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CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE UPMC - Bât. F74 - Boite 49 – 4, place Jussieu – 75252 Paris cedex 05 CNRS - 2, rue Henry Dunant - 94320 Thiais LADIR – UMR 7075 Rapport d'activité 2003 - 2007

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CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

UPMC - Bât. F74 - Boite 49 – 4, place Jussieu – 75252 Paris cedex 05 CNRS - 2, rue Henry Dunant - 94320 Thiais

LADIR – UMR 7075

Rapportd'activité

2003 - 2007

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II. RAPPORT SCIENTIFIQUE

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Molécules isolées &

en interactions faibles

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Faits Marquants

Réactivité et structure de systèmes moléculaires de métaux de transition. La conjonction de mesures spectroscopiques en matrice de gaz rare et d’un éventail de méthodes de modélisation adaptées à l’étude de molécules réactives contenant des atomes métalliques a permis d’analyser, pour des systèmes du type M, M2 + L (M= Ti, Co, Ni et L = N2, O2), les chemins réactionnels et certains processus photophysiques ou photochimiques. Les chemins réactionnels, différents d’un métal à l’autre, impliquent plusieurs états électroniques et des croisements multiples et dans les molécules d’oxydes ou de nitrures bimétalliques, l’interaction métal-métal covalente disparait déjà pratiquement.

Structure électronique et liaison chimique. Pour pallier le coût prohibitif des méthodes multiréférence appliquées aux molécules polymétalliques, des stratégies de calcul « broken symmetry » ont été développées avec une méthode DFT monoréférence ajustant la fraction d’échange dans la fonctionnelle hybride choisie. Ceci permet d’utiliser des approches topologiques fondées sur l’emploi de fonctions locales électroniques pour asseoir de façon quantitative la description de la liaison chimique dans ces composés.

Complexes moléculaires liés par liaison H. La combinaison de la spectroscopie haute résolution et d’une modélisation théorique poussée exploitant des calculs ab initio à fort niveau de corrélation ainsi qu’un traitement des vibrations couplées au-delà des approches perturbatives a permis d’interpréter en détail les spectres de vibration-rotation de plusieurs complexes à liaison hydrogène. Pour les complexes HF-H2S et HCl-H2S la plus longue durée de vie des états excités induit des largeurs spectrales réduites (0.05 cm-

1) et permet une résolution de la structure rotationnelle. Les analyses expérimentales et théoriques ont clairement démontré que la compréhension quantitative des décalages de fréquences vibrationnelles est seulement possible en allant au-delà du modèle harmonique habituel et exige la prise en compte du couplage anharmonique entre des modes de forte énergie et l’ensemble des modes intermoléculaires de basse énergie. Cette composante est essentielle pour comprendre la dynamique vibrationnelle au sein de ces systèmes car ces couplages sont responsables de la redistribution d’énergie et de la prédissociation. Dynamique et structure des agrégats. La structure et la dynamique des agrégats quantiques dopés ont été étudiées par une combinaison de techniques numériques développées au laboratoire et en collaboration. Le calcul totalement quantique (Monte Carlo quantique) de structures et stabilités ainsi que la modélisation de processus dépendants du temps par des combinaisons quantique/semiclassique ont démontré l’importance d’un traitement poussé de la délocalisation vibrationnelle. Ceci a des conséquences profondes sur la stabilité des agrégats et sur la dynamique de fragmentation/recombinaison (effet de cage) dans ces environnements attrayants que représentent les matrices peu perturbatrices. Ces activités sont transférées au Laboratoire de Chimie Théorique de l’Université de Marne la Vallée avec la mutation du Pr. M. Lewerenz en septembre 2006.

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Le méthane à basse température pour la modélisation de l’atmosphère de Titan. Dans le cadre de la mission Cassini, la sonde Huygens s’est posée sur Titan en 2005. A bord de Huygens un spectromètre IR a enregistré des spectres de l’atmosphère de Titan tout au long de la descente, le dernier à 20 mètre d’altitude. Ces spectres, lors de leur exploitation ont mis en évidence des incohérences et des manques dans les données de laboratoire, en particulier sur le méthane dans le proche infrarouge. Nous avons donc lancé une étude de l’absorption IR du méthane dans les conditions de Titan (94 K, 1,4 bar) pour un parcours de 20 mètres. Les résultats obtenus permettent maintenant une modélisation cohérente des spectres et donc un dosage fiable du méthane dans la basse atmosphère de Titan.

Les complexes moléculaires d’intérêt stratosphérique. Quelques complexes binaires et ternaires formés à partir de molécules présentes dans l’atmosphère terrestre, en particulier avec l’eau, ont été stabilisés et caractérisés en couplant spectroscopie vibrationnelle et calculs de chimie quantique. Les géométries de ces complexes ainsi que leurs énergies de liaison ont été déterminées. Nos résultats montrent que certaines de ces espèces pourraient être stabilisées dans l’atmosphère terrestre en concentrations extrêmement faibles.

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Les activités de recherche présentées dans cette thématique combinent la spectroscopie de vibration ou vibration-rotation à des méthodes de modélisation théorique pour analyser la réponse spectroscopique de molécules ou de complexes moléculaires isolés en phases gazeuse ou solide diluée. Elles concernent des systèmes d’intérêt atmosphérique ou planétologique, ou encore s'intéressent à la réactivité ou aux mécanismes particuliers induits par la dynamique vibrationnelle dans des ensembles moléculaires réactifs ou pré-réactifs.

La qualité des résultats est fortement sous-tendue par la collaboration étroite entre

théoriciens-modélisateurs et expérimentateurs. Elle s’appuie aussi sur un ensemble instrumental permettant d’étudier différentes conditions : à l’équilibre thermodynamique à température et/ou pression variables, à basse température en expansion supersonique ou en matrice de néon. Ces moyens expérimentaux sont concentrés autour d’un interféromètre qui permet de combiner résolution élevée (0.002 cm-1) et large gamme spectrale, allant de l’infrarouge lointain au proche UV. Dans l’avenir, le maintien en fonction de cet appareillage, vieillissant du point de vue de l’électronique, ainsi que le développement de méthodes complémentaires seront des points cruciaux pour le laboratoire.

Pour développer ces activités, la première priorité du laboratoire en matière de

recrutement a été de renforcer la thématique de recherche sur les espèces d’intérêt atmosphérique ou planétologique (MdC, ATER et post-doctorant).

L’activité de recherche sur les agrégats moléculaires a, au cours des quatre

dernières années, récolté les fruits d’un travail de fond résultant pour les travaux en phase condensée du savoir faire et de l’instrumentation développée précédemment. Pour les travaux en phase gazeuse, les avancées sont venues du travail de collection et de comparaison de résultats obtenus sur les complexes entre hydracides et différents types de bases et, d’autre part, de la mise au point de méthodes de calcul complexes, essentielles à la compréhension des effets anharmoniques importants dans ces systèmes. Pour dépasser les limitations actuelles de ces études en terme de sensibilité ou de complexité, qui imposent souvent le choix des systèmes étudiés, différents projets sont engagés pour mettre au point de nouvelles techniques instrumentales dont le but sera soit d’augmenter la quantité observable de ces espèces de courte de durée de vie, soit d’augmenter la sensibilité de la détection spectroscopique. L’activité de modélisation sur ces systèmes va, quant à elle, nécessairement évoluer à la suite du départ de M. Lewerenz.

Les recherches sur la structure et la réactivité d’espèces contenant des métaux de

transition ont connu, au cours de ces dernières années, des avancées dans deux directions : d’une part, la capacité à suivre la réactivité de molécules métalliques dans le néon solide tout en analysant les structures géométriques plus finement et, d’autre part, la mise au point de techniques quantochimiques permettant la modélisation de chemins réactionnels impliquants des surfaces électroniques multiples. De tels calculs demandent des procédures spécifiques et des moyens importants. Un effort particulier d’équipement informatique (grappe de calculateurs) et de recrutement (MdC) a également été réalisé dans ce sens et devra être poursuivi.

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Réactivité et structure de systèmes moléculaires

à centres métalliques

Mohammad Esmaïl Alikhani & Laurent Manceron

Lahouari Krim Bruno Madebène Benoit Tremblay

Doctorants Fayçal Allouti, Delphine Danset

Masters & DEA Nabil Berkaïne, Bita Kiani, Emilie Klécha

ITARF Danielle Carrère1, Daniel Druart2, Ludovic Vettier

1 Retraite 2008 2 A 50% au LADIR

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1) Réactivité et structure de systèmes moléculaires de métaux de transition

Cette activité, impliquant plusieurs chercheurs (M.E. Alikhani, B.

Tremblay, L. Krim, B. Madebène, L. Manceron) et doctorants (F. Allouti, D. Danset), s’est développée dans deux directions : 1) des études spectroscopiques sur des espèces moléculaires contenant des métaux de transition, avec des efforts importants de conception et de mise au point de l'instrumentation nécessaire à l'obtention de données nouvelles et 2) des études méthodologiques prédictives de la structure électronique et descriptive de la liaison chimique ou du chemin réactionnel.

1.1. Réactivité d'agrégats entre atomes métalliques et petites molécules Caractérisation expérimentale et théorique.

Collaborations :

Universität Heidelberg, RFA Universität Karlsruhe, RFA University of Virginia, USA Université Laurentienne, Canada

Le but ici est d’obtenir des données spectroscopiques et/ou photophysiques sur

des systèmes métal-molécule réactifs, donc difficiles à observer dans des conditions standards, mais nécessaires à la modélisation quantochimique ou à l’identification d’espèces supportées.

Résultats obtenus sur les systèmes Co, Ni, Cu + diatomiques (O2,N2,NO).

Les concepts habituels de la chimie inorganique confèrent aux métaux de transition finement divisés une grande facilité d’oxydation. A l’échelle atomique et moléculaire, la situation se révèle plus complexe mais aussi potentiellement plus riche. Des études récentes en phase gazeuse sur les différences de réactivité en fonction de l’état électronique des métaux de transition vis-à-vis de différents oxydants simples posent des problèmes conceptuels à la modélisation théorique et des défis expérimentaux pour l’identification structurale des produits de réaction. Dans le rapport précédent, nous avions donc fixé comme but l’étude de systèmes où des petites différences énergétiques peuvent moduler l’état électronique de départ des réactifs et influer fortement sur la nature (mal connue et même parfois inconnue) des produits de réaction.

Systèmes Co, Ni + O2. Pour les réactions du nickel avec l’oxygène

moléculaire, les différentes étapes de réaction (complexation, insertion) peuvent être

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étudiées successivement. Des spectres vibrationnels complets des étapes superoxydes ou dioxydes ont été obtenus. Ceux-ci ont permis de discuter l’évolution des forces de liaisons O-O ou M-O pour les différents métaux, et de fournir des estimations structurales assez précises : les angles de liaison sont estimés à ± 5°. Avec le nickel atomique, le travail dans les matrices de néon à très basse température a permis d’établir plus précisément le chemin réactionnel. La formation d’un superoxyde sans activation d’énergie, puis celle du dioxyde après excitation électronique ont été mises en évidence. Les données spectroscopiques obtenues (vibrationnelles et électroniques) ont permis de valider un choix de méthode de chimie quantique permettant de calculer les surfaces de potentiels des différents états électroniques impliqués dans le chemin réactionnel.

Une première étude vibronique sur le monoxyde de cobalt dans plusieurs états

électroniques de basse énergie a conduit à la proposition d’une échelle semi-empirique liant la distance inter-atomique à la constante de force de la liaison Co-O, échelle utilisée ensuite pour la détermination des paramètres géométriques des oxydes polyatomiques.

Pour la réaction Co + O2, une contradiction existait entre les données

existantes sur la réactivité en phase gazeuse et à l'état condensé. Nous avons pu montrer que le complexe obtenu à partir de l’état fondamental du cobalt est de type van der Waals, en bon accord avec les résultats de Honma en phase gazeuse et que l’atome de cobalt après une excitation électronique requise pour la promotion s2 d7 → s1 d8 réagissait avec O2 par insertion directe. Le composé présente une structure de type dioxyde O=Co=O, dont le spectre vibrationnel complet a pu être obtenu pour la première fois. Il a également été montré que les autres isomères présumés, mentionnés dans la littérature, correspondaient en fait à des espèces différentes, de stoechiométries plus élevées.

Selon les mesures RPE et IR, le dioxyde de cobalt, CoO2, est de forme linéaire et d’état électronique 2Σg

+. La chimie quantique, en contradiction avec les faits expérimentaux, le prédisait de structure C2v avec une multiplicité doublet ou sextet, selon la méthode utilisée. Au bout de trois années d’efforts, nous avons mis en accord les prédictions théoriques avec les données expérimentales à partir des considérations suivantes:

– pour tenir compte du caractère fortement polaire de la liaison Co-O, nous avons éliminé à la fois les orbitales diffuses dans la base atomique utilisée, ainsi que la contribution de Hartree-Fock dans le terme d’échange de la fonctionnelle. Ceci permet alors de décrire correctement l’état électronique du dioxyde de cobalt (2Σg

+).

– L’implication de trois formes superoxo, peroxo et dioxo dans les trois multiplicités envisageables (doublet, quartet et sextet) permet de proposer un chemin réactionnel cohérent avec les observations. Comme le résume la Figure, la formation du produit final (le dioxyde de cobalt) doit être expliquée par un chemin réactionnel impliquant la participation d’au moins trois états électroniques avec des croisements multiples. Nous constatons que les deux changements de spin successifs abaissent considérablement la barrière énergétique de la réaction de la formation du dioxyde.

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Cette approche a aussi été appliquée à un autre cas difficile, celui du dioxyde de nickel, dont l’état électronique de l’intermédiaire observé et le chemin de formation ont posé de véritables défis aux méthodes de chimie quantique.

Fig. 1: Chemin de formation de OCoO dans l’état fondamental 2Σ+.

Ces espèces peuvent être considérées comme les « briques » moléculaires

constitutives d’agrégats de plus grande taille. La réaction CoO2 + O2 a été étudiée. La formation d’un premier intermédiaire de

réaction a d’abord été établie et les données isotopiques obtenues sur son spectre vibrationnel conduisent à une structure de symétrie Cs (de type O2Co-O=O). Dans un second temps, un processus de relaxation électronique lent (15mn à basse température) conduit à l’état final de symétrie C2V (de type O2Co-(O2)). Un processus photophysique permet de reformer l’état métastable sous l'action d'une excitation électronique de très basse énergie (4250 cm-1). Des spectres vibrationnels complets ont été obtenus et grâce aux informations structurales dérivées des données spectroscopiques, nous avons pu proposer une identification de ces deux formes aux états quartets et doublets de CoO4 calculés par chimie quantique.

D. DANSET, L. MANCERON. The mid- and near IR electronic absorption spectrum of CoO isolated in solid neon.Vibronic data for three low-lying electronic states. Journal of Physical Chemistry A 107 (2003) 11324 . D. DANSET, M.E. ALIKHANI, L. MANCERON. Reactivity of atomic cobalt with molecular oxygen : a combined IR matrix isolation and theoretical study of the formation and structure of CoO2. Journal of Physical Chemistry A 109 (2005) 97. D. DANSET, M.E. ALIKHANI, L. MANCERON. Characterization of ground and low-lying excited states of CoO4 : a combined matrix isolation and DFT study. Journal of Physical Chemistry A 109 (2005) 105. F. ALLOUTI, L. MANCERON, M.E. ALIKHANI, The Ni+O2 reaction : a combined matrix isolation and theoretical study of the formation and structure of NiO2. PhysicalChemistry - Chemical Physics 8 (2006) 448.

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Système Cu + NO. En collaboration avec le groupe du Pr Andrews (Virginie, USA) nous nous sommes intéressés au système Cu+NO pour lequel les études quanto-chimiques prédisaient des états électroniques triplet et singulet d’énergie proche, mais avec des contradictions importantes quand à l’état fondamental du complexe Cu-NO. Nous avons obtenu le spectre vibrationnel complet de l’état fondamental et observé plusieurs états électroniques excités, dont plusieurs de très basse énergie (< 0.6 eV). Nous avons pu aussi estimer la géométrie du complexe dans l’état fondamental et sa variation dans les premiers états excités. Ces données pourront servir de références pour la communauté des chimistes quanticiens en fournissant des informations sur la liaison de coordination des groupes nitrosyles.

L. KRIM, X. WANG, L. MANCERON, L. ANDREWS. Absorption Spectra of ground and low-lying states of copper nitrosyl. Journal of Physical Chemistry A 109 (2005) 10264.

1.2. Molécules Co2 et Ti2 et leur réactivité

Un autre de nos objectifs majeurs fixés était l’étude de la réactivité de petites molécules métalliques. Nous avons choisi deux systèmes, parmi les dimères de métaux de transition, caractéristiques des métaux de début et fin de rangée, métaux parmi les moins bien connus. Dans un premier temps, nous avions besoin d’indicateurs spectroscopiques, permettant de suivre ces espèces au cours des réactions. Nous avons ensuite étudié plusieurs systèmes réactionnels les impliquant.

Spectroscopie vibronique de Co2 et Ti2. Ces systèmes possèdent de

nombreux niveaux électroniques de basse énergie encore peu ou pas du tout répertoriés. Nous les avons étudié en utilisant la spécificité de notre équipement pour enregistrer le spectre électronique dans l’infra-rouge proche à lointain (entre 1.2 et 0.06 eV). Comme ces transitions sont pour la plupart en dessous de la limite de dissociation, elles donnent lieu à des structures vibroniques bien résolues, dont l’analyse permet de décrire le potentiel de l’état excité. Pour Co2, dix états électroniques nouveaux ont ainsi pu être répertoriés et, pour Ti2, l’étude en collaboration avec les Pr H.J. Himmel et W. Klopper (Université d’Heidelberg) a permis une comparaison avec des calculs MRCI-CASSCF représentant l’état de l’art de la chimie quantique pour de tels systèmes pour cinq nouveaux états. La comparaison avec des calculs multi-référenciels les plus poussés indiquent des différences énergétiques de 10% environ sur les transitions électroniques et les fréquences vibrationnelles, ce qui est remarquable par rapport aux écarts de 40 à 80% obtenus avec les méthodes TD-DFT.

D. DANSET, L. MANCERON. Electronic absorption spectrum and low-lying electronic states of Co2 isolated in solid neon. Physical Chem.istry - Chemical Physics 6 (2004) 3928.

O. HÜBNER, H.J. HIMMEL, L. MANCERON, W. KLOPPER. Low-lying electronic states of the Ti2 dimer : electronic absorption spectroscopy in rare gas matrices in concert with quantum chemical calculations. Journal of Chemical Physics 121 (2004) 7195.

Réactivité de Ti2, Co2 et Ni2. Formation et structures d’oxydes et

nitrures. Afin de mieux connaître la réactivité de Co2 vis-à-vis de l’oxygène moléculaire, nous avons déterminé les positions de toutes les vibrations fondamentales

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pour l’état fondamental du produit de réaction, la molécule Co2O2 et, à partir de l’analyse des effets isotopiques, proposé une géométrie : molécule rhombique plane quasi carrée. Nous avons aussi pu montrer que, dans le néon solide, les deux partenaires de réaction ne réagissent pas dans leur état fondamental, mais dans un des états excités de Co2 , au contraire de ce qui est observé pour la formation de Ti2N2.

Fig. 2. Caractérisation spectroscopique de Ti2N2 : distribution isotopique du titane observé à haute résolution et formation spontanée par diffusion à basse température dans le néon solide.

Une étude comparable a été menée sur Ni2O2. Ce composé peut être considéré

comme la première étape vers l’oxyde massique et nous voulions savoir si, dans le plus petit fragment présentant deux centres métalliques, la liaison chimique se rapprochait déjà de celle de l’oxyde, ou si subsisterait encore une interaction directe entre ces centres. Dans une étude systématique sur les dioxydes bimétalliques de la première série des métaux de transition, M2O2 avec M = Fe,⋅⋅⋅Ni et Cu, un certain nombre de règles simples concernant la structure électronique et la nature de la liaison métal-métal ont été mises en évidence :

– la structure rhombique D2h est la plus stable pour l’état fondamental (singulet antiferromagnétique).

– la nature antiferromagnétique de l’état fondamental (1)Ag lui confère un caractère multiréférence qui peut raisonnablement être décrit par la méthode DFT dans son formalisme "non contraint" et en utilisant l’approche "symétrie brisée" (permettant aux électrons de spins opposés d’occuper des espaces différents dans la molécule).

– la décomposition de la fonction d’onde de l’état fondamental permet de savoir avec quel état de haut spin il est couplé. La valeur de ⟨S2⟩ doit être la plus proche de celle attendue pour le Smax de l’état de haut spin. En effet, l’erreur de Self–Interaction inhérente à l’échange DFT limite artificiellement la corrélation statique, caractéristique des systèmes antiferromagnétiques mais la contribution de cette corrélation peut être contrôlée dans les fonctionnelles hybrides par la fraction d’échange exact HF.

L’état de haut spin, couplé avec l’état fondamental, a une multiplicité de spin qui correspond à celle des deux fragments monoxyde MO dans leur état fondamental. Mais,

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malgré la courte distance métal-métal qui découle des calculs et des données spectroscopiques, il n’y a pas de liaison chimique, au sens orbitalaire et topologique du terme, entre les deux centres métalliques.

Fig. 3 : Variation de l’ordre énergétique des premiers niveaux de Ni2O2 avec le pourcentage d’échange

exact HF dans la fonctionnelle d’échange totale = a% . XHF + (1 - a%) XB et fonctionnelle de corrélation LYP.

D. DANSET, L. MANCERON. Reactivity of cobalt dimer and molecular oxygen in rare gas matrices. IR Spectrum, photophysics and structure of Co2O2. Phys. Chem. Chem. Phys. 7 (2005) 583. H.J. HIMMEL, O. HÜBNER, F. BISCHOFF, W. KLOPPER, L. MANCERON. Cleavage of the N2 triple bond by the Ti dimer : a route to molecular materials for dinitrogen activation ? Angewandt Chemie International Edition 45 (2006) 2799. H.J. HIMMEL, O. HÜBNER, F. BISCHOFF, W. KLOPPER, L. MANCERON. Reactivity of titanium dimer and molecular nitrogen in rare gas matrices. Vibrational and electronic spectra of Ti2N2. Phys. Chem. Chem. Phys. 8 (2006) 2000. F. ALLOUTI, L. MANCERON, M.E. ALIKHANI, The Ni2+O2 Reaction: the IR Spectrum and Structure of Ni2O2. A Combined IR Matrix Isolation and Theoretical Study. Phys. Chem. Chem. Phys. 8 (2006) 3715.

La liaison de la molécule est assurée par quatre liaisons M–O fortement

polaires et les charges portées par chaque métal indiquent que déjà, dans ces composés moléculaires, ceux-ci ont le degré d’oxydation formel +II.

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Orbitales localisées Ni-O dans Ni2O2

Schéma topologique

Schéma formel

1.3. Spectroscopie et structure de systèmes modèles

En aval d‘études fondamentales, un autre objectif défini dans le rapport précédent était de proposer, à partir d’observables d’utilisation courante, des méthodes ou des indicateurs aidant à la détermination de propriétés plus générales comme la structure moléculaire, les longueurs de liaison ou la stabilité thermodynamique. Ceci a motivé plusieurs études.

Indicateurs spectroscopiques et liaison de coordination

Systèmes Modèles MCO. La molécule de CO est une sonde largement utilisée en chimie des surfaces du fait de son intense signature infrarouge. Les données vibrationnelles sur le mode d’élongation C-O sont abondantes car faciles à mesurer, mais ne permettent pas de remonter directement à la force de la liaison de coordination, au contraire du mode de vibration M-C difficile à observer car 100 fois plus faible que le mode CO. Notre équipement nous permet l'observation de ces modes métal-carbone pour plusieurs molécules-modèles MCO et MnCO. L’étude des effets isotopiques (13C16O, 12C18O) et des couplages harmoniques entre coordonnées M-C et C-O permet d’établir une relation entre les effets isotopiques sur les fréquences C-O, faciles à observer, la constante de force M-C et l’énergie de liaison de coordination.

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Fig. 4 : Relations entre le décalage en fréquence (νCO-νMC-O), la constante de force et l’énergie de la

liaison M-CO. Toutes ces valeurs sont expérimentales. Relations entre le décalage en fréquence (ν C18O) 2 - (ν 13CO) 2 et la constante de force de la liaison M-CO(• mono carbonyles, ο polycarbonyles) . Toutes ces

valeurs sont expérimentales. R indique la valeur de la régression linéaire. Etude de Ni(N2)4. Le nickel tetra-diazote est isoélectronique au complexe

tetracarbonyle bien connu, mais sa stabilité est moindre et les tentatives pour l’observer à température ordinaire avaient jusqu’alors échoué (il n’a été observé qu’en phase condensée et à basse température). En collaboration avec le Pr H.J. Himmel (Université d’Heidelberg), grâce à des études conjointes en IR et Raman résonant, avons pu déterminer pour la première fois des paramètres importants comme les constantes de force et coefficients d’anharmonicité et en déduire une estimation expérimentale de l’énergie des liaisons N2-Ni(N2)3 égale à 120 kJ/mole), inférieure de 25% à celle observée dans le tetracarbonyle.

Etude de Co(C6H6)2. En collaboration avec le Pr H. Joly nous avons étudié les

spectres RPE et IR du complexe cobalt-dibenzène, dont la stabilité venait d’être démontrée en phase gazeuse, malgré une structure électronique à 21 électrons dans la sphère de coordination, mais de structure non élucidée. Les résultats conjoints de spectroscopie vibrationnelle et de RPE sont cohérents avec une structure de sandwich asymétrique, avec des symétries locales différentes des cycles benzéniques (Figure 5).

Fig. 5 : Structure proposée pour le complexe cobalt-dibenzène.

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1.4 Réactivité et analyse toplogique de la liaison chimique

Collaboration : Laboratoire de Chimie Théorique, UPMC

Université de Catane, Italie

La liaison chimique est un concept local qui ne peut pas être traité directement dans la description quantique de la matière. L’utilisation de la topologie d’une fonction locale, telle que densité électronique et/ou fonction localisation ELF3, nous permet d’établir un pont entre l’approche de la chimie quantique et les concepts semi-empiriques "classiquement" admis de la chimie. En effet, après une série d’études systématiques (Thèse de J. Pilmé en co-encadrement LADIR-LCT) sur la description de la liaison dative métal-carbone, nous avons élargi notre étude à la description de la réactivité et l’évolution de la liaison chimique dans des composés de métaux de transition.

Les résultats les plus significatifs de cette étude peuvent être résumés de manière suivante:

– Composés neutres : la topologie de la fonction de localisation électronique dans les métaux carbonyles de formule MCO où M désigne un élément de la première période de transition est caractérisée par la présence d’un bassin monosynaptique V(M) et par la formation du bassin disynaptique V(C, M). L’analyse des populations permet de quantifier le transfert de charge du métal vers le ligand et, du moins pour les systèmes linéaires, de l’interpréter à l’aide du modèle de donation σ et de rétro-donation π en considérant les contributions orbitalaires aux populations de bassin. Pour tous les systèmes étudiés, la donation σ est négligeable et la rétro-donation est de l’ordre d’un électron. Nous avons également montré à partir de cette analyse que les mutiplicités de spin et la géométrie de ces molécules suivent des règles simples.

Les complexes Fe(CO)n, Ni(CO)n et Cr(CO)n ont également été étudiés. Pour les stœchiométries correspondant à n>2, le bassin V(M) disparaît. D’autre part, le transfert électronique total vers les ligands a une valeur limite de l’ordre de 2,5 e et par suite la population des bassins V(C, M) décroît lorsque n augmente.

– Composés chargés : la réaction du cation Mn+ sur les molécules hydrogénées AHn est un exemple de réaction chimique impliquant deux surfaces d’énergie potentielle correspondants à des multiplicités de spin différentes :

Mn+ (7S) + AHn → H2 MnAHn-2 (quintuplet)

Comme le montre la figure 6, la première étape correspond à la formation d’un

complexe lié électrostatiquement. L’évolution vers le premier état de transition (TS1) implique l’abaissement de la multiplicité de spin par couplage spin orbite, la disparition 3 La Fonction E.L.F. mesure l’appariement électronique par la répulsion de Pauli. D’après Silvi et Savin (Nature, 371 (1994) 683), E.L.F = (1 + (Ds/D0)2)-1, où Ds et D0 sont les densité de paires dans le système et le gaz homogène d’électrons.

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du bassin V(Mn) et l’apparition du bassin V(C, Mn) tandis que l’un des bassin V(C, H) devient un bassin disynaptique V(Mn, H). Le premier intermédiaire de réaction H-Mn+

CH3 possède la même topologie. Le deuxième état de transition est caractérisé par le bassin trisynaptique V(Mn, H, H). Ce type de bassin est la signature de la protonation dissociative et le système évolue ensuite normalement vers le carbène par élimination d’hydrogène.

Fig. 6 : Représentation de l’évolution des liaisons chimiques le long du chemin de la réaction

entre Mn+ et le méthane.

Dans les composés comprenant un centre métallique de transition, la réaction chimique se réalise souvent sur plusieurs surfaces de potentiel avec des points de croisement entre elles. Cette particularité, ou paradigme de “Two-Surface-Reactivity”, modifie souvent le chemin réactionnel et rend possible une réaction initialement interdite au sens des règles de conservation du spin.

Autour du point de croisement entre deuxsurfaces d’états électroniques de multiplicité de spin différente, la voie la plus favorable est celle qui minimise le nombre de bassins topologiques entre deux points situés en amont et, en aval du croisement, maximise le transfert de charge des liaisons datives.

La réactivité chimique peut être prédite sur la base de critères topologiques décrivant la liaison chimique au sein du composé chimique. Par ailleurs, l’interaction de type datif peut-être différenciée des liaisons à caractère ionique ou covalent marqué sur des critères topologiques quantitatifs.

M. C. MICHELINI, E. SICILIA, NINO RUSSO, M.E. ALIKHANI, B. SILVI

Topological Analysis of the Reaction of Mn+ (7S,5S) with H2O, NH3, and CH4 Molecules

Journal of Physical Chemistry A, 107, (2003), 4862. Projets

Réactivité dans des systèmes moléculaires métalliques. Outre la continuation de l’étude systématique des espèces du type MnCO, MM’O2, M2O2 ou MnN2, (où M, M’ sont des métaux de transition), d’autres projets impliquent d’étendre la démarche à des entités plus complexes comme MClx(CO)x, avec x = 1-2, permettant d’obtenir un atome métallique dans un degré d’oxydation différent de zéro. Nous pourrons

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ainsi comparer directement les résultats obtenus avec ceux des composés M(CO)x, et mettre en évidence la correspondance entre le degré d’oxydation de l’atome métallique et les modes de vibration caractéristiques M-C et C-O. Après avoir mis en évidence la fiabilité des méthodes mono-déterminantales, à condition de briser la symétrie de spin, dans l'étude de Ni2O2, nous souhaitons poursuivre ce travail par une étude systématique sur l’activation de CO, N2, CH4 par des dimères de métaux de transition oxydés ou cationisés. Notre but est de tenter d’explorer la réactivité de ces espèces et de déterminer si l’interaction entre deux centres métalliques, de type antiferro- ou antiferri-magnétique, peut correctement être décrite par notre approche électronique et si la constante de couplage d’Heisenberg dans ces composés peut être obtenue.

Nano-cryocalorimetrie. Pour approfondir ces études, il est nécessaire

d’apporter de nouvelles observables. Dans le cadre d’un PICS, en collaboration avec le Pr H.J. Himmel (Université de Heidelberg), nous travaillons actuellement sur la mise au point d’un appareillage de mesure nano-cryocalorimétrique des chaleurs de réaction ou d’énergie de formation d’espèces instables à l’échelle moléculaire. En effet, nous sommes capables, dans certains cas, de produire des échantillons de gaz rare solide dopé dans lesquels les réactions M + M → M2 ou M1,2 + L → M1,2 L (où L est un ligand moléculaire) peuvent être produites in situ de façon contrôlée et dosées spectroscopiquement. Ce type de données sera précieux, car il permettra une estimation expérimentale de l’énergie de liaison et une comparaison directe avec les résultats énergétiques de modélisation de chimie quantique. Si l’appareillage répond à nos attentes, un des premiers systèmes tests sera l’ enthalpie de réaction des systèmes M + CO → M-CO.

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Complexes liés par liaisons faibles

Marius Lewerenz2

Yves Bouteiller4 Pierre Asselin

Jean-Pierre Perchard5 Pascale Soulard

Doctorants Bruno Madebène

Masters & DEA Tobias Wassermann6

ITARF Danielle Carrère, Daniel Druart7, Ludovic Vettier

2Depuis 1/10/06 à L’Université de Marne-la-Vallée 4 associé jusqu’en 2005 5 Professeur émérite 6 Stagiaire Erasmus 7 A 50% au Ladir

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2 ) Complexes moléculaires liés par liaison H. Collaboration : Universität Göttingen, RFA

LPL Université Paris Nord LPIIM, Université de Provence 2.1. Stratégies expérimentale et théorique Les études menées sur les complexes liés par liaison hydrogène depuis une trentaine d’années ont démontré l’importance de systèmes prototypes pour améliorer la compréhension des interactions intermoléculaires faibles et des mécanismes de dynamique vibrationnelle. Avec le développement des sources lasers accordables dans l’infrarouge, la mise en œuvre d’expériences en phase gazeuse, bien adaptées aux techniques d’absorption à haute résolution, a conduit à une meilleure connaissance de la liaison hydrogène. Grâce à l’observation directe des degrés de liberté inter- et intramoléculaires de petits dimères modèles, la spectroscopie IR d’agrégats libres en jets moléculaires supersoniques a fourni une information quantitative détaillée,

(i) sur les couplages anharmoniques entre les modes inter- (νinter) et intramoléculaires (νintra) par l’intermédiaire des bandes chaudes (νinter νintra + νinter) ou de combinaison (0 νintra + νinter),

(ii) sur la dynamique de la liaison hydrogène (prédissociation vibrationnelle, Redistribution Vibrationnelle Intramoléculaire ou RVI).

Ces données expérimentales ont été ensuite exploitées pour construire des potentiels intermoléculaires prenant en compte, dans le cas de (HF)2 et (HCl)2, tous les degrés de liberté du complexe. Nous avons étendu les analyses de complexes moléculaires à des systèmes de plus grande taille B:H(D)X, où B est une base organique de type R2Y, liés par des liaisons hydrogène de force moyenne (De : 10-40 kJ/mol). En effet, des données spectroscopiques précises sur le potentiel anharmonique de la liaison hydrogène et incluant le couplage avec les modes intramoléculaires de haute fréquence seraient très utiles à la construction de potentiels modèles en phase liquide et en particulier pour les simulations biochimiques. Par ailleurs, le rôle des modes intermoléculaires de déformation (

iδν ) dans l’anisotropie de cette interaction et leur implication dans les structures des réseaux de liaison hydrogène reste encore mal connu. Sur le plan expérimental, l’étude spectroscopique de ces systèmes doit tenir compte de plusieurs phénomènes qui brouillent l’information structurale et dynamique sous-jacente: (i) la congestion thermique due à la forte densité de population d’états

rovibrationnels, (ii) les élargissements homogènes des transitions individuelles dus à la prédissociation

vibrationnelle et à la RVI, à l’origine d’effets spectraux pratiquement indissociables,

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(iii) les élargissements inhomogènes dus aux séquences de bandes chaudes. Leur présence s’explique par l’existence de couplages anharmoniques forts entre le mode νintra haute fréquence et les 5 modes νinter de basse fréquence :

( ... )Y H Xσν→ →

−− , 1( ... )Y H Xδν

↓ ↓−− ,

2( ... )Y H Xδν

+ +−− ,

1( ... )l Y H Xν

↓−− et

2( ... )l Y H Xν

+ −−− .

Sur le plan théorique, le rôle majeur des modes νinter dans la dynamique des vibrations couplées de ces systèmes flexibles impose que les prédictions de décalages en fréquence induits par la formation de liaison hydrogène tiennent compte de l’ensemble des couplages anharmoniques entre le mode de l’oscillateur XH donneur de proton et les cinq modes intermoléculaires créés.

Notre programme de recherches repose sur l’étude spectrale systématique du mode d’élongation H(D)-X (νs), le plus affecté par la complexation, de dimères associant des acides donneurs de proton et des bases organiques de taille et de flexibilité différentes. Il se déroule en combinant des approches expérimentales et théoriques complémentaires :

- deux méthodes de stabilisation en phase gazeuse de complexes sur une large gamme

de températures rovibrationnelles, couplées à la spectrométrie IRTF sont utilisées : le fort refroidissement du jet supersonique (20-80 K) et un refroidissement plus modeste en cuve thermostatée (190-300 K) permettent de séparer les élargissements homogènes relatifs aux transitions individuelles, des élargissements inhomogènes dus aux séquences de bandes chaudes et de combinaison. L’isolation en matrice de néon est une troisième possibilité, très utile pour obtenir de l’information purement vibrationnelle sur les vibrations fondamentales peu intenses de complexes moléculaires, en particulier celles de basse fréquence.

- Sur le plan théorique, il faut distinguer :

• la modélisation des spectres rovibrationnels de toupies asymétriques en fonction de la température. La construction d’un spectre synthétique a pour but d’interpréter les structures rovibrationnelles observées, pour extraire des paramètres rovibrationnels (fréquences des vibrations impliquées, constantes de couplages rovibrationnels, anharmonicités) et dynamiques (élargissement homogène relié à la durée de vie de prédissociation) sur l’état excité de la transition νs du complexe.

• le développement de techniques de calculs ab initio adaptées aux problèmes fortement anharmoniques et multidimensionnels. Réalisés au-delà de l’approximation harmonique lorsque la taille du complexe le permet, ils servent à guider les attributions rovibrationnelles et à confirmer les scenarii de couplages anharmoniques mis en évidence par l’expérience. La validité de différentes méthodes théoriques, perturbatives (Gaussian), ou variationnelles (analyse adiabatique de coupes 2D de surfaces anharmoniques entre νintra et νinter) est testée par comparaison avec les paramètres rovibrationnels obtenus par l’expérience.

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2.2. Etudes en matrice 2.2.1 Détection de modes intermoléculaires et mise en évidence de couplages avec le mode νXH donneur de proton Les spectres IR de plusieurs dimères ((HF)2, (DF)2, HF-DF, N2-HF et (CH2)2S-HF piégés en matrice de néon ont été enregistrés entre 20 et 8000 cm-1. Sur la base de transitions à un ou deux quanta identifiées, d’effets isotopiques H/D et de mesures d’intensités relatives, plusieurs fréquences fondamentales de modes intermoléculaires ont été déterminées en phase condensée et comparée aux valeurs en phase gazeuse. Une détermination des fréquences intermoléculaires en phase gazeuse est également proposée en s’appuyant sur le report des mêmes coefficients d’anharmonicité non diagonaux de la matrice de néon au gaz.

En ce qui concerne (H2O)2, son spectre apparaît très proche de celui observé en phase gazeuse et d’interprétation beaucoup plus simple en l’absence de bandes chaudes liées à l’existence de modes intermoléculaires de très basse fréquence. Ceux-ci ont été clairement identifiés à 3K, ainsi que de nombreuses transitions à deux quanta. Il en a été déduit la valeur des coefficients d’anharmonicité ainsi que celle de dérivées premières et secondes du moment dipolaire. Les premiers sont en assez bon accord avec les résultats de calculs ab initio développés par Y. Bouteiller . En dépit des faibles perturbations induites par le néon solide, l’information rotationnelle au sein de ces complexes disparaît. L’accès direct aux données de basse fréquence enregistrées dans les mêmes conditions expérimentales que celles de plus haute énergie représente la contribution principale de l’isolation en matrice à la spectroscopie des complexes liés par liaison hydrogène, en l’absence d’expériences en jet supersonique dans le lointain infrarouge.

M. GOUBET, P. ASSELIN, L. MANCERON, P. SOULARD, J. P. PERCHARD. Neon matrix induced perturbations of weak hydrogen bonded complexes.Part I. The N2-HF complex. Phys. Chem. Chem. Phys., 5 (2003) 3591. M. GOUBET, P. ASSELIN, P. SOULARD, J. P. PERCHARD. Neon matrix induced perturbations of weak hydrogen bonded complexes.Part II. The HF dimer and its isotopomers. Phys. Chem. Chem. Phys., 5 (2003) 5365. Y. BOUTEILLER, J.P. PERCHARD The vibrational spectrum of (H2O)2 : comparison between anharmonic ab initio calculations and Neon matrix infrared data between 9000 and 90 cm-1 Chemical Physics 305 (2004) 1.

2.2.2 Isomérisation d’agrégats par irradiation IR. En collaboration avec S. Coussan et P. Roubin (U. Provence, Marseille) des effets de photoisomérisation par irradiation infrarouge ont été mis en évidence sur des dimères ROH-R'OH, R≠ R' = H, CH3, C2H5, et sur des agrégats d’eau piégés en matrice d’azote.

Les problèmes posés par les hétéodimères ROH …R'OH sont les suivants : i) identifier le rôle des deux partenaires, inéquivalents du point de vue de la liaison hydrogène l’un donneur de proton, DP, l’autre accepteur, AP) et examiner l’effet de la

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matrice ; ii) étudier l’interconversion donneur ↔ accepteur par irradiation infrarouge sélective. Le point i) est aisément résolu par l’usage de molécules isotopiques 16O/18O. En matrice de gaz rare l’accepteur de proton correspond au radical R(R') le plus lourd ; c’est l’inverse qui se produit en matrice d’azote. Le premier cas, qui correspond à celui de la phase gazeuse, s’explique par l’accroissement de basicité avec la taille du radical. Dans l’azote interviennent des interactions faibles OH …N2 qui justifient l’interversion observée pour les systèmes H2O-ROH (R = CH3, C2H5). Les expériences relatives au point ii), réalisées à l’aide d’un laser accordable dans l’infrarouge proche, démontrent la grande efficacité de l’irradiation infrarouge dans des processus d’isomérisation : par excitation spécifique d’un mode νOH ou νCH d’un des deux partenaires, ils se produit un échange du rôle de chacun d’eux : AP ↔DP à condition que la température soit assez basse pour stabiliser la forme générée métastable.

L’étude de l’isomérisation d’agrégats d’eau en matrice par irradiation infrarouge sélective procède de la même démarche. Tout d’abord ont été réalisées des expériences d’isotopomérisation du dimère en matrice d’azote : par irradiation sélective d’une variété isotopique H4-n DnO2 (n = 1,2,3) tous les autres isotopomères de la même variété sont générés ; par exemple HOD …OH2 →DOH …OH2 (interconversion liaison D/liaison H) et aussi HOD …OH2 → HOH ..OHD (interconversion donneur/accepteur). En ce qui concerne les agrégats (H2O)n, n >2, deux types de résultats ont été obtenus : pour 6 ≥ n ≥ 3 faible effet de ’’hole burning’’ à la fréquence d’irradiation ; pour un agrégat de taille supérieure isomérisation caractérisée par la décroissance d’une dizaine de bandes et l’apparition (ou la croissance) d’un nombre comparable de signaux. De la comparaison des fréquences observées avec des calculs quantiques, il apparaît probable que l’agrégat photo isomérisable soit l’octamère.

S. COUSSAN, P. ROUBIN, J.P. PERCHARD Hydrogen bonding ROR-R’ (R, R’ = H, CH3, C2H5) heterodimers : matrix dependent structure and infrared induced isomerization Journal of Physical Chemistry A 108 (2004) 7331.

S. COUSSAN, P. ROUBIN, J.P. PERCHARD Infrared induced isomerizations of water polymers trapped in nitrogen matrix Chemical Physics 324 (2006) 527.

2.3. Etudes en jet supersonique/cellule thermostatée

Une synthèse des propriétés structurales, rovibrationnelles et dynamiques de quelques complexes récemment étudiés ((CH2)2S-H(D)F, (CH2)2O-H(D)F, H2O-HF et H(D)2S-H(D)X avec X = F, Cl) est maintenant décrite. La fiabilité des données obtenues sur des complexes à liaison hydrogène de flexibilité et de taille différentes est attestée par l’excellent accord entre expérience et théorie, qui montre que nous disposons d’outils performants pour étudier les propriétés de dynamique vibrationnelle de ces systèmes.

En minimisant la différence entre les spectres synthétiques et IRTF en phase gazeuse à plusieurs températures, des jeux uniques et fiables de paramètres comprenant les fréquences harmoniques interω et les constantes d’anharmonicité sinterx de trois modes intermoléculaires, les constantes de couplage rovibrationnel X

sα , les forces d’oscillateur relatives des transitions chaudes, ainsi que des estimations de l’énergie de dissociation 0D

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et de la durée de vie du complexe (1 2 prédπγ ), ont été obtenus pour plusieurs complexes à liaison hydrogène. La cohérence générale entre les résultats de l’analyse spectrale de la bande d’élongation sν et des données théoriques permet de dégager un certain nombre de tendances récurrentes au sein de ces systèmes :

- la formation de la liaison hydrogène affaiblit la liaison HX comme le montre, suivant l’énergie de liaison des différents complexes étudiés, l’ampleur des décalages vers le rouge, jusqu’à 13 % de la fréquence du donneur libre pour (CH2)2O-HF. Pour les complexes à cinq atomes du type H(D)2S-H(D)X avec X = F,Cl, la qualité du traitement théorique est soulignée par la prédiction des fréquences d’élongation du donneur HX qui diffèrent de moins de 10 cm-1 de la valeur expérimentale grâce à la prise en compte des couplages multimodes.

- de forts couplages ( sinter inter 7 20%x ω ≈ − ) ont été identifiés expérimentalement

entre le mode d’élongation sν de l’hydracide et trois des cinq modes intermoléculaires, par l’intermédiaire de progressions de bandes chaudes décalées vers le bleu. En particulier, les couplages avec les modes de déformation

1δν et 2δν n’avaient jamais été considérés avant

ces travaux. Le sens de ce décalage est cohérent avec le signe négatif des anharmonicités sinterx , qui souligne le renforcement des modes intermoléculaires lors de l’excitation de

HX. La seule exception à ce systématique « blue-shift » concerne le complexe H2O-HF (Fig. 1) : le renforcement de l’interaction intermoléculaire avec l’excitation de HF s’accompagne d’une augmentation de hauteur de la barrière à l’inversion. L’effet tunnel doit être atténué, ce que confirment les prédictions théoriques d’éclatement des niveaux dans l’état fondamental (49 cm-1) et dans le premier état excité (34 cm-1). On s’attend donc à un retournement dans la progression chaude

1 1sn nδ δν ν ν→ + dont le premier membre doit être décalé d’environ 15 cm-1 vers le rouge, confirmé par notre observation récente de spectres IRTF de H2O-HF en cellule et en jet.

Fig. 1 : A gauche, surface de potentiel le long de la distance HF en fonction du mouvement de

balancement symétrique (θβ1) de H2O autour de son axe d’inertie dans le complexe H2O-HF. A droite, premières énergies vibrationnelles en fonction de l’acide pour la géométrie électronique (en bas),

pour vs=0 (au milieu) et vs=1 (en haut).

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Le scénario proposé de couplage multidimensionnel est confirmé par l’excellent accord obtenu entre les spectres en jet (Fig. 2) et en cellule (Fig. 3) d’une part, et les calculs vibrationnels anharmoniques basés sur les approches théoriques, soit variationnelle adiabatique soit perturbative, d’autre part. Ces calculs concluent également à l’existence de couplages forts avec les modes de libration

1lν et

2lν . Aucune preuve expérimentale

n’a été apportée jusqu’à présent, probablement à cause de la faible population thermique (autour de 200-300 K en cellule) des niveaux vibrationnels liés à ces mouvements ( lν ≈ 500 cm-1), excluant la possibilité d’observer des progressions chaudes, - les forces d’oscillateur relatives pour les progressions chaudes impliquant les modes

de déformation 1δν et

2δν suivent des variations faibles et régulières en fonction de leur nombre quantique, ce qui est cohérent avec l’expansion anharmonique standard de l’énergie et prouve que ces états sont situés au-dessous de la barrière adiabatique à l’inversion 2vs sC C C→ → .

- les variations des constantes rotationnelles dans l’état excité ( 0Xs Xα , , ,X A B C= ) sont

relativement faibles (1-3 %) et cohérentes avec une contraction du complexe lors de l’excitation du donneur. Un excellent accord théorie-expérience est obtenu pour les constantes de couplage rovibrationnel B

sα et Csα , très sensibles au raccourcissement de la

liaison hydrogène. Ce n’est par contre pas le cas de Asα qui dépend principalement des

variations de géométrie de la base alors que la réponse de l’accepteur n’est pas prise en compte par le calcul anharmonique adiabatique,

Fig. 2 : Spectre en jet de la bande νs de H2S-HF (a), simulé à une température rotationnelle de 12 K (b) et obs. – calc. (c). En médaillon, la région 3726-3727 cm-1 a été agrandie pour montrer un spectre barre

simulé incluant les composantes Ka de chaque raie R(J).

- Pour les éthers cycliques et les sulfures d’hydrogène liés à des hydracides, il

devient possible d’obtenir de l’information sur les trois facteurs qui interviennent dans le profil des largeurs γ :

(i) l’excès d’énergie disponible ( shν - 0D ), qui influence en général le taux de prédissociation,

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(ii) l’efficacité des couplages entre νintra et νinter qui peut conduire à la prédissociation,

(iii) les contributions homogènes (RVI) liées au couplage aléatoire vers un fond dense d’états rovibrationnels.

Fig. 3 : Vue globale de la bande νs de H2S-HF à 193 K avec attribution des nombres quantiques de modes intermoléculaires pour les bandes chaudes : spectre observé en cellule (a) meilleur spectre simulé (b).

- Pour les trois séries de complexes étudiés, nous n’avons pas pu établir de corrélation

simple entre l’excès d’énergie et les valeurs mesurées de γ .

L’efficacité des couplages intra-intermoléculaires, estimée à partir des rapports sinter interx ω , augmente jusqu’à 18 % pour (CH2)2O-HF alors qu’ils sont seulement de

l’ordre de 10-13 % pour H2S-HF et (CH2)2S-HF. Le même comportement est observé lorsque HF est remplacé par DF. La corrélation observée entre les largeurs mesurées γ et

sinter interx ω ne peut pas être transposée à la largeur de prédissociation prédγ sans une estimation préalable de la contribution RVI ( RVIγ ).

La géométrie du complexe est aussi un paramètre susceptible d’augmenter

l’efficacité du couplage, en particulier les variations de l’angle φ entre l’axe 2vC de la base B = R2Y (avec Y= O, S) et le vecteur Y…X (avec X = F, Cl). Lorsque le donneur HF est lié aux bases (CH3)2O, (CH2)2O et (CH2)2S, l’angle φ augmente de 40° à 72°, puis à 81° , respectivement. Cet arrangement peut être considéré comme en partie responsable de la prédissociation plus lente des thioéthers cycliques par rapport aux éthers ouverts. Les calculs théoriques montrent clairement que la barrière à l’inversion devient plus élevée lorsque la configuration d’équilibre entre le donneur et l’accepteur tend vers 90°. Toujours avec HF, φ passe de 46° à une configuration quasi-orthogonale à l’axe 2vC lorsque H2O est remplacé par H2S (Fig. 1). L’effet tunnel de large amplitude mis en évidence dans les complexes de HX hydraté est ainsi largement atténué avec H2S. Ceci est confirmé par la présence de raies rotationnelles résolues dans le spectre de H2S-HF, contrairement à H2O-HF. - la largeur RVIγ de raie pour les bandes γH-X des complexes étudiés a été obtenue à

partir d’une estimation de la densité vibrationnelle d’ états ( vibρ ) en fonction de

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l’énergie d’excitation. En comparant les valeurs calculées de vibρ pour différents complexes R2Y-HF et -DF avec les largeurs expérimentales kγ , nous avons pu établir une forte corrélation entre ces deux paramètres. Ce résultat souligne le rôle prépondérant de la RVI pour des complexes à liaison hydrogène de force moyenne lorsque vibρ dépasse une centaine d’états par cm-1. Pour les complexes de plus petite taille, de type H(D)2S-H(D)X, les faibles largeurs mesurées (0.03-0.04 cm-1) sont compatibles avec des valeurs de vibρ de l’ordre de 30 à 50 états/cm-1, suffisamment modestes pour que la contribution RVIγ puisse être négligée.

Finalement, notre analyse spectrale ne peut fournir qu’une limite inférieure de la durée de vie de prédissociation, typiquement comprise entre 1,5 et 90 ps, pour les dimères, formés entre hydracides et éthers cycliques. Le cas des dimères H(D)2S-H(D)X est plus favorable pour extraire directement des durées de vie de prédissociation, estimées suivant l’acide donneur de proton entre 130 et 200 ps.

M. GOUBET, P. ASSELIN, P. SOULARD, M. LEWERENZ, Z. LATAJKA. Vibrational dynamics of medium strength hydrogen bonds: Fourier transform infrared spectra and band contour analysis of the DF stretching region of (CH2)2S-DF. J. Chem. Phys., 121 (2004) 7784. P. ASSELIN, P. SOULARD, B. MADEBENE, M. E. ALIKHANI , M. LEWERENZ. Vibrational dynamics of the hydrogen bond in H2S-HF: Fourier-transform-infrared spectra and ab initio theory. Phys. Chem. Chem. Phys., 8 (2006) 1785. P. ASSELIN, P. SOULARD, B. MADEBENE, M. LEWERENZ. Fourier transform infrared spectroscopy and ab initio theory of acid-hydrogen sulphide clusters: H2S-HCl, D2S-DCl and H2S-(HCl)2 Phys. Chem. Chem. Phys., 9 (2007) 2868.

Projets

Trois nouveaux axes de recherche vont être développés dans la continuité des études déjà réalisées sur les complexes liés par liaison hydrogène de force moyenne :

Complexes à liaison hydrogène comportant un groupement méthyle. Plusieurs complexes liés par liaison hydrogène, caractérisés par des rotations plus ou moins empêchées d’un groupement méthyle (CH3X-, CH3CN-HX’ où X et X’ sont des atomes d’halogène) ont déjà été étudiés expérimentalement. Au cours de ces observations, certaines anomalies ont été relevées par rapport au modèle de couplage multidimensionnel proposé pour les systèmes étudiés jusqu’ici, probablement à cause du mouvement de rotation du groupe méthyle et de son influence sur le mode de vibration de l’acide. Les travaux réalisés au laboratoire sur la liaison hydrogène ont largement montré la nécessité d’une collaboration étroite entre expérience et théorie pour avancer dans la compréhension des liaisons intermoléculaires faibles. Complexes moléculaires de type intermédiaires pré-réactifs en phase gazeuse. Dans le but de faciliter l’observation de complexe réactifs (par polymérisation, ouverture de cycle entre les deux constituants d’un complexe moléculaire), une cellule

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d’absorption infrarouge en écoulement couplé au spectromètre IRTF a été réalisée au laboratoire. Par un contrôle simultané du débit gazeux injecté et de la vitesse de pompage, il est ainsi possible de modifier le temps de résidence des complexes dans la cellule.dans la gamme X-Y Nous allons utiliser ce montage pour caractériser des complexes obtenus par réaction in situ. Récemment, nous avons enregistré le spectre de la bande d’élongation HCl du complexe (CH)4O-HCl qui n’avait pu être observé dans une cellule statique. L’étude d’autres systèmes comme (CH)4O-HF et (CH2)2S-HCl, complétée par la spectroscopie en jet et des calculs quantiques, est envisagée. Spectroscopie de complexes liés par liaison hydrogène dans l’infrarouge lointain. Nous projetons d’équiper la nouvelle cellule d’absorption pour enregistrer des spectres dans le lointain IR (50-600 cm-1). L’objectif est d’observer directement des vibrations intermoléculaires de complexes moléculaires déjà étudiés dans la région de la vibration d’élongation de l’hydracide :

- compte tenu de la détectivité de ce montage, nous nous limiterons aux modes de libration (400-600 cm-1), les plus intenses parmi les cinq modes intermoléculaires formés lors de la complexation.

- un projet d’implantation de jet moléculaire sur la ligne AILES du rayonnement

synchrotron SOLEIL en collaboration avec d’autres laboratoires (PALMS, PHLAM) est actuellement à l’étude. Une des applications possibles serait de détecter les modes intermoléculaires de plus basse fréquence (50-250 cm-1) de complexes moléculaires liés par liaison hydrogène.

2.4. Spectroscopie du méthanol en matrices inertes Spectre de torsion – vibration en matrice de néon

Le méthanol est la molécule organique la plus simple à posséder un mode vibrationnel de très basse fréquence, correspondant à la torsion par rapport à la liaison CO. Le potentiel de torsion, de symétrie ternaire, a une barrière de 373 cm-1 en phase gazeuse. Il en résulte d’une part un dédoublement de l’état fondamental en deux sous-niveaux par effet tunnel (niveaux A et E séparés de 9.1 cm-1), d’autre part un fort couplage de ce mode de torsion avec les autres modes de vibration. En matrice inerte, le potentiel de torsion croît, et le dédoublement par effet tunnel diminue mais reste significatif. L’étude a été développée en matrice de néon sur les fondamentales (en particulier le mode de torsion vers 200 cm-1). L’analyse, fondée sur l’évolution entre 2.7 et 7 K de l’intensité des signaux issus des sous niveaux fondamentaux A et E, a permis une interprétation complète du spectre ainsi qu’une estimation précise des dédoublements A-E de nombreux niveaux vibrationnels excités à un ou deux quanta. Les résultats sont généralement compatibles avec ceux obtenus en phase gazeuse, avec réduction des dédoublements de l’ordre de 20%.

J.P. PERCHARD The torsion-Vibration spectrum of methanol trapped in neon matrix Chemical Physics 332 (2007) 86.

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Spectre vibrationnel du méthanol entre 200 et 11000 cm-1

Il s’agit de la première analyse fine d’un spectre de molécule à plus de quatre

atomes, de basse symétrie, dans un aussi large domaine spectral. Une centaine de transitions pour chacune des trois espèces isotopiques 12 CH3

16OH, 13CH316OH,

12CH318OH ont été observées et attribuées très précisément grâce à la mesure des faibles

décalages isotopiques spécifiques des 12 modes fondamentaux. Il en résulte la détermination de nombreux coefficients d’anharmonicité. Ces valeurs expérimentales sont comparées à des résultats de calculs ab initio obtenus par M. Yves Bouteiller, Professeur à l’université Paris-Nord. Un traitement de perturbation appliqué aux résonances vibrationnelles (Fermi et Darling Dennison) est également poursuivi. Un premier article, relatif aux données expérimentales, a été accepté. Un second, décrivant les calculs ab initio et les traitements complémentaires des résonances, est en cours de rédaction.

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2.5. Dynamique et structure d’agrégats de gaz rare Collaboration : Université Paul Sabatier, University of California (Irvine), Institut Heyrovsky de l’Académie des Sciences Tchèque 2.5.1.Fragmentation de molécules piégées dans des agrégats de gaz rares

L’effet de cage exercé par un agrégat de gaz rare sur une molécule dissociée suite à une excitation électronique a été étudié par la combinaison d’une méthode de propagation de paquets d’onde quantiques appliquée à la molécule avec une nouvelle méthode développée au LADIR (M. Lewerenz). Celle-ci qui permet l’inclusion des effets d’énergie de point zéro quantique sur la dynamique des atomes de la matrice sans ajustements empiriques. L’inclusion des effets quantiques est important pour des gaz rares comme le néon ou l’hélium. Cette technique a été appliqué à HBr dans le néon et à HI dans ou sur la surface d’agrégats d’argon, pour prévoir les distributions de vitesse et angulaire des fragments atomiques H observées expérimentalement. La comparaison avec les observations de l’équipe de U. Buck dans un faisceau moléculaire a été très favorable et a mis en évidence une surestimation importante de l’effet de cage dans des simulations qui traitent l’agrégat de façon classique par dynamique moléculaire ordinaire.

P. SLAVÍČEK, P. JUNGWIRTH, M. LEWERENZ, N. H. NAHLER, M. FÁRNIK, U. BUCK Photodissociation of HI on the Surface of Large Argon Clusters: The Orientation of the Librational Wave Function and the Scattering from the Cluster Cage Journal of Chemical Physics 104 (2004) 4498.

Une autre application très exigeante de cette méthode dynamique est l’étude de la

fragmentation de petits agrégats de néon (Ne4 – Ne6), suite à leur ionisation à l’intérieur d’un agrégat d’hélium. Ici, la délocalisation de la charge dans l’agrégat Nen

+ demande un traitement explicite de la structure électronique de plusieurs états électroniques à chaque arrangement visité lors de l’évolution temporelle du système et sous l’influence de l’environnement d’hélium. Au sein de la collaboration entre M. Lewerenz et N. Halberstadt et avec le soutien du GDR agrégats, un logiciel a été mis au point, qui effectue le calcul électronique par la méthode DIM (Diatomics in Molecules) en admettant des transitions entre surfaces électroniques, lors de passages proches des points d’intersection, par la méthode proposée par J. Tully (quasi classical trajectories with quantum transitions). Le couplage entre cette dynamique interne de Nen

+ et le bain quantique d’hélium est traité par inclusion des interactions He-Ne et He-Ne+ dans la construction de la matrice DIM. En revanche, la distribution de charges instantanées dans Nen

+ , calculée à partir des vecteurs propres de la matrice DIM et qui influence la dynamique de l’environnement d’hélium a été traitée par la méthode dynamique mentionnée ci-dessus. Le calcul d’un grand nombre de trajectoires, rendu possible grâce à une attribution importante de ressources informatiques à l’IDRIS (~15000 heures par an), a montré une influence profonde du bain souple d’hélium sur la distribution de tailles des fragments et la distribution de leurs énergies cinétiques. Encore une fois les résultats de simulations classiques sont en flagrant désaccord avec les observations expérimentales de l’équipe de K.C. Janda à Irvine. Le modèle couplé reproduit très bien les rapports de branchement et les températures effectives des atomes d’hélium évaporés suite à la libération d’énergie

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lors de la fragmentation de Nen+. Ces travaux sont transférés à l’Université de Marne la

Vallée avec le départ de M. Lewerenz. D. BONHOMMEAU, P.T. LAKE, JR, C. LE QUINIOU, M. LEWERENZ, N. HALBERSTADT Modelling the Fragmentation Dynamics of Ionic Clusters inside Helium Nanodroplets: The Case of He100 Ne4

+

Journal of Chemical Physics 126 (2007) 051104.

2.5.2 Stabilité des agrégats quantiques ionisés

Les agrégats quantiques, caractérisés par une forte délocalisation des particules dans l’état quantique fondamental suite à une combinaison particulière des faibles interactions et des faibles masses et de la statistique bosonique, ont attiré beaucoup d’intérêt depuis le début des années 90. Les agrégats et matrices d’hélium ou de para-hydrogène sont les représentants principaux de ce type de systèmes aux effets quantiques collectifs prononcés. La faiblesse des interactions avec un dopant implanté apporte un minimum de perturbations et rend possible l’exploitation de cet environnement pour un nouveau type de spectroscopie matricielle et pour des études dynamiques. Souvent, l’implantation et les processus ultérieurs sont suivis par spectrométrie de masse. Un élément important pour dépouiller la distribution de masse des ions (D@Hen)+, D=dopant, est la connaissance de la stabilité relative de ces agrégats. La nature quantique de l’ensemble du système demande l’utilisation de méthodes spécialisées, comme le Monte Carlo quantique. Les défis particuliers des agrégats ioniques (possibilité de délocalisation de la charge) ont conduit au développement d’une variante spéciale du code de Monte Carlo quantique à diffusion qui utilise une interface avec un calcul DIM de l’énergie électronique direct à chaque arrangement de particules visités lors des marches aléatoires. Cette technique totalement quantique (noyaux et électrons), directe (aucune surface de potentiel prédéfinie), a été appliquée au calcul de la stabilité des agrégats (NeHen)+ en collaboration avec N. Halberstadt (Toulouse) pour interpréter les résultats expérimentaux de K. C. Janda (Irvine). Le calcul a montré que la délocalisation quantique efface les tailles ‘magiques’ (stabilité particulière) en dépit de l’augmentation des interactions suite à l’ionisation et en excellent accord avec les expériences.

C. A. BRINDLE, M. R. PRADO, K. C. JANDA, N. HALBERSTADT, M. LEWERENZ Sequential Bond Energies of Helium Cluster Ions Rg+Hen : Experiment and Quantum Monte Carlo Theory J. Chem. Phys. 123, 064312 (2005)

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Molécules et Agrégats d’Intérêt Atmosphérique ou Planétologique

Nelly Lacome

David Jacquemart Lahouari Krim

Fridolin Kwabia Tchana8 Oleg Lyulin9

Doctorant Nadia Dozova

Masters & DEA Mustapha Larouji

ITARF Danielle Carrère, Daniel Druart10, Ludovic Vettier

8 ATER UPMC 2004-2005, Post-doctorant CNRS 2006-2007 9 Post-doctorant Ville de Paris, 2006 (6 mois) 10 A 50% au LADIR

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Notre activité s’est articulée autour de deux axes, i)la spectroscopie en phase

gazeuse de molécules susceptibles d’être dosées dans l’atmosphère terrestre ou dans des atmosphères planétaires par spectroscopie infrarouge, ii) la caractérisation de petits agrégats formés à partir d’espèces neutres présentes dans la stratosphère. Ce second volet constitue la phase préliminaire d’études de réactivité dans les nuages stratosphériques, que nous souhaitons développer dans un avenir proche.

3) Molécules isolées ou perturbées par collisions

La spectroscopie infrarouge est une méthode très performante pour détecter et doser les molécules présentes en phase gazeuse dans les atmosphères terrestre ou planétaires. Elle permet d’effectuer des mesures de concentrations ponctuelles aussi bien que des suivis quasicontinus, à partir de plateformes embarquées sous ballon, dans des satellites ou des sondes spatiales. La détection ou le dosage de molécules ne peuvent toutefois être menés à bien que si l’on peut modéliser précisément les spectres des molécules que l’on souhaite étudier. En effet, la reconnaissance ou le dosage des molécules se fait par comparaison des spectres modélisés en laboratoire avec ceux enregistrés dans les atmosphères. Cette modélisation en laboratoire nécessite une description théorique des profils d’absorption, donc des phénomènes physiques qui les pilotent (effet Doppler, effet des collisions, de relaxation collisionnelle …) , ainsi que la mesure la plus précise possible des paramètres moléculaires nécessaires aux modèles. Nous développons donc les deux aspects, amélioration des modèles théoriques et mesures expérimentales des paramètres spectraux. Les systèmes sur lesquels nous avons travaillé sont soit des systèmes pour lesquels il n’y avait aucune modélisation correcte (bromure de méthyle, acétylène dans le proche infrarouge), soit des systèmes pour lesquels de nombreuses incohérences dans les modélisations ou les paramètres empêchaient tout dosage crédible (formaldéhyde), soit enfin des systèmes pour lesquels n’existait aucune modélisation dans les conditions thermodynamiques correspondant aux atmosphères pertinentes (méthane pour Titan).

3.1 Le Bromure de Méthyle

Collaborations : LISA, Université Paris 12, Créteil

LPMAA, UPMC, Paris University of Massachusetts at Lowell, USA

Le bromure de méthyle est une molécule présente dans l’atmosphère terrestre

comme les dosages par prélèvement direct en témoignent. L’origine est soit naturelle (océans) soit anthropogénique (fumigations de l’agriculture intensive) et constitue le

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premier réservoir d’atomes de brome dans lastratosphère, atomes qui vont réagir avec l’ozone. Les concentrations évaluées ponctuellement font apparaître des concentrations plus faibles pour le brome que pour le chlore, mais le brome est environ 20 à 30 fois plus réactif que le chlore. Il serait donc utile de pouvoir doser CH3Br par méthode optique mais aucun paramètre spectroscopique n’est disponible pour permettre ce dosage. Nous avons donc lancé une étude des profils d’absorption de CH3Br dans deux régions spectrales pouvant potentiellement permettre une détection atmosphérique, les régions situées vers 7 et 10 μm.

Les paramètres spectraux

Dans un premier temps nous avons, à partir de spectres enregistrés à haute résolution (0.002 cm-1) par IRTF, pour des pressions de quelques mbars, extrait les paramètres spectraux : fréquences et intensités des raies IR, élargissements dus aux collisions avec l’air atmosphérique, dépendances en température de ces élargissements. L’extraction de ces paramètres nécessite une correction des effets instrumentaux (effet de différence de marche finie, effet d’ouverture finie ...) compte tenu de la faible largeur des raies IR devant les effets instrumentaux. Ces corrections sont faites à partir de codes spécifiques que nous avons développés. Environ 1200 raies dans la région de 10 μm et 750 dans la région de 7 μm ont ainsi été étudiées. Les fréquences et les intensités des raies ont ensuite été modélisées en utilisant une méthode de perturbations. A partir des niveaux d’énergie, des fonctions d’onde et du développement du moment dipolaire, les fréquences et les intensités de toutes les raies des deux régions ont été recalculées. Une précision globale meilleure que 0,001 cm-1 a été obtenue sur les fréquences et de l’ordre de quelques % sur les intensités. L’ensemble de ces données ont été déposées dans les banques de données atmosphériques afin d’être mises à la disposition des atmosphéristes. Les élargissements dus aux collisions ont également été mesurés, à partir des spectres en CH3Br pur et de spectres de CH3Br perturbé par du diazote. Les dépendances en fonction des états rotationnels des molécules ont été mises en évidence sur plusieurs centaines de raies. (cf. Figure 1)

Fig. 1 Dépendance des élargissements collisionnels en fonction des états rotationnels

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A notre connaissance, c’est la première fois qu’un tel ensemble complet de mesures d’élargissements collisionnels est proposé pour une molécule de type toupie symétrique comme CH3Br.

Des spectres enregistrés à température variable, entre 200 et 300 K, ont également permis d’étudier la dépendance en température des élargissements collisionnels.

Les profils spectraux

A partir de cet ensemble complet de paramètres, les profils d’absorption ont pu être modélisés en prenant en compte effet Doppler et effet des collisions. Des désaccords significatifs ont alors été observés dans les régions des spectres les plus denses, les régions des branches Q. Ces désaccords provenant de l’absence de prise en compte des effets de relaxation rotationnelle, effets qui provoquent des interférences entre raies et que nous avons introduits dans notre modèle en utilisant une description des relaxations par une loi d’échelle. Cette modélisation permet de prendre en compte les relaxations rotationnelles en supposant que les taux de relaxation dépendent de l’énergie séparant les niveaux selon une loi analytique simple. Une illustration de la qualité de la modélisation finale est donnée dans la Figure 2.

Fig. 2: Spectre expérimental et écarts (obs-calc) pour (a) une modélisation sans relaxation, (b) une

modélisation simplifiée des relaxations et (c) une modélisation complète des relaxations.

Ce travail a été subventionné par le Programme National de Chimie Atmosphérique (PNCA) de l’INSU.

F. KWABIA TCHANA, I. KLEINER, J. ORPHAL, N. LACOME, O. BOUBA New analysis of the Coriolis-interacting ν 2 and ν 5 bands of CH3

79Br and CH381Br

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Journal of Molecular Spectroscopy 228, 441-452 (2004) F. KWABIA TCHANA, D. JACQUEMART, N. LACOME, I. KLEINER, J. ORPHAL Absolute line intensities in methyl bromide: The 7-μm region Journal of Molecular Spectroscopy 235, 132–143 (2006) D. JACQUEMART, F. KWABIA TCHANA, N. LACOME, I. KLEINER A complete set of line parameters for CH3Br in the 10 μm spectral region Journal of Quantitative Spectroscopy and Radiative Transfer, 105, 264-302 (2007) H. TRAN, D. JACQUEMART, J.-Y. MANDIN, N. LACOME Line mixing in the n6 Q banches of self- and nitrogen broadened methyl bromide Journal of Quantitative Spectroscopy and Radiative Transfer, sous presse, en ligne 24 mai 2007 D. JACQUEMART, H. TRAN

Temperature dependence of self- and N2- broadening coefficients of CH3Br Journal of Quantitative Spectroscopy and Radiative Transfer, soumis

3.2. L’acétylène

Collaborations : Institute of Atmospheric Optics, Tomsk, Russie

LPMAA, UPMC, Paris GSMA, Université de Reims

L’acétylène est une molécule présentant un intérêt atmosphérique et

planétologique. En effet, des raies infrarouges de l’acétylène ont été détectées dans la troposphère terrestre, ainsi que dans la haute atmosphère de certaines planètes géantes, dans l’atmosphère de Titan, dans la queue de certaines comètes, dans des enveloppes d’étoiles froides charbonnées et enfin dans des nuages interstellaires. Une connaissance approfondie de sa spectroscopie est donc nécessaire dans un grand nombre de domaines spectraux et sous des conditions thermodynamiques variées.

D’un point de vue théorique, l’acétylène est également une molécule intéressante. Elle peut, en effet, permettre d’étendre le modèle global d’Hamiltonien et de moment dipolaire effectifs mis au point à Tomsk pour les molécules linéaires triatomiques telles que CO2 et N2O aux molécules tétratomiques linéaires. L’intérêt de ce modèle est qu’il permet de calculer l’ensemble du spectre rovibrationnel d’une molécule en utilisant un jeu unique de constantes effectives. L’étude de spectres de l’acétylène, en plus de fournir des paramètres spectroscopiques utiles aux atmosphéristes et planétologues, va donc apporter des données qui vont permettre de tester le modèle.

L’analyse de spectres à haute résolution enregistrés au LADIR (régions autour de 1.7, 1.9, et 3.8 μm) et au GSMA (région autour de 3 μm) a permis de mesurer les fréquences et intensités de raies dans de nombreuses bandes. La modélisation théorique de ces données a ensuite permis de générer des jeux complets de fréquences et intensités de raies. Les listes élaborées dans les régions spectrales autour de 3 et 3.8 μm ont été implémentées dans les deux principales bases de données atmosphériques et planétologiques, américaine et française, HITRAN et GEISA. Les listes de raies dans les régions autour de 1.7, et 1.9 μm sont en cours de création et seront aussi proposées aux banques de données. Jusqu’à notre étude, aucune donnée

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spectroscopique n’était disponible dans ces deux régions. Nos données ont également permis d’améliorer notablement le modèle d’Hamiltonien et de moment dipolaire effectifs de Tomsk.

J.-Y. MANDIN, D. JACQUEMART, V. DANA, RÉGALIA-JARLOT, A. BARBE. Line intensities of acetylene at 3 μm. J. Quant. Spectrosc. Radiat. Transfer 92, 239-260 (2005) O.M. LYULIN, V.I. PEREVALOV, J.-Y. MANDIN, V. DANA, D. JACQUEMART, L. REGALIA-JARLOT, A. BARBE. Line intensities of acetylene in the 3-μm region: New measurements of weak hot bands and global fitting. J. Quant. Spectrosc. Radiat. Transfer 97, 81-98 (2006) D. JACQUEMART, N. LACOME, J.-Y. MANDIN, V. DANA, O.M. LYULIN, V.I. PEREVALOV. Multispectrum fitting of line parameters for 12C2H2 in the 3.8-μm spectral region. J. Quant. Spectrosc. Radiat. Transfer 103, 498-495 (2007) O.M. LYULIN, V.I. PEREVALOV, J.-Y. MANDIN, V. DANA, F. GUEYE, P. VON DER HEYDEN, X. THOMAS, D. DÉCATOIRE, L. REGALIA-JARLOT, D. JACQUEMART, N. LACOME. Line intensities of acetylene: measurements in the 2.5-μm region and approach in the ΔP = 4 and 6 series. J. Quant. Spectrosc. Radiat. Transfer 103, 496-523 (2007)

3.3 Le méthane dans les conditions de Titan

Collaborations : LESIA, UPMC et Observatoire de Paris-Meudon

Institut Carnot de Bourgogne, Université de Dijon

La sonde spatiale Cassini, lancée en 1997, a atteint la région de Saturne en 2004. Elle a ensuite été placée en orbite autour de Titan et a alors larguée une petite sonde, Huygens, qui s’est posée sur Titan le 14 janvier 2005. Parmi les principaux instruments embarqués à bord de Huygens figurent un spectromètre de masse couplé à un chromatographe en phase gazeuse, ainsi qu’un imageur et un radiomètre spectral (DISR) comprenant des photomètres sensibles dans l’ultra-violet, des spectromètres visibles et infrarouges avec une source extérieure de 20 W. Lors de la descente vers Titan, la lampe de 20W a été déclenchée et des spectres IR basse résolution ont été enregistrés. Le dernier d’entre eux a été enregistré à une altitude de 20 mètres. Ce spectre est donc un spectre d’absorption correspondant à un parcours de 40 mètres dans la basse atmosphère de Titan, la source étant la lampe et le sol formant une surface partiellement réfléchissante. Ce spectre était destiné à mesurer la concentration de méthane, concentration pouvant ensuite être comparée à celle obtenue par GCMS, ainsi que l’albédo du sol de Titan. La présence éventuelle d’autres gaz que le méthane devait également être détectable. Lorsque les chercheurs du LESIA, laboratoire qui a participé à l’élaboration des instruments GCMS et DISR, ont commencé l’exploitation du spectre enregistré à 20 mètres d’altitude, ils ont alors constaté qu’ils ne pouvaient pas modéliser correctement ce spectre avec les données spectroscopiques actuellement disponibles sur le méthane, les données étant incomplètes ou incohérentes. En effet, la

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région spectrale enregistrée par DISR, comprise entre 6000 et 12000 cm-1, est située dans le très proche infrarouge, région spectrale extrêmement difficile à interpréter compte tenu du très grand nombre de bandes en interaction. Une collaboration avec le LADIR a alors été lancée afin que des spectres de laboratoire soient enregistrés dans des conditions similaires de celles du spectre enregistré lors de la descente de Huygens, 40 mètres de parcours, 94 K et 1,4 atmosphère, 95% de N2 et environ 5% de CH4 (selon la mesure GCMS).

L’idée est de comparer directement le spectre basse résolution de DISR avec des spectres de laboratoire enregistrés avec des pressions de méthane variables, afin de déterminer directement la concentration exacte de méthane. L’enregistrement de tels spectres présentait quelques difficultés majeures compte tenu des conditions thermodynamiques à reproduire. Une cuve de White a été utilisée avec un parcours plus faibles (20 mètres, mais on peut facilement à partir d’un spectre enregistré à 20 mètres recalculer un spectre à 40 mètres). Cette cuve a été refroidie par injection directe d’azote liquide dans sa double enveloppe. Cette méthode de refroidissement a posé quelques problèmes expérimentaux. La température de la cuve était insuffisamment homogène, un gradient de température radial non négligeable n’a pu être totalement évité. La présence de points froids pouvait également entraîner une condensation partielle du méthane. Malgré ces difficultés, nos spectres expérimentaux ont permis de reproduire de manière satisfaisante le dernier spectre enregistré par l’instrument DISR. L’hypothèse d’une concentration au sol de 5% a ainsi été confirmée et la valeur de l’albédo de Titan a pu être vérifiée. Actuellement, aucun gaz autre que le méthane n’a pu être détecté à partir des spectres de DISR. Une publication présentant nos résultats est en fin de rédaction et devrait être soumise très prochainement.

Ce travail a été subventionné par le Programme National de Planétologie (PNP).

3.4 Le Formaldéhyde

Collaborations : LISA, Université Paris 12, Créteil University of Massachusetts, Lowell, USA

H2CO est une molécule présente dans les couches denses de la troposphère terrestre et est également un polluant que l’on peut trouver dans les brouillards enveloppant certaines villes. Il est extrêmement nocif pour la santé des habitants.

Des méthodes optiques de dosage de sa concentration ont déjà été utilisées, soit au sol avec des méthodes laser, soit à partir de spectromètres embarqués sur satellites tels que GOME. La précision et la cohérence de ces mesures sont toutefois très insuffisantes car les données spectroscopiques nécessaires à la modélisation sont incomplètes et partiellement incohérentes.

Deux régions spectrales, situées vers 3,6 et 5,7 µm sont actuellement utilisées pour doser H2CO. Notre objectif était donc de proposer pour ces deux régions une modélisation précise des profils d’absorption infrarouge de H2CO aux températures et pressions rencontrées entre la surface terrestre et la tropopause.

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Dans un premier temps, un dispositif expérimental a été mis au point afin de préparer le formaldéhyde à partir du paraformaldéhyde (cf. Figure 3).

Fig. 3 Vue générale du dispositif permettant de produire le formaldéhyde.

Des pressions faibles (inférieures à 0.5 mbar) de H2CO ont été produites par chauffage du paraformaldéhyde. Ces conditions appropriées de sublimation (température régulée, pureté) ont permis d’éviter les problèmes de repolymérisation et ainsi d’obtenir des pressions stables de H2CO pur (98 +/- 1%). Le dispositif a ensuite été couplé au spectromètre à transformée de Fourier du LADIR (Bruker IFS 120 HR).

Des spectres à haute résolution de H2CO, pur et perturbé par du diazote, ont été enregistrés pour différentes pressions, afin de mesurer les intensités absolues de H2CO dans les régions vers 3.5 et 5.7 µm, ainsi que les élargissements collisionnels. Plus de 500 intensités absolues et coefficients d’auto-élargissement ont été extraits des spectres en corrigeant les effets instrumentaux. Ce travail va permettre de procéder à une intercomparaison des intensités entre les deux régions spectrales, les valeurs de la littérature étant assez incohérentes. L’extraction des élargissements collisionnels est en cours. L’ensemble des données obtenues sera proposé aux banques de données spectroscopiques HITRAN et GEISA afin de les mettre à la disposition des atmosphéristes. Ces premiers résultats ont été présentés au 62th International Symposium on Molecular Spectroscopy à Columbus en juin 2007.

Ce travail a été subventionné par le Programme National de Chimie Atmosphérique (PNCA) puis par le programme « les enveloppes fluides externes,

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chimie atmosphérique » (LEFE-CHAT) de l’INSU. Le financement d’un stage post-doctoral d’une année a également été accordé par le CNRS.

F. KWABIA TCHANA, A. PERRIN, N. LACOME New analysis of the ν2 band of formaldéhyde (H2

12C16O). Line positions for the ν2, ν3, ν4 and ν6 interacting bands

Journal of Molecular Spectroscopy (2007) soumis

Projets

Trois sujets, dans la continuité de nos travaux actuels, vont être développés. Le méthane pour Titan. En premier lieu nous allons élargir notre étude sur le

méthane dans le proche infrarouge. Nous avons dans un premier temps apporté des données directement utilisables pour la modélisation d’un spectre enregistré dans des conditions thermodynamiques particulières lors de la mission Cassini. Mais ces données, telles qu’elles ont été obtenues ne permettent pas de modéliser des spectres enregistrés sous d’autres conditions. En effet une modélisation à toutes températures pressions demande une connaissance raie par raie des paramètres spectroscopiques, fréquences, intensités, élargissements collisionnels ainsi qu’une identification parfaite des niveaux d’énergie impliqués. Malheureusement, la spectroscopie du méthane devenant extrêmement complexe dans le proche infrarouge en raison du nombre de bandes vibrationnelles en interaction, une interprétation complète des spectres ne peut être espérée avant plusieurs années. Nous allons donc, pour répondre aux besoins des planétologues, constituer une banque de données « méthane proche IR » et dans ce but allons mesurer les fréquences, intensités, élargissements collisionnels des raies du méthane à haute résolution pour des températures variées (entre 90 et 300 K environ). Les dépendances en température des intensités des raies IR nous permettront alors, en supposant une distribution de population boltzmanienne, de connaître leurs niveaux d’énergie inférieurs. La banque de données ainsi constituée permettra de modéliser l’absorption du méthane dans les spectres froids des planètes géantes sans attendre que la théorie atteigne le domaine des « hautes énergies ». Les spectres nécessaires pour mener à bien ce travail seront bien sûr également utilisés pour fournir des données nécessaires aux théoriciens spécialistes du méthane à l’Institut Carnot de Bourgogne.

Le formaldéhyde. Le deuxième projet concerne le formaldéhyde. Notre étude

actuelle va être complétée dans deux directions. En effet, le formaldéhyde est une molécule présente dans la troposphère, un dosage par spectroscopie IR n’est possible que si nous mesurons les fréquences, les intensités et les élargissements collisionnels, ce qui est en cours, mais également la dépendance en température de ces élargissements. Cette mesure étant impossible en raison de la trop faible tension de vapeur du formaldéhyde à basse température, nous allons calculer théoriquement les élargissements à température ambiante et lorsque les conditions de calcul seront au point nous pourrons faire un calcul prédictif des dépendances en température. Le formaldéhyde est également un polluant qui est dosé chimiquement régulièrement dans l’air urbain, un dosage par dispositif optique miniaturisé serait utile, nous allons lancer une étude de faisabilité en nous appuyant sur les données spectroscopiques dont nous disposons.

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Les halogénures de méthyle. Le troisième projet, plus vaste, que nous

souhaitons lancer est une étude systématique des profils et des paramètres spectraux des halogénures de méthyle, CH3F, CH3Cl et CH3I. En effet, des études ponctuelles existent sur ces molécules mais aucune étude exhaustive. Il s’agira donc de produire sur ces trois molécules un ensemble de données aussi cohérent et complet que celui que nous avons été les premiers à produire pour CH3Br.

Les isotopes « rares » de CO2 et N2O. Un projet d’étude des isotopes minoritaires de CO2 et N2O dans le très proche infrarouge a été subventionné par la Ville de Paris pour nous permettre d’accueillir pendant 6 mois un chercheur de l’Institut d’Optique Atmosphérique de Tomsk en Russie, Oleg Lyulin. Pendant son séjour, le travail a été amorcé mais nécessite maintenant d’être terminé. Ceci va être possible en interagissant à distance avec Oleg Lyulin.

L’étude porte sur les composés 15N15N16O, 14N14N17O, 14N14N18O et 12C16O17O entre 1 et 2 μm. Pour ces composés minoritaires, très peu de mesures fiables de paramètres spectroscopiques ont été effectuées entre 1 et 2 μm. Nous proposons donc une analyse systématique des fréquences et intensités de raies dans cette région spectrale. Ces études permettront l’amélioration du modèle global d’Hamiltonien et de moment dipolaire effectifs développés à Tomsk. Une meilleure modélisation des spectres atmosphériques permettra également de faire des mesures précises de la composition isotopique des molécules traces présentes dans l’atmosphère, mesures très importantes pour la compréhension de la formation de notre atmosphère.

3.5. Les Complexes Moléculaires

Les modèles de chimie atmosphérique couramment mis en œuvre ne prennent

pas en compte la formation de complexes moléculaires faiblement liés, à l’exception du dimère de l’eau, considérant que les concentrations possibles de tels complexes sont négligeables. Nous avons donc voulu tester dans quelques cas simples s’il était légitime de faire une telle hypothèse. Pour cela nous avons choisi d’explorer les possibilités de complexation des partenaires d’un système ternaire formé de H2O-CH3Cl-NO.

Les complexes susceptibles d’être formés entre ces molécules étant des complexes faiblement liés, par liaison hydrogène ou liaison de van der Waals, il était clair que les concentrations susceptibles d’être obtenues en phase gazeuse ou en jet moléculaire allaient être trop faibles pour permettre une détection par spectroscopie FTIR, nous avons donc opté pour des expériences en matrices de néon à très basse température (jusqu’à 5 K). Ces expériences nous ont permis de mesurer les fréquences des bandes fondamentales de vibration de plusieurs complexes. Nous avons en parallèle calculé théoriquement ces fréquences et pu ainsi, par confrontation entre expérience et théorie, déterminer la géométrie et l’énergie de liaison des complexes formés. Tous les calculs théoriques ont été faits en utilisant le programme Gaussian.

Des complexes binaires H2O-NO, CH3Cl-NO et CH3Cl-NO ont pu ainsi être caractérisés ainsi que des complexes ternaires CH3Cl-(H2O)2 et CH3Cl-H2O-NO.

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3.5.1. Les complexes binaires

Les complexes CH3Cl:H2O, CH3Cl:NO et H2O:NO, ainsi que leurs isotopomères, ont été observés par spectroscopie infrarouge en matrice de néon. Nous avons montré que le complexe CH3Cl:H2O était beaucoup plus stable ( BSSE

eD = -12,7 kJ mol-1) que les complexes CH3Cl:NO ( BSSE

eD = -3,0 kJ mol-1) et H2O:NO ( BSSEeD = -4,9 kJ

mol-1). Nous avons montré que ce complexe est lié par une double liaison hydrogène : une liaison hydrogène propre est établie entre le chlore et un des hydrogènes de l’eau, une liaison hydrogène impropre est formée entre l’oxygène de l’eau et un des hydrogènes de CH3Cl. Chaque entité dans ce complexe joue le rôle d’accepteur et de donneur de proton.

Concernant le système CH3Cl + HDO, où deux espèces différentes peuvent être formées, une espèce avec liaison Cl-D et une autre avec liaison Cl-H. L’analyse des spectres IR a mis en évidence l’existence exclusive du complexe avec liaison Cl-D, montrant ainsi une formation de la liaison hydrogène préférentiellement avec D.

Les géométries optimisées cohérentes avec les fréquences de vibration observées expérimentalement sont rassemblées dans les Figures 4 et 5 pour deux des systèmes.

Fig. 4 La géométrie du complexe CH3Cl-NO

Fig. 5 La géométrie du complexe CH3Cl-H2O

3.5.2. Les complexes ternaires Nous avons montré, dans le cas du complexe ternaire CH3Cl:H2O:NO, que la

molécule d’eau, formant les complexes binaires les plus stables, pouvait servir de « pont » pour relier NO et CH3Cl.

Dans le cas du complexe CH3Cl:(H2O)2, les résultats expérimentaux et théoriques ont montré que le complexe résultait d’une interaction entre CH3Cl et le dimère (H2O)2 et non d’une interaction entre un complexe (CH3Cl:H2O) et H2O. Deux structures stables ont été calculées pour ce complexe:

- une structure cyclique où les deux molécules d’eau, H2O donneur de proton (DP) et H2O accepteur de proton (AP), formaient le dimère (H2O)2 interagissent avec CH3Cl, l’interaction se faisant alors entre le chlore et un hydrogène de H2O (AP) d’une part et entre l’oxygène de H2O (DP) et un des hydrogènes de CH3Cl, d’autre part.

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- une structure linéaire où uniquement H2O (DP) est en interaction avec le chlore de CH3Cl tandis que H2O (AP) reste libre.

La comparaison entre fréquences de vibration observées et calculées a montré toutefois que des calculs anharmoniques étaient nécessaires pour pouvoir choisir l’une ou l’autre de ces géométries.

L’ensemble de ce travail a constitué la thèse de Nadia Dozova qui a été soutenue en septembre 2006.

N. DOZOVA, L.KRIM, E. ALIKHANI ET N. LACOME. Vibrational spectra and structures of CH3Cl:H2O, CH3Cl:HDO and CH3Cl:D2O complexes. IR matrix

isolation and ab initio Calculations. J. Phys. Chem. A. 109, 1273 (2005) N. DOZOVA, L.KRIM, E. ALIKHANI ET N. LACOME. Vibrational spectra and structures of NO:CH3Cl complex. An IR matrix isolation and DFT study. J. Phys. Chem. A. 109, 10880 (2005) N. DOZOVA, L.KRIM, E. ALIKHANI ET N. LACOME. Vibrational spectra and structure of H2O-NO, HDO-NO and D2O-NO complexes. An IR matrix isolation and

DFT study. J. Phys. Chem. A. 110, 11617 (2006)

Projets

La présence de l’eau à l’état solide dans les nuages stratosphériques et dans les

nuages interstellaires, où règne une température qui peut descendre jusqu’à 10K, donne à la glace un rôle de catalyseur permettant d’activer certaines réactions qui ne se font pas en phase gazeuse ouvrant, ainsi la voie vers des réactions hétérogènes. Bien que de nombreuses études sur la chimie des glaces aient été conduites, suivre directement la cinétique de processus élémentaires reste encore très difficile. L’isolation matricielle associée à des modélisations théoriques est idéale pour étudier les caractéristiques spectrales et les processus photodissociatifs de certaines espèces en contrôlant aussi bien le nombre de réactifs que le nombre de molécules d’eau autour de ceux-ci.

Nous allons donc nous orienter vers l’étude en matrice de gaz rare de la structure et de la réactivité de molécules neutres et de radicaux en interactions avec des molécules d’eau. Ce projet est présenté en détail dans la partie projet du rapport du Laboratoire.

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Interactions dans les systèmes d'intérêt biologique

Claude Pepe

Marie-Hélène Baron1

Sophie Lecomte2

Sylvie Noinville3

Aline Percot4

Sophie Rochut

Marjolaine Arsenault / post-doc 2006

Doctorants Sophie Bernad, Karim Dif, Nelly Failloux, Sophie Rochut,

Emilie-Laure Zins, Zahia Faouza, Wahid Herchi5

Masters Lucie Baujard, Rym Skanji, Judith Toure-Disso, Emilie-Laure Zins

ITA

Jean-Pierre Brun6, Denis Baron7, Jean-Pierre Forgerit8, Nadine Leygue9, Caroline Magnier10, Nicole Ratovamelana11, Madeleine Revault,12 Gérard

Sagon13

1 retraite au 30-09-2004 2 mutation au 01-04-2007 3 à temps partiel à l’INRA depuis septembre 2006 4 congé parental au 01-08-2006 5 stagiaire doctorant étranger 6 en maladie puis retraite au 31-12-2004 7 activité partagée pour les thématiques 2 & 3 8 retraite au 26-10-2003 9 mutation au 20-11-2006 10 mutation au 01-01-2006 11 retraite au 14-05-2006 12 retraite au 01-01-2006

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Faits marquants

Complexes de guanine : Les études théoriques par DFT, et expérimentales par couplage électospray-spectrométrie de masse en tandem, ont permis de montrer l’existence en phase gazeuse de complexes tétramériques et octamériques entre la guanine et certains cations tels que K+ et Ca++. Ces structures permettent de mieux comprendre les complexes formés par l’association de quatre brins autour d’un cation alcalin, dans les parties télomériques riches en guanine de l’ADN. Rémanence de l’infectiosité du prion adsorbé sur surfaces d’argile : L’étude structurale et cinétique de l’adsorption de la protéine PrP sur des surfaces modèles a permis de décrire les états oligomériques potentiellement neurotoxiques. La rétention de complexes protéiques infectieux sur l’argile ne supprime pas leur caractère infectieux mais montre la biodisponibilité de ces particules protéo-minérales (Coll. INRA Jouy-en-Josas). La spectrométrie infrarouge est la seule technique permettant de sonder le taux d’auto-association de cette protéine adsorbée ou non sur des surfaces minérales. 13 retraite 2008

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Les travaux développés au sein de l'équipe "Interactions dans les systèmes d'intérêt biologique" s’inscrivent dans un cadre interdisciplinaire : au carrefour de la biologie, de la chimie et de la physico-chimie. L’objectif est de montrer l’influence des interactions faibles ou fortes dans les relations entre la structure et l’activité des biomolécules en phase liquide ou adsorbée sur des surfaces telles que des acides aminés, l’ADN, des peptides et des protéines dans leur environnement ou avec leur partenaire biologique. Des informations structurales sont apportées, à l'échelle moléculaire, dans des conditions et à des concentrations compatibles avec leur activité. Des méthodologies originales par spectrométries FTIR-transmission, FTIR-réflexion totale atténuée (ATR) et diffusion Raman exaltée de surface (SERS) couplée à l’électrochimie ont été mises au point. Le développement de logiciels adaptés permet d’établir la dynamique des variations structurales des biomolécules dans leur environnement biomimétique.

L’étude de certaines biomolécules est aussi réalisée en phase gazeuse par des techniques de spectrométrie de masse couplées avec une source électrospray, à ionisation très douce (ESI/MS/MS), ce qui permet aux structures en phase gazeuse de refléter au mieux leur structure en solution. Cette technique, associée à une étude théorique par DFT (théorie de la fonctionnelle de la densité) conduit aux structures des complexes formés entre biomolécules et cations métalliques.

L’ensemble des résultats que nous avons obtenus montre qu’un certain nombre des

objectifs fixés a été atteint :

- Développement d’une méthodologie, par spectrométrie SERS, permettant la détection du passage de l’ADN à travers une membrane.

- Etude du devenir des protéines prions dans les sols par FTIR. - Etude de l’organisation de la fibronectine sur des supports modifiés. - Utilisation comme biocapteur de microperoxydase MP8 electrosupportée. - Complexations cationiques dans les acides nucléiques par ESI/MS/MS. - Etude de la stabilité en phase gazeuse des formes zwittérioniques des acides

aminés en fonction de la nature du cation complexant.

La conjonction des contraintes de mise en œuvre de certains composés et de départs en retraite (ou mutations pour raison familiale) a conduit à la disparition de l'équipe «Interactions dans les systèmes d’intérêt biologique» danssa forme antérieure et à sa redéfinition dans le cadre des autres équipes (cf. organigrammes).

1) Biomolécules à très faibles concentrations

Un enjeu majeur pour la compréhension des processus biologiques est de caractériser les biomolécules à leur concentration d’activité biologique, quelques µg/ml ou ng/ml. Les développements de la spectrométrie de diffusion Raman exaltée de surface (SERS) permettent d'obtenir des informations structurales à ces très faibles concentrations de 10-6 à 10-10 mol/l-1. L’utilisation de nanoparticules d’argent comme source d’amplification de la diffusion Raman est pertinente pour l’étude de systèmes biologiques puisqu’elles sont préparées dans l’eau à pH 8, des conditions non dénaturantes pour

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l’activité biologique. Des méthodologies adaptées à la détection et à la caractérisation de complexes liés à l’ADN ou ARN ont été mises au point.

1.1. Etude d’un modèle de photocellules : encapsulation de ribozymes dans des liposomes

Collaboration : Institut Jacques-Monod CNRS/UPMC Les ribozymes sont des molécules d’ARN possédant une activité catalytique. A ce

jour, sept classes de ribozymes naturels ont été identifiées, les petits ARN catalysant une auto coupure (4 classes), la ribonucléase-P et les introns des groupes I et II. Le travail a porté sur le ribozyme en épingle à cheveux, petit ARN constitué de 85 nucléotides. Ce ribozyme peut catalyser à la fois des réactions de clivage et de ligation. Il présente un grand intérêt en tant que molécule pré-biotique. L'objectif est de développer une méthodologie en spectrométrie de diffusion Raman exaltée de surface (SERS) afin de suivre sa cinétique d’autolyse en solution et de mesurer l’effet de l’encapsulation de ce ribozyme dans un liposome (modèle de protocellule) sur sa cinétique.

Une méthode SERS de détection d'acides nucléiques a été mise au point au

laboratoire afin de détecter des nanomoles d’oligonucléotides en sondant sélectivement les bases adénines constitutives. L’intensité du signal Raman dépend de la disponibilité des bases adénines et donc reflète leur état d’appariement. Cette particularité nous a permis de suivre les cinétiques d'autolyse de sub-nanomoles de ribozymes en présence de Mg2+, puisque l’autolyse entraîne un désappariement d'une séquence de résidus adényls. Les résultats obtenus par SERS ont pu être comparés à ceux obtenus par les méthodes biochimiques classiques (Professeur Marie-Christine Maurel), c’est-à-dire par électrophorèse sur gel. Les mêmes vitesses de réaction ont été mesurées à partir des courbes de cinétiques obtenues. L’analyse par SERS permet de travailler avec 20 fois moins d’ARN qu’en électrophorèse et les mesures sont plus rapides (quelques minutes).

La méthode a été adaptée à la mesure de l'activité d'acides ribonucléiques catalytiques confinés dans un environnement lipidique afin d'évaluer l’influence de la compartimentation sur la cinétique. Des liposomes cationiques, classiques en vectorisation d’ADN, ont été utilisés avec succès pour « encapsuler » le ribozyme. Des spectres SERS du ribozyme ont pu être obtenus en présence de liposomes. Les premiers résultats sont encourageants mais de nombreux paramètres restent à optimiser pour qu’un spectre SERS intense, nécessaire pour une analyse quantitative, puisse être obtenu, et la cinétique évaluée.

L. GRAJCAR, C. EL AMRI, M. GHOMI, S. FERMANDJIAN, V. HUTEAU, R. MANDEL S. LECOMTE, M.-H. BARON. Assessment of adenyl residue Reactivity within Model Nucleic Acids by Surface Enhanced Raman Spectroscopy , Biopolymers 81 (2006) 6-28.

1.2. Efficacité bactéricide des détergents contenant un ammonium quaternaire

Collaboration : Laboratoire de Spectroscopie Biomoléculaire, Montréal,

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L'objectif est d’évaluer l’efficacité bactéricide de détergents comportant un

ammonium quaternaire (appelés QAC pour quaternary ammonium compounds), groupement fonctionnel présent dans la plupart des antibiotiques couramment utilisés. Ces détergents interagissent principalement avec la membrane plasmique des bactéries et leur association mène à la modification de la perméabilité membranaire causant la mort des cellules. Nous utiliserons le SERS pour mesurer l’affinité des détergents avec les membranes en détectant la concentration de détergents libres en solution. Les membranes cellulaires modèles utilisées sont constituées de lipides zwitterioniques et de cholestérol. Dans la littérature, le partage de ces molécules amphiphiles entre l’eau et les bicouches lipidiques est généralement caractérisé par des mesures de turbidité, de fluorescence, de RMN, de calorimétrie ou de potentiomètrie. La spectrométrie de diffusion Raman exaltée de surface (SERS) sonde l’affinité de ces détergents avec les membranes lipidiques à très faible concentration (de l’ordre de 10-9 M) et leur « disponibilité » vis à vis de la surface métallique utilisée. Un protocole a été établi pour différentes compositions membranaires. En parallèle, des études de microcalorimétrie ont été menées avec le Professeur Michel Lafleur de l'Université de Montréal. La variation d’intensité du signal SERS a été utilisée pour déterminer la concentration de détergent libre en solution et calculer la constante d’affinité de ce dernier avec la membrane lipidique. Nous développons actuellement cette nouvelle méthode pour évaluer l’effet de la longueur de chaîne et/ou la charge des lipides, effet de la concentration en sel et du pH sur les interactions détergents / membranes, afin de mieux comprendre l'activité bactéricide.

1.3. Compaction de l’ADN par de nouveaux vecteurs à base de polymère de cyclodextrine

Collaboration : LRP-ISCSE Thiais,

L’un des enjeux majeurs de la thérapie génique est le développement des vecteurs

d’ADN qui puissent traverser les différentes membranes de la cellule pour atteindre leur cible: l’ADN du noyau (Fig. 1). Les macromolécules d’ADN, du fait de leur très forte densité de charge négative et de leur association sous forme de double brins, ne peuvent pas pénétrer dans la cellule, les membranes ayant un potentiel négatif. Le rôle des vecteurs d’ADN est alors primordial. Il permet de condenser l’ADN afin de modifier sa charge de surface dans le but d’augmenter son affinité pour les membranes cellulaires.

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Fig. 1 : Représentation des différentes étapes du transfert de gènes par un vecteur non viral.

Deux approches majeures ont été employées pour la thérapie génique. La première concerne les vecteurs d’origine virale, très efficaces pour le transfert

de gène mais qui posent lors d’essais cliniques de nombreux problèmes liés à leur toxicité et au développement de réponses immunogéniques. La deuxième approche consiste à élaborer des vecteurs non viraux. Le défi est de concevoir un vecteur non viral "idéal" possédant une faible toxicité et une forte efficacité de transfection. C’est dans ce contexte que l’équipe du Professeur Catherine Amiel a développé de nouveaux vecteurs non viraux à base de polymères de cyclodextrine. La structure originale des cyclodextrines avec une cavité apolaire et une coque externe hydrophile permet l’inclusion sélective dans la cavité de molécules amphiphiles, nommées connecteurs cationiques. La tête polaire du connecteur cationique interagit avec l’ADN. Afin de comprendre les mécanismes de vectorisation de gène dans le noyau des cellules, il est nécessaire de caractériser les complexes ADN/vecteurs ainsi que les interactions de ces complexes avec les membranes.

L’objectif du projet est double : (i) déterminer les différentes conformations de l’ADN dans les assemblages vecteur/ADN et (ii) évaluer l’efficacité du phénomène de transfection in vitro des différents assemblages dans des cellules types. Deux familles de connecteurs cationiques ont été utilisées pour moduler la

condensation de l’ADN, des dérivés de l’adamantane et du cholestérol (DC-Chol). Nous avons testé l’efficacité de ces vecteurs sur un simple brin d’ADN composé seulement de bases adénine (Poly-A) et sur l’ADN plasmidique. Sur gel d’électrophorèse, on observe le retard de l’ADN pour les deux vecteurs étudiés, permettant de conclure que, pour un rapport de charge connecteur cationique/ADN d’environ 2,5, l’ADN est condensé. Les mesures de potentiel Zéta confirment ce résultat pour le même rapport de charge et pour les deux connecteurs étudiés.

Un protocole d’analyse par spectrométrie de diffusion Raman exaltée de surface a été mis au point, permettant de caractériser l’ADN à la concentration utilisée pour les tests in vitro sur les cellules. Une analyse quantitative des spectres SERS des mélanges vecteur /ADN permet d’évaluer le pourcentage d’ADN ou de poly-A restant libre en solution. Il n’y a plus d’ADN libre pour des mélanges vecteur/ADN avec des rapports de charges entre 2.5 et 5 pour Ada2 et 2 pour DC-Chol. La structure du polyplexe (complexe cyclodextrine/connecteur/ADN) formé est représentée sur la Figure 2, elle a été proposée à partir des mesures effectuées en SERS et diffusion de neutrons aux petits angles.

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Fig. 2 : Structure du polyplexe (bleu : cyclodextrine, rouge : connecteur, vert ADN)

Les tests in vitro de transfections de l’ADN par ces nouveaux vecteurs ont montré une

efficacité importante, des tests de transfections in vivo sont en cours de réalisation.

V. BURCKBUCHLER, V. WINTGENS, S. LECOMTE, A. PERCOT, C. LEBORGNE, O. DANOS, A. KICHLER, C. AMIEL DNA Compaction into New DNA Vectors Based on Cyclodextrin Polymer: Surface Enhanced Raman Spectroscopy Characterization Biopolymers 81 (2006) 360-370.

2) Transfert d’électrons d’hémoprotéine: de la compréhension des processus in vivo à l’élaboration

de biocatalyseurs

L'originalité du travail est le développement de la diffusion Raman exaltée de surface couplée à un montage électrochimique afin de pouvoir étudier les processus de transfert d’électrons d’hémoprotéines : potentiels d’oxydo-réduction, et efficacité de transfert d’électrons pour les différents états conformationnels de l’hème. Le montage en résolution temporelle permet d’établir les constantes cinétiques (millisecondes) de transfert d’électrons pour des hémoprotéines dans des états conformationnels parfaitement caractérisés.

2.1 Dynamique du transfert d’électrons du cytochrome c552 de la bactérie Thermus thermophilus

Collaboration : ICMMO , Paris 11

Dans les cellules eucaryotes, l'interaction entre le cytochrome c (cyt-c) et son

partenaire redox la c oxydase (CcO), semble être électrostatique. Il a été établi que contrairement à l’hème du cyt-c, celui du Cyt-c552 de la bactérie Thermus thermophilus est masqué par un repliement β-hydrophobe et que, contrairement à CcO, le partenaire red-ox ba3-oxydase bactérien est dépourvu de charge de surface. Nous cherchons à établir si ces différences entraînent ou non des mécanismes différents de transfert d’électrons. Pour mettre en évidence d'éventuelles différences, nous comparons l'adsorption des deux cytochromes c sur des surfaces fonctionnalisées, modèles de topographies des partenaires biologiques. Nous

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évaluons les effets de l'adsorption sur la structure des hèmes et des parties protéiques et nous corrélons les changements constatés aux variations du potentiel redox et des paramètres cinétiques du transfert d’électrons.

Nous utilisons la spectroscopie de diffusion Raman résonnante exaltée de surface (SERRS) couplée à un montage électrochimique pour obtenir simultanément des informations structurales, thermodynamiques et cinétiques au niveau de l’hème du Cyt-c552 bactérien. Les électrodes d'argent, utilisées pour exalter le signal Raman, sont fonctionnalisées par des thiols modifiés (HS-(CH2)n-Y) qui modélisent la topographie de la ba3 oxydase, partenaire redox du Cyt-c552.

Des spectres de Cyt-c552 adsorbé sur ces surfaces, nous déduisons i) la conformation de l’hème et les états d'oxydation, de coordination et de spin du fer central, ii) les potentiels red/ox et le nombre n d'électrons transférés. L'adsorption sur des surfaces mixtes alcane thiol/hydroxyle [Y = CH3/OH] conduit à

une très bonne efficacité du transfert d'électrons (n = 1). L'hème est alors dans l'état conformationnel natif, comme supposé lorsque Cyt-c552 interagit avec la ba3-oxydase. De plus, des mesures par voltamètrie cyclique sur les mêmes surfaces permettent d’établir que le système est parfaitement réversible. Ces surfaces mixtes semblent donc bien modéliser la topographie du domaine d'interaction Cyt-c552/ba3 oxydase. Ces résultats sont alors comparés à ceux publiés pour le cytochrome c eucaryote. Le montage de SERRS résolu temporellement permet de déterminer les constantes cinétiques du transfert d’électrons entre les électrodes fonctionnalisées et le Cyt-c552 adsorbé. Les constantes varient de 10 s-1 pour une chaîne à 15 carbones à plus de 200 s-1 pour une chaîne plus courte à 5 carbones. Les vitesses de transfert d’électrons entre Cyt-c552 sur les électrodes biomimétiques sont plus rapides que celles déterminées pour le système cyt-c eucaryote/surface COOH, attestant de la bonne reconnaissance du Cyt-c552 avec la surface biomimétique de son partenaire redox (Thèse de Sophie Bernad).

S. BERNAD, T. SOULIMANE, S. LECOMTE Redox and conformational equilibria of cytochrome c552 from thermus thermophilus adsorbed on chemically modified silver electrode probed by SER spectroscopy J. Raman Spectrosc. 35 (2004) 47-54.

S. BERNAD, T. SOULIMANE, Z. MEHKALIF, S. LECOMTE, Characterization and redox properties of Cytochromes c552 from Thermus thermophilus adsorbed on different self Assembled thiol monolayers, using to model the chemical environment of the redox partner Biopolymers, 81 (2006) 407-418. S. BERNAD, N. LEYGUE, H. KORRI-YOUSSOUFI, S. LECOMTE Kinetics of the electron transfer reaction of Cytochromes c552 adsorbed on biomimetic electrode studied by time-resolved surface-enhanced Raman spectroscopy and electrochemistry European Biophys. J., 2007 (sous presse).

2.2. Hémoprotéines électrosupportées : vers l’élaboration d’un biocatalyseur

Collaboration : ICMMO, UMR Paris 11

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L’étude de systèmes capables de mimer le comportement des métallo-porphyrines a deux objectifs : comprendre leur mécanisme d'action in vivo et optimiser les conditions de leur fonctionnement pour développer des biocatalyseurs. De premières études ont été réalisées avec les micropéroxydases. La micropéroxydase 8 (MP8) est un octapeptide porphyrique mimétique du cytochrome P450 (péroxydase). La simplicité de sa partie protéique en fait un bon candidat pour devenir un catalyseur artificiel des réactions de type péroxydation (Travaux de l’équipe du Professeur Jean-Pierre Mahy).

Pour stabiliser ce catalyseur, notre stratégie consiste à élaborer des systèmes électro supportés. L'adsorption de MP8 sur une électrode d'argent fut un premier modèle. En couplant des mesures en spectrométrie SERS de résonance (SERRS) et la voltamètrie cyclique, nous déterminons la quantité de MP8 électroactives et la réversibilité du transfert d’électrons. De plus, nous établissons la conformation de son noyau porphyrique. En solution, cette porphyrine possède un noyau fer 5 fois coordinné avec une histidine en position axiale. L'autre position axiale est libre. Dans l'état adsorbé, le fer reste 5 fois coordiné, haut spin, et une position axiale est toujours accessible pour un substrat éventuel. Le potentiel redox de la MP8 adsorbée a été déterminé à –440 mV (ref ECS), par voltamètrie cyclique et par analyse quantitative des spectres SERS. Néanmoins le transfert d'électrons est peu efficace dû à une désorption partielle de MP8 au cours des cycles de mesures.

Fig. 3 : Greffage covalent des micropéroxydases sur l’électrode d’argent

La deuxième stratégie fut de fixer de façon covalente la micropéroxydase à la surface

de l’électrode (Travaux du Dr. Marjolaine Arseneault). Des thiols modifiés par ajout d’une fonction ester activée ont été synthétisés au laboratoire. Ils permettent un greffage efficace des microperoxydases sur la surface de l’électrode d’argent. L’introduction « d’espaceurs » (HS-(CH2)n-CH3), non réactifs vis à vis des micropéroxydases, a été nécessaire afin d’éviter l’auto-assemblage des micropéroxydases sur la surface (Fig. 3). En effet l’auto-assemblage des micropéroxydases induit la perte d’accessibilité à la sphère de coordination du fer et il n’y a plus de réaction catalytique possible. A ce jour, nous avons réussi à définir un système électrosupporté, parfaitement contrôlé, avec une efficacité de transfert d’électrons et une bonne réversibilité du système. De plus, ce système d’immobilisation est non dénaturant pour la micropéroxydase, dont la conformation 5cHS est maintenue sur l’électrode. L’accessibilité à la sphère de coordination par addition d’un ligand exogène a été vérifiée (formation de l’espèce 6cLS). Nous testons actuellement la capacité de nos systèmes à capter des ligands à très faibles concentrations et induire des réactions catalytiques par transfert d’électrons direct.

S. LECOMTE, R. RICOUX, J.-P. MAHY, H. KORRI-YOUSSOUFI Microperoxidase 8 adsorbed on a roughned silver electrode as a monomeric high-spin penta coordinated species: characterization by SERR spectroscopy and electrochemistry. J. Biol. Inorg. Chem., 9 (2004) 850-858.

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3) Structure des protéines adsorbées sur surfaces modèles

La dynamique vibrationnelle du squelette d’une protéine dépend de sa structure et de

son état de solvatation. Il est donc possible de mettre en évidence les changements conformationnels induits sur ces systèmes complexes lors de processus d’adsorption, selon l’état initial de solvatation et de complexation des macromolécules. Il est maintenant admis que les processus d’adsorption des protéines sur des surfaces solides ou fluides sont à l’origine de changements conformationnels de la protéine, qui peuvent être corrélés à la fonction biologique de celle-ci (soit par activité catalytique, soit par formation de structures amyloïdes pathogènes ou non). L’objectif est de mieux comprendre à l’échelle moléculaire les changements structuraux de macromolécules biologiques lors des processus d’adsorption, soit sur des supports minéraux, soit sur des supports solides modèles. L’ensemble des recherches menées depuis ces quatre dernières années peut être caractérisé par l’extension des surfaces modèles étudiées et par l’étude de problèmes biologiques concrets en collaboration avec des équipes de biologistes et de biophysiciens (INRA Montpellier et Jouy-en-Josas).

3.1. Devenir des protéines prions dans les sols

Collaboration : Projet européen "TSE-SOIL-FATE" 2003-2006 INRA, Montpellier & INRA, Jouy-en-Josas, CNRS, Institut Européen des Membranes, Montpellier IRCGN, Rosny-sous-Bois, MSU, Moscow, Russie CNRS, Laboratoire d'Ecologie Microbienne, Villeurbanne IAH-NPU, Edinburgh, United Kingdom ICSTM, Ascot, United Kingdom, UNINA, Napoli, Italy CNR, Firenze, Italie, GBF, Braunschweig, Germany

L'étude a pour objectif de répondre à un problème d’actualité qui est de connaître l’impact du stockage et de l’élimination des farines animales sur l’environnement. Les risques de contamination des sols, voire de l’eau, par l’agent infectieux des encéphalopathies spongiformes (TSE) sont très mal connus. Les dispersions accidentelles de farines sur les lieux de stockage ou l’utilisation de fertilisants à base de ces farines, ou encore les rejets des industries utilisant la gélatine comme matière première, sont des sources de dissémination possible de l’agent infectieux. Les encéphalopathies spongiformes sont reliées à l’apparition dans le cerveau de l'isoforme de la protéine prion (PrPsc), qui est une variante structurale de la forme cellulaire (PrPc) non pathogène. Le changement conformationnel de l’hélice α de la forme non pathogène (PrPc) en structure β-plissée (PrPsc) serait à la base des maladies à "prions".

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Fig. 4 : La protéine prion PrP sous sa forme native est constituée d’une partie C-terminale globulaire

en héliceα (en rouge) et d’un bras N-terminal non structuré (A).La conversion in vitro de la protéine prion PrP en forme amyloïde riche en feuillets β (en jaune) en solution (A) est comparée à la forme

dénaturée piégée sur montmorillonite (B). Lors de l’interaction argile-PrP, le bras N-terminal fortement chargé positivement sert d’ancre d’accrochage de la protéine pleine longueur.

Les conséquences d’une adsorption des protéines prions dans les sols, sous forme PrPc

ou PrPsc, n'avaient jamais été étudiées. L’étude que nous proposons porte sur une forme recombinante de la protéine PrP du mouton (PrPrec). Ce recombinant est capable de mimer in vitro les changements conformationnels de la PrP.

Plusieurs équipes ont pu transformer par des traitements physico-chimiques adaptés la forme hélicoïdale en une forme amyloïde riche en feuillets β, cependant non pathogène mais potentiellement neurotoxique (Fig. 4).

Nous avons étudié l'influence de l'adsorption de PrPrec dans les sols par spectrométrie FTIR. Nous montrons comment des paramètres tels que le pH, la force ionique, la concentration et le temps de contact avec des surfaces minérales, influencent l'adsorption de la protéine sous forme hélice α. Nous avons comparé l'évolution structurale temporelle de la protéine adsorbée à celle de la protéine native en solution. Nous montrons que la rétention de la protéine native sur une surface telle que la montmorillonite induit une oligomérisation partielle de la PrP dont la structure β est indépendante du pH d’adsorption (Fig. 4).

REVAULT M., QUIQUAMPOIX H., BARON M. H., NOINVILLE S, Fate of prions in soil: trapped conformation of full length ovine prion protein induced by adsorption on clays. Biochim. Biophys. Acta 1724 (2005) 367-374.

3.2. Structure des protéines adsorbées sur supports solides modèles

Oligomérisation des protéines prions contrôlées par adsorption sur supports modèles

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Nous avons comparé l’adsorption de la protéine recombinante Prion ovine pleine longueur avec celle de la protéine tronquée N-terminal sur une surface hydrophile chargée négativement.

Fig. 5 : L’adsorption de la protéine PrP sur la surface de silice est pH-dépendante. L’immobilisation à pH acide de la protéine n’induit pas de changement conformationnel tel qu’il est observé en solution. A plus fort pH, la densité de charge de la silice augmente la quantité de PrP

adsorbée (B) et induit une conversion de la PrP de manière coopérative (A).

Les résultats obtenus par FTIR-ATR démontrent que l'adsorption sur la silice ne modifie pas la structure secondaire des premières molécules adsorbées de la protéine pleine longueur ou tronquée, mais la cinétique d’oligomérisation dépend fortement de la concentration interfaciale en protéine (Fig. 5). La vitesse de formation des β-oligomères dépend également de la présence du bras non structuré N-terminal de la protéine Prion. Deux articles sont en cours de préparation sur les résultats obtenus. Etude de l’organisation de la fibronectine sur des supports modifiés : influence sur l’adhésion cellulaire

Collaboration : ERMECCE, Université de Cergy-Pontoise. Cette étude vise à comprendre l'influence de la structure et de l'organisation de la

fibronectine sur l'augmentation ou la diminution de l'adhérence des cellules à leur environnement matriciel (cellules normales ou tumorales). La fibronectine est une glycoprotéine extracellulaire soluble dans les liquides physiologiques mais qui existe aussi sous forme fibrillaire insoluble. Incorporée au sein de la matrice extra-cellulaire, cette protéine intervient comme élément de structuration. Elle module également un grand nombre de comportements cellulaires comme l’adhérence. Les supports utilisés pour les cultures cellulaires in vitro sont soit du verre, soit du polystyrène recouvert de fibronectine. Peu d'informations sont disponibles sur les caractéristiques de cette couche protéique adsorbée et sur son influence sur l'adhérence des cellules en culture. Les supports biomimétiques ont été obtenus par greffage de phénylalkyltrichlorosilanes et modifiés par voie photochimique pour obtenir des supports de mouillabilité différente. Dès lors, différents arrangements de molécules de fibronectine assemblées ont été caractérisés en termes de structure suivant la nature du support biomimétique utilisé. Il a été possible de déterminer leur influence sur

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l'adhérence cellulaire dans le cas de deux lignées cellulaires. Ce thème a fait l’objet de deux masters (Lucie Baujard et Rym Skanji).

Fig. 6 : Adsorption de fibronectine sur deux types de monocouches auto-assemblées: en (A), la monocouche (en violet) comporte des groupements carboxylates de surface induisant une adsorption de la protéine sous forme de collier de perles natives. La couche protéique ainsi structurée induit une grande adhérence cellulaire mais un faible étalement. En (B), la monocouche (en noire) est purement

hydrophobe avec des groupements phenyl de surface. La fibronectine adsorbée est fortement dénaturée. L’influence sur l’étalement des cellules est très marquée mais l’adhérence est moindre sur

ce type de couche protéique. S. NOINVILLE, Proteins at solid-liquid interfaces (2006), Philippe Déjardin Ed., Springer Verlag : Berlin Heidelberg,. Chapter 6 Structures of proteins adsorbed at liquid/solid interface, 119-150.

3.3. Caractérisation d'eau interne dans la chymotrypsine

Collaboration : INRA, Montpellier, contrat PNSE14 Les enzymes montrent une grande affinité pour les interfaces solide-liquide et leur

interaction avec les surfaces minérales des sols peut se traduire par une importante diminution de leurs propriétés catalytiques. Nous avons étudié un système modèle incluant une hydrolase (α-chymotrypsine) adsorbée sur une argile (montmorillonite) par FTIR en transmission. Nous avons quantifié simultanément les taux d'hydratation et les transitions structurales de la protéine induits lors de l’assèchement et de la réhydratation.

Pour les enzymes hydrolytiques des sols libérés par les microorganismes ou par les racines, la présence d'eau interne, uniquement disponible dans des conditions de dessiccation prononcée, pourrait être un paramètre essentiel de la pérennité de leur activité dans des environnements arides, qu'ils soient adsorbés ou non.

14 Programe National Sols et Erosion

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a) b) c) Fig. 7 : La dessiccation partielle de la protéine adsorbée sur montmorillonite entraîne une réduction

du feuillet interne représenté en blanc (a). Une dessiccation complète montrée sur le schéma (b) réduit alors notablement le taux de feuillets externes hydratés. La protéine dénaturée se restructure en présence de vapeur d'eau (c) mais la réversibilité n'est pas totale : les structures β non hydratées

défaites lors du stress hydrique ne se reforment pas lors de la réhydratation.

S. NOINVILLE, M. REVAULT, H. QUIQUAMPOIX , M.-H. BARON Structural effects of drying and rehydration for enzymes in soils. A kinetics-FTIR analysis of α-Chymotrypsin adsorbed on montmorillonite. J. Colloid Interf. Sci. 273(2) (2004) 414-425,

3.4. Rémanence de la protéine Bt dans le sol : détection et modification de la structure à l’état adsorbé.

Collaboration : ANR005-POGM 2006-2007

INRA Montpellier. CNRS, Institut Européen des Membranes, Montpellier

Près de 20% des plantes transgéniques cultivées commercialement synthétisent la toxine protéique Bt issue de la bactérie du sol Bacillus thurigiensis. Cette toxine insecticide est soluble à pH basique dans les intestins des lépidoptères, entraînant la lyse des cellules. Au vu du caractère récent et de l’extension rapide de ces cultures, les risques associés à la libération de ces toxines dans le sol sont encore très mal évalués sur l’environnement. La protéine Bt est introduite dans le sol par exsudation racinaire, par renouvellement des racines, par la litière et l’enfouissement des résidus de culture. Comme pour d’autres protéines, on peut s’attendre à ce que la protéine Bt s’adsorbe fortement et en partie irréversiblement sur le sol, que cette adsorption soit dépendante du pH et accompagnée de modification de conformation et donc des propriétés biochimiques. L’adsorption limite la mobilité de la protéine, peut conférer une protection contre la biodégradation et donc augmenter sa durée de vie, et influer peut-être sur sa toxicité envers la flore du sol.

L’objectif de ce projet est d’évaluer le rôle du sol dans le devenir de cette toxine. La première étape essentielle a été d’étudier les mécanismes qui déterminent l’adsorption, la désorption et la durée de vie de la toxine soit sous forme monomérique soit oligomérisée. De

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plus, la nature des espèces oligomériques ou non comme agent toxique n’est toujours pas élucidée à l’heure actuelle.

Fig. 8 : Structure tridimensionnelle de la toxine Cry1Aa : les feuillets sont représentés en jaune les hélices en rouge. L’arrangement bipolaire

des charges est montré par le calcul du potentiel électrostatique (en bleu potentiel positif en rouge négatif). L’adsorption sur une surface de charge permanente négative telle que la montmorillonite

empêche la polymérisation de cette protéine.

4) Interaction annexine/membrane : révélatrice des cellules en état d’apoptose

Collaboration : CBMN, UMR 5248 CNRS/Bordeaux 1, Pessac

Les annexines forment une famille de protéines très abondantes, d’un poids

moléculaire compris entre 32kD et 72kD, de séquence très conservée. Ces séquences comportent quatre ou huit répétitions d’un même motif d’environ 70 acides aminés. Les annexines diffèrent entre elles au niveau de l’extrémité N-terminale.

La propriété commune de ces protéines est d’interagir avec des phospholipides chargés négativement comme la phosphatidylsérine (PS) en présence de calcium, lors des processus d’apoptose. La fonction biologique des annexines n’est pas encore complètement élucidée, elles sont impliquées dans des processus physiologiques importants comme la fusion membranaire, la coagulation sanguine, la formation des canaux à Ca2+ ou encore la signalisation cellulaire. Les processus d’adsorption de l’annexine 5 sur des doubles couches lipidiques supportées ont été analysés par des méthodes QCM-D, d’éllipsométrie et d’AFM. Les étapes de liaison, de nucléation, de croissance cristalline et de transition entre phases cristallines (Figure ci contre) ont pu être observées en détails.

L’objectif (Thèse de Melle Zahia Fezoua) est de caractériser à l’échelle moléculaire les différentes interactions entre l’annexine 5, le cation Ca2+ et les phospholipides de type PS, dans les différents d’états de l’organisation. Les techniques de spectrométries vibrationnelles PM-IRRAS et diffusion Raman, microscopies à angle de Brewster (BAM) sont des méthodes de choix pour déterminer la structure des complexes dans les différentes étapes observées. Les premières études en PMIRRAS et BAM sont réalisées sur des systèmes membranaires modèles (monocouches lipidiques à l’interface air/eau) reproduisant les conditions requises pour la formation des réseaux 2D d’annexine 5, des différences d’organisation de l’annexine 5 à l’interface sont observées en présence ou en absence d’ions Ca2+ ou de Mg2+.

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Richter, R. P. et al. Biophys. J. 2005, 89, 3372.

5) Stabilité et diffusion cutanée du rétinol Collaboration : Colectica R & D, Lyon

Le rétinol (et son ester) est de plus en plus utilisé dans des formulations cosmétiques antivieillissement. Deux problèmes se posent à l'usage, celui de la stabilité après application et celui de la qualité de diffusion du produit actif dans les couches internes de la peau. Les transformations chimiques du rétinol tout-trans (vitamine A1) soumis à différents stress comme l'irradiation UV et la présence d'oxygène sont détectées et quantifiées par micro-spectrométrie et cartographie 3D Raman (Thèse N. Failloux). La toxicité et le potentiel inflammatoire des photo-produits issus de la dégradation du rétinol tout-trans, principalement des produits d'oxydation ou photocyclisés, ont été testés sur des kératinocytes de culture. Les produits déconjugués sont probablement les plus toxiques. Afin de prévenir la dégradation du rétinol, l'effet de différents agents protecteurs tels que des filtres UV ou des anti-oxydants ou bien une encapsulation ont été étudiés. Comme observé physiologiquement, au contact des rayons UV du soleil, le palmitate de vitamine A est moins stable que le rétinol. Les séquences de formation des photo-produits sont différentes sous UV A ou UV B. Des additifs permettent de protéger le rétinol. Les cartographies Raman ont montré que les microcapsules (diamètre ~10 µm) de rétinol diffusaient plus vite dans les couches superficielles puis demeuraient plus longtemps dans la peau que le produit seul (huile). L'analyse est possible jusqu'à environ 40 µm sous la surface de la peau (laser 532 nm).

N. FAILLOUX, I. BONNET, M.-H. BARON, E. PERRIER Quantitative analysis of vitamin A degradation by Raman spectroscopy Appl. Spectroscopy 57 (2003) 1117-1122. N. FAILLOUX, I. BONNET, E. PERRIER, M.-H. BARON, Effect of light, oxygen and concentration on vitamin A J. Raman Spectroscopy 35 [2] (2004) 140-147. N. FAILLOUX, M.-H. BARON, N. ABDUL-MALAK, E. PERRIER Contribution of encapsulation on the biodisponibility of retinal Inter. J. Cosmetic Sci. 26 [2] (2004) 71-77.

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6) Etude en phase gazeuse de biomolécules cationisées

Les cations métalliques tels que Na+, Mg2+, K+, Ca2+ sont présents dans les cellules

vivantes et sont transportés selon différentes modalités, notamment par transport actif pour lequel les ions interagissent avec des protéines appelées « protéines porteuses » qui se lient de façon spécifique à l’ion qui doit être transporté, induisant un changement de conformation des protéines. La présence de métaux au niveau de l’ADN peut influencer parfois de manière importante la conformation et, par conséquent, ses fonctions. Si on considère que la fonction biologique dérive de la structure, la caractérisation et l’étude des associations non covalentes sont indispensables dans la compréhension des mécanismes biochimiques. Bien que la contribution des interactions hydrophobes semble être la plus importante dans ce type d’interactions, les liaisons hydrogène et les ponts salins peuvent également influencer la spécificité des interactions.

Afin d’établir leur réactivité intrinsèque en absence de facteurs extérieurs (solvant, présence de sels…), il est possible d’étudier ces systèmes en phase gazeuse par spectrométrie de masse. Il est à noter qu’en phase gazeuse, les interactions électrostatiques sont fortement renforcées alors que les interactions hydrophobes tendent à disparaître dès que les ions sont dé-solvatés. De plus, la stabilité des associations non covalentes dépend d’interactions dipôle-dipôle faibles et ion-dipôle fortes.

Les cations métalliques peuvent donc aussi bien interagir avec les bases nucléiques, les nucléosides, les nucléotides, qu’avec les protéines et leurs composants, les acides aminés.

Pour une meilleure compréhension de ces interactions, nous avons réalisé l’étude en phase gazeuse sur des petits systèmes, tels que les acides aminés et les bases nucléiques.

6.1. Etude d’acides aminés cationisés par le sodium

Collaboration : LCSOB, UPMC

L’étude expérimentale par ESI/ITMS (Electrospray Ionisation – ion trap Mass spectromrey nous a permis de déterminer les valeurs des affinités cationiques (AC) des biomolécules en les étudiant par la méthode cinétique de Cooks, établie à partir de la théorie RRKM (collaborations : Jean Claude Tabet, Thèse Sophie Rochut).

L’affinité cationique correspond à la variation d’enthalpie pour la réaction :

MNa+ → M + Na+ AC(X+) = ∆rH298

Le principe de cette méthode est l’étude de la fragmentation des hétérodimères formés à partir d’un mélange de deux acides aminés distincts et d’un cation.

L’ensemble des résultats expérimentaux nous a permis de déterminer les affinités cationiques pour le sodium d’une quarantaine

NaNa+

Structure bidentate CS

de la glycine (Groupe I).

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NaNa

+

Structure bidentate ZW

de la valine (Groupe II). NaNa

+

Structure tridentate CS

de la cystéine (Groupe IIIa). NaNa

+

Structure bidentate CS

de la citrulline (Groupe IIIa).

d’acides aminés modifiés et non modifiés, qui s’échelonnent de 160 kJ.mol-1 pour la glycine à 258 kJ.mol-1 pour l’arginine. Parallèlement à ces études expérimentales, des études théoriques en DFT (Théorie de la Fonctionnelle de la Densité) ont été également menées afin de déterminer les affinités cationiques des acides aminés étudiés expérimentalement.

Après avoir entrepris une étude rigoureuse sur un certain nombre de molécules modèles, notre choix s’est porté sur la fonctionnelle B3P86 associée à la base 6-31+G*. Une excellente corrélation a été obtenue entre les deux méthodes, expérimentale et théorique, ce qui nous a permis de déterminer les structures des acides aminés cationisés en phase gazeuse.

Quatre groupes ont été mis en évidence

selon les sites d’interaction entre le sodium et les acides aminés (Fig.1):

Groupe I : et Groupe II

de structure bidentate de type charge solvatée (CS) ou zwitterionique (ZW),

Groupe IIIa et Groupe IIIb de structure tridentate (CS).

Fig. 9

NaNa

+

Structure tridentate CS de la phénylalanine

(Groupe IIIb)

C. PEPE, S. ROCHUT, JP. PAUMARD, J.C. TABET Ab initio calculations of proton affinities of glycine, proline, cysteine and phenylalanine. Comparison with the experimental values obtained using an electrospray ionisation / ion trap mass spectrometer (ESI/ITMS). Rapid Com in Mass Spectrometry, 18 (2004) 307-312 S. ROCHUT, C. PEPE, J.P. PAUMARD, J.C. TABET. A computational and experimental study of cation affinity (Na+) of nucleobases and modified nucleobases by ESI/ITMS. Rapid Com in Mass Spectrometry, 18 (2004) 1686-1692

6.2. Influence de la nature du cation sur la stabilité de la forme zwitterionique

Collaboration : LCSOB, UPMC Les résultats théoriques ont montré que les affinités cationiques varient en fonction de

la taille et de la charge du cation et que ces mêmes paramètres influencent la stabilité de la forme zwitterionique des acides aminés cationisés. D’une manière générale, il a été montré que cette forme zwitterionique (ZW) est d’autant plus stable que la charge et la taille de l’ion sont grandes (collaboration : Jean-Claude Tabet). A charge égale, la taille de l’ion joue un rôle

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primordial en ce qui concerne la stabilité de la forme zwitterionique des acides aminés aliphatiques. En effet, plus l’ion est chargé et de taille importante plus la forme ZW est stable. Lorsque l’ion dichargé est très petit (Be2+), c’est la forme non zwitterionique qui est la plus stable pour l’ensemble des acides aminés.

K+Na+

Li+

Ca2+

Mg2+

Be2+

-120-100-80

-60-40-20

0

204060

0 20 40 60 80 100 120 140 160rayon (pm)

ΔE (kJ mol-1)

Fig. 10 : Stabilité de la forme zwittérionique du complexe GLYMn+en fonction de la nature du cation (∆E = différence énergétique entre les formes non zwitterioniques et zwitterioniques)

6.3. Etude de bases puriques et pyrimidiques cationisés par Na+, K+, Mg2+, Ca2+

Collaboration : LCSOB, UPMC, Université d'Angers & Université de Rennes

Des tétramères et des octamères thermo-

dynamiquement stables ont été mis en évidence, aussi bien théoriquement qu’expérimentalement. La structure des tétramères dépend à la fois de la taille et de la charge du cation : en fonction de ces deux paramètres, des arrangements tétraédriques, plans ou en « parapluie » ont été obtenus. Dans certains cas, les bases nucléiques peuvent se comporter comme des ligands bidentates.

Ces complexes font intervenir à la fois des

interactions ions-dipôles entre le cation et les bases

Arrangement tétraédrique d’uracile

autour de Be2+

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Arrangement plan de xanthine autour

de Na+

nucléiques, et des interactions entre les différentes bases nucléiques, en particulier des liaisons hydrogène. L’énergie de ces deux types d’interactions a été déterminée théoriquement, et les résultats montrent que leur importance relative dépend fortement de la nature du cation (collaborations : David Rondeau, Pierre Guenot) Jean-Claude Tabet, Thèse Emilie Zins,).

Plus la densité de charge du cation est importante, plus les interactions de type ion-dipôle sont favorables à la stabilisation du complexe, au détriment des interactions de type liaisons hydrogène. C’est ainsi qu’autour des cations alcalinoterreux, des complexes tétraédriques (avec Be2+ ou Mg2+) ou des structures faisant intervenir des ligands bidentates (avec Ca2+) ont été obtenus. Par contre, autour des cations alcalins, les interactions de type ions-dipôles sont nettement moins importantes et la formation de liaisons hydrogène est indispensable à la stabilisation, et donc à l’existence même des tétramères, ceci est d’autant plus vrai que le cation est volumineux. Or les arrangements plans ou « en parapluie » favorisent nettement ces interactions entre les bases nucléiques, et c’est pourquoi la majorité des tétramères d’uracile, de cytosine, de guanine, de xanthine ou de thymine autour des cations alcalins ont une structure plane ou « en parapluie ». Par superposition de deux tétramères «en parapluie», des octamères thermodynamiquement stables ont été mis en évidence théoriquement et expérimentalement.

Octamère de xanthine autour de K Fig. 11

S. MEZZACHE, S. ALVES, J.P. PAUMARD, C. PEPE AND J.C. TABET Theoretical and gas-phase studies of specific cationized purine base quartet Rapid Com in Mass Spectrometry, 21 (2007) 1075-1082.

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Dynamique &

Imageries vibrationnelles du solide

Philippe Colomban

Ludovic Bellot-Gurlet Rita Baddour-Hadjean1

Claude Coupry2 François Fillaux

Gwénaël Gouadec Eric Picquenard Jacques Riand

Martine Ventura (Sophie Lecomte)3

Richard Weirich / post-doc 2003

Aneta Slodczyk / post-doc 2007-2008 Delphine Neff / post-doc 2005

Doctorants

Romain Bruder4, Hung Manh Dinh, Abdelmalik El Khalki Mickael Havel, José Martin Herrera Ramirez

Alba Marcellan, Judith Monnier, Solenn Réguer, Paola Ricciardi, Laurianne Robinet, Frédérique Salpin, Aurélie Tournié

Masters & DEA

Emilie Klécha, Maheswar Kyadari, Karim Makaoui, Grégory March, Raphël Paquin, Aurélie Tournié

ITA

Denis Baron, Françoise Froment5, Anne-Marie Lagarde6, Marie-Hélène Limage, François Romain7, Gérard Sagon8, Thierry Séropian

1 Mutation au 31-12-2006 2 Retraite au 15-09-2005 3 Mutation 01-04-2007 4 Doctorant en co-tutelle ou appartenant aussi à un autre laboratoire 5 Retraite au 05-10-2006 6 Retraite au 01-09-2005 7 Retraite 2008

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Faits marquants Nanomécanique : En sondant la liaison chimique, la spectrométrie vibrationnelle est une des rares approches « bottom up » de la nanomatière. Ainsi seules la microspectrométrie - et l’imagerie Raman hyperspectrale – permettent une analyse nanomécanique de la matière. Il a ainsi été montré par une analyse sous contrainte/allongement contrôlé que les processus de fatigue et de rupture des fibres polymères étaient gouvernés par le niveau d’organisation de leur phase amorphe (Coll. Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris). Imager la structure et les propriétés d'un matériau : Depuis longtemps composition et cristallinité d'un matériau peuvent être imagées. Un hyperspectre Raman (ensemble de spectres attachés à une position dans un espace à 2 ou 3 dimensions) offre une nouvelle vision : à partir de paramètres extraits par une modélisation de chaque spectre et en les injectant dans des lois ou corrélations ? on peut dresser la "géographie" chimique ou physique de la zone étudiée appréhendant ainsi d’un même œil son "passé" (comment il a été élaboré) et son "futur" (c'est à dire certaines de ses propriétés). Analyse sur site non-invasive d’objets d’art : La miniaturisation des spectromètres Raman et le perfectionnement de la connaissance des signatures spectrales (les spectres obtenus sur des "portables" sont de moindre qualité) permettent de conduire des études dans les musées (les pièces exceptionnelles devant rester en zone sécurisée) ou en place (vitraux d'églises). Ainsi plusieurs campagnes ont été effectuées au Musée National de Céramique, à Sèvres (Porcelaines des Ducs de Médicis, de Meissen, St-Cloud, …, céramiques d'Iznik, …) et au Département Islam du Musée du Louvre (Vases de l'Alhambra) et à la Sainte-Chapelle de Paris (vitraux) pour confirmer des attributions ou distinguer les parties originales des restaurations (Coll. Musées National de Céramique, Musée du Louvre, Monum & LRMH). Corrélations quantiques macroscopiques dans un cristal : Grâce aux techniques neutroniques des corrélations quantiques macroscopiques des protons ont été observées dans un cristal de KHCO3 composés de dimères centrosymétriques (HCO3

-)2 liés par des liaisons hydrogène de force intermédiaire, aussi bien à 15 K qu'à 300 K. Il n'y a pas de décohérence due aux interactions avec l'environnement. Un cadre théorique a été élaboré. Ce travail ajoute l'état cristallin à la liste des systèmes présentant un comportement quantique macroscopique: superfluidité, supraconductivité,... (Coll. LLB & Rutherford Appleton Lab.).

8 Retraite au 13-01-2006

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Les spectroscopies vibrationnelles, qu’il s’agisse de l’absorption IR, de la

diffusion Raman ou des diffusions (in)élastiques des neutrons (cas des composés hydrogénés), méthodes qui sondent la matière à l’échelle de la liaison chimique (via le dipôle instantané, la variation de polarisabilité ou le proton lui même), sont une approche « bottom-up » de la nano-matière. C’est pourquoi, dès 1992, persuadé des potentialités de cette approche, le Groupe Nanophases et Solides Hétérogènes fut constitué. Cette antériorité, malgré la très faible taille de l’équipe, lui a permis d’être mondialement reconnue comme un des centres d'excellence concernant l'analyse Raman des (nano)matériaux. Il nous été ainsi demandé une importante revue sur l’Analyse Raman des matériaux nanométriques ou nanostructurés (Progr. Crystal Growth & Charact. Mater. 53 (2007) 1-56) et d’éditer le premier numéro spécial du Journal of Raman Spectroscopy entièrement consacré à cette thématique en plein essor (numéro 38 [6] Juin 2007).

G. GOUADEC, Ph. COLOMBAN Raman study of Nanomaterials, How spectra relate to disorder, particle size and mechanical properties. Progress in Crystal Growth & Characterization Materials 53 [1-2] (2007) 1-56. G. GOUADEC, Ph. COLOMBAN Raman Spectroscopy of Nanostructures and Nanosized Materials J. Raman Spectroscopy 38 (2007) 1-6. + édition

La spectroscopie de vibration offre une double analyse des systèmes vibrants

atomique/moléculaire, i) mécanique au travers des nombres d’onde et ii) électrique (le transfert de charge) au travers des intensités. Elle permet ainsi d’étudier avec une grande sensibilité les perturbations mécaniques (contraintes, pression, mécanismes de fatigue ou de rupture) ou électriques (insertions d’ions & lacunes, mécanismes de conduction ionique - y compris protonique – ou polaronique, ordre local,..) et les modifications structurales associées. Ceci permet au chimiste du solide d’aborder en pionnier des problématiques pouvant ensuite être affinées par la communauté des physiciens.

La résolution quasi submicronique de l’optique dans le domaine du visible autorise

une analyse spatiale. La simulation/modélisation des signatures spectrales conduit à l’extraction de paramètres pertinents pour la compréhension ou, dans certains cas, la prédiction – et la cartographie - des propriétés physiques et chimiques de la matière, aboutissant aux « smart images ». Bien que de résolution plus faible (>20 µm), la microscopie infrarouge est parfois un complément judicieux. L’imagerie Raman apporte une vue particulièrement pertinente des diverses composantes des matériaux hétérogènes (composite, couche de corrosion,…) formés de liaisons covalentes et nous tentons de généraliser les descriptions quantitatives déjà pratiquées pour certaines problématiques.

Dans le passé, les activités au laboratoire concernant les matériaux et objets du Patrimoine étaient simplement analytiques et limitées à l’identification des types de pigments de fresques et de manuscrits. Le champ s'est considérablement élargi, en symbiose avec les autres problématiques : approfondissement de la compréhension des signatures spectrales des silicates vitreux et de systémes intergissant spécifiquement avec l’excitation laser (chromophores), structures des spinelles et corrosion des matériaux ferreux, coloration de fibres de kératine,... La compréhension des mécanismes de corrosion à long terme des métaux ferreux utilise les objets archéologiques dont les couches se sont formées sur plusieurs centaines d’années pour tester les modèles d’altération des containers de déchets radioactifs à longues périodes. Un effort important de développement de la mesure sur site a été fait. Pionnier dans ce domaine, nous avons

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obtenu le concours des différents fabricants avec la mise à disposition gracieuse des équipements les mieux adaptés.

Le laboratoire a organisé, seul ou en collaboration, plusieurs Conférences ou Colloques nationaux (Archéométrie GMPCA en 2005, Chine-Méditerranée, Routes et échanges de la céramique, avant le XVIe s. en 2004) ou International (Raman in Art & Archaeology en 2005) et géré les sites web correspondants. En outre ont été édités le numero spécial Raman in Art & Archaeology II du J. Raman Spectroscopy (Juin 2006, 37 [8]) et le numéro spécial Phase Transition in Archaeology (dec 2007). Ces travaux sont la source de très nombreuses demandes de collaboration d'Institutions en France et à l’étranger, auxquelles il est difficile de répondre, le support technique du laboratoire ayant disparu avec les départs massifs en retraite.

Les études menées lors du précédent contrat en collaboration avec le NASA Glenn

Resarch Center de Cleveland, sur la mesure des contraintes résiduelles rémanentes dans les composites céramiques, mettaient en évidence tout l’intérêt d’une analyse micro Raman (imagerie et quantification) d’un système soumis à un contrainte définie. Cette approche a été conduite sur des mini-coupons de composites à fibre de carbone et matrice polymère, en collaboration avec le laboratoire de recherche de EADS - Lanceurs.

Ph. COLOMBAN, G. GOUADEC, J. MATHEZ, J. TSCHIEMBER, P. PERES Raman Stress Measurement in Opaque Industrial Cf-epoxy Composites submitted to controlled tensile strain Composites Part A 37 [4] (2006) 646-651.

Cette démarche s’est approfondie : parmi les projets 2005-2008 du rapport

précédent nous indiquions vouloir développer la compréhension des mécanismes de rupture en traction de fibres polymèriques où la liaison hydrogène joue un rôle important, comme les fibres de polyamides et les soies. En association avec le Centre des Matériaux de l’Ecole des Mines de Paris, ce projet au travers de deux thèses (A. Marcellan & J.M. Herrera Ramirez) a produit des résultats importants comme l’explication des mécanismes de fatigue des fibres polyamides. Il a été élargi à d’autres fibres comme le cheveu, le PET, le PP, les PA et la fibre PBO9 ZylonMD, la fibre polymère la plus rigide connue et à d'autres types de perturbation avec des mesures en compression dans une cellule à enclumes de diamant. Une collaboration avec l’Unité Nationale Séricicole (INRA) nous permet maintenant d’aborder la mécanique des soies avec une thèse France-Vietnam.

De par sa nature intrinsèque (taille, masse) le proton se distingue des autres ions.

Les composés contenant cette espèce présentent une chimie et une physique très riches et tout à fait particulières. Nous ne rapporterons pas les travaux qui se sont poursuivis sur l'étude du désordre dans les polyanilines et son implication sur les conductivités polaronique et protonique qui avaient été largement présentés dans le précédent rapport quadriennal.

A. GRUGER, A. REGIS, A. EL KHALI, Ph. COLOMBAN The O2/H2O Redox Couple as the Origin of the Structural / Electronic Defects in Polyaniline Synthetic Metals 139 (2003) 175-186. A. EL KHALKI, A. GRUGER, Ph. COLOMBAN Bulk / Surface Nanostructure and Defects in Polyaniline Films and Fibres Synthetic Metals 139 (2003) 215-220.

9 PET : poly(éthylène téréphthalate; PP: poly(propylène); PA: polyamides; PBO : poly(paraphenylènebenzonitrozyl).

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Dans le précédent rapport nous avions aussi mis en évidence tout l’intérêt des analyses

Raman en fonctionnement de systèmes électrochimiques associant des électrodes solides et un électrolyte gélifié: en collaboration avec le National Institut of Chemistry de Slovénie ; une cellule de production photoélectrique dite de « Grätzel »10 avait commencé à être analysée in situ, en fonctionnement par microspectrométrie Raman, en fin du précédent contrat, et nous avons explicité pour la première fois son mécanisme de vieillissement.

A. SURCA, B. OREL H. SPREIZER, Ph. COLOMBAN, In-situ Resonance micro Raman and UV-visible spectroelectrochemical studies of an electrochemical device with an I3

-/I- redox sol-gel electrolyte, Solid State Ionics 165 [1-4] (2003) 247-255. A. SURCA-VUC, M. GABERSCEK, B. OREL, Ph. COLOMBAN, In-situ Resonance Raman spectroelectrochemical studies of a semi-solid redox I3

-/I- electrolyte encapsulated in a hybrid electrochemical cell J. Electrochemical Soc. 151 (2004) E150-E161.

Les techniques neutroniques sont particulièrement bien adaptées à l’étude des composées contenant de l’hydrogène. Avec l’obtention d’une ANR PAN-H sur un projet réunissant AREVA, l’Institut Européen des Membranes (CNRS-USTL II), l’Ecole des Mines de Saint-Etienne, le LISE (CNRS/UPMC) et la société SCT pour la réalisation d’une cellule de production d’hydrogène avec une céramique pérovskite conductrice protonique nous mettons en place un dispositif de mesure dans des conditions très difficiles de haute-température (500 à 800°C) et de haute pression d’eau (plusieurs dizaines de bars), afin d’aborder la compréhension de la conduction protonique à haute température en combinant diffusion Raman, absorption IR, diffusions neutroniques et dilatométrie.

L’utilisation de monocristaux de KHCO3 pour mesurer les fonctions de diffusion S(Q,ω) et les sections efficaces différentielles /d dσ Ω en combinant les avantages des sources continues (LLB et ILL) et de la source pulsée ISIS (Rutherford Appleton Laboratory) a mis en évidence que les protons formaient dans ce composé un sous-réseau aux propriétés dynamiques particulières (réseau super-rigide quantique).

L'étude théorique, calculs ab initio et/ou fonctionnelle de la densité (DFT) de l'absorption de molécules aza-aromatiques (pyridines et dérivés) sur les sites acides, de Levis ou de Brönsted, de surfaces d'alumine γ ou d'aluminosilicates (zéolithes) montre l'intérêt de l'éventail des approches du laboratoire pour une meilleure connaissance des solides, de leurs signatures vibrationnelles et de leurs propriétés.

Trois grandes avancées technologiques ouvrent de grandes perspectives à la

spectroscopie vibrationnelle des matériaux: - la miniaturisation des sources lasers, les filtres optiques de dernière génération et

l'élévation des puissances de calcul des ordinateurs permettent aux instruments d'aller vers l'échantillon pour des mesures sur site, par exemple dans un Musée, sur un bâtiment (La Sainte-Chapelle), en milieu industriel ou sur un grand équipement. La moindre qualité des spectres obtenus avec les instruments

10 L’incoporation d’un couple redox dans l’électrolyte accroit le rendement effectif de la conversion.

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portables doit être compensée par une meilleure exploitation des données et par une comparaison avec des mesures au laboratoire sur des matériaux de référence.

- comme la RMN s'est développée grâce à l'acquisition rapide d'un grand nombre de

données et à leur manipulation judicieuse, le traitement des données (méthodes algorithmiques, corrélations,…) et les imageries/cartographies vibrationnelles vont autoriser l'étude de systèmes complexes, avec une forte diminution du temps s'écoulant entre acquisition des données et visualisation des conclusions. Actuellement ce temps long en spectroscopie/imagerie vibrationnelle est un facteur limitant.

- l'amélioration des résolutions, soit par le biais des déconvolutions, soit par

combinaison des techniques SERS, AFM/STM et d'imagerie devrait autoriser l’étude d' « objets » de plus en plus petits.

2. Hyper Spectre (cartographie de spectres)

3. Modélisationdes spectres

Lois de comportementGrandeur spectrale Propriété physique

4. Images Directesdes grandeurs spectrales :Nombre d’ondes, formes

de raie, intensités

5. Images ÉvoluéesTaille des grains, Cristallinité,

Contraintes résiduelles, …

Forme des raies LO Taille des grains de SiCID/IG Taille des grains de carbone

νD Résistance à rupture

G

D2

D1

1343 - 45 1342 - 43 1340 - 42 1339 - 40 1337 - 39 1335 - 37 1334 - 35 1332 - 34

νD (cm-1)

νD (cm-1)

σRupture (GPa)

3.5 - 3.7 3.3 - 3.5 3.0 - 3.3 2.8 - 3.0 2.6 - 2.8 2.4 - 2.6 2.2 - 2.4 2.0 - 2.2

σMax (GPa)

« Hautes Résolutions »Objectifs à immersion

Déconvolution

Perspectives

1. Choix de la longueur d’onde

Fig. 1 : Principe des « smart images"

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1) Nanophases & Solides Hétérogènes

1.1. Nanophases & nanostructures Collaborations : National Chemistry Institute / Slovénie

ONERA, Chatillon CECM-CNRS, Thiais (maintenant ICMPE)

Université de Belgrade & Institut Vinca / Serbie PIIM, Marseilles & Euratom-CEA, St-Paul-lez-Durance

Lorsque les phonons rencontrent une hétérogénéité, leur propagation est perturbée

et, simultanément, le spectre de vibration. Ceci se produit pour certains types de désordre (lacunes, substitution par un atome beaucoup plus lourd,…) ou à la rencontre d'une surface ou d'une interface.

Pendant le précédent contrat nous avions focalisé notre travail sur la cérine (CeO2), en collaboration avec l’Université Missouri-Rolla, et abordé l’analyse de SiC dans le cadre de la thèse DGA/ONERA de M. Havel. La structure très isotrope de la cérine, un matériau étudié pour ses propriétés d'électrolyte solide à conduction O2-, et son spectre Raman constitué d’une seule bande faisaient de ce composé un véritable modèle. Nous avions pu relier l’évolution de la forme du signal à la teneur en lacunes d’oxygène et ainsi prédire les propriétés de conductivité dans le cadre du modèle du confinement de phonon (PCM, Fig. 2) initialement proposé par Richter et al. pour des semiconducteurs désordonnés. Le travail a été étendu à des cérines préparées par d'autres équipes.

La Figure 2 schématise les domaines de validité des différents modèles décrivant

les signatures Raman, depuis la modélisation moléculaire pour les très petites entités (< 1nm) jusqu'au comportement classique du cristal "infini". Notre Laboratoire couvre largement ce champ et le nouvel organigramme devrait conforter les synergies.

Fig. 2 : Représentation schématique des domaines de validité des modèles utilisables pour décrire la signature Raman d’un solide (d’après Gouadec & Colomban, J. Raman Spectr. 38 [6] 2007): en dessous de

~1nm, l'approche moléculaire, entre 1 et 10 nm, le modèle de la sphère élastique (ESM) et ses variantes, puis le modèle du confinement de phonons (PCM) et enfin au-delà de 100 nm (moins si la liaison est très

ionique) le comportement collectif classique.

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Le carbure de silicium est un composé que sa grande stabilité thermochimique, caractéristique découlant du caractère très covalent de la liaison SiC, a fait retenir dans de nombreuses applications pour la production d'énergie ou les usages thermomécaniques. Sa légèreté renforce son intérêt. C'est également un semiconducteur aux propriétés (opto)électroniques recherchées. L'unité structurale est une double couche Si-C où les liaisons sont en coordinence sp3, comme dans le diamant. Deux types d'empilements, cubique ou hexagonal, sont possibles et des combinaisons quasi-infinies de séquences d'empilement selon la direction (00l) donnent naissance à un polytypisme très riche. La recherche des meilleures propriétés mécaniques conduit à choisir le matériau ayant la plus forte densité de liaisons par unité de volume - donc bien cristallisé - mais le plus homogène possible - donc amorphe – : le compromis est un matériau constitué de nanograins (thèse DGA M. Havel). Pour obtenir cet état, les fibres de carbure de silicium pour applications aérospatiales (et dans certains cas aussi les matrices) sont préparées par céramisation de polymères précurseurs, liquides ou gazeux. Constituées de grains nanométriques le nombre des interfaces et donc la réactivité y sont plus élevés que dans une céramique "classique".

300 600 900 1200 1500 1800

1600°C 1hNaNO3 100h

436 1715

1582

1506

1380

1143

872

954

794

770

702569

507

1Nombre d’onde / cm-1

3C-SiC 6H-SiC

2,5 Å

[110]

a)

C axis→

[111]

[111]

4 nm

Amorphous SiC

Crystalline SiC

c)d)

1 nm 1 nm

C axis→

b)

c) d)

Fig. 3 : Signature Raman d’une fibre de carbure de silicium corrodée par un sel fondu (simulation de la

corrosion dans une turbine aéronautique) et clichés de microscopie électronique montrant le polytypisme de SiC (Collaboration L. Mazerolles, CECM, Thiais). La dimension Raman correspond en fait à la taille du

grain, monodomaine ou d’un domaine polytypique.

La figure 3 illustre la problématique en présentant le spectre Raman d'une fibre de SiC corrodée et des images en microscopie électronique en transmission. Les pics Raman fins (794 & 954 cm-1) sont la signature des modes (polaires) "d'élongation" de la liaison Si-C; le « pré-pic» (770 cm-1) est celui d'un polytype, c'est à dire d'une phase SiC de maille multiple (ici triple, la phase hexagonale 6H) dans l'espace direct. Cette multiplication entraîne le repliement correspondant de la zone de Brillouin dans l’espace réciproque et donc l’apparition de nouvelles raies en centre de zone, contribuant ainsi à la complexité du spectre Raman et des formes de ses raies. Si l'empilement est désordonné, tous les points de la courbe de dispersion sont projetés (densité d'état) et l'on obtient des raies Raman très asymétriques coté faible énergie. Leur modélisation par le PCM donne l’extension spatiale des polytypes. Un grain même nanométrique, peut être constitué de

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plusieurs domaines. Les modes acoustiques peuvent aussi être observés. Si le carbure de silicium reste amorphe, la signature est comparable à celle obtenue en absorption IR avec des bandes très larges. D'autres modélisations permettent de décrire les spectres des secondes phases carbonées (de l’ordre du % ou inférieur) donnant les composantes (intenses car pré-résonnantes) entre 1100 et 1800 cm-1.

La compréhension fine des signatures Raman des nanophases de SiC et de C permet ensuite d’analyser les transformations induites en présence de composés corrosifs ou bien lors de transformations induites par de forts niveaux de rayonnement comme dans Tore Suppra.

P. ROUBIN, C. MARTIN, C. ARNAS, C. LAFFON, P. PARENT, Ph. COLOMBAN, B. PEGOURIE, C. BROSSET Raman spectroscopy and X-ray diffraction studies of some deposited carbon layers in Tore Supra J. of Nuclear Materials 337-339 (2005) 990-994.

M. HAVEL, Ph. COLOMBAN Skin/bulk nanostructure and corrosion of SiC based fibres. A surface Rayleigh and Raman study J. Raman Spectrosc. 34 [10] (2003) 786-794.

M. HAVEL, D. BARON, Ph. COLOMBAN Smart Raman/Rayleigh Imaging of Nanosized SiC Materials Using the Spatial Correlation Model J. Mater. Sci. 39 [20] (2004) 6183-90.

Cette démarche est appliquée à différentes nanophases. En collaboration avec la Faculté des Mines et de Géologie de l'Université de Belgrade et l'Institut Vinca (Partenariat Pavle Savic) la structure locale de composés préparés par mécanosynthèse (nanophosphores Yb:Y2O3, ferrites Fe2.85Y0.15O4 , Fe2.55In0.45O4 ,...) est étudiée et corrélée aux propriétés optiques ou magnétiques. La figure 4 montre en exemple la très bonne corrélation entre les taux d'occupation calculés à partir des paramètres extraits du spectre Raman et ceux obtenus par les mesures de diffraction des rayons X. Ces travaux se poursuivent.

Fig. 4 : Corrélation entre les taux d'occupation mesurés par diffraction des RX et diffusion Raman pour trois ferrites nanométriques

(Fe2.85Y0.15O4 (S1), Fe2.55In0.45O4 (S2), et Fe3O4 + γ-Fe2O3 (S3)).

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Z. CVEJIC, S. RAKIC, A. KREMENOVIC, B. ANTIC, C. JOVALEKIC, Ph. COLOMBAN Nanosize ferrites obtained by ball milling. Crystal structure, cation distribution, size-strain analysis and Raman investigations. Solid State Science 8 [8] (2006) 908-915.

M. VUČINIĆ-VASIĆ, B. ANTIC, A. KREMENOVIĆ, A. S. NIKOLIC, M. STOILJKOVIC, N. BIBIC, V. SPASOJEVIC, Ph. COLOMBAN Zn,Ni ferrite/NiO nanocomposite powder obtained from acetylacetonato complexes Nanotechnology 17 (2006) 4877-4884. A. KREMENOVIC, J. BLANUSA, B. ANTIC, Ph. COLOMBAN, V. KAHLENBERG,, C. JOVALEKIC AND J. DUKIC Y2O3 :Yb nanoscale magnet obtained by HEBM: C3i/C2 site occupancies, size/strain analysis and crystal field levels of Yb3+ ions Nanotechnology, 18 (2007)

La même démarche a été conduite pour des spinelles dans le cadre de

collaborations informelles faisant suite à un contrat INTAS sur les manganites associant notre laboratoire à différentes équipes de Finlande, Russie, Kazakstan et Moldavie.

R LAIHO, K.G. LISUNOV, E. LÄHDERANTA, V.S. STAMOV, V.S. ZAKHVALINSKI , Ph. COLOMBAN, P.A. PETRENKO, Yu.P. STEPANOV Lattice distorsions, magnetoresistance and hopping conductivity in LaMnO3+� J. Phys. Condens. Matter. 17 (2005) 105-118. I.A. LEONIDOV, M.V. PATRAKEEV, J.A. BAHTEEVA, E.B. MITBERG, V.L. KOZHEVNIKOV, Ph. COLOMBAN, K.R. POEPPELMEIER High-temperature phase equilibria in the oxide systems SrFe1-xGaxO2.5 - SrFe1-xGaxO3 (x = 0, 0.1, 0.2) J. of Solid State Chemistry 179 [4] (2006) 1093-1099.

1.2. « Imageries » Raman & Rayleigh Collaborations : Thalès R & T, Palaiseau

ONERA, Chatillon Laboratoire Pierre Süe, CNRS-CEA, Saclay

Depuis que la sensibilité des spectromètres et que les possibilités de traitement des

hyperspectres par les microordinateurs (de bureau) se sont améliorées, la réalisation d’images/cartographies devient utile11. Excitée dans le visible, la diffusion Raman utilise l'optique classique. La résolution R = C x λ/NA où λ est la longueur d’onde et NA l’ouverture numérique est fixée par la limite de diffraction. La longueur d’onde du laser, sa puissance, sa qualité de détection et l'ouverture numérique conduisent à un optimum de l'ordre de 0,5 µm dans le violet. L’image étant une cartographie, le pas de la grille d’obtention (typiquement 0,1µm) des spectres joue aussi un rôle. Depuis une dizaine d’années, dans le sillage des méthodes AFM, des tentatives de mesures sont faites avec une illumination et/ou détection via une fibre optique métallisée amincie (50 à 500 nm). Des tentatives indirectes alliant le SERS et une grande ouverture numérique ont été testées. Dans tous ces cas, les résolutions démontrées sont en fait proches de 0,2 µm: le

11 La durée d'enregistrement, longue, d'un spectre de vibration, en particulier lorsque la résolution nécessaire à l'interprétation est élevée, reste un facteur limitant: typiquement de quelques minutes à plusieurs dizaines de minutes, voire plus par point-spectre soit plusieurs jours pour certaines images. A cela s'ajoute le temps d'exploitation de l'hyper-spectre.

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gain par rapport à une approche classique est faible, sans tenir compte des faibles luminosités qui limitent drastiquement l’éventail des composés analysables. Les méthodes "classiques" permettant d'imager des objets très divers restent donc sans vrai concurrence.

Outre l’amélioration de la résolution - une déconvolution de la forme du spot conduit à une amélioration notable -, les progrès à faire concernent la manipulation de milliers de spectres (hyperspectre), en particulier lorsque doivent être extraits des paramètres plus complexes que l’intensité/aire (ou un rapport), la largeur ou la position d’une bande, fonctions fournies par les logiciels commerciaux. Lorsque ces manipulations sont possibles des images de propriétés peuvent être obtenues.

M. HAVEL, D. BARON, Ph. COLOMBAN Smart Raman/Rayleigh Imaging of Nanosized SiC Material using the Spatial Correlation Model J. Mater. Sci. 39 [20] (2004) 6183-90. Cette démarche a été appliquée à plusieurs systèmes: - 1) des céramiques "texturées" piezoélectriques de composition (1-x)

[Pb(Mg1/3Nb2/3)O3] - x [PbTiO3], notées par la suite PMN xPT (Collaboration THALES Research & Technology France). Ce procédé de synthèse recherche une très forte orientation des grains pour approcher les propriétés du monocristal afin de réaliser les pièces de grandes dimensions requises pour les Sonars à un coût acceptable ce que ne peut offrir la solution monocristal. La très forte teneur en plomb du composé ne permet pas une imagerie fine des variations locales de composition par microscopie électronique, contrairement à ce que permet l'imagerie Raman (Fig. 5), après établissement des corrélations nécessaires entre paramètres spectraux et composition. Le caractère de relaxor de ce ferroélectrique est associé à des nanohétérogénéités de structure locale dont la compréhension fait l'objet des travaux de nombreuses équipes.

20 25 30 35

800

804

808

812

Wav

enum

ber

/ cm

-1

PMN1-x PTx solid solution / x %

Fig. 5 : Corrélation entre le nombre d'onde Raman d'un mode d'élongation Nb-O et la composition de la solution solide PMN-PT; la cartographie Raman (700x210 µm2) permet de suivre la croissance (en jaune)

des germes monocristallins (cubes de ~50x50x50µm3 de composition différente de celle de la matrice à grains nanométriques, en vert) puis l'homogénéisation progressive jusqu'à l' état final (cartographie

inférieure).

M. PHAM THI, G. MARCH, Ph. COLOMBAN Phase Diagram and Raman Imaging of Grain Growth Mechanism in Highly Textured Pb(Mg1/3Nb 1/3)O3-PbTiO3 Piezoelectric Ceramics J. Eur. Ceram. Soc. 25 [4] (2005) 3335-3346.

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- 2) des fibres céramiques SiC (Fig. 6), des fibres polymères, des céramiques anciennes, etc.

Mesure → MODELE → Prédiction

Fig. 6 : L’image à gauche, en microscopie électronique à balayage d’une fibre de SiC (diamètre ~12 microns), utilisée pour renforcer les composites montre un aspect homogène où seuls apparaissent les

grains de 0,5 µm. Au centre, l’image Raman, est obtenue par enregistrement selon une grille au pas de 1 micron de plusieurs centaines de spectres Raman sur la section de fibre; elle visualise, à partir de grandeurs extraites de chaque spectre en chaque point les hétérogénéités de composition et d'état

structural : ici le paramètre mesuré, le nombre d'onde du mode D de la seconde phase semi-graphitique, montre que la cuisson a été maximale en périphérie (céramisation par passage rapide dans un four de la

fibre polymère précurseur). En utilisant une corrélation établie sur des composés de référence on peut alors prédire la résistance à rupture des différentes régions de la fibre, maximale ici au cœur, sans avoir à la

casser!

Ph. COLOMBAN Raman analyses and “smart” imaging of nanophases and nanosized materials Spectroscopy Europe 15 [6] (2003) 8-15.

- 3) Couches de corrosion atmosphérique des métaux ferreux L’utilisation de l’imagerie hyperspectrale s’avère déterminante pour une meilleure compréhension de la corrosion. Les cartographies visualisent les différentes phases dans les couches corrodées. Comme la spectrométrie Raman identifie liaisons chimiques et structures, elle apporte des informations que les autres microscopies ne donnent pas, ou difficilement. Comme l’organisation de ces couches est intimement liée aux mécanismes, elle informe sur leurs processus de formation et leurs caractéristiques d’évolution. Le post-doc CNRS de Delphine Neff et des collaborations étroites12 ont été l’occasion d’exploiter les capacités de l’imagerie pour un premier corpus d’échantillons de renforts en alliages ferreux de 5 monuments couvrant la période XIII-XVIIIe siècles. Il a été montré que la couche corrodée est principalement constituée de goethite, que la lépidocrocite FeOOH est formée isolément dans la couche et qu’un oxy-hydroxyde de fer III hydraté (ferrihydrite ?) est présent dans les liserés plus clairs (Fig. 7). Les mécanismes de corrosion à l’air sont liés à la réactivité chimique ou électrochimique des phases de la couche qui varient lors des cycles humidification-séchage. La répartition des phases constatée est incompatible avec les mécanismes précédemment proposés par Stratmann (Ber. Bunsenges. Phys. Chem., 1990 [94] 626-639) et la présence significative de phases faiblement cristallisées, tels que l’oxy-hydroxyde de fer III hydraté, pourraient jouer un rôle clef dans les processus. A noter que, pour la caractérisation des phases peu cristallisées, le recours à des analyses micro-XANES (ligne ID21, ESRF Grenoble) sur poudres, de références et d'échantillons archéologiques s’est avéré déterminant pour l’interprétation structurale de certaines données Raman. Cette méthodologie est

12 Laboratoire Pierre Süe, UMR 9956 CNRS-CEA, Saclay., Laboratoire Métallurgies et Cultures, IRAMAT UMR5060, Saclay-Belfort., CECM, UPR 2801, Vitry, Laboratoire Analyse et Environnement (LAE), UMR 8587, Évry.

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actuellement poursuivie avec la thèse de Judith Monnier (2005-2008, LPS UMR 9956 et CECM UPR 2801). Projet

Il s’agit de développer des outils permettant le traitement des images hyperspectrales pour cartographier qualitativement les phases présentes puis obtenir la quantification des proportions de chacune d’entre elles. Grâce à la réalisation par Denis Baron (LADIR) d’applications Visual Basic personnalisées et conviviales, ou d'outils comme CorAtmos (cartographie quantitative) et CAT (cartographie quantitative) sont actuellement disponibles.

Fig. 7 : Micrographie d’une couche de corrosion d’un échantillon prélevé sur le chaînage de la cathédrale d’Amiens (1498) et cartographie Raman montrant les répartitions des différentes phases présentes. Exemple

présenté: 300s par spectre, puissance Laser sur l’échantillon 76 µW, 15x12 points, pas: 7x16µm. Les échelles de couleur sont indépendantes pour chaque phase.

D. NEFF, L. BELLOT-GURLET, P. DILLMANN, S. RÉGUER, L. LEGRAND Raman imaging of ancient rust scales on archaeological iron artefacts for long term atmospheric corrosion mechanisms study, Journal of Raman Spectroscopy [37] (2006) 1228-1237.

- 4) Optimiser la résolution et voir en 3D

Le spot laser formé par un objectif de microscope a une forme et une répartition d’énergie particulières et ceci joue un rôle important dans la formation d’images Raman ou Rayleigh (cette dernière méthode est beaucoup moins riche en information sur la matière mais est parfois un complément utile). En condition de (pré)résonance la pénétration en z, bien inférieure à la résolution latérale, la meilleure pour les objectifs de microscope, devient le facteur important : elle peut se réduire à 100 nm ou moins. Nous avons montré, pour des images Rayleigh mais cela est transposable à des images Raman, que la mesure de la répartition d’énergie lumineuse dans le spot et la déconvolution de ce profil permettaient d’améliorer la résolution (Fig. 8). La diffusion Rayleigh provient principalement de l'hétérogénéité du milieu, diélectrique et de densité (~ la topologie). Elle permet d'analyser les carbures de silicium contenant une seconde phase de carbone, comme les matrices de certains composites. Le travail a été dans cet exemple limité à une ligne, la décomposition se faisant spectre à spectre. La généralisation et l’automatisation de cette procédure devraient permettre d’approcher la résolution théorique (200 nm en violet).

50

100

150

200

150 200

50

100

150

200

150 200

50

100

150

200

150 200

Goethite Lépidocrocite Oxy-hydroxide hydraté

Akaganéite

50

100

150

200

150 200

50

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0 3 6 9

0 3 6 9

4 2 0 2 4

Déconvolution

Forme du spot

BN

SiCSiC

BN

< >1,5 µm

Distance (µm)

Fibre

SiC

15 µm

Fig. 8 : L'image Rayleigh ci-dessus, enregistrée au pas de 1µm, visualise le relief de la surface corrodée d'un composite constitué de fibres de carbure de silicium (SiC) dans une matrice formée par dépôts alternés

de carbone (C), nitrure de bore (BN) et SiC (en insert une image optique classique, carré = région visualisée en 3D). Ce type de matériau est mis au point pour être utilisé dans des moteurs d'avion "peu

polluants" ; les conditions de corrosion appliquées simulent celles rencontrées lors des vols. La profondeur du relief (plusieurs microns) rend difficile l'utilisation de techniques alternatives comme l'AFM ou la

microscopie électronique stéréoscopique. La déconvolution de la forme du spot améliore significativement la résolution.

M. HAVEL, Ph. COLOMBAN Smart Raman and Rayleigh Spectroscopy for the Analysis of Nanomaterials Microscopy and Analysis, 20 [3] (2006) 11-14 .

1.3. Verres & chromophores Collaborations : Virginia Institute / USA

CEMES-CNRS, Toulouse LC, CNRS, Grenoble Université de Prétoria / Afrique du Sud (NRF) Université de Belgrade & Musée National / Serbie Musée National de Céramique, Sèvres Manufacture Nationale, Sèvres Université de Bradford / GB LRMH, Champs-sur-Marne Monum', Paris & C2RMF, Paris Académie des Sciences & Technologie / Vietnam Musées du Vietnam CNR-Faenza / Italie SYNTEF, Norvège Université d'Edimbourg / GB Musée National d'Ecosse / GB

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Nanostructure

L'état vitreux fait l'objet de nombreuses études, tant par les physiciens que pour les géologues ou les chimistes. Cependant, bien que les compositions silicatées soient très variées, la plupart des travaux n'a porté que sur la silice pure (précurseur de fibre optique) ou sur quelques compositions particulières (verre à vitre, verres fluorés, laves …). Or, afin de pouvoir satisfaire aux contraintes de mise en œuvre (température, accord de dilatation émail/tesson, stabilité des pigments,…), les céramistes ont exploré une très grande variété de compositions. Ceci nous a amené à rechercher une description des spectres Raman de l'ensemble des compositions silicatées depuis le réseau entièrement polymérisé, covalent, de la silice (où tous les tétraèdres SiO4 partagent leurs ions oxygène) jusqu'aux verres très dépolymérisés par ajout de fondants ioniques (Na+, K+, Ca2+, Pb2+) utilisés comme émaux de céramiques anciennes, où la charge partielle des ions oxygène varie selon l'environnement local (Fig. 9). La généralisation du modèle des 5 types de tétraèdres Qn

13, initialement développé pour quelques compositions, permet de décrire l'ensemble des signatures spectrales. L'introduction du concept d'indice de polymérisation Raman à partir des intensités des massifs d'élongation et de déformation a apporté un nouvel outil, maintenant largement utilisé dans la littérature, aussi bien dans le domaine des études archéomètriques que dans celui de l'analyse de l'état amorphe.

Ph. COLOMBAN Polymerisation Degree and Raman Identification of Ancient Glasses used for Jewellery, Ceramics Enamels and Mosaics J. Non-Crystalline Solids 323 [1-3] (2003) 180-187.

Ph. COLOMBAN, O. PAULSEN Raman Determination of the Structure and Composition of Glazes J. Amer. Ceram. Soc. 88 [2] (2005) 390-395. Ph. COLOMBAN, A. TOURNIE, L. BELLOT-GURLET Raman Identification of glassy silicates used in ceramic, glass and jewellry : a tentative differentiation guide J. Raman Spectrosc. 37 [8] (2006) 841-852.

cation (fondant)

13 : tétraèdre isolés (Q0) ou connectés par 1 (Q1), 2 (Q2), 3 (Q3) et (Q4) 4 ponts Si-O-Si.

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200 400 600 800 1000 1200

7

Email Byzantin VI-XIes PbO

Nombre d'onde / cm-1

6

490

930

615 Vitrail K2O + CaO

Inte

nsité

Ram

an

51080950

9851045

465

Email Iznik XVIes PbO + Na2O)

4535

Email Seljukides

(XI-XIIIes) Na2O

3

2

Verre VIIIes Na2O + CaO

1

0

495 5401075

1030

1090580

490

Porcelaine moderne XXes K2O+CaO+Al2O3)

grès Vietnam XVes CaO

Famill

SiliceSiO2

1055790600

485435

920 960 1000 1040 1080 1120

0

1

2

3

4

5920 960 1000 1040 1080 1120

0

1

2

3

4

5

PbO+Na2O

Verre

K2O+CaO

Na2O

Na2O+K2O+CaO

Terre cuite Faïence

PbO

CaO

Porcelaine

ObsidienneSiO2-x(OH)x

K2O+CaO+Al2O3

K2O+CaO+Al2O3

CaO Na2O+K2O+CaO Na2O CaO+PbO CaO+K2O PbO

Indi

ce d

e po

lym

éris

atio

n A

500 /

A 10

00

νmax Si-O Elongation

Fig. 9 : Signatures Raman de silicates vitreux (ligne de base soustraite éliminant les contributions de la fluorescence et du pic boson, pour une meilleure comparaison) montrant l'évolution depuis la silice, réseau où tous les tétraèdres SiO4 sont polymérisés, jusqu'à une composition SiO2-PbO fortement dépolymérisée ; à

droite, diagramme de l'indice Raman de polymérisation en fonction du nombre d'onde du maximum du massif d'élongation Si-O pour différents fondants.

En haut, schéma structural d'un verre associant les 5 types de tétraèdre SiO4. Cette modélisation et le traitement chimiométrique des paramètres extraits des spectres Raman différencient les verres en fonction de leur nanostructure, fixée principalement par leur composition et secondairement par les conditions de mise en œuvre.

Les émaux étant la partie la plus sophistiquée des céramiques, notre description permet, en recourant à des outils chimiométriques plus ou moins complexes, de différencier les céramiques et verres selon leur lieu ou période de production. La mesure sur site autorise l’étude de pièces exceptionnelles, témoins des recherches de haute technologie des siècles passés et qui ne peuvent sortir des zones sécurisées ou d'éléments en place (vitraux).

Ph. COLOMBAN, V. MILANDE, H. LUCAS On-site Raman Analysis of Medici Porcelain J. Raman Spectrosc. 35 [1] (2004) 68-72.

Ph. COLOMBAN, V. MILANDE, L. LE BIHAN On-site Raman Analysis of Iznik pottery glazes and pigments J. Raman Spectrosc. 35 (2004) 527-535.

Ph. COLOMBAN, V. MILANDE On Site Analysis of the earliest known Meissen Porcelain and Stoneware J. Raman Spectrosc. 37 [5] (2006) 606-613. Ph. COLOMBAN, I. ROBERT, C. ROCHE, G. SAGON, V. MILANDE Identification des porcelains “tendres” du 18ème siècle par spectroscopie Raman: Saint-Cloud, Chantilly, Mennecy et Vincennes/Sèvres. Revue d’Archéométrie 28 (2004) 153-167.

La Figure 10 donne l'exemple de la différenciation entre émaux d'Iznik et de Kütahya à partir de deux paramètres "simples" : l'indice de polymérisation et le nombre d'onde du sommet du massif d'élongation Si-O. La discrimination est efficace. Nos critères d’attribution ne sont contredits que par l'émail rouge d'Iznik, localisé dans la zone

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"Kutahya", très riche en oxyde de plomb car posé lors d'une ultime cuisson à très basse température et par les émaux verts de Kütahya, localisés dans la zone Iznik, car plus réfractaires que les autres émaux de Küthaya du fait de l'emploi du chrome comme chromophore.

Fig. 10 : Utilisation de la corrélation Indice de polymérisation (A500/A1000) / nombre d'onde maximal du

mode Si-O d'élongation pour différentier les productions Ottomanes d'Iznik et de Kütahya (XVI-XVIIe s.). A droite, un exemple rare de céramique d'Iznik où l'opacification est obtenue à la fois par l'engobe typique

d’Iznik à base de grains de quartz concassés avec en plus un ajout de cassitérite dans l'émail (période Master of the Knock / Babba Nakkas, Coll. Musée National de Céramique, Sèvres).

Le recours à des méthodes statistiques (thèse d'Aurélie Tournié) comme l'analyse

en composantes principales ou la mesure des distances Euclidiennes dans l'hyper-espace des paramètres Raman (nombres d'onde des sommets des massifs d'élongation/déformation Si-O, nombres d'onde et aires des composantes, indices de polymérisation,..) est parfois nécessaire : une sélection des paramètres les plus pertinents permet d'alléger le nombre de données à manipuler. Par exemple, la figure 11 montre un dendrogramme construit à partir des diamètres d'agrégation pour discriminer parmi les différents morceaux de verre composant les vitraux (accessibles sans échafaudage !) de la Sainte-Chapelle (Paris) les éléments médiévaux originaux (potassiques) des restaurations (sodiques), du XIXe siècle, en utilisant seulement les nombres d'onde des composantes du massif d'élongation et du maximum du massif de déformation Si-O. Les éléments potassiques originaux mais fortement corrodés sur leur face externe - la Rose n'a pu être analysée que depuis l'extérieur - forment une famille à part et seule l'étude préalable de la corrosion des différents types de verre permet leur reconnaissance. Ce type de travail montre bien que seule l'approche « chimie du solide » a un sens dans l'étude des objets et matériaux du Patrimoine par spectroscopie Raman et que l'approche analytique seule est inefficace.

Ph. COLOMBAN, A. TOURNIE On-site Raman Identification and Dating of Ancient/Modern Stained Glasses at the Sainte-Chapelle, Paris. J. Cultural Heritage (2007) sous presse.

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Fig. 11 : Exemple de mesure sur site : l'analyse Raman avec un dispositif mobile des vitraux de la Sainte-Chapelle (Île-de-la-Cité, Paris) discrimine les parties médiévales originales des éléments restaurés au XIXe

siècle. Les mesures depuis l'intérieur sur les faces, propres, non-corrodées, permettent une conclusion de visu, confortée par une analyse chimiométrique des données: 3, verre médiéval potasso-calcique, 1, verre

de restauration sodo-calcique, 4 verre médiéval de type 3 mais fortement corrodé (mesure sur la face externe).

Pigments & chromophores

Les pigments furent – et restent - des produits de haute technologie : ils doivent conduire à la couleur désirée, après cuisson, selon une palette large et ne pas être dissouts, ou simplement dégradés, par le flux très agressif que constitue un émail en fusion. La taille des grains de pigment doit être suffisamment faible, micronique, ou mieux sub-micronique, pour ne pas donner une hétérogénéité de coloration décelable à l'œil. Leur analyse Raman nécessite l'étude préalable de la matrice sans son chromophore, car l'apparence d'un spectre (pré)résonant varie rapidement avec la teneur en chromophore: ainsi la Figure 12 montre les modifications du spectre Raman d’un pigment pink, un sphène dopé au chrome, depuis le sphène exempt de chrome, incolore, jusqu'aux composés plus ou moins colorés. L'intensité des modes de la liaison Sn-O (~750 cm-1) en interaction avec le dopant chrome varie fortement avec une faible variation de la teneur en chrome et la signature Raman du composé devient alors difficilement reconnaissable, bien que les nombres d’ondes soient pratiquement inchangés.

pink500 1000 1500 2000 2500

531.8nm / 1mW

d

c

b

a

243522451690

14901240

985

949

575

946

749

752

573

Inte

nsité

Ram

an

Nombre d'onde / cm-1

500 1000 1500 2000 2500 3000 3500

λ = 532nm

a)

δδ+2ν 6ν

3288

30005ν2740

24504ν2190

19043ν

1644

13551130

δ+ν2ν1096

808

583

ν548

285

260

Wavenumber / cm-1

lapis lazuli Fig. 12 : Exemples de spectres Raman résonnants: à gauche, pigment pink pour différents niveaux de dopage en chrome, depuis une matrice de sphène exempte de dopant (a) jusqu'à des taux croissants de

chrome, de quelques 0,1% (b) à quelques % (c & d). Noter l'apparition d'harmoniques et de combinaisons comme dans le lapis lazuli où résonne le chromophore S3

- (à droite).

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Le caractère résonnant se reconnaît à l'apparition d'harmoniques et de combinaisons caractéristiques, ce qui facilite la détection de certaines phases comme le lapis lazuli, une roche semi-précieuse riche en lazurite, un des rares minéraux bleus. Ce zéolithe naturel piége dans ses cavités des molécules ionisées de soufre. Nous avons ainsi montré que, contrairement à la vulgate des historiens, le lapis avait été largement utilisé comme pigment céramique parfois même simultanément avec du cobalt (productions iraniennes ou islamiques du XIII/XIVe siècle). Cet usage a été confirmé par d'autres équipes étudiant des émaux de céramiques mais aussi de verres émaillés de la même période. Nous avons aussi montré que ce minéral était utilisé pour azurer certains émaux blancs (premières porcelaines de Meissen, vers 1710).

X. FAUREL, A. VANDERPERRE, Ph . COLOMBAN Pink Pigment optimisation by resonance Raman Spectroscopy J. Raman Spectrosc. 34 [4] (2003) 290-294. Ph. COLOMBAN Lapis Lajuli as unexpected blue pigment in Lâjvardina ceramics J. Raman Spectrosc. 34 [6] (2003) 420-423.

Ph. COLOMBAN, V. MILANDE On Site Analysis of the earliest known Meissen Porcelain and Stoneware J. Raman Spectrosc. 37 [5] (2006) 606-613.

Dans le cadre d’une collaboration CNRS-NSF entre notre laboratoire et le Département de Physique de l’Université de Prétoria est menée une étude non-destructive des perles de traite du site de Mapungubwe, à la frontière entre l’Afrique du Sud et le Zimbawe. C’est le plus important site d’Afrique par le nombre et la variété de perles. Sa date d’abandon, l’âge du fer (nos XIII-XIVe siècles), en fait le plus ancien site « africain » où du verre ait été mis en forme: une refusion des petites perles importées pour créer de gros pendentifs. La région de Mapungubwe, productrice d’or était en relation aussi bien avec la Méditerranée qu’avec l’Inde et la Chine ce qui élargit les sources possibles de production des perles de verre. Chaque type fait l'objet d'une étude détaillée. L’origine de certaines familles de verres a pu être déterminée (bassin méditerranéen, production islamique et Inde). Un type très particulier, des perles noires, se distingue par son chromophore Fe-S.

L.C. PRINSLOO, Ph. COLOMBAN A Raman spectroscopic study of the Mapungubwe oblates – Glass trade beads excavated at an Iron Age Archaeological site in South Africa. J. Raman Spectroscopy (2007) sous presse.

Les polysulfures, chromophores des pigments outremer et du lapis lazuli Collaborations :

LASIR, Lille & Holliday Pigments International S.A., Comines Université Chouaib Doukkali, Maroc Pratt University, Brooklyn, USA

Les pigments outremers sont du "lapis lazuli artificiel" obtenu par incorporation de sulfures dans des zéolites synthétiques. Quand on enregistre les spectres des pigments outremer bleu avec des longueurs d'onde d'excitation allant du bleu-violet au rouge (Fig. 13), les deux bandes Raman à 551 cm-1 ( −

3S ) et 588 cm-1 ( −2S ) présentent une variation

d'intensité dû à l'effet de résonance. En effet, l'ion −2S présente un maximum de

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l'absorption électronique λmax vers 400 nm et −3S vers 600 nm. Un étude sur des pigments

bleu outremer ayant des proportions −3S / −

2S différentes ainsi que sur des pigments verts outremer ou de structure zéolithe, nous a permis d'attribuer la bande faible observée à 590 cm-1 avec une excitation à 647,1 nm au mode d'élongation antisymétrique ν3 de −

3S et non à la vibration de −

2S comme il était communément admis. Ce mode antisymétrique ν3 est attendu inactif en Raman de résonance et n'est donc pas observé sur les spectres Raman des solutions de polysulfures. Par contre, ce mode ν3 est observé quand l'ion −

3S est inséré dans les cages β des pigments outremer, probablement du fait d'un effet local de champ ou d'un abaissement de la symétrie dans les cages sodalites.

Fig. 13 : Spectres Raman obtenus avec une longueur d'excitation de 647,1 nm a- pigment vert de structure zéolithe ; b- pigment outremer vert ; c- pigment outremer bleu

Le spectre Raman d est celui du pigment outremer bleu enregistré avec une excitation à 457,9 nm. Les bandes de combinaisons et harmoniques confirment l'observation entre 580 et 590 cm-1 du mode

antisymétrique ν3 de S3- inséré dans une sodalite ou un zéolithe 4A.

B. LEDE, A. DEMORTIER, N. GOBELTZ-HAUTECŒUR, J.-P. LELIEUR, E. PICQUENARD, C. DUHAYON Observation of the ν3 Raman band of S3

- inserted in sodalite cages J. Raman Spectrosc. 38 (2007) sous presse.

Les systèmes lithium-soufre présentent des propriétés intéressantes. Seuls Li2S et Li2S2 peuvent être obtenus par réaction directe du soufre sur le lithium. Cependant, la synthèse des polysulfures de lithium est délicate car l'addition directe du soufre et du lithium est violente et explosive. Seul Li2S est stable, les polysulfures de degré plus élevé ne semblent être synthétisables que par réaction dans l'ammoniac liquide du fait de leur grande instabilité. L'étude des systèmes Li2S/S, à température variable, par spectrométrie Raman permet de confirmer la présence des polysulfures Li2S2, Li2S3 et Li2S4 dans la phase liquide vers 150°C. Les réactions Li2S + (n/8) S8 sont complexes et conduisent à des mélanges de polysulfures de lithium de degré supérieur ou égal à 2, probablement à cause d'équilibres de dismutation du type :

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2 22 3S S S− −+ 2 2

3 4S S S− −+ 2 2 22 32S S S− − −+ .

La stabilité de ces polysulfures est faible car aucun n'est formé à l'état solide, dès la fusion du soufre, comme pour α-Na2S4 dans les systèmes Na/S. Il en est de même pour les synthèses des polysulfures de lithium dans l'ammoniac liquide, les conditions d'évaporation de l'ammoniac en fin de réaction semblent conditionner la nature du produit attendu.

E. PICQUENARD, O. EL JAROUDI, A. DEMORTIER, J.-P. LELIEUR Etude des systèmes lithium-soufre par spectrométrie Raman Phys. Chem. News 21 (2005) 51-56

Encres d’impressions Collaboration : Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale

La technique d’impression de type jet d’encre est de très loin la plus utilisée dans le cadre des faux documents, des fraudes et des lettres anonymes. Il s’agissait de déterminer une technique analytique permettant de différencier les encres utilisées dans les différentes cartouches d’imprimantes des divers fabricants. La spectroscopie Raman est une méthode de choix particulièrement intéressante dans le domaine de la criminalistique car c’est une méthode non destructive et ceci rend possible une contre-expertise.

L’analyse par spectrométrie Raman et SERS des encres imprimées sur papier a permis de différencier certains pigments ou colorants caractéristiques d’un modèle d’imprimante. Les analyses ont porté sur les différentes encres jet d’encre courantes (noir, cyan, magenta, jaune) de diverses imprimantes (Canon, Epson, HP, Lexmark) et sur les supports papiers. L’identification des encres a été réalisée par analyse des spectres Raman. Pour les encres émettant une large fluorescence nous avons utilisé une technique d’amplification de surface en déposant sur l’encre des colloïdes d’argent induisant une amplification de la diffusion Raman. Une petite base de données a été constituée permettant la détermination de l’imprimante utilisée pour l’impression et, pour certains pigments le modèle de cartouche utilisé. Lustre céramique

Parmi les émaux céramiques, les lustres, une invention des Abbassides au IXe siècle en Mésopotamie, retiennent l'attention car ils constituent le premier dispositif nanooptique mis au point par l'homme. La couleur d'un lustre, visible pour une position angulaire précise de l'observateur vis à vis de l'objet et de la source de lumière résulte à la fois d'une diffraction et d'un filtrage. La Figure 14 montre un cliché en transmission électronique de la coupe d'un émail d’une céramique Fatimide lustrée, couleur d'or-rouge, formé de 3 couches constituées de nano-cristaux d'argent et de cuivre. On observe depuis la surface de l’émail, à gauche, une première couche d’émail d’environ 100 nm, exempte de précipités métalliques, puis trois couches contenant des particules de Cu° ou de Ag°, chaque couche étant formée – d'après notre reconstitution du procédé sur la base d'analyse de lustres de différentes périodes et origines - lors d'une recuisson "flash", d'où la présence de particules plus grosses en surface de chaque couche.

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Ces nanoparticules métalliques modifient drastiquement les spectres optiques et Raman comme le montrent les spectres obtenus sur un verre modèle contenant la même teneur en cuivre (0,25 % en masse) mais sous deux formes différentes : ions Cu2+ ou nanoprécipités Cu°. La formation des précipités métalliques y est contrôlée par action redox d'Europium (l'étain et le fer jouent ce rôle de réducteur dans les lustres anciens). En présence de nanoparticules métalliques, le spectre Raman ? pour des conditions d'excitation proches de l'énergie d'absorption de la nanoparticule (plasmon) ? sonde le proche environnement du chromophore : on voit alors que le réseau de tétraèdres y est beaucoup plus dépolymérisé que dans le reste de la matrice vitreuse.

nm 500 1000

0.25 wt% Cu

532 nmCu0

Cu2+

532 nm

720

575

492

1015

1080625

565

wavenumber / cm-1

Fig. 14 : Lustre Fatimide (XII-XIIIe s.) en position de reflet. Au centre, cliché en microscopie électronique en transmission de la couche d'émail lustré avec les nanoprécipités d'argent Ag° et de cuivre Cu° à l'origine de la coloration du lustre par diffraction/filtrage. La courbe visualise la densité métallique (Collaboration

CEMES-CNRS, Toulouse). Comparaison des signatures Raman pour un même verre modèle contenant 0,25 % en masse de cuivre sous forme d'ions Cu 2+ dissous ou sous forme de nano-précipités de Cu°

(Collaboration Virginia Institute, Lexington).

Ph. COLOMBAN, H. SCHREIBER Raman Signature Modification Induced by Copper Nanoparticles in Silicate Glass J. Raman Spectroscopy 36 [9] (2005) 884-890. Ph. COLOMBAN, G. SAGON, L.Q. HUY, N.Q. LIEM, L. MAZEROLLES, Vietnamese (15th century) blue-and-white, tam thai and “luster” porcelains/stoneware : glaze composition and decoration techniques. Archaeometry 46 [1] (2004) 125-136.

Cl. MIRGUET, P. FREDERICKX, Ph. SCIAU, Ph. COLOMBAN, Origin of the Self-Organization of Cu0/Ag0 Nanoparticles in Ancient Lustre Pottery. A TEM study. Phase Transitions (2007) sous presse.

Corrosion du verre La compréhension des mécanismes de dégradation des objets du patrimoine est un point critique dans l’établissement de recommandations pour une conservation optimale. La dégradation des vitraux sous l’action de la pluie et des polluants reçoit une attention importante depuis de nombreuses années. Les spectroscopies Raman et IR ont en fait été peu employées, la première méthode du fait d’un manque de compréhension des signatures et la seconde du fait de la nécessité de polir en très faible épaisseur les échantillons et d'utiliser toute la palette des techniques requises pour des attributions "fiables" (dilution isotopique H/D, échanges ioniques, traitements chimiques et thermiques). En collaboration avec le Laboratoire de Recherche des Monuments

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Historiques qui nous a fourni un corpus d’échantillons de provenance et date considérées comme fiables nous avons analysé les modifications provoquées par échange ionique K+ ou Na+ /H3O+, première étape de la lixiviation. La seconde étape, l’hydrolyse en milieu basique est en cours d’étude (Thèse A. Tournié).

Ph. COLOMBAN, M.-P. ETCHEVERRY, M. ASQUIER, M. BOUNICHOU, A. TOURNIE Raman Identification of Ancient Stained Glasses and their Degree of Deterioration J. Raman Spectrosc. 37 [5] (2006) 614-626.

Il a été montré que l’échange ionique induisait des microfractures accélérant le processus d’échange, le phénomène étant tout à fait comparable à celui observé lors de la corrosion de matrices vitreuses de composites pour applications aéronautiques.

Ph. COLOMBAN, G. GOUADEC The ideal ceramic fiber / oxide matrix composite: How to conciliate antagonist physical and chemical requirements? Annales de Chimie – Sciences des Matériaux, 30 [6](2005) 673-688.

Si la dégradation des verres de vitraux, soumis pendant des siècles à l'action de la pluie, des variations thermiques, des polluants, est somme toute attendue, il peut arriver qu'en des temps beaucoup plus courts, des objets de verre, "à l'abri" se détériorent. C'est ce qui est observé pour des collections de verres britanniques et islamiques datant des XIXe et XXe siècles conservés dans des armoires en chêne de musées d'Ecosse. Ce bois relargue des composés comme de l'acide acétique, de l'acide formique ou encore du formaldéhyde. L'étude a été menée dans le cadre d’une thèse en co-tutelle (L. Robinet) entre le Centre pour la Science et l’Ingénierie des Matériaux d’Edimbourg (CMSE) et le Laboratoire. En utilisant conjointement la microspectrométrie Raman et la spectroscopie de masse d’ions secondaires (SIMS) la variation de la teneur en sodium dans la région près de la surface et les variations des spectres Raman d'objets dégradés et de verres reconstitués, de composition similaire ont été corrélées. L’accélération de la décomposition des objets en verre anciens des musées écossais est attribuée à la combinaison de trois facteurs : la composition très corrodable de ces verres, les variations cycliques d’humidité de l’air ambiant et les pollutions générées par les vitrines en bois.

L. ROBINET, C. COUPRY, K. EREMIN, C. HALL Raman investigation of the structural changes during alteration of historic glasses by organic pollutants J. Raman Spectroscopy 37 [11] (2006) 1278-1286. L. ROBINET, C. COUPRY, K. EREMIN, C. HALL The use of Raman spectrometry to predict the stability of historic glasses J. Raman Spectroscopy 37 [7] (2006) 789-797.

L’obsidienne : un marqueur des réseaux d’échange Collaborations :

CRP2A-IRAMAT UMR 5060, Bordeaux. ESEP UMR 6636, Aix-en-Provence. GdR 2114 ChimArt2. C2RMF UMR 171, Paris. UTAH UMR 5608, Toulouse. C2A UMR 6566, Rennes. École Française d'Athènes.

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Institut de Préhistoire, Université de Neuchâtel-Laténium, Suisse.

L’obsidienne est un verre naturel d’origine volcanique. Elle compte parmi les matières premières les plus prisées de l’industrie lithique préhistorique. Utilisée depuis plus de 1,5 millions d’années elle s’est trouvée impliquée dans les réseaux de circulation et d’échanges qui se sont développés à partir de l’Epipaléolithique et, très rapidement, l’obsidienne s’est retrouvée dans des gisements archéologiques éloignés de plusieurs centaines de kilomètres de ses “mines”, de rares gîtes volcaniques.

Les méthodologies doivent, d’un coté s’adapter pour chercher à répondre de la façon la plus pertinente possible aux problèmes posés, d’un autre coté s’orienter vers des analyses rapides et/ou non-destructives (collaboration CRP2A-IRAMAT UMR5060). Dans le cadre de l’approche “classique” par caractérisation géochimique nous avons réalisé des comparaisons entre des analyses sur prélèvement (10-200 mg par ICP-AES/-MS) et non-destructives (par PIXE, accélérateur AGLAE). Ceci répond à une demande de l’archéologie préhistorique : la “communicabilité” entre banques de données obtenues par différentes méthodes. Les concordances obtenues sur les éléments mesurés par les deux approches montrent que dans les contextes où les éléments mesurés discriminent les sources, l’une et/ou l’autre méthode peu(ven)t être utilisée(s).

En raison de limitations de l’approche géochimique “classique” et pour la recherche de stratégies analytiques complémentaires et/ou alternatives nous avons exploré la pertinence de la caractérisation structurale des verres naturels par micro-spectroscopie Raman. Les modèles Qn de décomposition des massifs d’élongation des tétraèdres de silice sont utilisés ici comme marqueurs des compositions/conditions de formation. Une première approche sur les sources d’obsidienne de Méditerranée occidentale a montré que les signatures structurales obtenues étaient cohérentes au sein d’une source et spécifiques de chacune d’entre elles (Fig. 15). La spectrométrie Raman pourrait donc s’affirmer comme une alternative ou une méthode complémentaire dans les stratégies analytiques d’études de provenance d’obsidiennes archéologiques, méthode particulièrement attractive par sa facilité de mise en oeuvre et son caractère non-destructif.

Fig. 15 : Exploitation des spectres Raman obtenus pour les obsidiennes géologiques de Méditerranée

occidentale. Décompositions des massifs d’élongations selon le modèle des tétraèdres Qn et discrimination des différentes îles à l’aide des paramètres extraits.

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L BELLOT-GURLET, F.-X. LE BOURDONNEC, G. POUPEAU, S. DUBERNET Raman micro-spectroscopy of Western Mediterranean obsidian glass: one step toward provenance studies ? Journal of Raman Spectroscopy 35 (2004) 671-677. L. BELLOT-GURLE, G. POUPEAU, J. SALOMON, Th. CALLIGARO, B. MOIGNARD, J.-A. BARRAT, L. PICHON Obsidian provenance studies in archaeology: a comparison between PIXE and ICP Nuclear Instruments and Methods in Physics Research B 240 (2005) 583-588.

“Méditerranée occidentale” : Dès le Mésolithique et durant tout le Néolithique,

l’obsidienne a accompagné l’homme dans une grande partie de la Méditerranée centrale et occidentale, bien que les sources de cette matière première soient limitées à quatre îles : Sardaigne, Palmarola, Lipari, en Mer Thyrrénienne et Pantelleria, entre Sicile et Tunisie. L’obsidienne sarde domine très largement dans la partie septentrionale de ce bassin.

Afin de contribuer à une meilleure connaissance de l’appropriation de territoires insulaires, et de l’instauration d’échanges à l’échelle régionale de cette ressource naturelle (collaborations CRP2A-IRAMAT UMR 5060 et ESEP UMR 6636), des analyses élémentaires non destructives par PIXE (faisceau extrait d’AGLAE, collaboration C2RMF UMR 171) d’artefacts de sites du Néolithique anciens à moyen en France méridionale et en Corse ont été réalisées. Ceci a notamment permis de mettre en évidence la lointaine diffusion d’une obsidienne de Lipari (site de Saint-Michel-du-Touch, Toulouse, collaboration UTAH UMR 5608) et de déterminer les provenances de collections (bien) datées, en France et en Corse, et ainsi contribuer à la redéfinition des modèles de circulation du Néolithique.

C. BRESSY, L. BELLOT-GURLET, A. D’ANNA, D. PELLETIER, P. TRAMONI Provenance et gestion des matières premières lithiques du site néolithique ancien cardial de Renaghju (Sartène, Corse-du-Sud), “Les matières premières lithiques en préhistoire”, Préhistoire du Sud-Ouest [supplément N°5] (2003) 71-79.

“Andes”: Dans la chaîne andine, les volcans produisant de l’obsidienne “exploitable” par les préhistoriques sont relativement rares. Cependant, dès l’arrivée massive de l’homme, vers 10.000 av. J.C., l’obsidienne est utilisée et, dès sa sédentarisation, “circule” beaucoup. Comme première étape d'une étude sur la diffusion de l’obsidienne en Colombie et en Equateur, une révision de la caractérisation géochimique des sources a été proposée, montrant que les sources régionales de ce verre volcanique étaient liées à deux mégastructures (caldeiras) volcaniques. D’autre part une étude a été ciblée sur les pièces en obsidiennes issues des niveaux les plus anciens du site de La Maná-Quevedo (Équateur), en collaboration étroite avec l’Institut de Préhistoire de l’Université de Neuchâtel-Laténium (Suisse) qui héberge la plus importante collection analysée d’obsidienne de la période Valdivia, ce qui demontre que dès 2300 av. J.C. les relations inter-régionales côte/sierra étaient importantes.

L. BELLOT-GURLET, O. DORIGHEL, G. POUPEAU Obsidian provenance studies in Colombia and Ecuador : obsidian sources revisited Journal of Archaeological Science 34 (2007) sous-presse.

“Mer Egée”: Le domaine égéen est un des secteurs importants de la diffusion de l'obsidienne sur le bassin méditerranéen entre l'Anatolie et la Méditerranée occidentale. Des sources d'obsidiennes y sont connues sur les îles de Mélos et Yali. Les fouilles réalisées par l’École Française d’Athènes sur le palais de Malia (Crète) ont mis au jour d’importantes collections d’obsidiennes (collaboration C2A UMR 6566 et École

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Française d'Athènes). Une première sélection de 31 pièces, essentiellement datées de la période des premiers palais, correspondant au Minoen Moyen I et II (2000-1700 av. J.-C.), a été analysée par PIXE. Les résultats ont montré le recours aux îles égéennes de Melos et Giali, mais aussi des provenances plus lointaines et originales depuis la Cappadoce avec les sources du Göllü Dağ et du Nenezi Dağ. Il s’agirait de la première présence avérée d’une obsidienne du Nenezi Dağ, en Crète et plus généralement en Grèce. Ces matériaux cappadociens semblent avoir été utilisés pour des produits particuliers (débitages laminaires). De nouvelles analyses ciblées sur une sélection de certains objets et les aspects du matériau doivent maintenant préciser si la chaîne opératoire de ces matériaux est spécifique.

1.4. Corrosion des métaux ferreux : analogues, mécanismes et prévision de l’altération

Collaborations : Laboratoire Pierre Süe, CNRS-CEA, Saclay. IRAMAT UMR 5060, Saclay-Belfort. LRMH, Champs sur Marne.

LAE, CNRS-université d’Évry, Évry. LECA, CEA, Saclay. LECBA, CEA, Saclay. CECM, UPR 2801, Vitry.

L’étude de la corrosion à très long terme des alliages ferreux à partir de l’analyse de couches de rouille formées sur des objets archéologiques poursuit un double objectif : i) mettre en place des modèles de prévision à très long terme de la corrosion des aciers doux indispensable dans le cadre de l’entreposage des déchets radioactifs, ii) développer des outils de diagnostic fiables de l’état de dégradation des éléments métalliques du patrimoine culturel en vue d’améliorer les procédés de conservation et de restauration. Les travaux tentent de comprendre les mécanismes de corrosion par l’étude d’objets archéologiques, utilisés comme analogues de la corrosion susceptible d'atteindre les conteneurs de déchets à très longues périodes radioactives. Les durées mises en jeu étant de plusieurs centaines d’années, les expériences en laboratoire ne permettent pas d’obtenir en vieillissement accéléré des couches représentatives ayant les épaisseurs de plusieurs centaines de micromètres offrant l'ensemble des phases en quantités significatives et analysables. Ainsi, seuls les objets archéologiques peuvent fournir les données physico-chimiques nécessaires à la validation des modèles d’altération.

Corrosion atmosphérique : L’objectif principal14 est de proposer aux professionnels du patrimoine une méthode de diagnostic et de prédiction phénoménologique de la dégradation des matériaux ferreux conservés dans des conditions environnementales non contrôlées. Une telle méthode permettrait d’estimer de manière plus fiable les risques encourus par ces matériaux, de définir une politique cohérente

14 Étude en partie financée par un Programme National de Recherche sur la Connaissance et la Conservation des Matériaux du Patrimoine Culturel du Ministère de la Culture et de la Communication, 2003-2005 (Mise en place d’une méthode de diagnostic pour la prévision de la corrosion atmosphérique des objets ferreux du patrimoine).

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d’entretien et de rechercher pour les traitements de conservation/restauration le meilleur compromis entre efficacité et coût. La combinaison des différentes techniques d’analyse et en particulier de l’imagerie Raman (voir partie 1.2) identifie la nature et la localisation des phases de la couche de corrosion. Ceci nous a conduit à écarter le rapport lépidocrocite/goethite, inefficace pour déterminer la réactivité des couches de rouille, et à questionner les mécanismes antérieurement proposés pour l’altération. Il s’agit maintenant de déterminer les réactivités de chacune des phases (thèse Judith Monnier en collaboration avec le LAE UMR 8587), et leur dépendance vis à vis de l’organisation cristalline de la couche de corrosion (taille des grains, substituant du fer, polluants exogènes …).

Corrosion dans les liants hydrauliques (bétons armés) : La corrosion des armatures est la principale source de dégradation des ouvrages en béton armé. Généralement liée à une carbonatation du béton, elle génère, du fait de l’expansion liée à la transformation du métal en oxydes, une fissuration du béton, puis des épaufrures. Dans le cas des bâtiments, au-delà de l’aspect inesthétique, lorsque les pertes de section des aciers sont trop importantes, les performances mécaniques de la structure peuvent en être altérées.

Sur quelques bâtiments de référence15 d'âges variés (“La grande soufflerie” ONERA, Meudon, 50 ans ; la “Maison du Brésil”, Cité Universitaire, Paris, 30 ans ; la “Bourse du Travail”, Bordeaux, 80 ans) sont associés des mesures électrochimiques in-situ (classiquement utilisées en diagnostic, collaboration LRMH) et des prélèvements pour la caractérisation physico-chimique du système fer/produits de corrosion/béton. Essentiellement basés sur les caractérisations par spectroscopie Raman seulement trois types de faciès de corrosion ont été reconnus sur l’ensemble des échantillons. Ces premières constatations ne permettent pas de faire des corrélations évidentes entre le faciès et l’état de carbonatation du béton (imposant le pH et un milieu passivant ou actif) et les mesures électrochimiques in situ. Par contre l’état de la microstructure du béton autour des armatures est souvent en relation avec les types de faciès de corrosion constatés. Phases chlorées et corrosion active des objets archéologiques ferreux extraits du sol

Lorsque les objets archéologiques ferreux sont extraits de leur milieu d’enfouissement, des phénomènes de corrosion accélérée, conduisant à la dégradation rapide de nombreux vestiges du patrimoine archéologique, sont fréquemment observés. Ces phénomènes sont imputés aux phases chlorées qui peuvent réagir chimiquement du fait de l’accroissement de la pression partielle d’oxygène et libérer leurs anions Cl- provoquant ainsi une augmentation des cinétiques de corrosion.

Pour résoudre ce problème, les objets ferreux issus de fouilles archéologiques sont placés dans des bains chimiques alcalins afin d’en extraire le chlore. Si les traitements actuels de conservation-restauration des objets métalliques du patrimoine ralentissent les processus de corrosion, ils s'avèrent inefficaces dans certains cas. Les limites des traitements sont en grande partie attribués à une méconnaissance des mécanismes mettant en jeu le chlore. Avec le concours de D. Neff, post-doc CNRS, la thèse de Solenn Réguer 15 Étude en partie financée par un Programme National de Recherche sur la Connaissance et la Conservation des Matériaux du Patrimoine Culturel du Ministère de la Culture et de la Communication, 2005-2007 (Diagnostic et prévision de la dégradation des Monuments Historiques sous l'effet de la corrosion des renforts métalliques).

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(2003-2005, collaboration LPS UMR 9956), associant la spectroscopie Raman, la diffraction et l'absorption des rayons X sous rayonnement synchrotron a localisé et caractérisé deux phases cristallines importantes: l'oxyhydroxyde akaganéite beta-FeOOH, un composé classique des produits de corrosion d'objets exposés à un environnement chloré et une phase plus fortement chlorée, l'hydroxychlorure beta-Fe2(OH)3Cl (Fig. 16). Ce résultat est important car cette phase a rarement été décelée alors qu'elle est présente en proportion significative. Ceci a permis de proposer un mécanisme de formation de ces phases en fonction des conditions du milieu d'enfouissement à prendre en considération pour une amélioration des méthodes de traitement des objets métalliques.

D. NEFF, S. RÉGUER, L. BELLOT-GURLET, P. DILLMANN, R. BERTHOLON Structural characterisation of corrosion products on archaeological iron. An integrated analytical approach to establish corrosion forms Journal of Raman Spectroscopy 35 (2004) 739-745. D. NEFF, P. DILLMANN, L. BELLOT-GURLET, G. BÉRANGER Corrosion of iron archaeological artefacts in soil: characterisation of the corrosion system Corrosion Science 47 (2005) 515-535.

Fig. 16 : Mise en évidence des différents oxydes de fer chlorés. En haut, spectres de micro-XRD

(λ=0,08857nm, zone d’analyse 20 x 20 µm2, D15 LURE) et microRaman (diamètre d’analyse ~2 µm, λ=532 nm, puissance Laser 0,4 mW). En bas, spectres µXANES (seuil K du fer 7,112 keV, ID21 ESRF Grenoble) montrant la corrélation entre l’évolution de la concentration en chlore (fluorescence X) et la

distribution des états d’oxydation Fe2+ et Fe3+. S. RÉGUER, D. NEFF, L. BELLOT-GURLET, P. DILLMANN Deterioration of iron archaeological artefacts: micro-Raman investigation on Cl-containing corrosion products Journal of Raman Spectroscopy 38 (2007) 389-397.

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1.5. Nano et micro-mécanique Rupture et fatigue en traction de fibres polymères, synthétiques ou naturelles Collaborations : Ecole des Mines de Paris, Evry Unité Nationale Séricicole, INRA, La Mullatière

Les fibres sont des matériaux sophistiqués, aux propriétés exceptionnelles. D'origine naturelle, animales ou végétales, elles sont utilisées depuis des millénaires. Les fibres synthètiques ne datent que de la seconde moitié du XXe siècle. Malgré leur faible dimension (diamètres de 10 à 100 µm) les fibres ont une structure complexe architecturée sur plusieurs niveaux, de l'organisation des liaisons chimiques à une texture cœur-peau, voire une structure de câble ou même de composite pour certaines fibres naturelles. Comme tout matériau à hautes propriétés mécaniques, elles sont constituées de liaisons très covalentes et sont de bonnes sondes pour l'analyse vibrationnelle. La Figure 17 illustre l'éventail des comportements mécaniques de fibres, depuis celui parfaitement rigide de la fibre de PBO (ZylonMD, paraphénylènebenzonitrozyle) du fait de sa chaîne constituée de cycles jusqu'au comportement quasi purement visco-élastique du poly-propylène iso-tactique (i-PP) à la chaîne simple de carbone en passant par les comportements plus complexes, de type composite, des fibres de poly(éthylènetérephthalate) (PET) et de polyamide (PA-66, comme le "Nylon"), ou de certaines fibres naturelles comme un cheveu (type Caucasien blanc), ou une fibre de soie.

Si la plupart des fibres synthétiques furent conçues à une époque où n'existaient pas d'outils permettant une étude fine de leurs propriétés micromécaniques, leurs performances furent continûment améliorées par optimisation empirique de leur procédés. La compréhension de phénomènes aussi importants que la fatigue ou la rupture restait cependant faible et les modèles fortement débattus. La combinaison d'une analyse nano-mécanique à l'échelle des liaisons chimiques par diffusion Raman (et accessoirement par microscopie IR) et micro-mécanique à l'échelle de la fibre elle-même grâce à un dispositif spécialement développé par le groupe de A. Bunsell à l'Ecole des Mines de Paris couplé au spectromètre (Fig. 17) nous permet une étude des fibres "au travail" jusqu'à leur rupture (Thèse A. Marcellan). L’étude post mortem informe sur les transformations induites. La résolution micronique de la microspectrométrie Raman autorise une analyse des comportements spécifiques du cœur, de la peau, des défauts… (Thèse J.M. Herrera Ramirez). L'allongement à la rupture des liaisons chimiques dépasse rarement quelques % et donc les perturbations du potentiel chimique16 et des paramètres vibrationnels associés sont faibles (0.5 à 2%) ce qui, compte tenu du faible diamètre des objets, nécessite une méthodologie appropriée et de très bonnes résolutions, spectrale et optique; ceci explique la quasi-absence de tels travaux en dehors de ceux de notre équipe.

16 De par l'anharmonicité du potentiel chimique, les modes de vibrations sont modifiés par

l'application d'une contrainte et la mesure du déplacement en nombre d'onde donne une mesure des déformations/contraintes.

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0 10 20 30 40 500

500

1000

1500

Hair

Silk

PBO

PET PA-66

i-PP

Stre

ss /

MP

a

Strain / %

1.0 1.50

1

2

3

i-PP

PA-66 PET

PBO

Stre

ss /

GP

a

density

Fig. 17 : Comparaison des courbes contrainte/allongement de fibres synthétiques représentatives des différents comportements (PBO, PET, PA66, i-PP, voir texte) et naturelles (cheveux et soie sauvage non

décreusée d'araignée); le diagramme en insert montre la corrélation entre la contrainte à la rupture et la densité volumique de liaisons chimiques. A droite détail de l'analyse micro-Raman d'une fibre soumise à

une tension contrôlée (Collaboration avec le Centre des Matériaux de L'Ecole des Mines de Paris).

Le second grand type de sollicitation mécanique est la compression. Les travaux sur ce point sont inexistants du fait des grandes difficultés expérimentales pour solliciter proprement une fibre en compression. Aussi nous avons choisi de commencer par des mesures en compression hydrostatique à l'aide d'une cellule à enclumes de diamant, aucunes données n'existant pour les fibres. Outre la possibilité d'analyser de façon topologique le comportement nano-mécanique de la matière (Fig. 21), l'intérêt unique de la spectroscopie vibrationelle est de pouvoir analyser séparément la matière cristallisée et la matière amorphe d’un même composé, en particulier leurs transformations structurales résultant des efforts de traction (ou de compression), en fatigue ou à la rupture. Les modes de basse énergie, modes collectifs des chaînes, informent sur la structure à moyenne et longue distance. A ce jour, hors de notre équipe, peu d'attention a été portée à ces modes et aux changements structuraux des polymères avec une telle approche de chimie du solide (on voit avec les travaux sur les prions tout l'intérêt de cette approche et la justification de ne plus séparer spectroscopie des matériaux et du vivant !). L'exemple de la Figure 18 montre la transformation d'un précurseur de PET (une "grosse" fibre au diamètre ~ 100 µm prélevée à la sortie de la filière d'extrusion, avant la succession d’étapes complexes d'étirements et de traitements thermiques qui conduisent à la fibre commerciale, de section 4 fois plus faible). La comparaison des spectres Raman pour les polarisations parallèle et perpendiculaire montre que le process induit une très forte orientation des chaînes macromoléculaires dans l'axe de la fibre puis une cristallisation (apparition de pics Lorentziens), jusqu'à un état de cristal uniaxe, afin de maximiser la tenue mécanique de la fibre. Dans une fibre "semi-cristalline" l'analyse différenciée des composantes Lorentziennes des chaînes "cristallines" et des composantes de la matrice amorphe, décrites par des Gaussiennes dans une première approche, offre la possibilité unique d'analyser séparément les comportements des "régions" cristallines et amorphes17 du polymère. En outre, pour les composés où existent des liaisons hydrogènes, les modes X-H, en particulier en configuration de dilution isotopique, constituent une seconde sonde très précise de la modification de l'environnement du vibrateur X-H (Fig. 18).

17 Le désordre d'orientation étant le moins coûteux en énergie, le passage entre "région" cristalline" et région/matrice amorphe est continu (modèle du para-cristal) et il est impropre de parler de domaines et d'identifier la longueur de corrélation à une taille de domaine. Aussi nous préférons les qualificatifs de "parties" voire de "régions".

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0 400 800

Ram

an In

tens

ity

fibre

hand stretch precursor

precursor

PET

//

//

//

Wavenumber / cm-1 0 100 200 300

Rayleigh

αC

αC2

C1

PA 66

PET

ywavenumber / cm-1

H2O

PA66

2500 3000 3500

C-H N-H

amCr

H2O

N-H

N-D

IR a

bsor

ptio

n

wavenumber / cm-1

Fig. 18 : Comparaison des modes collectifs de basse énergie des chaînes macromoléculaires montrant le

passage d'un matériau isotrope amorphe (précurseur de PET) à une fibre encore amorphe mais où les chaînes sont majoritairement orientées axialement (précurseur étiré) et à une fibre optimisée, à fort taux de

cristallinité et orientation élevée; au centre décomposition faisant apparaître les composantes Lorentziennes des "parties" cristallines et les composantes Gaussiennes de la matrice amorphe. A droite la comparaison des spectres IR de fibres PA66 respectivement hydrogénée et deutérée montre l'intérêt de la dilution isotopique de H pour une analyse fine des changements structuraux locaux et la différenciation

entre "régions" amorphe et cristalline.

A. MARCELLAN, A.R. BUNSELL, R. PIQUES, Ph. COLOMBAN Micro-Mechanisms, Mechanical Behaviour and Probabilistic fracture analysis of PA 66 fibres J. Materials Science 38 (2003) 2117-2123. J.M. HERRERA-RAMIREZ, Ph. COLOMBAN, A. BUNSELL MicroRaman Study of the Fatigue Fracture and Tensile Behaviour of Polyamide (PA66) Fibres J. Raman Spectrosc. 35 [12] (2004) 1063-1072.

Ph. COLOMBAN, J.M. HERRERA RAMIREZ, R. PAQUIN, A. MARCELLAN, A. BUNSELL Micro-Raman Study of the Fatigue and Fracture Behaviour of single PA66 Fibres. Comparison with single PET and PP fibres. Engineering Fracture Mechanisms 73 [16] (2006) 2463-2475.

La comparaison des comportements des "régions" cristallines et de la "matrice amorphe" en traction contrôlée informe sur la nanostructure (Fig. 19). Ainsi dans le cas du PET, on observe un comportement caractéristique d'un polymère où la phase cristalline est dispersée dans une matrice amorphe : jusqu'à ~4% la matrice amorphe se déforme, comprimant légèrement les cristallites; les chaînes amorphes sont ensuite mises en tension progressivement puis catastrophiquement jusqu'à la rupture. Laconcomitance avec les domaines de la courbe micromécanique contrainte/allongement est notable. Au contraire, pour les fibres de polyamide, le comportement des parties cristalline et amorphe est similaire car la même (longue) chaîne macromoléculaire peut appartenir aux deux "régions". le long plateau résulte de la possibilité de dépliement libre des chaînes amorphes.

Le processus d'élaboration détermine la nanostructure de chaque fibre et ainsi l'analyse peut différencier des fibres de différents producteurs, plus efficacement que de "simples" essais micromécaniques ou de spectroscopie en l'absence de contrainte appliquée.

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Notre travail est la confirmation directe de certains modèles proposés pour l'arrangement structural des chaînes macromoléculaires dans les fibres.

0 2 4 6 8 10 12 14-14

-12

-10

-8

-6

-4

-2

0

2

Δν /

cm-1

Strain / %

0

200

400

600

800

1000

1200

n = 3PET

32'21

macro

nano crystal 2

amorphous

σ / M

Pa

Fig. 19 : Comparaison des comportement nano- et micro-mécanique du PET (régions cristallines isolées dans une matrice amorphe) et PA 66 (continuité des chaînes d'une région cristalline à une région

amorphe): à gauche, évolutions comparées du décalage Raman des modes représentatifs de la mise en tension (valeurs négatives) / compression (positives) pour les chaînes macromoléculaires amorphes (carrés

pleins) et cristallines (carrés vides) en fonction de l'allongement imposé avec la courbe de contrainte/ allongement mesurée pour une fibre de PET. A droite, évolution pour une fibre polyamide PA 66. Les points de mesures correspondent à plusieurs fibres (5 à 10 typiquement). Noter que si la mesure micromécanique

est réalisée en quelques minutes, voire moins, la mesure Raman d'une fibre nécessite plusieurs heures.

L'origine de la rupture en fatigue18 restait un sujet très débattu, sans que l’on comprenne la raison pour laquelle des fibres ayant un même comportement en traction uniaxiale présentaient d'aussi grandes différences de tenue en fatigue et donc de durée de vie. L'analyse Raman sous contrainte contrôlée a montré que ces différences découlaient de l'organisation de la phase amorphe. Les fibres rompues en fatigue présentent un faciès avec une languette caractéristique (Fig. 20). L'analyse depuis la pointe de la languette jusqu'à un point suffisamment éloigné de la zone de rupture, dans la région préservée des perturbations induites par la rupture, montre que la phase amorphe est fortement contrainte à l’endroit de la rupture et que cette contrainte rémanente s'estompe au delà de ~500 µm. Un tel phénomène n’est observé ni pour une fibre rompue en tension ultime, ni pour une fibre coupée, cela à la résolution de la mesure, ~3 à 5 µm. Comme le montre la Figure 21, la contrainte rémanente correspond à l'extrapolation du comportement mesuré en tension uniaxiale pour les forts niveaux de tension, lorsque l'élasticité des chaînes amorphes a disparu. La rupture en fatigue résulte donc de la perte progressive, en certains points, de l'élasticité de la phase amorphe du fait d'une augmentation significative de son ordre local. Cette perte d'élasticité conduit à une rupture pour des valeurs pouvant être 30 à 40% inférieures à celles atteintes en traction monotone.

J.M. HERRERA RAMIREZ, A.R.BUNSELL, Ph. COLOMBAN Microstructural Mechanisms Governing the Fatigue Failure of Polyamide 66 Fibres J. Material Sciences 41 (2006) 7261-7271.

18 Une rupture en fatigue se produit lors de cycles de très longue durée entre un niveau de tension non nul (seuil inférieur) et un niveau supérieur de l'ordre de 60 à 70% de la valeur moyenne obtenue en traction monotone jusqu'à la rupture.

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Fig. 20 : Evolution du décalage Raman en fonction de la contrainte imposée pour les chaînes amorphes d'une fibre de polyamide PA66; en insert l'évolution de la contrainte résiduelle rémanente le long d'une

fibre rompue en fatigue, depuis l'extrémité de la languette (C) en passant par le front de fracture (B) jusqu'à loin de ce front (A).

Un différentiel de tension/compression entre le cœur et la peau de la fibre (Fig. 20)

est observé pour de nombreuses fibres. Pour un même type de fibre, selon le producteur et donc le processus de fabrication de la fibre, le différentiel peut être inversé ou annulé. Il touche principalement la phase amorphe et doit jouer un rôle important sur l'initiation de la rupture, une compression en surface retardant l'initiation . Compression hydrostatique Les données sur le comportement de fibres en compression étaient inexistantes. L'étude de fibres de densité et comportement variés permet de catégoriser les différents comportements et leurs relations avec l'état structural de la matière. Le grande rigidité du PBO observée en traction (Fig. 17) se retrouve en compression en relation avec la haute cristallinité et la densité élevée de cette fibre aux chaînes formées de cycles très rigides. Au contraire, les chaînes de la fibre polyamide (Fig. 21), du fait des distances inter-macromolécules assez larges, ne sont affectées qu'au delà de 4 GPa. La fibre PET est un bon exemple de ces comportements. Sous pression, cette fibre de cristallinité élevée subit des transformations inverses de celles observées lors de l'étirage d'un précurseur PET amorphe Fig. 18), puis au delà de 15 GPa une amorphisation est observée, comme pour toutes les fibres polymères examinées.

PET semi-cristallin

conformation trans

3 GPa

PET semi-cristallin

conformation trans

contact inter-chaînes

7 GPa

PET semi-cristallin

15 GPa

PET amorphe

conformation gauche

Ph. COLOMBAN, G. SAGON, M. LESAGE, J.M. HERRERA-RAMIREZ, MicroRaman Study of the Compressive Behaviour of Polyamide (PA66) Fibres in a Diamond –Anvil Cell Vibrational Spectroscopy 37 [1] (2005) 83-90. Ph. COLOMBAN, A. AIDI-MOUNSI, M.-H. LIMAGE Micro-Raman & IR Study of the compressive behaviour of poly(paraphenylene benzobisoxazole (PBO) fibres in a Diamond-Anvil Cell.

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J. Raman Spectroscopy 38 [1] (2007) 100-109. R. PAQUIN, M.-H. LIMAGE, Ph. COLOMBAN Micro-Raman Study of PET Single Fibre under High Hydrostatic Pressure: Phase/Conformation Transition and Amorphisation. J. Raman Spectroscopy 38 (2007) sous presse.

1632

1636

1640

1644

1648 PA 66

ν N-H

IIamide I

I

0 2 4 6 8 10320032203240326032803300

w a

v e

n u

m b

e r

/ c

m -1

Pressure / GPa

II

I

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.050

60

70

80

90

100

amorphous

crystalline

diameter

wav

enum

ber /

cm

-1

pristine

1.4Tg

Fig. 21 : A gauche, vue d'un fragment de fibre polyamide PA66 dans la cellule haute-pression à enclume de diamant (diamètre du compartiment échantillon :200 µm, noter la bille de rubis (alumine dopée au

chrome utilisée pour contrôler la pression); l'évolution du nombre d'onde du mode amide I informe sur la mise en pression des chaînes (cristallines) de polyamide au delà de 4GPa tandis que celle du mode N-H

informe sur les modifications de la distance inter-fibre (P<3GPa, courbes avec ou sans la prise en compte de la composante large de la phase amorphe). A droite, comparaison du décalage Raman (représentatif des contraintes résiduelles rémanentes) au travers d'une fibre de polyamide PA66 de 30 µm de diamètre avant et après recuit à 1,4 fois sa température de transition vitreuse (Tg). Noter l'effet cœur-peau, important pour

la matrice amorphe, en compression en cœur de fibre et sa disparition après recuit au-dessus du Tg.

Fibres naturelles

Les fibres naturelles d’origine animale présentent des avantages spécifiques vis-à-vis des fibres synthétiques, en particulier une plus forte dissipation d'énergie (meilleur compromis entre rigidité et élasticité), et, bien sûr, l'avantage d'être compatibles avec un développement durable contrairement au fibres de synthèse issues de matières fossiles. Une exceptionnelle tenue en sollicitation dynamique est aussi rapportée par un auteur sur la base d'un test pour une fibre d'araignée. Notre attention s'est portée sur les fibres animales à hautes propriétés mécaniques (Fig. 17) où l'existence de fonctions amides dans leurs chaînes macromoléculaires (Fig. 22) permet d'utiliser les "bonnes" sondes déjà mises à profit dans l'étude des fibres synthétiques. La complexité des séquences protéiques des fibres naturelles (18 acides aminés par exemple distribués dans la chaîne de kératine) induit un nombre de composantes plus élevé et des largeurs de raies plus importantes que dans les spectres des fibres de synthèse, ce qui complique l'analyse19.

Bien que la soie offre le spectre le plus "beau" des fibres protéiques du fait de sa

haute cristallinité, notre attention s’est d'abord portée sur le cheveu pour trois raisons : i) la meilleure connaissance de son spectre (en régime statique) grâce aux nombreux travaux en relation avec les traitements cosmétiques, ii) sa plus grande complexité du fait de son caractère composite (Fig. 22), et iii) sa sensibilité au laser. Tout cela faisait de cette étude

19 Une liaison chimique se rompant pour des allongements de 1 à 3 %, typiquement, la résolution et la justesse doivent être de l'ordre de 0.5 cm-1 ou moins.

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un test de nos capacités de mesure (résolution, décomposition, temps de comptage). Suite à ce travail sur le cheveu, un projet d'étude de la nano- et micromécanique de la soie a été monté dans le cadre de la thèse d'un jeune enseignant de l'ENS de Hanoi, en association avec un projet blanc proposé à l'ANR en collaboration avec l'Unité Nationale Séricicole de L'INRA (Dr B. Mauchamps) et l'Ecole des Mines de Paris (Drs A. Piant & A. Bunsell).

L'étude du cheveu présentait d'autres difficultés comme son très fort allongement

et sa forte sensibilité au faisceau laser nécessitant des puissances très faibles et donc des temps d'enregistrement longs (jusqu'à 6 h par point-mesure), ce qui a nécessité avec l'aide du Groupe de A. Bunsell de L'Ecole des Mines la construction d'une machine de micro-traction plus performante, en remplacement d'un ancien système prêté par ce même groupe.

Rôle de l’eau dans les fibres de kératine Transition α−β

Une des spécificités des fibres naturelles est la sensibilité de leur propriétés à l'humidité. Les sondes Raman du vibrateur N-H, du mode amide I et du pont di-sulfure offrent des outils de suivi des transformations et comportements induits par une contrainte, en fonction de l'humidité du milieu.

Des cheveux caucasiens exempts de pigmentation (la présence de mélanine qui

peut aller jusqu'à 30 % entraîne un échauffement et une dégradation sous irradiation verte ou rouge) ont été stabilisés en atmosphère standard (~50% d'humidité relative) ou dans l'eau (100 %) puis étudiés par micro-spectrométrie Raman, d'abord dans la partie élastique sous régime de tension contrôlée puis au-delà et notamment dans le palier sous allongement contrôlé du fait des très grandes valeurs d'allongement (Figs 23 & 24).

Hair∅ = 80 µm

Cortical cell∅ = 2-3 µm

Macrofibril∅ = 0.4 µm

Intermediate filament ∅ = 8 nm

Helix dimer∅ = 1 nm

-S-S-

-N-H…O=C

α Helix Fig. 22 : Comparaison des spectres Raman de fibres de soie sauvage (Gonameta Rufobrunnea, Afrique-du-Sud), de cheveu (Caucasien, blanc) et de polyamide. Le schéma visualise l'architecture composite d'un

cheveu. Noter les sondes communes amide I (~1550 cm-1) et N-H (~3250 cm-1) ainsi que la sonde pont di-sulfure (~500 cm-1) pour le cheveu.

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α β

5 0 0 7 5 0 1 0 0 0 1 2 5 0 1 5 0 0 1 7 5 0

3 0 %

0 %

-S -S -

β s h e e t

α h e lix⊥

w a v e n u m b e r / c m -1

Fig. 23 : Exemple de décomposition (mesure ici en polarisation perpendiculaire) pour les spectres d'un cheveu blanc caucasien non-tendu ou allongé de 30%. Le nombre de composantes, inchangé par la mise en

tension et leurs nombres d'onde, initiaux, sont en accord avec la littérature. L'analyse en corrélation 2D (carte synchrone, le paramètre "temps" étant dans notre cas l'allongement) offre une méthode indépendante d'identification des composantes, ici celles des phases "hélice α∀ et "feuillets β" (= hélice déroulée) de la

chaîne de kératine sensibles à l'allongement.

La Figure 24 montre la comparaison des évolutions des nombres d'onde sondant l'organisation de la chaîne et les distances inter-segments. Le mode νN-H mesure l'écartement progressif inter-chaînes, avec la rupture de ponts di-sulfure jusqu'au déclenchement de la transition α-β avec déroulement/allongement des hélices α et formation de la structure β en feuillet, cette transition étant caractéristique de nombreuses protéines. En milieu humide, les molécules d'eau s'insèrent entre les chaînes, saturant les liaisons hydrogène des fonctions N-H, la liaison hydrogène kératine-eau pouvant se renforcer avec l'écartement inter-chaîne. L’utilisation des techniques de corrélation offrent des critères objectifs d’attribution (Fig. 23). L'analyse du taux de ponts di-sulfure montre une forte décroissance pendant le chargement élastique jusqu'au déclenchement du déroulement de l'hélice qui se traduit par le palier horizontal sur la courbe de traction. L'eau entrave ce mécanisme mais lubrifie le glissement des chaînes, entraînant une dégradation importante ( ~75%) des propriétés mécaniques.

R. PAQUIN, Ph. COLOMBAN Nanomechanics of single keratin fibres: A Raman study of the α helix-β sheet transition and water effect, J. Raman Spectroscopy 38 [5] (2007) 504-514.

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0 20 401647

1650

3265327032753280328532903295

α / β

macro

amide I crystalline

"crystalline" NH inter-segment

Mac

ro

S

tress

/

MPa

wav

enum

ber

/ cm

-1

strain / %0

100

200

strain controlledload controlled

Fig. 24 : Comparaison nano- et micro-mécanique. Evolutions comparées du nombre d'onde Raman des modes représentatifs de la mise en tension de la chaîne de kératine (sonde amide I) en fonction de

l'allongement imposé avec la courbe de contrainte / allongement mesurée pour une fibre de PET. Est aussi reportée l'évolution du nombre d'onde du vibrateur N-H informant sur la liaison inter-chaîne. Noter le

palier sur la courbe "macro" du déroulement de l'hélice (transition α-β).

Contraintes résiduelles dans des eutectiques à microstructure interpénétrée tridimensionnelle (3D)

Les matériaux multiphasés présentent souvent des propriétés originales, que l'on ne retrouve pas dans leurs phases prises individuellement. Une rupture plastique, appelée aussi fibreuse, est par exemple fréquente dans les structures associant plusieurs matériaux à rupture fragile (bois, os, céramiques renforcées, certaines fibres,…) et c'est la singularité des "interphases" (faible liaison mais frottement matrice-renfort, désaccords de maille, contraintes résiduelles, …) qui permet d'expliquer cet "effet composite".

La petite taille des interphases en rend l'étude peu aisée mais plusieurs groupes de Recherches, dont le nôtre, ont établi que les (nano)cristaux de la surface des fibres céramiques ou organiques pouvaient être étudiés par spectroscopie Raman dans des matrices de tous types (CMOs, CMCs, CMMs20), la position des bandes mesurant les

20 CMO : composite à matrice organique; CMC: composite à matrice céramique; CMM: composite à matrice métallique.

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contraintes à l'interface fibre-matrice. Malheureusement, l'orientation des sondes (les nanocristaux) étant indéterminée, ce type de mesure ne donne qu'une contrainte moyenne.

La situation est totalement différente dans certains eutectiques formés d'une "matrice" mono- ou quasi mono-cristalline interpénétrée à une échelle de quelques microns avec une seconde phase, aussi (mono)cristalline (Figure 25). Dans ces composites d'un genre particulier, l'orientation de chaque phase est unique à l'échelle de l'échantillon et l'observation des modes (Raman ou de fluorescence) polarisés (Figure 25) informent sur les contraintes dans des directions cristallographiques données, avec la résolution micrométrique de la spectroscopie Raman.

Fig. 25 : A gauche, observation par Microscopie Electronique à Balayage (électrons rétrodiffusés) de la coupe d'un barreau eutectique Al2O3/GdAlO3 préparé dans un four à image.

A droite, spectres Raman (il s'agit de moyennes sur 9 à 90 spectres) enregistrés sur une coupe et une section de l'échantillon en variant de 90 degrés l'incidence du laser. La région entre 550 et 775 cm-1 a été agrandie

pour souligner les bandes de l'alumine α à 577, 647 et 751 cm-1).

Dans le cadre d'une collaboration avec l'ONERA (Office National d'Etudes et de Recherches Aérospatiales), l'équipe de Léo Mazerolles (CECM) synthétise des composés eutectiques associant l'alumine-α à des perovskites et grenats de terres rares. Ces matériaux réfractaires ont une excellente résistance au fluage et sont susceptibles de remplacer les monocristaux d'alliages métalliques actuellement utilisés comme aubes chaudes de moteurs et turbines et atteignant leur limite ultime de fonctionnement (~1400°C).

Nous avons effectué une première campagne de mesures sur un eutectique binaire Al2O3/Perovskite au Gd (Fig. 25). Le travail se poursuit par une comparaison avec le même eutectique mais renforcé par une seconde phase de zircone et sur de nouveaux eutectiques dans lesquels l'alumine est associée à des grenats (Y3Al5O12 et Er3Al5O12). L'avantage de tous ces matériaux est le dopage résiduel au Cr3+(une trace de l'élément aluminium), un ion dont la fluorescence est classiquement utilisée comme sonde de pression ou de contrainte, par exemple pour calibrer la pression dans les enclumes diamant. Cela nous a permis de cartographier des contraintes résiduelles de l'ordre de 200-300 MPa dans l'alumine (Fig. 26).

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G. GOUADEC, Ph. COLOMBAN, N. PIQUET, M.F. TRICHET, L. MAZEROLLES Raman Mapping of Melt-Grown Al2O3/GdAlO3 Eutectics J. Eur. Ceramics Soc. 25 (2005) 1447-1453.

σ (GPa) = (Δwav + 0.0935 Ln P (mW) − 183.27)/8.05

Fig. 26 : A droite, spectre d'émission d'une lampe néon, enregistré avec ou sans la fluorescence de l'ion Cr3+ (raies R1 et R2 du rubis). La dérive apparente de la bande à 14219 cm-1 montre l'instabilité du

spectromètre et souligne la nécessité de disposer d'une référence. A gauche, cartographie des contraintes résiduelles (σ) dans une zone de 9.5 x 9.5µm (cadre rouge) de

l'échantillon Al2O3/GAP (20x20 spectres de 20 secondes; Objectif : x100lf ; P = 2.9 mW).

1.6. Teinture et de vieillissement des fibres

Collaboration : Manufacture Nationale des Gobelins, Paris

Les tapisseries "modernes" sont souvent installées en pleine lumière et ces conditions conduisent à une détérioration significative des couleurs. En outre, la documentation sur certaines œuvres récentes peut être très incomplète et il est indispensable de pouvoir retrouver la procédure de fabrication , a posteriori. L’objectif est triple: i) mettre au point une méthode de quantification non destructive des colorants fixés21 sur fibres de laine, caractériser les processus ii) de fixation et iii) de vieillissement des colorants (Thèse F. Salpin). Les fibres utilisées sont fournies par l’atelier de teinture de la Manufacture (laine « blanche ») ainsi que les trois colorants acides bleu, jaune et rouge à partir desquels toutes les nuances sont obtenues depuis quelques décennies. Une méthode de quantification des mélanges de colorants, fondée sur l’analyse des spectres Raman enregistrés sur les fibres de laine teintes a été mise au point. Elle consiste en la décomposition du spectre correspondant au mélange en une combinaison linéaire des spectres des trois colorants bleu, jaune et rouge utilisés. Un exemple est donné sur la figure 27.

21 Il est nécessaire que les signatures de chaque colorant puissent être obtenues simultanément ou selon un protocole reproductible, quantitativement.

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Fig. 27 : A gauche, identification Raman des colorants: en a), le spectre enregistré sur l’échantillon de laine teinte avec un mélange de colorants est représenté en trait continu. Le trait pointillé correspond au

spectre résultant de la combinaison linéaire des trois spectres, présentés en b), des laines teintes avec chacun des trois colorants. A droite, histogramme : Quantification des colorants fixés sur les fibres de laine

pour les mélanges représentés en dessous.

Les mesures sur des échantillons de référence préparés avec des proportions

connues des trois colorants montrent que les proportions obtenues par l’analyse quantitative sont très proches des proportions introduites dans les bains de teinture. Ceci, en plus de valider la méthode, permet d’obtenir des informations sur le processus de fixation. En effet, on peut conclure que les colorants n’interagissent pas entre eux dans les mélanges, étant donné que le spectre de mélanges correspond bien à la combinaison linéaire des spectres des fibres teintes avec chaque colorant seul. De plus, les spectres Raman des colorants à l’état solide, en solution et fixés sur la fibre étant identiques, on en déduit que leurs structures ne sont pas (du point de vue de leur signature Raman) modifiées au cours du processus de teinture.

L’histogramme Fig. 27 présente, en regard de la photo de l’échantillon étudié, les proportions obtenues par la méthode quantitative. On observe que ces proportions relatives concordent avec les couleurs observées.

Pour étudier plus avant le processus de fixation de ces colorants sur les fibres de laine, des analyses ont été réalisées en modifiant les conditions de teinture. L’ajout de sels (NaCl, RbCl) dans le bain de teinture a été étudié afin de voir si une éventuelle interaction ionique entre fibre et colorants pouvait être mise en évidence. Des teintures en milieu basique ont été réalisées. Les résultats sont en cours d’analyse.

La méthode étant non destructive pour l’échantillon, elle est appliquée à des échantillons soumis à différents types de vieillissements artificiels, afin de caractériser l’évolution au cours du temps des colorants fixés sur les fibres de laine. L'objectif est de pouvoir évaluer le degré de dégradation de tapisseries.

F SALPIN, F. TRIVIER, S. LECOMTE, C. COUPRY New quantitative method : non-destructive study by Raman spectroscopy of dyes fixed on wool fibres J. Raman Spectrosc. 2006, 37, 1403-1410.

L'étude de soies colorées par différents procédés de teinture utilisant des produits naturels du bassin méditerranéen (indigo, garance,…) sera abordée afin de proposer des

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outils d'identification, voire de datation des tissus anciens, en combinaison avec les études nano/micromécaniques.

1.7. Impact du milieu d’enfouissement sur la dégradation des cuirs archéologiques

Collaborations : ARC-Nucléar (coordination du projet), Grenoble

CRCDG, Paris22

Le cuir est fabriqué par l’homme à partir de peaux depuis plusieurs milliers d’années et a toujours été largement présent dans notre vie quotidienne. Cependant, dans les collections, d’objets issus de fouilles archéologiques les objets en cuir sont très peu représentés car celui-ci se conservait mal, aussi bien en place avant la fouille qu’après et donc recevait peu d’attention des archéologues. L’intérêt pour cette source d’informations s’est accru (car les techniques de conservation permettent maintenant leur préservation).

Le cuir archéologique est un matériau totalement inconnu sur le plan chimique et structural. Les quelques études réalisées sur ce matériau montrent qu’il a un comportement différent des cuirs modernes ou historiques. Il est actuellement impossible de caractériser le degré de dégradation d’un cuir archéologique et les traitements utilisés par les professionnels de la conservation /restauration ne sont pas adaptés.

L’objectif du projet est triple : i) caractériser la structure des cuirs archéologiques,

ii) mettre au point une méthode analytique simple permettant d’évaluer rapidement l’état de dégradation des cuirs archéologiques (LADIR et CRCDG) et iii) élaborer une résine permettant la conservation des cuirs archéologiques (Arc-Nucléar). Plusieurs stratégies d’analyses ont été mises en place et sont résumées sur la Fig. 28. Le LADIR est chargé des analyses par spectrométries vibrationnelles. L’analyse des bandes amides I des fibres des microfibrilles n’a pas permis de dégager une réponse claire à l’identification de l’état de dégradation des différents cuirs archéologiques. L’analyse par microscopie Raman n’est pas possible avec une excitation dans le visible, du fait de la forte fluorescence des cuirs archéologiques. L’acquisition récente d’un microscope Raman avec une excitation à 1064 nm, permet d’obtenir des spectres Raman mais d’une intensité très faible. Les objets sélectionnés sont des cuirs provenant de fouilles archéologiques dans des sols humides : Charavines (Xème siècle), Lyon Saint Georges (XIIème et XIIIème siècles) et Saint-Malo (XVIIème siècle).

22 Programme National de Recherche sur la Connaissance et la Conservation des Matériaux du Patrimoine Culturel (Janvier 2006 - Juin 2007)

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Fig. 28 : Schéma de la structure du cuir et méthodes d'analyse utilisées dans le programme.

L’ensemble des résultats obtenus par les diverses techniques sont en cours d’exploitation afin de pouvoir définir le protocole adapté pour définir l’état de dégradation des cuirs archéologiques.

1.8. Réactivité de molécules organiques adsorbées sur des surfaces d’oxyde – Etude théorique

Collaboration : Laboratoire de Chimie Théorique, UPMC

L’alumine est un oxyde métallique ionio-covalent largement utilisé, en particulier en catalyse (γ Al2O3 et autres formes de transition). Il peut agir à la fois comme catalyseur et comme support d’espèces réactives. L’activité catalytique de l’alumine s’explique, comme dans le cas général des oxydes, par ses propriétés acido-basiques de surface.

PY/Al(OH)3

44BPY/Al(OH)3

PY/Al O H4 9 6

44BPY/Al O H4 9 6

PY/Al O H10 21 12

44BPY/Al O4 6

PY/Al O4 6

Fig. 29 : Ligands PY et 44BPY complexés aux sites acides de Lewis Al des agrégats aluminiques. La concentration, la nature (Brönsted ou Lewis) et la force des sites actifs acides

de surface ont été étudiées par de nombreuses techniques expérimentales, particulièrement

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par la spectroscopie infrarouge de molécules sondes adsorbées. La méthode est basée sur les modifications vibrationnelles (nombre d'onde, intensités) subies par la molécule sonde après adsorption sur la surface. La pyridine (PY) a été largement utilisée car elle permet de différencier les sites acides de Lewis et de Brönsted. Ses modes d’élongation du cycle, principalement les modes 8a et 19b (notation de Wilson), observés entre 1400 et 1700 cm-

1, sont déplacés lors de la complexation, vers 1600-1635 et 1440-1460 cm-1 pour une PY liée à un site de Lewis, et vers 1640 et 1535-1550 cm-1 pour une PY adsorbée sur un site de Brönsted.

La PY est un système monodentate qui ne permet de caractériser qu’un seul site acide de surface. Plus récemment, les molécules bidentates, comme les 4,4’- ou 2,2’-bipyridines (44BPY, 22BPY) rendent possibles la caractérisation et la détermination de la distance entre les différents sites actifs. Nous avons effectué la première étude théorique de l’adsorption de molécules aza-aromatiques (PY et 44BPY) sur les sites acides de Lewis de surfaces d’alumine γ par des calculs ab initio et issus de la fonctionnelle de la densité (DFT) dans le cadre du modèle d’agrégat. Quatre agrégats neutres de tailles et de formes différentes ont été choisis pour simuler le site actif de l’aluminium tri-coordiné de la surface d’alumine (Fig. 29). Les agrégats Al(OH)3, Al4O9H6 et Al10O21H12 ont des liaisons pendantes saturées par des hydrogènes. L’agrégat Al4O6 est non-hydrogéné. Pour chaque interaction de PY ou 44BPY avec un agrégat, nous avons calculé: i) les modifications des structures géométriques et électroniques subies par la molécule adsorbée et l’agrégat, ii) les énergies d'adsorption des complexes et iii) les spectres vibrationnels de la molécule adsorbée, qui ont été analysés et comparés aux spectres de la molécule libre. Les calculs ont été faits par les méthodes HF (ab initio) et B3-LYP (DFT) avec les deux bases 6-31G* et 6-31+G*. Les structures électroniques ont été déterminées à partir des charges atomiques nettes déduites des calculs de potentiel électrostatique (ESP). Les énergies d’adsorption calculées sont corrigées des énergies de point zéro (ZPE) et de l’erreur de superposition de base (BSSE). Quelque soit le niveau de calcul, les effets de transfert de charge sont plus importants dans les complexes de Lewis formés avec l’agrégat Al4O6 que dans ceux formés avec les agrégats hydrogénés. Il en résulte que les énergies d’adsorption des PY et 44BPY complexées à l’agrégat non-hydrogéné Al4O6 (~ 46 kcal/mol), en bon accord avec l’expérience, sont largement plus élevées que celles des PY et 44BPY complexées aux agrégats Al(OH)3 (∼ 32 kcal/mol), Al4O9H6 et Al10O21H12 (∼ 25 kcal/mol). Les énergies d’adsorption corrigées sont peu sensibles aux effets de base et de corrélation électronique. Elles dépendent du caractère ionique de l’agrégat plutôt que de sa taille. Les résultats avec 44BPY sont similaires à ceux obtenus pour la PY, la géométrie et la quantité de charge du cycle pyridyl non lié étant inchangées lors de la complexation. Les nombres d'ondes calculés (et les déplacements) sont quasiment insensibles à l’inclusion de fonctions diffuses dans la base et à la corrélation électronique. Ils ne dépendent ni de la taille ni de la forme des agrégats. Ainsi, les interactions responsables des propriétés vibrationnelles sont très locales, et l’influence du reste de la surface d’alumine peut être négligée. Cet accord entre l’expérience et le calcul valide l’utilisation du modèle d’agrégat dans l’étude des propriétés vibrationnelles de molécules adsorbées sur des surfaces d’alumine.

E. KASSAB, M. CASTELLA-VENTURA, Theoretical Study of Pyridine and 4,4’-Bipyridine Adsorption on the Lewis Acid Sites of Alumina Surfaces Based on Ab Initio and Density Functional Cluster Calculations. J. Phys. Chem B. 109 [28] (2005) 13716-13728.

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Parallèlement, nous avons commencé l’étude de la réactivité chimique de composés organiques M (ammoniac NH3, PY, 44BPY) adsorbés sur les sites acides de Brönsted de surfaces d’aluminosilicates de type faujasite (ZOH), composés largement utilisés en catalyse (Fig. 31). Ces surfaces zéolithiques sont simulées par des agrégats modèles de différentes tailles, de rapport Si/Al égal à 2, saturés par des hydrogènes ou des hydroxyles terminaux (AlSi2O2H9 = 3TH, AlSi2O10H9 = 3TOH, Al4Si8O12H28 = 12TH et Al4Si8O36H28 = 12TOH ) à l’aide de la méthode B3-LYP/6-31+G* .

Le chemin réactionnel de l’éventuel transfert de proton du site acide de ZOH vers la molécule adsorbée M a été caractérisé. Nous avons montré:

i) que la stabilité des complexes à liaison hydrogène (ZOH…M) et zwitérionique (ou ZO-…+HM) impliqués dans l'adsorption dépend de la nature des groupements terminaux de l’agrégat,

ii) que les énergies d’adsorption sont plus sensibles à la taille de l’agrégat que les fréquences,

iii) que les propriétés vibrationnelles des molécules adsorbées sont essentiellement d’origine locale.

Nous avons également initié l’étude du complexe formé lors de l’intercalation de 44BPY entre deux sites acides de Brönsted dans une cavité zéolithique simulée par deux agrégats 3TOH. Les calculs préliminaires prédisent la formation de la forme diprotonée 44BPYH2

2+ détectée expérimentalement (Fig. 31).

Fig. 30 : Structure de la faujasite et des agrégats modèles 3TOH et 12TOH.

Fig. 31: Ligand 44BPY complexé aux sites acides de Brönsted de deux

agrégats 3TOH.

1.9. Matériaux d'éléctrodes Collaborations : LECSO-ICMPE, CNRS-Université Créteil, Thiais

LITEN, CEA, Grenoble

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L’objectif est d'améliorer la compréhension des différents facteurs affectant les performances des matériaux d’électrode pour accumulateurs au lithium : rechargeabilité, vieillissement, corrosion… . Le grand intérêt de la spectroélectrochimie Raman in-situ pour une meilleure compréhension des dispositifs électrochimiques en fonctionnement avait été démontré dans les travaux du LADIR en collaboration avec l'Institut de Chimie de Ljubljana (B. Orel, voir début du chapitre). L'analyse in situ permet l'analyse des changements structuraux à l’échelle locale (émergence de nouvelles phases, ordre à courte distance, désordre, variation des longueurs de liaison, interactions Li-réseau hôte..) en association aux informations obtenues par diffraction des rayons X. Une modélisation des spectres Raman par des calculs de dynamique de réseau est utilisée pour quantifier les changements structuraux. Cette approche est peu pratiquée pour les matériaux d’électrode, où l’apport des spectroscopies optiques reste souvent limité à un rôle qualitatif. Etude des réactions d’insertion du lithium dans des oxydes de vanadium

Bien que les données Raman soient rares et très partielles, la variabilité des spectres obtenus pour les phases LixV2O5 suggère que l’empreinte vibrationnelle peut varier considérablement en fonction du mode de synthèse de V2O5 (procédé sol-gel, PVD, CVD, sputtering, …), du mode d'obtention des phases lithiées (chimique ou électrochimique), et du type d’échantillon (électrode composite, film mince polycristallin, …). Cette complexité apparente nous a posé comme objectif premier d’établir les signatures des différentes phases lithiées de LixV2O5.

Spectres de référence de poudres LixV2O5 lithiées par voie chimique : Cette étape est cruciale pour permettre l’étude de systèmes électrochimiques intégrant des phénomènes plus complexes (mélanges de phases, phases hors équilibre, nouvelles phases…) induits par les conditions de fonctionnement (régime, cyclage, vieillissement…).

La voie chimique (par réduction de V2O5 dans une solution d’iodure de lithium ou de n-butyllithium) constitue une voie d’accès intéressante de préparation des différentes phases lithiées α, ε, δ et γ LixV2O5 (0<x<1). On constate que ces composés sont particulièrement sensibles à l’exposition au laser du fait d’un échauffement local conséquent. Cette sensibilité est plus exacerbée pour la phase δ, pour laquelle les transformations vers les phases de haute température ε et γ se font in-situ. On démontre ainsi que les empreintes spectrales contradictoires proposées dans la littérature correspondent en fait à des produits de dégradation formés au point de focalisation du laser. En travaillant dans des conditions extrêmement contrôlées, on parvient à déterminer pour la première fois sans ambiguïté les signatures des phases δLiV2O5 et γLiV2O5 (Fig. 32).

C. NAVONE, R. BADDOUR-HADJEAN, J. P. PEREIRA-RAMOS, R. SALOT High performance oriented V2O5 thin films prepared by DC sputtering for rechargeable lithium microbatteries J. Electrochem. Soc., 152 [9] (2005) A1790-A1796 R. BADDOUR-HADJEAN, E. RAECKELBOOM, J. P. PEREIRA-RAMOS New structural characterizatio.n of the LixV2O5 system provided by Raman spectroscopy Chem. Mat. 18 (2006) 3548-3556.

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C. NAVONE, J. P. PEREIRA-RAMOS, R. BADDOUR-HADJEAN AND R. SALOT High Capacity crystalline thick films for lithium insertion J. Electrochem. Soc., 153 [12] (2006) 2287-.

Fig. 32 : Signatures des phases lithiées dans le

système LixV2O5 : (a) α, (b) ε, (c) δ et (d) γ.

Fig. 33 : Micrographie SEM d’un film de V2O5

(épaisseur 800 nm)

Comportement singulier d’une électrode modèle sous forme de film mince : L’étude des oxydes V2O5 en film mince préparés par pulvérisation cathodique a pu se faire grâce à une collaboration avec le LITEN (CEA Grenoble) : l'influence de la morphologie, de l'orientation préférentielle, de la solvatation. L'autre aspect visé par cet axe nouveau est la mise au point de dispositifs de microaccumulateurs tout solide en couches minces.

Fig. 34 : Spectres Raman enregistrés in situ pendant la décharge électrochimique d’une électrode constituée d’un film mince LixV2O5

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La faible taille des feuillets constitutifs des films de V2O5 (Fig. 33) permet

d’obtenir un fonctionnement électrochimique très homogène. De plus, en couplant des mesures de diffraction des RX avec des mesures conduites en dispositif Raman in-situ (Fig. 34), il est possible d'étudier l'évolution structurale du film qui se révèle différente de celle décrite pour les poudres polycrystallines : le réseau hôte se comporte comme une solution solide avec une expansion linéaire de l’espace interfeuillet en fonction du taux de lithium (0<x<2 dans LixV2O5) sans observer les phases déformées δ et γ du diagramme de phases "classique" du système Lix/V2O5. Lors de cyclages prolongés, la spectroscopie Raman met en évidence la formation de traces de vanadates du type Li3VO4, qui expliquent probablement les pertes de capacité observées dans certaines conditions de fonctionnement. Etude de la réaction d’insertion du lithium dans des oxydes de titane.

R. BADDOUR-HADJEAN, S. BACH, M. SMIRNOV, J.P. PEREIRA-RAMOS A Raman study of the electrochemical lithium insertion process in anatase TiO2 J. Raman spectroscopy, 35 (2004) 577-585. M. SMIRNOV, R. BADDOUR-HADJEAN Lattice dynamics treatment of lithiated anatase LixTiO2 J. Chem. Phys. 121 [5] (2004) 2348-.

La problématique de la réversibilité partielle de l’oxyde TiO2 anatase de symétrie

tétragonale avait été traitée par des mesures ex situ. La signature vibrationnelle d'une phase orthorhombique Li0.5TiO2 a pu être déterminée pour la première fois. L’existence de ce mécanisme biphasé ne suffit pas à expliquer la rechargeabilité incomplète de cette électrode. Une analyse théorique de l’interaction Li-TiO2 pour décrire la dynamique de réseau dans la phase lithiée a conduit à la simulation du spectre Raman de Li0.5TiO2 (Fig. 35) et à son interprétation complète. En particulier, l’observation des modes Li-O à hautes fréquences a pu être corrélée à l’existence de liaisons courtes Li-O expliquant la perte partielle de rechargeabilité du matériau.

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Fig. 35: Spectres Raman simulés de l’anatase TiO2 (a) et de Li0.5TiO2 (b), (c) et

(d) pour chacune des trois positions du lithium en

comparaison avec les spectres Raman expérimentaux de l’anatase (e)

et de Li0.5TiO2 (f).

2) Dynamique du proton dans les solides

La spectroscopie de vibration est une des rares techniques permettant d'observer la dynamique des atomes d'hydrogène dans le régime quantique. De plus, la diffusion des neutrons apporte des informations qui sont inaccessibles en infrarouge ou en Raman.

La période couverte par ce rapport est marquée par des avancées significatives sur les thèmes suivants :

1. Les corrélations quantiques macroscopiques des protons, y compris à 300K. 2. Le transfert de proton et les développements théoriques. 3. Les transitions de phase induites par deutération des groupements méthyle. 4. La nature des espèces protoniques et leur insertion dans les structures pérovskites,

à 300K et plus.

2.1. Oscillateurs intriqués et interférences quantiques Collaborations: LLB, Saclay

Rutherford Appleton Laboratory / GB

Corrélations quantiques dans les cristaux à liaisons hydrogène

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Depuis les travaux fondateurs de la mécanique quantique, le caractère non local de la fonction d’onde, ainsi que l’intrication quantique (quantum entanglement), conduisent à de nombreux paradoxes qui sont au cœur de la différence fondamentale entre le monde quantique et celui de la mécanique classique. Tout état cohérent d’un sous-système quantique peut être décrit par une superposition de fonctions d’onde susceptibles de donner des interférences. L’intrication quantique est principalement observée pour des systèmes simples (atomes et photons) spécialement isolés pour ralentir la décohérence quantique.

Il est généralement admis que pour les systèmes macroscopiques, la cohérence doit disparaître rapidement en raison des interactions avec le milieu environnant. Les seules manifestations connues de cohérence quantique à l’échelle macroscopique sont les propriétés remarquables de la supraconductivité, de la superfluidité ou du faisceau laser. Nul ne sait s'il existe une limite supérieure intrinsèque, en taille, en température et en complexité, au-delà de laquelle la cohérence quantique disparaît au profit d'un comportement classique. Nous avons démontré qu'une telle limite n'existe pas pour le bicarbonate de potassium KHCO3 (Fig. 27).

La structure de ce cristal est remarquable: toutes les liaisons hydrogène sont

pratiquement parallèles. A basse température (< 150 K) les protons sont ordonnés (sites marqués d'une flèche Fig. 36). Au dessus de cette température, le site situé à ≈ 0.6 Å le long de la liaison hydrogène est progressivement peuplé, jusqu'à un taux de 18/82 à 300 K. Nous avons démontré que les protons forment un sous-réseau quantique intriqué, naturellement protégé de la décohérence par séparation adiabatique. Chaque proton est simultanément à tous les sites et chaque site est occupé simultanément par tous les protons. Le sous-réseau est dépourvu de dynamique interne (« super-rigidité »).

Fig. 36. Structure à 300 K. A basse température, les protons sont localisés sur les sites indiqués par des flèches.

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L’état fondamental des protons est une fonction d’onde unique et non-factorisable à l’échelle du cristal. Les lignes de protons schématisées sur la Fig. 36 se comportent comme un réseau de diffraction et les neutrons donnent des lignes de diffusion diffuse à ± 10 Å-1 du centre (Fig. 37), attribuées aux interférences quantiques.

Fig. 37. Diagrammes de diffraction à 14 K (A) et 300 K (B). La structure cristalline montre que les lignes d’intensité diffuse correspondent à un transfert de moment Q perpendiculaire aux plans des dimères.

La persistance de ces interférences quantiques à 300 K (Fig. 37B) démontre que le

transfert de proton le long des liaisons hydrogène est un processus macroscopique cohérent. La distribution des protons résulte de la superposition de deux états macroscopiques correspondant à des configurations distinctes du cristal (Fig. 38), interconnectés par effet tunnel.

Fig. 38. Représentation schématique des deux états macroscopiques dont la superposition rend compte de

la distribution des protons sur les différents sites.

L’état fondamental (Fig. 38, à gauche) correspond à la structure à basse température. L’état excité (Fig. 38, à droite) correspond au transfert des protons par effet tunnel. Ce transfert est gouverné par un potentiel que nous avons déterminé par spectrométrie infrarouge, Raman et diffusion inélastique des neutrons. La différence d'énergie entre les deux configurations est de 432 cm-1. Il est remarquable que les lignes de protons corrélés soient identiques dans les deux états. C’est une condition nécessaire pour que les interférences quantiques ne soient pas détruites par la diffraction de neutrons.

Le KHCO3 est à notre connaissance le premier exemple de comportement

quantique macroscopique à température ambiante. Il offre un vaste champ d'études expérimentales des problèmes fondamentaux de la mécanique quantique: états macroscopiques, superpositions, interférences quantiques, décohérence, théorie de la mesure...

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Le KHCO3 subit une transition de phase à 318 K. Au dessus de cette température

les protons sont également distribués sur tous les sites. Nous avons observé que la cohérence quantique subsiste au-dessus de cette température. Nous pensons pouvoir démontrer qu'il s'agit d'une superposition de deux configurations cristallines. Nous recherchons d’autres cristaux à liaison hydrogène présentant des effets quantiques analogues : l'acide benzoïque semble un excellent candidat.

F. FILLAUX, A. COUSSON, D. KEEN Observation of the Dynamical Structure Arising from Spatially Extended Quantum Entanglement and Long-Lived Quantum Coherence in the KHCO3 Crystal Phys. Rev. B, 67 (2003) 054301. F. FILLAUX, A. COUSSON, M. J. GUTMANN Observation of quantum interference arising from a superposition of macroscopic tunneling states for protons in the KHCO3 crystal from 14 to 300 K J. Phys.: Condens. Matter 18 (2006) 3229-3249. F. FILLAUX, A. COUSSON, M. J. GUTMANN Macroscopic quantum tunnelling of protons in the KHCO3 crystal J. Molec. Struct. 790 (2006) 122-126. F. FILLAUX, F. ROMAIN, M.-H. LIMAGE, N. LEYGUE Extended tunnelling states in the benzoic acid crystal: Infrared and Raman spectra of the OH and OD stretching modes. Phys. Chem. Chem. Phys. 8 (2006) 4327-4336. F. FILLAUX, A. COUSSON, M. J. GUTMANN Proton transfer across hydrogen bonds: From reaction path to Schrödinger’s Cat Pure Applied Chemistry, sous presse.

Projet : Corrélations quantiques dans les cristaux à liaisons hydrogène L’observation de la cohérence quantique macroscopique des protons dans le KHCO3 ouvre un vaste champ d’études : température, substitution isotopique H (fermions) et D (bosons), transitions de phase cristalline… Nous chercherons à comprendre les relations entre structure cristalline et cohérence quantique. L'identification des transitions d'effet tunnel est d'un intérêt fondamental pour comprendre les mécanismes de transfert des protons et l'influence de l'environnement sur la forme de la fonction potentielle. Nous étendrons ces recherches à d'autres systèmes, ou bien analogues tels que RbHCO3 et CsHCO3, ou nettement différents tels que l'acide benzoïque ou les composés de la famille du KDP (KH2PO4, CsH2PO4...).

Ces études devront combiner la spectroscopie vibrationnelle (infrarouge, Raman, diffusion inélastique des neutrons) et la diffraction des neutrons pour localiser les protons et mieux comprendre leurs dynamiques. Nous développerons la théorie du transfert de proton dans le régime quantique pour renforcer le couplage entre diffraction, RMN, diffusion quasi-élastique des neutrons et spectroscopies de vibration.

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2.2. Transfert des protons dans les molécules isolées en phase gazeuse.

Les travaux effectués sur les corrélations quantiques dans les cristaux peuvent être

transposés à des systèmes moléculaires isolés en phase gazeuse.

Transfert de proton dans les dimères d’acides carboxyliques

Le dimère centrosymétrique Ci de l’acide formique est un système paradigmatique pour l’inter-conversion (ou tautomérisme) en phase gazeuse. Le schéma le plus courant suppose le passage par un intermédiaire de symétrie D2h.

Cependant, ce mécanisme n’est pas satisfaisant car en phase gazeuse, la distribution d’orientation est isotrope et les deux formes I et II sont indiscernables. Le dimère est une superposition des deux tautomères (Fig. 39a).

Fig. 39a. Représentation schématique du

processus d’interconversion du dimère d’acide formique en phase gazeuse.

Fig. 39b. Représentation schématique de la superposition d’états du dimère d’acide formique en

phase gazeuse dans l’état fondamental et du mécanisme d’interconversion.

Dans cette superposition d’états, les protons sont intriqués. D’après les principes

fondamentaux de la mécanique quantique, toute excitation détruit automatiquement l’intrication. Les protons deviennent discernables et ceci ouvre la voie à un état excité où chaque site est occupé par un demi proton. La dynamique des protons est alors déterminée par un potentiel à double minimum symétrique. L’état excité est virtuel car il « n’existe » que si il est « observé ». La distinction entre les deux modèles peut être réalisée expérimentalement. Alors que l’interconversion conventionnelle (Fig. 39a) prévoit un effet tunnel très faible (~ 10-2 cm-1), le mécanisme quantique (Fig. 39b) donne un effet tunnel entre 1 et 10 cm-1.

F. FILLAUX Quantum entanglement and nonlocal proton transfer dynamics in dimers of formic acid and analogues Chem. Phys. Letters 408 (2005) 302-306.

Transfert du proton dans le malonaldéhyde Collaboration : Laboratoire de Chimie-Physique, Université Paris 5.

Un mécanisme analogue a été proposé pour le transfert de proton dans le malonaldéhyde (3-hydroxy-2-propenal) un autre archétype de la phase gazeuse. Le

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schéma traditionnel suppose que l’interconversion des isomères L et R (Cs) se fait par l’intermédiaire d’une structure C2v où le proton est à mi-chemin entre les deux oxygènes (Fig. 40a). Le transfert entraîne un réarrangement des liaisons chimiques abaissant la barrière de potentiel de l’état intermédiaire et augmentant considérablement la masse effective du proton.

Fig. 40a. Schéma conventionnel pour le transfert de

proton du malonaldéhyde.

Fig. 40b. Superposition dans l’état fondamental du malonaldéhyde.

Cependant, les deux isomères sont indiscernables en phase gazeuse et l’état

fondamental est une superposition des isomères L et R (Fig. 40b). Contrairement aux dimères centrosymétriques, il n’y a pas d’intrication quantique. Tous les atomes sont dégénérés à l’exception du proton de la liaison hydrogène qui se découple adiabatiquement du squelette moléculaire. La superposition d’états engendre un potentiel à double minimum symétrique qui peut être déterminé directement à partir des spectres.

L’interconversion résulte de battements quantiques à une fréquence de 21.6 cm-1 (Fig. 41) La variation de la densité de probabilité du proton au cours du temps montre que le proton n’est jamais au voisinage du centre correspondant à l’intermédiaire C2v. Cet intermédiaire ne doit pas être pris en compte pour le calcul du chemin réactionnel.

Les calculs ab initio confirment cette approche. Le « demi »potentiel est d’abord calculé pour l’un des isomères en déplaçant le proton et fixant tous les autres atomes. Il est ensuite symétrisé par addition de son homologue pour l’autre isomère. Le double minimum symétrique est alors en bon accord avec l’estimation à partir des spectres.

Fig. 41. Battements quantiques dans l’état fondamental du malonaldéhyde.

F. FILLAUX, B. NICOLAÏ, Proton transfer in malonaldehyde : From reaction path to Schrödinger’s Cat

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Chem. Phys. Letters 415 (2005) 357-361.

2.3. Dynamique rotationnelle des méthyles et structure

cristalline Collaborations : Laboratoire Léon Brillouin, Saclay

Research Center for Molecular Thermodynamics Graduate School of Science Osaka University / Japon

La diffraction des neutrons par un monocristal permet de déterminer la densité de

probabilité des protons ou deutérons des groupements méthyle. Cette technique ne distingue pas l'origine statistique ou dynamique de la distribution. Elle est complémentaire de la spectroscopie. De plus, alors que les effets tunnels rotationnels disparaissent au-dessus de 50 K, on peut encore mesurer les densités à haute température grâce à la diffraction. La connaissance précise de l'environnement cristallin est nécessaire pour comprendre et modéliser la dynamique rotationnelle des méthyles. • L'acétate de lithium dihydraté CH3COOLi,2H2O.

La diffraction des neutrons montre que la structure du cristal de CD3COOLi, 2H2O et sa dynamique des CD3 sont différentes de celles de leurs homologues hydrogénés.

A température ordinaire (300 K) les distributions des protons ou des deutérons sur des anneaux presque isotropes (Fig. 42, 300 K) sont identiques. La même distribution subsiste jusqu'à 2 K pour le composé hydrogéné en accord avec la libre rotation des CH3. Au contraire, le groupement CD3 ne tourne plus librement à basse température (Fig. 42, 14 K) et la localisation des deutériums indique un potentiel local d'ordre 3 avec une barrière élevée. Il y a une transition de phase cristalline vers 18 K qui n'existe pas pour le composé hydrogéné. Juste avant la transition on voit apparaître la mise en ordre des groupements CD3 (Fig. 42, 40K).

Le changement de structure induit par la deutération des méthyles est directement lié au caractère quantique de la rotation et à l’effet de masse.

Fig. 42. Distributions de densité de probabilité des atomes de deutérium dans un cristal de CD3COOLi,2H2O à différentes températures.

B. NICOLAÏ, A. COUSSON, F. FILLAUX, The effect of methyl deuteration on crystalline structure in Lithium acetate dihydrate Chem. Phys. Letters 290 (2003) 101-120.

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Projet

Suite à la découverte de la transition de phase de l'acétate de lithium dihydraté induite par deutériation du groupement méthyle, nous étudierons les effets de la deuteriation partielle CHD2 et CH2D. En collaboration avec A. Inaba (Université d'Osaka, Japon), nous avons mesuré les capacités calorifiques des différentes variétés isotopiques (Figure) qui révèlent un ensemble complexe de transitions de phase. En collaboration avec A. Cousson et G. André (LLB, Saclay), nous procéderons à la détermination des différentes structures cristallographiques par diffraction de neutrons.

Lorsque nous aurons un ensemble complet de mesures expérimentales, nous tenterons d'établir un cadre formel pour les corrélations entre les structures des différentes phases cristallines, les capacités calorifiques, et les niveaux rotationnels (effet tunnel). Nous tenterons de préciser la nature profondément quantique des transitions de phase.

Fig. 4 : Capacités calorifiques des différentes variétés isotopiques des variétés isotopiques de l'acétate de

lithium di-hydraté

Nous entreprendrons des études semblables sur les variétés isotopiques de la 4-méthyle-pyridine. Dans ce cas, les dérivés totalement hydrogénés ou deutériés ne présentent aucune transition de phase, tandis que les analogues partiellement deutériés, CHD2 et CH2D, présentent des transitions à 6 et 4 K, respectivement. Les mesures calorimétriques et cristallographiques devraient préciser la nature des transitions de phase et, probablement, mettre en évidence les effets quantiques collectifs.

2.4. Conduction protonique Collaborations : Université Ekaterinbourg, Russie

IEM, CNRS-Université de Montpellier AREVA-NP, Montpellier & Le Creusot SCT, Tarbes Ecole des Mines de Saint-Etienne LISE, CNRS, Paris LLB, CEA-CNRS, Saclay

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De par sa faible taille, la physique et la chimie du proton sont uniques23. Si les propriétés à basse température du proton, des espèces protoniques et des composés les hébergeant commencent à être mieux connues, en particulier grâce aux techniques de diffusion neutronique, la connaissance de leur nature et leur comportement à moyenne et haute température restent plus que limitées, en particulier du fait de difficultés expérimentales. Si l'hydrogène apparaît comme un des vecteurs d'énergie les plus aptes à limiter pollution et émission de CO2, il n'y a pas à ce jour de solution économiquement viable pour sa production en masse. L'utilisation conjointe de la chaleur et de l'électricité d'une centrale nucléaire offre une solution à condition de disposer d'un électrolyte étanche à l'hydrogène, présentant une bonne conductivité protonique à une température inférieure à 600/650°C pour éviter l'usage d'alliages très onéreux, les seuls aptes à résister à la très forte corrosion par l'eau sous haute pression (>>10 bars) à ces températures. Ce problème élimine la solution alternative d'utiliser des électrolytes conducteurs par ion oxygène connus depuis longtemps mais nécessitant une température supérieure à 700°C. Les travaux initiés lors du premier choc pétrolier sur certaines pérovskites de type (Sr,Ba,Ca)(Ti,Zr,Nb,Ta)O3 dopées par des terres rares à des taux de plusieurs % ont montré leur intérêt comme électrolyte solide. Cependant la céramique doit, outre la meilleure conductivité possible, satisfaire à d'autres exigences comme un coefficient de dilatation compatible avec les électrodes mixtes à point triple et une parfaite étanchéité à l'hydrogène, même après de nombreux cycles thermiques.

Notre attention à expliciter la condition protonique est ancienne22 et nous avons maintenu une activité régulière depuis les travaux pionniers effectués dans les années 80, dans le cadre de diverses collaborations avec des équipes tunisienne puis yougoslave et russe, ce type d'activité n'étant pas soutenue par nos tutelles jusqu'à que le besoin de développer de nouvelles filières énergétiques devienne un objectif politique! L'attention a porté sur la nature des "protons" dans différents réseaux hôtes, leurs signatures vibrationnelles directes ou via les modifications de celles du réseau hôte, leurs interactions avec ce réseau et leurs propriétés, électriques mais aussi bio-chimiques. A "haute" température (c'est à dire à une température de forte mobilité protonique) se pose la question de l'existence simultanée du proton sous différentes formes, protons pénétrant la sphère de covalence d'atomes "porteurs" (ex. : OH-, H3O+,…) ou de protons partageant leur interaction entre 2 (H5O2

+) ou plus oxygènes environnants, jusqu'à former un proton ionique polaronique.

I. ANIMITSA, T. DENISOVA, A. NIEMAN, A. NEPRYAHIN, N. KOCHETOVA, N. ZHURAVIEV, Ph. COLOMBAN States of H+-containing Species and Proton Migration Forms in Hydrated Niobates and Tantalates of Alkaline-Earth Metals with a Perovskite-Related Structure Solid State Ionics 162-163 (2003) 73-81. U. B. MIOČ, M. R. TODOROVIĆ, M.DAVIDOVIĆ, Ph.COLOMBAN, I .HOLCLAJTNER-ANTUNOVIĆ Heteropolycompounds, from proton conductors to biomedical agents Solid State Ionics 176 [39-40] (2005) 3005-3017. M. DAVIDOVIĆ, T. ČAJKOVSKI, Ph. COLOMBAN, U.B. MIOČ, V. LIKAR-SMILJANIĆ, D. ČAJKOVSKI, R. BILJIĆ AND Z. NEDIĆ The influence of monovalent and bivalent cations on the electrical properties of 12-Tungstophosphoric acid salts Solid State Ionics 176 [39-40] (2005) 2881-2885.

23 Proton Conductors, Ph. Colomban Ed, Cambridge University Press, 1992.

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Un important programme ANR PAN-H (CELEVA), associant 2 industriels, AREVA (nucléaire) et SCT (production de céramiques) et 4 laboratoires, le LISE (CNRS/UPMC, électrochimie), l'IMM (CNRS/Université de Montpellier, synthèse et frittage des céramiques), l'ENS des Mines de St-Etienne (Frittage sous charge) et nous-même a débuté en 2005 au travers d'une ACI (MAEVA) à laquelle nous sommes associés avec le support exclusif de la Société FRAMATOME ANP puis de sa maison mère AREVA pour l'étude de la préparation et la caractérisation de pérovskites de type (Ba,Sr,Ca)(Zr,Ti)O3 convenablement dopées et hydrogénées. L'obtention de cette ANR (cf. projet) offre la possibilité de concevoir (et financer) les outils nécessaires - cellules autoclaves haute température demandant des alliages très spécifiques, différents pour les mesures Raman et neutrons et spectromètre Raman à très haute sensibilité – en bénéficiant de l'apport technologique des équipes d'AREVA ayant l'expérience de la manipulation de l'eau à haute température et haute pression.

S. WILLEMIN, O. LACROIX, B. SALA, Ph. COLOMBAN, A. JULBE, A. AYRAL, H. TAKENOUTI, J.-P. PY Synthesis and characterisation of proton conducting ceramic membranes Desalination, 200 [ 1-3] (2006) 92-94.

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Photo CNRS/Photothèque Chr. Lebedinsky

Mesures Raman sur site à la Sainte-Chapelle, Paris, 2006