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Urticaire L’urticaire est une maladie fréquente, puisqu’on estime que 20 % de la population mondiale aura dans sa vie une poussée d’urticaire. Diagnostic Le diagnostic d’une urticaire repose sur l’interrogatoire et l’exa- men clinique. On distingue deux types de lésions, l’urticaire superficielle et l’urticaire profonde, sachant qu’elles sont fré- quemment associées. L’urticaire superficielle correspond à une éruption de papules pru- rigineuses mobiles et fugaces (chaque lésion durant classique- ment moins de 24 heures), typiquement décrites comme des lésions ortiées par référence aux urticaires survenant au contact de cette plante (fig. 1). La raison de leur caractère mobile et fugace est qu’il s’agit de lésions liées à un transfert de plasma du contenu intravasculaire vers le derme à la différence des papules par infiltration cellulaire qui sont fixes. Les papules d’urticaire peuvent être d’aspect variable, soit se présentant comme de petites plaques punctiformes ou de grandes plaques confluentes. Il y a parfois des plaques en anneau ou en forme d’arc (annulaires ou arciformes). Alors que le prurit est féroce, il n’y a en général pas de lésions de grattage. Il ne faut pas hésiter en cas de doute diagnostique à dessiner la périphérie des lésions et revoir le malade à 24 heures pour confirmer le caractère mobile et fugace de l’éruption. L’urticaire profonde ou angiœdème ou œdème de Quincke (terme moins précis, à éviter) se manifeste par un œdème localisé ou plus diffus d’importance variable de la peau ou des muqueuses. Il est en général non prurigineux, les patients se plaignant surtout d’une tension cutanée. Cette urticaire profonde peut s’associer aux plaques d’urticaire superficielles ou survenir de façon isolée. Les signes en faveur d’un angiœdème laryngé sont une dysphonie, une dyspnée laryngée avec stridor et des troubles de la déglutition. L’urticaire chronique se définit classiquement par des poussées d’évolution supérieure à 6 semaines. Les patients peuvent ne présenter que des plaques superficielles, beaucoup plus rare- ment que des angiœdèmes. Ils ont fréquemment l’association plaques et angiœdèmes. Si le diagnostic d’urticaire chronique est simple devant une évolution continue ou quasi continue depuis plus de 6 semaines, celui-ci peut être plus difficile devant des urticaires intermittentes ou récurrentes. Il faut savoir recher- cher à l’interrogatoire la récurrence de plaques d'urticaire d'évo- lution fugace, le patient ayant tendance à ne signaler que les grandes poussées généralisées. LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 63 Septembre 2013 989 ALLERGIES CUTANÉO- MUQUEUSES chez l’enfant et l’adulte Urticaire, dermatites atopique et de contact Dr Emmanuelle Amsler 1 , Pr Selim Aractingi 2 1. Service de dermatologie et d’allergologie, hôpital Tenon, Paris 2. Service de dermatologie, hôpital Cochin, Paris [email protected] DIAGNOSTIQUER une allergie cutanéo- muqueuse aiguë et/ou chronique chez l’enfant et chez l’adulte. ARGUMENTER l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient. OBJECTIFS Urticaire commune (photo Pr M.-S. Doutre). FIGURE 1 images Q 114 R R Ancien programme (ECN 2014-2015) TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN

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Urticaire

L’urticaire est une maladie fréquente, puisqu’on estime que 20 %de la population mondiale aura dans sa vie une poussée d’urticaire.

Diagnostic

Le diagnostic d’une urticaire repose sur l’interrogatoire et l’exa-men clinique. On distingue deux types de lésions, l’urticairesuperficielle et l’urticaire profonde, sachant qu’elles sont fré-quemment associées.

L’urticaire superficielle correspond à une éruption de papules pru-rigineuses mobiles et fugaces (chaque lésion durant classique-ment moins de 24 heures), typiquement décrites comme deslésions ortiées par référence aux urticaires survenant au contactde cette plante (fig. 1). La raison de leur caractère mobile et fugaceest qu’il s’agit de lésions liées à un transfert de plasma ducontenu intravasculaire vers le derme à la différence des papulespar infiltration cellulaire qui sont fixes. Les papules d’urticairepeuvent être d’aspect variable, soit se présentant comme depetites plaques punctiformes ou de grandes plaques confluentes.Il y a parfois des plaques en anneau ou en forme d’arc (annulairesou arciformes). Alors que le prurit est féroce, il n’y a en généralpas de lésions de grattage. Il ne faut pas hésiter en cas de doutediagnostique à dessiner la périphérie des lésions et revoir lemalade à 24 heures pour confirmer le caractère mobile et fugacede l’éruption.

L’urticaire profonde ou angiœdème ou œdème de Quincke (termemoins précis, à éviter) se manifeste par un œdème localisé ouplus diffus d’importance variable de la peau ou des muqueuses.Il est en général non prurigineux, les patients se plaignant surtoutd’une tension cutanée. Cette urticaire profonde peut s’associeraux plaques d’urticaire superficielles ou survenir de façon isolée.Les signes en faveur d’un angiœdème laryngé sont une dysphonie,une dyspnée laryngée avec stridor et des troubles de la déglutition.

L’urticaire chronique se définit classiquement par des pousséesd’évolution supérieure à 6 semaines. Les patients peuvent neprésenter que des plaques superficielles, beaucoup plus rare-ment que des angiœdèmes. Ils ont fréquemment l’associationplaques et angiœdèmes. Si le diagnostic d’urticaire chroniqueest simple devant une évolution continue ou quasi continuedepuis plus de 6 semaines, celui-ci peut être plus difficile devantdes urticaires intermittentes ou récurrentes. Il faut savoir recher-cher à l’interrogatoire la récurrence de plaques d'urticaire d'évo-lution fugace, le patient ayant tendance à ne signaler que lesgrandes poussées généralisées.

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 63Septembre 2013 989

ALLERGIES CUTANÉO-MUQUEUSES

chez l’enfant et l’adulteUrticaire, dermatites atopique et de contact

Dr Emmanuelle Amsler1, Pr Selim Aractingi2

1. Service de dermatologie et d’allergologie, hôpital Tenon, Paris2. Service de dermatologie, hôpital Cochin, Paris

[email protected]

DIAGNOSTIQUER une allergie cutanéo-muqueuse aiguë et/ou chronique chez l’enfant et chez l’adulte.

ARGUMENTER l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.O

BJE

CT

IFS

Urticaire commune (photo Pr M.-S. Doutre).FIGURE 1

images

Q 114

RR

Ancien programme(ECN 2014-2015)

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L’urticaire aiguë : toute urticaire durant moins de 6 semaines estpar définition une urticaire aiguë.

Cette distinction entre urticaire aiguë et chronique est impor-tante, car la prise en charge en est bien différente.

Physiopathologie

La lésion d’urticaire correspond à un œdème dermique dansl’urticaire superficielle ou dermo-hypodermique dans l’urticaireprofonde. Cet œdème est dû à une vasodilatation avec augmen-tation de la perméabilité capillaire consécutive à un afflux demédiateurs inflammatoires. Le mastocyte est la cellule clé de l’urticaire, sa dégranulation peut répondre à des mécanismesimmunologiques ou non immunologiques (fig. 2).

Les mécanismes immunologiques sont secondaires à l’activationde récepteurs spécifiques à la surface des mastocytes. En pre-mier lieu, les récepteurs FcεRI qui lient des complexes IgE-anti-gène, c’est l’allergie immédiate de type I dans la classification deGell et Coombs. Mais il y a parfois une activation des mastocytesà travers d’autres voies et d’autres stimuli comme des IgG, descomplexes immuns circulants, les lymphocytes.

Les mécanismes non immunologiques sont variés, histaminoli-beration sous l'action de certains médicaments ou aliments, acti-vation par le biais de récepteurs membranaires, ceci concernedes infections, des neuropeptides, des composés du complé-ment, des cytokines...., action sur le métabolisme de l'acide ara-chidonique (AINS et aspirine)....

Diagnostics différentiels

Il faut garder en mémoire que tout ce qui est érythémateux etprurigineux n’est pas de l’urticaire !

1. Angiœdèmes bradykiniques (anciennement appelésœdèmes angioneurotiques)On décrit trois types d’œdèmes bradykiniques : type I, type II et

type III, pouvant être héréditaires ou acquis, et dans ce cas par-fois liés à certaines prises médicamenteuses (fig. 3). Les médica-ments classiquement inducteurs sont les estrogènes, les inhibi-teurs de l’enzyme de conversion et les sartans. Il faut savoirévoquer ce diagnostic devant un patient présentant des angiœ-dèmes à répétition, classiquement sans association à une urti-caire superficielle, a fortiori s’il existe des antécédents familiauxd’œdème ou de décès par œdèmes, s’ils sont de durée prolon-gée, s’ils s’associent à des douleurs abdominales et que les anti-histaminiques, voire les corticoïdes, sont inefficaces. Le diagnos-tic est d’autant plus important qu’il existe un risque de décès parœdème laryngé asphyxique. Un bilan biologique avec dosage del’inhibiteur de la C1-estérase quantitatif et qualitatif va permettrede confirmer ce diagnostic. Ces patients requièrent une prise encharge spécialisée pour décider de l’indication d’un traitementde fond (Danatrol, Exacyl) et la prescription d’un traitement encas de crise (Berinert, concentré de C1 inhibiteur, ou icatibant-Firazyr, antagoniste du BKB2R).

2. Vascularite dans le cadre d’une urticaire systémique (vasculite urticarienne)L’évolution prolongée des plaques d’urticaire supérieure à

24 heures avec séquelles pigmentées doit faire évoquer la pré-sence d’une vascularite et réaliser une biopsie cutanée. Celle-cimet classiquement en évidence une vascularite leucocytocla-sique. Il existe fréquemment un syndrome inflammatoire et d’au-tres anomalies cliniques et biologiques pouvant amener à porterun diagnostic de maladie systémique (lupus érythémateux systé-

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 63Septembre 2013990

Q 114 ALLERGIES CUTANÉO-MUQUEUSES CHEZ L’ENFANT ET L’ADULTERR

Physiopathologie de l’urticaire. D’après Bérard F, Boulinguez S. Nouveautés diagnostiques et physiopathologiques dans l'urticaire chronique. AnnDermatol Venereol 2010;137:24-7.

FIGURE 2

Œdème, érythème

Activation non immunologique

Activation immunologique

URTICAIRE = ACTIVATION MASTOCYTAIRE

Infiltration (retardée)

Phase immédiate

Libération d’histamine Cytokines, chimiokines

Infections

C5a

TCRCMH de classe I et II

CD88Stat 6

Ca++

TLRNeuropetides(stress, effort)

Morphine, codéineMastocyte

Lymphocyte TCIC

FcR

IgGIgE

Phase retardée

Prostaglandines, leucotriènes

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mique, syndrome de Goujerot-Sjögren, vasculite urticariennehypocomplémentémique de Mac Duffie, maladie de Still, hyper-éosinophilie dans le cadre d’une entité dite syndrome de Gleichou dysglobulinémies telles que cryoglobulinémies des hépatites C,des hémopathies lymphoïdes, du syndrome de Schnitzler (IgMmonoclonale).

3. Exanthème maculopapuleuxIl faut distinguer une urticaire d’un exanthème maculopapuleux

par allergie médicamenteuse ou d’origine infectieuse essentielle-ment virale. La fixité des lésions est ici caractéristique.

Urticaire aiguë

Il est important de ne pas méconnaître une cause « allergique »devant une urticaire aiguë, néanmoins cette éventualité est engénéral largement surestimée. Il faut garder en mémoire qu’urti-caire n’est pas synonyme d’allergie.

1. Quand faut-il évoquer une cause allergique devant une urticaire aiguë ?Les urticaires allergiques sont en général rarement isolées, et

les autres signes de l’anaphylaxie associés font alors toute la gravité du tableau (douleurs abdominales, dyspnée, atteintelaryngée, tachycardie, hypotension…).

En cas d’exposition à un allergène potentiel dans un délai court, engénéral inférieur à 2 heures (le plus souvent même < 1 heure) :ceci implique que la poussée d’urticaire survenant en pleine nuitou constatée le matin au réveil ne peut être d’origine allergiquealimentaire, car beaucoup trop éloignée d’une prise alimentaire.Les allergènes potentiels sont les aliments, les médicaments, lesvenins d’hyménoptères (guêpe, abeille, bourdon, frelon), les urti-caires de contact allergiques (latex par exemple)…

En cas de résolution rapide de cette urticaire en moins de 24 heures.En cas de notion de récidive lors de nouveau contact avec l’allergène

suspecté, la récidive étant souvent plus rapide et plus sévère.2. Cas particuliers d’urticaire aiguë allergique à ne pas méconnaîtreL’anaphylaxie à l'effort (EIA pour exercice induce anaphylaxis) ou

l’anaphylaxie alimentaire d'effort (FDEIA pour food dependantexercice induce anaphylaxis) sont des tableaux rares à connaître.Les manifestations pouvant aller jusqu’au choc anaphylactique

surviennent à l’effort lorsqu’il y a eu consommation, dans les 4 heures précédentes, d’un aliment auquel le patient est sensibiliséen cas de FDEIA. L’aliment est fréquemment de la farine de bléavec positivité des IgE spécifiques anti-omega 5-gliadine.

Les urticaires de contact immunologiques apparaissent dans lesminutes suivant le contact d’une substance sur la peau, parexemple le latex. Les lésions peuvent rester localisées à la zonede contact, se généraliser, voire s’accompagner de manifesta-tions systémiques pouvant aller jusqu’au choc anaphylactique.Le mécanisme est IgE-médié, nécessitant une sensibilisationpréalable.

L’allergie à Anisakis simplex : il s’agit d’un nématode parasitantdes poissons et responsable de manifestations allergiques sur-venant après consommation de poissons parasités crus ou insuf-fisamment cuits. Le dosage d’IgE spécifiques Anisakis simplexpermet de confirmer le diagnostic.

3. Diagnostic d’une urticaire allergiqueEn cas de suspicion d’allergie, des explorations allergologiques

permettent de mettre en évidence l’allergène inducteur par laréalisation de tests cutanés orientés (prick tests et/ou intradermo-réaction) complétés par des dosages d’IgE spécifiques.

La conduite à tenir repose ensuite sur l’éviction de tout nouveaucontact avec l’allergène inducteur, seul moyen d’éviter la rechutedes manifestations. Dans certains cas, une trousse de secours avecune seringue auto-injectable d'adrénaline sera prescrite au patient.

Une désensibilisation peut être proposée en cas d’allergie à unvenin d’hyménoptère, il existe aussi des protocoles d’accoutu-mance médicamenteuse pour certains médicaments indispen-sables.

4. Autres causes d’urticaires aiguësLe contexte infectieux : de nombreux virus peuvent s’accompagner

d’une poussée d’urticaire, particulièrement chez l’enfant (dont lamononucléose). Une urticaire aiguë peut se voir à la phase pré-ictérique d’une hépatite virale B. Les parasitoses digestives peu-vent elles aussi s’accompagner d’une urticaire.

Les prises médicamenteuses, particulièrement aspirine et AINS dufait de leur activité anti-Cox1, notamment chez les patientsatteints d’urticaire chronique mais pas seulement. Les inhibiteurs

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 63Septembre 2013 991

Classification des angiœdèmes bradykiniques. AOH : angiœdème héréditaire, AO-IEC : angiœdème sous inhibiteur de l’enzyme de conversion ; AOA-E2 :angiœdème acquis œstrogénodépendant, AOBI : angiœdème à bradykinine idiopathique. D’après Du-Thanh A, Guillot B. Ann Dermatol Venereol 2011;138:328-35.

FIGURE 3

AOH I et II AOA I et II AOH III AOH-IEC AOA-E2 AOBI

Déficit en C1 inhibiteur C1 inhibiteur normal

Angiœdème à bradykinine

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de l’enzyme de conversion et dans une moindre mesure les sar-tans, peuvent être à l’origine d’épisodes d’angiœdèmes isolés parun mécanisme pharmacologique. Ces œdèmes peuvent êtresévères en cas d’atteinte de la sphère ORL, avec un risque dedécès (fig. 3)

Une urticaire de contact non immunologique, la plus banale étant liéeau contact avec les orties. De nombreuses substances peuventêtre responsables d’urticaire de contact. Le diagnostic différen-tiel étant l’urticaire de contact immunologique. L’interrogatoiresur les circonstances de survenue permet en général d’évoquerle diagnostic.

De nombreuses poussées d’urticaire restent inexpliquées, mais ellespeuvent constituer le premier stade d’une urticaire chroniqueintermittente.

5. Traitement d’une urticaire aiguëLe traitement d’une urticaire aiguë repose sur les antihistami-

niques, en expliquant bien au malade que l’urticaire risque decontinuer à apparaître et disparaître pendant plusieurs joursavant de disparaître totalement. La corticothérapie générale austade aigu d’une urticaire est très largement utilisée dans les ser-vices d’urgence et en médecine générale, sans que cette pratiquerepose sur des preuves irréfutables. Elle n’est donc pas recom-mandée ici.

Le traitement du choc anaphylactique repose sur l’injectionprécoce d’adrénaline par voie intramusculaire à la posologie de0,01 mg/kg. Les corticoïdes, de par leur délai d’action, ne sontpas le traitement d’urgence du choc anaphylactique.

Urticaire chronique

La distinction entre urticaire aiguë et chronique est fondamen-tale, car les orientations étiologiques vont différer. L’urticairechronique est une maladie dermatologique sans cause allergiquedans l’immense majorité des cas. Elle correspond pour lesconcepts récents à une « excitabilité » ou fragilité des mastocytesresponsable de leur dégranulation avec la survenue des manifes-tations urticariennes. Les terrains favorisants connus sont lesmaladies auto-immunes de la thyroïde et le terrain atopique. Sonincidence est de l’ordre de 0,5 à1 %. De nombreux facteursdéclenchant des poussées sont décrits, comme le contexteinfectieux viral par exemple ; les facteurs physiques (froid, chaud,frottement, effort physique, pression, soleil mais aussi beaucoupplus rarement les vibrations et les urticaires adrénergiques) ; cer-taines prises médicamenteuses, particulièrement aspirine etAINS responsables chez plus de 30 % des urticariens chroniquesd’une poussée fréquemment œdémateuse ; enfin, le stress.

Le rôle des aliments « riches en histamine » ou « histamino-libérateurs » ainsi que des conservateurs et des additifs, très fré-quemment incriminés par les patients, est loin de faire l’unanimité.

1. Urticaires physiquesLes urticaires physiques peuvent être isolées ou associées entre

elles, voire associées à des poussées d’urticaire commune. Destests spécifiques pour les mettre en évidence peuvent être réalisés.

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 63Septembre 2013992

Q 114 ALLERGIES CUTANÉO-MUQUEUSES CHEZ L’ENFANT ET L’ADULTERR

Dermographisme (photo Pr M.-S. Doutre).FIGURE 4

Test au glaçon.FIGURE 5

Test à la pression (photo Dr P. Mathelier-Fusade).FIGURE 6

Urticaire cholinergique (photo Pr M.-S. Doutre).FIGURE 7

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Le dermographisme, ou urticaire factice : il se caractérise par l’appari-tion de lésions urticariennes linéaires secondaires au frottement de lapeau (fig. 4). Une friction de la peau avec une pointe mousse permetde l’objectiver en 3 à 5 minutes. Le dermographisme n’a aucunecause allergique et ne requiert aucun bilan étiologique spécifique.

L’urticaire au froid : une urticaire au froid doit être évoquée lors de sur-venue après bain de mer mais aussi lors d’activités physiques enplein air au contact du vent. Pour l’objectiver, on peut réaliser un testau glaçon (fig. 5) appliqué dans un sac en plastique pendant 5minutes sur l’avant-bras avec lecture 10 minutes après. Dans cer-tains cas, la durée de contact peut être prolongée jusqu’à 20minutes. On distingue des formes primitives et des formes secon-daires d’évolution transitoire notamment post-infectieuse. Larecherche des protéines précipitant au froid est recommandée (cryo-globuline, cryofibrinogène, agglutinines froides). Des manifestations

oropharyngées à l’ingestion de glaces ou d’aliments froids sont pos-sibles, quoique rares. Le patient doit être informé du risque de surve-nue de poussée généralisée avec malaise lors de la baignade.

L’urticaire cholinergique : le tableau est stéréotypé, survenant lorsd’effort physique, avec classiquement un semis de petitespapules survenant en général sur le torse (fig. 7). D’autres cir-constances telles qu’un bain chaud ou un stress peuvent déclen-cher le même type de manifestations. L’urticaire cholinergiqueest à distinguer de l’anaphylaxie à l’effort.

L’urticaire au chaud : elle peut être testée en appliquant unesource de chaleur à 45 °C pendant 5 minutes sur l’avant-brasavec lecture 10 minutes après le test.

L’urticaire retardée à la pression : la pression sur la peau va faireapparaître 4 à 8 heures plus tard une lésion œdémateuse plusdouloureuse que prurigineuse (fig. 6). Les localisations typiquessont les épaules, les fesses, les mains et les pieds. Dans certainscas, les poussées peuvent s’accompagner de fièvre, de douleursarticulaires et de sensation de malaise. Un test à la pression, portd’un poids de 6 à 7 kg sur l’épaule pendant 15 minutes, peut per-mettre de l’objectiver. Cette forme d’urticaire répond en généralassez mal aux antihistaminiques et peut être invalidante.

L’urticaire solaire : elle est définie par l’apparition de plaques d’ur-ticaire dans les minutes suivant l’exposition solaire. Un test deprovocation peut être réalisé sur les fesses avec irradiation UVA,UVB et lumière visible.

L’urticaire aquagénique : il s’agit d’une forme rare, correspondant àl’apparition de plaques d’urticaire au contact avec l’eau quelleque soit sa température. Un test à la compresse imbibée d’eau à 35 °C peut la mettre en évidence.

2. Bilan étiologique devant une urticaire chroniqueLa conférence de consensus sur l’urticaire chronique de janvier

2003 ne recommande aucun bilan en première intention devantune urticaire chronique typique si l’interrogatoire et l’examen cli-nique complet n’orientent vers aucune cause particulière. En casd’inefficacité du traitement, un bilan simple est recommandé(hémogramme, vitesse de sédimentation, CRP, anticorps anti thy-roïde), éventuellement complété en cas d’orientation diagnostiquelors de l’examen clinique (fig. 8).

La place du bilan allergologique dans l’urticaire chronique typiqueest très limitée et à réserver aux cas rares où persiste un doute quantà une cause allergique. Il faut rappeler que l'investigation allergolo-gique est difficile à réaliser dans l'urticaire chronique. En effet il existefréquemment du dermographisme rendant les tests ininterprétables.De plus l'arrêt des antihistaminiques entraine souvent une pousséede la maladie rendant les tests non réalisables. En cas de non-effica-cité thérapeutique, un avis spécialisé peut être demandé auprèsd’un dermatologue ou d’un dermato-allergologue.

3. Prise en charge thérapeutique Il existe un nomadisme médical important chez les patients

atteints d’urticaire chronique. Il est donc important, une fois lediagnostic porté, de fournir des explications claires et compré-hensibles au malade sur la chronicité, sur le caractère bénin

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Allergies cutanéo-muqueuses chez l’enfant et l’adulteUrticaire, dermatites atopique et de contact

POINTS FORTS À RETENIR

Urticaire

L'urticaire superficielle est faite de papules prurigineusesmobiles et fugaces disparaissant la plupart du temps en moinsde 24 heures sans laisser de trace. L’urticaire profonde est responsable de l’apparition d’un œdème.

Urticaire n’est pas synonyme d’allergie, ce diagnosticn’étant pas le plus fréquent.

Il faut suspecter une allergie devant une urticaire aiguë si elle survient dans un délai court après contact avec un allergène potentiel, si elle dure moins de 24 heures et rechute lors des nouveaux contacts avec l’allergène.

Le traitement du choc anaphylactique repose sur l’injection d’adrénaline, les corticoïdes, de par leur délaid’action, ne sont pas le traitement d’urgence.

L’urticaire chronique est une urticaire évoluant depuis plus de 6 semaines. On parle d’urticaire aiguë lorsqu’elle dure moins de 6 semaines.

L’urticaire chronique est une dermatose inflammatoirechronique sans cause allergique.

Le traitement d’une urticaire chronique repose sur la prise continue d’antihistaminique, la corticothérapiegénérale n'a pas sa place dans la prise en chargethérapeutique d'une urticaire chronique.

L’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont de grands pourvoyeurs de poussée d’urticaire avec œdème, par un mécanisme pharmacologique.

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même s’il existe un fort retentissement sur la qualité de vie, surl’absence de traitement curatif mais sur la disponibilité d’un trai-tement symptomatique efficace, sur l’existence de facteursaggravants potentiels et le temps de latence nécessaire avant deconstater l’efficacité (ou non) d’une molécule. Un documentexplicatif sur la maladie peut être donné au patient, téléchar -geable sur le site de la Société française de dermatologie(www.sfdermato.org/pages/Services/fiche-patient.asp).

Le traitement d’une urticaire chronique repose sur la prise d’anti-histaminique de nouvelle génération de façon continue, permettantde soulager les patients dans la majorité des cas. En cas d’ineffica-cité, il est fréquemment proposé d’essayer d’autres molécules anti-histaminiques, voire d’associer deux antihistaminiques. Des publi-cations récentes font état de l’intérêt de majorer les dosesd’antihistaminique, cette pratique courante est hors AMM.

La corticothérapie générale n’a pas de place en traitementcontinu dans la prise en charge d’une urticaire chronique, lesprises ponctuelles sont à manier avec une extrême parcimonie.En effet, il existe un risque important et imprévisible de dévelop-per une corticodépendance. Il semble même exister un risqued’aggravation des urticaires lorsque des corticothérapies géné-rales ont été effectuées régulièrement.

En cas d’inefficacité des antihistaminiques pris en continu, lepatient peut être adressé à des unités spécialisées où des traite-ments de seconde et troisième ligne peuvent être proposés.

4. Particularités de l’urticaire chez l’enfant L’enfant est particulièrement sujet aux urticaires aiguës de

cause infectieuse, pouvant même survenir par petites « épidé-mies » dans la même fratrie. L’urticaire chronique est plus rarechez l’enfant que chez l’adulte.

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 63Septembre 2013994

Q 114 ALLERGIES CUTANÉO-MUQUEUSES CHEZ L’ENFANT ET L’ADULTERR

Patient ayant une urticaire chronique (UC)

Pas de bilanparaclinique

Pas de bilan paraclinique

Interrogatoire et examen cliniquecherchant des éléments

évocateurs d’une maladie associée ou d’une forme particulière d’UC

(UC physique, angiœdème, lésions fixes, etc.)

Monothérapie antihistaminiqueanti-H1 de seconde génération

pendant 4 à 8 semaines

Signesanamnésiques ou cliniquesd’orientation

Bilan paraclinique proposé par le jury pour chaque situation

Angiœdème Angiœdème faciallocalisé inexpliqué

Urticaire : diagnostic. Conférence de consensus, 2003. EPS : électrophorèse des protéines sériques.FIGURE 8

Dosage inhibiteurC1 estérase

Bilan somato-logique et ORL

Urticaire solaire Urticaire de contactPhototests Prick tests

Urticaire au froid Cryoglobuline cryofibrinogène EPP/EPS agglutines froides

Signesd’hypothyroïdie TSH Ac anti TG- Ac anti TPO

Signesd’hyperthyroïdie TSH Ac anti-AC anti-RTSH-TRAK

Signes d’appel d’ulcèregastrique ou duodénal

si +

Recherche d’Helicobacter pylori

Signes extra-cutanés Examens paracliniques en fonction de l’orientation clinique

Signes cutanés non UCnodules, purpura, livedoLésions fixes évoquant une vascularite

Histologie cutanée standard

Immunofluorescence cutanée directe selon orientation

Autres urticairesphysique Pas d’examens paracliniques

Patient ayant une UC isolée

AMÉLIORATION OU GUÉRISON

RÉSISTANCE AU TRAITEMENT

REPRISE DE L’INTERROGATOIRE ET DE L’EXAMEN CLINIQUE À LA RECHERCHE DE SIGNES D’ORIENTATION

NFS

AC anti-TPO

VS CRP

TSH

Patient ayant une urticaire chronique isolée résistante Bilan paraclinique proposé par le jury

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Dermatite atopiqueDéfinition

La dermatite atopique ou eczéma atopique est une maladiecutanée inflammatoire, prurigineuse, chronique survenant fré-quemment dans des familles où l’on retrouve les autres maladiesatopiques que sont l’asthme et/ou la rhinoconjonctivite aller-gique. L’atopie est définie par l’association à des sensibilisationsIgE. L’atopie est une prédisposition héréditaire du systèmeimmunitaire à privilégier des réactions d’hypersensibilité médiéespar les immunoglobulines E (IgE) vis-à-vis d’antigènes communsdans l’alimentation, l’environnement extérieur ou domestique.

Épidémiologie

La prévalence de la dermatite atopique est estimée entre 15 et30 % des enfants et 2 à 10 % des adultes. Son incidence a étémultipliée par 2 ou 3 dans les 30 dernières années sans que laraison de cette augmentation n’ait été réellement expliquée.Chez l’enfant, la dermatite atopique survient dans 45 % des caspendant les 6 premiers mois de vie, dans 60 % des cas durant lapremière année, et 85 % des patients sont affectés avant l’âgede 5 ans.

Physiopathologie

Les mécanismes physiopathologiques à l’origine de la derma-tite atopique incluent des facteurs génétiques, des facteursimmunologiques et des anomalies de la barrière cutanée.

1. Facteurs génétiquesCinquante à 70 % des patients atteints de dermatite atopique

ont un parent au premier degré atteint de dermatite atopique,d’asthme ou de rhinite allergique, en comparaison avec 20 à 35 %pour les sujets non atopiques. Il existe de plus une concordancede 72 % chez les jumeaux homozygotes contre 23 % chez lesjumeaux dizygotes. Les avancées récentes concernent la décou-verte de mutations sur le gène de la filagrine, gène impliqué dansla fonction barrière de la couche cornée. Le mécanisme de l’ato-pie cutanée repose donc sur une anomalie primitive de la peau,qui n’est pas suffisamment imperméable. Il s’ensuit la pénétrationde molécules et la sensibilisation ou inflammation.

2. Anomalies de la barrière cutanéeUn des signes majeurs de la dermatite atopique est la xérose,

comme en atteste l’augmentation des pertes insensibles en eauau travers de l’épiderme. Cette xérose favorise la pénétration desallergènes, des bactéries et des virus et augmente les pertesinsensibles en eau. Les altérations de la barrière épidermique sontmultiples, liées à des facteurs génétiques et environnementaux :déficit en filagrine (protéine permettant l’agrégation des fibrillesde kératine dans le stratum corneum et l’établissement du pH dustratum corneum qui devrait être idéalement acide à 5,5), hyper-activité des protéases (kallicréines) dégradant les cornéodesmo-somes (soit génétique soit par élévation intempestive du pH dustratum corneum [neutre ou alcalin]), déficit en inhibiteur des kal-

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licréines, protéases exogènes (acariens, cafards, pollens, sta-phylocoques), anomalie des céramides, excoriations cutanéespar le grattage chronique.

3. Anomalies immunologiquesÀ la phase aiguë, les kératinocytes lésés synthétisent TSLP,

IL33 et IL25 qui induisent une réponse Th2. La réponse Th2 pro-voque une synthèse d’IgE et un infiltrat éosinophile. La diffusionde TSLP vers l’arbre respiratoire explique en partie l’évolutionvers un asthme dans le cadre de la marche atopique. La phasechronique est liée à une réponse Th1.

Diagnostic

Le diagnostic de la dermatite atopique est clinique et anam-nestique. Les critères anciens de Hanifin et Rajka ont été revuspar Williams (tableau 1). Il n’y a pas de marqueur biologiquepathognomonique, et aucun examen biologique n’est néces-saire au diagnostic. L’élévation des IgE totales ou la détection desensibilisation IgE-médiée par les tests cutanés ne sont pas tou-jours présentes chez les patients atteints de dermatite atopique.Une distinction est faite dans la littérature entre dermatite ato-pique intrinsèque (sans sensibilisation IgE) et dermatite atopiqueextrinsèque (avec sensibilisation IgE).

Cliniquement, les lésions d’eczéma peuvent être aiguës (lésionsvésiculeuses, suintantes et plaques érythémateuses et papuleuses),subaiguës (plaques épaisses et excoriées) ou chroniques (liché-nification, hyperpigmentation). Dans tous les cas et à tout âge, leprurit parfois intense domine le tableau clinique, retentissant gra-vement sur la qualité de vie. Le phénotype de la dermatite ato-pique varie selon l’âge, on distingue trois périodes : la petiteenfance, l’enfance, l’adolescence-âge adulte.

Critères de diagnostic de la dermatite atopiquede l’United Kingdom Working Party *

TABL

EAU

1

Critère obligatoire : dermatose prurigineuse associée à 3 ou plus des critères suivants

� Antécédents personnels d’eczéma des plis de flexion (fossesantécubitales, creux poplités, face antérieure des chevilles, cou)et/ou des joues chez les enfants de moins de 10 ans

� Antécédents personnels d’asthme ou de rhume des foins (ouantécédents d’asthme, de dermatite atopique, ou de rhinite allergiquechez un parent au 1er degré chez l’enfant de moins de 4 ans)

� Antécédents de peau sèche généralisée (xérose) au cours de la dernière année

� Eczéma des grands plis visible ou eczéma des joues, du front et des convexités des membres chez l’enfant de moins de 4 ans

� Début des signes avant l'age de 2 ans (pour l'enfant de plus de 4 ans uniquement)

* D’après Williams et al. Br J Dermatol 1994.

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Q 114 ALLERGIES CUTANÉO-MUQUEUSES CHEZ L’ENFANT ET L’ADULTERR

Dermatite atopique du nourrisson (photo Dr O. Bayrou).FIGURE 9

Dermatite atopique de l’adolescent (photo Dr O. Bayrou).FIGURE 10

Dermatite atopique de l’adulte.FIGURE 11

Dermatite atopique cervico-céphalique (photo Dr O. Bayrou).FIGURE 12

Eczéma aigu suitant.FIGURE 13

Syndrome de Kaposi-Juliusberg (photo Dr O. Bayrou).FIGURE 14

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Des molluscum contagiosum, maladie infectieuse auto- et hétéro-inoculable et induite par un pox-virus, sont souvent présents sur lesplaques d’eczéma chez l’enfant. Ils sont propagés par le grattage etpeuvent provoquer en eux-mêmes un eczéma surajouté.

Un retard de croissance peut survenir dans les cas de dermatiteatopique sévère diffuse.

Des allergies de contact favorisées par les anomalies de la bar-rière cutanée et les applications répétées de topiques peuventsurvenir, il faut savoir les évoquer devant des localisations persis-tantes ou inhabituelles.

Des complications oculaires, à type de kératoconjonctivite,kératocône, cataracte et détachement rétinien sont exception-nelles.

Prise en charge thérapeutique

La prise en charge thérapeutique repose sur la suppressiondes facteurs aggravants, le traitement de la xérose et le traite-ment des poussées inflammatoires. L’éducation thérapeutiquedu patient ou de ses parents lorsqu’il s’agit d’un enfant a ici toutesa place, en effet il existe fréquemment un nomadisme médical, àla recherche de la « guérison ».

Les messages clés à faire passer concernent le caractère chro-nique de la dermatose, la nécessité de soins locaux adaptés, lecaractère efficace et sans danger des dermocorticoïdes lorsqu’ilssont bien utilisés. Il existe en effet fréquemment une corticophobiedélétère pour la bonne prise en charge thérapeutique.

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1. Dermatite atopique de la petite enfance Les signes apparaissent en général au cours du 2e ou 3e mois,

sous forme de lésions eczématiformes prurigineuses des jouesavec respect de la zone médio-faciale (fig. 9). Le prurit est intenseet insomniant. Il existe une atteinte des convexités des membrestandis que la zone sous la couche est en général respectée. À laphase aiguë, les lésions sont érythémateuses, suintantes puiscroûteuses. Dans 20 à 30 % des cas, les lésions vont disparaîtreà la fin de la 2e année.

2. Dermatite atopique dans l’enfance Les lésions vont atteindre les plis de flexion des coudes, du

cou, des poignets, des chevilles mais aussi la nuque, le dos dupied ainsi que les mains (fig. 10). Les signes « mineurs » peuventaider au diagnostic : pli sous-palpébral de Dennie-Morgan, pigmen-tation sous-orbitaire, xérose, ichtyose vulgaire, kératose pilaire,hyperlinéarité palmaire, pityriasis alba (« dartres »), pâleur faciale,dermographisme blanc.

3. Dermatite atopique à l’adolescence et à l’âge adulte La dermatite atopique peut continuer à l’adolescence, mais

classiquement l’évolution naturelle de la dermatite atopique est laguérison dans près d’un cas sur deux vers l’âge de 2 ans. La per-sistance de lésions intermittentes après cette date concerne 1/3des enfants. Le risque de voir apparaître un asthme chez l’enfantporteur de dermatite atopique est évalué entre 30 et 40 %.

La dermatite atopique peut parfois apparaître de novo à l’âgeadulte (fig. 11). Les atteintes typiques restent alors les plis deflexion, l’extrémité céphalique (périlabiale, périoculaire surtout) etle cou. Les lésions sont le plus souvent de type chronique, donclichénifiées, papuleuses, avec des stries quadrangulaires en sur-face et remaniées par le grattage chronique. Elles peuvent devenirérythémateuses et suintantes à la faveur des poussées aiguës. Ilpeut y avoir des adénopathies périphériques (liées à la stimulationdes aires ganglionnaires de drainage), une hyperéosinophilie. Cetteforme de l’adulte peut être diffuse, sévère et invalidante.

Une autre forme clinique de dermatite atopique à connaître secaractérise par une atteinte prédominante à la face et au cou, appe-lée dermatite atopique cervico-céphalique ou head and neck atopicdermatitis pour les Anglo-Américains (fig.12). Elle apparaît fréquem-ment à l’adolescence. La sensibilisation à Malassezia, authentifiablepar dosage sanguin des IgE spécifiques anti-Malassezia, est consi-dérée induire une partie des manifestations cliniques.

Complications

Les surinfections cutanées sont au premier plan des complica-tions de la dermatite atopique. La surinfection bactérienne à staphylocoque doré est responsable d’une impétiginisation deslésions qu’il faut savoir distinguer de l’aspect suintant de l’eczémaaigu (fig. 13). La surinfection à virus Herpès est à évoquer devanttoute poussée aiguë inhabituelle avec cliniquement des lésionsvésiculeuses arrondies. L’évolution de cette surinfection herpétiquepeut être grave sous forme de syndrome de Kaposi-Juliusberg (fig. 14)ou eczema herpeticum et constitue une urgence thérapeutique.

Allergies cutanéo-muqueuses chez l’enfant et l’adulteUrticaire, dermatites atopique et de contact

POINTS FORTS À RETENIR

Dermatite atopique

La prévalence de la dermatite atopique est en augmentation.

La dermatite atopique, l’asthme et la rhinoconjonctiviteallergique sont les manifestations de l’atopie.

Le prurit et la xérose cutanée sont des éléments constantsdans la dermatite atopique.

L’aspect clinique des lésions de dermatite atopique varie selon l’âge et la chronicité des lésions.

Le traitement de la dermatite atopique repose surl’application d’émollients pour lutter contre la xérose et dedermocorticoïdes pour traiter les poussées inflammatoires.

Une aggravation brutale doit faire suspecter une surinfection herpétique ou bactérienne.

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1. Suppression des facteurs aggravants et traitement de la xéroseCela nécessite :

– des soins d’hygiène adaptés : lavage avec produits adaptés lemoins kératolytiques, bain court, séchage doux, puis applicationd’émollients sur une peau encore humide ;

– de privilégier les vêtements en coton, d’éviter le contact directavec la laine ;

– d’appliquer quotidiennement des émollients (1 à 2 fois par jour)qui constituent le traitement de fond de la xérose. Concernant les mesures d’éviction des acariens, les études

sont contradictoires, mais des arguments physiopathologiquespermettraient de les justifier.

En cas de surinfection bactérienne manifeste, une antibiothé-rapie peut être nécessaire, soit locale (Fucidine topique) si peuétendue soit par voie orale si très étendue.

2. Traitement anti-inflammatoire localDeux classes thérapeutiques sont disponibles, les dermocorti-

coïdes ou les immunosuppresseurs topiques.Les dermocorticoïdes : leur choix doit être adapté à l’âge du

patient et à la zone à traiter. Une application vespérale suffit engénéral jusqu’à disparition de l’inflammation, en moyenne en 4 à8 jours sans décroissance à l’arrêt (cf. conférence de consensusde la dermatite atopique).

Cette durée peut être prolongée. À cette thérapie curative peutêtre associée ultérieurement une thérapie préventive consistanten l’application de dermocorticoïdes deux fois par semaine sur leszones usuellement atteintes en cas de rechutes fréquentes.

Il est très important d’évaluer le nombre de tubes de dermocor-ticoïdes utilisés par les patients. Il faut pour cela utiliser des règlescodifiées. De manière générale, chez un adulte, la quantité pourun corps entier est de de 20 à 30 g/j, et il faut donc rapporter celaà la surface corporelle atteinte.

Les inhibiteurs de calcineurine topique : seul Protopic (tacrolimus)est disponible en France. Sa prescription, à faire sur ordonnanced’exception, est réservée aux dermatologues et aux pédiatres. Iln’est indiqué qu’en deuxième intention, mais a un intérêt tout particulier dans des topographies où l’on peut craindre les réper-cussions de la corticothérapie locale répétée ou prolongéecomme les paupières, le visage, où il peut alors être utilisé en pre-mière intention. Le dosage 0,03 % est réservé à l’enfant de plusde 2 ans tandis que le dosage 0,1 % est utilisé chez l’enfant deplus de 16 ans et l’adulte.

Là encore, après une thérapeutique curative pour traiter lespoussées à raison de 2 applications quotidiennes pendant 3semaines en général jusqu’à obtenir le blanchiment, on peutensuite associer une thérapie préventive à raison d’une appli cation2 fois par semaine pour prévenir les rechutes lorsque celles-ci sontfréquentes. Cette attitude est à réévaluer au bout de quelques mois.

Les antihistaminiques n’ont pas fait la preuve de leur efficacitédans la réduction du prurit dans la dermatite atopique, ils peuventêtre indiqués dans la prise en charge d’une rhinoconjonctiviteassociée.

En cas d’échec ou de résistance au traitement bien conduit, laprise en charge par des équipes spécialisées doit être envisagéeafin de discuter le recours aux traitements systémiques (photo-thérapie, ciclosporine, méthotrexate, cette dernière n’ayant pasl’AMM). La corticothérapie orale dans la dermatite atopique n’estpas recommandée.

Quelle place pour les explorations allergologiquesdevant une dermatite atopique ?

La place de l’allergie dans la dermatite atopique est un sujettrès largement débattu entre médecins de différents horizons.La littérature sur le sujet est abondante mais parfois contra-dictoire.

1. Quand faut-il faire des explorations allergologiques dans une dermatite atopique ?On peut retenir les cas suivants :

– s’il existe des manifestations rhinoconjonctivales ou de l’asthmepour rechercher une sensibilisation aux pneumallergènes (aca-riens, pollens, phanères d’animaux…) ;

– lorsqu’il y a des manifestations évocatrices d’allergie alimen-taire, telles qu’une urticaire généralisée dans les minutes sui-vant l’ingestion d’un aliment, ou des manifestations oropharyn-gées évocatrices de syndrome oral ou de Lessof (pruritpharyngo-palatin survenant dans les minutes suivant l’inges-tion de certains fruits ou légumes crus par allergie croisée aveccertains pollens) ;

– s’il existe une suspicion d’eczéma allergique de contact sura-jouté (topographie persistante inhabituelle, récurrence fré-quente et rapide malgré le traitement bien conduit) ;

– éventuellement lorsqu’il y a une dermatite atopique sévèrerésistante au traitement médical bien conduit. Chez l’enfant,cela se traduit par une stagnation ou une cassure de la courbede poids.Il existe une demande fréquente de la part des parents d’en-

fants atteints de dermatite atopique ou des adultes atteints decette même pathologie pour la réalisation d’explorations allergo-logiques, à la recherche d’une cause curable. Il faut garder enmémoire qu’un test positif (cutané ou sanguin) ne signe pas l’al-lergie et que l’évaluation de la pertinence des tests positifs, par-ticulièrement dans le cas de la dermatite atopique, est alorscapitale. De plus, les lésions d’eczéma elles-mêmes peuventrendre difficiles, voire irréalisables, les tests sur les bras ou dansle dos.

2. Quels tests allergologiques peuvent être réalisés ?Ce sont :

– prick test et dosage d’IgE spécifiques pour l’exploration desmanifestations allergiques immédiates (rhinoconjonctivite,asthme, urticaire aiguë) ;

– patch test si suspicion d’eczéma allergique de contact sura-jouté, ces tests sont de réalisation délicate chez l’atopique, carils peuvent déclencher une poussée de la maladie rendant lalecture des tests difficile ;

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Q 114 ALLERGIES CUTANÉO-MUQUEUSES CHEZ L’ENFANT ET L’ADULTERR

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– les atopy patch tests (APT) ont été développés pour le diag-nostic allergologique des manifestations retardées de la der-matite atopique. En effet, l’exposition des patients ayant unedermatite atopique à des pneumallergènes (antigènes d’aca-riens, phanères de chat, pollens de graminées) ou des trophal-lergènes (allergènes alimentaires) peut provoquer une exacer-bation de la pathologie ou la persistance de celle-ci. Lesprincipaux allergènes mis en évidence par cette technique sontles acariens, les poils de chat et les pollens de graminées. Cetype de test est réservé à des structures spécialisées, leurvaleur, notamment avec les aliments, n’étant pas connue ;

– épreuve de réintroduction alimentaire en double aveugle versusplacebo : à réserver à des équipes entraînées et nécessitantune évaluation tardive à 24 ou 48 heures dans la dermatite atopique.

Eczéma allergique de contact ou dermatite allergique de contact

La dermatite allergique de contact affecte 20 % de la populationgénérale en Europe. Elle est deux fois plus fréquente chez lafemme que chez l’homme, une part importante concerne desallergies de contact professionnelles. L’irritation chronique,notamment dans le cadre professionnel et la dermatite atopiquedu fait des anomalies de la barrière cutanée, sont des facteurs derisque de sensibilisation de contact.

Physiopathologie de l’eczéma de contactL’eczéma allergique de contact est une hypersensibilité cellu-

laire retardée de type Th1 du fait du profil des cytokines produitespar les lymphocytes spécifiques de l’allergène. On distingueclassiquement deux phases, une phase de sensibilisation et unephase de révélation.

1. Phase de sensibilisation Cette phase est cliniquement muette, elle peut durer de

quelques jours à plusieurs années. L’allergène est en général unhaptène, c’est-à-dire une petite molécule non immunogène enelle-même, qui nécessite le couplage avec une protéine porteusepour constituer un allergène. Les allergènes sont pris en charge parles cellules dendritiques épidermiques (cellules de Langerhans)et dermiques qui vont migrer jusqu’à la zone paracorticale desganglions de drainage lymphatique. Pendant cette migration,elles subissent une maturation leur permettant d’activer des lym-phocytes T « naïfs ». Ces lymphocytes T prolifèrent et se différen-cient alors en lymphocytes « mémoires » circulants.

2. Phase de révélationLors d’un nouveau contact avec l’allergène chez un sujet préa-

lablement sensibilisé, la présentation des allergènes par les cel-lules de Langerhans aux lymphocytes T mémoires spécifiqueentraîne leur proliferation et la sécrétion de cytokines proinflam-matoires (IL2, TNF). Ceci va recruter des cellules mononucléesinflammatoires responsables de l’eczéma cliniquement et histo-logiquement (spongiose et exocytose épidermiques).

Tableaux cliniques

Il existe une grande variation selon les sites, selon les allergènes,selon le caractère aigu ou chronique de l’eczéma.

1. Eczéma aigu Les lésions s’accompagnent d’un prurit, elles débutent et pré-

dominent en général au site de contact mais peuvent s’étendre àdistance. L’évolution naturelle en cas d’arrêt du contact avec l’al-lergène conduit à la guérison en quelques jours.

On distingue classiquement différents stades successifs :– érythémateux : l’érythème est diffus, mal limité ou émietté. Il s’ac-

compagne d’un œdème qui peut être au premier plan, particuliè-rement dans des sites comme la face ou les organes génitaux ;

– vésiculeux : des vésicules vont apparaître au site de l’érythème.Le toit de celles-ci peut se rompre facilement, faisant apparaîtrede petites érosions, et laisser la place à un suintement jaunâtretranslucide, à distinguer d’une éventuelle surinfection (fig. 13).L’eczéma aigu peut prendre aussi un aspect bulleux résultantde la confluence des vésicules, cet aspect peut se voir particu-lièrement aux mains et aux pieds ;

– puis phase croûteuse (liée à la coagulation des protéines plas-matiques), suivie de guérison.2. Eczéma chronique Lorsque les contacts avec l’allergène persistent, l’eczéma de

contact (comme la dermatite atopique) peut devenir chronique.Les vésicules ne sont plus au premier plan, mais sont remplacées

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Allergies cutanéo-muqueuses chez l’enfant et l’adulteUrticaire, dermatites atopique et de contact

POINTS FORTS À RETENIR

Dermatite allergique de contact

La dermatite allergique de contact est une hypersensibilité retardée à médiation cellulaire.

La physiopathologie comporte une phase de sensibilisation asymptomatique, suivie d’une phase de révélation survenant lors d’un nouveau contact avec l’allergène en 24 à 96 heures.

Le diagnostic de l’allergène repose sur l’interrogatoire « policier » et la réalisation de tests épicutanés.

La pertinence des tests positifs doit être évaluée.

Le traitement de l’eczéma repose sur les dermocorticoïdes.

Le traitement préventif repose sur l’éviction des contactsavec l’allergène.

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par une xérose avec hyperkératose, lichénification (augmenta-tion du quadrillage de la peau) et fissures, particulièrement auxmains. Le prurit est important.

3. Situations particulièresEczéma des paupières : la peau des paupières est la plus fine de

l’organisme. En cas d’eczéma allergique de contact aux pau-pières, l’allergène peut être appliqué directement (maquillage parexemple), aéroporté, voire manuporté (vernis à ongles p. ex).

Eczéma « par procuration » : il s’agit d’une situation diagnostiquedifficile, car la personne qui présente l’eczéma n’est pas celle quiutilise le produit (conjoint, enfant…).

Eczéma de contact systémique : cliniquement, l’éruption prédominedans les plis et au niveau des fesses, d’où la terminologie de «syndrome babouin » utilisée auparavant. Ce tableau correspondà l’administration systémique (orale ou parentérale) d’un aller-gène auquel le sujet a préalablement été sensibilisé par voiecutanée ou muqueuse. La survenue est rapide, quelques heuresen général après administration de l’allergène. Il s’agit le plussouvent de métaux comme le nickel ou classiquement le mer-cure, ou des médicaments.

Les eczémas de contact professionnels : ils atteignent en généralles mains sous forme d’eczéma chronique, avec parfois desexacerbations rythmées par les expositions. Une dermatite d’ir-ritation chronique, favorisée par le travail en milieu humide, leport de gants prolongé ou les lavages fréquents des mains, yest souvent associée. La notion d’amélioration pendant lespériodes non travaillées et de rechute lors de la reprise du travail est un des éléments qui doivent faire évoquer une derma-tose professionnelle et conduire à la réalisation du bilan allergo-logique de confirmation et la prise en charge de la maladie pro-fessionnelle. De très nombreuses professions sont concernéescomme les travailleurs du bâtiment, les coiffeuses, les profes-sionels de santé, etc.

Photo-allergie de contact : dans ce cas, l’allergène seul ne suffit pasmais il faut l’adjonction du rayonnement solaire. Là encore, ce typede réaction nécessite une sensibilisation initiale. Les lésions cli-niques sont le plus souvent eczématiformes prurigineuses. Ellesprédominent sur les zones exposées aux UV. Les filtres solaires(comme l’octocrylène) et surtout le kétoprofène topique (Ketum)sont des photo-allergènes. La confirmation repose sur la réalisa-tion de photo-patch tests.

On oppose aux photo-allergies les réactions photo-toxiquessurvenant chez la majorité des personnes exposées à la subs-tance et responsable cliniquement d’un « coup de soleil » limitéaux zones d’exposition, en contact avec la substance photo-toxique.

Diagnostic

Le diagnostic se fait en plusieurs étapes, mais repose sur l’exa-men clinique permettant de valider qu’il s’agit bien d’un eczéma,l’interrogatoire pour rechercher les contacts avec des allergènespotentiels et la réalisation d’une enquête allergologique.

1. Examen clinique Le diagnostic d’eczéma est en général facile si les lésions sont

constatées. Il peut être plus difficile a posteriori. Le caractère pru-rigineux, la présence de vésicules ou la notion de suintement,l’évolution vers la guérison avec desquamation en plusieurs jourspermettent d’évoquer ce diagnostic. Le recours de plus en plusgénéralisé à la photo numérique peut être d’une grande aidediagnostique a posteriori.

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Q 114 ALLERGIES CUTANÉO-MUQUEUSES CHEZ L’ENFANT ET L’ADULTERR

Allergènes de la batterie standard européenne en 2008*

TABL

EAU

2

1. Bichromate de potassium 0,52. 4-p-phénylène diamine base 13. Thiuram mix 14. Sulfate de néomycine 205. Chlorure de cobalt 16. Benzocaïne 57. Sulfate de nickel 58. Clioquinol 59. Colophane 2010. Parabens mix 1611. N-isopropyl-N’-phényl-paraphénylène diamine (IPPD) 0,112. Lanolin alcohol* 3013. Mercapto-mix 214. Résine époxy 115. Myroxylon pereirae* (baume du Pérou) 2516. Résine 4-tert-butylphénol formaldéhyde 117. Mercaptobenzothiazole 218. Formaldéhyde 1 (eau)19. Fragrance mix I 820. Sesquiterpène lactone-mix 0,121. Quaternium 15* 122. Primine 0,0123. Méthylchloroisothiazolinone-méthylisothiazolinone 0,01 (eau)24. Budésonide 0,0125. Pivalate de tixocortol 0,126. Méthyldibromoglutaronitrile 0,527. Fragrance mix II 1428. Hydroxyisohexyl 3-cyclohexène carboxaldehyde 5

* Nomenclature (International Nomenclature of Cosmetic Ingredients [INCI])obligatoire pour les ingrédients des cosmétiques.

SubstancesConcentration % dans la vaseline (sauf indication)

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LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 63Septembre 2013 1001

2. Interrogatoire L’interrogatoire « policier » recherche des contacts avec des

allergènes potentiels sur la zone d’apparition de l’eczéma dansles heures à jours précédant la survenue des manifestations.Ceci peut être difficile en cas de contact chronique.

3. Enquête allergologiqueL’enquête allergologique repose sur la réalisation de tests épi-

cutanés et l’évaluation de leur pertinence. Les tests épicutanésou patch tests consistent en l’application sur la peau du dos d’al-lergènes sous occlusion de cupules en plastique ou en métalfavorisant la pénétration dans le but de déclencher la réactiond’hypersensibilité de l’individu. Ces tests sont laissés en place 48 heures en général avec deux lectures à 48 et 72 heures ou 96 heures le plus souvent. Des lectures plus tardives sont parfoisnécessaires comme en cas de suspicion d’allergie de contactaux dermocorticoïdes.

La batterie de base (ancienne batterie standard européenne)regroupe les 28 allergènes les plus fréquents (tableau 2). Des bat-teries complémentaires peuvent être associées selon les suspi-cions, telles que des batteries regroupant les allergènes usuelsde cosmétique, des produits de coiffure, des produits utilisés endentisterie, des colorants et apprêts textiles, plastique et colles,parfums… Les tests avec les batteries peuvent être complétéspar des tests avec les produits cosmétiques des patients, lemode de test devant être adapté au type de produits (semi-opentest particulièrement pour les produits rincés (fig. 15), test d’appli-cation répété au pli du coude...).

La lecture des tests est standardisée selon l’ICDRG (tableau 3)en croix et ne prend pas en considération l’importance de laréponse mais son intensité.

Les patch tests peuvent être réalisés chez l’enfant si l’indicationen est posée, la batterie standard doit être alors adaptée en sup-primant certains allergènes forts.

L’étape importante de cette enquête allergologique est l’éva-luation de la pertinence des résultats. En effet, une positivité peutavoir une pertinence ancienne et ne pas être responsable desmanifestations actuelles. Le patient doit être informé des résultatset des mesures d’éviction à prendre pour éviter la rechute desmanifestations.

Diagnostics différentiels

1. Dermatite d’irritationLa dermatite d’irritation de contact est beaucoup plus fré-

quente que la dermatite allergique de contact, la confusion entreles deux entités est fréquente, néanmoins certains éléments permettent d’orienter le diagnostic (tableau 4). Il faut garder enmémoire que l’irritation fait le lit de l’allergie.

2. Érysipèle Le caractère très inflammatoire, unilatéral, non prurigineux,

l’absence de vésicules et le syndrôme infectieux permettentassez aisément de distinguer les deux tableaux.

3. Dermatite atopique En règle générale, la topographie des lésions d’eczéma, l’anté-

riorité des poussées, les éventuelles autres manifestations du

Score International Contact Dermatitis ResearchGroup (ICDRG) utilisé pour la lecture des tests épicutanés (patch tests )TA

BLEA

U 3

Nt Non testé Sert à coter un allergène manquant dans une série

– Négatif Absence de réaction

+ ? Douteux Érythème simple

+ Réaction positive faible Érythème et œdème

++ Réaction fortement Érythème, œdème positive et vésicules bien visibles

+++ Réaction violemment Érythème, œdème et vésiculespositive coalescentes ou bulles

IR Réaction d’irritation Œdème absent, aspect fripé, papules, pustules, hypopion,vésicules, pétéchies, nécrose

Score Interprétation Lésion élémentaire

Exemple de patch tests avec batterie standard et des produitscosmétiques personnels en semi open test.FIGURE 15

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terrain atopique (asthme et/ou rhinoconjonctivite allergique) per-mettent de différencier la dermatite allergique de contact de ladermatite atopique. Néanmoins, une dermatite allergique decontact peut venir compliquer une dermatite atopique.

4. Zona Là encore, le caractère unilatéral, la topographie métamérique,

l’aspect de vésicules groupées en bouquet, l’absence de pruritau profit de douleurs permettent aisément de distinguer un zonad’un eczéma allergique de contact.

Principaux allergènes de contact

1. MétauxNickel : l’allergie au nickel concerne environ 9 % de la population

générale, soit 17 % de la population féminine et 3 % de la popula-tion masculine. La directive européenne nickel, en applicationdepuis 2001, limite le relargage du nickel dans les objets aucontact de la peau (bijoux, montres, bracelets de montre, mon-tures de lunettes, fermoirs de montre, zips, boutons rivets, bou-cles de ceinture...). Cette réglementation a été renforcée en 2005avec inclusion d’une réglementation identique pour les télé-phones portables et pour les objets métalliques traversant lapeau (piercings, boucles d’oreilles). Cette réglementation a eudes effets favorables sur la prévalence de la sensibilisation aunickel avec une diminution constatée chez les jeunes.

Si dans certains cas le diagnostic d’allergie au nickel est clini-quement évident, par exemple en cas d’eczéma en regard d’uneboucle de ceinture, le diagnostic est parfois plus difficile dans dessituations plus rares d’eczéma disséminé par exemple.

Chrome : les deux grandes sources d’allergie au chrome sont leciment, responsable d’une dermatose professionnelle (mains) etle contact avec des objets en cuir tannés avec du chrome, parti-culièrement les chaussures (pieds [fig. 16]).

2. ParfumsL’allergie aux parfums est fréquente, sa prévalence est estimée

entre 1 et 4 % dans la population générale. Les parfums comportentde très nombreuses substances potentiellement allergéniques.Le diagnostic de routine repose sur des tests avec des mélangesde substances parfumantes (mix), fragrance mix1 et fragrancemix2 comportant respectivement 8 et 5 allergènes. Une réglemen-tation en application depuis 2005 impose l’étiquetage de 26 aller-gènes des parfums dès que leur concentration dépasse 10 ppmdans les produits non rincés et 100 ppm dans les produits rincés.

3. Caoutchoucs Les additifs du caoutchouc les plus fréquemment incriminés

sont les accélérateurs de vulcanisation appartenant aux famillesdes thiurams, dithiocarbamates, benzothiazoles et thiourées. Ilspeuvent être responsables d’eczéma allergique de contact, par-ticulièrement aux gants, constituant une maladie professionnelle.Il est important de différencier l’eczéma de contact aux agents de

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 63Septembre 20131002

Q 114 ALLERGIES CUTANÉO-MUQUEUSES CHEZ L’ENFANT ET L’ADULTERR

Tableau comparatif dermatite irritante de contact (DIC) et dermatite allergique de contact (DAC)*

TABL

EAU

4

Lésions cutanées ❚ Non limitées à la zone de contact ❚ Limitées à la zone de contact

Symptômes ❚ Prurit ❚ Sensation de brûlure

Épidémiologie ❚ N’affecte que certains sujets en contact avec le produit ❚ Affecte la majorité des sujets en contact avec le produit

Histologie ❚ Spongiose, exocytose ❚ Nécrose épidermique

Patch test ❚ Positif ❚ Négatif

Immunologie cutanée ❚ Présence de cellules T activées ❚ Pas de cellule T activée

Immunologie sanguine ❚ Présence de cellules T spécifiques ❚ Pas de cellule T spécifique

D’après Nosbaum A, Vocanson M, Rozieres A, Hennino A, Nicolas JF. Allergic and irritant contact dermatitis. Eur J Dermatol 2009;4:325-32.

Dermatite allergique de contact (DAC) Dermatite irritante de contact (DIC)

Eczéma allergique de contact au chrome.FIGURE 16

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vulcanisation des caoutchoucs, de l’allergie immédiate IgEmédiée aux protéines de latex pouvant entraîner au maximum unchoc anaphylactique.

4. Paraphénylénediamine (PPD) et allergènes de la coiffureLa paraphénylénediamine est l’allergène phare des teintures

capillaires permanentes d’oxydation. Néanmoins, de nombreuxautres allergènes existent dans les teintures capillaires, comme latoluène diamine (PTD) avec fréquente réaction croisée avec laPPD, le résorcinol, etc. On estime que 0,2 à 2,5 % de la popula-tion européenne et jusqu’à 20 % des coiffeuses souffrent d’aller-gie aux teintures capillaires.

La vogue des tatouages éphémères au « henné noir » ces der-nières années a entraîné des sensibilisations à la PPD, celle-ciétant adjointe illégalement au henné pour lui donner cette couleurnoire. Ceci concerne tout particulièrement des enfants ou desadolescents, présentant ensuite lors de leur première teinturecapillaire des eczémas explosifs, fréquemment très œdémateux,les faisant prendre à tort pour des « œdèmes de Quincke ».

5. Conservateurs Ces dernières années, les conservateurs des cosmétiques ont

régulièrement été responsables de vagues d’allergie de contactamenant parfois à des limitations dans leur utilisation, voire à desabandons. Un des conservateurs phares du moment en termesd’allergie de contact est la méthylisothiazolinone.

6. Médicaments topiques Différents topiques médicamenteux peuvent être responsables

d’eczéma allergique de contact comme des antiseptiques, des anti-biotiques locaux. Les dermocorticoïdes quant à eux peuvent entraî-ner des sensibilisations de contact, parfois difficiles à diagnostiquer.La notion d’aggravation sous dermocorticoïdes doit faire évoquerce diagnostic. Les patch tests requièrent, dans ce cas, des lecturestardives à J7 pour ne pas passer à côté d’une positivité.

7. Colorants vestimentaires Certains colorants et apprêts vestimentaires sont responsables

de dermatite allergique de contact prédominant dans les plis etaux zones de frottement.

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 63Septembre 2013 1003

Prise en charge thérapeutique

La prise en charge thérapeutique repose sur le traitement del’eczéma à proprement parler et l’arrêt des contacts avec l’aller-gène déclencheur s’il est identifié.

Le traitement de l’eczéma repose sur l’application de dermo-corticoïdes dont le choix est fonction de l’âge du patient et dusite anatomique à traiter. En général, une application le soir pen-dant 8 à 15 jours suffit.

Le traitement préventif des rechutes repose quant à lui, unefois l’enquête allergologique réalisée, sur l’éviction des contactsavec le ou les allergènes identifiés. Il n’y a pas de désensibilisa-tion possible pour les eczémas allergiques de contact. Il fautaussi que le patient ait une information claire et compréhensiblede ses allergies de contact et des situations à risque de survenue.Des conseils d’éviction sont à donner au patient, appuyés sinécessaire d’un support (listes d’éviction). L’étiquetage de lacomposition des cosmétiques en dénomination INCI (internationalnomenclature of cosmetics ingredients) permet de vérifier la pré-sence des allergènes auxquels le patient est sensibilisé.

En cas d’eczéma allergique de contact professionnel, il fautrédiger un certificat de maladie professionnelle et effectuer ladéclaration de maladie professionnelle.•

Remerciements aux Drs Catherine Pecquet, Olivier Bayrou et au Pr Marie-SylvieDoutre pour leur aide.

Eczéma allergique de contact à un démaquillant yeux, phase desquamative.

FIGURE 17

E. Amsler déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.S. Aractingi n’a pas fourni de déclaration de lien d’intérêts.

POUR EN SAVOIR

PRATICIENLA REVUE DU

p u b l i c a t i o n b i m e n s u e l l e d e f o r m a t i o n m é d i c a l e c o n t i n u e

1 5 F É V R I E R 2 0 0 6 / T O M E 5 6 N º 3

Études médicales : 50 ans de réformes B Leucémies aiguës lymphoblastiques

B Alimentation de l’enfant B Insuffisance respiratoire chronique B Soins

du nouveau-né à terme B Boiterie et troubles de la marche de l’enfant

B «Poumon cardiaque» B

Ostéoarthropathie

hypertrophiante pneumique

B Revue de presse : Hernie

inguinale : chirurgie d’emblée?

RÉFÉRENCES UNIVERSITAIRES

DE MÉMOIRE DE MÉDECIN Le village sanatorial du plateau d’AssyOUVERTURES

IMONOGRAPHIEI

Eczémas MIEUX LES TRAITER

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6 Page 233

Monographie

MaladiesallergiquesRev Prat 2007;57(12):1294-348

EczémasRev Prat 2006;56(3):247-95

PRATICIENLA REVUE DU

3 0 J U I N 2 0 0 7 / T O M E 5 7 N º 1 2

Chantier pour 2008 (II) B Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ? BHémogramme B Hospitalisation à la demande d’un tiers et hospitalisationd’office B Développement bucco-dentaire et anomalies

B Traitement des arthritesjuvéniles idiopathiques BCryoglobulinémie de type IIB Pharmacogénétique des anticoagulants oraux

RÉFÉRENCES UNIVERSITAIRES

DE MÉMOIRE DE MÉDECIN La Croix-Rouge pendant la guerre de 1870

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Maladies allergiquesUNE TRÈS FORTE AUGMENTATION

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Conférence de consensus sur l'urticaire chronique 2003.Conférence de consensus sur la dermatite atopique de l'enfant 2004

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