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Quel avenir pour les aires protégées africaines ? Par Pierre Jacquemot Les dossiers

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Page 1: Quel avenir pour les aires protégées africaines...Kahuzi Biega menacé Le parc de Kahuzi Biega apporte une autre illustration des menaces qui pèsent sur les parcs de la région

Quel avenir pour les aires protégées africaines ?

Par Pierre Jacquemot

Les dossiers

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La faune sauvage des réserves et des parcs africains est menacée par diverses

nuisances,l’extractionillégaledebois,lesdéfrichementsnoncontrôlés,lebraconnage,l’emprise des mines… Dans un tel conteste, les communautés concernées devraientdevenir des partenaires actifs des pouvoirs publics dans la lutte contre l’exploitationincontrôlée des ressources de ces aires «mal protégées», et ainsi assurer plusefficacementlaprotectiondelabiodiversité.Encorefaut-illeurreconnaîtrecedroit.

Tsavo,Kenya,(créditphotoP.Jacquemot)

Dans l’imaginaire européen, l’Afrique est indissociablement liée à sa faune. Lions,éléphants, rhinocéros,girafes,guépards,hippopotames…nesontquequelques-unsdesanimauxemblématiquesqu’abritececontinent.15600espècesd’animauxetd’oiseauxysont comptabilisées. L’histoire africaine est longue en matière de conservation de safaunesauvage.LepremierparcnationalcrééenAfrique,leParcnationalKruger,datede1898.IlfutsuiviparleparcnationalAlbert(aujourd’huiVirunga)crééen1925auCongobelge. Après les indépendances, plusieurs États, reconnaissant l’importance de laprotectionde leursressourcesnaturelles,mirentenplacedenouvellesairesprotégées,souventavecl’aided’associationsenvironnementalesinternationales.La plupart des pays africains disposentaujourd’hui de zones désignées comme parcs

privés,réservesdechasse,réservesforestières,réservesmarines,réservesnationalesetparcs naturels. Tous ces parcs ont vocation de protégerla faune et de la flore; ils ontégalement un rôle économique important pour les différents pays compte tenu del’intérêttouristiquequ’ilsprésentent.Il ne sera question ici que des aires protégées terrestres. Nous allons voir dans une

première partie que ce patrimoine est en danger. 19% de la faune africaine estconsidéréecommemenacéeparl’Unioninternationalepourlaconservationdelanature

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(UICN). Les réseauxd’aires protégées sont fortement soumis à des tensions sans cessecroissantes, qu’il s’agisse de pressions de la chasse – dont le grand braconnage pourl’ivoire–maisaussidepressionsplusrécentesetquivontens’intensifiant,commecelledes projets d’exploitationminière ou pétrolière. Des efforts sont entrepris au titre desconventionsinternationales.Dansunedeuxièmepartie,nousexamineronsleurefficacitérelative et présenterons quelques situations à valeur d’exemples. Enfin, nousexaminerons dans une dernière partie les trois approches proposées pour une gestiondurabledesparcs et réserveset constateronsque l’inclusiondes communautés localesreste l’élémentcrucialpourque lesairesprotégées remplissent leurdoubleobjectifdedéveloppementetdeconservation,soitenlesassociantàlagestionduparc,soitenleuroffrantdesoptionsalternativesdanssesabords:agriculture,foresterie,écotourisme.

SelousGameReserve,Tanzanie(créditphotoP.Jacquemot)

1. GravesmenacessurlafaunesauvageParmi les 2970 espèces animales en voie de disparition dans le monde, l’Afrique

compte le plus grand nombre d’espèces inscrites comme «en danger critiqued’extinction» et «en danger».Les causes sont connues: chasse et braconnage,défrichementincontrôlé,croissancedel’empriseagricole,pastoralismeitinérant,feuxdebrousse,déforestation,traficd’animaux,projetsminiersetpétroliers…L'exploitationetlecommerceintensifsdecertainesespèces,auxquelss'ajoutentd'autresfacteurstelsqueladisparition des habitats, peuvent épuiser les populations et même conduire certainesd’entreellesauborddel'extinction.

LaVirungaetlaSalongaengranddanger

SurleshuitparcsnationauxexistantsenRDCongo,cinqsetrouventdansl'estdupays:laVirunga,laSalonga,laGaramba,leKahuziBiega,etl’Okapi.Ilssonttousinscritssurlalistedupatrimoinemondialenpéril.Commecesparcsoccupentunepositionstratégiquelelongdelafrontièreorientale,ilssontutiliséscommepointsdepassageparlesdiversesforces armées et groupes rebelles qui se livrent au braconnage d'éléphants pour lecommercedel'ivoireettuentlegibieretlesespècesrarespourenfairedelaviandedebrousse.Lespopulationsdéplacéess’yinstallentpourassurerleursubsistance,défrichent

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etabattentlesarbres.Lesparcssontnotammentmenacésparlafabricationdumakala,lecharbondebois.Desréseauxorganiséscoupent lesacaciaspuistransforment leboisdansdesfoursàpeinedissimulésdans lescollines.Vud’avion, lesparcssonttruffésdesitesdéboisésd’oùsortunefuméegrise.L’exploitationartisanale,enpartieillégale,desminerais(coltan,cassitérite,or)quis’ytrouventsouventaunimpactsurlapollutiondeseauxdesrivièresetladestructionducouvertvégétal.DanslaVirunga,lepluscélèbredesparcs,installésurlespentesduvolcanNyiragongo

lesincidentssontfréquents.Dansunclimatdeguerrecivile,l’insécuritéyrègne;endeuxdécennies,170gardesduparcontétéassassinés. Lesmenacesont récemmentprisuntourtrèsinquiétant.

Legouvernementde laRDCongoa leprojetdeclasseren«zoneà intérêtpétrolier»

dansdeuxparcsnationaux,celuidelaVirungaprécisément,maisaussiceluidelaSalongaquis'étendquantàluisurunesuperficiede33350km2dans3provinces,cequienfaitleplus grand parc national forestier du continent. La zone qu’il est prévu d’installerconcerneautotal172075hectaressoit21%delasurfacetotaledesdeuxparcs.Dans laVirunga, les réservespétrolières sontestimées à̀6758milliardsdebarilsavec

desrecettesbudgétairesattenduesdeseptmilliardsdedollars.Déjàenjuin2010,JosephKabila, lechefde l’État,avaitautorisé l’explorationdessolsdesconcessionsrecouvrantprès de 85% de la surface de la Virunga pour déterminer l’étendue des surfacespétrolifèresexploitables.LasociétébritanniqueSOCOInternationalcommençaalorsdesactivités d’exploration. Emmanuel de Merode, le directeur de parc fut gravementblessédans uneembuscadesur la route entreGomaet Rumangabo en2014. Peu avantcetteagression,ilavaitdéposé,auprèsduprocureurdelaRépubliqueàGoma,undossierà la suite d’une longue enquête sur SOCO International, avant de renoncer quatre ansaprès, soumis à une forte pression des environnementalistes. En 2017, la SociéténationaledeshydrocarburesduCongo(Sonahydro),propriétédel’Étatcongolaisasignéun «accord de principe» pour réattribuer le permis de SOCO à une société,OilQuestInternational où l’on retrouve certains de ses dirigeants. Début, 2018, Joseph Kabila aautorisélaCompagnieMinièreduCongo(COMICO)àexplorerunautreblocquisesitueenpartiesurlaSalonga.Pourtant,touteexplorationcommetouteexploitationextractivedans ces deux parcs, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, sont interdites auregardde la loicongolaise (loidu22août1969sur laconservationde lanature)etdesconventionsinternationales.

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RangersavecEmmanueldeMerode,conservateurduparcnationaldesVirunga

(créditphoto,médiacongo)

Devant le risque grave et irréversible de dégradation des aires protégées congolaisesparmilesplusrichesdemonde,l’UNESCOaexprimé«saprofondepréoccupation».LesONG locales et internationales ont de leur côté demandé l’arrêt de ces projets endénonçant des conséquences catastrophiques pour l’environnement. Le parc de laSalonga abrite en effet près de 40% de la population mondiale de bonobos,uneespècedeprimatesde lafamilledesHominidés en voie de disparition, tandis queceluidesVirungaconstitueunhabitatvitalpourdenombreusesespècesprotégées, leshippopotames, les éléphants et certains parmi les derniers gorilles des montagnes aumonde.

KahuziBiegamenacé

LeparcdeKahuziBiegaapporteuneautre illustrationdesmenacesquipèsentsur lesparcsde larégion.Situéà50kmdeBukavuauSudKivu,toujoursenRDCongo, ilaétécréé en 1970 d’abord dans une zone de haute altitude, avant d’être étendu avecl’adjonctionde6000km2deforêtstropicaleshumides.Ilestgéréparl’Institutcongolaisdeconservationde lanatureetbénéficied’unappuide l’Allemagnedepuisvingtans. Ilsubitaujourd’huitoutelagammedesnuisances.Le parc regorge de ressources fauniques extraordinaires: l’éléphant Loxodonta, le

chimpanzé troglodyte, le cercopithèque de Hamlyn, le mangabé à joues blanches, lebabouin doguera… Les oiseaux qui s’y trouvent portent des noms aristocratiques:l’eurylaime de Grauer, le bagadais d’Albert, le phyllanthe de Chapin, l’echenilleur deBagadais,lecossyphed’Archer,lepriritdeRuwenzori,lesouimangadeRockfeller,etl’undesplusbeaux, legobemouchedeBerlioz.L’animalsymbolereste legorilledesplaines(gorillagorillagraueri)audosargenté,espèceuniqueaumonde,avecsesmâles,placidesgéants herbivores de 200kg, les plus gros des primates, régnant sur un harem d’unedizainedefemellesetd’autantd’enfants.

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ParcdeKahuziBiega,RDCongo(créditphotoP.Jacquemot)

Cetteréservenaturelleestaujourd’huitransforméeenunecarrièred’exploitation.Près

de1800tonnesdecharbonysontextraiteschaquemois.Leparcestégalementoccupépardes fermiersquipratiquent la chassedans cetteairepourtant interdite.Mais l’unedes plus grandes menaces du parc est le commerce des bébés gorille. Le risque d’undépeuplement définitif est grand: une femelle arrive à maturité à huit ans, elle estfécondedeuxansplus tardetne faitqu’unseulpetit,unique, tous lesquatreans.Sonespérancedevieestde25ans;ellen’auradoncpasplusdequatreenfantsquiarriverontàmaturité.C’estdanslemondeanimaluntrèsfaibletauxdereproduction.Le braconnage commercial est très destructif. Une exploitation qui serait expliquée

selon le gouvernement congolais par l’extrême pauvreté dans laquelle vivent lescommunautésriveraines.Ellesserabattentdanscetécosystèmequileuresttrèsprochepoursubveniràleursbesoins.Laviandedebrousseesttrèsrecherchée,celledesjeunessinges particulièrement, et la chasse de subsistance s’y pratique partout depuis qu’estapparudanslarégionlefusilBiakaldefabricationsoviétique.Dufaitdesonimmensité,lecontrôleduparcparlesgardesestardu,pratiquementimpossible.Lesmalheurs du parc de Kahuzi Biega ne s’arrêtent pas là. Le parc ressemble à une

arachidedontlecentreauraitétépincé.Lapartiehauteestreliéeàlapartiebasseparuncorridorécologiqueétroitquipermetdepasserde600mètresd’altitudeàlamontagnequiculmineà3300mètres.Ainsilesanimauxpouvaient-ilsautrefoislibrementmigrerdel’uneàl’autre,selonlessaisons.L'expansionduparcen1975,quicomprenaitdesterreshabitées, avait entraîné des évacuations forcées avec environ 13000 personnes de lacommunauté tribale de Shi, Tembo et Rega, réticentes à partir. La tension n’a jamaiscessé et l'emploi des populations Twa pour faire respecter la protection des parcs n’aguèreatténué les revendications. Lapressiondes«autochtones»en surdensité sur lesressources du parc est très puissante, qu’il s’agisse de cultures ou de pâtures pour lesbovins. Et il faut aujourd’hui composer avec les «intouchables», notamment avec unmagistrat qui s’est attribué une bande de part et d’autre du corridor, pour ensuite encéder frauduleusement la gestion à des exploitants agricoles. La partie basse est àprésent défrichée. Ayant perdu son couvert végétal, victime des fortes précipitationsalternantavecunensoleillementintense,laterreserabientôtlessivée.Lesspoliationsont

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pour conséquence d’empêcher la rencontre des gorilles de la partie haute avec leurscongénèresdelapartiebasse,cequiaugmentelaprobabilitéd’unionsconsanguines.

D’autresparcsenpéril

EnCentrafrique

EnCentrafrique,unrecensementaérienaétéréalisépourmesurerl’impactsurlafaunesauvageduNorddelaRCAduconflitintercommunautairequisévitdepuis2013entrelaSéléka, une alliance de plusieurs groupes armés, essentiellement musulmans et lesmilices d’obédience chrétienne d’auto-défense, les anti-Balaka. Les résultats montrentquelespopulationsdegrandsmammifèresontétédéciméesdansdelargeszonesdeleurdomainevital.QuelquespopulationsdegirafesdeKordofan,d’élansdeDerby,debufflesetd’antilopesrouannessubsistenttoutefoisenpetitsnombres.Aucunetracedeprésenced’éléphantsn’aenrevancheétéobservée.Lebraconnageet letrafic illégalde lafaune,impliquant autant des groupes armés circulant entre les frontières que des chasseurslocaux,ontcruellementaffectélazone.

AuBotswana

Plus au Sud, enclavé entre la Zambie et l’Afrique du Sud, le Botswana abrite la plusgrande population africaine d’éléphants en liberté, évaluée à encore 135000 têtes en2017.La richessedesa fauneena faitunsanctuaire trèsprisédesamateursdesafarishautdegammeetundespôlesdecroissancedesonéconomie,qu’ilprotègegrâceàunarsenal antibraconnage jusque-là considéré comme exemplaire. Aumoins 90 cadavresd’éléphantontétédénombrésenseptembre2018parl’ONGÉléphantssansfrontièresaucours d’un recensement aérien de la population de pachydermes. Ces tueries sontintervenuesquelquessemainesaprèsladécisiondesautoritésdeGaboronededésarmerleurs «rangers» spécialisés dans la lutte antibraconnage. Jusque-là, les troupeauxd’éléphantsétaientlargementlaissésenpaixauBotswanamais,désormais,ilssontdanslalignedemiredesbraconniers.

EnAfriquedel’ouest

LaréservedeNazingasituéprèsdePôdanslesudduBurkinaFaso,fondéen1979pardeux naturalistes, a expérimenté un concept nouveau à l'époque pour l'Afrique del'ouest,le«ranching».Ils’agitdecombinerletourismedevisionetlachassecontrôléenotamment dans des zones de chasse villageoises. Elle jouxte la forêt classée delaSissiliquiestégalementexploitéepourlachasse.Labonnegestiondecetécosystèmeprotégé a provoqué l’arrivée d’une faune importante qui cherchait un refuge.Aujourd’hui, la population est de plus de 600éléphants. Il s'agit d'une densitéexceptionnellepourl'Afriquedel'ouest.

Maiscen’estpaslesortdetouslesanimauxdelarégion.Lelionestuneespècerareetpourtant elle est menacée. À l’instar d’autres grands félins, elle voit sa populationdiminuer d’année en année. Alors qu’il y a cinquante ans 100000lions vivaient enAfrique, ilyenauraitaujourd’huientre20000et;25000seulement.LaListerougedesespècesmenacéesde l’UICN, évalue le risque d’extinction de chaque espèce selon descritères spécifiques. L’évaluation suggère que les populations de lions en Afrique ontconnuundéclinglobalde43%entre1993et2014.L’espèceesttoujoursclasséedanslacatégorie«Vulnérable»surlaListerouge,maislaplupartdespopulationsprésentesen

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dehors de l’Afrique australe (incluant le Botswana, la Namibie, l’Afrique du Sud et leZimbabwe)sontconsidéréescomme«Endanger» (Afriquede l’EstetAfriquecentrale)ou «En danger critique d’extinction» (Afrique de l’ouest), le dernier stade avant ladisparition. Tout conduit à s’inquiéter. Il existerait désormais 400lions d’Afrique del’ouest,dontmoinsde220maturesdoncenâgedesereproduire.90%d’entreeuxviventdansunseuletmêmeendroit,danslecomplexequiréunittroisairesprotégées:leparcnationalW au Niger, le parc national d’Arly au Burkina Faso et le parc national de laPendjari,auBénin.

ParcdelaPendjari(créditphotoP.Jacquemot)

Lebraconnagepourlaviandedebroussefigureentêtedelistedesmenacesquipèsent

surleliond’Afriquedel’ouest.Cen’estpaslefélinquiestdirectementchassé,maissesproies. Buffles, zèbres, girafes, impalas, grands koudous et antilopes cobes à croissantsont particulièrement recherchés. Si à l’origine cette viande était surtout consomméedanslesmilieuxrurauxetdéfavorisés,elleestaujourd’huiconsidéréecommeunmetsdeluxedansdesmarchéscommel’Europeetl’AmériqueduNord.Résultat,lesbraconniersn’hésitentpasàtraquercesanimaux,réduisantparlamêmeoccasiondefaçondrastiquelegarde-mangerdesprédateurscommelelion.

L’ivoireetlacorne,uncommercedestructeur

Par leur gravité, les situations qui viennent d’être évoquées attirent l’attention surl’avenirde la faunesauvageafricaine. L’éléphantestparticulièrementmenacépour sesdéfenses.L’UICNestimequeletrèsrémunérateurtraficdel’ivoireatuéplusde300000éléphantsaucoursdeladernièredécennieenAfrique.Ilenreste110000.Lespremiers

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importateursmondiauxd’ivoire sont leVietnamet laChine. Lenombredeproduits enivoire vendus dans le sud de l’empire du Milieu, en particulier dans les villes deGuangzhou et de Fuzhou, a plus que triplé depuis le début de la décennie 2000, lamajoritécommercialiséeillégalement.L’onsesouvientqueVince, l’undestroisrhinocérosduzoodeThoiry(Yvelines),quia

étéabattu2017dedeuxballesdegroscalibredans la têteet sacorneprincipaleaétésciée et volée. Une première en Europe. La même année 1028 rhinocéros blancs(Ceratotheriumsimum)ontététuésenAfriquedusud,dontlamoitiédansleparcKruger,endépitd’unesurveillancerenforcéedes«rangers».Acerythme,ilsaurontdisparud’ici20ans,massacrésparlaloidumarché.L’Asieestpreneusedelacornedurhinocéros,qui,une fois réduite en poudre, est utilisée en médecine traditionnelle. La corne estlocalement transformée en perles, en bracelets et en poudres pour échapper à ladétection et fournir des produits prêts à l'emploi en Asie, principalement au Vietnam,devenuela plaque tournante du trafic à la suite de l'interdiction de ce commerce enChine.Surlemarchénoir,elles’échangeentre30000et60000dollars.Unkilodecornevautautantqu’unkilodecocaïne.Lesvertusdecettecornesontpourtantcontestées.Lesdeux kilogrammes de corne de rhinocéros qui justifient que l’on abatte un animal quipèsedeux tonnes,n’ontpasplusdepropriétés–analgésiques,antispasmodiques,anti-inflammatoires, anticancéreux ou aphrodisiaques – que la poudre de perlimpinpin. Lacorne n’est que de la kératine comme les poils, les plumes, les ongles ou les becs denombreuxanimaux.Uneautrefilière,maisd’uneenvergurebeaucouppluslimitée,existecarlacornesertdemanchedepoignard–ledjambia–auYémenetdansd’autrespaysarabes.Onne comptepasmoins de 400ONGqui lèvent des financements pour luttercontrecetraficquifaitlafortunedes«baronsdelacorne».

Lesfonctionsdelachasse

Lesairesprotégéesont,commenousleverrons,demultiplesfonctions.L’uneestcellerelativeàlachasse,Unsujetcontroversé.

Lespremiersparcsnaturelssontnésàuneépoquede l’histoirecolonialeoùcertainschasseurs sportifs voulaient empêcher d’autres chasseurs de tuer «leur» gibier. Cesautreschasseursétaientdespeuplesautochtonesoudescolonspauvresquichassaientpoursenourrir,utiliserouvendrelaviandeetlespeaux.Leschasseursfortunés,eux,nechassaientpaspoursenourrir,mêmequandilsconsommaientleursproies.Enunsiècle,leschosesont-elleschangé?Certainespersonnesprofitentdelaprotectiondelanature,à commencer par les chasseurs de trophées. Les riches peuvent donc chasser; lespauvres, non.Qu’ils s’y risquent ils seront traités de«braconniers». Ce ciblage sur leschasseurs autochtones détourne souvent l’attention qui devrait se porter sur les vraisbraconniers.

On observera que la chasse des espèces de viande de brousse constitue l’une desmenacespour les écosystèmes tropicauxenAfrique. Il est estiméque le commercedeviande de brousse à travers l’Afrique centrale et de l’ouest représentait jusqu’à200millionsdedollarsparan.Lestauxderécoltedesanimauxsauvagessontélevés,avecdes évaluations pour l'Afrique centrale entre 1 à 5millions de tonnes par année. Pourautantilnes’agitpasdedénoncerlachassedesubsistancequiestunmoyend’existencedescommunautéssylvicolesetdechasseurs-cueilleurs,représentantnonseulementunesource importantedeprotéinesetde revenuspour les famillesmais faisantégalement

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partieintégrantedel’identitéculturelle.Lavraiequestionestfinalementdesavoirsilespeuplesautochtonesontledroitdesurvivreousid’autres,dontceuxquisontàlatêtedel’industriedelaconservation,onttoujoursle«droit»delesstigmatiser.Etqu’onnes’ytrompepas:lespriverdeleursterresetdeleurautosuffisanceéquivautàlesdétruireàcoupsûr.

Concrètement, il y a de nombreux indices qui laissent penser que la chassecommercialearemplacélachassedesubsistanceetcontinuedegagnerenimportance.Un tel décalage dans les formes de chasse augmente la vulnérabilité d'extinction denombreuses espèces de mammifères. Quand la chasse est ainsi exploitée etcommercialiséedemanièreexcessive,lespopulationsdefaunesauvageensouffrent.Dedramatiques déclins des populations d’espèces de grande taille, voire leur disparitionlocale,sontrecensésdansleszonesdechasseintensive.LedéveloppementdemoyensdesubsistancealternatifsestdanscesconditionsunestratégiepourdenombreusesONGetcertainesinstitutionscommelaCommissiondesforêtsd’Afriquecentrale.Desprojetsontété mis en œuvre depuis le début des années 1990. Toutefois, malgré les dépensesconsidérables qui leur ont été attribuées, les preuves des impacts des projets sur lespratiques de chasse, sur les populations d’espèces et sur les moyens de subsistancelocauxrestentàêtrevérifiées.

2.VersdemeilleurespratiquesDe très nombreuses publications font état des menaces qui pèsent sur les aires

protégées. Elles pointent du doigt lemanque de financement, la pénurie de personnelqualifié, la faiblesse institutionnelle et politique, le manque de cadre juridique,l'applicationaléatoirede la réglementation, l'insuffisancede la communicationavec lesrésidents locaux, le manque de coordination entre les organisations participant à lagestion, l'absence de plans d'utilisation des sols de portée générale ou encore ladélimitation inadéquate des zones à protéger. Que disent les conventionsinternationales?

LesprincipesdelaCITES

Pour protéger les éléphants et les rhinocéros, une des méthodes employées estl’interdiction totale du commerce de l’ivoire et des cornes. La Convention sur lecommerceinternationaldesespècesdefauneetdefloresauvagesmenacéesd'extinction(CITES) prohibe par principe ce commerce. Certains pays africains ont cependant étéautorisés à vendre leurs stocks d’ivoire issus de défenses d’éléphants mortsnaturellementouconfisquéesàdesbraconniers.Nonobstant les règles internationales, le braconnage à grande échelle persiste. À

l’expérience, la justesseduprincipeselon lequelaucunemesuredeprohibitionnepeuttotalement annihiler la demande se vérifie.; et la corruption s’observe à quasimenttouteslesétapesdelacommercialisation.

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LaCITESLaConventionsurlecommerceinternationaldesespècesdefauneetdefloresauvages

menacées d'extinction, (CITES) ou dite Convention de Washington, est un accordinternationaladoptéen1975ayantpourbutdeveilleràcequelecommerceinternationaldes spécimens d'animaux et de plantes sauvages nemenace pas la survie des espècesauxquellesilsappartiennent.Aujourd'hui,elleconfèreuneprotection(àdesdegrésdivers)àplusde35000espècessauvages–qu'ellesapparaissentdanslecommercesousformedeplantesoud'animauxvivants,demanteauxdefourrureoud'herbesséchées.LaCITESestcontraignante–autrementdit,lesPartiessonttenuesdel'appliquer.Cependant,ellenetientpaslieudeloinationale;c'estplutôtuncadrequechaquePartiedoitrespecter,etpour cela, adopter une législation garantissant le respect de la Convention au niveaunational.Depuisdesannées, laCITESestaunombredesaccordssur laconservationquiontlapluslargecomposition;ellecompteactuellement183Parties.Les recommandations de suspendre le commerce des spécimens d'espèces CITES sont

faitespar laConférencedesPartieset leComitépermanent.Une telle recommandationprévoit une période durant laquelle le pays concerné peut passer du non-respect aurespect de la Convention en, notamment, progressant dans l'adoption d'une législationadéquate, luttant contre le commerce illicite et le réduisant, soumettant ses rapportsannuels manquants ou réagissant aux recommandations du Comité permanent surl'application de l'Article IV de la Convention dans le contexte de l'étude du commerceimportant.La Namibie et le Zimbabwe, qui se targuent d'avoir une population d'éléphants en

bonnesanté,ontdemandéàplusieursreprisesl'autorisationdevendreleurstockd'ivoire.Lesrevenusdecetteventedevaientêtreréinjectésdanslaprotectiondel'environnement,ont-ils insisté, soutenus par plusieurs pays d’Afriqueaustrale. La Cites a toujours rejetéleur proposition. La proposition de faire passer tous les éléphants de l'annexe II(commerce réglementé) à l'annexe I (commerce interdit) a également été rejetée. Lespachydermesd'AfriqueduSud,duBotswana,deNamibieetduZimbabwe restentdoncdans l'annexe II. Un échec pour les pays d’Afrique de l'ouestet de l'est qui soutenaientcetteproposition.LepetitroyaumeduSwazilanddemandequantàluiàpouvoirécouleràl'international

sonstockde330kgdecornesderhinocéros,utiliséesnotammentàdesfinsmédicinalesenAsie. Mbabane était soutenu par les éleveurs de rhinocéros, qui estiment pouvoirsubvenir à la demande et contribuer à une réduction du braconnage, qui tue troisrhinocérosparjour.À l’avenir, les efforts de conservation porteront probablement en priorité sur les

«pointschauds»,ceuxquicomptentdenombreusesespècesendémiques.Certainssontd'avis que les zones menacées de dégradation ou les habitats des espèces en danger(notamment la «mégafaune») devraient être protégés en priorité, alors que, selond'autres, les zonesquiont leplusdechancesd'êtreprotégéesefficacementsontcellesquinesontpasencorefortementmenacées.

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Quelquesexemplesdebonnespratiques

LaComoé,leretourengrâce

Les populations des 500 espèces d’oiseaux, des 135 espèces demammifères, des 35espèces d’amphibiens et des 60 espèces de poissons du Parc national de la ComoédeCôtéd’Ivoiresontenaugmentationpourlapremièrefoisdepuispresque15ans,grâceàla gestion efficace du parc qui a fait suite à la stabilisation de la situation politique en2012.LeParcavaitétéretirédela listeduPatrimoinemondialenpérilen2017. Ilétaitmenacéparl’exploitationagricole,l’extractiond’orillégaleetlebraconnage,quiaffectentsespopulationsd’espèces.Ces facteursavaientétéexacerbéspar l’instabilitépolitique.Dufaitdel’insécuritédelarégion,lepersonnelduparcétaitdansl’incapacitéd’accéderàcertaineszones.Ils’agitd’unepremièreenAfriquedel’ouest.Leschiffressontencourageantspour les

populationsdechimpanzésetd'éléphants,que l’oncroyaitdisparusduparc.Onestimequ’environ 300 chimpanzés et environ 120 éléphants vivent aujourd’hui dans le Parcnational de la Comoé. Le parc bénéficie désormais d'un plan de gestion, élaboré enconsultationaveclescommunautéslocalesquiparticipentàlasurveillancedelafauneetà d’autres activités en faveur de la conservation. Cependant, certaines menacesperdurentauseinduparc,commel’exploitationagricoleetlesminesd’orartisanales.

Meru,lacohabitationhomme-faune

Commentparvenirà fairecohabiterhommesetanimauxdansun territoire restreint?L’histoiredeMeruestexemplaire.Leparcnational,crééen1966,étaitl’undesfleuronsdu Kenya. Puis ce fut la catastrophe. À la fin des années quatre-vingt, des braconniersprirentpossessionduparc.Ilfutdétruit,lesanimauxmassacrés,leslodgesbrûlés.Leparcqui en 1970 comptait 3600 éléphants, début 90, il en restait que 300. 300 rhinocérosnoirs,lesplusrares,furentégalementmassacrés.GeorgeAdamson,lecélèbredéfenseurdelanaturefutlâchementassassiné.Ilavait83ans.

MeruPark,Kenya(créditphotoP.Jacquemot)

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LadécisionfutalorsdereconstruireMeru.Avecl’Agencefrançaisededéveloppement,l’opérationfutlancéeen1999.Prioritéabsolue:recruter,formeretarmerunetroupedegardes paramilitaires pour rétablir la sécurité et protéger les animaux ayant survécu.Ensuite, il fallut repeupler le parc. Une opération complexe: sélectionner les animauxdans d’autres parcs du pays, comme celui de Sweetwaters Sanctuary à Laekipia, lescapturer, les transporter par camion, les acclimater. 4000 animaux furent ainsi«translocatés», parmi lesquels 750 zèbres, 950 impalas, 80 éléphants, 50 rhinocéros.Avec un budget conséquent: 5000euros par éléphant, 3000 pour un rhinocéros, 700pour une girafe. Aujourd’hui, l’équilibre biologique est atteint, pour chaque espèce,permettant d’assurer le brassage de son patrimoine génétique et sa survie face auxprédateurs.La réhabilitation du parc a toutefois entraîné de nouveaux problèmes. Depuis que la

sécurité a été rétablie, la population humaine riveraine a augmenté de 30%. Plus de300000personnes,agriculteursetpasteurs,viventauxfrontièresdelazoneprotégée.Lacohabitationentrelesespècessauvagesetl’hommeestdélicate.Leséléphantsdétruisentlesculturesetparfois,attaquentleshommes.Leslionss’enprennentaubétail.AuKenya,la chasse, même sélective, est interdite. C’est un crime: les animaux sauvages sontpropriétédel’État.Alors,KenyaWildlifeService(KWS)afaitposeruneclôtureélectrifiée,alimentéepardespanneauxsolaires,pourséparer leshommeset lesbêtes.Labarrièrestoppe les éléphants. Inlassablement, KWS doit expliquer aux riverains qu’un éléphantvivant, dans un parc national, rapporte plus aux villageois qu’un éléphant mort: desemplois, des infrastructures, la sécurité. Le parc met en place des micro-projets dedéveloppementdurablequibénéficientauxriverains.

Zakouma,latranslocation

Uneautrehistoirede«translocation»,celledeZakoumaauTchad.Elleestcertesàtrèspetite échelle, mais elle est encourageante pour les militants de la faune sauvage. Ledernier rhinocéros sauvageavait étéobservédans cepaysdans les années1970aprèsdes décennies de braconnage qui avaient conduit à leur disparition. African Parks, uneONGquigèredesparcsetdeszonesprotégéesdans9pays,atravailléavecdesagencesgouvernementales d’Afrique du Sud et du Tchad pour transporter en juillet2018 deuxmâles et quatre femelles de rhinocéros noirs (Diceros bicornis) au cours d’un voyageaérien de 4800 kilomètres depuis le parc national Addo enAfrique du Sud. Ils avaientdisparu depuis 40 ans. L’effectif est modeste, mais le symbole est fort. Il ne restequ’environ 5 000 rhinocéros noirs, représentés par trois sous-espèces. Le Tchad faitmaintenantpartiedes11paysàposséderdesrhinocérosàl’étatsauvage.

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Ce n'est pas la première fois qu'African Parks entreprend la translocation de cette

espèce menacée. En mai2017, en collaboration avec le Rwanda Development Board(RDB)etlaFondationBuffett,AfricanParksadéjàréussilatranslocationde18RhinocérosnoirsauParcnationaldel'AkageraauRwanda.

Unezonedeconservationtransfrontières

Unnouveaumodèle d’aire protégée a été adopté depuis unequinzained’années parplusieurs États d’Afrique australe: les aires de conservation transfrontalières(TransfrontierConservationAreas).Leurambitionestdecontribueràlapréservationdelabiodiversité, à la paix et à l’intégration régionale des pays, à travers la croissanceéconomique durable, Elles ne se limitent pas à l’association dans unemême unité degestiondeparcsnationauxsituésdepartetd’autredesfrontièresnationales,maisellesincluentégalementdelargesportionsdeszonescommunalesadjacentes.LaZonedeprotectiontransfrontalièreKavangoZambeziou"KAZA"estl’aboutissement

d’unparcoursépineux.Diversestentativesdemiseenplaceduprojetontétéengagéesdanslepassésansaboutissement,principalementàcausedumanquedepriseencomptedespopulations locales au seinde l’initiative. KAZAestdésormais laplus vaste réservenaturelleinternationaleaumonde.Leterritoires’étendsurcinqpaysdel’Afriqueaustralequiontmutualiséleurspropreszonesdeconservation.Autotal,36régionsdel’Angola,laZambie,leZimbabweetduBotswana,composentunpatchworknatureld’unesuperficied’environ440000kilomètrescarrés,équivalenteàcelledelaSuède.Laréservenaturellecouvrel’èred’habitationde45%deséléphantsd’Afriqueainsiquecelledeplusde600espèces d’oiseaux et de 3000 espèces deplantes. Le territoire englobepar ailleurs leschutes Victoria, et delta de l'Okavango, au Botswana.Outre la protection des espèces,"KAZA" a étémise en place dans l’intention de permettre aux animaux de suivre leursroutesdemigrationnaturelle.Eneffet, jusqu’àprésentcesvoiesétaientperturbéesparlesfrontièresetlesconflitsimposésparl’Homme.

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KavangoZambezi

Maistropd’éléphantsauZimbabwe

L’équilibre n’est pas aisé à trouver. Le cas du Zimbabwe mérite aussi l’attention.Autrefois, leséléphantsétaient, commeailleurs,déciméspour le commercede l'ivoire.Aujourd’hui, ils prolifèrent à une vitesse inattendue, au risque de menacer lesécosystèmes.SelonladirectionduparcHwange,aunord-ouestdupays,lapopulationdepachydermes a tellement augmenté ces dernières années, qu’on en compte entre35000et 40000, soit deux fois la capacité d’accueil locale.Le problème c’est que cenombre excessif de ces géants pèse sur les ressources en eau et sur l'ensemble del'écosystèmeduparc,quiabriteplusde100autresespècesanimales,dontlesquatredufameuxBigFive:lion,léopard,buffle,rhinocéros.Aussi,pourabreuverleséléphantsdanscette vase étendue de 14600km2, des pompes doivent amener de l'eau de juin ànovembre.Outrelesproblèmesliésàl’eau,leséléphantssontsiactifsquelavégétationaétédégradée.Leséléphantssontnotammentaccusésdedécollerlesécorcesdesarbreset de déterrer les racines pour se nourrir. Les arbres n'ont plus une croissance aussi

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rapidequ'ilsledevraient,ilsproduisentmoinsdegraines.Àlongterme,celaaurauneffetnégatif sur tout l'habitatdeHwange.Lasavaneafricaineestcenséeêtreunemosaïqued'arbres et d'herbes. Dès qu’il y a davantage d'herbages que d'arbres, la savane nefonctionnepascommeelleledevraitetcertainesespècesserontdéfinitivementperdues.Dèslors,certainsécologistespréconisentdelaisserlanaturesuivresoncours.

aParcdeHwange,Zimbabwe(créditphotoP.Jacquemot)

3. TroisapprochespourunegestiondurableLa planification et la gestion des aires protégées se caractérisaient autrefois par le

monopole du gouvernement central en matière de contrôle, par l'exclusion despopulationslocaleset,fréquemment,parl'interdictiondesutilisationstraditionnellesdelafauneetdelaflore.LorsdelaIXeConférencedespartiesàlaConventionbiodiversité́àDurbanen2003,lespayssignatairesontrecommandé́d’intégrerauxobjectifsdegestiondesairesprotégéesd’unepartl’éradicationdelapauvreté́etledéveloppementdurableet,d’autrepart,l’améliorationdubien-êtredesusagerstraditionnels.

LesyndromedeTarzan

Le principe des aires protégées fait l’objet de critiques. Certains dénoncent le«syndrome de Tarzan» (Sylvie Brunel), cher aux partisans de la deep ecology pourlaquelle la question de la Nature prévaut sur celle de l'Homme; une conception quiimposelerespectdesanimauxsauvages,particulièrementlesgrandsmammifères,etquiconsidèrequelesbêtesontunesensibilité,desbesoinsetdesdroits.Les critiques portées à l’encontre de cette conception hyper conservationniste sont

fondéessurplusieursobservations.D’abordledangerestdecréerd’uncôtédes«paradisverts» caractériséspardesenvironnements relativementmaîtrisésparcequ’ils ont étéaménagés et vidés de leur population et d’un autre côtédes «enfers» aux ressourcesnaturelles dégradées où se concentre une population appauvrie. L’exclusion despopulationsamputéesd’unepartiede leurterritoireetde leursressourcesesttoujours

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sourcede tensions. Certains critiques vont jusqu’à considérer la zoneprotégée commeune usurpation de leurs droits d’accès ancestraux imposée par des acteurs externes,nationaux et/ou internationaux pour des motifs à long terme (la conservation de labiodiversité)endécalageavecleursbesoinsvitauxàcourtterme.Depuislesannées1990,lemodèledela«forteressedéfensive»desconservationnistes

aévolué. Ilestdésormais reconnuque lameilleure façond'atteindre lesobjectifsde laprotectionn'estpasd'excluremaisaucontraired’inclure.L’implicationdespopulationsetusagers des aires protégées et de leurs zones périphériques dans les politiques deconservation et de gestion durable des ressources naturelles s’est progressivementimposéepourdesraisonsd’efficacité́,d’efficienceoudejusticesociale.Cetteimplications’inscrit dans un continuum de pratiques de «participation» qui vont de la simpleconsultationdespopulationsjusqu’aufaitdeconsidérerl’échelonlocalcommeleniveaulepluspertinentpourlagestiondesressourcesnaturelles.QuatretypesdegouvernanceLa gouvernance d’une aire protégée définit qui décide de ce que sont les objectifs de

gestion,decequ’ilfautfairepourlesatteindreetavecquelsmoyensetquellesactions;com-ment s’effectue laprisededécision; quelle entité́ détient lepouvoir, l’autorité,́ etenfinquiendosselaresponsabilité.́L’UICN distingue quatre principaux types de gouvernance pour les aires protégées et

conservées, en fonction des acteurs qui y prennent ou qui y ont pris les décisionsfondamentales (parexemple, ceuxqui lesont«établies»etontdéterminé́ leurobjectifprincipaletleurgestion).Lesquatretypesdegouvernancesont:− gouvernancepublique,parunministèreouparunorganismepublic;− gouvernance«partagée»,collaborative(diversdegrésd’influence),conjointe(conseil

degestionpluraliste)et/outransfrontalière;− gouvernance privée, par un propriétaire individuel, par des organisations sans but

lucratif(ONG,universités,coopératives),pardesorganisationsàbutlucratif(particuliersousociétés). Lesairesprotégéesprivées (APP)sontdéjà importantesdanscertainspaysafricains,maislesrecherchesmontrentqueleurdistributionesttrèsirrégulière.Ellessonttrès communes dans des pays comme l’Afrique du Sud et laNamibie, assez communesdans plusieurs pays de l’Est, mais pratiquement inconnues dans certaines régions del’Afriquedel’OuestfrancophoneetdubassinduCongo.− gouvernance par des peuples autochtones et des communautés locales: aires et

territoires (domaines ancestraux,country, aires communautaires conservées, territoriosde vida, territorios autonomos comunitarios, sites naturels sacrés, aires marineslocalement gérées, etc.) conservés par des peuples autochtones ou des communautéslocales,etdéclarésetgérésparcespeupleset«communautés».Trois types d’approches se superposent pour définir une gestion durable des aires

protégées.

Lesapprochesfonctionnelles

Les services rendus par les aires protégées sontmultiples et ne se résument pas à lapréservationdesespècesmenacéesd’extinctiondufaitdesactivitéshumaines.Ellessont

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un fournisseurpotentielde ressourceséconomiques (emplois, revenusdu tourisme)ouencorederessourcesnaturelles(bois,eau,viandedebrousse,pâturage).Ellesparticipentàlaréalisationdeservicesécosystémiquesderégulationdesmilieux(épurationdel’eauquilestraverseoumaintiend’unairdénuédespollutionsd’origineanthropique,etc.)auprofitdes territoiresqui lesentourent.Tousces services sont fondamentauxpour faireface aux enjeux du changement climatique, viala séquestration du carbone et lapréventiondesrisquesnaturels(inondations,sécheresses).Commentappréhender la complémentaritédes fonctions?Uncadreconceptuelaété́

établi (Elliotetal,2017)poursonanalyse. Ilpartdupostulatque l’objectifd’un réseaud’airesprotégées-privées,communautairesoupubliques-estdeproduiredesrésultatspositifs pour l’environnement. L’envergure des progrès réalisés par le réseau d'airesprotégées est déterminée par six facteurs sous-jacents (centre du diagramme), eux-mêmesinfluencéspardesfacteursoudeschocsexternes(parexempleunecatastrophecommeuneinondationouunincendie).

Cadreanalytiquedecompréhensiondelacomplémentaritédesdiverstypesd’airesprotégées

Source,Elliotetal,2017

Les résultats des études s’inspirant de ces approches soulignent que la diversité́ detypesd’airesdoitêtreconsidéréecommeunavantagepourlaconservation,plutôtquelecontraire.Lesairespubliquessont,contrairementàuneidéereçue,presquepartoutunpiliercapitaldelaconservation.

Lesapprochesterritoriales

Lesystèmedezonage,dontlesvertussontconnuesdepuislongtemps(Menge-Medou,2002) consiste à identifier plusieurs zones centrales, où l'occupation humaine estminimale, puis une zone concentrique qui sert de tampon et accueille davantaged'activités humaines, comme la recherche, et la formation, ainsi que des activités detourismeetdeloisirs.Lazonedetransitionavecl'extérieursertdelienaveclerestedela

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région et permet de promouvoir les établissements humains ou l'agriculture. Cetteapproche permet ainsi de passer de la gestion d’une aire fermée à une approche paraménagementd’unterritoireglobal,plusprometteuseentermesderésultats.

Zonageschématiqued’uneaireprotégée

Laconstitutiondetellesairesprotégéesexige,outrelaréformeimpérativedessystèmes

fonciersetde laréglementationenvigueur,maissurtout laparticipationeffectivede lapopulationlocaleconcernée.

Lesapprochesparticipatives

AlorsquelaconservationclassiqueestengénéraldominéeparlesairesprotégéesdesÉtats,lesairesetterritoiresdupatrimoineautochtoneetcommunautaire(APAC)tententdetrouverleurplace.Ellessontconstruitessurdesconnaissancesetcapacitéscollectives

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écologiques, comme le bon usage de ressources sauvages, l’agro-biodiversité et desméthodes de gestions locales qui ont résisté à l’épreuve du temps. Elles se basent surdesrègles et institutions «adaptées au contexte» compétentes en termes de gestionadaptative et capable de proposer des réponses culturellement appropriées auxchangements.Les écologistes ont entrepris de relier les objectifs de la conservation et du

développement des parcs et réserves de, manière à ce que les populations localesprofitentdecertainsdesavantagesqu'ilsapportent.Cette idéen'estpasnouvelle,maiselleestintégréedeplusenplusfréquemmentdansleseffortsdeconservationdepuiscesdixdernièresannées.Desvoiesd’intégrationdespopulationssontàprésentrecherchées(concessionsdedroitsd’usageexclusifs,plansdegestionnégociés).Souslapressiondespopulations concernées et des associations environnementalistes, les aires protégéess’ouvrentgraduellementàdes«modèlesparticipatifsdegestiondurable».Les ONG et certains organismes internationaux et régionaux (Fond Mondial pour la

Nature-WWF,ÉcosystèmesForestiersd’AfriqueCentrale-ECOFAC)sesontemparésdusujet, soucieux d’éviter les dégâts sociaux créés par la mise sous cloche de certainsespaces,privant lespopulationsdel’accèsà leursressourcesvitales.LesexpériencesdegestioncommunautairedesréservesauBotswana,auKenyaetauZimbabwe(CAMPFIRE,Communal Resources Management Programme for Indigenous Resources) ont valeurd’exemples. Au Cameroun, la conservation communautaire semble donner de bonsrésultats(RéservedefauneduDJA,RéservedelaLopé).DansleparcdelaSalonga,enRDCongo,desexpériencesdecetypeontétépromuesavec leWWFet l’InstitutCongolaispour laConservationdelaNature(ICCN)quiontsignéen2015unaccorddecogestion,avecunfinancementdestinéàsoutenir ledéveloppementcommunautaireet lagestionbasiqueduparc.

L’écosystèmeduMasaïMara

LaréservenationaleduMasaiMaraauKenyaestprotégéeentantqueréserveetnoncommeunparcnational;ellen’estpasgéréeparleKenyaWildlifeServicecommelesontlesautresairesprotégées,maisparlesautoritéslocales.LestatutderéservepermetauxMasaïsdecontinueràvivresurleurterritoireancestraletàyfairepaîtreleurstroupeaux.Les divisions administratives sont définies par le tracé du fleuveMara. La réserve, parailleurs très fréquentée, est gérée par deux communautés régionalesmasaïs: leNarokCounty Council, pour les trois quarts de sa surface (the National reserve) et le CountyCouncil of Trans-Mara pour un quart (the Mara triangle) au Nord-Ouest. Leursreprésentants sont élus pour 5 ans. Les accords de gestion qu’ils nouent avec laMaraConservancy,uneorganisationàbutnonlucratif,donnentàcelle-cimandatpourtouslesaspects de la gestion des aires protégées: collecte des recettes et leur distribution,sécurité, développement du tourisme et de sa gestion, entretien des infrastructures etdéveloppement de nouveaux projets qui, tous, nécessitent une évaluation d’impactenvironnemental et l’approbation par un comité mixte comprenant des membres deMaraConservancyetduCountyCouncildeTrans-Mara.Apparemment,et sous réserved’inventaire,laréserveresteunedesréférencesenmatièredegestionparticipative.

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Unexempledemodélisationparticipative

Une expérience du Centre de coopération internationale en recherche agronomiquepour le développement (CIRAD) au Zimbabwe est particulièrement édifiante pourmontrer l'importancede faireensorteque lespopulations ruralesvivantdans lesairesprotégées ou à proximité de celles-ci se sentent directement concernées. Le centrefrançaisaparticipéàplusieursinitiativesvisantàfavoriserleséchangesd’informationetles négociations entre les acteurs locaux. L’une de ces initiatives,menée au Zimbabweutilise la «modélisation participative» des pratiques sous forme de jeu de rôle pourfavoriser lepartaged’informationset lanégociationentre lesacteurs impliquésdans lagestiondesairesprotégéesetdeleurspériphéries.

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Sessiondeco-constructiond’unjeuderôleavecdesvillageoispouraméliorerlacoexistenceentreles

airesprotégéesetleszonespériphériques(Hwange,Zimbabwe).CréditphotoCIRAD.Le jeu Kulayinjanamodélise la conduite du bétail, qui est un élément essentiel de la

(non)coexistenceavecuneaireprotégée,etlesinteractionsavecl’environnementetlesanimaux sauvages. Après une phase de test auprès de communautés villageoises deHwange,lejeuestdevenuunoutildenégociationentrelesdifférentespartiesprenantes(forestiers, parcs nationaux, autorités traditionnelles, services techniquesgouvernementaux, etc.), dans des zones agroécologiques différentes et à des échelleslocales/nationales/régionales.

Lescontraintes

Contrairementàl’Afriqueaustraleetorientale,lesprincipesdegestionparticipativenesont quasiment pas mis en œuvre en Afrique de l’ouest (on pense aux Réservescommunautaires naturelles et unités pastorales du Ferlo au Sénégal, à la communautéruraledeKawawanadanslarégiondeCasamance,égalementauSénégalouàlamaredescrocodiles sacrésauMali,mais c’estpeusignificatif). Ils restentencore imprécisetpeuadaptés aux yeux des parties prenantes, des gestionnaires des aires protégées enparticulier.Ceux-cimanquentenoutrededonnéesetd’outilspourlesmettreenœuvreet en dépit de l’apparition d’acteurs de plus en plus organisés et informés pour venirrenforcerlesmodesdegouvernancedecesterritoires.Il faut dire que les difficultés demise enœuvre nemanquant pas. Une gouvernance

équitable impose lerespectdesdroitscoutumiers, lapromotiondudialogueconstructifet d’un accès équitable à l’information, et la responsabilité dans la prise de décision.Même avec ce type d’approche, la prudence est de mise., notamment parce quecertainesdesdémarchesquiseveulentparticipativesadoptentparfoisunbiaisritualisé,avec la complicitédenotablesqui fontvaliderdesdécisionsenassembléesvillageoisessansprécautionetsanstenircomptenidelamémoirecollectiveoùsiègelesouvenirdesspoliationsanciennes,nidesrépercussionssurl’emploietlescomportements.Parailleurs,séparéslesunsdesautrespardesconceptionssociologiquesetculturelles

souventdifférentes,lesgestionnairesetlesriverainsdesairesprotégéesnepartagentpasspontanémentlesmêmesobjectifsdansunprojetquiseveutpourtantcommun.

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Certaines tentatives sont mises en péril par une gestion inadéquate des questionsfoncièresetdesrèglesd’accèsentrelesairesdeconservationetlesairesdeproductiondes populations riveraines. La gestion inadéquate est principalement due à uneméconnaissance de la part des responsables de l’aménagement du territoire, de lacomplexité des dynamiques du jeu des acteurs locaux et des types d’exploitation desressourcesnaturelles.Lapérennité́demodesdegestionetdegouvernancedesairesprotégéessur lemode

participatif est enfin dépendante de la valorisation économique des ressources et desretombéespourlescommunautésconcernées.Tantentermesd’efficacité́qued’équité́,onpeutadmettrequ’encontrepartiedespertes résultantdes restrictionsà leursdroitsd’usagescoutumiers,ilimportedeleurgarantirdemanièredurabledesrevenustangiblesliés aux ressources naturelles en question. La valorisation des produits issus de labiodiversité́ telsque lesproduits forestiersnon ligneuxestunepistesouventexploitée.Peut-on aller plus loin? Comme de garantir un système de redistribution des revenuspermettantà̀touteslespartiesd’assurerleurrôleetderecevoirleurrétribution.Peut-onenvisager une négociation sur la clé́ de répartition des revenus issus des ressourcesnaturellesetdelabiodiversité́?

**

Lesairesprotégéessontlespierresangulairesdesstratégiesdeconservationnationaleset internationales. Elles agissent en tant que refuges pour les espèces et les processusécologiques qui ne peuvent pas survivre dans des paysages et des espaces marinsintensémentutilisés.Elles fournissent l'espacenécessairepour l'évolutionnormaleet larestauration écologique future. L’ambition reconnue aujourd’hui enAfrique enmatièredegestiondecesairesterrestresestdeconstruireunprojetdedéveloppementincluantles quatre acteurs principaux de l’écosystème concerné: les collectivités locales, lesservices déconcentrés de l’État, les responsables d’aires protégées et les populationsriveraines.Lebutestqu’ellesdeviennentdesleviersdudéveloppementlocal,ensonseinet autour. L’enjeuestde conserver labiodiversitéprésentedans les airesprotégéesetleurspériphéries toutenconstruisant,à l’échelledu territoire leplus largepossible,unprogrammestructuréautourd’activitésetdefilièresdurablescompatibles(écotourisme,agroécologie,agroforesterie,agropastoralisme).Ildemeureunedifficultédetaille.Lesrevenusissusdesdroitsd’entréeetdesstructures

touristiquessontrarementsuffisantspourcouvrir lesbesoinsdefinancementdesparcset des réserves quel que soit leur mode de gouvernance. Il n’existe que de raresexceptionsd’équilibreéconomiquedel’exploitation.OnpenseauParcnationalduKrugerenAfriqueduSudetàlaréserveduMasaïMaraauKenya.Pour inscrire le financement des aires protégées sur le long terme, des mécanismes

innovants sont donc proposés (marché carbone, fonds fiduciaires de conservation,mécanismes de compensation, paiements pour services environnementaux). Parfoisefficaces dans les faits, ces instruments de financement sont aléatoires et les fondsfiduciairesenvironnementauxdemeurentfinancièrementlimitésouexposésàdesprisesde risques.Lacombinaisondecesmécanismespeutcertesapporterdes réponsesmaisleur complexité peut gêner leur généralisation à plus grande échelle En outre, cesmécanismes peuvent complexifier les relations entre les différents acteurs de la

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conservation. Ils augmentent le nombre d’intermédiaires et, pour cette raison, ilspourraient présenter le risque de déplacer le centre de décision hors du pays, voired’évincer l’État et les communautés de la gestion des aires protégées. La vigilances’imposedoncencorepournepasretomberdansleserrementspassés.

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