rapport de stage (samuel fortin-lambert)

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Samuel Fortin-Lambert Matricule : 972893 RAPPORT DE STAGE PLONGÉE AU CŒUR DE LÉVALUATION DE LAIDE INTERNATIONALE CANADIENNE Les violences sexuelles à l’est de la République démocratique du Congo Présenté à Mme Christine Rothmayr POL6214 : Rapport analytique de stage Université de Montréal Département de science politique Jeudi 19 mars 2020

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Samuel Fortin-Lambert Matricule : 972893

RAPPORT DE STAGE

PLONGÉE AU CŒUR DE L’ÉVALUATION DE L’AIDE INTERNATIONALE CANADIENNE Les violences sexuelles à l’est de la République démocratique du Congo

Présenté à Mme Christine Rothmayr

POL6214 : Rapport analytique de stage

Université de Montréal

Département de science politique

Jeudi 19 mars 2020

TABLE DES MATIÈRES

Introduction 1

Partie I – Aperçu de l’organisation et description de l’expérience 2 – 15

1. Affaires mondiales Canada, un monde en soi 2 – 8

1.1. Un ministère à trois têtes en quête de repères 2 – 4

1.2. La PAIF, fer-de-lance de la politique étrangère canadienne 4 – 8

2. Déroulement du stage, mandat et tâches accomplies 8 – 15

2.1. Rôle et mandat d’un évaluateur au sein de la fonction publique 8 – 10

2.2. Principales tâches et activités auxquelles j’ai pris part 10 – 13

2.3. Observations sur le milieu professionnel 13 – 15

Partie II – Analyse d’un enjeu politique en lien avec le stage 15 – 30

3. Une dynamique régionale complexe et multifactorielle 18 – 23

3.1. Pression démographique et porosité des frontières 18 – 21

3.2. Richesses empoisonnées et conflits larvés 21 – 23

4. Les violences sexuelles révélatrices d’une volonté de domination 24 – 31

4.1. L’usage systématique des violences sexuelles à l’est de la RDC 24 – 26

4.2. Le viol en temps de guerre, le viol comme arme de guerre 26 – 31

Conclusion 31 – 32

Bibliographie 32 – 33

Annexes I – VI

LISTE DES ACRONYMES ACDI Agence canadienne de développement international ADO Aide au développement officiel AFD Agence française de développement AMC Affaires mondiales Canada APD Aide public au développement CAD Comité d’aide au développement CNDP Congrès national pour la Défense du Peuple DFID Département du développement international du Royaume-Uni ENABEL Agence belge de développement FARDC Forces armées de la République Démocratique du Congo FDLR Front démocratique de libération du Rwanda FPR Front Patriotique Rwandais HET Formation sur les milieux hostiles MAECI Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international MONUSCO Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC OCDE Organisation de coopération et de développement économiques OCHA Bureau de la coordination des affaires humanitaires ODD Objectifs de développement durable OIM Organisation internationale pour les migrations ONU Organisation des Nations unies PAIF Politique d’aide internationale féministe du Canada PARECO Patriotes résistants congolais PFM Secteur des politiques stratégiques PMEC Comité de la mesure du rendement et de l’évaluation PNUD Programme des Nations unies pour le développement POR Direction de la recherche sur les politiques étrangères et la prospective PRA Direction de l’évaluation de l’aide internationale PRD Direction générale de l’évaluation et des résultats PRE Direction de l’évaluation de la diplomatie, du commerce et des affaires corporatives PSS Séminaire sur la sécurité personnelle (PSS) RDC République démocratique du Congo RJP Réseau des jeunes professionnels SIDA Agence suédoise de développement et de coopération internationale UNFPA Fonds des Nations unies pour la population UNHCR Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés UNICEF Fonds des Nations unies pour l’enfance USAID Agence des États-Unis pour le développement international

1

INTRODUCTION

Alors que nous assistons depuis le début du 21e siècle à de profondes mutations sur la

scène internationale – caractérisées par la multiplication des crises impliquant un nombre

grandissant d’acteurs – plusieurs États ont réorienté au cours des dernières années leurs

priorités en matière d’aide au développement. C’est ainsi que dans le cadre des

engagements pris par la communauté internationale à l’issue des négociations ayant mené

à l’élaboration du Programme de développement durable à l’horizon 2030, le Canada a fait

le choix de dédier une part importante de son aide internationale aux initiatives visant à

protéger et à renforcer les conditions de vie ainsi que les droits des femmes et des filles

dans les pays les plus fragiles. Selon le Fragile State Index 2019 du think tank américain

Fund for Peace, la République démocratique du Congo (RDC) se situe au 5e rang des pays

les plus fragiles de la planète, en raison notamment de graves problèmes de gouvernance,

de la faible qualité de ses services publics et d’un manque criant d’infrastructures. Le pays

est également aux prises avec de nombreux défis tel qu’une insécurité élevée –

particulièrement à l’Est – et de grandes inégalités de richesses.

Le présent rapport aura pour principal objectif de présenter mon expérience au sein de

la Direction de l’évaluation de l’aide internationale (PRA) et de retranscrire le plus

fidèlement possible les grandes lignes des mois passés en tant que stagiaire au sein d’une

équipe chargée d’évaluer la programmation canadienne en RDC1. Pour ce faire, je

m’attarderai quelques instants au fonctionnement d’Affaires mondiales Canada (AMC) et

présenterai les principales transformations ayant marqué son histoire. J’essaierai également

de décrire succinctement les rouages de l’institution, les principaux défis auxquels elle est

confrontée ainsi que la nature de sa mission. Par la suite, il s’agira de faire le point sur le

déroulement de mon expérience, de présenter le mandat ainsi que les tâches m’ayant été

confiées, et de résumer les dynamiques et relations de travail au sein de mon équipe. Une

fois ces principaux éléments abordés, je réfléchirai à un enjeu m’ayant particulièrement

marqué, la question à la fois sensible et complexe des violences sexuelles à l’est de la RDC,

et tenterai d’éclairer les causes structurelles de cette violence.

1 Ensemble des programmes publics et des projets bilatéraux et multilatéraux faisant l’objet d’un financement canadien sur le territoire national de la République démocratique du Congo entre 2012 et 2019.

2

PARTIE I – APERÇU DE L’ORGANISATION ET DESCRIPTION DE L’EXPÉRIENCE

1. Affaires mondiales Canada, un monde en soi

1.1. Un ministère à trois têtes en quête de repères

En intégrant le ministère, j’imagine que comme moi, tout stagiaire peut être ébloui par

le décorum des lieux et prend nécessairement la mesure d’une telle organisation qui, de par

sa taille et sa complexité, déstabilise autant qu’elle impressionne. La culture institutionnelle

au sein de ce ministère prestigieux est à la fois très fortement ancrée dans une longue

tradition et bien différente selon le domaine dans lequel l’on peut être amené à travailler

au fil de son cheminement professionnel. En effet, la nature fondamentalement différente

du travail effectué par un diplomate du service extérieur, un délégué commercial ou un

agent de développement est caractéristique de ce mastodonte, encore en gestation, et dont

le fonctionnement découle des réorganisations successives ayant marqué l’institution au fil

des 20e et 21e siècles.

Historiquement, en tant que Dominion de l’Empire britannique, le Canada s’est borné

à aligner ses positions en matière de politique étrangère sur celles édictées par Londres et

ce n’est qu’après la ratification du Statut de Westminster en décembre 1931 que le

gouvernement canadien obtient sa souveraineté et avec elle son autonomie sur le plan

diplomatique. Il faudra attendre plus de cinquante ans et le rapatriement de la Constitution

par le gouvernement de Pierre Elliot Trudeau en 1982 pour que soit fusionné le ministère

des Affaires étrangères avec celui du Commerce international. La forme actuelle du

ministère – nommé Affaires mondiales Canada en 2015 – est le résultat de la dernière

fusion en date entre le Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international

(MAECI) et l’Agence canadienne de développement international (ACDI) survenue en

2013 sous le gouvernement de Stephen Harper. Les conséquences de cette édification

progressive de l’institution, ayant abouti à la fusion de trois entités ministérielles sous un

même toit, sont encore palpables aujourd’hui. Effectivement, les rôles et responsabilités

des différents domaines d’action du ministère demeurent parfois flous et sont

périodiquement réalignés sur les priorités édictées par le puissant Bureau du conseil privé

3

ainsi que par le Cabinet du premier ministre, deux acteurs centraux du pouvoir exécutif

fédéral canadien. Ces transformations sont toutefois savamment orchestrées puisque la

mission ainsi que le fonctionnement actuel du ministère sont déterminées à partir d’un

cadre légal reposant sur un éventail de documents stratégiques et administratifs bien précis.

La Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement paru

en 2013 clarifie ainsi la teneur des accords entre le ministère et les différents paliers de

gouvernement, la structure hiérarchique de l’organisation, la composition des comités de

direction ainsi que les droits et compétences spécifiques d’Affaires mondiales Canada2.

Sur le plan administratif, de nombreux documents précisent le fonctionnement interne

du ministère. Parmi ceux-ci, on retrouve le Plan ministériel qui réitère annuellement les

engagements et les pistes d’action d’AMC en matière de politique étrangère, de commerce

international et d’aide au développement. Ce document fournit également les principales

priorités et orientations stratégiques du ministère et demeure en soi un document clé afin

d’identifier les attentes du gouvernement fédéral en matière de résultats et d’objectifs à

atteindre au terme de l’année fiscale. C’est également ce document qui présente en détail

les ressources allouées spécifiquement au ministère dans le cadre du Budget des dépenses

soumis annuellement à la Chambre des communes par le ministre des Finances. Ainsi pour

l’exercice 2019-2020, le budget d’Affaires mondiales Canada s’élève à plus de six

milliards et demi de dollars dont environ quatre milliards et demi sont consacrés au

développement et aux programmes de paix et sécurité.

En termes de ressources humaines, le ministère emploie plus de onze mille personnes

dont près de la moitié servent au sein de l’une des 270 représentations du Canada réparties

dans 180 pays à travers le monde. Élément marquant de mon expérience en tant que

stagiaire au sein d’AMC, la gestion de cette immense machine, et particulièrement

l’attribution des contrats d’emplois par les ressources humaines, est un sujet de

préoccupation largement rependu parmi les jeunes employés ; la complexité des processus

d’embauche étant un sujet de conversation récurrent. Cette situation découle

essentiellement du gel des embauches décrété sous les gouvernements de Steven Harper

entre 2006 et 2015, décision ayant eu des impacts importants et dont les conséquences sont

2 L.C. 2013, ch. 33, art. 174

4

encore aujourd’hui bien visibles alors que la structure hiérarchique du ministère

s’apparente à une pyramide inversée et que les ouvertures de poste donnent lieu à de

véritables cohues entre les nouveaux employés cherchant à décrocher une permanence.

Bien que la gestion des défis internes à l’organisation soient un enjeu important qui

préoccupe autant les employés que la direction – je pourrais également m’étendre sur le

caractère particulièrement vétuste des dispositifs informatiques ou de certains processus

plutôt arides – l’essentiel du quotidien des fonctionnaires du ministère est relativement

semblable à toute grande entreprise puisqu’il consiste à travailler d’arrache-pied pour

satisfaire les objectifs ministériels et se conformer à un ensemble d’échéances et de

directives propres au mandat de leurs directions respectives.

1.2. L’aide internationale féministe, fer-de-lance de la politique étrangère canadienne

Depuis l’arrivée au pouvoir des Libéraux de Justin Trudeau en 2015, l’aide

internationale canadienne a fait l’objet d’une réflexion ayant abouti en 2017 à l’annonce

par Marie-Claude Bibeau – alors ministre du Développement international et de la

Francophonie – de la mise sur pied d’une nouvelle politique cohérente en matière d’aide

internationale, la Politique d’aide internationale féministe du Canada (PAIF). Celle-ci

prend appui sur les Objectifs de développement durable (ODD) issu du Programme de

développement durable à l’horizon 2030 piloté par l’ONU qui vise à éradiquer la pauvreté

et restaurer la paix partout dans le monde d’ici dix ans3.

Prenant appui sur le cinquième engagement portant sur l’égalité entre les sexes, la

PAIF fait de l’autonomisation des femmes et des filles et de la lutte contre les violences

sexuelles et fondées sur le genre les priorités structurantes de l’aide publique au

développement (APD) canadienne à l’international. Les critères encadrant l’APD du

Canada sont eux issus de la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement

officielle (ADO). Celle-ci stipule que l’aide canadienne doit fonder son action sur la

réduction de la pauvreté, la promotion de la démocratie et le respect des droits de la

personne et s’accorder à la fois avec les valeurs canadiennes et les principes de la

3 Politique d’aide internationale féministe du Canada, 2017, page 7.

5

Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide4. Ce texte de loi précise également les

modalités d’intervention, estimant que toute initiative du Canada en matière d’aide

internationale doit être élaborée et mise en œuvre dans l’optique de « promouvoir le

développement économique et le bien-être des pays en développement »5 ou avoir pour

objectif premier « d’alléger les effets d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine ou

de toute autre situation d’urgence »6.

Depuis sa mise en œuvre, la Politique d’aide internationale féministe du Canada est

en quelque sorte la boussole qui oriente les décisions prises par les différentes équipes en

charge de l’élaboration des programmes. Dans les grandes lignes, la PAIF stipule que 15%

de l’aide bilatérale au développement international doit désormais être exclusivement

consacré à la mise sur pied d’initiatives vouées à améliorer la qualité de vie des femmes et

des filles et à faire avancer l’égalité des genres. Par le biais de cette politique, le Canada

s’est ainsi engagé à lutter contre les violences sexuelles et fondées sur le genre, à soutenir

les organisations de défense des droits des femmes, à améliorer la capacité institutionnelle

du secteur public et à obtenir des données probantes susceptibles d’orienter les actions en

matière d’égalité des genres7. L’autonomisation des femmes et des filles et la défense de

leurs droits est ainsi au cœur de l’aide au développement officielle du Canada alors que les

six champs d’action énoncés dans la PAIF ont en commun de s’attaquer à des enjeux qui

touchent directement les femmes et les filles. À cet égard, le Canada s’inscrit dans le sillage

de l’Agence suédoise de développement et de coopération internationale (SIDA) –

précurseure en matière d’intégration du genre – puisqu’il s’est engagé de manière

croissante depuis une vingtaine d’années en faveur des femmes et des filles. Signataire de

la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU réaffirmant le rôle primordial des

femmes dans la prévention des conflits, le Canada préside ainsi depuis 2000 le Groupe des

amis des femmes, de la paix et de la sécurité composée de cinquante-trois États qui

prennent conjointement la défense des intérêts des femmes et des filles sur une base

régulière au sein des différentes instances onusiennes.

4 L.C. 2008, ch. 17. 5 Ibid. 6 Ibid. 7 Ibid., p. 18.

6

La voie à suivre pour concrétiser les principes et les engagements canadiens dans ce

domaine est présentée dans le Plan d’action national du Canada pour la mise en œuvre

des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sur les femmes, la paix et la sécurité 2017-

2022. Ce plan détaille en long et en large les mesures prises par le Canada à l’international

afin de soutenir les organisations de la société civile présentes dans les pays en

développement, l’accès aux services en santé sexuelle et reproductive ainsi que des

initiatives publiques visant à renforcer la participation des femmes aux décisions

susceptibles d’avoir un impact sur leurs conditions de vie au quotidien. Les pistes d’actions

énoncées dans ce plan visent également à permettre un meilleur accès des femmes et des

filles à la justice pour combattre plus efficacement l’impunité dont elles peuvent être

victimes, alors que certaines croyances et comportements sexistes à leur endroit demeurent

particulièrement prégnants à l’échelle mondiale.

L’implication marquée du Canada au sein des instances de concertations multilatérales

en faveur des femmes et des filles et la promotion du rôle essentiel joué par ces dernières

dans le cadre des processus de paix est un élément essentiel de la politique étrangère

canadienne depuis un certain nombre d’années et contribue de manière importante à son

rayonnement au sein de la communauté internationale. Pour mener à bien l’implémentation

de la PAIF, Affaires mondiales Canada a également la lourde tâche de coordonner les

efforts conjoints de plusieurs agences gouvernementales et ministères fédéraux impliqués

dans les programmes de développement et de stabilisation. Le ministère de la Défense, les

Forces armées canadiennes et la Gendarmerie royale sont les principaux partenaires du

plan d’action énoncé précédemment, alors que ces institutions jouent un rôle essentiel dans

les États fragiles et touchés par des conflits. En plus de ces acteurs, le ministère de la

Sécurité publique, Condition féminine Canada, Réfugiées et Citoyenneté Canada ainsi que

le ministère de la Justice participent à titre de partenaires de soutien à la mise en place du

Plan d’action 2017-2022. En matière d’aide internationale, le Canada entretient également

des relations privilégiées avec de nombreuses agences de développement et de coopération

étrangères telles que l’Agence des États-Unis pour le développement international

(USAID), le Département du développement international du Royaume-Uni (DFID),

l’Agence française de développement (AFD) et son équivalent belge, ENABEL.

7

Le Canada interagit aussi avec une multitude d’organisations internationales

impliquées dans le domaine de l’aide au développement et dont les rôles et responsabilités

varient énormément. La mission à laquelle j’ai pris part en République démocratique du

Congo fin septembre fut d’ailleurs pour moi une occasion inédite de mieux cerner la nature

de ces relations. Au fil de mon séjour, j’ai ainsi pu observer les liens étroits entretenus par

le Canada avec l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE),

très impliquée dans les différentes initiatives internationales visant à améliorer l’efficacité

de l’aide et favoriser le développement social et économique du pays. Nos échanges avec

la Banque mondiale à Kinshasa ont également laissé entrevoir qu’en dépit de moyens

relativement restreints – limitant sa capacité à financer des projets d’infrastructures de

grande ampleur – le Canada est particulièrement reconnu et apprécié par ses pairs pour son

implication au sein des groupes interbailleurs responsables de la coordination de l’aide.

Par ailleurs, j’ai également constaté qu’à travers sa mission diplomatique, le Canada

entretient des liens étroits avec bon nombre d’agences onusiennes telles que le Bureau de

la coordination des affaires humanitaires (OCHA), le Programme des Nations unies pour

le développement (PNUD), le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA),

l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), Le Haut-Commissariat des

Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) ou encore le Fonds des Nations unies pour

l’enfance (UNICEF), avec lequel le Canada a mis sur pied un projet d’enregistrement des

naissances à l’échelle nationale, repris depuis par la Banque mondiale. Le Canada

maintient également une proximité avec la Mission de l'Organisation des Nations unies

pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), dont le retrait

fait l’objet de pressions croissantes alors que son implication dans plusieurs cas de trafic et

d’exaction contre la population plane sur la mission et ternit considérablement son image.

Hormis les agences de l’ONU énumérées précédemment, le Canada développe de

nombreux partenariats avec des ONG internationales telles qu’Oxfam ou Médecins du

Monde et prend part à quelques-unes des initiatives de la Croix-Rouge qui demeure une

organisation particulièrement active en RDC, notamment sur le plan de l’aide humanitaire

et du soutien aux populations les plus vulnérables. Comme nous avons pu le voir, à travers

sa Politique d’aide internationale féministe, Affaires mondiales Canada est sur la scène

8

internationale l’un des acteurs de premier plan en ce qui a trait à la défense des intérêts des

femmes et les filles. Suite à cette présentation du ministère et de son action, je m’attarderai

au fil des prochains paragraphes à détailler mon expérience au sein de la Direction de

l’évaluation de l’aide internationale en expliquant brièvement sa fonction et en quoi

consiste le travail d’évaluateur de programme au sein de la fonction publique fédérale.

Enfin, je présenterai la nature du mandat qui m’a été attribué et partagerai quelques-unes

des observations issues de mon expérience au sein de cette équipe.

2. Responsabilités, déroulement du stage et impressions générales

2.1 Rôle et mandat d’un évaluateur de programme au sein de la fonction publique

Autrefois entièrement effectuée par des firmes indépendantes – sous supervision et

avec le soutien d’équipes restreintes du MAECI et de l’ACDI – l’évaluation de programme

a progressivement été internalisée au sein d’Affaires mondiales Canada et est désormais

sous la responsabilité de la Direction générale de l’évaluation et résultats (PRD).

Centralisant l’ensemble des fonctions d’évaluation au sein du ministère, PRD est

subdivisée en deux équipes d’une trentaine de personnes réparties entre la Direction de

l’évaluation de l’aide internationale (PRA) et la Direction de l’évaluation de la diplomatie,

du commerce et des affaires corporatives (PRE). Le rôle principal de PRD étant d’éclairer

la haute direction d’AMC quant à l’état des programmes touchant les trois champs

d’actions du ministère, elle rend directement compte de ses travaux à la sous-ministre

adjointe du Secteur des politiques stratégiques (PFM), Mme Elissa Golberg8.

Le mandat de PRD s’inscrit dans le cadre du Plan ministériel quinquennal d’évaluation

d’AMC et se réfère à la Politique sur les résultats – entrée en vigueur en juillet 2016 sous

l’impulsion du Conseil du Trésor du Canada – dont le but est de permettre une meilleure

réalisation et une bonne compréhension des résultats attendus à l’échelle du gouvernement

ainsi que les ressources utilisées pour y parvenir. En d’autres mots, c’est cette politique qui

clarifie les normes à respecter en matière de rendement et d’évaluation afin de permettre la

production d’informations fiables et détaillées destinées, tant à la prise de décision

8 Pour plus de détails sur la structure hiérarchique de PFM, voir l’annexe II.

9

ministérielle, qu’à informer la population. À noter que pour satisfaire cette politique, des

équipes d’évaluation similaires à la nôtre ont été implantés dans l’ensemble des agences et

ministères fédéraux. Les exigences d’évaluation spécifiques à PRA sont issues des critères

en matière d’évaluation de l’aide internationale découlant des directives et

recommandations formulées par le Comité d’aide au développement (CAD) de

l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). C’est donc à

partir de ces critères, actualisés régulièrement lors de réunions entre les pays membres du

CAD que PRA a mené, au cours des cinq dernières années, des évaluations couvrant la

programmation canadienne au Sénégal, aux Philippines, en Colombie et en Ukraine. Parmi

les évaluations ayant récemment été lancées, on retrouve une évaluation thématique portant

sur le genre au Moyen-Orient ainsi que les évaluations des programmes du Pérou, de

l’Éthiopie et de l’Afghanistan. L’évaluation de la République démocratique du Congo sur

laquelle j’ai été amené à travailler fut quant à elle lancée en février 2019 et devrait prendre

fin avec la présentation de notre rapport final devant le Comité d’évaluation et de mesure

de la performance (PMEC) chargé de son approbation avant sa publication.

Mon expérience de stage à Affaires mondiales Canada s’est étalée sur huit mois au

cours desquels j’ai pris une part active à l’évaluation de la programmation canadienne en

République démocratique du Congo au sein d’une petite équipe de trois autres agents

chargés d’examiner les résultats obtenus au cours de la période 2012-2019. Les longues

semaines d’attentes ayant précédé le début de mon entrée en fonction comme stagiaire au

sein du ministère ont été marquées par l’envoi d’une panoplie de formulaires qui m’ont

laissé entrevoir la complexité des processus administratifs et contribué à forger mes

attentes vis-à-vis de mon futur stage. Lorsque j’ai finalement obtenu ma cote de fiabilité –

aboutissement d’une enquête de sécurité et véritable sésame pour accéder aux

infrastructures gouvernementales – j’ai tout de suite été appelé à me déplacer à Ottawa.

Dès les premiers jours de mon stage, j’ai réalisé qu’un poste au sein de la fonction publique

peut parfois être synonyme d’une courbe d’apprentissage particulièrement prononcée en

raison notamment du caractère singulier de la mécanique bureaucratique de

l’administration publique. Ce sont tout d’abord la lourdeur des processus administratifs,

10

l’organigramme tentaculaire9 et la constellation d’acronymes qui m’ont frappé alors que la

moindre conversation, la moindre réunion ou le moindre document consulté laissent

entrevoir cette novlangue qu’il faudra bien apprivoiser si l’on veut maîtriser les ficelles de

cet univers complexe.

C’est ainsi qu’au cours des premières semaines passées avec mon équipe, j’ai réalisé

que tout en étant tenus de respecter un cadre relativement rigide, propre à l’évaluation de

programmes et aux exigences de notre hiérarchie, nous disposions d’une certaine latitude

dans la manière d’approcher le travail qui nous était confié. L’évaluation étant un domaine

assez nouveau pour moi, je ne me suis cependant pas senti trop dépaysé puisque l’on m’a

d’abord confié des tâches de recherche plutôt similaires à la nature du travail auquel j’ai

été habitué durant mon parcours universitaire. Dans un premier temps, mon mandat initial

s’est donc essentiellement résumé à compléter la revue des projets financés par le Canada

en RDC et à examiner tous documents susceptibles de nous permettre de répondre à nos

six questions d’évaluation. Ces questions vouées à orienter notre travail au fil du processus

d’évaluation étaient divisées en deux grands thèmes chers au ministère : la capacité de

réponse et la souplesse de la programmation canadienne dans les États fragiles et touchés

par les conflits ainsi que la cohérence des programmes et des politiques du ministère. Une

bonne partie de mon temps fut ainsi consacré à cette tâche dont le cœur du travail se

résumait à chercher, répertorier et synthétiser les plans de mise en œuvre et rapports fournis

par les partenaires d’exécution présents en RDC ainsi que les documents d’approbation et

de suivi complétés par des collègues travaillant dans les secteurs concernés.

2.2 Principales tâches et activités auxquelles j’ai pris part

Alors que les premiers mois de mon stage se sont résumés à un emploi du temps assez

répétitif, essentiellement rythmé par la recherche de documents enfouis dans les méandres

du système de sauvegarde plutôt daté du ministère ; la seconde partie de mon stage –

marquée par une mission officielle en République démocratique du Congo – s’est avérée à

la fois fort pertinente et riche d’enseignements. Au fil des mois j’ai pris une part croissante

9 Consulter Annexe I pour visualiser l’organigramme complet du ministère.

11

aux activités de mon équipe et participé à l’ensemble des étapes de l’évaluation, les tâches

attribuées par ma gestionnaire ont ainsi progressivement gagné en complexité au fil du

temps pour se conclure par la rédaction du rapport final. De manière générale, mon

quotidien fut ponctué par de nombreuses réunions et conférences ainsi que par des séries

d’entretiens menés auprès d’employés du ministère partie prenantes de notre évaluation10,

mais aussi avec des responsables d’organisations bénéficiant du financement d’AMC en

RDC. Des tâches administratives m’étaient également attribuées par ma directrice adjointe

de manière sporadique et un nombre incroyable d’heures de travail furent consacrés à

remplir des formulaires et à se conformer à certains processus internes nécessaires, mais

particulièrement laborieux.

Avec les quatre autres stagiaires présents à l’été puis au cours de l’automne, j’ai

contribué au développement de la page web dédiée à PRA et PRE sur le portail interne

d’Affaires mondiales. En outre, le réseautage étant très valorisé au sein du ministère, j’ai

également intégré le Réseau des jeunes professionnels (RJP) en relayant auprès de ma

direction la campagne de sensibilisation à la précarité des employés contractuels ayant eu

lieu au cours de l’automne. Très intéressé par les enjeux de politique étrangère, j’ai

également pris part à plusieurs conférences et ateliers organisés par la Direction de la

recherche sur les politiques étrangères et la prospective (POR) et partagé avec mes

collègues un bref résumé des usages potentiels de leurs recherches pour notre travail

d’évaluation.

Au fil de mon parcours, j’ai également pris part à un certain nombre de formations

obligatoires ou optionnelles. Parmi celles-ci, quelques formations de base à compléter dans

le premier mois du stage, mais aussi des formations beaucoup plus poussées en prévision

de la mission en RDC telles que le Séminaire sur la sécurité personnelle (PSS) prodiguant

des techniques d’autodéfense et astuces diverses susceptibles d’améliorer notre vigilance

face aux situations potentiellement dangereuses. Plus récemment, j’ai participé au cours

d’Introduction à l’analyse des conflits offert par l’Institut canadien du service extérieur. La

formation m’ayant le plus marqué demeure toutefois celle sur les milieux hostiles (HET),

10 Secteur responsable de l’aide directe du Canada aux pays de l’Afrique subsaharienne (WGM), Secteur des partenariats pour l’innovation et le développement (KFM), Secteur des enjeux mondiaux et du développement (MFM), Secteur de la sécurité internationale et des affaires politiques (IFM)

12

offerte par le Centre de formation pour le soutien de la paix des Forces armées canadiennes

situé sur la base militaire canadienne de Kingston. Ayant pour objectif de préparer les

fonctionnaires canadiens déployés dans des pays considérés à risque, cette formation

immersive offre des outils pratiques aux participants afin de les aider à se repérer, à éviter

et à gérer les risques inhérents aux pays fragiles et touchés par des conflits11. Si cette

semaine passée à Kingston fut sans doute l’une des expériences les plus singulières à

laquelle j’ai participé, ce fut également l’occasion de découvrir Kingston, ancienne capitale

du Canada-Uni entre 1841 et 1844 et son imposante forteresse située au confluent du fleuve

Saint-Laurent, du Canal Rideau et du lac Ontario.

Les cinq derniers mois de mon stage ont été de loin les plus intenses et les plus

intéressants alors que nous avons dû préparer la mission de collecte de données en RDC

prévue du 20 septembre au 5 octobre 2019 et accélérer la cadence de notre évaluation afin

de boucler la rédaction de notre rapport final avant les fêtes de fin d’année. Véritable temps

fort de mon expérience de stage, la quinzaine de jours passés en République démocratique

du Congo fut une expérience à la fois inoubliable et particulièrement éprouvante. Réduite

à trois en raison d’un problème de visa ayant abouti au renvoi de l’un de mes collègues au

Canada, mon équipe et moi avons dû réévaluer nos déplacements à l’intérieur du pays et

nous répartir la charge de travail initialement prévu pour quatre. En l’espace de deux

semaines, j’ai ainsi été amené à rencontrer et interviewer les principaux partenaires de

mises en œuvre du Canada situés à travers le pays12 afin de recueillir leurs impressions sur

l’état de l’aide au développement dans le pays en plus de discuter avec les bénéficiaires

d’une dizaine de projets financés par AMC à Kinshasa et dans l’est du pays.

Le premier tiers de la mission a été consacré aux rencontres avec les agences de l’ONU,

les organisations internationales présentes sur place et les représentations diplomatiques

des États-Unis, de la Suède, de la Grande-Bretagne, de l’Union européenne et de l’ancienne

puissance coloniale belge. Les jours suivants ont été l’occasion pour nous de réunir – en

partenariat avec l’ONU et l’OCDE – la plupart des représentants ministériels congolais

impliqués dans l’aide au développement, certains des partenaires cités précédemment ainsi

11 Consulter l’annexe IV pour davantage d’informations à ce sujet. 12 Se référer à l’annexe V.

13

qu’un bon nombre d’organisations non gouvernementales (ONG) œuvrant sur le terrain.

L’objectif de cet atelier, prévu de longue date, était de valider les résultats d’une étude

portant sur la cartographie du système – qui consiste à évaluer la force des liens unissant

les acteurs d’un réseau donné – que nous avions lancée avec un consultant externe engagé

spécifiquement pour cette tâche. Enfin, le dernier tiers de notre mission nous a mené au

Nord-Kivu et en Ituri13, provinces accablées depuis de nombreuses années par des

violences communautaires ayant fait des milliers de victimes au sein de la population

civile, en particulier les femmes et les filles victimes de nombreuses exactions à caractère

sexuel. À notre retour au Canada, nous nous sommes lancés de plain-pied dans l’analyse

de la quantité impressionnante de données collectées depuis les débuts du processus à

l’hiver 2019. Au cours des semaines suivantes, nous nous sommes ainsi réparti les

principaux thèmes abordés par l’évaluation, les avons analysés séparément pour ensuite

nous rencontrer périodiquement afin de partager les constats se dégageant de l’analyse des

notes d’entrevues et des documents amassés au fil des mois. Responsable des questions

relatives au contexte de conflit et de fragilité, aux résultats en matière de protection de

l’enfance et à tout ce qui touchait aux enjeux de durabilité, je me suis ainsi plongé pendant

près de deux mois dans la recherche minutieuse de preuves susceptibles de nourrir notre

analyse conjointe. Ce n’est que fin janvier 2020, près de trois semaines après la fin de mon

stage, nous avons enfin terminé le gros du rapport et entrepris la phase de validation de nos

recommandations et pistes d’engagements en collaboration avec les secteurs d’AMC

impliqués tout au long du processus.

2.3 Observations sur le milieu professionnel et sur les rapports interpersonnels

Le temps passé auprès de la Direction de l’évaluation de l’aide internationale fut une

opportunité unique de prendre pied au sein de la fonction publique fédérale et de travailler

dans un environnement correspondant autant à mes objectifs professionnels qu’à mes

intérêts pour les enjeux internationaux contemporains. Les relations de travail au sein de

ma direction m’ont semblé particulièrement professionnelles, la dynamique de travail

13 Régions verdoyantes bordant les Grands Lacs et le massif des Virunga qui longent la frontière ouest de l’Ouganda et du Rwanda (Pour situer ces provinces, se référer à l’annexe III).

14

favorisant plutôt la transparence, l’entraide et une forme de camaraderie. Ainsi, en dépit de

ma maigre expérience en évaluation, mes supérieurs ont rapidement su mettre à profit mes

compétences en matière de recherche, d’analyse et de rédaction. Ma connaissance du

français semble d’ailleurs avoir été un atout de poids lors de mon embauche, alors que les

francophones sont très en demande au sein du ministère et que dans le cadre de notre travail

d’évaluation, nous sommes et serons régulièrement appelés à travailler essentiellement au

sein de pays francophones. À ce titre, on a régulièrement fait appel à moi afin de vérifier

et corriger bon nombre de documents destinés à être distribués à l’interne ou publiés, les

exigences ministérielles pour la présentation d’informations dans les deux langues

officielles étant assez stricte.

La charge de travail étant par ailleurs plutôt importante – quoique inégale – et les

échéances souvent serrées, il est clair que la capacité de tout un chacun à faire preuve

d’autonomie et à se montrer innovant dans la résolution des problèmes était des qualités

appréciées et valorisées par la direction. Même si au quotidien, les interactions avec mes

collègues et mes supérieurs immédiats étaient plutôt décontractées, la hiérarchie demeure

néanmoins omniprésente au sein du ministère, notamment dans le cadre des réunions ou

de tout exercice de communication émanant des cadres tels que les sous-ministres, sous-

ministres adjoints et directeurs généraux. D’ailleurs, depuis quelques mois, l’arrivée d’une

nouvelle directrice générale à la tête de PRD m’a permis d’observer les impacts d’un

changement de direction. Son entrée en fonction a ainsi donné lieu à la présentation de sa

Vision stratégique de la fonction d’évaluation ayant pour but de clarifier ses intentions et

de réitérer l’importance qu’elle accorde à l’idée que nous parlions d’une même voix dans

le cadre de nos rapports d’évaluation.

Mon cheminement au sein du ministère m’a également amené à réfléchir à la forme

actuelle de l’aide publique au développement dans un contexte mondialisé caractérisé par

la domination des intérêts économiques et la multiplication des crises politiques, sociales

et environnementales. Avec l’expérience acquise au cours des derniers mois, j’ai pu

constater qu’à titre d’évaluateur, nous avons la possibilité de nous adresser directement aux

plus hautes sphères de la fonction publique fédérale et ainsi éventuellement peser sur

certaines décisions susceptibles de produire de réels effets. J’aimerais croire que notre

15

capacité à plaider en faveur de changements ayant un impact sur les pratiques du ministère

contribue à améliorer les conditions de vie des bénéficiaires de l’aide canadienne.

Néanmoins, l’enchevêtrement d’acteurs aux intérêts parfois divergents, la lourdeur des

processus décisionnels et l’immobilisme de certaines institutions internationales me

laissent penser que le chemin à parcourir pour parvenir aux objectifs du Programme de

développement durable 2030 sera une source de défis importante pour l’aide internationale

du Canada au cours de la décennie à venir.

PARTIE II – ANALYSE D’UN ENJEU POLITIQUE EN LIEN AVEC LE STAGE

La République Démocratique du Congo est un vaste pays d’Afrique centrale dont

les frontières actuelles furent tracées par les puissances coloniales européennes à l’issue de

la Conférence de Berlin en 1885. C’est dans ce contexte de légitimation des territoires

coloniaux que l’immense bassin du fleuve Congo, progressivement colonisé par les Belges

au cours des années précédentes, fut déclaré possession personnelle du roi Léopold II et le

demeurera jusqu’à son annexion au sein de l’empire colonial belge en 1908. L’accession

du pays à l’indépendance le 30 juin 1960 marqua le début d’une ère d’instabilité politique

se soldant par un coup d’État en novembre 1965 portant Mobutu Sese Seko au pouvoir.

Renommé Zaïre de 1971 à 1997, le régime mobutiste, réputé brutal et autoritaire, perdurera

jusqu’en 1997 lorsque Laurent Désiré Kabila s’empara du pouvoir soutenu entre autres par

des milices tutsies ayant fui le Rwanda au cours du génocide de 199414.

Les guerres qui s’en suivirent – Première et Deuxième Guerre du Congo, Guerre

du Kivu – ont eu des impacts socioéconomiques majeurs alors que les violences n’ont

jamais réellement cessé à l’est du pays, provoquant d’importants déplacements de

population15. Depuis l’accord de Sun City signé en 2002 et censé mettre fin à la Deuxième

Guerre du Congo, le pays a vu une résurgence ponctuelle de combats impliquant divers

belligérants, notamment dans les provinces orientales du Nord-Kivu et de l’Ituri. Après des

14 NAEPELS, MICHEL, « Violence et impunité à proximité du pouvoir », p. 79. 15 Ibid.

16

années de tensions politiques intenses entre 2015 et 2018, les dernières élections

présidentielles de décembre 2018 ont porté au pouvoir l’opposant Felix Tshisekedi qui

remplace ainsi Joseph Kabila à la tête du pays depuis l’assassinat de son père Laurent

Désiré en janvier 200116. Cette élection, bien que contestée, marque néanmoins la première

transition politique pacifique vécue par le pays depuis l’indépendance 60 ans plus tôt.

Comptant près de 80 millions d’habitants, la RDC est le pays d’Afrique

francophone le plus peuplé et sa superficie de 2 345 410 km2 en fait le second pays le plus

vaste du continent. Étant un pays très riche en ressources naturelles, la RDC présente ainsi

pour de nombreux acteurs un immense potentiel sur le plan économique tout en attirant les

convoitises de ses voisins. Par ailleurs, l’état de déliquescence du pays est tel que pour le

Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), malgré le fait que la RDC

ait « amélioré ses performances économiques ces dernières années, sa fragilité globale s’est

aggravée, essentiellement sous l’effet de la détérioration de la dimension politique et de la

dimension sécuritaire »17.

En 2018, l’indice de développement humain était de 0.459, plaçant le pays au 179e

rang des 189 pays18 et territoires recensés par l’ONU. Par ailleurs, la même année le taux

d’extrême pauvreté19 était estimé à 73% de la population, faisant de la RDC le pays de

l’Afrique subsaharienne ayant le plus fort taux de pauvreté après le Nigéria20. Au cours des

dernières années, le pays a aussi face à de nombreuses catastrophes naturelles, qui ont

affecté et affectent durablement les conditions de vie de populations déjà très vulnérables.

De plus, depuis la fin de l’été 2018, le pays fait face à une épidémie d’Ebola principalement

dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri déjà confrontées à de nombreuses violences

intercommunautaires. L’instabilité et l’insécurité présentes dans ces régions ont compliqué

considérablement la réponse à l’épidémie ayant fait près de 2300 morts selon les derniers

chiffres datant de février 2020. Sur le plan social, l’égalité des genres et la lutte contre les

violences sexuelles et fondées sur le genre demeurent des enjeux importants. Ainsi, selon

la Banque mondiale, en RDC 52% des femmes auraient subi des violences physiques dès

16 Ibid., p. 80. 17 PNUD, Rapport sur le développement humain 2019.République démocratique du Congo, 2019. 18 BANQUE MONDIALE, République démocratique du Congo - Vue d'ensemble, 15 avril 2019. 19 Revenu équivalent à moins de deux dollars par jour. 20 Ibid.

17

l’âge de 15 ans et 27% auraient été confrontés à des violences sexuelles, l’exactitude de

ces données étant néanmoins difficilement vérifiables au regard de la complexité du

contexte congolais.

Considérant la place centrale occupée par la question dans le cadre des priorités

canadiennes en matière d’aide internationale, nous aborderons ici la douloureuse question

des violences sexuelles à l’est de la République démocratique du Congo. Pour ce faire,

nous articulerons notre analyse autour de quelques-unes des perspectives historiques,

géopolitiques et sociologiques issues de l’abondante littérature universitaire disponible.

Autrement dit, il s’agira de traiter cette problématique multidimensionnelle en nous

intéressant à quelques-uns des évènements ayant forgé l’histoire de ce pays-continent à la

fois immensément riche et affecté par les conflits. En explorant les causes profondes de

l’usage quasi systématique des violences sexuelles à l’est de la RDC21, nous tenterons, au

fil de notre réflexion, de répondre à la question de recherche suivante : en quoi les violences

sexuelles commises à l’est de la République Démocratique du Congo constituent-elles une

entreprise organisée de domination politique ? Cette question nous paraît essentielle, car

elle permet d’envisager les violences sexuelles non pas comme des faits isolés et

individuels, restreints à l’espace privé, mais comme un problème social profondément

ancré dans un contexte précis. En lançant sa Politique d’aide internationale féministe en

2017, Affaires mondiales Canada était d’ailleurs consciente du rôle clé joué par les femmes

dans la prévention des conflits ainsi que dans les processus de consolidation de la paix. Or,

au fil de l’évaluation du programme de la RDC, j’ai peu à peu constaté que très peu

d’analyses faisaient directement références aux racines historiques et politique des

violences sexuelles dans la région des Grands Lacs.

Nous nous pencherons au fil de notre réflexion sur deux éléments susceptibles

d’éclairer la complexité de la situation d’insécurité qui subsiste dans la région des Grands

Lacs et les violences sexuelles persistantes dont sont victimes les femmes et les filles vivant

dans cette région. Par conséquent, nous nous intéresserons dans un premier temps aux

origines du problème en tentant de comprendre la situation ethno démographique de cette

région et les dynamiques de violences intercommunautaires persistantes qui en découlent.

21 Op.cit., NAEPELS, MICHEL, p. 92.

18

Il s’agira d’examiner dans un second temps, le caractère systémique des violences sexuelles

commises à l’est de la RDC et les éventuelles motivations politiques sous-jacentes à cette

forme de terrorisation indiscriminée perpétrée contre les populations civiles.

3. Une dynamique régionale complexe et multifactorielle

3.1 Pression démographique et porosité des frontières

La région des Grands Lacs, vaste zone géographique située aux abords de la Vallée du

Grand Rift qui traverse l’Afrique de l’Est et dont la portion congolaise est couverte par les

provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et de l’Ituri, est caractérisée par une occupation

asymétrique du territoire ainsi que par un maillage communautaire complexe en partie

hérité du tracé arbitraire des frontières coloniales. Effectivement, l’expérience du

découpage des frontières par les anciennes puissances coloniales demeure encore

aujourd’hui l’un des principaux marqueurs historiques de la fracture vécue par les peuples

habitant cette région meurtrie par une succession de conflits interminables. Alors que sous

l’administration coloniale belge les communautés peuplant la région ont été soumises à un

régime de hiérarchisation culturelle et juridique, s’apparentant au régime de l’indigénat

alors en vigueur dans les colonies françaises, les populations hutues et tutsies, vivant

principalement au Rwanda et au Burundi, ont été instrumentalisées par le régime colonial

dans un contexte de compétition régionale pour l’accès aux terres et aux ressources. Ces

pratiques consistant à diviser pour mieux régner, semble ainsi avoir contribué à accroître

les rancœurs historiques entre Tutsis et Hutus, une haine ayant finalement accouché du

génocide de près d’un million de Tutsies entre les mois d’avril et juillet 1994.

Lors de notre séjour en RDC à l’automne 2019, la situation humanitaire dramatique

découlant de la succession de guerres ayant poussé sur les routes des centaines de milliers

de femmes, d’hommes et d’enfants au fil des dernières années était bien visible. Que ce

soit à Bunia ou à Goma, nous avons ainsi constaté l’existence de nombreux camps de

réfugiés fuyant l’épidémie et les exactions commises par des groupes armés aux abords de

la frontière orientale du Congo. Alors que la crise sanitaire provoquée par la réapparition

du virus Ebola et les violences causées par les Forces démocratiques alliées (ADF) –

19

groupe armé d’origine ougandaise – a durement touché l’Ituri et dans une moindre mesure

le Nord-Kivu, l’État congolais ne semble pas avoir la volonté politique nécessaire, ni la

capacité de prendre en charge les populations victimes de ces fléaux. Cette incapacité des

pouvoirs politiques successifs à s’investir réellement dans le règlement des conflits et dans

l’effort humanitaire n’est pas un fait nouveau. Néanmoins l’apathie du pouvoir central

illustre la difficulté qu’à le gouvernement actuelle, dirigé par Félix Tshisekedi, à affirmer

sa souveraineté sur une région excentrée et sujette aux ingérences politiques et

économiques des pays frontaliers. Après plus de vingt ans de conflits presque

ininterrompus pour le contrôle des abondantes ressources minières de la région des Grands

Lacs, il est estimé que les violences auraient causé la mort de plus de sept millions de

personnes22, faisant de l’est de la République Démocratique du Congo, le théâtre des

affrontements les plus meurtriers depuis la Seconde Guerre mondiale23.

Si les causes de cette situation sont multiples et difficilement saisissables, c’est en

partie parce que les conflits récents trouvent racine dans la multiplicité des acteurs

impliqués dont la satisfaction des intérêts politique et économique se fait au détriment des

populations civiles. Au premier abord, l’instabilité de la région, l’extraction illicite des

richesses du sous-sol par des groupes armés, l’état des infrastructures et une administration

locale gangrenée par la corruption sont autant de facteurs expliquant la pérennisation du

conflit dans le temps et l’affaiblissement progressif de l’État congolais. En revanche,

lorsque l’on se penche sur les origines du génocide rwandais et des guerres du Congo,

l’impact de la colonisation sur la configuration des antagonismes communautaires demeure

un élément explicatif essentiel des luttes actuelles pour le contrôle des richesses agricoles,

forestières et minières dont regorgent l’Est congolais.

Les tensions communautaires actuelles et les combats faisant rage dans les zones les

plus reculées des Kivu et de l’Ituri sont également le résultat des nombreux

bouleversements démographiques ainsi que le fait d’une compétition accrue pour les terres

ayant provoqué au cours des dernières années des mouvements massifs de populations24.

Effectivement, au cours des dernières décennies, l’immigration incontrôlée de populations

22 BRABANT, JUSTINE. « Qu’on nous laisse combattre, et la Guerre finira », p. 155. 23 LHUILIER, GILLES. « Minerais de guerre. Une nouvelle théorie de la mondialisation du droit ? », p. 118. 24 LE BRAS, HERVÉ. « Après l’explosion démographique », p. 114.

20

en provenance de petits pays surpeuplés25, sujets à de fortes tensions interethniques comme

le Rwanda ou le Burundi, a contribué à l’accroissement des tensions dans la région bordant

le lac Kivu26. C’est du moins l’avis du géographe Roland Pourtier – chercheur au CNRS27

et consultant pour l’OCDE – pour qui la plupart des affrontements ayant eu lieu dans la

région des Grands Lacs au cours des dernières années sont dus à un « trop-plein

démographique »28. La diminution des taux de mortalité conjugués à des taux de natalité

très élevés dans les cas du Rwanda et du Burundi, « corsetés depuis la colonisation par des

frontières rigides »29, a eu comme effet de réduire drastiquement les terres arables

disponibles, créant ainsi une situation de rareté qui complique considérablement l’accès à

la propriété pour des populations vivant encore presque exclusivement en milieu rural30.

Cette ébullition démographique a ainsi contribué à l’érosion des frontières, les populations

vivant aux abords du lac Kivu étant souvent contraintes de s’exiler de part et d’autre des

frontières afin d’échapper aux épidémies, aux famines ou pour fuir les flambées soudaines

de violences perpétrées par des groupes armés usant de la porosité des frontières à leur

avantage31.

La pression démographique qui caractérise la région des Grands Lacs est un enjeu

relativement ancien alors qu’historiquement l’administration coloniale belge, soucieuse

d’aménager le territoire à des fins économiques, a planifié la migration de population

rwandaise au Kivu32. On estime qu’à cet effet, environ 300 000 kinyarwandas auraient ainsi

migré vers l’est à la recherche de terres cultivables33. Ainsi, depuis les indépendances –

ayant mené à la fragmentation de territoires auparavant contrôlé par la même

administration coloniale – la question de l’accessibilité à la propriété foncière tient lieu

d’assise socioéconomique aux violences ainsi qu’aux affrontements ayant opposé les

populations essentiellement tutsies originaires du Rwanda et les groupes déjà présents sur

25 Rwanda (419 habitants au Km2) et Burundi (354 habitants au Km2). 26 Op.cit., BRABANT, JUSTINE, p. 155. 27 Centre national de la recherche scientifique (organisme public de recherche français) 28 POURTIER ROLAND, « Le Kivu dans la guerre : acteurs et enjeux », p. 10. 29 Ibid., p. 10. 30 Idid. 31 Op.cit., BRABANT, JUSTINE. p. 156. 32 Op.cit., POURTIER ROLAND, p. 10. 33 Ibid., p. 7-8.

21

le territoire congolais34. Néanmoins, l’évènement majeur de l’histoire récente ayant

contribué à reconfigurer la composition démographique et à accroître les tensions au Kivu

est celui de l’arrivée massive de populations hutues ayant fui le Rwanda par peur de

représailles de la part de l’armée du Front patriotique rwandais (FPR) à la suite des

massacres perpétrés par les milices Interahamwe Hutus et leurs alliés au cours de l’été

199435. Le déséquilibre démographique provoqué par cet afflux important de réfugiés36 a

contribué à ethniciser des tensions jusqu’alors relativement contenues à la question de la

propriété et a fait apparaître de nouvelles crispations découlant de la radicalisation de

communautés marquées par les évènements ayant ensanglanté la région depuis le début des

années quatre-vingt-dix37. En revanche, l’appartenance ethnique ne peut être tenue seule

responsable des tensions entre les populations vivant aux abords des Grands Lacs. Le

discours colonial sur l’ethnicité, repris ensuite par certains leaders de la région, a semble-

t-il fait l’objet d’instrumentalisations de la part de certaines factions politiques ayant intérêt

à modifier l’équilibre régional en déstabilisant le pouvoir congolais pour mettre la main sur

les immenses richesses de l’Est du pays.

3.2 Richesses empoisonnées et conflits larvés

Il est indéniable que la richesse du sous-sol congolais attire les convoitises de nombreux

acteurs et est en soi, un facteur déterminant de la persistance des conflits non seulement au

Kivu, mais dans l’ensemble de ce que certains surnomment l’Afrique utile, en référence à

la concentration de ressources diversifiées et abondantes sur un territoire longeant 600km

de frontières entre la RDC et ses voisins orientaux38. Sur le plan régional, la proximité

géographique des provinces du Nord et du Sud-Kivu avec le voisin rwandais et les plus de

2000 km séparant ces deux provinces de la capitale Kinshasa facilite l’influence croissante

exercée par Kigali sur la région. Cette influence, qui s’exprime de manière plus ou moins

masquée, repose en partie sur l’instrumentalisation de milices ethniques et de groupes

34 Ibid., p. 10. 35 Ibid., p. 8. 36 Ibid., Environ un million de Hutus auraient fui le Rwanda. 37 Ibid. 38 Se référer à l’annexe VI pour visualiser la distribution spatiale des ressources et des violences.

22

armés qui assurent la sécurité des populations tutsies, tout en soutenant les intérêts

économiques du Rwanda par l’extraction et le transport de minerais vers l’est du continent

africain39. Dans ce contexte le principal allié de Kigali dans la région fut jusqu’en 2009 le

Congrès national pour la Défense du Peuple (CNDP) dirigé par Laurent Nkunda jusqu’à

son arrestation par le gouvernement congolais. Issue des forces tutsies ayant mis fin au

génocide en 1994, ce mouvement politico-militaire s’est donné comme mission de protéger

la population tutsie présente en RDC tout en luttant activement contre les groupes armés

Hutus du Front démocratique de libération du Rwanda (FDLR)40. Loin de se limiter à la

protection des populations tutsies, le CNDP été tenu responsable de nombreux massacres

perpétrés contre des populations civiles hutues à partir de 1994 notamment contre des

camps de réfugiés fuyant l’avancée du FPR de Paul Kagamé aujourd’hui président du

Rwanda.

Le FDLR est quant à lui un mouvement composé d’anciens membres des Forces armées

du Rwanda et de miliciens Interahamwe, accusé d’être les principaux instigateurs et

responsables du génocide de 1994 qui, suite à la victoire du FPR de Kagamé, se

reconvertirent en groupe de défense des populations hutues réfugiées au Nord-Kivu41.

Outre cet antagonisme hérité du génocide rwandais, on retrouve plusieurs autres groupes

armés changeant d’allégeance au gré de leurs intérêts et dont la présence complique

grandement la logique d’un conflit qui semble échapper au contrôle de l’État congolais.

C’est dans ce contexte d’insécurité et de multiplications des violences

intercommunautaires à l’Est que fut mise sur pied en 1999 la Mission de l'Organisation des

Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC) – devenue depuis la

MONUSCO – qui, malgré l’importance des ressources dont elle dispose, n’a en réalité

qu’un pouvoir d’intervention relativement restreint42. Bien que le Canada, et de manière

générale la communauté internationale, soutiennent la MONUSCO – considérée comme la

plus importante mission de stabilisation et de maintien de la paix de l’ONU en termes

d’effectif – une restructuration stratégique est anticipée avec en vue un potentiel retrait de

39 VLASSENROOT KOEN et DELALEEUWE NATHALIE, « Négocier et contester l'ordre public dans l'est de la

République démocratique du Congo », p. 51. 40 Op.cit., POURTIER ROLAND, p. 3-4. 41 Ibid., p. 4. 42 Ibid.

23

ses effectifs au cours des prochaines années43 laissant un doute sur le futur de la sécurité

régionale. La dimension, liant intérêts économiques d’une part et emprise militaropolitique

d’autre part, permet d’entrevoir le continuum des guerres ayant marqué la région depuis

des décennies. Soulignons en l’occurrence que partout l’exploitation des richesses du sous-

sol contribue à accroître les risques de luttes armées, les revenus de cette exploitation

permettant le financement des forces contrôlant les gisements présents sur les territoires

qu’elles contrôlent44. Cette dynamique d’autosatisfaction des logiques conflictuelles

s’exprime ainsi par la présence de groupes armés qui dépendent de la production minière

finançant leurs activités45 tout en cohabitant avec des minières régionales – notamment

rwandaises – et internationales implantées à l’Est et bien intégrées aux cycles de production

et d’échanges mondialisés.

Roland Pourtier illustre d’ailleurs cette mise à profit de certaines zones de conflits par

des entreprises dont les activités licites se confondent souvent avec des exploitations

contrôlées par les groupes armés présents dans la région. Ainsi pour lui, « les productions

extraites du sous-sol du Kivu par une multitude de creusets misérables sont une aubaine,

car mises sur le marché à vil prix elles permettent des bénéfices considérables tout au long

d’une chaîne de commercialisation où les activités réputées licites frayent sans vergogne

avec le monde obscur de l’illicite »46. Outre les facteurs historiques, l’économie – tant

formelle qu’informelle – qui découle de l’exploitation des mines dans les zones de conflits

« s’articule étroitement avec la guerre et l’insécurité, tous les acteurs du conflit participant

au pillage des ressources, soit pour financer l’achat d’armes, soient pour des raisons

d’enrichissement personnel »47. Si comme nous l’avons vu, les violences qui agitent l’est

de la République démocratique du Congo semblent découler aux premiers abords de

logiques purement interethniques issues de l’héritage colonial ; la course aux richesses du

sous-sol congolais et la lutte pour le contrôle du territoire par une multitude d’acteurs aux

intérêts parfois divergents sont également des vecteurs d’insécurité déterminants48.

43 AFFAIRES MONDIALES CANADA, Évaluation de la programmation canadienne en RDC, 2020. 44 JACQUEMOT PIERRE, « Ressources minérales, armes et violences dans les Kivus », p. 38. 45 Op.cit., LHUILIER, GILLES, p. 119. 46 Op.cit., POURTIER ROLAND, p. 10. 47 Ibid., p. 9. 48 Op.cit., NAEPELS, MICHEL, p. 81.

24

4. Les violences sexuelles révélatrices d’une volonté de domination

4.1 L’usage systématique des violences sexuelles à l’est de la RDC

Maintenant que nous avons exposé certaines des principales composantes historiques,

sociodémographiques et économiques qui caractérisent la région des Grands Lacs, nous

explorerons les liens entre la dynamique de violence décrite précédemment et la prévalence

d’un usage quasi systématique des violences sexuelles dans le cadre des conflits touchant

cette région. Pour illustrer notre propos, attardons-nous sur la conception développée par

Françoise Duroch qui souligne le caractère multidimensionnel des violences sexuelles qui

selon elle, se situent à l’intersection de la violence physique, psychologique et

symbolique49. Cette perspective suggère que les femmes et les filles victimes de violences

sexuelles ne sont pas seulement violentée, mais sont aussi condamnée à être exclues de la

communauté tout entière50. Cette réalité est d’autant plus dramatique que selon les

estimations les plus conservatrices, ce serait plus de cinq cent mille cas de viols qui auraient

été répertoriés en RDC depuis 199651. Alors que l’ONU estime le nombre de femmes

violées chaque année à environs 16 000 sur l’ensemble du territoire, une étude menée par

l’American Journal of Public Health en 2010 estime plutôt que ce serait plus de 400 000

femmes et filles qui seraient victimes de violences sexuelles sur une base annuelle en

RDC52. Selon les résultats de cette étude contestés par l’ONU, pour la seule région du Nord-

Kivu, 67 femmes sur mille feraient l’expérience de violence sexuelle chaque année53.

Malgré l’incertitude qui règne sur le nombre réel de femmes et de filles touchées par les

violences sexuelles54, l’ampleur des chiffres présentés par les estimations les plus

conservatrices renforce la perception selon laquelle on assisterait en RDC à un usage quasi

systémique du viol contre les populations civiles.

49 DUROCH FRANÇOISE, « Violences sexuelles en République Démocratique du Congo : résistances et

appropriations institutionnelles par les ONG », p. 208. 50 Ibid. 51 MOUFFLET VÉRONIQUE, « Le paradigme du viol comme arme de guerre à l'est de la République

démocratique du Congo », p. 121. 52 PETERMAN, AMBER. « Estimates and determinants of sexual violence against women in the Democratic

Republic of Congo », American Journal of Public Health, November 2010. 53 RADIO-CANADA, « Étude alarmante sur les viols en RDC », 12 mai 2011. 54 BIHABWA MAHANO, BENJAMIN et NATHALIE MBENDA KANGAMI, « Les femmes violées en République démocratique du Congo : la résilience dans la résignation », p. 209.

25

Dans ce contexte, l’aide internationale canadienne dans la région des Grands Lacs

s’exprime essentiellement à travers l’offre de services en soins de santé maternelle et

infantile et par le soutien d’organisations luttant contre l’impunité persistante dont

bénéficient les auteurs de violences sexuelles et fondées sur le genre. Ainsi, depuis l’entrée

en vigueur en 2017 de la Politique d’aide internationale féministe, Affaires mondiales

Canada a accrue ses efforts en matière de santé sexuelle et reproductive en finançant

notamment des initiatives visant à améliorer l’accès à la justice et la prise en charge

holistique des survivantes. Cela s’est fait notamment par le biais du financement accordé

au Programme JAD, projet conjoint du PNUD et du Fond des Nations unies pour la

population (UNFPA). Celui-ci s’est distingué par l’introduction et l’expansion d’une

approche holistique de prise en charge des aspects médicaux, psychosociaux et judiciaires

en plus de mesures visant à terme la réinsertion socioéconomique complète des femmes et

des filles dans leur communauté. Pour y parvenir, le programme a travaillé à renforcer les

capacités des acteurs de la chaîne pénale, que ce soit par la fourniture de ressources

matérielles ou par l’entremise de formations. L’ensemble des actions initiées par les projets

financés par le Canada ont contribué à une hausse du nombre de cas portés en justice et de

dossiers menant à un jugement de condamnation55. Le Canada soutient également le projet

Santé maternelle et infantile mise sur pied par Oxfam-Québec dans la majorité des zones

de santé de la province de l’Ituri dont l’objectif est d’offrir un espace sécuritaire pour les

femmes enceintes et leur nourrisson. Néanmoins, confrontés à la flambée des violences

survenues au cours des derniers mois en Ituri et aux abords de Beni, situé à la lisière des

forêts recouvrant le Parc national des Virunga au Nord-Kivu, le projet s’est adapté en

prenant en charge de nombreuses femmes et filles victimes de viols. Ces deux projets se

situent dans le sillage de la multitude de projets ayant vu le jour à l’est de la RDC au cours

des quinze dernières années.

Plus au sud, les données récoltées par l’hôpital de Panzi situé à Bukavu – la capitale du

Sud-Kivu – ont permis à Oxfam international de publier en 2010 un rapport détaillé de la

situation qui prévalait alors et qui malheureusement ne s’est pas particulièrement améliorée

depuis. Ce rapport particulièrement détaillé, intitulé Now, the world is without me s’est

55 Évaluation de la programmation canadienne en RDC

26

penché sur le caractère éminemment violent, systématique et collectif des agressions

sexuelles à l’est de la République Démocratique du Congo. Un des premiers constats qui

en ressort pointe du doigt le rôle central joué par les groupes armés auxquels sont attribués

83,6% des violences sexuelles, alors qu’environ 11% seraient le fait de l’armée régulière56.

Le rapport met également en évidence l’extrême vulnérabilité des femmes au sein même

de leur foyer, alors que plus de 55% d’entre elles sont victimes des violences sexuelles

chez elles ou devant leurs proches57.

À partir des témoignages obtenus à l’hôpital de Panzi, Oxfam démontre que l’immense

majorité des femmes et des filles violées sont issues de milieux pastoraux ou agricoles

(73,6%)58, la plupart des viols étant commis le long des routes menant aux marchés, aux

abords des champs et de forêts ou à proximité des sites d’extraction minière59. Cette

situation se révèle d’autant plus dramatique que les nombreux cas de violences sexuelles

ont un impact déterminant sur la prévalence des cas d’infection au VIH Sida, en plus d’être

responsable de nombreux troubles psychologiques. Le rapport d’Oxfam met en évidence

cet aspect en soulignant que les nombreux traumatismes causés par les violences sexuelles

imposent en quelque sorte une double peine aux femmes qui en sont à la fois victimes et

tenues pour responsables. Parmi les conséquences psychologiques identifiées, l’anxiété, la

tristesse chronique, la frustration, la colère, mais aussi le sentiment de honte accentuent la

misère économique de femmes laissées à elles-mêmes suite au désengagement de leurs

proches et de leur famille, cela même alors qu’elles ne bénéficient à plusieurs égards

d’aucune véritable autonomie sur le plan légal60.

4.2 Le viol en temps de guerre, le viol comme arme de guerre

Pour Véronique Moufflet le viol peut être considéré comme une arme de guerre

lorsqu’il est utilisé de manière systématique et généralisée par un groupe contre des

56 RUBUYE, S. et N. FLICOURT, « Femmes victimes des violences sexuelles dans les conflits armés en

République Démocratique du Congo », p. 117. 57 OXFAM, « Now, the world is without me », Avril 2010, p. 12. 58 Ibid., p. 10. 59 Op.cit., RUBUYE, S. et N. FLICOURT, p. 117. 60 Op.cit., Rapport d’Oxfam, p. 3.

27

populations civiles61. C’est bien de ça qu’il s’agit lorsqu’on s’attarde aux violences armées

présentes dans la région des Grands Lacs, les différents groupes armés utilisant le viol

comme un instrument d’intimidation, un moyen visant à terroriser des populations civiles62

souvent laissées à elles-mêmes et depuis longtemps abandonnées par les pouvoirs publics.

C’est du moins sur cet aspect que s’articule la réflexion de Moufflet qui, à travers son

analyse, illustre à quel point les viols perpétrés dans l’intention de terroriser sont exécutés

de manière à n’exclure personne et relèvent, en ce sens, d’une entreprise de domination63.

À l’est de la RDC, comme dans de nombreux conflits, le viol exprime une forme de

nettoyage ethnique où la notion d’ennemi s’efface au profit de la dichotomie proies-

prédateur64. Loin des normes de la guerre conventionnelle, les violences sexuelles à l’est

de la RDC brouillent ainsi les frontières relatives à l’identification d’un ennemi faisant

figure de menace existentielle65. Autrement dit, à travers ce conflit aux racines profondes

et multiples, la figure du combattant et du non-combattant se confondent pour ne former

qu’un.

Dans cette configuration où la guerre, la présence d’un grand nombre de groupes armés

et la multiplicité des formes de violences qui en découle occupent tout entier un espace

mouvant et indécis66, les populations civiles en général et les femmes en particulier se

retrouvent coincées dans un engrenage dont elles ne peuvent s’extraire. Considérant cela,

il est indéniable que le caractère systémique de l’usage des violences sexuelles aux abords

des Grands Lacs et du massif des Virunga a des effets dévastateurs sur le tissu social des

communautés qui y vivent. Outre la volonté de détruire les solidarités au sein des groupes

visés – les femmes violées sont souvent rejetées par leurs proches et par leur communauté

– le viol revêt également dans ce contexte une dimension symbolique alors qu’il est un

moyen utilisé par les différents groupes armés pour soumettre et inférioriser l’adversaire67.

Le viol en temps de guerre n’exprime ainsi pas simplement une volonté de domination

des hommes sur le corps des femmes, mais a aussi pour but d’adresser un avertissement

61 Op.cit., MOUFFLET VÉRONIQUE, p. 121. 62 Op.cit., NAEPELS, MICHEL, p. 81. 63 Op.cit., MOUFFLET VÉRONIQUE, p. 121. 64 BRAUD PHILIPPE, « La violence politique : repères et problèmes », p. 7. 65 Op.cit., BIHABWA MAHANO, BENJAMIN et NATHALIE MBENDA KANGAMI, p. 209. 66 Op.cit., BRABANT, JUSTINE, p. 156. 67 BRANCHE, RAPHAËLLE ET FABRICE VIRGILI, Viols en temps de guerre, p. 11.

28

collectif à une communauté tout entière68 par le biais d’un acte sexuel forcé et perçu comme

infamant 69. Effectivement, au sein de la société congolaise, comme dans de nombreuses

sociétés africaines, les femmes constituent le socle sur lequel se construit la famille et la

société70. Autrement dit, « les femmes sont la cible principale par leurs poids culturels et

leur importance dans la structure familiale »71, le viol étant l’arme la plus efficace pour

détruire la société dans ce qu’elle a de plus précieux, sa cohésion. Le viol est ainsi utilisé

comme un moyen voué non seulement à terroriser l’adversaire et à l’inférioriser, mais

devient aussi un outil efficace de violence sociale. Dans ce contexte, le viol a pour objet de

« détruire les réseaux familiaux, d’annihiler les réseaux de solidarité fondamentaux, et de

rendre impossible la reproduction d’une certaine population et donc l’existence même du

groupe […] »72.

En effet, les femmes ainsi que leurs enfants issues des viols sont, dans la grande

majorité des cas, automatiquement mis à l’écart par la communauté, s’ils ne sont pas tués73.

Cette exclusion concerne aussi les filles ayant perdu leur virginité, celles-ci n’étant plus «

mariables » elles perdent de fait la valeur qui leur est traditionnellement attribuée

socialement74. L’isolation provoquée par ce rejet a pour effet de rendre ces femmes encore

plus vulnérables alors même que l’accès à une quelconque forme de soutien se limite bien

souvent aux antennes d’ONG humanitaires la plupart du temps éloignées de leur domicile

75. Comme le souligne Moufflet, cette marginalisation sociale des victimes de violence

sexuelle s’explique notamment par la persistance de certaines croyances et normes

patriarcales76 où « les femmes sont généralement considérées comme coupable et

consentantes d’une manière ou d’une autre »77 ce qui rend évidemment difficile, voire

impossible, le processus de guérison et de réconciliation.

68 ROUSSELOT, PHILIPPE, « Le viol de guerre, la guerre du viol », p. 26. 69 Op.cit., BRANCHE, RAPHAËLLE ET FABRICE VIRGILI, p. 10. 70 Op.cit., BIHABWA MAHANO, BENJAMIN et NATHALIE MBENDA KANGAMI, p. 209. 71 Op.cit., RUBUYE, S. et N. FLICOURT, p. 115. 72 Op.cit., MOUFFLET VÉRONIQUE, p. 122. 73 Op.cit., BIHABWA MAHANO, BENJAMIN et NATHALIE MBENDA KANGAMI, p. 211. 74 Ibid., p. 122 75 Op.cit., MOUFFLET VÉRONIQUE, p. 124. 76 Op.cit., ROUSSELOT, PHILIPPE, p. 26. 77 Op.cit., MOUFFLET VÉRONIQUE, p. 127.

29

Au regard de ce qui précède, le recours systématique à la violence sexuelle en

République démocratique du Congo s’apparente donc à une volonté des acteurs impliqués

dans la compétition pour le contrôle des ressources de terroriser la population pour mieux

la contrôler, tout en augmentant la pression sur un État déjà fragile. La notion de

terrorisation utilisée par Philippe Braud illustre bien les mécanismes qui sous-tendent cette

volonté de terroriser. Pour lui, la stratégie de la terreur doit être perçue comme le «

paroxysme de l’affirmation de soi, intégralement négateur de l’existence d’autrui »78. Le

but ultime de la terreur est de paralyser l’adversaire en excluant l’éventualité même de

l’établissement d’un rapport de force. Ainsi, pour Braud, « la stratégie de terrorisation

cherche à briser progressivement le sentiment de sécurité en écartant toutes barrières qui

sembleraient mettre à l’abri telles ou telles catégories de populations »79. Cette stratégie

consistant à élever au maximum le degré de violence en vue de susciter la crainte s’applique

également aux affrontements avec les forces de l’ordre, les FARDC ou le contingent de la

MONUSCO.

La violence étant un mode d’affirmation politique, les violences sexuelles peuvent ainsi

elles aussi être considérées comme un moyen d’affirmation politique qui, par l’entremise

du corps des femmes, permet de corrompre les liens communautaires et ainsi exercer un

certain contrôle sur l’ensemble du corps social80. L’usage stratégique du viol est d’ailleurs

une vision de plus en plus rependue au sein du droit international pour décrire le caractère

génocidaire des violences sexuelles perpétrées en situation de conflit. Bien que difficile à

établir concrètement, l’appréciation juridique relative à l’usage systématique de violences

sexuelles contre une population civile considère le viol comme un « élément constitutif,

respectivement, du crime contre l’humanité et du génocide »81. Au cours des dernières

décennies les études s’intéressant aux violences sexuelles en situation de conflit ont

d’ailleurs identifié le viol comme un « complément ou un substitut à la prise de possession

territorial »82, autrement dit, comme un véritable instrument de domination permettant de

faire l’acquisition d’un espace convoité, tout en s’appropriant les corps.

78 Op.cit., BRAUD PHILIPPE, p. 7. 79 Ibid., p. 8. 80 Op.cit., BRANCHE, RAPHAËLLE ET FABRICE VIRGILI, p. 14. 81 Ibid. 82 Op.cit., ROUSSELOT, PHILIPPE, p. 34.

30

Dans ces circonstances, le corps des femmes est ainsi considéré comme un « champ de

bataille, un moyen d’humilier la communauté »83 voire, un moyen de marquer son territoire

et d’en asservir la population. À cet égard, le viol de guerre peut ainsi s’apparenter à une «

prise de possession » renvoyant à l’acceptation juridique de l’esclave dans l’antiquité qui

était considéré comme une chose. Or, puisque le viol de guerre « tend à réduire l’être

humain à un corps »84 il exprime en ce sens l’exercice d’une volonté de domination totale

sur l’individu, mais aussi une volonté de domination sur l’ensemble de la communauté. En

définitive, il semble que l’usage de violences sexuelles à l’est de la RDC revêt une

dimension sociologique particulière dans le contexte des Grands Lacs considérant la

fragilité des équilibres communautaires et la forte dimension ethnique héritée de la

colonisation. C’est du moins ce que suggère l’éminent théoricien du postcolonialisme

Achille Mbembe qui, dans son ouvrage De la postcolonie paru récemment, révélait

l’existence de continuités entre la logique des conflits actuelle et l’usage institutionnel de

la violence coloniale vouée à soutenir une économie de la prédation fondée sur

l’exploitation des richesses et des populations en Afrique de l’Est85.

Si la prise en compte des causes profondes et des facteurs de conflit et de fragilité m’a

paru être un élément conceptuel déterminant de notre travail d’évaluation – l’importance

d’adapter l’approche du Canada en matière d’aide internationale au contexte spécifique

étant une des lignes directrices du ministère dans ce domaine – j’ai eu le sentiment que la

plupart des analyses étaient effectuées en vase clos. Ainsi, en dépit de l’emphase mise par

le Canada sur la défense du droit des femmes et des filles au cours des dernières années, la

présence persistante de minières canadienne à l’est de la RDC de même que les relations

de proximité entretenue par le gouvernement canadien avec certains acteurs partie prenante

à la situation actuelle, illustre les limites d’une politique d’aide internationale ambitieuse,

mais devant s’accommoder des intérêts économiques et politiques du Canada dans la

région.

83 Op.cit., RUBUYE, S. et N. FLICOURT, p. 115. 84 Op.cit., ROUSSELOT, PHILIPPE, p. 34. 85 Op.cit., NAEPELS, MICHEL, p. 92-93.

31

CONCLUSION

Avec le recul, je constate à quel point mon expérience de stage au sein de la Direction

de l’évaluation de l’aide internationale d’Affaires mondiales Canada fut des plus

pertinentes. En dépit des défis ayant jalonné mon cheminement au cours des derniers mois,

ce stage riche en rebondissements m’a permis de mettre à l’épreuve un grand nombre de

connaissances acquises au fil de mon parcours universitaire. Ainsi, sans avoir

nécessairement un bagage en évaluation, la confiance que m’a accordée la direction ainsi

que les membres de mon équipe immédiate m’a permis d’embrasser l’ensemble des étapes

d’une évaluation de programme au sein de la fonction publique fédérale. De même, la

dynamique de travail à la fois exigeante et particulièrement positive m’a permis de me

familiariser avec de nombreux aspects de l’évaluation qui m’étaient au départ plutôt

étranger. Malgré le caractère très technique de certains processus propres à l’administration

publique, j’ai bénéficié dès mon arrivée de la bienveillance de mes collègues qui se sont

montrés à la fois disponibles, très consciencieux et particulièrement patients. Au final, je

réalise que la nature complexe d’une évaluation de ce type, la lourdeur des processus

internes de la fonction publique et la diversité des tâches que l’on m’a assignées, constitue

à la fois une richesse sur le plan personnel et un réel défi professionnel qui, je l’espère se

prolongera dans les mois et années à venir.

Cette expérience constitue à mon sens une opportunité unique pour tout étudiant

souhaitant opérer une transition entre le monde universitaire et professionnel puisqu’à

travers notre travail d’évaluateur nous sommes amenés à travailler dans une logique somme

toute assez similaire au travail de recherche qui caractérise les cycles supérieurs. Le fait

d’être plongée pendant un an, voire un an et demi, dans un même projet a pour avantage

de favoriser une diversification des tâches au quotidien, tout en acquérant une

compréhension précise des enjeux propre au pays évalué. Au fur et à mesure de mes huit

mois passés au ministère, j’ai ainsi appris à écouter et à observer, à mieux hiérarchiser mes

priorités et dans l’ensemble à prendre conscience des dynamiques de travail propre au

milieu professionnel. J’espère que ce rapport pourra éventuellement permettre à d’autres

étudiants de se faire une idée un peu plus précise des implications d’un stage au

gouvernement fédéral et ainsi nourrir leur réflexion.

32

BIBLIOGRAPHIE

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33

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I

Annexe I – Organigramme du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement

SMA Partenariats pour

l’innovation dans le développement Caroline Leclerc

SMAEnjeux mondiaux et

développement Christopher MacLennan

SMA Politiques stratégiques

Elissa Golberg

Sous-ministre des Affaires étrangèresMarta Morgan (USS)

Sous-ministre déléguée des Affaires étrangères

VIncent Rigby (DMA)

SMAPlateforme

internationale Dan Danagher

SMAPlanification ministérielle,

finances et TI(dirigeant principal des

finances) Arun Thangaraj

SMA Services consulaires, sécurité et gestion des

mesures d’urgence (Chef du service de la sécurité)

Heather Jeffrey

SMADéveloppement du

commerce international et déléguée commerciale

en chefAilish Campbell

SMA Politique et négociations

commerciales et négociations en chef de

l’ALÉNA Steve Verheul

Sous-ministre du commerce internationalJohn Hannaford (DMT)

HEDDirectives sur le service

extérieurM. Moreau

AFD Relations clients et

opérationsdes missions

L. Almond

ARDPlannification et

intendance D. Schwartz

SIDGestion de l’information

et de la technologie (DPI)

K. Casey

HLDEmployés recrutés sur

place M. Fletcher

HWDRelations en milieu de

travail et santé organisationelle

C. Houde

SPD

Approvisionnement, gestion des biens et

hébergement nationaleB. Lawson

HFDAffectations et gestion

des cadres H. Kutz

SWDGestion et planification

financièresS. Carruthers

SMDOpérations financières

S. Bainbridge

SRDPlanification

ministérielle, gestion du rendement et du risque

L. Smallwood (A)

JLTDroit commercial

R. Brookfield

JLDAffaires juridiques

M. Husain

CPDPolitique consulaire

M. Berman

CNDOpérations consulaires

B. Szwarc (Int)

CSDSécurité et gestion des

urgences (agent de sécurité du Ministère)

R.Sirrs

IGDPolitique de sécurité

internationale C. Termorshuizen

IRDProgramme pour la stabilisation et les opérations de paix

G. Kutz

BPDStratégie et

coordination duportefeuille commercial

C. Moran

BTD Service des délégués

commerciaux-opérations D. McMullen

BBD Secteurs commerciaux

R. Kwan

BIDInvestissement et

innovation E. Kamarianakis

BSD Opérations

commerciales régionales et relations intergouvernementales

C. Thornley

TCD Négociations commerciales K. Hembroff

TNDPolitique et négociations

commerciale pour l’Amérique du Nord

A. Alexander

TPDAccès aux marchés

D. Forsyth (Int)

TMD-ANA Négociateur en chef des

accords aériens et Directeur général sur la propriété

intellectuelle, les services etL’investissement

L. Marcotte

TIDRéglementation

commerciale et contrôles à l’exportation K. Funtek (Int)

KEDMobilisation des

CanadiensM. Tremblay

KGD Croissance inclusive, la

gouvernance, les partenariats et

l’innovationC. Hogan Rufelds

MNDSanté et nutrition

J. Tabah

MHDAssistance humanitaire

internationale S. Salewicz

MEDDéveloppement

économique W. Drukier

MSDSécurité alimentaire et

environnement S. Szabo

PODPolitique étrangère

A. Lévêque

SGDGestion des subventions

et contributions M. Collins

Structure organisationnelle pour les cadres supérieurs (EX) d’Affaires mondiales Canada

NGDStratégie pour

l’Amérique du NordE. Walsh

NNDPromotion des intérêts

et programmes commerciaux de

l’Amérique du NordVacant

NLDAmérique Du Sud et

Affaires inter-AméricainesC. Urban (Int)

EUDAffaires européennes

R. Fry

ESDMoyen-OrientS. McCardell

OSDAsie du Sud-Est

P. Lundy

OPD Asie du Nord et Océanie

W. Epp (Int)

OADAsie du Sud d. Hartman

ELDMaghreb, Égypte, Israël

et Cisjordanie et la bande de Gaza

T. Lulashnyk

NDDAmérique centrale et

caraïbesA. Frenette

SMA Europe, Arctique,

Moyen-Orient et Maghreb Peter MacDougall

SMAAmériques

Michael Grant

SMAAsie-Pacifique

Paul Thoppil

PVDPolitique d’aide internationale A. Smith (Int)

PEDPolitiques économiques

internationalesM.J. Langlois

PRDÉvaluation et résultats

T. Denham (Int)

AADServices ministériels de

la plateformeD. Bélanger (Int)

NMDCoordination

géographique et soutien aux missions N. Ahmad (Int)

TFMASMA-Délégué Politique et

négociations commerciales B. Christie (Int)

SMA Affaires publiques Stéphane Levesque

LCACommunications Du

développement L. Belmahdi

LCD Affaires publiques

Charles Mojsej

IDDContre-terrorisme, crime

et renseignements M. Benjamin

HSDRessources humaines,

Stratégies ministérielles et service opérationnels

M. P. Jackson

SMARessources humaines

Francis Trudel

SMASécurité internationale et

affaires politiques(directeur politique)

Dan Costello

ZIDDG, Inspection, Intégrité,

Valeur et éthiques T. Guttman

JUSDirecteur exécutif et

avocat généralD. Roussy

VBDDirigeant principal de la

vérification R. Kunze

DCDSecrétaire des services

intégrés et directeur générale

J. MacIntyre

XDDChef du Protocole

S. Wheeler

BEDÉconomiste en chef

M.F. Paquet

SMAAfrique subsaharienne

Isabelle Bérard

WFDAffaires panafricaines

P. Caldwell

WWDAfrique de l’Ouest et du

CentreT. Khan (Int)

WED Afrique australe et de

l’EstI. Myles (Int)

Sous-ministre du Développement international

Leslie MacLean (DME)

HCM ACM SCM KFMPFM MFM IFMLCM OGMWGM EGM NGMBFM TFM CFM

MGDDéveloppement social

N. Smyth

IOD Droits de la personne,

des libertés et de l’inclusionS. Whiting

KSDPartenariats canadiens

pour la santé et la nutition

J.B. Parenteau (Int)

MIDOrganisations internationales

M. Gort

LDDCommunications ministérielles et électroniques

Y. Michaud (Int)

Dernière mise à jour le 31 janvier 2020

CFSIInstitut canadien du

service extérieur R. Dubé

LCCCommunications du

commerce internationalV. Sharma

OAZPlanification stratégique

Ops et CRICM. Surma (Int)

ACMTTransformation de la

plateforme internationale

A. Stirling

ECDHaute représentante pour l’arctique et DG affaires arctiques,de

l’Eurasie et de l’EuropeD. Sproule (Int)

AWDRéalisation des projets, services professionnels

et techniquesE. Chown

DPDOpérations d’aide

internationaleC. Campbell

Lien vers la structure de la gouvernance ministérielle du Affaire mondiales Canada

http://intra/department-ministere/assets/pdfs/committees-comites/CG_GC_OrgChart_Jan2017-FR.PDF

SEDProjet de GI/IT de la

haute directionR. Dussault

Coordinateur des relations économiques

internationales Jonathan Fried (DMX)

Source d’information: Système de gestion des ressources humaine

jurisconsulte *Alan Kessel

JFM

* Poste Mutation spéciale

Dans certain cas, des ajustements ont été apportés par HFR pour refléter l’employé actuel ou les renseignements sur la position

COREOmbudsman canadien pour la responsabilité

des entreprisesS. Meyerhoffer

WPSAAmbassadrice pour les femme, la paix et

la sécuritéJ. O’ Neill

II

Annexe II – Organigramme du secteur des Politiques stratégiques

00418153RSMA, Politique stratégique

EX 05PFM

Golberg, Elissa

00400457RDG, Politique étrangère

EX 03POD

Lévêque, Alexandre

00006508RDir, Plannification des politiques

étrangèresEX 01

POLViau, Hélène (Int)

00006575RDir exéc, Sommets G7/G20

EX 02POG

Bonser, Michael

00407664RDir, Recherche sur les politiques

étrangèresEX 01

PORRobert, Denis

00418164RDG, Évaluation et résultats

EX 03PRD

Denham, Tara(Int)

00419178NDir, Évaluation de l’aide

internationaleEX 01

PRAHeath, David

00418189RDG, Politique d’aide

internationaleEX 03

PVDSmith, Stuart Andrew (Int)

00418208RDir, Recherche et connaissances en matière d’aide internationale

EX 01PVA

Sahas Martin, Ioanna

00418209RDir, Relations en matière d’aide

internationaleEX 01

PVSSorger, Carmen Maxime (Int)

00418214RDir, Coordination de la politique

d’aide internationaleEX 01

PVPWatkinson, Meghan (Int)

00420697RDG, Politiques économiques

internationalesEX 02

PEDLanglois, Marie-Josée

00421171RDir, Politique et analyse

économiques stratégiquesEX 01

PECBerzins, Christopher (Int)

00421172RDir, Relations et stratégie

économiquesEX 01

PEPKhabayan, vasken (Int)

Structure organisationnelle de Politique stratégique pour les cadres supérieurs (EX)Le 31 janvier 2020

00422672R Unité ministérielle de la livraison

EX 01PRR

Atkinson, Patricia (Int)

00007425NDir, Évaluation de la diplomatie, du

commerce et des affaires corporatives

EX 01PRE

Gurova, Galina

00418247RDir, Gestion de l'enveloppe de

l'aide internationaleEX 01

PVEPetersen, Mhairi

00424326RDir, Coordination politique et

opérations des sanctionsEX 01

PERAnderson, Cory (Int)

Source: Système de gestion des ressources humaine Dans certain cas, des ajustements ont été apportés par HFR pour refléter l’employé actuel ou les renseignements sur la position

III

Annexe III – Carte administrative de la République démocratique du Congo

IV

Annexe IV – Représentation géographique des catégories de risques selon Affaires mondiales Canada

V

Annexe V – Répartition des organisations internationales et des initiatives financées par le Canada en RDC

VI

Annexe VI – Distribution spatiale des ressources et des violences à l’est de la RDC