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ENQUÊTES DUSAGES DES TIC, 2012 Ressources numériques et pratiques pédagogiques au lycée QUESTIONS VIVES 2012 I. Bréda, O. Chenevez, D. Delaunay-Verneuil, G. Puimatto, M.-A. Stiller CRDP de l’académie d’Aix-Marseille - 31 bd d’Athènes, 13232 Marseille cedex 01 Les Cahiers de l’Orme n° 5 - Millésime 2.12

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ENQUÊTES D’USAGES DES TIC, 2012

Ressources numériques et pratiques pédagogiques

au lycée

QUESTIONS VIVES 2012

I. Bréda, O. Chenevez, D. Delaunay-Verneuil, G. Puimatto, M.-A. Stiller

CRDP de l’académie d’Aix-Marseille - 31 bd d’Athènes, 13232 Marseille cedex 01

Les Cahiers de l’Orm

e n° 5 - Millésim

e 2.12

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Ressources numériques et pratiques pédagogiques au lycée - Questions vives 2012

---------------------- Certains droits réservés, creativecommons.org/licences/by-nc-nd/2.0/fr/ 4

Sommaire

Introduction A – Culture de l’information : quels dispositifs pour quelles compétences ? 1 – Usages pédagogiques des ressources : l’activité de publication et le rapport aux sources

2 - Partenariats lycée-université dans le domaine info-documentaire : retours d’expérimentation

B - Personnaliser les parcours et les apprentissages au lycée : quelle place pour les ressources numériques ? 1 - Un nouveau dispositif au lycée : l’accompagnement personnalisé

2 - Une obligation légale : intégrer les élèves en situation de handicap

C - Enseignement technique et professionnel : du numérique-métier au numérique pour enseigner ? 1 – Équipements et environnements numériques

2 – Numérique et enseignements technologiques

3 – Numérique et enseignement professionnel

4 – Observation de pratiques en lycée professionnel

5 – Conclusions

Certains droits réservés Cette création est mise à disposition selon le contrat Paternité-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de Modification 2.0 France. Disponible en ligne http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/ ou par courrier postal à Creative Commons, 171 Second Street, Suite 300, San Francisco, California 94105, USA. Ce document est disponible en libre téléchargement sur http://www.orme-multimedia.org

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Introduction

La question des ressources pour enseigner et pour apprendre s’est imposée en France comme une composante majeure pour développer les usages du numérique dans l’enseignement scolaire. Aujourd’hui, les politiques des collectivités et de l’État s’orientent non plus seulement vers les infrastructures, mais vers les produits et les services, en particulier à travers les espaces numériques de travail (ENT). D’abord conçus pour la gestion des établissements scolaires, la vie de la classe et la communication école-parents, ces ENT cherchent maintenant à permettre l’accès aux ressources pédagogiques.

Dans la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Collectivité, le CRDP et l’Académie ont parié depuis six ans sur les ressources pour déclencher et renforcer les usages du numérique dans les lycées. Face à un univers de ressources foisonnant, ils ont entrepris de structurer l’offre autour d’un principe organisateur, un catalogue régional en ligne, ouvert à tout type d’éditeurs. Le Conseil régional a ainsi proposé aux lycées, à travers Corrélyce1, l’accès direct prépayé à un bouquet de ressources commercialisées, ainsi qu’à un choix de plus de 200 autres ressources qualifiées. S’appuyant sur la profusion et le potentiel pédagogique des ressources, la catalogue intègre des productions conçues aussi bien pour la didactique d’une discipline (exerciseurs, manuels numériques, simulateurs, dispositifs de perfectionnement, d’évaluation…), que pour des usages plus larges (information d’actualité, documents patrimoniaux, encyclopédies…). Ce dispositif, expérimenté depuis 2007, essaime maintenant auprès d’autres collectivités en France.

Aujourd’hui, les usages des ressources s’ancrent peu à peu dans le quotidien des classes. Les observations que le CRDP d’Aix-Marseille conduit chaque année apportent quelques éclairages :

• Ces usages contraignent les établissements scolaires à repenser leur organisation : la gestion des espaces et du temps, les choix d’infrastructures, la politique documentaire, la relation aux familles, etc.

• Les ressources numériques occupent une place particulière comme instruments des domaines technologiques et professionnels enseignés, qu’il s’agisse de bureautique en tertiaire, d’outils de conception et de dessin assisté par ordinateur (CAO-DAO) en industriel, de simulation pour les machines outils… Elles ont pour caractéristique, quelque soit le type de lycée, de permettre une approche différenciée des enseignements, de répondre à la personnalisation des parcours d’apprentissage et de développer des enseignements d’exploration.

• Si certaines pratiques se sont banalisées au point de ne plus être remarqués, d’autres s’inventent en continu en réponse à des situations fortement contextualisées - technologiquement, socialement ou pédagogiquement. Ainsi le rôle des TIC dans l’intégration des élèves handicapés ou en difficulté peut servir de moteur pédagogique pour l’ensemble d’une classe, mais aussi de moteur pour l’innovation technologique.

1 www.correlyce.regionpaca.fr/

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• Il n’y a pas intrinsèquement de bonnes ressources, c’est leur usage qui détermine à quelles conditions elles répondent avec profit à l’objectif qu’on leur assigne. Animation 3D, jeux sérieux, géolocalisation, tablettes… peuvent, ou non, faciliter la transmission d’une connaissance, l’expérimentation d’une notion, la construction de savoirs, une situation d’autonomie pour l’élève, l’évaluation d’une compétence.

• Il est nécessaire de développer les compétences info-documentaires et médiatiques des lycéens pour qu’ils sachent comment s’informer, communiquer, s’exprimer, publier, collaborer par les TIC, qu’ils maîtrisent les outils et les procédures, mais surtout les processus et les enjeux pour être en capacité d’exercer pleinement leur vie professionnelle, sociale et de citoyen.

Cette étude propose d’observer des usages de ressources numériques dans des lycées à partir de quelques questions vives : • l’individualisation des apprentissages et les parcours personnalisés, • l’intégration par les TIC des élèves en situation de handicap, • la place des ressources numériques dans les enseignements techniques et professionnels, • les activités de publication à travers l’exploration et l’exploitation des ressources, • la continuité entre enseignement scolaire et supérieur dans l’utilisation de ressources d’information (du CDI au SCD).

L’étude a été réalisée au CRDP par : • Isabelle Bréda, Observation d’usages des ressources numériques, [email protected] • Odile Chenevez, Éducation aux médias, [email protected] • Dominique Delaunay-Verneuil, Tice et handicap, [email protected] • Gérard Puimatto, Directeur adjoint du CRDP, [email protected] • Marie-Anne Stiller, Documentation, [email protected]

L’enquête a été conduite pendant les mois de mai et juin 2012.

Seize entretiens ont été réalisés en vis-à-vis, parfois par téléphone, auprès d’enseignants (d’anglais, histoire-géographie, documentation, économie-gestion, vente, sciences économiques et sociales), de chefs de travaux, d’inspecteurs pédagogiques et de responsables académiques, appartenant pour leur grande majorité à l’académie d’Aix-Marseille.

Le CRDP de l’académie d’Aix-Marseille

Établissement public national sous tutelle du ministère de l’Éducation nationale, le CRDP a dans ses missions le développement des usages des ressources numériques dans l'éducation, en lien étroit avec les politiques conduites au niveau de l’État et des collectivités territoriales, et avec les entreprises du secteur.

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Enquête d’usages des TIC, 2012

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A – Culture de l’information : quels dispositifs pour quelles compétences ?

1 – Usages pédagogiques des ressources : l’activité de publication et le rapport aux sources

L’abondance de l’information disponible sur Internet, dans les bases de données, à travers les plates-formes, etc., a rendu indispensable l’acquisition de compétences info-documentaires et médiatiques, dont tous les programmes scolaires se font aujourd’hui l’écho. Au-delà de l’acquisition de techniques documentaires, commence à apparaître dans les pratiques pédagogiques le souci de construire progressivement une culture globale de l’information, indispensable à tous, tout au long de la vie.

Ce premier chapitre porte sur des projets de classes consacrés à l’étude de questions d’actualité. Dans le travail de publication proposé aux lycéens à travers l’exploitation des ressources disponibles sur Internet, se pose en particulier le rapport aux documents : quelles consignes et situations pédagogiques permettent d’amener les élèves à des productions abouties, publiables, dans un bon rapport de gestion des sources ?

11 – Le concours 2011 « Les lycéens rencontrent l’actualité »

L’action observée est un concours lycéen intitulé « Les lycéens rencontrent l’actualité » organisé en 2011, pour la deuxième année, par le journal Le Monde et sa plateforme en ligne lemonde.fr. L’objectif du concours était notamment de dynamiser les usages de médias d'actualité proposés par le catalogue régional Corrélyce en les adaptant aux besoins des nouveaux dispositifs pédagogiques en lycée. Tout au long de l’année le concours a été piloté auprès des lycées par le Clemi d’Aix-Marseille et les CRDP d'Aix-Marseille et de Nice. Le concours recevait naturellement le soutien du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur qui en a organisé la remise des prix. Il s’agissait en effet aussi pour les organisateurs de mettre en valeur des usages pertinents de ressources Corrélyce.

Pour les classes ou les groupes d’élèves, accompagnés par leur professeur dans le cadre d’un enseignement, il s’agissait de réaliser un travail collectif publiable, sur un thème d’actualité : dossier, site ou production multimédia. Le concours a été proposé en ligne sur le site du monde.fr. À cette adresse le règlement peut être consulté, ainsi que les conseils donnés par le Clemi pour réaliser les productions demandées. L’information a été diffusée à l’ensemble des lycées de la Région.

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Les travaux produits par les classes

En 2011, une évolution du contenu et du règlement s’est imposée naturellement afin de prendre en compte les nouvelles dispositions des programmes et les types de travaux demandés aux lycéens, le concours offrant l’occasion d’une mise en valeur appréciable.

Les travaux soumis par les lycéens, quel qu’en soit le support, pouvaient avoir été réalisés dans le cadre de l’accompagnement personnalisé en classe de seconde, des travaux personnels encadrés (TPE), du Comité de la vie lycéenne (CVL), des enseignements d’exploration, d’un atelier média, d’un journal lycéen ou de tout enseignement disciplinaire. Étaient éligibles toutes formes de productions pour lesquels un recours à des ressources des médias d’actualité – et en particulier aux archives du monde.fr – auront été nécessaires à la réalisation. On retenait également le principe de travaux permettant de valider le domaine 4 du B2i lycée.

Dix classes de lycée ont finalement proposé des productions dans des genres très divers (dossiers, articles ou sites Web). Comme prévu dans le règlement, le regard porté sur les travaux examinés par le jury ne concernait en aucun cas une évaluation relative au cadre scolaire de l’activité, mais s’est concentré sur la pertinence et les modalités d'utilisation des sources, en particulier médiatiques.

Classes lauréates 2011 pour l'académie d'Aix-Marseille

- 10 élèves de la seconde 5 du lycée Vauvenargues d'Aix, pilotés par Brigitte Manoukian, pour leur site Web intitulé : Iter, un chantier en débat ?

- La classe de seconde 4 du lycée Michelet de Marseille, pilotés par Michèle Ferrara, pour leur dossier intitulé : Les roms : population dangereuse ou population en danger ?

Évaluation des travaux par le jury

Le jury a constaté les nombreux tâtonnements pédagogiques dans l’utilisation des ressources pour la plupart des travaux proposés. En revanche les deux travaux lauréats de l’académie d’Aix-Marseille témoignent quant à eux, et de façon assez tranchée par rapport aux autres, « d’une maîtrise correcte de la gestion des ressources médiatiques pour aborder une question socialement vive ». Nous avons cherché, dans cette étude, à établir ce qui, dans la démarche de l’enseignant, produisait une telle différence.

L’examen des travaux a permis au jury de relever les défauts les plus courants. Par exemple, il a noté que « les références consistent très souvent en une simple citation de l’adresse URL de la source, ce qui est généralement insuffisant pour évaluer ces sources et reconnaître qui parle et pourquoi il parle ». Ainsi la rédaction de la production, supposée destinée à une publication, « devrait faire apparaître la distinction entre ce qui relève du jugement personnel de ce qui vient de la source, ce qui a été recopié de ce qui a été éventuellement interprété ». Cette approche a été jugée comme manquant gravement à la plupart des travaux.

A contrario, les deux travaux lauréats, un site et un dossier, ont été jugés comme présentant tous deux de manière pertinente « une mise en débat d’une question vive de l’actualité ». Pour réussir cette mise en débat, énoncée dans les titres, les équipes se sont attelées « à chercher dans les médias d’actualité – à commencer par lemonde.fr –, des arguments éventuellement contradictoires, des points de vue différents, et bien sûr de montrer la pertinence des choix que l’on faisait ». Il leur était d’ailleurs demandé de compléter éventuellement cette recherche documentaire par une enquête de terrain, ce qui a été le cas pour l’enquête sur Iter du lycée Vauvenargues.

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Le jury a souhaité rendre hommage aux professeurs qui ont su « donner les consignes adéquates et accompagner les élèves dans la réalisation ». Il a considéré que les lauréats ont travaillé « dans une approche problématisante sur un thème d’actualité, avec un rapport pertinent aux ressources ».

L’avis du jury sur les travaux

• Avis sur le dossier sur les Roms (Michelet)

- Cadre pédagogique de l’ECJS (éducation civique, juridique et sociale). - Questionnement affirmé dès le titre « population dangereuse / en danger » - Le dossier comporte un plan bien établi, pour lequel chaque item a donné lieu à des recherches, les sites visités ou retenus sont le plus souvent clairement cités. - Au fil de l’argumentation, les sources sont mobilisées dans des citations claires et opportunes. Les sources sont diverses et pertinentes. - On trouve aussi, quoique de manière non homogène, des indications de type « pour en savoir plus ». - C’est aussi un travail de classe dont on voit bien l’accompagnement pédagogique qui vise à savoir exploiter une source. Un travail complet, sérieux, qui tire sa richesse de ses sources qui mérite une valorisation sous la forme d’une mise en page professionnelle puis d’une publication. • Avis sur le site sur Iter (Vauvenargues)

- Cadre pédagogique : accompagnement personnalisé en seconde - Thème : Iter, controverses sur… - Choix d’un support « site web » avec le souci de dépasser les contraintes du site de l’établissement, mais de supprimer les publicités. (Le site est hébergé chez un hébergeur privé pour lequel ils ont payé afin de ne pas avoir de pub). - Un axe : la culture scientifique à « émoustiller » - La diversité des points de vue est bien présente. On trouve les arguments des partisans et des opposants obtenus à partir d’une recherche documentaire contradictoire, mais également les points de vue d’intervenants recueillis lors d’entretiens in vivo ainsi que les avis personnels des élèves. - Bonne gestion des sources, avec des citations. - Travail organisé, bien présenté. - Un regret : dans la rubrique « Le Tokamak d’Iter », l’article se termine par « une expérience que nous avons réalisée : » … et il n’y a rien derrière ! Belle réalisation, bien aboutie qui tire sa qualité de la bonne mise en perspective de l’aspect contradictoire de la problématique.

12 – Brigitte Manoukian : « Apprendre à décortiquer les discours ! »

Brigitte Manoukian est professeur d’histoire et géographie au lycée Vauvenargues à Aix-en-Provence. Elle a encadré le groupe d’élèves de seconde, lauréats du concours pour le site sur ITER.

Le cadre de la participation au concours

Les élèves travaillaient dans le cadre précis et contraignant de l’accompagnement en seconde où l’on doit notamment faire de la méthodologie. « Je me suis un peu émancipée

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de cette première partie dont j’ai estimé qu’elle n’était pas très utile pour certains élèves. Avec un petit groupe de dix élèves, j’ai plutôt visé l’approfondissement en les faisant participer à un projet dont je pouvais choisir le thème. J’avais plusieurs fils possibles et j’ai privilégié l’approche critique par rapport à des discours qui viennent de l’extérieur, des familles, des médias, du professeur, d’un scientifique, de tout ce qui peut leur apporter des savoirs. C’est une dimension importante de mon travail, en histoire, en géographie, en éducation civique ou dans un projet. Du coup j’ai trouvé que le propos du concours convenait bien. »

Le petit groupe d’élèves, hétérogène, venait d’une classe plutôt porté vers les sciences, mais qui ne pouvait pas faire de soutien en maths et physique. « Personnellement je ne suis pas trop portée vers le domaine scientifique, mais il y a toujours des liens à faire en géographie. Notamment, il y a la partie gérer les ressources en seconde, et en particulier le thème de l’énergie. La proximité du chantier Iter m’a incitée à travailler sur ce thème. Je voulais surtout qu’ils se posent des questions : il ne s’agissait surtout pas d’apporter des réponses toutes faites à la question des choix de la France pour la filière énergétique. On avait bien sûr traité cette question en cours en géographie en posant des faits et des constats, mais dans le projet c’est le questionnement qui était important. D’autant que, pendant notre projet, il y a eu la catastrophe nucléaire japonaise, ce qui m’a conduit à emmener les élèves vers du questionnement. On place souvent le débat en éducation civique, mais en histoire et géographie aussi il y a de nombreux sujets à questions et à débats ! Ce qui m’intéresse c’est que les élèves puissent sortir d’un cours en ayant des affirmations, des évidences, mais aussi des questions nouvelles. Et ce sujet s’y prêtait très bien. »

Dans la présentation du site envoyée au jury, on apprenait que les élèves ont travaillé pendant « 6 semaines d'accompagnement personnalisé (1 heure par semaine + 2 heures de sortie sur le site à Cadarache + 2 heures en classe entière avec des élus) ; ils ont effectué des recherches sur le Net, ont fouillé dans les archives du Monde - à ce propos, il nous a été difficile de constituer un stock d'articles à trier, se constituer une bibliothèque sur le site même : les articles sélectionnés ont été placés dans un fichier hors site pour les retravailler après. La classe a aussi joué aux journalistes en faisant une visite du site d'Iter même si le chantier est peu avancé et peu spectaculaire, l'espace communication est tout à fait intéressant ; et surtout, ils ont eu la chance de recevoir Madame Delaye, vice-présidente de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et Monsieur Lamy, élu du pays d'Aix ! »

Les consignes et règles de conduite dans l’utilisation des ressources

Les élèves concernés ont l’habitude de travailler avec Internet en éducation civique, juridique et sociale (ECJS). « Dans ce cas ils disposent toujours d’une grille qui leur permet d’approcher ces sources : quel site avez-vous choisi ? ; notez l’adresse ; est-ce que vous pouvez la classer comme source institutionnelle, associative ? ; est-ce un blog privé ? ; etc. Je leur demande de se poser toujours la question de la fiabilité par rapport à la source, en fonction de ce que l’on veut en faire et du cadre dans lequel on va l’utiliser. On l’avait fait en ECJS sur le thème des Roms, cela m’a servit de tremplin et je leur ai proposé de le faire aussi pour le projet Iter. »

« Ce qui m’intéressait, c’était de décortiquer les discours. Je me suis positionnée sur trois discours : le discours institutionnel, le discours plus politique des opposants au chantier avec des élus du Pays d’Aix et de la Région, et enfin le discours d’un géographe afin qu’il pose certains jalons et replace le débat dans le contexte national et international. Le premier réflexe des élèves fut d’aller sur le site d’Iter. Ils ont décortiqué les « reportages » proposés sur le site dont ils ont bien vu qu’ils valorisaient les choix institutionnels de l’organisation. Ils ont pu vérifier ce discours sur le chantier lors d’une rencontre avec le service communication. »

Ensuite les élèves ont pu confronter ces points de vue avec les personnes invitées en classe. « Nous avons reçu en classe la responsable du secteur Énergie et développement durable de

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la Région et un élu du Pays d’Aix d’obédience Verts. Là, c’était plus une confrontation qu’un décorticage de discours. Et, chose peut-être un peu étonnante, les élèves pensaient utiliser Le Monde pour faire le tri entre les discours des uns et des autres. L’idée de départ, c’était : Le Monde est un journal sérieux, on va donc se servir de ce qui est raconté dans Le Monde comme caution scientifique. Ils s’imaginaient que si c’est un journal sérieux, il dit la vérité… Ils ont en fait trouvé des points de vue divers qui défendaient ou remettaient en question le chantier. Du coup, aussi bien ceux qui travaillaient sur les opposants que sur les défenseurs ont trouvé dans Le Monde des articles pour développer l’argumentation. Ce qui n’était pas imaginable au départ ! »

« Mon seul regret dans cette expérience c’est que nous avons tous contribué financièrement pour ne pas avoir de pub sur le site jusqu’à la fin de l’année scolaire. Et maintenant il y a de la pub parce que nous n’avons pas renouvelé le paiement. J’avais proposé aux élèves de créer leur site sur le Webpédagogique mais ils ont trouvé l’environnement trop austère, ils ont décidé que Wiféo, c’était plus attractif… »

Claire Ané, journaliste au monde.fr, réagit à l’un des propos de Brigitte Manoukian

• Brigitte Manoukian : « L’idée de départ, c’était : Le Monde est un journal sérieux, on va donc se servir de ce qui est raconté dans Le Monde comme caution scientifique. Ils s’imaginaient que si c’est un journal sérieux, il dit la vérité… Ils ont en fait trouvé des points de vue divers qui défendaient ou remettaient en question le projet sur lequel ils devaient travailler. »

• Claire Ané : Le Monde est en effet un journal sérieux, il se veut même un quotidien de référence en France. Mais cela signifie justement qu'il doit donner une information honnête et équilibrée. "En cas de controverse, rappelait notre supplément spécial Le style du Monde paru en 2004, il est nécessaire de faire connaître les différentes versions d'un événement et les divers points de vue des acteurs". Il précisait plus loin : "La rédaction tient pour une règle impérative de ne pas faire passer son point de vue en contrebande dans les articles d'information". C'est toujours d'actualité. L'objectif est de rendre l'actualité lisible au lecteur, et non de lui imposer une vision unique. Nous devons lui donner les moyens de se forger sa propre opinion sur un sujet. Cela n'empêche pas Le Monde de publier, par ailleurs, des opinions. On les trouve surtout dans les pages Décryptages du journal, et sous la rubrique Idées du Monde.fr. Vous y lirez surtout des points de vue écrits par des personnalités extérieures au Monde. Ce sont souvent des chercheurs, des responsables d'associations et des hommes politiques qui nous ont envoyé des textes où ils expliquent leur position, parfois très tranchée, sur un sujet d'actualité. La rédaction sélectionne les textes les plus intéressants (moins de 30% du total) et quand elle les publie, elle fait suivre le nom de l'auteur de sa fonction (par exemple, "Zaki Laïdi - directeur de recherches à Sciences-Po"). Vous trouverez aussi, dans ces rubriques Décryptages et Idées, des textes de journalistes du Monde, avec la mention "Analyse" ou "Chronique". Le journaliste peut alors exprimer son point de vue personnel, mais en rappelant les faits et en argumentant, avec pour objectif de stimuler la réflexion du lecteur. Enfin, le journal publie chaque jour en première page un éditorial : il exprime la position du Monde sur un sujet ou événement, il n'est donc pas signé. Mais dans de grandes occasions, il est écrit et signé par le directeur du journal, Erik Izraelewicz.

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13 – Michèle Ferrara : « Préparer les élèves de seconde aux TPE »

Michèle Ferrara est professeur de sciences économiques et sociales au lycée Michelet de Marseille. Elle a encadré la classe de seconde lauréate du concours pour le dossier sur les Roms.

Le cadre de la participation au concours

Michèle Ferrara a inscrit ses élèves au concours du monde.fr car elle a été attirée par la motivation que peut apporter aux élèves la possibilité de gagner quelque chose dans un concours. Elle y a vu aussi l’intérêt d’une contrainte à aller jusqu’à la mise en forme d’un travail, pour lui donner une ampleur qu’il n’aurait pas pris s’il était resté dans le cadre de la classe. Elle a travaillé avec une classe de seconde qu’elle voyait seulement une heure et demie par semaine en option SES, mais également 1heure par semaine en ECJS, en demi-groupes alternés.

« Le sujet s’est imposé de lui-même avec l’actualité. Il y avait eu au cours de l’été une déclaration fracassante d’un politique qui assimilait les Roms aux gens du voyage. Connaissant un peu le sujet par des travaux préalables, j’ai été choquée de cette assimilation et de la méconnaissance que cela révélait. J’ai voulu profiter de cette occasion pour démêler un peu cet amalgame pour mes élèves. Je voulais qu’ils apprennent à mieux cerner l’objet dont on parle. Notamment quand on parle de population Rom, en France, on parle de populations immigrées de Roumanie et de Bulgarie. Or le mot Rom a une acception plus générale qui n’a rien à voir avec la dénomination administrative de gens du voyage. Je me suis donc saisie de l’actualité et je l’ai fait en ECJS. En choisissant ce sujet je pouvais ainsi traverser les questions plus générales du programme comme la citoyenneté européenne, l’exclusion, comment vivre ensemble en Europe ? ou que fait-on des populations de cultures différentes ?, etc. »

Pour organiser le travail le professeur a demandé dans un premier temps aux élèves de chercher chez eux des documents sur le sujet, recherche facilitée par la présence du sujet dans l’actualité. Les élèves ont photocopié des articles et commencé à rédiger des éléments sur la question, sur papier. La qualité du rendu de cette recherche montrait que beaucoup avaient l’habitude de travailler sur la documentation. Ils avaient rassemblé des sources documentaires variées et maîtrisaient suffisamment l’expression pour exposer correctement leurs résultats à l’oral. « J’ai été agréablement surprise par le répondant de cette classe et j’ai compris que je n’allais pas rencontrer d’obstacle majeur, ni dans le traitement des documents ni dans l’utilisation de l’outil informatique. »

Les consignes et règles de conduite dans l’utilisation des ressources

Avant de leur demander cette première recherche, l’enseignante avait cependant exposé elle-même à ses élèves quelques repères sur l’actualité de cette question. Les sources retenues par les élèves relevaient d’une documentation papier concernant l’actualité qui venait de chez eux ou du CDI. Ils ont apporté par exemple un dossier de Courrier international, plusieurs articles du Monde, des articles de La Provence, mais rien ne venait d’Internet. Michèle Ferrara a ensuite réservé la salle informatique tous les lundis matins pour les séances d’ECJS à venir, en demi-groupe, c'est-à-dire avec 17 ou 18 élèves. Chaque élève était concerné deux fois une heure par mois. La salle a été réservée sur une assez longue période en prévision d’un travail de recherche sur Internet. « Mon intention était aussi de préparer les élèves aux travaux personnels encadrés (TPE) qu’ils auraient à faire l’année suivante, en première. On s’est rendu compte en effet qu’il n’y a pas assez de préparation en seconde pour ces TPE, notamment sur la recherche documentaire, sur le travail de groupe, sur le travail de longue haleine, et sur une production aboutie. Je voyais donc les caractéristiques d’un mini TPE où au lieu d’avoir des travaux différents sur un sujet choisi

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par chaque binôme, on aurait un travail collectif où les binômes prendraient en charge l’un ou l’autre aspect de la question étudiée. »

Cependant, avant de démarrer en salle informatique, « nous avons d’abord travaillé collectivement à démêler la complexité des définitions concernant les Roms ». Au cours de ces séances collectives, il a fallu aussi découper le sujet en sous-thèmes de manière à répartir le travail. Enfin, en salle informatique, dans chaque demi-classe ils ont travaillé, par binôme en général, sur l’un de ces sous-thèmes. « Dans chaque sous-thème, la culture par exemple, ils se sont répartis eux-mêmes les recherches, comme la musique, la littérature, etc. En fait, au-delà même des redondances, je n’ai pas utilisé tous les matériaux rapportés par les élèves, surtout pour des questions de temps. Certains ont été un peu déçus de ne pas retrouver tout ce qu’ils avaient fait… »

« En terme de consigne, ils avaient à chercher des documents et à les traiter pour rédiger de petits textes. Quand ils avaient trouvé un document à retenir, ils devaient noter la source, surtout pour pouvoir la retrouver. Au début ils partaient sur Google, selon les habitudes. Je les ai renvoyé sur Corrélyce, et prioritairement sur lemonde.fr., puisqu’on était inscrits au concours… mais on n’y a pas tout trouvé, bien sûr. Notamment il fallait prendre en compte les différences de niveau d’information des élèves. Je pense à des élèves qui avaient La Provence à la maison et qui voulaient absolument intégrer ces articles. Il me semblait que ça donnait un point de vue local intéressant qu’on ne trouve pas nécessairement dans Le Monde. Ils ont trouvé d’autres sources, des encyclopédies, etc. Sur Corrélyce on a utilisé l’Encyclopedia Universalis, notamment l’élève qui recherchait des informations sur le génocide tsigane pendant la Seconde guerre mondiale. Je les ai aussi envoyés sur Jalons mais là ils n’ont pas trouvé ce qu’il fallait… »

Dans le dossier, on compte une vingtaine de sources citées incluant notamment toutes les ressources médias que certains élèves ont trouvées chez eux. « Un élève dont le papa était abonné au Figaro en a rapporté des articles. Cela nous a permis d’alimenter le débat autour de la question, et c’est bien le but de l’ECJS. » Les sources utilisées sont donc fonction d’une part des consignes données et d’autre part de l’apport spontané des élèves puisqu’ils avaient cette possibilité de cette diversification.

Le cheminement vers une production collective aboutie

À la fin de chaque séance, les binômes déposaient le fruit de leurs recherches et du traitement réalisé dans un dossier réservé du module Devoirs de l’Intranet IACA. Le professeur relevait le contenu de leur dossier sur une clé USB afin de le consulter à la maison. Un corrigé était proposé à la séance suivante, c'est-à-dire des corrections et des commentaires sur leurs avancées et des conseils pour continuer.

« Par oral c’est très long, donc il m’arrivait de prendre des notes sur un papier en consultant les travaux et de leur remettre mes notes la fois suivante. Parfois je leur disais simplement : "oui, les extraits que vous avez trouvés sont intéressants", ce qui leur donnait un feu vert pour continuer, et parfois je réorientais leur travail. Certains élèves ont bien accroché à cette méthode de travail, mais l’un des binômes n’a pas pu me remettre quelque chose de construit. Elles avaient choisi l’Histoire comme sous-thème, en cherchant l’histoire des mouvements de ces populations, et elles ne s’en sortaient pas : soit elles me proposaient des interprétations incompréhensibles, soit elles recopiaient sans les comprendre les documents trouvés. J’ai compris après coup que c’était trop difficile et que j’aurais dû les orienter vers quelque chose de plus facile…Heureusement plusieurs binômes travaillaient sur ce même sous-thème. Cela dit, je pense que même ces élèves-là ont bénéficié de cette expérience, puisque cette année je les ai eu en TPE et qu’elles avaient beaucoup progressé dans le traitement documentaire, du fait de leur expérience préalable. »

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Après ces allers-retours entre les élèves et le professeur, il restait le travail de mise en cohérence de l’ensemble. Plusieurs groupes on travaillé sur le plan, après s’être rendus compte que le plan initial, très utile pour la répartition du travail, ne pouvait plus convenir. « Je leur ai expliqué que plan initial correspond à ce qu’on imagine au début, avant la recherche. Après il faut l’affiner en fonction de ce que l’on trouve. Ils ont fait des propositions et c’est moi qui ai sélectionné les éléments les plus intéressants. L’introduction a été travaillée par une élève, et tout l’exposé de la première partie problématisante (Pourquoi cette question ?) a été travaillée par un autre groupe. Les élèves chargés du plan ont fait des propositions d’intégration des travaux des groupes, et c’est moi qui en ai terminé l’harmonisation et le lissage. J’aurais voulu le faire faire entièrement par les élèves mais je n’ai pas eu assez de séances pour leur permettre d’aller jusqu’au bout. »

L’ensemble s’est étalé dans le temps sur plusieurs mois. La question a été lancée en septembre - avant la diffusion de l’information sur le concours. En effet, c’est surtout après avoir mesuré leur capacité et leur envie de se lancer dans ce travail que l’enseignante a décidé de les lancer dans un projet au long court. Le nombre d’heures en classe consacrées au projet a été finalement assez limité : huit heures de temps élève au total, en demi-groupes de fin octobre à février, plus trois ou quatre séances collectives de lancement.

14 – Instaurer un rapport pertinent aux sources

La multiplication des ressources utilisées pour produire un dossier suppose de définir une méthode adaptée afin d’instaurer chez les élèves une réflexion sur les sources qu’ils sélectionnent et sur la manière dont ils en rendent compte. Certes les modes de référencement universitaires sont trop complexes pour des élèves de seconde ; cependant il s’agit bien à la fois de définir une norme de notation, mais aussi de s’assurer que les élèves vont au-delà de la simple formalité pour s’interroger sur le Qui parle ? D’où il parle ? Pourquoi il parle ?

L’exemple du dossier sur les Roms

Dans le dossier sur les Roms, la notation n’est pas encore stabilisée. Dans la plupart des cas les élèves indiquent le nom de la source, la date et un extrait (ou un résumé, on ne sait pas toujours…). Souvent on trouvera aussi l’adresse URL dont on voit bien qu’elle est là pour retrouver facilement le document source - ce qui est bien sa fonction - et non pour en justifier la présence. Parfois le nom de la source est remplacé par l’adresse explicite de la page d’accueil du site. Même si la notation n’est pas rigoureuse, on a globalement le sentiment que les élèves savent d’où vient le document utilisé.

Michèle Ferrara explique sa démarche : « Je pense que je n’ai pas été suffisamment précise dans les consignes sur cet aspect des choses. Je me suis rendue compte en cours de route que ce n’était pas assez précis, et à la fin il a fallu se contenter des éléments qu’ils avaient donnés. Aujourd’hui je pense que pour une source médiatique il faut le nom du média et la date. Un document médiatique ou une notice encyclopédique ont en général un titre et parfois un auteur qu’il faut indiquer ; et enfin il faut ajouter le lien vers l’adresse URL qui permet de le retrouver rapidement. Je pense qu’avec ces éléments on a ce qu’il faut pour être à même de discuter de ce fameux Qui parle ?.

Regarder aussi les sources non scolairement correctes peut parfois être utile pour créer un débat et approfondir une argumentation. Si dans un tel dossier on avait voulu par exemple développer plus avant la recherche de propos sur l’aspect « population dangereuse », on aurait eu davantage besoin de propos tout-venant et le recours à des sources moins scolairement correctes aurait pu s’avérer utile. Quoi de mieux que les forums d’internautes qui prolongent les articles de presse pour recueillir des jugements mal argumentés ou des argumentations basées des erreurs d’interprétation historique et géopolitique ? Michèle

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Ferrara a choisi pour sa part de ne pas s’appesantir sur cet aspect des choses, qui constituait cependant le point de départ du travail, mais dont la force de diffusion dans la société était déjà largement assez puissante. « Certes on aurait pu s’attarder sur les propos des riverains qui se sentaient en danger, sans compter les rumeurs sur les enlèvements à Marseille… Dans le dossier on trouve des propos de médias sur la dangerosité mais mon idée était de déconstruire la représentation univoque, bien ancrée chez les élèves, que c’était une population dangereuse. Chez eux l’aspect migrants, pauvres, chassés par des personnes qui ont incendié leur campement, était occulté. Ici j’ai choisi plutôt l’approche liée à un événement de l’actualité. »

Les nouveaux dispositifs et le travail sur les sources

Les TPE apparaissent comme un dispositif bien adapté pour faire ce travail un peu approfondi sur les sources, parce qu’on a du temps à y consacrer. « Cette année en TPE, des élèves m’ont apporté trop souvent des ressources mal repérées. Même l’adresse URL n’est pas complète, avec l’impossibilité de retrouver ce qu’ils proposent. Et si on leur demande d’où vient tel ou tel document, ils répondent par exemple ‘lemonde.fr’ mais sont incapables d’en dire plus sur l’article consulté et pourquoi ils l’ont consulté. En TPE je vois souvent des références à des sites ou blogs donnés uniquement par l’adresse URL que l’on colle sans la regarder et sans prendre en compte la qualification de la source (ressource institutionnelle, commerciale, média d’information, blog perso, etc.). Je n’interdis pas les blogs mais je demande toujours aux élèves de préciser la qualité de celui qui le tient. C’était le cas il y a quelques jours lorsque des élèves engagés dans un travail sur la délinquance m’ont apporté des propos venant ‘d’un blog’. Un blog d’accord, mais qui dit quoi, pour qui, quelle est la crédibilité de son auteur ? Je les ai invités à chercher mieux, et ils ont découvert que c’était celui de Laurent Mucchielli, un sociologue du CNRS. C’est la fiabilité de l’auteur et la solidité de son propos que je leur demande de regarder, plus que l’objectif du propos (pourquoi il parle). Blog ou pas blog, on pouvait le retenir. Mais lorsqu’ils trouvent des propos dont on ne sait rien sur l’auteur, c’est non ! »

Dans les recherches réalisées pour les TPE, Michèle Ferrara apprend aussi à repérer la propagande et les propos promotionnels. « On leur demande de se méfier des informations qui sont là pour répondre aux objectifs d’un entreprise. On m’a apporté cette année un texte sur la démarche éthique de Ricard qui venait… du site de Ricard ! Mais ce n’est pas toujours facile pour eux de faire la différence entre de la propagande et des propos fiables, c’est pourquoi on leur demande de ne prendre que des sources plus solides. Ils doivent comprendre qu’il peut exister des sources fantaisistes ou mensongères. On leur demande par exemple de recouper les informations quand ils ne savent pas la crédibilité de la source. » Il resterait cependant à préciser que s’il s’agit d’analyser le propre discours de Ricard sur sa démarche éthique, le site de Ricard devient pertinent…

« Les élèves maîtrisent l’outil, mais pas la recherche documentaire en seconde et en première. Et en terminale, on ne peut plus faire ce genre de travail. Il faudrait qu’en seconde on puisse réserver un temps en accompagnement personnalisé pour travailler dans ce sens - avec des objectifs précis sur ce qui devrait être acquis pour aborder les TPE. Et dans ce cadre, en tant qu’exercice, on pourrait par exemple travailler à déconstruire des propos mal argumentés trouvés sur Internet. »

15 – Conclusions

Quel numérique pour quels usages ?

Le travail utilisant les ressources documentaires sur Internet ne nécessite pas forcément d’infrastructures ou d’équipements spécifiques. Lorsque l’enseignante fait travailler ses élèves en binômes sur le long terme, ceux-ci déposent à la fin de chaque séance leurs

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travaux en cours sur le module Devoirs de l’Intranet IACA et elle le récupère sur une clé pour y travailler chez elle. Certes, un ENT faciliterait les échanges, mais on peut s’en passer. En revanche, dès lors que des élèves sont impliqués dans un travail utilisant de nombreuses ressources, sur Corrélyce ou sur le Web en général, cela peut inclure toutes sortes de documents, y compris des vidéos et des éléments à télécharger. Si la bande passante est insuffisante ou si le réseau marche mal, le travail devient en revanche impossible.

Un travail de type TPE ou ECJS requiert toutes sortes de ressources choisies de la façon la plus ouverte possible, avec des catalogues et directement sur le Web. Il convient de permettre l’accès des élèves à des ressources non didactisées (médias d’information, bases de données statistiques, sites institutionnels, sites commerciaux ou réseaux sociaux) et de leur donner les clés informationnelles qui leur permettront de les sélectionner librement, de les analyser et de les discuter. En effet s’en tenir à des ressources présélectionnées trop bien triées enlève à l’élève tout le questionnement sur la source (si on me le donne, c’est que je peux utiliser tout ce qui est dit sans me poser de questions) et toute l’habilité à sélectionner ce qui va être pertinent au regard de la question étudiée. Ainsi il devient indispensable de prendre le temps de l’apprentissage de leur utilisation, de leur discussion, de leur exploitation et de leur référencement dans un travail rendu ou publié, en tant que propos inséparable de la connaissance fine de sa source.

Apprendre à s'informer, c’est aussi apprendre à publier

Les exemples donnés ici sont représentatifs de travaux disciplinaires qui mettent en jeu des compétences de maîtrise de l’information, même si l’enjeu du travail n’est pas à proprement parler de développer la maîtrise de l’information. Il s’agit plutôt de s’organiser en groupe de recherche, afin d’étudier collectivement une question. On utilise alors des ressources pertinentes en ce qu’elles permettent de construire une réponse, peut-être partielle et provisoire, mais qui, en tous cas, n’existe pas ailleurs. Pour ce faire, les compétences informationnelles ne doivent pas être factices ou approximatives, au risque de la fragilité épistémologique du savoir construit par l’étude de la question. Dès lors que le produit de cette étude est publié, l’importance de la solidité informationnelle est forcément soulignée.

Le paradigme de la société numérique fait que l’apprendre à s’informer est indissociable de l’apprendre à publier. Chaque citoyen est à tout moment en effet en situation de rendre public par Internet des contenus, des informations collectées et construites de différentes façons et dans les domaines les plus divers. Il importe qu’il ait appris à savoir répondre de ce qu’il publie.

Le type de travaux lycéens présentés ici relèvent très précisément de la préparation à l’enseignement supérieur - les TPE ont été mis en place dans la perspective d’une préparation au supérieur. Il s’agit bien en effet d’un positionnement de recherche où chacun doit apporter une pierre à l’étude d’une question dont la réponse n’est pas forcément connue à l’avance par le professeur. Etre confronté à une vraie question dont on n’apprend pas la réponse mais dont on étudie une réponse possible est déjà un grand pas. Le faire sous la forme collective avec une répartition du travail constitue un accompagnement qui permet la progressivité de cet apprentissage. Comment telle ou telle ressource peut faire sens pour ma propre recherche, au-delà de la seule question de la fiabilité de sa source, est au cœur du travail demandé aux élèves. Notons que les enseignants interrogés - qualifiés par le jury du concours pour la qualité informationnelle du travail réalisé par leurs élèves - soulignent à quel point il est nécessaire, dès la seconde, d’acquérir ces compétences indispensables à la réalisation de bons TPE.

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2 – Partenariats lycées-université dans le domaine info-documentaire : retours d’expérimentation

21 – Le contexte de l’expérimentation mise en place dans l’académie

Un rapport conjoint, rendu en mars 2009 au ministre de l’Éducation nationale et au ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche par l’Inspection générale de l’Éducation nationale et l’Inspection générale des bibliothèques2, met en avant le rôle important de la documentation (accès et formation) et l’enjeu qu’elle représente pour la réussite des études supérieures. D’autres études, comme celle menée en Belgique et au Québec, montrent que parmi les facteurs favorisant les compétences des étudiants, la fréquentation d’une bibliothèque pendant les études secondaires est un facteur déterminant.

Le rapport préconise le développement de collaborations entre centres de documentation et d’information (CDI) des lycées et services communs de documentation (SCD) des universités. Dans cette perspective, le SCD de l’université de Provence a répondu à l’invitation à participer à une journée professionnelles organisée par le centre départemental de documentation pédagogique (CDDP) des Bouches-du-Rhône consacrée aux collaborations entre CDI d’établissements scolaires, bibliothèques de prêt, de lecture publique ou universitaires. Cette rencontre a permis d’envisager la création d’un groupe de travail, regroupant personnels de documentation de lycées marseillais et aixois et personnels des SCD des universités d’Aix-Marseille, avec le soutien des inspecteurs Vie scolaire.

Ce groupe de travail a été élargi l’année suivante à la demande de ces inspecteurs sur le territoire académique et sur le principe du volontariat. Et l’université d’Avignon a été intégrée par le biais de son SCD à ce nouveau groupe. Dans le cadre des travaux de ce groupe, à titre expérimental, des actions communes ont été engagées avec l’objet de renforcer des compétences qui relèvent de l’info-documentation dans une perspective de faciliter le passage du lycée à l’université. Les actions pédagogiques mises en place ont visé à sensibiliser les élèves du lycée à l’importance du travail en autonomie à l’université, aux pratiques de l’auto-documentation et à la place majeure de la bibliothèque et de ses ressources dans cette problématique.

C’est à partir de projets pédagogiques élaborés en commun par les équipes composées d’une part d’enseignants de discipline et de professeurs documentalistes de lycées et d’autre part les services communs de documentation des universités que les partenariats ont pu être mis en place. Pour les élèves des lycées accueillis à l’université dans le cadre d’une convention, les objectifs suivants étaient visés : placer les lycéens dans une situation concrète de recherche documentaire associée à la présentation des espaces et des services de la bibliothèque, la présentation des ressources documentaires et leur typologie, l’utilisation des outils et ressources numériques (catalogue informatique, accès à la documentation électronique et aux ressources numériques), la méthodologie de la recherche documentaire.

22 – Du contexte technologique au contexte documentaire

L’accès à l’information au CDI

Les CDI des lycées comptent un parc informatique assez modeste au vu du nombre de lycéens qui le fréquentent, auquel s’ajoute, sans que cela soit systématique, une salle intégrée au CDI ou une annexe permettant le travail sur ordinateurs pour une demi-classe. Ils utilisent deux logiciels documentaires pour le traitement des ressources et leur accès par

2 « L’accès et la formation à la documentation du lycée à l’université : un enjeu pour la réussite des études supérieures ». http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2009/47/1/Former_a_la_documentation _9_mars_version_definitive_133471.pdf.

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les lycéens (PMB, un logiciel issu du libre et BCDI édité par le CRDP de Poitiers). Pour PMB, l’accès au catalogue est en ligne, la plupart du temps à partir d’un onglet sur le site internet du lycée et il comporte un thésaurus (thésaurus de l’Unesco) peu utilisé, les professeurs documentalistes préférant utiliser le thésaurus Motbis pour l’indexation. Pour BCDI, l’accès au catalogue est en ligne depuis deux ans avec une évolution importante du logiciel et son intégration dans un portail (e-sidoc développé par le CRDP de Poitiers). Cet accès structuré au catalogue, auquel s’ajoute un ensemble d’informations et de ressources numériques gérées par le professeur documentaliste, donne ainsi au système d’information documentaire une richesse nouvelle et une visibilité immédiate à partir du site internet du lycée. L’accès peut être libre ou authentifié avec des droits différents. Il comporte aussi un thésaurus – Motbis - actualisé régulièrement. À partir de ces deux logiciels, les notices décrivant les ressources comportent toutes un résumé et des mots-clés. Outre les ouvrages, les catalogues référencent aussi les articles de périodiques ou des sites Internet gratuits.

Les ressources numériques affichées dans les lycées sont celles de la plate-forme Corrélyce enrichie chaque année. Elles sont accessibles aux lycéens et enseignants via un catalogue. La connexion à la plate-forme Corrélyce se fait par une authentification de type SSO. Outre des ressources disciplinaires proposées aux enseignants, la plate-forme comporte des ressources transversales (encyclopédie Universalis, archives du Monde, Jalons pour l’histoire du temps présent, etc.).

Les lycéens ont aussi accès aux informations contenues sur Internet via les moteurs de recherche ; Google est le plus utilisé, voire affiché sur certains sites internet d’établissement.

L’information à la BU

Les SCD des universités aixoises, marseillaises et avignonnaises mettent à disposition des étudiants un parc informatique conséquent d’ordinateurs en libre service. Ils comportent tous un portail d’accès aux ressources, services en ligne et informations pour les étudiants. C’est un espace informationnel et documentaire très riche, mais complexe. Il permet d’accéder au catalogue mais aussi à des revues électroniques, bases de données, livres numériques, thèses, etc.

Le catalogue utilisé en BU est issu d’un logiciel libre (KOHA) et sa particularité est d’être le même quelque soit l’université, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur ou ailleurs. Les notices ne comportent pas de résumé, sont indexées avec le thésaurus Rameau. L’accès au catalogue est libre, mais celui à d’autres ressources telles que les revues électroniques, les bases de données, les bibliothèques électroniques est pour la plupart réservé aux étudiants via une authentification dans l’ENT de l’université, le SCD ayant souscrit un abonnement. Il est à noter cependant que certaines de ces ressources sont en accès libre.

Les étudiants ont aussi la possibilité d’accéder aux informations en ligne via les moteurs de recherche : Google, Google Scholar.

23 – Situations pédagogiques pour favoriser le recours à des ressources qualifiées

Le cas du lycée Vauvenargues, Aix-en-Provence

Ce lycée a mis en place un partenariat avec l’université de Provence durant deux années consécutives. Les projets pédagogiques mis en place par les professeur de discipline, le professeur documentaliste et le formateur du SCD de l’université de Provence visaient à aboutir à une production documentaire appuyée sur une bibliographie de qualité. Pour le professeur documentaliste, c’était aussi favoriser la transposition des apprentissages faits au lycée dans les pratiques des étudiants.

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Durant l’année 2011-2012, le projet a concerné une classe de terminale L option histoire des arts. Les élèves avaient donc un dossier à constituer pour le baccalauréat en Histoire des Arts.

Extraits du Bulletin officiel spécial n°9 du 30 septembre 2010

« L’enseignement obligatoire de l’histoire des arts en série littéraire a pour objectif de développer les outils méthodologiques (…). Pour atteindre ces objectifs (…), il est recommandé de mettre en regard des œuvres des différents domaines artistiques entre elles et avec diverses sources documentaires qui les éclairent : iconographie, documents d’archives, écrits d’artistes, travaux critiques (…), de s’appuyer de manière critique sur les technologies en diversifiant les sources (…), afin de développer des méthodes de recherche, de critique des sources et de production de documents de qualité. » http://www.education.gouv.fr/cid53325/mene1019677a.html

Les élèves de terminale ont commencé leur recherche de documents au CDI en faisant appel aux outils à leur disposition (catalogue PMB, catalogue des ressources éditoriales en ligne Corrélyce), internet. Le professeur documentaliste avait vérifié lors d’une séance précédente leurs compétences dans l’utilisation du catalogue PMB pour la recherche de références de documents et rappelé l’accès aux ressources du catalogue Corrélyce et les ressources transversales pouvant être intéressantes dans le cadre de leur recherche.

À la bibliothèque universitaire, une seule visite a été organisée, sur trois heures. Dans la première partie, le catalogue sous KOHA a été présenté et la comparaison a été faite avec le catalogue PMB (pas de résumé dans les notices, information déterminante sur la localisation des documents). Cet aspect est complexe car tous les fonds des différents sites sont interrogés dans le cadre du SCD. L’importance de la maîtrise de la recherche en mode avancé a été soulignée à cause du volume très important de documents disponibles. A suivi une présentation des ressources numériques, les bases de revues en ligne (revues.org, persee.org, Cairn) gratuites et payantes. Enfin, une présentation du moteur de recherche Google Scholar a été faite, ainsi que de ses résultats (mode de classement, accès aux documents).

Dans la deuxième partie, les lycéens ont commencé par rechercher des mots clés spécifiques des dossiers qu’ils avaient à réaliser. Puis à partir de ceux-ci, en semi-autonomie, ils ont commencé leurs recherches dans les catalogues, les bases de données. Ils ont pu disposer des documents pour lesquels l’université a souscrit un abonnement payant, consulter ceux qu’ils avaient sélectionnés dans lesquels ils ont pris des notes. L’emprunt des documents a été possible pour ceux nécessitant un travail plus approfondi et les extraits d’articles des périodiques en ligne ont pu être imprimés pour un usage ultérieur.

Selon l’évaluation faite par la professeure documentaliste, les activités conduites ont été toujours très contraintes dans le temps, sans possibilité pour l'évaluateur de s’assurer de l'usage différé des ressources. L'usage répété du lieu et de ses documents a pu être repéré à travers un questionnaire. Si l'intérêt des élèves a été manifeste, on ne peut apprécier le rôle joué par ces actions dans une meilleure réussite éventuelle des élèves au cours de leur première année d'études supérieures. On peut imaginer qu'ils seront des usagers plus « spontanés » du centre de ressource dès leur arrivée à l'université, déjà familiarisés avec les lieux, les outils et les modes d’accès aux ressources.

Au démarrage du travail de recherche, le manque de réflexion préalable sur le sujet, des problématiques pas ou mal définies, des champs de la recherche trop larges (mots clés / descripteurs non listés), des techniques de recherche mal maîtrisées (usages des opérateurs booléens, de la troncature) ont pu être observés. Les lycéens manipulent des outils de

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recherche mais il semble que l'organisation des savoirs et des accès aux documents sur le web leur échappe (qui en est à l'origine, quelle validité pour eux ?). Ils rencontrent de réelles difficultés quant à la complexité de l'aspect réticulaire des « réservoirs » d'information.

Dans le déroulement du traitement et de l’exploitation des documents, les élèves ont du mal à expertiser les références données en résultat : méconnaissance des auteurs de référence sur les sujets, difficulté à analyser le niveau scientifique du document (souvent trop complexe). La limite de l’accessibilité à la compréhension se pose à la BU pour un certain nombre de documents et les étudiants y seront confrontés l’année suivante. Les modalités de recherche dans le catalogue sont différentes de celles qu’ils connaissent au lycée. Les modalités d’interrogation sont différentes d’une base de données à l’autre. En l’absence de repères solides sur l’organisation de la description des ressources, leur indexation, les étudiants sont perdus.

D’une manière plus générale, l'observation des pratiques des élèves au CDI lors des séances de TPE, de projets spécifiques ou pour un usage personnel montre une certaine appropriation de certains outils et techniques (moteurs de recherche, diaporama, utilisation de sons, d'images et de logiciels spécifiques des disciplines). Mais le respect des normes et législations en vigueur n’est pas dans leurs préoccupations... Lors de l'accès à l'information par l'intermédiaire des moteurs de recherche, la source est rarement expertisée, malgré les formations dispensées, les rappels effectués. L’évaluation de l’information n’est pas faite. Le manque d'esprit critique peut être criant. Toutefois, les élèves se montrent intéressés par cette dimension pour peu qu'on les y incite et les accompagne dans la démarche. C’est l’accompagnement individuel qui peut alors y contribuer, et la réactivation dans le temps des situations obligeant à cette réflexion, les élèves progressant dans ce registre entre la seconde et la terminale. Au lycée, les enseignants semblent contribuer à ce progrès dans les productions attendues par les élèves, les démarches de recherches se multipliant dans l'établissement, avec une exigence de citation et de qualification des sources de plus en plus développée, comme on l’a vu dans le premier chapitre de cette étude.

Le cas du lycée Émile-Zola, Aix-en-Provence

Le partenariat, déjà mis en place l’année précédente, a concerné deux classes de terminales ES, dont l’une préparant le concours d’entrée à l’IUP. Comme pour le lycée Vauvenargues, une seule séance de trois heures à la BU a été prévue pour chaque classe. Pour chacune d’entre elles, le projet pédagogique mis en place par le professeur de discipline, le professeur documentaliste et le formateur du SCD de l’université de Provence visait à réaliser une bibliographie sélective associée à une production. Les élèves préparant le concours d’entrée à l’IUP devaient se constituer une bibliographie de qualité répondant aux exigences du concours (thèmes annoncés en début d’année pour une épreuve de questions contemporaines visant à évaluer la capacité à analyser, à argumenter sur de grands thèmes et débats inscrits dans l’actualité des années précédentes).

Pour le professeur documentaliste, un des objectifs était aussi de favoriser la transposition des apprentissages du lycée vers l’université, de travailler sur la notion de réseau documentaire à travers les notions de catalogues, de bases de données, de portail de ressources numériques. Ainsi, au CDI, un travail a été fait avec les lycéens autour des notions suivantes liés aux espaces informationnels : ressources, lieux de ressources, portail d'accès, catalogues, banques de données. Puis une mobilisation a été effectuée sur les outils de recherche qui servent pour l'interrogation des catalogues et bases de données avec une réactivation des compétences en jeu lors de la recherche de référence dans le catalogue PMB. Concernant la recherche d'information sur internet, c’est la notion d'évaluation de l'information qui a été mise en avant.

À la BU, une séance a été organisée pour chaque classe et s’est déroulée de la même façon que pour le lycée Vauvenargues avec un temps de présentation suivi d’un temps de

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recherche sur le catalogue, les bases de données (Revue.org) et se terminant par un emprunt de documents pour certains.

Il est à remarquer que la visite a eu un rôle incitatif important. Le dispositif de visite de la BU a pu favoriser son usage, facilité des recherches personnelles. La moitié des élèves de la classe est retournée à l'université principalement pour utiliser l'espace de travail, de manière secondaire pour rechercher de l'information pour l'orientation ou y effectuer une recherche. L'usage de la BU correspond principalement à un usage d'espace de travail, puis de ressources pour l'orientation et enfin de ressources documentaires. Selon l’évaluation faite par la professeure documentaliste, le travail sur la notion d’espace informationnel est important car les élèves associent encore trop souvent la consultation du catalogue avec le lieu de consultation. D'ailleurs, quand on les interroge sur les ressources consultées, ils indiquent des lieux physiques : médiathèque, bibliothèque municipale, bibliothèque personnelle, CDI (les ressources sont encore associées aux lieux physiques plutôt qu'à leurs modes d'accès).

Après la visite à la BU, peu d’élèves ont consulté son portail depuis le CDI, ce qui peut sous-entendre un manque d’intérêt mais aussi la confrontation à une réelle difficulté de compréhension de l’organisation de l’accès à cet ensemble énorme de ressources. Les élèves ont une approche très vague des ressources, puisqu’ils en distinguent deux types : les ressources virtuelles qu'ils appellent Internet ou encore Google, et les ressources physiques à savoir le livre. Ce qui montre que l'élève qui interroge Internet ne recherche pas des sources documentaires mais des informations.

La professeure documentaliste du lycée Émile-Zola avait préparé un questionnaire sur lequel les lycéens devaient indiquer succinctement leur démarche pour trouver et sélectionner les documents et informations : formulation d’une requête via le catalogue (utilisation de mots clés) puis sélection de l’information ; formulation d’une requête via le moteur de recherche Google puis tri des résultats ; recherche de sites référents pour récupérer l’information, interrogation sur des sources différentes (internet, encyclopédies, bases de données) en vue de croiser ces sources. Les façons de procéder se sont avérées différentes pour les deux classes de terminales concernées :

• Pour la classe préparant le concours de l’IUP, la plupart des élèves ont utilisé à la BU le(s) catalogue(s) et / ou le moteur de recherche Google/Google Scholar à partir de mots clés et de guillemets, puis ils ont effectué un tri des résultats. Cela laisse supposer une connaissance implicite de l’indexation documentaire. La recherche sur des sources différentes a été très peu utilisée. Les conseils retenus par ce groupe d’élèves ont porté sur l’importance des mots-clés dans la formulation des requêtes (connaissance de l’indexation des documents) et la nécessité de bien définir son sujet de recherche en amont.

• Pour l’autre classe de terminale ES, seule la moitié des lycéens a répondu au questionnaire, donc a pu définir sa façon de procéder. Parmi ceux qui ont répondu, la moitié utilise préférentiellement la recherche de sites où ils vont pouvoir récupérer de l’information dont ils ont besoin, l’autre moitié l’interrogation de sources différentes. Cela peut laisser supposer que ces derniers disposent d’une certaine maîtrise de l’information (recherche préalable sur des ressources de référence type encyclopédique pour définir les contours du sujet, croisement des sources pour vérifier la fiabilité des informations et les compléter les unes par rapport aux autres), ou qu’ils ont des connaissances insuffisantes sur le sujet pour formaliser une requête précise.

Les deux classes ne partageaient pas le même objectif opérationnel (élaboration d’une bibliographie en vue d'un concours sélectif ou recherche documentaire sur un thème du programme). Le premier objectif a entraîné un plus grand intérêt pour le projet. En effet, l'exigence du concours réclame une documentation de qualité, diversifiée, exhaustive et mise à jour, facilement repérable et rapide à établir. Les objectifs n’étaient pas aussi précis et les attendus moins rigoureux pour l’autre classe de terminale, ce qui a entraîné une motivation moindre dans la recherche effectuée à la BU.

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À partir de ce constat, on conçoit bien la nécessité de définir les objectifs opérationnels d’une recherche pour amener les élèves à l'élaboration de stratégies utiles, donc à connaître et fréquenter la BU. L’enseignante met cette expérience en parallèle avec ce qu’elle observe concernant les TPE : les élèves ont à constituer un corpus d’information mais l’accent n’est pas suffisamment mis sur la démarche de maîtrise de l'information, ce qui pourrait expliquer l'absence d'intérêt pour la bibliographie dans les TPE, ou la présentation de bibliographies qui n’offrent qu’une seule référence.

24 – Le numérique favorise t-il la continuité entre CDI et BU?

Les bibliothèques universitaires ont vu leur organisation bouleversée par le développement du numérique. Pour autant, si Internet a permis des possibilités nouvelles d’accès au savoir, à la connaissance, le numérique n’a pas remis en cause fondamentalement ce qui a été établi. Un déplacement s’est effectué des collections vers des ressources numériques, et pour les besoins des chercheurs, les ressources numériques ont pris une place prépondérante par rapport aux ouvrages. L’accès aux ressources est possible sur place et à distance à partir des ENT. Les espaces de la bibliothèque universitaire ne sont plus organisés autour et en fonction des collections mais plutôt en terme d’espaces d’apprentissage (espaces de travail individuel, salle de travail de groupe, bornes d’aide et de conseil) et de services au étudiants.

Dans les établissements scolaires, les changements sont moins flagrants. Les CDI restent traditionnellement des lieux centrés vers les supports imprimés et les ressources numériques ne sont pas systématiquement intégrées dans la politique documentaire. Les Learning centres dont on parle beaucoup sont des tentatives de réponse à ces évolutions nécessaires mises en place dans les universités et pour lesquels une réflexion sur les applications possibles dans le second degré, et notamment les lycées, est en cours. Pour les jeunes qui recherchent des espaces différents pour se retrouver et travailler seuls ou en groupe, les CDI, les Bu offrent un cadre particulier, un contexte favorable aux apprentissages ou à l’autoformation à partir des ressources accessibles sur Internet.

Dans un article paru dans la revue Médiadoc3, Catherine Despouys et Anne Lehmans relatent une expérience de partenariats CDI de lycées - Bibliothèques universitaires qui s’est déroulée à Bordeaux et mettent en avant le rôle important que peut jouer la médiation dans ce passage entre le lycée et l’université. Elles déclinent cette médiation sous trois aspects : médiation documentaire, médiation technique ou médiatisation de l’information, médiation pédagogique. Sans reprendre la totalité de l’article, on y trouve des similitudes avec les témoignages des professeurs documentalistes quant à la perte des repères spatiaux familiers aux lycéens lors de la visite de la BU. L’espace informationnel et documentaire du CDI est limité, alors que l’espace documentaire de la BU est vaste, complexe et spécialisé. Les outils de recherche, bien que similaires, nécessitent une connaissance de l’organisation des structures documentaires que les lycéens ne possèdent pas. La prise de conscience de la nécessité de repères spatiaux est un des premiers éléments à prendre en compte pour faciliter ce passage. Il est préconisé par la fréquentation d’espaces documentaires variés tant physiques que virtuels (bases de données, portails documentaires, bibliothèques électroniques).

La réflexion sur l’organisation de la documentation et l’usage d’outils communs est un autre point. L’exemple le plus abouti est la création du « Visual Catalog » de l’université d’Artois4. Sans aller aussi loin, la création de portails internet permettant l’accès au catalogue du CDI, à d’autres catalogues, à des ressources numériques, bases de données, tutoriels, familiariserait les lycéens avec une navigation dans un espace documentaire un peu plus large et plus complexe. La familiarisation des élèves avec cette médiation est une étape incontournable. 3 Mediadoc n°7, décembre 2011. http://www.fadben.asso.fr/IMG/pdf/Sommaire_mediadoc_7.pdf 4 http://visualcatalog.univ-artois.fr/vc2/

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Pour autant, l’univers informationnel des élèves ne doit pas être occulté et l’autonomie laissée aux lycéens lors de leur recherche leur permet aussi de s’appuyer sur leurs pratiques numériques, leur utilisation habituelle des moteurs de recherche. L’article met en avant à partir de vidéos l’inefficacité de cours magistral sur les outils et l’importance d’une mise en activité rapide. La médiation pédagogique est alors importante par la préparation du projet en amont qui a associé le professeur documentaliste, le professeur de discipline, les bibliothécaires et l’accompagnement autour de recherches ciblées, comme il a été relevé dans un des témoignages.

Savoir se repérer dans différents espaces informationnels, savoir utiliser de façon pertinente les outils de recherche donnant accès aux ressources, savoir qualifier les sources qui sont utilisées lors de recherche d’information, savoir élaborer une bibliographie sont autant de compétences à maîtriser par les lycéens qui deviendront indispensables lors du passage à l’université.

À l’université, les modules de formation sont intégrés dans les UE et les enseignants les prennent en compte. Au lycée, cela reste difficile alors qu’il est montré que les habiletés et les savoirs en matière d’information se développent concomitamment à l’expertise disciplinaire. Il est donc important au lycée de travailler avec les enseignants de discipline sur cette formation à l’information.

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B - Personnaliser les parcours et les apprentissages au lycée : quelle place pour les ressources numériques ?

Prendre en compte l’individu pour permettre la réussite scolaire de chacun est posé depuis quelques années comme une exigence centrale pour le système éducatif, dans un contexte d’interrogation sur l’efficacité de l’École à former des hommes et des femmes professionnellement compétents et socialement intégrés. Les politiques publiques mettent fortement l’accent sur la prise en compte des situations personnelles et la mise en place de parcours d’apprentissage personnalisés, misant de manière plus ou moins explicite sur le caractère « interactif », « intuitif », « paramétrable » des ressources et outils numériques.

Nous avons choisi d’étudier cette question sous deux aspects. La première partie de ce chapitre s’intéresse à la mise en place d’un dispositif institutionnel appelé « accompagnement personnalisé » en s’attachant à observer comment l’usage des jeux sérieux peut être un soutien à ce dispositif. Dans la seconde partie, nous partons des besoins manifestes de personnalisation que rencontrent les élèves handicapés et leurs enseignants pour voir dans quelle mesure et à quelles conditions le numérique permet des approches pédagogiques innovantes pour intégrer ces publics dans la communauté scolaire.

1 – Un nouveau dispositif au lycée : l’accompagnement personnalisé

Avec la réforme du lycée initiée en 2008, chaque lycéen doit bénéficier d’un « accompagnement personnalisé ». Dans les priorités de la rentrée scolaire 2012, il est réaffirmé que : « le ministère se fixe plusieurs priorités, qui visent à personnaliser davantage les parcours des élèves. »5 Toutefois, la « personnalisation des parcours », telle que déclinée dans les directives ministérielles, n’irrigue pas /encore/ l’ensemble du système éducatif. Elle concerne quelques types d’établissements – ceux où se concentrent les difficultés sociales et scolaires, s’adresse à quelques profils d’élèves – les élèves précoces, les élèves handicapés, et porte sur quelques thématiques – la lutte contre le décrochage scolaire, l’orientation et l’aide à l’insertion professionnelle.

Concrètement cette personnalisation des parcours s’incarne dans un dispositif applicable dans tous les lycées, l’accompagnement personnalisé. Il s’agit d’un temps d'enseignement intégré à l'horaire de l'élève (2 heures/semaine), qui s'organise autour de trois activités principales :

5 Note de rentrée du gouvernement en place jusqu’en mai 2012. www.education.gouv.fr/cid59737/priorites-de-la-rentree-2012.html

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- le soutien aux élèves qui rencontrent des difficultés, centré plutôt sur l’acquisition de méthodes de travail : l’objectif est de permettre aux élèves de seconde de s’adapter à l’environnement du lycée, puis progressivement de faciliter la transition avec l’enseignement supérieur ; - l'approfondissement des connaissances en développant des entrées par compétence et non par discipline, ce qui renouvelle profondément les approches habituelles au lycée ; - l'aide à l'orientation (« construire un parcours de formation réfléchi »).

Au final, on parle souvent de suivi individualisé par la mise en œuvre de parcours personnalisés ou adaptés (adaptés quant au rythme et à la durée du suivi des élèves), sous la forme de modules, d’ateliers, de cursus… Le travail interdisciplinaire est une des modalités encouragées.

Les textes ne font pas explicitement référence aux ressources numériques pour mettre en œuvre l’accompagnement personnalisé. Pourtant, nombre de leurs caractéristiques semblent entrer en résonance avec le développement de pratiques éducatives prenant en compte chaque individu, suivant l’esprit de la réforme du lycée : potentiel d’interactivité, possibilité de programmation individualisée des tâches, accès nominal aux documents, profilage des services proposés dans les espaces de travail…

11 – Quelques situations de pratiques autour du jeu sérieux

Nous avons choisi pour cette étude d’observer les usages d’un type particulier de ressources, les jeux sérieux. Le système éducatif dans sa globalité et les enseignants dans l’exercice de leur métier portent en effet un intérêt croissant à l’utilisation de jeux sérieux pour les apprentissages. Avec l’encouragement à la production industrielle par des plans d’action institutionnels (en particulier le volet “économie numérique” du Grand Emprunt), la création s’est multipliée ces trois dernières années. On trouve de nombreuses pages Web présentant l’offre, de la littérature grise analysant le potentiel cognitif des jeux sérieux, mais encore peu de retours d’usages permettant d’analyser les processus d’apprentissage réellement à l’œuvre.

Il existe quelques groupes de travail particulièrement actifs en France sur les usages pédagogiques des jeux sérieux, et tout particulièrement à Marseille. Avec Anne Wix, coordonnatrice de l’expérimentation Jeux sérieux au rectorat de l’académie d’Aix-Marseille, nous avons sélectionné quatre enseignants de lycée dont le projet de l’année 2011-12 était à la fois de mettre en place l’accompagnement personnalisé en classes de seconde et première et d’expérimenter les usages de ces ressources numériques.

Geffrye Museum pour l’apprentissage de l’anglais

Fabrice G.6, professeur d’anglais à Gap, a assuré un cursus d’accompagnement personnalisé dans sa propre discipline, avec deux de ses classes de seconde. Il a conduit 12 séances de deux heures hebdomadaires réparties sur l’année avec des demi-groupes (15 à 18 élèves).

Fabrice a l’habitude d’utiliser des jeux sérieux dans ses cours. Il a déjà travaillé avec des élèves de première sur Envers et contre tout, créé pour le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Avec cette classe de seconde, il a choisi Geffrye Museum7 pour clore son cursus d’accompagnement personnalisé. Les séances se sont déroulées dans la salle informatique du lycée.

« J’ai utilisé le jeu en fin de cursus, après un gros travail sur la reconnaissance des sons et le rythme de la phrase anglaise ». Pour Fabrice, le jeu a une double fonction : « d’une part il 6 Dans ce chapitre, les noms des enseignants ont été modifiés. 7 Musée de la maison anglaise du 17° siècle à nos jours, www.geffrye-museum.org.uk

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représente le point d’orgue et la récompense après un travail plus aride avec des exercices du manuel et la baladodiffusion ; d’autre part il sert d’élément de fixation de notions déjà travaillées. Mais il pourrait également servir de point d’entrée dans une séquence, d’outil de révision avant un contrôle, ou dans d’autres situations pédagogiques. »

Geffrye Museum a pour caractéristique d’être un jeu pédagogique destiné à des jeunes Anglais. C’est donc à la fois un produit conçu à des fins d’apprentissage, mais aussi un « document authentique », c’est-à-dire un produit culturel qui n’a pas été conçu pour des apprenants étrangers. Cette dualité intéresse particulièrement le professeur, ses élèves étant très mal à l’aise avec les documents authentiques. Avec des élèves habitués aux documents didactisés du manuel et bien peu à des ressources de type culturel, ce type d’objet renouvelle l’approche de la langue. Il prime alors en lui-même sur le sujet qu’il traite : « Son thème n’est pas au programme, mais cela apporte une note d’éclectisme que je trouve intéressante. »

La séance s’est déroulée en deux temps : Fabrice a d’abord expliqué le jeu et son objectif à tous les élèves ; puis il a lancé le travail en autonomie, chaque élève étant sur un ordinateur, en s’assurant que les consignes étaient comprises individuellement et que personne n’était bloqué par un problème technique. Chacun a fait le parcours à son rythme - entre de 20 à 30 minutes. « Je n’ai pas fait de retour réflexif à la fin de la séance. C’est difficile à faire quand chacun avance à son rythme. Et puis le jeu ne le mérite pas vraiment. En plus, je crois qu’il ne faut pas trop essorer le jeu, en ajoutant des fiches de vocabulaire, des exercices complémentaires… J’ai tendance à l’exhaustivité pour des documents classiques, mais ce n’est pas de mise ici. »

Cyberbudget et Diversité en entreprise dans l’enseignement professionnel

Étienne R. est professeur de vente dans un lycée professionnel de Marseille. À la différence de Fabrice G., il travaille en accompagnement personnalisé avec des élèves de première qu’il n’a pas en cours, comme le dispositif le prévoit. Il fait partie de la petite dizaine d’enseignants qui interviennent dans l’accompagnement personnalisé au niveau des premières ; lui encadre des groupes de 12 élèves (24 quand il travaille avec un collègue).Toute l’équipe chargée du dossier se réunit une fois par trimestre, avec le proviseur adjoint et le conseiller principal d’éducation (CPE). C’est une réunion trop générale de l’avis d’Étienne, elle ne permet pas la concertation et encore moins le suivi individualisé des élèves.

Étienne participe à cet enseignement en lien avec la filière dans laquelle il enseigne – la vente. Il a choisi d’utiliser Cyberbudget (Minefi8) et un jeu sur la diversité en entreprise et la prévention des discriminations (Daesign9). Il utilise la salle informatique pour l’accompagnement personnalisé, et s’est parfois heurté à des dysfonctionnements du réseau informatique du lycée. Comme beaucoup d’enseignants, il connaît bien les aléas techniques et sait s’y adapter : « heureusement, on a le jeu Diversité sur une clé ».

Avant la phase de jeu, Étienne consacre toujours un moment à expliquer le sujet qui est traité, c’est pour lui indispensable. Pour Cyberbudget par exemple, il est parti de la réflexion ‘cyber-bercy’ pour identifier la thématique. Puis il a laissé les élèves jouer seuls. Selon lui, le jeu sérieux sert plutôt à fixer des savoirs, dans une logique d’aller-retour entre le cours traditionnel et l’activité ludique : « Il arrive souvent que les élèves fassent référence pendant le cours à ce qu’ils ont vu dans le jeu. Le jeu peut alors valider ce qui s’est fait en cours. »

8 Jeu proposé par le ministère du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique et de la Réforme de l'État : « Amené, le temps du jeu, à remplacer le ministre du Budget, vous devez accomplir successivement quatre missions en conformité avec le calendrier budgétaire : la préparation du budget, sa programmation, son examen par le Parlement et sa gestion. » www.cyber-budget.fr/ 9 Objectif de ce jeux sérieux : « Former par l'immersion à travers des simulations qui revisitent des situations réelles directement liées à la discrimination : situations de recrutement, d’évaluation, de gestion de carrières et gestion de situations de conflit. » www.news-altidem.com/site/serious_game_formations/.html

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Ce que confirme un élève : « Le jeu, ça correspond à ce qu’on voit en cours, ça nous apprend à nous adapter. C’est l’application du cours. » Pourtant, plus que des savoirs, ce sont des comportements que cet élève estime apprendre, grâce aux mises en situation que le jeu propose. Avec Diversité, « j’ai appris la position et le comportement à avoir dans un entretien d’embauche. Jouer, ça m’a rassuré pour la recherche de stage ou le recrutement. » En fait, le jeu intervient comme un lien entre théorie et pratique, pour s’approprier des savoirs et des attitudes qui, au mieux, restaient pour lui implicites.

Blossom Flowers pour aborder des notions de gestion de l’entreprise

Cécile M. enseigne l’éco-gestion en première et en BTS, elle est aussi correspondant TICE pour son lycée (Cotice), à Marseille. Cécile, comme d’autres enseignants impliqués dans l’accompagnement personnalisé, n’a pas choisi volontairement d’y participer ; elle avait besoin d’un complément d’heures pour avoir un service complet. Il se trouve qu’elle s’est investie fortement grâce à la dynamique éducative qu’elle ressent dans l’établissement, parce que, dit-elle, « les équipes d’enseignants fonctionnent très bien dans le lycée ».

L’accompagnement personnalisé est organisé par ateliers thématiques, en cycle de 4 semaines. Il y a un enseignant référent par niveau, et l’équipe se réunit chaque trimestre. Cécile travaille avec des groupes de 10 à 15 élèves de la série STL (Sciences et technologies de laboratoire), qu’elle n’a pas en cours. « L’intérêt de l’accompagnement personnalisé pour moi, c’est de travailler avec des élèves que je ne connais pas, et avec des profs qui enseignent des matières scientifiques, avec lesquels je n’ai jamais l’occasion de travailler. C’est bien de côtoyer des disciplines inconnues, il y a beaucoup d’apports mutuels, c’est un plus au niveau de l’interdisciplinarité. »

Elle a choisi d’utiliser Blossom Flowers10, un jeu sérieux conçu, d’après ses concepteurs, pour aider les micro entrepreneurs à développer l’usage des technologies et améliorer la gestion de leur entreprise. En accompagnement personnalisé, elle l’utilise pour faire découvrir aux élèves quelques mécanismes de gestion. Pour Cécile, plus encore que pour Étienne, il est très important de ne pas se lancer trop vite dans le jeu. Elle consacre un premier module complet de deux heures à faire réfléchir ses élèves au fonctionnement d’une entreprise, ses partenaires, l’offre et la demande… « Cela se fait de manière très cadrée : on a d’abord accueilli une conférence de l’Université de tous les savoirs, puis mes étudiants de BTS ont élaboré des fiches récapitulatives pour les élèves de première, et on construit ainsi peu à peu une série d’hypothèses sur le fonctionnement d’une entreprise, hypothèses qu’on garde affichées au TBI. » L’utilisation du TBI et du stylo pointeur n’est pas neutre : selon Cécile, c’est un puissant facteur de motivation pour les élèves, quand les ordinateurs ont perdu leur pouvoir de séduction pour le travail scolaire.

Lors du deuxième module, chaque élève joue seul. « Il est pédagogiquement important que le jeu se déroule sur une seule séance, pour garder la maîtrise de la progression des apprentissages ; sinon ils finissent le jeu à la maison, et là, ils ne font plus que jouer. » La séance se termine par une mise en commun où la classe met en perspective ce qui a été observé pendant le jeu par rapport aux hypothèses affichées initialement au TBI. Loin d’être un temps de relâchement ou de récompense, la séance en autonomie se trouve donc enchâssée dans un parcours pédagogique très élaboré, où le jeu sérieux intervient pédagogiquement comme n’importe quelle ressource pédagogique.

Dans le dernier module, les élèves travaillent en groupe et doivent imaginer le scénario d’un jeu portant sur un thème apparenté : certains ont choisi par exemple la production de lunettes : « ils ont fait des recherches sur Internet pour connaître les fournisseurs à contacter, les matières premières nécessaires… Ils sont alors entré dans une démarche d’investigation. »

10 www.ktm-advance.com/viewProject_fr.php?id=108

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2025 ex machina et la pratique des réseaux sociaux

Outre Blossom Flowers, Cécile M. a utilisé 2025 ex machina11, un jeu dédié à l’acquisition de comportements responsables sur Internet. Au préalable, elle avait conduit un travail d’appropriation de la charte informatique du lycée en utilisant le logiciel Freemind : il s’agissait de cartographier les articles de la charte selon quelques catégories prédéfinies, correspondant aux droits et devoirs de chaque profil d’acteurs.

Avec 2025, sa démarche est la même qu’avec Blossom Flowers : une première période entièrement consacrée à explorer la thématique, l’enseignante conduisant les élèves à s’interroger sur les réseaux sociaux qu’ils fréquentent assidûment. « Nous avons travaillé à partir de sites comme 123 People, en faisant l’expérience des traces que nous laissons sur Internet. Nous avons également travaillé sur l’identité numérique, le droit à l’oubli et le droit à l’image avec des blogs d’élèves qu’ils avaient abandonnés, et qu’ils croyaient disparus ; et aussi avec l’article du Tigre12 sur Marc L., le site de la CNIL, la nouvelle charte de Facebook… ».

Deuxième période : les élèves ont joué avec l’épisode Fred et Le Chat démoniaque de 2025 ex machina, simulant le post d’une image sur un média social et les conséquences que cela engendre des années plus tard. Après la première séance où les questionnements ont été soulevés, certains élèves ne savaient plus quel comportement adéquat adopter en jouant : ainsi cet élève qui dit n’avoir accepté personne comme ami dans son réseau, sauf son père ! La phase finale de mise en commun de tous les comportements et leur mise en discussion s’avère indispensable pour aider les élèves à se positionner correctement.

12 – Le jeu sérieux dans l’accompagnement personnalisé

Dans un contexte où la personnalisation des parcours est encore peu développée dans les lycées, s’emparer des jeux sérieux pour faire de l’accompagnement personnalisé est sans doute un signe fort de l’investissement des enseignants dans le dispositif.

Le jeu sérieux comme outil de motivation

Utiliser des ressources numériques répond souvent au souci de capter l’intérêt des élèves. Le jeu sérieux ne fait pas exception : « Beaucoup voulaient participer à cet atelier, parce qu’« ici, on joue », constate Cécile M. « C’est une alchimie permanente entre sérieux et relâchement, explique Étienne R.. Le jeu intervient comme un moyen de relancer les élèves, de les remotiver pour apprendre. Avec nos élèves, nous avons besoin de changer très souvent d’activités. » Ainsi, du point de vue des enseignants, le jeu sérieux s’intègre dans un ensemble de ressources et de démarches et permet de maintenir l’appétit des élèves pour les activités scolaires. Pourtant, l’aspect ludique du jeu sérieux peut s’effriter assez vite, et les élèves finissent par faire l’exercice, proposé ici sous forme de jeu, comme un travail scolaire ordinaire. « 2025 ex-machina est très bien conçu du point de vue pédagogique13, dit Muriel Massé, professeur d’histoire-géographie du lycée international de Luynes, mais il n’a rien à voir avec les mondes virtuels en 3D des jeux vidéo auxquels les élèves sont habitués. Moins sophistiqué, très didactique, les élèves très rapidement n’y prennent aucun plaisir. Est-ce alors toujours un jeu ? Finalement, ils remplissent leur contrat d’élèves, font les parties pour avoir un bilan en fonction de ce qu’ils pensent des attentes enseignantes, mais la plupart avouent que cela ne changera pas leur façon de gérer les TIC. »

11 www.2025exmachina.net/ 12 Portrait d'un inconnu à partir d'informations glanées sur le Web, www.le-tigre.net/Marc-L-Genese-d-un-buzz-mediatique.html 13 www.ac-aix-marseille.fr/pedagogie/upload/docs/application/pdf/2011-12/serious_games_m_masse.pdf

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Le rôle central de l’enseignant réaffirmé

Aussi élaboré le scénario du jeu soit-il, il ne suffit pas en lui-même à susciter de nouveaux comportements ou faire acquérir de nouvelles compétences. On peut même faire l’hypothèse que plus le jeu est prenant, moins les joueurs sont en capacité d’analyser ce qu’ils font quand ils jouent. Les enseignants rencontrés sont unanimes : la phase de jeu doit s’intégrer dans un parcours d’apprentissage que l’enseignant construit, pour que les élèves ne soient pas exclusivement dans l’action. Pour Étienne R., « les phases avant jeu et après jeu sont essentielles. Pour que le jeu soit efficace pour les apprentissages, il faut qu’il ait un sens pour les élèves, qu’il soit en relation explicite avec ce qu’on apprend. Il faut toujours resituer le jeu dans le programme, parler de ses contenus. Les élèves ne font jamais l’effort de le faire eux-mêmes, ils se contentent de jouer. » L’enseignant trouve naturellement sa place dans le processus pédagogique et le recours à des ressources ; à ce titre le jeu sérieux n’est pas différent d’une autre ressource pédagogique.

La gestion de l’imprévu

Pour Muriel Massé14, les jeux sérieux placent l’élève au centre du processus d’apprentissage, en leur permettant d’expérimenter « des situations concrètes d’activité. L’élève est acteur de la séance, il doit sans cesse exercer son libre arbitre, faire des choix face à des situations données. » Les jeux sérieux, comme tout document interactif, offrent en effet des possibilités de parcours plus ou moins riches, plus ou moins prévisibles ; la préparation du cours doit donc intégrer une marge d’incertitude sur la nature de ce que l’élève va expérimenter et la manière dont il va apprendre. Avec Blossom Flowers, l’enseignante constate que les élèves s’approprient le jeu différemment de ce qu’elle prévoyait : « Ils ont des manières d’avancer dans le jeu qui leur sont très personnelles, et certains se sont trouvés dans des situations que je n’avais pas expérimentées moi-même en jouant ».

L’adéquation de l’offre avec les besoins

Les enseignants que nous avons rencontrés ont une connaissance limitée des jeux sérieux disponibles, et cherchent des thématiques qui coïncident avec leur discipline ou les instructions officielles. En lycée professionnel, ils vont vers des jeux sérieux destinés à la formation continue des salariés en entreprise – professionnels de la vente, de la gestion, des ressources humaines… Ces jeux, très spécialisés, s’avèrent difficiles pour les élèves. Étienne R. aimerait trouver des thèmes fédérateurs - par exemple la recherche d’emploi - qui s’inscrivent bien dans une démarche interdisciplinaire et qui puissent concerner tous les élèves ; il apprécie Cyberbudget parce qu’il estime que le jeu convient à toutes les classes, aussi bien pour de la révision que pour des apprentissages. Il voudrait disposer d’un panel de thèmes assez ouvert permettant à chaque élève d’aller vers ce qui l’intéresse. Il aimerait également un jeu évolutif de la seconde à la terminale, avec une complexité croissante.

13 – La personnalisation de l’accompagnement

Comment définir ce qui fait le caractère personnalisé de l’accompagnement des élèves ? Si l’on se réfère à l’étude conduite par l’institut Eduter concernant la formation individualisée dans l’enseignement agricole15, trois dimensions sont à prendre en jeu :

14 Professeur d’histoire-géographie du lycée international de Luynes, groupe La Dur@nce. www.ac-aix-marseille.fr/pedagogie/upload/docs/application/pdf/2011-12/serious_games_m_masse.pdf 15 Eduter est un institut de recherche, de recherche-développement et d'appui au système éducatif. Il fait partie d'AgroSup Dijon et relève du ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture, de la Pêche, de la Ruralité et de

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a - Reconnaître et prendre en compte la singularité du sujet, ses besoins, son expérience, ses acquis, ses contraintes, ses ressources, ses capacités, ses stratégies ;

b - Prendre en compte la dimension sociale des apprentissages dans une perspective autonomisante et de construction identitaire ;

c - Co-construire chaque parcours entre les parties prenantes, c’est-à-dire articuler un projet de formation institué (le programme scolaire, l’organisation de l’établissement, etc.) et des projets de formation individuels, les réguler, leur permettre d’évoluer.

Dans les textes officiels de l’Éducation nationale et leur traduction académique, l’accompagnement personnalisé se situe globalement dans ce cadre. Par exemple dans l’académie de Strasbourg16 : « La démarche de l'accompagnement personnalisé nécessite de partir des compétences de l'élève et de ses besoins pour l'aider à construire et à maîtriser son parcours de formation et d'orientation. L'accompagnement personnalisé met en synergie le projet de l'élève, le projet de l'équipe éducative et le projet d'établissement. »

Le diagnostic préalable

Comme les textes le recommandent, la mise en place de l'accompagnement personnalisé doit reposer sur un diagnostic préalable qui permet d'orienter la nature des activités avec les élèves. On trouve beaucoup d’exemples de démarches et d’outils numériques disponibles pour le diagnostic sur les sites académiques : « motivomètre » et « contrat individuel de progrès » dans l’académie de Lille, feuilles de positionnement à Nancy-Metz…

Le plus souvent, c’est l’équipe pédagogique qui prédétermine des modules et des ateliers en fonction de besoins déjà connus. Mais elle permet également à l’élève de faire son autodiagnostic ; c’est le cas dans les lycées professionnels, en vue de l’entretien individuel. « Les résultats, lit-on sur un document Bac Pro de l’académie de Strasbourg, doivent permettre d’obtenir l’image que l’élève se fait de lui-même afin de pouvoir la confronter à la vision de l’équipe pédagogique ; l’occasion, peut-être, d’une prise de conscience, pour l’élève comme pour les équipes, de freins qui sont de l’ordre « de l’estime de soi » et qu’il faudra traiter en priorité. »

Dans le lycée de Cécile M., c’est le professeur principal de la classe qui a déterminé les besoins d’accompagnement des élèves, à partir de questions qui leur ont été posées et de ses propres observations pendant les cours. Il a considéré le groupe classe en identifiant les difficultés les plus répandues, sans chercher à identifier les besoins particuliers à chaque élève. Ce repérage a permis de construire une offre d’ateliers, définis dans les trois pôles de l’accompagnement personnalisé (soutien, orientation, approfondissement). « Pour chaque pôle, on propose plusieurs ateliers, variés et complémentaires, en mettant l’accent sur ceux qui nous semblent les plus importants pour nos élèves. Les élèves choisissent et s’inscrivent en ligne sur un formulaire Google. »

Les enseignants de l’accompagnement personnalisé ont choisi de commencer par les ateliers sur l’orientation et la découverte des métiers, ce qui leur a permis de mieux appréhender les besoins de ces élèves qu’ils ne connaissent pas. On le voit, la mise en place du dispositif est descendante, pas de co-construction d’un parcours ici, les élèves de première n’interviennent pas dans l’élaboration de l’offre d’ateliers. Pour cette première année, l’objectif de l’équipe enseignante est de lancer l’accompagnement personnalisé ; il lui paraît plus simple de garder la main sur le processus qui se construit, avant d’inventer de nouveaux cadres et nouveaux rituels plus favorables à la personnalisation du parcours. Les enseignants ont bien perçu la limite de cette démarche : « Il n’y a pas eu cette année d’autodiagnostic par les élèves, mais l'Aménagement du territoire et du ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche. Rapport disponible sur www.eduter.fr/fileadmin/user_upload/pdf/pdf_pour_Dossiers/ pdf-individualisation/etude-indivi-2010.pdf 16www-zope.ac-strasbourg.fr/sections/education_formation/ressources_pedagogiq/ interdiscipline/bac_pro_3_ans/accompagnement_perso4307/ressources/view

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nous allons le faire l’an prochain. Nous nous sommes rendus compte que beaucoup de leurs attentes n’avaient pas été satisfaites, notamment en soutien. Ils n’étaient pas véritablement acteurs, ils ne comprenaient pas bien l’intérêt du travail qu’ils faisaient, ils n’en voyaient pas la traduction dans leurs apprentissages. Nous avons également constaté qu’ils n’avaient pas compris ce qu’était l’accompagnement personnalisé. Il faut une réunion d’information avant de commencer pour que les élèves se positionnent dans cette nouvelle forme de travail. » Cette évaluation diagnostic est peut-être plus facile à mettre en place dans les lycées professionnels, grâce à l’accueil et l’entretien personnalisé qui se pratiquent généralement. « Mais là encore, souligne Nathalie Topalian, responsable de l’accompagnement personnalisé dans les lycées de l’académie d’Aix-Marseille, il y aurait besoin d’un cadrage, d’une formation des enseignants pour faire passer utilement cet entretien. Dans l’accompagnement personnalisé, il y a beaucoup de problèmes de méthodologie, de suivi des équipes. »

Quelle place pour les ressources dans l’individualisation des parcours ?

Cécile M. estime qu’elle et son équipe ont utilisé peu de ressources numériques. Pourtant, l’accompagnement personnalisé a été pour elle l’occasion d’exploiter largement l’univers des TICE et de faire de nombreux apports méthodologiques. « On a utilisé Chamilo comme plate-forme de mise en commun des documents, trois jeux sérieux - Blossom Flowers, 2025 ex-machina, SecretCam17 avec les BTS sur la gestion d’équipe -, plusieurs logiciels de traitement de l’information (Freemind, les formulaires de Google documents…) et le TBI. »

Pour Fabrice G., le numérique est précieux pour renvoyer vers des documents complémentaires du cours, des documents connexes qui enrichissent un point de vue. « Par exemple sur l’intolérance religieuse en Écosse, je leur ai donné un corpus documentaire sur Chamilo18, le contexte pour comprendre au-delà de ce qui est fait en classe. J’ai commencé à travailler comme cela il y a 5 ans. En seconde, un petit nombre d’élèves utilise ces documents, davantage en première. Ils apprécient ce travail en autonomie, la possibilité de revenir sur une séance passée. »

Toutefois, Nathalie Topalian s’inquiète du rôle que jouent parfois les ressources numériques, renforçant la tendance à transformer l’accompagnement personnalisé en étude surveillée. « Beaucoup d’enseignants prennent Maxicours et Paraschool, souvent via Corrélyce, ils font remplir des QCM. Cela devient de l’Acadomia gratuit dans les établissements, ce qui correspond d’ailleurs souvent à la demande des parents. Je constate de moins en moins de créativité pédagogique dans les enseignements et les projets. C’est une demande permanente de prêt à l’emploi. Bientôt nous aurons un manuel d’accompagnement personnalisé ! »

La réponse personnalisée aux besoins

Comme cela a été montré dans l’étude des usages du catalogue de ressources Corrélyce en 201119, la disponibilité des ressources numériques en tout lieu, à toute heure et sur différents terminaux, joue nettement en faveur de l’individualisation de l’apprentissage et de la mise en autonomie des élèves. De même les éditeurs, en particulier ceux des jeux sérieux, cherchent à rendre possible le travail autonome des apprenants et à offrir des parcours interactifs propres à chacun. Pourtant rares sont les éditeurs qui créent réellement les conditions d’une autonomie au service de l’apprentissage, et rares sont les enseignants qui intègrent véritablement cette opportunité dans leur pédagogie.

17 www.seriousgamesecretcam2.fr 18 Logiciel open source de gestion de l'apprentissage et du contenu d'apprentissage, dont l'objectif est d'améliorer l'accès global à l'éducation et au savoir (source Wikipédia). 19 Bréda I ., Chauvin C . et Unies O ., (2011), « Unies, Étude de cas au lycée de Luynes », Les Cahiers de l’Orme n°4, millésime 2-11. www.orme-multimedia.org/index.php?option=com_content&view=article&id=23&Itemid=23

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Fabrice G., qui a dévié le dispositif d’accompagnement personnalisé pour travailler dans sa discipline avec ses propres classes en demi-groupe, reconnaît les limites de ce qu’il a mis en place : « À vrai dire, il n’y a rien de « personnalisé » dans cette forme d’accompagnement, les groupes restent beaucoup trop importants. Tout juste peut-on dire que le jeu permet à chacun d’avancer à son rythme. » Le dispositif d’accompagnement personnalisé est avant tout pour lui une opportunité pour travailler avec des classes dédoublées : « C’est le seul moment où je n’ai pas 36 élèves. Or pour utiliser un jeu, on a besoin de laisser les élèves en autonomie, et donc qu’ils soient seuls devant leur écran. L’accompagnement personnalisé est donc le seul dispositif qui me permette d’utiliser ce type de document. »

Pour cet enseignant d’anglais, la réponse à des besoins personnels intervient autrement. Elle n’est pas liée à l’usage d’une ressource particulière mais à la confrontation à une pluralité de documents ; elle n’est pas liée à un dispositif dit « personnalisé » mais relève de ce qui fonde l’épistémologie de sa discipline : acquérir des méthodes de compréhension de l’information. « Ce qui m’importe, c’est de donner aux élèves un outillage méthodologique pour aborder des documents authentiques en langue étrangère. Il faut qu’ils apprennent à faire face à des documents authentiques variés, leur donner les techniques pour qu’ils tirent profit de ce qu’ils savent. Ils doivent être capables d’aller eux-mêmes sur des documents en langue étrangère et de les exploiter. Il nous faut former des élèves curieux et cultivés, développer la curiosité est pour moi très important en général, et pour les préparer aux études universitaires. » Le jeu sérieux vient servir cet objectif, au même titre que bien d’autres documents.

L’innovation pédagogique à l’échelle de l’établissement

A travers ces témoignages se profile le rôle des équipes de direction et du pilotage d’un dispositif pédagogique innovant encore fragile. Les équipes tâtonnent pour adapter le dispositif à leur contexte, interprètent de manière très diverse les domaines couverts par l’accompagnement personnalisé (soutien, approfondissement, orientation), inventent leurs méthodes en cherchant à préserver la cohérence avec leur conception de leur métier. Elles s’efforcent de s’adapter elles-mêmes aux exigences d’un travail interdisciplinaire, apprécient les possibilités de concertation tout en déplorant la difficulté de leur mise en œuvre. Parfois considéré comme une nouvelle forme d’aide personnalisée, l’accompagnement personnalisé demande pourtant non pas qu’on le transpose, mais qu’on le réinvente.

Cécile M. souligne à quel point les questions d’organisation sont importantes et, comme ses collègues, constate qu’elles pourraient être réglées si l’accompagnement personnalisé était considéré comme prioritaire au niveau de l’établissement. Selon Nathalie Topalian, un des problèmes vient du fait que l’entrée dans l’accompagnement personnalisé se fait le plus souvent par l’organisation et non par les contenus. Le recul acquis aujourd’hui permet par exemple de s’interroger sur l’impact de l’éclatement de la classe et la logique de barrette – des heures alignées dans l’emploi du temps des élèves permettant de mixer les classes. « Les élèves ne se reconnaissent plus, constate Nathalie Topalian, ceux qui arrivent au lycée ont des difficultés pour s'intégrer, pour trouver leur place dans la structure même et dans les classes, le collectif devient très difficile à construire. Le bilan est particulièrement mitigé pour les élèves présentant déjà des signes de décrochage. »

Face à ces bouleversements, les ressources numériques doivent sans doute elles aussi s’adapter. Quelle offre de services numériques construire pour répondre aux besoins des enseignants, pour créer les conditions de l’apprentissage dans un cadre interdisciplinaire, portant sur l’acquisition de méthodes de travail et le développement personnel des élèves ?

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2 – Une obligation légale : intégrer les élèves en situation de handicap

La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances20, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a contribué à la mise en place d’actions renforcées en faveur de la scolarisation des élèves handicapés. Elle affirme le droit pour chacun à une scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile, à un parcours scolaire continu et adapté. Cette scolarisation se fait dans une école élémentaire, un établissement scolaire du second degré ou un établissement adapté suivant la nature et la gravité du handicap. Elle se déroule sans aide particulière ou fait l'objet d'aménagements, d'accompagnement par un auxiliaire de vie scolaire (AVS) individuel ou collectif, et de dotation de matériels pédagogiques adaptés.

Dans le secondaire, les élèves présentant un handicap peuvent être scolarisés dans une unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS). Encadrés par un enseignant spécialisé, ils reçoivent un enseignement adapté qui met en œuvre les objectifs prévus par leur projet personnalisé de scolarisation (PPS), comprenant le plus possible des plages de scolarisation dans la classe de référence de l'établissement.

21 – Intégrer, dans quel contexte ?

L’utilisation des matériels techniques ou informatiques

Les outils informatiques les plus répandus et utilisés dans les établissements scolaires accueillant des élèves handicapés sont les ordinateurs, fixes ou portables, les tablettes numériques et les clés USB. Ces clés sont particulièrement utiles pour recueillir les documents, les dispositifs partagés permettant le stockage et la mutualisation n’étant pas toujours présents dans l’établissement d’accueil. Le système Wifi apparaît souvent comme une bonne solution pour transférer les données.

L’investissement que cela suppose, y compris en TBI, stylets informatiques, etc., repose soit directement sur les collectivités locales dans le cadre de leurs missions vis à vis des établissements scolaires, soit sur la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Du matériel plus spécifique est mis à disposition de l'élève dans le cadre d'une convention de prêt, qui concerne notamment des outils informatiques comme le clavier braille, des périphériques ou des logiciels adaptés... Ce matériel peut être réellement indispensable à la réussite du parcours scolaire d'un élève handicapé, par l’aide palliative ou augmentative qu’il apporte.

L’introduction en classe de ces nouveaux outils demande de penser l’organisation technologique de la classe ; comme simplement prévoir une rallonge électrique pour que l'élève muni d'un portable ne soit pas systématiquement relégué à proximité de la prise, jusqu’à attribuer une petite salle équipée de postes fixes réservée à ces élèves. Elle demande également qu’une aide méthodologique soit apportée à ces élèves pour la maîtrise des logiciels de bureautique, qu’ils ne maîtrisent pas toujours, et le suivi du travail donné en classe. Même pour le simple apprentissage de la frappe sur le clavier, il est souvent nécessaire d’améliorer leurs performances sur un logiciel comme TapTouch.

Les examens et concours prévoient de plus en plus souvent la possibilité d’un recours à l’ordinateur, pour les élèves dyslexiques par exemple. Aujourd’hui, le projet d’accueil individualisé pour les dyslexiques (PAI « dys ») consiste essentiellement en l'attribution d'un tiers temps lors des épreuves communes, pendant lesquelles les élèves peuvent recevoir l'aide d’un enseignant de l’Ulis ou d’un AVS : ces auxiliaires oralisent les textes et aident à comprendre les consignes. L’autorisation d’utiliser un ordinateur pendant les examens

20http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809647&dateTexte=&categorieLien=id

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engendre souvent des incompréhensions de toutes parts : les élèves qui en bénéficient sont suspectés de tricherie par leurs camarades, et eux-mêmes ne savent pas exactement à quoi ils ont droit (correcteur orthographique ou non ?).

Certaines disciplines recourent plus que d’autres aux TIC. En langues vivantes par exemple, quand il peut être installé, un laboratoire est utile pour tous les exercices d’entraînement. Mais il est utile aussi pour d’autres matières, permettant aux élèves qui souffrent de graves troubles des apprentissages d’enregistrer leurs comptes rendus avant de les rendre à leur enseignant. Notons également que l’usage régulier de l’ordinateur et des aides techniques nécessite un apprentissage de la famille et de l’entourage de l’élève (ergothérapeute, orthophoniste, etc.), afin de coordonner les stratégies autour d’un même environnement logiciel. Tous reconnaissent que la capacité à maîtriser la technologie pour l’adapter à ses propres besoins est un atout pour l’élève, puis l’étudiant tout au long de son cursus dans le système éducatif.

La formation des enseignants

La part des enseignants qui se consacrent à la scolarisation des élèves handicapés a progressé de 9,5 % en quatre ans. Ils sont 13 547 équivalents temps plein (ETP) en 2010-2011. Pour les établissements relevant de l’Éducation nationale, cette progression est de 14,6 % : ils sont 8 294 ETP en 2010-201121. Ces enseignants doivent acquérir des compétences en informatique, non seulement pour préparer leurs cours, mais aussi pour connaître les logiciels spécifiques adaptés aux besoins de leurs élèves. Dans l’académie d’Aix-Marseille, des formations aux ressources numériques pour le handicap sont organisées par la « team dys », dans le cadre de la « culture numérique » ou du programme IntégraTice22 mené par le CRDP.

La formation montre l’intérêt d’utiliser des matériels techniques ou informatiques ainsi que la nécessité d’un travail d’équipe pour un recours efficace aux TIC accessibles. Les TICE ne sont ni une panacée des situations pédagogiques, ni une garantie d'efficacité du professeur, ni un gage de réussite pour les élèves. Il s'agit avant tout d’initier un projet, d’en décrire les objectifs et de le mettre en œuvre, les logiciels étant des instruments au service d’une réflexion pédagogique et didactique. Leur pertinence renvoie forcément à la relation complexe qui existe entre un enseignant, des contenus, des objectifs, des élèves. Cela nécessite une organisation réfléchie au sein de l’établissement, des relations étroites entre les membres de l’équipe éducative, des modes d'évaluation adaptés. Tout cela prend du temps à mettre en place et l’équipe doit être soutenue et accompagnée dans ses projets. Un enseignant référent23 est chargé de réunir et d'animer les équipes de suivi de la scolarisation prévue par la loi.

21 La scolarisation des élèves handicapés, MEN, juin 2012 http://www.education.gouv.fr/cid207/la-scolarisation-des-eleves-handicapes.html#parcours-de-formation 22 Le CRDP d’Aix-Marseille accorde une attention toute particulière aux innovations technologiques au service de la pédagogie, notamment en direction des élèves en situation de handicap. http://www.cndp.fr/crdp-aix-marseille/spip.php?rubrique67 23 Parcours de formation des élèves présentant un handicap (application des articles L.112-1, L.112-2, L.112-2-1, L.351-1 du code de l'Éducation) codifié aux articles D.351-3 à D.351-20 du Code de l'éducation Décret n°2005-1752 du 30 décembre 2005 Il précise les dispositions qui permettent d'assurer la continuité du parcours de formation de l'élève présentant un handicap, y compris lorsque ce dernier est amené à poursuivre sa scolarité dans un établissement de santé ou dans un établissement médico-social ou lorsqu'il doit bénéficier d'un enseignement à distance.

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22 – Trois situations d’intégration avec le numérique

Cette enquête porte sur les actions structurelles mises en place dans trois lycées de l’académie d’Aix-Marseille qui comprennent des Ulis. La décision d’ouvrir des Ulis dans ces établissements a été prise en 2009, mais la rentrée effective des élèves a eu lieu en septembre 2010. On observe donc une situation qui n’a qu’un peu plus d’un an d’existence. Comment s’y effectue la prise en charge de la difficulté propre à chaque type de handicap ? Quels dispositifs mettent-ils en place pour favoriser les parcours individuels et la réussite de ces jeunes en situation de handicap grâce aux TIC ?

Ces établissements ont pour caractéristique commune d’avoir développé une politique d’intégration des élèves en situation de handicap non pas à partir d’une structure préexistante à faire vivre, mais d’une réflexion menée par l’équipe éducative sur des cas concrets et des marges de manœuvre possibles. La nécessité de favoriser l’accès à des ordinateurs a conduit à repenser le regroupement des élèves, les plages horaires, les aménagements de locaux, et a favorisé des actions structurelles innovantes. De plus les enseignants engagés dans ces dispositifs ont pris conscience de la nécessité d’une formation à des ressources numériques spécifiques.

Lycée général et technologique des Remparts, Marseille

Dans ce lycée, quatre élèves de seconde bénéficient d'un projet personnalisé de scolarisation « dys », avec un ordinateur chacun, équipé de logiciels par la Maison départementale des personnes handicapées des Bouches-du-Rhône. Ils sont répartis par deux dans deux classes de seconde différentes. Le proviseur a attribué pour cette année quatre heures supplémentaires à l'enseignante de l'Ulis, pour l'aide au travail personnel. Les élèves peuvent aller le vendredi matin approfondir les mathématiques en salle informatique avec l'AVS, le mercredi matin la physique dans la salle équipée de l’Ulis. Une mise au point pour tous est effectuée le mardi avec l’ensemble de l’équipe, qui bénéficie d’une heure de concertation.

Le mode de groupement a été adapté aux activités d'apprentissage, et régulièrement ajusté au profil des élèves. Le proviseur a procédé à un alignement des emplois du temps, et a choisi des salles de classe contiguës pour permettre aux élèves dyslexiques répartis dans les deux classes de pouvoir se retrouver facilement pour des heures communes.

Concernant les pratiques pédagogiques, les enseignants du secondaire donnent des devoirs avec des macros prédéterminées par l'enseignante de l'Ulis en français et en histoire-géographie, ils les transmettent par l'intermédiaire du cahier de textes numérique ou d'une clé USB. Il y a environ deux heures par semaine où toute la classe de seconde travaille en salle multimédia, et où l'élève « dys » n'est pas le seul à se servir d'un ordinateur. Les enseignants ont essayé d’introduire le stylo numérique en cours de mathématiques, mais il est vite tombé en panne.

Pour les élèves « dys » de BTS présents dans ce lycée, la situation est différente. Même s’ils ne bénéficient pas d’un PPS, leur scolarité est facilitée et diffère très peu de celle de leurs condisciples. Les enseignants du supérieur donnent à tous leurs étudiants de BTS leurs cours en ligne, et mettent des fichiers sur une plateforme collaborative. Par exemple, dans le BTS technologique assistance technique de l'ingénieur, toute la classe travaille sur ordinateur, en ce qui concerne la bureautique ou les cours de physique appliquée.

Lycée professionnel privé Vincent-de-Paul, Avignon

Le lycée Vincent-de-Paul propose des formations professionnelles dans les secteurs administratif, commercial, santé, mode et sécurité. La proviseure du lycée a été sensibilisée à la question du handicap par une collègue enseignante dont la fille est sourde. Voyant ses

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difficultés, elle a décidé d’ouvrir son établissement aux élèves sourds et malentendants et de mettre l’accent sur la formation des enseignants à la prise en compte de ce handicap. Cinq élèves déficients auditifs sont en seconde du baccalauréat professionnel, répartis dans différentes classes, en fonction de la filière qu’ils ont choisie.

Les innovations au niveau de l’établissement s’appuient sur une dynamique collective, impliquant des enseignants de presque toutes les disciplines, sur plusieurs niveaux. Les actions structurelles ont essentiellement porté sur la mise en place de plages de formation dans l’emploi du temps des personnels. Plusieurs enseignants ont suivi ou suivent encore des cours de LSF (langue des signes française), ainsi que des membres de l'administration, qui ont pris des cours pendant deux ans à raison de deux heures par semaine. Une enseignante a même réussi le 2CASH 24 et l'examen de LSF avec une option pour la dyslexie. Ainsi tous les membres de l’équipe éducative ont amélioré leur connaissance des effets de ce handicap et sur les possibilités offertes par les ressources numériques (sites en LSF, logiciels prédictifs, correcteurs orthographiques, etc.).

Le Centre de formation professionnelle Vincent-de-Paul prolonge les activités du lycée en permettant aux élèves qui le souhaitent de poursuivre vers un bac professionnel et vers un BTS, tout en étant salariés dans une entreprise.

Lycée Victor-Hugo, Marseille

A lycée Victor-Hugo, trois élèves dyslexiques de seconde bénéficient d'un PPS et sont inclus dans une classe standard, mais dont l'effectif a été réduit à 22 élèves. Le choix des autres élèves de cette classe s'est fait de manière aléatoire, de façon à privilégier une véritable inclusion. Toute la classe bénéficie d'un accompagnement renforcé de deux heures et d'une AVS collective. Les disciplines qui le nécessitent ont davantage de dédoublements, ce qui permet à tous de travailler individuellement sur les ordinateurs de la classe. En BTS, il n'y a qu'un étudiant en situation de handicap dans la section SIO (Services informatiques aux organisations).

Deux stages sur les troubles des apprentissages ont été organisés sur trois ans pour 57 enseignants. Plusieurs ont présenté le 2CASH : français, physique, anglais, mathématiques, histoire-géographie. Les enseignants volontaires ont également bénéficié d'un stage sur les outils numériques dans le cadre d'une formation de bassin.

Dans la salle dédiée à cette classe de seconde, trois ordinateurs fixes sont à disposition des élèves en permanence. Ils sont équipés de logiciels adaptés à la dyslexie, choisis par l'équipe enseignante (Dspeech, Dragon, Freemind) et financés par le Conseil régional à hauteur de 4000€. Trois stylets numériques viennent d'être achetés. Un bureau spécial pour les trois élèves dyslexiques vient d'être aménagé avec trois ordinateurs équipés de logiciels spécifiques. Cela servira aux étudiants pour s'isoler ou travailler avec l'AVS.

23 – Des ressources numériques pour la prise en charge de la difficulté propre à chaque type de handicap

Les outils numériques sont une aide précieuse pour pallier le handicap. Ils permettent à l’enseignant la création de documents informatisés servant de support au travail de l’élève,

24 Ce Certificat complémentaire pour l'adaptation scolaire et la scolarisation des élèves handicapés reconnaît la compétence professionnelle de l'enseignant du second degré à travailler au sein d'équipes pédagogiques et éducatives accueillant des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers liés à une situation de handicap, une maladie ou des difficultés scolaires graves.

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produits à partir des documents classiques donnés à toute la classe. Pour l’élève handicapé moteur, il est très important de pouvoir réaliser les mêmes exercices que ses camarades avec un matériel adapté (clavier braille, joystick, etc.), avec des outils logiciels d’écriture et de traçage (flèches, surlignage, sélection, etc.) et la possibilité d’une production graphiquement valorisante. Pour l’élève dyslexique, dyspraxique ou dysgraphique, l’usage de l’ordinateur permet de s'affranchir de l'écriture. En dictant son texte grâce à des outils comme Dragon Naturally Speaking ou Audacity, il sera jugé sur ses capacités de mémorisation (pour une leçon à réciter), d’imagination ou de réflexion (dissertation de français ou d’histoire) et non sur sa copie illisible.

Cependant les adolescents qui travaillent dans les établissements visités ont comme souci principal de ne pas se démarquer de leurs camarades. Ils préfèrent quelquefois renoncer à l’aide de l’ordinateur plutôt que d’être les seuls de la classe à s’en servir. Le système scolaire évoluant vers un usage généralisé de l’informatique, pour ces jeunes qui sont en situation de handicap devant une feuille blanche, l’ordinateur offre un chemin vers la normalité.

Les troubles des apprentissages

Une utilisation plus générale du numérique au niveau des établissements permet une meilleure intégration des élèves présentant des troubles des apprentissages : les TIC leur rendent les apprentissages plus aisés, et ils se sentent moins mis à l’écart, car ils se servent des mêmes outils que leurs camarades.

Les élèves qui mêlent dyslexie, dysgraphie, dyspraxie, etc. ont évidemment des performances différentes en fonction de la gravité de leurs troubles et de leur niveau scolaire global. Leur rapport aux ressources numériques est aussi très variable, dans la mesure où l’ordinateur est la seule marque visible de leur handicap invisible. Pourtant il leur est très utile, voire indispensable : Nadia N., qui bénéficie d'une AVS individuelle, ne peut pas se servir facilement d'un clavier, son assistante prend les cours à sa place sur son ordinateur ; Kevin M. tape avec facilité, mais se fatigue vite et doit être souvent rappelé à l'ordre par l'AVS. Il se sert de Dspeech pour se relire et compenser ses problèmes d'attention, et écoute ses cours sur son lecteur mp3, à l'aide d'Audacity ; Marie C. préfère écrire en cours et taper ses cours sur son ordinateur chez elle, elle estime que c'est plus facile ensuite pour écouter et retenir ses leçons ; Antoine L. est très à l’aise avec les logiciels adaptés aux troubles des apprentissages, dont le logiciel Dragon Naturally Speaking qui lui sert à dicter ses devoirs à l’ordinateur, qui les écrit pour lui.

Les troubles auditifs

Les jeunes sourds ont des histoires personnelles très différentes, et leurs problèmes d’audition nécessitent des appareillages qui les signalent à la communauté scolaire comme handicapés. À l’adolescence, cela peut être mal vécu.

Pierre Y., en terminale professionnelle, a participé à un concours d'éloquence malgré ses graves troubles auditifs. Ses parents ne sont pas sourds mais ses cinq frères et sœurs sont sourds comme lui. Il peut écrire selon la syntaxe de la langue des signes : « l'âne herbe mange. » ; il a cependant passé avec succès l'épreuve de français et d'histoire du contrôle en cours de formation (CCF), grâce à son ordinateur. Il prendra la langue des signes en option au bac. Anthony N. a des capacités en français, sa mère est sourde et il connaît la lecture labiale. Il n’est pas très à l’aise avec l’ordinateur. Sandrine C., qui est appareillée, a refusé que ses professeurs se servent pour elle d’un micro et des boucles magnétiques qu’on lui proposait, pour ne pas rendre son handicap encore plus prégnant dans la vie de sa classe. Lila P. prépare un BTS sanitaire et social. Elle a une maladie génétique et devient sourde. Elle est également dyslexique. Comme elle n'accepte pas sa surdité, elle ne met pas son appareil auditif. Elle était déjà pourvue d’un ordinateur pour sa dyslexie, ce qui l’aide à

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maintenir son niveau à l’écrit. Chloé D. est appareillée. Elle ne connaît pas la langue des signes mais suit les cours de LSF depuis un an. Emma M. porte un appareil, elle n'a pas de problème pour ses études, obtient de bons résultats et se sert couramment de son ordinateur pour ses devoirs.

Un professeur spécialisé accompagne les élèves sourds pendant les cours. Il assiste avec les élèves au cours de droit et d'économie puis leur explique ce qu'ils n'ont pas compris, à partir des documents numériques fournis par les enseignants.

Les autres handicaps

Différents autres élèves bénéficiant d’un PPS sont accueillis dans ces établissements (hémiplégie, cécité, mucoviscidose et autres maladies graves). Ils ont souvent besoin d’appareillages lourds, d’aménagements de locaux et d’outils numériques palliatifs. La scolarisation en milieu ordinaire des enfants et adolescents déficients sensoriels ou moteurs implique le recours à des aides techniques adaptées.

Nathan J., un élève en fauteuil, ne peut venir que le matin à cause de ses soins. Comme il n'y a pas d'ascenseur, les cours pour toute sa classe sont donnés dans une salle informatique au rez-de-chaussée. Abdel K. est en terminale L. Le temps de présence au lycée et les heures de travail à la maison sont difficiles à concilier avec les soins. Le proviseur a mis en place pour elle une terminale en deux ans. L'informatique lui permet de connaître les devoirs à faire par le biais d’Internet, et de rendre de même ses devoirs quand elle ne peut se déplacer.

24 – L'individualisation des parcours grâce aux nouvelles technologies

L’intégration des élèves en situation de handicap n’en est encore qu’à ses débuts, puisque les établissements visités, donnés comme pionniers par l’académie, n’ont qu’une année d’expérience. Dans ces établissements, les élèves en situation de handicap sont regroupés de façon variable dans la semaine et dans l’année, par groupes de compétences, de besoin, de recherche ou de production. Dans le supérieur, les étudiants handicapés sont encore très peu nombreux, et l’individualisation se fait au cas par cas, en fonction de la bonne volonté des enseignants. On peut raisonnablement penser que les élèves entrés dans ces dispositifs cette année en seconde auront de meilleures chances de poursuivre des études supérieures que leurs aînés.

L’individualisation, qui fait écho au principe du collège unique, à l'enseignement de masse, à « l'égalité des chances », peut prendre de multiples formes et avoir des effets bénéfiques ou à l'inverse stigmatiser et creuser les différences et les inégalités. Tutorat, aide personnalisée, groupes de niveaux, remédiation, projets personnalisés, parcours différenciés ou diversifiés, autant de vocables qui représentent autant de points de vue, autant de pratiques et de choix de politiques éducatives.

Groupes de compétences

Tous ces élèves en situation de handicap sont inclus dans des classes ordinaires, au regard de leurs compétences scolaires. C’est un changement significatif par rapport à la situation antérieure, où les élèves étaient regroupés dans des instituts en fonction de leurs handicaps.

Au lycée Victor-Hugo, les élèves handicapés sont intégrés aux prestigieuses sections européennes ; le proviseur étant lui-même dyslexique, il travaille sur l'égalité des chances à tous les niveaux. Dans son quartier, l'environnement socio-économique des élèves pose de graves problèmes qui pourraient faire considérer la dyslexie comme un problème mineur,

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une problématique bourgeoise, une préoccupation un peu secondaire. Mais le proviseur réfute cette approche et pense au contraire en faire un moteur pour l’innovation pédagogique. Par ailleurs, les élèves de son lycée ne se sentent pas surpris ou choqués par les difficultés liées au handicap, tant eux-mêmes sont pris dans des difficultés de tous ordres. Donc l'intégration de ces élèves est plus facile ici car tous connaissent la difficulté scolaire. Et les élèves dyslexiques se retrouvent valorisés par leurs efforts, même si par ailleurs leur vie n’est pas toujours facile.

Groupes de besoin

Dans ces trois établissements, on retrouve les mêmes besoins en logiciels d’aide à l’écriture et à la lecture (Dragon, Audacity, Freemind), des traitement de textes et outils de bureautique (OpenOffice, Word, Excel), et des outils de communication (sites d’établissement, blogs). Peu de logiciels spécifiques sont utilisés en classe, car souvent les enseignants privilégient les outils qu’ils maîtrisent. Ils disent qu’ils ne veulent pas d’un rôle de thérapeute, mais qu’ils cherchent simplement à accompagner au mieux les élèves et étudiants dans les études qu’ils ont choisies. Les classes sont chargées, et le temps disponible à consacrer aux élèves en difficulté est en général limité. Donc la prise en compte du handicap n'est pas toujours aisée, par manque de temps mais aussi de formation. Certains de leurs collègues sont réticents à la reconnaissance d'un handicap invisible comme les troubles des apprentissages, d'autres à l'utilisation des technologies.

Les relations avec les parents, qui sont très attentifs aux besoins de leurs enfants, sont stimulantes. Par leur présence assidue, ils rappellent régulièrement aux enseignants leurs engagements. En début d'année scolaire, au lycée des Remparts, l’enseignante en charge de l’Ulis présente son Ulis, et en octobre est organisée une réunion pour tous les projets d’accueil individualisé « dys ».

Une certaine tension entre des attentes différentes reste toujours présente dans l'établissement, entre les parents et les élèves qui refusent la stigmatisation due à la présence d’un ordinateur portable, et l’équipe éducative qui l’a prescrit. Cependant il est clair pour tous que le numérique est un atout important pour les apprentissages, et que l'usage des TICE dans un lycée est un plus pour la pédagogie.

Groupes de recherche

Les expérimentations pédagogiques sont le plus souvent menées par une petite équipe, avec partage d’objectifs et modalités de réalisations. Une réflexion est menée sur les stratégies de métacognition, d’auto-verbalisation et d’auto-questionnement des élèves. Au lycée Victor-Hugo, la mise en œuvre d'une stratégie pédagogique porte sur l'apprentissage coopératif entre les élèves dyslexiques et les autres élèves de la classe. Avec l'Espace Numérique de Travail mis en place prochainement par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, des outils nouveaux renforceront ce dispositif : une messagerie pour la communication entre enseignants et élèves, la possibilité de poster des fichiers spécifiques pour les « dys », des outils pour le travail collaboratif.

Grâce aux réseaux de communication d’une manière générale, le temps scolaire se prolonge de telle sorte que la frontière entre le scolaire et l'accompagnement scolaire s’estompe. Les recherches entreprises en classe ou au CDI sont poursuivies à la maison, surtout pour les élèves qui éprouvent de grandes difficultés avec l’écrit. La journée au lycée leur permet de partager le temps scolaire avec les camarades de leur âge, mais l’essentiel de leur travail personnel a lieu le soir, à l’aide des notes prises par l’AVS ou par les membres de leur groupe.

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Groupes de production

Au lycée Vincent-de-Paul, dans le cadre du projet qui les concerne plus particulièrement, les élèves ont tourné un film en Espagne, l’ont monté et projeté. Tous les élèves ayant un trouble auditif ont un ordinateur donné par la MDPH et un stylo numérique. Ils se sont servis pour réaliser leur projet d’un vidéo projecteur et d’un TBI dans la salle qui leur est réservée. Ces élèves, scolarisés dans des classes différentes, se sont retrouvés pour produire un film à l’aide des ressources numériques : pour le montage, Movie Maker car les élèves l'avaient sur leurs machines et les machines du lycée, et de iMovie sur l’ordinateur du professeur.

En terminale professionnelle tertiaire, tous les élèves travaillent sur un ordinateur. Le professeur donne les consignes en particulier aux élèves handicapés, pour lesquels il adapte sa pédagogie. Les ressources numériques dont ils bénéficient sont adaptées aux objectifs pédagogiques et permettent la simulation de situation. L’ordinateur peut devenir un tuteur intelligent. Par exemple, la salle de techniques professionnelles dans laquelle les élèves pratiquent les techniques de soins, d'hygiène et de confort et d'entretien des locaux, auprès des enfants et des adultes non autonomes, est aussi une salle qui permet de visualiser des situations concrètes et, grâce au tableau numérique, d’interagir.

La prise en compte du handicap, moteur de l’innovation pédagogique

L'introduction d'un élément nouveau, comme un élève en situation de handicap, dans le cadre d'un enseignement ou d'une classe peut être l'occasion d'une réflexion à différents niveaux, remettant en question l'organisation matérielle, temporelle, les procédures d'évaluation, etc. et obligeant à innover dans le management de l’établissement. En ce qui concerne la pédagogie, l'innovation induite peut porter sur l'élaboration de nouveaux outils, l'individualisation des parcours ou l'interactivité que permettent notamment les TIC. La combinaison de ces deux éléments, handicap et TIC, interroge le système scolaire dans son ensemble.

La méfiance envers les technologies que peuvent éprouver les enseignants, les parents et les administrateurs réduisent souvent les possibilités d’exploiter les avantages qu’offrent les TIC, même dans les établissements les mieux équipés. On reste encore dans le domaine de l’innovation, tant au niveau de l’usage de l’informatique que pour l’intégration des élèves en situation de handicap. Une évolution importante consisterait à prendre en compte les besoins de tous les élèves, y compris les élèves handicapés, dès les premiers stades de développement des logiciels et des ressources. Le numérique permet par exemple de projeter les manuels numériques en classe, avec des sous-titres pour les malentendants, la possibilité d’agrandir les caractères pour les malvoyants, de les espacer, de les différencier, pour les élèves dyslexiques, etc. Ces aménagements peuvent être très utiles également pour des élèves en difficulté pour d’autres raisons.

Une des missions du CRDP de l’académie d’Aix-Marseille est d’étudier le potentiel des dernières avancées de la recherche fondamentale et des technologies pour répondre aux problèmes actuels des enseignants qui doivent accueillir des élèves en situation de handicap (c’est le programme IntégraTice). Les innovations les plus récentes concernent les outils nomades, les solutions basées sur des réseaux « en nuage », l’utilisation des consoles de jeux, et les jeux sérieux comme outils pédagogiques. Mais en attendant que ces usages novateurs se répandent dans les pratiques des enseignants, il importe de créer avant toutes choses un comportement positif d’intégration. Cela passe par des actions structurelles, la formation des enseignants et le recours banalisé aux technologies pour l’apprentissage de tous les élèves et étudiants.

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C - Enseignement technique et professionnel : du numérique-métier au numérique pour enseigner En marge de la réforme du lycée, les séries technologiques et les séries professionnelles connaissent elles aussi de fortes évolutions. C'est d'abord, pour l’enseignement professionnel, la réforme du bac pro en trois ans au lieu de quatre, avec la disparition du BEP et une refonte globale des contenus des programmes ; dans l'enseignement technologique, la filière industrielle STI devient STI2D (ajout d’une dimension développement durable) et la filière tertiaire STG devient STMG (sciences et techniques du management et de la gestion). Globalement, le nombre de spécialités diminue, avec par exemple le passage de 12 à 4 pour les enseignements industriels au lycée technologique.

Pour l’enseignement professionnel, la tendance est à la réaffirmation d'une formation avant tout professionnalisante, assortie de possibilités de passerelles vers la poursuite d'études (BTS en particulier) ; l’enseignement technologique, en revanche, se tourne davantage vers des formations plus ouvertes vers l'enseignement supérieur, notamment les niveaux licence et master, y compris au prix d’un abandon assumé de la formation professionnalisante. Le bac technologique n’est plus considéré comme un diplôme de niveau 4 ouvrant la voie à l’exercice d’un métier, mais comme un baccalauréat général permettant d’accéder à des études supérieures. Si la question du numérique, et plus particulièrement du développement de ses usages, est présente dans l’ensemble de l’enseignement scolaire, les enseignements technologiques et professionnels n’échappent pas à la règle. Cette étude fait un point succinct sur les relations entre les spécificités de ces enseignements et l’usage du numérique, tant du point de vue du constat que des conditions nécessaires pour répondre aux besoins des réformes en cours, avec, dans la mesure du possible, une vision prospective.

Les développements suivants sont centrés sur la question de l’usage des « ressources numériques », ce terme incluant les maquettes numériques, les modélisations, les contenus multimédias sous toutes leurs formes, et en particulier les contenus interactifs en ligne concernés par Corrélyce. Toutefois, les points de vue des acteurs comme les regards croisés avec d’autres territoires et d’autres niveaux ou types d’enseignement conduisent à réinterroger les conditions techniques de faisabilité, même quand elles apparaissent évidentes dans le cadre des lycées de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

1 – Équipements et environnements numériques

La nature et le nombre des équipements, ainsi que leur disponibilité effective, sont une des conditions premières pour développer les usages du numérique. Les constats qui suivent sur les équipements correspondent à la situation des lycées de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui connaît des politiques d’équipement ambitieuses depuis un grand nombre d’années. Les enquêtes nationales montrent une vraie diversité entre les territoires, qui laissent à penser que les constats qui suivent ne peuvent être tenus pour valides dans d’autres régions ou d’autres types d’établissements.

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11 – Un clivage préjudiciable entre disciplines générales et techniques ou professionnelles

Les infrastructures de câblages, souvent déployées de longue date (à partir de 1998 dans la région PACA) permettent d’irriguer les établissements, mais nécessitent dans de nombreux cas des évolutions : ajouts de points d’accès suite à des restructurations de lieux, évolution des équipements actifs, etc. Le référentiel utilisé initialement a permis de faire face aux besoins dans la durée, même si des adaptations restent nécessaires après quelques années.

Les équipements de visionnement collectif sont très utilisés dans les disciplines d’enseignement général, pour lequel les séquences de travaux dirigés restent assez rares. Les équipements en TNI se sont développés depuis quelques années, mais sans que leur usage s’étende le plus souvent au-delà d’un ou deux enseignants passionnés. En revanche, la généralisation progressive des vidéo projecteurs dans les salles (équipements fixes) constitue un important facteur de développement, grâce à une disponibilité immédiate et une fiabilité largement améliorée. Le développement significatif de ces équipements dans une majorité de salles ne remonte pourtant qu’à quelques années (entre deux et quatre ans), ce qui rend les conséquences en termes d’usages inégalement mesurables.

Dans les disciplines « métiers », on reste davantage dans des conditions d’usage individuel, ou éventuellement en binôme : l’usage direct de l’élève est privilégié, avec un prix particulier donné à l’acquisition d’une maîtrise personnelle des outils destinés à être ceux de la pratique professionnelle visée. De ce fait, les enseignements liés aux métiers disposent généralement de salles équipées pour un usage individuel, que ce soit en atelier ou en « laboratoire ». La disponibilité d'équipements en libre accès est souvent évoquée comme un souhait pour les activités personnelles : travaux de projets, recherche d’informations, production personnelle, remédiation, mise à niveau, approfondissements. Elle reste encore exceptionnelle, du fait d’une part de la non disponibilité des équipements nécessaires, mais aussi de personnels pour en assurer la surveillance.

Dans les établissements consultés, une impression de pénurie est régulièrement mise en avant par les enseignants, tant pour l’enseignement général que pour les équipements en libre service. Cette situation n’apparaît pas liée à une éventuelle insuffisance des politiques d’équipement, ceux-ci étant conformes aux préconisations et plutôt au-dessus des moyennes nationales (de l’ordre d’un poste de travail pour cinq à six élèves en moyenne). C'est en revanche souvent une question d'organisation des établissements : la séparation entre enseignements généraux et disciplines « métiers » reste importante, la sphère professionnelle disposant de ses propres moyens techniques, souvent importants ; l’organisation de l’accès aux équipements parvient rarement à dépasser ce clivage entre disciplines générales d’un côté et techniques/professionnelles de l’autre. C’est pourtant la seule solution constatée qui permette un accès optimisé et plus satisfaisant aux équipements pour l’ensemble des élèves dans l’ensemble de leurs activités. C’est aussi la seule qui permette d’envisager une réelle rationalisation de l’exploitation des équipements et infrastructures.

12 – Un besoin de cohérence dans l’environnement numérique proposé aux usagers

Parmi les personnes consultées pour cette étude, les usagers d’espace numérique de travail (ENT) sont rares. Cette situation est due à la répartition géographique des établissements, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur n’ayant pas encore conduit de déploiement à grande échelle d’un environnement d’éducation. Les enseignants consultés ne mettent pas en avant de besoin particulier dans ce domaine, les outils actuels leur permettant, selon leur avis, les manipulations nécessaires pour les fonctions de stockage, de diffusion, de collaboration et d’échange. On notera que cette situation est notamment liée à la nature de l’enseignement professionnel, dans lequel une grande partie des travaux sont conduits au sein de

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l’établissement. L’organisation du réseau local, et en particulier l’utilisation de l’interface pédagogique IACA, fournit alors les services nécessaires.

Ce constat doit toutefois être modulé selon quatre axes : • L’enseignement professionnel est caractérisé par des périodes de formation en entreprise (PFE). Pendant ces périodes, la disponibilité d’un ENT permettrait de réaliser une continuité des outils utilisés et surtout d’assurer un meilleur suivi par l’équipe pédagogique. • Les personnels d’encadrement (chefs de travaux, d’établissements, inspecteurs) mettent davantage en avant la cohérence pédagogique et organisationnelle que permettrait un ENT. • Surtout dans les enseignements technologiques, y compris pour les classes post bac (BTS, CPGE), la présence de services numériques accessibles en extranet apparaît particulièrement importante pour assurer une continuité école-domicile. • Les élèves des lycées technologiques et professionnels, comme leurs enseignants, doivent pouvoir utiliser de gros fichiers et les échanger. Les activités de projet nécessitent aussi de mettre en œuvre des espaces collaboratifs dédiés, souvent issus des outils professionnels.

Grâce à leur utilisation régulière des outils TIC et des réseaux, les enseignants comme les élèves des filières techniques et professionnelles sont en moyenne des utilisateurs plus avertis que d’autres en matière de services numériques. Ils sont capables de dépasser les contraintes liées à l’absence d’une identification unique (SSO), de « jongler » entre un environnement de réseau local comme IACA et des services en ligne échappant à la logique scolaire, qu’il s’agisse de réseaux sociaux (échanges via Facebook), de bureautique en ligne (on note de larges utilisations de Google docs) ou d’outils modernes en développement associant individuel et collectif (services mettant en œuvre les principes du Cloud computing, comme Dropbox). Dans cette dispersion, les plus habiles pourront reconstituer leur propre « environnement personnel » par un assemblage plus ou moins cohérent de services. Outre que les contraintes d’exploitation y sont importantes (difficulté face à des usages croisés de différents services et applications), seuls les plus habiles pourront avoir le recul nécessaire pour se forger une représentation cohérente et opératoire de cet ensemble.

Pour les établissements ayant expérimenté un ENT (ici Scolastance), l’attente en termes de modularité est largement soulignée. La présence du SSO est considérée comme susceptible de faciliter la diversification des usages, en limitant la complexité des accès. L’externalisation des services est perçue comme un moyen de développer la fiabilité et la diversité, sans peser sur les moyens humains de l’établissement. Dans ces établissements, la logique de l’environnement existe déjà, au travers des pages du site de l’établissement procurant un accès sur la diversité des services proposés.

Si les plus habiles parviennent à se constituer un environnement numérique cohérent, ce n’est pas le cas de tous les élèves, ce qui contribue à creuser une forme de nouvelle fracture numérique. De plus, la logique globale de l’établissement et de son organisation en est totalement absente. Ces « solutions » ne permettent pas de répondre aux impératifs et aux valeurs d’équité qui s’imposent en matière d’éducation.

2 – Numérique et enseignements technologiques

21 – Orientation et filières

Au terme de la classe de seconde générale et technologique issue de la réforme du lycée (2010), les élèves ont le choix entre un bac général et cinq bacs technologiques : sciences et techniques de l’industrie et développement durable (STI2D), sciences et technologies de laboratoire (STL), sciences et technologies du design et des arts appliquées (STD2A), sciences et technologies de la santé et du social (ST2S) et sciences et technologies de la gestion (STG), devenant sciences et technologies du management et de la gestion (STMG). La filière STAV (sciences et technologies de l’agronomie et du vivant) n’est possible qu’après un enseignement d’exploration en EATDD (Écologie, Agronomie, Territoire et Développement Durable), alors que les filières TMD (techniques de la musique et de la

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danse) et hôtellerie ne sont accessibles qu’à partir d’une seconde spécifique. Au total donc, cinq filières technologiques sont accessibles aux élèves des secondes générales, et trois sont liés au suivi d’enseignements spécifiques en seconde.

Le contexte pédagogique

Les douze spécialités de l’ancienne série STI, chacune liée à un champ professionnel, sont remplacées par les quatre spécialités de la série STI2D, qui sont bien plus polyvalentes. Ainsi, les élèves en série STI2D ont une formation scientifique et technologique plus large et plus ouverte. La formation s’appuie sur un tronc commun important, seul évalué à l’écrit du baccalauréat.

La polyvalence technique est un objectif assumé, tant en ce qui concerne les enseignements professionnels que technologiques. Depuis quelques années, un rééquilibrage entre enseignements généraux et professionnels s’est opéré, avec l’objectif commun d’aider à l’émergence d’une culture technologique en vue de l’accès à l’enseignement supérieur. Les méthodes pédagogiques inductives appliquées à des objets d'étude concrets, sont devenus une alternative aux enseignements purement abstraits de la voie générale. L’objectif de poursuite d'études supérieures est affirmé, éventuellement au prix de classes passerelles. L'insertion professionnelle directe est de ce fait davantage réservée à la voie professionnelle.

Cette évolution s’accompagne de la volonté d'accompagner l'évolution des technologies, non seulement par un suivi aussi régulier que possible de l’évolution des outils, mais aussi au moyen d’approches touchant à divers domaines techniques, dans une forme de transversalité donnant une large place à l’étude des systèmes. L’intégration du développement durable dans la section STI2D apporte aussi une dimension de transversalité, situant notamment la question énergétique comme une préoccupation commune, dont l’implantation est à renforcer. L’ingénierie industrielle se conjugue avec les approches environnementales et informationnelles pour une formation durable, dépassant les limites de l’employabilité à court terme.

Les enseignements technologiques s’organisent autour d’un tronc commun associant les aspects liés à la matière, à l’énergie et à l’information avec des enseignements de spécialités, davantage regroupés en classe de terminale. Les enseignements en sciences de l’information et de la communication se croisent avec les séries de l’enseignement général scientifique, alors qu’une approche générale des langues en inscrit l’enseignement dans une perspective « métier » (séances croisées avec les enseignements de spécialité).

Innovation technologique, éco-conception, simplification des filières

Système d’information et numérique, énergie et environnement, architecture et construction sont les quatre thématiques qui remplacent les sept spécialités STI. Les enseignements reposent sur une démarche d’analyse fondée sur trois points de vue complémentaires : « énergie, information et matière ». La conjugaison harmonieuse des trois permet d’aboutir à la création de solutions techniques en intégrant les contraintes propres au monde industriel, y compris le développement durable.

En STL (sciences et techniques de laboratoire), les biotechnologies et les sciences physiques et chimiques appliquées en laboratoire remplacent les trois spécialités (physique de laboratoire et de procédés industriels ; chimie de laboratoire et de procédés industriels ; génie biologique).

Ces modifications, si elles conduisent à des économies d’échelles, sont aussi dictées par la volonté de donner un caractère technologique durable, en s’inscrivant dans des épures suffisamment larges pour faire face à des évolutions technologiques et professionnelles à

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venir. Avec des formations plus polyvalentes, il est aussi plus aisé de proposer des classes passerelles et autres dispositifs de poursuite d’études. Si le numérique est nativement et explicitement présent dans quelques-unes de ces spécialités (systèmes d’information), il est évidemment inscrit au cœur des différents domaines d’ingénierie explicitement visés.

Enseignement général commun

Les nouveaux bacs technologiques s’appuient sur un tronc commun d’enseignement général de 17 heures en première et 7 heures en terminale, dont les objectifs et contenus sont proches de ceux des voies générales. L’obligation progressive de l’enseignement d’une seconde langue et la mise en place de l’accompagnement personnalisé viennent compléter le parallélisme entre voie technologique et générale.

22 – Les usages du numérique

Le numérique est souvent sollicité pour des activités de découverte, fondées en grande partie sur la simulation, les investigations, la recherche d’information, la collecte et enfin la production personnelle. Il connaît des exploitations de nature proche quand les élèves travaillent à la réalisation de leur projet, souvent appuyé sur des stages. On se situe ici dans le classique triptyque localisation / qualification / exploitation, avec toutefois la perspective d’une production personnelle qui prend une place prépondérante dans l’activité de l’élève.

Les activités pratiques liées aux métiers de la filière, de la bureautique à l’administration des réseaux, de la construction mécanique aux protocoles de maintenance, occupent une large place dans les enseignements, au titre de la maîtrise des outils professionnels. Les outils de simulation y tiennent une place croissante, comme un moyen de permettre à l’élève un accès plus fréquent et plus direct à des équipements trop onéreux et/ou dangereux.

Les disciplines générales s’appuient davantage que dans l’enseignement général sur les compétences des élèves, et recourent à des outils bureautiques ou à des ressources pédagogiques. Cette tendance est tout de même limitée par la faible disponibilité, pour ces enseignements, de salles équipées d’un ordinateur par élève.

Les activités liées aux projets des élèves sont l’occasion d’une large revue des usages potentiels, avec des activités aussi variées que la simulation, le prototypage ou le maquettage. L’approche est ici résolument technologique, visant à approcher l’ensemble des conditions de la mise en œuvre de la technique dans un large contexte professionnel, social, humain et à présent environnemental. La démarche est ici différente de celle de la voie professionnelle, qui s’intéresse davantage à la conception, la pré-industrialisation, l’industrialisation, la maintenance.

3 – Numérique et enseignement professionnel

31 – Disciplines professionnelles et générales : dualité d’approches

Dans l’enseignement professionnel, le numérique connaît des situations très différentes selon qu’on s’intéresse aux disciplines professionnelles ou d’enseignement général.

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Outils professionnels et outils de simulation pour des compétences métiers

Dans les disciplines professionnelles, c'est la maîtrise des « outils métiers » qui est mise en avant, dans le droit fil de l’objectif de professionnalisation. Le numérique y a une large place, non seulement liée au développement des outils numériques dans les différentes sphères professionnelles, mais aussi grâce au recours à des outils de simulation, éventuellement jusqu’aux serious games, pour développer des maîtrises difficiles à acquérir par un recours direct aux machines et équipements.

Dans les enseignements technologiques, l’approche est davantage tournée vers l’élaboration de conceptions technologiques autour d’activités de projet personnel ou collectif, par exemple autour des fonctions de représentation, de modélisation (enseignement tertiaire et industriel) et de mesure (industriel).

Les outils bureautiques sont sans surprise très présents dans le tertiaire, alors que les logiciels de modélisation et les instruments de création/fabrication sont mis en avant dans le secteur industriel. On notera que, si une tendance existe en faveur des logiciels libres chez les enseignants, les choix sont souvent faits en faveur d’outils propriétaires commerciaux, notamment de la gamme Microsoft pour la bureautique.

Des médias diversifiés pour des compétences informationnelles

Dans l'enseignement général, le souci de trouver des supports séduisants pour des élèves souvent en difficulté au collège vient se conjuguer avec l'objectif générique de maîtrise de l'information et des médias pour développer les compétences nécessaires à un usage pertinent, aussi bien du travailleur que du citoyen.

Le numérique est à la fois support d’enseignement et d’apprentissages disciplinaires, mais aussi composante essentielle de la maîtrise de l’information, sous toutes ses formes. On y rencontre beaucoup de travaux de découverte, appuyés sur des activités de recherche et d'exploitation de l'information. Ces activités se font sur des corpus de documents aussi ouverts que possible, et portent sur la construction de méthodes de recherche, d’appropriation, d’exploitation de l’information.

Les enseignements scientifiques (maths-sciences) s'appuient sur une mise en œuvre des outils disciplinaires souvent destinés en priorité à la voie générale (y compris des ressources destinées au collège). Dans les disciplines littéraires (lettres-histoire, langues), on privilégie davantage les médias, avec en particulier l'usage de séquences vidéos (Lesite.tv, Les jalons pour l‘histoire du temps présent, etc.) comme support d'apprentissage (langues) ou de réflexion (histoire). On notera aussi l'intérêt pour des applications comme Edugéo, qui constituent une sorte de fenêtre sur les environnements professionnels de type SIG.

Les acteurs consultés mettent en avant le besoin de médias riches et diversifiés à partir desquels ils peuvent élaborer leur propre cours. À l'inverse, les professeurs regrettent la faiblesse de l'offre éditoriale pour des filières et les disciplines (notamment professionnelles) qui ne présentent pas d’effectifs importants.

Des titres fortement didactisés pour le développement d’usages autonomes

Plusieurs acteurs soulignent l’importance des enseignements professionnels réalisés en langue étrangère, en s’appuyant sur des enseignements des disciplines « métiers » bénéficiant d’une certification en langues. Ce cadre nouveau crée les conditions de collaborations entre professeurs de langues et disciplines métiers, mais contribue aussi à faire émerger un besoin de ressources spécifique à ces activités nouvelles.

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On notera une tendance à l'utilisation d'outils d'accompagnement scolaire (Paraschool, Maxicours) pour permettre une activité plus autonome des élèves, mais sans que l'on puisse parler de généralisation. Ces outils sont mis en œuvre dans le cadre de projets développés au sein des établissements, que ce soit pour des activités personnelles d’approfondissement ou de soutien ou pour rechercher une démultiplication de l’efficacité des heures d’enseignement général. Les lycées professionnels revendiquent une démarche pragmatique sur ce point : la qualité des contenus de ces titres est souvent jugée sévèrement ; mais leur capacité à déclencher chez les élèves une forme d’activité, d’autonomie et d’apprentissages est jugée suffisante pour en justifier l’usage. Ce point de vue n’est pas partagé par les professeurs de lycées technologiques, qui considèrent la qualité disciplinaire et pédagogique comme indispensable.

D’après les enseignants consultés, le modèle du manuel scolaire numérique ne répond ni à la demande de médias riches et diversifiés, ni à celle de documents fortement didactisés. Il est trop restrictif dans ses droits d’usage pour la première, et trop scénarisé comme modèle d’enseignement pour la seconde.

Des dispositifs plus favorables aux usages

Les PPCP (projets pluridisciplinaires à caractère professionnel en lycée professionnel) sont une occasion de travail pluridisciplinaire utilisant largement les outils numériques, dans une démarche de production par les élèves. La recherche et le traitement de l'information y ont une place importante, souvent avec l'appui du professeur-documentaliste. La production finale, et en particulier sa qualité, revêt un caractère essentiel. La collaboration entre disciplines professionnelles et générales y est déterminante. Diverses initiatives s’inscrivent dans d’autres dispositifs, comme par exemple le Comité académique de la vie lycéenne (CAVL), qui permettent de conduire des projets transversaux en relation avec des acteurs de la société civile. De tels projets sont fréquents dans divers domaines, comme la maîtrise des médias, l’écocitoyenneté et le développement durable, ou les activités de vente et de commerce.

Les activités de projets conduites dans les voies technologiques, éventuellement associés à des stages, relèvent davantage de véritables projets d’études, proches des conceptions de la technologie et de l’ingénierie. Les enseignants des disciplines générales y sont moins présents, même si la qualité de la langue et de la présentation revêtent une importance particulière.

On soulignera aussi l’importance des usages dits de « vie scolaire » (notes, absences, cahier de textes, etc.), qui conduisent à généraliser le recours au numérique en réseau pour l’ensemble des acteurs. La multiplicité des outils est ici une difficulté significative (Scolastance + Molière, Téléscol + Sconet absences, etc.), mais les blocages les plus importants viennent de la difficulté à donner à chaque acteur la place qu’il considère être la sienne dans cette organisation. Les usagers d’Educhorus sont globalement satisfaits ce cette solution.

32 – Les ressources

L’offre

Pour des raisons de facilité d’exploitation, la catalogue de ressources Corrélyce se concentre sur des ressources exclusivement « en ligne ». Les usages métiers s’appuient toutefois aussi souvent sur des logiciels de taille importante, aussi coûteux que souvent délicats à mettre en œuvre.

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Les ressources numériques spécifiques pour les lycées techniques et professionnels sont assez rares. Pour les disciplines « métiers », les outils professionnels (surtout industriels) sont à privilégier, mais les offres commerciales accessibles au budget des établissements scolaires restent rares et surtout difficiles à recenser : bien que le marché soit sensible aux demandes de tarifs négociés pour le scolaire, elles s’inscrivent souvent dans des logiques de partenariats bilatéraux, à propos desquelles les informations circulent plus ou moins entre les professionnels, que d’une offre globale et structurée accessible pour l’ensemble des établissements.

En matière d’information technologique, des titres comme Sciences de l’ingénieur ou Sagaweb (service de l’Afnor permettant d’accéder aux normes) sont souvent demandés, mais restent difficilement accessibles. Dans le domaine des publications de référence, comme Technique de l’ingénieur, l’offre est structurée davantage en direction de filières d’ingénierie, à des tarifs souvent prohibitifs. La réalisation d’une offre « lycée » est accueillie assez favorablement par l’éditeur, mais elle exigerait un redécoupage des contenus jugé trop lourd au regard du besoin qui s’exprime. Pour Sagaweb, l’Afnor a fait une offre dans le cadre d’un conventionnement avec le ministère de l’Éducation nationale, mais le mode de contrôle des accès choisi (les adresses IP) est incompatible avec la structure du réseau de desserte des lycées.

Pour les disciplines d’enseignement général, les titres les plus utilisés sont soit les ressources transversales (usuels, banques vidéos comme lesite.tv, etc.), soit les titres disciplinaires destinés au lycée général, voire au collège. L’offre numérique destinée spécifiquement aux lycées technologique et professionnel se cantonne principalement aux langues vivantes, avec quelques titres - le plus souvent importés de pays nordiques - dédiés à l’usage de l’anglais dans divers secteurs professionnels.

Les changements de programme peuvent se révéler très destructeurs pour des offres patiemment construites par les éditeurs : les éditeurs de produits d’accompagnement scolaire (notamment Maxicours, Paraschool) ont réalisé un réel effort pour recomposer, à partir de leurs contenus existants, des offres spécifiques aux différentes classes technologiques et professionnelles. La refonte du programme, jointe à l’étroitesse du marché, conduit au retrait global de l’offre, sans réelle perspective de recomposition.

L’usage

Les usages progressent de façon continue depuis le déploiement de Corrélyce en 2007, comme dans l’ensemble des établissements. On peut considérer qu’ils concernent entre un enseignant sur quatre et un enseignant sur cinq, en progression régulière et très solide. On n’assiste pas à des variations de croissances très importantes, mais à des taux réguliers dans le temps.

Quant à la nature des usages constatés, ils sont le plus souvent assez basiques : l’usage de médias comme support du cours est le plus fréquent, et une vidéo de quelques minutes suffit alors souvent à alimenter plusieurs semaines de cours. Les statistiques sont alors trompeuses, un seul téléchargement étant utilisé ensuite dans une Préao pendant une longue période : le nombre d’accès en ligne peut ici se révéler un fort mauvais indicateur ; quant au temps passé directement sur le support en ligne ou hors ligne, il n’est pas non plus significatif (une simple visualisation peut servir de support à une diversité d’activités, qui n’existent que du fait de l’usage du numérique).

Les enseignants donnent souvent la préférence au téléchargement, les usages en ligne étant encore souvent jugés trop hasardeux. Les usages directs par les élèves, individuellement ou à deux, sont cités pour les travaux de recherche et de production personnelle, éventuellement poursuivis au CDI.

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Les enseignants consultés disent souvent répugner à donner des travaux à réaliser en ligne à l’extérieur, en raison des différences existant entre les familles en termes d’équipements personnels ou de connectivité. De tels usages sont pourtant en progression croissante, en particulier pour les projets personnels, les rapports de stage, etc.

D’une manière générale, on peut distinguer plusieurs niveaux d’appropriation des ressources numériques par les enseignants : dans un premier temps, ils vont développer une compétence personnelle, mise en œuvre pour les préparations de cours ; ensuite, c’est la présentation publique utilisant un dispositif de visionnement collectif qui va constituer le premier niveau d’usage de classe ; enfin, et c’est plus compliqué, on parviendra à un niveau de compétences permettant d’envisager de faire utiliser les terminaux directement par un groupe d’élèves, en classe. De ce point de vue, le constat de préférence donnée à des médias généralistes peu ou pas didactisés, s’il s’inscrit dans une démarche d’élaboration de son propre cours, peut aussi être lié à des usages qui ne mettent pas l’élève en activité autonome devant l’ordinateur. Pour cela, qui constitue une sorte de stade ultime, les ressources didactiques jouiront sans doute d’une plus grande estime.

L’accès

L’accès aux ressources en ligne est largement rendu possible par Corrélyce. Il n’est donc pas évoqué comme un problème, au contraire de ce qui se passe dans d’autres régions. L’accès individuel par login et mot de passe sur l’ensemble des ressources allouées à l’usager par son établissement est à même de répondre aux besoins, largement au-delà des usages constatés aujourd’hui.

Les usages domestiques restent rares pour les élèves (plus fréquents pour les enseignants), et uniquement dans le cadre de prescriptions explicites (on a vu que les enseignants répugnent à ces prescriptions). Les travaux personnels s’appuient toutefois davantage sur des formes de libre service, plus ou moins officielles (possibilité laissée par l’enseignant d’accéder à un poste d’un atelier ou d’un labo alors qu’il y est présent avec d’autres groupes, usage de postes du CDI, etc.).

On constate aussi que les usages scolaires dans les espaces publics numériques (les Espaces régionaux internet citoyens – ERIC - en région PACA) restent rares, et qu’ils échappent quasi complètement à la sphère scolaire. Les accords entre les lycées et les ERIC sont quasi inexistants, et les élèves qui les utilisent le font sous leur initiative individuelle. C’est pourtant un domaine dans lequel l’action régionale pourrait trouver facilement une cohérence.

La gestion

Dès lors que l’on a affaire à des ressources du marché, la gestion financière et comptable occupe une place importante. Les modes de gestion de Corrélyce (attribution automatique d’un « bouquet » de ressources à tous les lycées + fonds subventionné disponible dans chaque lycée en début d’année) est à présent bien connue, même si des difficultés de mise en œuvre ressurgissent chaque année çà et là.

Les sources de financements possibles pour les lycées techniques et professionnels sont aussi plus larges et diverses que les celles des lycées généraux : taxe d’apprentissage, subventions spécifiques pour les enseignements « métiers », accords de partenariats, etc. viennent complexifier le dispositif, et donnent une importance particulière au rôle du chef de travaux, qui conduit une optimisation permanente des moyens qu’il a pu réunir. Le moins que l’on puisse dire est qu’il est difficile de créer les conditions d’une transparence sur les moyens utilisés pour les ressources dans les lycées techniques et professionnels.

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L’arrivée cette année du dispositif CCR (Catalogue chèque ressources, sorte de droit de tirage sur crédits d’État permettant aux établissements d’acquérir des ressources numériques) vient encore complexifier le dispositif : il n’existe que dans 13 académies (en région PACA, l’académie d’Aix-Marseille en bénéficie, mais pas celle de Nice), et il met en place un mode de gestion alternatif avec ses règles propres (abonnements de date à date, alors que Corrélyce fonctionne sur l’année scolaire ; tarifications spécifiques, avec des seuils d’effectifs différents de ceux de Corrélyce et des offres publiques, etc.).

Le couplage abonnement CCR – accès Corrélyce, au travers d’un abonnement Corrélyce à 0€ permettant de faire le lien entre les deux, a permis dans quelques cas de reconstituer une approche globale, et donc de faciliter une gestion inscrite dans une politique documentaire d’établissement. Mais les lycées technologiques, notamment, présentent souvent un éparpillement des dispositifs entre TICE, CDI, chef de travaux, etc. qui ne permet que difficilement de concevoir et de mettre en œuvre une politique documentaire globale.

Les établissements éprouvent des difficultés certaines à jouer de la palette de dispositifs qu’ils connaissent généralement assez mal. L’information donnée à un moment donné sur tel ou tel dispositif est difficilement intégrée à un ensemble, et surtout s’estompe rapidement au bout de quelques semaines. À l’heure de prendre des décisions, de déclencher les actions, il est souvent difficile de le faire en bonne connaissance de cause.

4 – Observation de pratiques en lycée professionnel

Pour mieux comprendre les fonctionnements à l’œuvre au-delà de l’analyse du cadre prescriptif, nous avons rencontré des enseignants de deux lycées professionnels d’Aix-en-Provence, un professeur d’anglais au lycée Gambetta et un chef des travaux du lycée Vauvenargues.

De manière globale, il ressort que dans l’enseignement général, l’approche des contenus numériques est souvent plus aisée pour ces élèves de lycée professionnel, en ce qu’ils trouvent sur le terrain technique une base familière. Le recours au numérique permet de sortir du cadre traditionnel « papier / crayon » qui est souvent synonyme de difficulté, d’échec, voire de souffrance pour des élèves souvent orientés dans le domaine professionnel en raison de faiblesses dans l’enseignement général.

On rencontre, en fonction des projets des établissements, des pratiques de travail en autonomie utilisant des ressources éditoriales d’accompagnement scolaire. Ces solutions sont mises en œuvre pour répondre à des situations liées à des difficultés particulières, ou encore pour faciliter la transition vers le bac pro en 3 ans pour les élèves en cours de cursus au moment de la réforme.

Le développement de stages à l’étranger a révélé des besoins spécifiques, liés à la maîtrise de la langue. L’usage de la baladodiffusion permet de prolonger à l’extérieur une pratique de la langue initiée en laboratoire multimédia.

41 – État de la prescription

Comme dans d’autres secteurs, la prescription de l’usage du numérique est généralisée dans les programmes et directives adressées aux enseignants. Mais l’approche de la technique est ici plus familière, au moins pour les élèves, et les moyens sont abondants, même s’ils ne sont pas naturellement ouverts aux usages de l’enseignement général.

Dans les établissements consultés, la sollicitation accompagnant Corrélyce (regroupements, visites en établissement, communication) a conduit à activer un relais au sein de l’établissement, qui a joué une fonction de médiation auprès des enseignants. C’est par

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exemple un professeur documentaliste qui se fait le relais du dispositif pour inciter les enseignants à tester, puis à choisir les titres, ou le chef de travaux qui trouve un moyen de diversifier et de développer ses moyens d’enseignement.

Les modalités les plus souvent citées s’inscrivent dans le recours à des ressources vidéo pour structurer des séquences pédagogiques, en classe entière ou par groupe. Les documents vidéos sont insérés dans des séquences entièrement construites par le professeur pour répondre aux exigences des nouveaux programmes (par exemple, systématisation de l’évaluation en langues à l’oral).

On souligne aussi la généralisation de la prescription, dans toutes les disciplines professionnelles, du recours à la documentation numérique, que ce soit pour la recherche d’information ou les dossiers techniques. Certaines épreuves du bac professionnel s’appuient d’ailleurs sur de telles documentations numériques. En outre, le développement d’heures d’enseignement « métier » en langue étrangère, qui tend à se développer, crée un besoin nouveau, lié à la forte disponibilité d’information numérique au sein des pratiques professionnelles.

A noter aussi l’usage de l’EXAO en sciences physiques, qui fait l’objet d’une épreuve sur ordinateur pour le bac.

42 – Exemples d’usages

En langues vivantes, l’usage de séquences issues du site.tv est une solution souvent mise en œuvre. Lesite.tv propose des séquences de reportages d’Euronews, sur des sujets scientifiques ou techniques, dans les cinq langues de diffusion de la chaîne. Les bandes son sont réenregistrées pour une écoute plus facile. Ces séquences de quelques minutes offrent un support très apprécié, qui trouve un prolongement naturel dans la baladodiffusion. Diverses ressources commerciales, comme A l’écoute des médias ou les titres de l’éditeur finlandais Lingonet (anglais dans les milieux professionnels) permettent l’accès à une langue de locuteurs natifs, dans des environnements faciles à mettre en œuvre.

Autre exemple, des séquences complètes du site de TV5 sont utilisées en autonomie par les élèves en baladodiffusion, avec un objectif final de production orale en continu ou en interaction. Ces ressources sont alors utilisées en travail à domicile ou en travail individuel et en autonomie en classe.

Dans un tout autre registre, on peut citer l’exemple d’un projet pluridisciplinaire « Paysages et territoires », appuyé sur des vidéos proposées par l’INA. Le visionnement de la vidéo sur l’inauguration de la Cité radieuse (Le Corbusier) a permis d’engager avec la classe le travail préparatoire à la visite.

Comme on le voit, le nombre de ressources utilisées reste très faible, alors même que l’exposition des élèves au numérique est tout à fait significative. Les usages restent basiques, les séquences étant construites par les enseignants autour de ressources quasi brutes.

43 – Le dispositif et ses limites

Corrélyce installe un cycle de renouvellement des subventions calé sur l’année scolaire, qui conduit à réaliser la plupart des acquisitions en avril-mai pour l’année scolaire suivante. Cette disposition est pratique pour disposer d’une ressource sur l’ensemble de l’année scolaire, mais les décisions d’achat arrivent un peu tard pour pouvoir accompagner l’usage dans un projet de formation, déjà calé à cette date.

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La question des équipements est aussi centrale : cette professeure de langue souligne que « le lycée dispose depuis peu de deux salles informatiques réservées aux matières générales, ce qui facilite l’utilisation régulière du portail ». Cela révèle que ce n’était pas le cas auparavant, malgré un taux d’équipement confortable, et surtout que les parcs sont répartis en enseignement général et professionnel, ce qui ne permet pas la meilleure optimisation des utilisations.

La présence des techniciens STIL (un STIL pour trois lycées) facilite considérablement la mise en œuvre des équipements, même si elle s’accompagne de contraintes liées à la standardisation des configurations. Les fonds d’écran de tous les ordinateurs du lycée arborent en leur centre le « logo » Corrélyce, ce qui est une incitation à la consultation du portail. De même, les navigateurs sont paramétrés pour ouvrir les sessions sur le portail Corrélyce.

Les enseignants les plus informés déclarent attendre avec impatience un ENT qui simplifie l’accès aux ressources numériques, avec une attente d’unification des mots de passe (« IACA, Pronote, Corrélyce, B2i, etc. : la phase d’identification systématique sur le portail Corrélyce pourrait y être intégré »). On notera que l’attente exprimée ici se limite à des fonctions techniques de base (SSO), sans tenir compte des contraintes associées (le SSO ne sera pas utilisé pour les ressources locales), sans aller vers les fonctionnalités propres de l’ENT.

44 – Le contexte ressources

« Un abonnement à la ressource Reflex English Pro Cambridge a fortement échaudé les professeurs de langue puisque nous n’avons jamais pu l’utiliser. » Ce dysfonctionnement, souvent constaté avec ce titre, n’a pas trouvé de solution efficace avec le distributeur KNE. On soulignera que ce genre de situation éloigne de façon durable les usagers du numérique, en forgeant une réputation d’outil trop aléatoire pour être utilisé. La faible réactivité du distributeur (voir même son absence de réactivité) conduit ici à éloigner durablement les enseignants non seulement de la ressource concernée, mais bien au-delà de l’ensemble des ressources de ce distributeur, voire de l’ensemble des ressources en ligne commerciales.

Les usages du lycée ont cependant pu démarrer malgré cela grâce à l’offre de ressources financées par la Région (le bouquet Région). Sans lui, l’échec de Reflex aurait bloqué durablement la situation. Aucune ressource payante n’est achetée à ce jour, les enseignants se satisfont de celles attribuées.

Dans ce lycée, les plus utilisées sont : « le Site TV5, les archives de l’INA (pour l’illustration de séquences déjà réalisées), l’Encyclopedia Universalis, le Monde ». On soulignera ici que, malgré le haut niveau d’information de la personne interrogée, qui est aussi personne ressource dans un Point Ac@r, les confusions sur les ressources sont nombreuses : lesite.tv est abusivement associé à TV5, les archives de l’INA sont en fait le titre éditorial les Jalons pour l’histoire du temps présent, Le Monde désigne en fait les archives du journal et pas le journal lui-même, qui nécessite un abonnement payant. Il reste bien difficile d’élaborer des usages critiques, réfléchis et pertinents en s’appuyant sur ce niveau d’information sur l’offre en présence.

Les langues vivantes, et en particulier l’anglais, ont un statut particulier dans l’enseignement professionnel. Usage de l’anglais dans les documentations techniques, stages à l’étranger, développement de la mobilité professionnelle sont autant de raisons de développer des compétences dans ce domaine. La récente réforme prévoit par ailleurs que les épreuves du bac sont intégralement passées à l’oral, modifiant de fait la nature même des apprentissages visés.

Très peu de ressources disciplinaires se révèlent aujourd’hui adaptées à cet enseignement, à l’exception de Business Territory pour les classes de seconde, première et terminale bac pro

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vente, accueil relation clients, secrétariat ; Financial English (Expert Gallery) pour les BTS, Hair salon pour les CAP coiffure, Hospital room pour les CAP, Harrap’s Unabridged Pro en ligne et Vox Pop (cependant non centrée sur une approche professionnelle mais culturelle).

Ces ressources, à l’exception du dictionnaire Harraps, sont toutes issues de l’éditeur finlandais Lingonet (et distribuées par I-Top). Elles ont une approche communicationnelle de l’apprentissage et sont directement destinées à une maîtrise de la langue adaptée à l’exercice des métiers visés. Certaines relèvent d’une méthode constructiviste (Business Territory, Financial English, Vox Pop, se rapprochant par certains côtés de la conception de serious games. Cette caractéristique permet au professeur de construire un véritable parcours d’apprentissage et de l’intégrer très facilement à son projet pédagogique. Les modalités (travail en autonomie, en pair work, en groupe…) ainsi que les exercices sont variés et les séquences abordent les cinq compétences (production orale en interaction, production orale en continu, production écrite, compréhension de l’oral, compréhension de l’écrit).

D’autres titres suscitent l’intérêt mais ils restent très centrés sur une approche civilisationnelle de l’apprentissage de l‘anglais, approche traitée sans avoir besoin d’être abonné à une ressource autre que celles présentes dans le bouquet Région :

Un titre comme Me2 ! (anglais pour les débutants) peut présenter un intérêt par rapport au besoin spécifique de l’enseignement professionnel, mais le recours systématique au français le rend difficilement utilisable en classe (questions de compréhension, en particulier).

La série A l’écoute des médias, si elle répond bien aux attentes du Cadre européen en matière de textes authentiques, n’est pas entièrement adaptée à l’enseignement professionnel : la version collège/seconde souffre du même défaut que Me2 ! ; la version lycée, très judicieusement conçue, apparaît complexe, avec en outre une partie « repérage d’informations, prise de note » étonnamment creuse. Quant à EduMaxicours, les parties phonologie, méthodologie, grammaire ou cours de civilisation n’ont aucun intérêt en lycée professionnel ; en revanche les quizz associés à la vidéo interactive sont jugés assez ludiques et bien construits.

On soulignera toutefois l’originalité d’Educanet TV, service qui archive et indexe les émissions des télévisions locales, de façon analogue (toutes proportions gardées) à ce que fait lesite.tv pour les télévisions publiques. Les vidéos traitant de la vie professionnelle gagneraient à être connues des collègues des disciplines professionnelles.

45 – Convergences / divergences avec le supérieur

La nature de l’enseignement professionnel ne favorise pas les convergences dans ce domaine, à l’exception des BTS qui sont le débouché le plus naturel en poursuite d’études pour les élèves de bac pro. Pour ces élèves, qui développent des formes de mobilité internationale et des échanges, notamment dans le cas de stages, maîtriser la langue véhiculaire en environnement professionnel se rapproche des objectifs de l’enseignement professionnel, de manière sans doute encore plus vive, le besoin d’efficacité communicationnelle étant essentiel.

Les approches sont probablement plus largement divergentes avec les autres filières, IUT notamment et surtout filières longues. Les approches civilisationnelles y ont une importance accrue, de même que l’écrit, la grammaire, etc. La formalisation des niveaux requis autour de résultats au Test of English for International Communication (TOEIC), par exemple, marque bien cette différence d’approches.

Dans les autres disciplines, l’équilibre convergences/divergences suit des pistes analogues. D’un côté, une forme de filière BTS / licence et master professionnels, se place davantage en continuité possible avec l’enseignement professionnel, avec des approches plus pratiques

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et proches des métiers. Les usages potentiels des TICE et des ressources numériques y apparaissent proches, du moins en ce qui concerne ce volet métier. On s’en éloigne au contraire pour les enseignements davantage théoriques ou technologiques, qui mettent en œuvre des compétences différentes.

D’autre part, les filières IUT et LMD, avec toutes les passerelles correspondantes, donnent lieu à des formes d’enseignements donnant une large place à la théorie, en franc décalage avec l’enseignement professionnel.

On identifie toutefois un domaine commun autour des activités de projets, dans une perspective de recherche d’information – exploitation – production. De ce point de vue, les compétences requises, notamment dans le registre documentaire, sont proches et peuvent donner lieu à des croisements féconds dans les pratiques.

Les expériences citées dans le rapport sur des collaborations CDI-SCD cosigné par l’inspection générale de l’Éducation nationale et l’inspection générale des Bibliothèques en 200925, révèlent clairement les gisements de valeur ajoutée et d’amélioration des résultats des élèves – étudiants que l’on peut en attendre.

5 – Conclusions

Prescription nationale et projet local

Dans un contexte général de réformes, les lycées ont la responsabilité de la mise en œuvre d’une prescription largement renouvelée. Les chefs de travaux ont souvent un rôle déterminant en la matière.

D’une manière générale, l’articulation entre la prescription nationale, le projet local et l’intervention de la collectivité reste un sujet difficile. Cela est particulièrement le cas pour ce qui concerne les services et contenus numériques, et donc les environnements correspondants.

Il serait utile de conduire une analyse spécifique des besoins en la matière, de façon à pouvoir proposer aux lycées technologiques et professionnels un ensemble de services permettant de créer les conditions d’un développement cohérent des usages du numérique, intégrant les aspects de pilotage, et permettant de faire un lien aisé entre la prescription nationale et le projet de l’établissement.

Les usages

Les usages du numérique dans les enseignements techniques et professionnels peuvent être identifiés globalement dans quatre registres principaux :

• Un registre généraliste, largement lié aux activités de projet. On y réalise des activités de recherche et de qualification d’information, de production, de diffusion, de référencement, etc. Ces activités se rapprochent de celles pratiquées dans l’enseignement général, même si les objectifs en sont différents, liés au contexte métier des enseignements.

• Un registre lié à l’usage de produits didactiques, malgré la faiblesse des offres spécifiques aux modes d’enseignement visés.

25http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2009/47/1/Former_a_la_documentation_9_mars_ version_definitive_133471.pdf

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• Un registre métiers, lié à la maîtrise des outils des professions visées dans la perspective de futures activités professionnelles.

• Un registre plus spécifique, lié aux spécificités des enseignements techniques et professionnels, avec notamment des ancrages dans les domaines de la modélisation, la mesure et la simulation.

Les usages du numérique occupent une large place dans les enseignements techniques et professionnels, mais sans pour autant que cela s’inscrive dans une offre de contenus ou une conception clairement affichés.

Les équipements

En région PACA, les politiques d’équipements ambitieuses suivies depuis près de vingt ans conduisent à des taux plus favorables que sur l’ensemble du territoire, proches des objectifs nationaux.

Cela concerne notamment les postes de travail (un pour cinq à six élèves), mais aussi les infrastructures correspondantes, qu’il s’agisse des câblages VDI des bâtiments, des équipements en serveurs et services internes, des interconnexions, etc.

La présence des STIL est un avantage déterminant, qui permet d’assurer une mise en œuvre pertinente et efficiente.

Organisation

Globalement, et malgré des équipements globaux satisfaisants, de nombreux enseignants des disciplines générales font état de difficulté à accéder aux équipements, en particulier pour les salles informatiques. Au-delà, les accès en libre service, jugés indispensables pour de nombreuses activités personnelles, sont rares et sur des plages de temps peu étendues.

Cette situation n’est pas directement liée aux équipements, mais à leur mode d’exploitation. Le libre service est largement limité par l’impossibilité d’organiser une surveillance adaptée (jugée indispensable) ; la disponibilité plus faible pour les enseignements généraux est fortement liée à des séparations fonctionnelles entre les domaines général et technique, ce dernier disposant en général d’équipements importants, quelquefois de configurations spécifiques, mais souvent quasi jalousement protégés.

À ce stade, il paraît indispensable d’envisager des modes de gestion et d’exploitation plus adaptés, permettant des mutualisations efficaces. Cet aspect concerne directement des modalités d’organisation interne de l’établissement.

Les entretiens conduits mettent clairement en évidence le rôle déterminant du chef des travaux, à présent reconnu comme membre de l’équipe de direction, et qui devient un cadre pédagogique de l’établissement. Il est notamment un acteur essentiel dans la rationalisation de l’exploitation des équipements et dans la mise en place de modes d’organisation permettant d’en optimiser l’usage.

Environnements

À l’heure de la conception de nouveaux environnements éducatifs, il convient d’analyser avec soin les attentes et les besoins. L’arrivée de services-socle, comme le SSO et les stockages personnels et partagés, permettront de rationaliser l’exploitation et de réduire le recours à des services externes, trop diversifiés. Pour autant, les établissements restent très

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attachés à la possibilité de choisir leurs outils et services, ce qui va dans le sens d’un modèle d’environnement tournant le dos à des modes d’intégration verticale, au profit d’une large ouverture et d’une intégration horizontale.

De ce point de vue, le principe intégrateur de Corrélyce, qui a fait ses preuves, peut servir de modèle en matière de publication des interfaces, étendant l’ouverture « ressources » de Corrélyce à une ouverture davantage orientée vers les services.

Ressources

Si l’usage des ressources transversales se développe de façon comparable aux autres domaines d’enseignement, la faiblesse de l’offre de ressources pédagogiques et didactiques adaptées reste une difficulté. A part quelques titres issus d’éditions étrangères, on se trouve souvent réduits à utiliser des ressources destinées aux filières générales, avec des décalages de programmes alourdissant les tâches des enseignants.

S’agissant des ressources des disciplines technologiques et professionnelles, le référencement dans le catalogue Corrélyce reste largement insuffisant. Les établissements s’appuient sur des négociations, souvent bilatérales, qui ne permettent pas de mettre à plat l’offre, comme c’est le cas pour les autres domaines. Une action spécifique devrait être conduite dans ce domaine, nécessitant une intervention concertée avec les différents acteurs du domaine.

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Enquête d’usages des TIC, 2012

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Ressources numériques et pratiques pédagogiques au lycée - Questions vives 2012

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____________________________________________________ Collection « Les Cahiers de l’Orme » - Millésime 2.12, n°5 Directeur de la publication : Jacques Papadopoulos Responsable de collection : Isabelle Bréda Publication septembre 2012