nécessite une meilleure optimisation du transport de biens) • Diminuer l’effet rebond / modes de consommation (différencier l’effet rebond local (je

voyage plus localement) / global (utiliser ailleurs), on peut trouver des réponses à l’échelle locale, mais l’effet rebond global dépasse la simple consommation collaborative)

S’atteler à des défis environnementaux Une réflexion a été menée sur plusieurs défis et enjeux environnementaux, à partir d’exemples réels de services et plateformes. L'effet rebond est un véritable enjeu pour la consommation collaborative, mais il ne lui est pas pour autant propre. Dans tous les cas, sa réduction ira de pair avec une évolution des comportements, et donc une sensibilisation aux enjeux environnementaux. Pour certains services, l'effet rebond est important, et l'on peut seulement tenter de le minimiser. C'est le cas avec Airbnb, qui peut permettre aux gens de voyager plus compte tenu d'un prix plus bas... et de prendre plus souvent l'avion. Diminuer cet effet rebond pourrait passer par une articulation maligne avec d’autres services locaux de la conso collaborative, notamment sur les transports pour se rendre à sa location. Mais il faudrait qu'AirBnb soit proactif sur le sujet, à minima en intégrant de l’information sur son application, en se branchant sur des systèmes d’évaluation CO2 (dont celui de l’ADEME), afin d’informer les utilisateurs des différents modes de transport à disposition pour se rendre sur place, et les émissions correspondantes. Et en allant plus loin, en mettant en place de véritables incitations (primes sous forme de bonds, etc.). Des hôtes pourraient aussi être mis en avant lorsqu’ils sont “durables”. Pour d'autres services, l’effet rebond est différent. Par exemple, pour des services de covoiturage tels BlaBlaCar, l'effet rebond principal consiste en la hausse des déplacements en voiture ; mais il pourrait aussi, à l'instar d'Airbnb, s’agir d’un gain de pouvoir d’achat qui sera réaffecté sur d’autres postes moins éco-friendly. Pour qu'il soit plus "durable", un tel service pourrait être couplé avec d’autres services liés aux déplacements de longue distance , afin de mettre en oeuvre une intermodalité moins polluante (un moteur de recherche qui propose de faire un bout du trajet avec Blablacar, un bout avec des vélos partagés, etc….). C'est aussi du côté des véhicules eux-mêmes que pourrait se trouver la solution... si la plateforme accordait des primes, sous forme de bonds, etc. aux conducteurs moins pollueurs (tout en évitant la forme monétaire sur ces primes, afin d’éviter que le gain ne se reporte trop sur d’autres biens ou services peu durables). Le remplissage des véhicules est lui aussi à regarder ; des tarifs

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degressifs en fonction du remplissage par exemple, pourraient être imaginés, incitant à remplir les véhicules. Les services collaboratifs n'ont pas toujours d’effet rebond visible : la Ruche qui dit Oui ! par exemple (ou à plus forte raison les Amaps) engagent des consommateurs souvent déjà sensibilisés aux problématiques du “consommer local et de saison”. Il existe cependant sans doute un effet rebond induit, à rechercher du côté du gaspillage de produits que l'on ne sait/ne veut pas cuisiner. Peut-être plus anecdotiques, les solutions pourraient être à chercher du côté d'une sensibilisation à l'utilisation des produits, mais aussi du côté d'une logistique plus durable (on sait que le bilan environnemental des circuits courts n'est pas toujours positif en ce qui concerne la logistique). Maintenir ou accroître la biodiversité Ce défi n'est pas le plus simple à résoudre via la consommation collaborative. Certains services peuvent néanmoins contribuer à y répondre. C'est le cas des services type Amap ou Ruche qui dit Oui ! , à condition :

• Que les produits soient bios et issus de cultures privilégiant des méthodes de renouvellement des sols écologiques

• De ne pas utiliser pour les récoltes des terres types forêts, jachères : déterminer les espaces à cultiver et à ne pas cultiver

• Que les consommateurs en sachent plus sur les origines des produits, du type d’espace où ils ont été récoltés.

• Que des partenariats entre botanistes et agriculteurs soient mis en place pour pousser vers des modes de culture plus respectueux de la biodiversité, éventuellement en s'appuyant sur des capteurs.

Optimiser le cycle de vie des produits Diminuer les impacts environnementaux négatifs liés au cycle de vie des produits est un véritable enjeu, auquel la consommation collaborative se propose souvent de répondre en privilégiant l'usage sur la propriété, et en favorisant le recyclage, la réparation, etc. dans certains de ses modèles. Mais bien évidemment, cela dépend du service auquel on s'intéresse... Peerby, qui favorise le prêt de biens de proximité est de ce point-là assez vertueux, à condition que les objets soient durables et peu "usables", robustes, réparables... (ce qui suppose aussi de penser dans le même temps des lieux pour réparer). Il faudrait aussi, pour qu'il réponde pleinement à ce défi :

• Rendre les biens recyclables ou permettre à d’autres de le faire en fin d'usage. Par exemple établir des passerelles avec des associations de recyclage comme Emmaus.

• Bannir les objets “energivores” de la plateforme. Par exemple, pouvoir afficher le prix et la consommation d’énergie ainsi que les coûts de transport pour accéder aux biens.A terme penser dès la conception des objets pour la réparabilité, pour qu’ils durent longtemps; cela implique de pouvoir ouvrir les objets, d’avoir accès à sa documentation mais également à tous les informations autour de l’objet (cf la Piste "aura numérique des objets", du programme ReFaire de la Fing).

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“Optimiser le cycle de vie des objets” demande aussi de s’atteler à des défis pédagogiques : sensibiliser les utlisateurs à l’environnement, à la consommation d’énergier mais également former les gens à la réparation plutôt que de recycler (cf. manifeste de makers “stop recycling, repair it”). Si l'on s'intéresse à un autre type de service, Instacart, l’optimisation du cycle de vie des objets dans ce cas concerne l’optimisation du transport, de la logistique, etc. Et donc la réponse au défi du cycle de vie des objets pourrait passer par une mutualisation des courses, un élargissement des livraisons à domicile de ses courses à la reprise d'objets à réparer ou à recycler, etc. En somme, il est difficile de dire si la consommation collaborative a un impact environnemental réduit par rapport à une forme de consommation plus traditionnelle. La réponse est plus nuancée : elle peut répondre à des enjeux environnementaux, sous certaines conditions, et selon certains services. La piste d’innovation sur les « objets conçus pour le partage » y répond en partie. Mais le sujet mériterait une étude plus poussée, qui s’intéresserait en détail à plusieurs services et aux pratiques de leurs usagers (effets rebonds, report du pouvoir d’achat, etc.).

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VII. Les pistes d’innovation

Piste 1 : Vers des objets conçus pour le partage Dans le contexte actuel de crise et en particulier de la remise en cause de la consommation de masse, notre rapport aux biens évolue. Continuerons-nous de posséder tous nos biens ou entrons-nous dans l’ère du partage, qui nous permet d’utiliser sans forcément posséder ? Est-ce que demain, les objets seront utilisés différemment, voire même davantage utilisés, parce que partagés ? À l'heure de la consommation collaborative, on ne possède plus systématiquement un objet : on en fait usage ou, si on le possède, on le partage avec d’autres... Dans ce contexte, est-ce que les objets sont amenés à se transformer ? Doit-on penser, concevoir, fabriquer des objets pour le partage ? Ces objets ont-ils des caractéristiques différentes des autres objets ? La question de leur “partageablité” a-t-elle un impact sur leur cycle de vie, leur durabilité environnementale, leur design ? Les biens utilisés plus fréquemment s'abîmeront-ils plus vite, arriveront-ils plus vite en fin de vie… ? Comment les réadapter en réponse à ces enjeux ?... Autant d'enjeux qui viennent renforcer l'urgence de la question de la conception de la partageabilité des objets.

Que partage-t-on dans la consommation collaborative ?

De quels objets parle-t-on ? Les acteurs de la consommation collaborative utilisent souvent le terme de “partage” (ou “sharing”) pour décrire des pratiques d’échanges de biens entre des particuliers, qu’il s’agisse de la vente et revente, de la location, du prêt gratuit ou du don. Les échanges marchands et non marchands entrent donc dans le champ du partage tel que défini par ces acteurs, bien que cela reste un sujet de débat8 : si les Anglo-saxons parlent de “Sharing economy”, nous utilisons plus volontiers le terme de consommation collaborative. La longue liste de services de la consommation collaborative existants ou ayant existé laisse penser que l’on peut finalement tout partager9... Outre les services (partage de repas, échanges de compétences,…) qui sont un pan un peu particulier du secteur, la consommation collaborative concerne des objets loués, prêtés, 8 http://www.slate.fr/economie/81817/economie-du-partage-nexiste-pas 9 http://crowdcompanies.com/blog/collaborative-economy-honeycomb-2-watch-it-grow/

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échangés, donnés. Des objets du quotidien dont on ne se sert pas tous les jours notamment, dont le partage vise à augmenter le taux d'usage et à exploiter la “capacité excédentaire” : l’appareil à raclette, l'escabeau, le robot mixeur, la tondeuse à gazon, la machine à laver, des objets de luxe (les robes de soirée qu’on ne peut pas s’offrir,...), la chaise en plus pour un repas, une fête,... la voiture,... On y trouve aussi des objets “saisonniers” comme la tente, le sac à dos, les skis... On partage aussi des espaces, et par là même parfois une expérience : la place du passager dans la voiture (covoiturage), des bureaux en partage, le canapé lit (couchsurfing) ou la chambre, l’appartement, la maison (Airbnb). Quels sont les modes de partage dans la consommation collaborative ? À cette liste d’objets en partage correspondent des formes de partage spécifiques :

● Le partage pair à pair : les gens louent, vendent, échangent, donnent à d’autres individus. Il s’agit d’une première forme de partage : le partage de biens (prêt, location, donc) entre individus (échange de pairs à pairs) par l'intermédiaire d'une plateforme ou directement. Le bien est partagé entre le possédant et les usagers.

● Partage d’un service, d’un usage comme le covoiturage ou Uberpop. C’est non seulement un usage partagé de la voiture ou de la mobilité, mais c’est également une expérience que l’on partage avec d’autres individus

● Partage au sein d’une communauté : les individus se regroupent pour acheter ensemble, qu’il s’agisse de négocier des tarifs avantageux ou de partager le bien acheté. Le partage consiste en une mutualisation d’un ou plusieurs biens au sein d’une communauté. L’achat groupé d’une machine à laver, d'une voiture, l’habitat participatif (qui a ses spécificités, puisque même la conception est pensée avec la communauté), les Amaps, La ruche qui dit oui! en sont quelques exemples. Dans l’habitat participatif par exemple, c’est un groupe d’habitants qui construit le projet, puis participe à la gouvernance, à la construction et à la gestion au quotidien d'espaces privés et mutualisés.

● A la périphérie de la consommation collaborative, alors que des formes de partage de contenus dématérialisés existent depuis des années (P2P, torrent,...), il est désormais également possible d’imaginer le prêt ou l'échange de services dématérialisés, à l'image du partage d'un compte Netflix ou Spotify ou autre entre plusieurs utilisateurs. En somme, une forme d'achat groupé dédiée aux services numériques. Spotify a par exemple récemment lancé son offre “Spotify Family”, destinée aux familles, mais permettant également un partage entre proches hors du cercle familial.

Cette rapide typologie permet de distinguer plusieurs modes de partage : le partage de pair à pair (le prêt, la location, le don), le partage serviciel, le partage-communauté.

Les limites du partage de biens Si ces biens “circulent” entre les individus, y a-t-il des limites au partage des objets aujourd’hui ? Et si oui, quelles sont-elles ? Est-il difficile de les partager parce qu'ils ne sont pas conçus pour

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le partage ?Identifier ces freins permettra-t-il de les intégrer dans la conception d’objets en partage et/ ou de les dépasser ?

● Le rapport intime aux objets Nous entretenons un rapport aux objets parfois intime ou affectif qui limite le partage. C’est le cas notamment d’objets personnels, mais c’est aussi vrai pour le partage d’espaces ou de services. Le caractère intime ou personnel est-il un frein au partage ? Si c'est effectivement généralement plutôt le cas, que penser des pratiques - certes encore marginales - de partage de comptes de services web (Instagram par exemple) ou du partage de smartphones entre plusieurs personnes (l’application “Hotel my phone”) ? Cette question de la limite du partage liée à l'intime est-elle à réinterroger ? Faut-il des espaces privatifs pour faciliter le partage comme les casiers de bureau personnels dans les espaces de coworking ou dans les appartements qu’on loue sur Airbnb ? Dans la conception d’objets partageables dématérialisés, il est possible de prendre en compte et de gérer le partage entre plusieurs usagers. Netflix propose une fonctionnalité permettant de gérer plusieurs utilisateurs d’un même compte ; le système est capable d’identifier quel membre de la famille l’utilise et de faire des recommandations différenciées sous un même compte. Amazon, iTunes proposent aujourd’hui cette fonctionnalité de partage familial. À leur image, la conception d’un objet partageable (matérialisé ou non) devrait donc prendre en compte cette intimité ou permettre de la dépasser.

● Les frictions Les plateformes développent toute une panoplie de services et applications dédiées pour réduire les frictions liées au partage:

- L’évaluation de pair à pair : toutes les plateformes proposent une évaluation de leurs usagers. La start-up Zenweshare propose d’agréger les évaluations sous un même profil et de permettre une portabilité vers toutes les plateformes, afin de faciliter “l’entrée” sur un nouveau service. Autre exemple de réduction des frictions et de qualité du service, Uber propose des boutons d’alerte en cas de problème avec le conducteur (appel des forces de l’ordre en cas d’incident avec le chauffeur,transmission de sa position en temps réel à ses proches).

- La praticité du service de partage : l’un des principaux freins révélés par l’enquête ShaREvolution est le temps consacré au partage d’objet (recherche, mise en ligne de l’objet, acquisition, restitution). On pourrait y ajouter le temps passé à gérer la relation, à maintenir le bien en “état” pour le louer, le partager. Plusieurs fonctionnalités sont développées par les plateformes pour réduire le temps consacré. Koolicar, service d’autopartage, propose un boîtier koolbox qui rend le service encore plus pratique et “lisse” l’usage sans avoir besoin de se rencontrer ; Lockintron propose un bouton depuis votre smartphone pour ouvrir et fermer la maison.

- La question de l’assurance des objets partageables se pose dès lors que l’objet passe entre plusieurs mains. La plupart des offres de covoiturage notamment intègrent des modalités d'assurance spécifiques. Des assureurs comme la Maïf réfléchissent à

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assurer les objets partageables ; en cas de dégradation ou de perte, qui est responsable ?

Les plateformes déploient un certain nombre de fonctions qui augmentent l’intermédiation afin de réduire au maximum le risque d’une mauvaise expérience ainsi que les frictions entre usagers. Il y a là une tension forte, entre d’un côté réduire les frictions10 (en pensant “qualité du service”) et de l’autre vouloir créer du lien social (l’expérience collaborative). Quand les appartements loués sur AirBnb ressembleront à des hôtels, ça ne sera sans doute plus AirBnb11.

● L’obsolescence des objets L’obsolescence des objets est un autre facteur limitant le partage : au-delà de l’effet de mode bien sûr, le partage d’un objet est limité par sa durée de vie. Un objet partagé est a priori plus fréquemment utilisé, puisque l’une des dimensions du partage pair à pair est l’exploitation de la sous-utilisation des objets (“excess capacity”). L’étude “Economie du partage : enjeux et opportunités pour la transition écologique”, conduite par l’IDDRI, pointe l’enjeu de durabilité des objets partagés afin qu’ils ne s’usent pas plus rapidement, mais également qu’ils ne consomment pas plus de matériel. Est-ce à dire que les objets pour le partage seront plus durables ? A l'image de l'Increvable, cette machine à laver conçue par Julien Phedyaeff12. Pas forcément, par contre, comme le soulignent les auteurs de l’étude, il est possible de faire de l’économie du partage une économie durable, en mobilisant les acteurs publics, les entrepreneurs du partage et les consommateurs : “ Les pouvoirs publics doivent construire un cadre économique et réglementaire favorable aux modèles vertueux. Les initiatives naissantes permettant d’explorer de nouvelles pistes peuvent être soutenues via : une visibilité accrue, des financements et incubateurs, l’adaptation de certaines réglementations. Les entrepreneurs du partage doivent analyser leur bilan environnemental pour ensuite l’améliorer. Ils sont les mieux placés pour élaborer des solutions concrètes et user de leur pouvoir d’influence sur la production des biens pour les éco-concevoir et les recycler. Les usagers ont un rôle exacerbé dans le cas des modèles en pair-à-pair. L’impact environnemental dépend beaucoup du comportement des utilisateurs, des valeurs qui les animent. Les motivations actuelles des usagers sont d’abord le pouvoir d’achat, même si les considérations environnementales ne sont pas absentes.” Un autre modèle durable possible est celui proposé par l’économie de la fonctionnalité. Plus ancien, ce modèle permet aux industriels de gérer l’intégralité du cycle de vie de leurs objets : ils vendent ainsi l’usage de ces biens plutôt que les biens eux-mêmes. C’est l’exemple de l’entreprise d’impression Xerox, et plus récemment de modèles comme Autolib ou Velib. Aujourd’hui, ces modèles restent du B2C, proposant souvent davantage des “formules” de location à long terme plutôt que du court terme. A quoi ressemblerait le partage de biens mis en location par des industriels pour une courte durée ? Imaginons la possibilité de louer un robot- 10 http://alireailleurs.tumblr.com/post/89843872188/blablacar-a-t-il-tue-lesprit-du-covoiturage 11 http://rue89.nouvelobs.com/2015/02/15/airbnb-ressemble-plus-plus-a-chaine-dhotels-257717 12 http://www.liberation.fr/terre/2015/03/25/mon-lave-linge-et-moi-c-est-pour-la-vie_1228260

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mixeur ou du matériel de camping à de célèbres distributeurs, directement dans leur magasin, ou dans de nouveaux lieux dédiés… Un autre scénario “durable” possible pourrait être de lutter contre l’obsolescence en permettant la réparation, le tuning... beaucoup de lieux partagés se positionnent aujourd’hui sur ces enjeux de la réparation (cf. Fablabs, repair cafés,...). Le fait de réparer, d’améliorer des objets fait par ailleurs communauté, crée du lien.

● La communauté, le collectif autour du partage Il n’est pas toujours facile de s’accorder dans un collectif, une communauté ; l’expérience n’est pas toujours positive, surtout quand le partage ne se fait pas uniquement à un instant T, mais sur une longue durée. Cela pose la question de la gouvernance dans l’achat groupé ou dans des projets d’habitats participatifs. Le partage nécessite une organisation dédiée, avec des règles, une charte,...Les projets peuvent être fragilisés au départ d’un des porteurs. Quelles modalités de gouvernance sont mises en place, quelle est la place des utilisateurs ? Comment faciliter la vie du collectif ? Au-delà de la question de la gouvernance et des règles qui régissent la vie de la communauté, pourrait-on imaginer des critères “chauds” dans la gestion des collectifs, plutôt que des critères froids pointant le caractère excluant. Aujourd’hui, les critères de sélection sur les plateformes sont associés davantage à ce dont on ne veut pas (pas de fumeurs, pas d’animaux domestiques,...); des critères sur la base de ce qui nous éloigne plutôt que sur “faire communauté”. Comment pourrait-on valoriser la communauté, lui donner sens ?

Y-a-t-il une conception des objets partageables ? La plupart des objets que l'on partage ne sont pas conçus pour cela. Est-ce que cette absence de prise en compte de leur partageabilité nuit au développement du partage d’objets ? A l'inverse, est-ce que le fait de concevoir des objets pour le partage transforme les caractéristiques des objets ? La question est donc de savoir si oui ou non on conçoit de la même manière un grille-pain pour un usage personnel et un grille-pain pour qu'il soit partagé entre plusieurs utilisateurs hors du cercle familial ? Cette question nous conduit à vouloir regarder les spécificités des (rares) objets déjà conçus pour le partage à l'image de la voiture et du vélo en partage (Autolib, Vélov’...) ou de l'habitat participatif. Les spécificités des objets déjà conçus pour le partage Première spécificité : les usages du partage sont intégrés dès la conception de l’objet Dans l’habitat participatif, certains espaces sont conçus pour être partagés. Il y a des espaces polyvalents, pouvant remplir plusieurs fonctions (fêtes, projection cinéma, bibliothèque,...) ou

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des espaces mutualisés entre habitants (la chambre d’ami, la buanderie, la cuisine, le jardin). L’habitat participatif est un cas un peu particulier où les usages du partage sont pensés avec les usagers ; on parle de co-conception avec les usagers. Dans l’exemple des flottes de véhicules, la voiture est “augmentée” de modules permettant de gérer plus facilement le partage, le prêt, le retour : services en ligne ou physiques pour gérer le prêt, ajout de fonctionnalités physiques (bornes, plots…) mais aussi des services pour gérer la réservation à l’aller, la réservation à l’arrivée d’un emplacement, la possibilité d’être accompagné tout au long de son trajet et de rendre l’expérience la plus fluide et agréable au conducteur. L’objet n’est ici pas co-conçu, mais intègre bien dès sa conception les usages de partage à venir. Un objet partageable devrait donc intégrer dès sa conception les usages en partage : comment le partage s’organise, se déploie, s’entretient,... Un véhicule conçu pour le partage doit pouvoir être géolocalisé, on doit pouvoir savoir d’où il vient, où il va, qui s’en est servi avant moi,... La perceuse en partage devra, peut-être, être dotée d’une puce géolocalisée, pour la localiser, pour en faciliter la transmission entre usagers, etc. Il y a toute une série de données et informations associées à l’objet en partage (cf. l’aura numérique des objets13), qui lui confère une forme d’intelligence. On pourrait pousser un peu plus loin et imaginer une application où l’on pourrait voir les objets en partage, où ils sont, qui les a, quand ils seront disponibles, quand les réserver,... sur la même idée qu’un concept issu du programme MesInfos de la Fing : mesobjets. Cette intelligence autour de l’objet en partage n’est pas sans lien d’ailleurs avec le développement actuel du marché de l’internet des objets. Dans le cas du partage communautaire ou copropriétaire, des modes de gouvernance du partage existent. Par exemple, au sein du Village Vertical, coopérative d’habitants de Lyon, chaque habitant a une voix et la décision d’entrée ou de sortie de l’habitat participatif est prévue dans les statuts de la coopérative. Il se crée aujourd’hui des structures d’accompagnement des utilisateurs pour concevoir leur projet d’habitat participatif tant dans sa dimension de définition du projet et de choix de l’architecte que dans ses dimensions statutaires et de fonctionnement comme Coab.

Une perceuse en partage Est-ce qu'une perceuse en partage a les mêmes caractéristiques qu'une perceuse normale ? Est-ce que pour répondre à un usage démultiplié, la perceuse doit être dotée de capacités différentes ? Quelles sont les caractéristiques techniques qui permettent l'échange : a-t-elle des fonctionnalités lui permettant d'être localisée, prêtée, louée, rendue plus facilement ?

13 http://www.internetactu.net/2013/09/11/que-refaire-exploiter-laura-numerique-des-objets/comment-page-1/

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Depuis quelle plateforme sa capacité de partage est-elle accessible ?... On se rend compte que concevoir des objets pour le partage nécessite de concevoir les modalités de partage, qui sont des fonctionnalités propres. Le scénario de la perceuse qui dit oui, imaginé en atelier, permet par exemple d'imaginer un prêt de perceuse sous forme de dépôt dans des commerces, avec des objets qui se prêtent de manière très autonome et entièrement automatisée.

Seconde spécificité : des caractéristiques génériques telles que la robustesse, la sécurité, la fiabilité sont intégrées dès la conception de l’objet en partage. Dans les exemples de flottes de véhicules conçues pour le partage, la dimension fonctionnelle prime sur la forme. Ces objets apparaissent génériques, standardisés, peu personnalisés. Ils apparaissent plus robustes pour répondre à une durée maximale de l’usage, mais aussi pour être moins vulnérables à la dégradation. L’autre élément important à prendre en compte est la sécurité et la fiabilité autour de l’objet en partage. Cette sécurité s’exprime par exemple dans les matériaux utilisés, qui confèrent une stabilité dans le cas des vélos par exemple, ou via des équipements “standards” à joindre à l’objet en partage. Cette sécurité, fiabilité de l’objet en partage s’exprime également au travers de services associés à l’objet en partage tels que l’assurance, la caution,... Par exemple Drivy, service d’autopartage entre particuliers, propose l’assurance en cas d’accident ou de détérioration ; Airbnb, plateforme de location d’appartement entre particuliers, collecte la caution et la restitue, Uber comme mentionné plus haut, propose un bouton “uber alerte” qui permet une mise en relation avec les forces de l’ordre en cas d’incident avec le chauffeur et la transmission de la position en temps réel à ses proches... On voit donc qu’il y a toute une série de fonctions génériques (de base) des objets en partage qui sont la robustesse, la sécurité et la fiabilité. D’autres fonctions standards génériques pourraient exister demain : est-ce que des boîtiers pourraient être mis dans les appartements d’Airbnb pour ouvrir les appartements sans avoir besoin de transmettre des clés au voyageur comme ce qui se fait dans le cas de la location de voiture sur Koolicar ? Ces fonctions seront-elles obligatoires ? Souhaitables ? ... Notons que les objets partageables apparaissent très peu intimes dans le sens d’ “impersonnel”, “non personnel”. Même dans le cas de l’habitat partagé, les espaces partagés ne relèvent pas à proprement parler de l’intime. On partage un espace polyvalent (salle de fête, de projection...), la buanderie, le jardin... Des "habitèles", pour reprendre la distinction de Dominique Boullier14. Est-ce à dire que nous entrerons dans l’ère de l’uniformisation des objets partageables, où c’est la fonction plutôt que la forme qui prévaut ? Verra-t-on par exemple sur Airbnb, se développer un type d’appartement standard (avec les mêmes objets à l’intérieur) ?

14 http://www.internetactu.net/2011/11/15/refaire-societe-la-ville-cyborg/

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Comment la fonction de personnalisation pourrait-elle faire partie d’une fonction de l’objet partageable ? Pourrions-nous concevoir des objets pour le partage qui intégreraient une dimension générique et une dimension personnalisable ? C’est en tout cas une tension à prendre en compte entre d’un côté une uniformisation des objets partageables et de l’autre une personnalisation des objets partageables. Il existe des projets comme le véhicule open source, OSVehicle, qui propose “un socle” (châssis, roues,...) livré en kit, sur lequel il est possible de personnaliser son véhicule. La dimension de l’expérience collaborative peut-elle être un des éléments de la conception des objets partageables? Au-delà des caractéristiques intrinsèques aux objets partageables, on peut s’interroger sur toute l’expérience de partage qui les entoure. Des plateformes de partage telles que Airbnb et Blablacar proposent une expérience de partage avec l’autre, que l’offreur soit présent ou que l’utilisateur entre dans l’appartement de l’offreur en son absence. Chez AirBnb, le slogan “bienvenue à la maison” renvoie pour le locataire directement au fait de vivre une expérience singulière. Le premier niveau de l’expérience collaborative est d’abord dans la fiabilité du service proposé (voir ci-dessus). Ajoutons à cela la praticité du service, les gens sont prêts à partager si cela ne leur demande pas trop “d’effort” : la proximité de l’objet en partage, la facilité pour mettre sur la plateforme son bien, la facilité pour créer un compte utilisateur, etc. Les plateformes proposent une expérience pour réduire au maximum les “frictions”. Un deuxième niveau de l’expérience collaborative pourrait être recherché du côté de l’expérience avec la communauté, ce que l’on fait avec les autres. Des tentatives sont faites par exemple sur Airbnb pour construire un sentiment d’appartenance à la communauté d’Airbnb : partage de bons plans, les endroits que l’on affectionne,... jusqu’à organiser des événements de rencontre de la communauté. La Ruche qui dit oui! propose au-delà du service de l’achat groupé, une expérience avec les “autres”, en particulier grâce aux lieux de collecte, les ruches. Un animateur de ruche fait vivre la communauté des offreurs et acheteurs. Le service a été pensé dès le départ pour vivre une expérience. Dans la banlieue de Lyon, l’association Vrac propose l’achat groupé de produits de bonne qualité aux habitants du quartier des Minguettes. Au-delà de l’accès à des produits de bonne qualité, il y a surtout l’idée de partager une expérience autour, du lien social. La nourriture est un bon vecteur d’expérience de partage, par exemple autour des recettes de son pays. Le partage doit-il être conçu pour le lien social ? Assurément ! La dimension d'expérience collaborative doit être l'un des éléments clefs de la conception d'un objet partageable. C'est la le coeur différenciant de l'offre que promet la consommation collaborative, et même si la sécurité, la robustesse ou la fiabilité semblent des critères premiers, la promesse du lien social doit demeurer primordiale, car elle demeure un puissant moteur d'adoption de ces pratiques et de transformation de la société Reste qu'il y a une tension entre d’un côté faire vivre une expérience - avec ses hauts et ses bas - et la professionnalisation du service proposé. En effet, en se professionnalisant, les plateformes proposent un service de plus en plus fiable (c’est-à-dire plus de sécurité, plus

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d’intermédiation de la plateforme vis-à-vis de ses usagers) au risque de perdre de vue l’expérience. Nicolas Robineau, grand utilisateur de Blablacar, affirme dans un billet critique à l’égard de la professionnalisation du service : “L’équipe a certes élargi son champ d’inscrits, mais considérablement détruit l’esprit du covoiturage, mettant en avant des notions sécuritaires, monétaires, en oubliant le reste.” Cette dimension d’expérience de l’objet partageable permettrait-elle de lutter contre la tentation d’aller vers plus d’uniformisation des objets en partage ? Peut-on favoriser d'autres choses que la performance, la sécurité, la robustesse ? Ces questions posent également celle de la co-conception des services et objets avec les usagers. Dans l’habitat participatif, les habitants prennent part à la conception des espaces partagés. Est ce que demain on pourrait concevoir des voitures “participatives” en vue d’achats groupés ?

Intégrer l'expérience du partage La notion de partage, on l’a vu, peut donc être intégrée dans la conception des objets, avec tout d’abord toute une série de caractéristiques intrinsèques à ces objets en partage comme la robustesse, la sécurité. A cela s’ajoute une forme d’intelligence de l’objet pour organiser le partage de celui-ci : l’identifier, le réserver, le collecter le restituer,...Il serait également possible d’imaginer avoir accès à des informations sur le cycle de vie de l’objet, par exemple de l’usage qui en est fait (entre quelles mains, quelle durée, s’il est sous-utilisé ou sur-utilisé, s’il a besoin de partir en réparation,...). Au-delà, de ces fonctions intrinsèques au partage, on voit émerger deux modèles de partage autour de l’objet :

- un modèle de partage calqué sur un modèle d’une économie à la demande où l’expérience recherchée est celle de l’efficience du service et une réduction des frictions potentielles ;

- un modèle de partage où l’expérience du partage et la dimension sociale sont privilégiées.

Le choix entre l’un de ces 2 modèles amènera les concepteurs à concevoir leurs objets et services différemment :

- d’un coté l'efficience basée sur la robustesse, des critères ségrégatifs, l'intelligence des objets, la sécurité…

- de l’autre la collaboration basée sur des critères collaboratifs, l'expérience directe, des critères chauds (ce qui peut rapprocher des particuliers, par exemple ce qui va les amener à choisir de covoiturer ensemble, plutôt que ce qui va les amener à ne pas covoiturer avec certaines personnes, à l’inverse des critères ségrégatifs) et la co-conception.

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Propositions de démonstrateurs Dans le cadre des travaux réflexifs que la Fing engage dans ses groupes de travail, sa vocation est de dépasser l'analyse en proposant, depuis ses réflexions, des propositions d'expérimentations plus concrètes. Tel est l'enjeu des démonstrateurs proposés pour chaque piste : ouvrir le possible, proposer aux différents partenaires et acteurs des pistes de recherche-action pour comprendre plus avant les transformations en cours. Dans le cadre de cette piste sur les objets partageables, voici 3 propositions de démonstrateurs dont certaines seront approfondies avec nos partenaires et pourront donner lieu, nous le souhaitons, à des expérimentations réelles. Elles ne sont ici qu'esquissées :

ShareVoisins² Une plateforme de partage associant particuliers et professionnels Les plateformes de partage entre particuliers sont en développement alors que les industriels développent de leur côté leurs propres plateformes. Trop souvent les unes et les autres ne se croisent pas. Peut-on inviter les deux mondes à se rencontrer pour mieux imaginer avec les usagers les modalités de l'avenir du partage, les objets concernés et les modèles économiques possibles. C'est l'idée qui fonde cette proposition de "nouveaux écosystèmes de partage". L'expérimentation consisterait à inviter des industriels à mettre en partage des objets sur des plateformes de partages entre particuliers (type Peerby, Sharevoisins, etc.) afin de tester les modalités pratiques et économiques d'une telle rencontre. Comment mettre en place un service de ce type ? Comment l'organiser ? Quels types d'objets les acteurs de la location doivent-ils mettre en accès en complément de ceux proposés par les particuliers ? Quels avantages doivent-ils proposer ? Ont-ils une place et laquelle dans un tel écosystème et quelle est-elle (objets ou services spécifiques…) ? L'enjeu est d'observer et d’analyser ces modalités pour comprendre les freins au partage de ce type d'objet ou au contraire ce qui l'accélère. Inviter les industriels et ceux qui veulent développer des services de prêts aux particuliers à co-concevoir leurs services avec les usagers. Que devient un réseau de prêt entre particuliers quand il est investi de propositions marchandes ? Les loueurs doivent-ils proposer des services spécifiques (des produits plus récents ? Lesquels ?) ou de nouveaux services (propositions d'achats groupés ?...). Il y a en tout cas dans cet espace de rencontre entre services marchands et services entre particuliers un espace à comprendre et à explorer. C'est ce que souhaite actionner ce démonstrateur.

ThingsMix : 100 objets en partage Un événement pour créer 100 objets conçus pour le partage Nous l'avons défendu tout le long de cette piste : les objets partageables doivent être conçus différemment des objets qui n'ont pas vocation à être partagés. Quand on y réfléchit, on constate qu'il faut évoquer les caractéristiques des objets, leurs modalités de circulation, leur gouvernance (leur mode de propriété ou d'appartenance)... Comme nous l'avons dit, une perceuse conçue pour le partage doit

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être dotée de caractéristiques différentes qu'une perceuse conçut pour la vente à un seul propriétaire. Comment pourrait être conçue une voiture en multipropriété ? Une perceuse ? Un frigo ?... La question de concevoir des biens pour le partage ne concerne pas que des biens privés, elle concerne aussi des biens publics. Qu'est-ce qu'un banc public conçu pour le partage, un banc qui pourrait être emprunté par des habitants qui en ont besoin ? 100 objets en partage est un événement, un hackathon, un thingsmix (sur le modèle du mix du museomix ici adapté aux objets) qui se propose de créer un événement dédié pour réinventer 100 objets clefs pour le partage, en créer des prototypes, une exposition, des scénarios d'usage. Et peut-être, en développer certains avec de réels partenaires. A la recherche du graphe du partage Un programme de recherche/action autour de l’expérience du partage pour développer des critères associatifs et inclusifs pour le partage. La consommation collaborative met en relation demandeurs et offreurs autour d'une demande et d'une offre, et propose bien souvent toute une gamme de critères permettant de juger de l'offre comme de l'offreur, d'évaluer le demandeur et sa demande. Le choix de telle ou telle offre et la prise de contact avec un autre particulier se font souvent aujourd’hui sur la base de plusieurs critères, selon le service : adéquation avec le bien recherché, mais aussi des critères d’affinité (appartement non-fumeur, interdit aux animaux domestiques ; ponctualité, ouverture,...). Ces critères permettent ainsi - surtout aux offreurs, mais également aux usagers - d’éliminer les gens qui ne leur correspondent pas. Ils ont donc un caractère exclusif, voire presque ségrégatif ; or une partie des services de la consommation collaborative parlent de “communautés”, plus inclusives. Comment les développer ? Sur le modèle du graphe social peut-on envisager un graphe du partage, c'est-à-dire un ensemble de normes, de champs, de caractéristiques en relation qui permettront de développer le partage ? Peut-on interroger l'effet des dispositifs de réputation de ces plateformes sur la décision, comme nous y invite le spécialiste du marketing Christophe Bénavent ? Il nous semble indispensable de mener une réflexion/action collaborative sur ces critères qui peuvent avoir tendance à devenir des normes. L'exemple le plus parlant étant le fameux Bla/ Blabla / Blablabla de Blablacar où les gens indiquent s'ils aiment parler ou pas quand ils covoiturent. Ces critères sont-ils inclusifs ou exclusifs ? Quels critères alternatifs les plateformes doivent-elles proposer ? Est-ce que matcher les réseaux sociaux de deux personnes qui se rencontrent via un objet ou un covoiturage leur permet d'avoir une meilleure relation au service ? Et si Blablacar demain proposait aux covoitureurs de voir s'ils ont des connaissances communes (en analysant leurs réseaux sociaux) en montant en voiture ou s'ils ont des centres d'intérêt commun (en analysant ce qu'ils apprécient sur les réseaux sociaux ?) ? Quels nouveaux critères seraient pertinents ? Est-ce que certains doivent être écartés comme étant trop communautaires ou homophiles (favorisant le rapprochement de gens semblables) ? Comment ces critères pourraient être mis en forme ? Doivent-ils provenir d'autres plateformes ? Comment les certifier ? ... Il nous semble qu'il y a là un vaste champ à explorer pour encourager la consommation collaborative et construire une gamme de critères plus accessibles et plus ouverts que ceux que l'on trouve aujourd'hui et qui méritent une réflexion coordonnée de multiples acteurs, pour devenir des critères communs et interopérables : innovateurs, usagers, chercheurs…

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Piste 2 : Des hubs de partage pour la consommation collaborative

Pour l’instant encore, la consommation collaborative est surtout visible grâce à son volet numérique : elle s’incarne essentiellement via des plateformes de partage en ligne telles que AirBnb ou BlaBlaCar. C'est à la fois une force et une limite. Une force car c'est l'atout de ces services, une limite parce que cela peut freiner leur développement : un service de partage d'objets entre voisins ou dans un quartier a certainement aussi besoin de rencontre physique pour exister. C'est cette incarnation physique, cette hybridation15 entre espace réel et espace numérique - à laquelle nous avons été confrontés durant toute cette expédition - que cherche à s'intéresser cette piste.

L'essentiel des services de la consommation collaborative nécessite des lieux pour se rencontrer, pour partager, pour créer collectivement. C'est à la fois un facteur pour se développer, pour exister (en s'inscrivant dans l'espace physique, réel) et de reconnaissance. C’est au niveau local, que la consommation collaborative permet de renforcer la proximité et le lien social, de répondre à des besoins du quotidien : il y a aujourd’hui un véritable enjeu dans l’outillage des gens pour que le partage puisse se développer au-delà des plateformes, en mode low tech ou à partir d’interfaces physiques plus accessibles à tous. D'où le besoin d'incarner la consommation collaborative dans des hubs, des espaces physiques ouverts aux croisements et à la diversité des échanges et des contributions.

Des hubs de partage pour quoi faire ? Les pratiques collaboratives se développent principalement en ligne via des plateformes

dédiées ou dans le “réel”, via des espaces d’échanges ponctuels (type brocantes ou vides-greniers) qui ne répondent pas toujours à nos pratiques contemporaines et à nos besoins quotidiens. Comment faire pour outiller le partage de proximité, faciliter les interactions directes entre les utilisateurs ou favoriser le partage d’espaces ou de biens entre acteurs hétérogènes ? Pour que la consommation collaborative se développe, il est nécessaire de ne pas la rendre accessible uniquement aux seuls early adopters mais également à tout à chacun, afin de prendre part à cette consommation horizontale, quelque soit ses pratiques, numériques ou non, ou son lieu de vie. Aujourd’hui, des initiatives ascendantes et spontanées émergent dans les villes aux quatre coins de la planète par exemple avec les givebox (“boîte à donner”). Nées à Berlin, les givebox sont basées sur l’échange : on donne ce dont on ne se sert plus ou ce que l’on veut partager, et l’on prend ce qui nous intéresse. Les effets recherchés sont multiples : lutter contre le gaspillage ou l’obsolescence des objets, favoriser le réemploi, créer du lien, etc. Vêtements, jouets, vaisselle, appareils électroménagers, on trouve à peu près de tout dans ces boîtes de quartier. Ces dernières se développent à une échelle locale, directement dans l’espace public ou dans des lieux associatifs, elles sont dans l’idéal accessibles 24h/24 et doivent leur succès

15 http://www.internetactu.net/2008/07/17/besoin-dhybridation/

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au fait d’être alimentées en permanence par les individus. Une version alimentaire vient d’ailleurs de voir le jour ces derniers mois, encore à Berlin, sous la forme de refrigérateurs placés dans l’espace public et alimentés par des commerçants et des particuliers. Autant de micro-infrastructures qui ont pour vocation de devenir des espaces de partage incarnés dans la ville : ce sont des exemples de ce que nous entendons par “hubs de partage”. À l’image de ces projets, l’idée est d’imaginer, d’expérimenter, de prototyper des dispositifs, de développer des outils qui permettent de favoriser les échanges physiques, la mutualisation d’espaces à l’échelle d’une résidence, d’un îlot, d’un quartier et qui pourraient être appropriés par tout citadin, association, innovateur souhaitant mettre en oeuvre une initiative collaborative sur un territoire. Low-tech ou connectés, ces “hubs” ont ainsi vocation à faciliter et sécuriser nos pratiques collaboratives, à relier le monde numérique au monde physique. Le hiatus entre les plateformes accessibles uniquement en ligne (alors qu'elles proposent souvent des formes et des objets d'échanges physiques) et leur absence de réalité physique16 est un frein constant à leur développement. Aujourd’hui, la plateforme de vente d’occasion entre particuliers Le Bon Coin fait partie des 10 sites Internet les plus visités en France, mais beaucoup de petites plateformes d’échanges de proximité (Peerby, ShareVoisins) connaissent des difficultés pour trouver un modèle économique pérenne. on peut alors se demander si des lieux spécifiques d’échanges permettraient de rendre ces derniers encore plus fluides et permettraient aux acteurs des plateformes d’atteindre ainsi une masse critique nécessaire à leur viabilité économique.. Ce n’est pas “un hub”, mais “des hubs” dont on parle dans cette piste. Ils ne sont pas strictement physiques ou numériques, mais peuvent au contraire prendre plusieurs dimensions, plus hybrides :

● une dimension physique : une pièce d’échanges, une consigne, une conciergerie, une

salle mutualisable ...

● une dimension numérique : une plateforme numérique, une application d’échanges de

proximitié ...

● une dimension “méta-plateforme” visant à organiser le partage (d’objets ou du lieu lui-

même) au sein du lieu : un agenda partagé, une plateforme de réservation d’un lieu, un

service de recherche sur plusieurs services collaboratifs en ligne ...

Si ces différentes dimensions peuvent être totalement indépendantes les unes des autres, possèdant comme point commun des éléments facilitants d’un point de vue de l’économie du partage, elles peuvent aussi être pensées de façon complémentaire. L’important ici n’est pas de développer une dimension par rapport à une autre, mais bien de voir comment elles peuvent se

16 Comment développer des services de covoiturage locaux à la descente d'un train par exemple sans signalétique appropriée dans la gare ? Peut-on demander à des gens de télécharger une application alors que les services peuvent être très différentes d'une gare à l'autre ?

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compléter et dialoguer, et permettre de développer de nouvelles opportunités et de nouveaux services.

Que partage-t-on dans le hub de partage ? Ces lieux ont vocation à accueillir différents types de biens, matériels ou immatériels, amenés à être utilisés par des publics divers. Il peut alors s’agir de biens ou d’objets appartenant à des particuliers mis en partage de façon temporaire ou permanente, tout comme des échanges de services ou de compétences entre individus, basés sur le principe des banques de temps ou des accorderies. Ces espaces peuvent aussi accueillir des objets mutualisés ou mutualisables. Ainsi, les buanderies collectives qu’on trouve dans les immeubles américains, les cuisines partagées en Suisse, ou les espaces de stockage et de mutualisation d’outils dans les jardins partagés sont, par exemple, des formes de hubs de partage, tout comme les places de parkings dédiées aux covoitureurs. À Montréal, une “bibliothèque d’outils” est en train de voir le jour : la Remise se veut être une “coopérative de solidarité” qui permettra à ses membres d’emprunter des objets de bricolage à prix abordable, offrira un espace de travail adapté à leurs pratiques et proposera des formations diverses. Ce genre de hub de partage permettra donc un passage facilité vers une économie de l’usage. Les industriels, qui prennent peu à peu conscience de certains enjeux de consommation collaborative, peuvent tout à fait jouer un rôle dans les hubs de partage. Demain, Leroy Merlin, par exemple, développera peut-être un réseau de micro-magasins en ville pour favoriser l’emprunt ou la mutualisation par ses clients de ses produits. Des espaces peuvent aussi être mis eux-mêmes en partage et devenir par conséquent des hubs temporaires, dont la surface, les services et les équipements sont accessibles à de nouveaux usagers. Ainsi une bibliothèque ouverte le soir pour accueillir des associations, une cantine d’école faisant office d’espace de cours de cuisine le week-end ou un espace de coworking loué ponctuellement par une organisation,... ces espaces deviennent des espaces en partage temporaires, à l’image de la ville malléable appelée de ses voeux par le géographe Luc Gwiazdzinski. C’est sur ce principe que plusieurs start-up ont développé des plateformes pour transformer temporairement son logement en espace de travail communautaires - comme la start-up Hoffice le propose - ou en espace de réception ponctuelle comme la plateforme Snap Event nous y invite.

Qui organise le partage dans un hub ? Si les biens partagés dans ces espaces d’un nouveau genre sont multiples, il en va de même pour les particuliers ou les structures qui les mettent à disposition. Les particuliers peuvent par exemple mettre des objets qu’ils possèdent à disposition, comme c’est déjà le cas dans un garage collectif par exemple. Des structures collectives (structures publiques, associations ou coopératives) peuvent aussi mettre en partage certains de leurs biens. Les objectifs pour une structure peuvent être alors pluriels : le partage peut-être leur finalité (comme avec les coopératives d’autopartage) mais le but peut aussi être de diversifier les rentrées d’argent en exploitant la capacité excédentaire de certains de leurs biens ou espaces.

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On peut aussi imaginer que des groupes privés, fabricants ou vendeurs de produits ou de services souhaitent mettre à “disposition” leur offre. Location à l’usage, abonnement ou offre freemium/premium… : les différents modèles économiques sont encore largement à inventer. Néanmoins les grands groupes semblent aujourd’hui les acteurs les plus à même de donner une taille critique à ces hubs, par leur capacité à fournir objets, espaces et services utiles par rapport à nos pratiques quotidiennes. Enfin, les collectivités locales et structures publiques ont tout intérêt à être parties prenantes dans le développement et le fonctionnement de ces espaces de partage pour s’adapter aux attentes et modes de vie émergents des usagers et améliorer leurs services avec une logique de biens commun ; c’est aussi une opportunité de maximiser leurs investissements et d’optimiser leurs équipements. C’est le cas par exemple au Québec, avec le réseau de cuisines collectives. Le principe est simple : acheter collectivement des produits pour les cuisiner ensemble. Bon nombre de ces cuisines collectives prennent place dans des équipements publics comme des crèches ou des écoles, là où le matériel pour cuisiner existe et est sous-exploité. C’est un exemple d’équipement public qui met en partage sa structure, mais organise également l'achat groupé, le tout au service du lien social. Entreprises et associations, collectifs citoyens seront aussi des acteurs moteurs de cette dissémination des fonctions de partage. En effet, les AMAP prennent d’ores et déjà place au sein des entreprises ou dans les universités.

Les 3 dimensions du hub de partage. Quels leviers, quelles caractéristiques ? Pour saisir comment peut s’illustrer un hub de partage dans ces différents aspects, il est important d’en saisir les caractéristiques propres à chaque dimension mais plus encore, les enchevêtrements possibles entre les formes physiques, numériques et méta. Il existe bien entendu des caractéristiques générales aux 3 dimensions, qui permettront à ces espaces physiques ou numériques une conception pérenne et une utilisation facilitée pour tous. L’objectif premier d’un hub de partage est de réduire les frictions ; l’important est donc de rendre les échanges les plus fluides, rapides, collaboratifs possibles pour que les usagers favorisent le partage entre eux. C’est notamment la practicité qui fait que l’on va, ou non, partager.17 La question de la confiance est aussi primordiale. Qu’importe par qui elle est assurée (une personne physique comme un gardien ou un habitant référant, un tiers de confiance, un outil technologique ou une innovation numérique, etc.), c’est à partir du degré de confiance qu’auront les gens ou les organisations dans le service qu’ils seront prêts à partager leurs biens.

17 Cf. Piste ShaREvolution “Objets partageables”.

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De la même façon, le hub doit pouvoir s’appuyer sur une communauté. Qu’importe la taille de cette dernière, les individus doivent pouvoir développer un sentiment d’appartenance pour agir ensuite avec bienveillance avec les autres usagers et les différents biens partagés. C’est ce qu’a réussi un service comme La ruche qui dit oui, qui à travers les nombreuses implantations, a su faire émerger des communautés actives localement. Une réflexion est donc aussi nécessaire pour savoir à qui s’adresse ce hub et à quelle échelle est-il pensé. Est-il ouvert à tous ceux qui le souhaitent ou seulement à certaines populations (d’un immeuble, d’associations, d’un quartier ?...). Cet aspect engage aussi directement des règles communes, induites ou non, qui n’ont pas vocation à êtres punitives mais seulement à poser un cadre à respecter. Qu’elles prennent la forme de conditions d’utilisation, de charte, de règlement, ou de modalités d'organisation de la gouvernance, elles permettent, à l’image des règles de vie dans un espace de co-working, un respect mutuel entre personnes n’ayant pas les mêmes rythmes et habitudes du lieu fréquenté, et des biens mis en partage. Enfin, la mise en place de hubs de partage se confronte à des questions plus générales. Le modèle économique de ces lieux constitue encore un frein important au développement de ces hubs. Aujourd’hui, si les plateformes numériques de consommation collaborative se développent aussi vite, c’est parce qu’elles ne coûtent pas cher, au moins dans un premier temps. Les lieux de partage ont besoin d’un modèle économique viable. Des expérimentations doivent donc être menées pour trouver des modèles soutenables financièrement, portés par un ou plusieurs acteurs locaux. C’est bien grâce à des partenariats et des dispositifs innovants que ces lieux prendront forme à l’avenir. Les modèles économiques dépendront directement de l’acteur à l’initiative de la mise en place du hub de partage, et seront forcément bien différents si ce dernier est une association de quartier, un promoteur immobilier, une entreprise commerciale ou une collectivité territoriale.

Caractéristiques de la dimension physique L’idée du hub renvoie directement au fait de rassembler. À l’image d’un hub de transport, il joue le rôle d’échangeur, il permet de créer l’interface entre différentes pratiques, différents publics. La dimension physique du hub de partage dialogue donc nécessairement avec une dimension locale. Néanmoins ce hub physique peut avoir de multiples incarnations qu’il peut être utile de différencier. Une consigne, une dropbox physique ou un entrepôt partagé illustrent bien comment peut s’incarner un espace où l’on vient stocker et partager des biens entre pairs. À Paris, par exemple, un service citoyen de partage gratuit d’objets nommé Domotek vient récemment de voir le jour, hébergé par la Ressourcerie de la Petite Roquette. Cet espace de stockage est conçu comme un hub où sont entreposés des objets, électro-ménagers pour la plupart, dont l’utilisation n’est pas quotidienne. En déposant un objet à la Domotek, je fais partie de la communauté et je peux ainsi emprunter gratuitement n’importe quel objet. Soit l’objet déposé est en bon état et pourra être loué, soit il sera recyclé par la ressourcerie. En l’absence d’objet à

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mettre en location, une inscription symbolique de 5 euros par an suffit pour avoir accès à la Domotek. Mais la notion de partage d’un hub physique peut aussi se retrouver dans des espaces où l’usage prime sur la possession et où des équipements sont mutualisés, comme la buanderie collective ou les cuisines collectives (nombreuses au Québec ou en Suisse). Aussi, c’est l’espace physique qui peut être partagé et mis à la disposition de publics ou d’acteurs différents. L’îlot de travail partagé, la salle d’anniversaire urbaine, ou encore la maison de quartier à la demande peuvent permettent à des groupes ou individus d’avoir accès à un espace pour y créer ou y développer une activité, prédéfinie ou non. C’est dans cet esprit que la municipalité de Séoul, à travers son programme Sharing City, a mis à disposition de sa population presque 800 bâtiments publics. Elle a fait de ces lieux des hubs de partage, rendus disponibles à la location pour la population aux heures d’inactivité, quand ils étaient auparavent fermés au public. En un an de programme, ces différents lieux ont été loués plus de 22 000 fois par les habitants de la ville. Les hubs de partage ont en tout cas tendance à agréger différents type de services, de fonctions annexes, créant des lieux mixes ou polyvalents où se croisent différents publics et différentes activités. Malgré cette multitude de visages, un hub physique nécessite de s’intéresser à certaines particularités qui lui sont propres :

● La scalabilité, c'est-à-dire sa capacité à passer à l'échelle. La notion de “hub de partage” est étroitement liée avec l’échelle de partage à laquelle ce hub s’organise. Village ? Quartier ? Rue ? Immeuble ? Les réponses seront bien entendu très différentes selon les contextes locaux et selon l’importance des dispositifs de partage. L’échelle est aussi directement liée au modèle économique du hub.

● La capacité de stockage est un défi important auquel doit répondre un hub de partage,

même s’il est forcément bien différent en zone dense ou en zone rurale. Le hub doit pouvoir être en capacité de stocker en sécurité les différents biens que les usagers voudront s’échanger. À noter que le stock n’est pas obligé d’être centralisé mais peut au contraire être éclaté (entre usagers, services publics, commerçants, etc.).

● L’accessibilité et l'amplitude horaire du hub de partage est primordiale, les usagers

doivent pouvoir y avoir accès le plus souvent possible, en lien avec leurs pratiques et leurs modes de vies18. L’accessibilité physique du hub est aussi très importante. Elle doit permettre à tout un chacun d’avoir accès à l’espace partagé ou à l’espace de partage, par différents moyens : un code, une clé électronique, une porte spécifique, etc.

18 Contrairement à bien des AMAP, dont l'accès est souvent très contraint, la société Au bout du champ propose de récupérer ses légumes et fruits via des casiers dans une boutique ouverte bien après 22h.

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● La notion de l’emplacement est importante. Où créer ce hub ? Quel local ou quel emplacement dans l’espace public ou collectif choisir ? Selon quels critères et quelles stratégies ? Comment trouver un lieu ? La visibilité du hub dans l’espace est aussi importante, en particulier pour ceux liés à la mobilité par exemple comme les parkings de co-voiturage.

● Enfin, tous les biens ne se prêtent peut-être pas au partage19. Quels biens sont les plus

intéressants à trouver dans un hub de partage ? quelle fréquence d’utilisation ? Quelle qualité nécessaire ? Quel besoin de spécificité et d'individualisation ? Les biens sont-ils compatibles pour renforcer une communauté ou différents pour associer différents types d'utilisateurs... Ces différents éléments permettront de savoir si la présence de différents biens dans un lieu fait sens ou non.

Ce genre de hub physique ne dépend donc pas de l’importance de l’échelle à laquelle il se déploît. Il se peut que des micro-initiatives émergent à l’échelle d’une résidence par exemple, type Troc de Presse ou des bibliothèques d’immeuble, sans qu'il soit nécessaire de déployer des dispositifs d’accessibilité ou de médiation lourds. Si la présence ou non d’une personne ressource pour s’assurer du bon fonctionnement du hub dépendra de sa taille et de l’importance de son déploiement horaire - donc aussi de son modèle économique - il est bon de rappeler que ces espaces de partage ne doivent pas être pensés comme des “boîtes” où la technologie remplacerait l’humain. Si cela peut réduire les frictions, automatiser l'espace n'est pas toujours la solution la plus efficace pour favoriser le développement du lien social. À l’image du concierge, ou de l’animateur de communauté, dont on redécouvre l’importance aujourd’hui, ces agents ressources seront au coeur de ces futurs espaces.

Caractéristiques de la dimension numérique Un hub de partage a également une "couche numérique", à la fois interface entre les gens et les pratiques et espace de stockage en tant que tel : dropbox numérique, cloud, etc. Un hub numérique ne permet pas seulement le partage de contenus, de données ou d’informations entre particuliers20. Pour assurer ces différents aspects, il doit alors intégrer plusieurs fonctions :

● La facilité de publier son offre sur le service, d’exprimer une demande. L’offre globale doit être aussi facilement accessible et compréhensible.

19 Voir la piste “Objets partageables” 20 Un hub de partage numérique peut aussi être le point de centralisation de ses propres données personnelles concernant ses pratiques collaboratives, les profils de ses différentes plateformes, afin d’en faciliter la gestion par l’individu.

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● La facilité de compréhension et d’utilisation de la plateforme.

● Une capacité de stockage importante si le hub numérique se veut espace de partage de

documents ou de contenus numériques.

● Parce qu’il permet de connecter ses différentes informations personnelles, le hub numérique peut jouer le rôle d’interface de gestion de ses différentes pratiques de consommation collaborative, en regroupant, par exemple, sur un même espace les données et profils traditionnellement éclatés sur les différentes plateformes. Cette fonction permet alors une vision plus globale de ses propres pratiques collaboratives. Les données numériques permettent aux plateformes de renforcer le cadre de confiance. Comme les gens ne se rencontrent pas forcément en vrai avant la transaction, les informations personnelles collectées (photographies, profils, réputation...) rassurent souvent les usagers au moment de valider les échanges. C’est en grande partie pour ça que les plateformes collectent aujourd’hui beaucoup d’informations nous concernant, et demain encore plus. Mais peut aussi être le point de centralisation de ses propres données personnelles concernant ses pratiques collaboratives, les profils de ses différentes plateformes, afin d’en faciliter la gestion par l’individu.

La question de la portabilité des profils et de l'identification unique Un dernier aspect du hub de partage numérique pose la question de la portabilité de nos différents profils numériques. L’enjeu est autant l’authentification unique sur une même plateforme pour nos différentes pratiques, que d’être en capacité de partager nos données. Aujourd’hui, certaines plateformes développent des services de gestion de sa réputation en ligne. La start-up Traity souhaite par exemple créer le tableau de bord du capital social de chacun, permettant de certifier nos identités et nos comportements. L’entreprise souhaite ainsi fournir des informations relatives à notre réputation, qui soient ouvertes et transportables d’une plateforme à l’autre. De leur côté, si les acteurs publics développent de plus en plus de services en ligne, cela pose aussi la question de l’identification publique unique. Si je dois avoir un identifiant différent pour aller sur le site du gymnase local et m'enregistrer pour réserver dois-je en avoir un autre pour aller sur celui de la ville pour m'inscrire à une réunion de quartier ? Faudra-t-il un profil Facebook pour m'enregistrer sur le site de la ville ? Ou un profil de la ville pour m'enregistrer ailleurs ? Si les villes, départements, régions, deviennent moteurs de plateformes, il semble donc nécessaire de poser la question d'un système d'authentification unique et celui de profils validés, conservés et sécurisés par elles. C’est aussi un enjeu qui amène celui de la vente de profils et de leur fonction commerciale dans une économie de plateforme.

Caractéristique de la dimension de “métaplateforme”

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Un dispositif multi-acteurs, multi-pratiques, multi-fonctions, a besoin de règles et d’outils collaboratifs pour faciliter les formes de partage. La dimension de métaplateforme peut ainsi s’apparenter à un outil de gestion collective d’un bien ou d’un espace mis en partage, ouvert à différents acteurs ou individus. Dans nos vies, ces métaplaformes émergent déjà : agendas partagés, plateforme de réservation d’un espace de réunion ou d’un livre en bibliothèque, Intranet dans les entreprises, etc. Pour l’instant, elles prennent surtout place dans des organisations fermées mais demain ces métaplaformes seront plus ouvertes pour permettre une meilleure optimisation et faciliter l’émergence de tout type d’échanges, des biens et des espaces. Les avantages d’une telle offre centralisée et ouverte paraissent importants et permettent de rassembler sur une même interface la totalité des créneaux des espaces mis en libre réservation. À la manière d’un agenda partagé ou d’une plateforme de prise de rendez-vous comme mondocteur.fr, ce type de plateforme permettrait de tracer les disponibilités, de rendre visible l’offre et ainsi permettre à l’usager de réserver un objet ou un espace pour un créneau à partir des données disponibles. Quelles fonctions nécessitent donc ces outils collaboratifs pour exister ? Quelles recommandations peut-on faire pour favoriser leur développement ?

● Pour faciliter l’appropriation de tous de l’outil de partage, il est nécessaire d’être attentif à la facilité de compréhension et d’utilisation de ce dernier. Le design et l’ergonomie doivent donc être soignés et pensés en conséquence.

● Pour que ces différentes pratiques de partage de biens et d’espaces s’inscrivent dans

notre quotidien, cela nécessite des efforts pour mettre ces outils généralement lourds au niveau de nos usages et outils numériques. Pour l’instant, la plupart de ces plateformes sont encore inatteignables depuis nos téléphones mobiles.

● Pour une bonne organisation globale de l’outil, une réflexion sur la gouvernance est

nécessaire. Qui détient l’outil ? Qui en détient la gestion quotidienne ? Qui a la main sur le système en cas de problème ou pour faciliter son usage par les utilisateurs ?

● L’accessibilité est aussi un élément important. Qui a accès à la plateforme et à quel

moment ? Existe-t-il certains espaces réservés sous certaines conditions ? Des espaces communs et des espaces personnalisés (à l’image d’un agenda partagé par exemple) ?

● ...

Mettre en place un hub de partage L’idée du hub renvoie directement au fait de rassembler. À l’image d’un hub de transport, il joue le rôle d’échangeur, il permet de créer l’interface entre différentes pratiques, différents publics.

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La fonction première du hub de partage est ici de faciliter la rencontre entre offre et demande d’un point de vue du partage. L’esprit de cette piste est à la fois de faire en sorte que les échanges soient plus faciles et pratiques pour tout le monde mais aussi de favoriser l’entrée de petits acteurs ou de n’importe quel type d’initiatives d’échanges de proximité. Pour remplir cet objectif, il est important d’arriver à développer des espaces de partage dont les dimensions physiques / numériques / plateformes soient complétementaires, selon les moyens, les types de biens mis en partage et l’échelle à laquelle est développé le service.

Dispositifs supports et fonctions transverses Développer ces espaces de partage dans notre quotidien (au sein des immeubles, lieux de travail ou dans les espaces de loisir), s’accompagnera de nouvelles professions ou des fonctions complémentaires aux hubs : médiateurs, gestionnaires, concierges de biens en partage... Au-delà de la seule animation d’une communauté, ils auraient pour rôle de s’assurer de la bonne coordination du partage des objets entre les individus, de l’entretien des biens collectifs, ou de la mise à disposition de certains espaces communautaires. Réparateurs d’objets en partage ou gestionnaires de stock seront-elles aussi demain des fonctions importantes dans une perspective de développement de l’économie de la fonctionnalité ? Les tiers de confiance deviendront aussi indispensables pour assurer le partage entre particuliers. Postiers, commerçants, animateurs de communauté(s), gardiens d’immeuble ou habitants référents, les profils possibles sont multiples. Leur rôle pourrait être d’apporter un cadre rassurant pour favoriser les échanges, servir d’intermédiaire quand il le faut entre certains particuliers, réceptionner et stocker des biens ou encore apporter une présence humaine, et donc contact et relationnel, dans des dispositifs qui peuvent favoriser les échanges virtuels ou très ponctuels et les élargir. À l’image des postiers, dont le coeur de métier s’hybride progressivement avec l’ajout de nouvelles tâches annexes, ces différentes fonctions seront sans doute demain exécutées par des travailleurs dont le métier sera un véritable “couteau suisse”. Des offres assurantielles devront aussi se développer autour de ces hubs de partage pour apporter des garanties dans les échanges et assurer les biens mutualisés ou ceux appartenant à des particuliers et prêtés ou loués à d’autres particuliers. Même si certains acteurs de l’assurance, comme la MAÏF avec la création de MAÏF Social Club, commencent à prendre position dans l’économie collaborative, ces offres assurantielles personnalisées nécessitant des modèles innovants sont encore largement à inventer. Enfin, ces hubs s’accompagneront peut être d’une émergence, spontanée ou aidée, de médiateurs et prestataires en bout de chaîne, depuis le dépôt-vente local jusqu’aux plateformes telles qu’eBay ou LeBonCoin. Organiser la location, le partage, la revente, mutualiser la logistique entre les entreprises et/ou les particuliers seront sans doute demain des fonctions nécessaires pour accompagner le développement de ces lieux.

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Comment cela peut-il s’incarner ? Quelles expérimentations mettre en place ? Les hubs ou espaces de partage ne sont pour l’instant pas très nombreux au sein de nos immeubles ou de nos quartiers. La difficulté de trouver un modèle économique stable pour ces lieux semble aujourd’hui être le frein le plus important, mais la question de la confiance reste encore aussi prédominant, notamment dans le cas où les objets mis en partage proviennent des particuliers. L’expérimentation peut donc être une réponse judicieuse pour tester différents espaces ou dispositifs dédiés au partage. Ces prototypes peuvent être de nature différente, autour d’objets (une flotte de voitures), d’un service (les transports publics) ou d’un lieu (un équipement public), avec pour ambition d’améliorer les services existants, de favoriser l’optimisation de biens ou d’espaces ou encore de maximiser leurs usages. L’expérimentation est au coeur d’une idée de projet développé par le Nesta, l’organisme chargé de l’innovation au Royaume-Uni, avec la création d’un laboratoire autour de la consommation collaborative dont l’un des objectifs est justement d'améliorer l’utilisation des biens publics, d’expérimenter de nouveaux modèles de prestation de service ou de développer le financement de services de partage. À une échelle moindre, le Conseil général de Loire-Atlantique expérimente un dispositif léger visant à créer une halte de covoiturage dans une gare, en complément de son réseau d’autocars. L’espace accueillant le prototype devient alors un hub physique de pratiques de mobilité partagée. Le dispositif, peu coûteux, permet alors d’observer les usagers, de mesurer les impacts du projet et d’ajuster le prototype pour le rendre plus performant en cas de pérennisation. Cette borne permet surtout de marquer spatialement une demande qui ne s’exprime d’ordinaire qu’à partir de plateformes numériques. Pour expérimenter à l’échelle de l’ilôt ou de l’habitat existant, dans le dur, il faut dans un premier temps s’appuyer sur des initiatives ascendantes ou chercher à les favoriser. Des voisins qui s’organisent pour construire une givebox, ou une ressourcerie, un repair café une fois par mois sont autant de projets permettant de créer des hubs temporaires. Des dispositifs low tech peuvent être mis en place pour faciliter des initiatives liées au partage dans les lieux de vie. Des locaux peuvent par exemple être mis à disposition d’associations de locataires pour développer le partage d’objets, de compétences ou de services. Ces espaces faciliteraient le troc ou le partage d’objets liés au quotidien comme les machines à laver ou les ustensiles de cuisine, mais pourraient aussi venir se développer autour de pratiques collectives : le jardinage, la cuisine, le bricolage, etc. Si les pratiques de partage et de consommation entre particuliers continuent à se développer, les acteurs de l’immobilier et de la construction devront nécessairement y prendre part, que ce soit dans un rôle d’accompagnateur et de facilitateur de ces pratiques, ou au contraire pour les faire émerger là où elles ont du mal à exister. Demain, sans doute, les cahiers des charges des futures constructions incluront la création d’espaces collectifs dédiés à la mutualisation et au partage. Les plan locaux d’urbanismes (PLU) obligeront d’ailleurs peut-être à un pourcentage d’espaces partagés à concevoir selon la taille des bâtiments. De nouvelles réflexions doivent

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avoir lieu pour repenser l’appartement et l’immeuble à l’aube de ces nouvelles pratiques ; mais aussi pour se rendre compte de ce que les individus sont prêts à partager (du palier à la chambre d’amis, en passant par la cuisine et le garage, espace pour accueillir des invités...) à l’échelle de leur logement, étage, immeuble, îlot et de la façon dont cela peut s’exprimer spatialement. L’essor des projets d’habitat partagé ou participatif permettra le développement des espaces collectifs dans l’habitat. Les premiers retours d'expérience permettront de développer des projets plus évolutifs dans le temps et prenant mieux en compte les trajectoires de vie (déménagement, divorce, familles recomposées, vieillissement, etc.). Des structures juridiques plus légères permettront de développer des programmes immobiliers semi--participatifs, incluant d’autres types d’espaces collaboratifs : espace de travail partagé, jardin communautaire, recyclerie de quartier, etc. L’habitat participatif influencera aussi l’habitat plus traditionnel, avec le développement d’espaces collectifs au sein des immeubles et de services mutualisés, comme dans cette résidence d’un genre nouveau à Lille.

Passer de l'habitat participatif propriétaire à locataire Il est possible aussi que le métier des promoteurs immobiliers s’étende pour accompagner ses évolutions. Demain, certaines résidences offriront sans doute des espaces dédiés aux équipements partagés comme des buanderies ou des cuisines et espaces de réception collectifs, des bibliothèques d’immeuble, des espaces de travail partagés, des espaces de bricolage communautaire, etc. Cette économie de la fonctionnalité appliquée à l’échelle d’un immeuble ou d’un îlot induira aussi peut-être demain des flottes de véhicules partagés gérés par les promoteurs immobiliers, comme c’est le cas à Reims avec le service d’autopartage mis en place par le bailleur Effort Rémois.

Il est possible aussi que le métier des promoteurs immobiliers s’étende pour accompagner ses évolutions. Demain, certaines résidences offriront sans doute des espaces dédiés aux équipements partagés comme des buanderies ou des cuisines et espaces de réception collectifs, des bibliothèques d’immeuble, des espaces de travail partagés, des espaces de bricolage communautaire, etc. Cette économie de la fonctionnalité appliquée à l’échelle d’un immeuble ou d’un îlot induira aussi peut-être demain des flottes de véhicules partagés gérés par les promoteurs immobiliers, comme c’est le cas à Reims avec le service d’autopartage mis en place par le bailleur Effort Rémois. Ces nouvelles stratégies de hubs liés au partage et à la mutualisation peuvent induire aussi des transformations sur la distribution. Dès aujourd’hui, le e-commerce réinvente les échanges B2C et pousse indirectement au renouveau des points relais. Demain, les espaces de consigne, ou les dépôts mutualisés seront peut être la norme de nos échanges P2P ou B2B. Au Bout du Champ propose par exemple dès aujourd’hui de récupérer ses achats de fruits et légumes directement dans des espaces ouverts jusqu’à un horaire tardif, simplement avec un code envoyé par téléphone. D’autres types de biens pourront se trouver dans ces casiers demain. De son côté, La Poste lance son dispositif de consignes automatisés en gare, permettant de

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récupérer de façon autonome ses colis. Aujourd’hui, ces consignes sont encore réservées pour des échanges B2C, mais demain il sera sans doute possible de déposer un bien dans un casier automatisé pendant qu’un code est envoyé automatiquement au destinataire du bien pour lui permettre de le récupérer. L’incarnation physique du partage, en attendant de trouver des modèles économiques stables, sera sans grand doute articulée à un ou plusieurs services. Le hub de partage devrait donc demain être un espace hybride, où différentes activités se mélangeront, selon sa taille et ceux qui en sont à l’initiative. Le hub associatif sera par exemple couplé à un repair-café et une recyclerie, ou encore à une accorderie. À l’échelle du quartier émergent déjà des lieux d’un genre nouveau, comme au sein de l’éco-quartier Ginko à Bordeaux, une conciergerie solidaire, à mi-chemin entre la conciergerie d’entreprise, le dépôt-vente, la consigne collective et la banque de services. Cet espace au fonctionnement souple est géré par une association d’habitants et financé majoritairement par Bouygues Immobilier et la municipalité. De son côté, La Poste ouvre son premier PickUp Store en gare, proposant en plus des services habituels (retrait, échange et dépôt de colis) des services de conciergerie (pressing, cordonnerie, réparation). De plus, La Poste, qui souhaite se positionner en "catalyseur de l’économie collaborative" avec un rôle de tiers de confiance, pourrait sans doute, demain, favoriser dans ces lieux l’échange entre pairs via différents services ou dispositifs physiques. Il y a fort à parier que ces lieux feront demain partie intégrante de nos quartiers et renforceront la vie locale. Ils doivent nous permettre de reconquérir nos espaces partagés pour reconquérir nos formes de sociabilité, comme nous y invite l’architecte et urbaniste Nicolas Soulier dans son livre Reconquérir les rues. Jusqu’à faire évoluer les attentes et les comportements des habitants !

Propositions de démonstrateurs Dans le cadre des travaux réflexifs que la Fing engage dans ses groupes de travail, sa vocation est de dépasser l'analyse en proposant, depuis ses réflexions, des propositions d'expérimentations plus concrètes. Tel est l'enjeu des démonstrateurs proposés pour chaque piste : ouvrir le possible, proposer aux différents partenaires et acteurs des pistes de recherche-action pour comprendre plus avant les transformations en cours. Dans le cadre de cette piste sur les hubs de partages, voici 4 propositions de démonstrateurs dont certaines seront approfondies avec nos partenaires et pourront donner lieu, nous le souhaitons, à des expérimentations réelles. Elles ne sont ici qu'esquissées :

Le quartier malléable Une expérimentation de partage de la ville Directement inspiré des travaux du géographe Luc Gwiazdzinski21, le quartier malléable se veut une

21 http://alireailleurs.tumblr.com/post/105593371987/il-faut-developper-la-ville-malleable-lexpress

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expérimentation en situation de sa proposition d'optimiser l'usage des bâtiments privés et publics en les ouvrant à de nouvelles formes de partage. "Faisons en sorte que les bâtiments existants servent à une chose différente le matin, l’après-midi, le soir et la nuit" - Luc Gwiazdzinski. La question à se poser et à laquelle répondre est de savoir comment une idée passe à l'échelle. Quels nouveaux services faut-il imaginer pour fluidifier ces formes de partages ? Comment organiser concrètement les autorisations d'accès, l'accès aux lieux, les responsabilités assurantielles et personnelles ? Quelles passerelles servicielles imaginer entre ces nouvelles formes d'ouverture publiques et des formes privées ? Quels obstacles faut-il lever pour développer un quartier malléable ? Pour développer une telle expérimentation grandeur nature, nous aurions besoin d'un territoire pilote qui souhaiterait lancer une expérimentation de ce type sur plusieurs sites ayant plusieurs fonctions (école, cantine, gymnase, MJC, et autres bâtiments municipaux) ainsi que des acteurs privés intéressés à accompagner cette expériementation pour développer des services liés et complémentaires (services d'authentification, de gestion de clefs et d'autorisation, agenda partagés, gestion de la facturation de l'électricité, etc., passerelles avec des services privés existants et à développer). Quels enseignements pourrions-nous retirer d'une expérimentation grandeur nature autour d'une dizaine d'équipements publics mis en partage sur un an ?

Le 1% sociabilité Une proposition de loi pour développer la sociabilité de voisinage La développement de la sociabilité et le renforcement du lien social sont au coeur des enjeux du développement de la consommation collaborative. Le danger pourtant est qu'elle ne se résume qu'à une économie de la fonctionnalité oubliant les principes et valeurs qui la motivent. Les hubs de partage peuvent prendre des milliers de formes différentes, nous l'avons vu, selon qui conduira à l'émergence de ces outils du lien social. Pour favoriser des initiatives sociales, ascendantes, portées par les citoyens, faut-il inventer de nouveaux outils du vivre ensemble ? C'est ce que propose cette piste, s'inspirant des propositions de l'architecte et urbaniste Nicolas Soulier22 sur la reconquête des rues, en souhaitant explorer l'idée du 1% sociabilité. Et si 1% des charges des immeubles annuelles étaient dédiées à la sociabilité de l'immeuble et de la rue ? Et que l'utilisation de ce budget était voté par les copropriétaires et les locataires ? Qu'ils décident d'organiser une fête des voisins, d'aménager un local de bricolage dans la cour, une cabane à vélo, un espace barbecue extérieur, ou acheter un banc pour mettre devant l'immeuble ou planter une frondaison à l'entrée de l'immeuble… Pour inviter les copropriétés à réfléchir au lien social autrement que par des grilles et des digicodes, pourrait-on imaginer une proposition de loi qui instaure un pourcentage des charges annuelles dédiées à favoriser le lien social ? L'enjeu de ce démonstrateur est de regarder concrètement la faisabilité légale d'un dispositif de ce type et ses modalités d'applications afin de développer un outil permettant d'envisager des évolutions plus rapides que ne le permettent l'évolution des PLU et plus pérennes que les journées d'actions dédiées sur le modèle Parking day. Comment laisser les gens faire et créer eux-mêmes leurs modes de partage ?

22 http://www.rue89lyon.fr/2014/06/16/lyon-reconquerir-les-rues-pour-reconquerir-notre-sociabilite/

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Initier la 1ère ville du partage française Un laboratoire urbain pour le partage grandeur nature L'exemple du programme Sharing City de Séoul est forcément inspirant. La capitale de la Corée du Sud a décidé de devenir aussi la capitale du partage et de l'économie collaborative23. Piloté par un bureau d'innovation mis en place spécialement, la ville a démultiplié les programmes : ouvertures de plus de 800 immeubles au public, programme d'incubation dédié, promotion de services de troc et de covoiturage, travail avec les assureurs pour trouver des modalités d'accompagnement inédites. Une politique offensive de ce type faisant le pari de la collaboration est un formidable laboratoire vivant pour développer des initiatives et des services adaptés, à l'image du Nesta britannique qui propose de développer un laboratoire dédidé à l'économie collaborative, pouvons-nous amener une ville française à le devenir ? Comment initier, favoriser et lever les obstacles au développement de la 1ère ville du partage française avec une politique volontaire ? Comment en initier une et en faire éclore 100 ? À la Fing, nous sommes convaincus que la France a besoin de laboratoires grandeur nature !

La conciergerie glocale Développer le partage en mode hyperlocal Passer par l'angle de l'hyperlocal réinterroge bien des questions de la consommation collaborative. Que serait un acteur public, associatif ou privé qui se proposerait de devenir le Magic24 collaboratif de l'hyperlocal ? Qui proposerait, sur demande des habitants, d'accompagner au lancement de 100 services collaboratifs à l'échelle locale sur un an ? Services d'achats groupés hyperlocaux, conciergerie et consignes, gestion d'espace partagée pour l'hébergement, les réceptions ou le travail, accueillant à la fois plateformes d'échanges de proximité physique et virtuelle… Combien de services différents une conciergerie hyperlocale doit-elle proposer pour devenir rentable - et peut-elle fournir très bien plusieurs types de services ? Beaucoup de services hyperlocaux de la consommation collaborative se lancent sur un créneau et un seul et rencontrent des difficultés à consolider leur modèle économique. Pourrions-nous tester en vrai, concrètement, un service de conciergerie qui démultiplierait les offres pour mieux préciser les modèles d'affaires accessibles et permettre à des milliers de conciergeries glocales de voir le jour, comme l'ont été les boutiques de cigarettes électroniques ?

23 http://alireailleurs.tumblr.com/post/88752943164/seoul-la-ville-du-partage-shareable-net 24 http://alireailleurs.tumblr.com/post/112121562265/magic-uber-pour-tout-mashable

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Piste 3 : Consommation collaborative : pour de nouvelles réponses aux défis sociaux Tout un pan de la consommation collaborative affirme des finalités sociales ou environnementales. La consommation collaborative a des liens de parenté forts avec l’économie sociale et solidaire (ESS), bien qu’elles s’opposent parfois et que les acteurs des deux secteurs se connaissent et se parlent finalement encore assez peu. D’un côté, l’ESS, dont le périmètre donne encore parfois matière a débat, rassemble des entreprises et associations “dont la finalité est davantage tournée vers la plus-value sociale ou environnementale que vers la recherche du gain financier25”. Historiquement codifiée par des statuts relativement stricts, elle comprenait jusqu’à 2014 des acteurs économiques divers, tels les coopératives, les mutuelles, les associations et les fondations : un paysage hétérogène, entre acteurs mettant plutôt l’accent sur les finalités poursuivies, et ceux mettant l’accent sur la propriété des moyens de production. Mais elle comprend aussi désormais des entreprises constituées sous forme de sociétés commerciales à but social, respectant certains principes de l’ESS : gouvernance non exclusivement liée aux apports en capital, poursuite d’une activité d’une utilité sociale, orientation stable des excédents dégagés en faveur de cette activité, limitation de la spéculation sur le capital et les parts sociales... En somme, la question de l’ESS n’est plus du tout qu’une question de statut... D’un autre côté, la consommation collaborative recouvre des réalités également très diverses, au sein de laquelle certains services mettent en avant le développement du lien social ou d’autres finalités sociales, alors que d’autres n’affirment absolument pas cette volonté. Du côté des projets poursuivant des finalités sociales ou très ancrés localement, la proximité avec l’ESS est souvent très forte : SELs et échange de services, Amaps… Mais les acteurs de l’ESS ne se reconnaissent souvent pas pour autant dans la consommation collaborative, troublés par l’ampleur et les trajectoires de croissance de certaines plateformes. Et certains des acteurs de la consommation collaborative perçoivent encore l’ESS comme étant peu numérique et agile, enfermée dans des statuts rigides. Pourtant à l’heure de défis sociaux et sociétaux considérables (emploi, insertion, pauvreté,...), il nous semble qu’ESS et consommation collaborative auraient tout intérêt à dialoguer, s’emparant de l’agilité de l’une et des méthodes et finalités de l’autre, afin de proposer de nouvelles réponses à ces défis. Comment la consommation collaborative peut-elle oeuvrer pour répondre à ces défis ? Tel est l'enjeu de cette piste.

25 Source : L’Atelier IDF http://www.atelier-idf.org/decouvrir-ess/economie-sociale-solidaire/definitions-ess.htm

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ESS et Consommation collaborative : mais qu’ont-elles vraiment en commun ? Consommation collaborative et ESS sont nées à plusieurs dizaines d’années d’intervalle et ont deux filiations bien différentes - si l’on s’abstrait des questions de statuts en les considérant plutôt comme des mouvements distincts. Mais elles ont aussi un certain nombre de points communs qui en brouillent les frontières.

Des finalités sociales aux modes de gouvernance distribués Un certain nombre de critiques à l’encontre de la consommation collaborative, émanant d’acteurs de l’ESS, se cristallise autour du rapport à l’économie de marché. L’économie sociale et solidaire, également qualifiée de "tiers secteur", se démarque historiquement du secteur privé lucratif (et concurrentiel). Elle s’inscrit ainsi dans une démarche alternative de "réparation du capitalisme", en affirmant des finalités sociales et une lucrativité limitée (mais pas nécessairement absente !). La consommation collaborative, elle, est souvent perçue à contrario comme voulant conquérir le marché ; bien sûr, c’est loin d’être toujours le cas, mais les discours et stratégies de certains grands acteurs du secteur (Uber voulant remplacer les taxis, Airbnb conquérir le marché de l’hôtellerie), et les trajectoires de croissance exponentielles des startups éloignent consommation collaborative et ESS. La contestation de certaines Amaps face à la Ruche qui dit Oui ! par exemple est ainsi motivée par leur positionnement distinct : les premières parlant d’un "soutien à l’agriculture paysanne" qui sort du marché, quand la seconde parle d’un mode de consommation responsable26. Cette opposition illustre bien les tensions qui existent entre des acteurs historiques de l’ESS et les acteurs de la consommation collaborative sur des secteurs similaires. Néanmoins, en analysant plus finement le paysage de la consommation collaborative, on identifie en effet de nombreuses startups qui n’ont pas toute une volonté de croissance exponentielle ni de conquête de marché. C’est par exemple le cas de startups proposant des plateformes de partage de proximité, comme ShareVoisins. La finalité des projets semble ainsi également opposer ESS et consommation collaborative. Si la finalité collective ou sociale fait partie de l’ADN de l’économie sociale et solidaire, c’est loin d’être toujours le cas du côté des plateformes et services de la consommation collaborative. Certes, les grandes plateformes se sont souvent développées en mettant en avant le développement du lien social, de la rencontre, … mais elles n’affirment pas pour autant une finalité sociale. Le recours à nombre de services de la consommation collaborative est souvent motivé par une tension économique, ou des besoins insatisfaits par les propositions existantes (c’est notamment le cas du covoiturage27), mais la plupart des services ne sont pourtant pas si différents que ça de l’économie “traditionnelle”. La collaboration réelle des individus est parfois faible sur ce qui ressemble davantage à des places de marché. Certes, cette réalité ne concerne pas toute la consommation collaborative : en fait, cette dernière se bipolarise de plus

26 Interview croisée Amap / Ruche qui dit oui ! :http://aquitainedecroissance.org/2014/11/09/les-amap-disent-non-a-la-ruche-qui-dit-oui/ 27 Voir l’enquête ShaRevolution.

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en plus entre les services et plateformes emblématiques d’un côté et des projets proches de l’esprit de l’ESS et de ses finalités sociales de l’autre. Tout en observant les mêmes nuances en raison de la diversité du paysage collaboratif, ESS et consommation collaborative divergent aussi quant au mode de gestion et à la gouvernance. Gouvernance partagée non liée aux apports en capital, "gestion démocratique" pour la première, quand la seconde – et particulièrement ses startups - s’intéresse peu à ces modes de gouvernance partagée. La question de la gouvernance est néanmoins une revendication qui monte du côté des usagers de la consommation collaborative... (voir la piste “Consommation collaborative : l’enjeu du financement et de la gouvernance”) Dans ce cadre, aujourd'hui, les coopératives se revendiquant de la consommation collaborative (les supermarchés coopératifs comme la Louve par exemple) qui sont au croisement des deux secteurs, sont parfois même plus ouvertes que bien des entreprises traditionnelles de l’ESS. Ces divergences s’expliquent en partie par les filiations différentes des deux secteurs. La consommation collaborative puise certes dans l’économie sociale et solidaire elle-même (du côté des valeurs, de l’attention aux circuits courts, de la participation active des membres…), mais aussi dans des généalogies plus numériques, autour du modèle du logiciel libre, des communautés en ligne, des biens communs, mais aussi autour de formes d’innovation ascendantes très numériques comme l’économie de la contribution, le web 2.0, le crowdsourcing, etc. Plus jeune, la consommation collaborative s’appuie donc tout naturellement sur un ensemble d’outils numériques et démontre une certaine agilité, contrairement à l’ESS, qui s’adapte et doit parfois se transformer. Mais elles ne devraient pas s’opposer sur cette base : le numérique a lui-même une dimension politique compatible avec les valeurs de l’ESS, favorisant l’émergence de capacités d’action collective, de communautés et de communs et l’ouverture. C’est ainsi qu’après les premiers temps de l’opposition, les deux “secteurs” s’affirment plus enclins à entamer le dialogue, conscients des divergences, mais aussi de leurs proximités. Comment rapprocher la consommation collaborative de l'ESS ? Consommation collaborative et ESS se sont toutes deux construites autour d’un recours au collectif. Mais les chemins empruntés pour y parvenir ne sont souvent pas tout à fait les mêmes : les modèles de la consommation collaborative permettent aux utilisateurs de valoriser leurs propres ressources et visent à rapprocher les individus, qu’ils soient du côté de l’offre ou de la demande (et parfois des deux !), en contournant les intermédiaires traditionnels, ou en re-créant de nouveaux intermédiaires : les plateformes. L’ESS prône, elle, une action collective à proprement parler, en se structurant comme intermédiaire, animateur, organisateur de ces collectifs. En somme, entre actions individuelles et action collective, on est face à des valeurs qui s’opposent en apparence28.

28 http://www.internetactu.net/2011/10/20/la-technologie-la-plus-liberale-peut-elle-etre-mise-au-service-des-services-publics/

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Mais les modèles des deux bords ne sont pas toujours aussi antagonistes. Les coopératives, groupements d’achats (encore eux) hybrident les chemins, en associant action collective et nouveaux intermédiaires et en proposant de s’organiser et d’agir collectivement. Et une organisation comme OuiShare, acteur important du paysage de la consommation collaborative, vise entre autre à bâtir des communautés de consommateurs collaboratifs. La finalité, si elle sépare très clairement une partie de la consommation collaborative et l’ESS, rapproche certains services et projets. L’ESS fait de la poursuite d’une utilité sociale ou collective un de ses piliers, rappelés récemment par la loi sur l’Economie sociale et solidaire ; agir en faveur d’un territoire, d’une population spécifique, d’un collectif, d’une cause ou d’enjeux sociétaux ciblés (réduction des déchets, inclusion sociale, etc.)… Certains services de consommation collaborative (mais pas tous !) ne sont donc pas loin quand ils proposent de la location de véhicules adaptés au handicap, entre particuliers, comme Wheeliz ou le partage d’expériences positives ou négatives, en situation de handicap comme I Wheel Share ; quand ils proposent de la consommation en circuit court (Amaps, Ruche qui dit Oui !...), des initiatives alimentaires festives, gratuites et ouvertes à tous (Disco Soupe,…). Dernière idée reçue que certains acteurs qui construisent d’ores et déjà des passerelles entre les deux secteurs s’empressent de faire tomber : il n’y a pas, d’un côté, un secteur dans lequel les échanges sont strictement non-monétaires et de l’autre un secteur dans lesquels ils sont tous payants. Consommation collaborative comme ESS conjuguent ces deux types d’échanges. Ainsi, si la location de biens entre particuliers s’est développée avec la consommation collaborative, elle pourrait très légitimement se développer dans le cadre de l'ESS. De même, troc, prêt, don, achats groupés, achat de produits en circuits courts, existent de longue date dans l’ESS et font partie de certaines des modalités d’échanges de la consommation collaborative. Il devient donc parfois difficile de rattacher un projet ou un service à un secteur plutôt qu’un autre (certains services étant portés par des acteurs se revendiquant de l’ESS et de la consommation collaborative), quand bien même certaines dimensions restent incompatibles et que les deux secteurs conservent leurs spécificités. La Ruche qui dit Oui ! fait partie de ces acteurs qui se revendiquent des deux approches : née avec la consommation collaborative, elle bénéficie depuis 2012 de l’agrément ESS. L’évolution du cadre de l’ESS semble être une opportunité supplémentaire pour un rapprochement, en dépassant certains obstacles. Jusqu’à présent, l’ESS "historique" liait finalités et statuts : une structure devait être une coopérative, une mutuelle, une association ou une fondation pour se revendiquer de l’économie sociale, le cadre étant plus flou du côté de l’économie solidaire. La loi sur l’Economie Sociale et Solidaire de 2014 change la donne, en reconnaissant désormais des "Entreprises à but social", l’ESS y étant reconnue comme "un mode d’entreprendre spécifique", afin, notamment, de lever certains obstacles dans la recherche de financements (notamment auprès d’investisseurs). Cette loi répond ainsi à un double enjeu : en créant de nouvelles formes de sociétés, elle encourage de nouvelles formes de gouvernance qui ne soient pas celles imposées par les seuls investisseurs ; et dans le

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même temps, elle entend répondre à des besoins de financement spécifiques de “jeunes pousses” à but social, qui souhaitent croître rapidement. Cette évolution pourrait vivement encourager la création de projets rapprochant le fonctionnement de la consommation collaborative (recours au numérique, fonctionnement en réseau,…) et les finalités de l’ESS, et permettre de renforcer le dialogue entre les deux. L’entrepreneuriat social se développe, et des entreprises telles Qarnot voient le jour ; entreprise à priori traditionnelle, celle-ci utilise ainsi l’énergie et la chaleur produites par le fonctionnement d’ordinateurs (en proposant aussi un outil de calcul) pour fournir du chauffage gratuitement, notamment à des logements sociaux. La consommation collaborative n’est pas soluble dans l’ESS, ni l’inverse. Leurs paysages respectifs sont trop divers pour systématiser des rapprochements. Mais les deux secteurs pourraient, comme l’imaginent certains, évoluer en se nourrissant l’un l’autre, assurer des complémentarités afin d’apporter des réponses nouvelles à un certain nombre de défis sociaux et sociétaux qui peinent aujourd’hui à se voir proposer des solutions. Favoriser le dialogue et les collaborations Comment tirer parti de ces complémentarités, et les mettre au profit d’enjeux sociaux ? Comment faciliter le dialogue entre les deux mondes, de l’ESS et de la consommation collaborative ? Une première piste serait probablement de stimuler les croisements, en multipliant les opportunités de rencontre et de collaboration, via des événements, des rencontres, des lieux. Les Ecossolies à Nantes sont un exemple de "Hub" de rencontre : association regroupant des acteurs divers se reconnaissant dans l’ESS et affirmant une volonté de transformation sociale, elle œuvre notamment à favoriser de nouvelles coopérations entre acteurs de l’ESS et d’autres secteurs, afin de contribuer "au changement d’échelle de l’Economie sociale et solidaire". Elles s’incarnent entre autres dans le Solilab, un lieu dédié à l’ESS ouvert aux professionnels et au grand public, accueillant plusieurs dizaines d’entrepreneurs de l’ESS dans ses locaux, dont certains se revendiquent également de la consommation collaborative. Les Ecossolies ont aussi créé le "Labo des Ecossolies", un outil visant à stimuler l’émergence "d’innovations sociales et l’accompagnement aux porteurs de projets", comprenant entre autre un incubateur et une pépinière… dans laquelle grandissent également des projets liés à la consommation collaborative (MonEcocityNantes par exemple). De tels dispositifs peuvent aussi être l’occasion d’expérimenter ce que le fonctionnement de la consommation collaborative pourrait apporter sur un certain nombre de problématiques sociales : comment le pair à pair pourrait-il compléter les réponses apportées par les acteurs de l’ESS, par exemple en apportant des compétences supplémentaires pour répondre à des enjeux de formation, des lits pour répondre à des besoins d’hébergement, l’accès à certains équipements ménagers à bas coût via du partage ou de la réutilisation d’objet d’occasion… ? Sur quel

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secteur est-ce pertinent, sur quel secteur n’est-ce pas envisageable ? C’est probablement en expérimentant et en montrant par l’exemple que de telles collaborations peuvent porter leurs fruits qu’émergeront des solutions durables à des défis sociétaux, en dépassant les oppositions et divergences. Les modalités de dialogue et de collaboration restent à décrire ; un point central résidera dans la capacité des uns et des autres à identifier les besoins mutuels, et des défis sociaux ou sociétaux sans réponses. En partant des besoins de l’ESS, déjà très active sur le terrain, les porteurs de projets (les nouveaux entrepreneurs sociaux) s’interrogeront sur la façon dont la consommation collaborative pourrait contribuer à faire émerger de nouvelles solutions en compléments des actions déjà menées. Attention à ne pas tout réinventer dans des domaines déjà largement couverts par l’ESS, il ne s’agit aucunement de remplacer les acteurs pré-existants ! Inversement, pourrait-on imaginer des dispositifs permettant aux acteurs de l’ESS de passer des appels aux plateformes de la consommation collaborative et à leurs communautés pour répondre à des problèmes spécifiques ? Besoin d’hébergement d’urgence, de développement de compétences, de moyens de transport,… Autant de dispositifs et de passerelles qui restent à inventer ! Propositions de démonstrateurs

CommunitiesMix Un dispositif pour “mixer” les communautés de l’ESS et de la consommation collaborative. Comme l'a pointé l'essentiel de cette piste, le dispositif CommunitiesMix vise à faciliter le dialogue et les collaborations entre acteurs de l’ESS et de la consommation collaborative, et à faire émerger de nouvelles solutions à des défis sociaux. Il repose sur :

● des résidences croisées ESS-Consommation collaborative, invitant les acteurs des deux secteurs à découvrir d’autres méthodes, d’autres enjeux et à travailler sur des sujets ou des projets spécifiques.

● un pôle de rencontre physique sur le modèle des Ecossolies ouvert aux deux univers. ● des événements communs. ● un outillage à destination des entrepreneurs sociaux, afin qu’ils comprennent et choisissent les

statuts et modes de gestion de leur projet. ● Un réseau d'échange fédérant l'information provenant de plusieurs pôles (sur le modèle du Social

Innovation Exchange de l'innovation sociale par exemple) ? L'enjeu est à la fois de rapprocher le monde des startups de la consommation collaborative des enjeux de l'ESS et amener les structures de l'ESS à s'inspirer de dispositifs techniques et agiles développés par la consommation collaborative. Nous pensons que c'est au croisement de ces deux univers que se développeront des services mieux capables de répondre aux besoins des gens tout en pronant des finalités sociales fortes.

Pôle (Co)emploi Quand Pôle emploi se réinvente en mode collaboratif.

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Alors que Pôle emploi mène un travail de terrain mais peine à répondre aux besoins (notamment en raison du manque de ressource), le collaboratif peut proposer de nouvelles pistes de réponse. Pôle (Co)emploi est ainsi une proposition de dispositif visant à compléter Pôle emploi, en s’appuyant sur les dynamiques collaboratives qui émergent. C’est essentiellement une communauté d’entraide, une “couche sociale” autour du Pôle Emploi, qui permet aux demandeurs d’emploi de bénéficier d’un accompagnement à l’écriture de CV et à la valorisation de soi, de se donner de bons plans, et qui vise à aider à la coproduction d'initiatives par les demandeurs d'emploi. Appuyée sur une plateforme en ligne - à la fois locale et globale - la communauté du Pôle (Co)emploi peut aussi investir des lieux existants (agences de Pôle Emploi, espaces de travail numérique, espaces de co-working...) ou de nouveaux lieux inattendus (dans un esprit proche de CoPass, qui permet de travailler de façon flexible dans des lieux divers). Comment penser ces articulations nouvelles, qui pourrait porter un tel dispositif ? Une plateforme, à l’image des plateformes d’échange de compétences et de savoirs (comme TalenTroc) ou des plateformes qui permettent déjà de tester un métier ou une activité (comme Jobs en Boîte) ? Des acteurs associatifs ? Des demandeurs d’emploi ? Au-delà des réponses apportées aux besoins individuels des membres de cette communauté, comment peut-elle elle-même innover dans les réponses aux problématiques d’emploi ? Comment peut-elle amener Pôle Emploi à innover dans ses pratiques ? En complément des acteurs de l’innovation publique (Super Public…), des acteurs public ou associatifs de l’insertion, il nous semble que ce Pôle (Co)emploi pourrait permettre d’imaginer des propositions nouvelles aux problématiques de l’emploi !

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Piste 4 : Consommation collaborative : l’enjeu du financement et de la gouvernance (vers une consommation coopérative ?) Explorer des circuits alternatifs de financement et de développement pour une consommation collaborative plus « coopérative »

La consommation collaborative recouvre des initiatives et projets divers ; elle propose des services pairs à pairs qui mettent en relation directement les individus entre eux, mais aussi d’autres dans lesquels les particuliers s’organisent pour la gestion de ressources communes. Les questions de la gouvernance et de la répartition de la valeur,... au sein de ces initiatives auraient pu rester non posées, mais les craintes de voir les grandes plateformes de la consommation collaborative concentrer toujours plus de valeur29 sans que les usagers n’aient leur mot à dire amène à s’interroger sur les modèles à l’oeuvre. Dans ce paysage collaboratif, les exemples d’initiatives plus modestes (proches de l’Economie sociale et solidaire (ESS), du type AMAP, SEL, mais aussi des supermarchés coopératifs…) ayant instauré un mode de fonctionnement coopératif ne manquent pas ; et si c’était dans ces principes de gouvernance, valeur, expérience... plus partagées que la consommation collaborative pouvait pleinement s’épanouir ?

Pourquoi la coopération doit-elle venir en aide à la consommation

collaborative ?

Trajectoires de croissance des projets de la consommation collaborative : regarder au-delà des grandes plateformes Pour beaucoup de monde (et de média…), la consommation collaborative est surtout représentée par les grandes plateformes que sont Airbnb, BlablaCar, Uber,… Dans les faits, ces grands exemples régulièrement cités ne sont que l’arbre qui cache la forêt d’un paysage très divers et en mouvement. Des modèles marchands cohabitent avec du non-marchand, des services ou plateformes locaux avec des services déterritorialisés ou agissant à des échelles différentes,… Bien sûr, toutes les initiatives de consommation collaborative ne visent pas à croître de façon exponentielle ni à passer à l’échelle (ce n’est par exemple pas du tout l’objectif d’initiatives hyperlocales type SELs, AMAPS, etc.). Mais chaque jour voit le lancement de plusieurs startups de

29 Comme le dit Tom Goodwin, vice-président de la stratégie et de l'innovation de Havas Media : "Uber, la plus grande compagnie de taxi du monde ne possède aucun véhicule. Facebook, le plus populaire média du monde, ne créé aucun contenu. Alibaba, le détaillant le plus bénéfique, n'a aucun inventaire. Et Airbnb, le plus grand fournisseur d'hébergement du monde, ne possède aucun bien immobilier".http://techcrunch.com/2015/03/03/in-the-age-of-disintermediation-the-battle-is-all-for-the-customer-interface/

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la consommation collaborative dont toutes ne réussiront pas à s’imposer durablement dans le paysage, et le taux de mortalité de ces initiatives reste élevé. Le modèle de développement des Airbnb, BlablaCar et autres, que beaucoup prennent en exemple, est-il systématiquement à suivre ? Au-delà du fait qu’il sera dans les faits difficile à suivre pour la plupart des plateformes/services, dont la proposition de valeur n’est pas toujours claire et qui arrivent sur un marché déjà encombré, ce modèle interroge.

Valeur, gouvernance, appartenance, expérience… le partage : un impératif pour la consommation collaborative Les critiques qui voient le jour autour de l’évolution de ces plateformes, émanant d’utilisateurs de la première heure, mettent le doigt sur un des problèmes : les utilisateurs, qui contribuent pourtant aux services en proposant leurs véhicules, leurs services, leurs logements, leur « force de travail »30… n’ont pas (ou peu) leur mot à dire quant à l’évolution des services. "Passage au mode payant de Blablacar, le début de la fin pour le covoiturage ! [ …] Côté chiffres, il n’y a rien à dire, en opérant ce virage à 360°, le site a vu exploser son nombre d’inscrits et par là même son chiffre d’affaires. Mais en gagnant des inscrits, le site et son équipe en ont perdu les fondements du covoiturage, basé sur la confiance d’autrui et le partage. [ …] avec plusieurs millions d’utilisateurs d’autres moyens sont possibles pour la monétisation d’un modèle comme Covoiturage.fr, sans pour autant passer par une taxation systématique du voyage [ …] Le covoiturage n’est plus social, il est purement économique31" estime un covoitureur de la première heure. En somme, l’expérience devient déceptive. En laissant place au service, le sentiment d’appartenance s’estompe, et la valeur semble toujours plus concentrée... Les modèles d’une économie fonctionnant grâce aux contributions de ses utilisateurs peuvent-ils continuer à se développer de la même façon que ceux de l’économie traditionnelle, en n’associant pas les utilisateurs et clients à la décision ? La question agite certains usagers et acteurs de la consommation collaborative. Et il nous semble également que c'est un défi à relever pour que l'économie collaborative ne sombre pas dans l'économie à la demande32.

Le financement, nœud du problème Les startups de la consommation collaborative semblent prises dans une sorte d’engrenage quasi-infernal : leur trajectoire de financement et de développement (comme pour les startups plus globalement) les pousse à une croissance rapide. Les objectifs, la promesse de valeur économique doivent être ambitieux à court terme, pour que celles-ci trouvent les financements nécessaires

30 http://www.internetactu.net/2014/12/08/le-proletariat-du-web-accede-a-la-conscience-de-classe/ 31 http://alireailleurs.tumblr.com/post/89843872188/blablacar-a-t-il-tue-lesprit-du-covoiturage 32 Cette distinction récente entre économie collaborative et économie à la demande cherche à préciser et éloigner certaines société de l'économie collaborative du fait qu'elles n'en remplissent pas les conditions "éthiques" : http://www.usine-digitale.fr/editorial/l-uberisation-du-travail-decryptee-par-the-economist.N306146 et http://www.internetactu.net/2014/07/10/quest-ce-que-leconomie-du-partage-partage-33-un-capitalisme-de-catastrophe/

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auprès des Business Angels et Venture Capitalists, qui escomptent un retour sur investissement important. La croissance des services se fait ainsi parfois au détriment des utilisateurs, qui ne sont pas associés à la décision (par exemple aux modifications des conditions d’utilisation, fréquentes) dans un souci de ne pas ralentir la croissance de la startup. La réflexion sur le partage de la valeur et la conservation d’une véritable expérience collaborative, lorsque le service se développe, sont souvent un peu vite occultées.

Inventer de nouvelles structures d’entreprise collaboratives Alors qu’une grande partie des consommateurs collaboratifs déclare "rechercher du sens" avec ces modes de consommation, avec pour certains une envie de s’impliquer d'une manière plus active, l’expérience de consommation proposée par les startups de l'économie à la demande n’est pas fondamentalement différente de celle proposée par l'économie traditionnelle – si ce n’est que le service est assuré par d’autres particuliers au lieu d’une organisation. Les consommateurs-contributeurs commencent eux aussi à faire part de leur mécontentement : en mai 2014, une « centaine de chauffeurs d’Uber a manifesté devant le siège de l’entreprise à San Francisco [ …] contre les fluctuations de tarifs que décide unilatéralement la société dans la plus grande opacité, contre l’absence d’écoute de leurs besoins et contre les menaces face à toute mauvaise note reçue d’un passager qui peut les faire exclure du service… 33». Certes, il s’agit avec Uber de professionnels indépendants, et pas tout à fait de consommation collaborative (autre exemple, la revendication collective de travailleurs du Mechanikal Turk d’Amazon fin 201434) mais l’exemple est également révélateur de la tension existante entre des modèles distribués, dans lesquels la décision et la gouvernance ne sont pas partagées. De tels modèles pourraient même s’avérer plus risqués à terme : « vous ne pouvez pas vraiment remédier aux problèmes économiques d’aujourd’hui en utilisant les mêmes structures d’entreprises qui ont créées les problèmes économiques que l’on connaît» souligne Janelle Orsi pour Shareable, expliquant qu’en raison de leur mode de gouvernance et de propriété, les Airbnb, TaskRabbit et autres pourraient être rachetés par des organisations encore plus centralisées, qui se soucieront encore moins de leurs utilisateurs. Dans ce contexte, réinventer les structures et les trajectoires de développpement des entreprises collaboratives - ou en inventer de nouvelles, plus “coopératives” et moins “capitalistiques” est une transformation nécessaire porteuse d’enjeux forts : mettre en adéquation projet économique et projet social, réaffirmer des principes forts (expérience, appartenance à une communauté,...) de l’économie collaborative et ne pas tomber dans l’économie “à la demande”, éviter les débordements d’utilisateurs, favoriser la diversité et l’implication des citoyens (là encore nécessaire pour un projet collaboratif !), faciliter les évolutions du projet... Peut-on s’inspirer de modèles de gouvernance plus partagée, où la redistribution de la valeur aux utilisateurs est un véritable enjeu, pour imaginer autre chose ? Comment les principes du modèle coopératif par exemple, présent depuis longtemps dans l’ESS, associant valeurs de solidarité et de démocratie, peuvent-ils être explorés et adaptés à la consommation collaborative ?

33 http://www.internetactu.net/2014/07/08/quest-ce-que-leconomie-du-partage-partage-13-la-professionnalisation-de-nos-rapports-sociaux/ 34 http://www.internetactu.net/2014/12/08/le-proletariat-du-web-accede-a-la-conscience-de-classe/

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Des modes de gouvernance alternatifs pour la consommation collaborative

Encadré : Les coopératives, un exemple de partage de longue date : La coopérative est un modèle d’entreprise démocratique. Société de personne, elle se différencie des entreprises dites "classiques" par sa gouvernance fondée sur le principe "une personne, une voix" et la double qualité de ses membres qui sont à la fois associés et clients, producteurs, salariés. Il existe : ● des coopératives d’entreprises, dont les associés sont des entrepreneurs ; ● des coopératives d’utilisateurs ou d’usagers (notamment coopératives d’habitants, ou supermarchés coopératifs, crèches coopératives ) ; ● des coopératives bancaires ; ● des sociétés coopératives et participatives, dont les membres associés sont les salariés, majoritaires au capital (SCOP ou coopératives d’activité ou d’emploi) ; ● des coopératives multisociétariales, associant plusieurs parties prenantes autour d’un même projet. Plus que la seule gouvernance partagée, souvent mise en avant, elles reposent sur 7 principes (principes coopératifs de l’Alliance coopérative internationale, 1995) :

● Adhésion volontaire et ouverte à tous ; ● Pouvoir démocratique exercé par les membres ; ● Participation économique des membres ; ● Autonomie et indépendance ; ● Education, formation et information ; ● Coopération entre les coopératives ; ● Engagement vers la communauté.

Source : http://www.entreprises.coop

Certains acteurs de la consommation collaborative ou du partage ont déjà adopté un modèle coopératif. C’est notamment le cas, depuis longtemps, des coopératives d’autopartage : le réseau Citiz rassemble en France 16 opérateurs d’autopartage au sein d’une coopérative de consommation. Mis en œuvre localement par des sociétés coopératives, des associations, des entreprises publiques, sans but lucratif, il associe usagers et collectivités aux décisions. Au Québec, Communauto était la plus ancienne coopérative d’autopartage (fondée en 1994) avant de se transformer en société privée. Est-ce à dire qu’en se développant, ce type d’acteur est voué à abandonner un fonctionnement coopératif trop "lourd" ? Pas nécessairement, comme le prouve la volonté d’organisation de deux coopératives d’autopartage à Vancouver, où Modo et Victoria Car Share fusionnent en 2014 afin de renforcer le poids de la proposition coopérative face à d’éventuels acteurs "traditionnels" internationaux (ZipCar, Car2Go, etc.).

L’exemple du supermarché Park Slope Food Coop, supermarché coopératif fondé à Brooklyn en 1973 et comptant aujourd’hui 16 000 membres, prouve que l’on peut grandir et durer en étant une coopérative.

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Le supermarché fonctionne sur la base des contributions des membres : en échange d’un travail bénévole de 2 à 3h par mois au supermarché, chaque membre peut y faire ses courses et accéder à des produits de qualité à prix réduit. Au fur et à mesure de l’augmentation du nombre de membres (aujourd’hui limitée), la Coopérative a créé de nouveaux services afin de proposer de nouvelles tâches aux bénévoles (crèche dans le supermarché, etc.). Le modèle de Park Slope a servi d’exemple pour plusieurs initiatives plus récentes, comme le People’s Supermarket à Londres ou La Louve, actuellement en train de se monter à Paris.

De nouvelles coopératives de travailleurs se constituent également dans la nébuleuse de la consommation collaborative. Alors que Taskrabbit (et des plateformes similaires de services entre particuliers) émergent puis se transforment – là encore sans associer les utilisateurs à ces évolutions – d’autres plateformes, comme Loconomics, ont choisi un modèle coopératif. Les membres sont les personnes qui proposent leurs services. Néanmoins, ces coopératives sont à la périphérie de la consommation collaborative, puisque l’on s’éloigne parfois du "petit service" pour y trouver des services proposés par des professionnels indépendants plutôt que par des particuliers… mais elles se développent tout de même dans le contexte global de l’évolution de la consommation collaborative.

Les freins à la gouvernance partagée Consommation collaborative et modes de fonctionnement coopératifs ne sont donc pas antithétiques, loin de là. Mais le choix de certains acteurs de se tourner vers ces modes de fonctionnement coopératifs ne règle pas totalement la tension à laquelle de nombreux porteurs de projets sont confrontés, entre le besoin et la recherche de financements initiaux et une gouvernance partagée. Le choix d’un mode coopératif effraie notamment nombre de porteurs de projets en raison d’une difficulté à trouver les financements initiaux depuis ce mode d'organisation. Autre obstacle souvent évoqué, la taille de la structure : le choix d’un modèle coopératif limiterait la taille et la possibilité de croissance d’un projet. Des exemples comme Fairmondo, coopérative allemande 2.0 pensée comme une alternative à Amazon, qui entend se développer à l’international, montrent pourtant que des trajectoires de croissances originales peuvent être imaginées. Sur la base des expériences existantes, comment accompagner les porteurs de projets de la consommation collaborative dans le choix de modes de distribution de la valeur, de gestion et de gouvernance partagés ? Et peut-on envisager que des acteurs qui se sont développés avec des modèles "traditionnels" de concentration de valeur, basculent vers des modes plus partagés pour enfin faire se rejoindre le projet social et le projet économique de ces entreprises ?

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Stimuler l’émergence de micro-initiatives coopératives, un enjeu pour des acteurs publics comme privés D’autres projets de consommation collaborative (qui ne se revendiquent d’ailleurs pas toujours comme tels), ne sont pas portés par des entrepreneurs mais peuvent naître de l’énergie d’un collectif plus ou moins informel, autour un projet local précis, à l’échelle d’une résidence, d’un quartier, d’une ville… Ceux-ci se tournent souvent naturellement vers des formes coopératives35. Coopératives d’achat, habitat participatif ou coopératif, épicerie coopérative, coopérative d’énergie, crèches coopératives… ces micro-coopératives ou autres formes participatives n’ont pas toujours l’ambition de grandir, voire d’essaimer, mais seulement de concrétiser un projet et de le pérenniser, dans un contexte où les freins sont nombreux. Parmi les questions pratiques que peuvent se poser les porteurs de projets de ce type : comment organiser le temps, lorsque l’on n’a pas de permanents, pas d’organisation formelle…? Comment connaître précisément les démarches à effectuer ? Vers qui se tourner pour un accompagnement des projets ?

L’habitat participatif illustre les freins auxquels se heurtent les petites initiatives portées par des collectifs peu formalisés. Contrairement à d’autres pays européens (Pays scandinave, Allemagne…), la France n’a pas vu véritablement émerger cette forme de participation. Début 2014, seule une vingtaine de projets avait vu le jour, une cinquantaine étaient en développement, plus de 200 en réflexion. Les obstacles rencontrés sont autant liés aux démarches administratives qu’à la recherche de financements : ● la gestion du temps et la vie de groupe : des projets très long à imaginer et mettre en oeuvre ● la difficulté d’obtenir des financements initiaux pour monter le projet, d’obtenir un prêt de la part des banques qui accorde difficilement sa confiance. ● La difficulté de trouver un terrain adapté et les prix du foncier. ● Les démarches administratives à entreprendre, le cadre de la gouvernance à établir, etc. Des associations visent à promouvoir ce mode d’habitat, mais aussi à en accompagner le développement, comme HabiCoop, mais leurs moyens sont souvent limités, d’autant que les besoins des porteurs de projets sont aussi directement adressés aux collectivités. En réponse, une vingtaine de villes a créé en 2010 le Réseau national des collectivités pour l'habitat

35 DUPIN Eric, Les Défricheurs, 2014, Editions La Découverte. Dans son livre, les Défricheurs, Eric Dupin évoque des chiffres (p. 179) : 23 000 entreprises coopératives en France qui emploient 4,5% des salariés - via ur1.ca/hk36i. Il souligne la diversité de cet univers (Crédit Agricole, Yoplait...). Les Scop et les Scic se développent : on est passé de 1883 entreprises à 2165 entre 2008 et 2012 pour 43 860 salariés en 2012. Les chiffres donnés illustrent notamment le caractère aujourd’hui très minoritaire de ces initiatives (notamment en matière d’habitat coopératif).

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participatif, afin notamment de rechercher des terrains et de les réserver pour ce type de projet, qui répond à des problématiques économiques, sociales, politiques… certaines lancent des appels à projet, comme Paris. La Loi ALUR propose en 2014 d’encadrer et d’accompagner les projets d’habitat participatif en consacrant notamment l’autopromotion et le statut de coopérative d’habitants, alternative à la propriété "classique", ayant pour objectif de faciliter l’accès au logement, tout en s’extrayant des mécanismes spéculatifs liés au marché du logement. En somme, le cadre juridique et les acteurs de l’habitat participatif sont en train de se structurer afin de faciliter l’émergence d’initiatives coopératives… suffisamment pour lever les freins liés au montage des projets ?

La vitalité de ces petites initiatives coopératives, aujourd’hui assez peu nombreuses, est essentielle pour maintenir la diversité du paysage de la consommation collaborative (et du collaboratif plus globalement). Pour les acteurs publics territoriaux, elles peuvent être un levier de développement territorial, une opportunité pour le lien social, la cohésion sociale, l’empowerment des citoyens, mais aussi un terreau pour le développement de modèles économiques alternatifs. Elles constituent aussi une opportunité inédite de voir émerger des réponses nouvelles à certains besoins auxquels les acteurs publics ne parviennent à répondre. Elles demeurent néanmoins marginales en nombre : peu accompagnées par les collectivités et les financeurs, elles demandent à ceux qui les projettent une énergie énorme que la société ne sait pas accompagner. Les crèches coopératives (quelques projets voient le jour en Ile-de-France, à Lille,..) permettent ainsi de palier au manque de place dans les crèches publiques via des projets alternatifs. De nombreux acteurs visent ainsi à accompagner l’émergence de petits projets coopératifs : réseaux de coopératives, Chambres Régionales de l’ESS,… Mais là encore, leurs moyens d’action sont limités, en termes de financement, de relais, d’accompagnement… Comment alors faciliter ces initiatives, et comment outiller les collectifs qui les portent ?

Profiter du contexte favorable au développement des modèles coopératifs Les modèles coopératifs bénéficient depuis 2014 d’un contexte plus propice à leur développement, avec la mise en œuvre de la loi ESS, qui, en plus de faciliter le rapprochement entre ESS et consommation collaborative (voir la piste "Consommation collaborative : pour de nouvelles réponses aux défis sociaux"), affirme vouloir "provoquer un choc coopératif". Cette loi propose de développer l’emploi privé au service de l’intérêt général dans les SCIC (sociétés coopératives d’intérêt collectif) en permettant désormais "aux producteurs de biens et de services non-salariés de faire partie des associés" (par exemple à des représentants de collectivités, d’associations ou d’autres entreprises du territoire, par exemple du même domaine d’activité) ; elle facilite également la reprise d’entreprises par leurs salariés. Mais on y trouve encore peu de solutions concrètes apportées aux obstacles que les porteurs de projets coopératifs rencontrent au quotidien.

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Plus globalement, la loi ESS affirme vouloir remettre les principes coopératifs au cœur de la gouvernance des coopératives, insistant ainsi davantage sur les principes de gestion (gouvernance partagée, partage de la valeur, appartenance à une communauté, etc.) que sur le statut en lui-même… et se rapproche ainsi des interrogations des acteurs collaboratifs qui s’intéressent aussi à ces modes de gestion. Cet axe de la loi s’adresse principalement aux acteurs coopératifs qui se sont développés et ont perdu certaines de leurs spécificités. C’est le cas de "pionners" coopératifs et mutualistes des assurances, de la banque,… Cette perte de spécificité en grandissant n’est pas inéluctable. D’autres acteurs historiques sont passés à l’échelle et ont résisté à l’épreuve du temps sans perdre leurs spécificités, comme Mountain Equipment Coop au Québec. Le développement du collaboratif interroge certains de ces "pionniers" mutualistes : est-ce que passer à l’échelle dans un monde distribué, pour une coopérative, peut se faire sans qu’elle perde sa gouvernance horizontale ? Est-ce que cela leur permet de faire marche arrière ? Comment ces acteurs peuvent-ils s’emparer du collaboratif pour renouer avec un fonctionnement plus horizontal et renouveler leur modèle ? Les acteurs de la consommation collaborative qui ont donc déjà recours à des modèles coopératifs sont souvent des porteurs de projets proches de l’ESS, qui en partagent les valeurs et les finalités. Même pour eux ce n’est pas toujours un choix évident : la preuve en sont les nombreuses startups de la consommation collaborative (parfois à finalité sociale) qui émergent et préfèrent un modèle d’entreprise classique, centralisé… au risque de devenir incohérents avec les enjeux de partage de la valeur. Sans chercher à transformer tout le paysage de la consommation collaborative en paysage coopératif, comment facilite-t-on le recours à ces modes de gestion et de gouvernance partagés, à de nouvelles modalités de redistribution de la valeur ?

Des pistes pour une consommation collaborative plus «partageuse»

Outiller et accompagner les porteurs de projets collaboratifs dans des modes de fonctionnement et de gouvernance partagés Faciliter le recours à des modes coopératifs nécessite avant tout de développer l’outillage et l’accompagnement des porteurs de projets, qu’il s’agisse de petites initiatives ou de projet d’entrepreneurs. Pour ces derniers, affirmer l’enjeu des modes de gestion et de gouvernance partagés doit permettre de leur donner de la visibilité, mais aussi d’inciter les innovateurs à ne pas les exclure d’emblée au profit de modèles plus centralisés. Les incubateurs et autres dispositifs d’accompagnement ont un rôle à jouer dans ces choix. L’étape suivante consiste à outiller tous les porteurs de projets de "boussoles" et "recettes" de la coopérative, afin d’assurer la compréhension des principes coopératifs, mais aussi et surtout de les aiguiller à tout moment : quelles lois et démarches à entreprendre, quels scénarios possibles de

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développement en fonction de ses objectifs, quels principes de gouvernance et de répartition de la valeur, etc. ? Quelques éléments de cette boîte à outils sont aujourd’hui accessibles en ligne (essentiellement des statuts juridiques), mais sont encore peu formalisés, et disséminés sur internet. Il est important de rendre ces ressources plus visibles et accessibles, voire de les diffuser en open source, afin qu’elles soient utilisées et enrichies des différentes expériences. Enfin, faciliter la mise en relation des individus souhaitant porter un projet collaboratif et coopératif est un enjeu dont quelques acteurs (dont de nouveaux entrants de la consommation collaborative) ont commencé à se saisir : la plateforme COAB facilite ce "matching" pour les projets d’habitat participatif et propose un accompagnement dans la conception du projet. Mais c’est aussi un rôle que des acteurs publics ou des organisations privées (dont les anciens acteurs mutualistes) peuvent assumer de plusieurs façons. En créant sa plateforme Maïf Social Club , la Maïf s’engage dans cette voie, favorisant la mise en relation des sociétaires et les pratiques collaboratives. En allant plus loin dans ce rôle de tiers de confiance, on pourrait imaginer une mise en relation visant à faire émerger et à aider à structurer des projets d’habitat participatif, de cafés coopératifs, de groupement d’achat… Ou à minima, un soutien par les grands acteurs des plateformes de matching entre les individus à une échelle locale, afin d’aider ces derniers à se constituer en SCIC ou autre forme coopérative. Enfin, l’émergence de ces formes collectives nouvelles peuvent amener les acteurs économiques à inventer des biens, services et formes d’échanges adaptées à des petits collectifs, et non plus uniquement à des individus : assurances, banques, véhicules, services,… Des mutuelles locales, des services de financement pour acheter un véhicule à plusieurs peuvent par exemple être créés.

Inventer de nouveaux circuits de financements La question du financement est primordiale dans le choix d’un modèle économique pour un projet de consommation collaborative, et peut s’avérer un véritable obstacle au choix d’un modèle coopératif, jugé plus lourd ou perçu comme une entrave pour le lancement d’un projet. Comment permet-on aux porteurs de projets de trouver leurs financements initiaux en évitant le réflexe "VC, Business angels et levée de fonds" ? Comment diversifie-t-on les modalités de financement de la consommation collaborative ? En réalité il existe déjà d’autres modalités de financement moins centralisées36 : crowdfunding 37, equity crowdfunding 38 (qui permet à un entrepreneur de lever des fonds auprès de particuliers qui investissent en échange d’actions),… dont se saisissent déjà régulièrement les acteurs de la consommation collaborative, quel que soit leur mode de gouvernance et leurs principes. La Louve, supermarché coopératif qui devrait bientôt voir le jour à Paris, y a par exemple levé une part importante de ses financements. Mais on pourrait aussi imaginer le développement de fonds

36 http://alireailleurs.tumblr.com/post/99043389493/lendopolis-les-pme-se-mettent-au-crowdfunding 37 A l'image de Lendopolis, plateforme de prêt à des TPE/PME, par les créateurs de KissKissBankBank ou encore de Puddle, un réseau de crédit entre pairs. 38 Autorisé par un décret complétant l’ordonnance du 30 mai 2014 sur le financement participatif, entré en vigueur le 1er octobre 2014, il permet ainsi de contourner les circuits de financement traditionnels.

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d'investissements, privés ou publics, ou de conseils, spécialisés dans l'accompagnement de ce types de projets. Les acteurs publics, privés, associatifs, de l’ESS,… ont un rôle d’accompagnement important à jouer dans le choix du financement, mais aussi du cadre juridique associé. Au-delà de l’éclairage nécessaire à apporter sur ces modes de financements alternatifs, l’accompagnement peut porter sur le business plan lui-même, et sur d’autres aspects de l’amorçage du projet : faciliter le recours à des ressources mutualisées plutôt que la recherche de capital initial en termes de compétences, de temps-hommes, de locaux,… Ces formes de financement ne règlent néanmoins pas entièrement la question du partage de la gouvernance et de la valeur. Souvent, aujourd’hui, la contrepartie pour les contributeurs se résume à un goodie, un livre, un objet, plutôt qu’un rôle dans l’évolution du projet. Et le désormais classique exemple d’Oculus Rift, abondamment financé par des individus pour être rapidement racheté par Google, montre que crowdfunding ne signifie pas partage de la valeur. Pourrait-on aller plus loin, en imaginant des "Coopstarters", plateformes de crowdfunding aidant les coopératives à trouver leurs financements initiaux ? Cela permettrait non seulement aux porteurs de projets de trouver leurs financements, mais aussi d’identifier des personnes intéressées par le service, voire des membres potentiels de la coopérative ; et aux contributeurs de prendre part au projet avec des garanties en termes de rétributions et de gouvernance. Concrètement, ces plateformes pourraient concerner des coopératives, mais aussi des projets de "coopératives en devenir", qui souhaitent se développer pendant quelques mois avant de devenir pleinement des coopératives. Dans ce cas, il doit y avoit un plan de "redistribution de valeur" explicite : quel statut juridique a le projet à son démarrage ? à partir de quand les contributeurs deviennent-ils membres de plein droit de la coopérative ? etc.

Autres scénarios de développement : des SAS (ou SARL) hackées à d’autres formes de partage de la valeur En allant plus loin encore qu’avec ces "coopératives en devenir", on peut imaginer de nouveaux modèles de développement pour les organisations de la consommation collaborative. Au moment de la recherche des fonds initiaux auprès d’investisseurs, cela peut passer par des statuts et des contrats qui comprennent des clauses limitant le retour sur investissement, ou intégrant des clauses de réappropriation par la communauté, une fois la masse critique du service atteinte. Cela peut être un nouveau chantier juridique qui s’ouvre… alors que certaines organisations semblent s’engager sur cette voie, de manière peut-être plus agile et originale. Reddit, ce forum basée sur les contributions des internautes (mais n’entrant pas dans le périmètre de la consommation collaborative) a ainsi levé des fonds à l’été 2014, mais s’est aussi engagée à redistribuer une part de cette valeur à ses utilisateurs… en leur distribuant une monnaie électronique.

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Demain, des plateformes réellement décentralisées ? En parallèle de ces formes juridiques censées permettre un partage équitable de la valeur, de nouveaux types de services basés sur les principes du Blockchain commencent à faire leur apparition. L’une des principales promesses du Blockchain est de donner naissance à une deuxième génération de plateformes, décentralisées, permettant d'automatiser complètement les relations entre organisations ou individus. LaZooz se présente ainsi comme un concurrent potentiel d’Uber. Si Uber est souvent la cible de critiques en raison de la valeur captée par la plateforme, ce ne sera pas le cas de LaZooz, qui permet de gagner des "jetons" dès que l’on conduit ou contribue d’une autre manière à l’application. En d’autres termes, le fonctionnement est analogue au Bitcoin39, à la différence qu’ici, ce sont les kilomètres parcourus et non la puissance de calcul brute qui permettent de “miner. Derrière cet exemple assez prospectif de projet fondé sur une monnaie électronique et une technologie P2P décentralisée … on entrevoit un tout autre modèle d’organisation, assez éloigné des modèles existants.

"Re-router" les grandes plateformes de la consommation collaborative ? L’exemple de Reddit montre qu’il est possible pour une entreprise de changer de stratégie en termes de partage de la valeur. Peut-on inciter certaines des grandes startups de la consommation collaborative à ouvrir davantage leur gouvernance, à faire participer leurs usagers à leurs décisions et évolutions, à redistribuer la valeur ? Les défis sont de taille : les plateformes les plus importantes ont plusieurs millions de membres, sont valorisées à plusieurs millions voire milliards de dollars, sont implantées dans plusieurs pays, doivent gérer des actionnaires divers et variés, sont engagées dans des trajectoires de croissance quasi exponentielle… cette transformation nécessiterait une transition sur tous ces points, une volonté forte de l’entreprise et ses propriétaires. Reste que les opportunités de changer de modèle existent bel et bien : adopter une stratégie de démarcation, s’engager dans une transparence accrue et une gouvernance plus démocratique demandée par certains usagers, opportunité de maintenir sur la plateforme des contributeurs volatiles…

39 Définition wikipédia du Bitcoin : Le bitcoin est « à la fois un système de paiement à travers le réseau Internet et une unité de compte utilisée par ce système de paiement. » (…) « Le principe de ce système de paiement est de tenir à jour sur un très grand nombre de nœuds du réseau un registre à la fois public et infalsifiable de toutes les transactions, dont le montant est exprimé dans l'unité de compte bitcoin. Chaque bitcoin est identifié par son histoire depuis sa création jusqu'à la date présente où un agent le détient, à travers toutes les transactions dans lesquelles ce bitcoin est impliqué et qui sont reconnues par les signatures cryptographiques qui ainsi l'avalisent. Les bitcoins figurant dans les transactions dont un compte est bénéficiaire peuvent être réutilisés par le titulaire de ce compte dans des transactions dont il est l'émetteur, à condition qu'il puisse justifier de son identité au moyen de sa signature cryptographique, les comptes eux-mêmes étant anonymes. Les bitcoins ainsi échangés constituent une monnaie cryptographique, qui a vocation à être utilisée en tant que moyen de paiement. » Les « mineurs » de bitcoin sont les personnes qui connectent sur le réseau bitcoin une ou plusieurs machines équipées et déploient une puissance de calcul pour participer à cette activité.

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Il n’est pas certain que les grandes plateformes de la consommation collaborative, finalement relativement bien insérées dans l’économie capitaliste “traditionnelle”, souhaitent se réorienter vers plus de coopératif. Les inciter à devenir plus "partageuses" passe probablement par la conjugaison de leviers réglementaires (au-delà d’un certain chiffre d’affaire, obligation de reverser la valeur de diverses façons, en ouvrant la gouvernance, des données, etc.) et par la facilitation à basculer (pivoter, dirait-on dans le langage des startups), notamment sur la question de la transparence. Si elles n’empruntent pas cette voie, elles risquent, à terme, de se faire déborder par d’autres plateformes, réellement plus collaboratives, dont la proposition de valeur pour les utilisateurs sera plus intéressante. C'est aux utilisateurs de se demander ce que seraient un Airbnb ou un BlablaCar avec une gouvernance partagée et des principes de lucrativité limitée :

● des utilisateurs qui seraient les membres d’une vaste coopérative, à l’image de Mountain Equipment Coop, et auraient le droit de voter pour les membres d’un CA et pour les grandes décisions concernant le service. Le fonctionnement coopératif d’une structure de cette taille pose la question de la gestion des décisions dans de grands ensembles, de son agilité, loin d’être évidente. Elle pourra notamment être facilitée si des logiciels adaptés sont développés (LiquidFeedback ou Assembl en sont quelques exemples, permettant de discuter et prendre des décisions avec plusieurs centaines voir milliers de participants), mais cela signifie probablement réfléchir à de nouveaux modes d’organisation du travail, plus distribués, en s’inspirant d’expériences existantes, plus démocratiques, à l'image de l'entreprise Poult.

● une valeur redistribuée plus équitablement entre les actionnaires et les utilisateurs et des expérimentations de redistribution diverses : bons d’achat, monnaies électroniques…

● un fonctionnement plus décentralisé : un réseau de coopératives locales, le recours à des technologies P2P, de meilleures adaptations, des offres de nouveaux services, plus d'innovation...

● un service plus impliquant qui pourrait se développer plus vite, chaque membre étant en quelque sorte actionnaire et VRP de la marque (en s’inspirant du modèle TEDx, dans lequel les licenses d’organisation d’événements sont distribuées à ceux qui veulent l'organiser en s'engageant à respecter une charte).

Inventer des modèles d’affaires pérennes pour demain Au-delà du démarrage et du financement initial des projets, ceux-ci devront trouver des modèles d’affaires pérennes, qui diffèreront probablement selon que le service soit “global” ou qu’il s’agit de services ou plateformes locaux. Peut-on commencer à réfléchir à quelques caractéristiques des modèles collaboratifs coopératifs ? Contrairement aux modèles “collaboratifs capitalistiques”, les modèles “collaboratifs coopératifs” ne cherchent pas à maximiser leur capital (lucrativité limitée), et partagent davantage la gouvernance. Si la proposition de valeur elle-même n’est pas au coeur de leurs différences, ces modèles s’opposent aussi à d’autres points :

● Une capture de la valeur au profit de la plateforme dans un cas, pas dans l’autre ; ● Une démarche de réciprocité et de distribution de la valeur aux différents acteurs

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contribuant au projet (utilisateurs ou entreprises partenaires/support) dans le cas des modèles coopératifs ;

● Un rapport différent à ce qui est monétisé ou marchandisé, dans le service direct ou dans le back office (modèles monétisant les données par exemple) ;

● L’accent mis sur la production de valeur collective dans le second cas. En croisant ces caractéristiques avec un outil de modélisation (comme le Business model Canvas d’Alexander Osterwalder), on peut tirer de premières intuitions et questions quant à ces modèles :

● Ils devront s’intéresser davantage aux autres acteurs de la chaîne de valeur, aux acteurs intermédiaires (à l’image de ce que fait par exemple la Ruche qui dit Oui !, qui aide les intermédiaires - porteurs de Ruches - à trouver un modèle 40) ou périphériques (BnBSitter qui propose un service pour gérer la location des biens des utilisateurs de Airbnb par exemple).

● Si la valeur est davantage distribuée, peut-on envisager que les utilisateurs-contributeurs des services aillent plus loin dans la conception, la production, la qualité de service (FAQ, assistance à d’autres utilisateurs,...), afin de favoriser l’appropriation du service par les usagers ?

● Les formes et les termes des échanges P2P devront être au coeur des réflexions : comment penser des frais d’accès “justes”, pour faciliter ces pratiques auprès du plus grand nombre ? Quelle limite “acceptable” de commission prélever ? (si c’est le modèle économique choisi) Comment valoriser les contributions des uns et des autres ?

● Dans une logique d’open innovation, des modèles qui ne marchandisent pas leurs données sont plus à même d’ouvrir leurs data, d’inventer de nouveaux modèles d’échanges, de participer à la production de connaissances communes, etc.

La réflexion est un peu différente sur les modèles d’affaire des services locaux. Les modèles coopératifs prennent un sens particulier sur les projets qui ont une implantation locale, ou sont strictement locaux. Ces modèles se prêtent moins aux économies d’échelle, du fait de la taille du marché ou de ses spécificités ; les acteurs déjà implantés ont aussi un fort avantage (ressources déjà agencées, confiance directe déjà construite,...). Enfin, certains services sont strictement locaux et se sont construits en s’appuyant sur des ressources communes.

Synthèses des orientations ● Assurer la diversité du paysage collaboratif, en explorant d’autres modes de financement,

d’autres modèles de gestion et de gouvernance et d’autres trajectoires de développement que celles des grandes plateformes de la consommation collaborative.

● Des pistes d’action pour les acteurs publics nationaux et locaux, les acteurs du soutien à

l’innovation, de l’ESS,… : o Outiller et accompagner les porteurs de projets collaboratifs (y compris micro) dans des modes de gouvernance plus partagés, redistribuant la valeur o Inventer de nouveaux circuits de financements, non seulement en diversifiant les sources de financement pour les projets, mais aussi en explorant des plateformes de crowdfunding spécialisées dans les projets coopératifs o Explorer d’autres scénarios de développement pour les plateformes de la consommation collaborative : coopératifs, mais aussi évolutifs (des « SARL hackées »)

40 sans pour l’instant éviter totalement les critiques sur la valeur encore captée par la plateforme...

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o Inciter les grandes plateformes de la consommation collaborative à ouvrir leurs modèles

● Des pistes d’innovation et d’action pour des organisations de l’économique “classique” ○ Se positionner sur l’accompagnement d’initiatives coopératives : un constructeur

ou un promoteur immobilier peut-il accompagner, compléter des projets d’habitat participatif ?

○ Adapter ses produits et services à des clients/usagers qui sont aussi collectifs plutôt, que seulement invididuels ;

○ Pour certaines, faciliter la mise en relation de ses usagers/clients/ sociétaires, quand cela fait sens.

Propositions de démonstrateurs

Dans le cadre de cette piste sur les enjeux de la consommation collaborative, nous vous présentons 3 propositions de démonstrateurs, de preuve de concepts dont certaines seront approfondies avec nos partenaires et pourront donner lieu, nous le souhaitons, à des expérimentations réelles. Elles ne sont ici qu'esquissées.

Co-coop : des coopératives de projets collaboratifs Le chemin des petites initiatives coopératives (habitat participatif, épiceries ou crèches participatives, achats groupés...) est semé d’embuches ; les porteurs de ces projets gagneraient à être davantage outillés et accompagnés. Des plateformes sectorielles se proposent déjà d’accompagner ces initiatives, comme le fait Coab (elle-même une coopérative) pour l’habitat participatif. Mais il nous semble important de décloisonner davantage ces dispositifs, et de les pousser plus loin pour en faire des coopératives de projets “multi-sectoriels” : les Co-Coops que nous imaginons s’inspirent de Coab, et fournissent un cadre aidant des petits projets collaboratifs de tous les secteurs (habitat participatif, café coopératif, circuits courts, achat groupé, coopérative d’énergie…) à émerger, à se structurer et à se pérenniser.

Que pourraient trouver les porteurs de projets au sein des Co-coops ? Tout d’abord, de la mise en relation entre des envies de monter des projets coopératifs ; mais aussi de l’accompagnement et de l’outillage pour monter son projet : formules d’aide et d’accompagnement pour trouver des sources de financement, des assurances adaptées, outils et méthodes pour monter les projets ou pour faire du lobbying institutionnel ou réglementaire, etc. La Co-coop peut également faciliter l’accès à des équipements, grâce à de la mutualisation entre les projets qu’elle accompagne. Elle stimule également les échanges et le partage d’expérience P2P entre ces projets.

Sur quel socle pourrait se construire ces plateformes ? Quelle animation mettre en oeuvre ? Dans quelle mesure les porteurs de projets eux-mêmes peuvent-ils être proactifs pour aider les autres ? Qui des acteurs de terrain, de l’ESS historique, des acteurs de la consommation collaborative, des acteurs publics territoriaux ( pour qui l’émergence de petits projets coopératifs est un enjeu pour répondre à des besoins locaux et hyperlocaux), sont les plus à même de les mettre en oeuvre ? Des partenariats sont-ils à nouer avec les acteurs de l’économie traditionnelle pour faciliter l’accès à certaines offres adaptées à ces petits projets coopératifs (banque, assurance…) ? Ce sont aussi à toutes ces questions que se propose de

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répondre ce démonstrateur ?

“Coopstarter” Le crowdfunding équitable Les plateformes de crowdfunding d’aujourd’hui aident des projets à trouver ses financements, auprès de contributeurs comme un simple système de prévente ; ceux-ci se voient attribuer des contreparties, qui se résument souvent aux objets qu'ils ont ainsi acquis, ou à des goodies... au lieu d’une possibilité de prendre véritablement part au projet ! Bien sûr, tout le monde ne souhaite pas participer à la gestion au quotidien et à l’évolution d’un projet qui a été crowdfundé. Mais comment permettre à ceux qui le souhaitent de la faire ? De l’autre côté, difficile pour un porteur de projet qui se lance de penser ce projet comme coopératif, tant il est aujourd’hui compliqué pour ce type de projet de trouver des financements et de grandir. Comment permettre à des projets coopératifs de trouver leurs financements ? Coopstarter est la plateforme de crowdfunding destinée avant tout aux projets collaboratifs coopératifs. Elle permet à des projets coopératifs de trouver leurs financements, sans se mettre en dépendance des financeurs qui attendent un retour sur investissement rapide ; en contrepartie, elle permet aux contributeurs de devenir membre de la coopérative, de participer à son fonctionnement, à l’évolution du projet. Mais Coopstarter, en se développant, peut aller plus loin : elle peut concerner des projets “en voie d’être coopératifs”, qui ne sont pas à 100% coopératifs au lancement, mais dont le plan de développement prévoit un basculement sur un mode coopératif dès qu’une masse critique est atteinte.

RobinHood : l'incubateur équitable Etudier les conditions de réussite de voies alternatives pour les entrepreneurs de la consommation collaborative Les voies alternatives pour les porteurs de projets que nous décrivons tout au long de cette piste nécessitent d’être explorées davantage. RobinHood est un dispositif pour expérimenter des modalités d’investissement, d’accompagnement, d’incubation alternatives, afin de trouver des voies de croissance durable pour les startups de la consommation collaborative. Incubateur d’un nouveau genre, ce dispositif vise à étudier la faisabilité et les conditions de réussite de nouveaux types de services privilégiant la dimension “coopérative” : nouvelles sources de financement, expérimentation de nouveaux scénarios de développement (SAS hackées, etc.). Il permet aussi d’expérimenter des formes de “partage” d’expérience des startups qui y sont incubées et d’un accompagnement P2P : dans quelles mesures les projets peuvent-ils s’aider les uns les autres ? Cette expérimentation bouscule les modèles traditionnels des incubateurs et fonds d’investissement, mais elle peut aussi les réinventer : qui sera l’acteur qui choisira de la porter ? Incubateurs traditionnels, pôles de compétitivité, acteurs publics, acteurs de l’ESS historique (désormais ouverts aux entreprises à finalités sociales…), communautés de la consommation collaborative du type OuiShare ?

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Piste 5 : La consommation collaborative : de nouvelles pistes pour la jeunesse Les jeunes sont ceux qui aujourd’hui pratiquent en plus grand nombre la consommation collaborative. Paradoxalement la jeunesse rencontre aujourd’hui d’importants défis : mobilité, logement, précarité, emploi,... Est-il possible de s’appuyer sur ces pratiques collaboratives pour renforcer de façon concrète et rapide les politiques publiques en lien avec la jeunesse, pour expérimenter de nouveaux formats d’action non seulement vers mais aussi avec ce public ?

Les jeunes, un public particulier de la consommation collaborative La consommation collaborative, une pratique de jeunes ? L’hypothèse est avancée par de nombreuses enquêtes : reposant sur des usages connectés, une recherche de sociabilités, une inclinaison pour l’usage plutôt qu’une recherche de propriété, la consommation collaborative concernerait tout particulièrement les jeunes41. Public spécifique de la consommation collaborative (bien que recouvrant à eux-seuls des réalités et des modes de vie très divers) ils se démarquent des autres consommateurs collaboratifs par leur rapport très pragmatique à ces modes de consommation, comme le montre une enquête de l’Obsoco en date de 2013. Plus récemment, l’enquête menée dans le cadre de ShaREvolution confirme que les 18-24 ans ont recours à la consommation collaborative pour la débrouille, là où leurs aînés de quelques années (24-35 ans) affirment davantage une recherche de sens dans ces pratiques. Recherche d’économies, débrouille… ces motivations ne sont pas anodines. Les jeunes - notamment les étudiants - rencontrent de fortes difficultés, et particulièrement des difficultés financières. Selon une Etude du Ministère de l’Enseignement supérieur menée en 2014, près d’¼ des jeunes étudiants affirment avoir eu de véritables difficultés financières au cours de leur année post-bac, une proportion qui s’élève à ⅓ dans la 4e année d’études. En 2013, une autre enquête menée par l’Observatoire de la vie étudiante révélait des chiffres plus importants encore : 54% des étudiants y déclaraient avoir des difficultés financières. Entre 2013 et 2014, le coût de la vie étudiante aurait augmenté de 2% selon l’UNEF (soit quatre fois plus que l’inflation…), la faute à une augmentation des frais obligatoires, du prix des logements,... 41% des étudiants seraient conduits à travailler dès la première année de leurs études. Face aux enjeux qu’ils rencontrent, les politiques et actions ne sont pas absentes, loin de là ; ni les acteurs qui visent à accompagner les jeunes dans toutes leurs problématiques (notamment ceux de l’éducation populaire, comme le Réseau d’information jeunesse : CRIJ, bureaux information jeunesse,...). Mais au sein de ce bouquet, les diverses politiques nationales et territoriales (habitat, social, transport, santé, vie étudiante…) ont du mal à dialoguer et à se penser en complémentarité. 41 Moins de 25 ans.

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Le logement, parcours du combattant Se loger est un des principaux défis de la vie étudiante42 - que rencontrent également les jeunes non étudiants, mais précaires. Pour les étudiants qui n’habitent plus chez leurs parents, c’est un poids important sur le budget malgré les aides au logement existantes. Les logements dédiés - à loyers modérés - sont insuffisamment nombreux pour répondre à la demande. Seuls 8% des étudiants français en bénéficieraient. En 2014, le gouvernement annonçait la création de 40 000 logements supplémentaires d’ici 2017, ce qui ouvre des perspectives d’amélioration, sans toutefois régler totalement les problèmes. Les logements sociaux sont une autre solution pour les étudiants sous pression financière, mais là encore, les places manquent cruellement. A ce manque de places s’ajoutent des difficultés de lisibilité de l’offre de logement : offre privée, offre publique, offre du CROUS,... des sites et portails officiels existent pour aider les étudiants à s’y retrouver, mais hormis au sein des parcours “fléchés” (adresser une demande des mois auparavant pour obtenir un logement du CROUS, etc.), trouver un logement adapté, parfois pour quelques mois seulement, qui réponde à ses besoins, ses contraintes et ses envies, reste difficile. Alors que les mobilités étudiantes se renforcent, que les parcours se fragmentent (multiplication des stages, parcours non linéraires,...), et que l’aire géographique des étudiants est de moins en moins restreinte à un seul campus, l’offre existante apparaît inadaptée. Certains projets urbains, liés à la vie universitaire, commencent à se saisir du manque de souplesse et d’agilité souvent dénoncé. Le projet du Quartier Universitaire international du Grand Paris en préfiguration fonde ainsi plusieurs de ses principes sur le logement : mixité de publics accueillis et hébergés, diversité des formes d’occupation et des logements proposés (T2, colocation, résidence courte durée,...), loyers abordables. Mais les réponses apportées aux questions du logement des jeunes - et plus spécifiquement des étudiants - peinent globalement à se renouveler. Pourrait-on innover dans ces réponses, par exemple en s’inspirant de modalités de mise en relation et l’agilité de la consommation collaborative ? Consommer avec un budget contraint Un deuxième poste pèse sur le budget des jeunes : la consommation, et notamment la consommation alimentaire. Par manque d’argent (mais aussi souvent, il faut le reconnaître, de temps à y consacrer), les étudiants peinent à privilégier une alimentation de qualité. Les initiatives d’aide alimentaires accueillent aussi des étudiants, et certaines leur sont spécifiquement destinées. L’accès à d’autres biens de consommation est également difficile pour les étudiants les plus démunis. Des associations comme le Secours Populaire ont d’ailleurs ouvert des antennes à proximité des campus, depuis quelques années, pour faire face à la précarité étudiante, qui se double souvent d’un sentiment d’isolement des jeunes. Préparer l’insertion professionnelle Les problématiques rencontrées par les jeunes ne se limitent bien sûr pas aux contraintes financières : avec un taux de chômage frôlant les 24% au premier trimestre 2015, les jeunes de moins de 25 ans connaissent de réels problèmes d’insertion professionnelle. Pourtant les 42 Voir les données 2013 de l’Observatoire de la vie étudiante sur le sujet du logement : http://www.ove-national.education.fr/medias/OVEDonnees_logement_CDV2013.pdf

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tentatives de rapprochement de la vie étudiante et du monde professionnel (existant déjà dans les écoles qui ont leur réseau d’anciens diplômés) se font depuis quelques années plus nombreuses : interventions croissantes de professionnels dans les cursus universitaires, semaine Ecole-Entreprise (actions sur le terrain, etc.),... Là encore, beaucoup reste à faire pour faciliter les ponts entre les deux mondes. Nous ne prétendons pas avoir listé ici toutes les difficultés rencontrées par les jeunes, loin de là, d’autant qu’il faut le répéter, les situations de vie de ces générations sont très diverses, selon qu’ils habitent seuls loin de chez eux, en colocation ou chez leurs parents ; selon leur budget, selon qu’ils travaillent ou non, selon qu’ils vivent en couple - voire avec des enfants ou pas… toujours est-il que les difficultés listées gagneraient toutes à se voir proposer des réponses nouvelles. Les limites des politiques étudiantes actuelles Les politiques sont loin d’être absentes du paysage de la jeunesse. Le gouvernement français a annoncé la “priorité jeunesse” dès 2012, et un ensemble d’action concernant la réussite scolaire, l’accès au logement et aux soins, l’insertion… les premiers bilans tirés en 2014 pointaient une politique active, mais très peu lisible. La dégradation de la situation des étudiants est régulièrement pointée par les Observatoires de la vie étudiante43. Les offres “verticales” (logement, mobilité, santé,... ) proposent peu de réponses aux défis complexes rencontrés et les politiques publiques et les universités elles-mêmes montrent un certain désarroi, dans un contexte budgétaire de crise. Les acteurs territoriaux peinent à travailler ensemble pour imaginer de nouvelles solutions aux défis des jeunes, sur un sujet qui nécessiterait justement davantage de coopération.

Des pratiques collaboratives de longue date, qui se développent On comprend bien, dans ce contexte, le développement depuis des années de pratiques de débrouille chez les jeunes. La colocation est par exemple une pratique de partage de longue date, qui concernerait entre 23% et 47% des étudiants, selon leur année d’étude (en quatrième année d’étude, ce pourcentage dépasse celui du logement dans la famille44). Si elle répond à des contraintes financières, elle est loin d’être subie et loin d’être réservée aux étudiants, répondant également à une forte recherche de sociabilités. En augmentation, la colocation est désormais un mode d’habitat reconnu des acteurs de la jeunesse, y compris par des acteurs publics : la Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (2009) assouplit ainsi les conditions de logement dans le parc social, afin de l’ouvrir aux colocations. Les projets actuels de résidences universitaires, qui prévoient désormais des logements pour les colocations, s’engagent également dans cette voie. Des initiatives d’habitat intergénérationnel (pour l’instant relativement peu nombreuses) ont également vu le jour, afin de répondre à la fois à des problématiques étudiantes (budget contraint) et des problématiques de personnes âgées (sortir de l’isolement, besoin de sociabilités). Mais celles-ci se heurtent pour l’instant à des

43 http://www.ove-national.education.fr/medias/OVE_Situation_economique_et_financiere_CdV2013.pdf 44 http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2014/91/3/NI_ESR_14_05_340913.pdf

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difficultés de valorisation et quelques freins plus profonds, du côté des jeunes comme des personnes âgées. Le covoiturage connaît également un fort succès chez les jeunes, qui y ont avant tout recours pour des raisons économiques, très souvent en tant que passagers. Au-delà des grandes plateformes qui touchent un public bien plus large, certaines initiatives leur sont plus spécifiquement destinées, comme Covoit’de Boîte, plateforme de covoiturage… pour aller en boîte de nuit. En zone urbaine, les moins de 25 ans favorisent également le recours à l’usage plutôt qu’à la possession en pratiquant fortement le vélopartage. Qu’on se le dise, les jeunes sont souvent dans une démarche pragmatique, lorsqu’ils se tournent vers ces pratiques collaboratives : consommer, se déplacer, habiter pour moins cher. Les enjeux environnementaux, de responsabilité sociale ne sont pas prioritaires, et la débrouille prévaut souvent, quand il s’agit d’acheter, de louer, de glaner des biens de consommation… les pratiques de débrouille sont souvent anterieures au développement de plateformes numériques, mais ces dernières peuvent les accélérer. Il serait néanmoins très réducteur de dire que les jeunes n’envisagent le collaboratif que dans un rapport à la consommation, alors que la vie étudiante est d’une grande richesse. Les associations de vie étudiante, les projets étudiants à vocation culturelle, sociale, environnementale prouvent bien qu’ils ne manquent pas de conscience environnementale ou sociétale. Les mouvements de revendication qui ont émergé ces dernières années, de façon décentralisée, en réseau et quasi-spontanée, comme les Indignés ou Occupy, ont été en grande partie portés par des jeunes (étudiants ou non) connectés et utilisant très fortement les réseaux sociaux. Quant aux difficultés d’accès au marché de l’emploi, les jeunes diplômés se tournent de plus en plus vers de nouvelles formes de travail et d’organisation, qui peuvent s’appuyer sur des pratiques collaboratives, comme les espaces de co-working, espaces de fabrication numérique (Fab Labs etc.), ou cherchent à s’investir dans des collectifs comme OuiShare,... Ces nouveaux collectifs tentent de réinventer les formes de travail au 21e siècle. Toutes ces pratiques collaboratives, pour certaines établies de longue date, passent encore souvent inaperçues aux yeux des acteurs des politiques jeunesses, qui peinent à répondre seules aux problématiques des jeunes. Pourtant, le collaboratif (qui propose des réponses agiles, met en relation les besoins et l’offre, etc.) ne pourrait-il pas leur venir en aide, en décloisonnant, en proposant de nouveaux modes d’organisation et solutions ? Peut-on imaginer que ces politiques s’appuient sur ces pratiques et sur des services collaboratifs ? Peut-on même envisager des articulations nouvelles ?

Ouvrir de nouvelles perspectives pour les jeunes grâce au collaboratif Engager de nouvelles coopérations entre acteurs de la vie étudiante… et les étudiants

Pour les acteurs acteurs publics de la ville étudiante (Ville, Université, CROUS,...), s’appuyer sur les pratiques collaboratives est une double opportunité : celle de faire émerger des réponses nouvelles, moins chères, plus inclusives, plus valorisantes,... mais c’est aussi probablement une piste à creuser pour se donner les moyens d’être plus réactifs et de fournir

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des réponses mieux adaptées aux besoins : faciliter l’accès à du logement de courte durée, fournir des solutions de mobilité innovantes, etc. Mais il faudra pour cela que ces acteurs s’ouvrent davantage, et acceptent de s’engager proactivement dans un tour de table “élargi” de la vie étudiante, s’appuyant sur d’autres acteurs et d’autres énergies collaboratives, pour voir émerger ces nouveaux lieux et services.

C’est à cette seule condition, que l’on pourra, par exemple, améliorer la visibilité et la

lisibilité de l’offre déjà existante à l’échelle d’un territoire. “Lorsque j’entame mes études, quelles sont les offres de logement sur ce territoire (privées, publiques, étudiantes,...) ?” “Mais aussi, quels sont les moyens de transport existants ? Quels sont les bons plans du territoire ? Où puis-je racheter du mobilier d’occasion directement lorsque je m’installe ?” Fournir des services de qualité, qui pourront répondre à ces questions que tout étudiant peut se poser, nécessitera une articulation des politiques jeunesses existantes (et de leurs informations et systèmes) et de plateformes ou services collaboratifs. Il faudra également se poser les bonnes questions : qui est l’acteur le plus légitime pour proposer ce service aux étudiants ? Est-ce à la collectivité territoriale, qui a la meilleure connaissance transverse de son territoire ? Est-ce aux acteurs actuels de la vie étudiante, en se décloisonnant, de les mettre en place et de les gérer ? Quel pilotage, quelle gouvernance imaginer pour les nouveaux lieux et services ?

Stimuler et accompagner les initiatives collaboratives étudiantes C’est donc aux acteurs de la vie étudiante de créer un environnement dans lequel pourront s’épanouir les pratiques collaboratives. Si l’on peut imaginer des coopérations avec des plateformes déjà existantes (covoiturage, échange d’appartement, location entre particuliers) pour inventer de nouveaux services à destination des étudiants, c’est bien du côté de ces derniers que se trouve une connaissance fine des spécificités du territoire et de leurs besoins. Mais laisser les nouveaux services reposer uniquement sur les initiatives étudiantes n’est probablement ni possible - tous les étudiants ne peuvent ou ne souhaitent pas s’engager dans des projets, mais aussi compte-tenu du turn-over des étudiants, qui rend difficile la pérennisation d’initiatives nouvelles - ni souhaitable, puisqu’il s’agit de s’articuler de façon maligne avec les services ou les offres déjà existants. Dans ce contexte, comment favoriser les initiatives ou l’engagement étudiant dans des projets déjà existants ?

Une première piste pourrait être de favoriser l’engagement dans des projets collaboratifs, à travers des cursus spécifiques : des cursus réinventés en profondeur, visant à favoriser l’émergence de propositions et de solutions nouvelles aux défis quotidiens de la vie étudiante ; des cursus pédagogiques qui amèneraient les étudiants à sortir davantage des institutions scolaires, en les amenant “sur le terrain”, en les incitant à travailler sur des projets collaboratifs concrets : initiatives de récupération et de redistribution alimentaire, projets de café coopératifs, mise en place de plateformes locales,...

La pérennisation des projets dédiés aux étudiants, une fois leurs porteurs partis, reste un enjeu : sans doute doit-elle passer par un “recrutement” dès le début de l’année universitaire, à l’image de ce que font les associations étudiantes. Mais la visibilité, l’émergence et la pérennisation des initiatives dépendront aussi et surtout de la prise de conscience du

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potentiel du collaboratif, par les acteurs “classiques” de la vie étudiante, scolaires et para-scolaires. Les acteurs publics territoriaux, le CROUS et d’autres doivent être associés, afin que les services collaboratifs ne se développent pas “en dehors de” mais “avec” ces acteurs ; les acteurs de l’accompagnement des étudiants (et des jeunes plus généralement), tout au long de leur parcours, doivent pouvoir proposer un éventail d’offres, de services, de solutions hybrides, dont des solutions collaboratives. C’est à cette condition que pourront se développer des “Airbnb” de la résidence étudiante, de la récupération et redistribution de produits alimentaires, du covoiturage courte et longue distance, de l’échange de compétences,...

Les cursus réinventés dont nous parlions précédemment pourraient non seulement permettre la transmission d’une culture collaborative, du “faire”, de l’engagement, mais aussi faciliter le passage dans le monde professionnel après les études, dans une optique d’insertion professionnelle et sociale. Imaginons des “résidences” étudiantes au sein de projets collaboratifs, d’associations, qui pourraient permettre l’acquisition de compétences difficiles à obtenir via la formation académique traditionnelle, mais aussi l’apprentissage d’un travail dans un environnement en mouvement, avec des sphères collectives, en réseau… Réinventer et enrichir les services de la jeunesse

Plus concrètement, quelles solutions nouvelles peuvent émerger de l’appui sur le collaboratif ? Comment peut-il aussi venir en aide aux services qui peinent aujourd’hui à répondre aux besoins des jeunes ?

La formation, puis l’insertion des jeunes reste aujourd’hui difficile. Parallèlement, il existe des sites de consommation collaborative proposant de partager des compétences, de donner des cours (Skilio par exemple), de rendre des services… Donner un coup de pouce à ces initiatives, ou encore penser de véritables articulations avec les cursus d’aujourd’hui (par exemple en faisant de la proposition de cours en ligne, ou de l’échange de compétences une condition d’obtention de crédits ) ne pourrait-il pas aider les étudiants à acquérir de nouvelles compétences, à valoriser celles qu’ils ont déjà, à retrouver des formes de confiance en soi ? D’autres pistes pourraient être imaginées dans cette voie, à l’image de ce que fait l’espace de co-working de La Cordée à Lyon, qui a instauré des initiatives d’accueil des étudiants pour leur faire découvrir le monde professionnel : du parrainage P2P, des initiatives intergénérationnelles autour de l’échange de compétences, appui sur des tiers-lieux...

Le partage d’espace, de logements, d’équipements ouvre également des perspectives

intéressantes. Les jeunes ont déjà recours à un certain nombre d’équipements partagés, ce qui leur permet non seulement de ne pas s’encombrer mais aussi de limiter leurs dépenses : les machines à laver sont partagées dans certaines résidences, alors que certains services de consommation collaborative, du type La Machine Du Voisin, permettent de partager ces équipements. Avec quelques limites : je veux pouvoir accéder à la machine quand je le souhaite, dans mon agenda contraint. Pourrait-on imaginer de telles plates-formes sur les campus, ou sur des territoires définis, permettant d’accéder à des équipements du quotidien, mais permettant aussi de gérer les horaires d’accès ? Peut-on les coupler à des lieux de partage, des “hubs”, pour en faciliter l’accès par les jeunes (Voir la piste des Hubs de partage) ? Le logement des jeunes est aujourd’hui un domaine d’expérimentation : logement modulaire (à l’image de la résidence A Docks au Havre, aménagée dans des conteneurs, qui a donné lieu à

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un certain nombre de débats), logement courte durée… Le projet des KAPS, colocations à projets solidaires, expérimente un fonctionnement innovant : à chaque colocation de la résidence correspond un projet solidaire, à mener dans le quartier. Au-delà de la finalité solidaire, l’ambition du programme est de favoriser la mixité sociale, mais aussi de permettre aux jeunes de développer de nouvelles compétences, de s’enrichir de nouvelles expériences. A l’image de ce type de programme, pourrait-on envisager des formes de logements qui s’adresseraient à des jeunes engagés dans des projets collaboratifs locaux, qui bénéficieraient par ailleurs au territoire ? Ou puisque la souplesse de l’offre de logement pour les jeunes pose problème, pourrait-on imaginer une sorte de “Airbnb” des jeunes à l’année ou au mois, qui faciliterait l’accès au logement pour de la courte ou moyenne durée ?

Les KAPS “Kolocations à projets solidaires” Les colocations à projets solidaires concernent aujourd’hui 16 villes (20 à la rentrée 2015) en France : Toulouse, Oullins près de Lyon, Grenoble, Nantes,... L’engagement dans un projet solidaire local est une des conditions de recrutement des résidents de ces logements à loyer modéré. A Grenoble, mis en place par l’Association de Fondation étudiante pour la ville, les “KAPS” peuvent accueillir 18 colocations au sein d’une même résidence, gérée par le bailleur social Grenoble Habitat. Ouverte en 2012, la résidence comprend un certain nombre d’espaces et d’équipements partagés (salle commune, garages à vélo, machines à laver,...). Deux ans après son lancement dans la ville, le bilan est encourageant, sans pour autant répondre pour l’instant à l’ambition de départ : la résidence n’a pour l’instant pas atteint sa capacité d’occupation maximale de 80 étudiants. Il a aussi fallu attendre la deuxième année pour que les collaborations avec le quartier et son tissu associatif prenne, d’autant que les étudiants y passent souvent une ou deux années seulement,... Le manque de visibilité du programme est sans doute en partie à blâmer. Mais les perspectives restent encourageantes : les liens avec le quartier se renforcent, et c’est pour les associations locales l’occasion d’accéder à un vivier de compétences.

L’analyse de l’Obsoco (2014)45 sur les pratiques des jeunes révèle un quasi-paradoxe, entre des pratiques de débrouille et une volonté de consommer. Pourrait-on, en facilitant davantage la réparation, le recyclage des biens de consommation, offrir des conditions économiques et de vie satisfaisantes? Les Ressourceries, qui récupèrent des biens d’occasion pour leur donner une seconde vie (éventuellement en en réinventant l’usage) et les revendre à bas prix, sont aujourd’hui ouvertes à tous, mais certaines sont crées spécifiquement sur des campus, ou des territoires fortement étudiants : Etu’Recup, créée en 2014 sur un campus à Bordeaux, vise ainsi à répondre aux contraintes financières des étudiants, tout en se proposant de re-créer un lieu de vie sur un campus qui en est dénué, via des ateliers participatifs. De tels lieux partagés sont importants pour répondre - de façon décloisonnée - à plusieurs problématiques des jeunes : imaginons qu’ils ne permettent pas uniquement de réparer, mais aussi de prêter, louer, 45 Voir l’analyse : http://alternatives.blog.lemonde.fr/2014/09/23/en-france-les-jeunes-partagent-ils-plus-que-les-autres/

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échanger objets, services et compétences,... Couplés à des plateformes locales, ils peuvent d’ailleurs faciliter le partage et la mutualisation d’un certain nombre de choses entre les jeunes, sur un territoire donné : petits boulots, garde d’enfants, etc. D’autres initiatives pourraient être envisagées, plus légères, mobiles, itinérantes, comme la Ressourcerie de l’Ile à Nantes, ou certains Repair Cafés (visant à réparer ensemble tout objet) mobiles, qui se déplacent au sein de quartiers, de campus, etc. Proposition de démonstrateur

Concrètement : expérimenter la réinvention collaborative des actions jeunesse L’articulation des acteurs collaboratifs et de la vie universitaire est nécessaire, mais elle ne se fera pas du jour au lendemain : ce sont autant de nouvelles gouvernances et de nouveaux modes de fonctionnement que de nouveaux modes de formation qui devront être imaginés et expérimentés. Le campus universitaire apparaît comme un bon cadre expérimental : territoire de la vie étudiante, plus ou moins ouvert sur le reste du territoire, souvent doté d’une “dimension numérique” (ENT, existence de comptes et d’identifiants) autour duquel gravite de nombreux acteurs, il permet de s’appuyer sur la “densité” étudiante pour faire émerger de nouvelles propositions. A l’heure de la réflexion sur les campus de demain, qui laisse présager d’un lien renforcé entre ville et campus, expérimenter sur un tel territoire est également l’occasion de réinventer certaines politiques urbaines. Quels objectifs ?

● Faire émerger de nouveaux services, lieux, projets, répondant aux besoins (économiques, sociaux,...) des jeunes et plus spécifiquement des étudiants ;

● Démontrer la pertinence pour les acteurs agissant vers les jeunes de se réinventer à l’ère collaborative ;

● Développer de nouveaux modes de contribution, de collaboration et d’engagement dans des projets collaboratifs pour les étudiants ;

● Décloisonner les actions en direction des étudiants ; ● Tester des formations moins verticales, intégrant du P2P, plus en prise avec les enjeux

d’insertion des étudiants. Comment y aller ? Quelles étapes ?

1. Etablir un diagnostic sur le territoire ciblé : des pratiques, des besoins, des services existants, des acteurs et initiatives étudiantes,... On pourra notamment s’appuyer sur les Observatoires locaux de la vie étudiante locaux.

2. Engager un petit groupe de travail pilote, rassemblant des instances déjà existantes, des acteurs territoriaux, des représentants de la vie étudiante, pour identifier les sujets sur lesquels le collaboratif est le plus à même d’apporter des réponses.

3. Lancer un “Défi Camp”, public, destiné aux étudiants et aux acteurs du campus, sur la base du travail préparatoire ;

a. Des “Défis camps” ouverts à tous, à des équipes étudiantes ou hybrides (étudiants-personnel enseignant), visant à faire émerger des idées, à les scénariser voire à les prototyper et tester des services variés.

b. Mise en place d’un coaching et d’un accompagnement des idées les plus innovantes, pour les amener sur du projet.

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c. Formalisation de critères d’évaluation (une vie étudiante moins chère, plus inclusive, un campus plus agile, plus adapté aux usages des étudiants,...)

4. Réfléchir aux modalités de pérennisation des projets, en association avec les acteurs de la

vie étudiante, les associations étudiantes, le corps pédagogique (pour mettre en place, par exemple, des cursus adaptés).

Qui doit faire partie du premier tour de table de l’expérimentation ?

● L’agglomération ou la métropole (service de l’Enseignement supérieur, service de l’aménagement urbain, service jeunesse, dans une approche décloisonnée), avec le soutien éventuel de la Région

● Des acteurs de la vie étudiante ○ Etablissements publics : CROUS, etc. ○ Acteurs associatifs : Animafac, Afev… ○ Réseaux d’acteurs : AVUF, etc. ○ Des élus et services en charge de la vie étudiante ○ Des syndicats étudiants

● Des universités / des écoles prêtes à réfléchir et à tester des cursus d’un genre nouveau ● Des acteurs des services : transports, énergie,... ● Des constructeurs / des industriels :

o Des constructeurs immobiliers, qui conçoivent des résidences universitaires, des logements étudiants, etc.

o Des industriels, qui réfléchissent à l’évolution de leurs biens en fonction des usages ● Des banques et assurances, qui pourront être amenées à financer des sujets “jeunes” ● Des acteurs de l’info, des télécom, qui pourraient proposer des services adaptés à ces nouvelles

pratiques. Les conditions de réussite de l’expérimentation :

● Cela fournit de véritables réponses aux enjeux financiers / de contrainte budgétaire des étudiants ● Cela fait émerger des solutions P2P là où des réponses du marché sont hors d’atteinte ● Les solutions qui émergent dessinent un campus :

○ Moins cher ○ Plus inclusif ○ Plus valorisant (les étudiants travaillant sur l’amélioration de leur propre cadre collectif) ○ Ouvert à l’innovation sociale (par exemple, repérer la capacité excédentaire du logement

et favoriser l’intergénérationnel, améliorer la nourriture,...) ● Nécessité d’avoir tous une diversité des acteurs du territoire (services des campus +

métropole,...)

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VIII. Perspectives : la consommation collaborative, quels sujets

pour demain ?

ShaREvolution nous amène un certain nombre d’enseignements clés, mais également quelques tendances ou signaux faibles : polarisation, au sein de la consommation collaborative, de formes plus proches de l’économie “on-demand” et de formes plus locales et de proximité, fondées sur le partage ; nouveaux secteurs impactés ; émergences d’offres nouvelles en B2B… Quels secteurs de demain ? A la question que nous posions en début d’expédition, “la consommation collaborative, niche ou nouveau paradigme ?”, il est difficile d’apporter une réponse tranchée. Si la consommation collaborative arrive ou a déjà impacté un certain nombre de secteurs (mobilité, hôtellerie, services,...), la force de cet impact varie considérablement : changement durable d’un marché comme dans la mobilité longue distance, émergence de nouveaux concurrents, apparition d’offres nouvelles complémentaire, parfois de niche… La consommation collaborative n’est donc pas un nouveau paradigme pour tout le monde. En ce qui concerne son versant “serviciel” et global, elle va probablement, dans un premier temps, trouver des places diverses au sein de l’économie traditionnelle “capitaliste”. Il n’y aura pas forcémement de “révolution” collaborative, dans le sens où elle ne détruira pas tous les modèles et secteurs existants. Mais la consommation collaborative va néanmoins prendre une place croissante dans un certain nombre de secteurs, bousculant les acteurs établis. Certains spécialistes du sujet proposent des lectures sectorielles des transformations déjà l’oeuvre, comme Jeremiah Owyang avec son “Collaborative economy honeycomb46” : mais elles ne permettent pas toujours d’analyser l’état de disruption des différents secteurs sur la durée, certains étant déjà profondément transformés alors qu’il s’agit pour d’autres de signaux faibles (la santé par exemple). Peut-on définir quelques éléments et des critères permettant de lire autrement la place que la consommation collaborative va occuper dans des secteurs spécifiques ? Des critères qui permettraient à des innovateurs collaboratifs souhaitant se lancer sur tel ou tel secteur d’en estimer la pertinence ? Une grille de lecture pour l’avenir de la consommation collaborative Il nous semble que ces innovateurs auront tout intérêt à prendre en compte plusieurs dimensions. Certaines sont propres au service proposé : le type de modèle de collaboration, la valeur d’usage proposée, le modèle économique envisagé47. Les suivantes concernent

46 http://www.web-strategist.com/blog/2014/12/07/collaborative-economy-honeycomb-2-watch-it-grow/ 47 Voir la cartographie des acteurs de la consommation collaborative, qui décline ces différentes dimensions : http://fr.slideshare.net/slidesharefing/sharevolution-cartographie-de-loffre-de-la

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davantage le secteur : le contexte concurrentiel et le coût d’entrée (répondant ainsi à deux grandes questions “en quoi le projet a-t-il une chance de réussir dans le secteur ? Comment ce dernier pourrait être transformé ?” ).

1) Le type de collaboration ○ Services P2P (UberPop, Taskrabbit, Blablacar,...) ○ Echange P2P (Airbnb, Peerby, le BonCoin...), :

■ “Produits-services” , accès à une ressource physique sans transfert de possession

■ Redistribution : transfert de la propriété d’un bien entre particuliers ○ Systèmes locaux “coopératifs”

■ Regroupement en vue d’un achat (Amaps, La Ruche qui dit Oui ! ) ■ Regroupement autour de la gestion d’un bien (Habitat participatif) ■ Echanges de compétences, ressources au sein d’un collectif (SELs,...)

2) Bénéfices pour l’utilisateur (valeur d’usage)

○ Faire des économies / générer des revenus ○ Davantage de commodité ○ Vivre une expérience, un sentiement d’appartenance ○ Répondre à des valeurs (consommer plus éthique, plus durable,...)

3) Le modèle économique, qui devra être soutenable et en capacité de passer à l’échelle (abonnement, frais de services, paiement à l’usage,...)48. 4) Le contexte de Concurrence du secteur concerné, et la régulation à l’oeuvre :

○ La forces des acteurs établis de longue date (les “incumbents” ) et monopoles historiques, de l’économie traditionnelle

○ Le poids de l’économie “on-demand” dans ce secteur (reposant sur des dynamiques collaboratives et non-professionnelles ou sur du B2C)

○ L’existence et la pertinence des modèles et systèmes collaboratifs locaux : dans certains secteurs, comme l’alimentation, ces derniers peuvent être particulièrement pertinents.

5) Le coût d'entrée dans le secteur :

● Besoin d’infrastructures / possibilités de mutualiser des infrastructures ; ● Existence de fonctions transverses assurées par des acteurs tiers

(moteurs de confiance, de paiements, de logistique, ou même place de marché entièrement customisable) ;

● ... 48 Les composantes du modèle d’affaire pourront être décrites par exemple à l’aide du Business model Canvas : http://www.businessmodelgeneration.com/

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D’autres critères pourront bien sûr être pris en compte ; cette première ébauche de grille de lecture, poussée plus loin, pourrait être précieuse pour différents publics :

● en permettant à des innovateurs de se lancer sur un nouveau secteur ● en racontant en finesse comme la consommation collaborative vient s’immiscer dans la

consommation traditionnelle, en bousculant et transformant plus ou moins les secteurs ; ● en permettant d’analyser pourquoi le collaboratif a marché dans certains secteurs et pas

dans d’autres, d’analyser conditions de réussite et conditions d’échec. Quels enjeux pour les utilisateurs des plateformes de consommation collaborative demain ? La consommation collaborative brouille les frontières entre consommateurs, producteurs et fournisseurs de services en permettant aux individus de valoriser leurs ressources matérielles et immatérielles. Ces nouvelles formes d’activités répondent pour certains usagers à des contraintes économiques ou pratiques, pour d’autres à une recherche de sens (rencontrer des gens, diminuer son empreinte environnementale,…) pour d’autres enfin – dans une semi- professionalisation - à une aspiration de liberté nouvelle hors salariat. Les enjeux qui existent autour de ces nouvelles formes d’activités, pour la consommation collaborative, s’insèrent dans un contexte plus large de questionnements autour du “Digital Labor”49 que l’on retrouve dans l’économie numérique50. Comment faire en sorte que ces activités ne soient pas seulement perçues soit comme du travail au noir, soit comme une nouvelle forme de travail précaire ? Comment ne pas tomber dans une “sur-exploitation” des utilisateurs de ces services ? Et en allant plus loin, comment s’assurer que ces derniers bénéficient de la valeur qu’ils contribuent à créer ? Des cadres juridiques sont sans doute à inventer pour ces nouveaux travailleurs, afin d’éviter que ce qui est décrit par certains comme une émancipation ne se transforme en générateur de précarités nouvelles. Des questions se posent aussi sur la propension des consommateurs collaboratifs à agir ou à réagir pour défendre leurs droits : alors que certains sont dans une posture de consommateurs somme toute passive, va-t-on assister à l’émergence de nouvelles formes d’organisation des consommateurs collaboratifs, proches de Class Actions (à l’image des chauffeurs professionnels d’Uber qui se sont plusieurs fois rassemblés pour protester face à leurs conditions de travail), de néo-syndicats ? Ou de nouveaux canaux d’expression, via les plateformes ou des associations de consommateurs collaboratifs ? Le partage de la valeur avec les utilisateurs est lui-même un enjeu clé, annoncé notamment par Jeremiah Owyang lorsqu’il évoque les tendances de 2015 du collaboratif. Au-delà de la valeur, c’est aussi autour de la gouvernance, de la participation, de la gestion, que les questions de

49 Voir le compte-rendu de l’intervention d’Antonio Casilli à Lift France 2014 sur Internetactu : http://internetactu.blog.lemonde.fr/2014/12/20/digital-labor-comment-repondre-a-lexploitation-croissante-du-moindre-de-nos-comportements/ 50 Expédition Digiwork menée par la Fing : http://fing.org/?-Digiwork-

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partage vont se renforcer51, poussant les acteurs du collaboratifs à réfléchir à leur structure d’entreprise et à leur fonctionnement.

51 Voir la Piste “L’émergence d’une consommation coopérative”

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ANNEXES

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TABLE DES MATIERES DES ANNEXES

Evénements ShaREvolution…………………………………………………………………....p. 84 “Je partage ! Et vous ?”- Résultats de l’enquête………………………………….…………..p. 85 Cartographie de l’offre………………………………………………………………………….p. 113

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Evénements ShaREvolution

Ateliers durant l’expédition • 11 février 2014 : atelier de lancement de l’expédition ShaREvolution, à l’ENSCI • 16 avril 2014 : atelier connecteur « recherche » sur les questions de la consommation

collaborative • 7 mai 2014 : atelier « scénarios extrêmes » n°1, durant le OuiShare Fest • 10 juin 2014 : atelier « scénarios extrêmes » n°2 à Lille • 2 juillet : participation au Forum des Usages Coopératifs, Brest • 17 juillet 2014 : atelier « scénarios extrêmes » n°3 : proximités • 10 septembre 2014 : atelier « business models et modèles de développement » • 1er octobre 2014 : atelier « enjeux environnementaux de la consommation

collaborative » • 24-25 novembre 2014 : workshop « Pistes d’innovation ShaREvolution »

Evénements publics de restitution Deux événements publics ont permis de restituer les travaux de ShaREvolution.

• 3 mars 2015 : Présentation des résultats, Blablacar o Présentation des résultats par la Fing et OuiShare, chez un des acteurs

importants du secteur : ! Présentation du périmètre d’étude et des modèles de la consommation

collaborative ! Présentation des résultats de l’enquête « Je partage ! Et vous ? » ! Présentation des pistes d’innovation : zoom sur la piste des « Objets en

partage » • 16 juin 2015 : Assises de l’économie circulaire.

o Présentation des résultats et participation à une table-ronde sur les nouveaux modes de consommation.

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“Je partage ! Et vous ?”- Résultats de l’enquête

Une enquête réalisée par la Fing et OuiShare.

Credits

Coordination scientifique Nathan Stern

Outil d’exploitation des données Nathan Stern / Shoppermind / DataPublica

Conception graphique des slides Collectif BAM

Pictogrammes Noun Project : Thomas Le Bas - Iain Hector - Jon trillana - John Caserta - Jane Pellicciotto -

Dan Hetteix - George Agpoon - Edward Boatman - Chris Kerr - Kaio Fialho - Natalia Bourges - Edward Boatman - Michael Stüker - Aneeque Ahmed

REMERCIEMENTS

L’équipe ShaREvolution remercie les partenaires (La Poste, ADEME, Nord Pas De Calais, Orange, Bouygues Immobilier, Bouygues Construction, Renault et EDF) et les plateformes de la consommation collaborative (BlaBlaCar, Drivy, AirBnb, et Zenweshare) qui ont relayé l’enquête à leurs réseaux, nous permettant d’atteindre un nombre significatif de répondants.

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La démarche de l’enquête “Je partage ! Et vous ?”

Dans le cadre de l’expédition ShaREvolution, portée par la Fing et OuiShare, nous avons souhaité mener une enquête auprès de consommateurs collaboratifs, afin de comprendre leurs motivations, leurs pratiques, leurs trajectoires dans la consommation collaborative.

« Je partage ! Et vous ? » a été menée en ligne, entre l’été et le début de l’automne 2014, grâce au relais des partenaires de l’expédition et de plateformes de la consommation collaborative auprès de leurs usagers .

Elle a touché 2150 usagers de la consommation collaborative. Nous n’avons pas cherché, avec cet « échantillon » de répondants, à avoir un échantillon représentatif de la population française, ni des consommateurs collaboratifs. Il présente par conséquent un certain nombre de spécificités, dues aux biais de recrutement : sur-représentation des cadres, des urbains…

Précisions méthodologiques Cette enquête ne nous permet pas de dire : ● quelle est la proportion de personnes pratiquant la conso collab dans la société : nous

nous sommes intéressés uniquement aux consommateurs collaboratifs et non à la population française.

● quelle est la composition socio-démographique exacte des consommateurs collaboratifs ; du fait de la non-représentativité de l’échantillon, certaines catégories de populations y sont sur-représentés, d’autres sous-représentées. Nous ne pouvons donc pas dire « 30% de telle CSP » pratiquent la consommation collaborative, ni « 45% des consommateurs collaboratifs sont des urbains ». Nous pouvons surtout en tirer des intuitions, qui pourront être confirmées par une enquête représentative.

● quel est le poids économique des pratiques de consommation collaborative. Elle nous permet par contre de : ● D’identifier des profils types de consommateurs collaboratifs : engagés, opportunistes,

pragmatiques, sceptiques ● D’analyser les caractéristiques des usagers des différentes pratiques : qui sont

globalement les covoitureurs, qui est sur-représenté parmi les utilisateurs de l’hébergement entre particulier, qui est sous-représenté,…

● De repérer et d’analyser les usages fortement pratiqués par une tranche générationnelle, une CSP particulière, par les urbains,…

● De décrire les caractéristiques des pratiques des répondants (mais pas, encore une fois, des consommateurs collaboratifs dans leur intégralité)

● De révéler la diversité des « pratiquants » de la consommation collaborative, mais aussi de cerner un profil type « sur-représenté » du consommateur collaboratif ;

● D’identifier un certain nombre de corrélations entre des caractéristiques et des pratiques ;

● De répondre à un certain nombre d’idées reçues sur la consommation collaborative. Les premiers résultats de cette enquête, menée auprès de consommateurs collaboratifs, sont en ligne (ou ici en haute définition ). Ce livrable a été produit en collaboration avec les designers du Collectif Bam.

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Résultats de l’enquête “Je partage ! Et vous ?”

Quelques enseignements clés

● Il n’y a pas 1 consommateur collaboratif : les pratiques et les motivations de la consommation collaborative sont diverses. Certaines personnes n’ont qu’une pratique, alors que d’autres les cumulent.

● Certaines pratiques sont plus typées que d’autres : le covoiturage, par exemple, est une pratique privilégiée par les jeunes, qui sont en tension sur leur budget. D’autres pratiques sont moins typées, et l’on va y trouver une mixité et une diversité de profils générationnels, socio-démographiques, … : c’est par exemple le cas de l’achat/vente d’objets entre particuliers, ou même de location d’appartement entre particuliers, du côté “voyageur”.

● Si l’on devait retenir un profil plus fortement collaboratif, il s’agirait des urbains de 25-34 ans : ils pratiquent davantage, et concilient souvent plusieurs pratiques.

● Les motivations principales des répondants, au coude à coude, sont la recherche de sens (consommer plus durable, éthique, rencontrer des gens,…) et la motivation économique (faire des économies, avoir un revenu complémentaire).

● L’impact des pratiques sur le porte-monnaie des répondants reste modeste. 69% des répondants affirment gagner tout au plus 30€ par mois grâce à leurs pratiques.

● Les répondants sont beaucoup plus du côté de l’usage des biens et du côté de la demande que du côté de l’offre, qu’il s’agisse de covoiturage, location de logement ou de véhicules, entre particuliers,...

● On observe peu de trajectoires de sortie de la consommation collaborative, même après une expérience décevante (65% des individus ayant eu une mauvaise expérience n’ont rien changé ! ).

● Les répondants sont plutôt confiants quant à la place qu’est amenée à occuper la consommation collaborative à l’avenir .

=> Le “multipratiquant” type a entre 25 et 34 ans, il est plutôt urbain, ayant une profession intermédiaire ou superieure (cadres, professions libérales,...), mais pas des revenus très importants (les personnes gagnant moins de 2500 € par mois y sont sur-représentées ). Il est plutôt confiant dans la place qu’est amenée à occuper la consommation collaborative => Certaines pratiques sont très “typées” :

● Le passager-type du covoiturage est un jeune entre 18 et 34 ans , qui a de faibles revenus (voire encore étudiant), plutôt urbain, très connecté.

● L’hôte-type (tantôt voyageur, tantôt hébergeur) des pratiques de location de services entre particuliers est un jeune entre 25 et 34 ans, sans enfant, locataire, très connecté.

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I. Profil des répondants Les 2150 répondants n’étant pas représentatifs de la population française, ni de la répartition exacte des consommateurs collaboratifs, le “panel” de l’enquête “Je partage ! Et vous” présente certaines spécificités.

1) 58,7% de femmes. / 41,3% d’hommes. 2) Répartition générationnelle : 35,8% de 35-49 ans, 29% ont entre 25 et 34 ans, 12,5%

entre 18 et 24 ans), 21% plus de 50 ans, 2% de plus de 65 ans). Les tranches d’âge intermédiaire sont sur-représentées, alors que les plus jeunes et les plus âgés (+65 ans ) y sont sous-représentés.

3) Lieu de vie : 11,7% des répondants sont ruraux, 20% habitent dans des villes de moins de 20 000 habitants, 15% de villes de 20 000 à 100 000 ; 24,5% viennent d’agglo de plus de 100 000 habitants en province, 28,7% à Paris ou dans son agglo (17,2% à Paris même). Les urbains, qu’ils habitent dans une ville de taille moyenne ou une grande ville, y sont sur-représentés.

4) Situation familiale : 72% des répondants vivent en famille ou en couple et 22% seuls, 6% vivent en colocation ; 54,7% n’ont aucun enfant, 36,8% ont un ou deux enfants, 8,5% en ont 3 ou plus.

5) 50,6 % sont propriétaires, 36% locataires, 7,4% hébergés gratuitement, 5,5% sont colocataires.

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6) Profession : 50,7% de cadres superieurs, 16,6% employés, 10% étudiant, 7,1% de professions intermédiaires, 5,8% de professions libérales, 9,5 autres professions + chômage, retraité (71% travaillent à temps partiel hors de chez eux). C’est ici que se trouve la catégorie de population la plus sur-représentés : avec les 50,7% contre 13,2% dans la population française, les cadres sont extrêmement présents parmi les répondants.

7) Les répondants sont globalement connectés : 47,8% utilisent quotidiennement les réseaux sociaux, 15,9% régulièrement, 16,8 occasionnellement, 19,5% jamais… mais seulement 15,2% postent quotidiennement des contenus / 20,4 régulièrement / 35,1% occasionnellement / 29,3% ne postent jamais.

8) Revenus : 39,8% de 2500 à 5000 € par foyer, 16,6% plus de 5000 €, 19,5% de 1800 à 2500 €, 12,7% de 1200 à 1800 €, et 11,4% gagnent moins de 1200 € par an.

9) Les gens sont globalement vigilants quant à leur budget, même lorsqu’ils ne sont pas en difficulté : 36,6% ne se sentent pas en tension mais font attention à leurs dépenses, pour 25,3% cela dépend du moment, 18% des répondants sont en tension permanente, 12,8 quand la fin du mois approche et seuls 7,2% ne se sentent pas concernés.

10) Les répondants se caractérisent également par un fort engagement dans des pratiques de solidarité : 34,6% des répondants ont des pratiques de bénévolat.

A TITRE DE COMPARAISON : QUELQUES CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION FRANCAISE Sexe Homme 47,7 % / Femme 52,3 % Age % 18-24 ans 10,3 25-34 ans 15,5 35-49 ans 25,5 50-64 ans 25,0 65 ans et plus 23,7 PCS de la personne de référence % Agriculteur 1,5 Artisan, commerçant 5,6 Cadre 13,2 Profession intermédiaire 14,4 Employé 10,2 Ouvrier 18,1 Retraité, autre inactif 37,0 Catégorie d'agglomération % Rural 23,5 2 000 à 20 000 h 17,0 20 000 à 100 000 h 12,6 Plus de 100 000 h 30,3

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Agglomération parisienne 16,6

II. Quelques caractéristiques des pratiques collaboratives des répondants

A. Les pratiques collaboratives ayant pris leur envol avec le numérique : Covoiturage, autopartage, location d’objet et hébergement P2P, partage d’objet…

● LE COVOITURAGE :

○ 47,4% des répondants pratiquent le covoiturage : soit 22,5% en tant que conducteur, 36% en tant que passager, et 41,5% qui sont tantôt conducteurs, tantôt passagers.

○ Fréquence du covoiturage : 31,9% des covoitureurs ont recours à cette pratique moins d’une fois par trimestre, 30,9% plus d’une fois par trimestre, 23,8% plus d’une fois par mois et 13,4% plus d’une fois par semaine.

○ Pour 52,9% des covoitureurs, la motivation principale est la motivation économique : il s’agit de voyager moins cher. La seconde motivation est la motivation écologique, à 17,3%, alors que la 3e est l’aspect “agréable” du covoiturage. Seul 10,8% évoquent l’aspect pratique, et moins de 3% disent l’utiliser pour voyager davantage.

○ 27% des répondants ne pratiquent pas le covoiturage mais déclarent envisager de le faire un jour.

● AUTOPARTAGE / VELOPARTAGE ● 28,6% des répondants pratiquent vélopartage ou autopartage. ○ Pour 34% des auto/vélopartageurs, il s’agit d’une pratique fréquente :

34% l’utilisent plus d’une fois par semaine, 24% plus d’une fois par mois et 42% moins d’une fois par mois.

NB : Nous n’avons pas considéré dans ShaREvolution cette pratique comme une pratique collaborative, puisque le service est fourni en B2C, sans collaboration entre les usagers. Néanmoins, il nous semblait intéressant de nous pencher sur une autre pratique privilégiant l’usage plutôt que la possession.

● LOCATION DE VOITURE ENTRE PARTICULIERS

○ 11,1% des répondants pratiquent la location de voitures entre particuliers ; 78% en tant que locataire et 22% en tant que loueur.

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○ C’est une pratique peu fréquente : pour 50,8% des locataires/loueurs, la pratique se fait moins d’une fois par trimestre.

○ 27,5% des répondants ne pratiquent pas la location de voiture entre particuliers mais déclarent envisager de le faire un jour.

● HEBERGEMENT CHEZ L’HABITANT

○ 49% des répondants pratiquent l’hébergement chez l’habitant. 69% en tant que voyageur, 7% en tant qu’hébergeur et 24% tantôt en tant qu’ hébergeur, tantôt en tant que voyageur.

○ C’est une pratique occasionnelle : 78,1% des hébergeurs/voyageurs collaboratifs y ont recours moins d’une fois par trimestre.

○ La principale pratique est la location d’appartement entre particuliers (AirBnb) (pour 71% de ceux qui pratiquent l’hébergement entre particuliers (et 35% des répondants)), la seconde l’hébergement gratuit chez l’habitant (couchsurfing), l’échange de maisons entre particulier arrivant en 3e position.

○ 25% des répondants ne pratiquent pas l’hébergement chez l’habitant

mais déclarent envisager le faire.

B. Les pratiques collaboratives pré-existantes (circuits courts alimentaires, vente d’objet P2P, échange de services… )

○ VENTE D’OBJETS ENTRE PARTICULIERS

■ 92% des répondants ont déjà vendu ou acheté des biens d’occasion. ■ A contrario de l’échange d’objets, l’achat / vente de biens d’occasion est

une pratique assez numérique, ou tout du moins hybride : 48% des “pratiquants” achètent ou vendent des objets entre particuliers “en direct” (vide-greniers, brocantes, magasins spécialisés) mais aussi via des plateformes numériques, 34% le font strictement via des plateformes numériques et seuls 18% des répondants achètent ou vendent seulement “en direct” (vide-greniers, brocantes, magasins spécialisés).

○ ECHANGE, DON, LOCATION D’OBJETS P2P HORS VOITURE

■ 83% des répondants disent avoir déjà donné un bien dont ils n’avaient plus usage ;

■ 17% ont déjà prêté un bien à un particulier qu’ils ne connaissaient pas, 11% ont déjà emprunté un bien à un particulier qu’ils ne connaissaient pas.

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■ La location entre P2P reste une pratique marginale : 7% ont déjà loué un bien auprès d’un particulier, et 6% ont déjà mis un objet en location ;

■ 18% des répondants n’ont jamais eu cette pratique, mais envisagent de le faire.

○ CIRCUITS COURTS / ACHATS ALIMENTAIRES COLLABORATIFS

■ 64% des répondants disent acheter ou avoir acheté en circuit court (y compris directement à la ferme).

■ Mais c’est un autre chiffre qui nous intéresse dans ShaREvolution : 33% des répondants ont recours à des pratiques alimentaires de circuit court collaboratives (Amap ou plateformes type Ruche qui dit Oui ! ), la majorité passant par des amaps (26%) et 6,5% par les plateformes.

○ ECHANGE DE SERVICES ENTRE PARTICULIERS

■ L’échange de services entre particuliers reste une pratique marginale, 80% des répondants n’y ayant jamais eu recours. 10% y ont recours tantôt en tant que fournisseur, tantôt en tant que bénéficiaire, 5% en tant que bénéficiaire et 5% en tant que fournisseur.

■ Cela reste une pratique assez peu numérique : cela passe surtout par les SELs (pour plus de la moitié de ceux qui ont recours à ces pratiques), et par des services payants en direct, avant de passer par des plateformes.

C. Les pratiques multiples….

Existe-t-il un “consommateur collaboratif type”, qui conjuguerait plusieurs de ces pratiques de consommation collaborative, comme un mode de consommation aternatif ? Ou au contraire, les consommateurs collaboratifs sont-ils “monopratiques” ? C’est guidés par ces questions que nous avons choisi de nous intéresser aux pratiques multiples.

Nous pouvons en tirer 3 enseignements clés : ● Les “monopratiquants” sont minoritaires parmi les répondants. Moins de

15% déclare une seule pratique. Les “super” consommateurs collaboratifs (+ de 4 pratiques) ne sont pas non plus en majorité (environ 11%).

● Si la majorité du panel pratique (ou a déjà pratiqué) l’achat/vente entre particuliers, certaines pratiquent se recouvrent moins : moins de la moitié des covoitureurs pratiquent l’hébergement entre particuliers, et vice et versa.

● Par contre, ceux qui pratiquent à la fois covoiturage et hébergement P2P pratiqueront davantage d’autres formes de consommation collaborative.

Dans le détail, ceux qui ont au moins deux pratiques :

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● 46% des répondants pratiquent à la fois l’hébergement entre particuliers et l’achat / vente de biens d’occasion entre pairs. Autrement dit, la plupart des personnes pratiquant l’hébergement entre particuliers a au moins une autre pratique collaborative.

● 45% des répondants pratiquent à la fois le covoiturage et l’achat de biens d’occasion auprès de particuliers. Autrement dit, la plupart des personnes pratiquant le covoiturage a au moins une autre pratique collaborative.

● 26% des répondants pratiquent à la fois le covoiturage et l’hébergement entre particuliers.

● 19% des répondants pratiquent à la fois l’échange de services entre particuliers et l’achat / vente de biens d’occasions à des particuliers.

● 18 % des répondants ont recours à l’achat en circuit court collaboratif et à l’hébergement entre particuliers.

● 17 % des répondants ont recours à l’achat en circuit court collaboratif et au covoiturage.

● 17 % des répondants pratiquent covoiturage ET autopartage ou vélopartage.

Ceux qui ont au moins trois pratiques : La combinaison de 3 pratiques collaborative la plus fréquente est ainsi celle du covoiturage, de l’hébergement P2P et de l’achat de biens d’occasion P2P (ou de l’échange de biens P2P).

● 25% des répondants pratiquent le covoiturage, l’hébergement entre

particuliers et l’achat de biens d’occasion à des particuliers.

● 22% des répondants pratiquent le covoiturage, l’hébergement et l’échange de biens (location, prêt, don…) entre particuliers.

● 11% des répondants pratiquent à la fois au moins le covoiturage,

l’hébergement entre particuliers et l’achat en circuits courts collaboratifs.

Des combinaisons de 4 pratiques : ● 11% des répondants pratiquent au moins :

○ le covoiturage ○ l’hébergement ○ l’échange de biens (location, prêt, don…) entre particuliers ○ l’achat en circuits courts collaboratifs.

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>> Les “super consommateurs collaboratifs” (au moins 5 pratiques collaboratives) ● 3% des répondants pratiquent à la fois :

○ le covoiturage ○ l’hébergement P2P ○ l’échange de biens (location, prêt, don…) entre particuliers ○ l’achat en circuits courts collaboratifs. ○ l’échange de services

>> Des combinaisons de pratiques plus rares :

○ 11% des répondants pratiquent à la fois l’échange de services entre particuliers et le covoiturage.

○ 10 % des répondants pratiquent à la fois l’échange de services entre particuliers et l’hébergement entre particuliers.

○ 7,5% des répondants pratiquent à la fois l’échange de service entre particuliers et l’achat en circuits courts collaboratifs.

D. Motivations, freins et vision de la consommation collaborative

Les motivations :

Pour 40% des répondants52, la principale motivation de la consommation collaborative est la recherche de sens. Pour 36% des répondants, il s’agit avant tout de réduire ses dépenses ou d’obtenir un complément de revenus. Pour 19%, il s’agit avant tout d’une raison pratique. Pour 5%, ces pratiques sont avant tout motivées par la curiosité.

A la question “Quelles sont les 3 principales raisons qui vous motivent/ qui pourraient vous motiver à pratiquer la consommation collaborative plutôt que de passer par des circuits d’achat classiques ? (plusieurs réponses possibles)”

● 75% citent les Motivations économiques (réduire ses dépenses, obtenir un complément de revenu)

● 74% citent la Recherche de sens

52 Ces deux séries de chiffres correspondent à deux analyses différentes des résultats d’une même question : dans un cas, nous nous sommes intéressés à la réponse qui arrivait le plus fréquemment en tête, dans l’autre à celles qui étaient le plus souvent citées, en cumulant la 1e, la 2nde et la 3e position.

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● 62% citent Raison pratique ● 21% citent la Curiosité

Recherche de sens et motivation économique sont donc au coude à coude : la raison économique est la raison la plus souvent évoquée par les gens pour s’engager dans la consommation collaborative, mais la recherche de sens est l’aspect primordial pour une majorité de répondants.

Les freins : Pour 67% des répondants, leurs pratiques collaboratives sont avant tout freinées par le fait de devoir consacrer du temps à la recherche et à la transaction. Pour 15% , le principal frein est le fait de devoir passer par une plateforme. Pour 10%, le principal frein est le fait de ne pas posséder ce qu’on utilise… et pour 8% des répondants, c’est le fait d’être évalué par d’autres utilisateurs qui est ennuyeux.

A la question “quelles sont les 3 principales raisons qui pourraient vous dissuader/ vous dissuadent de pratiquer la consommation collaborative ? (plusieurs réponses possibles)”, nous obtenons les réponses suivantes :

● 81% citent le fait de devoir consacrer du temps à la recherche et à la transaction ● 35% citent le fait de devoir passer par une plateforme ● 22% citent le fait d’être évalué par d’autres utilisateurs ● 22% citent le fait de ne pas posséder ce qu’ils utilisent

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Le principal frein des pratiques de consommation collaborative est donc le fait de devoir consacrer du temps à la recherche du service puis à sa transaction.

Vision de la consommation collaborative :

La grande majorité des répondants pensent que la consommation collaborative va continuer à se développer : plus de la moitié des répondants pensent que la consommation collaborative va se hisser à hauteur de la consommation collaborative (52%), et 6% pensent qu’elle va la dépasser… 31% croient en se développement mais pensent qu’elle restera marginale, et moins de 1% pensent qu’elle est vouée à disparaître.

Consommation collaborative et budget

○ Les répondants n’attendent pas de la consommation collaborative qu’elle leur rapportent des revenus conséquents : 35% disent attendre à minima 15 à 100€ pour rendre service à un particulier, seuls 7% disent attendre au moins 100€. 18% sont prêts à le faire gratuitement.

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○ 64,7% des répondants déclarent que leurs pratiques collaboratives leur font faire des économies marginales, 17% disent faire des économies qui augmentent réellement leur pouvoir d’achat. La consommation collaborative, semble donc surtout représenter des économies marginales.

○ Faire des économies, oui, mais pas avoir un revenu substantiel : plus de la

moitié des répondants (51%) disent ne gagner aucun revenu avec ces pratiques, alors que 42,5% disent ainsi gagner un revenu marginal. Moins de 1% des répondants dit en tirer ses principaux revenus… Ce qui a du sens, compte-tenu que les offreurs (ceux qui louent leur appartement, proposent le covoiturage, leurs services,...) sont minoritaires parmi nos répondants. Si l’on s’intéresse aux revenus mensuels, 24% des répondants disent gagner entre 0 et 30€ grâce à leurs pratiques collaboratives, 11% entre 30 et 100€… seuls 2% disent gagner plus de 300 € par mois. Là encore, les revenus issus des pratiques collaboratives, déclarés par les répondants, sont relativement faibles.

III. La consommation collaborative plus en détail…

A. 10 idées reçues sur la consommation collaborative

La perception que nous avons de la consommation collaborative aujourd’hui repose sur beaucoup d’idées reçues ; c’était un des objectifs que nous nous étions fixés avec cette enquête que d’en confirmer ou d’en infirmer un certain nombre. Nous aurions pu en traiter d’autres, que nous publierons probablement sur le site de ShaREvolution, mais laisserons le soin à ceux qui se saisiront des données ouvertes d’y répondre ! D’autres idées reçues nécessitent quant à elles une enquête approfondie sur un échantillon représentatif pour être confirmées ou infirmées. 1 - “Le covoiturage est une pratique de jeunes”

PLUTÔT VRAI. En proportion et en comparaison, les jeunes pratiquent plus massivement le covoiturage que leurs aînés, et ce qu’ils aient entre 18 et 24 ans (surtout en tant que passager), ou 25 et 34 (majoritairement à la fois en temps que passager et conducteur). Néanmoins on observe un regain de la pratique du covoiturage après l’âge de la retraite, où les plus de 65 ans sont une majorité à pratiquer le covoiturage, et ce en tant que chauffeur et passager, alors que les plus jeunes le sont surtout en temps que passager. Le covoiturage est la pratique où la différence entre les jeunes et les plus âgés est la plus marquée, l’écart est moins important concernant les autres pratiques collaboratives.

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2 - La consommation collaborative est une pratique urbaine PLUTÔT VRAI Les individus urbains (villes de plus de 100 000 habitants) pratiquent beaucoup plus la consommation collaborative que les habitants des petites villes. Sur certaines pratiques, les écarts sont en effet assez importants :

● l’autopartage et le vélopartage (surtout à Paris et dans les grandes agglomérations, en raison de l’existence d’une offre)

● l’achat en circuit court collaboratif via des amaps ● le covoiturage ● la location de voiture à un particulier, en tant que loueur (surtout à Paris) via des

plateformes numériques. Il est incorrect en revanche de dire que les ruraux et les habitants des petites villes n’ont pas de pratiques collaboratives. Leurs pratiques sont souvent en dessous de la moyenne nationale, mais restent néanmoins élevés pour le covoiturage (surtout en tant que conducteur) ou pour les circuits courts non collaboratifs.

3 - “Les pratiques de consommation collaborative ont explosé depuis 3-4 ans, avec l’arrivée des plateformes numériques”

VRAI. 70% des répondants ont vu leurs pratiques collaboratives augmenter ces dernières années. Plus de la moitié des répondants (53%) disent que leurs pratiques collaboratives ont plutôt augmenté ces dernières années, 21% disent qu’elles ont beaucoup augmenté, et seuls 1% disent qu’elles ont diminué. On constate d’ailleurs que ces pratiques de consommation collaborative ont beaucoup plus augmenté chez ceux qui utilisent des plateformes numériques que chez ceux qui n’en utilisent pas ! 93,5% des répondants qui utilisent des plateformes depuis 1 à 4 ans affirment que leurs pratiques collaboratives ont augmenté, et 33% des répondants affirment même qu’elles ont “beaucoup augmenté”.

4 - « “Les personnes dont les usages numériques sont les plus développés sont les plus collaboratives”

VRAI. Mais la réponse nécessite de différencier les pratiques : la pratique du covoiturage et de l’hébergement entre particuliers, ou l’achat ou la revente de biens d’occasion augmente avec le niveau de connexion, et ce sont parmi les moins connectés que l’on trouve les plus réticents à s’engager dans ces pratiques. D’ailleurs, les plus connectés auront davantage tendance à s’engager sur des pratiques multiples (à la fois en tant qu’offreur et demandeur) ou à minima en tant que demandeur (passager, voyageur, etc.). Si l’on s’intéresse aux achats en circuit court, sans surprise, les formes collaboratives numériques sont plus développées chez les personnes les plus connectées (comme pour l’achat ou la vente de biens d’occasion). La différence est moins tangible pour les pratiques collaboratives non numériques (amaps, etc.). Et de même, la différence entre les plus connectés et les moins connectés existe mais est moins prononcée en ce qui concerne l’échange d’objets ou de services, qui est une pratique plus marginale.

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Cette correlation des pratiques collaboratives avec les usages numériques est-elle vraiment liée aux pratiques, ou uniquement au fait que les plus connectés se trouvent parmi les plus jeunes ? Dans les faits, ces tendances s’observent quelque soit la tranche d’âge observée (24-35 ans, 50-64 ans pour le covoiturage par exemple), mais c’est bien chez les jeunes et les plus connectés (ex : l’hébergement) que les pratiques de consommation collaborative sont les plus denses.

5 - “Les early adopters n’ont pas les mêmes attentes concernant la consommation collaborative que les utilisateurs récents”

PLUTOT FAUX. Les motivations pour s’engager dans certaines pratiques, notamment le covoiturage (une motivation avant tout économique) sont sensiblement les mêmes, quelle que soit l’ancienneté des pratiques ; globalement, ce sont la motivation économique et la “recherche de sens” qui priment, viennent ensuite l’aspect pratique et la curiosité.

Par contre, les pratiques elles-mêmes diffèrent selon ces profils : la pratique collaborative est souvent plus fréquente (sans doute plus établie) chez les consommateurs collaboratifs pionniers, et plus protéiforme : qu’il s’agisse du covoiturage ou de l’hébergement collaboratif, les pionniers sont à la fois offreurs et demandeurs, beaucoup plus que les utilisateurs les plus récents (ces derniers seraient-ils dans une posture plus consumériste ? ), qui sont eux soit dans une posture de conducteur, soit de voyageur. D’ailleurs, les pionniers tirent davantage de revenus de leur pratique que les consommateurs récents... Pour d’autres pratiques en revanche (achat ou vente de biens d’occasion, achat en circuit court, échange de services,...), le caractère récent de la pratique collaborative ne semble pas jouer.

6 - “La consommation collaborative permet de faire des économies sur le budget” VRAI. La majorité des répondants (65 %) affirment que leurs pratiques collaboratives leur font faire des économies marginales. 17 % disent même faire des économies qui augmentent réellement leur pouvoir d’achat. Néanmoins, ses revenus ne permettent pas vraiment de boucler les fins de mois, ou tout du moins, ce n’est pas vécu comme tel par ceux qui la pratiquent. Nombreux (42,5%) sont ceux qui déclarent que cela leur rapporte un revenu marginal, mais seuls 6% déclarent que cela leur permet réellement de boucler les fins de mois. Cette affirmation est subjective, et dépend bien sûr du train de vie (et du niveau de vie) des répondants. Pour les personnes dont le budget est en tension, les économies sont ainsi plus substantielles que pour ceux qui n’ont aucun souci d’argent. Lorsqu’on s’intéresse aux revenus mensuels, 24% des répondants disent gagner entre 0 et 30€ grâce à leurs pratiques collaboratives, 11% entre 30 et 100€… seuls 2% disent gagner plus de 300 € par mois. Toutes les pratiques ne sont pas logées à la même

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enseigne. Les covoitureurs, ceux qui ont recours à la location de voiture auprès de particuliers, ou à l’hébergement chez des particuliers, affirment pour la plupart faire des économies marginales ou substantielles. C’est moins vrai du côté de ceux qui ont recours aux circuits courts ou pratiquent l’échange de service.

7 - “Les gens ne s’engagent pas dans la consommation collaborative, parce qu’ils préfèrent posséder plutôt que de louer ou se faire prêter”

FAUX. Le fait de ne pas posséder ce que l’on utilise n’est pas vraiment perçu comme un inconvénient fort... Le premier frein est le temps passé à la recherche et à la transaction (pour près de 67% des répondants) ; vient ensuite le fait de devoir passer par des plateformes numériques, et moins ; seulement 10% des répondants disent que c’est le principal frein à leur engagement dans la consommation collaborative.

8. “Les mauvaises expériences entraînent l’abandon des pratiques collaboratives”

FAUX. Si un tiers des sondés expriment avoir eu une expérience négative, seul 10% ont alors renoncé à cette / leurs pratiques collaboratives. La majorité des gens ont continué comme avant, et un quart a réduit / changé leurs pratiques.

PROFILS - Qui sont ceux qui sont “sortis” de la consommation collaborative ? Ce sont plutôt des personnes pour qui les pratiques collaboratives ne rapportaient rien économiquement ; les propriétaires d’un certain âge y sont sur-représenté, vivant souvent dans des villes de petite taille. Sans surprise, on y trouve également un certain nombre de personnes n’ayant pas (ou plus ?) confiance dans les autres ; ces profils sont aussi relativement peu numériques.

9 - “Les personnes vivant en colocation ou au sein d’un collectif pratiquent plus la consommation collaborative que les autres”

VRAI Si l’on regarde la diversité de pratiques liées à la consommation collaborative, les personnes vivant en colocation / communauté sont les plus nombreux à y avoir recours. C’est sur le covoiturage que l’écart est le plus important, autant avec les propriétaires que les locataires “individuels”. Concernant l’hébergement chez l’habitant, là encore l’écart est important, quand bien même il est théoriquement nécessaire pour un locataire d’obtenir l’accord de son propriétaire pour louer son bien. En revanche pour d’autres pratiques (échanges de services et de biens entre particuliers), il n’y a que peu de différences.

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En réalité, ces différences entre ceux qui habitent en collectif et ceux qui habitent seuls s'expliquent aussi par le profil des colocataires / propriétaires. Les premiers sont surtout des jeunes célibataires avec de faibles revenus quand les propriétaires sont souvent des parents avec enfants, qui ont généralement un revenu assez important. Il est aussi important d’observer que les colocataires, en plus de pratiquer en nombre la consommation collaborative, se situent dans une démarche d’offreur et de demandeur.

10 - “Les personnes déjà engagées dans des formes de partage (bénévolat, etc.)” seront plus enclines à s’engager dans la consommation collaborative”

VRAI. Les pratiques de covoiturage, d’échange de services, d’achat de produits frais en circuit court (particulièrement via des Amaps) des personnes engagées dans des formes de bénévolat sont plus importantes que celles des personnes qui ne font pas de bénévolat. C’est aussi le cas, dans une moindre mesure, pour l’hébergement chez l’habitant. Les “bénévoles” auront même tendance à s’engager à la fois du côté de l’offre et du côté de l’utilisateur dans ces formes collaboratives : hébergeur et voyageur, conducteur et passager, etc.

B. Des pratiques plus ou moins typées Nous nous sommes également intéressés aux pratiques de consommation collaborative en détail : est-ce que certaines pratiques concernent certains profils spécifiques ? Certaines sont-elles davantage typées que d’autres ? A contrario, est-ce que certaines rassemblent des profils d’utilisateurs très divers ? Les résultats révèlent que certaines, comme le covoiturage, sont en effet assez typée, alors que d’autres sont plus mixtes (par exemple l’hébergement P2P en tant que voyageur).

● Le covoiturage : o Est beaucoup plus pratiqué, en tant que passager comme en tant que

passager/conducteur : ● par des jeunes (entre 18 et 24 ans, comme entre 25 et 34 ans) et des

étudiants (surtout pour la pratique de passager) ● par les urbains (habitants de grandes villes ou parisiens) ● par des gens connectés, qui utilisent régulièrement les réseaux sociaux ● de faibles revenus (moins de 1200€ ), surtout pour les passagers.

o Est beaucoup moins pratiqué par :

● les tranches d’âge intermédiaire (35-49 et 50-64 ans). ● les familles avec enfants, quelque soit le nombre d’enfants ● les cadres ou professions intellectuelles sup., surtout pour les pratiques

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de passager (et quand ils le pratiquent, c’est davantage par conviction que pour des raisons économiques)

● Les personnes très peu connectées, qui n’utilisent aucun réseau social. ● Les hauts revenus (plus de 5000 €) ● les propriétaires

NB : A noter que du côté des conducteurs, on ne retrouve pas forcément ces profils, et la pratique est beaucoup moins typée.

● L’hébergement collaboratif est une pratique relativement peu typée. o Néanmoins, en tant que pratique double (hébergeur/voyageur), est beaucoup

plus pratiquée par : ● Les jeunes entre 25 et 34 ans ● Les personnes sans enfant ● Les professions libérales / dirigeants ● Les profils très connectés (qui utilisent les réseaux sociaux

quotidiennement) ● Les locataires

o Il est beaucoup moins pratiqué ainsi par : ● Les propriétaires

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● Les 35-49 ans ● Les habitants des petites villes

L’hébergement collaboratif en tant qu’ « hébergeur » est beaucoup pratiquée par :

● Les parisiens ● Les locataires

● La location de voiture entre particuliers ○ Est beaucoup plus pratiquée (surtout en tant que client) par :

■ Les locataires ■ Les parisiens ■ Les personnes n’ayant pas d’enfants ■ Plutôt les jeunes (25-34 ans)

○ Est beaucoup moins pratiquée par : ■ Les tranches d’âge intermédiaire (34-64 ans) ■ Les habitants des petites villes (2000 à 20 000 habitants) et ruraux ■ Les propriétaires

● Les circuits courts « collaboratifs » ○ Via des plateformes numérique, ils sont beaucoup plus pratiqués par :

■ Des jeunes entre 25 et 34 ans ■ Des parisiens ■ Des personnes connectées, utilisant les réseaux sociaux et publiant

même régulièrement ○ Ils sont beaucoup moins pratiqués ainsi par :

■ Les personnes déconnectées ■ Les tranches d’âge intermédiaires (35-49 ans et 50-64 ans) ■ Des propriétaires

○ En direct, via les amaps et/ou des coopératives alimentaires, l’achat en circuit

court est moins typé. Il est néanmoins beaucoup plus pratiqué par les personnes vivant dans de grandes agglomérations (hors Paris), ayant par ailleurs un engagement bénévole, et des préoccupations environnementales plutôt fortes.

● L’échange de services P2P ○ Est beaucoup plus pratiqué, en tant que fournisseur :

■ Par les jeunes (18-24 ans), et les étudiants, d’ailleurs probablement

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sous la forme de job étudiant ■ les personnes sans enfants ■ des profils connectés ■ les faibles revenus

○ Est beaucoup moins pratiqué : ■ Par les tranches d’âge intermédiaire (35-49 ans) ■ les cadres et professions intellectuelles superieures

Du côté des bénéficiaires ou clients de services P2P :

● Il est beaucoup plus pratiqué : ○ Par des urbains vivant dans de petites villes (2000 à 20000

habitants) ○ Par des familles, avec un ou deux enfants ○ Par des profils plutôt à l’aise financièrement (au-delà de 5000€ )

● Il est beaucoup moins pratiqué : ○ Par des jeunes (25-34 ans) ○ Par les habitants de grandes villes (hors Parisiens)

Du côté des personnes qui échangent des services, tantôt les fournissant, tantôt en bénéficiant, le profil socio-professionnel est moins différencient. Il est néanmoins beaucoup plus pratiqué par des personnes déjà engagées, dans des formes de bénévolat, ayant une forte préoccupation environnementale (évoquée notamment pour le choix du transport quotidien, etc.).

● L’achat de biens d’occasion : Est une pratique plus ou moins typée, selon qu’elle soit pratiquée via des

plateformes ou en direct. ● Il est beaucoup plus pratiqué “en direct” :

○ par les personnes d’un certain âge (plus de 50 ans) ○ par des profils peu numériques, qui utilisent notamment peu les

réseaux sociaux ● Est beaucoup moins pratiqué “en direct” :

○ par les profils 25-34 ans, connectés.

La pratique via des plateforme est plus uniforme en termes de profils.

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C. Profils des consommateurs collaboratifs

De même, est-ce que certaines générations, ou certaines CSP ont certaines pratiques en particulier ? Est-ce que les pratiques de certaines présentent des caractéristiques spécifiques ? Les idées reçues traitées ci-dessus donnent quelques pistes de réponse, en voici d’autres.

Les profils de consommateurs collaboratifs :

DES DIFFERENCES GENERATIONNELLES

Les jeunes consommateurs collaboratifs pratiquent... ● beaucoup plus le covoiturage que les tranches d’âge intermédiaires et

les profils plus âgés : 69% des répondants de 18 à 24 ans le pratiquent, contre 35,4% des 35-49 ans. C’est surtout vrai pour les pratiques en tant que passager (34 % des répondants de 18 à 24 ans le pratiquent en tant que passager, contre 21% des 35-49 ans). Ce fossé générationnel existe aussi si l’on s’intéresse aux personnes qui sont tantôt passagères, tantôt conductrices, mais moins aux profils de conducteurs ;

● ont des motivations économiques particulièrement fortes ● sont plus nombreux à accepter de proposer des biens ou des

services… seulement si cela leur rapporte de l’argent !

… et un peu moins… ● l’hébergement chez l’habitant

Les jeunes consommateurs collaboratifs (25-34 ans) pratiquent beaucoup plus…

● le covoiturage (63,7% des répondants de 25 à 34 ans le pratiquent, contre 35,4% des 35-49 ans)). C’est surtout vrai pour les pratiques en tant que passager (42% des répondants de 25 à 34 ans le pratiquent en tant que passager, contre 21% des 35-49 ans). Ce fossé générationnel existe aussi si l’on s’intéresse aux personnes qui sont tantôt passagères, tantôt conductrices, mais moins aux profils de conducteurs ;

● l’autopartage ou le vélopartage ● l’hébergement chez l’habitant en tant que voyageur, surtout via la

location d’appartements P2P (Airbnb, etc.)

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● les plateformes numériques dans leur ensemble, ils semblent être les plus collaboratifs.

… et beaucoup moins…

● des circuits courts non collaboratifs : l’achat de produits frais à la ferme par ex.

Les consommateurs collaboratifs d’âge “mûr”…. (50-64 ans) pratiquent beaucoup plus :

● pour des raisons écologiques ● des circuits courts non collaboratifs : l’achat de produits frais à la ferme par ex.

… et beaucoup moins…

● le covoiturage, en tant que passager ou double-pratique ● l’autopartage ou le vélopartage ● pour des raisons économiques ● via des plateformes numériques ● et tirent beaucoup moins de revenus (ou même d’économie) de leurs pratiques

collaboratives

URBAINS VS RURAUX

Les consommateurs collaboratifs urbains (villes de plus de 100 000 habitants) pratiquent beaucoup plus :

● l’autopartage et le vélopartage (surtout à Paris et dans les grandes agglomérations, en raison de l’existence d’une offre)

● l’achat en circuit court collaboratif via des amaps ● le covoiturage ● la location de voiture à un particulier, en tant que loueur (surtout à Paris) ● via des plateformes numériques

Les parisiens pratiquent beaucoup plus : ● l’autopartage et le vélopartage ● l’achat en circuit court collaboratif : par des plateformes ● la location de voiture à un particulier, en tant que loueur (surtout à Paris) ● l’hébergement P2P, en tant qu’hébergeurs

… et beaucoup moins…

Les ruraux pratiquent beaucoup plus :

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● les circuits courts non collaboratifs… … et beaucoup moins…

● l’autopartage et le vélopartage ● la location de voiture entre particuliers ● le covoiturage en tant que passager (mais un peu plus en tant que conducteur) ● l’hébergement entre particuliers, en tant que voyageur

Les profils multipratiquants Le principal clivage entre les consommateurs collaboratifs qui ont une ou deux pratiques et les multipratiquants semble être du fait de l’âge.

● Les 25-34 ans sont beaucoup plus représentés que la moyenne des répondants parmi les multipratiquants :

○ surtout si l’on s’intéresse aux logiques d’usage plutôt que de possession : passager de covoiturage + voyageur accueilli par un particulier, ou pratiques doubles (tantôt passager, tantôt conducteur), autopartage ou vélopartage…

○ ils représentant près de la moitié des consommateurs collaboratifs qui ont au moins 3 (entre 42 et 43%) ou 4 pratiques (46 à 47% ) collaboratives.

● Les 35-49 et 50-64 ans sont beaucoup moins représentés parmi les multipratiquants,

sauf lorsqu’on s’intéresse à des pratiques collaboratives dans lesquelles ils conservent des formes de propriété : conducteur de covoiturage + hôte d’hébergement P2P par exemple.

Le lieu de vie semble également jouer un rôle :

● Les urbains habitant dans de grandes villes (+ de 100 000 habitants) en Province ou à Paris, sont sur-représentés parmi les multipratiquants (notamment ceux qui pratiquent à la fois covoiturage, hébergement P2P, échange d’objets P2P et circuits courts collaboratifs)

Le “multipratiquant” type a donc entre 25 et 34 ans, il est plutôt urbain, ayant une profession intermédiaire ou superieure (cadres, professions libérales,...), mais pas des revenus très importants (les personnes gagnant moins de 2500 € par mois y sont sur-représentées ). Il est plutôt confiant dans la place qu’est amenée à occuper la consommation collaborative.

D. Motivations et opinions : des profils particuliers ?

Les motivations : quatre grands profils Lorsque l’on s’intéresse aux profils des répondants, en entrant par les motivations, nous identifions 4 grands profils d’usagers.

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Les “engagés” (40%), recherchant avant tout à retrouver du sens (consommer plus éthique, plus durable, rencontrer des gens,...) par ces pratiques :

● Ils ont des pratiques multiformes : conducteur et passager,... ● Ils sont souvent davantage “consommateurs conscients” que véritablement militants.

S’ils sont majoritaires à avoir recours à certaines pratiques de consommation collaborative, comme le covoiturage, pour des raisons économiques, ils sont beaucoup plus nombreux que les autres répondants (+ de 30%) à le faire pour des raisons écologiques.

● Ils pratiquent beaucoup plus que les autres répondants les circuits courts collaboratifs, avant tout via des Amaps ou des coopératives alimentaires, mais aussi dans une moindre mesure via des plateformes numériques.

● Ils sont également engagés dans d’autres formes collective (bénévolat, etc.) et envisagent volontiers la consommation collaborative comme une forme de solidarité, acceptant de proposer des services gratuitement.

Les “opportunistes” (36%), ayant avant tout recours à la consommation collaborative pour des raisons économiques :

● Leurs pratiques ne sont pas très éloignées de celles de la moyenne des répondant, mais ils pratiquent beaucoup moins celles qui ne permettent pas de faire des économies ou d’en tirer un revenu, comme l’achat en circuit court.

● Ils sont ainsi moins engagés dans des formes de solidarité (bénévolat) et acceptent beaucoup moins de proposer leurs services gratuitement ; ils en tirent davantage de revenus que les autres répondants.

● Ils se déclarent, sans surprise, en tension sur leur budget. ● Les 18-24 ans y sont légèrement sur-représentés.

Les “pragmatiques” (19%), recherchant avant tout le caractère pratique de la consommation collaborative :

● S’ils sont majoritaires à avoir recours à certaines pratiques de consommation collaborative, comme le covoiturage, pour des raisons économiques, ils sont beaucoup plus nombreux que les autres répondants à le faire pour des raisons pratiques ou parce que c’est plus agréable.

● Ils pratiquent un peu moins le covoiturage, mais en font une solution de déplacement fréquente (18% le pratiquent plus d’une fois par semaine), pour des raisons économiques, mais aussi parce que c’est le moyen de déplacement le plus pratique dans leur cas (et ce beaucoup plus que les autres répondants). Leurs autres pratiquent se situent dans la moyenne des répondants.

● Leur pratique n’a pas explosé ces dernières années, ils avaient déjà des pratiques collaborative avant l’explosion des plateformes.

● S’ils pensent en majorité que la consommation collaborative va se hisser à hauteur de la consommation traditionnelle, ils sont nombreux (39%) à penser qu’elle va rester marginale.

● 35-49 ans et parisiens y sont légèrement sur-représentés.

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Les “sceptiques”(5%) ayant adopté des pratiques collaboratives… par curiosité : ● Ils sont plus nombreux que les autres profils (39%) à avoir eu une expérience négative

de la consommation collaborative… et à avoir abandonné ces pratiques. ● Sur la base de leurs expériences collaboratives, ils se déclarent moins confiants dans

les autres que les autres profils. ● Ils se déclarent curieux… mais sont pourtant plus réticents que les autres à s’engager

dans les pratiques collaboratives. ● Ils ont du mal à se positionner vis à vis de la consommation collaborative, et croient

assez peu à son développement. ● Sur-représentation des jeunes (18-24) et des plus agés (50-64 ans), sans enfants.

La vision de la consommation collaborative Nous avons choisi, pour construire les grands types de consommateurs collaboratifs, d’entrer par la variable des motivations. Mais il nous a aussi semblé intéressant d’entrer par le prisme de la perception qu’on les répondants du développement de la consommation collaborative ( “Dans le monde de demain, quelle sera, selon vous, la place de la consommation collaborative par rapport à la consommation traditionnelle ?” ). Ici, nous distinguons trois types de profils et de perceptions :

Les ultra-collaboratifs convaincus, persuadés de la place croissante que la consommation collaborative va occuper :

● Ils sont fortement engagés dans ces pratiques : beaucoup plus bénévoles, pratiquant beaucoup plus le covoiturage, l’hébergement entre particuliers,

● Ils pratiquent beaucoup toutes les pratiques privilégiant l’usage sur la possession (collaboratives ou non, y compris l’autopartage ou le vélopartage)

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● Une sur-représentation générationnelle des 25-34 ans. ● Ils affirment des motivations économiques, mais aussi et surtout une recherche

de sens. Nous y retrouvons beaucoup “d’engagés”.

Les conso-collaboratifs “types” confiants, qui pensent que la consommation collaborative va se hisser à hauteur de la consommation traditionnelle.

● Ils ont des pratiques collaboratives sensiblement plus élevées que la moyenne, quelle que soit la pratique observée;

● Leurs pratiques collaboratives ont augmenté ces dernières années, et ils sont peu à se passer de plateformes numériques (22%)

● Les 25-34 ans y sont très légèrement sur-représentés Les sceptiques, qui ont au moins une pratique, mais sont sceptiques sur le développement à venir de la consommation collaborative :

○ ils ont des pratiques proche de la moyenne des répondants sur les pratique de don, de revente ou d’achat de biens d’occasion, et les circuits courts.

○ ils pratiquent en revanche beaucoup moins le covoiturage, un peu moins l’hébergement P2P, etc.

○ Les 25-34 y sont moins présents, alors que les 35-49 y sont sur-représentés.

Retour sur la démarche méthodologique

La réalisation de cette enquête a bénéficié de l’accompagnement méthodologique de Nathan Stern. L’équipe ShaREvolution a dans un premier temps formulé des hypothèses à tester dans le cadre de l’enquête : “plus les gens sont connectés, plus ils ont de pratiques collaboratives » « la consommation collaborative est une pratique de jeunes,…). Le questionnaire a été élaboré afin de tester un maximum de ces hypothèses.

Pour la phase d’investigation et d’analyse des données recueillies, Nathan Stern a proposé une approche collaborative ; une interface de datavisualisation, permettant non seulement de visualiser les réponses mais également de détecter les corrélations a été mise à disposition de l’équipe de ShaREvolution.

Cet outil a été conçu pour être utilisable sans formation : toutes les vues peuvent être générées au travers de simples clics. Il a ainsi aussi été utilisé lors d’un atelier ouvert, visant à explorer collectivement les résultats, dans un esprit d’open science.

Dans une démarche d’Open Science, les données de réponses seront également mises à disposition en ligne, en open data, afin d’en permettre l’analyse par d’autres personnes.

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Collaborations diverses La Fing a travaillé aux côtés de deux autres projets d’étude menés entre 2014 et 2015 : ● Le projet Dynamiques territoriales de la consommation collaborative en Bretagne

historique, porté par l’association Collporterre, qui s’est intéressé aux usages des consommateurs collaboratifs sur ce territoire, mais également aux acteurs présents ;

● Une étude portée par la DGE et le PICOM, et conduite par TNS-Sofres et le cabinet Nomadeis, portant sur la “Consommation collaborative et distribution commerciale : Enjeux et perspectives ». Dans le cadre de celle-ci, une enquête sur un échantillon représentatif de la population française a été conduite, reprenant certaines questions de l’étude ShaREvolution. Les résultats, qui permettront d’enrichir ceux de ShaREvolution, seront publiés dans les mois qui viennent.

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Cartographie de l’offre

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Une expédition de la Fing et OuiShare

CARTOGRAPHIE DES ACTEURSDE LA CONSOMMATION COLLABORATIVE

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La Fing a le soutien de ses grand partenaires

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LA CONSOMMATION COLLABORATIVE

EST INCLUSEDANS

au même titre que : production distribuée, financementparticipatif, gouvernance collaborative, ...

« La consommation collaborative (ou économie du partage) est un modèle économique favorisant l’usage sur la possession et permettant d’optimiser les ressources via le partage,

le troc, la revente, la location, le prêt ou le don de biens et services. »

Rachel Botsman (2010)

« L’ économie colllaborative désigne les pratiques et les modèles économiques organisés en réseaux ou communautés d’usagers. »

OuiShare (2012)

L’ÉCONOMIE COLLABORATIVE

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Existence d’un acte de consommation par un usagerPratiques aussi bien numériques que non-numériquesL’offre est produite (au moins en partie) par des non-professionnelsOn incluera les “on-demand services” (même si ce n’est pas du “partage”)

NB : Cette définition exclut en principe des systèmes B2C tels qu’Autolib, mais dans un souci d’exhaustivité on les représen-tera par une autre couleur : le rouge.

« La consommation collaborative (ou économie du partage) est un modèle économique favorisant l’usage sur la possession et permettant d’optimiser les ressources via le partage,

le troc, la revente, la location, le prêt ou le don de biens et services. »

Rachel Botsman (2010)

HYPOTHÈSES DU PÉRIMÈTRE DU PROJET SHAREVOLUTION

ShaREvolution s’est appuyé sur ces définitions mais a défini un périmètre d’étude propre, reposant sur plusieurs hypothèses :

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4 MODÈLES PRINCIPAUX

PRODUIT - SERVICES(ÉCO. FONCTIONNALITÉ)

RE-DISTRIBUTION SERVICES P2PDITS “ON-DEMAND”

SYSTÈMES LOCAUXCOOPÉRATIFS

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Ces systèmes organisent le transfert de propriété d’un bien entre particuliers (ou “ré-emploi”) que ce soit sous forme de (re)vente, de troc ou ou de don d’objets, en général au moyen d’une plateforme numérique. C’est le modèle de consommation collaborative le plus ancien, qui s’est formé sur la base des pionniers du “C2C” (eBay, PriceMinister, puis plus tard LeBonCoin) et des petites annonces (Craigslist, Freecycle)

Note : On peut également faire figurer dans cette catégorie, la vente p2p d’objets “home-made” (type Etsy)

Revente C2C de biens d’occasiongénéraliste (ex: LeBonCoin, eBay)thématique (ex: Videdressing, MonExTel)

Vente C2C de biens “home-made”ex: Etsy, aLittleMarket

Don de biens d’occasionex: Recupe.net, Freecycle

Troc de biens d’occasiongénéraliste (ex: MyRecycleStuff)thématique (ex: Pretachanger)

RE-DISTRIBUTION

BIENS MATÉRIELS

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Ces systèmes permettent l’accès à une ressource physique (bien, véhicule, espace) par échange entre particuliers sans transfert de propriété (location, prêt, partage). Ils incarnent le fameux adage “usage plutôt que possession” et sont le prolongement P2P de l’économie de la fonctionnalité / de l’accès, lesquels sont souvent plutôt en B2C.

Note : Certaines définitions de la consommation collaborative (portées sur le “partage” plutôt que la “collaboration”) incluent les modèles B2C : on les représentera donc ci-dessous.

Location d’objets entre particuliersgénéraliste (ex: Zilok, Placedelaloc)thématique (ex: Bricolib, RentezVous)

Prêt d’objets entre particuliers:(ex:ShareVoisins, Peerby)

Location B2C (ex: Pley, Kiloutou)Prêt d’objets B2C (ex: ToolPool)

Location de véhicules entre particulliers

avec échange de clé (ex: Drivy)avec boîtier (ex: Koolicar)aux aéroports (ex: Flightcar, EasyCarClub)

Autopartage et vélopartage [B2C]

Hébergement entre particuliersLocation courte P2P (ex: Airbnb)Echange de logement (ex: GuestToGuest)Couchsurfing (ex: couchsurfing.org)

Espaces de travail partagésEspaces de coworking (ex: Copass)Location de bureaux entre entreprises (ex: BureauxAPartager)Espaces de réunion (ex: Breather)

Autres types d’espacesStockage entre particuliers (ex: JeStocke)Parking entre particuliers (ex: JustPark)Espaces événementiels (ex: Snap Event)

MOBILITÉ ESPACES / M2

PRODUIT - SERVICES

BIENS MATÉRIELS

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Ici l’objet de l’échange est un un service et non plus une ressource matérielle comme dans les deux premières catégories. Des individus désirant un service (transport, nettoyage, bricolage, pressing, …) sont mis en lien avec d’autres offrant, dans la plupart des cas, leur “force de travail” au moyen d’une application mobile. Exception faite des “expériences/cours” et du covoiturage traditionnel (où il y a partage de frais et optimisation des capacités excédentaires), on est souvent bien loin de la “sharing economy” : c’est la “on-demand economy”.

Généraliste (ex: Stootie, Taskrabbit)Nettoyage & Entretien (ex: Helpling)Pressing & lessives (ex: Washio)Garde d’animaux (ex: DogVacances)Sécurité (ex: Musketeer)…

Covoiturage traditionnellongue distance (ex: BlaBlaCar)domicile-travail (ex: IDvroom, WeDrive)

Covoiturage “temps-réel”Taxi P2P (ex: Uber, Chauffeur Privé)Covoiturage “urbain” (ex: Lyft, Djump)

Coaching P2P (ex: Vint, Helparound)Médecins On-Demand (ex: TripMD)

Guides touristiques P2P (ex: Vayable)Voyages Collaboratifs (ex: Tripnco)Cours entre particuliers (ex: LiveMentor)

Livraison P2Pen milieu urbain (ex: Instacart, TokTokTok)longue distance (ex: Nimber, mmmule)

Cuisine et plats préparés P2Pplats à emporter (ex: SuperMarmite)livrés à domicile (ex: Munchery)chef à domicile (ex: La Belle Assiette)

Table d’hôte P2P (ex: Eatwith, Cookening)

SERVICE À LA PERSONNE

EXPÉRIENCES & COURSSANTÉ & BIEN-ÊTRELOGISTIQUE

RESTAURATION

SERVICES P2P (“ON-DEMAND SERVICES”)

MOBILITÉ

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Cette dernière catégorie, souvent négligée dans la littérature anglo-saxonne, regroupe les pratiques locales, basées sur la coopération ou le regroupement des membres d’un réseau. Beaucoup sont à “faible intensité numérique”. On y trouve notamment les circuits courts, les banques de temps, etc.

Habitat Participatif (ou Collectif)Colocation par affinité (ex: auTroisieme)

Circuits CourtsAMAP, La Ruche Qui Dit OuiSupermarchés Coopératifs (ex: La Louve)

Agriculture P2PAgriculture urbaine, jardins partagés, ...Partage de potager (ex: Plantezcheznous)

Energies RenouvelablesFourniture d’énergie P2P (ex: Vandebron)Financement participatif d’énergie renouvelable (ex: Energie Partagée)

TélécommunicationsPartage de Wifi (ex: Wifis.org, Fon)Réseaux Mesh (ex: Freifunk, Guifi, Firechat)

Systèmes d’Echanges Locaux (et variantes)

Systèmes d’Echanges Locaux (SEL)Banques de Temps, AccorderiesRéseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs

Réseaux Sociaux de VoisinagePeuplade, Nextdoor, Ma-Residence

HABITATALIMENTATION

ÉCHANGES LOCAUX

SYSTÈMES LOCAUX COOPÉRATIFS

INFRASTRUCTURE

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De nombreux acteurs se positionnent en fournisseur de services tiers autour de la consommation collaborative, que ce soit à destination des particuliers (gestion d’appartements partagés) ou des plateformes elle-même (moteurs de confiance, de paiements, de logistique, ou même place de marché entièrement customisable).

ACCUEIL DES VISITEURS

SYSTÈMES DE RÉPUTATION

“YIELD MANAGEMENT”

MOTEUR DE MARKETPLACES

MOTEUR DE PAIEMENTS

FLOTTE DE VÉHICULES

SYSTÈMES DE FIDÉLITÉ

LES “ENABLERS” (TRANSVERSE)

SERVICES POUR UTILISATEURS

OUTILS POUR LES ACTEURS

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Enfin, les modèles de la consommation collaboratives s’appliquent également sur une logique B2B d’optimisation des capacités excédentaires, ou d’accès à des ressources (immobilier, marchandises, véhicules) voire même d’échange de personnel entre entreprises sur des missions spécifiques.

LES MODÈLES EN B2B

ESPACES DE TRAVAIL

ACTIFS MATÉRIELS

VÉHICULES & LOGISTIQUE

RESSOURCES HUMAINES

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SERVICE À LA PERSONNE

MOBILITÉTRANSVERSE HORS CATÉGORIE

SANTÉ & BIEN-ÊTRE ÉCHANGES LOCAUX

HABITAT

ESPACES / M2

REDISTRIBUTION PRODUCTS-SERVICES SERVICES P2PDITS “ON-DEMAND”

SYSTÈMES LOCAUXCOOPÉRATIFS

Revente C2C d’occasionVente C2C “home-made” Don de biens d’occasionTroc de biens d’occasion

Services pour utlisateursGestion des actifs partagés et analytics (“yield management”)Systèmes de fidélité

Outils pour les acteursSystèmes de réputationMoteurs de paiementMoteurs de marketplacesFlottes de véhicules

Conso Collab B2BEspaces de TravailOptimisation d’Actifs MatérielsVéhicules & LogistiqueTroc de Salariés (ex: Flexojob)

Location d’objets P2PPrêt d’objets P2PLocation B2CPrêt d’objets B2C

Location de voitures P2PAutopartage et vélopartage

Hébergement P2PLocation Courte P2PEchange de logementCouchsurfing

Espaces de travail partagésCoworkingPartage de bureaux

Autres espaces partagés

Covoiturage traditionnelTaxi P2P (cov. dynamique)

Généraliste / Entretien / Pressing / Sécurité / Animaux

Coaching P2PMédecins “On-Demand”

SEL et variantesRéseaux sociaux de voisinage

SEL et variantesRéseaux sociaux de voisinage

Circuits CourtsAgriculture P2P

BIENS MATÉRIELS

LOGISTIQUE

Coursier P2P (milieu urbain)Livraison P2P longue dist.

INFRASTRUCTURE

Coursier P2P (milieu urbain)Livraison P2P longue dist.

RESTAURATION

Plats préparés P2PTable d’hôte P2P

EXPÉRIENCES & COURS

Tourisme CollaboratifCours P2P (online/offline)

ALIMENTATION

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ABONNEMENT

PAIEMENT À L’USAGE

FRAIS DE SERVICE

FREEMIUM

REVENTE

PUBLICITÉ

DONS/SUB.

DE LA CONSOMMATION COLLABORATIVE

LES MODÈLES ÉCONOMIQUES / DE REVENUS

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CRITÈRES PRINCIPAUX1. Macro Modèle (redistribution, product-service, on-demand, local systems)2. Ressource échangée (bien matériels, espaces, ...)3. Modalités de l’échange : monétaire ou non4. Nature des “offreurs” : particuliers, pros, les deux5. Interface principalement numérique ou “offline” / locale

CRITÈRES SECONDAIRES6. Plateforme généraliste ou spécialisée / niche7. Modèle économique de la plateforme8. Type de masse critique nécessaire (hyperlocale, locale, nationale, mondiale)9. Échange entre inconnus / communauté ad hoc / entre connaissances10. Importance de la confiance / risque perçu de la pratique11. Création de lien social vs logique transactionnelle12. Type de lien social / communautaire (voir étude Chronos “les communautés dans la fabrique

des services collaboratifs (2014)”)13. Épaisseur de l’inter-médiation (ex: profils, modération, paiement en ligne, assurance, service

client, fonctionnalités Premium, animation de communautés, …)14. Mode de propriété, de gouvernance de la plateforme / partage de la valeur15. Secteur concerné : transports, tourisme, distribution, industrie, …

Les modèles économiques de la consommation collaborative peuvent être analysés selon un certain nombre de critères principaux ou secondaires.

POUR ALLER PLUS LOIN :

CRITÈRES D’ANALYSEDE LA CONSOMMATION COLLABORATIVE

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MARCHAND NON MARCHAND

EXEMPLES SUR LES BIENS

LOCATION D’OBJETS P2P

REVENTE C2C D’OCCASION

PRÊT D’OBJETS P2P

TROC DE BIENS D’OCCASION

LOCATION D’OBJETS B2C

VENTE C2C “HOMEMADE”

PRÊT D’OBJETS B2C

DON DE BIENS D’OCCASIONRE-DISTRIBUTION

PRODUCTS-SERVICES

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CREDITS

Conception graphique

Équipe ShaREvolutionOuiShare :

Antonin Léonard, Arthur De Grave,Benjamin Tincq.

La Fing :Marine Albarède, Véronique Routin,

Jacques-François Marchandise, Pierre Mallet.

Programme mené par

L’équipe ShaREvolution remercie les partenaires (Île de France, La Poste, ADEME, Nord Pas De Calais, Orange, Bouygues Immobilier, Bouygues Construction, Renault et EDF) pour leur

participation active à l’expédition.

La Fing a le soutien de ses grand partenaires

PictogrammesNoun Project

Thomas Le Bas - Iain Hector - Jon trillana - John Caserta Jane Pellicciotto - Dan Hetteix - George Agpoon - Edward Boatman Chris

Kerr - Kaio Fialho - Natalia Bourges - Edward Boatman