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1 Rapport de recherche PERCEPTION PAR LES PATIENTS CEREBROLESES ET LEUR FAMILLE DES LIENS ENTRE L’HISTOIRE FAMILIALE ET LE VECU DE LA MALADIE. H. Oppenheim-Gluckman, psychiatre et psychanalyste, Institut Marcel Rivière (La Verrière 78), unité INSERM U 669 (Paris) P.De Collasson, psychologue clinicienne, CRFTC, Hôpital Broussais, Pavillon 11, 96 Rue Didot 75014 Paris Cette recherche a bénéficié de la bourse FTC-SOFMER en 2010 Introduction On parle souvent des familles et des patients cérébro-lésés sans tenir compte de leur parcours complexe et diversifié et des liens entre ce parcours et leur façon de vivre la maladie actuelle. En ce qui concerne le patient, la notion de personnalité antérieure est évoquée en terme d’antécédents psychiatriques, de comportements antérieurs, de structure psychique, mais on s’intéresse peu au vécu des évènements de vie (positifs et négatifs) et à son articulation avec la façon de traverser la maladie actuelle. Dans notre travail clinique, nous avons constaté que la façon de se confronter à la maladie (lésion cérébrale acquise avec troubles cognitifs) pour les patients et leur famille était aussi en relation avec le vécu des évènements antérieurs par le patient et sa famille (évènements dramatiques, traumatiques ou plus heureux), en lien avec l’histoire familiale parfois sur trois ou quatre générations et son impact sur la construction identitaire du groupe familial et de chacun de ses membres. D’où notre souhait d’explorer la diversité des parcours et les liens que les personnes peuvent faire entre ce parcours et le vécu de la maladie. Objectifs L’étude a comme objectif d’apporter un éclairage sur la perception subjective qu’ont les familles et les patients des interactions entre leur histoire familiale et leur vécu de la lésion cérébrale. Elle vise aussi à mieux comprendre la complexité de certains trajets des familles et des patients avant la lésion cérébrale et les effets possibles des expériences de vie heureuses ou malheureuses du patient et de sa famille sur la façon de se confronter à la maladie et au handicap actuel. Etat de la question Les trajets des familles dans la France d’aujourd’hui sont divers à cause des évènements individuels qui peuvent rythmer la vie de chacun (séparations, maladies, deuils, modifications familiales…), des évènements historiques qui ont marqué le 20° siècle et des mutations socio- économiques depuis plus de 50 ans : familles recomposées, chômage, risque de marginalisation sociale, migration interne (ville campagne, d’une ville à l’autre), modification du statut socio économique d’une génération à l’autre, immigration d’autres pays avec traversée pour certains de guerres, de génocides, de dictatures et de tortures. Il n’y a pas d’études sur l’articulation des trajets individuels et des histoires familiales avec la façon de se confronter à un traumatisme crânien, à un accident vasculaire, une anoxie cérébrale et autre lésion cérébrale acquise. D’un point de vue épidémiologique, de nombreuses études anglo-saxones ont montré que les conduites addictives et les conduites de risque sont les plus grands responsables de la survenue

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Rapport de recherche PERCEPTION PAR LES PATIENTS CEREBROLESES ET LEUR FAMILLE

DES LIENS ENTRE L’HISTOIRE FAMILIALE ET LE VECU DE LA MALADIE.

H. Oppenheim-Gluckman, psychiatre et psychanalyste, Institut Marcel Rivière (La

Verrière 78), unité INSERM U 669 (Paris)

P.De Collasson, psychologue clinicienne, CRFTC, Hôpital Broussais, Pavillon 11, 96 Rue

Didot 75014 Paris

Cette recherche a bénéficié de la bourse FTC-SOFMER en 2010

Introduction

On parle souvent des familles et des patients cérébro-lésés sans tenir compte de leur parcours

complexe et diversifié et des liens entre ce parcours et leur façon de vivre la maladie actuelle.

En ce qui concerne le patient, la notion de personnalité antérieure est évoquée en terme

d’antécédents psychiatriques, de comportements antérieurs, de structure psychique, mais on

s’intéresse peu au vécu des évènements de vie (positifs et négatifs) et à son articulation avec

la façon de traverser la maladie actuelle.

Dans notre travail clinique, nous avons constaté que la façon de se confronter à la maladie

(lésion cérébrale acquise avec troubles cognitifs) pour les patients et leur famille était aussi en

relation avec le vécu des évènements antérieurs par le patient et sa famille (évènements

dramatiques, traumatiques ou plus heureux), en lien avec l’histoire familiale parfois sur trois

ou quatre générations et son impact sur la construction identitaire du groupe familial et de

chacun de ses membres.

D’où notre souhait d’explorer la diversité des parcours et les liens que les personnes peuvent

faire entre ce parcours et le vécu de la maladie.

Objectifs L’étude a comme objectif d’apporter un éclairage sur la perception subjective qu’ont les

familles et les patients des interactions entre leur histoire familiale et leur vécu de la lésion

cérébrale.

Elle vise aussi à mieux comprendre la complexité de certains trajets des familles et des

patients avant la lésion cérébrale et les effets possibles des expériences de vie heureuses ou

malheureuses du patient et de sa famille sur la façon de se confronter à la maladie et au

handicap actuel.

Etat de la question Les trajets des familles dans la France d’aujourd’hui sont divers à cause des évènements

individuels qui peuvent rythmer la vie de chacun (séparations, maladies, deuils, modifications

familiales…), des évènements historiques qui ont marqué le 20° siècle et des mutations socio-

économiques depuis plus de 50 ans : familles recomposées, chômage, risque de

marginalisation sociale, migration interne (ville campagne, d’une ville à l’autre), modification

du statut socio économique d’une génération à l’autre, immigration d’autres pays avec

traversée pour certains de guerres, de génocides, de dictatures et de tortures.

Il n’y a pas d’études sur l’articulation des trajets individuels et des histoires familiales avec la

façon de se confronter à un traumatisme crânien, à un accident vasculaire, une anoxie

cérébrale et autre lésion cérébrale acquise.

D’un point de vue épidémiologique, de nombreuses études anglo-saxones ont montré que les

conduites addictives et les conduites de risque sont les plus grands responsables de la survenue

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de traumatisme crânien, en particulier l'alcoolisme et la toxicomanie. D'après Silver et coll.1, le

pourcentage de patients traumatisés crâniens à cause de la prise d’alcool serait d'environ 72%

(tous types de traumatisme crânien confondus). Ces mêmes auteurs signalent que

l'épidémiologie des autres drogues dans la genèse d'un traumatisme crânien est moins claire car

beaucoup de services ne mentionnent pas la prise de drogue, même si celle-ci est évidente. Ces

auteurs citent des études qui ont montré qu'approximativement un tiers des patients traumatisés

crâniens présentait une addiction connue à une substance toxique et/ou un traitement de cette

addiction antérieur à l'accident et que 50 à 70% des patients étaient intoxiqués lors de

l'accident.

Parmi les patients traumatisés crâniens suivis par Drubach et coll.2, 50% ont eu dans le passé

des démêlés avec la justice et 30% de mauvaises performances scolaires. Les patients avec des

failles narcissiques antérieures à l'accident auraient plus de difficultés à faire face à ses

conséquences3. Il y aurait chez eux une "angoisse de catastrophe" et une "rage narcissique"

plus fréquente. Pour Butler et Satz4 la désinhibition des traumatisés crâniens serait

l'exacerbation de problèmes psychopathologiques préexistants. Une étude5 montre que les

patients traumatisés crâniens avec des conduites impulsives et agressives ont plus de conduites

antérieures agressives et sont plus jeunes que les patients sans conduites impulsives.

Cependant, l’impact de la personnalité antérieure sur les troubles consécutifs au traumatisme

crânien est discuté. Une étude6 montre que le fonctionnement psychosocial du blessé est

corrélé uniquement à la sévérité de l'atteinte lésionnelle et non à la personnalité antérieure.

Pour une autre7 la dépression antérieure à l'accident n'influence pas les symptômes post-

lésionnels en cas de traumatisme crânien léger. Mais une autre étude montre l’importance des

caractéristiques antérieures du patient dans le pronostic psychosocial à long terme d’un

traumatisme crânien modéré ou sévère8.

De rares études s’intéressent à l’impact des évènements de vie sur l’émergence de pathologies

psychiatriques associées aux conséquences de la lésion cérébrale. Une étude9 montre que chez

les patients avec des histoires d'abus sexuels dans l'enfance, il y a réémergence de souvenirs

intrusifs et présence de symptômes en lien avec ces abus à l’occasion du traumatisme crânien.

Dans cette étude les patients qui ont subi des abus sexuels et qui semblaient avoir bien

récupéré seraient les plus vulnérables à l'émergence d'un état de stress post-traumatique en

lien avec ces abus sexuels lors d’un traumatisme crânien. Un article montre aussi que le fait

1Silver J.M., Yudofski S.C., Hales R.E. (eds) : Neuropsychiatry of traumatic brain injury, Washington,

American Psychiatric Press, 1994 2Drubach D., Mc Allister R., Hartman P. : "The use of a psychoanalytic framework in the rehabilitation of

patients with traumatic brain injury", The American Journal of Psychoanalysis, 54, 3, 1994, 255-63 3 Klonoff P.S., Lage G. A. : "Narcissistic injury in patients with traumatic brain injury", Journal of head Trauma

and Rehabilitation, 6, 4, 1991, 1-21 4 Butler R.W., Satz P. : "Individual psychothérapy with head-injured adults : clinical notes for the practitioner",

Professional psychology Research and Practice, 19, 5, 1988, 536-541 5 Greve KW, Sherwin E, Stanford MS, Mathias C, Love J, Ramzinski P : Personality and neurocognitive

correlates of impulsive agression in long-term survivors of severe traumatic brain injury, Brain Injury, 2001, 15,

3, 255-262 6 Tate R.L. : "It is not the kind of injury that matters, but the kind of head", Neuropsychological Rehabilitation,

8, 1, 1998, 1-18, Tate R.L : Does post traumatic personality change represent an exacerbation of premorbid

traits?, Neuropsychol Rehabil, 2003, 13, 1-2, 43-64, doi: 10.1080/09602010244000372. 7 Cicerone K.D., Kalmar K. : "Does premorbid depression influence post-concussive symptoms and

neuropsychological functionning ?" Brain Injury, 11, 9, 1997, 643-648 8 Schretlen DJ : Do neurocognitive ability and personality traits account for different aspects of psychosocial

outcome after traumatic brain injury ? Rehabilitation Psychology, 45, 3, 2000, 260-73 9 Reeves R, Beltzman D, Killu K : Implications of traumatic brain injury for survival of sexual abuse : a

preliminary report of findings, Rehabilitation Psychology, 45, 2000, 205-211

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d’avoir été confronté à un événement majeur six mois avant un AVC majore le risque

postérieur de dépression10

. Un autre que chez les enfants avec un traumatisme crânien, les

facteurs de risque les plus importants sont le sexe, des évènements de vie antérieurs difficile

et le style de parentalité des parents11

.

En ce qui concerne d’autres maladies somatiques graves, les études s’intéressant à

l’articulation entre histoire familiale et façons de se confronter à la maladie sont rares. Une

étude porte sur la façon dont les enfants de rescapés de la Shoah se confrontent au cancer du

sein12

. Des études s’intéressent à l’impact des évènements de vie sur l’aggravation de la

pathologie somatique ou psychiatrique associée. Par exemple, une étude montre l’impact

d’évènements de vie stressants sur l’exacerbation de la sclérose multiple13

. Une autre étudie

les liens entre le développement d’une fibromyalgie et l’existence d’événements de vie qui

pourraient la déclencher ou l’aggraver14

. Un livre récent s’est intéressé aux conséquences

d’une histoire familiale marquée par la surdité sur les façons de se comporter face à celle-ci

sans pouvoir donner une conclusion univoque15

. Des études récentes montrent que le statut

socio économique a un impact sur la morbidité, voire la mortalité16

. D’autres montrent

l’impact de troubles psychiatriques sur le risque de mortalité ou de morbidité. Ainsi, un

diagnostic antérieur de dépression est associé avec un risque accru de mort dans les deux

ans17

. De nombreuses études montrent que des antécédents de dépression peuvent dans

certains cas être un facteur de risque pour la survenue de certaines pathologies somatiques ou

leur aggravation18

. Mais les expériences difficiles de l’enfance n’influenceraient pas la

survenue d’un cancer du sein19

. Par contre, le fait d’avoir un été un enfant placé serait un

facteur de risque pour la survenue de maladies psychiques ou mentales à l’âge adulte20

.

10

Bush-Beverly A : Major life events as risks factor for post-stroke depression, Brain Injury, 13, 2, 1999, 131-37 11 McKinlay A, Kyonka EG, Grace RC, Horwood LJ, Fergusson DM, MacFarlane MR : An investigation of the pre-injury

risk factors associated with children who experience traumatic brain injury, Inj Prev. 2010 Feb;16(1):31-5. doi:

10.1136/ip.2009.022483. 12

Baider L et al : transmission of response to trauma ? Second generation survivor’s reaction to cancer, Am J

Psychiatry, 2000, 157, 904-10

Baider L et al : Psychological distress and coping in breast cancer patients and healthy women whose parents

survived the Holocaust, Psychooncology, 2006, 5, 15, 635-46 13

Mohr D et al : Association between stressful life events and exacerbation in multiple sclerosis : a meta

analysis, British Medical Journal, doi :10.1136/bmj 38041.724421.55 14Gonzalez B, Baptista TM, Branco JC, Ferreira AS : Fibromyalgia: antecedent life events, disability, and causal attribution, Psychol Health Med. 2013;18(4):461-70. doi: 10.1080/13548506.2012.752098. Epub 2013 Jan 17. 15

Danermark B et al : Family history of hearing impairment and its psychological and social conseuqneces-what

next ? in Jones L et Dafydd S (eds) : The effects of genetic impairments in the family, New York, John Wiley

and Sons Ed, 2006 16

Par exemple, la position socio-économique du patient influence les conséquences d’une maladie coronaire,

Sacker et al : Impact of coronary heart disease on health functionning in an aging population : are there

differences according to socio economic position, Psychosomatic Medicine, 2008, 70, 3, 133-140; de meme, une

mortalité précoce serait en lien avec des habiletés cognitives basses qui sont expliquées par le statut socio-

économique, Jokela M et al : IQ, Socioeconomic status and Early Death : The US National Longitudinal Survey

of Youth, Psychosomatic Medicine, 2009, 71, 322-28 17

Kinder L et l : Depression, post traumatic stress disorder and mortality, Psychosomatic Medicine, 2008, 70,

20-26 18

Fraguas R et al : Major depressive disorder and comorbid cardiac disease : is there a depressive subtype with

great cardiovascular morbidity ? Results from the star D study, Psychosomatics, 2007, 48, 5, 418-425

Patten S et al : Major depression as a risk factor for High Blood Pressure : Epidemiologic Evidence From a

National Longitudinal Study, Psychosomatic Medicine, 2009, 71, 273-79 19

Ginzburg K et al : Breast cancer and psychosocial factors : early stressfull life events, social support and well

being, Psychosomatics, 2008, 49-5, 407-12 20Zlotnick C, Tam TW, Soman LA : Life course outcomes on mental and physical health: the impact of foster

care on adulthood.,Am J Public Health. 2012 Mar;102(3):534-40. doi: 10.2105/AJPH.2011.300285.

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D’une façon plus générale, des études, portant sur les enfants21

et les petits-enfants22

des

rescapés de la Shoah ont montré l’intérêt de s’intéresser aux effets transgénérationnels, sur

deux et même trois générations, des événements traumatiques vécus. Ainsi, une étude a

montré des différences dans la durée du stress post-traumatique chez les soldats israéliens

blessés au combat entre ceux qui étaient descendants de survivants de la Shoah et les autres23

.

Néanmoins, il importe de se dire qu’il n’existe pas forcément une cause unique aux troubles24

.

Plusieurs études récentes sur la santé mentale des enfants d’immigrants ont, elles aussi,

montré l’importance de s’intéresser à cette question25

. Une étude suédoise26

conclut que les

enfants d’immigrants ont plus de risques d’être hospitalisés pour des troubles psychiatriques.

D’autres études, scandinaves, ont montré que les adolescents de familles ayant vécu des

« événements de vie négatifs » avaient plus de risque de tabagisme et d’infections aigues que

leurs pairs27

. Les mêmes auteurs ont montré que les enfants d’immigrants et surtout leurs

parents étaient nombreux à avoir connu des situations de guerre, et que ce dernier élément

était fortement corrélé au risque de trouble psychologique ou psychiatrique des adolescents28

.

Cependant, il importe de ne pas tracer une relation automatique entre enfants d’immigrés et

troubles psychologiques (ou sociaux), comme le montre une étude hollandaise29

.

Les études citées ici s’intéressent surtout à un évènement traversé par des populations et à leur

impact, mais elles n’explorent pas la dimension subjective du vécu de cet évènement difficile

ni le fait qu’une personne peut connaitre tout au long de sa vie des évènements multiples et

complexes. Le vécu de l’événement, comme le montre Welzer30

est une reconstruction par

rapport à l’événement lui-même, surtout quand il a un fort impact émotionnel. Il s’intègre

dans l’histoire personnelle et familiale parfois de façon clivée avec la connaissance objective

de l’événement. Sa narration diffère selon les membres de la famille et leur place dans la

21

Adelman A : Mémoire traumatique et transmission intergénérationnelle des récits de l’Holocauste, Revue

Française de Psychanalyse, 2000, LXIV, 221-46.

Barocas H, Barocas C : Manifestations of concentration camp effects on the second géneration, Am J Psychiatry,

1973, 130, 820-21

Barocas H, Barocas C : Separation-individuation conflicts in children of Holocaust survivors, Journal of

Contemporary Psychotherapy, 1980, 11, 1, 6-14

Hogman F : Trauma and identity through two generations of the Holocaust, Psychoanal Rev, 1998, 85, 551-78.

Sigal JJ : Long term effects of the Holocaust : empirical evidence for resilience in the first, second and third

generation. Psychoanal Rev, 1998, 85, 579-85

22

Bechar E et al : Agression expression in grandchildren of Holocaust survivors : a comparative study, Isr J

Psychiatry Relat Sci, 1994, 31, 41-7

Haesler L : De la transmission transgénérationnelle du traumatisme, un enfant de la troisième génération des

persécutions nazies, Journal de la Psychanalyse de l’Enfant, 1991, 9, 132-47

Zohar A et al : Holocaust exposure and disordered eating : a study of multigenerational transmission, European

Eating Disorders, 2007, 15, 50-57 23

Solomon Z et al : Combat-related posttraumatic stress disorder among second generation Holocaust survivors :

preliminary findings, Am J Psychiatry, 1988, 145, 865-8 24

Weiss E et al : Comparison of second generation Holocaust survivors, immigrants and non immigrants on

measure of mental health, J Pers Soc Psychol, 1986, 50, 828-31 25

Baubet T, Moro MR : Psychiatrie et migrations, Paris, Masson, 2003 26

Saraiva L et al : Incidence of mental disorders in second generation immigrant in Sweden, a four year cohort

study, Ethn Health, 2005, 10, 243-56 27

Lien L et al : Mental health problems, negative life events, perceived pressure and the frequency of acute-

infections among adolescents. Results from a cross-sectional , multicultural population based study, Acta

Paediatr, 2007, 96, 301-6 28

Lien L et al : Own and parental war experience as a risk factor for mental health problems among adolescents

with an immigrant background : results form a cross-sectional study in Oslo, Norway, Clin Pract Epidemiol

Ment Health, 2006, 2, 30 29

Vollebergh WA et al : Mental health in immigrant children in the Neederlands, Soc Psychiatr Epideiol, 2005,

40, 489-96 30

Welzer H, Moller S, Tschuggnall K : Grand père n’était pas un nazi, Paris, Gallimard, 2013.

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lignée générationnelle. Dans l’étude de Welzer sur le vécu du passé nazi dans les familles

allemandes, étude avec des entretiens sur trois générations (les grands-parents qui ont connu

la guerre et qui ont un passé nazi, les enfants et les petits-enfants), la mémoire familiale

apparaît comme une reconstruction et au fil des générations se reconstruit une histoire qui

peut même effacer l’action des grands-parents ou des parents ou la modifier et lui donner un

autre sens, quelle que soit par ailleurs la très bonne connaissance du passé de l’Allemagne qui

est massivement enseigné31

.

Une étude de D. Oppenheim sur la « Perception par les parents des enfants traités pour cancer

des conséquences de leur histoire familiale sur leur capacité à se confronter au cancer » a été

réalisée à partir de questionnaires et d’entretiens. Elle montre que les fragilités des parents

peuvent être réactionnelles à la maladie mais qu’elles peuvent aussi découler de difficultés

plus anciennes personnelles ou familiales32

. Nous avons adapté la méthodologie de cette étude

pour le travail présenté ici.

Hypothèses L‘expérience subjective des évènements de vie (heureux ou malheureux) qui se sont produits

dans l’histoire familiale sur trois et parfois quatre générations peut avoir un impact complexe

sur la façon de se confronter à la lésion cérébrale et sur les mécanismes de résilience.

Méthodologie Il s’agit d’une étude qualitative. Ont été étudiés :

La perception des évènements de vie heureux ou malheureux qu’ont connu les patients

cérébro-lésés et leur famille en prenant en compte l’histoire familiale sur trois ou

quatre générations

La perception par les proches et le blessé de la place de la lésion cérébrale actuelle

dans leur histoire personnelle et familiale. Leur perception du retentissement de

l’histoire familiale sur leur capacité à se confronter à la maladie et sur la capacité des

proches à soutenir le blessé.

Dix-neuf patients adultes cérébrolésés (traumatisés crâniens ou accident vasculaire

cérébral, anoxie cérébrale) et leur famille ont été inclus dans l’étude. Ces patients avaient

un handicap séquellaire (GOS 5, 4 ou 333

). Ils ont été vus au minimum six mois après la

survenue de la lésion cérébrale (sauf 1). Ils ont été recrutés par le biais des professionnels

en lien avec le réseau TC Ile de France. Ont été exclus de notre étude les patients ou les

familles ne maîtrisant pas suffisamment le français, les patients avec des troubles de la

communication sévères, les mutismes akinétiques, les patients EVC ou EPR, ceux qui

présentaient des amnésies rétrogrades et autobiographiques massives. Les familles ont été

représentées par une personne de l’entourage proche (souvent l’aidant principal) indiquée

par le professionnel qui nous avait adressé le patient ou par ce dernier.

Les caractéristiques des patients et de leurs proches figurent dans les tableaux 1 et 2.

31

Welzer H, Moller S, Tschuggnall K : Grand père n’était pas un nazi, Paris, Gallimard, 2013. 32

Oppenheim D et al : Conséquences de l’histoire individuelle et familiale des parents sur leur capacité à aider

leur enfant traité pour cancer, Communication au congrès de l’Association Française des Soins de Support en

Oncologie, Tours, 2009 et texte inédit ainsi que présentation de quatre entretiens avec les parents vus dans le

cadre de cette étude dans « Cancer: Comment aider l'enfant et ses parents ». De Boeck 2010, p 13-19

33 Jennet B, Bond M : Assesment of outcome severe brain damage, Lancet, 1975, 1° March, 480-84

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Un entretien semi-directif d’environ une heure a été proposé de façon séparée au patient et à

son proche (cf annexe 1 et 2). Si le patient ou le proche le souhaitait, il pouvait revoir une fois

l’un des chercheurs pour poursuivre la réflexion initiée lors de l’entretien de recherche, ce

second entretien n’étant pas intégré dans le protocole de recherche. Aucun patient ou proche

n’a fait une telle demande.

Dans la mesure où il n’existe aucune recherche du même type sauf celle de D.Oppenheim, la

grille d’entretien semi-directif a été élaborée en s’appuyant sur les travaux de celui-ci34

et sur

nos hypothèses de travail. Un travail préalable avec trois patients a permis de l’améliorer.

Un questionnaire médical succinct a été adressé au soignant qui nous avait adressé le patient,

ce avec l’accord de ce dernier (cf annexe 3)

L'enregistrement et la retranscription dactylographiée de chaque entretien ont été analysés

séparément par les deux cliniciens-chercheurs, psychiatre et psychologue de formation

psychanalytique35

. Ont été établis, grâce à une analyse de contenu des entretiens tels qu'elle se

pratique en sciences humaines, des "ensembles significatifs"36

, c'est-à-dire des ensembles qui,

au-delà de leurs similitudes ou différences apparentes, correspondent à la même configuration

structurale en ce qui concerne la problématique du sujet.

Le choix de ces "ensembles significatifs" s'est appuyé sur les rares travaux existants et sur nos

hypothèses de travail. Ils ont été élaborés avec une méthode inductive, à partir des données

fournies par les entretiens, comme cela est préconisé dans la « grounded theory »37

. La liste de

ces ensembles significatifs figure en annexe 4

Un consensus entre les cliniciens a été nécessaire pour signifier la présence ou l’absence d’un

élément significatif.

Nous avons tenté de repérer dans les entretiens la présence de chaque « ensemble

significatif ». Notre analyse a porté sur les pourcentages de réponses (positives, négatives,

incertaines) pour chacun d’entre eux.

La comparaison des réponses des patients et des proches à l’aide du test statistique X2

appliqué aux séries appariées n’a pas été possible en raison du faible nombre de patients et de

proches étudiés.

Les règles éthiques de recueil et de traitement des données ont été respectées et cette

recherche a reçu l’autorisation de la CNIL le 28 mars 2012 et l’accord du Comité consultatif

sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de santé le 12 Mai

2011.

34

Oppenheim D et al : Conséquences de l’histoire individuelle et familiale des parents sur leur capacité à aider

leur enfant traité pour cancer, Communication au congrès de l’Association Française des Soins de Support en

Oncologie, Tours, 2009. 35

Helène Oppenheim-Gluckman et Patricia De Collasson 36

Bardin L. L’analyse de contenu. Vol 1. Paris : Presses Universitaires de France; 1991 ;

Bourguignon O, Bydlowski M. La recherche clinique en psychopathologie. Vol 1. Paris: Presse universitaire de

France; 1995.

Jeammet N. Ebauche d’une méthodologie dans le champ de la recherche clinique. Psychiatrie de l’enfant

1982; 25: 439-85. 37

Glaser BG, Strauss AL. The discovery of grounded theory. Vol 1. Chicago : Aldline ; 1967

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7

Résultats

Ceux-ci sont résumés dans le tableau 3.

Les points principaux qui apparaissent dans le discours des patients et des proches lors des

entretiens sont les suivants :

A) Evénements de vie et histoire familiale

Concernant la description d’évènements personnels ou familiaux antérieurs à la maladie

cérébrale, 21% des patients et des proches décrivent uniquement des évènements à caractère

traumatique. La maladie actuelle ne représente pas le premier événement de vie difficile dans

89% des cas pour le patient et dans 100% des cas pour le proche. Par contre, d’autres

évènements ont été plus douloureux que la maladie actuelle dans 21% des cas pour le patient

et dans 16% des cas pour le proche.

Les évènements antérieurs à la maladie actuelle décrits dans l’entretien concernent surtout le

génération du patient ou du proche qui participe à l’entretien et celle de ses parents (95% des

cas pour le patient, 100% des cas pour le proche), mais aussi celle des grands parents (58%

des cas pour le patient, 63% des cas pour le proche). Lorsque les patients ou les proches ont

des enfants, les évènements antérieurs à la lésion cérébrale concernant la génération des

enfants sont cités dans 76% des cas pour le patient et pour les proches.

Parmi les évènements difficiles antérieurs à la maladie actuelle, les séparations douloureuses à

l’âge adulte concernent 53% des patients et 42% des proches, une maladie déstructurante

affectant la personne participant à l’entretien ou sa famille 57% des patients et 63% des

proches, les séparations dans l’enfance 42% des patients et 63% des proches, la mort tragique

d’un parent ou d’un membre de la famille 37% des patients et 53% des proches, des décès à

répétition 37% des patients et 47% des proches.

Compte-tenu de notre connaissance des contextes politiques et sociaux, nous avons pour notre

part repéré que des évènements politiques et sociaux collectifs difficiles sont contemporains

de l’histoire familiale de 94% des patients et de 89% des proches. Cependant,42% des

patients et 37% des proches parlent dans l’entretien d’évènements historiques, politiques et

sociaux traversés par eux-mêmes ou leur famille, et 32% des patients et des proches en font

un événement important de l’histoire familiale. Un seul patient et deux proches établissent

une continuité entre l’impact qu’ont eu ces évènements sur eux et leur famille et le vécu de la

lésion cérébrale.

68% des patients et 53% des proches qui participent à l’entretien ont une histoire individuelle

ou familiale marquée par des déplacements d’une région ou d’un pays à l’autre ou par des

exils. 42% des patients et 47% des proches décrivent dans leur histoire ou dans celle de leur

famille des éléments de rupture (sociales, géographiques) avec le milieu d’origine. Seuls 21%

des patients et 26% des proches décrivent dans l’entretien un décalage des modes pensée avec

d’autres membres de la famille.

B) liens familiaux, médicaux, insertion

Les patients évoquent la solidarité principalement de la part des parents (63%), de la fratrie

(63%), des amis (53%), Il est à noter que les 8 patients qui sont en couple disent tous pouvoir

compter sur la solidarité de leur conjoint. Les résultats sont plus dispersés chez les proches ;

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47% d’entre eux peuvent compter sur les amis ; 60% des proches qui sont en couple peuvent

s’appuyer sur leur conjoint, 55% de ceux qui ont des enfants sur les enfants, 32% sur la

fratrie et 21% sur les parents.

Il existe un sentiment d’isolement dans la traversée de la maladie plus souvent exprimé chez

les proches (53%) que chez les patients (37%). Ce sentiment semblait préexister plus

fréquemment avant la lésion cérébrale chez les proches (37%) que chez les patients (16%).

L’éclatement, la distanciation ou la rupture des liens familiaux est un élément important pour

58% des patients et 68% des proches. Elle est le plus souvent attribuée par les patients à des

conflits familiaux anciens (53%) et par les proches à des causes plus diverses (révélations de

points de vue différents à l’occasion de la maladie, révélation de la fragilité des liens à

l’occasion de la maladie, conflits familiaux anciens, dispersion géographique de la famille).

Cependant, on peut noter le faible nombre de ruptures dans la vie de couple postérieure à la

lésion cérébrale chez les patients et les proches que nous avons rencontré (2 patients, 1

proche).

79% des patients et 74% des proches peuvent évoquer dans l’entretien l’histoire familiale,

mais le plus souvent sous forme de quelques « bribes ». Cependant seulement 47% des

patients et 42% des proches peuvent évoquer même très partiellement l’histoire de leur père,

et 53% des patients et 58% des proches même très partiellement celle de leur mère.

C) Aspects psychopathologiques

Les patients ont plus souvent que les proches des difficultés à évoquer leur histoire

personnelle et familiale et les évènements qui l’ont marqué. S’ils sont seuls à être en difficulté

pour des raisons cognitives (37% des patients), 58% des patients le sont pour des raisons qui

nous sont apparues comme défensives contre 16% des proches.

Pour 37% des patients et 74% des proches, les évènements vécus avant la maladie

engendraient encore des affects importants et douloureux quand la maladie est survenue ; 16%

des patients et 42% des proches étaient encore dans des processus de deuil.

32% des patients et 63% des proches considèrent que le vécu de l’histoire personnelle et

familiale antérieure aggrave la difficulté de la situation actuelle. L’expérience de la lésion

cérébrale réactive ou majore un vécu antérieur douloureux chez 53% des patients et 58% des

proches.

Les proches (84%) sont plus nombreux que les patients (42%) à établir des liens conscients

entre le vécu des évènements antérieurs et le vécu de la maladie. Il est important de noter que

cependant l’entretien suscite la réémergence inconsciente des vécus antérieurs à la maladie

actuelle pour 53% des patients.

Seuls deux patients (11%) évoquent des théories psychogénétiques sur l’origine de leur

maladie actuelle en lien avec l’histoire familiale alors qu’ils sont six proches (32%) à le faire.

Capacités de résilience :

Patients et proches évoquent les ressources qui leur ont permis de surmonter les évènements

difficiles antérieurs, mais les proches le font plus (58% des patients et 84% des proches). La

moitié des proches et des patient disent que les ressources sur lesquelles ils s’appuient

actuellement sont les mêmes que celles qui leur ont permis de surmonter les autres

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évènements difficiles de leur vie. Dans la même proportion, les deux groupes s’appuient sur

les évènements heureux et les aspects positifs de leur vie pour faire face à la situation actuelle.

Par contre, il existe un décalage important entre les proches (47%) et les patients (16%) dans

la possibilité de s’appuyer sur l’expérience acquise dans la confrontation aux évènements

antérieurs difficiles. Il faut noter que cette question a été difficile à appréhender pour 2/3 des

patients et 1/3 des proches, donc difficile à coter.

32% des patients et des proches ont du mal à se représenter le futur et leur avenir.

Discussion

A) Méthodologie

Notre étude est une étude pilote, mais avec cependant un nombre important d’entretiens (19

patients et 19 proches appariés). Ses résultats devront être confirmés par des études ultérieures

plus extensives. Elle est une première étape dans la mesure où il n’existe aucune autre

recherche, à notre connaissance sur le sujet que nous abordons et pas d’autres études de ce

type pour des patients adultes avec une maladie somatique grave. La seule étude proche est

celle de Daniel Oppenheim38

et elle concerne des parents d’enfants traités pour cancer.

Dans ce contexte, nous avons été amenées à élaborer notre propre grille d’entretien et notre

propre liste « d’ensembles significatifs » permettant de faire une analyse qualitative de ces

entretiens.

Pour un certain nombre « d’ensembles significatifs » les différences de réponse entre patients

et proches, s’avèrent être riches d’enseignement, mais nous n’avons pas pu effectuer une

analyse statistique pour comparer les deux groupes.

Les patients et proches nous étant adressés par les médecins et soignants en lien avec le

réseau Traumatisme Crânien Ile de France, ce mode de recrutement introduit un biais dans la

composition de l’échantillon étudié. Il nous est difficile de l’analyser car nous ne savons pas

combien il y a eu de refus de participer à notre recherche et les raisons de ceux-ci, ni sur quel

critères les médecins ont choisi de nous adresser le patient et le proche, un envoi systématique

sur une période donnée s’étant avéré difficile à réaliser.

Cependant, malgré ces limites, il est possible de dégager un certain nombre d’éléments qui

permettent de décrire et de comprendre l’impact de l’histoire familiale sur plusieurs

générations et de l’histoire personnelle du patient ou de l’un de ses proches sur le vécu actuel

de la lésion cérébrale.

B) Analyse des Résultats

Plus de 80% des patients et des proches ont relaté des évènements de vie difficiles avant la

lésion cérébrale. Des résultats semblables se retrouvent dans l’étude menée par Daniel

Oppenheim auprès des parents d’enfants traités pour cancer : 81% des parents rencontrés

38Oppenheim D et al : Conséquences de l’histoire individuelle et familiale des parents sur leur capacité à aider leur enfant

traité pour cancer, Communication au congrès de l’Association Française des Soins de Support en Oncologie, Tours, 2009.

Texte inédit et in « Comment aider l'enfant et ses parents ». De Boeck 2010, compte-rendu d'entretiens avec quatre des

parents vus dans cette recherche, p 13-19

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disaient en avoir connu. Ce chiffre, souligne Daniel Oppenheim, apparaît un peu sous-estimé.

En effet, certains des 19% autres parents rencontrés lors de cette étude ont évoqué dans la

suite du questionnaire ou dans la discussion des situations anciennes difficiles. Ces chiffres

sont d’autant plus importants à noter que, dans notre étude, une majorité de proches et un peu

moins de la moitié des patients éprouvaient encore des affects douloureux à cause

d’évènements vécus avant la lésion cérébrale quand celle-ci est survenue et certains étaient

encore dans le deuil d’un proche39

. Ce qui veut dire que le vécu des évènements antérieurs à

la lésion cérébrale n’était pas surmonté lorsque celle-ci est survenue pour de nombreux

patients et proches. Par ailleurs, pour une majorité de patients et de proches, la confrontation à

la lésion cérébrale réactivait des vécus en apparence dépassés ou majoraient ceux qui ne

l’avaient pas été. Nos résultats sont congruents avec ceux de l’étude de Daniel Oppenheim :

pour 51% des parents d’enfants traités pour cancer, ce qui augmente la difficulté de la

situation actuelle, c’est de repenser aux évènements du passé et, pour 19% parmi ceux-ci, cela

augmente beaucoup cette difficulté. Dans notre étude, le vécu de l’histoire personnelle et

familiale est dit aggraver la difficulté de la situation actuelle par environ 1/3 des patients et

2/3 des proches. Ces résultats rejoignent ceux de l’étude de Daniel Oppenheim. Ils confirment

l’importance d’être attentif à l’histoire personnelle et familiale des patients cérébro-lésés et de

leur proche et à l’impact de cette histoire sur le vécu des conséquences de la lésion cérébrale.

L’impact des évènements du passé sur la difficulté de la situation actuelle peut nécessiter un

suivi psychothérapeutique dans le but de dépasser leurs aspects traumatiques et douloureux et

de favoriser ainsi les processus de résilience.

Pourquoi les proches ont-ils plus fréquemment le sentiment que le vécu de l’histoire

personnelle et familiale antérieur à la maladie aggrave leur difficulté à supporter la situation

actuelle ? Plusieurs hypothèses peuvent éclairer cette différence : les troubles cognitifs des

patients, en particulier mnésiques ou dysexécutifs, le fait que les proches étaient plus

nombreux que les patients à éprouver encore des affects douloureux à cause d’évènements

vécus avant la lésion cérébrale, la difficulté des patients à faire des liens conscients entre

présent et passé alors que c’est principalement la dimension consciente que l’entretien unique

a permis d’explorer.

Bien que la maladie ne représente pas le premier événement de vie difficile pour plus de 80%

des patients et de leurs proches, ceux-ci dans leur grande majorité ne décrivent pas

uniquement des évènements de vie difficile ou traumatiques antérieurs à l’accident cérébral,

mais aussi des évènements heureux et des aspects positifs de leur vie sur lesquels ils peuvent

s’appuyer. La majorité des patients et des proches peuvent d’ailleurs faire état de leurs

« ressources internes » pour faire face aux conséquences de la lésion cérébrale et ces

ressources sont liées aux expériences de vie passées, constituées d’évènements heureux, mais

aussi difficiles. 47% des proches mais seulement 16% des patients, peuvent mettre en

évidence la façon dont l’expérience acquise dans la confrontation antérieure à des

évènements de vie difficiles les a aidé à faire face à la lésion cérébrale. Dans l’étude de Daniel

Oppenheim, seulement 17% des parents d’enfants traités pour cancer avaient connu des

évènements forts dans leur passé qui avaient eu des conséquences positives. Nos résultats

montrent t-il que les patients et les proches que nous avons rencontrés font preuve de bonnes

capacités de résilience ? Ou bien sont ils liée à un biais de recrutement (des patients et des

proches qui faisaient une démarche volontaire pour participer à une recherche) ?

39

Nous n’avons pas noté que les patients et les proches qui avaient connu des évènements difficiles présentaient un

traumatisme psychique, mais il est difficile d’évaluer cet élément en un seul entretien.

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11

Cependant, il faut noter la difficulté des patients et des proches à cerner ce qu’a pu leur

apporter l’expérience acquise dans la confrontation aux évènements antérieurs difficiles.

Cette difficulté est sans doute due partiellement pour les patients aux troubles cognitifs,

mnésiques en particulier. Mais aussi sans doute au fait que les patients, submergés par

l’expérience de la maladie telle qu’elle s’inscrit dans leur corps, leur façon d’être, leur

cognition, ont du mal à penser qu’ils peuvent utiliser l’expérience acquise antérieurement

dans une expérience qui bouleverse leurs repères corporels et identitaires. Pour certains

proches, dans la mesure où l’expérience de la lésion cérébrale d’un membre de leur famille

est totalement déroutante et inhabituelle, difficilement pensable et représentable, dans la

mesure où elle bouscule le sentiment de familiarité avec le patient et les processus d’inter-

reconnaissance40

, il est peut-être difficile d’établir une continuité avec le vécu d’autres

expériences difficiles qui pourraient s’intégrer plus facilement dans un système de

représentation et dans une continuité quotidienne. Par ailleurs, le fait que des expériences

difficiles puissent avoir des effets positifs dans l’après coup face à d’autres épreuves est

souvent peu envisagé en ces termes

Parmi les évènements traversés avant la lésion cérébrale par le patient, le proche ou sa famille,

les séparations dans l’enfance, les séparations douloureuses à l’âge adulte sont des

évènements trés souvent cités, ce qu’il est important de noter. Les séparations sont à relier à

l’importance, dans le discours des patients ou des proches, des ruptures, de l’éclatement, de la

distanciation des liens familiaux. Il y a donc dans le trajet des patients et des proches des

ruptures dans les relations parents-enfants, les relations fraternelles, les relations de couple, ou

avec la famille élargie. La survenue de la lésion cérébrale s’inscrit donc souvent dans un

parcours déjà douloureux et chaotique en lien avec l’histoire familiale et dans un tissu familial

« soutenant » souvent réduit, parfois à une personne dans les entretiens que nous avons

menés.

Si les évènements de l’histoire familiale cités par les patients et les proches se situent

essentiellement à la génération de la personne qui participe à l’entretien et à la génération de

ses parents, cependant plus de la moitié des patients et des proches parlent aussi de l’histoire

de leurs grands-parents, et les évènements traversés par la génération des enfants sont cités

par environ les 3/4 des patients et des proches qui ont des enfants, ce qui veut dire une

perception au moins partielle de l’histoire familiale sur trois, voire quatre générations et le fait

que, malgré les ruptures, l’éclatement ou la distanciation des liens familiaux, les patients ou

leurs proches peuvent, au moins pour certains, s’inscrire symboliquement dans une histoire

familiale. Comme dans tout récit sur l’histoire familiale41

, certains évènements cités dans

l’entretien sont avérés, d’autres sont plus proches d’une légende familiale, d’autres

témoignent de la reconstruction de l’histoire au fil des générations à partir d’une connaissance

très partielle des évènements. Cependant, seulement la moitié des patients et des proches peut

évoquer même très partiellement au cours de l’entretien l’histoire de leur père ou de leur mère

(certains n’ayant pas connu l’un ou l’autre ou très peu). Cela veut-il dire qu’environ la moitié

des patients ou des proches qui participaient à l’entretien n’ont pas accès à une partie de

l’histoire de leur lignée soit paternelle, soit maternelle et n’ont pas de représentation du passé

d’au moins un de leur parent ? Ou bien n’en ont-ils pas parlé au cours de l’entretien pour des

raisons défensives ou cognitives ?

Ces résultats confirment la difficulté des patients ou des proches à être dans une continuité

familiale, ce qui peut avoir des répercussions sur le vécu de la lésion cérébrale. Ils montrent la

fragilité pour beaucoup de patients ou de proches de la notion de famille et de « groupe

40

Voir H.Oppenheim-Gluckman : La pensée naufragée, psychopathologie des patients cérébro-lésés, Paris,

Anthropos 2° ed, 2006 41

voir Welzer H, Moller S, Tschuggnall K : Grand père n’était pas un nazi, Paris, Gallimard, 2013.

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familial ». Les professionnels qui s’occupent de patients cérébro-lésés doivent tenir compte de

ces données. Il est également important d’être attentif dans la pratique clinique aux traces

qu’ont laissé ces vécus de rupture, d’éclatement et de distanciation des liens familiaux chez le

patient ou le proche, d’être attentifs à la façon dont ils sont réactivés ou majorés à l’occasion

de la lésion cérébrale.

Cependant, malgré les ruptures, les distanciations, l’éclatement des liens familiaux, une

majorité de patients trouve un appui auprès d’un ou de leurs parents et/ou d’au moins un

membre leur fratrie. Ils bénéficient aussi d’une solidarité amicale et, pour tous les patients qui

sont en couple à la date de l’entretien, de la solidarité du conjoint.

La solidarité dont font preuve les fratries des patients cérébro-lésés est congruente avec des

études récentes sur les fratries de patients avec des maladies chroniques ou des retards

mentaux42

et avec celles sur les fratries de patients cérébro-lésés43

. L’importance de la

solidarité des parents de patients cérébro-lésés est congruente avec notre pratique clinique.

Elle peut aussi s’expliquer par l’âge des patients que nous avons rencontré (7 ont moins de 30

ans) et par leur statut marital (10 sont célibataires ou divorcés). Nous n’avons pas trouvé

d’étude spécifique sur les parents en tant qu’aidant de patients cérébro-lésés adultes et sur leur

place et leur fonction quand ils ne sont pas l’aidant principal.

Alors que les divorces après un traumatisme crânien concernent 40% des couples44

, nous en

avons retrouvé très peu parmi les patients que nous avons rencontrés et la solidarité de couple

est citée par tous les patients en couple au moment de l’entretien, quelles que soient par

ailleurs les difficultés relatées par les conjoints que nous avons rencontré ou leurs

interrogations sur la poursuite de la relation conjugale. Ces résultats sont-ils liés à un biais de

recrutement, les volontaires pour une telle recherche étant ceux « qui se portent le mieux »

psychiquement ?

Les résultats sont plus nuancés pour les proches qui d’ailleurs se plaignent plus que les

patients d’un sentiment d’isolement, qui pour certains préexistait à la maladie actuelle. Pour

les proches ce sont les enfants (pour ceux qui en ont), l’autre du couple (pour ceux qui sont

en couple) et les amis qui sont les plus solidaires, puis la fratrie et en cinquième place les

parents. Nos résultats diffèrent de ceux de Daniel Oppenheim, qui trouve que la solidarité du

couple est l’élément majeur (92% des parents d’enfants traités pour cancer l’évoquent), suivis

par celle de la fratrie (75%) et celle des parents (72%). Comme dans notre étude, les amis

jouent un rôle important (86% des personnes rencontrées par Daniel Oppenheim en parlent).

Plusieurs éléments peuvent sans doute expliquer ces résultats différents : le contexte (période

de l’hospitalisation et des soins qui mobilise plus l’entourage tandis que notre étude se situe

dans l’après coup de l’hôpital), dans un cas le patient est un enfant, dans l’autre un adulte, ce

qui ne mobilise pas de la même façon l’entourage, enfin le type de rapports de l’entourage du

proche avec le patient. Ainsi, par rapport à l’investissement différent des parents des proches

dans les deux études, les parents des parents d’enfants traités pour cancer étaient en position

de grands-parents du patient, ce qui leur donnait une double place et un double lien, d’une

42

Pruchno RA, Patrick JH, Burant CJ. Aging women and their children with chronic disabilities: Perceptions of sibling involvement

and effects on well-being. Family Relations 1996;45:318–326. Seltzer GB, Begun A, Seltzer MM, Krauss MW. Adults with mental retardation and their aging mothers: Impacts of siblings. Family Relations 1991;40:310–317. Krauss MW, Seltzer MM, Gordon R, Friedman DH. Binding ties: The roles of adult siblings of persons with mental retardation. Mental Retardation 1996;34:83–93. Griffiths DL, Unger DG. Views about planning for the future among parents and siblings of adults with mental retardation. Family Relations 1994;43:221–227. 43

Degeneffe CE, OLney M F : We are the forgotten victims’ : perspectives of adults siblings of persons with traumatic brain

injury, Brain Injury, November 2010; 24(12): 1416–1427 44 Panting A., Merry P. : "The long term rehabilitation of severe head injuries with particular reference to the need for social

and medical support for the patient's family", Rehabilitation, 28, 1972, 33-37

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part avec leur enfant et d’autre part avec leur petit-enfant, ce qui pouvait expliquer leur

présence et leur solidarité renforcées. Dans notre étude, la place des parents du proche par

rapport au patient est différente et plus lointaine dans de nombreux cas et le proche n’est pas

au centre des préoccupations. Nos résultats, en particulier en ce qui concerne le sentiment

d’isolement des proches, reflètent aussi dans de nombreux cas l’impact des ruptures, des

éclatements et des distanciations des liens familiaux que nous avons notés précédemment.

Ces résultats montrent que si il faut être attentif aux patients qui sont isolés ou risquent de

l’être, il faut aussi être très attentif au proche qui est l’aidant du patient, car celui-ci peut

souvent être isolé et l’objet de peu de préoccupations de la part des autres.

L’importance des exils et des déplacements d’une région à l’autre dans l’histoire individuelle

et familiale du patient est aussi une donnée importante à prendre en compte dans la pratique

clinique avec les patients cérébro-lésés et leurs proches. Contrairement aux « idées reçues »,

les exils et les déplacements d’une région à l’autre dans les entretiens que nous avons menés

concernent des patients ou des proches nés à l’étranger, mais aussi nés en France et dont la

famille est en France depuis plusieurs générations. Ils ne sont donc pas dus seulement à

l’immigration vers la France. Ils reflètent aussi les mutations internes à la France et des

trajets ou des choix individuels. De la même façon, la rupture ou le décalage culturel du

patient ou du proche avec d’autres membres de la famille concerne des patients ou des

proches d’origine variée et pas seulement ceux dont les valeurs culturelles d’origine sont

différentes des valeurs culturelles occidentales. De même, le seul patient pour qui des modes

de pensée et de croyance liés aux régions d’origine coexistent avec le mode de pensée médical

est né dans une province française et sa croyance fait appel aux expériences des rebouteux et

de sorcellerie qui existent dans certaines campagnes françaises45

. En ce qui concerne les

réponses des deux proches pour ce même item lié aux croyances, l’un vient d’Afrique, l’autre

d’un pays occidental très industrialisé.

Beaucoup de patients et de proches qui ont participé à l’entretien ont été confrontés, avant la

lésion cérébrale, dans l’histoire de leur famille, à la présence d’une maladie désorganisant leur

vie personnelle et/ou celle de leur famille. Ces maladies étaient variées et touchaient des

membres de la famille de diverses générations. Ceci est un point important. Il faut en effet

être attentif aux effets que produit la répétition de maladies graves et déstructurantes dans

l’histoire individuelle ou familiale et à l’impact de cette répétition sur le vécu du patient et des

proches. Dans notre étude, les neuf proches pour qui la lésion cérébrale vient interroger ou

confirmer le destin familial ont été confrontés dans leur histoire familiale à la maladie d’un de

leur proche, antérieure à la lésion cérébrale, et celle-ci a eu un impact fort sur leur vie et celle

de leur famille. C’est le cas aussi de trois des six patients qui s’interrogent sur leur destin

familial

Contrairement à nos hypothèses et aux résultats notés par Daniel Oppenheim dans son étude,

les évènements historiques, politiques et sociaux collectifs (guerres, génocides, ect…)

traversés par le patient, le proche ou sa famille ne sont pas vécus par les patients et les proches

que nous avons rencontrés comme un élément important de l’histoire individuelle ou familiale

qui aggraverait le sentiment de difficulté actuelle de la maladie ou qui aurait un impact sur le

vécu de celle-ci.

A la différence des proches, de nombreux patients évoquent difficilement leur histoire

personnelle et familiale dans l’entretien pour des raisons cognitives, mais surtout par

45

Voir Jeanne Favret-Saada : Les mots, la mort, les sorts, la sorcellerie dans le bocage, Paris, Gallimard, 1977

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réticence, d’une façon qui nous est apparue défensive. Nous n’avons pas trouvé d’explication

à cette différence. En effet la décision de participer à la recherche a été peut-être plus le fait

du proche que du patient. Cependant, dans certains cas, parmi les personnes que nous avons

rencontrées, c’est le patient qui a poussé son proche à participer à cette recherche, et dans

d’autres la décision semble avoir été prise de façon partagée.

De même contrairement aux proches, les patients établissent peu de continuité consciente

entre ce qui a été vécu avant la lésion cérébrale et ce qui est vécu à l’occasion de celle-ci,

même si pour beaucoup l’entretien a permis l’émergence d’une continuité inconsciente, celui-

ci les ayant sans doute aidé à la retrouver ou à l’exprimer. Les patients sont aussi moins

nombreux à penser que les évènements du passé aggravent le vécu de la maladie actuelle et ils

évoquent moins que les proches des théories psychogénétiques en lien avec l’histoire

familiale pour expliquer la survenue de la lésion cérébrale.

Comment expliquer ces différences entre patients et proches dans la façon d’aborder les liens

entre leur histoire et l’expérience actuelle de la maladie ? Sans doute par une partie des

mêmes éléments que ceux évoqués précédemment : les troubles cognitifs des patients d’une

part ; peut-être, dans certains cas, le patient serait trop submergé par l’expérience de la

maladie et les tentatives d’y faire face, que ce qu’il est devenu dans son corps, dans ses façons

d’être et de penser est tellement en rupture avec ce qu’il percevait de lui antérieurement qu’il

a du mal à se repenser dans l’avant de la lésion cérébrale et à faire le lien avec « l’avant »

dans ces conditions ; l’effet anxiogène possible du rappel du passé qui pourrait renforcer le

sentiment de la perte ; le risque du sentiment de culpabilité qu’engendrerait une théorie

psychogénétique de la maladie.

Conclusion

Les résultats de cette étude montrent pour les patients et leurs proches les différentes façons

dont l’histoire personnelle et familiale antérieure interfère avec le vécu de la lésion cérébrale

et l’intérêt d’y être attentif dans la pratique clinique. Il est difficile, quand il n’y a pas de signe

significatif d’appel dans la relation usuelle de s’intéresser à ces dimensions, sauf par quelques

questions générales. Dans l’étude que nous avons menée, les médecins ou soignants de

seulement 7 patients (37%) connaissaient leur histoire personnelle ou familiale et seulement 5

patients (26%) et 8 proches (42%) trouvaient souhaitables qu’ils la connaissent.

Nous pouvons cependant être incités à nous intéresser à l’histoire personnelle du patient ou du

proche quand leur désarroi avec ses conséquences sur le plan comportemental, la relation aux

autres, à l’équipe soignante, au suivi du traitement, apparaît excessif, et qu’il ne peut pas être

expliqué uniquement par la situation présente (médicale, familiale, sociale) ni suffisamment

amélioré par l’aménagement des soins et des difficultés actuelles.

Dans tous les cas, la compréhension de cette histoire peut éclairer les façons d’être du patient

et des proches face à la lésion cérébrale, guider le travail des équipes, permettre de proposer

des aides qui tiennent compte de façon plus fine de la problématique des patients et des

proches, voire faciliter leurs processus de résilience.

Les façons dont les patients et les proches vivent leur histoire familiale et l’impact de celle-ci

dans la maladie actuelle présentent des différences. En particulier, les patients ont plus de

difficulté à faire des liens conscients avec leur histoire personnelle et familiale antérieure,

même si une continuité inconsciente nous est apparue au cours des entretiens. Ces

caractéristiques doivent aussi guider notre travail clinique.

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Tableau 1 : Caractéristiques des patients et des proches ayant

participé à l’entretien.

Sexe Patients

Proches ayant participé à

l’entretien

Homme

11

3

Femme 8 16

Age Patients

Proches ayant participé à

l’entretien

< ou = 30 ans 7 8

31-60 ns 5 7

>60 ans 4 4

Statut marital Patients

Proches ayant participé à

l’entretien

Célibataires 7 1

Divorcés 3 3

En couple 8 15

Veuf 1 0

Ont des enfants 8 13

Lien de parenté du proche ayant

participé à l’entretien

Conjoint 8

Parent

4

Enfant

3

Fratrie 3

Tante 1

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Professions (actuelles ou antérieures) Patients

Proches ayant

participé à

l’entretien

Ouvrier ou technicien* 2 3

Employé** 4 4

Enseignant 1 1

Cadre*** 4 7

Profession libérale ou responsable de PME 1 3

Sans emploi ou emploi occasionnel 3 0

Etudiant ou en formation

4

1

*employée de maison dans ouvrier

**Assistante maternelle dans employée

***Chargée de clientèle cadre

***Sage femme dans cadre

Lieu de naissance Patients

Proches ayant participé à

l’entretien

France

14

10

Europe

Amérique 2

Liban

2

1

Haïti 1

Afrique

2

4

Maghreb 1 1

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17

Tableau 2 : Caractéristiques médicales des patients

Etiologie de la lésion

Traumatisme Crânien 9

AVC 9

anoxie 1

Date de survenue de la lésion cérébrale

Inférieur à 6 mois

1

De 6 mois à 5 ans 15

Supérieur à 5 ans 3

Gravité du handicap séquellaire46

GOS 5 4

GOS 4 11

GOS 3 4

Séquelles neurologiques

Séquelles motrices

14

Troubles de la déglutition

1

Déficit oculo-moteur

1

Epilepsie post traumatique 5

46

Jennet B, Bond M : Assesment of outcome severe brain damage, Lancet, 1975, 1° March, 480-84

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18

Troubles cognitifs

Désorientation temporelle

1

Désorientation spatiale

11

Aphasie ou manque du mot

6

Troubles mnésiques

11

Troubles attentionnels

15

Troubles des fonctions

exécutives

13

Troubles visuo spatiaux

5

Apraxie

1

Troubles du comportement

Apragmatisme 8

Impulsivité 8

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19

Tableau 3 : synthèse des principaux résultats des entretiens patients et proches

Patients Proches

Eléments significatifs

oui % oui %

I / INFORMATIONS

A) évènements de vie et histoire familiale

1/Dans l’entretien sont décrits uniquement des évènements

difficiles ou traumatiques 4 21% 4 21%

2/La maladie ne représente pas le premier événement de vie

difficile pour la personne 17 89% 19 100%

3/Les évènements antérieurs à la maladie décrits dans

l’entretien ont été vécus par la personne 17 89% 19 100%

4) Ils ont été vécus par sa famille

18 95% 19 100%

4a) -à sa génération

18 95% 19 100%

4b) -à la génération de ses parents

18 95% 19 100%

4c) -à la génération de ses grands parents

11 58% 12 63%

4d) -à la génération des enfants

6

75%

patients

avec

enfants

10

75%

proches

avec

enfants

5/Les évènements décrits dans l’entretien sont :

5a) -des décès à répétition dans la famille

7 37% 9 47%

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20

5b)-la mort tragique d’un parent ou d’un membre de la famille

7 37% 10 53%

5c)-la répétition d’une même maladie sur plusieurs

générations 3 16% 4 21%

5d)-des séparations dans l’enfance

8 42% 12 63%

5e)-des séparations douloureuses à l’âge adulte

10 53% 8 42%

5f) -de la maltraitance

1 5% 1 5%

5g)- des viols

1 5% 1 5%

5h) -une maladie déstructurante pour la personne participant à

l’entretien ou sa famille 11 58% 12 63%

5i)-des événements historiques, politiques et sociaux

collectifs 8 42% 7 37%

5j)-des naissances ou autres évènements positifs de la vie

13 68% 15 79%

6) Dans l’entretien, des évènements historiques, politiques et

sociaux collectifs apparaissent comme un événement

important de l’histoire familiale 6 32% 6 32%

7/Il y a dans l’histoire de la personne ou de sa famille des

exils ou des déplacements d’une région ou d’un pays à l’autre 13 68% 10 53%

8/ Il y a dans l’histoire de la personne ou de sa famille des

éléments de rupture avec le milieu d’origine 8 42% 9 47%

B)Liens familiaux, amicaux, insertion

1/Il existe une solidarité familiale ou amicale qui concerne

1a)-les parents

12 63% 4 21%

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21

1b)-les grands parents

1 5% 1 5%

1c)-les enfants

6

75%/

ceux

avec

enfants

7

55% des

proches

avec

enfants

1d)-les petits-enfants

1 5% 0

1e)-l’autre du couple

8

100%

patients

en

couple

9

60%

proches

en

couple

1f)-la fratrie

12 63% 6 32%

1g)-la famille élargie

6 32% 4 21%

1h)-la belle famille

1 5% 2 11%

1i)-les amis

10 53% 9 47%

2/Il existe un sentiment d’isolement dans la traversée de la

maladie 7 37% 10 53%

3/Ce sentiment d’isolement préexistait à la maladie actuelle

3 16% 7 37%

4/La personne qui participe à l'entretien peut évoquer dans

l’entretien l’histoire de sa famille même partiellement 15 79% 14 74%

4a)- celle de son père

9 47% 8 42%

4b)- celle de sa mère

10 53% 11 58%

4c)-celle de ses grands parents paternels

8 42% 8 42%

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4d)-celle de ses grands parents maternels

7 37% 9 47%

4e)-celle de sa famille paternelle

7 37% 6 32%

4f)- celle de sa famille maternelle

5 26% 6 32%

5/La rupture, l’éclatement ou la distanciation des liens

familiaux et ses conséquences sont très présentes dans le récit 11 58% 13 68%

6/Elle est attribuée à :

6a)-la révélation de points de vue différents à l’occasion de la

maladie 2 11% 6 32%

6b)-la révélation de la fragilité des liens à l’occasion de la

maladie 1 5% 4 21%

6c)-à des conflits familiaux anciens

10 53% 7 37%

6d)-à la dispersion géographique de la famille

3 16% 6 32%

7/Dans l’entretien, il est décrit un décalage culturel ou des

modes de pensée avec d’autres membres de la famille 4 21% 5 26%

II /ASPECTS PSYCHOPATHOLOGIQUES

A) Impact des évènements antérieurs et de l’histoire familiale

1/La personne évoque difficilement son histoire personnelle et

familiale et les évènements qui l’ont marqué:

a/ pour des raisons cognitives

7 37% 0

b/ pour des raisons défensives

11 58% 3 16%

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2/ Les évènements vécus avant la maladie engendraient

encore des affects importants et douloureux quand la maladie

est survenue 7 37% 14 74%

3/Quand la maladie est survenue, la personne était encore

dans des processus de deuil 3 16% 8 42%

B) Liens entre le passé et la maladie

1/Le vécu de l’histoire familiale et personnelle et des

évènements qui l’ont parcouru aggrave la difficulté de la

situation actuelle 6 32% 12 63%

2/Le vécu de la maladie actuelle fait ressurgir des

interrogations sur l’histoire et le destin familial 6 32% 7 37%

3/La maladie réactive ou confirme un destin familial

douloureux 2 11% 2 11%

4/La maladie actuelle réactive ou majore des évènements

douloureux ou traumatiques antérieurs 10 53% 11 58%

5/Les difficultés d’intégration culturelle majorent la difficulté

actuelle de la maladie 1 5% 2 11%

6/D’autres évènements ont introduit des ruptures de vie ou ont

été plus douloureux que la maladie actuelle 4 21% 3 16%

7/La personne fait des liens conscients entre le vécu des

évènements antérieurs et le vécu de la maladie 8 42% 16 84%

8/Elle ne fait pas de lien conscient mais ces vécus

ressurgissent au cours de l’entretien 10 53% 3 16%

9/Le vécu de la maladie actuelle est relié consciemment ou

inconsciemment aux évènements historiques et sociaux

collectifs traversés par la personne ou sa famille 1 5% 2 11%

10/Dans l’entretien sont ébauchées des théories

psychogénétiques sur l’origine de la maladie actuelle en lien

avec l’histoire familiale et les évènements traversés 2 11% 6 32%

11/La personne peut évoquer les ressources qui lui ont permis

de surmonter les évènements difficiles 11 58% 16 84%

12/ Les ressources sur lesquelles la personne s’appuie pour

surmonter la maladie sont identiques à celles qui lui ont

permis de surmonter les évènements du passé 10 53% 9 47%

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13/Le vécu des évènements heureux qui ont parcouru

l’histoire familiale est un point d’appui pour faire face à la

situation actuelle 9 47% 10 53%

14) le futur est difficilement représentable 6 32% 6 32%

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Annexe 1

Guide d’entretien avec la personne cérébro-lésée

On voudrait comprendre comment ce que vous vivez actuellement avec le traumatisme

crânien ou la lésion cérébrale vient s’intégrer dans tout ce qui se passe et s’est passé pour vous

et votre famille. Donc, on va aussi vous poser des questions sur votre histoire familiale, les

évènements que vous ou votre famille avez traversé et pas seulement sur votre maladie

actuelle.

Si vous êtes d’accord, le contenu de notre entretien va être enregistré pour faciliter notre

travail. Il est anonyme, et ne sera écouté que par les 2 responsables de l’étude et utilisé que

dans le cadre de celle-ci.

NOM,

PRÉNOM,

DATE DE NAISSANCE

LIEU DE NAISSANCE

PROFESSION

CELIBATAIRE, MARIE, PACSE, EN CONCUBINAGE

NOMBRE D’ENFANTS

1) Pouvez-vous nous dire ce qui vous est arrivé

2) Avant ça, il y a sans doute eu d’autres évènements dans votre vie. Pouvez-vous en

parler. Relancer sur le vécu de ces évènements et l’importance qu’ils ont eu pour chacun

3) Et pour vos proches, il y a sans doute eu aussi d’autres évènements dans leur vie.

Relancer sur le vécu et la représentation de ces évènements. Relancer sur l’importance qu’ils

ont eu pour notre interlocuteur

3bis) Et les autres de la famille ? Vos parents, vos grands parents, Pouvez-vous en dire

un peu plus sur leur vie, comment vous la ressentez, ce que vous en pensez ? Quel

impact cela a eu sur vous…

Relancer sur la famille élargie sur trois générations

4) Est-ce que tout cela est encore présent dans votre vie. Comment ?

Si pas d’évènements aux questions 2 et 3

4) Est-ce que vous diriez que vous êtes une famille sans histoire ? Comment vous voyez

cela ? Comment vous le ressentez ?

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26

4 bis) Et les autres de la famille ? Vos parents, vos grands parents, Pouvez-vous en dire

un peu plus sur leur vie, comment vous la ressentez, ce que vous en pensez ?

4 ter) Comment tout cela est présent dans votre vie.

5) Et maintenant votre maladie dans tout ça, c’est un nouvel (ou premier) événement

important ?

Comment vous voyez cela ? Que ressentez-vous ?

6) Tout ce que vous avez vécu avant le traumatisme crânien ou la lésion cérébrale, est-ce

que cela vous aide ou pas actuellement ? Comment ressentez-vous cela ? Comment le

percevez-vous ?

7) Et tout ce qu’a vécu votre famille, est-ce que cela vous aide ou pas ? Comment

ressentez-vous cela ? Comment le percevez-vous ?

Relance. En particulier, avez vous le sentiment que tout ce que vous avez vécu et ce qu’a vécu

votre famille avant la maladie actuelle a une incidence sur la façon dont vous vivez la maladie

actuelle ? Si oui, comment ?

8) Tout ce qui se passe actuellement ou tout ce qui s’est passé avant, en parlez vous avec

vos proches ?

- sinon pourquoi

- si oui, comment en avez vous parlé ?

9) Votre point de vue et celui de vos proches sont-ils proches ou différents ?

- En particulier sur votre maladie actuelle

10) Est-ce que cela vous convient ? Que ressentez-vous ?

11) Y a t-il des personnes sur qui vous pouvez vous appuyer (et précisez pourquoi) - Votre conjoint

- Vos parents

- Vos beaux-parents

- Vos enfants

- Vos grands-parents (lesquels ?)

- Vos frères et sœurs

- Vos amis

- autres (relance : des professionnels ?)

12) La maladie est-elle pour vous une situation très difficile, difficile, peu difficile ?

13) Certains éléments, augmentent ils la difficulté pour vous de la situation

actuelle ? - la relation à votre conjoint. Si oui, pourquoi ?

- la relation à vos enfants. Si oui, pourquoi ?

- la relation à vos parents. Si oui, pourquoi ?

- la relation à vos grands-parents. Si oui, pourquoi ?

relance : l’éloignement géographique ou la difficulté à expliquer la situation ou la

différence de points de vue sur vos choix ou sur la maladie ou d’autres éléments

augmentent ils pour vous la difficulté de la situation actuelle ?

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27

relance : aborder les différences dans les façons de penser ; les difficultés sociales ; les

difficultés familiales

relance : le fait de repenser aux événements du passé (pour vous ou vos proches ?)

augmente-t-il la difficulté de la situation actuelle ? Si oui, pouvez-vous en parler

14) Les médecins ou les soignants connaissent-ils les événements que votre famille et

vous même avez traversé ou votre histoire familiale ? - Leur avez-vous parlé de vos difficultés et de ce qui les augmente ?

- Sinon pourquoi ?

- Qu’est-ce que vous pensez que cela changerait s’ils étaient au courant ?

15) Que pensez-vous de votre vie

- Et de celle des membres de votre famille ?

- Pour quelles raisons ?

- Et du futur ?

16) Que pensez-vous de cet entretien ?

17) Avez-vous quelque chose à rajouter ?

Annexe 2 : Guide d’entretien avec le proche

On voudrait comprendre comment ce que vous vivez actuellement avec le traumatisme

crânien ou la lésion cérébrale de votre proche vient s’intégrer dans tout ce qui se passe et s’est

passé pour vous et votre famille. Donc, on va aussi vous poser des questions sur votre histoire

familiale, les évènements que vous ou votre famille avez traversé et pas seulement sur la

maladie actuelle de votre proche.

Si vous êtes d’accord, le contenu de notre entretien va être enregistré pour faciliter notre

travail. Il est anonyme, et ne sera écouté que par les 2 responsables de l’étude et utilisé que

dans le cadre de celle-ci.

NOM,

PRÉNOM,

DATE DE NAISSANCE

LIEU DE NAISSANCE

PROFESSION

CELIBATAIRE, MARIE, PACSE, EN CONCUBINAGE

NOMBRE D’ENFANTS

1) Pouvez-vous nous dire ce qui est arrivé à votre proche

2) Avant ça, il y a sans doute eu d’autres évènements dans votre vie. Pouvez-vous en

parler. Relancer sur le vécu de ces évènements et l’importance qu’ils ont eu pour chacun

3) Et pour vos proches, il y a sans doute eu aussi d’autres événements dans leur vie.

Relancer sur le vécu et la représentation de ces évènements. Relancer sur l’importance qu’ils

ont eu pour notre interlocuteur

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28

3bis) Et les autres de la famille ? Vos parents, vos grands parents, Pouvez-vous en dire

un peu plus sur leur vie, comment vous la ressentez, ce que vous en pensez ? Quel

impact cela a eu sur vous ? Relancer sur la famille élargie sur trois générations

4) Est-ce que tout cela est encore présent dans votre vie. Comment ?

Si pas d’évènements aux questions 2 et 3

4) Est-ce que vous diriez que vous êtes une famille sans histoire ? Comment vous voyez

cela ? Comment vous le ressentez ?

4 bis) Et les autres de la famille ? Vos parents, vos grands parents, Pouvez-vous en dire

un peu plus sur leur vie, comment vous la ressentez, ce que vous en pensez ?

4 ter) Comment tout cela est présent dans votre vie.

5) Et maintenant la maladie de votre proche dans tout ça, c’est un nouvel (ou premier)

événement important ?

Comment vous voyez cela ? Que ressentez-vous ?

6) Tout ce que vous avez vécu avant le traumatisme crânien ou la lésion cérébrale de

votre proche, est-ce que cela vous aide ou pas actuellement ? Comment ressentez-vous

cela ? Comment le percevez-vous ?

7) Et tout ce qu’a vécu votre famille, est-ce que cela vous aide ou pas ? Comment

ressentez-vous cela ? Comment le percevez-vous ?

Relance. En particulier, avez vous le sentiment que tout ce que vous avez vécu et ce qu’a vécu

votre famille avant la maladie actuelle a une incidence sur la façon dont vous vivez la

maladie de votre proche ? Si oui, comment ?

8) Tout ce qui se passe actuellement ou tout ce qui s’est passé avant, en parlez vous avec

vos proches ?

- sinon pourquoi

- si oui, comment en avez vous parlé ?

9) Votre point de vue et celui de vos proches sont-ils proches ou différents ?

- En particulier sur la maladie actuelle de votre proche

10) Est-ce que cela vous convient ? Que ressentez-vous ?

11) Y a t-il des personnes sur qui vous pouvez vous appuyer (et précisez pourquoi) - Votre conjoint

- Vos parents

- Vos beaux-parents

- Vos enfants

- Vos grands-parents (lesquels ?)

- Vos frères et sœurs

- Vos amis

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29

- Autres (relance : des professionnels ?)

12) La maladie de votre proche est-elle pour vous une situation très difficile, difficile,

peu difficile ?

13) Certains éléments, augmentent ils la difficulté pour vous de la situation actuelle ?

- la relation à votre conjoint. Si oui, pourquoi ?

- la relation à vos enfants. Si oui, pourquoi ?

- la relation à vos parents. Si oui, pourquoi ?

- la relation à vos grands-parents. Si oui, pourquoi ?

relance : l’éloignement géographique ou la difficulté à expliquer la situation ou la

différence de points de vue sur les choix ou la maladie ou d’autres éléments

augmentent ils pour vous la difficulté de la situation actuelle ?

relance : aborder les différences dans les façons de penser ; les difficultés sociales ; les

difficultés familiales

relance : le fait de repenser aux événements du passé (pour vous ou vos proches)

augmente t-il la difficulté de la situation actuelle ? Si oui, pouvez-vous en parler

14) Les médecins ou les soignants de votre proche connaissent-ils les événements que

vous et votre famille avez traversé ou votre histoire familiale ? - leur avez-vous parlé de vos difficultés et de ce qui les augmente ?

- sinon pourquoi ?

- Qu’est-ce que vous pensez que cela changerait s’ils étaient au courant ?

14) Que pensez-vous de votre vie

- et de celle des membres de votre famille ?

- pour quelles raisons ?

- et du futur ?

15) Que pensez-vous de cet entretien ?

16) Avez-vous quelque chose à rajouter ?

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30

Annexe 3

Questionnaire adressé aux soignants

Nom et prénom du patient Age

Etiologie de la lésion

Traumatisme crânien oui-non

Accident vasculaire oui-non

Tumeur oui-non

Anoxie oui-non

Autre (préciser)

Date de survenue de la lésion cérébrale :

Gravité du handicap séquellaire GOS 5 oui-non

GOS 4 oui-non

GOS 3 oui-non

Séquelles

-Motrices oui-non

-Troubles de la déglutition oui-non

-Dysarthrie oui-non

-Dysphonie oui-non

- Epilepsie post traumatique oui-non

- Troubles visuels :

Baisse de l’acuité visuelle oui-non

Héminanopsie oui-non

Déficit oculo-moteur oui-non

Agnosie visuelle oui-non

-Troubles cognitifs :

Désorientation temporelle oui-non

Désorientation spatiale oui-non

Aphasie oui-non

Amnésie antérograde oui-non

Amnésie rétrograde oui-non

Troubles attentionnels oui-non

Prosopagnosie oui-non

Troubles praxiques oui-non

Troubles des fonctions exécutives oui-non

Négligence visuo-spatiale oui-non

Autres (préciser)

-Troubles du comportement :

Apragmatisme oui-non

Impulsivité oui-non

Autres (préciser)

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31

Annexe 4 :

Grille d’analyse des entretiens (ensemble significatifs) I/INFORMATIONS

A) évènements de vie et histoire familiale

1/Dans l’entretien sont décrits uniquement des évènements difficiles ou

traumatiques

2/La maladie représente le premier événement de vie difficile pour le patient

(ou le proche qui participe à l’entretien)

3/Les évènements antérieurs à la maladie décrits dans l’entretien ont été vécus

uniquement par le patient (ou le proche participant à l’entretien)

4/Ils ont aussi été vécus par sa famille

-à sa génération

-à la génération de ses parents

-à la génération de ses grands parents

-à la génération des enfants

5/Les évènements décrits dans l’entretien sont :

-des décès à répétition dans la famille

-la mort tragique d’un parent ou d’un membre de la famille

-la répétition d’une même maladie sur plusieurs générations

-des séparations dans l’enfance

-des séparations douloureuses à l’âge adulte

-de la maltraitance

-des viols

-une maladie déstructurante pour la personne participant à l’entretien ou sa

famille

-des événements historiques, politiques et sociaux collectifs

-des naissances ou autres évènements positifs de la vie

6) Dans l’entretien, des évènements historiques, politiques et sociaux

collectifs apparaissent comme un événement important de l’histoire familiale

7/Il y a dans l’histoire du patient (ou du proche qui participe à l’entretien) et

de sa famille des exils ou des déplacements d’une région ou d’un pays à

l’autre

8/ Il y a dans l’histoire du patient (ou du proche qui participe à l’entretien) et

de sa famille des éléments de rupture avec le milieu d’origine

B)Liens familiaux, amicaux, insertion

1/Il existe une solidarité familiale ou amicale qui concerne

-les parents

-les grands parents

-les enfants

-les petits-enfants

-l’autre du couple

-la fratrie

-la famille élargie

-la belle famille

-les amis

2/Il existe un sentiment d’isolement dans la traversée de la maladie

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32

3/Ce sentiment d’isolement préexistait à la maladie actuelle

4/Le patient (ou le proche qui participe à l’entretien) peut évoquer l’histoire

de sa famille même partiellement

- celle de son père

- celle de sa mère

-celle de ses grands parents paternels

-celle de ses grands parents maternels

-celle de sa famille paternelle

- celle de sa famille maternelle

5/La rupture, l’éclatement ou la distanciation des liens familiaux et ses

conséquences sont très présentes dans le récit du patient (ou du proche qui

participe à l’entretien)

6/Elle est attribuée à :

-la révélation de points de vue différents à l’occasion de la maladie

-la révélation de la fragilité des liens à l’occasion de la maladie

-à des conflits familiaux anciens

-à la dispersion géographique de la famille

7/Dans l’entretien il est décrit un décalage culturel ou des modes de pensée

avec d’autres membres de la famille

8/Des modes de pensée et des croyances liées aux régions d’origine coexistent

avec le mode de pensée médical du patient ou du proche qui participe à

l’entretien

II /ASPECTS PSYCHOPATHOLOGIQUES

A) Impact des évènements antérieurs et de l’histoire familiale

1/Le patient (ou le proche qui participe à l’entretien) évoque difficilement son

histoire personnelle et familiale et les évènements qui l’ont marqué

2a/ pour des raisons cognitives

2b/ pour des raisons défensives

3/Les évènements vécus avant la maladie ont créé un traumatisme psychique

4/ Ils engendraient encore des affects importants et douloureux quand la

maladie est survenue

5/Quand la maladie est survenue, le patient (ou le proche qui participe à

l’entretien) était encore dans des processus de deuil

B) Liens entre le passé et la maladie

1/Le vécu de l’histoire familiale et personnelle et des évènements qui l’ont

parcouru aggrave la difficulté de la situation actuelle

2/Le vécu de la maladie actuelle fait ressurgir des interrogations sur l’histoire

et le destin familial

3/La maladie réactive ou confirme un destin familial douloureux

4/Elle réactive ou majore un vécu douloureux antérieur

5/Les difficultés d’intégration culturelle majorent la difficulté actuelle de la

maladie

6/D’autres évènements ont introduit des ruptures de vie ou ont été plus

douloureux que la maladie actuelle

7/Le patient (ou le proche qui participe à l’entretien) fait des liens conscients

entre le vécu des évènements antérieurs et le vécu de la maladie

8/Il ne fait pas de lien conscient mais ces vécus ressurgissent au cours de

l’entretien

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33

9/Le vécu de la maladie actuelle est relié consciemment ou inconsciemment

aux évènements historiques et sociaux collectifs traversés par le patient, le

proche qui participe à l’entretien ou sa famille

10/Dans l’entretien sont ébauchées des théories psychogénétiques sur

l’origine de la maladie actuelle en lien avec l’histoire familiale et les

évènements traversés

11/Le patient (ou le proche qui participe à l’entretien) peut évoquer les

ressources qui lui ont permis de surmonter les évènements difficiles

12/ Les ressources sur lesquelles la personne s’appuie pour surmonter la

maladie sont identiques à celles qui lui ont permis de surmonter les

évènements du passé

13/Le vécu des évènements heureux qui ont parcouru l’histoire familiale est

un point d’appui pour faire face à la situation actuelle

14/L’expérience acquise dans la confrontation aux évènements antérieurs

difficiles est un point d’appui dans l’expérience de la maladie actuelle

15 / Le futur est difficilement représentable

III) Soins et histoire familiale

1/Les médecins et les soignants connaissent l’histoire familiale et/ou

personnelle du patient ou de l’aidant

2/Il serait souhaitable que les médecins et les soignants connaissent l’histoire

familiale et/ou personnelle du patient ou de l’aidant