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Images en Ophtalmologie Vol. VIII n o 6 novembre-décembre 2014 211 Quoi de neuf dans la Femto Cataracte ? Femtosecond laser-assisted cataract surgery J.L. Febbraro (Fondation ophtalmologique A. de Rothschild, Paris) L e laser femtoseconde a désormais trouvé sa place dans l’arsenal thérapeutique de la chirurgie du segment antérieur. Il a tout d’abord été adopté en chirurgie réfractive, remplaçant les microkératomes en raison de sa meilleure reproductibilité de découpe. Plus récemment, ce nouveau scalpel s’est introduit dans le secteur de la chirurgie de la cataracte. Les lasers de première génération ont déjà montré des résultats intéressants en termes de précision et d’efficacité, mais cette technologie ne cesse d’évoluer pour mieux se mesurer aux standards d’excellence de la phacoémulsification (1, 2). Efficacité et sécurité opératoire : quoi de neuf dans les publications ? La chirurgie de la cataracte au laser femtoseconde (FLACS [Femtosecond Laser-Assisted Cataract Surgery]) comprend une première phase de préparation au laser femtoseconde, pour la création des incisions cornéennes, de la capsulotomie et de la nucléofragmen- tation. Le deuxième temps, après laser, est intraoculaire et reprend les étapes de la phacoémulsification. Cepen- dant, il convient d’adapter la technique chirurgicale en tenant compte de l’énergie de photodisruption déjà déli- vrée dans l’œil. Ces 2 étapes présentent de nombreux points communs avec les techniques de femtolasik et de phacoémulsi- fication standard, mais une courbe d’apprentissage reste incontournable. Selon les publications les plus récentes, le taux moyen de perte de succion est de 2 %, les hémor- ragies sous-conjonctivales surviennent dans 30 à 40 % des cas, les ponts capsulaires dans 2 à 20 % des cas, les myosis dans 10 à 30 % des cas et les ruptures capsulaires dans 0,3 à 3,5 % des cas. Les auteurs soulignent une diminution des effets indésirables et des complications peropératoires avec l’expérience (1-3). Quoi de neuf dans la sélection des patients ? À ce jour, plusieurs centaines de plateformes sont opéra- tionnelles dans le monde et ont permis de traiter près de 200 000 patients. Le nombre de chirurgiens formés augmente, et les informations recueillies permettent de mieux cibler les patients les plus adaptés à ce type de chirurgie. La consultation préopératoire doit déceler si le patient est suffisamment coopérant pour le FLACS. L’œil du patient doit permettre la bonne délivrance du faisceau laser et un bon docking. Ces exigences impliquent une dilatation suffisante et des cornées claires. Le faisceau laser peut pénétrer des cataractes avancées, mais il est préférable de débuter avec des cataractes moins denses. Le docking est plus aisé sur un œil bien exposé, avec une bonne ouverture palpébrale et une conjonctive saine. L’anesthésie topique est à privilégier, car un chémosis compromet une succion efficace. La pression exercée sur l’œil lors du docking varie en fonction des lasers. Si elle est importante, elle peut être source d’hémorragies sous-conjonctivales, notamment chez les patients sous anticoagulants. Pour la même raison, des antécédents de chirurgie filtrante, de neuropathie glaucomateuse avancée ou de vasculopathie rétinienne peuvent contre-indiquer cette technique. Évolutions des plateformes laser femtoseconde Les cibles du laser ne concernent pas seulement le plan cornéen mais également le cristallin, avec sa capsule antérieure et son noyau. Le cahier des charges est tridimensionnel et comprend aussi bien la surface cornéenne que des structures intraoculaires situées 8 mm plus bas. Les systèmes d’imagerie et l’énergie des impacts doivent ainsi être adaptés pour permettre la photodisruption de ces différentes structures. Par rapport Mots-clés. Laser femtoseconde • Chirurgie de la cataracte. Keywords. Femtosecond laser• Cataract surgery.

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Images en Ophtalmologie • Vol. VIII • no 6 • novembre-décembre 2014211

Quoi de neuf dans la Femto Cataracte ?Femtosecond laser-assisted cataract surgeryJ.L. Febbraro(Fondation ophtalmologique A. de Rothschild, Paris)

L e laser femtoseconde a désormais trouvé sa place dans l’arsenal thérapeutique de la chirurgie du segment antérieur. Il a tout d’abord été adopté

en chirurgie réfractive, remplaçant les microkératomes en raison de sa meilleure reproductibilité de découpe. Plus récemment, ce nouveau scalpel s’est introduit dans le secteur de la chirurgie de la cataracte. Les lasers de première génération ont déjà montré des résultats intéressants en termes de précision et d’effi cacité, mais cette technologie ne cesse d’évoluer pour mieux se mesurer aux standards d’excellence de la phacoémulsifi cation (1, 2).

Effi cacité et sécurité opératoire : quoi de neuf dans les publications ?

La chirurgie de la cataracte au laser femtoseconde (FLACS [Femtosecond Laser-Assisted Cataract Surgery]) comprend une première phase de préparation au laser femto seconde, pour la création des incisions cornéennes, de la capsulotomie et de la nucléofragmen-tation. Le deuxième temps, après laser, est intraoculaire et reprend les étapes de la phacoémulsifi cation. Cepen-dant, il convient d’adapter la technique chirurgicale en tenant compte de l’énergie de photodisruption déjà déli-vrée dans l’œil.

Ces 2 étapes présentent de nombreux points communs avec les techniques de femtolasik et de phacoémulsi-fi cation standard, mais une courbe d’apprentissage reste incontournable. Selon les publications les plus récentes, le taux moyen de perte de succion est de 2 %, les hémor-ragies sous-conjonctivales surviennent dans 30 à 40 % des cas, les ponts capsulaires dans 2 à 20 % des cas, les myosis dans 10 à 30 % des cas et les ruptures capsulaires

dans 0,3 à 3,5 % des cas. Les auteurs soulignent une diminution des effets indésirables et des complications peropératoires avec l’expérience (1-3).

Quoi de neuf dans la sélection des patients ?

À ce jour, plusieurs centaines de plateformes sont opéra-tionnelles dans le monde et ont permis de traiter près de 200 000 patients. Le nombre de chirurgiens formés augmente, et les informations recueillies permettent de mieux cibler les patients les plus adaptés à ce type de chirurgie. La consultation préopératoire doit déceler si le patient est suffi samment coopérant pour le FLACS. L’œil du patient doit permettre la bonne délivrance du faisceau laser et un bon docking. Ces exigences impliquent une dilatation suffi sante et des cornées claires. Le faisceau laser peut pénétrer des cataractes avancées, mais il est préférable de débuter avec des cataractes moins denses. Le docking est plus aisé sur un œil bien exposé, avec une bonne ouverture palpébrale et une conjonctive saine. L’anesthésie topique est à privilégier, car un chémosis compromet une succion efficace. La pression exercée sur l’œil lors du docking varie en fonction des lasers. Si elle est importante, elle peut être source d’hémorragies sous-conjonctivales, notamment chez les patients sous anticoagulants. Pour la même raison, des antécédents de chirurgie fi ltrante, de neuropathie glaucomateuse avancée ou de vasculopathie rétinienne peuvent contre-indiquer cette technique.

Évolutions des plateformes laser femtoseconde

Les cibles du laser ne concernent pas seulement le plan cornéen mais également le cristallin, avec sa capsule antérieure et son noyau. Le cahier des charges est tri dimensionnel et comprend aussi bien la surface cornéenne que des structures intraoculaires situées 8 mm plus bas. Les systèmes d’imagerie et l’énergie des impacts doivent ainsi être adaptés pour permettre la photodisruption de ces différentes structures. Par rapport

✔ Mots-clés. Laser femtoseconde • Chirurgie de la cataracte.

✔ Keywords. Femtosecond laser• Cataract surgery.

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Images en Ophtalmologie • Vol. VIII • no 6 • novembre-décembre 2014212

Figure 1. Plateforme laser femtoseconde.

Victus™B&L/TPV

LenSx®Alcon

Catalys®OptiMedica

LENSAR®

Figure 2. Interfaces patient (laser).

Victus™

21/18,8 mm

LenSx®

22,3/19,8 mm

Catalys®

24,5 mm

LENSAR®

NA

Figure 3. Écran de contrôle avec images OCT et traitement en cours.

Interface courbe & capteurs de pression

Figure 5. Docking.

OCT Spectral Domain

Fs laser

Suction

Suction skirl

Scanning

Contact lens

Scanner x/y/zCahier des charges

• Source laser• Interface œil/laser

– Anneau de succion– Interface liquide/solide

• Acquisition images du SA et guidage du faisceau laser– OCT/Scheimpfl ug

Figure 4. Cahier des charges du laser femtoseconde.

Focus

de guidage non seulement assurent la reconnaissance des cibles, mais défi nissent également les zones de sécurité autour de l’iris, du noyau et des capsules (fi gure 3).

Plusieurs types d’interface patient (PI) sont dispo-nibles. Ces interfaces doivent permettre une continuité parfaite entre la tête laser et la cornée, afi n d’optimiser la reconnaissance des structures à traiter et la délivrance programmée des impacts laser (fi gure 4). Les interfaces liquides, présentes sur les lasers Catalys® et LENSAR®, permettent notamment de limiter la pression exercée sur l’œil du patient et les déformations cornéennes. Parallèlement, un système doté d’une lentille de contact (SoftFit™) équipe le LenSx®, alors qu’un docking en 2 temps avec un capteur de pression (soft pour la capsulotomie et la fragmentation et plus ferme pour les incisions) caractérise la plateforme Victus™ (fi gure 5). Le diamètre interne des PI est au minimum de 12,5 mm afi n de permettre la réalisation des incisions cornéennes.

à l’application en chirurgie réfractive, l’énergie des impacts (10 μ) est en moyenne 10 fois supérieure à celle utilisée pour les découpes cornéennes. Actuellement, 4 plateformes laser sont disponibles dans le commerce (fi gure 1). Elles diffèrent par les modes de délivrance laser, d’imagerie et d’interface laser-patient (fi gure 2).

La reconnaissance des structures à traiter et le guidage du faisceau laser reposent pour la plupart des lasers sur un système d’imagerie de type OCT. Le système du VictusTM est de type Time-Domain et se distingue par une imagerie 3D en temps réel. Les OCT utilisés sur les lasers LenSx® et Catalys® sont de type Fourier-Domain (OCT FD). Un système de guidage de type Scheimpfl ug est en revanche utilisé sur la plateforme LENSAR®. Ces systèmes

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Figure 6. Repères de capsulotomie (a) et image OCT des zones de traitement (b).

a

a b

b

Figure 7. Zones de sécurité.

Capsulotomie x, y, z

500 μ800 μ

700 μ

500 μ 600 μ

Noyau/Caps post

Noyau/Caps ant

Figure 8. Reconnaissance du tilt en OCT.

En pratique, quoi de neuf ?

✔ DockingLe docking permet de coupler l’unité laser avec l’œil du patient. Le respect de l’intégrité cornéenne est fonda-mental car une applanation excessive peut induire des plis cornéens, sources d’imprécisions dans le traitement, telles que des ponts capsulaires lors de la capsulotomie. Les différents types d’interface ont évolué pour faciliter le docking et optimiser l’effi cacité du traitement. Enfi n, la reconnaissance et la compensation automatique du tilt de l’anneau de succion sont désormais opérationnelles sur certaines plateformes (Victus™, LENSAR®) et opti-misent ainsi la sécurité et l’effi cacité du traitement des cibles du laser.

✔ Acquisition d’imagesLe temps de la programmation des cibles à traiter est essentiel. Il nécessite une dilatation suffi sante (8 mm, idéalement), un docking centré, non tilté et une pression suffi sante (fi gure 4). Il comprend un repérage irien qui permet de calibrer le diamètre de la capsulotomie (en moyenne 5 mm) [fi gure 6a]. L’imagerie OCT permet le

repérage des limites des capsules antérieure, postérieure et de l’aire de cristallin à traiter sur 2 plans orthogonaux (fi gure 6b). Des zones de sécurité de 600 à 700 μm sont préconisées entre le noyau et les capsules pour sécuriser la nucléofragmentation, de 400 μm de part et d’autre de la capsule antérieure et de 1 mm entre la capsule et l’iris pour la réalisation optimale du capsulorhexis (fi gure 7). Le système d’imagerie est en évolution constante, aussi bien en termes de définition de l’image, de rapidité d’acqui sition et d’automatisation de la détection ou de compensation de tilt oculaire lors du docking (fi gure 8). Certaines plateformes proposent une reconnaissance immédiate des structures à traiter en l’absence de tilt, ainsi qu’un suivi en temps réel du traitement laser.

✔ CapsulorhexisLa capsulotomie au laser femtoseconde est l'étape la plus spectaculaire : quelques secondes suffi sent à réaliser un capsulorhexis à l’endroit souhaité et conforme au diamètre programmé. Plusieurs études ont montré la supériorité en termes de centrage, circularité et reproductibilité de la capsulotomie réalisée au laser femtoseconde par rapport à la technique manuelle (1, 3, 4). Cependant, la qualité du

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Figure 11. Placement des incisions cornéennes.

AlignCut Extract

Figure 9. Capsulotomie complète.

Figure 10. Patterns de fragmentation.

Focus

capsulorhexis dépend de sa programmation sur écran, de la dilatation et du docking. Un traitement incomplet, variable du tag punctiforme à des angles plus étendus, doit toujours être contrôlé avant d’aspirer la capsule. Ce problème tend à disparaître avec l’expérience, et avec les évolutions récentes des PI pour laisser place à des “fl oating capsules” dans la plupart des cas (fi gure 9).

✔ NucléofragmentationPlusieurs patterns de nucléofragmentation sont dispo-nibles. Ils associent des incisions radiaires plus ou moins nombreuses, couplées ou non à des incisions annulaires, ou encore des cubes pour liquéfi er le noyau (fi gure 10).

Les noyaux mous sont plutôt traités en cubes pour permettre leur aspiration, tandis que les noyaux durs sont plutôt traités par incisions radiaires afi n de faciliter les techniques de divide ou de chop. L’optimisation de la délivrance de l’énergie laser dans le noyau a permis une meilleure effi cacité de la fragmentation. Certains auteurs ont montré que la phacofragmentation au laser femtoseconde réduit le temps et l’énergie ultrasonique nécessaires pendant la phacoémulsifi cation (1, 3).

✔ IncisionsLe laser femtoseconde peut également réaliser des incisions cornéennes transfixiantes (1) et des inci-sions relaxantes arciformes. Les incisions peuvent être programmées sur mesure, tant pour ce qui est de

leur axe que de leur taille et de leur architecture (fi gure 11). Les avantages du laser sont indéniables en termes de précision et de sécurité. Il convient néanmoins de placer soigneusement les inci-sions − qui ne doivent être ni trop antérieures, ni trop postérieures, car elles ne seraient alors ineffi caces. La présence d’un gérontoxon dense peut compromettre la réalisation de ces incisions.

Conclusion

Le laser femtoseconde a ouvert un nouveau chapitre dans le domaine de la chirurgie de la cataracte. Il représente une évolution majeure et suscite, comme toute nouvelle technologie, à la fois scepticisme – surtout en termes de modèle économique – et engouement – pour l’aspect technologique de la technique. La courbe d’apprentis-sage est plutôt douce, en particulier pour les opérateurs habitués au femto-LASIK, mais elle est incontournable. Cette technologie évolue à grande vitesse, tant au niveau de l’acquisition d’images que du traitement des structures oculaires. Une diminution des coûts est indispensable pour accroître sa diffusion dans les blocs opératoires. IIII

J.L. Febbraro déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.

Références bibliographiques1. Friedman NJ, Palanker DV, Schuele G et al. Femtosecond laser capsulo-tomy. J Cataract Refract Surg 2011;37(7):1189-98.2. Roberts TV, Lawless M, Bali SJ, Hodge C, Sutton G. Surgical outcomes and safety of femtosecond laser for cataract surgery: a prospective study of 1500 consecutive cases. Ophthalmology 2013;120(2):227-33.3. Nagy ZZ, Kránitz K, Takacs A et al. Comparison of intraocular lens decen-tration parameters after femtosecond and manual capsulotomies. J Refract Surg 2011;27(8):564-9.4. Masket S, Sarayba M, Ignacio T, Fram N. Femtosecond laser-assisted cata-ract incisions: architectural stability and reproducibility. J Cataract Refract Surg 2010;36(6):1048-9.