que reste-t-il du paris russe?
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Nouvelle promenade dans la vieille villeTRANSCRIPT
B i m e n s u e l é c o n o m i q u e e t c u l t u r e l e n l a n g u e f r a n ç a i s e
N°138 du 23 janvier au 6 février 2009
B i m e n s u e l é c o n o m i q u e e t c u l t u r e l e n l a n g u e f r a n ç a i s e
www.lecourrierderussie.ru
Il y a deux mois, les oeuvres d’OlegKulik, photographe célèbre pour sesperformances à scandale, étaientconfisquées par la police lors del’exposition de la FIAC à Paris. Maischassez Kulik par la porte… il revientpar la fenêtre, et quelle fenêtre ! Al’invitation du Théâtre du Châtelet, ilmet en scène Les Vêpres de laVierge de Claudio Monteverdi dont
la première aura lieu le 24 janvier.Nous rencontrons l’artiste dans saloge autour d’une tasse de thé.
Proche Orient
Voir « Kulik » page 11
Opéra
Où rencontrer des Russes à Paris?Question simple en apparence que seposent de nombreux Français, qu'ilssoient enflammés par la « beauté sla-ve » ou qu'ils désirent simplementregarder le match Italie-Russie dans unbar russe. Mais, pour toute réponse,les Russes se contentent de hausserles épaules. En effet, il n'existe pas de « bar russe », les jeunes filles russes nese retrouvent pas dans un jardin ou unebibliothèque et, plus généralement, lesRusses ne sont plus la communautésoudée qu'ils ont été. Presque un siècle
nous sépare du « Paris russe » foison-nant des années 1920, vibrant aux nou-velles d’une patrie quittée à contre-coeur. Comme le quartier de Little Italyà New York, la petite Russie de Paris aaujourd'hui rejoint le rang des monu-ments, des « avant, ici il y avait... », etseules quelques plaques commémora-tives rappellent les temps où ce n'étaient pas des Russes, mais laRussie entière qui avait émigré enFrance !
Voyage
Que reste-t-il
du Paris russe ?
Voir « Paris russe » page 6
Oleg Kulik réunit
l’église, la boîte de
nuit et le cirque au
théâtre du Châtelet
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Voir page 2 Jérusalem: ville convoitée par des Israéliens tout comme les Palestiniens
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Afif Safieh :« Je nepeux qu’en-couragertous lespays àimiter laRussie »L’Ambassadeur de
Palestine souligne le
rôle de Moscou dans la
résolution du conflit
israélo-palestinien
Après avoir dirigé durant trois ans la
représentation de l’Organisation de
Libération de la Palestine à
Washington, Afif Safieh a été
nommé Ambassadeur palestinien en
Russie en septembre dernier. Les
relations que la Russie entretient
avec les pays arabes, avec le mouve-
ment islamiste Hamas, comme avec
Israël, la placent dans une position
inédite que l’Ambassadeur compte
bien mettre à profit au moment de
la conférence israélo-palestinienne
attendue à Moscou au printemps.
D.R
.
D O S S I E RLe Courrier de RussieLe Courrier de Russie6 Du 23 janvier au 6 février 2009
Nouvelle promenade dans la vieille ville
Que reste-t-il de ce Paris russe d'an-
tan ? Et qu'en est-il du Paris russe d'au-
jourd'hui?
Il y a deux – non, trois ! – Paris rus-
ses. Celui, historique, des années 1920-
30, correspondant à l’âge d’or de la
Russie blanche en exil. Il y a celui des
immigrés russes d’aujourd’hui, les
immigrés « économiques », comme les
désignent, avec une pointe de mépris,
les descendants des Blancs. Et puis il y
a, enfin, le Paris russe des Français :
celui qui, malgré l’absence de commu-
nauté russe et la barrière linguistique, se
maintient dans la capitale et ne cesse
d’attirer les curieux.
Paris secret des années 1920
Dans les années 1920, les Russes
furent des milliers à fuir la Révolution et
la guerre civile : le nombre d’immigrés
russes atteignait, en 1923, 863 000 per-
sonnes. La diaspora russe était alors
essentiellement constituée d’un cercle
restreint où tous se connaissaient : aris-
tocrates, officiers de l’armée blanche,
artistes… Tout ce petit monde, bien que
très hétérogène, entretenait un rêve
commun : pouvoir, un jour, retourner en
Russie. Magasins divers, restaurants,
cabarets, églises, écoles et mêmes des
établissements d’enseignement su-
périeur fleurissaient dans le 16e
arrondissement, lieu privilégié des aris-
tocrates, le 15e ou Boulogne, où atter-
rissaient les officiers de l’armée blanche
qui travaillaient chez Citroën et chez
Renault, mais aussi dans la banlieue
proche aux prix alors abordables.
Les immigrés russes, souvent déjà
familiers de la culture et de la langue
françaises, avaient recréé une Russie en
miniature tout en s'intégrant à la société
française. Une élite intellectuelle
coupée de ses origines et du milieu
culturel russe n’avait d’autre choix que
de se lancer, à partir de zéro, dans la
création d’associations, de théâtres et
d’autres structures culturelles. Si nous
nous réveillions un beau matin du 2 mai
1930, en paressant au lit, nous
réfléchirions indolemment : que ferons-
nous ce soir ? Irons-nous à la
conférence de Vladimir Iljine
« Création et destruction du monde » à
l'Académie de philosophie religieuse du
10 boulevard Montparnasse ? A la soirée
de l'écrivain Remizov à l’hôtel Lutetia ?
Ou bien au spectacle littéraire et artis-
tique de l’Association Tourgueniev avec
les acteurs du Khudozhestvenny Teatr
de Moscou ? Cette effervescence
culturelle était due en grande partie à la
situation politique particulière de
l’époque, qui forçait les meilleurs à
l’exil. Aujourd’hui, le bouillonnement
culturel propre aux Russes a retrouvé sa
place en Russie, et nous ne le retrou-
verons probablement plus jamais à
l'étranger. Les cabarets, les studios de
cinéma, les Ballets Russes et les
quartiers d’artistes où l’on ne parlait que
russe ne sont plus que des souvenirs…
Mais des souvenirs qui habitent encore
les lieux parisiens.
Le Paris russe du début du siècle
dernier est devenu un Paris « secret »,
que l’on retrouve parfois dans les pages
des guides parisiens « hors des sentiers
battus » et autres « Paris disparus ». Plus
personne aujourd’hui ne sait que se
nichent, au cour d’une allée privée du
16e arrondissement, quelques isbas
russes, vestiges du pavillon russe de
l’Exposition Universelle de 1867. Rares
sont les passants qui prêtent attention
aux anciens immeubles des loges
maçonniques russes… Ce Paris-là n’est
aujourd’hui visité que par des passants
occasionnels et les touristes russes. Ces
derniers, d’ailleurs, se contentent sou-
vent des grands monuments, grands
magasins et… du Paris russe décrit par
Boris Nosik, l’écrivain qui s’est fait
un nom en contant ce monde
russe disparu avec la Seconde
Guerre mondiale. Entre les
Russes ayant émigré aux Etats-
Unis, ceux rentrés en URSS et
ceux péris dans la Résistance ou les
camps de concentration, la commu-
nauté décimée n’a pas su se renouveler.
Nouveau Paris russe
Si le nouveau Paris russe peine à s'im-
planter, ce n'est pas faute d'intéressés!
Selon diverses estimations, il y aurait
aujourd'hui entre 20 000 et 30 000
Russes à Paris, soit largement de quoi
créer une petite communauté. Mais,
contrairement à l’exil massif et
contraint des trois premières vagues
d’immigration, ce sont aujourd'hui des
électrons libres partis de leur propre
gré en quête d'une vie meilleure qui
s’installent à Paris; et, dans cette
quête, chaque Russe voit en son
compatriote un concurrent. Les
Russes français ne se sentent
aujourd’hui reliés que par un
goût commun pour la nourri-
ture et l’art russe, et par la
nécessité de transmettre la
culture et la tradition aux
enfants. Aucune organisation
ne vient centraliser ces efforts,
et tous avouent : « Il n’existe pasde communauté russe, il n’y a que
ce que nous faisons ! » Aujourd’hui,
la somme de ces efforts com-
mence à porter ses fruits, et le
Paris russe se reconstruit lente-
ment suivant le même schéma
qu’il y a un siècle : d’abord les
magasins et les églises, puis les
écoles et les cabarets, remplacés
aujourd’hui par les soirées russes dans
des boîtes de nuit.
« Connaissez-vous Maxime&Co ? »
demandent les Russes dès qu’on les
questionne sur la présence russe en
France. Lancée par Maxime
Gedilaghine, descendant de Russes
blancs et Parisien de naissance, l’associ-
ation est aujourd’hui connue de tous les
Russes français. « Je ne sais paspourquoi, mais les différentes vagues del’émigration russe ne communiquent pra-tiquement pas entre elles. J’ai voulu yremédier ! » Alors, au début des années
2000, il lance l’idée des déjeuners russes
à la Défense : de nombreux jeunes y tra-
vaillent et profitent de ces repas pour
faire à la fois du développement de
réseau et de la conversation russe… Puis
ont suivi des expéditions aux
champignons, des pique-niques, des
soirées… Les jeunes Russes se retrou-
vent de plus en plus grâce à Internet, sur
des sites comme
www.maximeandco.com, www.privet-
paris.com ainsi que par le biais de très
nombreux groupes consacrés aux Russes
en France sur Facebook.
Les plus âgés se retrouvent surtout à
l’église, à la cathédrale russe de la rue
Daru, ou un petit monde très orthodoxe
vit en dehors du temps, mais aussi dans
quelques églises orthodoxes parisiennes,
comme la Saint-Séraphin de Sarov,
cachée dans une banale cour d’immeu-
ble de la rue Lecourbe dans le 15e
arrondissement. Deux petites coupoles
bleues couronnent une bâtisse en bois
abritant une poignée de fidèles, parmi
lesquels des Russes blancs, quelques
nouveaux arrivants en quête de
contacts, et beaucoup d’immigrés bul-
gares. Severina, à Paris depuis huit ans,
se dit contente d’avoir trouvé une église
orthodoxe où l’on peut « se retrouveraprès l’office pour boire un thé et bavar-der » : le jardin entourant l’église s’y
prête particulièrement en été… Si la
petite église ne paie pas de mine et qu’il
n’y a que quelques fidèles réunis pour
l’office du dimanche, comme pour les
jeunes, l’essentiel des liens se crée ici sur
le Web 2.0 que l’église orthodoxe
maîtrise non moins bien que les adeptes
de Facebook : Larissa me conseille de
m’abonner au flux RSS et de consulter
les albums photo de la paroisse sur
Flickr… Autant dire que la vie de com-
munauté renaît là où l’on ne l’attendait
pas !
C'est aussi par l'église que la commu-
nauté conserve un lien avec la culture
russe: la plupart des écoles russes – une
petite dizaine aujourd’hui – sont
financées en partie par l’église ortho-
doxe ou, si elles sont privées, dispensent
un enseignement religieux en plus des
cours ordinaires. La demande d’écoles
bilingues franco-russes ne cesse de
croître : s’il y a dix ans encore, les cou-
ples franco-russes étaient nombreux où
les enfants ne parlaient que français,
aujourd’hui les parents cherchent à tout
prix à transmettre l’héritage russe. C’est
l’Ouest parisien qui abrite la plupart de
ces nouvelles écoles.
Pour les adultes, la situation est plus
difficile : les media russes sont peu
répandus et, si la célèbre Pensée Russe
existe encore, la nouvelle direction ne
fait pas secret des difficultés financières
que traverse le journal depuis bientôt
quinze ans. Pour lire en russe, deux
choix se présentent : les librairies spé-
cialisées (dont la plus grande, la
Librairie du Globe, héritière des institu-
tions soviétiques) et la bibliothèque
Tourgueniev… L’institution, fondée en
1974 et qui possédait autrefois 100 000
ouvrages, en a perdu les deux tiers pen-
dant la guerre. Aujourd’hui, elle vivote
grâce à l’aide de la Mairie de Paris dans
ses locaux de la rue de Valence. La petite
salle de lecture avec, pour tout mobilier,
quatre tables en bois et un meuble à
tiroirs contenant de petites fiches car-
tonnées en guise de catalogue, fait office
avant tout de lieu de rencontres. Des
étudiants en russe viennent ici pour la
« conversation » – surtout avec des jolies
filles – et les Français à la recherche
d’une nounou ou d’une femme de
ménage passent pour consulter les
petites annonces. « Institutrice cherche
heures de ménage », « professeur,
diplômé en philologie, cherche heures
de babysitting »… Ces annonces, ainsi
que les tarifs extrêmement bas pratiqués
par la bibliothèque, révèlent la situation
actuelle de tout un pan de l’immigration
russe, frappée de plein fouet par l’ab-
sence de reconnaissance des diplômes.
Ce manque d’argent et l’explosion de
l’immobilier des vingt dernières années
expliquent, sans doute, l’absence totale
de nouveaux bâtiments dédiés aux insti-
tutions de la communauté russe.
Paris russe pour francophones
Au centre culturel russe de la rue
Boissière, même air d'antan. Ancien
antre culturel du KGB, le centre a
conservé l'accueil inhospitalier et limité
au strict minimum. Les Français qui
s'intéressent à la Russie se plaignent
souvent du caractère inaccessible de la
communauté russe parisienne: le
consulat leur tourne le dos, le centre
culturel et les librairies peinent à répon-
dre à leurs questions... et les enfants des
immigrés de la première vague préfèrent
rester entre eux, se rencontrant dans
quelques clubs très privés où les descen-
dants des Golitsyne côtoient ceux des
Troubetskoï et où les mariages se font
souvent entre descendants d’aristocrates
russes.
Les seuls lieux russes où les non-rus-
sophones sont accueillis à bras – parfois
trop – ouverts, ce sont les restaurants.
Traditionnellement, et de façon inexpli-
cable, les restaurants russes tendent à
figurer parmi les plus onéreux de la ca-
pitale. Même l’ancienne Cantine
Russe, secret bien gardé du
Suite de la page 1
Que reste-t-il du Paris russe ?
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Conservatoire russe de Rachmaninov,
aux prix doux et à l'ambiance déli-
cieusement désuète (verres en pyrex,
tables en bois et nappes à carreaux), a
été transformée il y a trois ans en un
énième restaurant russe avec
« ambiance musicale ». Si les ingrédi-
ents de base de la cuisine russe –
pommes de terre, crème fraîche, viande
et quelques légumes – sont bon marché
et faciles à trouver, les restaurateurs
mettent l'accent sur le duo vodka-
caviar, et l'addition s'envole. L'accueil
indifférent, voire glacial, qui est devenu
la marque de fabrique d’un bon nombre
de restaurants russes – certains parlent
d'un accueil digne d’un poste-frontière
de la douane russe ! – finit d’empoison-
ner une soirée déjà fort mal entamée.
Parmi les restaurants que les Russes
eux-mêmes fréquentent volontiers,
le meilleur est un restaurant...
géorgien, Pirosmani, caché dans
une petite ruelle du Quartier Latin.
Les Russes ne feraient-ils pas con-
fiance à leurs compatriotes en
matière de gastronomie ? Pour
nombre d'entre eux, c'est juste-
ment cette image de la « cuisine
russe destinée à l'exportation » qui
dérange : « On n'a pas envie d'être ledindon de la farce! », s'exclame
Serguei, jeune artiste installé dans le
quartier de la Bastille. « On n'est pasassez fou pour dépenser de telles sommespour une soupe aux choux que n'importequelle femme russe préparera trois foismieux pour dix fois moins cher! »,
renchérit Irina, lectrice de la biblio-
thèque Tourgueniev. Au contraire, la
cuisine géorgienne reste suffisamment
exotique pour que l'on ne puisse pas
reproduire la recette chez soi, et en
même temps très familière pour les
Russes.
Depuis la disparition de la Cantine
Russe, quelques initiatives tentent de
pallier au manque de couleurs russes sur
la palette gastronomique parisienne. La
Table Russe, petit restaurant niché au
coeur du Quartier Latin, a ouvert il y a
trois ans et attire non seulement l’anci-
enne clientèle de la Cantine Russe, mais
aussi les nouveaux immigrés russes du
5e arrondissement et les plus jeunes
membres de la communauté. A midi,
quelques couples français mais aussi des
gens seuls, comme ce monsieur qui vide
délicatement son verre de vodka après
avoir bu son thé. Raie sur le côté, cos-
tume marron et serviette en cuir, on
l’imagine déjà à la bibliothèque de la
Sorbonne… en train de digérer son
déjeuner ! La propriétaire, cuisinière et
serveuse, gère aussi l’épicerie russe
située à deux pas du restaurant.
Effectivement, plus que les restaurants,
ce sont aujourd'hui les épiceries qui
aident les Russes à combattre la nostal-
gie. Demandez à un Russe parisien ce
qui lui manque et vous entendrez une
longue tirade sur la smetana, le pain
noir, le caviar d'aubergines, le poisson
séché... toutes sortes de produits que
l’on trouve aujourd'hui dans des
épiceries russes qui poussent comme des
champignons dans toutes les grandes
villes françaises.
Les boîtes de sprotes s'alignent en
colonnes rangées, des guirlandes de
souchkis entourent des samovars et les
bouteilles de vodka de marques diverses
et variées occupent un mur entier du sol
au plafond. La vendeuse – imman-
quablement russe, blonde et peu
loquace – règne sur ses rayons, l’air
absent… En 2000, il n'y avait, à Paris,
qu'un seul magasin russe : Chez
Ludmilla. Aujourd’hui, on en recense
plus d'une vingtaine. Il y a six ans,
Karina Maskhoudian et son mari
ouvraient le premier Gastronom.
Depuis, la chaîne possède douze maga-
sins, dont le dernier date d’il y a un mois
à peine! Les produits viennent de
Russie, d'Ukraine, de Moldavie et,
surtout, d'Allemagne, car de nombreux
produits russes sont interdits à l'impor-
tation en France. Le chiffre d'affaires ne
cesse de croître, et les Russes parisiens
n’en sont pas les seuls responsables : les
Français découvrent la cuisine russe et
passent souvent prendre une petite
bouteille de Baltika, comme l’explique
Svetlana, vendeuse du Gastronom N8.
Au début, ils ne représentaient que 20%
des clients mais ils sont aujourd'hui près
de la moitié à profiter des épiceries rus-
ses qui sont, avec l’« arabe du coin », les
seuls magasins ouverts tard le soir et le
dimanche. « Vous voyez, il est 22h, toutest fermé. Les Français ne veulent pastravailler, et nous, nous sommes ouverts!C'est un vrai atout à Paris. » Une cen-
taine de clients par jour qui dépensent
chacun entre 12 et 20 Euro pour des
produits généralement deux fois plus
chers qu'en Russie : mais que ne
paierait-on pour savourer du vrai hareng
saur?
L’image de la Russie aux yeux des
Parisiens oscille, en fonction de leurs
connaissances sur le sujet, entre deux
trios : putes-mafia-vodka pour les uns,
thé-caviar-ballet pour les autres.
Petrossian, Kusmi-thé, Stanlowa...
voilà le Paris russe ! vous diront certains.
« Connais pas », répliqueront les Russes.
Petrossian est en effet, pour les Russes,
un nom aux consonances arméniennes,
associé davantage à un comique popu-
laire qu'à la gastronomie de luxe, la
marque de thé Kousmichoff n'existe
plus en Russie depuis 1917 et appartient
d'ailleurs en totalité à des Français, tan-
dis que Stanlowa n'est qu'un pseudo-
nyme de Nine Flis, la fondatrice d'une
école de danse qui voulait lui conférer
une aura russe! Pas facile de sortir du
labyrinthe des faux-semblants et des
portes fermées lorsque les autochtones
sont peu enclins à en livrer les secrets !
Lassés par les arnaques et incapables
de participer aux événements organisés
par des Russes parce qu’ils ne maîtrisent
pas la langue, les Français préfèrent se
fier aux initiatives françaises : exposi-
tions (comme L’Avant-garde russe au
Musée Maillol), tournées de troupes de
théâtre, de ballet et d’opéra russes
organisées régulièrement par l’Opéra de
Paris, le Théâtre du Châtelet, le théâtre
de l’Odéon ou encore la MC93 et, pour
la nourriture, les traiteurs du quartier de
la rue des Rosiers où la nourriture juive
d’Europe de l’Est reste le meilleur sub-
stitut à la cuisine russe. Plus pour
longtemps : le nombre de Russes ne
cesse d’augmenter, et – on le remarque
déjà si l’on se penche du côté des
galeries d’art et de photographie franco-
russes – dans les années à venir, l’on
verra sans doute renaître une vie gas-
tronomique et culturelle russe accessible
à tous !
Daria Moudrolioubova
D O S S I E R 7Le Courrier de RussieLe Courrier de RussieDu 23 janvier au 6 février 2009
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