que faire d'un texte insatisfaisant ?

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FICHE EXPLICATIVE Présidente de la Commission de la Culture, de l’Éducation et de la Communication POUVOIR DE DIRE OU POUVOIR D’AGIR ? Nous faisons de la politique. Le pouvoir d’agir induit par les man- dats met parfois en tension la radi- calité d’un discours de rejet et l’opé- rationalité d’un accord transitoire permettant des acquis. Voulons-nous garder un discours “pur” exempt de tout compromis ou voulons-nous, de là où nous sommes, faire bouger les choses, avancer vers une société plus écologiste ? Les deux ! Nous sommes ambitieux ; mais confrontés à “l’exercice du pou- voir”, mus par la volonté de faire réellement bouger les décisions nous sommes amenés à préférer AGIR, même à la marge, même laborieuse- ment, plutôt que de se contenter de conserver un confortable “pouvoir de dire”, dénonçant ce qui coince... au risque de laisser perdurer le pire, qui lui est antérieur. Au parlement, l’examen de loi Fio- raso sur l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), permet d’illustrer l’utilisation des mécanismes du travail parlementaire et les modes d’arbi- trages des décisions prises au risque de perdre l’image simpliste d’oppo- sant. La posture particulière de Présidente de Commission, donne à la fois de la visibilité et des obligations démocra- tiques. Marie Blandin EELV avait rappelé, lors des cam- pagnes électorales de 2012, que la tenue de larges États Généraux de l’Enseignement Supérieur et de la Re- cherche (ESR) était indispensable afin de restaurer la confiance de la com- munauté académique et de prendre le temps d’une concertation ouverte aux étudiants et à toute la société. Les 2012, l’année du changement pour l’Enseignement Supérieur et la Recherche ? assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, organisées au deu- xième semestre 2012, ont donné une voix prépondérante aux institutions, au détriment de l’expression des acteurs de terrain de l’ESR, des étudiants et de la société. De plus, après des années de chamboulement du système fran- çais de l’ESR, des mesures structu- relles et d’urgence étaient indispen- sables pour rétablir la confiance des acteurs et préparer l’avenir : le projet de loi proposé par la ministre Fioraso en mars 2013 était plus un toilettage sans moyens qu’une réforme. Cerise sur le gâteau, ce projet de loi est inscrit en procédure d’urgence, si bien qu’il ne fera l’objet que d’une seule lecture dans chaque chambre (au lieu d’une navette comprenant deux lectures), le règlement de l’As- semblée Nationale prévoyant même dans ce cas-là l’instauration d’un “temps programmé” qui limite la durée d’expression des groupes poli- tiques (cf. pages suivantes). Marie Blandin Sénatrice du Nord L’ACTION DES PARLEMENTAIRES ÉCOLOGISTES SUR LA LOI FIORASO Loi relative à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche : que faire d’un texte insatisfaisant ? © MCB © Sénat

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Fiche explicative : l'action des parlementaires écologistes sur la loi Fioraso - loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche

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Page 1: Que faire d'un texte insatisfaisant ?

FICHE EXPLICATIVE

Présidente de la Commission de la Culture, de l’Éducation et de la Communication

POUVOIR DE DIRE OU POUVOIR D’AGIR ?

Nous faisons de la politique. Le pouvoir d’agir induit par les man-dats met parfois en tension la radi-calité d’un discours de rejet et l’opé-rationalité d’un accord transitoire permettant des acquis.Voulons-nous garder un discours “pur” exempt de tout compromis ou voulons-nous, de là où nous sommes, faire bouger les choses, avancer vers une société plus écologiste ?Les deux ! Nous sommes ambitieux ;

mais confrontés à “l’exercice du pou-voir”, mus par la volonté de faire réellement bouger les décisions nous sommes amenés à préférer AGIR, même à la marge, même laborieuse-ment, plutôt que de se contenter de conserver un confortable “pouvoir de dire”, dénonçant ce qui coince... au risque de laisser perdurer le pire, qui lui est antérieur.Au parlement, l’examen de loi Fio-raso sur l’enseignement supérieur et

la recherche (ESR), permet d’illustrer l’utilisation des mécanismes du travail parlementaire et les modes d’arbi-trages des décisions prises au risque de perdre l’image simpliste d’oppo-sant.La posture particulière de Présidente de Commission, donne à la fois de la visibilité et des obligations démocra-tiques.

Marie Blandin

EELV avait rappelé, lors des cam-pagnes électorales de 2012, que la tenue de larges États Généraux de l’Enseignement Supérieur et de la Re-cherche (ESR) était indispensable afin de restaurer la confiance de la com-munauté académique et de prendre le temps d’une concertation ouverte aux étudiants et à toute la société. Les

2012, l’année du changement

pour l’Enseignement

Supérieur et la Recherche ?

assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, organisées au deu-xième semestre 2012, ont donné une voix prépondérante aux institutions, au détriment de l’expression des acteurs de terrain de l’ESR, des étudiants et de la société. De plus, après des années de chamboulement du système fran-çais de l’ESR, des mesures structu-relles et d’urgence étaient indispen-sables pour rétablir la confiance des acteurs et préparer l’avenir : le projet de loi proposé par la ministre Fioraso

en mars 2013 était plus un toilettage sans moyens qu’une réforme.Cerise sur le gâteau, ce projet de loi est inscrit en procédure d’urgence, si bien qu’il ne fera l’objet que d’une seule lecture dans chaque chambre (au lieu d’une navette comprenant deux lectures), le règlement de l’As-semblée Nationale prévoyant même dans ce cas-là l’instauration d’un “temps programmé” qui limite la durée d’expression des groupes poli-tiques (cf. pages suivantes).

Marie BlandinSénatrice du Nord

L’ACTION DES PARLEMENTAIRES ÉCOLOGISTES SUR LA LOI FIORASO

Loi relative à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche :que faire d’un texte insatisfaisant ?

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CB

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énat

Page 2: Que faire d'un texte insatisfaisant ?

SCIenCeS - SoCIÉtÉ

• Renforcement des interactions entre sciences et société dans l’enseignement supérieur.

• Réorientation significative dans la partie recherche du projet de loi de la notion de transfert vers les associations et fondations reconnues d’utilité publique, au delà des entreprises.

• Inclusion de la participation citoyenne dans l’élaboration de la stratégie nationale de recherche.

• Meilleure prise en compte de la nécessité du partage de la culture scientifique, technique et industrielle. Transfert aux Régions des crédits accordés aux initiatives en matière de Culture scientifique et technique, ce qui marque leur retour dans un pilotage public.

• Définition d’un cadre légal pour le transfert et la recherche participative avec les associations et fondations reconnues d’utilité publique.

• Encadrement du transfert de brevet avec clause de caducité (et donc impossibilité pour un industriel de “geler” un brevet qui lui serait économiquement défavorable).

• Limitation stricte du cadre du transfert par voie d’ordonnance “à droit constant”.

GouVeRnanCe

• Autonomie plus grande des Régions en cohérence avec la stratégie nationale de recherche.

• Intégration de la parité dans les filières de formation et les comités de recrutement.

• Renforcement de l’équité par la fin de la gratuité des CGPE (double-inscription en fac obligatoire, sauf pour les STS).

• Fin du droit de veto du Président de l’université pour le recrutement des enseignants-chercheurs, au profit du CA en formation restreinte.

• Démocratisation de la gouvernance des universités avec augmentation du pourcentage des membres élus au suffrage direct dans les CA.

• Assouplissement des conditions d’associations des universités et établissements avec ouverture d’une option confédérale.

Les avancées obtenues

qui ont permis

le vote en commission,

en séance, en CMP

Au sénat, les élu(e)s écologistes ont fait adopter plusieurs

amendements qui ont significativement amélioré

le texte initial pour démocratiser la gouvernance

et sortir du mono-thème du transfert technologique.

C’est pour cette raison qu’ils ont apporté leurs voix au texte lors du vote en première lecture et

en Commission Mixte Paritaire.

première lecture à l’assemblée nationale

L’urgence entraîne, à l’AN, le “temps programmé” qui limite la parole des groupes politiques

Le 28 MaI 2013 Les écologistes ne sont pas entendus : ils votent contre ce projet de loi. Le texte est adopté avec les voix des socialistes et des radicaux, il est transmis au Sénat.

première lecture au sénat

Le 12 juIn 2013Le texte transmis est amélioré par la Commission de la Culture, de l’Éducation et de la Communica-tion : les écologistes donnent leurs voix pour permettre que ce soit ce nouveau texte qui soit débattu en séance.

Du 19 au 21 juIn 2013Examen en séance.Mêmes causes, mêmes effets : les écologistes votent pour ce texte, afin qu’il soit transmis à la CMP.

20 MaRS 2013 Dépôt du texte sur le bureau de l’AN.

Une loi en procédure d’urgence

“Notre credo est celui d’une science dotée d’une conscience. À cette fin, il est nécessaire de garantir la pluralité et la liberté des recherches, de permettre à la société de questionner les scientifiques et d’aider les citoyens à devenir des acteurs du développement des connaissances. Cette évolution suppose un tissu de recherche dynamique, indépendant des intérêts économiques.”

Isabelle Attard, le 28 mai

“Le développement du financement de la recherche publique sur projets et la volonté de mettre celle-ci au service du développement technolo-gique immédiat risquent fort d’affaiblir un peu plus la recherche fonda-mentale, celle qui cherche tous azimuts et sans finalité marchande à court terme, mais qui est à l’origine de découvertes majeures.”

André Gattolin, le 19 juin

© B. Lévy© V. Spender

Page 3: Que faire d'un texte insatisfaisant ?

MaIS auSSI

• L’université placée au centre de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur.

• Meilleure prise en compte de l’objectif de la réussite des étudiants : intégration dans les objectifs du service public de l’enseignement supérieur avec un rapport-bilan / stratégie nationale notamment en ce qui concerne les financements.

• Renforcement de la protection des stagiaires (harcèlement moral, harcèlement sexuel, interdiction des restrictions non justifiées des droits)

• Handicap : nouvelle définition de la société inclusive, schéma directeur pluriannuel en matière de politique du handicap des conseils académiques.

• Suppression du doublement du plafond du Crédit Impôt Recherche.

• Suppression du droit au Crédit d’Impôt Recherche en cas de baisse des effectifs des entreprises.

• Séjour des étrangers : le droit de séjour des “scientifiques-chercheurs” est consolidé en cas de perte d’emploi ; les conditions de séjour (et de travail) des étrangers ayant obtenu un master sont assouplies.

Pour postuler sur un poste d’enseignant chercheur, les candidats doivent passer au préalable une étape de “qualification” auprès du CNU (conseil national des universités). Il s’agit d’un examen sur dossier des travaux des futurs éventuels candidats. Ces derniers doivent être titulaires d’un doctorat pour postuler sur un poste d’enseignant chercheur.

Le CNU est compétent pour le recrutement et le suivi des carrières des professeurs des universités et des maîtres de conférences. Cette instance est composée de membres élu(e)s par des pairs et de membres nommé(e)s par le gouvernement. Un amendement écologiste a été adopté supprimant cette procédure, et provocant un vif émoi dans les milieux universitaires (mais également des soutiens). Cette suppression n’était en rien une bévue ou une boulette comme on a pu le lire, mais l’absentéisme en séance publique a rendu les votes incohérents, notre amendement construisant une alternative a été rejeté. Le résultat ne faisait pas sens.

Démocrates et convaincus de l’existence d’un problème sur la procédure de qualification, les parlementaires ont pris acte du maintien de la procédure de qualification par le CNU et de la clause de revoyure à deux ans inscrite dans la loi par la Commission Mixte Paritaire. Nous nous félicitons que le débat ait enfin été posé publiquement, nous veillerons à ce que se tienne, à la rentrée, une audition publique sur ce sujet, rassemblant l’ensemble des acteurs de l’université.

L’emballement

du débat sur la

procédure de

qualification

Commission Mixte ParitaireComposée de 7 sénateurs et 7 députés, la CMP est chargée de trouver un texte qui puisse accorder les deux chambres.

Lecture des conclusions de la CMP

Le 9 juILLet 2013

Elle s’est réunie le 26 juin et Marie Christine Blandin a voté le texte de compromis qui a maintenu les acquis du Sénat.

à l’Assemblée Nationale

Actant que malgré ses améliorations, le texte soumis garde une philosophie générale insatisfaisante, les éco-logistes s’abstiennent. Le texte est adopté par 161 voix “pour” (PS, Radicaux et une partie de l’UDI) et 157 “contre” (communistes, UMP et Non inscrits).

Actant l’amélioration du texte depuis la 1re à l’AN, les écologistes s’abstiennent.

“Le développement du financement de la recherche publique sur projets et la volonté de mettre celle-ci au service du développement technolo-gique immédiat risquent fort d’affaiblir un peu plus la recherche fonda-mentale, celle qui cherche tous azimuts et sans finalité marchande à court terme, mais qui est à l’origine de découvertes majeures.”

André Gattolin, le 19 juin

“Autre point alarmant, la gouvernance des communautés d’universités et établissements : elle reste un sujet d’inquiétude pour de nombreux acteurs. Les écologistes défendent depuis longtemps la création d’uni-versités fédérales.” Corinne Bouchoux, le 19 juin

“Le texte est adapté à certaines disciplines au détriment d’autres, nous craignons réellement que cela ne mette en danger les sciences hu-maines et sociales.” Corinne Bouchoux, le 3 juillet

PROMULGATION LE 22 jUILLET 2013

Le 3 juILLet 2013

au Sénat

© A. Nouteau

Page 4: Que faire d'un texte insatisfaisant ?

Con

cept

ion

TOO

MAK

06

07 0

5 27

10

« Madame la ministre,

vous avez maintenant une

responsabilité considérable.

Durant l’examen de ce projet

de loi, nous avons entendu

toutes les demandes émanant

du terrain, des demandes

parfois contradictoires,

mais toujours fort énergiques.

L’enseignement supérieur

et la recherche, c’est l’avenir,

et nous ne le préparerons pas

correctement en adaptant nos

vieilles recettes pour trouver

des solutions aux mutations

sociétales, économiques

et environnementales. »

Marie Blandin, le 21 juin

Nous regrettons par ailleurs non seulement que l’ANR n’ait pas été supprimée - la course aux projets ne s’arrêtera pas, c’est maintenant chose claire -, mais aussi que ce texte ne soit pas une loi de programmation : nous l’avons constaté, si des postes ont été annoncés avec la sécurisation de l’emploi, les « cinq fois mille postes » sont toujours attendus, et nous devrons vérifier qu’ils sont effectivement créés. Nous devrons aussi nous assurer de la sécurisation dans le cadre des protocoles existants.

Corinne Bouchoux, le 21 juin

Permanence parlementaire

Mathilde Steinauer Valérie Spender130 rue du Faubourg de Douai59000 Lille03 20 09 72 [email protected]

Sénat

Romain Poujol15 rue de Vaugirard75291 Paris cedex [email protected]

Marie BlandinSénatrice du Nord

mariechristineblandin.eelv.fr

@mcblandin

Marie-Christine Blandin - Sénatrice

Directrice de la publication Marie BlandinConception ToomakImpression La Monsoise, Mons-en-Barœul

© S

énat