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RÉACTIONS À LA PROPOSITION DE DIRECTIVE EUROPÉENNE SUR LES ABUS DE MARCHÉ ------------ OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS Rapport présenté par M. Pierre-Antoine GAILLY au nom de la commission juridique et de la commission économique et financière et adopté par l’Assemblée générale du 4 avril 2002

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RÉACTIONS À LA PROPOSITION DE DIRECTIVE EUROPÉENNE SUR LES ABUS DE MARCHÉ

------------OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS

Rapport présenté par M. Pierre-Antoine GAILLYau nom de la commission juridique et

de la commission économique et financière

et adopté par l’Assemblée générale du 4 avril 2002

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-SYNTHESE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS-

La proposition de directive européenne « abus de marché » a pour objectif

d’améliorer les règles relatives à l’intégrité du marché dans l’ensemble de l’Union

européenne. Pour ce faire, elle vise à harmoniser les obligations légales concernant

le délit d’initié et la manipulation de marché entre les différents Etats membres, tant

en ce qui concerne les règles que les définitions applicables. Elle repose, d’une part,

sur les principes de transparence et d’égalité de traitement des intervenants et,

d’autre part, sur la nécessité d’une coopération plus étroite entre les autorités

nationales compétentes.

Cependant, l’objectif de transparence ne doit pas être abordé comme une finalité en

soi, mais au contraire, nécessite, pour rendre les places financières européennes

plus performantes, de prendre en compte les réalités économiques auxquelles est

confronté l’ensemble des acteurs.

Parallèlement, la compétitivité des marchés, mais aussi la confiance des

investisseurs, sont conditionnées à la mise en place d’un encadrement juridique

modéré et adapté aux spécificités du domaine boursier.

I- Pour un juste équilibre entre contraintes économiques et transparence des

marchés

A - Sur la notion de marché

� Exclure explicitement les instruments dérivés négociés du champ d’application de

la directive. D’une façon plus générale, dans le cadre de la révision de la directive

sur les services d’investissement, préciser davantage les critères de définition

des marchés réglementés afin d’éviter une interprétation trop extensive et

divergente par chaque Etat membre (proposition n° 1).

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B - Sur l’information financière

� Pour les entreprises qui se servent de leurs sites web pour rassembler les

informations privilégiées qu’elles rendent publiques, préciser la durée minimum

pendant laquelle celles-ci doivent apparaître en ligne (proposition n°2) ;

� Préférer l’approche globale des transactions sur titres des dirigeants,

recommandée récemment par la COB, à une déclaration individuelle, telle qu'elle

découle des termes de la proposition de directive (proposition n° 3).

II- Pour un encadrement juridique modéré

A - Pour une définition stricte des abus de marché

1) Définition des infractions d’initiés et nature de l’information privilégiée

� S’agissant des infractions d’initiés,

- harmoniser explicitement le régime applicable aux délits d’initiés primaire et

secondaire et retenir, pour l’un comme pour l’autre, un élément intentionnel

apprécié in concreto (proposition n°4) ;

- rejeter, dans tous les cas, la notion de tentative en matière de délit d’initié

(proposition n°5) ;

� S’agissant de l’information privilégiée, exclure explicitement de la définition de

l’information privilégiée, les données politiques ou statistiques (proposition n° 6).

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2) La manipulation de cours et de marché

� Se limiter à la définition du délit français de manipulation de cours (proposition

n°7).

B - Pour un système répressif adapté aux évolutions du marché et des pratiques

financières

� Abolir le cumul de sanctions administratives et pénales pour les délits

sanctionnés par la proposition de directive (proposition n°8) ;

� Rejeter l’établissement d’une liste des mesures et sanctions administratives

pouvant être invoquées en cas de non-respect des dispositions de la directive par

les autorités nationales (proposition n°9).

C - Pour une autorité unique de marché

� Approuver la désignation d’une autorité administrative unique, dans chaque Etat

membre, compétente pour assurer l’application des dispositions de la directive ;

une telle solution faciliterait, de surcroît, la coopération entre autorités boursières

au sein de l’Union européenne (proposition n°10) ;

� Encourager la création d’un comité consultatif auprès de chaque autorité

nationale administrative, mais préciser ses missions et pouvoirs (proposition

n°11) ;

� Rejeter toute délégation des pouvoirs de surveillance et d’enquête de l’autorité

administrative unique nationale ; à tout le moins, limiter cette délégation à des

autorités administratives (proposition n°12).

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- SOMMAIRE -

TITRE I

POUR UN JUSTE ÉQUILIBRE ENTRE CONTRAINTES ÉCONOMIQUES ETTRANSPARENCE DES MARCHÉS ___________________________________________ 8

I - L’OBJECTIF DE TRANSPARENCE DES MARCHÉS DOIT ETRE SOUTENU…_____ 9

II - …MAIS SA MISE EN ŒUVRE DOIT TENIR COMPTE DES CONTRAINTESÉCONOMIQUES DES ENTREPRISES___________________________________________ 11

A - SUR LA NOTION DE MARCHÉ ________________________________________________________ 111) Le système français ______________________________________________________________ 112) La proposition de directive_________________________________________________________ 123) Analyse critique et proposition _____________________________________________________ 13

B - SUR L’INFORMATION FINANCIERE____________________________________________________ 14

TITRE II

POUR UN ENCADREMENT JURIDIQUE MODÉRÉ ___________________________ 18I - POUR UNE DÉFINITION STRICTE DES ABUS DE MARCHÉ ___________________ 19

A - LA DÉFINITION DES INFRACTIONS D’INITIÉS ET NATURE DE L’INFORMATION PRIVILÉGIÉE ______ 201) Les infractions d’initiés ___________________________________________________________ 202) L’information privilégiée__________________________________________________________ 27

B - LA MANIPULATION DE COURS ET DE MARCHÉ __________________________________________ 301) Le système français ______________________________________________________________ 302) La proposition de directive_________________________________________________________ 313) Analyse critique et proposition _____________________________________________________ 32

II - POUR UN SYSTÈME RÉPRESSIF ADAPTÉ AUX EVOLUTIONS DU MARCHÉ ETDES PRATIQUES FINANCIÈRES_______________________________________________ 32

A – LE SYSTÈME FRANÇAIS ____________________________________________________________ 331) Les sanctions pénales_____________________________________________________________ 332) Les sanctions administratives ______________________________________________________ 333) Le cumul de sanctions administratives et pénales ______________________________________ 344) La publicité des sanctions _________________________________________________________ 35

B - LA PROPOSITION DE DIRECTIVE : VERS UNE VOLONTE REPRESSIVE RENFORCEE _______________ 351) Sur le principe d’une obligation répressive à l’initiative des États membres__________________ 352) Sur la publicité des sanctions ______________________________________________________ 35

C - ANALYSE CRITIQUE ET PROPOSITIONS ________________________________________________ 36

III - POUR UNE AUTORITÉ UNIQUE DE MARCHÉ ______________________________ 37A - LE SYSTEME FRANÇAIS _____________________________________________________________ 38

1) La désignation d’une autorité nationale compétente ____________________________________ 382) Les pouvoirs de surveillance et d’enquête_____________________________________________ 38

B - LA PROPOSITION DE DIRECTIVE ______________________________________________________ 391) La désignation d’une autorité nationale compétente ____________________________________ 392) Les pouvoirs ____________________________________________________________________ 39

C - ANALYSE CRITIQUE ET PROPOSITIONS ________________________________________________ 40

ANNEXE : LES SYSTEMES ETRANGERS _______________________________________ 42

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La Commission européenne a présenté une proposition de directive concernant les

opérations d'initiés et les manipulations du marché1, visant à actualiser la directive

sur les délits d'initié (89/592/CEE)2 adoptée il y a plus d'une décennie. Dans un

contexte de forte évolution des marchés financiers, son but est d’assurer l'intégrité

des pratiques sur les marchés des valeurs mobilières de toute l'Union Européenne,

en se fondant sur les principes de transparence et d'égalité de traitement entre

opérateurs ; c’est-à-dire, renforcer la confiance des investisseurs en ces marchés.

Le projet vise d’abord les autorités nationales compétentes, afin qu’elles collaborent

plus étroitement entre elles et échangent davantage d'informations. Ce projet de

texte souhaite ensuite diminuer les discordances, confusions et exceptions dans les

États membres, en établissant des principes directeurs pour l'attribution des

responsabilités, l'application des règles et la coopération en Europe, inspirés du

concept de transparence, importé d’outre-atlantique.

Néanmoins, le manque de concertation préalable a conduit la Commission à

présenter un texte encore flou, générant de la part des parlementaires européens3

des amendements de précision, dont la portée pourrait menacer les entreprises au

quotidien. En effet, si cette initiative - qui est un élément important du plan d'action

pour les services financiers - donne une impulsion à la construction d'un marché

intégré des services d'ici à 2003, elle ne doit pas pour autant conduire à pénaliser

non seulement les entreprises dans leur communication financière et leur

développement, mais aussi certains secteurs économiques dont l’activité est

fortement liée à des marchés comme celui des matières premières. Qui plus est,

l’objectif de transparence des marchés financiers, qui semble guider de nombreuses

dispositions adoptées par le Parlement européen, ne doit pas aboutir à une

surenchère, fruit d’une volonté, certes légitime, de lutte contre le terrorisme, alors

même qu’il vient de montrer ses limites aux Etats-Unis avec l’affaire Enron. Il faut

1 JO C240 E du 28/08/2001, p.265.2 Dir. n°89/592 du 13 novembre 1989, JOCE n° L 334 du 18 novembre 1989.3 Commission économique et monétaire (CEM) et Commission juridique et du marché intérieur.

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notamment garder à l’esprit que de nombreuses activités des entreprises, dans le

cadre concurrentiel actuel, sont soumises au secret des affaires et sont donc

difficilement conciliables, dans la pratique, avec des obligations de transparence trop

rigides.

Aussi et au-delà de ces influences, ce rapport s’attachera à faire une analyse critique

de la proposition de directive adoptée par le Parlement européen, au regard des

contraintes économiques qui pèsent sur les entreprises et de la nécessaire

discrétion de leurs considérations stratégiques.

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TITRE IPOUR UN JUSTE ÉQUILIBRE ENTRE CONTRAINTESÉCONOMIQUES ET TRANSPARENCE DES MARCHÉS

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I - L’OBJECTIF DE TRANSPARENCE DES MARCHÉS DOIT ETRE SOUTENU…

La proposition de directive est une des premières suites de l’engagement du Conseil

européen de Lisbonne à réaliser l’intégration des marchés financiers européens pour

2005 au plus tard. En particulier, il était demandé que tout soit mis en œuvre pour

parvenir à un marché intégré des valeurs mobilières d’ici fin 2003.

Dans ses motifs, ce texte prend acte que les marchés financiers jouent un rôle

croissant dans l’Union européenne et affirme que leur “ bon fonctionnement et la

confiance du public (…) sont des préalables indispensables à une croissance

économique et à une richesse durable ”. La Commission européenne met

actuellement en place un ensemble d’indicateurs financiers, visant à quantifier le

degré d’intégration et l’efficacité des marchés financiers européens4.

Les abus de marché sont ainsi d’abord considérés comme pouvant augmenter le

coût de financement des entreprises, mais aussi décourager de nouveaux

investisseurs, ce qui pourrait avoir de graves conséquences à moyen et long termes.

La nécessité d’une remise à jour de la directive de 1989 s’est ensuite accrue avec

l’internationalisation croissante des marchés, l’apparition des nouvelles technologies

de l’information et la création de récentes gammes de produits, techniquement

complexes comme les produits dérivés. Ainsi, ces tendances ont pour effet de

multiplier les incitations et les occasions de manipulation des marchés, notamment

avec l’utilisation des forums de discussion sur internet.

Allant dans ce sens, les statistiques de la COB dénotent une vigilance accrue du

régulateur français, puisque son Directeur général constatait récemment que “ ses

enquêteurs ont examiné depuis deux ans plus d’affaires d’initiés que la COB n’en

avait révélé depuis sa création ”5. Cela fait plusieurs années que les régulateurs

mondiaux ont mis en place des accords et des conventions d’échange

4 Annoncé dans “ Etat d’avancement du plan d’action pour les services financiers – Cinquième rapportintermédiaire, ” 30 novembre 2001.5 Gérard Rameix - Discours d’introduction des Entretiens de la COB, 20 novembre 2001.

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d’informations. Ainsi, la COB a signé plus de trente conventions bilatérales et

coopère au travers de Fescopol, réseau européen composé des chefs de

l’Inspection des dix-sept régulateurs européens membres du Comité des régulateurs

européens (CESR) et de l’Organisation internationale des commissions de valeurs

(OICV). En particulier, Fescopol dispose d’un groupe d’experts sur l’abus de marché

et a produit un rapport6 sur l’élaboration d’un véritable réseau de lutte contre les

infractions boursières en Europe qui a été présenté à la Commission européenne.

Aussi, en l’absence de prévention contre la manipulation des marchés à l’échelle

européenne7, le cadre juridique actuel est incomplet, car il n’existe pas de

dispositions communes de répression des manipulations de marché8 ; les règles

applicables aux abus de marché divergeant entre États membres. Notamment, la

définition du délit d’initié est si générale dans la directive de 1989 que sa

transposition a donné lieu à des interprétations hétérogènes9. Il est évident qu’un tel

contexte ne peut que générer des distorsions de concurrence sur les marchés, qui

ne pourraient que s’amplifier avec leur développement.

Face à cette situation, diverses considérations ont conduit le législateur européen à

privilégier une approche objectiviste de l’abus de marché, justifiée par le souhait

d’une plus grande transparence des marchés financiers. Celle-ci, inspirée des

pratiques anglo-saxonnes, vient pourtant de montrer ses limites aux Etats-Unis et

n’est donc pas une garantie absolue contre la délinquance financière. Sans nul

doute, une mise en œuvre exacerbée de la transparence conduirait une partie du

monde économique à une paralysie, car la vie des affaires demande un certain

secret, comme le démontre a contrario le développement de l’intelligence

économique dans les grandes puissances industrielles. Cet objectif demande à tenir

compte des contraintes économiques des entreprises.

6 “ A European Regime against Market Abuse” FESCO, septembre 2000.7 Déclaration de Susanne Bergsträsser, Présidente de Fescopol, lors de la 2ème table-ronde desEntretiens de la COB, 20 novembre 2001.8 Sur les pouvoirs de sanction : cf. “ Le pouvoir de sanction des homologues internationaux de laCOB ”, Bulletin mensuel COB, décembre 2001.9 Pour anecdote, lors d’un colloque en 1994, les différents intervenants de plusieurs pays invités ontdonné des réponses variées au même cas pratique qui leur était soumis !

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II - …MAIS SA MISE EN ŒUVRE DOIT TENIR COMPTE DES CONTRAINTESÉCONOMIQUES DES ENTREPRISES

Les dispositions adoptées par le Parlement européen traduisent une profonde

méconnaissance des réalités économiques des entreprises, en particulier tant en ce

qui concerne le périmètre de la directive que les activités des dirigeants.

A - SUR LA NOTION DE MARCHE

Avant d’examiner la proposition de directive, il est utile de rappeler quels sont les

marchés concernés par la réglementation française.

1) Le système français

Depuis la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 modifiant l’ordonnance du 28 septembre

196710, le délit pénal et le manquement au règlement de la COB se sont rejoints

s’agissant de l’interprétation de la notion de marché : ce terme vise l’ensemble des

transactions portant sur des instruments financiers admis aux négociations sur un

marché réglementé ainsi que sur les titres ayant figuré au relevé quotidien du

marché libre.

En revanche, dans sa rédaction issue de la loi du 2 juillet 1996, l’article 10-3 de

l’ordonnance de 1967 visant les manipulations de cours, n’exige pas qu’il s’agisse

d’un marché réglementé. Il est donc possible que l’infraction puisse concerner des

marchés d’instruments financiers de gré à gré ou des contrats à terme.

« Le juge et le marché boursier », colloque organisé par l’Université de Dauphine et la Cour d’appel deParis les 16 et 17 mars 1994, Les Petites Affiches, 15 juin 1994.10 Tout d’abord, l’article 10-1 alinéa 1er de l’ordonnance de 1967 prévoit désormais que l’informationprivilégiée peut porter tant sur les perspectives ou la situation d’un émetteur dont les titres sontnégociés sur un marché réglementé que sur les perspectives d’évolution d’un instrument financieradmis sur un marché réglementé. Ensuite, l’article 10-5 nouveau précise que le délit est constitué lorsque les informations portent sur unémetteur dont les titres figurent ou ont figuré au relevé quotidien du hors-cote.

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2) La proposition de directive

Selon l’article 9, “ les dispositions de la présente directive s’appliquent à tout

instrument financier admis à la négociation sur un marché réglementé d’au moins un

État membre, ou pour lequel une demande d’admission à la négociation sur un tel

marché a été introduite, que la transaction elle-même soit effectivement exécutée sur

ce marché ou non.

Les articles 2 à 4 s'appliquent également à tout instrument financier non admis à la

négociation sur un marché réglementé d'un État membre, mais dont la valeur

dépend d'un instrument financier visé au premier alinéa.

L'article 6, paragraphes 1 à 3, ne s'applique pas aux émetteurs qui n'ont pas

demandé ou approuvé l'admission de leurs instruments financiers à la négociation

sur un marché réglementé d'un État membre ”.

La notion d’instrument financier est précisée dans l’article 1, sous forme d’une liste :

� les valeurs mobilières telles que définies par la directive 93/22/CEE ;

� les parts d'organismes de placement collectif ;

� les instruments du marché monétaire ;

� les contrats financiers à terme, y compris les instruments équivalents

donnant lieu à un règlement en espèces ;

� les contrats à terme sur taux d'intérêt ;

� les contrats d'échange (swaps) sur taux d'intérêt, devises et actions ;

� les options visant à acheter ou à vendre tout instrument relevant de ces

catégories, y compris les instruments équivalents donnant lieu à un

règlement en espèces, en particulier les options sur devises et taux

d'intérêt ;

� les instruments dérivés de marchandises ;

� tout autre instrument admis ou faisant l’objet d’une demande d’admission à

la négociation sur un marché réglementé dans un Etat membre.

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La proposition de directive vise explicitement les instruments financiers négociés ou

en passe d’être admis sur les marchés réglementés.

3) Analyse critique et proposition

Deux critiques peuvent être formulées.

En premier lieu, la notion de marché réglementé, qui a été définie par la directive sur

les services d’investissement (DSI) de 1993 au moyen de cinq critères cumulatifs11

pas toujours précis, conduit à des interprétations différentes par les États membres.

Elle devrait être modifiée prochainement, dans le cadre de la révision de cette

directive. En France, et lorsqu’il est saisi, c’est le Conseil des marchés financiers qui

propose au Ministre de l’économie et des finances de reconnaître la qualité de

marché réglementé.

Dès lors, une interprétation extensive de cette notion par chaque autorité nationale

pourrait faire entrer dans le champ d’application de la proposition de directive des

instruments financiers dont se servent régulièrement de nombreuses entreprises afin

de couvrir les risques liés à la conjoncture économique ou, plus spécifiquement, pour

exercer leurs métiers.

En d’autres termes, on ne pourrait donc pas appréhender les limites du champ

d’application de la directive.

En second lieu, en visant clairement les instruments dérivés négociés, le texte

européen risquerait d’entraîner la paralysie de certains marchés, par exemple celui

des matières premières. Le Comité économique et social européen a déjà fait,

notamment, référence à la situation d’une “ société pétrolière qui est préoccupée à

propos de ses perspectives de production pour l'année à venir et qui cherche à

protéger sa position contre le risque d'une évolution défavorable des prix en utilisant 11 Ils portent sur des instruments financiers visés à l’article 1 de la DSI ; leur fonctionnement estrégulier (le moment de la plus prochaine cotation est connu avec certitude) ; leurs conditions defonctionnement, d’accès et d’admission à la négociation sont définies par des dispositions établies etapprouvées par les autorités compétentes ; ils imposent le respect des obligations de déclaration et detransparence ; ils doivent être inscrits sur la liste des marchés réglementés établie par l’Etat membredu lieu de marché.

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un instrument dérivé approprié. En vertu du régime que propose le texte dans sa

rédaction actuelle, cette société pourrait être tenue de communiquer toutes ses

informations à des homologues et à des concurrents ”12.

Si les parlementaires européens ont tenu compte de cette remarque dans l’exposé

des motifs en considérant que «l'autorité compétente [COB] peut formuler des

orientations concernant les aspects faisant l'objet de la présente directive, par

exemple la définition de l'information privilégiée dans le contexte des instruments

dérivés de marchandises, les pratiques normales par rapport à la définition des

manipulations de marché», ils n’en ont pas tiré de conséquence quant au texte

proposé. Cette réponse, qui apparaît pour le moins incomplète, risque de conduire à

des ambiguïtés d’interprétation. En outre, il apparaît plutôt incongru de déléguer à

une autorité de régulation nationale le soin de définir les pratiques normales sur les

marchés de marchandises.

Proposition n°1Exclure explicitement les instruments dérivés négociés du champ

d’application de la directive.D’une façon plus générale, dans le cadre de la révision de la directive sur lesservices d’investissement, préciser davantage les critères de définition des

marchés réglementés afin d’éviter une interprétation trop extensive etdivergente par chaque Etat membre.

B - SUR L’INFORMATION FINANCIERE

En accord avec la définition de l’information publique qu’il a proposé à l’article 1, le

Parlement européen suggère à l’article 6 que les entreprises se servent de leurs

sites web pour rassembler, pendant une période appropriée, toute l’information

privilégiée qu’elles rendent publiques, avec la possibilité d’inscription à des listes de

diffusion de nouveautés.

12 Avis du Comité économique et social européen, 17 janvier 2002.

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De nombreuses entreprises cotées utilisent désormais leurs sites web comme

vecteur privilégié de leur communication financière et la COB a émis deux

recommandations sur ce sujet13. Cet amendement ne peut qu’être soutenu, mais

demanderait à être précisé quant à la période de publication.

Proposition n°2Pour les entreprises concernées, préciser la durée minimum pendant laquelle

ces informations doivent apparaître sur le site.

Plus surprenant est l’amendement concernant la transparence relative aux

transactions sur les titres d’une entreprise effectuées par ses dirigeants : selon

l’article 6 §2 bis (nouveau), « les personnes exerçant des responsabilités dirigeantes

au sein d’un émetteur d’instruments financiers et, le cas échéant, les personnes

ayant un lien étroit avec elles, doivent communiquer à l’autorité compétente

l’existence de toute transaction effectuée pour leur compte propre portant sur des

instruments financiers émis par l’institution dont ils sont membres, ou sur des

instruments financiers dérivés qui leur sont liés. Les États membres veillent à

permettre un accès aisé du public à ces informations dans les plus brefs délais. Pour

tenir compte de l’évolution technique des marchés financiers et assurer une

application uniforme de la présente directive dans la Communauté, la Commission

adopte, conformément à la procédure visée à l'article 17, paragraphe 2, les mesures

d'exécution concernant les catégories de personnes soumises à la déclaration

obligatoire visée au paragraphe 2 ainsi que les modalités techniques de la

déclaration à l’intention de l'autorité. »

Le texte préconise, à l’instar du système américain, une plus grande transparence

des transactions effectuées par des personnes occupant des fonctions de dirigeants

et par leurs proches, au sein des émetteurs.

En France, il existait, d’une part, un droit de consultation des actionnaires portant sur

le montant global des rémunérations versées aux cinq ou dix personnes les mieux 13 Recommandations n° 98-05 (mars 1999) et n° 2000-02 (décembre 2000).

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rémunérées14 et, d’autre part, en cas de document de référence ou de prospectus

visé par la COB, l’obligation pour les entreprises d’indiquer le montant total des

rémunérations directes et indirectes de la direction générale15. Ces devoirs ont été

rappelés dans un Vade mecum16, complété par la loi du 15 mai 2001 relative aux

nouvelles régulations économiques (NRE), qui impose désormais aux mandataires

sociaux la publication de leurs rémunérations individuelles dans le rapport annuel17.

Dans ce prolongement et sur le cas particulier des transactions sur titres, l’évolution

de la Commission des opérations de bourse s’inscrit de manière légitime dans le

mouvement plus général des pratiques de gouvernement d’entreprise, influencées

par les exemples britannique et américain18. En effet, l’autorité boursière vient de

publier une recommandation19 conduisant à une mise au nominatif des actions

détenues par les mandataires sociaux, à la déclaration individualisée des

transactions auprès de la société et à une déclaration semestrielle de celle-ci auprès

de la COB. Cette dernière déclaration des transactions des dirigeants est globale et

anonyme.

Néanmoins, la proposition du Parlement européen, qui va encore au-delà, pourrait

s’avérer particulièrement contraignante pour les dirigeants d’entreprise d’autant

qu’en renvoyant à la procédure de comitologie20, elle laisse planer une certaine

incertitude sur les modalités d’application.

14 Art. L. 225-115 du Code de commerce.15 Information COB Bulletin n° 278, mars 1994.16 COB, juin 2001.17 Art. L. 225-102-1 du Code de commerce. Le décret d’application précisant la liste des informationsdevant figurer dans le rapport sur la rémunération et les avantages versés aux mandataires sociauxn’a pas été publié à ce jour.18 Pour une comparaison internationale, cf “ Gouvernement d’entreprise : évolutions récentes enFrance et à l’étranger ” COB, Bulletin n° 338, septembre 1999.19 Recommandation n° 2002-01 relative à la déclaration par les mandataires sociaux des transactionseffectuées sur les titres de leur société, mars 2002.20 Qui ne peut porter que sur des modalités d’application.

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Enfin, ne faut-il pas mieux éviter un encadrement trop strict au profit de l’évolution

naturelle des pratiques déontologiques ? De nombreuses entreprises ont d’ailleurs

déjà sensibilisé leurs dirigeants à cette problématique de gestion patrimoniale

personnelle, voire instauré, pour certaines, des règles propres.

Proposition n°3Préférer l’approche globale des transactions sur titres des dirigeants,

recommandée récemment par la COB, à une déclaration individuelle, tellequ’elle découle des termes de la proposition de directive.

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TITRE IIPOUR UN ENCADREMENT JURIDIQUE MODÉRÉ

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La directive européenne a emprunté une démarche répressive, notamment, par une

définition extensive des abus de marché et par la volonté d’imposer aux États

membres l’obligation générale de définir et d’infliger des sanctions en cas de

non-respect de ses dispositions.

Compétitivité et sécurité constituent, en effet, une préoccupation commune pour

l’ensemble des acteurs du marché dont la solution conduit souvent, tant aux niveaux

national qu’européen, à un encadrement juridique trop sévère.

Or, une volonté générale de réguler les places financières par une répression légale

forte des comportements abusifs risque d’affecter la confiance des investisseurs et

de fragiliser lourdement le marché, sans pour autant rendre ce dernier plus

compétitif. Au-delà d’un cadre normatif “ fort ”, c’est avant tout le respect des règles

juridiques par l’ensemble des acteurs concernés qui conditionne le développement

d’un marché dynamique, comme l’actualité récente a pu le démontrer s’agissant du

système américain.

Dès lors, ne faudrait-il pas plutôt se prononcer pour une définition plus stricte des

abus de marché accompagnée d’un système répressif adapté aux évolutions des

pratiques financières ? En revanche, la mise en place d’une autorité nationale

unique préconisée dans la proposition de directive doit être approuvée.

I - POUR UNE DÉFINITION STRICTE DES ABUS DE MARCHÉ

Les comportements constitutifs d’un abus de marché21 sont, en principe, répartis en

deux grandes catégories : les infractions d’initiés et la manipulation de cours ou de

21 Selon la proposition de directive, la notion d’abus de marché est définie comme “ les cas où desinvestisseurs ont été lésés, directement ou indirectement, par d’autres qui :- ont utilisé à leur avantage ou à l’avantage de tiers des informations qui n’étaient pas publiques ;- ont faussé le mécanisme de fixation des cours d’instruments financiers ;- ont propagé des informations fausses ou trompeuses ”.

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20

marché. Pour ces deux atteintes, le rappel de la législation française précèdera

l’analyse critique de la proposition de directive.

A – LA DEFINITION DES INFRACTIONS D’INITIES ET NATURE DE L’INFORMATION PRIVILEGIEE

1) Les infractions d’initiés

a) Le système français

Le droit français a la particularité de connaître deux infractions d’initiés : un délit de

droit pénal prévu aux articles L. 465-1 et L. 465-3 du Code monétaire et financier22 et

le manquement de droit administratif au règlement n°90-08 de la Commission des

opérations de bourse (COB), homologué par un arrêté du 17 juillet 1990. On

précisera que le champ de l’infraction pénale a récemment été étendu par la loi

n°2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne23 (LSQ).

� Le délit d’initié

� Définition et personnes visées

L’alinéa 1er de l’article L. 465-1 du Code monétaire et financier définit le délit d’initié

proprement dit et l’alinéa 2, le délit de communication fautive d’information privilégiée

(ou délit d’initiateur).

On appelle délit d’initié “ le fait, pour les dirigeants d’une société mentionnée à

l’article L. 225-108 du Code de commerce, et pour les personnes disposant, à

l’occasion de l’exercice de leur profession ou de leurs fonctions, d’informations

privilégiées sur les perspectives ou la situation d’un émetteur dont les titres sont

négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d’évolution d’un

instrument financier admis sur un marché réglementé, de réaliser ou de permettre de

22 Reprenant les articles 10-1 et suivants de l’ordonnance n°67-833 du 28 septembre 1967.23 Loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, JO n°266 du16 novembre 2001, page 18215.

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21

réaliser, soit directement, soit par personne interposée, une ou plusieurs opérations

avant que le public ait connaissance de ces informations ”.

Le délit d’initié n’est sanctionné que si l’infraction est consommée ; la tentative n’est,

en effet, pas retenue dans cette hypothèse, dans la mesure où aucun texte législatif

ne le prévoit comme l’exige l’article 121-4 du Code pénal en matière délictuelle24.

Le délit de communication d’information privilégiée consiste “ pour toute

personne disposant dans l’exercice de sa profession ou de ses fonctions d’une

information privilégiée sur les perspectives ou la situation d’un émetteur dont les

titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d’évolution

d’un instrument financier admis sur un marché réglementé ” à “ la communiquer à un

tiers en dehors du cadre normal de sa profession ou de ses fonctions ”. En d’autres

termes, il s’agit ici de sanctionner la simple transmission fautive de l’information

privilégiée, que celle-ci soit effectivement ou non utilisée par un tiers.

Le législateur a, au travers de la loi du 15 novembre 2001, étendu le champ

d’application des dispositions pénales relatives au délit d’initié à des personnes qui

n’y étaient pas encore soumises. En effet, jusqu’à présent, l’article L. 465-1 du Code

monétaire et financier ne sanctionnait que les initiés “ directs ”, à savoir le dirigeant

ou les personnes disposant, à l’occasion de l’exercice de leur profession ou de leurs

fonctions, d’informations privilégiées qui auraient réalisé ou permis de réaliser,

directement ou par personne interposée, des opérations sur un marché réglementé25.

En revanche, les initiés “ indirects ”, c’est-à-dire ceux ayant pu obtenir des

informations en dehors du cadre de leur profession, n’étaient pas visés. Ils ne s’en

trouvaient pas pour autant à l’abri de toute sanction s’ils utilisaient des informations

privilégiées26.

24 Selon l’article 121-4 du Code pénal, “ Est auteur de l’infraction la personne qui :- Commet les faits incriminés ;- Tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit ”. 25 Il peut s’agir de personnes physiques ou morales. 26 D’une part, ils pouvaient être condamnés sur le fondement du recel de délit d’initié. D’autre part, lerèglement n° 90-08 de la COB condamne à une forte amende (1 500 000 euros ou le décuple du profitréalisé), les personnes qui, en connaissance de cause, exploitent une information privilégiée provenant

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22

Avec la loi sur la sécurité quotidienne, l’initié indirect peut désormais être sanctionné

pour délit d’initié. En effet, selon l’article 33 §8, est puni « d’un an d’emprisonnement

et d’une amende de 150 000 Euros dont le montant peut être porté au-delà de ce

chiffre, jusqu’au décuple du montant du profit réalisé, sans que l’amende puisse être

inférieure à ce même profit, le fait pour toute personne autre que celles visées aux

deux alinéas précédents, possédant en connaissance de cause des informations

privilégiées sur la situation ou les perspectives d’un émetteur dont les titres sont

négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d’évolution d’un

instrument financier admis sur un marché réglementé, de réaliser ou de permettre de

réaliser, directement ou indirectement, une opération ou de communiquer à un tiers

ces informations, avant que le public en ait connaissance ».

� Le critère intentionnel

Selon le droit pénal, la constitution d’une infraction est subordonnée à la réunion de

trois éléments : un élément légal (l’infraction doit être prévue par un texte), un

élément matériel (existence d’un acte matériel) et un élément moral.

Toutefois, s’agissant de ce dernier, le législateur de 1810 ne donnait aucune

définition de l’intention ; seules quelques incriminations visaient indirectement la

faute intentionnelle, par des expressions telles que “ sciemment ” ou “ en

connaissance de cause ”. C’est d’ailleurs dans ce contexte que la jurisprudence a

dégagé une catégorie de délits matériels caractérisés par le seul résultat, l’intention

coupable étant sans incidence.

L’article L. 121-3 du Nouveau Code pénal27, entré en vigueur le 1er mars 1994, a

bouleversé cette construction jurisprudentielle en intégrant expressément l’intention

dans la définition légale des délits et en supprimant, par là-même, la notion de délits

purement matériels.

directement ou indirectement de personnes l’ayant obtenu dans le cadre de leurs fonctions ou de leurparticipation à une opération financière. 27 “ Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ”.

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23

La jurisprudence a toutefois fait une interprétation “ libérale ” de cet article : elle

déduit l’élément intentionnel de l’infraction de la seule violation de l’obligation

d’abstention28. En d’autres termes, les tribunaux considèrent qu’en raison des

fonctions ou de la profession de cette catégorie d’initié, ce dernier ne peut ignorer le

caractère privilégié d’une information dont il a eu connaissance : la mauvaise foi se

déduisant de la matérialité des faits, c’est-à-dire de la preuve de la réalisation

d’opérations en période d’abstention. En conséquence, la personne poursuivie ne

peut jamais, en pratique, s’exonérer de toute responsabilité en démontrant que

l’élément intentionnel n’a pas été établi. Il y a, de fait, une présomption d’intention à

l’encontre de l’initié primaire29.

La récente loi sur la sécurité quotidienne30 remet en cause l’essence même et la

cohérence de l’article L. 121-3 du Nouveau Code pénal et semble reprendre la

démarche empruntée par le Code de 1810, en exigeant que l’initié secondaire ait agi

en “ connaissance de cause ”. En d’autres termes, le risque est de voir la

jurisprudence considérer le délit d’initié secondaire comme un délit intentionnel et le

délit d’initié primaire comme une infraction matérielle. Cette interprétation serait très

dommageable pour l’initié primaire qui ne pourrait plus s’exonérer qu’en prouvant

l’absence d’élément matériel. En outre, une telle conception est inconcevable au

regard du principe général posé par l’article L. 121-3 du Nouveau Code pénal.

� Le manquement d’initié

Entré en vigueur le 21 juillet 1990, le règlement n°90-08 de la Commission des

opérations de bourse relatif à l’utilisation d’une information privilégiée a intégré en

droit français les dispositions de la directive européenne du 13 novembre 1989

concernant la coordination des réglementations relatives aux opérations d’initiés31.

28 Cass. Crim., 26 octobre 1995, Petites Affiches, 24 novembre 1995, n°141 p.19, note C. Ducouloux-Favard. 29 Or, une telle présomption retenue pour faciliter la preuve de l’infraction commise par cette catégoried’initiés est extrêmement dangereuse dans la mesure où elle facilite l’incrimination. 30 Précitée. 31 Directive n°89/592 du 13 novembre 1989, JOCE n° L 334 du 18 novembre 1989.

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24

Il édicte une obligation d’abstention d’exploiter ou de communiquer une information

privilégiée, pour les dirigeants et personnels de l’émetteur, les professionnels

préparant ou participant à la réalisation d’une opération financière32, les personnes

bénéficiant de cette information, soit dans le cadre de leur profession ou de leurs

fonctions, soit, à toute occasion, mais provenant des personnes précédemment

visées. Enfin, le manquement peut être commis par une personne morale (dans son

intérêt exclusif et conformément à l’objet social).

Quant à l’élément intentionnel, il n’est pas pris en compte pour le manquement

administratif.

b) La proposition de directive : vers une définition extensive des infractions d’initiés

Le nouveau texte souhaite, notamment, remédier à l’existence d’une définition du

délit d’initié si générale dans la directive de 1989, que sa transposition a donné lieu à

des interprétations hétérogènes.

� L’objet de cette réforme est, d’une part, d’interdire aux personnes disposant

d’une information privilégiée de l’utiliser33 (article 2°, §1). D’autre part, elle conduit

également à imposer des règles strictes de confidentialité34 (article 3).

� S’agissant des personnes concernées, la proposition de directive définit deux

catégories d’initiés :

L’initié “ primaire ” (ou “ direct ”) est celui qui dispose d’une information

privilégiée en raison de sa qualité de membre des organes d’administration, de

32 La communication d’une telle information ne pouvant intervenir que pour les besoins de la missionqui a été confiée à l’initié. 33 Article 2 §1, alinéa 1er : “ Les Etats membres interdisent à toute personne visée aux deuxième ettroisième alinéas qui dispose d’une information privilégiée d’utiliser cette information pour acquérir oupour céder, ou pour tenter d’acquérir ou de céder, pour compte propre ou pour compte d’autrui, soitdirectement soit indirectement, les instruments financiers liés à cette information”. 34 Article 3 : “ Les Etats membres interdisent à toute personne soumise à l’interdiction prévue àl’article 2 : - de communiquer cette information privilégiée à toute autre personne, si ce n’est dans le cadre normalde l’exercice de son travail, de sa profession ou de ses fonctions ; - de recommander à une autre personne d’acquérir ou de céder, ou de faire acquérir ou céder par untiers, sur la base de cette information privilégiée, les instruments financiers liés à ces informations ”.

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25

direction ou de surveillance de l’émetteur, de sa participation au capital de ce

dernier, ou de l’exercice de son travail, de sa profession ou de ses fonctions35 et qui

l’utilise pour “ acquérir ou pour céder, ou pour tenter d’acquérir ou de céder… les

instruments financiers liés à cette information ”36.

Le texte vise ainsi l’ensemble des personnes physiques ou morales37 qui sont

proches de par leurs fonctions ou activités de l’émetteur, et qui, à ce titre, peuvent

disposer aisément d’éléments sur la société alors qu’ils n’ont pas encore été rendus

publics38. Outre les dirigeants, sont donc concernés les actionnaires, les salariés,

mais aussi les collaborateurs externes, tels que les avocats, conseils, commissaires

aux comptes de la société…

Par ailleurs, la simple tentative est sanctionnée, peu importe le résultat obtenu.

L’initié “ secondaire ” (ou “ indirect ”) est celui qui dispose d’une information

privilégiée alors qu’il “ sait ou ne peut ignorer qu’il s’agit d’une information

privilégiée ” (article 4).

D’une manière générale, toute personne en possession d’une information inconnue

du public peut être qualifiée d’initié “ secondaire ”.

c) Analyse critique et propositions

Plusieurs critiques méritent ici d’être formulées :

Tout d’abord, la proposition de directive donne une définition très large du délit

d’initié “ primaire ”, en particulier s’agissant des personnes susceptibles d’être

poursuivies sur ce fondement.

35 Article 2 §1, alinéa 2.36 Article 2 §1, alinéa 1.37 Dans ce cas, l’interdiction s’étend aux personnes physiques qui participent à la décision de procéderà la transaction pour le compte de cette personne morale (article 2 § 2).38 Selon l’article 2 §3 bis, “ le présent article ne s’applique pas aux transactions effectuées pourassurer l’exécution d’une obligation d’acquisition ou de cession d’instruments financiers devenueexigible, lorsque cette obligation résulte d’une convention conclue avant d’être en possession d’uneinformation privilégiée ”.

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26

Ensuite, appréhender différemment l’élément moral du délit d’initié primaire et

secondaire est radicalement critiquable à plusieurs égards.

En premier lieu, le fait de préciser cet élément moral uniquement dans le cas du délit

d’initié secondaire (sans l’évoquer pour le délit d’initié primaire) semble conduire à

opérer la même discrimination que celle qui pourrait résulter de l’interprétation du

droit pénal français par la jurisprudence ; c’est-à-dire, l’assimilation du délit d’initié

primaire à un délit matériel39.

En second lieu, l’appréhension même de l’élément moral du délit d’initié secondaire

est fortement discutable quant à son contenu. Rappelons que, pour caractériser cet

élément moral, « l’initié sait ou ne peut ignorer qu’il s’agit d’une information

privilégiée ». La première partie de ce membre de phrase « il sait » évoque

clairement l’intention appréciée « in concreto » ; ce qui est la conception

traditionnelle du droit pénal. En revanche, le second groupe de mots « ne peut

ignorer qu’il s’agit d’une information privilégiée » se rattache à une interprétation « in

abstracto » de l’élément intentionnel, c’est-à-dire par référence à une norme

générale tenant à un comportement normal d’un bon citoyen.

Mais la règle de personnalisation, qui est très forte en droit pénal, s’oppose en

principe à cette dernière approche.

D’aucuns ont d’ailleurs soutenu qu’étaient en fait visés ici à travers ce même

membre de phrase, « ne peut ignorer », « les comportements négligents »40…

Quoi qu’il en soit, ceux-ci - dont la gravité ne serait de surcroît nullement

caractérisée ici - ne devraient pas être retenus en la matière, sauf à manifester une

volonté très forte des autorités européennes d’étendre le pouvoir répressif à des

personnes qui, détenant une information privilégiée, l’auront utilisée en dehors de

toute intention fautive ; ce qui deviendrait sans limite...

39 Délit qui, au demeurant, n’existe plus en droit français.40 Cf. rapport de M. GOEBBELS sur la proposition de directive, au nom de la Commission économiqueet monétaire, final A 5-0069/2002.

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27

Proposition n° 4S’agissant de l’élément moral,

d’une part, il est nécessaire d’harmoniser explicitement le régime applicableaux délits d’initiés primaire et secondaire ;

d’autre part, seul doit être retenu, pour l’un comme pour l’autre, un élémentintentionnel apprécié in concreto.

Enfin, en retenant la notion de tentative, la proposition de directive souhaite réprimer

l’initié primaire alors même que l’infraction n’a pas été consommée, à la différence

des dispositions relatives au délit d’initié en droit pénal français.

Proposition n°5Rejeter, dans tous les cas, la tentative en matière de délit d’initié.

2) L’information privilégiée

a) Le système français

Le législateur n’ayant pas défini ce qu’il convenait d’entendre par “ information

privilégiée ”, il convient de se référer aux critères retenus par la COB.

Il s’agit de toute “ information non publique, précise, concernant un ou plusieurs

émetteurs, une ou plusieurs valeurs mobilières, un ou plusieurs contrats à terme

négociables, un ou plusieurs produits financiers cotés qui, si elle était rendue

publique, pourrait avoir une incidence sur le cours de la valeur, du contrat ou du

produit financier concerné ”41.

Contrairement à une jurisprudence bien établie, la COB ne retient pas le caractère

certain de l’information42.

41 Article 1er du règlement n°90-08 de la COB.42 Voir, en ce sens, Cour d’appel Paris, 30 mars 1977, JCP éd. G 1978, II, n°18789, note TUNC.

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28

Cette dernière doit porter :

� sur les perspectives ou la situation d’un émetteur dont les titres sont négociés

sur un marché réglementé,

� ou sur les perspectives d’évolution d’un instrument financier, admis sur un

marché réglementé (ordonnance n°67-833 du 28 septembre 1967, article10-1).

b) La proposition de directive

Selon l’article 1er, § 1, l’information privilégiée est définie comme : “ une information

qui n'a pas été rendue publique43, qui a un caractère précis44 et concerne,

directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou

un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait

susceptible d'influencer de façon sensible le cours des instruments financiers

concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés ”45.

Tout d’abord, la proposition de directive a entendu intégrer dans cette définition les

événements ne concernant pas directement un émetteur ou un instrument financier

en particulier, mais dont le caractère général est de nature à affecter un groupe

d’émetteurs.

43 Selon l’article 1 point 1 c), l’information publique est définie comme “ toute information diffusée parles médias traditionnels ou électroniques ”.44 Il s’agit “ d’un élément tangible ou d’un événement ayant une probabilité significative d’intervenirdans le futur (article 1§1, point a) bis).45 Le texte européen définit également la notion d’information privilégiée portant sur des instrumentsdérivés. A cet égard, il tient compte de la pratique illicite du “ frontrunning ”, “ qui lèse les autresparticipants du marché et qui, faute de cela, ne serait pas couverte par la définition relative aux dérivésde marchandises ”.

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29

La Commission juridique et du marché intérieur du Parlement européen

souhaitait46, quant à elle, exclure “ les informations se rapportant à des faits non liés

à des émetteurs, telles les informations ou les données politiques ou statistiques ”.

Certes, cette demande semble, au prime abord, avoir été prise en compte par la

proposition de directive dans son considérant 13 ter : “ Ne peuvent être considérées

comme informations privilégiées les travaux de recherche et les estimations élaborés

à partir de données publiques… ”. Néanmoins, une incertitude demeure à la lecture

de l’article 6 §4 quater qui précise, en effet, que “ les institutions publiques diffusant

des statistiques susceptibles d’avoir une influence notable sur les marchés financiers

diffusent celles-ci de manière équitable et transparente et assurent l’égalité d’accès

auxdites statistiques ”.

De deux choses l’une : soit, ce texte a une portée autre, notamment en tendant à

instituer une obligation à l’égard des institutions publiques et non des organismes

privés ; auquel cas, il ne vient pas contredire le considérant 13 ter. Soit, il assimile

implicitement les statistiques susceptibles d’influer les marchés financiers à des

informations privilégiées47, en imposant à leurs auteurs une diffusion loyale ; cette

hypothèse serait grandement critiquable.

c) Analyse critique et proposition

Aussi, afin de donner une certaine cohérence entre l’exposé des motifs et le corps

du texte de la proposition de directive, il conviendrait de préciser davantage la

définition d’information privilégiée et de rejeter explicitement les données aléatoires.

46 Projet d’avis 0118 /2001 Klaus-Heiner Lehne du 6 décembre 2001.47 Selon l’article 6 §1, “ les Etats veillent à ce que les émetteurs d’instruments financiers rendentpubliques au sens de l’article premier point 1 c), dans les meilleurs délais, leurs informationsprivilégiées qui concernent directement lesdits émetteurs ”.

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30

Proposition n°6Exclure explicitement de la définition de l’information privilégiée, les données

politiques ou statistiques. Pour ce faire :- intégrer dans le corps même du texte européen, les dispositions du

considérant 13 ter - et supprimer l’article 6§4 quater - ou, pour le moins, mieux rédiger cetarticle - afin de mettre en évidence sa portée clairement distincte des autres

dispositions.

B - LA MANIPULATION DE COURS ET DE MARCHE

1) Le système français

Selon l’article 10-3 de l’ordonnance du 28 septembre 1967 relatif à la manipulation

de cours, “ est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article 10-1 le fait,

pour toute personne, d’exercer ou de tenter d’exercer, directement ou par personne

interposée, une manœuvre ayant pour objet d’entraver le fonctionnement régulier

d’un marché d’instruments financiers en induisant autrui en erreur ”48.

En pratique, si le droit français réprime le délit de manipulation de cours, les

sanctions effectivement prononcées sur ce fondement sont assez rares. La

principale difficulté est de faire la preuve d’une manipulation et non pas d’une simple

opération normale sur le marché. Surtout, la mauvaise foi qui caractérise l’élément

intentionnel de la manipulation de cours est très difficile à établir49.

48 En outre, le règlement de la COB n°90-04 relatif à l’établissement des cours, sanctionne toutepersonne physique ou morale qui entrave le fonctionnement du marché en induisant autrui en erreur.49 C’est notamment la raison pour laquelle les tribunaux français ont recours au délit de diffusion defausse information (article 10-1 alinéa 3 de l’ordonnance du 28 septembre 1967), qui se cumulesouvent avec un délit d’initié.

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31

2) La proposition de directive

Les manipulations de marché sont définies comme “ le fait d'effectuer des

transactions ou de passer des ordres donnant ou susceptibles de donner des

indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne le cours ou le volume négocié

ou l'offre ou la demande d’un ou plusieurs instruments financiers à un niveau

anormal ou artificiel ; ou qui recourent à des procédés fictifs ou toute autre forme de

tromperie ou d'artifice ”50.

Dans sa version du 30 mai 2001, la proposition de directive précisait cette définition

générale de manipulations de marché en renvoyant à une annexe B listant les

différentes pratiques reconnues sur les marchés. Le texte amendé par le Parlement

européen supprime l’annexe susvisée et élargit, en appréhendant les

comportements constitutifs de ce délit d’une manière extrêmement générale, la

définition des manipulations de marché. Selon les termes de la proposition, il s’agit :

- des abus de position dominante sur un marché (article1, point 2, a) bis) ;

- des manipulations consistant à peser sur les cours d’un instrument financier

pendant les toutes dernières minutes de cotation51 (article1, point 2, a) ter) ;

- du fait d’abuser, à des fins vénales, du pouvoir d’influence qu’une personne

détient sur le public (article 1, point 2, a) quater) ;

- des différentes techniques de désinformation pouvant être utilisées avec pour

effet d’induire en erreur les participants de marché52 (article 1, point 2, b)).

Enfin, le texte européen prévoit que “ la définition des manipulations de marché est

adaptée à l’effet d’englober les nouveaux comportements constitutifs de

manipulations de marché ”. Une telle disposition permet un éventuel ajustement de

cette définition au perfectionnement des techniques et aux nouvelles formes de

manipulations pouvant apparaître.

50 Article 1er point 2.51 Plus particulièrement, il s’agit des transactions intervenant de façon répétée et non de simpletransmission ponctuelle faisant décaler les cours de clôture pour des raisons légitimes.52 La simple erreur de transaction d’une information n’est pas sanctionnable selon cette disposition,puisque la personne doit retirer concomitamment des bénéfices ou un avantage.

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32

3) Analyse critique et proposition

Au niveau européen, il n’existe aucune disposition pour lutter contre les

manipulations de marché. La Commission a, dans le cadre de la proposition de

directive, établi une définition extrêmement large des comportements constitutifs de

cette catégorie d’abus53.

Là encore, l’institution européenne entend renforcer le système répressif alors même

qu’elle aurait pu se limiter, à l’instar du système français, à réglementer la

manipulation de cours, notion beaucoup plus précise. Si une telle disposition devait

être définitivement retenue, cette infraction complèterait dangereusement le délit

français.

Proposition n°7Se limiter à la définition du délit français de manipulation de cours.

II - POUR UN SYSTÈME RÉPRESSIF ADAPTÉ AUX EVOLUTIONS DU MARCHÉET DES PRATIQUES FINANCIÈRES

Réprimer les atteintes à la transparence des marchés est nécessaire. Toutefois, on

assiste, aujourd’hui, tant au plan national qu’européen, à un durcissement du

système répressif qui peut avoir un effet dissuasif pour les investisseurs et des

conséquences néfastes pour les marchés.

53 Notamment, en y intégrant le délit français de diffusion de fausses informations. Selon l’articleL. 465-1, al. 3, du Code monétaire et financier, “ est puni des peines prévues au 1er alinéa le fait, pourtoute personne, de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informationsfausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d’un émetteur dont les titres sont négociéssur un marché réglementé ou sur les perspectives d’évolution d’un instrument financier admis sur unmarché réglementé, de nature à agir sur les cours ”.

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33

A – LE SYSTEME FRANÇAIS

Dans la mesure où seules cinq décisions judiciaires et une administrative ont

sanctionné des faits de manipulation de cours, il convient de s’intéresser à

l’infraction boursière la plus réprimée, l’infraction d’initié. A cet égard, la France

connaît une situation originale : depuis le règlement n°90-08 de la COB, notre droit

sanctionne les infractions et les manquements d’initiés tant sur le plan pénal

qu’administratif.

1) Les sanctions pénales

On rappellera qu’aux termes de l’article L. 465-1 du Code monétaire et financier,

l’initié direct est puni de 2 ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 500 000

euros “ dont le montant peut être porté au-delà de ce chiffre, jusqu’au décuple du

montant du profit réalisé, sans que l’amende puisse être inférieure à ce même

profit ”54. De même, depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité quotidienne55,

l’initié indirect peut se voir condamné à un an d’emprisonnement et à 150 000 euros

d’amende “ dont le montant peut être porté au-delà de ce chiffre, jusqu’au décuple

du montant du profit réalisé, sans que l’amende puisse être inférieure à ce même

profit ”.

2) Les sanctions administratives

Les pouvoirs de sanctions de la COB sont de trois ordres :

Tout d’abord, elle peut infliger des sanctions pécuniaires de montants élevés dès

lors qu’une disposition d’un de ses règlements a été transgressée. S’agissant des

sanctions prononcées pour manquement au règlement 90-08, celles-ci peuvent

atteindre 1 500 000 euros ou le décuple des profits réalisés. En fait, la COB dispose

d’un pouvoir de sanction pécuniaire extrêmement important par rapport à celui

54 On précise que l’article 10-3 de l’ordonnance du 28 septembre 1967 sanctionne les manipulationsde cours, des mêmes peines que celles prévues pour le délit d’initié.55 Cf. supra.

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reconnu à ses homologues étrangers56, y compris la Securities and Exchange

Commission (SEC) américaine.

Ensuite, la COB peut prononcer des sanctions disciplinaires à l’encontre des

prestataires de services d’investissement agréés dans le domaine de la gestion pour

compte de tiers et des sociétés de gestion de portefeuille.

Enfin, elle transmet au Parquet tout dossier faisant apparaître que des délits de

nature pénale pourraient avoir été commis. Elle peut également saisir d’autres

instances disposant d’un pouvoir disciplinaire, comme le Conseil des Marchés

Financiers.

3) Le cumul de sanctions administratives et pénales

La superposition d’autorités de répression a créé immanquablement des conflits de

compétences, eux-mêmes susceptibles d’aboutir à des cumuls, notamment, entre

sanctions pénales et administratives57.

En effet, les très larges prérogatives dont bénéficie la COB interfèrent inévitablement

avec celles du juge pénal dans le domaine boursier. Plus qu’un complément, c’est

parfois une véritable dualité d’incriminations qui peut apparaître.

Il en va ainsi de la confrontation des prescriptions de l’article L. 465-1 du Code

monétaire et financier, modifié par la loi sur la sécurité quotidienne, relatives au délit

d’initiateur, avec celles du règlement n°90-08 concernant le manquement d’initié : la

sanction pécuniaire attachée au délit est de 150 000 euros alors que, pour le

manquement, elle peut atteindre 1 500 000 euros ou, lorsque des profits sont

réalisés, le décuple de leur montant.

56 Cf. en annexe, une présentation succincte des différents systèmes étrangers.57 Ces cumuls ont cependant été validés par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du28 juillet 1989, étant précisé qu’en vertu du principe de proportionnalité, le montant global dessanctions éventuellement prononcées ne doit pas dépasser « le montant le plus élevé de l’une dessanctions encourues ».

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4) La publicité des sanctions

En droit français, la publication des jugements de condamnation n’est prévue, en

matière judiciaire, qu’à l’initiative du juge. En matière administrative, la COB publie

les décisions de sanctions dans son bulletin mensuel et son rapport annuel.

B - LA PROPOSITION DE DIRECTIVE : VERS UNE VOLONTE REPRESSIVE RENFORCEE

1) Sur le principe d’une obligation répressive à l’initiative des États membres

Selon l’article 14 §1, “ sans préjudice du droit des Etats membres d’imposer des

sanctions pénales, les États membres veillent à ce que, conformément à leur

législation nationale, les mesures administratives appropriées ou des sanctions

administratives puissent être prises à l’encontre des personnes physiques ou

morales responsables d’une violation des dispositions arrêtées en exécution de la

présente directive. Les États membres garantissent que ces mesures sont effectives,

proportionnées et dissuasives ”.

Selon les termes de la proposition de directive, il est, dans un marché financier

intégré, inacceptable que la même conduite délictueuse soit différemment

sanctionnée d’un pays à l’autre. Mais, en vertu du Traité de l’Union, les sanctions

pénales relèvent, dans l’ordre juridique européen, de la compétence des États

membres, ce qui ne permet pas à la proposition de directive de les harmoniser.

Cependant, l’article 14 §1 bis précise que la “ Commission établit une liste indicative

des mesures et sanctions administratives ” qui sera proposée aux autorités

nationales compétentes.

2) Sur la publicité des sanctions

Selon l’article 14 §3, “ les Etats membres autorisent l’autorité compétente concernée

à rendre publiques les sanctions imposées pour non-respect des mesures adoptées

conformément à la présente directive, excepté dans le cas où leur communication

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risquerait de perturber gravement les marchés financiers ou causerait un préjudice

disproportionné aux parties en cause ”.

C - ANALYSE CRITIQUE ET PROPOSITIONS

Tout d’abord, la proposition de directive permet de relancer le débat sur le cumul de

sanctions administratives et pénales, sujet sur lequel la CCIP a déjà pris position

dans le cadre de son rapport sur l’Autorité des marchés financiers58 en droit interne.

Sa position vaut également pour le droit européen, d’autant qu’au sens de l’article

6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme, la matière pénale

comprend, non seulement le droit pénal strictement délimité, mais aussi toute

sanction grave, indépendamment de sa nature juridique. Autrement dit, les sanctions

administratives sont clairement assimilées à la matière pénale. Dès lors, il en résulte

que la double incrimination « pénale » d’un seul comportement ne devrait plus

pouvoir être retenue.

Proposition n°8Abolir le cumul de sanctions administratives et pénales s’agissant

des délits sanctionnés par la proposition de directive.

Ensuite, le texte européen reconnaît à la Commission le pouvoir de dresser une liste

indicative des mesures et sanctions administratives pouvant être invoquées en cas

de non-respect de ses dispositions. Or, une telle initiative ne saurait être retenue,

principalement pour deux raisons.

58 Cf. infra, III.

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Le fait de laisser à la Commission le soin d’établir, conformément à la procédure de

comitologie59 une liste indicative de mesures et sanctions administratives, au

demeurant dangereusement “ extensive ”, revient donc à considérer l’objet même de

cette liste comme une simple application technique de la réglementation cadre ; ce

qui prouve bien l’ambiguïté et le défaut de fondement du projet sur ce point.

Au-delà, cette démarche risque de conforter certains Etats particulièrement sévères,

au premier rang desquels figure la France et, parallèlement, d’inciter les autres pays

à une surenchère administrative.

Proposition n°9Rejeter purement et simplement l’établissement d’une telle liste.

III – POUR UNE AUTORITÉ UNIQUE DE MARCHÉ

La proposition de directive préconise la création dans chaque Etat d’une autorité

unique compétente pour veiller à la régulation des marchés. En France, un projet de

loi en ce sens a été déposé devant l’Assemblée nationale en 2001, sans toutefois

aboutir60. La CCIP s’était montrée favorable à une telle évolution dans un rapport du

15 mars 200161.

Au regard du contexte européen, l’occasion est donnée à la CCIP de réitérer ses

propositions.

59 Le 17 juillet 2000, le Conseil a institué le Comité des Sages sur la régulation des marchéseuropéens des valeurs mobilières. Dans son rapport final, ce dernier a demandé que toute directiveétablisse une distinction entre les principes-cadres et les modalités techniques de mise en œuvre“ non essentielles ”, qui devrait être adoptées par un comité d’experts (en l’occurrence la comité desvaleurs mobilières pour la directive “ abus de marché ”), selon la procédure de comitologie de l’Unioneuropéenne.60 Présenté à l’Assemblée nationale le 7 février 2001, ce projet n’est toujours pas inscrit à l’ordre dujour de la Commission des Finances.61 “ Vers la création d’une autorité des marchés financiers (AMF) – Projet de loi portant réforme desautorités financières-”, rapport de la CCIP, présenté par Pierre-Antoine Gailly, du 15 mars 2001.

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A - LE SYSTEME FRANÇAIS

1) La désignation d’une autorité nationale compétente

En France, il existe plusieurs autorités de marché : la Commission des opérations de

bourse (COB) créée en 1967, le Conseil des Marchés Financiers (CMF)62 et le

Conseil de discipline de gestion financière.

Afin d’assurer la compétitivité de la place de Paris, le projet de loi portant réforme

des autorités financières a pour ambition de fusionner la COB, le CMF et le Conseil

de discipline de gestion financière pour créer l’Autorité des marchés financiers

(AMF).

Ses objectifs consistent à unifier, au sein d’une même autorité, les fonctions de

réglementation de la COB et du CMF, à parvenir à une meilleure répression des

délits résultant de la violation des règlements de la COB, et à adapter, sécuriser et

clarifier le contrôle financier. En outre, il s’agit de renforcer la sanction du délit d’initié

qui relèvera du seul juge pénal.

2) Les pouvoirs de surveillance et d’enquête

Le projet de loi portant réforme des autorités financières confère à la future AMF les

pouvoirs actuellement dévolus à la COB et au CMF.

A cet égard, on précisera que, dans le cadre de ses prérogatives d’enquête, la COB

peut directement se faire communiquer tous documents, quel qu’en soit le support et

en obtenir copie. Elle peut non seulement convoquer et entendre toute personne

susceptible de lui fournir des informations, mais aussi accéder aux locaux à usage

professionnel.

Par ailleurs, sur demande motivée de la COB, le Président du Tribunal de grande

instance peut prononcer des mesures conservatoires et, en particuliers, la mise sous

62 Le CMF a fait suite, en 1996, au Conseil des bourses de valeurs créé en 1988.

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séquestre des fonds, valeurs, titres ou droits appartenant aux personnes mises en

cause ou l’interdiction temporaire de l’activité professionnelle de ces dernières.

B - LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

1) La désignation d’une autorité nationale compétente

Selon l’article 11 de la proposition de directive, “ chaque État membre désigne une

autorité administrative unique compétente en vue d’assurer l'application des

dispositions adoptées conformément à la présente directive ”63.

Cette autorité administrative unique serait assistée d’un “ comité consultatif, dont la

composition doit refléter autant que possible la diversité des participants de marché,

qu'ils soient prestataires de services financiers ou consommateurs ”64.

2) Les pouvoirs

La proposition de directive octroie à l’autorité unique, des pouvoirs en matière de

surveillance et d'enquête dans le domaine des abus de marché. Néanmoins,

certaines de ces prérogatives ne peuvent être utilisées par l’autorité compétente

qu’en collaboration avec les autorités judiciaires65.

Cette autorité peut déléguer ses pouvoirs à d’autres autorités ou à des entreprises

de marché, mais demeure, dans cette hypothèse, responsable.

63 Selon l’article 11 alinéa 3, “ les Etats membres assurent un financement approprié à l’autoritécompétente ”.64 Article 11.65 Article 12.

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C - ANALYSE CRITIQUE ET PROPOSITIONS

� Sur le principe de la désignation d’une autorité administrative unique dans

chaque Etat membre

Il émane clairement de notre analyse qu’une telle solution, qui faciliterait la

coopération entre autorités boursières au sein de l’Union européenne, devrait être

retenue.

Proposition n°10 Approuver la désignation d’une autorité unique des marchés financiers.

� Sur l’opportunité de la création d’un comité consultatif

Si la mise en place d’un comité consultatif auprès de chaque autorité nationale doit

être encouragée, elle nécessite néanmoins un certain nombre de précisions, en

particulier, s’agissant des missions qui lui sont dévolues.

Proposition n°11Préciser clairement les missions et les pouvoirs du

comité consultatif.

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� Sur la reconnaissance d’une délégation des pouvoirs de surveillance et

d’enquête de l’autorité administrative nationale unique

La possibilité de déléguer des pouvoirs répressifs à des structures de droit privé,

même dotées d’une prérogative de puissance publique, telles que les entreprises de

marché, n’est pas acceptable66.

Proposition n°12

� Rejeter toute délégation de pouvoirs de l’autorité nationale unique ;

� A tout le moins, limiter cette délégation à des autorités administratives.

66 En droit français, la Commission des opérations de bourse ne peut déléguer que certains de sespouvoirs, soit à son Président, soit à son représentant membre de la Commission ; il s’agit de ladélivrance des visas pour les documents prévus à l’article L. 621-8 du Code monétaire et financierainsi que de l’agrément des organismes de placement collectif en valeurs mobilières et les gérants deportefeuille.

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ANNEXE : LES SYSTEMES ETRANGERS67

� The Financial Services Authority (FSA) britanique

Créé en 1997, le FSA, organisme indépendant non-gouvernemental et doté de la

personnalité morale jouit de pouvoirs issus du Banking Act de 1997 et du Financial

Services and Markets Act 2000 (FSMA) entré en vigueur fin novembre 2001.

En particulier, il dispose de pouvoirs très importants en matière de mesure de police

administrative (visant à suspendre ou retirer l’agrément à des personnes physiques

ou morales pour l’exercice de certaines activités, notamment en matière

d’investissement ou d’assurance) et de sanctions disciplinaires et pécuniaires, ainsi

qu’un rôle indirect de saisine des services pénaux dans le domaine des infractions

boursières.

� La Bundesaufsichtsamt Für Den Wertpapierhandel (BAWe : Commission

fédérale de surveillance du Commerce des Valeurs mobilières) allemande

Cette autorité dispose de pouvoirs d’enquête orientés essentiellement vers la

recherche des délits d’initiés dont elle ne peut pas elle-même connaître : la BAWe

transmet ses procédures d’enquêtes au Parquet, qui possède seul le pouvoir de

décider de l’engagement des poursuites. Le délit d’initié est ainsi sanctionné sur le

terrain pénal.

Enfin, elle peut prononcer des amendes en cas d’infractions commises par les

entreprises à l’obligation réglementaire de lui remettre leurs rapports ou déclarations,

ou de lui déclarer des franchissements de seuils dans le cas où ceux-ci sont

destinés à permettre d’influer sur la direction de la société concernée.

67 Bull. COB, Déc. 2001, n° 363.

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� The Securities and Exchange Commission (SEC) américaine

Tout d’abord, la SEC dispose d’un pouvoir de sanction disciplinaire, non seulement

vis-à-vis des prestataires de services d’investissement et des émetteurs, mais aussi

des entreprises de marché.

Ensuite, elle peut exercer un pouvoir de sanction administrative revêtant trois

composantes :

� le prononcé d’injonctions de cesser immédiatement toute transgression

des principales dispositions en matière financière ;

� le prononcé de sanctions pécuniaires pouvant atteindre 500 000 dollars ;

� la poursuite du remboursement des profits réalisés (conduisant neuf fois

sur dix à une transaction).

Enfin, elle peut transmettre des dossiers au Departement of justice, qui peut décider

d’exercer des poursuites pénales.