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Les risques et les opportunités liés à la signature d’un traité de libre-échange Europe - Etats-Unis ESSEC Executive Education – MS Marketing Management 2013-2014 Asma Ali – Irina Lafois – Claudine Allain – Hélène Pécharman – Mariana Proença – Caroline Lijko Mémoire D’Intelligence Economique Sous la direction de Christian Harbulot

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In the beginning of 2013, the emergence of negociations between Europe and USA on a free trade agreement evoked strong reactions, and saw diverging positions being taken by supporters and opponents of this agreement. Beyond a form of protection of their economic models, the United States and Europe are profoundly devoted to fighting against their apparent loss of influence as well as the decline of their dominant positions at the stage of globalization since the crises after the year 2000.

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Page 1: Rapport d'Intelligence Economique - Enjeux et risques du Traité de libre-échange transatlantique 12.17.2013

Les risques et les opportunités liés à la signature

d’un traité de libre-échange Europe - Etats-Unis

ESSEC Executive Education – MS Marketing Management 2013-2014

Asma Ali – Irina Lafois – Claudine Allain – Hélène Pécharman – Mariana Proença – Caroline Lijko

Mémoire D’Intelligence Economique Sous la direction de Christian Harbulot

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 2

Nous tenons à remercier vivement les personnes qui nous accordé leur temps et nous ont

accompagnées dans le travail de recherche et d’analyse, au travers de 5 interviews :

Bernard Carayon – Président de la Fondation Prometheus - www.fondation-prometheus.org

Maire de Lavaur (81), auteur du rapport ‘’Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale’’

(2003), auteur de ‘’Patriotisme économique, de la guerre à la paix économique’’ (2005) et de

‘’Changeons le monde’’ (2008) – Paris le 11 juin 2013

Aurélien Colson - Professeur Associé au Département Droit et Environnement de l'Entreprise de

l'ESSEC et Directeur d'ESSEC IRENE, Paris & Singapour – Cergy le 22 octobre 2013

Patricia Langhor – Professeur Enseignant Associé au Département Économie de l'ESSEC Business

School - Cergy le 20 juin 2013

Axel Minaire – Attaché Parlementaire au Cabinet de l’Euro Députée Nora Berra – Paris le 24 octobre

2013

Journaliste « La France Agricole » - septembre 2013

Si nous avons pu les interviewer, ces personnes n’ont en aucun cas validé nos propos ni ne

cautionnent l’intégralité du mémoire.

Remerciements

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 3

Executive Summary ………………………………………………………………………………………………….........................06

Introduction………….…………………………………….……………………………………………………………………..………….…08

PARTIE I – Historique des Politiques Economiques et Relations Economiques entre les Etats-Unis et l’Europe ……..…………………………………………09 1.1 Fondements historiques des politiques économiques Américaine et Européen..........................10

a. Les débuts du libéralisme américain.....................................................................................10 b. L’impérialisme américain après la Seconde Guerre mondiale : la volonté de réguler le commerce……………………………………………………………….........................11 c. La construction économique de l’Europe au travers de traités phares................................12 d. Le renforcement économique de l’Europe face aux Etats-Unis………………………………………..13

1.2 Le protectionnisme comme arme économique américaine………………………….…………………………..15

a. Les lois protectionnistes américaines : causes et conséquences……………..……………………….15 b. Le protectionnisme américain en 2009 et le nouveau Buy American Act ...........................20 c. Le Buy American Act : une inspiration pour une idée du protectionnisme européen ?.......22 d. La position internationale contre le protectionnisme américain.........................................24

1.3 La régulation du commerce mondial : l’OMC, le cycle de Doha et les guerres de pouvoir………..25

a. Le rôle des Etats-Unis ……………………………………………………………………………………………………...26 b. La remise en question du rôle de l’OMC …………………………………………………………………..……..27 c. Le rôle de la Chine …………………………………………………………………………………………………….……..27 d. Le changement de position de l’Union Européenne ………………………………………………………..27

PARTIE II – L’Europe et les Etats-Unis face à de nouveaux enjeux pour maintenir leur leadership ………………………………………………………………………………………………………..29 2.1 Forces et Faiblesses de chacune des parties ……………………………………………………………………………..31

2.1.1 L’état de l’Europe……………………………………………………………………………………………..………..31 a. Données économiques………………………………………………………………………..…………………………..31 b. Etat social : la crise européenne …………………………………………………………….……………..………..35 c. Les enjeux politiques en Europe : l’échéance des élections 2014 ……………………..……………..36 d. Les accords multi-latéraux, la politique de relance de l’économie européenne ……….……..38 2.1.2 L’état des US…………………………………………………………………………………..…………………………..41

a. Données Economiques et Sociales………………………………………………………………………….………..41 b. Les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et l’Europe………………..…………………………..42 c. Le climat politique américain et la mise à mal de la politique d’Obama………….………………..42 d. La politique américaine en matière de libre-échange –

Focus sur le traité Transpacifique…………………………………………………………………….…………………..45 2.2 Les Fondements et les Ambitions du Traité de Libre-Echange Transatlantique………………………..47

2.2.1 Les guerres économiques qui influencent l’accord………………………………………..…………..47 a. L’isolement de la Chine : un objectif clair…………..……………………………………………….……………47

Sommaire

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b. Le renforcement des puissances occidentales face aux pays émergents…………………………..49 2.2.2 Les Ambitions annoncées par le TTIP (Transatlantic Trade & Investment Partnership)………51 a. Une ambition de relance de la croissance………………………………………………………………………..51 b. Un enjeu règlementaire…………………………………………………………………………………………………..52 2.2.3 Focus sur deux points sensibles : l’arbitrage et la transparence………………………………..54 a. La question du règlement des différends………………………………………………………………………...54 b. La question de la transparence des négociations……………………………………………………………..55

PARTIE III – Les rapports de force USA - Europe dans le cadre du traité de libre-échange ………………………………………………………………………………………………………………………..57 3.1 Le calendrier des faits marquants influençant les négociations………………………………………………..58 3.2 Analyse de la position des politiques, medias et lobbies vis-à-vis du traité………………….…………..60

3.2.1 La position de la communauté européenne…………………………………………………..…………..61 a. L’accord selon la communauté européenne……………………………………………………………………..61 b. L’influence de l’accord transatlantique sur le reste du monde…………………….…………………..64 c. L’intérêt de la co-création dans l’accord de partenariat transatlantique…………………………..65 d. Un partage de valeurs communes et une vue similaire de la démocratie……….………………..65 e. Et si l’Europe n’avait pas d’autre choix que celui de parvenir à un accord de libre-échange avec les USA ? … …………………………………………………………………….………………..66 3.2.2 La position des Etats-Unis…………………………………………………………………………………………..68 a. Position des Américains sur l’éducation et l’emploi……………………………………………..…………..68 b. Position des multi-nationales américaines : le cas Fedex……………………………………………..…..68 c. Position des PME américaines………………………………………………………………………………..………..69 d. Pourquoi les USA doivent protéger leurs intérêts ? …………………………………………….…………..72 3.2.3 Focus sur certains pays membres de l’Union Européenne (vue médiatique) …….……..74 a. La Position de l’Allemagne……………………………………………………………………………………………....74 b. La Position de l’Angleterre……………………………………………………………………………………………….76 c. La Position de la France…………………………………………………………………………………………………….76 3.2.4 La position des Think Tank………………………………………………………………………………………….81 a. Les think tank indépendants européens……………………………………………………………………………81 b. Les think tank facilitateurs d’échanges entre les multinationales américaines et européennes………………………………………………………………………………………………..82 3.2.5 Le rapport de force USA / Europe est-il équitable ? …………………………………………………..86

3.3 Les lignes rouges de l’Union Européenne face à Washington : Zoom sur les points forts du traité………………………………………………………………………………………………………………………..88

3.3.1 L’exception culturelle ……………..……………………………………………………….………………………..89 3.3.2 Les services financiers…………………..…………………………………………………….……………………..90

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3.3.3 Les barrières douanières………………………………………………………………………..…………………..91 3.3.4 Les normes et règlements…………………………………………………………………………………………. 92 3.3.5 L’agriculture : une monnaie d’échange ? …………………………………………………………………..92

Conclusion……………………………………………………………………………………………………………………………….….…..96 Sources…………………………………………………………………………………………………………………………………..………..97 Annexes…………………………………………………………………………………………………………………………….……………103

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In the beginning of 2013, the emergence of negotiations on a free trade agreement between the United States and Europe known as the TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) evoked strong reactions and saw extremely diverging positions being taken by supporters and opponents of this treaty. On one hand, it was perceived by some as an opportunity to revive ailing economies, or even, as the continuity of the Euro-American alliance. While on the other, it has been criticized for its opacity, or being at the benefit of multinationals, who would particularly profit from the reduction of regulatory standards. Indeed, it would implement common rules helping to reduce costs for businesses, while maintaining high standards and establishing global standards for trade and industry. These standards that could become norms for world trade by the volume of trade flow that it would cover. Therefore, forcing other partners to align, which sometimes seems untenable. Beyond a form of protection of their economic models, the United States and Europe are profoundly devoted to fighting against their apparent loss of influence as well as the decline of their dominant positions at the stage of globalization since the crises after the year 2000. In this report, we wanted to understand the issues and the risks that this agreement entails. Our analysis focuses on:

- The history of US-Europe economic alliance, understanding how America has continuously, since the 20th century, attempted to protect its economy through protectionist laws, with the most significant ones still being in force today. After the Second World War, Americans were able to rescue a devastated Europe and its budding union, thereby justifying massive infiltration of their model. The construction of a European Union during the second half of the 20th century gave rise to a single market and a coherent regulatory framework, however failing to fully integrate the different populations and creating a deficit in the cohesive identity of Europe.

- The political, social and economic state up to today: After the crisis period of 2008, there are incumbent threats facing the longstanding players of the global economy, especially with China’s economic rise and the potential of emerging markets such as, India and Brazil. These two blocs see their influence decline outside and inside their borders and are forced to reconsider their economic partnerships. However, mistrust and fear about the concerns and individual interests are alive and a strong sense of protectionism is present on both sides.

- Research carried out through different media, especially the most symbolic and controversial issues of this agreement and their impact on negotiations (cultural exception, agriculture, etc...) and the influence of powerful lobbies working to push or defend the interest of certain industrial groups.

-

There would be numerous benefits for both parties if an agreement is reached, but in order to achieve this, they will have to overcome many obstacles that stand in the way for negotiators and politicians alike. The recent negotiations were not as promising as expected, and the ratification of an agreement is not expected for many months.

Executive summary

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Le surgissement en début d’année 2013 de négociations sur un accord de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Europe, le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership), a provoqué de vives réactions et des prises de position très divergentes entre partisans et détracteurs de ce traité. Perçu par les uns comme une opportunité pour relancer des économies malades, voire une continuité de l’alliance euro-américaine, il est décrié par d’autres pour son opacité, ou pour sa mise au service de multinationales, qui y gagneraient par l’abaissement des normes règlementaires notamment. Il permettrait en effet d’implémenter des règles communes participant à la réduction des coûts pour les entreprises, tout en conservant des normes élevées ainsi que l'établissement de normes mondiales pour le commerce et l’industrie ; normes qui deviendraient alors des standards du commerce mondial par le volume des flux qu’elles encadreraient, obligeant ainsi les autres partenaires à un alignement, parfois intenable. Au-delà d’une forme de protection de leurs modèles économiques, les Etats-Unis et l’Europe sont surtout attachés, par la conclusion d’un tel pacte, à lutter contre leur perte d’influence et le recul de leurs positions dominantes sur l’échiquier de la mondialisation depuis la crise des années 2000. Dans ce rapport, nous avons voulu comprendre les enjeux et les risques portés par cet accord. Notre analyse porte sur :

- L’histoire de l’alliance économique Etats-Unis – Europe, pour comprendre comment les Américains au cours du 20ème siècle se sont attachés à protéger leur économie par des lois protectionnistes, dont les plus marquantes sont encore en vigueur aujourd’hui. Après la seconde Guerre Mondiale ils ont pu voler au secours d’une Europe dévastée et de son union naissante, justifiant par là-même l’infiltration massive de leur modèle. La construction de l’Union Européenne, durant la seconde moitié du 20ème siècle, a fait naître le marché unique et un cadre règlementaire cohérent, en omettant cependant d’y intégrer pleinement les populations, créant ainsi un déficit dans la cohésion identitaire de l’Europe.

- L’état des lieux politique, social et économique à date : après la période de crises de la fin des années 2000, l'essor économique de la Chine et le potentiel grandissant des pays émergents, comme l'Inde et le Brésil, les menaces pèsent sur les acteurs historiques de l’économie mondiale. Ces derniers voient leur influence décliner à l’extérieur comme à l’intérieur de leurs frontières, et sont dans l’obligation de reconsidérer leurs partenariats économiques. Cependant, un climat de méfiance et de crainte sur les préoccupations et les intérêts de chacun est né, ainsi qu’un fort sentiment de protectionnisme des deux côtés.

- La recherche, au travers des medias notamment, des points les plus emblématiques et sujets à controverse de ce traité, de leur impact sur les négociations (exception culturelle, agriculture) et de l’influence de puissants lobbies qui œuvrent pour passer en force et défendre les intérêts de certains groupes industriels.

Les avantages pour les deux parties seraient nombreux si un accord était signé, mais pour cela il faudra encore surmonter de nombreux obstacles qui se dressent sur le chemin des négociateurs et politiques. Les négociations en cours n’ont pas été aussi prometteuses que prévu, et la ratification d’un mandat n’est pas espérée avant de longs mois.

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Le Président Barack Obama a débuté son second mandat à la présidence des États-Unis au début de l’année 2013. Il a déclaré, au cours de son discours sur l’Etat de l’Union en Février 2013, la nécessité de conclure un accord de libre-échange sur le Commerce et l'Investissement entre l’Europe et les Etats-Unis (TTIP). Cette initiative a rapidement été applaudie des deux côtés de l’Atlantique et perçue comme un moment historique de l’alliance Europe - USA. Les négociations ont débuté en juillet 2013 et sont toujours en cours. Si cet accord était conclu entre les deux blocs, il constituerait le plus grand pacte commercial de l'Histoire et serait unique par le potentiel de gains qu’il offrirait aux deux parties. Il permettrait aussi de former une alliance à la fois économique et stratégique en remettant l'Union Européenne et les États-Unis dans une position de force sur l’échiquier géopolitique mondial. Toutefois, tous les acteurs s’accordent à penser que de nombreux obstacles devront être surmontés pour conclure un accord de libre-échange Europe - USA et qu’un résultat positif reflétant les ambitions initiales des deux parties n'est pas garanti. Il est important de garder à l'esprit qu'une initiative similaire a échoué dans le passé. En effet, en 1998, la Commission Européenne a publié une proposition de «nouveau marché transatlantique» qui prévoyait déjà une zone de libre-échange bilatéral de services, la reconnaissance mutuelle des normes et le renforcement de la coopération bilatérale. Cette initiative a finalement été abandonnée en raison du manque de soutien des deux côtés et de l'opposition de certains états membres de l’UE (dont la France) qui craignaient que l'Europe ait à faire des concessions sur l'agriculture. Le nouvel accord de libre-échange devra faire face à des défis similaires dans de nombreux secteurs comme ceux par exemple de l'agriculture, de la propriété intellectuelle et des marchés publics. Il apparaît également difficile de concilier le «principe de précaution» de l'UE avec une approche plus risquée de la règlementation aux Etats-Unis. De plus, il semble y avoir à l’heure actuelle un climat de méfiance et de craintes sur les préoccupations et les intérêts de chacun ainsi qu’un fort sentiment de protectionnisme des deux côtés. Les relations euro-américaines ont notamment souffert de quelques revers comme le récent scandale d'espionnage par la NSA. Enfin, des difficultés pourraient surgir à l'étape de la ratification au Parlement Européen et au Congrès Américain en raison d'un manque de consensus. Compte tenu de tous ces éléments les négociations pourraient être tortueuses et longues. Les attentes de la Commission Européenne d’un aboutissement de l'accord avant la fin du mandat de son Président, José Manuel Barroso en décembre 2014, semblent très optimistes. L'administration Obama fait quant à elle également pression pour conclure l’accord avant la fin du mandat de son Président en 2016. Ce rapport examine en profondeur les différents acteurs et évènements marquants des négociations en cours dans le cadre de cet accord ambitieux.

Introduction

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Historique des Politiques Economiques et Relations

Economiques entre l’Europe et les Etats-Unis

PARTIE I

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1.1 – Fondements historiques des politiques économiques Américaine et Européenne

a. Les débuts du libéralisme américain

La politique commerciale des États-Unis a contribué de façon déterminante à caractériser leur économie. Traditionnellement protecteurs de leur économie, les Etats-Unis n’ont ouvertement soutenu le libéralisme qu’après la Seconde Guerre mondiale. Durant les années 1920, l’Amérique a connu une prospérité économique importante. Les barrières douanières héritées de la fin du XIXe siècle se sont affirmées, tandis que la prohibition s’est renforcée. En 1922, Foordney-McCumber Tariff relève brutalement les barrières douanières, et les produits agricoles sont ajoutés à l’inventaire des secteurs protégés. En 1930, malgré les protestations de nombreux économistes, la loi Smoot-Hawley, relative aux droits de douane, est promulguée, nourrissant un réel ressentiment dans les pays tiers et entraînant même quelques mesures de rétorsion.

L’année 1931 voit une détérioration de plus en plus rapide des échanges mondiaux. Bien que le protectionnisme n’ait pas été la cause exclusive de la crise des années 1930, le renforcement des obstacles au commerce l’a aggravée. 1

Aux États-Unis, la politique commerciale est l’objet d’une lutte de pouvoir entre le Congrès et l’Administration. Historiquement, la Constitution accorde au Congrès la conduite de la politique commerciale, alors que le Président prend en charge les relations extérieures. Cette situation explique la sensibilité des pouvoirs en place et la force des lobbies. Le Trade Agreement Act de 1934 permet la négociation par l’exécutif de la réduction des droits de douane. Le pouvoir présidentiel s’en trouve encore plus consolidé. Le Trade Agreement Act marque également le début d’un changement dans l’orientation de la politique commerciale qui place les États-Unis en position de puissance économique financière et commerciale.

1 Life Magazine - Photographie de Margaret Bourke White (1930)

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En 1944 se tient la conférence monétaire internationale de Bretton Woods,, aux Etats-Unis. La France, représentée par Pierre Mendès France, fait partie des 44 pays participants. Tous sont en guerre contre les puissances de l'Axe, l'Allemagne, l'Italie et le Japon. A l'issue de la rencontre, deux institutions internationales sont créées : le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) ou Banque Mondiale. Elles ont pour objectif d'assurer la reconstruction et le développement économiques du monde après la guerre. De plus, avec l'adoption du système du Gold Exchange Standard, le dollar est instauré comme monnaie de référence et sa valeur est définie sur celle de l'or.

b. L’impérialisme américain après la Seconde Guerre Mondiale : la volonté de réguler le commerce

A partir de 1947, héritage de la guerre en Europe et dans le Pacifique oblige, les États-Unis se posent plus que jamais en défenseurs de la mondialisation. La nécessité de contenir le communisme incite le pays à développer une politique fortement interventionniste à travers le monde, au service du développement du libre-échange. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, seul pays allié resté intact en comparaison d’une Europe dévastée, les États-Unis disposent d’une puissance économique majeure : ils contrôlent l’équivalent de la moitié de la production de la planète. Toujours en 1947, Le General Agreement on Tariffs and Trade – GATT – entre en vigueur. Signé le 30 octobre 1947 par 23 pays, il a pour objectif la relance du commerce mondial par l’abaissement et l’harmonisation des barrières douanières tarifaires et quantitatives. Le GATT fera l’objet de plusieurs négociations multilatérales, communément appelées "rounds", alors que ses membres seront de plus en plus nombreux. Les principaux cycles de négociations, comme le Kennedy Round ou le Tokyo Round, auront pour conséquence l’abaissement radical des droits de douane. Un autre, primordial, l’Uruguay Round, portera sur les domaines de l’agriculture et des services et, au terme des discussions, aboutira à la création de l’Organisation Mondiale du

Commerce (OMC) le 1er janvier 1995.

Egalement en 1947 le secrétaire d'Etat américain George Catlett Marshall propose un programme d'aide destiné à stimuler la reconstruction de l'Europe après la Seconde Guerre mondiale, le

Plan Marshall. Mis en place dans le cadre de la doctrine Truman, cette aide est refusée par l’URSS qui fait d’ailleurs pression sur les pays d’Europe centrale pour qu’ils en fassent de même. En revanche, l’aide est très bien accueillie en Europe occidentale qui crée l’Organisation Européenne de Coopération Economique

(OECE) pour répartir les crédits alloués par le Plan. Le professeur Gérard Bossuat livre une analyse de l’intention américaine lors de cette proposition faite à l’Europe : « Les raisons américaines ne sont pas simples et très éloignées des réponses

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catégoriques faites au temps de la guerre froide. Le Plan Marshall répondait probablement au destin que les États-Unis avaient assumé du fait de la carence européenne, remodeler l’ancien monde à l’image de la réussite du nouveau pour empêcher un nouveau cycle de catastrophes2. » Jusqu´à la fin des années 1960 les États-Unis sont en position de puissance, poussant l’ensemble de leurs partenaires à un effort d’ouverture sans précédent. C’est le cas lors des négociations commerciales multilatérales, qui rassemblent 48 pays entre 1963 et 1967 pour une réduction du niveau du tarif douanier commun de l’Europe pour les produits industriels. Durant les années 1970, les États-Unis sont affectés par la guerre du Viêtnam et la contestation du modèle économique américain. Les présidences successives sont marquées par un repli des États-Unis sur la scène mondiale, repli à la fois politique et commercial, à l’exception de la reprise du dialogue avec la Chine. Les États-Unis se désindustrialisent à grande vitesse et sont en proie à la concurrence d’un nombre croissant d’économies rivales. En 2010, le président Barack Obama réaffirme l’initiative destinée à soutenir les exportations américaines. L’Initiative Nationale pour les Exportations (National Export Initiative), vise à doubler la valeur des exportations au cours de la période 2010-2015 et répond au triple objectif de rééquilibrer les comptes extérieurs des États-Unis, de soutenir la reprise économique par les exportations et de jouer à armes égales avec la concurrence sur les marchés internationaux. Reprenant à son compte l’initiative lancée par son prédécesseur en fin de mandat, le président Obama fait du Partenariat Transatlantique (TTIP) l’une de ses grandes priorités.

c. La construction économique de l’Europe au travers de traités phares

L’Union Européenne est un phénomène politique et économique sans précédent dans la communauté internationale. Son histoire la classifie comme une institution qui a changé le scenario politique et commercial de l’Europe. La création de nouvelles institutions pour le développement de l’Europe a par conséquent ouvert un nouveau chapitre dans l’histoire des politiques commerciales des États-Unis.

L’Union Européenne (UE) est le résultat d’un vrai besoin d’expansion industrielle après la dévastation causée par la Seconde Guerre mondiale dès 1945. L’objectif de cette organisation est alors de développer une structure économiquement et politiquement intégrée, pour une Europe plus forte. Le 25 mars 1957, la Communauté

Economique Européenne (CEE) est créée après la signature du Traité de Rome, reconnu comme l’acte fondateur de l’Union Européenne, avec la participation de la Belgique, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas.

2 Article « Aux origines du plan Marshall » par Gérard Bossuat, 1999

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L'Union Européenne s’élargit aussi bien physiquement que sur le plan administratif et législatif. Les taux de croissance grimpent, soutenus par une augmentation de 168% des échanges intracommunautaires entre 1958 et 1964 (comparé au commerce mondial total qui n’augmente que de 58% sur la même période). L’adhésion des membres se poursuit, pour atteindre 12 pays avec l’accession de la Grèce en 1981. L’Espagne et Portugal rejoignent l’UE en 1986 et après la fin du bloc soviétique, l’Autriche, la Finlande et la Suède entrent également dans l’Union Européenne en 1995. En plus des engagements contraignants et des changements des lois nationales pour mettre les États membres en conformité avec les règles de l'UE, l'intégration européenne a avancé grâce à de nouveaux traités venant aménager l’initial Traité de Rome. Après les chocs pétroliers des années 70, et la montée de l’euroscepticisme, l’Acte Unique Européen

de 1986 initie le marché unique, par des efforts pour éliminer 300 obstacles afin de commercer librement et avec un maximum d’efficacité économique. L’unification monétaire de l’UE bénéficie également au commerce entre les pays membres. En 1992 le Traité de l'Union Européenne, généralement appelé Traité de Maastricht, place officiellement placé l'Europe occidentale sur la voie de l'union politique, économique et monétaire. Cet effort est clairement défini pour aller au-delà de l'intégration économique commune pour des politiques étrangères et de sécurité, et fait adopter le terme d’Union Européenne comme la désignation générique pour le mouvement d'unification européenne. Un troisième amendement, le Traité d'Amsterdam en 1997, augmente le volume des différentes sortes de décisions qui peuvent être prises par la majorité qualifiée plutôt qu'à l'unanimité ainsi qu’une coopération renforcée dans la conduite de la politique étrangère et de sécurité commune.

d. Le renforcement économique de l’Europe face aux Etats-Unis

L’Union Européenne développe un système de tarifs préférentiels (le SPG : Système de Préférences Généralisées) dès 2001 pour des produits non agricoles, concernant 178 pays à l’étranger et pour des anciens pays communistes en transition vers des économies de marché. L’UE leur propose une réduction des droits de douane ou un accès au marché communautaire en franchise de droits pour les exportations. Les Etats-Unis sont l’un des dix pays qui n’ont pas de tarifs préférentiels pour tout produit exporté vers l’UE. L’influence bancaire sur les conditions macro-économiques sur la zone euro et le taux de change monétaire sont également des facteurs déterminants pour le futur des négociations commerciales entre l’Europe et les Etats-Unis. Souvent appelée « le ciment politique » de l’Union Européenne, la politique économique nommée PAC (Politique Agricole Commune) tient ensemble l’UE. Les objectifs les plus importants de la PAC sont d’assurer des revenus suffisants pour les agriculteurs, d’augmenter la productivité agricole, de garantir la stabilisation des marchés agricoles et d’assurer la sécurité alimentaire ainsi que des prix raisonnables pour les consommateurs. La PAC serait selon certains le plus grand obstacle sectoriel de libre-échange dans le monde et reste un point de désaccord dans les relations commerciales entre les Etats-Unis et l’UE. Elle est également la principale composante du budget de l'UE.

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Selon Geir LUNDESTAD, dans « EUROPAMERIQUE », 2003 : « Les aspects économiques ont souvent constitué un point d’achoppement dans les relations américano-européennes. Certes, il y a eu de nombreux désaccords d’ordre économique entre les États-Unis et les pays européens : les marchandages du Plan Marshall, la « guerre du poulet » en 1962, les négociations avec l’Allemagne de l’Ouest dans les années 1960, les nombreuses querelles liées à la PAC, l’affaire du gazoduc russe sous Reagan, les divergences concernant un certain nombre de directives de l’Acte unique européen (AUE), les conflits à l’occasion de plusieurs cycles du GATT, les lois américaines Helmes-Burton et d’Amato limitant les échanges avec les « États voyous » et les réactions très vives de l’Union Européenne, enfin les luttes plus récentes entre Boeing et Airbus, les produits génétiquement modifiés, les taxes et, bien entendu, l’acier.3 » Les échecs et discussions sur les conflits commerciaux ont eu un impact permanent sur les relations entre Etats-Unis et Europe. Après 1980, les Etats-Unis ont dénoncé les subventions d’exportation de l’UE en argumentant que cela constituait une pratique commerciale injuste. Après plusieurs tentatives de négociation les Etats-Unis ont finalement décidé de lancer leur propre programme de subventions des exportations en 1985, l’Export Enhancement Program.

3 « EUROPAMERIQUE, États-Unis et l’Europe de l’Ouest de 1945 à nos jours » – Geir Lundestad, 2003

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1.2 - Le protectionnisme comme arme économique américaine

a. Les lois protectionnistes américaines : causes et conséquences

Le protectionnisme fait appel à un vaste ensemble de mesures qui sont généralement regroupées en deux catégories : les mesures tarifaires (tariff barriers) et les mesures non tarifaires (non-tariff barriers).

Les mesures tarifaires concernent les droits de douanes et des tarifs, ils consistent à ajouter une taxe sur la valeur des produits importés, venant ainsi augmenter leur prix sur le marché intérieur. Les cycles successifs de négociations commerciales multilatérales menés depuis 1947 ont contribué à un recul majeur des droits à l’importation. C’est particulièrement vrai pour les biens industriels, dont les droits de douane sont passés d’environ 40% à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à un dixième aujourd’hui.4 Néanmoins, les droits de douane continuent d’influer sur la configuration des échanges. Les mesures non tarifaires ont un périmètre beaucoup plus vaste, les plus connues sont les quotas ou les licences d'importation quand elles sont exigées dans un but restrictif. D'autres méthodes, plus subtiles, consistent, par exemple à exiger des procédures de classification en douane des produits (délais, frais administratifs). Il existe aussi des règlementations en matière de normes, notamment sanitaires, qui en apparence obéissent à des motifs louables (la protection du consommateur par exemple) mais en réalité sont utilisées pour protéger l'industrie nationale (laquelle d'ailleurs réclame souvent des normes et des mesures de règlementation pour se protéger de la concurrence). Toute politique économique, d'une manière générale, a des répercussions sur le commerce. Des subventions accordées dans le cadre d'un plan de développement régional, par exemple, peuvent pénaliser les exportateurs. Sans aller jusqu'à condamner toutes les formes de politiques économiques, il appartient d'isoler celles dont les pratiques a pour objectif spécifique la protection du commerce. Les Etats-Unis ont toujours eu une longueur d’avance sur la protection de leur économie, et les premières lois, édictées dans les années 30, ont largement contribué au renforcement de leur puissance. Elles trouvent encore une résonnance dans la politique économique américaine d’aujourd’hui.

4 Le commerce international. Libre, équitable et ouvert ?» Patrick Love, Ralph Lattimore. Les essentiels de

l’OCDE. 2009

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1930 : le Smoot-Hawley Tariff Act

Un article publié par l’Heritage Fondation5 nous rappelle que le Smoot-Hawley Tariff Act de 1930 aux Etats-Unis a augmenté les taxes sur plus de 20 000 produits importés à des niveaux record. L’Heritage Fondation indique que cette loi a eu un effet spectaculaire puisque les importations ont été divisées par deux entre 1929 et 1933. Parallèlement, les exportations ont diminué de manière importante et le taux de chômage est passé de 3,2% en 1929 à 8,7% en 1930 pour culminer à 24,9% en 1933. D’autres pays répondent avec les mêmes types de mesures protectionnistes, ce qui ralentit considérablement le commerce international avec un impact fort sur l’économie mondiale.

5 Buy American Hurts America – 30 janvier 2009

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Un autre effet après l’application de cette loi est celui des augmentations consécutives de prix pendant la période de la Grande Dépression. Abraham Berglund, dans son ouvrage : « The Tariff Act of 1930 », publié dans American Economic Review, analyse une liste de produits et l’évolution de leurs prix entre 1921 et 19306 : Même si l’application de cette loi n’est pas l’unique responsable de la dégradation des facteurs économiques aux Etats-Unis dans les années 30, elle est toujours considérée par la plupart des économistes comme un facteur aggravant de la Grande Dépression. 1933 : le Buy American Act

Le Buy American Act (BAA) entre en vigueur en 1933 dans le cadre de la politique de New Deal de Franklin D. Roosevelt. Il est créé pour encourager l’achat des produits américains, dans le cadre des achats effectués directement par le gouvernement américain. Cette loi s’applique à tous les marchés de l’administration fédérale américaine visant des produits dont la valeur est supérieure au seuil des micro-achats (seuil plancher de 2.500 dollars, en dessous duquel les achats sont considérés comme des micro-achats)7. En vertu de cette loi, toutes les marchandises destinées à l'usage public (articles, matériaux ou fournitures) doivent être produites aux États-Unis, et toutes les marchandises manufacturées doivent être fabriquées aux États-Unis, à partir de produits américains, concernant uniquement les biens et non les services.

6 The Tariff Act of 1930 - Abraham Berglund

7 http://www.senat.fr/rap/l10-306/l10-30614.html

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Elle impose également des conditions :

• Le prix de chaque produit doit dépasser les 2.500 dollars et le coût des composants fabriqués sur le territoire doit excéder 50% de l’ensemble des coûts.

• Le bien doit être extrait ou produit aux Etats-Unis. Cependant, les dispositions de cette loi admettent certaines exceptions : certains produits, projets ou encore certaines catégories de technologies peuvent bénéficier d'une dérogation, selon le processus d'examen et les exigences de l'organisme ou du ministère fédéral concerné. La Buy American Act s’est inscrit comme une première loi qui a créé une préférence nationale en matière de prix favorisant les produits finaux intérieurs. La législation du BAA est toujours en vigueur et, grâce à elle, les fournisseurs domestiques sont favorisés lors des achats de biens et services. De la Grande Dépression à aujourd'hui, ce dispositif a permis de soutenir l'économie et la production nationale et une partie des États l'a adopté. Cette procédure d’achat préférentiel existait dans près de 36 pays à la fin des années 90 comparé à une vingtaine dans les années 80. Ainsi vont les slogans : « Achetez Français », « Buy Canadian », « Buy Japanese », « Buy Italian », « Buy Korean »… 1982 : la disposition Buy America Act pour le secteur des transports Dans l’esprit du Buy American Act de 1933, une autre loi voit le jour en 1982 : la « Buy America Act » qui est spécifique aux achats dans le domaine du transport, et vise les achats afférents à ce secteur. Elle impose les conditions suivantes :

• Exclusivité au domaine des transports : transports en commun, compagnies aériennes, autoroutes

• L’évaluation des projets doit être de plus de 100 000 dollars. Les dispositions de cette loi sont une condition pour les subventions accordées par le gouvernement des États-Unis à des organismes d'État, notamment l’administration fédérale du transport en commun - FTA (Federal Transit Authority), et à des organismes municipaux ou à d'autres organismes, comme les commissions de transport. On voit clairement l’application de cette loi lorsqu’il s’agit de projets comme la construction d’un aéroport : l’autorisation provient de la loi sur l'amélioration des installations aéroportuaires et des voies aériennes (Airport and Airways Facilities Improvement Act), et les fonds proviennent de l’administration fédérale de l’aviation civile – FAA (Federal Aviation Administration). Dans le cadre d’un tel projet, cette loi exige que tous les produits sidérurgiques et tous les produits manufacturés soient fabriqués à partir de 60% de matières provenant des États-Unis et que l'intégration finale soit effectuée aux États-Unis.

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1953 : le Small Business Act

Le Small Business Act est une autre mesure de soutien des pouvoirs publics à l'économie nationale. Créée en 1953, elle oblige à réserver une partie des marchés publics aux Petites et Moyennes Entreprises (PME). Les prémisses de cette loi s’inscrivent dans l’histoire du développement des Etats-Unis. La petite entreprise faisant partie du « American Dream », le rêve américain de la réussite accessible à tous, et du mythe du « self made man ».

Dans la section 202 du Small Business Act, le Congrès déclare que « le Gouvernement doit aider, conseiller et protéger, dans toute la mesure du possible, les intérêts de la petite entreprise, afin de préserver l'esprit de libre concurrence, d'assurer qu'une proportion équitable des marchés publics soit passée avec de petites entreprises, et de maintenir, en la renforçant, l'économie de la Nation dans son ensemble. » Ainsi, 23% des marchés publics américains sont réservés aux PME américaines. Protectionnisme VS Libéralisme Durant l’application du New Deal, le libéralisme est l’une des idées maîtresses aux Etats-Unis, et les affres du Smoot-Hawley aidant, il fait l’objet d’un consensus. Convaincus de l’importance du développement économique pour la paix, les Américains contribuent fortement au redéploiement des économies de leurs alliés, entre autres en participant à la mise en place du GATT, pour éviter d’autres guerres des prix comme celles qui ont précédé la Seconde Guerre mondiale, et en facilitant jusqu’à un certain degré l’accès au marché américain, tout en acceptant les mesures commerciales de leurs alliés et la formation du marché commun européen. Ces concessions et cette approche s’expliquent par l’hégémonie économique américaine sur le plan international et par le fait que l’intégration économique internationale progresse peu aux Etats-Unis avant 1960, les importations ne comptant alors que pour moins de 3% de leur PIB8. De plus, la stabilité des taux de change qui existe à l’époque n’inspire pas d’inquiétude au regard du commerce international. Dans ce contexte, les présidents, républicains et démocrates, peuvent se permettre d’être pro-libre-échange, position intéressante tant sur le plan domestique qu’international, mais les choses commencent à changer dès les années 1970. L’augmentation de plus de 70% de la valeur du dollar américain durant la première moitié des années 80 donne lieu à une pénétration accrue des produits étrangers sur le marché américain et à un déficit commercial dépassant les 100 milliards de dollars qui n’a pas cessé d’augmenter depuis. Deux chocs pétroliers suivis par la stagflation, la fin du système de taux d’échange fixe (15 août 1971) qui met fin au dollar comme monnaie étalon, le démantèlement de l’Union Soviétique et la création d’un monde tripolaire impliquant les Etats-Unis, le Japon et l’Union Européenne, constituent un ensemble de mutations qui changent considérablement le contexte dans lequel est définie et appliquée la politique commerciale américaine.

8 « Théories, Politiques et perspectives industrielles ». Emmanuel Nyahoho. Pierre Proulx. Presse des universités

de Québec, 3ème Edition

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b. Le protectionnisme américain en 2009 et le nouveau Buy American Act

La crise de la fin des années 2000 réveille l’esprit patriotique des Américains et dans le volumineux projet du plan de relance initié par l’administration Obama, les lois protectionnistes ressurgissent. « [Buy American Act] concerne nos emplois et place notre économie sur les rails » explique le Sénateur démocrate de l’Ohio Sherrod Brown. Pour Leo Gerard9, « Ceux qui s’opposent au patriotisme

économique sont tous du mauvais côté de l’Histoire. [...] Nous devons nous assurer que nos lois soient efficacement mises en œuvre pour être sûrs que les taxes payées par nos compatriotes soient utilisées pour remettre les Américains au travail et nous aident à relancer notre économie ». Pendant les débats, pour appuyer la renaissance de la loi de 1933, le Syndicat n’hésite pas à donner en mauvais exemple la gestion de l’administration Bush en parlant de l’utilisation de l’acier chinois dans la construction du mur pour renforcer la sécurité avec la frontière mexicaine. Cet exemple permet d’apporter des précisions dans le cadre des travaux d’infrastructure et d’établir que les achats d’acier devraient être passés auprès de fabricants nationaux, avec une seule exception si le coût de l’acier américain est supérieur de 25% à celui de l’acier étranger. Bien évidemment, cette mesure reçoit un large soutien du syndicat professionnel United Steelworkers of America. Dans le tableau ci-contre on peut voir le plan proposé par Janet Yellen, la nouvelle présidente de la FED et l’équipe des économistes en 2009, sur l’impact du Recovery Plan sur l’emploi aux Etats-Unis.10 Dans l’état de l’économie actuelle l’idée du « Buy American » est loin de faire l’unanimité et cela de manière transverse. Cette idée est aussi bien partagée par les Démocrates que par les Républicains, par les libéraux comme les conservateurs, les grands patrons comme les travailleurs. « Je ne pense pas qu'ils veuillent prendre un chemin protectionniste, mais les pressions internes sont si écrasantes, qu'ils sont pris dans une sorte de tragédie grecque » dit Jeffrey Garten, professeur à Yale School of Management dans une interview pour la BBC.

9

http://amerique.wordpress.com/tag/plan-de-relance

10 American Recovery and Reinvestment Act economic projections (2009)

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Au sein des industriels, le patron de FedEx, Fred Smith, dans une interview à la chaîne ABC fait part de ses inquiétudes sur les effets d’une telle mesure sur les entreprises américaines aujourd’hui devenues globales : « C’est là une très grande différence avec 1933 où l’économie américaine était moins ouverte qu’aujourd’hui et pouvait donc se permettre un temps de se couper du monde. Mais aujourd’hui, cela est beaucoup plus difficile en raison de l’interpénétration des économies ». Il faut également prendre conscience de l’effet d’une telle loi sur les partenaires économiques et les mesures qu’ils pourraient appliquer en réponse. Rétorsions économiques Shahin Vallee, chercheur à l'institut Buregel (think tank basé à Bruxelles, créé en 2005, et traitant des questions de politiques économiques et monétaires) estime que le conflit actuel entre la Chine et l'Union Européenne, sur la taxe carbone européenne, peut être un exemple de représailles à venir. Pékin a en effet gelé une commande de 45 Airbus à cause de la taxe carbone, selon le fabricant EADS. L’Europe souffre déjà, entre autres, de l’impact de la mise en place d’une taxe de 300% sur les importations de Roquefort aux Etats-Unis motivée par l’interdiction des importations de viande de bœuf aux hormones en Europe. Les pays étrangers pourraient donc faire jouer d'autres leviers de ripostes. Alexandre Delaigue, chroniqueur économique de Libération, rappelle qu'aux Etats-Unis, le BAA, lors de son instauration, avait aussi conduit de nombreux pays à riposter par des barrières protectionnistes qui avaient fait plonger les exportations américaines. Les think tanks s’en mêlent aussi et apportent leur vision sur cette problématique en mettant en avant deux problèmes posés par une telle mesure : son efficacité économique et sa conformité aux réglementations internationales sur le commerce, en particulier celle de L’OMC. Toutes les mesures non tarifaires sont par nature protectionnistes, même si elles sont fondées sur des considérations légitimes, et elles concourent de plus à fausser le mécanisme d’ajustement du système des prix. L’aspect le plus inquiétant de ce protectionnisme est qu’il tend à se répandre de plus en plus. Les subventions à l’exportation soulèvent une problématique particulière dans leur définition même et dans

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leurs incidences11. Les études économiques indiquent que les mesures non tarifaires sont largement concentrées dans l’agriculture, les produits textiles, les produits énergétiques, l’acier, les machines électriques, les métaux et les produits chimiques, l’automobile… Il s’agit pour la plupart des industries en difficulté dans les pays industrialisés et en pleine croissance dans les pays émergents. Le professeur Jeffrey Garten dans une interview pour la BBC News (4 février 2009) disait que de telles mesures pourraient avoir un effet corrosif sur la croissance mondiale. "Elles pourraient conduire à une difficulté à traiter des questions telles que l'intégration des pays comme la Chine, l'Inde et le Brésil dans l'économie mondiale," disait-il12. Il a également averti qu'un environnement protectionniste pouvait entraver la restructuration de certains secteurs importants tels que la banque, l'automobile, l’aéronautique ou les télécommunications. En résumé, le protectionnisme à l’échelle mondiale est souvent synonyme de pertes d’emplois, notamment pour les secteurs concernés par l’exportation, ce dont aucun pays ne peut tirer de bénéfices sur le long terme.

c. Le Buy American Act : une inspiration pour une idée du protectionnisme européen ?

Dans son discours à Villepinte, en mars 2012, Nicolas Sarkozy, en pleine campagne présidentielle pour les élections françaises de mai 2012, accuse l’Europe : "d'être la seule région du monde à ne pas se défendre". Un exposé aux accents souverainistes, rare dans la bouche du candidat sortant. "Le libre-échange, oui ! La concurrence déloyale, non" ! Il a donc proposé la mise en place d'un "Buy European Act" copié sur les Américains, "une mesure protectionniste pour que seules les entreprises qui produisent en Europe bénéficient de l'argent public européen", a-t-il expliqué. "La France exigera que désormais les PME européennes aient une part des marchés publics qui leur soit réservée", a-t-il ajouté. Avant d'assortir cette exigence d'un ultimatum: si, sur ces deux points, des progrès [ne sont pas] pas réalisés dans les douze mois, la France [agira] de façon unilatérale. "Pourquoi ce que les États-Unis, pays le plus libéral du monde, s'autorisent, l'Europe se l'interdirait ?13", s’est-il enflammé face à la foule, érigeant en exemple le "Buy American Act". En France, Nicolas Sarkozy n’est pas le premier à faire ce type de proposition. Dès 1993, Elisabeth Guigou, ministre des Affaires européennes de François Mitterrand, l'avait évoqué comme une "contre-offensive européenne en réponse au Buy American Act". Et lors de la campagne de 2007, Ségolène Royal en avait fait une idée forte de son programme. Reprise peu de temps après par Nicolas Sarkozy, qui déclarait à Lyon en juin 2007 : "Les Américains réservent 20% de leurs commandes publiques aux petites entreprises. Pourquoi ne pourrait-on pas faire la même chose chez nous ?" Et d'évoquer son projet de Small Business Act à la Française. Un autre élément qui plaide en faveur de ce dispositif est le fait qu'il est appliqué dans d'autres pays que les Etats-Unis, au premier rang desquels la Chine, l'Inde, la Russie ou le Japon.

11

« Théories, Politiques et perspectives industrielles ». Emmanuel Nyahoho. Pierre Proulx. Presse des universités de Québec, 3ème Edition 12

Jeffrey Garten - interview pour la BBC News - 4 février, 2009 13

Nicolas Sarkozy – Discours de Villepinte – 11 mars 2012

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En 2008, avec l'aide d'Angela Merkel, Nicolas Sarkozy a réussi à convaincre Bruxelles de mettre en place un Small Business Act européen. Mais en raison de l'opposition de nombreux pays nordiques, le texte s'est borné à proposer des mesures de soutien financier aux PME plutôt qu'à leur réserver une part des marchés publics européens. Small Business Act et PME Européennes Une telle mesure de soutien pourrait se révéler contraignante pour certains pays comme l'Allemagne, dont les PME sont déjà bien implantées à l'export et n'ont pas tant besoin de soutien que cela. Le dispositif serait alors plus contraignant pour les administrations publiques allemandes que pour d'autres pays. Par ailleurs, est-ce qu'une PME française située en Lozère serait capable de répondre à un appel d'offre du secteur public néerlandais ? Concernant le Small Business Act, il n'est donc pas sûr que toutes les PME soient armées de la même façon.

L'origine des produits pose également problème. Certaines entreprises sont très internationalisées et ont recours à de nombreux sous-traitants. Est-ce que les autorités pourraient clairement identifier la provenance des produits ou des marchandises qui entrent dans leur fabrication ? Pour créer une règlementation unique il est nécessaire de créer une nouvelle administration spécifique. Buy European Act : les difficultés de mise en place Pourquoi cette loi n’a-t-elle jamais abouti de manière concrète ? Les raisons sont multiples, essentiellement liées à des contraintes budgétaires et à des changements de législation : en France l'article 26 de la loi LME (Loi de Modernisation de l’Economie) prévoit notamment qu’une partie des marchés publics puisse être réservée aux PME innovantes, mais sans aucun caractère obligatoire. L'autre barrière juridique reste bien sûr l'OMC. Pour mettre en place un Buy European Act, il faudrait faire comme les Etats-Unis et obtenir une dérogation de l'organisation internationale. Cela représenterait un travail colossal, qui demanderait de renégocier tous les accords bilatéraux avec les pays tiers.

Il est probable également que le fait de recourir aux entreprises européennes augmenterait le coût des produits achetés et des investissements des administrations publiques, les entreprises étrangères proposant en général des prix plus compétitifs. Il faudrait également prendre en compte la crainte des mesures de rétorsion commerciales : "Dans les années 30, le Buy American Act avait ainsi conduit de nombreux pays, en représailles, à adopter à leur tour des barrières protectionnistes contre les USA14", raconte par exemple l'économiste Alexandre Delaigue sur le site Libération.fr. Un argument partagé par Nicolas Véron, économiste chez Bruegel. "Quand on adopte ce type de restrictions, d'une part on s'expose de manière très immédiate aux mesures de rétorsion de la part de nos partenaires internationaux. D'autre part, cela renchérit le coût de certains produits, de certains services dans les cas où les concurrents internationaux les offriraient pour un prix inférieur, une meilleure qualité ou les deux15", estime l'économiste, dans une interview sur le site d'Europe 1. Un renchérissement des coûts à mettre en balance avec les centaines de milliers d'emplois perdus dans l'industrie au cours des vingt dernières années.

14

Alexandre Delaigue sur le site Libération.fr 15

Nicolas Véron, économiste chez Bruegel – interview Europe 1

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d. La position internationale contre le protectionnisme américain

"En temps de crise économique mondiale, l'ennemi numéro un est l'isolement. » (Pascal Lamy, ex-directeur général de l'OMC) Les mesures protectionnistes s’invitent de plus en plus dans les discours politiques, surtout en période électorale. Le président Obama, qui a exprimé le besoin de protéger les travailleurs par l’idée de préférence nationale, a laissé entendre qu'il voulait surtout éviter une guerre commerciale. L’ex Premier ministre britannique Gordon Brown a réagi à la proposition des Etats-Unis de soutenir ses constructeurs automobiles en difficulté, argumentant que la concurrence mondiale a rendu leur déclin irréversible. Il a également promis des emplois britanniques pour les travailleurs britanniques - un slogan désormais utilisé par les grévistes des raffineries de pétrole sur les emplois offerts à leurs rivaux italiens et portugais. Dans la même veine, Bruxelles est en train de réfléchir à un nouveau dispositif qui permettrait d'exiger une réelle réciprocité dans l'accès aux marchés publics des pays tiers pour les entreprises européennes. Et chose rare, la Commission Européenne prévoit même des sanctions sévères envers ses partenaires internationaux : les entreprises des pays non coopératifs, comme actuellement la Chine, le Japon, le Canada ou encore les Etats-Unis, pourraient même être exclues de certains appels d'offres européens

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1.3 – La régulation du commerce mondial : l’OMC, le cycle de Doha et les guerres de pouvoir

Apres la Seconde Guerre mondiale, huit grands cycles de négociations ont eu lieu sous l’égide du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade). Les premiers portaient exclusivement sur la réduction des droits de douane industriels et les mesures anti dumping. Les deux derniers – cycles de Tokyo (1973-1979) et d’Uruguay (1986-1994) – allaient au-delà des droits de douane industriels, ils ont traité des mesures non tarifaires et ont établi des disciplines multilatérales en matière de subventions, d’obstacles techniques au commerce, de marchés publics, de propriété intellectuelle. Le passage de la guerre froide à la mondialisation a abouti en 1995 à la création de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) afin de réguler les échanges commerciaux internationaux. Pays Membres de l’OMC – novembre 201316 (en vert sur la carte)

Pour répondre à la crise de légitimité de l’OMC et après l’échec de la conférence de Seattle en 1999, le cycle de Doha est lancé peu après les attentats du 11 septembre 2001. L’idée que sous-entendent ces négociations est que le commerce puisse servir la paix en la liant aux enjeux de développement. L’agenda de Doha est ensuite progressivement réduit par le retrait, lors de la conférence de Cancún en 2003, de trois des quatre sujets dits « de Singapour » (les questions d’investissements, de concurrence et de marchés publics sont exclues alors que la facilitation des échanges est à l’ordre du jour). Il demeure pourtant ambitieux. Le périmètre classique des négociations est en effet élargi pour traiter de régulations sur les subventions, de la propriété intellectuelle, des mesures phytosanitaires. La vaste ambition de ce

16

Site de l’OMC : http://www.wto.org/french/thewto_f/countries_f/org6_map_f.htm

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cycle est d’ailleurs l’une des raisons de l’enlisement des négociations, dans la mesure où peuvent être remis en cause les systèmes souverains de régulation. Après l’échec des conférences ministérielles successives – Cancún en 2003, Hong Kong en 2005 – le cycle s’enlise définitivement après celle de Genève en 2008. Les raisons de l’échec de Doha sont multiples. Parmi la multitude des raisons de blocage il y a l’attitude des pays émergents qui revendiquent toujours le bénéfice du régime de traitement spécial, à l’origine destiné à permettre une meilleure intégration des pays en développement dans le commerce international, et refusent toute réciprocité en matière d’accès aux marchés. D’autres raisons largement commentées sont le trop grand nombre de sujets de négociation, les difficultés liées à l’engagement unique et à la règle du consensus, l’impuissance d’une institution qui appartient à une autre histoire et qui n’a pas su s’adapter aux nouvelles configurations géopolitiques internationales, la défaillance générale du multilatéralisme et des institutions multilatérales (Fonds Monétaire International, Banque mondiale).

a. Le rôle des Etats-Unis

Les États-Unis portent une large part dans l’échec de Doha même s’ils en reportent la faute sur l’insuffisante part prise par les pays émergents dans leurs responsabilités mondiales, notamment la Chine qui a intégré l’OMC en 2001 au moment même où les négociations du cycle de Doha commençaient. Les représentants des entreprises américaines n’hésitent pas à exprimer leur déception après l'échec des négociations à Genève. "C'est une mauvaise nouvelle", a affirmé le président de la chambre de commerce américaine, Tom Donohue. "Il est ironique de voir que ce revers est venu de deux des principaux bénéficiaires du commerce mondial. L'Inde et la Chine sont des puissances émergentes, mais un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Ils ont manqué une opportunité de faire preuve de leur leadership", a-t-il ajouté. Le président de l'association des industriels NAM (National Association of Manufacturers), John Engler, déplore lui aussi le rôle de ces deux pays :"Il est regrettable que la Chine et l'Inde aient refusé de respecter les règles et les souhaits de la majorité des pays", a-t-il affirmé, jugeant que les demandes des deux pays sur le mécanisme de sauvegarde a été "la goutte d'eau qui [avait] fait déborder le vase"(AFP). Le différend de dernière minute, lors de la conférence de Genève de 2008, sur la clause de sauvegarde agricole proposée par l’Inde, ne fait que souligner l’opposition substantielle entre les États-Unis et les pays émergents et qui porte sur les gains à l’ouverture des échanges. Le fait que le cycle ne puisse se conclure à leur avantage17 a largement pesé dans la décision des États-Unis de ne pas prendre les initiatives nécessaires à la conclusion de toute négociation de cette envergure. Ce sont eux qui prononcent l’acte de décès de Doha. Ainsi, le représentant permanent des États-Unis à l’OMC, M. Michael Punke, admet devant le comité des négociations commerciales de l’OMC en juillet 2011 que « le cycle de Doha est au point mort. Il vaut mieux ne pas avoir d’accord plutôt qu’un mauvais accord »18.

17

« Figuring out the Doha Round », étude du Peterson Institute, juin 2010 18

Michael Punke - représentant permanent des États-Unis à l’OMC – juillet 2011

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b. La remise en question du rôle de l’OMC

Pour les défenseurs de la thèse de l’abandon du cycle de Doha, l’OMC n’est aujourd’hui qu’une instance judiciaire habilitée à régler les conflits commerciaux. Son rôle de moteur dans la libéralisation des échanges ne fonctionne plus depuis dix ans. Avec l’accélération de l’interdépendance des économies, l’OMC se retrouve aujourd’hui dépassée par la complexité et l’enchevêtrement des problématiques économiques, sans une réelle capacité à pouvoir apporter des réponses. La question des taux de change, la lutte contre le réchauffement climatique, l’ajustement des déséquilibres des balances courantes... affectent directement et profondément les échanges mondiaux, mais sortent du champ de compétences de l’OMC.

c. Le rôle de la Chine

Dix ans après son accession à l'OMC, de nombreuses restrictions à l'accès au marché chinois persistent, avec toujours un manque de transparence et de réciprocité. En une décennie, et grâce à son accès à l’OMC, la Chine a presque multiplié son produit intérieur brut (PIB) par 4, ses exportations par 5 et ses importations par 4,7, selon le ministère du Commerce chinois. Désormais premier exportateur et deuxième importateur mondial, la part de la Chine dans les échanges internationaux est passée de 4,3 % à 10,4 %. "Cette ascension spectaculaire n'aurait pas été possible sans le système de libre-échange dont la Chine a bénéficié au cours de la dernière décennie19", a souligné le Commissaire Karel de Gucht (rapport OMC, 2011). Selon le même rapport de 2011, l’OMC accuse la Chine de ne pas respecter les règles du commerce international et, à ce titre, elle ne pourrait pas être considérée comme une économie de marché. En effet, de nombreuses barrières tarifaires et non tarifaires persistent et les évolutions en la matière sont très minimes. Le rapport souligne aussi les problèmes rencontrés par les entreprises européennes en matière d’accès aux marchés publics et d’investissements, et invite la Commission Européenne à recourir, autant que de besoin, aux instruments de défense commerciale conformes aux règles de l’OMC. L’objectif étant d’assurer des conditions équitables aux échanges entre l’Union Européenne et la Chine.

d. Le changement de position de l’Union Européenne

Cette évolution du rapport de forces a eu pour conséquence de renforcer la convergence euro-américaine notamment au sein de l’OMC. L’enlisement du cycle de Doha a aussi conduit l’Union Européenne à changer de position. Contrairement aux États-Unis qui depuis longtemps, privilégient le bilatéralisme dans leurs relations commerciales, l’Union Européenne était restée jusque récemment fidèle à la démarche multilatérale. Aujourd’hui, elle développe des accords bilatéraux avec ses principaux partenaires, tels que la Corée du Sud, le Japon, le Canada et peut-être demain avec les Etats-Unis.

19

Rapport OMC - 2011

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Conclusion Les récessions sont une période d'incertitude économique et de repli. En l'absence d'une voie claire pour la récupération et la coopération d'autres états, les pays se tournent vers l'intérieur et leurs gouvernements appliquent des politiques pour atténuer les effets du ralentissement économique. Ces périodes voient toujours un retour des mesures protectionnistes. Les principales mesures prennent souvent la forme d'un relèvement des droits à l'importation, l'obligation d'utiliser des biens nationaux, la relocalisation d'entreprises dans le secteur des marchés publics ainsi que la préservation de certaines entreprises nationales de la concurrence étrangère. L’Histoire nous fournit de nombreuses preuves soutenant le lien entre les récessions et la montée du protectionnisme, surtout lorsque l'économie internationale a manqué de leadership fort. Les récessions majeures durant le siècle dernier, y compris non seulement l'ère de la Grande Dépression, mais aussi la première Grande Dépression de 1873-1896, et les grandes récessions des années 1970 et 1980 sont également les principaux points de comparaison. Les gouvernements ont fait appel au protectionnisme pour protéger leurs économies nationales de la concurrence internationale, la mobilisation des politiques qui allaient de droits de douane élevés à des restrictions quantitatives. Dans ce domaine, les Etats-Unis ont toujours clairement affiché la défense de leur économie, au travers de lois phares, devenues de tels exemples protectionnistes que certains dirigeants Européens les leur envient. Car l’un des points faibles de l’Union Européenne se situe là, sur le sujet de l’union précisément, et de la cohésion pour pouvoir faire jeu égal avec les Américains. Or, aujourd’hui, l'économie mondiale est confrontée à des défis importants. La crise financière de 2008 et son impact sur l'économie, les prix des matières premières devenus très volatils, et l'échec des négociations de Doha pour le développement ont tous assombri les perspectives de croissance. Ce qui relance les tendances protectionnistes, mais surtout met en lumière les rapports de force entre les grandes puissances. Or, pour faire face à la menace qui pèse sur les deux premières puissances économiques mondiales que sont les Etats-Unis et l’Europe, une autre voie semble possible : l’alliance.

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L’Europe et les Etats-Unis face à de nouveaux enjeux

pour maintenir leur leadership

PARTIE II

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Introduction L’échiquier de la mondialisation a été bouleversé par les événements de ces dix dernières années, laissant La Chine et les pays émergents venir défier les suprématies occidentales et remettre en cause les modèles en vigueur jusqu’alors. La crise de 2008 a littéralement plombé les économies et la compétitivité des Etats-Unis et de l’Europe, qui restent malgré tout (encore) les deux grands acteurs du commerce mondial. Cependant, à l’intérieur de ces blocs, les effets de la crise et ses conséquences sur l’emploi et la fiscalité, font émerger les mouvements nationalistes et la défiance des peuples envers les gouvernements. La société civile, aujourd’hui alimentée par une information qui circule mieux et plus, s’attaque à l’opacité des systèmes et prend conscience des jeux qui se trament en coulisses pour chacune des décisions politique ou économique qu’on lui dit prendre pour son bien. Pour les politiques, il faut agir vite pour contenir la colère, retrouver le goût de la victoire par la relance de la compétitivité, donner satisfaction au peuple et préserver les intérêts partisans. C’est dans ce contexte que la plupart des pays développés ont fait le choix de multiplier les alliances, bi ou multilatérales. L’objectif de tels accords ? Augmenter les flux commerciaux, donner un coup d’accélérateur à la croissance, recréer l’attractivité des espaces pour les capitaux. Cependant ces décisions ne suscitent pas l’adhésion de tous, et nombreux sont ceux (industriels, économistes, politiques, citoyens) qui voient là davantage un risque d’aliénation qu’une occasion de sortir du marasme économique et des politiques d’austérité. Ainsi, le couple USA – Europe, dont les marchés sont déjà bien intégrés, a décidé de conclure un traité de libre-échange transatlantique (Transatlantic Trade and Investment Partnership – TTIP), dont l’objectif annoncé est la relance des économies. Un tel accord favoriserait l’essor des échanges, notamment dans des secteurs où les barrières non tarifaires (règlementation, subventions, normes sanitaires…) pénalisent le commerce. Mais, pour les deux parties, qui tout au long de l’Histoire se sont ancrées dans une relation chaotique, faite de hauts et de bas au gré des alliances et événements géopolitiques, quels sont les véritables intérêts dominants et les enjeux dans cet accord, qui les pousse à une accélération des négociations depuis le début d’année 2013 ? Ces deux blocs qui mènent par ailleurs d’autres négociations avec différentes zones du monde seraient-elles en train de verrouiller plus qu’un accord commercial ?

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2.1 – Les forces et faiblesses de chacune des parties

2.1.1 – L’Etat de l’Europe

a. Données économiques

Malgré un état d’alerte sur l’état de l’Union Européenne, et l’entrée en vigueur de politiques de rigueur budgétaire depuis la crise de 2008, l’Europe, on le dit moins, reste le premier exportateur et le premier importateur mondial : elle est parvenue à maintenir sa part de marché d’environ 20% dans les exportations mondiales, quand celles des Etats-Unis et du Japon se dégradaient20 . L’Europe en quelques chiffres, c’est d’abord une des 3 premières puissances mondiales, avec la Chine et les Etats-Unis :

► Un bassin de 505 millions d’habitants soit 7,2% de la population mondiale (Etats-Unis 4,5% et Chine 19,3%)

20

Calcul sur les échanges marchandises – hors pétrole – octobre 2012.

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► Un des niveaux de vie moyen les plus élevés par habitant

► Une puissance économique qui représente 20,3% du PIB mondial – à parité de pouvoir d’achat (Etats-Unis 18,5% et Chine 14%)

L’Europe est un partenaire attractif qui commerce et échange avec le monde entier :

• L’Europe est le 1er partenaire commercial de 80 pays (environ 20 pour les Etats-Unis)

• les 28 membres de l'Union Européenne totalisent 19% des importations et des exportations mondiales.

Exportations et importations de biens et services commerciaux entre l’UE et ses principaux partenaires (2011)21

En terme de partenaires commerciaux les Etats-Unis restent le premier client extra-communautaire de l’UE (17% des ventes hors UE en 2011), et l’UE est également la première destination des ventes américaines (20% de ses ventes).

21

Rapport de la Commission au Conseil Européen des 7 et 8 février 2013 : « Le commerce : source essentielle de

croissance et d’emplois »

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Comme on peut le voir sur l’infographie ci-dessous22, les marchés des équipements de transport, la chimie et les machines-outils, puis dans une moindre mesure des hydrocarbures et produits miniers, constituent le socle de ces échanges, quand les produits du textile et de l’habillement, la métallurgie ou encore les équipements télécoms pourraient présenter un potentiel de parts de marchés à conquérir.

Néanmoins, la part de marché de l’UE sur le marché américain est en recul, dû à la montée en puissance de la Chine, elle est ainsi passée de 18,6% en 2000 à 17,1% en 2011, et les positions des principaux fournisseurs européens des Etats-Unis ont tendance à s’effriter. Les chiffres sur les relations économiques entre l'Union Européenne et les États-Unis sont tout de même impressionnants : 2 milliards € par jour de flux commerciaux23

22

Solde Commercial de l’UE avec les Etats-Unis - les Echos – 8 juillet 2013 23

Poids en 2011 des Etats-Unis dans les échanges des pays de l’UE et poids des pays de l’UE dans les échanges des Etats-Unis (n %) - Eurostat

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En dépit des performances du marché européen, une politique commerciale commune et majoritairement une monnaie commune, les disparités entre les états membres sont nombreuses en termes de compétitivité. La Commission Européenne, par le biais du Plan Europe 2020, travaille à un ré-équilibrage, en préconisant des réformes intérieures en matière de gestion des déficits publics notamment. Mais elle ne peut en faire plus qu’une recommandation, laissant ainsi le soin aux gouvernements d’appliquer ou pas les mesures conseillées. La Stratégie Europe 2020 a succédé au plan décennal 2000 – 2010 lancé par le Conseil Européen à Lisbonne, visant à renforcer la compétitivité européenne. Un des échecs de ce programme a été le manque de coordination des politiques économiques et en faveur de l’emploi, ce qui apparaissait pourtant comme un besoin fondamental. Or, l’harmonisation des politiques monétaires, un des piliers de l’union économique et monétaire, a empêché les états membres d’utiliser des outils traditionnels de gestion des crises économiques (comme la dévaluation par exemple) et de réagir ainsi aux chocs conjoncturels tels que la crise financière et économique mondiale. L’ambition de la Stratégie Europe 2020 réside donc dans la progression et la coordination des solutions politiques pour répondre aux problèmes les plus importants que les Européens doivent surmonter : la montée du chômage et la lutte contre la montée de la pauvreté et des inégalités sociales.

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b. Etat social : la crise européenne

D’après Axel Minaire24 (attaché parlementaire de la députée européenne Nora Bera - UMP) les Européens ont tort de s’inquiéter, car l’Europe présente beaucoup plus d’atouts et de puissance qu’on ne voudrait le leur faire croire. La fragmentation européenne doit être relativisée : l’Europe bénéficie d’un marché unique déjà bien en place, de 40 ans de législation commune que les autres acteurs économiques mondiaux lui envient, ses 500 millions de consommateurs ont un des niveaux de vie et des niveaux de bien-être parmi les plus élevés au monde… oui, l’Europe est attractive et puissante, et conserve cette attractivité importante dans le reste du monde. Peut-être en surface, mais… la crise a frappé, elle frappe encore certains pays membres de l’UE, alors, quelles sont les perspectives d’avenir ? Première conséquence de la crise : le chômage. Aujourd’hui, il s’élève à plus de 11%, avec un record historique à 12,2% en septembre dernier. Les jeunes sont les plus touchés avec un taux de 23,9%. Ici apparaissent les premières disparités avec une Europe méridionale affaiblie : la Grèce et l’Espagne enregistrent environ 26% de chômage dont 60% chez les jeunes, quand l’Italie, à 12% de chômage, et le Portugal, à plus de 17%, dépassent les 40% de chômage chez les jeunes25.

L’emploi est l’un des principaux marqueurs de la bonne santé d’un espace économique comme l’Europe, son déficit prouve à quel point la compétitivité européenne est en danger, de même que sa santé sociale.

24

Entretien avec Axel Minaire, attaché parlementaire de la députée européenne Nora Bera -UMP 24 octobre 2013 25

http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/europe_2020_indicators/headline_indicators

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Les pays les plus durement frappés par la crise appliquent des politiques d’austérité difficiles à supporter pour des populations déjà durement touchées par la perte d’emplois et la diminution de leurs ressources, et qui imputent ces échecs à la mauvaise gestion de leur pays, jugeant leurs gouvernements plus préoccupés à gérer des intérêts particuliers que d’œuvrer au développement économique national. Un tel contexte fait émerger une certaine agitation sociale et de nouvelles tendances politiques fortes, dont les fondamentaux reposent sur le sentiment que l’Europe n’est pas la garante de la stabilité, ni un bon atout pour sortir de la crise. Ce sentiment anti-européen se renforce au regard du manque de transparence du système politique européen et des décisions qui sont prises en son sein. C’est d’ailleurs là l’un des points critiqués par les populations, le manque de transparence qu’ont les Européens sur le fonctionnement de l’appareil législatif et exécutif : qui fait quoi ? Qui décide de quoi ? Plus largement : qui gouverne l’Europe ? Autant de questions sans réponse claire, qui laissent un doute s’immiscer quant à l’idée de l’union en Europe. Doute amplifié par les scandales qui ponctuent la vie politique européenne et qui laissent transparaître notamment le poids important dont l’Allemagne bénéficie en Europe (un des derniers exemples en date : le scandale Prism, qui n’a pas ébranlé les négociations commerciales avec les Etats-Unis, malgré la prière française à suspendre les négociations tant que la lumière n’aurait pas été faite sur cette affaire. Les négociations ont été maintenues, sous la pression américaine relayée par l’Allemagne et le Royaume-Uni). Ainsi, les discours nationalistes et l’euroscepticisme sont désormais plus audibles pour les populations, qui perçoivent en eux une capacité à comprendre leurs problèmes et leurs besoins, en affichant une sincérité et une proximité qui font parfois défaut aux partis traditionnels.

c. Les enjeux politiques en Europe : l’échéance des élections 2014

60% des Européens n’ont pas confiance dans l’UE26, ce chiffre est deux fois plus élevé qu’en 2007 (avant le début de la crise mondiale). C’est dans ce climat de crise et de défiance que l’Union Européenne organise en mai 2014 des élections lors desquelles, pour la première fois, les électeurs pourront désigner indirectement le prochain président de la Commission. En effet, le traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009, autorise les partis politiques européens à désigner leur candidat à la présidence de la Commission.

Mais les détails et la transparence de la procédure de sélection restent flous, car les chefs d’Etat seront habilités à proposer eux-mêmes un candidat tout « en tenant compte des élections au Parlement Européen, et après avoir procédé aux consultations appropriées », en synthèse, le choix risque d’être politique et déceptif pour les électeurs, avec le risque d’être considéré comme anti-démocratique.

26

Etude du Pew Research Center – 13 Mai 2013

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La question d’actualité est surtout : Qui peut remplacer José Manuel Barroso27 à la tête de la Commission Européenne ? Dans l’hypothèse, probable, où celui-ci ne briguera pas de troisième mandat, la bataille devrait se jouer entre les deux grands groupes politiques, le parti socialiste européen (PSE) de centre gauche, et le parti populaire européen (PPE) de centre-droit. Chacun ayant exprimé sa volonté à élire, en amont des élections par l’organisation de primaires, son candidat à la présidence. Parmi les futurs candidats potentiels, certains noms circulent déjà :

Candidats Potentiels PSE Candidats Potentiels PPE

Martin Schultz, Président du Parlement Européen

Christine Lagarde, Présidente du FMI

Pascal Lamy, ex-directeur de l’OMC Soutenu par Jacques Delors, ex-président de la Commission Européenne

Viviane Reding, Vice-Présidente de la Commission Européenne

JL Zapatero, ex-premier ministre espagnol

Frederik Reinfeld, Premier Ministre Suédois

Helle Thorning Schmidt, Première Ministre Danoise

Donald Tusk, Premier Ministre Polonais

Dalia Grybauskaité, Présidente Lituanienne

27

José Manuel Barroso a succédé à Romano Prodi le 22 novembre 2004, à la Présidence de la Commission Européenne. Il a été réélu le 16 septembre 2009.

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La différence de vision entre les deux partis européens les plus influents sur la gestion de la crise de la zone euro est très claire, avec d’un côté le soutien aux politiques d’austérité (PPE) vs l’opposition claire au maintien de ces politiques (PSE). Le résultat des élections sera sans aucun doute crucial pour l’orientation à donner aux futures politiques économiques et sociales de l’Europe. Malgré l’importance des enjeux portés par les prochaines élections européennes, c’est bien la participation qui sera le point clé du succès démocratique de cette élection. Celle-ci est traditionnellement continuellement en baisse, avec le taux de participation le plus bas atteint pour les élections de 2009 : 43%.

Les jeunes, qui n’avaient voté qu’à 29% en 2009 (vs 33% en 2004), seraient cependant susceptibles de s’exprimer plus largement en 2014 : une étude de la Commission Européenne annonce un taux d’intention de vote de 65% pour les électeurs de moins de 30 ans en âge de voter. Cette tranche de la population européenne, qui semble décidée à se mobiliser pour donner son opinion sur les futures stratégies politiques de l’Europe, est une cible prioritaire des politiques, d’autant qu’elle est durement touchée par le chômage dans certains pays et que la précarité constitue souvent un motif pour rallier des partis politiques extrêmes. Information et communication seront les deux piliers de « séduction » des jeunes électeurs : en adoptant une politique tournée vers l’emploi et la formation notamment (l’Europe a acté en juin le déblocage d’un fonds de 8 milliards d’euros, disponible en 2014, pour lutter contre le chômage des jeunes, puis un nouveau plan de 15 milliards d’euros a été voté au Parlement en septembre dernier) et en adoptant une posture de communication plus tournée vers l’échange, le dialogue, par l’utilisation des medias sociaux, les différents partis politiques focaliseront leur attention sur cette cible de choix.

d. Les accords multi-latéraux, la nouvelle politique de relance de l’économie européenne

Au-delà des élections, il s’agit pour les décideurs européens de prendre des mesures fortes pour relancer l’économie. Dans son rapport de février 2013, la Commission présente les accords avec les partenaires de l’UE comme « un moyen important de renouer avec la croissance et de créer des emplois sans peser sur les finances publiques (…) ils sont une source irremplaçable de gains de productivité ». La conclusion des traités bi ou multilatéraux fait désormais partie intégrante d’une Europe qui cherche à rester sur le devant de la scène de la mondialisation, et à préserver des relations avec les nouveaux pôles de croissance de l’économie mondiale.

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En 2013, deux accords de libre-échange viennent d’être signés avec deux pays :

-Le Canada, après six années de négociations, le 18 octobre, le Canada et l’UE ont signé un accord qui, selon le Premier Ministre canadien est le « le plus grand accord signé par [notre] pays et qui dépasse même l’accord de libre-échange existant entre USA, Canada et Mexique », (Reuters).

-La Colombie : le traité de libre-échange est entré en vigueur le 31 juillet 2013 après 6 ans de négociations.

Il y a en ce moment même d’autres accords en cours de négociation à la Commission, notamment un avec Singapour. D’autres alliances de libre-échange devraient voir le jour dans les prochaines années. Le panorama des accords bilatéraux en cours et à venir est édifiant sur les perspectives de l’UE28 :

28

Accords bilatéraux en cours et perspectives – Rapport de la Commission au Conseil Européen des 7 et 8 février 2013 : « Le commerce : source essentielle de croissance et d’emplois »

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Cependant la méfiance grandit au sein de l’Europe, au vu de cette frénésie d’accords bilatéraux. En France, on a assisté au refus par les écologistes au Sénat d’un projet de loi de libre-échange entre l’Union Européenne et la Corée : selon les écologistes, un tel traité menacerait notamment l’industrie automobile et celle du textile et de l’habillement. Malgré tout, le texte de loi a été adopté le 25 juillet 2013. Le message en substance des opposants à l’ouverture du commerce est d’abord un cri d’alarme : attention aux intérêts hétérogènes et aux capacités asymétriques de chaque partie dans la négociation d’un traité, il faut bien comprendre leurs relations, moins binaires qu’il n’y paraît car elles sont interconnectées, et complexes. Le motif principal de la crainte au sujet de ces traités de libre-échange, est que, comme chacun le pressent, il n’y a que rarement d’effet « gagnant-gagnant » qui peut émerger d’un accord, et qu’un des points cruciaux est la définition des règles qui régiront les échanges : qui fixera la norme, fixera les règles du marché à son avantage.

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2.1.2 – L’Etat des US

a. Données Economiques et Sociales Les Etats-Unis constituent la plus grande économie du monde et le plus grand exportateur et importateur de biens et de services. Le commerce est essentiel à la prospérité du pays, et alimente la croissance économique, en soutenant des emplois et en élevant le niveau de vie des Américains. Depuis la crise économique, les Etats-Unis ont connu plus de trois années de croissance économique ininterrompue, et le chômage vient enfin de repartir à la baisse. Malgré tout, cette remontée reste la plus faible depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La croissance économique, depuis le début de la reprise, a été en moyenne de 2,25%29. Dans l’ensemble, l’économie s’améliore lentement, mais reste fragile et sujette aux impacts liés à de potentiels chocs internationaux. En matière de commerce international, les échanges des Etats-Unis se font majoritairement avec le continent Américain, la Chine restant un partenaire important pour l’importation de produits et services30

29

http://www.ustr.gov/50/facts 30

http://www.census.gov/foreign-trade/statistics/graphs/TopPartners.html#exports

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b. Les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et l’Europe

Sens des échanges Biens Services Investissement Total

UE vers USA 260 milliards€ 139.0 milliards€ 112.6 milliards€ 511.6 milliards€

USA vers UE 127.9 milliards€ 180 milliards€ 144.5 milliards€ 452.4 milliards€

• L'investissement total américain dans l'UE est trois fois plus élevé que dans toute l'Asie. • Les investissements de l'UE aux États-Unis sont d'environ huit fois le montant des investissements de l'UE en Inde et en Chine. • L'UE et les investissements américains sont le véritable moteur de la relation transatlantique, ce qui contribue à soutenir la croissance et créer des emplois des deux côtés de l'Atlantique. • La relation transatlantique définit également la forme de l'économie mondiale dans son ensemble. L'UE et les Etats-Unis sont les plus grands partenaires commerciaux et d'investissement pour presque tous les autres pays dans l'économie mondiale. • L'UE et les États-Unis représentent environ la moitié de l'ensemble PIB du monde pour près d'un tiers du commerce mondial des flux. Pour les USA, la stabilité économique est devenue une priorité d’où l’importance que le Président Obama donne (dès le début de son deuxième mandat) à l’accord de libre-échange avec l’UE.

c. Le climat politique américain et la mise à mal de la politique d’Obama

Le Congrès des Etats-Unis se compose de deux chambres: la Chambre des représentants (House of Representatives) et le Sénat. Le Sénat qui a un peu plus de pouvoir que la Chambre des représentants est constitué aujourd’hui en majorité de Démocrates. Les sondages menés récemment montrent à quel point l’environnement est difficile : la côte de popularité du Président, qui est en corrélation avec la performance historiquement aux élections de mi-mandat (midterms) de son parti, a plongé au-dessous des 40%.

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Le Sénat

51 Démocrates 2 Indépendants 47 Républicains

La Chambre des Représentants 193 Démocrates 242 Républicains

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La démographie des membres de la Chambre des Représentants

Des luttes internes sur les sujets majeurs de la politique d’Obama ralentissent considérablement les effets des grandes mesures annoncées dans les discours qui avaient su séduire les Américains en 2008 puis en 2012 :

• Une lutte permanente avec le Congrès qui conduit au shutdown d’octobre 2013 : aucun accord n’ayant été trouvé sur le budget et particulièrement le relèvement du plafond de la dette américaine (les réserves de l’Etat fédéral étant épuisées au 15 octobre)

• Des discussions sans fin autour du plan santé « Obamacare » : pour les démocrates les polémiques et l’échec de lancement de ce plan créent une spirale descendante. Afin que la Maison Blanche puisse protéger son initiative, elle a besoin de maintenir une majorité démocrate au Sénat, après 2015 car les élections du Sénat auront lieu en novembre 2014

• L’affaire Prism en juin dernier a révélé le scandale sur la liberté individuelle mise à mal par les américains dans le monde entier

• Le manque d’envergure sur la position occidentale en Syrie et faiblesse affichée face à la Russie et à la Chine sur la question d’une intervention militaire (incapacité à former une coalition contre le bloc Russie - Syrie - Iran - Hezbollah).

Autant d’éléments qui mettent en lumière toute la faiblesse de l’Administration d’Obama face au Congrès Américain et qui viennent ajouter à la déception provoquée par ce second mandat au sein même du peuple américain, qui l’accuse d’avoir creusé les inégalités (10% des ménages les plus riches accaparent plus de la moitié des revenus du pays) – en cause : la politique monétaire et fiscale,

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elle-même dénoncée par le Président comme insuffisante pour inverser la tendance mais dépendante d’un vote au Congrès. Le Président Obama doit proposer des solutions pour ne pas ternir son second mandat, et garantir la continuité au parti démocrate pour les prochaines élections de 2016. Face à la critique portée sur ses réformes, la politique internationale reste une arme pour Obama, et une occasion de réaffirmer son autorité, et la puissance de son pays. Dans ce contexte, un accord a été signé le 23 novembre 2013 entre Téhéran et Washington, mais également les 4 autres grandes puissances mondiales (Grande-Bretagne, France, Russie, Chine et Allemagne), qui repositionne Barack Obama dans un rôle de pacificateur visionnaire, lui à qui fut remis le Prix Nobel de la Paix en 2009. Cet accord a principalement pour objectif de stopper temporairement les parties du programme nucléaire controversé de Téhéran, et de permettre un contrôle international plus intrusif. En échange, l’Iran y gagne un allègement des sanctions économiques sévères qui avaient commencé à s’imposer en 1979. Cette avancée diplomatique et économique avec l’Iran marque la volonté américaine de renforcer le lien avec les pays Arabes, et un changement de l’attitude souvent jugée pro-israélienne des Etats-Unis, et plus globalement à intégrer le Monde Arabe dans les grandes stratégies internationales.

d. La politique Américaine en matière de libre-échange – Focus sur Le Traité Trans Pacifique

Un des traités de libre-échange en cours de négociation actuellement est le Traité Trans Pacifique (TPP : Trans Pacific Parnership), qui permettra d’adresser un marché de 800 millions de personnes, et représentera environ un tiers du commerce mondial. Les chefs d’Etat qui participent aux négociations ont annoncé leur intention de ratifier ce traité avant la fin de l’année 2013. Dans un communiqué de presse, il était annoncé que les dirigeants de l'Australie, Brunei Darussalam, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour, Etats-Unis et Viêtnam « [étaient] heureux que ces pays soient sur la bonne voie pour terminer les négociations transpacifiques. Les ministres et les négociateurs ont fait d'importants progrès ces derniers mois sur tous les textes juridiques et les annexes relatives à l'accès à [leurs] produits respectifs, les services, l’investissement, les services financiers, les marchés publics et les marchés de l'admission temporaire. [Ils ont] convenu que les négociateurs [devaient] maintenant procéder à la résolution de toutes les questions en suspens avec l'objectif de finaliser cette année un accord global et équilibré, qui atteindra les objectifs établis à Honolulu en 2011. Il doit également assurer que les avantages de l'accord [soient] entièrement partagés, en tenant compte de la diversité de nos niveaux de développement. » Le TPP a été initié par les Etats-Unis, et regroupera ces derniers avec l’Australie, le Canada, le Japon, la Malaisie,

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Singapour, le Viêtnam, ainsi que les membres de l’Alliance Pacifique (Pérou, Mexique, Chili et Colombie). Pour l’Alliance Pacifique, qui représente 215 millions d’habitants et le tiers de l’activité économique du continent, l’objectif est, plutôt que de recruter de nouveaux partenaires sur le continent sud-américain, de se tourner vers l’autre côté du Pacifique pour créer des alliances fortes. Alliances qui sont également l’objectif du groupe de pays membres du TPP, notamment face à la Chine (bien que celle-ci ait finalement été invitée à y adhérer), qui souhaitent avant tout abolir les droits de douanes. Ce dernier point a été validé fin août 2013, lors d’une réunion entre négociateurs du TPP qui devrait à terme représenter 40% du commerce mondial31. 3 enjeux complémentaires à l’ambition de libre-échange font l’objet du TPP :

• L’accès des PME américaines aux exportations vers cette zone,

• L’intégration des marchés grâce aux TIC,

• L’implantation de l’accord sur la propriété intellectuelle de l’OMC.

Cependant, des vagues de protestations ont commencé à émerger, et la révélation par Wikileaks le 13 novembre 201332 de l’article qui concerne les droits de la propriété intellectuelle n’a fait que renforcer les mouvements anti TPP. Dans cet article, on trouve l’extrait d’une proposition figurant dans le mandat de négociation au sujet des droits de propriété intellectuelle. De nouvelles mesures institueraient un régime juridique venant modifier et remplacer les lois existantes sur les Droits de la propriété intellectuelle, et qui auraient de profonds impacts sur les droits et libertés individuels.

33La conclusion de Julian Assange laisse songeur : « S’il est institué, le nouveau régime de propriété intellectuelle empiètera sur les droits individuels et sur la libre expression, en foulant aux pieds le patrimoine intellectuel et créatif commun. Si vous lisez, écrivez, publiez, pensez, écoutez, dansez, chantez ou inventez, si vous cultivez ou consommez de la nourriture, si vous êtes malade maintenant ou peut-être malade un jour, le TPP vous a dans sa ligne de mire. »

31

Les Echos – 30 & 31 août 2013 32

http://wikileaks.org/tpp/ 33

Photo The Guardian – manifestation à Tokyo contre le traité Transpacifique

Page 47: Rapport d'Intelligence Economique - Enjeux et risques du Traité de libre-échange transatlantique 12.17.2013

Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 47

2.2 - Les fondements et les ambitions du Traité de Libre-Echange Transatlantique

2.2.1 – Les guerres économiques qui influencent l’accord de libre-échange transatlantique

a. L’isolement de la Chine : un objectif clair

Après des années de « Chine-Amérique », durant lesquelles les Etats-Unis et la Chine faisaient alliance, un événement s’est produit en décembre 2011 qui a radicalement changé le cap de la politique américaine. En effet, à cette période, la Chine et le Japon avaient signé un accord monétaire, dans lequel ils s’engageaient à libeller une part de leur commerce bilatéral dans leurs monnaies respectives. La concurrence envers le dollar fût alors clairement affichée, et le Japon, « chasse gardée américaine » a brutalement changé de camp. Cependant, la crise des îles Senkaku (ayant « étonnamment » surgi à ce moment-là) a modifié une nouvelle fois l’échiquier en ravivant cette vieille querelle, et ramené le Japon dans le giron américain. La Chine, qui a conscience de la stratégie d’impérialisme du libre-échange américain, constitue aujourd’hui un « concurrent » majeur des Etats-Unis, en instaurant des politiques de développement qui devraient l’amener à être un leader économique sur le plan mondial très rapidement.

La rapidité de cette croissance économique chinoise placerait la Chine à égalité des Etats-Unis en 2020, et une étude de l’université de Singapour et de Harvard prévoit même que la Chine aura dépassé les Etats-Unis en parité de pouvoir d’achat en 201834. Zbigniew Brzezinski, l’auteur de « Strategic vision », souligne la menace que la Chine représente pour les Etats-Unis.

34

Wall Street Journal – China, 16 nov. 2012

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 48

Le Professeur Richard D’Aveni de l’Université Dartmouth et l’auteur de « Strategic Capitalism: The New Economic Strategy for Winning the Capitalism Cold War » insiste sur le fait que la Chine restera un concurrent clé des USA - et un ennemi commercial. Il ajoute que les Etats-Unis sont dans une « guerre froide économique » avec la Chine, guerre qu’ils risquent de perdre en raison de leur politique de libre-échange qui ne peut rivaliser avec le système de capitalisme parrainé par l'État en Chine35. Du côté européen la Chine est un partenaire commercial majeur. Depuis 2006, l’Europe est le premier partenaire commercial de la Chine (et la Chine le deuxième partenaire commercial de l’Europe derrière les Etats-Unis). La Chine, pour sa part, a déjà soulevé des inquiétudes quant aux négociations portant sur un accord de libre-échange ambitieux entre l’Europe et les Etats-Unis, craignant que cela ne se traduise par un mouvement protectionniste. Les responsables chinois ont interrogé sur ce point Catherine Ashton, responsable de la politique étrangère de l’Union Européenne lors de sa visite à Pékin en avril 2013. Les fonctionnaires chinois ont évoqué la possibilité pour Pékin de négocier un accord de libre-échange avec l’Europe, une perspective que Madame Ashton n’a pas exclue « à moyen et long terme ».

Flux commercial Biens (2011) Services (2010) IDE (2010)

UE-Chine 136,2 milliards € 22,3 milliards € 7,1 milliards €

Chine-UE 292,1 milliards € 16,3 milliards € 0,7 milliards €

La riposte chinoise à ces accords dont elle est exclue ne s’est pas faite attendre et elle aussi se lance dans les accords de libre-échange : la décision d'établir une zone de libre-échange pilote (FTZ: Free Trade Zone) à Shanghai36 par le gouvernement chinois provient d'un certain nombre de problèmes internes et externes. La transformation imminente de Shanghai a fait monter les enjeux pour Hong Kong, qui se présente comme la porte d'entrée de l'entreprise dans le monde à la Chine. La FTZ a quatre objectifs principaux ;

• La possibilité d’avoir les droits de douane à zéro sur toutes les marchandises négociées, y compris les produits agricoles

• La protection des droits de propriété intellectuelle et l’assurance que la main d'œuvre, l'environnement et les conditions de sécurité soient conformes aux normes internationales

• L'amélioration de la transparence économique et réglementaire, la suppression des subventions et un soutien préférentiel pour des industries spécifiques et les entreprises publiques

• La libéralisation totale du secteur des services financiers, et la possibilité d'ouvrir le compte de capital pour faciliter la libre convertibilité de la monnaie et des mouvements de capitaux.

La zone franche devrait également viser à inclure toutes les grandes industries à créer un sentiment de concurrence équitable entre les entreprises, privées et publiques étrangères.

35

Professeur Richard D’Aveni - Université Dartmouth - auteur de “Strategic Capitalism: The New Economic Strategy for Winning the Capitalism Cold War” 36

http://www.eastasiaforum.org/2013/10/19/pilot-free-trade-zone-in-shanghai-to-build-open-economy/

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 49

En bref, le programme pilote de la FTZ devrait servir d’occasion idéale pour construire une économie ouverte sur le plan macro-économique en testant des systèmes innovants dans le contexte de la concurrence mondiale. De cela, la Chine peut apprendre d'autres méthodes de gestion économique et évaluer l'impact de la libéralisation complète. Mais il y a des risques car les progrès et le succès de la FTZ et de la Chine seront en fait beaucoup plus lents que les attentes de la population. Dans son ouvrage « Eclipse: Living in the Shadow of China’s Economic Dominance », Arvind Subramanian, l'ancien économiste du Fonds monétaire international prévoit que la Chine remplacera les Etats-Unis au statut d’économie dominante dans le monde d'ici à 2030 et que le yuan pourrait remplacer le dollar comme principale monnaie de réserve à ce moment-là37. Une perspective dangereuse pour les USA, mais très ambitieuse pour la Chine, pour qui la FTZ est un levier important. Face à la concurrence de la Chine, un autre défi majeur des États-Unis au cours des prochaines décennies est de contrôler son développement, soutenu par les délocalisations occidentales. Barack Obama a ainsi mis en place des mesures pour relocaliser les entreprises américaines parties en Asie (qui y ont délocalisé tout ou partie de leur production). Pour cela, un deal leur est proposé : en échange d’un retour sur la terre américaine, du paiement des impôts, et d’embauches, l’Etat Américain se charge de leur ouvrir des marchés. En cela, le traité de libre-échange transatlantique répond à l’attente des multinationales qui acceptent ou accepteront le contrat. « Dans toutes les négociations commerciales que je connaisse entre l’Europe et les Etats-Unis, le contrôle de la Chine est en tête des réponses à la question ‘’ comment pouvons-nous utiliser les négociations commerciales afin d’être de meilleurs compétiteurs ?’’ - a déclaré Jeffrey J. Schott, senior fellow de la politique commerciale internationale au Peterson Institute for International Economics à Washington - souvent, les négociations commencent avec beaucoup d’optimisme et de grands projets, mais se terminent en désaccords autour des intérêts de chacun. Ceci montre à quel point le facteur chinois est important pour les deux parties. 38»

b. Le renforcement des puissances occidentales face aux pays émergents

Dans une interview accordée à la Fondation Robert Schuman, le Centre de Recherche et d’Etudes sur l’Europe, Karel De Gucht, Commissaire Européen au Commerce déclare : « Le monde a changé. La Chine, l'Inde, le Brésil sont des acteurs incroyablement plus forts qu'il y a 10 ou 15 ans. Le centre de gravité de l'économie mondiale se déplace. Nous en tirons les conclusions en engageant sérieusement ces partenaires dans des discussions bilatérales. Mais les Etats-Unis et l'Europe doivent montrer qu'ils peuvent encore prendre l'initiative. C'est maintenant qu'il faut agir. Dans 10 ou 15 ans, il sera trop tard. L'Europe elle-même a changé. Nos intérêts commerciaux sont beaucoup plus offensifs que par le passé - dans les services, dans l'industrie et même dans l'agriculture, les vins et spiritueux et les produits alimentaires. La réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) nous a donné de nouvelles marges de manœuvre : le soutien aux agriculteurs passe essentiellement par des aides directes découplées de la production, considérées à l'OMC comme ne créant pas de distorsion dans les échanges. 39»

37

Arvind Subramanian - « Eclipse: Living in the Shadow of China’s Economic Dominance » 38

Jeffrey J. Schott, senior fellow de la politique commerciale internationale au Peterson Insitute for International Economics à Washington 39

Karel De Gucht, Commissaire européen au Commerce - interview accordée à la Fondation Robert Schuman

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Il est bien évident que l'écart de croissance potentiel entre les pays industrialisés et les pays émergents s’amplifie. La bonne stratégie de l'UE et des États-Unis est alors d'approfondir l'engagement afin de rester les leaders au niveau mondial. Patricia Langohr, Professeur d’Economie à l’ESSEC Business School, insiste sur le fait que « le seul moyen pour que l’Europe et les Etats-Unis restent des puissances économiques dominantes, serait qu’elles signent un accord40 ». Les enjeux sont plus importants face aux pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil. L’Europe et les Etats-Unis ne peuvent qu’être contraints à parvenir à un accord face à Pékin qui compte établir des zones de libre-échange en Asie. Parallèlement, l'importance des relations commerciales entre l'Amérique latine et les Etats-Unis et l'Europe ne peut pas être sous-estimée. Les Etats-Unis restent le premier partenaire commercial de la région, tandis que les pays européens comme l'Espagne, l'Allemagne et les Pays-Bas sont également des destinations d'exportation importantes pour l'Amérique latine. Une étude conduite par Bertelsmann Stiftung et l’institut IFO (institut de recherche économique basé en Allemagne) prévoit ce que ces relations pourraient subir à la suite d'un accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis : les exportations latino-américaines aux États-Unis diminueraient en moyenne de 27,53% par pays. Des pays comme le Brésil, la Colombie et l'Argentine seraient particulièrement punis, souffrant respectivement de baisses de 29.72%, 28.48% et 30.57%41. Les marchés des pays émergents, dans les prochaines années, vont devenir des concurrents à égalité avec les marchés occidentaux en ayant plus de pouvoir économique et politique. Ce sont des marchés qui réunissent des atouts considérables pour prospérer dont celui de leurs populations jeunes, de plus en plus instruites et urbaines avec des niveaux de revenu de plus en plus élevés.

40

Entretien avec Patricia Langhor – Professeur Enseignant Associé au Département Economie de l’ESSEC Business School – 20 juin 2013 41

Etude de Bertelsmann Stiftung et l’institut IFO

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2.2.2 – Les Ambitions Annoncées par le TTIP (Transatlantic Trade & Investment Partnership)

a. Une ambition de relance de la croissance

« Trade that is free and fair across the Atlantic supports millions of good paying American jobs »42

Président Obama, Discours sur l’Etat de l’Union – 12 février 2013 “A future deal among the two most

important economic powers will be

a game changer.

Together we will form the largest

trade zone in the world”43 José Manuel Barroso, Président de la Commission Européenne, Bruxelles –

13 février 2013

C’est ainsi que les deux zones économiques occidentales ont relancé l’idée d’un accord de libre-échange transatlantique qui concernera 800 millions de consommateurs. C’est également ainsi que s’ouvre le rapport de la Fondation Bertelsmann et du Atlantic Council 44« The Transatlantic Trade and Investment Partnership : Ambitious but Achievable » publié en septembre 2013. Plusieurs chiffres et données circulent, émanant très souvent de rapports plus ou moins directement commandés par les instances politiques et économiques des deux bords. Certains économistes dénoncent régulièrement le manque de transparence quant à ces visions prospectives des résultats du TTIP.

42

Président Obama, Discours sur l’Etat de l’Union – 12 février 2013 43

José Manuel Barroso, Président de la Commission Européenne, Bruxelles – 13 février 2013

44 « The Transatlantic Trade and Investment Partnership : Ambitious but Achievable » - Rapport de la Fondation

Bertelsmann et Atlantic Council – septembre 2013

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Quelques chiffres clés repris régulièrement par les médias :

• Plus de 2 millions d’emplois créés dont plus de 740 000 aux Etats-Unis

• 100 millions d’euros de bénéfices pour chaque côté de l’Atlantique

• Le CEPR (Center for Economic Policy Research) annonce dans son rapport de février 2013 l’hypothèse d’un surcroît de croissance du PIB européen de 0,27% à 0,48%, et de 0,2% à

0,4% pour les Etats-Unis

• Couverture de 46% du PIB mondial45

• Progression de 33% des exportations US vers l’Europe Les Etats-Unis et l’Europe ont déjà des économies très intégrées et vont dans le sens du libre-échange depuis longtemps (plus encore qu’entre l’Europe et le Japon par exemple). Au vu des faibles barrières douanières existant déjà entre les deux parties (environ 3 à 4%), l’accord portera plus sur la suppression des barrières non-tarifaires, sanitaires ou environnementales, jugées encore comme des freins à l’investissement des entreprises, et en ce sens sur une convergence règlementaire qui suscite déjà des débats et des questions au sein des instances politiques comme au cœur de la société civile.

b. Un enjeu règlementaire

Ce que l’on comprend, c’est qu’il s’agit bien avec le TTIP de faciliter le commerce, mais surtout de faire des choix d’ordre sociétal, des choix de politiques sanitaires et environnementales, et enfin de protection des consommateurs. L’alignement règlementaire, qui est un enjeu transversal sur nombre de sujets économiques, et l’instauration de standards règlementaires est donc l’objectif qui transparaît le plus dans cette négociation. La définition et l’imposition de ces normes comme standards des accords commerciaux viendraient alors s’imposer dans les futurs traités impliquant l’une ou l’autre des parties. Depuis 2007, le Conseil économique transatlantique essaie de faciliter le libre-échange en éliminant les barrières non tarifaires. Mais le problème central réside dans la difficulté de faire progresser l'harmonisation de différences réglementaires. Axel Minaire46 insiste sur le fait qu’en Europe, il existe un certain nombre de sujets sur lesquels ils y a une « ligne rouge » à respecter, parce qu’ils touchent trop à l’identité de l’Europe ou qu’ils susciteraient trop de contestation populaire. Ces sujets-là ne semblent pas négociables avec les Américains. L’agro-alimentaire est un des points très sensibles de ce traité. L’exemple le plus marquant est probablement celui des OGM, au sujet duquel Karel de Gucht a déclaré : « It is true that Europe and the US have differing views on some core issues regarding, for example, food safety. A future deal will not change the existing GMO legislation. Let me repeat : no change. » L'interdiction de l'UE sur le poulet chloré américain est également un bon exemple de la difficulté à harmoniser les normes. Les Européens et les Américains ont des attitudes fondamentalement différentes sur les questions sanitaires et phytosanitaires. Tout dernièrement, la commission des finances du Sénat américain s’est réunie et les membres ont plaidé pour une levée des obstacles européens sur les importations de volailles et de bœufs traités chimiquement. De longue date, l’Union Européenne n’adopte pas les méthodes de transformation de la volaille et certaines méthodes de production américaines de bœuf. Ladite commission des finances du Sénat américain

45

World Economic Outlook Database – October 2013 46

Entretien avec Axel Minaire, attaché parlementaire de la députée européenne Nora Bera -UMP 24 octobre 2013

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souhaite au contraire que les deux parties résolvent « les obstacles injustifiés aux exportations agricoles des États-Unis, y compris le bœuf et la volaille ». Toujours aux Etats-Unis, une anecdote révèle un point de discorde au sujet des appellations d’origine contrôlée, si chères à l’Europe, et en particulier à la France : pour la cérémonie d’investiture du Président Obama, il fût décidé que le Champagne nommé "Korbel Natural Russian River Valley Champagne" serait servi à la fête du Président, sans que les organisateurs ne puissent imaginer l'incident diplomatique que cela causerait. Les Français invités firent connaître leur mécontentement lié à l’atteinte portée à leur appellation Champagne. Face au mécontentement soulevé, le Directeur du Bureau de Champagne, Sam Heitner, dût rappeler aux décideurs politiques américains que «Champagne [provenait] seulement de Champagne, en France. » Une histoire qui peut donner aux décideurs politiques des deux côtés de l’Atlantique un avant-goût des négociations sur la création d’une zone de libre-échange qui pourraient s’avérer difficiles, en raison d’une perception différente des enjeux majeurs. En Europe, un site media français, Rue 89, a fait paraître en mai 2013 une synthèse des bénéfices et risques du TTIP pour l’Europe, révélateur des points cruciaux de la négociation aux yeux des medias Européens :

Bénéfices

Risques

Un moteur pour la croissance économique et la création d’emplois (hausse du PIB de 0,5% pour l’UE et 0,4% pour les USA)

Des choix de sociétés européens menacés : agriculture, internet, audiovisuels…

Une Union Européenne plus influente dans le monde notamment pour négocier avec la Chine

Le risque de concurrence déloyale venant des USA (prix bas)

Des Européens plus riches : hausse du PIB de 0.2% aux USA et 0.1% en Europe

Trop de pouvoir donné aux multinationales et aux financiers au détriment des petites entreprises

Menace sur les produits industriels et agricoles due à la standardisation des normes

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2.2.3 – Focus sur deux points sensibles : l’arbitrage et la transparence

a. La question du règlement des différends

L’alignement des règlementations européennes et américaines fait écho à la question du règlement des différends. Les deux parties disent vouloir inclure dans le mandat un système de règlement des conflits entre les états et les investisseurs. Mais les questions que cela suscite sont majeures : qui jugera les différends ? Qui définira les règles de cette juridiction ? Ce sujet constitue un tabou à Bruxelles où rien n’a encore été décidé ou acté. Pourtant, cela pourrait paraître simple : les systèmes juridiques européen et américain étant relativement transparents, est-il vraiment nécessaire de mettre en place un organisme de règlement des différends ?

Le futur accord prévoit de mettre en place un «organe de règlement des différends» euro-américain, afin de juger si les normes adoptées à l’avenir des deux côtés de l’Atlantique sont conformes au futur traité. Ce qui signifie que l’Union Européenne accepterait de limiter sa souveraineté, celle-ci étant encadrée par l’accord et les décisions des arbitres désignés pour trancher les conflits.

La question de la création d’un organe extérieur et « indépendant » est en suspens. Il s’agirait alors, si elle devait être validée, de créer une entité sur le modèle de l’organe de règlement des différends de l’OMC.

Or, bien souvent on assiste dans ce type d’accord à la définition des règles du jeu par les Américains, profitant aux grandes firmes américaines : l’exemple dans le cadre du traité entre les Etats-Unis et l’Australie avec la création d’un groupe de travail auquel les laboratoires pharmaceutiques peuvent se plaindre en cas de refus d’entrée sur le marché des médicaments subventionnés par les autorités australiennes.

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La mise en perspective de la puissance des échanges commerciaux entre les Etats-Unis et l’Europe et des plaintes déposées à l’OMC sur différents sujets laisse présager d’une nécessité de clarifier ce point rapidement si l’on veut que les négociations ne restent pas bloquées. L’Allemagne et la Suède semblent a priori favorables à cette question, en considérant son utilité dans le cadre de la définition des règles, et notamment pour des pays européens dont les entreprises sont très implantées aux Etats-Unis. Si toutefois, cette idée ne parvenait pas à se concrétiser, les différends se règleraient auprès des justices nationales.

b. La question de la transparence des négociations

Jusqu’au 28 mars 2013, les négociations se tenaient à l’écart des medias et des citoyens. Une révélation dans la presse a mis à jour l’idée même de l’accord de libre-échange transatlantique, aussitôt décriée par des politiques de tous bords. L’écueil qui pourrait mettre à mal l’acceptation du traité de libre-échange transatlantique est celui de la transparence. Depuis le début des discussions, un secret, presque une omerta, entoure le texte du mandat. Chacune des parties refuse de dévoiler le contenu des différentes propositions soumises depuis plusieurs mois à la négociation. Les membres du Congrès Américain eux-mêmes n’y auraient pas eu accès. C’est le principe en vigueur dans les négociations sur un mandat de libre-échange ; pour le TPP, seules 3 personnes par pays concerné ont accès au texte intégral. Mais 600 « conseillers commerciaux » ont accès aux sections essentielles du mandat pour mener les négociations, et ces 600 consultants ne sont autres que des lobbyistes qui sont chargés par différentes organisations de défendre des intérêts particuliers. En Europe, c’est la Commission qui a une compétence exclusive sur les accords commerciaux. Il n’est jugé nécessaire par aucun des pays membres de publier le texte. La France avait pourtant appelé à plus de transparence, pour éviter toute contestation de la part de la société civile, qui aurait l’impression qu’on négocie dans son dos. Mais contrairement à elle, l’Allemagne, les Pays Bas et le Danemark ne veulent pas rendre public le mandat de négociation qui a été confié à la Commission. Or, des parlementaires ont transmis aux medias certains documents qui ont été publiés. Conjointement à cela, le scandale Prism a révélé la mise sur écoute de l’Europe, et plus récemment, la mise sur écoute de la chancelière allemande Angela Merkel, sur son portable. Comment pourrait-on imaginer, a minima, que les Américains ne soient pas informés des discussions européennes et des vrais sujets que l’Europe souhaite défendre ?

Une dernière interrogation porte sur l’organisation d’un référendum. Cette question a été relayée par quelques medias, jugeant raisonnable, presque indispensable, que le peuple Européen puisse être consulté sur la question, en raison des modifications qui pourraient s’opérer dans son quotidien. Cette proposition n’a pas à ce jour reçu d’écho favorable dans les états membres de l’Union Européenne.

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Conclusion L’état économique et social de l’Europe et des Etats-Unis, affaiblis par la crise de 2008, a fait ressurgir en début d’année 2013 la nécessité d’un renforcement de leur alliance pour contrer les puissances émergentes, et pour redonner du pouvoir à leurs économies. Politiquement, les deux blocs sont soumis à des pressions fortes de la part des populations irritées par les régimes d’austérité, qui souffrent du chômage et du manque de perspectives de développement et de croissance. Le traité de libre-échange transatlantique pourrait alors apparaître comme une juste continuité du lien économique fort qui a poussé les économies américaines et européennes à une intégration de leurs marchés, jusqu’à faire de ce bloc la première puissance économique mondiale. Or, les négociations sont à peine engagées, que déjà se dessinent les obstacles sur la voie de finalisation d’un accord. La rapidité du processus initialement annoncée, d’abord courant 2014 (avant la formation d’une nouvelle Commission Européenne) puis un objectif de plus en plus réaliste en 2015 (avant la fin du mandat de Barack Obama), démontre à quel point ce traité fait converger des intérêts économiques et politiques majeurs. De nombreux sujets feront l’objet de discussions, et il s’agira d’un véritable rapport de forces sur le choix des points de pression et des consensus à trouver, sous la pression des lobbyistes d’une part, et des opinions publiques d’autre part, lesquelles, plus informées par les détracteurs du TTIP que par ses partisans, demandent une transparence et une clarification de leurs intérêts sur ce qui pourrait dessiner leur avenir. Un passage en force contre l’avis populaire n’étant pas envisageable, surtout dans un contexte électoral si proche. Le risque majeur réside dans le démantèlement progressif de l’accord, qui, faute d’entente, ferait de ce traité de libre-échange transatlantique un accord déceptif, même s’il permettrait malgré tout fluidifier encore plus les relations entre les deux blocs, d’aligner certaines normes et de construire des mécanismes institutionnels qui viendraient soutenir une relation économique plus forte.

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 57

Les rapports de force Europe – Etats Unis

dans le cadre du traité de libre-échange

PARTIE III

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 58

3.1 Le calendrier des faits marquants influençant les négociations

Introduction

Afin de mieux illustrer les phénomènes qui ont eu lieu en marge des négociations, il nous a paru nécessaire de créer un calendrier qui recense les faits marquants ayant eu un impact direct sur les négociations du traité de libre-échange Etats-Unis - Europe. En effet, dès lors de l’annonce du début des négociations, de nombreux évènements sont apparus au grand jour comme l’affaire Snowden, les écoutes du téléphone d’Angela Merkel, le parti pris immédiat autour de la propriété intellectuelle, la mobilisation du secteur agricole et agroalimentaire, le shutdown américain et pour finir l’accord du traité de libre-Echange UE - Canada.

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 59

Chronologie des principaux faits marquants

08 février 2013 Commission Européenne Publication du rapport final du groupe de travail de la Commission Européenne insistant notamment sur les intérêts d’une collaboration économique plus poussée entre UE et US en termes de croissance et d’emplois

12 février 2013 US / B. Obama devant le Congrès US : Barack Obama relance l’idée du traité dans son discours sur l’Etat de L’Union

22 mai 2013 Débat de 2h au parlement européen - Les pays de l'union exposent leur avis sur le traité

06 juin 2013 Affaire PRISM : Révélations du programme Prism de la NSA : un gigantesque réseau d'écoute et de surveillance établi par les US et concernant le monde entier, y compris les Européens. Prism s'appuierait en partie sur une collaboration poussée avec les sociétés FB, Apple, Google etc... Edward Snowden, l'employé de la NSA qui révèle ces informations est en fuite, à Hong Kong puis en Russie où il reste à l'aéroport de Moscou en attendant qu'un pays accepte sa demande d'asile politique.

07 juin 2013 Paris est prêt à mettre son veto et a refuser l'ouverture des négociations si la culture n'est pas exclue de la table des discussions. A Bruxelles, Londres et Berlin on craint de �braquer� les américains

13 juin 2013 Union des industriels du textile : La déléguée générale de l'union des industries textiles (Emmanuelle Butaud-Stubbs) soutient l'accord de libre-échange au nom de l'uniformisation des barrières tarifaires, les réglementations sur les tests chimiques et les normes d'étiquetage

14 juin 2013 L’exception culturelle française: la France finit par faire accepter à la Commission européenne l’idée de l’exclusion de l’audiovisuel du champ du mandat sous peine de veto. La ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, a obtenu que le cinéma, la télévision, la radio, la musique, y compris sur Internet, soient séparés de l’accord qui sera négocié par la Commission.

08 juillet Reprise des négociations

17 juillet 2013 Monsanto / Président Jose Manuel Madero annonce qu'il retire toutes ses demandes d'homologation en cours de nouvelles cultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'Union Européenne en raison de l'absence de perspectives commerciales. Il a ajouté que le groupe d'agrochimie se recentrerait sur son activité traditionnelle de semences en Europe et s'emploierait à obtenir les autorisations d'importation dans l'UE des variétés de semences OGM dont la culture est généralisée aux États-Unis et en Amérique du Sud.

01 aout 2013 1er round : Ouverture officielle des négociations / Les 2 parties sont optimistes pour arriver à un accord en octobre 2014 l'un des sujets les plus délicat est la protection des données personnelles

30 septembre Shutdown américain 04 octobre 2013

Les négociations reportées, victime du shutdown américain

11 novembre 2013 2e round : Reprise des négociations

23 octobre 2013 Le journal Allemand « Der Spiegel » fait éclater le scandale des écoutes du téléphone portable d’Angela Merckel

28 mars 2013 Fuite du rapport sur le site insidetrade.com. Traduction en français sur le site contrelacour.com en Avril relayé sur le site de l’Humanité

18 octobre 2013 Signature du traité de libre-échange entre l’UE et le Canada

03 juillet 2013 Suite aux allégations d’espionnage américain la France demande des explications sur l’affaire Snowden et un report des négociations

07 décembre 2013

L’OMC signe un accord historique lors d’un

sommet à Bali

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3.2 Analyse de la position des politiques, médias et lobbies vis à vis du traité

Introduction : Cadre de l’accord du 13 février 2013 Déclaration du Président Américain Barack Obama, du Président du Conseil Européen Herman Van Rompuy et du Président de la Commission Européenne José Manuel Barroso Washington, DC – «Nous, dirigeants des États-Unis et de l'Union Européenne, sommes heureux d’annoncer que, selon les recommandations du groupe de travail sur l’emploi et la croissance américano-européen co-présidé par le représentant commercial américain Kirk et le commissaire européen au commerce Karel De Gucht, les Etats-Unis et l'Union Européenne vont engager chacun les procédures internes nécessaires pour lancer les négociations sur un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. La relation économique transatlantique est déjà la plus grande du monde, elle représente la moitié de la production économique mondiale et près d'un milliard de dollars en échanges de biens et services, elle soutient des millions d'emplois des deux côtés de l'Atlantique. Nous nous sommes engagés à faire de cette relation un gage encore plus fort de notre prospérité. À cet égard, nous nous félicitons du travail et des recommandations du Groupe sur les possibilités de développement du commerce transatlantique afin de promouvoir une plus grande croissance et de soutenir la création d'emplois. Un accord transatlantique de haut niveau permettra de promouvoir le commerce et la libéralisation des investissements et éliminera les barrières non tarifaires et autres réglementations. Grâce à cette négociation, les Etats-Unis et l'Union Européenne auront l'occasion non seulement de développer le commerce et l'investissement à travers l'Atlantique, mais aussi de contribuer à l'élaboration de règles mondiales qui peuvent renforcer le système commercial multilatéral ».47 48Définition du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement Le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement est le nom donné à l’accord commercial qui en cours de négociation entre l’Union Européenne et les États-Unis. Ces négociations ont pour objet d’éliminer les obstacles au commerce (tarifs douaniers, réglementations superflues, restrictions aux investissements, etc.) dans un large éventail de secteurs économiques, de manière à faciliter l’achat et la vente de biens et services entre l’UE et les États-Unis. L’Union Européenne et les États-Unis souhaitent également que leurs entreprises respectives puissent plus facilement investir dans l’autre économie.

47

http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-13-94_en.htm 48 Site Europa : http://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/ttip/questions-and-answers/index_fr.htm -

26 septembre 2013

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3.2.1 - La position de la communauté européenne : Le multilatéralisme est l’un des socles de la politique diplomatique et commerciale européenne. La Commission Européenne estime depuis plus de vingt ans que « la coopération au sein de la communauté internationale est un préalable essentiel pour faire face aux défis mondiaux, tels que la lutte contre la pauvreté ou le changement climatique ». L’UE a participé activement au processus des grandes conférences mondiales depuis le sommet de Rio en 1992. Elle a été à l'origine de la création de nouvelles formes de gouvernance multilatérale globale : Protocole de Kyoto, Cour pénale internationale, malgré l’opposition des USA dans les deux cas. Enfin, l’UE a défendu le passage du GATT à l'OMC. Mais depuis quelques années la Commission s’est engagée dans de nombreuses négociations bilatérales (avec la Corée du sud, l’Inde, le Japon, la Thaïlande…) et vient de finaliser un accord de libre-échange avec le Canada dont les Premiers Ministres canadien et français ont souhaité, à l’occasion de la visite de Jean-Marc Ayrault au Canada, que cet accord devienne "précurseur" d'un accord similaire entre l'UE et les Etats-Unis. Si cet accord entre l’UE et les USA se concluait, la politique commerciale de l’UE serait régie à plus de 60% par des accords bilatéraux alors que cette proportion était de 25% il y a 10 ans.

a. L’accord selon la communauté européenne :

L'UE est actuellement le plus grand acteur sur la scène du commerce mondial. L'UE a acquis une position forte en agissant d'une seule voix sur la scène mondiale, plutôt qu’avec 28 stratégies commerciales distinctes. L'UE est un marché attrayant pour y faire des affaires :

- 500 millions de consommateurs sont à la recherche de produits de qualité - il s’agit du plus grand marché unique au monde avec des règles et règlements transparents - un cadre d'investissement juridique sûr qui est parmi les plus ouverts au monde - le marché le plus ouvert aux pays en développement dans le monde

L'Europe est devenue profondément intégrée dans les marchés mondiaux. Grâce à la facilité de transport et de communication modernes, il est maintenant plus facile de produire, acheter et vendre des marchandises à travers le monde ce qui permet aux entreprises européennes de toutes tailles de commercer en dehors de l'Europe. Les travailleurs offrent d’ores et déjà souvent leurs services dans différents pays au sein d'une multinationale ou par des contrats de services spécifiques. Les investisseurs cherchent à se développer dans un environnement stable, solide et prévisible, les obstacles à l'investissement doivent être démantelés et les investissements doivent être protégés. Le développement des échanges - s'il est bien géré - est une opportunité pour la croissance économique. La politique commerciale de l'UE vise à créer de la croissance et de l'emploi en augmentant les possibilités de commerce et d'investissement avec le reste du monde. Le succès de l'Union Européenne est inextricablement lié à la réussite de partenaires commerciaux, à la fois dans les pays développés et en développement. Pour cette raison, le développement des échanges est au cœur de la politique commerciale.

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Réponses de la Communauté Européenne aux principales interrogations sur le TTIP : Pourquoi devrions-nous lancer maintenant des négociations en vue d’un accord Europe - États-Unis sur le commerce et l’investissement? La décision d’entamer les négociations est due en grande partie à la persistance de la crise économique et au blocage des négociations commerciales multilatérales à l’OMC. En outre, la réforme de la Politique agricole commune de l’UE et l’augmentation des prix des produits de base ont eu pour effet que les deux parties sont maintenant prêtes à parler de l’agriculture et à négocier l’ouverture de leurs marchés. Un accord sur le commerce et l’investissement entre les deux plus grandes économies au monde offre la possibilité de dynamiser la croissance et l’emploi des deux côtés de l’Atlantique. Qu’en retirera l’Union Européenne? L’UE a effectué une analyse d’évaluation des effets potentiels de l’accord envisagé. Cette analyse a porté non seulement sur les incidences économiques potentielles mais aussi sur les incidences sociales et environnementales possibles. Elle a permis d’évaluer les effets qu’entraîneraient différents degrés de libéralisation des échanges entre l’UE et les États-Unis. Le bilan pour l’UE était positif dans tous les cas de figure, mais il est apparu clairement que plus la libéralisation serait importante, plus le résultat global serait positif. L’analyse d’évaluation de la Commission s’est basée notamment sur une étude indépendante commandée par l’UE au CEPR, un centre d’études sur la politique économique basé à Londres. Elle suggère que l’économie de l’Union pourrait en retirer un bénéfice de 119 milliards d’euros par an – l’équivalent d’un bonus de 545 euros en moyenne par ménage de l’Union. Selon l’étude, l’économie américaine pourrait en retirer un gain de 95 milliards d’euros supplémentaires par an, soit 655 euros par famille américaine. Ces avantages coûteraient très peu parce qu’ils seraient le résultat de l’élimination de barrières douanières et de l’abrogation de règles superflues et d’entraves bureaucratiques qui compliquent l’achat et la vente entre les deux côtés de l’Atlantique. Chacun profitera de la croissance économique supplémentaire attendue. Bien que les droits de douane entre l’Union et les États-Unis soient déjà faibles (en moyenne, 4 %), le démantèlement des tarifs douaniers sera significatif pour l’emploi et la croissance. Le domaine dans lequel les négociations pourraient apporter de réelles économies pour les entreprises, créer des emplois et offrir une meilleure valeur aux consommateurs est celui de l’élimination des règles et réglementations superflues, les «barrières non tarifaires». Le coût de la bureaucratie superflue peut ajouter l’équivalent de 10 à 20 % des droits de douanes au prix des biens, une dépense supplémentaire qui est payée par le consommateur. L’étude indépendante du CEPR, calcule que jusqu’à 80% des avantages économiques du partenariat transatlantique résulteraient de réductions des coûts imposés par la bureaucratie et les réglementations et par la libéralisation du commerce, des services et des marchés publics. Quelques exemples pratiques d’amélioration des procédures :

• L’UE et les États-Unis ont tous deux des normes élevées de sécurité pour les voitures. Le partenariat transatlantique pourrait permettre à l’Union et aux États-Unis de reconnaître mutuellement leurs normes respectives de sorte que des voitures reconnues sûres et qui sont vendues d’un côté de l’Atlantique puissent l’être de l’autre sans devoir passer des tests supplémentaires ou être adaptées pour satisfaire à des spécifications supplémentaires.

• La libéralisation des services pourrait permettre aux compagnies aériennes européennes d’assurer des vols intérieurs aux États-Unis. Aujourd’hui, si un avion va de Paris à Los Angeles et que la moitié des passagers débarquent à New-York, l’avion doit voler à moitié vide jusqu’à Los Angeles parce qu’il n’est pas autorisé à embarquer de nouveaux passagers à New York.

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• L’ouverture des marchés publics américains aux entreprises de construction européennes pourrait permettre à ces dernières de soumissionner pour de grands projets de construction et de transports publics aux États-Unis.

Les entreprises, les travailleurs et les citoyens européens bénéficieraient énormément d’un marché américain plus ouvert. L’UE a de nombreuses entreprises très compétitives produisant des produits et services de première qualité, y compris un grand nombre de marques de renom et de leaders mondiaux. Dans le secteur de l’agriculture, par exemple, les réglementations phytosanitaires des États-Unis interdisent les pommes européennes, et leurs règles très strictes en matière de sécurité alimentaire rendent illégale l’importation de nombreux fromages européens (ex : de la mimolette bloquée aux douanes en juillet 2013). Pourquoi l’Union Européenne est-elle un partenaire commercial essentiel pour les États-Unis? Même dans la situation actuelle où la zone euro se rétablit d’une crise économique, le commerce avec l’Europe offre des possibilités immenses pour nos partenaires américains. L’UE est la plus grande économie du monde : ses 500 millions de citoyens ont un revenu moyen par habitant de 25 000 euros. L’UE est le plus gros marché au monde. Elle est le premier importateur de biens manufacturés et de services, elle capte la part la plus importante des investissements étrangers au niveau mondial. L’UE est le plus gros investisseur aux États-Unis (en 2011), la deuxième destination la plus importante des exportations américaines de biens (en 2012) et le plus gros marché pour les exportations américaines de services (en 2010). L’UE est experte pour ce qui est de la négociation d’accords de libre-échange. Par exemple, les accords de libre-échange détaillés et complexes de l’UE avec la Corée du Sud et Singapour ont été finalisés relativement vite, en à peine quatre ans. L’UE s’efforce d’ouvrir des négociations avec d’autres pays tels que l’Inde, le Japon, le Viêtnam et la Malaisie. Qui va bénéficier du partenariat transatlantique? Les négociations pour le partenariat transatlantique couvriront de nombreux volets de l’économie, y compris l’industrie manufacturière, les services et l’agriculture. Les exportations de tous les secteurs de l’économie devraient augmenter. Certains secteurs accroîtront probablement leurs exportations davantage que d’autres. Les exportations européennes de véhicules vers les États-Unis devraient par exemple augmenter de 149 %. Il n’y a pas que le commerce entre l’Union et les États-Unis qui devrait augmenter: en conséquence de la demande accrue de matières premières, de composants et d’autres intrants, les exportations de l’UE vers d’autres pays devraient également augmenter. Les exportations vers le reste du monde devraient croître de :

- +12 % pour les produits métalliques - +9 % pour les aliments transformés - +9 % pour les produits chimiques - +6 % pour les autres produits manufacturés - +6 % pour les autres équipements de transport.

Le partenariat transatlantique sera un accord commercial adapté au 21ème siècle - le développement de l’activité commerciale ne bénéficiera pas seulement aux multinationales, mais également aux petites et moyennes entreprises, par l’exportation directe, ou en tant que fournisseurs d’entreprises plus importantes.

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La croissance économique et la productivité accrue créée par l’accord bénéficieront aux travailleurs de l’UE et des États-Unis, tant en termes de niveaux de salaires que de nouvelles possibilités d’emploi pour les travailleurs hautement qualifiés comme pour les travailleurs à faible niveau de qualification.

b. L’influence de l’accord transatlantique sur le reste du monde :49

L’accord commercial entre l’UE et les États-Unis aura des répercussions sur l’ensemble de l’économie mondiale. Un apport de 100 milliards d’euros à l’économie mondiale devrait en résulter, sans compter l’augmentation du volume des échanges commerciaux entre l’UE et les États-Unis. Plus la portée de l’accord conclu entre ces deux partenaires sera vaste, plus les bénéfices seront grands pour le reste du monde. L’harmonisation des normes européennes et américaines pourrait servir de base à l’établissement de normes mondiales : le marché transatlantique est d’une envergure telle que, s’il était régi par un ensemble unique de règles, les autres pays auraient tout intérêt à les adopter à leur tour. En effet, leurs produits se conformeraient alors à une même série de spécifications, ce qui aurait pour effet de faciliter le commerce international et d’en abaisser le coût. Cet accord aura des conséquences considérables pour le système commercial mondial supervisé par l’OMC. Dans le passé, l'Union Européenne et les Etats-Unis ont contribué à faire avancer les négociations en ouvrant davantage leurs marchés que d'autres. Un accord de ce genre réussira également à débloquer le cycle de Doha et permettra d'avancer vers la prochaine étape de la libéralisation du commerce. La libéralisation des échanges est un outil essentiel pour stimuler la croissance dans les moments difficiles. Mais il s’agit de le faire autant que possible de manière multilatérale. Les membres de l'OMC travaillent actuellement sur un ensemble limité de mesures - y compris un accord qui facilitera les échanges commerciaux grâce à des procédures douanières plus efficaces - qui pourrait être accepté par la réunion des ministres à Bali à la fin de cette année. La deuxième voie est de faire avancer la libéralisation sur une base bilatérale et régionale bien que cette approche comporte des risques (bureaucratie de règles différentes pour les différentes relations commerciales qui ne manqueront pas d’émousser l'impact de la libéralisation dans une certaine mesure). Cela apportera également des avantages importants. Les barrières commerciales diminueront. La croissance sera générée. Les droits de douanes sont déjà bas, il s’agit maintenant de s’attaquer à des problèmes plus complexes comme celui de la réglementation. Les états doivent faire preuve de créativité et flexibilité pour lever ces barrières. La réglementation n’étant pas là pour créer des obstacles au commerce, mais pour protéger les citoyens contre les risques pour leur santé, leur sécurité, leur bien-être financier ou celui de l’environnement. Cet accord ne peut et ne doit rien faire pour saper ces protections. Il faut donc s’attaquer aux méthodes et procédures utilisées pour atteindre ces objectifs et trouver des solutions qui permettent à ces procédures de converger. Tout cela nécessitera un esprit ouvert qui sera profitable non seulement pour les Etats- Unis et l’Europe, mais pour le système multilatéral dans son ensemble. Les solutions développées pour résoudre ces problèmes complexes aideront à combler les nombreuses lacunes des règles multilatérales à l’avenir. Ce modèle pourra influencer tous les pays à travers le monde. En effet le commerce transatlantique doit également avoir un impact sur les

49 Europa : Arguments de Karel De Gucht « A bilateral Agreement with Multilateral impacts » - 21 mai 2013

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relations avec les économies émergentes. Les avantages économiques de cet accord ne pourront se limiter à la zone transatlantique. Il ne s’agit pas de discriminer les autres partenaires commerciaux mais au contraire de les faire bénéficier de cet accord. Par exemple, si l’accord permet la définition d’une norme de sécurité harmonisée pour les airbags de voitures sur les marchés européens et américains qui permet de réduire les coûts pour Fiat et General Motors ; cela profitera également à Kia et Mitsubishi qui n’auront pas à fabriquer des modèles distincts pour chaque côté de l’Atlantique. Cet accord incitera donc les autres pays (Chine, Inde…) à adopter des approches similaires et cela rendra aussi leurs exportations plus faciles.

c. L’intérêt de la co-création dans l’accord de partenariat transatlantique :

L'UE et les Etats-Unis lancent l'une des initiatives bilatérales les plus ambitieuses au monde pour créer des emplois et de la croissance grâce au commerce et à l'investissement. Le but de cet accord est d’exploiter le potentiel des relations bilatérales en s'attaquant aux investissements, aux marchés publics, au commerce, aux services et à la propriété intellectuelle. Il s’agit également de trouver des méthodes innovantes pour éviter des coûts inutiles sur les règlementations techniques imposées aux entreprises. Dans un même temps il faut assurer la protection de la santé, de la sécurité, des normes du travail, de l'environnement et la préservation de nos valeurs culturelles. Le but est d’apprendre de l’expérience des entreprises européennes et américaines. L'Europe et les États-Unis peuvent montrer qu'il est possible de concilier les différentes approches réglementaires s'il y a la volonté de le faire. Dans certains secteurs les accords existants seront améliorés, dans d’autres secteurs certaines règles ne seront pas les mêmes mais équivalentes, pour les nouveaux secteurs les deux parties sont prêtes à se mettre d’accord sur des règles communes. Un large éventail de secteurs non couverts dans les négociations précédentes sera couvert. Les négociations s’annoncent difficiles, les intérêts spécifiques de chacun exigeant la protection des domaines de niche. Cependant cela ne doit pas empêcher les parties de parler de toutes les questions et les secteurs (même les plus sensibles pour les Européens). L’Europe doit pousser ses intérêts particuliers au second plan et aller de l’avant. Cet accord représente une fenêtre d’opportunité historique, en termes politiques et économiques, à relever de nouveaux défis qui détermineront les façons de faire des affaires dans les décennies à venir. En élevant le niveau bilatéral, l’Europe espère promouvoir des normes plus élevées avec d'autres partenaires, tant dans les initiatives bilatérales que multilatérales.50

d. Un partage de valeurs communes et une vue similaire de la démocratie :

Selon Martin Schultz, Président de la Commission Européenne, le TTIP ne porte pas seulement sur le commerce. C'est un instrument important pour défendre la société et le modèle de la démocratie. Les États-Unis et l'Union Européenne sont les régions du monde qui partagent les mêmes valeurs et ont une vue similaire de la démocratie.

50 EU observer : “the value of shared value”- 13 juin 2013

Jaime Garcia-Legaz, Spanish Secretary of State for Trade and Dr Vince Cable, UK Secretary of State for Business, Innovation and Skills

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Au XXIème siècle, l'Europe et les États-Unis peuvent et doivent être une force pour la stabilité, la paix et la démocratie dans le monde, notre capacité à mener est tributaire de notre capacité à rester à la pointe de notre compétitivité économique. Le TTIP sert exactement cet effet. Le TTIP serait un coup de pouce bienvenu pour nos économies et ne coûterait rien pour les contribuables. Cela enverrait au monde le signal que l'Europe est un lieu où l'activité est la bienvenue et elle susciterait une concurrence saine qui rendrait les fabricants européens, prestataires de services, entrepreneurs et investisseurs les mieux placés pour naviguer dans les eaux tumultueuses de notre monde globalisé tout en assurant la sauvegarde de nos exigences élevées en matière de protection des travailleurs, d’environnement et de santé. L’Europe sera crédible et forte uniquement dans la mesure où elle sera unie en face d’interlocuteurs tels que la Chine, les Etats-Unis ou la Russie. Le Parlement Européen sera vigilant pour soutenir un accord qui préserve les intérêts de l'UE dans son ensemble. Les Européens ne sont ni protectionnistes ni anti-américains : nous considérons simplement que nous ne devons pas prendre le risque mettre en danger la diversité culturelle et linguistique. L’Europe a l'intention d'avoir avec ses alliés une relation qui est fondée sur la confiance mutuelle. Le TTIP n’est pas une mesure contre le multilatéralisme, mais plutôt en sa faveur. Les accords bilatéraux sont complémentaires des règles multilatérales, puisque les deux accords régionaux et les accords de libre-échange conduiront à une harmonisation croissante des normes et à une libéralisation plus large favorable à l’ensemble du système commercial multilatéral. La route vers un résultat positif sera sinueuse et escarpée. Les relations UE – Etats-Unis pourraient subir des chocs temporaires et des oppositions des deux côtés. Mais il vaut la peine de se lancer dans cette aventure. Le prix final pour des millions d'Américains et d'Européens sera un partenariat renforcé, un plus grand marché, des prix plus bas et davantage d'emplois.51

e. Et si l’Europe n’avait pas d’autre choix que celui de parvenir à un accord de libre-échange avec les USA ? :

Le commerce international contraint chaque état, chaque regroupement d'états, à réfléchir à son rôle, sa spécialisation dans la division internationale du travail. Il se retrouve, comme une entreprise, dans un univers concurrentiel avec un réel risque de déclassement, ce qui a poussé des pays à accepter des abandons de souveraineté et des intégrations régionales. Face aux marchés et aux multinationales, les états comprennent que la défense de leurs intérêts passe par le rattachement à une zone commerciale régionale. La multiplication des accords régionaux a conduit à une régionalisation, une continentalisation des échanges. Dans l'Union Européenne, deux tiers des exportations de ses membres sont réalisés entre eux. La difficulté qu'éprouvent les états à faire des abandons de compétence s'atténue avec un transfert à des organisations régionales plus proches, sur le modèle de l'Union Européenne. La proximité leur permet de surveiller les structures à qui ils confient une partie de leurs pouvoirs. Cela conforte et améliore la gouvernance mondiale, la gestion des grands problèmes de notre planète. La gouvernance mondiale, se compose des embryons de directoire mondial avec le G8 et le G20, des institutions internationales, comme l'ONU, le FMI, la Banque mondiale, l'OMC, des grands sommets

51

Arguments de Martin Shultz - Linkedin : 2 août 2013

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internationaux qui permettent de créer une conscience mondiale...mais elle doit aussi s'accompagner d'organisations régionales aussi puissantes que possibles, qui permettent aux états de dépasser certaines craintes de la globalisation. Dès lors que l'Europe s'est orientée vers un marché continental, il convient de continuer le travail en établissant un marché aussi large que possible, avec des états qui ont des exigences sociales et environnementales aussi proches que les siennes. L'Europe et les Etats-Unis sont confrontés aux pays émergents qui, pour asseoir et conforter leur croissance n'ont pas les mêmes exigences sociales et environnementales. Quelles que soient les différences entre le modèle social européen et l'american way of life, ils ont plus de similitudes qu'avec les modèles asiatique et latino-américain. Le pacte transatlantique est une opportunité extraordinaire pour conforter nos modèles économiques et sociaux. D'autant plus qu'avec la clause relative à l'exception culturelle, l'identité de chacun des participants est préservée. Ce serait une bonne façon de combattre le moins disant social, ou environnemental. Les Européens doivent saisir cette opportunité, et signer avant le projet de partenariat trans-pacifique de création d'une vaste zone de libre-échange entre les Etats-Unis et une dizaine de pays d'Amérique latine et d'Asie. Si les Européens veulent encore écrire l'histoire, et rester maîtres de leur destin, ils doivent s'inscrire dans une alliance stratégique avec les Etats-Unis, pour éviter que le centre du monde ne se déplace irrémédiablement vers l'Océan Pacifique, et n'accentue la marginalisation de l'Europe. Protection des salariés, des consommateurs, de l'environnement.... Ce qui devrait conduire à renforcer les règles et la supervision des règles relatives au secteur financier et bancaire. Dans un monde globalisé, seules les stratégies de coopération et de partenariat permettent de surmonter les défis auxquels l'humanité est confrontée. 52

Selon Bernard Carayon le rapport de force USA - Europe est largement déséquilibré et ce au profit des Etats-Unis : «Barack Obama relance la proposition car il sent que l’Europe n’a jamais été aussi faible : - elle est frappée par la crise des déficits publics et les dettes, - elle est divisée sur les questions internationales (Libye, Mali), - elle a une politique monétaire de l’euro fort, - il existe une scission européenne entre l’Allemagne et les autres états de l’Union, - il n’y a pas de politique européenne commune sur un certain nombre de sujets majeurs (ex : énergie, technologie de l’information...). L’Europe vit une crise financière et budgétaire grave et n’est pas à l’abri d’une crise monétaire des plus aiguës. Les marchés internationaux sont en grande difficulté. L’Europe ne dispose pas des 4 piliers de la puissance américaine qui rendent les Etats-Unis forts : des taux d’intérêts très bas, une baisse du coût de l’énergie, une avance technologique considérable et la flexibilité sociale et du travail.»53

52 http://www.huffingtonpost.fr/dov-zerah/libre-echange-europe-etats-unis-une-excellente-opportunite-a-

saisir_b_4097381.html

53 Entretien Bernard Carayon, Président de la Fondation Prometheus - 11 juin 2013

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3.2.2 - La position des Etats-Unis:

L’économie américaine est tirée par la consommation. En effet, 70 % du PIB concerne les dépenses de consommation.

a. Position des Américains sur l'éducation et l’emploi

Selon PolicyMic54(site web d’actualité démocratique américain) l’accord serait dans son ensemble une excellente occasion de stimuler l'investissement et d’encourager le commerce. Cependant, sur le long terme, les deux côtés de l'Atlantique doivent résoudre un problème plus fondamental qui affectera les générations à venir : celui de l'éducation. Qu'en est-il du chômage des jeunes des deux côtés de l’Atlantique ? Dans la zone euro, près de 24 % des jeunes adultes sont actuellement au chômage et plus de 5,6 millions de personnes de moins de 26 sont sans emploi. Ce taux est inférieur, à 16% aux États-Unis. Les deux côtés de l'Atlantique ont du mal à offrir de bonnes perspectives professionnelles pour cette génération et jusqu'à présent, il y a eu peu de concertation par les dirigeants transatlantiques sur la façon dont l'accord s'attaquera à ce problème concrètement. L’accord de libre-échange fera peu pour encourager une nouvelle génération plus mobile et internationale. Dans le passé, l'Union Européenne et les Etats-Unis ont montré un certain degré de compréhension sur la nécessité de coordonner leurs systèmes éducatifs. Le programme Atlantis, financé par le ministère de l'Éducation et de la Direction générale de la Commission de l'Education et de la Culture, avait pour objectif d'adapter les programmes d'enseignement sur les deux continents. Cependant, ce programme a perdu de son élan au cours des dernières années. Le TTIP doit être considéré comme une occasion de parler de cette question. La normalisation du coût de l'éducation pour les étudiants européens et américains serait un début, permettant ainsi à d’avantage d'Américains d’étudier en Europe et vice versa. Plus important encore, les universités et les lycées doivent avoir accès à un réseau d'entreprises qui cherchent à embaucher des deux côtés de l'Atlantique afin d’encourager la mobilité et l'emploi à international. Une meilleure communication entre les institutions académiques et privées peut rendre l’emploi dans les deux régions plus dynamique et plus compétitif. L'objectif doit être de créer une génération euro-américaine de professionnels uniforme et dynamique.

b. Position des multinationales américaines : le cas Fedex55

FedEx Express, filiale de FedEx Corp, leader mondial du transport express, applaudit le début de négociations du TTIP. « Connecter les Etats-Unis et l'Union Européenne est un élément capital du business de FedEx, et nous nous réjouissons que le TTIP puisse faciliter l'avancement de notre expansion et l'innovation dans les services que nous offrons à nos clients des deux côtés de l'Atlantique », a déclaré Mike Ducker , chef de l'exploitation et président de FedEx Express .

54 http://www.policymic.com - 4 août 2013

55 Business Wire – Memphis Tennessee – 8 juillet 2013

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FedEx est expérimenté dans la circulation des marchandises à travers les frontières et reconnaît que les efficiences économiques qui peuvent résulter de cet accord sont importantes. Aujourd'hui, 60% du commerce mondial est constitué de composants qui font partie de la chaîne d'approvisionnement mondiale. Les produits sont de plus en plus fabriqués avec des composants provenant de plusieurs pays avant l'exportation vers d'autres pays, le coût des marchandises qui franchissent les frontières impactent le coût du produit final à plusieurs reprises au cours du développement du produit, coût qui se répercute invariablement sur le client. «Nous encourageons les négociateurs du TTIP à adopter et à mettre en œuvre les meilleures pratiques afin de faciliter le commerce et harmoniser les réglementations touchant le commerce international, y compris les règlements de sécurité et du fret aérien en particulier", a déclaré Mike Ducker. Il s’agit également d’assurer l'accès aux marchés grâce à une concurrence ouverte et loyale entre les fournisseurs de services de livraison, ce qui aidera les Etats-Unis et l'UE à être plus performants pour les clients ». A propos de FedEx Express

FedEx Express est la plus grande société de transport express au monde, offrant une livraison rapide et fiable vers plus de 220 pays et territoires. FedEx Express s'appuie sur un réseau mondial aérien au sol pour accélérer la livraison des envois urgents, en un temps déterminé avec garantie de remboursement.

c. Position des PME américaines

La Small Business Exporter Association (SBEA)56 est la plus grande et la plus ancienne association à but non lucratif des Etats-Unis exclusivement dédiée aux petites et moyennes entreprises. Elle existe depuis près de 100 ans (création de la National Small Business Association - NSBA -en 1937). Selon la SBEA, même dans des temps économiques sains, les petites entreprises américaines sont nettement désavantagées dans l'économie mondiale. NSBA et SBEA ont demandé depuis des décennies que davantage soit fait pour mettre l'accent sur les besoins des petites entreprises dans le cadre du commerce américain. Ces dernières années, il y a eu un effort concerté de la part de l’administration, le Congrès et les organismes de règlementation afin d'améliorer et d'accroître les possibilités d'exportation pour les petites entreprises. Bien que des avancées importantes aient été faites une enquête on-line conduite entre le 1er et le 17 mai 2013 parmi plus de 500 propriétaires de petites entreprises américaines montre qu’en ce qui concerne l'exportation, davantage peut et doit être fait. Le nombre de propriétaires de petites entreprises qui déclarent exporter leurs produits et/ou services est en augmentation notable. Ce qui pourrait être prometteur avec le traité de libre-échange UE - USA est le fait que les non-exportateurs soient de plus en plus intéressés à exporter leurs produits et/ou services. De plus en plus d'entreprises exportent déjà vers la Chine, le Mexique, l'Inde et le Brésil. Le Canada reste le n° 1 des pays d'exportation pour les petites entreprises américaines. Aujourd'hui, le principal obstacle à l’exportation est le manque d'information pour savoir par où commencer et ce qui est réalisable, la voie à l'exportation reste très difficile.

56

NSBA / SBEA : Small Business Exporting Survey 2013 - Résultats d’une étude on-line conduite entre le 1 et le

17 mai 2013 parmi plus de 500 propriétaires de petites entreprises américaines

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Près de la moitié des exportateurs de petites entreprises déclarent dépenser 8,4% de leur chiffre d'affaires annuel pour préparer l'exportation, sans compter plusieurs mois de préparation. Dans l'environnement économique actuel, il est extrêmement difficile pour les petites entreprises d’avoir l’argent et le temps nécessaire pour le faire. D’autre part, le système et l'assistance américaine sont sans doute actuellement trop complexes. Infographies Augmentation notable des exportations par les PME en 3 ans

Le montant des exportations reste faible : la moitié des PME américaines réalisent moins de 10% de leur CA à l’export

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 71

Les freins les plus importants à l’exportation pour les PME sont les difficultés à être payées et la difficulté à trouver des informations et des aides pour exporter.

La Chine prend après le Canada la place de 2ème exportateur pour les PME

Les accords de libre-échange permettent aux PME avant tout de développer leur business sur de nouveaux marchés et de développer leurs exportations sur des marchés sur lesquels elles sont déjà présentes.

L’augmentation de la profitabilité liée à la suppression des barrières tarifaires est également importante.

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 72

d. Pourquoi les USA doivent protéger leurs intérêts :

La mission d’Economy in Crisis57 est d’informer le public sur la réelle condition de l’économie américaine et les risques potentiels des tendances économiques actuelles.

Economy in Crisis est contre l’idée de libre-échange. Selon cette association, les USA devraient protéger leurs intérêts et ne pas laisser les pays étrangers produire sur le sol américain. Des pays comme le Japon, l'Allemagne et la Chine sont très forts pour protéger leurs industries contre les acheteurs étrangers. Ils disposent d’organismes gouvernementaux entièrement consacrés à cela. A l’inverse, les États-Unis font tout pour encourager les prises de contrôle étrangères. Le libre-échange est une idéologie pratique, qui bien emballée résonne bien dans l’esprit des consommateurs, et qui aligne les ambitions des PDG et des politiciens. Le résultat est que près de 50% de toutes les nouvelles voitures vendues aux USA sont des voitures étrangères. Les constructeurs automobiles nationaux perdent des parts de marché de manière continue. Il existe aujourd'hui aux Etats-Unis un stigma de l'achat américain considéré comme peu cher, de mauvaise qualité et de mauvais goût. De toute évidence, l’industrie américaine sera encore plus touchée par ce traité de libre-échange qui fera entrer encore plus de produits étrangers aux Etats-Unis. En conséquence, la classe moyenne américaine qui repose sur l'industrie américaine pour l'emploi de sa population risque de tomber de plus en plus dans la dette. Toujours selon Economy in Crisis, le déficit de la balance commerciale américaine s’est creusé de 7.4 milliards de dollars entre 2000 et 2011 en raison de l’ouverture du commerce et des importations. 58Les Etats-Unis importent la plupart des biens courants, ils ne produisent plus les produits basiques dont ils ont besoin. Le plus gros exportateur aux USA est la Chine avec 300 milliards de dollars par an. Les accords de libre-échange entraînent la destruction des emplois, des fermetures d’entreprises (notamment des PME) et creusent la dette des Etats-Unis au profit de Wall Street et des multinationales américaines.

57

http://economyincrisis.org/content/why-free-trade-hurts-america - 31 mai 2013 58

http://economyincrisis.org/free-trade - video : The US trade deficit

Montant des exportations vers les Etats-Unis en 2011

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 73

Lobby des entreprises américaines en faveur des accords de libre-échange

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 74

3.2.3 – Focus sur certains pays membres de l’Union Européenne (vue médiatique)

a. La position de l’Allemagne

Dans la négociation qui commence les intérêts des uns et des autres sont très différents. Compte tenu de l’effondrement du marché dans la zone euro, l’Allemagne a besoin de s’ouvrir au marché des États-Unis. Par ailleurs, elle anticipe la probabilité d’une réévaluation de l’euro par rapport au dollar américain. Les grandes entreprises allemandes, dont certaines produisent déjà aux Etats-Unis vont développer leur production locale. Pour toutes ces raisons l’accord de libre-échange transatlantique est une nécessité pour les entreprises allemandes. Même s’il détruit des emplois en Allemagne, la baisse de la population active que l’on connaît et qui va s’amplifier dans les dix ans à venir compensera cela. De ce point de vue, Mme Merkel suit une politique parfaitement cohérente avec les intérêts des entreprises allemandes, moins avec ceux des travailleurs européens. Analyse de Jacques Sapir, économiste français

En Allemagne, Die Welt considère que l’accord de libre-échange entre l’UE et les Etats-Unis "bénéficierait avant tout aux Américains." Selon une étude de l’institut de sondage Ifo, réalisée pour le compte de la fondation Berteslmann qui analyse les conséquences d’une telle zone pour 126 états, sa mise en place permettrait de créer 1,1 million d'emplois supplémentaires aux Etats-Unis et le PIB réel par personne augmenterait de 13,4%. En revanche, une telle zone de libre-échange pourrait nuire considérablement aux pays qui n’en font pas partie [car] ses membres importeraient moins de ces pays tiers. Cela toucherait des partenaires traditionnels des Etats-Unis comme le Canada ou le Mexique, qui verraient leur revenu moyen per capita baisser respectivement de 9.5% et de 7.2%.

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 75

Le Frankfurter Allgemeine Zeitung précise que suite à cet accord, les échanges commerciaux au sein de l’UE diminueraient également. Le volume d’échanges commerciaux entre l’Allemagne et les pays d’Europe du sud baisserait de 30% [...] celui entre l’Allemagne et la France de 23%... tandis qu’il doublerait avec les Etats-Unis. Ainsi l’Union douanière (mise en place par l’UE en 1968) perdrait de sa valeur. De son côté, le Tageszeitung partage l’inquiétude d’une association de 22 ONG sur les conséquences de l’ouverture du marché européen pour les acquis en matière de protection des consommateurs en Europe. De la viande de poulet désinfectée à l’eau de javel, des bœufs clonés et des produits alimentaires modifiés génétiquement — les consommateurs Européens sont menacés par tout cela.

• Le scandale des écoutes : un choc culturel entre l’Allemagne et les USA

Berlin se voyait en allié privilégié des États-Unis. Le pays était aussi surveillé que la Chine, l'Irak ou l'Arabie saoudite, jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir.

Selon les révélations du Spiegel, la National Security Agency (NSA) interceptait chaque mois en Allemagne 500 millions de communications, par téléphone ou Internet, soit près de dix fois plus qu'en France. Le magazine allemand dit s'appuyer sur un document classé «strictement confidentiel» de la NSA obtenu par l'intermédiaire d'Edward Snowden. Comble de l'humiliation, l'Allemagne, qui héberge des bases militaires américaines offrant des moyens logistiques pour la surveillance, y est décrite comme un partenaire de «troisième classe». Cela lui vaut d'être le pays de l'Union Européenne le plus surveillé, à un niveau comparable à la Chine, l'Irak ou l'Arabie saoudite. Alors qu'elle ne l'est pas concernant le Canada, la Grande-Bretagne ou l'Australie, la NSA est autorisée à espionner l'Allemagne jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir. Selon le Spiegel, les communications de la chancelière et des principaux ministères fédéraux allemands étaient sur écoute américaine. Le Spiegel précise que la NSA espionne aussi bien les appels téléphoniques que les SMS, les courriels et les forums de discussion. Un sujet particulièrement sensible en Allemagne La NSA surveille en moyenne 20 millions d'appels téléphoniques par jour en Allemagne et 10 millions d'échanges de données Internet, mais ce chiffre peut atteindre 60 millions d'appels, les jours les plus chargés, précise le Spiegel. Les experts allemands jugent que sous couvert de la lutte contre le terrorisme, la NSA était motivée par l'espionnage économique et industriel. Le parquet fédéral d'Allemagne envisage d'ouvrir une enquête sur la violation de la législation allemande encadrant la surveillance des données sur Internet.

La surveillance par l'État est un sujet très sensible en Allemagne, où le rôle de la police secrète de l'ex-RDA communiste, la Stasi, est encore présent dans les esprits. Tout comme l'étroite surveillance exercée par le régime nazi.

Le «Handygate», résume le journal Bild, marquera un tournant.

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b. La position de l’Angleterre

David Cameron et Barack Obama sont les grands vainqueurs de l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et les Etats-Unis, selon le Wall Street Journal et la presse allemande. Pour le Premier ministre britannique, c’est un point crucial pour convaincre que Londres doit rester dans l’UE. Pour l’administration américaine, c’est une victoire économique qui va créer des emplois et relancer les exportations. Pour le Wall Street Journal, l’annonce de l’accord de libre-échange est le résultat de longs mois de travail des diplomates britanniques qui ont bordé les termes de l’accord tout en s’assurant que ce serait une victoire diplomatique pour le Premier ministre David Cameron, qui reçoit le G8 en Irlande du nord. Le quotidien économique explique : pour David Cameron, le TTIP est bien plus qu’un simple accord de libre-échange. Il est

au cœur de sa campagne visant à réconcilier la Grande-Bretagne avec son affiliation à l’Union Européenne avant le promis en 2017. [...] David Cameron fait le pari que le TTIP, en cas de succès, réduirait sensiblement les pressions exercées à son encontre pour qu’il obtienne, avant 2017, une renégociation complète des conditions de l’affiliation de la Grande-Bretagne à l’UE. [...] En même temps, le TTIP est pour le Premier ministre une manière politiquement acceptable de placer la Grande-Bretagne au cœur de l’Europe, sa promotion enthousiaste d’un projet de cette envergure lui ayant permis de faire reculer la méfiance engendrée par sa mauvaise gestion de certaines relations clés de la Grande-Bretagne en Europe.

c. La position de la France :

Les relations commerciales entre la France et les États-Unis : 59La France et les Etats-Unis sont liés par de nombreux accords historiques, du Traité d’alliance

franco-américaine, conclu en 1778 lors de la guerre d’indépendance des Etats-Unis, au Traité de

l’Atlantique Nord, signé le 4 avril 1949 à Washington. Les deux pays ancrent ainsi leur coopération politique et militaire dans leur appartenance à des alliances internationales fortes à l’image de l’Organisation des Nations Unies dont ils sont tous les deux membres permanents du Conseil de sécurité, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, ou encore des différents groupes multilatéraux tels que le G8 ou le G20. Les Etats-Unis ont été en 2012 la 1ère destination pour les investissements français à l’étranger hors UE La France représente le 7ème investisseur étranger en valeur aux Etats-Unis (derrière le Royaume-Uni, le Japon, le Canada, les Pays-Bas, la Suisse et l’Allemagne) : la part française représente 165 milliards de dollars soit 7,2% des investissements directs étrangers (IDE). Plus de 2800 entreprises françaises sont implantées aux Etats-Unis : elles y génèrent près de 600 000 emplois et leur chiffre d’affaires cumulé dépasse les 170 milliards de dollars.

59

Politique commerciale des grandes puissances – Labsen Abdelmalks – 2011

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Les investissements français se concentrent principalement dans l’industrie (46%), les services financiers (17%) et dans le secteur de l’information (9,8%). Au titre des grandes réussites, on relèvera la place acquise par VEOLIA, devenu le premier opérateur privé de transports publics urbains aux Etats-Unis. AREVA est le leader dans son domaine aux Etats-Unis. SAFRAN est le premier dans le domaine des industries de sécurité aux Etats-Unis. Les Etats-Unis sont le premier investisseur direct étranger en France hors U.E avec 75 milliards de dollars : selon le Département d’Etat, les entreprises américaines emploient plus de 650 000 personnes en France, réparties sur 4200 implantations. Les exportations françaises vers les Etats-Unis se sont montées en 2012 à 26,5 milliards d’euros (+13% par rapport à 2011), tirées par certains secteurs industriels. En 2012, le déficit commercial de la France a légèrement augmenté, à 6,3 milliards d’euros (contre 5,8 milliards d’euros en 2011). La balance commerciale vis-à-vis des Etats-Unis se dégrade malgré la reprise des exportations françaises et une croissance plus modérée des importations de produits américains (+12,3%, contre 16,2% en 2011). Les produits pétroliers expliquent à eux seuls la moitié du déficit total et la principale balance sectorielle excédentaire est celle du secteur agro-alimentaire (2,2 milliards d’euros).

Principaux produits échangés entre la France et les États-Unis en 2012 (en % du total)

* Exportations de l’UE vers les États-Unis susceptibles de bénéficier d’une baisse des barrières tarifaires et non tarifaires

(rapport de la Commission Européenne « Reducing Transatlantic Barriers to Trade and Investment », mars 2013). Sources : Douanes Nous constatons que l’enjeu pour la France à développer ses échanges avec les Etats-Unis et notamment ses exportations est important, dans ce cas, pourquoi fait-elle office de « frileuse » dans les négociations. Pourquoi la France marche à reculons ? La France avance d'un pas mesuré dans les négociations, pour ne pas dire à reculons. Elle est en effet consciente qu'étant peu compétitive actuellement, elle a beaucoup à y perdre. Le cas de l'exception culturelle peut donner un avant-goût des prochaines discussions. La France a gagné la première manche (Bruxelles a dû s’incliner), mais elle n’a pas gagné la guerre. L'audiovisuel ne fera pour l'instant pas parti des négociations mais le sujet pourra resurgir si les Américains le souhaitent.

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 78

Malgré l’exemption sur l’exception culturelle, le doute envahit la France quant à l’utilité d’un accord de libre-échange et notamment au parti socialiste. Nicole Bricq, Ministre du Commerce Extérieur, a d'ailleurs très tôt fait part de son scepticisme quant au « chiffrage de salon » de Bruxelles, selon lequel un partenariat transatlantique serait hautement bénéfique pour l’Union Européenne. "Ces calculs sont faits à l'horizon 2025, mais d'ici là nous serons tous morts", en faisant allusion à la célèbre formule de l'économiste John Maynard Keynes "à long terme nous serons tous morts". En effet, "les négociations vont durer plusieurs années", a-t-elle assuré. Après l’exception culturelle, Nicole Bricq insiste également pour que les secteurs de la défense, des viandes, des œufs et du maïs doux soient exclus des négociations.60 Et si la France avait brûlé sa cartouche avec l’exception culturelle ? La France a réussi à obtenir l’exclusion de l’audiovisuel du mandat de négociation mais la Commission Européenne a emporté l’essentiel : la mise en chantier d’un grand marché transatlantique unissant l’Union Européenne et les Etats-Unis, les deux principales puissances économiques de la planète, où les biens, les capitaux et les services circuleront librement. Or, un compromis avec les Américains se soldera forcément par un alignement du modèle européen sur le modèle américain. Et cet alignement pourrait aller très loin. Les Etats-Unis ont bon espoir, sauf accident de parcours, de sortir vainqueurs de la négociation. «Ils sont dans une position de force stratégique, reconnaît un fonctionnaire européen. Comme ils négocient un accord équivalent avec la zone Pacifique, ils pourront menacer les Européens de les laisser seuls face aux Chinois s’ils n’acceptent pas leurs demandes. Ils savent aussi qu’ils peuvent compter sur la division des Européens sur les sujets commerciaux, comme vient encore de le montrer l’affaire des panneaux solaires chinois, où seuls trois pays, dont la France, soutiennent la Commission dans sa volonté de leur imposer des taxes anti dumping. Entre la Commission soutenue par les ultra-libre-échangistes du Nord et les Atlantistes par principe du Sud, un boulevard s’offre à eux.» Et Washington a déjà montré qu’il n’était pas prêt à céder sur grand-chose. Les Européens, par exemple, se sont soit alignés sur la législation américaine en matière de protection de la vie privée (scanner corporel dans les aéroports), soit ont perdu leurs combats en matière de protection des données personnelles (ex : passagers aériens et données bancaires). Seule la pression de l’opinion publique les a contraints à résister sur le bœuf aux hormones ou les OGM… Difficile, également, d’imaginer que l’administration Obama va pouvoir convaincre le Congrès et les états fédérés d’ouvrir leurs marchés publics ou de permettre aux navires européens de faire du cabotage. Ou encore d’autoriser les Européens à prendre le contrôle des compagnies aériennes américaines. Bref, plutôt qu’un accord gagnant-gagnant, le risque est bel et bien celui d’un accord gagnant-perdant, du «fort au faible», comme le dit un diplomate. Paris a sans doute grillé toutes ses cartouches en se battant pour l’exception culturelle. «Cela fait partie, avec le siège du Parlement à Strasbourg et la politique agricole commune, des constantes politiques françaises», se justifie un diplomate hexagonal, tout en reconnaissant qu’il va désormais être difficile d’agiter le veto français pour défendre la réglementation sur les OGM ou les normes sanitaires. «La Commission a bien joué avec l’exception culturelle : elle a pour longtemps cornerisé les Français», admire un diplomate européen.

60

La Tribune http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20130524trib000766372/libre-echange-ueusa-la-france-marche-a-reculons.html - 24 mai 2013 LaTribune: http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20130701trib000773328/pourquoi-le-libre-echange-fait-il-si-peur.html- 1er juillet 2013

Page 79: Rapport d'Intelligence Economique - Enjeux et risques du Traité de libre-échange transatlantique 12.17.2013

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Et si l’exception culturelle n’était qu’un chiffon rouge, destiné à détourner l’attention pour mieux faire passer la pilule ? Celle de l’abandon du «modèle européen» au profit d’une logique du tout marché ? 61 Les accords de libre-échange face à l’urgence climatique : 62Les associations altermondialistes sont contre les accords de libre-échange et l’OMC. Selon elles, la sauvegarde de la nature et de l’humanité passe par le démantèlement du régime de libre-échange dans le monde. Les altermondialistes pensent qu’un autre type de commerce profitant aux populations et non aux entreprises multinationales doit être mis en place. Un commerce qui ne soit pas basé sur l’exploitation des personnes et de la nature. Une déclaration a été signée le 5 sept 2013 par 20 associations altermondialistes : Alliance of Progressive Labor Philippines, Alternatives – Canada, Alternatives – International, Attac – France, Critical Information Collective, Ecologistas en Acción, ETC Group, Fairwatch – Italy, Focus on the Global South, Global Forest Coalition, Grassroots Global Justice Alliance – US, Health of Mother Earth Foundation – Nigeria, Indigenous Environmental Network, Kalikasan People's Network for the Environment (Kalikasan PNE) – Philippines, La Via Campesina, Migrants Rights International, No REDD in Africa Network (NRAN), Oilwatch International, Polaris Institute, Transnational Institute. Extrait de la déclaration :

Tous les pays et en particulier ceux qui sont les moins responsables et les plus touchés par les dérèglements climatiques doivent avoir le droit et la capacité à :

• Soutenir leur secteur domestique des énergies renouvelables par l'intermédiaire de réglementations de type « acheter local », des subventions, et toutes les mesures qui leur permettront de se débarrasser des combustibles fossiles dès que possible.

• Avoir un libre accès à tous les brevets concernant les énergies renouvelables et aux inventions qui peuvent aider à limiter les effets des dérèglements climatiques.

• Promouvoir la souveraineté alimentaire et l'agro écologie afin non seulement de refroidir la planète mais aussi de nourrir la population sans agro toxiques et OGM.

• Stimuler la production locale et la consommation de biens durables pour répondre aux besoins fondamentaux des populations et éviter le transport de marchandises qui peuvent être produites localement.

• Garantir le droit humain à l'eau, inverser la privatisation des services publics de l'eau et préserver les bassins versants.

• Développer des infrastructures de transports publics propres et accessibles pour enlever les automobiles des routes et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

• Établir des règlementations et des sanctions contre les industries qui détruisent et polluent l'environnement sans être menacées de poursuite internationale.

• Encourager la nationalisation et le contrôle par la société sur le secteur de l'énergie pour démanteler le secteur énergétique sale et accélérer l'expansion des formes renouvelables et citoyennes d'énergie propre.

• Promouvoir des économies qui soient diversifiés et résilientes face aux dérèglements climatiques.

61

Libération :http://www.liberation.fr/economie/2013/06/18/exception-culturelle-l-art-qui-cache-la-foret_912011 – 18 juin 2013 62

http://www.france.attac.org/articles/pour-faire-face-lurgence-climatique-il-faut-demanteler-lomc-et-le-regime-de-libre-echange - 8 octobre 2013

Page 80: Rapport d'Intelligence Economique - Enjeux et risques du Traité de libre-échange transatlantique 12.17.2013

Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 80

Selon Geneviève Azam63 de Attac France il ne s’agit pas avec le TTIP simplement d’un traité de libre-échange mais d’une harmonisation des normes sociales, environnementales et démocratiques, il s’agit donc beaucoup plus qu’un traité de libre-échange, il a été initié par les grands lobbies industriels et financiers, il porte plus sur les normes que les droits de douanes. L’inquiétude porte sur l’agriculture, sur l’industrie, les questions démocratiques…mais également sur les questions énergétiques. « On voit émerger dans tous les traités la question de la sécurisation des ressources naturelles et en particulier des ressources énergétiques, une volonté des transnationales de l’énergie de promouvoir un modèle énergétique correspondant à leur propres intérêts, nous devons relier les questions climatiques et les questions de libre-échange. Comment va-t-on réaliser les objectifs de réduction de la consommation d’énergie, du passage au renouvelable et à des postes fossiles si on veut tenir nos engagements en termes de changement climatique ? Comment concilier cela avec le traité transatlantique qui stipule qu’aucun pays ne pourra avoir ses propres normes environnementales et par exemple interdire les gaz de schiste… Nous allons obliger à porter dans le débat public cette contradiction entre une volonté affichée de lutter contre le changement climatique et faire une transition énergétique et la réalité que nous imposerait un tel traité si il voyait le jour, cette contradiction est insoluble ».

63

http://www.france.attac.org/videos/traite-transatlantique-et-enjeux-climatiques - 8 octobre 2013

Page 81: Rapport d'Intelligence Economique - Enjeux et risques du Traité de libre-échange transatlantique 12.17.2013

Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 81

3.2.4 – La position des think tank :

a. Les think tank indépendants européens :

Conformément à son approche multi-circonscription, les membres du European Policy Center (EPC) comprennent des entreprises, des fédérations professionnelles, des syndicats, des missions diplomatiques, des organismes régionaux et locaux, ainsi que des ONG. Selon l’EPC64, le TTIP serait un outil au service de l’établissement de normes mondiales. L'une des principales priorités de ce partenariat est de s'attaquer aux barrières non tarifaires, par l'harmonisation, la reconnaissance mutuelle ou l'équivalence des réglementations et par une plus grande convergence et la définition de normes communes. Cette convergence réglementaire pourrait renforcer le système commercial multilatéral et inciter les pays tiers à adopter des normes et des règlements qui ont l'avantage d'être reconnus des deux côtés de l'Atlantique. Le TTIP pourrait très bien servir de base pour établir des normes mondiales. Dans un système ouvert, ces règlements pourraient être étendus aux pays tiers avec lesquels l'UE et/ou les Etats-Unis ont des accords commerciaux préférentiels. Il est par conséquent certainement judicieux d'intégrer un accord ambitieux, apte à fixer des normes et règlementations mondiales dans le cadre de l'OMC qui régit actuellement 85% du commerce mondial. Un accord au sein de cette organisation présenterait également l'avantage considérable d'harmoniser les quelque 400 accords commerciaux préférentiels actuellement en vigueur. À cet égard, la 9ème Conférence ministérielle de l'OMC qui se tiendra à Bali en décembre 2013, elle fournira une indication quant à la nécessité pour les dirigeants européens et américains d’utiliser le TTIP comme un outil pour relever les défis du commerce mondial. Ils pourraient de ce fait, saisir cette occasion pour soulever la question avec leurs homologues et solliciter leur participation. S’attendre à ce que les pays en dehors des négociations adoptent simplement les règles commerciales fixées par l'UE et les Etats-Unis semble peu réaliste. Si les deux parties veulent avoir un rôle de leader légitime et crédible, ils doivent faire en sorte que le point de vue des pays qui seront fortement affectés par le résultat final du TTIP soit pris en compte. La transparence doit être un élément clé des négociations du TTIP. Au cours du premier cycle de négociations les intervenants, y compris les universités, les syndicats, le secteur privé et les organisations non gouvernementales, ont été consultées. Bien que ce soit une initiative positive, les pays tiers doivent également être considérés comme des acteurs dans les négociations. Il est crucial de prendre sérieusement en compte les préoccupations que le TTIP pourrait compromettre notamment les normes élevées dans les domaines de l’environnement, les droits de la santé et de la sécurité, la vie privée et des consommateurs et des travailleurs. Si l’objectif du TTIP est d'offrir véritablement une nouvelle et solide base pour un renouveau du multilatéralisme commercial apte à stimuler la croissance et l'emploi à travers le monde, les négociations doivent avoir lieu dans un environnement ouvert sans précipitation.

64

www.epc.eu/pub_details.php?cat_id=4&pub_id=3670 - Article Le TTIP - Un long et difficile chemin vers

le multilatéralisme par Romain Pardo - 19 juillet 2013

Page 82: Rapport d'Intelligence Economique - Enjeux et risques du Traité de libre-échange transatlantique 12.17.2013

Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 82

b. Les think tank facilitateurs d’échanges entre les multinationales américaines et européennes :

Multinationales américaines et européennes en faveur des accords de libre-échange Transatlantic Business Council (TBC)65 : Association professionnelle intersectorielle représentant 70 sociétés mondiales dont les sièges sont aux États-Unis ou dans l'UE. La mission du Transatlantic Business Council consiste à :

• promouvoir un marché transatlantique sans barrières contribuant à la croissance économique, l'innovation et la sécurité;

• favoriser les discussions et débats d'idées entre les chefs d'entreprises et le gouvernement

• servir de plate-forme pour engager les autres pays dans l'économie mondiale. Les membres du TBC ont longtemps soutenu la négociation d'un accord de libre-échange entre l'Union Européenne et les États-Unis et chaleureusement accueilli le 13 février 2013 les annonces faites par les dirigeants européens et le président Obama sur leurs intentions d'engager les procédures internes nécessaires pour le lancement des négociations du TTIP. Les demandes et recommandations du TBC ont pour objectif d’aider les négociateurs américains et européens à conclure un accord complet aussi rapidement que possible.

65

http://www.transatlanticbusiness.org/eu-us-trade-agreement

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 83

Commentaires du Transatlantic Business Council (TBC) concernant le TTIP soumis au Bureau du représentant américain au Commerce le 10 mai 2013 : Recommandation sur l’accès aux marchés :

• l’élimination immédiate des droits de douane doit être appliquée autant que possible

• une période d'élimination graduelle sur tous les autres produits restants doit être prévue dans des délais raisonnables

• élimination des restrictions quantitatives à l'exportation des matières premières ou des produits agricoles.

Pratiques règlementaires :

• coordination au mieux des approches des deux côtés de l'Atlantique afin de maximiser le potentiel de débouchés commerciaux, de réduire les coûts inutiles et les charges administratives, de renforcer la croissance économique et des avantages sociaux,

• au minimum, cohérence entre les approches règlementaires afin de ne pas créer d’obstacles au commerce,

• encouragement à rechercher des opportunités sectorielles où les concepts testés une fois et acceptés dans les deux marchés peuvent être adoptés.

Afin de réduire les obstacles réglementaires, le TTIP doit inclure les dispositions suivantes :

• les règlements doivent être établis conformément à des procédures transparentes permettant des commentaires par toutes les parties intéressées,

• les règlements ne doivent pas constituer des obstacles au développement du commerce et des services,

• les régulations techniques doivent rester très rares et justifiées (mandats exigeant des technologies spécifiques ou des caractéristiques du produit).

Propriété intellectuelle :

• La propriété intellectuelle est essentielle à l'expansion économique des entreprises, à l'innovation sociale et à la compétitivité nationale autant pour les États-Unis que pour l'UE.

• Le TTIP doit refléter une confiance partagée sur la propriété intellectuelle. Les deux marchés partagent un engagement profond pour la protection de la propriété intellectuelle qui est un élément indispensable de la prospérité des économies (création de l'innovation, exportations axées sur la technologie, concurrence et emploi). Ce consensus partagé devra servir de point de départ pour la discussion.

• Les dispositions relatives à la propriété intellectuelle dans un accord transatlantique serviront de moyen pour favoriser le renforcement des normes de propriété intellectuelle au niveau mondial.

• Un accord commercial transatlantique représente une occasion unique pour les États-Unis et l'UE de faire preuve d’un leadership mondial sur la propriété intellectuelle. Un échec concernant la propriété intellectuelle, enverrait un mauvais message aux pays tiers, les amenant à croire que la violation des droits de propriété intellectuelle peut se faire en toute impunité.

• Tout accord transatlantique doit refléter un engagement partagé pour une forte protection de toutes les formes de la propriété intellectuelle, notamment les brevets, marques, droits d'auteur et les secrets commerciaux.

Investissements : Négocier un accord d'investissement libéral qui comprend des dispositions générales pour :

• Réduire dans la mesure du possible les exceptions au principe du traitement national

• Protéger les investissements contre l'expropriation

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 84

• S ‘assurer de la mise en place de procédures concrètes pour résoudre les différends relatifs aux investissements

• S’assurer de la transparence dans le mécanisme de règlement des différends (utilisation de mécanismes solides pour régler les différends entre un investisseur et un État)

• Adopter des procédures pour un rapide règlement des réclamations. Libre circulation de la main d’œuvre : La mobilité du travail est un élément essentiel dans la fourniture de nombreux services transfrontaliers. La capacité à utiliser les connaissances et les compétences des salariés déployés à l'extérieur de leur pays de résidence habituel sont des pratiques de plus en plus courantes dans les entreprises des deux côtés de l'Atlantique.

Attribution des visas - exemple de recommandations :

• Mise en place d’une procédure accélérée pour le traitement rapide des demandes de visas et/ou permis de travail

• Développement de cette procédure accélérée pour l'ensemble des salariés et pas seulement pour les «professionnels», en d'autres termes, permettre à tous les citoyens de se qualifier pour le visa L -1B

• Reconnaissance de l’équivalence des diplômes pour l’entrée dans les universités

• Dans le cadre des transferts intra-entreprises, une simple notification devrait être nécessaire avant de commencer à travailler aux États-Unis pour les ressortissants de l'UE ou dans l'UE pour les ressortissants américains plutôt que la soumission d'une demande de visa à l'approbation préalable

• Aucune condition de résidence ne devra être soumise aux visas

• Le visa devra être valable pour 3 ans au moins dès le départ et non soumis à un plafond

• Les employés européens d’entreprises américaines pourront bénéficier immédiatement de ce visa sans attendre un an d’admissibilité

• Mise en place d’un traitement plus flexible pour la durée du séjour avec un visa d'affaires à court terme

• Les visas devraient permettre des entrées multiples au sein de la validité du visa

• Le droit au regroupement familial doit être accordé afin d'accueillir les conjoints non mariés, les enfants de plus de 18 ans ainsi que les parents. L'intégration doit être encouragée par des dispositions permettant l'accès au marché du travail dans le pays d'accueil pour les conjoints et personnes à charge en âge de travailler

• Pour les voyageurs fréquents une extension du système américain Global Entry et la mise en place du programme européen d'enregistrement des voyageurs serait très utile pour réduire les temps d'attente au point d’entrée dans le pays respectif

• US Immigration pré-contrôle : extension du système de pré-approbation de l'immigration américaine à l'aéroport de départ. Actuellement, le système américain de pré-contrôle en matière d'immigration est limité aux aéroports du Canada et aux Caraïbes.

Transatlantic Policy Network66 : Ce think tank aide à définir la relation transatlantique dans le monde en favorisant des partenariats les plus proches possible entre les gouvernements de l'Union Européenne et les Etats-Unis.

66

http://www.tpnonline.org/

Page 85: Rapport d'Intelligence Economique - Enjeux et risques du Traité de libre-échange transatlantique 12.17.2013

Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 85

Commentaires issus du document « Completing the Strategic Vision - The Next Step in a Beautiful Friendship » 67 du 9 juillet 2013. Les recommandations du Transatlantic Policy Network sur les procédures des négociations sont les suivantes :

• Rendre le travail transparent pour chacun des différents acteurs de la relation transatlantique, y compris les membres du Congrès, le Parlement Européen et la société civile ;

• Faire participer les leaders à la fois du Parlement Européen et du Congrès Américain ;

• Rassembler dès que possible toutes les principales parties prenantes dans le processus de l’accord TTIP, s’assurer d’une bonne coordination et de la coopération entre toutes les parties concernées par les négociations ;

• Publier périodiquement des rapports sur l'état d’avancement des négociations ;

• Créer un groupe de mise en œuvre du TTIP composé d'un petit nombre de membres du Congrès Américain et du Parlement Européen. Leur tâche devrait être de veiller à l'application éventuelle des résultats de la négociation du TTIP.

Les recommandations sur les livrables :

• Emploi et croissance :

o Elimination de toutes les barrières tarifaires sur les marchandises échangées à travers l'Atlantique, avec élimination progressive pour les produits les plus sensibles

o Libéralisation des restrictions imposées à la plupart des secteurs de services o Suppression des restrictions d'investissement o Ouverture des marchés.

• Harmonisation de la règlementation :

o Accord sur des principes comparables concernant la règlementation et les processus Avec pour premier résultat l'équivalence fonctionnelle d’un processus parallèle pour l'agrément des produits pharmaceutiques.

• Propriété intellectuelle :

o Coordination de la protection des droits de propriété intellectuelle pour les technologies émergentes

o Alignement de la politique américaine et européenne sur la contrefaçon, protection des droits de propriété intellectuelle dans les pays tiers et encouragement de coopération entre les législateurs pour la réforme des brevets.

67

« Completing the Strategic Vision - The Next Step in a Beautiful Friendship » - 9 juillet 2013

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 86

3.2.5 – Le rapport de force USA - Europe est-il équitable ? 68Selon Françoise Elisabeth Delcamp journaliste à Médiapart, la décision d’opter pour des accords bilatéraux est lourde de conséquences. Elle signifie le retour dans les négociations commerciales internationales du seul rapport de forces et de l’affrontement direct entre états. Abandonnant ainsi les pays les plus pauvres et les plus endettés, en particulier d’Afrique sub-saharienne, sans recours. Rompant avec la logique du « juste échange » et « des objectifs communs ». En annonçant ainsi ces négociations bilatérales comme allant de soi, la Commission s’exonère de toute réflexion et de tout débat sur l’avenir du système mondial d’échanges de biens et de services. Les étapes préalables au face-à-face Europe-USA (exception culturelle, normes sanitaires…) ont déjà eu pour effet de révéler un peu plus les désaccords profonds existant entre les différents gouvernements européens. Les faiblesses de l’Europe face aux Etats-Unis :

• L’Europe ne peut espérer négocier dans de bonnes conditions qu’unie face à des Etats-Unis déterminés à reprendre la main en matière de commerce international et à imposer leurs intérêts.

• L’Europe est plus soumise à l’urgence. A travers cet accord l’UE vise une relance rapide de sa croissance sans avoir à renoncer à la stabilité budgétaire, alors que les Etats-Unis veulent contenir pour les prochaines années la montée en puissance de la Chine et s’affranchir de l’OMC.

• L’Europe dispose d’une moins grande marge de manœuvre. Les Etats-Unis ont en effet déjà entamé une autre grande négociation commerciale avec dix pays asiatiques en vue d’établir un « partenariat trans-pacifique » (TPP) régional, certainement plus crucial pour eux. Mettant en quelque sorte ses deux partenaires en « concurrence » pour obtenir les clauses les plus favorables.

• L’Europe est moins protégée contre toutes les formes de concurrence déloyale. Elle n’est jamais parvenue à se doter d’un « Buy European Act » malgré les demandes réitérées depuis 1993 de la France, et se contente de réserver, sans que cela soit obligatoire, une partie des marchés publics aux PME innovantes. Les Etats-Unis eux n’hésitent pas à renforcer constamment les dispositifs de protection de leur marché, que ce soit le « Buy American Act » ou les mesures destinées à soutenir la production industrielle américaine, éviter les délocalisations et encourager les relocalisations.

• Enfin les Etats-Unis bénéficient d’accords déjà conclus avec certains des pays européens et pourront continuer de jouer sur ces préférences intra-communautaires.

L’UE n’aborde pas ces négociations à égalité avec les Etats-Unis. Consentir à s’asseoir rapidement à la table des négociations revient pour l’Europe à accepter la très dure loi du libre-échange à son détriment. Les négociations sont donc à haut risque pour l’Europe et pour les citoyens européens. Espérer que c’est en cours de négociation que des majorités circonstancielles, constituées sur tel ou tel point, au sein de l’UE, pourront défendre efficacement les intérêts européens est illusoire. La mécanique des négociations, une fois lancée, est implacable. Conscient de la complexité des dossiers, même le « groupe de haut niveau sur l’emploi et la croissance », favorable au principe d’un tel accord, a recommandé la mise en place d’un « mécanisme permanent de dialogue et de coopération » et une avancée « progressive vers un marché transatlantique plus intégré ».

68

BlogMediapart http://blogs.mediapart.fr/blog/francoise-elisabeth-delcamp/220413/accord-de-libre-echange-

ue-usa-le-partenariat-de-tous-les-dangers - 22 avril 2013

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 87

Une grande zone de libre-échange transatlantique instituée dans la hâte, sans régulation, aboutirait à une reddition sans conditions devant les prétentions des multinationales américaines, Google, Monsanto ou Boeing etc. et à la disparition des « acquis européens » (principe de précaution, exception culturelle, respect de la vie privée…). Bernard Carayon69 souligne « qu’il paraît difficile d’envisager le démantèlement du Buy American Act (qui représente environ 40% du marché public des USA) car il s’agit là du fondement même du dynamisme entrepreneurial américain, qui consiste à défendre ses intérêts tout en respectant les règles. Il est donc difficile de penser que les USA pourraient renoncer aux règles qui régissent leur commerce extérieur, souvent contraires aux règles de l’OMC. Les USA protègent leurs intérêts avec une sophistication extraordinaire, ils vont au-delà du patriotisme économique : l’exemple des Normes IFRS (comptables) qui ont été imaginées par une institution privée américaine et se sont imposées au monde entier et cela est valable pour la plupart des normes en vigueur, en est un parmi d’autres. Il y a une telle concentration de pouvoir et de talents sur le marché financier et des services (assurance, audit, expert comptables...) qu’aucun état ne peut échapper à la domination américaine ».

Pour conclure cette partie, nous constatons que les enjeux économiques et sociaux sont aussi importants de chaque côté de l’Atlantique. Toutefois, les peurs d’un accord de libre-échange Etats-Unis - Europe sont bien réelles et sont finalement très similaires des deux côtés :

- peur que l’ouverture des marchés n’entraîne une compétition qui mette en périls certaines entreprises (notamment les PME) et les petits producteurs agricoles

- peur que l’emploi ne se dégrade et fragilise notamment les classe moyennes - peur que les multinationales n’étendent leur pouvoir au détriment des PME - peur que les questions climatiques et environnementales ne soient soumises à la loi du plus

fort.

69

Entretien avec Bernard Carayon, Président de la Fondation Prometheus - 11 juin 2013

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 88

3.3 – Les lignes rouges de l’Union Européenne face à Washington: Zoom sur les points forts du traité

Introduction

Hyper compétition et globalisation : trouver les armes pour éviter la guerre économique

Née de la dérèglementation qui a progressivement touché l’ensemble de la planète, l’hyper concurrence consiste en l’abaissement régulier des bannières douanières et en la réduction des autres obstacles au commerce, c’est-à-dire la promotion systématique du libre-échange et la ferme condamnation du protectionnisme, qui eurent lentement raison des marchés nationaux protégés. Désormais, aucune entreprise ne peut se penser à l’abri de ses concurrents dans le contexte général de dérégulation où baigne l’ensemble des relations d’affaires, et qui a laissé presque exsangues les industries françaises du textile ou de l’électroménager. Les pays émergents ont accentué le phénomène de l’hyper compétitivité dans des proportions globales. L’effet collatéral de ce phénomène : la puissance des nations passe aujourd’hui par la performance économique. Pas d’états ni de peuples influents qui ne reposent désormais sur une industrie innovante et une capacité certaine à conquérir de nouveaux marchés à l’international. Il convient dorénavant de pouvoir participer de façon décisive à la construction des normes internationales qui régulent le grand jeu des échanges mondiaux. Ce n’est pas un hasard si les Américains et les Chinois sont extrêmement présents à Bruxelles. Ils tiennent absolument à ce que l’Union Européenne n’adopte pas des réglementations nuisibles à leurs propres intérêts commerciaux. 70 La solution d’un traité de libre-échange transatlantique est proposée comme une solution pour contrer la Chine toute puissante et autres pays émergents dans ce nouvel échiquier mondial. L’union des deux forces Europe – Etats-Unis promet une croissance économique et de l’emploi, réponse très attendue face à la crise de 2008. Mais même si le traité de libre-échange est présenté comme un levier potentiel, tant économique que social, certains points restent en suspens et constitueront soit des freins, soit des sujets sur lesquels chacune des deux parties ne transigera pas et rendra le traité de libre-échange infaisable. Nous proposons dans cette partie un focus sur les points forts du traité.

70 Intelligence économique, Eric Delbecque et Jean-Renaud Fayol

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 89

3.3.1 – L'exception culturelle Le sujet divisait les Européens. Menaçant d'opposer son veto, Paris a obtenu que l'audiovisuel soit exclu des négociations. L'UE entend ainsi préserver les mesures de soutien à la culture, notamment les aides au cinéma. La culture est-elle vraiment exclue du mandat ? Le contentieux sur l’exception culturelle entre la France et la Commission porte, en fait, sur les seuls services audiovisuels (cinéma, télévision, radio et musique, y compris sur Internet). Nicole Bricq a finalement obtenu de ses homologues européens un mandat affirmant que les « services audiovisuels ne seront pas couverts » 71par les négociations. L’Allemagne et le Royaume-Uni, les plus en pointe contre toute exclusion, ont fini par céder devant la menace d’un veto français sur l’ensemble du mandat. Le commissaire en charge de l’éducation, Androulla Vassiliou, qui était l’un des seuls commissaires à s’être prononcé en faveur de l’exclusion des services audiovisuels, a salué cette décision. En revanche, les bibliothèques, l’édition, les archives ou l’architecture sont incluses dans le mandat. « Les architectes, par exemple, y ont intérêt pour se faire reconnaître sur le marché américain », note-t-on à Bruxelles. Si les réactions des partisans de l’exclusion des services audiovisuels ont été très enthousiastes, celles des personnalités favorables à l’adoption d’un mandat très large ont en revanche été parfois violentes. Malgré cette « victoire historique pour l’exception culturelle », il semblerait en effet que la Commission Européenne et son commissaire en charge du commerce, Karel de Gucht, n’aient pas dit leur dernier mot. Le président de la Commission Européenne, José Manuel Barroso, a ainsi déclaré au New York Times que cette volonté de la France d’exclure les services audiovisuels du mandat de négociation faisait « partie de ce programme antimondialisation [qu'il] considère comme totalement réactionnaire ». Cette déclaration n’a pas tardé à faire réagir la classe politique française. Qu’il s’agisse du Président François Hollande, de la ministre de la culture Aurélie Filippetti, du secrétaire général adjoint de l’UMP Franck Riester, ou encore de l’eurodéputée Rachida Dati, tous ont condamné les propos de M. Barroso. De nombreux députés européens ont également dénoncé, non sans humour, ces propos sur Twitter en utilisant le hastag #jesuisréactionnaire.72

L’insistance de José Manuel Barroso, président de la Commission, sur l’inclusion de l’audiovisuel, et ses propos laissant

entendre que la France était « réactionnaire », n’ont fait qu’accroître les soupçons sur ses visées personnelles: plaire aux Américains pour obtenir un poste prestigieux à l’ONU ou à l’Otan, après la fin de son mandat européen en octobre 2014.

Lors d’une conférence de presse qui a suivi l’adoption du texte73, le commissaire de Gucht a de son côté minimisé la décision du Conseil et a annoncé que cette exclusion n’était que temporaire. Il a en effet déclaré que les services audiovisuels pourraient être de nouveau inclus si la Commission le

71

Article du journal La Croix avec l’AFP : http://www.la-croix.com/Actualite/Europe/Le-secteur-audiovisuel-exclu-du-traite-de-libre-echange-avec-les-Etats-Unis-2013-06-15-973865 - 15/06/2013

72 Jurist4media - Accord de libre-échange UE / USA : une exclusion définitive des services audiovisuels ?

18/06/2013 73

Article du journal La Croix avec l’AFP : http://www.la-croix.com/Actualite/Europe/Le-secteur-audiovisuel-exclu-du-traite-de-libre-echange-avec-les-Etats-Unis-2013-06-15-973865 15/06/2013

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jugeait utile pour l’avancée des négociations. L’élargissement de ce mandat devra néanmoins être adopté à l’unanimité par le Conseil, et donc sans veto de la part d’un de ses membres. Il semblerait donc que les services audiovisuels ne soient pas totalement à l’abri et que la mobilisation française, politique ou professionnelle, devra être maintenue jusqu’à l’adoption définitive de cet accord entre les États-Unis et l’Union Européenne

3.3.2 – Les services financiers

Washington voudrait les exclure de l'accord, contre l'avis de Wall Street. Le gouvernement américain redoute que les banques américaines ne profitent d'une harmonisation des règles pour réclamer moins de contrôles. L'exclusion des services financiers serait un revers pour les banques européennes qui souhaitent un accès plus facile à Wall Street. Mais après la culture, la finance est une nouvelle terre d'affrontement. L'UE veut mettre la régulation financière au cœur du partenariat, ce à quoi les Etats-Unis, soucieux de ne pas perdre le contrôle de leur secteur financier, s'opposent farouchement. Les liens financiers entre les Etats-Unis et l'Europe sont déjà impressionnants, représentant ainsi 60% de la banque mondiale. Les investisseurs européens détiennent pour 2.700 milliards de dollars (1.992 milliards d'euros) d'actions et obligations américaines, et la somme est pratiquement équivalente dans l'autre sens. Mais au point de vue régulation, USA et Europe divergent sensiblement, surtout lorsqu'il est question des 630.000 milliards de dollars que le segment des instruments financiers dérivés représente. La régulation au cœur du problème74 La crise financière enclenchée en 2008 a mis en lumière les différences de manière spectaculaire. Si Washington a agi avec rapidité pour résoudre les difficultés de ses banques, l'UE en est encore, cinq ans plus tard, à imposer avec peine l'ordre au sein de son système financier, tout en ayant dû aider d'urgence cinq pays du Vieux Continent. Pour ce qui concerne les dérivés proprement dits, Washington souhaite que le droit américain - et seulement lui - s'applique aux échanges impliquant des firmes américaines, quel que soit par ailleurs le lieu desdits échanges. L'Europe veut une règlementation plus affinée, qui définisse bien les responsabilités de chacun en fonction du type d'activité. Certains responsables européens vont jusqu'à évoquer la création d'institutions transatlantiques de supervision financière. Le délégué américain au Commerce Michael Froman a bien fait comprendre à Bruxelles, le 30 septembre dernier, que les voies règlementaires américaine et européenne devaient rester séparées. "Ce travail devrait se poursuivre en parallèle", avait-il déclaré. Certains responsables américains craignent qu'un accord avec l'Europe ne vienne amoindrir leur réforme majeure induite par la crise financière, à savoir le Dodd-Frank Act, un document de 848 pages qui a pris force de loi en 2010 et dont la philosophie générale est de décourager la prise de risque inconsidérée. En Europe, la régulation n'est pas source d'harmonie mais de dissonances multiples malgré les efforts déployés par Bruxelles pour imposer un système de type fédéral.

74

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/07/16/20002-20130716ARTFIG00474-le-secteur-financier-exclu-de-l-accord-de-libre-echange-ue-etats-unis.php

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3.3.3 – Les barrières douanières

Les droits de douanes entre les deux parties sont faibles : 3 % à 4 % en moyenne. Mais ils sont bien plus élevés sur certains biens. Les Européens vont donc tenter d'obtenir la suppression de pics tarifaires sur certains produits tels que le textile et l'habillement (entre 32% et 42%), ce qui pourrait bénéficier au secteur du luxe français, ou encore sur certains produits agro-alimentaires tels le fromage (100% de taxes) et les fruits et légumes (35%). Selon Emmanuelle Butaud-Stubbs, il existe une marge importante de progression pour les échanges commerciaux français et les investissements du secteur textile, actuellement les US représentent le 1er importateur (hors UE) avec lequel la France dégage un excédent commercial de 400 millions d’euros. Les droits de douanes sont actuellement très élevés sur les vêtements et les tissus de laine (25%) et encore plus sur certains produits comme les chemises pour hommes (32%). Les règlements sont également très pénalisants : les US appliquent des procédures de dédouanement très strictes qui prennent trop de temps, ce qui pose des problèmes dans les métiers où la saisonnalité des collections exige la réactivité. Concernant les normes sur les textiles, les exigences en matière de protection du consommateur varient selon les Etats du territoire américain et sont complexes. Par exemple, il existe 3 réglementations différentes sur l’inflammabilité des textiles, de nombreux tests chimiques sont réclamés (Californie) et les normes américaines sur l’étiquetage sont différentes des européennes.75 La diminution des droits de douane et l’harmonisation des normes seraient particulièrement bénéfiques aux PME qui constituent l’essentiel du secteur textile en France. On peut aussi espérer un accès plus large sur certains marchés spécifiques (textiles techniques) pour lequel la France et l’Allemagne ont un vrai savoir-faire (ouverture au marché public textile très protégé par le « Buy American Act »). Certains droits de douane sont également surprenants, comme les taxes sur les marchandises destinées à des marchés spécifiques, par exemple la vaisselle en céramique pour les hôtels et les restaurants : les importateurs doivent s’acquitter de taxes correspondant à près de 28 % du coût des articles simplement pour les exporter aux Etats-Unis. L’UE taxe également le tabac à hauteur de 350 %, ce qui permet de couvrir une partie du coût des traitements médicaux des consommateurs et d’obtenir un prix suffisamment élevé pour dissuader de nombreux fumeurs en puissance de se mettre à la cigarette. Les Etats-Unis devraient réclamer une réduction de ces taxes, mais leur appel risque de rencontrer peu d’écho en Europe.

75 Fibre2fashion.com : TTIP may boost textile trade between EU & US (july 19th)

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 92

3.3.4 – Les normes et règlements Les normes techniques, sociales et environnementales dressent contre le libre-échange des barrières non tarifaires efficaces. Leur élimination sera complexe. Mais des normes communes à l'UE et aux États-Unis deviendraient incontournables pour le reste du monde. Pour Michael Froman, représentant américain pour le commerce en visite à Bruxelles le 30 septembre, l’harmonisation des règlementations et des normes est la plus grande opportunité mais aussi le plus grand défi de cet accord.

L’idée étant que l’UE et les USA œuvrent pour la reconnaissance mutuelle de leurs règlements dans un large éventail de secteurs. Le commissaire Européen Karel de Gucht, principal négociateur pour l’Europe, se veut rassurant et tente de contrer les critiques qui prétendent que le partenariat va diluer l’ensemble des règles actuelles. Pour lui, en réalité, ce n’est qu’au cours de ces dernières décennies que l’Europe a vu ses normes s’élever à un niveau d’excellence mondiale et de leadership. C’est sur cette base que les deux acteurs ont convenu d’élever le jeu. 3.3.5 – L’agriculture Les deux parties souhaitent exporter davantage de produits agricoles, des produits laitiers côté européen et de la viande pour les Américains. Mais l'UE ne veut ouvrir ses portes ni au bœuf aux hormones américain ni aux OGM. Elle souhaite faire reconnaître ses appellations géographiques (type AOC). Les normes sanitaires et environnementales seront l'objet d'âpres marchandages. Tour d’horizon de l’économie agricole Européenne et Américaine : Les partenaires de la chaîne agroalimentaire de l’Union Européenne rappellent qu’ils :

- génèrent ensemble un chiffre d’affaires de 2 200 milliards d’Euros - fournissent un emploi direct à 33,6 millions d’Européens - produisent pour plus de 500 millions de consommateurs dans l’Union Européenne - exportent vers plus de 200 pays dans le monde

Les principaux acteurs du secteur de l’UE ajoutent que :

- les USA représentent le premier marché d’exportations des produits alimentaires et des boissons de l’UE (13,6 milliards d’euros)

- ils représentent le deuxième marché d’exportation des produits de base agricole européens (4,4 milliards d’euros)

- ce sont les troisièmes plus grands fournisseurs de matières premières agricoles de l’UE (2,1 milliards d’Euros)76

Le Copa (Comité des organisations professionnelles agricoles) et FoodDrinkEurope (association des industries agroalimentaires) voient dans le traité de libre-échange une « occasion unique d’éliminer les obstacles règlementaires inutiles, ce qui est une priorité clé ». Ceux-ci ont souligné ces faits dans

76 Article AgrarPresse – 07 Octobre 2013

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Mémoire d’Intelligence économique – Décembre 2013 93

une lettre adressée aux commissaires européens à l’industrie, au commerce à l’agriculture et à la santé. Selon ces représentants, il existe déjà une longue liste des principales mesures non tarifaires américaines qui entravent les exportations de l’UE dans le secteur agroalimentaire. Ces barrières affectent soit tous les types de produits (manque d’harmonisation au sein même des Etats-Unis, protection insuffisante des indications géographiques, y compris 17 appellations de vins, équivalence des produits biologiques…) soit plus spécifiquement les produits végétaux (contrôles phytosanitaires, protection des droits des obtenteurs…) ou animaux (embargo sur la viande bovine européenne en lien avec l’ESB, interdiction de la viande ovine d’origine UE à cause de la tremblante du mouton, restrictions pour les fromages au lait cru…) Pour ces deux associations, ce ne sont pas tant les droits de douanes qui sont un frein, puisqu’ils sont déjà relativement bas, c’est une reconnaissance mutuelle ou une harmonisation des normes qui permettra de résoudre les problèmes et cela profitera largement aux deux parties. Ce qui inquiète : L’opposition des deux modèles agricoles : Le poulet Javel Vs le poulet Label ? L’annonce de l’ouverture des négociations d’un traité de libre-échange UE - USA a très rapidement suscité des réactions de la part des partis prenantes du secteur agricole. Ainsi, tous les représentants des syndicats se sont manifestés, soit de manière médiatique (Xavier Beulin – FNSEA) soit en créant des unions d’intérêt en vue de manifester leur désaccord de manière plus puissante.

L'exception agricole française : François Hollande a souhaité faire de l'élevage sa priorité. Dans ce sens, il a affirmé qu'il ferait tout pour que l'agriculture soit préservée dans le cadre des négociations commerciales entre l'Union Européenne et les Etats-Unis. Le monde agricole français craint en effet que l'accord de libre-échange menace le modèle agricole et alimentaire français. "Ce qui nous inquiète, c'est l'opposition de deux modèles agricoles. (...) Est-ce qu'on veut du poulet javel ou du poulet label ?" avait notamment déclaré Xavier Beulin77, président de la FNSEA en juillet dernier, en référence à la pratique consistant à plonger les poulets dans une solution chlorée, courante aux États-Unis mais interdite en Europe. Le Président de la République a donc apporté des garanties de ce point de vue-là : "J'ai fait en sorte que la culture puisse être reconnue comme une exception dans la négociation, je ferai également tout pour que l'agriculture puisse être préservée dans la négociation avec les États-Unis" car "nos produits ne peuvent pas être abandonnés aux seules règles du marché". 78

Discours de François Hollande sur la PAC Sommet de l’élevage le 03 Octobre 2013 : Le Président François Hollande a tranché. La nouvelle mouture de la Politique Agricole Commune (PAC) pour 2014-2020 sera orientée en faveur des éleveurs, a annoncé le chef de l'Etat français à l’occasion du salon de l'élevage (2 octobre 2013) à Cournon. "La première priorité sera de soutenir l'élevage" qui "traverse depuis plusieurs années des difficultés structurelles. Les difficultés de travail sont plus lourdes, les coûts plus élevés, les cours plus volatils ", a expliqué le président de la République lors de son discours d’ouverture.

77

Intervention de Xavier Beulin, président de la FNSEA (appel à défendre une alimentation spécifique et non banalisée) « L’agriculture comme monnaie d’échange » La France Agricole 12 juillet 2013

78 France Info, Discours de François Hollande au Somment de l’Elevage, 03 Octobre 2013

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Entretien avec un journaliste de La France Agricole, magazine spécialisé du secteur de l’agriculture Notre contact, lors d’un entretien informel nous propose un tour d’horizon économique du marché

de l’agriculture Française Vs l’agriculture américaine. L’agriculture auparavant était exclue de l’OMC. C’est en 93-94 avec les accords du GATT que Jacques Chirac fait entrer l’agriculture française dans le marché mondial. Mais cela n’a pas bouleversé les équilibres. L’Europe tente de relancer l’agriculture, en stimulant la production et en donnant des aides (PAC) dans les secteurs suivants : blé, céréales, viande bovine. Le secteur du lait quant à lui est déjà très compétitif en UE (le premier producteur de lait au monde est l’Inde). L’UE bénéficie d’un très bon climat qui favorise cette production et les exportations sont très importantes. L’Europe produit deux fois plus de blé que les US. Et sur le secteur du blé, les USA sont n°1 de loin (les prix sont régulés). Ce sont donc des secteurs qui ne seraient presque pas impactés par la signature du traité. La question de la viande bovine L’UE n’est plus auto-suffisante en viande bovine et en volaille. Par exemple, dans le secteur de la volaille, 40% des animaux sont déjà importés. La France est de moins en moins performante sur la viande bovine de par l’enjeu de l’engraissement: la valeur ajoutée de la bête part avant qu’elle n’ait pu être engraissée. Si on augmente de 10% les importations de viande bovine cela aura un gros impact sur la France et l’Allemagne (cette dernière a beaucoup de retard sur les normes d’élevage, de 10 à 20 ans). De l’autre côté de l’Atlantique, on constate que la viande Américaine est meilleur marché. Ce qui dérange, ce sont les pratiques d’élevage intensif américaines. Mais la France se voit tentée d’utiliser le même type de pratiques. Exemple de la ferme de 1000 vaches : la peur de la production intensive fait trembler le secteur, surtout lorsque l’on voit la réaction face à ce projet (avec production d’éthanol) dans la Somme. C’est le symbole d’une agro-industrie productiviste. Concernant les pesticides, ce qui n’est pas révélé, c’est que la France est un très gros consommateur, bien plus que les USA qui ont des rendements moins intensifs dû à leurs grandes parcelles. Le traité de libre Echange UE-Canada comme modèle pour le TTIP ? Ottawa a finalement accepté de doubler le quota de fromage européen admis sans droits tarifaires, en échange d'un plus grand accès au marché européen pour les producteurs de bœuf canadiens. Cette concession a permis de débloquer les négociations mais ne fait pas que des heureux.

Les avis des syndicats et lobbyistes Pour la Coordination Rurale, la France est « le pays européen qui va certainement payer le plus lourd tribut de cet accord pour lequel on se demande si ses responsables politiques ont même donné un avis. Après les effets d'annonce de la réforme de la PAC affirmant une volonté de sauver l'élevage et les éleveurs français, voici donc la réalité : ils sont encore une fois sacrifiés au nom du dogme du libre-échange ! » Le Copa-Cogeca (syndicat et coopératives de l'UE) s'est félicité que « les canadiens acceptent de respecter les normes de qualité européennes ». Il s'inquiète toutefois « du fait que le Canada obtienne, dans le cadre de cet accord, un accès accru au marché européen pour d'importants volumes de viande bovine et porcine ».Des frictions pourraient notamment surgir dans ce dossier sur la viande et les organismes génétiquement modifiés cultivés à grande échelle aux Etats-Unis et strictement régulés dans l'UE. La filière bovine redoute l'arrivée massive de viandes produites selon des normes sanitaires et environnementales bien moins contraignantes. « Nous sommes extrêmement fâchés par cet accord dans une période où l'Europe pleure (la perte) des emplois tous les matins » en particulier dans des filières d'élevage, a affirmé la Fédération Nationale Bovine (FNB). Mais selon notre source, la question de l’emploi n’est pas non plus une bonne excuse puisque l’agriculture française ne crée plus d’emplois.

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Dans ce contexte, la France a demandé à la Commission la confirmation que cet accord (notamment dans son volet agricole) ne serve pas de précédent pour la négociation qui s'engage avec les Etats-Unis, par la voix de la ministre du Commerce, Nicole Bricq, qui demande également des « éléments sur les conséquences pour l'élevage européen ». Mais fier de son accord, M. Barroso a au contraire plaidé pour que l'accord avec Ottawa serve de « modèle pour d'autres négociations », Etats-Unis en tête. Conclusion Durant le deuxième round de négociations, qui s’est achevé le vendredi 15 novembre, les Américains ont laissé entendre une ouverture possible sur les marchés financiers. Etonnante décision puisqu’ils semblent également convaincus qu’une régulation mondiale des services financiers viendra nécessairement compléter les accords de Bâle III et les harmonisera. Selon Benoit Apparu, député UMP, cela ne s’apparenterait qu’à un geste peu coûteux pour la partie américaine mais qui permettrait d’obtenir en échange une avancée européenne sur l’exception culturelle ou l’agriculture. Côté européen, on peut se demander si les nouvelles aides accordées par François Hollande aux éleveurs n’ont pas pour vocation de mieux faire passer le traité de libre-échange. Le gouvernement n’aurait-il pas intérêt à « lâcher » sur l’agriculture pour « gagner » par exemple sur les marchés publics américains (qui représente un gros potentiel d’affaires pour les Européens) ? Car le risque pour reprendre l’expression de notre contact journaliste, est que : « lorsque l’on n’arrive pas à un accord sur tout on arrive à un accord sur rien ». Il aura fallu presque 20 ans, depuis la création de l’OMC en 1995 et le lancement du cycle de Doha il y a 12 ans pour enfin signer un accord historique de libéralisation des échanges commerciaux au sommet de l’OMC à Bali, qui a eu lieu samedi 7 décembre 2013. Cet accord représente environ 10% du cycle de Doha, mais l’Organisation a pour ambition de conclure la feuille de route du cycle en 12 mois…il concerne trois points : l'agriculture (qui promet une réduction des subventions à l'export), l'aide au développement (avec une exemption des droits de douane aux produits provenant des pays les moins avancés) et la "facilitation des échanges", qui ambitionne de réduire la bureaucratie aux frontières.

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Ce n'est pas un hasard si le lancement officiel des négociations sur le traité de libre-échange a débuté suite à la crise financière mondiale et à la crise de la dette de la zone euro. Le projet a gagné du terrain en 2011, dans un contexte de ralentissement de la croissance économique, de la hausse du chômage et des mesures controversées sur la réduction de la dette des deux côtés de l’Atlantique. La situation politique et économique des autres pays est également un facteur non négligeable de tentative de signature d’un accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis. Aujourd’hui, on pressent que la Chine va dépasser les Etats-Unis dans de nombreux secteurs économiques. La Chine est effectivement un concurrent important, l’Europe et les Etats-Unis sont pleinement conscients de sa montée en puissance et cela fait peur. Mais d’autres menaces pèsent sur les puissances occidentales : en Europe, le refus de l’Ukraine (sous influence de la Russie) de signer un accord avec l’UE confirme les ambitions de la Russie à lutter contre l’expansionnisme du modèle occidental en créant son propre bloc d’alliances. Tous ces évènements renforcent l’importance et la nécessité mais également l’intérêt pour l’Europe et les Etats-Unis de trouver un terrain d’entente. Malgré cela, nous constatons que le deuxième round de négociations du TTIP suit de près le premier dans l’avancement des négociations. Après les menaces françaises concernant l'exclusion de certains secteurs et la frilosité à voir aboutir le traité, Washington a finalement établi la marche à suivre. Une fois de plus on annonce que les négociations avancent mais rien n’apparaît “sur la table”. Les dernières discussions ont concerné le commerce électronique, les services financiers, les télécommunications, les technologies, l’automobile, l’énergie, les matières premières, les questions réglementaires (secteur médicaux, cosmétiques, chimie, pesticides…) mais pas l’ombre d’un début d’accord entre les deux parties. D’autre part, les questions soulevées concernant les craintes du public sur la protection des consommateurs doivent être éclaircies et les négociateurs en sont encore à prouver leurs bonnes intentions. Pour la société civile, des doutes subsistent et de nombreuses réponses doivent être apportées. Le risque étant que le TTIP suive le même chemin que l'ACTA (Accord Commercial Anti-Contrefaçon). Après des années de négociations l'ACTA avait été rejeté par le Parlement Européen et n’a jamais été ratifié en Europe suite à la protestation de la population qui s’était sentie piégée. Le TTIP pourrait être une réelle opportunité pour rassembler les citoyens, les entreprises, les politiciens et les institutions européennes autour d’un sujet commun, or la Commission Européenne semble faire profil bas et éviter les débats publics surtout autour des sujets controversés. Cependant, le 7 décembre 2013 sonne comme une date historique pour l’OMC qui revient sur le devant de la scène internationale : lors de leur réunion à Bali, les pays membres signent un accord in extremis sur la libéralisation des échanges. Après plus de 20 ans d’échecs sans trouver d’accords communs, peut être y aurait-il une volonté de l’OMC de redevenir le lieu d’élaboration des règles commerciales internationales ?

Conclusion

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Bibliographie

Rapports et articles

Webographie

Annexes

SOURCES et ANNEXES

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Politiques Commerciales des Grandes Puissances Lahsen Abdelmalks, 2011 Politique commerciale américaine David Dagenais et Gabriel Goyette, 2010 Fundamentals of U.S Foreign Trade Policy Stephen D. Cohen, 2003 Publications des services économiques DGTPE, 2011 Les échanges commerciaux de biens entre la France et les Etats-Unis Publications des services économiques TRESOR DIRECTION GENERALE, 2012

Négociations commerciales multilatérales et cycle de Doha : les leçons d’un échec annoncé Jean-Marc Siroën, 2011 Europamérique - Etats-Unis et Europe de L’Ouest de 1945 à nos jours – titre original « The United States and western Europe since 1945 : from « empire » by invitation to transatlantic drift » - Geir Lundestad, Oxford University Press, 2003, Groupe Eyrolles 2013 The Grand Chessboard, American Primacy and Its Geostrategic Imperatives Zbigniew Brzezinski, septembre 1998 Strategic Vision Zbigniew Brzezinski Strategic Capitalism: The New Economic Strategy for Winning the Capitalism Cold War Pr Richard D'Aveni Eclipse: Living in the Shadow of China’s Economic Dominance Arvind Subramanian, Septembre 2011 Manuel de l’Intelligence Economique Christian Harbulot, collection Major, PUF, Paris, 2012 Intelligence économique, Eric Delbecque et Jean-Renaud Fayol - Editions Vuibert, 2012 Politique commerciale des grandes puissances Labsen Abdelmalks, 2011

Bibliographie Bibliographie

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« Le commerce : source essentielle de croissance et d’emplois » Rapport de la Commission au Conseil Européen des 7 et 8 février 2013 « The Transatlantic Trade and Investment Partnership : Ambitious but Achievable » Rapport de la Fondation Bertelsmann et du Atlantic Council publié en septembre 2013. « Les bases d’une stratégie européenne de prospérité durable » Groupe de travail sur l’Europe, Friedrich Ebert Stiftung publié en septembre 2010 OMC : le cycle de Doha échoue sur l'agriculture A. R., 2008 Rapport Small Business Exporting Survey 2013 - Résultats d’une étude on-line conduite entre le 1 et le 17 mai 2013 parmi plus de 500 propriétaires de petites entreprises américaines. « Completing the Strategic Vision - The Next Step in a Beautiful Friendship » Rapport du 9 juillet 2013 Le modèle agricole français mis en danger Intervention de Xavier Beulin, président de la FNSEA Rapport de la COPA Syndicat des coopératives agricoles Septembre 2013 Dossier : “Europe - Etats-Unis : faut-il un accord de libre-échange?” Alternatives Economiques 4 juillet 2013 “Trade, partnership and politics” The Economist, 24 août 2013 Article de Lori Wallach " Le traité transatlantique, un typhon qui menace les Européens" Le Monde Diplomatique de novembre 2013, Edito de Jean Marie Colombani Challenges, 4 juillet 2013 « TTIP may boost textile trade between EU & US » Fibre2fashion.com, (july 19th) Emmanuelle Butaud-Stubbs : déléguée générale de l’Union des industries textiles Le Figaro, 13 juin 2013 « L’agriculture comme monnaie d’échange » La France Agricole 12 juillet 2013 EU observer : “The value of shared value”- 13 juin 2013 Arguments de Martin Shultz - Linkedin : 2 août 2013

Rapports et articles

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Webographie

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Annexe : Version définitive du mandat de négociation donné à la Commission Européenne par les ministres européens du Commerce lors du Conseil du 14 juin 2013.

Nature et la portée de l’Accord 1. L’accord contiendra exclusivement des dispositions sur les zones commerciales et liées au commerce applicables entre les parties. L’accord devrait confirmer que le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement est basé sur des valeurs communes, notamment la protection et la promotion des droits de l’homme et de la sécurité internationale. 2. L’accord doit être global, équilibré et pleinement compatible avec les règles et obligations de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). 3. L’accord prévoit la libéralisation réciproque du commerce des biens et services ainsi que des règles sur les questions liées au commerce, avec un haut niveau d’ambition d’aller au-delà des engagements actuels de l’OMC. 4. Les obligations de l’Accord seront obligatoires pour tous les niveaux de gouvernement. 5. L’accord devrait être composé de trois éléments principaux: (a) l’accès au marché, (b) les questions de règlementation et les barrières non tarifaires (BNT), et (c) les règles. Les trois composantes seront négociées en parallèle et feront partie d’un engagement unique assurant un résultat équilibré entre l’élimination des droits et l’élimination des obstacles règlementaires inutiles aux échanges et une amélioration des règles, ce qui conduit à un résultat substantiel dans chacun de ces composants et l’ouverture effective des uns et des autres marchés. Préambule et principes généraux 6. Le préambule se souviendra que le partenariat avec les États-Unis est fondé sur des principes et des valeurs cohérentes avec les principes et les objectifs communs de l’action extérieure de l’Union. Il fera référence, notamment, à: - Des valeurs communes dans des domaines tels que les droits de l’homme, des libertés fondamentales, la démocratie et la primauté du droit; - L’engagement des parties envers le développement durable et la contribution du commerce international au développement durable dans ses dimensions économiques, sociales et environnementales, notamment le développement économique, le plein emploi productif et un travail décent pour tous, ainsi que la protection et la préservation de l’environnement et des ressources naturelles; - L’engagement des parties à un accord dans le plein respect de leurs droits et obligations découlant de l’OMC et de soutien du système commercial multilatéral; - Le droit des Parties de prendre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs légitimes de politique publique sur la base du niveau de protection de la santé, de la sécurité, du travail, des consommateurs, de l’environnement et de la promotion de la diversité culturelle telle qu’elle est prévue dans la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qu’ils jugent appropriées; - L’objectif commun des Parties de prendre en compte les défis particuliers auxquels font face les petites et moyennes entreprises en contribuant au développement du commerce et de l’investissement; - L’engagement des Parties de communiquer avec toutes les parties intéressées, y compris le secteur privé et les organisations de la société civile.

Annexes

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Objectifs 7. L’objectif de l’accord est de réaliser le potentiel inexploité d’un véritable marché transatlantique, générant de nouvelles opportunités économiques pour la création d’emplois et la croissance grâce à un accès accru aux marchés, une plus grande compatibilité de la règlementation et la définition de normes mondiales. 8. L’accord devrait reconnaître que le développement durable est un objectif fondamental des Parties et qu’il visera à assurer et faciliter le respect des accords et des normes environnementales et sociales internationales tout en favorisant des niveaux élevés de protection de l’environnement, du travail et des consommateurs, compatible avec l’acquis européen et la législation des Etats membres. L’accord devrait reconnaître que le commerce ou l’investissement direct étrangers ne seront pas encouragés par l’abaissement de la législation en matière de travail ou de santé au travail, de l’environnement et des normes ou des politiques et des lois visant à protéger et promouvoir la diversité culturelle fondamentale du travail. 9. L’accord ne doit pas contenir des dispositions qui risquent de porter atteinte à l’Union ou à la diversité culturelle et linguistique de ses États membres, notamment dans le secteur audiovisuel ni limiter le maintien par les États membres des politiques et mesures existantes en faveur du secteur de l’audiovisuel compte tenu de son statut spécial au sein du droit de l’UE. L’accord n’aura aucune incidence sur la capacité de l’Union et de ses Etats membres à mettre en œuvre des politiques et des mesures pour tenir compte du développement de ce secteur dans l’environnement numérique. ACCÈS AUX MARCHÉS Commerce des marchandises 10. Droits de douane et autres exigences sur les importations et les exportations Le but sera d’éliminer tous les droits sur le commerce bilatéral, avec l’objectif commun de parvenir à une élimination substantielle des droits de douane dès l’entrée en vigueur et une suppression progressive de tous les tarifs les plus sensibles dans un court laps de temps. Au cours des négociations, les deux parties examineront les options pour le traitement des produits les plus sensibles, notamment les contingents tarifaires. Tous les droits de douane, taxes, redevances ou taxes sur les exportations et les restrictions quantitatives à l’exportation vers l’autre partie qui ne sont pas justifiées par des exceptions découlant de l’Accord seront supprimées dès l’application de l’accord. Les négociations devront traiter des questions concernant les derniers obstacles au commerce des biens à double usage qui affectent l’intégrité du marché unique. 11. Règles d’origine Les négociations viseront à concilier l’UE et les approches américaines pour les règles d’origine d’une manière qui contribue à la facilitation du commerce et prend en compte les intérêts des producteurs de l’Union européenne. Elles devraient également viser à assurer que des erreurs administratives soient traitées de façon appropriée. Suite à l’analyse de la Commission de ses conséquences économiques possibles, et en consultation préalable avec le Comité de la politique commerciale, les possibilités de cumul avec des pays qui ont conclu des accords de libre-échange (ALE) avec l’Union européenne et les Etats-Unis seront considérées. 12. Exceptions générales L’accord comprend une clause d’exception générale fondée sur les articles XX et XXI du GATT. 13. Mesures antidumping et compensatoires L’accord devrait inclure une clause sur les mesures antidumping compensatoires, tout en reconnaissant que l’une des Parties peut prendre des mesures appropriées contre le dumping et/ou les subventions compensatoires conformément à l’Accord de l’OMC sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 ou de l’Accord de l’OMC sur les subventions et les mesures compensatoires. L’accord devrait établir un dialogue régulier sur les questions de défense commerciale. 14. Garanties Afin de maximiser les engagements de libéralisation, l’accord devrait contenir une clause de

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sauvegarde bilatérale par laquelle chaque partie peut retirer, en partie ou en totalité, les préférences où une hausse des importations de produits de l’autre partie cause ou menace de causer un dommage grave à son industrie nationale. Le commerce des services et l’établissement et la protection des investissements 15. L’objectif des négociations sur le commerce des services sera de lier le niveau autonome existant de la libéralisation des deux parties au plus haut niveau de libéralisation capturé dans les ALE existants, tout en cherchant à atteindre de nouveaux accès au marché en éliminant les obstacles d’accès au marché de longue date restants, reconnaissant le caractère sensible de certains secteurs. En outre, les Etats-Unis et l’UE vont inclure des engagements contraignants pour fournir des processus de transparence, d’impartialité et raison en ce qui concerne l’octroi de licences et les exigences de qualification et de procédures, ainsi que pour améliorer les disciplines règlementaires inclus dans les ALE américains et européens actuels. 16 Les parties doivent convenir d’accorder un traitement non moins favorable pour l’établissement sur leur territoire des entreprises, des filiales ou des succursales de l’autre Partie que le traitement accordé à leurs propres sociétés, filiales ou succursales, en tenant dûment compte de la nature sensible de certains secteurs spécifiques. 17. L’accord devrait élaborer un cadre pour faciliter la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles. 18. L’accord ne fait pas obstacle à l’application des exceptions sur la fourniture de services justifiables en vertu des règles pertinentes de l’OMC (articles XIV et CATS XIV bis). La Commission devrait également s’assurer que rien dans l’accord n’empêche les parties d’appliquer leurs lois, règlementations et exigences nationales concernant l’entrée et le séjour, pourvu que, ce faisant, ils n’annulent ou ne compromettent les avantages découlant de l’Accord. Les lois, règlements et exigences de l’UE et des États membres concernant le travail et les conditions de travail continuent de s’appliquer. 19. La haute qualité des services publics de l’UE devrait être préservée conformément au TFUE et, en particulier au protocole n°26 sur les services d’intérêt général, et en tenant compte de l’engagement de l’UE dans ce domaine, notamment l’AGCS. 20. Les services fournis dans l’exercice du pouvoir régalien tel que défini par l’article I.3 de l’AGCS doivent être exclus de ces négociations. 21. Les services audiovisuels ne seront pas couverts par le présent chapitre. 22. L’objectif des négociations sur l’investissement sera de négocier la libéralisation des investissements et des dispositions y compris les zones de compétence mixte, tels que les investissements de portefeuille, les biens et les aspects d’expropriation protection, sur la base des niveaux les plus élevés de la libéralisation et les normes les plus élevées de protection que les deux parties ont négocié à ce jour. Après consultation préalable avec les Etats membres et en conformité avec le traité de l’UE, l’inclusion de la protection des investissements et le règlement des différends investisseur-État dépendra de savoir si une solution satisfaisante, répondant aux intérêts de l’UE concernant les questions visées par le paragraphe 23, est atteinte. 23. En ce qui concerne la protection des investissements, l’objectif des dispositions correspondantes de l’accord devrait: - Assurer le plus haut niveau possible de protection et de sécurité juridique pour les investisseurs européens aux États-Unis, - Assurer la promotion des normes européennes de protection qui renforcent l’attractivité de l’Europe, qui devraient augmenter en tant que destination pour les investissements étrangers, - Assurer une égalité des chances pour les investisseurs aux États-Unis et dans l’UE, - S’appuyer sur l’expérience et les meilleures pratiques en ce qui concerne leurs accords d’investissement bilatéraux avec des pays tiers des États membres, - Et devrait être sans préjudice du droit de l’UE et les États membres d’adopter et appliquer, conformément à leurs compétences respectives, les mesures nécessaires pour poursuivre des objectifs légitimes de politique publique tels que la cohésion sociale, l’environnement, la sécurité, la

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stabilité du système financier, la santé publique et de la sécurité d’un manière non discriminatoire. L’accord doit respecter les politiques de l’UE et de ses États membres pour la promotion et la protection de la diversité culturelle. Champ d’application: le chapitre de l’Accord de protection des investissements devrait couvrir un large éventail d’investisseurs et leurs investissements, les droits de propriété intellectuelle inclus, si l’investissement est réalisé avant ou après l’entrée en vigueur de l’accord. Normes de traitement: les négociations devraient viser à inclure en particulier, mais pas exclusivement, les normes suivantes de traitement et de règles: a) traitement juste et équitable, y compris une interdiction des mesures déraisonnables, arbitraires ou discriminatoires, b) le traitement national, c) le traitement de la nation la plus favorisée, d) la protection contre l’expropriation directe et indirecte, y compris le droit à une indemnisation rapide, adéquate et efficace, e) la pleine protection et la sécurité des investisseurs et des investissements, f) les autres dispositions de protection efficaces, comme une «clause générale», g) le libre transfert des fonds de capital et les paiements par les investisseurs, h) les règles concernant la subrogation. Application: l’accord devrait viser à inclure un mécanisme de règlement des différends investisseur-État efficace et à la pointe, assurant la transparence, l’indépendance des arbitres et la prévisibilité de l’accord, y compris à travers la possibilité d’interprétation contraignante de l’Accord par les Parties. Le règlement des différends d’État à État devrait être inclus, mais ne devrait pas interférer avec le droit des investisseurs d’avoir recours à des mécanismes de règlement des différends investisseur-État. Il devrait fournir aux investisseurs un large éventail d’arbitrages comme actuellement disponibles en vertu d’accords bilatéraux d’investissement des États membres. Il faudrait envisager la possibilité de créer un mécanisme d’appel, applicable à l’investisseur, de règlement des différends de l’Etat en vertu de l’Accord, et à la relation appropriée entre ISDS et voies de recours internes. Relations avec les autres parties de l’accord: les dispositions de protection des investissements ne doivent pas être liées aux engagements d’accès au marché de l’investissement prises ailleurs dans l’Accord. Les ISDS ne devraient pas s’appliquer aux dispositions d’accès au marché. Ces engagements d’accès au marché peuvent inclure, si nécessaire, des règles interdisant les exigences de performance. Toutes les autorités infranationales et des entités (comme les États ou les municipalités) doivent effectivement se conformer aux dispositions du chapitre du présent accord de protection des investissements. Marchés publics 24. L’accord doit viser l’ambition maximale, en complément de l’issue des négociations de l’Accord sur les marchés publics révisé en termes de couverture (entités de passation des marchés, des secteurs, des seuils et des contrats de services, y compris dans la construction publique notamment). L’accord visera à améliorer l’accès mutuel aux marchés publics à tous les niveaux administratifs (national, régional et local), et dans les domaines des services publics, couvrant opérations pertinentes d’entreprises opérant dans ce domaine et d’assurer un traitement non moins favorable que celui accordé aux fournisseurs établis localement. L’accord doit également inclure des règles et disciplines pour surmonter les obstacles ayant un impact négatif sur les marchés publics de chacun, y compris les exigences de localisation, et celles qui s’appliquent aux procédures d’appel d’offres, les spécifications techniques, les procédures de recours et les exclusions existantes, y compris pour les petites et moyennes entreprises entreprises, en vue d’accroître l’accès au marché, et le cas échéant, la rationalisation, la simplification et l’amélioration de la transparence des procédures. Questions réglementaires et les barrières non tarifaires 25. L’accord visera à éliminer les obstacles inutiles au commerce et à l’investissement y compris les

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obstacles non tarifaires existants par le biais de mécanismes efficaces et efficients, par la promotion d’un niveau ambitieux de compatibilité de la réglementation des biens et services, notamment par la reconnaissance, l’harmonisation et en renforçant la coopération mutuelle entre les régulateurs. La compatibilité de la réglementation doit se faire sans préjudice du droit de réglementer en fonction du niveau de la santé, de la sécurité, du travail et protection de l’environnement et la diversité culturelle que chaque partie juge approprié, ou autrement la réalisation des objectifs légitimes de réglementation, et sera en conformité avec les objectifs fixés au paragraphe 8. À cette fin, l’accord doit comprendre des dispositions relatives aux questions suivantes: - Les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) Sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, les négociations doivent suivre les directives de négociation adoptées par le Conseil le 20 février 1995 (doc. 4976/95). Les Parties mettent en place des dispositions qui s’appuient sur l’accord SPS de l’OMC et sur les dispositions de l’accord vétérinaire existant; elles introduisent des disciplines en ce qui concerne la santé des végétaux et mettent en place un forum bilatéral afin d’améliorer le dialogue et la coopération sur les questions SPS. Dans les zones couvertes par l’accord vétérinaire de l’UE-États-Unis en vigueur, les dispositions pertinentes doivent être considérées comme le point de départ des négociations. Les dispositions du chapitre SPS s’appuieront sur les principes essentiels de l’Accord SPS de l’OMC, y compris l’exigence que les mesures SPS de chaque côté se fondent sur la science et sur les normes internationales ou des évaluations scientifiques des risques, tout en reconnaissant le droit pour les parties à évaluer et gérer les risques en conformité avec le niveau de protection que chaque partie juge approprié, en particulier lorsque les preuves scientifiques sont insuffisantes, mais appliquée seulement dans les mesures nécessaires à protéger la santé humaine, animale ou végétale, et développée de manière transparente, sans retard injustifié. L’accord devrait également viser à établir des mécanismes de coopération sur la protection des animaux entre les parties. L’accord devrait chercher à assurer une transparence totale en ce qui concerne les mesures sanitaires et phytosanitaires applicables au commerce, en particulier d’établir des dispositions pour la reconnaissance de l’équivalence, la mise en œuvre de la pré-liste des établissements producteurs de denrées alimentaires, ce qui empêche la mise en œuvre de pré-dédouanement, la reconnaissance de la maladie l’état de santé gratuit et exempt de parasites des Parties et du principe de régionalisation pour les maladies animales et des ravageurs des plantes. - Réglementations techniques, normes et procédures d’évaluation de la conformité S’appuyant sur les engagements pris par les parties en vertu de l’Accord de l’OMC sur les obstacles techniques au commerce (OTC), les Parties doivent également établir des dispositions afin de renforcer et de compléter ces dispositions, en vue de faciliter l’accès à leurs marchés respectifs, et établir un mécanisme pour de meilleurs dialogues et coopérations pour résoudre les problèmes de TBT bilatérales. Les objectifs de ces dispositions seraient de donner une plus grande ouverture, la transparence et la convergence des approches et des exigences réglementaires et des processus d’élaboration de normes connexes, également en vue de l’adoption de normes internationales pertinentes, ainsi que, entre autres, de réduire les essais redondants et onéreux et les exigences de certification, de promouvoir la confiance dans nos organismes d’évaluation de conformité respectifs, et renforcer la coopération en matière d’évaluation de la conformité et les questions de normalisation dans le monde. Il faut également tenir compte des dispositions relatives à l’étiquetage et les moyens d’éviter des informations trompeuses pour les consommateurs. - Cohérence de la réglementation L’accord comprendra des disciplines transversales sur la cohérence réglementaire et de transparence pour le développement et la mise en œuvre de l’efficacité, coût-efficacité, et une réglementation plus compatibles pour les biens et services, y compris les premières consultations sur les règlements importants, l’utilisation d’études d’impact, évaluations, l’examen périodique des mesures réglementaires existantes, et l’application des bonnes pratiques réglementaires. - Les provisions sectorielles L’accord comprendra des dispositions ou annexes contenant des engagements ou des mesures visant à promouvoir la compatibilité de la réglementation dans des biens d’un commun accord et des

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secteurs de services supplémentaires, avec l’objectif de réduire les coûts découlant de différences de réglementation dans des secteurs spécifiques, y compris l’examen des approches relatives à l’harmonisation réglementaire, équivalence ou la reconnaissance mutuelle, le cas échéant. Cela devrait inclure des dispositions spécifiques et de fond et de procédures dans des secteurs d’une importance considérable pour l’économie transatlantique, y compris, mais sans s’y limiter, l’automobile, les produits chimiques, les produits pharmaceutiques et d’autres industries de la santé, de l’information et de la communication et des services financiers. Le but sera d’éliminer les obstacles non tarifaires existants, empêcher l’adoption de nouvelles barrières non tarifaires et d’assurer l’accès au marché à un niveau supérieur à celui fourni par des règles horizontales de l’accord. En ce qui concerne les services financiers, les négociations devraient également viser à des cadres communs pour la coopération prudentielle. 26. L’accord comprend également un cadre pour identifier les opportunités et pour guider la poursuite des travaux sur les questions de réglementation, y compris les dispositions qui prévoient une base institutionnelle pour exploiter le résultat des discussions réglementaires ultérieurs dans l’accord global. 27. L’accord sera obligatoire pour tous les régulateurs et les autres autorités compétentes des deux Parties. RÈGLES Droits de propriété intellectuelle 28. L’accord porte sur des questions liées aux droits de propriété intellectuelle. L’accord reflètera la grande valeur accordée par les deux parties sur la protection de la propriété intellectuelle et s’appuiera sur le dialogue UE-USA existant dans ce domaine. 29. Les négociations devraient, en particulier, s’adresser aux zones les plus pertinentes pour favoriser l’échange de biens et services avec un contenu IP, en vue de soutenir l’innovation. Les négociations doivent viser à assurer une protection et une reconnaissance accrues des indications géographiques de l’UE grâce à l’accord, d’une manière complète et s’appuyant sur les « TRIPS », en abordant également la relation avec leur utilisation avant le marché américain dans le but de résoudre les conflits existants de manière satisfaisante. Après consultation préalable du Comité de la politique commerciale, les questions d’IPR supplémentaires doivent être prises en considération dans les négociations. 30. L’accord ne doit pas contenir des dispositions relatives aux sanctions pénales. Commerce et développement durable 31. L’accord comprendra des engagements pris par les deux parties en ce qui concerne les aspects du travail et de l’environnement du commerce et du développement durable. Une attention particulière sera accordée aux mesures visant à faciliter et promouvoir le commerce des produits respectueux de l’environnement et économe en ressources, services et technologies, y compris au moyen de marchés publics écologiques et de soutenir les choix d’achat éclairées par les consommateurs. L’accord comprend également des dispositions visant à promouvoir le respect et l’application effective des normes et des accords convenus au niveau international dans le domaine du travail et de l’environnement comme une condition nécessaire pour le développement durable. 32. L’accord comportera des mécanismes pour soutenir la promotion du travail décent à travers l’application nationale efficace de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les normes fondamentales du travail, telles que définies dans la Déclaration de l’OIT de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux, les Accords multilatéraux sur l’environnement pertinents travail et ainsi que l’amélioration de la coopération sur les aspects liés au commerce du développement durable. L’importance de la mise en œuvre et l’application de la législation nationale sur le travail et l’environnement doit être soulignée ainsi. Il convient également de prévoir des dispositions à l’appui des normes internationalement reconnues en matière de responsabilité sociale des entreprises, ainsi que de conservation, de gestion durable et de promotion du commerce légal et durable des

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ressources naturelles, comme le bois, la faune ou la pêche. L’accord prévoira le suivi de la mise en œuvre de ces dispositions par le biais d’un mécanisme de participation de la société civile, ainsi que d’un relatif au règlement des différends. 33. Les impacts économiques, sociaux et environnementaux seront examinés au moyen d’une évaluation indépendante de l’impact sur le développement durable (SIA), impliquant la société civile, seront menées en parallèle avec les négociations et seront finalisés avant la signature de l’accord. Le SIA visera à préciser les effets probables de l’accord sur le développement durable, ainsi qu’à proposer des mesures (dans les domaines commerciaux et non-commerciaux) afin de maximiser les avantages de l’Accord et de prévenir ou de minimiser les impacts négatifs potentiels.�La Commission veille à ce que la SIA se déroule dans un dialogue régulier avec tous les acteurs concernés de la société civile. Au cours des négociations, la Commission doit également maintenir un dialogue régulier avec tous les acteurs concernés de la société civile. Douanes et facilitation du commerce 34. L’accord doit comprendre des dispositions visant à faciliter le commerce entre les Parties, tout en veillant à l’efficacité des contrôles et des mesures anti-fraude. À cette fin, il doit comprendre des engagements, entre autres, sur les règles, les exigences, les formalités et les procédures des parties liées à l’importation, l’exportation et le transit, à un niveau d’ambition élevé, allant au-delà des engagements négociés à l’OMC. Ces dispositions devraient promouvoir la modernisation et la simplification des règles et des procédures, la documentation standard, la transparence, la reconnaissance mutuelle des normes et la coopération entre les autorités douanières. Accords commerciaux sectoriels 35. L’accord devrait, le cas échéant, examiner, étoffer et compléter les accords commerciaux sectoriels existants, tels que l’accord entre la Communauté européenne et les États-Unis sur le commerce du vin, notamment en ce qui concerne les négociations des termes visés à l’annexe II de l’accord de 2005, l’accord de reconnaissance mutuelle entre la Communauté européenne et les États-Unis et l’Accord entre la Communauté européenne et les États-Unis d’Amérique sur la coopération douanière et d’assistance administrative mutuelle en matière douanière. Commerce et Concurrence 36. L’accord devrait inclure des dispositions sur la politique de concurrence, y compris les dispositions relatives aux lois antitrust, les fusions et les subventions. En outre, l’accord doit traiter les monopoles d’État, les entreprises publiques et entreprises bénéficiant de droits spéciaux ou exclusifs. Échanges liés à l’énergie et aux matières premières 37. L’accord comprendra des dispositions concernant le commerce et les aspects liés à l’investissement de l’énergie et des matières premières. Les négociations devraient viser à assurer un environnement commercial ouvert, transparent et prévisible en matière d’énergie et à garantir un accès libre et durable aux matières premières. Les petites et moyennes entreprises 38. L’accord comprendra des dispositions sur les aspects liés au commerce des petites et moyennes entreprises. Mouvements de capitaux et paiements 39. L’accord comprendra des dispositions sur la libéralisation des paiements courants et mouvements de capitaux, et inclura une clause de statu quo. Il comprendra des dispositions dérogatoires (par exemple en cas de difficultés graves pour la politique monétaire et de taux de change, ou de la surveillance prudentielle et de la fiscalité), qui seront en conformité avec les dispositions du traité UE sur la libre circulation des capitaux. Les négociations doivent tenir compte

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des sensibilités attachées à la libéralisation des mouvements de capitaux qui ne sont pas liées à l’investissement direct. Transparence 40. L’accord portera sur les questions de transparence. À cette fin, il comprendra des dispositions sur: - L’engagement de consulter les parties prenantes à l’avance de l’introduction de mesures ayant un impact sur le commerce et l’investissement; - La publication des règles générales et des mesures ayant un impact sur le commerce et l’investissement dans les biens et les services internationaux; - La transparence en ce qui concerne l’application de mesures ayant un impact sur le commerce et l’investissement dans des biens ou des services internationaux. 41. Rien dans cet accord ne devrait affecter le droit de l’UE ou des États membres concernant l’accès du public aux documents officiels. Autres domaines 42. Suite à l’analyse de la Commission et après consultation préalable avec le Comité de la politique commerciale et en conformité avec les traités de l’UE, l’accord peut comporter des dispositions concernant d’autres domaines liés à la relation commerciale et économique où, au cours des négociations, l’intérêt mutuel a été exprimé à le faire. Cadre institutionnel et dispositions finales 43. Cadre institutionnel L’accord mettra en place une structure institutionnelle afin d’assurer un suivi efficace des engagements découlant de l’Accord, ainsi que de promouvoir la réalisation progressive de la compatibilité des régimes réglementaires. 44. La Commission, dans un esprit de transparence, fera régulièrement rapport au Comité de la politique commerciale sur le cours des négociations. La Commission, selon les traités, peut faire des recommandations au Conseil sur d’éventuelles directives de négociation supplémentaires sur toute question, avec les mêmes procédures d’adoption, y compris les règles de vote, que celles de ce mandat. 45. Règlement des différends L’accord comprendra un mécanisme de règlement des différends approprié, qui fera en sorte que les parties respectent les règles convenues. L’accord devrait inclure des dispositions pour expédient de résolution de problèmes comme un mécanisme de médiation flexible. 46. L’accord qui fera foi de façon égale dans toutes les langues officielles de l’UE, doit comporter une clause linguistique.