rapport de l’evaluation rapide des besoins
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RAPPORT DE L’EVALUATION RAPIDE DES BESOINS
DE NOUVELLES PERSONNES DEPLACEES
INTERNES DU SITE DE PELEGANA DANS LE
CERCLE DE SEGOU
19 novembre 2021
Effectué par :
Tiguida KANOUTE(UNFPA)
Abdoulaye TRAORE, Abdoulaye KOUYATE, Mamoudou DIAKITE, Bintou KONE( IEDA
Relief)
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I. CONTEXTE
La situation humanitaire de la région de Segou s’est dégradée à cause de l’arrivée massive des
personnes déplacées internes (PDI) provenant principalement de la région de Mopti mais aussi
des cercles de Niono, Macina et Tominian. L’accès humanitaire demeure limité à cause de
l’insécurité, notamment dans les cercles de Ségou, Tominian, Macina et Niono, et
particulièrement dans la commune de Dogofri.
La Direction Régionale du Développement Social et de l’Economie Solidaire de Ségou a donné
l’alerte le 12 Novembre 2021 sur l’arrivée de plus de 1000 nouvelles personnes déplacées
internes, arrivées il y a d’au moins deux semaines dans le cercle de Ségou. Ces déplacés de
Pelengana sont venus des fractions différentes de la commune de Kolongo, de Moussa-Wèrè
et de Dougabougou dans le cercle de Niono et de Macina, elles sont reparties entre les districts
de Markala et de Ségou.
Au jour du 11 Novembre 2021, Markala accueillait 192 ménages avec 633 femmes et 509
hommes. 103 ménages sont venus à Ségou, dont 224 femmes, 158 hommes et 336 enfants.
Parmi les installés de Ségou, 90 ménages se trouvent dans la commune de Pelengana. Ils
viennent des localités différentes de Kolongo/ Macina (Moussa-wèrè, Anabougou ou Ana-
wèrè, Gnoukou), Bandoukou/Dougabougou et Dokofri/ Niono.
Face à cette situation, l’UNPA accompagné par IEDA Relief et la Direction Régionale du
Développement Social et de l’Economie Solidaire a effectué, le 19 Novembre 2021, une
évaluation rapide des besoins de la nouvelle population déplacée de Pelengana
II. OBJECTIF GENERAL :
Evaluer les besoins des femmes et filles permettant la mise en place d’une réponse adéquate
en matière de prévention et réponse aux Violences Basées sur le Genre et de Santé
Reproductive.
III. OBJECTIFS SPECIFIQUES :
- Recueillir les informations nécessaires sur les femmes et filles en terme de VBG ;
- Connaitre les besoins en santé de reproduction pour les femmes et filles du site ;
- Débuter la relation d’aide en apportant un minimum de soulagement à des PDIs sur
le site ;
- Réaliser l’audit de sécurité du site.
IV. RESULTATS OBTENUS
- Les informations concernant les besoins des femmes pour la prévention et la réponse
aux VBG sont disponibles ;
- Les besoins immédiats des femmes et filles en santé de la reproduction sont connus ;
- Un premier secours psychologique aux personnes déplacées internes est assuré par les
actions de l’équipe
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- Les risques de protection des femmes et jeunes filles de cette population déplacée ont
été identifiés.
V. METHODOLOGIE :
8 entretiens individuels et des focus groupes ont été menés avec les femmes, les hommes et
les filles :
- 11 femmes
- 12 filles
- 15 hommes.
Les questions de l’audit sécuritaire furent intégrées dans le questionnaire.
Focus group avec les femmes
VI. RESUME :
VI.1. A PROPOS DE LA SITUATION :
Les déplacés de Pelengana sont venus des fractions différentes de la commune de
Kolongo, de Moussa-Wèrè et de Dougabougou dans le cercle de Niono et de Macina. Ils
sont des éleveurs et des cultivateurs. Leurs villages ont été attaqués par des hommes
armés au moment des pleines récoltes. Cette situation émane d’un conflit inter-ethnique
qui s’est exacerbé dans plusieurs villages.
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« Nous sommes des peulhs qui ont été chassés de notre village par des hommes armés
qui venaient chaque jour chercher des hommes de notre village pour les tuer et s’ils ne
les voyaient pas, prenaient nos moutons ou chèvres ou les bijoux des femmes. »
« En quittant notre village, Nous avons laissé tous nos biens derrière nous, en prenant
soins de confier nos champs de riz à nos voisins Bambara. Nous avons entendu après que
les hommes armés les ont arrachés. »
Ces propos viennent des hommes qui ont été confirmés par les femmes et les filles. « Les
inconnus armés sont venus attaquer notre village. Nous n’avons pas pu amener que les
vêtements qu’on porte et des objets faciles à emporter dans notre fuite. Ils ont tué huit
personnes en les égorgeant (des hommes, adolescents et même des enfants), enlèvé
quatorze personnes de sexe masculin. Certaines d’entre nous ont perdu leurs maris,
d’autres des frères. Ils ont pris nos objets, brûlés les maisons qui souvent avec des
personnes à l’intérieur qui arrivaient à s’échapper mais brûlées. Mon frère a été blessé
ainsi. »
« Les assaillants nous menaçaient avec des armes à feu pour arracher nos parures ou
pour qu’on leurs dit où se trouvaient nos pères et nos frères. Un m’a pincé la gorge avec
du fusil, j’ai failli m’étouffer. Même aujourd’hui quand j’y pense, la peur m’anime. Nous
nous préoccupons actuellement du sort de nos connaissances qui sont restés sur place. »
Ces déplacés ont perdu tous leurs biens (les téléphones, motos, les bijoux en perle, en or
ou en argent, les charrues, le carnet de famille, le carnet du champ, les actes de naissance
de leurs enfants, les valises, le stock de leurs nourritures.
Certains hommes ont été égorgé et d’autres tués avec des balles en essayant de fuir,
d’autres enlevés.
IV.2. SECURITE :
La population se sent en sécurité dans le nouvel environnement qu’il occupe, vu qu’elle se
trouve à l’abri des attaques et menaces répétés des groupes armés. Depuis leur arrivée, il
n’y a eu aucune violence perpétré contre leur personne. Mais selon les filles « la nuit, on
ressent cette peur d’être attaquées, raison pour laquelle nous nous retenons de ne même
pas aller aux toilettes. Vu la situation que nous avons eu à vivre dans nos villages, nous
ne nous sentons pas réellement en sécurité en aucun lieu. »
La majorité affirme avoir subi des violences au cours du déplacement. Ces violences furent
l’extorsion des biens surtout les parures des femmes. D’autres matériels ainsi que les
bétails et tous autres biens ont été dérobés. A ceux-ci s’ajoutent le fait de ne pas pouvoir
emporter assez de matériels, seulement les faciles à porter. Pour les hommes, les
documents importants qui peuvent leurs servir dans le futur sont rester sur place : « Dans
la peur d’être assassinés par les hommes armés, nous n’avons chercher qu’à sauver notre
vie. C’est pourquoi on a laissé les carnets de famille, carnets de champ, les cartes Nina et
mêmes les actes de naissance ».
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VI.3. RISQUES DE VBG :
Les risques sont énormes. Les personnes déplacées louent des maisons pas très
confortables où elles sont obligées de les partager avec un surpeuplement soit 20 à 30
personnes souvent par chambre, empêchant ainsi les femmes et les filles de garder leurs
intimités et préserver leur dignité. Selon les filles : « Nous nous sentons tellement gêner
que nous n’effectuons pas nos besoins féminins à l’intérieur de la maison. Les habits ainsi
que les sous vêtement sont portés dans les toilettes sinon tu seras vu par tout le
monde. ». Les rapprochements des couples sont impossibles. Dans certaines familles, les
couples dorment dans une maison unique avec les beaux-parents.
Les maisons louées par les PDIs n’ont pas de toilettes. Certains font leurs besognes dans
les familles voisines, d’autres ont eu l’idée d’en confectionner avec les moyens de bord qui
n’est pas très protecteur, d’autres utilisent les toilettes de la mosquée proche. Ces
toilettes sont sans fermetures sauf celles de la mosquée. Elles sont mixtes, pas de
différenciations pour les femmes ou les hommes. Les maisons demeurent non éclairées
ainsi que les toilettes. L’utilisation des toilettes d’autrui constitue un danger pour les plus
vulnérables.
Les puits sans fermetures qui sont à l’intérieur des maisons constituent les sources
principales d’eau. Compte tenu du fait que l’eau n’est pas potable car puits non protégés,
certains hommes se chargent de prendre des bidons sur motos pour aller chercher de l’eau
à boire dans les robinets. Ceux qui n’ont pas ce moyen, profitent des puits du voisinage.
L’école est proche du site. Les enfants et aussi certains adolescentes et adolescents la
fréquentent. Les enfants n’ont eu pour le moment aucun problème sur le chemin de
l’école.Le marché est éloigné du site. Ce sont les hommes qui vont faire du marché pour
leur famille.
Depuis le déplacement, les femmes et filles ne mènent aucune activité génératrice de
revenus, alors qu’auparavant dans leurs villages, elles tissaient des nattes en pailles pour
les vendre, faisaient aussi le commerce du lait de vache qu’elles acquéraient facilement
grâce aux vaches élevées par les hommes du village. Actuellement, pour passer du temps,
elles confectionnent des colliers pour le cou, les pieds ou le bras pour usage personnel.
« Nous savons faire ce métier que nous avons appris depuis à bas âge. On nous affirme
que ces produits sont vendables à Ségou ici. Cela peut être une source de revenu pour
nous, si nous parvenons à acquérir les matières premières pour la fabrication. Sinon
rester sans source de revenu peut constituer un danger puisque le besoin existe ». Les
hommes partent faire des travaux journaliers dans les marchés à bétails.
VI.4. DISPONIBILITE DES SERVICES VBG/SR :
a. VIOLENCES BASEES SUR LE GENRE :
Il n’existe pas d’espace sûr où les femmes et filles peuvent aller pour parler des problèmes
de violence ou risque de violence ou tout autre problème de femmes. L’approche
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traditionnelle adoptée, depuis le village, est de se parler entre paires ou parler aux
mamans. Les discussions se font dans des lieux à l’ombre entre femme ou fille.
b. SANTE DE LA REPRODUCTION :
Une ONG s’est positionnée par rapport aux besoins de santé car le site se trouve dans leur
aire sanitaire. Mais vu que les déplacés sont venus il y a peu de temps, l’ONG en question
n’a fait pour le moment qu’un seul tour pendant lequel, ils ont fait la vaccination contre le
Covid-19 aux personnes qui étaient présentes. Tout le monde n’a pas reçu le vaccin, mais
aux dits des déplacés, la structure a promis de revenir. Il existe parmi les déplacés des
femmes enceintes et qui nécessitent le suivi de la grossesse.
La planification familiale reste méconnaissable pour les filles et les femmes car ces
questions restent taboues dans leurs communautés. Les hommes refusent que les femmes
s’adonnent à ces pratiques sur la base qu’elle est interdit par la religion.
VI.5. LES RESSENTIS PSYCHOLOGIQUES :
La population est sous l’effet du choc provoqué par l’atrocité produit par les assaillants.
Elle a été témoin de la mort d’homme par égorgement ou par balle. Les personnes
assassinées sont des maris, des frères, des enfants. « Quand notre village a été attaqué,
ils ont pris mon père et l’a égorgé. Je ne fais que revivre ce jour. Tous nos biens ont été
s’saccagés ou volés, les maisons brûlées. Je suis mariée mais j’ai subitement perdu mon
père. » Dixit une jeune fille.
Deux veuves se trouvent parmi les déplacés. Des jeunes filles qui n’ont même pas atteint
20 ans, mariée précocement dont les maris sont morts lors de ces affrontements. « Ils ont
tué mon mari en laissant mes enfants dont l’un tête encore. Actuellement là où je suis,
je ne sais quoi faire. Je vis avec ma belle-mère ».
En plus des meurtres, ces déplacés ont été victimes de dépouillement, d’agressions
physiques et de destruction des biens matériels. Le fait d’évoquer les faits a suscité des
pleurs chez certaines femmes et filles. Elles affirment faire des flash-backs, des
cauchemars et ont un sentiment d’insécurité dans tous les endroits. La délocalisation, la
déstabilisation l’angoisse pour le futur sont les quotidiens de ces personnes qui n’espèrent
que retrouver une vie normale.
VII. LES BESOINS PRIORITAIRES :
Les besoins prioritaires mentionnés en majorité par les participant furent les vivres
alimentaires, les NFIs (y compris les vêtements, les matériels de cuisine) les abris ainsi que
les besoins de protection et de santé. Ils n’ont bénéficié d’aucune aide depuis leur arrivée,
vu qu’ils viennent à peine d’arriver. Les seuls habits qu’ils possèdent sont ceux qu’ils
portent. Ils n’ont pu emporter aucun matériel et sont en manque d’argent pour en
procurer.
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VIII. RECOMMANDATIONS :
Besoins Activités Responsables
Besoins de protection Assurer un soutien psychologique
aux populations déplacés à Markala
et Segou
Assurer la distribution de kits de dignités ainsi que d’autres matériels nécessaires aux filles et femmes
Mettre à la disposition des femmes et filles une possibilité d’activités génératrices de revenus.
Mettre en place un comité d’alerte précoce
Mener de sensibilisation sur les VBG
/SR/PF
UNFPA/IEDA
Besoins en Santé de la
Reproduction Organiser une clinique mobile
SR/VBG à Markala et Segou
Assurer la référence des femmes
enceintes dans le CSCOM le plus
proche pour le suivi de Grossesse
IEDA
IX. CONCLUSION :
L’UNFPA et IEDA Relief ont réalisé avec le concours de la Direction Régionale du
Développement Social et de l’Economie Solidaire de Ségou, le 19 Novembre 2021, une
évaluation rapide à Pelengana, auprès de nouveaux déplacés venus récemment dans la
ville de Ségou. A l’issu de cette évaluation, les constats sont les suivants :
- Les déplacés vivent, à un nombre pléthorique, dans des maisons moins confortables
qu’ils louent sans toilettes ni une source d’eau potable ;
- Ils vivent dans la précarité sans matériels ni source de revenus fiable ;
- Les risques de VBG sont présents liés aux manque de toilette, la promiscuité et le
manque de moyen ;
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- Les besoins de cette population sont énormes à savoir le manque de vivre, de NFI et
d’abris sûrs permettant de garder l’intimité ;
- Ils sont moins informés par rapport aux VBG et à la contraception ;
- Les traumatismes causés par la situation vécue nécessitent un temps de suivi
psychosocial.