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Rapport de stage post-doctoral Mars à Juin 2005
Typologie des petits plans d’eau (mares, étangs, petits lacs) de Suisse par la
méthode des Self Organising Maps (SOM)
Par Sandrine Angélibert
Responsable scientifique: Beat Oertli (Ecole d’Ingénieurs HES de Lullier)
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Le présent travail s'inscrit dans la continuité de l'étude portant sur la diversité
biologique et typologie écologique des étangs et petits lacs de Suisse (Oertli et al. 2000). Le
but de ce travail de post-doc était de dresser une typologie abiotique et biotique de 80 étangs
suisses à l'aide de la méthode des réseaux de neurones non supervisée (Self Organising Maps
ou Carte de Kohonen). Cette typologie servira à définir les différents types d'étangs rencontrés
dans le pays soit en référence à leurs caractéristiques environnementales (typologie abiotique)
soit en référence à leurs assemblages d'espèces en amphibiens, odonates, coléoptères et
gastéropodes (typologie biotique).
I. Matériel & Méthodes
I.1 Zone d'étude
L'étude a porté sur l'analyse des caractéristiques écologiques de 80 étangs choisis, pour
la plupart d'entre eux, parmi les sites de reproduction de Batraciens d'importance nationale
(Borgula et al. 1994). Ils sont repartis sue l'ensemble du territoire helvétique, toute régions
biogéographiques confondues, à des altitudes variant de 210 à 2757 m.
I.2 Variables environnementales
Afin de caractériser les 80 étangs étudiés, 16 variables environnementales ont été
prises en compte (Tab. 1). Ces variables décrivent aussi bien les caractéristiques intrinsèques
des points d'eau (surface, profondeur moyenne…) que les caractéristiques de leur
environnement (ex : proportion de bassin versant agricole…).
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Tab. 1: Valeurs moyennes (ou médiane), minimum et maximum des variables environnementales sélectionnées pour caractériser les 80 étangs.
a Longueur des rives divisée par la circonférence d'un cercle de surface équivalente à celle du point d'eau (Wetzel, 1983)
b Pourcentage de la zone littorale (profondeur < 3m) couverte par ce type de végétation c Mesure de l'isolement de la mare. Cette mesure prend en compte le nombre et la taille des étangs dans un rayon de 1000m ainsi que la distance les séparant de l'étang étudié. Les grandes valeurs indiquent un faible isolement.
I.3 Echantillonnage de la faune et de la flore
La richesse spécifique de 4 groupes taxonomiques a été déterminée dans les 80 étangs:
gastéropodes, coléoptères, odonates (adultes) et amphibiens. Tous les groupes ont été
échantillonnés par une méthode standardisée durant les mois d'été entre 1996 et 1999 inclus à
l'exception des amphibiens qui ont été inventoriés sur une période de 10 ans jusqu'à 1996. Les
détails de la méthode standardisée de récolte de la flore et de la faune aquatique sont
disponibles dans l'article de Oertli et al. (2002) et ne seront donc pas développés dans ce
rapport.
Variable Code Min Max Moyenne ou
médiane Variable locale
Morphométrie Surface (m2) Surf 6 96200 8840 Profondeur moyenne (cm) Prof_moy 26 910 178 Développement des rivesa Dev_riv 1.02 3.27 1.5 Physico chimie Conductivité (µS/cm) Cond 6.2 374 1367 pH pH 5 9.8 7.1 Transparence été (cm
Snellen) Transp 0 60 43
Phosphore total (mg P/l) P_tot 0.002 0.61 0.06 Azote minéral (mg N/l) N_min 0.03 7.74 0.97 Couverture par la
végétation flottante (%)b Veg_flot 0 100 30
Couverture par la végétation submergée (%)b
Veg_sub 0 100 36
Autres Altitude (m) Altitude 210 2757 1000 Âge (classe) Age_cl 1 5 4 Ombrage (%) Ombr 1 6 3 Variable environne-mentale
Bassin versant Proportion de zones agricoles (%)
Agri_bv 0 100 30
Environnement immédiat (50m)
Proportion de forêt (%) Forêt 0 100 35
Connectivité Connectivitéc Connect 0 7.7 3.2
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La valeur de conservation totale (C1) et la valeur de conservation moyenne (C2) de
chaque plan d'eau a également été calculée. La valeur de conservation d'un plan d'eau exprime
la valeur de celui-ci en terme de réservoir de diversité biologique et d'espèces rares ou
menacées. Le calcul de la valeur de conservation prend en compte à la fois les espèces
communes et les espèces menacées mais en accordant une plus grande valeur à ces dernières
grâce à un système de pondération. Deux valeurs de conservation sont calculées pour chacun
des étangs et chacun des groupes taxonomiques étudiés. A chaque espèce menacée figurant
sur une liste rouge est attribué un nombre de points selon le degré de menace qui lui est
attribué sur la liste rouge nationale. La valeur de conservation totale C1 est la somme des
notes obtenues par chaque espèce. La valeur de conservation C2 correspond à la moyenne des
notes obtenues par chaque espèce. Le fait de calculer une moyenne permet, entre autre,
d'éviter de "pénaliser" des écosystèmes de faible richesse spécifique mais comprenant des
espèces fortement menacées, donc de grande valeur.
I.4 Analyse des données
L'algorithme des cartes auto organisatrices (Self Organizing Maps SOM, Kohonen
1982, 1995) a été utilisé pour ordonner les sites d'études en fonction 1) des variables
environnementales (typologie abiotique) et 2) des assemblages d'espèces (typologie biotique).
Cet algorithme partage avec les algorithmes classiques d'ordination, l'idée de représenter des
données multidimensionnelles dans un espace de dimension inférieure (généralement un
espace de 2 dimensions). Les SOM sont un modèle de réseau de neurones artificiels qui va
permettre de projeter les données non linéairement sur une grille rectangulaire pavée
d'hexagones (i.e. les neurones) : la carte de Kohonen. L'objectif de l'algorithme SOM consiste
à placer sur la carte les objets de l'espace d'entrée (i.e. les 80 sites) en préservant les
voisinages, ainsi les sites similaires devront se retrouver proches les uns des autres sur la
grille. Les neurones de la couche de sortie peuvent être considérés comme des sites virtuels
pour lesquels les valeurs des descripteurs seront calculées au cours de l'apprentissage.
Le réseau de neurones est formé de deux couches (Fig. 1) : la première (couche
d'entrée) est connectée à chaque vecteur du jeu de données, la seconde (couche de sortie) est
la carte de Kohonen en deux dimensions. Les unités de la carte (i.e. les sites virtuels) donnent
une représentation ordonnée de la distribution des échantillons du jeu de données. Au cours de
l'apprentissage, les valeurs du jeu de données sont utilisées uniquement dans la couche
d'entrée, aucune indication n'est donnée au système concernant les valeurs attendues dans la
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couche de sortie : il s'agit donc d'un apprentissage non supervisé (voir Kohonen, 2001 pour les
détails théoriques).
Fig. 1 : Carte auto organisatrice de Kohonen. Chaque sphère symbolise un neurone de la couche d'entrée (objet) ou de la couche de sortie (carte de Kohonen).
L'objectif de l'apprentissage est d'ajuster les composantes des objets virtuels afin qu'ils
reflètent la distribution des sites. Les étapes de l'apprentissage peuvent se décomposer de la
façon suivante :
• Les sites virtuels sont initialisés par des objets choisis au hasard parmi les objets du jeu de
données.
• Les sites virtuels sont ensuite mis à jour de façon itérative :
- Un nouvel objet est choisi au hasard et présenté à la couche d'entrée
- La distance euclidienne entre ce nouvel objet et chaque site virtuel est calculée
- L'objet virtuel le plus proche de ce nouvel objet est choisi comme neurone vainqueur.
C'est le "Best Matching Unit" (BMU).
- Les poids des objets virtuels sont mis à jour et le BMU et ses voisins se réorganisent
autour du nouvel objet.
L'apprentissage se décompose en deux phases selon Céréghino et al. (2003) :
• La phase de mise en ordre (3000 premières itérations) : au cours de celle-ci, les objets
virtuels sont fortement modifiés dans un large voisinage du BMU.
• La phase d'ajustement (7000 itérations) : au cours de cette seconde phase, seuls les objets
virtuels adjacents au BMU sont modifiés.
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Quand l'apprentissage est terminé, une carte est obtenue et dans chaque hexagone se trouve un
objet virtuel pour lequel les valeurs des descripteurs ont été calculées. Ces objets virtuels
représentent la distribution des objets réels.
La SOM Toolbox (version 2) pour Matlab® a été utilisée. Cette interface a été
développée par l'université de technologie d'Helsinki et est téléchargeable gratuitement à
l'adresse suivante : http://www.cis.hut.fi/projects/somtoolbox (voir Vesanto et al. 1999 pour
les instructions pratiques).
Le choix de la taille de la carte est un paramètre important pour détecter au mieux
l'écart entre les données. Par exemple, si la carte est trop grande (i.e. si le nombre d'unités de
la carte est bien supérieur au nombre de sites d'études), on peut s'attendre à ce que le modèle
disperse trop les données. L'apprentissage du réseau de neurones se fait donc avec différentes
tailles de carte. La taille de carte optimale est choisie en se basant sur la minimisation des
erreurs de quantification (QE) et topographique (TE). QE est la moyenne des distances entre
chaque vecteur d'entrée et son BMU et mesure donc la résolution de la carte (Kohonen, 2001).
TE mesure la qualité de la carte (i.e. mesure si l'apprentissage de la carte est de qualité). TE
représente la proportion des vecteurs de données pour lesquels le 1er et le 2nd BMU ne sont
pas adjacents et donc est utilisée pour mesurer la préservation de la typologie (Kiviluoto,
1996).
Un algorithme k-means a ensuite été utilisé pour mettre en évidence des groupements
de sites sur la carte de Kohonen. Les unités de la carte sont divisées en groupements en
fonction des vecteurs de poids des neurones. Le nombre de groupes se justifie grâce à une
minimisation de l'index Davies Bouldin (DBI, Ultsch, 1993) qui reflète une faible variance
intragroupe et une forte variance intergroupes.
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II. Résultats
II.1 Typologie abiotique : ordination des sites en fonction des variables
environnementales
En se basant sur QE et TE, une carte de 54 unités (9×6) a été choisi pour projeter les
sites (Tab. 2).
Tab. 2 : Qualité de l'apprentissage de la carte de Kohonen pour différentes tailles de carte. La taille de la carte représente le nombre d'unités. QE : erreur de quantification, TE : erreur topographique.
Données d'entrée Taille de la carte QE TE
42 0,72 0,01 48 0,70 0 54 0,68 0 63 0,68 0,01
L'erreur topographique est nulle indiquant que la carte préserve bien la typologie du
jeu de données d'entrée (Kohonen, 2001). L'algorithme k-means permet d'isoler six
groupements clairs basés sur un DBI minimum (Tab. 3).
Tab. 3 : Valeur de l'index Davies-Bouldin (DBI) pour différents nombres de groupements dans la carte de Kohonen. Le nombre de groupe optimum correspond au DBI minimum.
Nombre de groupes 2 3 4 5 6 7
DBI 1,58 1,03 0,93 0,86 0,83 0,88
L'ordination des sites sur la carte de Kohonen (Fig. 2A) est principalement expliquée
par un gradient d'altitude, de proportion d'agriculture dans le basin versant et de proportion de
forêt dans les environs des étangs (Fig. 2B). Les valeurs prises, dans chacun des six groupes,
par les principales variables environnementales expliquant l'ordination des mares, sont
présentées dans la figure 3.
Les étangs des groupes C et E représentent les mares de moyenne (groupe C, moyenne
(M) = 1561 m) et haute altitude (groupe E, M = 2055 m). Les sites des groupes A, B, D et F
sont les étangs situés en zone de plaine. Parmi les étangs de plaine, on peut distinguer deux
groupes. Les groupes D et F rassemblent les points d'eau soumis à une influence humaine
avec beaucoup d'agriculture dans le bassin versant (groupe D, M = 79%; groupe F, M = 53%)
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et peu de forêt autour des mares (groupe D, M = 13%; groupe F, M = 23%). A contrario, les
étangs des groupes A et B présentent de forte proportion de forêt dans leurs environs (groupe
A, M = 78%; groupe B, M = 56%) et de faible proportion d'agriculture dans leurs bassins
versants (groupe A, M = 8%; groupe B, M = 26%).
Fig. 2 : A) Distribution des sites d'études sur la carte de Kohonen en fonction des variables environnementales et groupements définis par l'algorithme k-means (A à F). Les nombres correspondent aux étangs. Les sites voisins sur la carte ont des caractéristiques similaires. B) Gradient de valeurs de chaque variable environnementale sur la carte de Kohonen (foncé = valeurs fortes, clair = valeurs faibles).
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Fig. 3 : Moyenne (± erreur standard) des valeurs prises, dans les différents groupes (voir Fig. 2), par les principales variables environnementales explicatives des groupement de la carte de Kohonen. Parmi les étangs peu soumis à l'influence humaine, les sites du groupe B sont peu
transparents (transparence été M = 14,5cm) ce qui peut être associé à de faibles pourcentages
de végétation submergée (M = 1,5%). Parmi les points d'eau situés soumis à une influence
humaine, les sites du groupe F appartiennent aux plus jeunes classes d'âge (médiane = 2) et
sont fortement colonisés par de la végétation submergée (M = 80%). On peut également noter
que les étangs des groupes B et F correspondent aux milieux les plus connectés dans les zones
de plaine (groupe B, M = 4,8; groupe F, M = 4,5).
Les valeurs des richesses spécifiques et les valeurs de conservation des 4 groupes de
faune étudiés dans les 6 groupes de la typologie sont présentées dans la figure 4.
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Fig. 4 : Moyennes (± erreur standard) des richesses spécifiques (R) et valeurs de conservation (C1 et C2) dans les différents groupes de la typologie (A à F, voir fig. 2) pour les 4 groupes de faune.
Les étangs d'altitude (groupes C et E) présentent de faibles richesses spécifiques. Pour
les coléoptères, les richesses des étangs du groupe E sont significativement inférieures à celles
des autres groupes (t-test, p<0,05). Pour les amphibiens, les odonates et les gastéropodes, les
richesses des mares du groupe E sont également significativement inférieures à celles
rencontrées dans les autres groupes (t-test, p<0,05) à l'exception des valeurs de richesse du
groupe C (t-test, p>0,05).
A l'inverse, les étangs du groupe F (et B dans une moindre mesure) ont tendance à être
plus riches que les autres groupes. Ceci est particulièrement vrai pour les amphibiens. Pour ce
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groupe, les richesses des groupes B et F (i.e. étangs de plaine bien connectés) sont
significativement supérieures à celles des autres groupes (t-test, p<0,05).
La comparaison des valeurs de conservation des assemblages d'espèces par site (C1)
indique que le groupe E regroupe les étangs ayant les plus faibles valeurs (t-test, p<0,05).
Pour les amphibiens et les gastéropodes, les groupes C et E (i.e. mares d'altitude) ont de
faibles valeurs de conservation par rapport aux autres groupes (t-test, p<0,05). Les étangs des
groupes B et F ont les valeurs de conservation pour les amphibiens les plus élevées (t-test,
p<0,05).
Concernant les valeurs de conservation moyenne par sites (C2), les différences entre
groupes sont beaucoup moins marquées. Pour les Odonates, les sites du groupe F ont des
valeurs significativement supérieures à celles des groupes A, C, D et E. Par contre, les étangs
des groupes C et E (mares d'altitudes) ont des valeurs similaires à celles des autres groupes (à
l'exception du groupe F). Pour les gastéropodes, les étangs d'altitude (groupe C et E) ont des
valeurs de conservation moyennes inférieures à celle des autres groupes. Pour les amphibiens,
les points d'eau du groupe E ont des valeurs significativement plus faibles (sauf par rapport au
groupe C) et ceux du groupe F ont des valeurs significativement plus élevées que les autres
groupes (à l'exception du groupe B).
II.2 Typologie biotique : ordination des sites en fonction des assemblages d'espèces
Tab. 4 : Qualité de l'apprentissage de la carte de Kohonen pour différentes tailles de carte. La taille de la carte représente le nombre d'unités. QE : erreur de quantification, TE : erreur topographique. En gras, valeurs optimales de QE et TE pour le choix de la taille de la carte.
Amphibiens Odonates Coléoptères Gastéropodes
Taille de la carte QE TE QE TE QE TE QE TE
40 0,65 0 1,40 0 1,57 0.01 0,91 0
48 0,60 0 1,36 0 1,50 0.01 0,85 0
54 0,59 0,01 1,31 0 1,49 0 0,84 0,01
60 1,30 0 1.47 0.01
80 1,20 0
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Tab. 5: Valeur de l'index Davies-Bouldin (DBI) pour différents nombres de groupements dans la carte de Kohonen. Le nombre de groupe optimum correspond au DBI minimum (en gras).
Nombre de groupes 2 3 4 5 6 7
DBI Amphibien 1,23 1,21 0,96 0,97 DBI Odonates 1,26 1,11 1,25 DBI Coléoptères 1,27 1,08 1,11 DBI Gastéropodes 1,38 1,11 1,05 0,92 1
II.2.1 Amphibiens
En se basant sur QE et TE, une carte de 48 unités (8×6) a été choisi pour projeter les
sites (Tab. 4). L'algorithme k-means permet d'isoler quatre groupements clairs basés sur un
DBI minimum (Tab. 5).
La figure 5 présente la carte de Kohonen et les groupements de sites mis en évidence.
Dans un premier temps, nous avons regardé les valeurs prises par les variables
environnementales dans les différents groupes de la typologie (Fig. 6). Ne sont présentées que
les variables présentant des différences significatives intergroupes (t-test, p<0,05). Dans un
second temps, nous avons comparé les valeurs de richesses spécifiques et les valeurs de
conservation C1 et C2 dans les quatre groupes (Fig. 7). Pour finir, nous avons analysé le poids
de chaque espèce dans chaque groupe de la typologie afin de mettre en évidence les
assemblages d'espèces caractéristiques de chacun des quatre groupes (Fig. 8).
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Fig. 6 : Valeurs prises par les variables environnementales dans les différents groupes de la typologie (I à IV cf. Fig. 5)
Fig. 5 : Distribution des sites d'études sur la carte de Kohonen en fonction des assemblages d'espèces d'amphibiens et groupements définis par l'algorithme k-means (I à IV). Les nombres correspondent aux étangs. Les sites voisins sur la carte ont des caractéristiques similaires.
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Fig. 7 : Valeurs prises par la richesse spécifique et les valeurs de conservation en amphibiens dans les différents groupes de la typologie (I à IV cf. Fig. 5). Les assemblages d'espèces d'amphibiens discriminent les étangs en 4 groupes. Les
étangs d'altitudes sont réunis dans les groupes II et III (Groupe II, M=1160m±118 et groupe
III, M=1272m±129) (Fig. 6). Le groupe I rassemble les étangs de plaine (M = 500±31),
jeunes (médiane = 2), avec une forte couverture en végétation submergée (M = 58%±10) et
transparents (M = 46cm±4). A l'inverse, les étangs du groupe IV, bien que situés également en
plaine (M = 696±53), sont plus anciens (médiane = 4), peu végétalisés (M = 17%±9) et peu
transparents (M = 28cm±6).
Pour les mares de plaine, les étangs du groupe I sont significativement plus riches (t-
test, p<0,05) et possèdent des valeurs de conservation C1 et C2 significativement plus élevées
(t-test, p<0,05) que celles du groupe IV (Fig. 7). Les richesses et les valeurs de conservation
des étangs d'altitude des deux groupes (II et III) ne sont pas significativement différentes les
unes des autres mais sont significativement inférieures à celles des étangs de plaine.
Du point de vue des espèces (Fig. 8), les deux groupes de mares d'altitude (II et III) se
distinguent par la présence de S. atra, B. bufo et T. alpestris dans le groupe II. Ces espèces
sont moins abondantes voire absentes dans le groupe III. L'espèce la plus présente dans les
étangs du groupe III est R. temporaria. Les mares de plaine du groupe IV sont caractérisées
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Fig. 8 : Poids des espèces d'amphibiens sur la carte de Kohonen (foncé = valeurs fortes, clair = valeurs faibles).
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par l'absence de nombreuses espèces présentes dans l'autre groupe d'étangs de plaine (groupe
I) comme H. arborea, T. cristatus, B. variegata, B. calamita et R. ridibunda. Par contre, la
salamandre tachetée (S. salamandra) est essentiellement caractéristique des points d'eau du
groupe IV.
Ces différents résultats sont récapitulés sous forme de diagramme dans la figure 9.
Fig. 9 : Diagramme récapitulant les résultats de la typologie basée sur les assemblages d'espèces d'amphibiens. + : valeurs fortes, - : valeurs faibles.
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II.2.2 Odonates
La figure 10 présente la carte de Kohonen et les groupements de sites mis en évidence
en fonction des assemblages d'espèces d'odonates (Voir tab. 4 et 5 pour le choix de la taille de
carte et du nombre de groupe).
Fig. 11 : Valeurs prises par les variables environnementales dans les différents groupes de la typologie (I à III cf. Fig. 10).
Fig. 10 : Distribution des sites d'études sur la carte de Kohonen en fonction des assemblages d'espèces d'odonates et groupements définis par l'algorithme k-means (I à III). Les nombres correspondent aux étangs. Les sites voisins sur la carte ont des caractéristiques similaires.
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Les assemblages d'espèces d'odonates discriminent les étangs en 3 groupes. Les étangs
d'altitudes sont réunis dans les groupes I (Groupe I, M = 1670m ± 99) (Fig. 11). Le groupe II
rassemble les étangs de plaine (M = 758m ± 59), peu transparents (M = 35cm ± 4) et de
surface limitée (M = 3387m2 ± 1320). A l'inverse, les étangs du groupe III sont bien
transparents (M = 44cm ± 3) et de surface plus élevées (M = 11748m2 ± 2562) mais
également situés en plaine (M = 562m ± 45).
Pour les mares de plaine, les étangs du groupe III sont significativement plus riches (t-
test, p<0,05) et possèdent des valeurs de conservation C1 et C2 significativement plus élevées
(t-test, p<0,05) que celles du groupe II (Fig. 12). Comme pour les amphibiens, les richesses et
la valeur de conservation C1 des étangs d'altitude sont significativement inférieures à celles
des étangs de plaine. Par contre la valeur C2 est comparable entre les étangs d'altitude et le
groupe II des étangs de plaine.
Fig. 12 : Valeurs prises par la richesse spécifique et les valeurs de conservation en odonates dans les différents groupes de la typologie (I à III cf. Fig. 10).
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Fig. 13 : Poids des espèces d'odonates sur la carte de Kohonen (foncé = valeurs fortes, clair = valeurs faibles).
Du point de vue des espèces (Fig. 13), les mares d'altitude (groupe I) se distinguent par
la présence de Somatochlora alpestris, Aeschna juncea et Coenagrion hastulatum. Quelques
espèces sont caractéristiques des deux groupes d'étangs de plaine comme Ischnura elegans,
Coenagrion puella, Chalcolestes viridis, Libellula quadrimaculata, Pyrrhosoma nymphula et
Sympetrum striolatum/vulgatum. Par contre les étangs du groupe III abritent de nombreuses
espèces qui sont absentes du groupe II comme Aeshna mixta, Cercion lindenii, Crocothemys
erythraea, Epitheca bimaculata, Gomphus pulchellus, Ischnura pumilio, Libellula fulva,
Onychogomphus forcipatus, Orthetrum albistylum, O. cancellatum et Sympetrum
depressiusculum.
Ces résultats sont récapitulés dans la figure 14.
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Fig. 14 : Diagramme récapitulant les résultats de la typologie basée sur les assemblages d'espèces d'odonates. + : valeurs fortes, - : valeurs faibles. II.2.3 Coléoptères
La figure 15 présente la carte de Kohonen et les groupements de sites mis en évidence
en fonction des assemblages d'espèces de coléoptères (Voir Tab. 4 et 5 pour le choix de la
taille de carte et du nombre de groupe).
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Fig. 16 : Valeurs prises par les variables environnementales dans les différents groupes de la typologie (I à III cf. Fig. 15). Les assemblages d'espèces de coléoptères discriminent les étangs en 3 groupes. Les
étangs d'altitudes sont réunis dans les groupes I (Groupe I M=1253m ± 95) (Fig. 16). Le
groupe II rassemble les étangs de plaine (M = 850m ± 111) appartenant à des classes d'âge
élevées (Médiane = 4,5). A l'inverse, les étangs du groupe III sont beaucoup plus jeunes
(Médiane = 2) mais également situés en plaine (M = 515m ± 42).
Fig. 15 : Distribution des sites d'études sur la carte de Kohonen en fonction des assemblages d'espèces de coléoptères et groupements définis par l'algorithme k-means (I à III). Les nombres correspondent aux étangs. Les sites voisins sur la carte ont des caractéristiques similaires.
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Fig. 17 : Valeurs prises par la richesse spécifique et les valeurs de conservation en coléoptères dans les différents groupes de la typologie (I à III cf. Fig. 15).
On observe des différences significatives entre les valeurs de richesse spécifique des
différents groupes de la typologie (t-test, p<0,05) (Fig. 17). Les mares de plaine les plus
jeunes (groupe III) sont les plus riches en coléoptères. Pour les valeurs de conservation les
différences entre les groupes ne sont pas significatives (t-test, p>0,05) à l'exception des
valeurs de conservation C1 des étangs du groupe I qui sont significativement inférieures à
celles des mares des deux autres groupes.
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Fig. 18 : Poids des espèces de coléoptères sur la carte de Kohonen (foncé = valeurs fortes, clair = valeurs faibles).
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Du point de vue des espèces (Fig. 18), les mares d'altitude (groupe I) se distinguent par
la présence d'un certain nombre d'espèces comme Haliplus fulvus, H. imaculatus, H.
laminutus, Helochares punctatus, Hydroporus foveolatus, Ilybius subaeneus ou Potamonectes
griseostriatus. A l'inverse, trois espèces ne se rencontrent jamais dans ce type d'étangs :
Coelostoma orbiculare, Graphoderus cinereus et Ilybius fenestratus. Les étangs de plaine
jeunes (groupe III) sont caractérisés par la présence de nombreuses espèces qui ne se
rencontrent que dans ce type d'étangs comme les trois espèces de Gyrinus, Haliplus
flavicollis, Hydaticus continentalis, H. seminiger, Guignotus pusillus, Laccophilus minutus
etc. (Fig. 18, espèces présentant des poids élevés en bas de la carte). Seules cinq espèces sont
caractéristiques du groupe II : Deronectes latus, Enochrus affinis, Leiosoma reflexum,
Oreodytes sanmarkii et Potamonectes assimilis. On peut également noter que, parmi les cinq
espèces d'Enochrus recensées, certaines ne se rencontrent que dans un seul type de mare : E.
cf. ochopterus pour le groupe I, E. affinis pour le groupe II et E. melanocephalus pour le
groupe III.
Les différents résultats sont synthétisés dans la figure 19.
Fig. 19 : Diagramme récapitulant les résultats de la typologie basée sur les assemblages d'espèces de coléoptères. + : valeurs fortes, - : valeurs faibles.
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II.2.4 Gastéropodes
Les assemblages d'espèces de gastéropodes discriminent les étangs en 5 groupes.
Malheureusement, les résultats sont très difficilement interprétables et ne seront donc pas
présentés ici. Aucune des variables environnementales prises en compte ne permet de
différencier clairement chacun des cinq groupes. De même, il n'existe aucune différence
marquée entre les valeurs de richesse spécifiques et de conservation de chacun des groupes.
II.2.5 Comparaison des différentes typologies
96% des mares d'altitude de la typologie des odonates (Groupe I, n=28) se retrouvent
dans les groupes II et III (i.e. étangs d'altitude) de la typologie des amphibiens. De la même
façon, 78% des étangs du groupe I de la typologie des odonates sont dans le groupe I de la
typologie des coléoptères. Sur les 48 étangs d'altitude du groupe I des coléoptères, 72% se
trouvent dans les groupes II et III de la typologie des amphibiens.
Pour ce qui est des étangs de plaine, on trouve également une bonne correspondance
entre les étangs constituant les groupes de mares les plus riches et/ou à plus forte valeur de
conservation. En effet, 65% des mares présentes dans le groupe I des amphibiens (mares de
plaine, jeunes, végétalisées, transparentes et riches) se retrouvent dans le groupe III des
coléoptères (étangs de plaine, jeunes et riches). De même, 70% des étangs présents dans le
groupe I des amphibiens sont les mêmes que ceux du groupe III des odonates. De la même
façon, 64% des mares du groupe III (coléoptères) sont dans le groupe III des odonates (étangs
de plaine, de grande taille, transparents et riches).
III. Conclusions
Ce travail met en évidence l'importance primordiale du maintient d'une grande
diversité d'étangs au sein du paysage suisse.
La typologie abiotique nous apprend que chacun des types de mares mis en évidence
présente un intérêt du point de vue de la conservation des espèces. Cependant, une tendance
se dégage concernant les étangs de plaine, bien connectés, jeunes (moins de 40 ans) et bien
végétalisés qui tendent à posséder de plus fortes richesses spécifiques que les autres types de
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mares. Les valeurs de conservation C1 et C2 sont quant à elles comparables dans les
différents types de mares.
Les typologies biotiques permettent de préciser le type d'étang le plus favorable à des
richesses et à des valeurs de conservation élevées. Pour les amphibiens, nous avons vu que les
étangs de plaine, jeunes, bien colonisés par la végétation submergée et transparents
possédaient des richesses et des valeurs de conservation significativement plus élevées que les
autres types de mares. La transparence des étangs et le pourcentage de végétation submergée
sont évidemment fortement corrélés (r = 0,365; p<0,001). Plus un étang est transparent, plus
le pourcentage de végétation submergée augmente. Cependant les étangs de plaine plus âgés
et possédant moins de végétation submergée sont également intéressants de part la présence
dans ces milieux de la salamandre tachetée (Salamandra salamandra).
Pour les odonates, les mares de plaine, de grande surface et transparentes sont les plus
propices pour abriter une forte diversité d'odonates et pour présenter de fortes valeurs de
conservation. Ce résultat corrobore ceux d’autres études sur le même type de milieux (Oertli
et al. 2002, Carchini et al. 2003) qui ont également démontré des relations significatives entre
richesse spécifique en odonates et surface des mares. La surface de la mare est un paramètre
intégrateur de plusieurs autres paramètres. Les étangs de grande surface sont à priori aptes à
associer une plus grande diversité d’habitats. De plus, les mâles d’odonates, et spécialement
les mâles d’anisoptères, sont des animaux très territoriaux et agressifs à l’état adulte. Corbet
(1962) indique, par exemple, que lorsque la compétition pour l’espace devient importante, ce
sont les petites espèces d’anisoptères qui en souffrent le plus. Ces espèces doivent alors
quitter le point d’eau. Les mares de grande surface peuvent donc permettre la coexistence
d’un plus grand nombre d’espèces. Une bonne transparence des étangs (souvent associée à
une forte proportion de végétation submergée) peut également permettre l'installation d'un
plus grand nombre d'espèces de part la diversification des substrats de ponte (eau libre,
végétaux, mousses des berges, vase).
Pour les coléoptères, nous avons vu que les étangs de plaine jeunes possédaient des
richesses significativement plus élevées que les autres types de mares. Par contre les valeurs
de conservation sont similaires entre les deux groupes d'étangs de plaine. L'influence de l'âge
des étangs sur les coléoptères n'a jamais été clairement démontrée. Cependant Fairchild et al.
(2000) ont pu mettre en évidence des différences d'assemblages d'espèces entre mares
nouvellement créer et mares plus anciennes. En effet certains groupes de coléoptères (comme
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les Chrysomelidae et les Curculionidae non présents dans notre étude) ont besoin de
l'établissement de certains types de plantes caractéristiques des mares plus âgées.
La difficulté d'interprétation des résultats concernant les gastéropodes peut être
expliquée par le mode de dispersion de ces organismes. Les différentes espèces de
gastéropodes peuvent coloniser une mare seulement si elles y sont amenées par un vecteur
mais aucune preuve directe sur la nature de ces vecteurs n’a pu être apportée. Tous les
mollusques ont une dispersion passive mais aussi une reproduction sexuée. Cependant,
certaines espèces sont capables d’autofécondation (voir par exemple Jarne et al. (2000) pour
Physa acuta, Coutellec-Vreto et al. (1998) pour Radix peregra. L’hermaphrodisme et
l’autofécondation de certaines espèces permettent donc la survie de populations composées
d’un nombre restreint d’individus. Pour les autres espèces, la colonisation d’une mare
implique l’arrivée d’au moins deux individus qui pourront alors se reproduire. La probabilité,
à priori, que cela arrive est très faible et fortement liée au hasard. Le hasard de la colonisation
des mares par les gastéropodes peut donc rendre difficilement interprétable les relations entre
espèces et variables environnementales.
Du point de vue de la conservation des espèces, il est primordial de considérer la
biodiversité à une échelle régionale ou nationale plutôt que d'essayer de maximiser la
diversité des espèces dans un petit nombre de milieux. Si le but des actions de gestion des
étangs est de maximiser la diversité des espèces, un grand soin doit être apporté à conserver la
diversité des milieux présents à l'échelle nationale (mare d'altitude, de forêt, agricoles, de
grande taille, plus jeunes ou plus âgées etc.…). Cette étude montre aussi l'importance de
l'approche multi groupes (amphibiens, odonates, coléoptères, gastéropodes) dans l'étude de la
biodiversité. De même, la prise en compte des valeurs de conservation des milieux apporte
des éléments de réponse différents que la seule prise en compte du nombre d'espèces
présentes dans le milieu. Cette approche doit être poursuivie dans le futur.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier les HES-SO (échanges internationaux) pour la subvention accordée à cette
étude. Mes sincères remerciements également à l'EIL de Lullier et plus particulièrement à tous
les membres de la filière "Gestion de la nature". Je tiens également à remercier les membres
du LEBA de l'Université de Genève.
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