quart-de- s’organiser ! poilageleroy (mercure de france), jésus et tito, de velibor colic...

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Quart-de- poilage Huit heures du matin, réveil. Joie, fenêtre. La basilique est rose. Robe de chambre. Escalier, cuisine, les deux chattes sur les mollets. France Inter, informations. Musique, Terry Riley, In C, tonique, répé- titive, lancinante, écran parfait pour lais- ser la place au vide intérieur. Café, yaourt, tartines. Remonter en courant, les chattes sur les talons, dans l’odeur de tapis et de bois comme une maison d’enfance. Bureau, ordinateur. Musique bête du démar- rage. Relecture des textes de la veille. Neuf heures au clocher de la basilique. Silence. Relire. Avancer. Relire mille fois, avancer. Et encore et encore. Avancer, biffer. Relire pour lisser, reprendre. Rectifier, avancer. Debout, marcher vers la chambre, respirer, revenir au bureau. Onze heures, deuxième café. Descendre, remonter. Relire. Avancer. Prévoir une sortie sur les bords de la rivière pour dire la scène à haute voix en marchant. Midi et demi, épuisement. Forcer. Chercher loin, loin. Pousser, pousser. Les gestes s’engluent, l’écran vacille. Insister, insister encore. Relire, avan- cer, chercher profond, extirper. Le blanc enva- hit la tête. Aimer le blanc, entendre sa force, prendre ce qu’il donne, nue, l’essentiel à portée de doigts. Treize heures trente, jeter le gant. Faire couler un bain dans l’immense baignoire, allumer des bougies, verser du pro- duit moussant, choisir un livre. Détente sous le vasistas où pointe le clocher de la basilique. Descendre déjeuner en compagnie des chattes affamées. Couper des légumes, cuire le frichti, chanter, radio, fenêtre, potins du journal local, encore un meurtre. Monter faire la sieste. Quinze heures, sortie, balade, papo- tage de voisinage, courses dans la rue, petit tour à la rivière. Seize ou dix-sept heures, retour à l’ordinateur. Relecture, corrections, biffures, ajouts, quart-de-poilage. Avancer, avancer. Dix-neuf heures trente, c’est le soir. Apéro, téléphone, dîner, film à la télé. Vingt- deux heures, ordinateur. Relire. Corriger. Laisser infuser. Vingt-trois heures, un livre au lit, les chattes sur les fauteuils de la chambre. Semaine après semaine. Et vous, quelle est votre organisation du bonheur ? Florence Delaporte n°254 - septembre 2010 le mensuel du livre en Rhône-Alpes en +++++++++ Utopia, le guide culturel Rhône-Alpes lancé par le regretté Lucien Mazenod, a présenté son édition 2010-2011 au début de l’été, à l’initiative de Grégory Mazenod et Jérôme Grange. Plus de quatre cents pages et un tour d’hori- zon du foisonnement culturel dans la région : spectacle vivant, arts plastiques, musique, patrimoine… mais aussi un cahier littéraire avec des textes de Lionel Bourg, Patrick Dubost, Patrick Laupin, Michel Ménaché, Thierry Renard… www.guide-utopia.fr > www.arald.org les écrivains à leur place S’organiser ! Devenues incontournables dans la vie littéraire, les manifestations sont tou- jours plus nombreuses dans les régions et bénéficient largement du soutien des pouvoirs publics. Soucieuses de permettre à ces acteurs de se structurer et de maintenir un certain niveau d’exigence qualitative, les centres régionaux du livre (et en premier lieu l’ARALD, dès 2001) ont proposé des chartes de missions de service public, qui rappellent à ces manifestations leurs responsabilités artistiques, profes- sionnelles, territoriales et sociales. Aujourd’hui, l’ARALD et l’ARL PACA publient Comment organiser une manifestation littéraire ?, un guide pratique à l’usage des organisateurs, « qui vise à aider la construction ou l’évolution d’un projet, en apportant des éléments de réflexion et d’information utiles à son inscription dans un réseau professionnel. » De quoi se poser les bonnes questions, pour mieux s’organiser. L. B. 3 e prix littéraire des lycéens et apprentis rhônalpins On connaît la sélection des ouvrages en lice pour ce prix 2010-2011 de la Région Rhône-Alpes : dans la catégo- rie « romans », Zola Jackson, de Gilles Leroy (Mercure de France), Jésus et Tito, de Velibor Colic (Gaïa), Sébastien, de Jean- Pierre Spilmont (La Fosse aux ours) et Les Treize Desserts, de Camille Bordas (Joëlle Losfeld) ; dans la catégorie « bande dessi- née » : L’Homme Bonsaï, de Fred Bernard (Delcourt), La Maison d’Ether, de Christian Durieux et Denis Larue (Futuropolis), Hosni, de Maximilien Le Roy (La Boîte à bulles) et Hélas, de Rudy Spiessert et Hervé Bourhis (Dupuis). Les élèves de 26 classes seront amenés à se prononcer. Après lecture… rendez-vous Premier album de bande dessinée de Malik Deshors, L’Été de Luca (La Boîte à bulles) propose une singulière rêverie autour des méduses (lire p.9). images/p.8-9 Dans tous les sens Livres d’images en tous genres avec Philippe Poncet, Sylvie Fontaine, Malik Deshors, Delphine Perret, Agnès de Lestrade et Anaïs Barnabé. essai/p.11 Le crime et sa mémoire Retour sur un ouvrage de Tal Bruttmann, aux P.U.G, « Aryanisation » économique et spoliations en Isère (1940-1944), et sur un livre des Publications de l’université de Saint-Étienne : Exposer les mémoires et l’histoire Berlin – Ravensbrück. © Malik Deshors, La Boîte à bulles © Réseau MEMORHA, Nadine Fresco rentrée littéraire/p.2-4 Le grand bain Romans, premiers romans, récits… Une présentation de la rentrée littéraire des auteurs et des éditeurs de Rhône-Alpes.

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  • Quart-de-poilageHuit heures du matin, réveil. Joie, fenêtre.La basilique est rose. Robe de chambre.Escalier, cuisine, les deux chattes sur lesmollets. France Inter, informations.Musique, Terry Riley, In C, tonique, répé-titive, lancinante, écran parfait pour lais-ser la place au vide intérieur. Café, yaourt,tartines. Remonter en courant, les chattessur les talons, dans l’odeur de tapis et debois comme une maison d’enfance.

    Bureau, ordinateur. Musique bête du démar-rage. Relecture des textes de la veille. Neufheures au clocher de la basilique. Silence.Relire. Avancer. Relire mille fois, avancer. Etencore et encore. Avancer, biffer. Relire pourlisser, reprendre. Rectifier, avancer. Debout,marcher vers la chambre, respirer, revenirau bureau. Onze heures, deuxième café.Descendre, remonter. Relire. Avancer. Prévoirune sortie sur les bords de la rivière pour direla scène à haute voix en marchant. Midi etdemi, épuisement. Forcer. Chercher loin, loin.Pousser, pousser. Les gestes s’engluent, l’écranvacille. Insister, insister encore. Relire, avan-cer, chercher profond, extirper. Le blanc enva-hit la tête. Aimer le blanc, entendre sa force,prendre ce qu’il donne, nue, l’essentiel àportée de doigts. Treize heures trente, jeterle gant. Faire couler un bain dans l’immensebaignoire, allumer des bougies, verser du pro-duit moussant, choisir un livre. Détente sousle vasistas où pointe le clocher de la basilique.Descendre déjeuner en compagnie deschattes affamées. Couper des légumes, cuirele frichti, chanter, radio, fenêtre, potins dujournal local, encore un meurtre. Monter fairela sieste. Quinze heures, sortie, balade, papo-tage de voisinage, courses dans la rue, petittour à la rivière. Seize ou dix-sept heures,retour à l’ordinateur. Relecture, corrections,biffures, ajouts, quart-de-poilage. Avancer,avancer. Dix-neuf heures trente, c’est le soir.Apéro, téléphone, dîner, film à la télé. Vingt-deux heures, ordinateur. Relire. Corriger.Laisser infuser. Vingt-trois heures, un livre aulit, les chattes sur les fauteuils de la chambre.Semaine après semaine. Et vous, quelle estvotre organisation du bonheur ? FlorenceDelaporte

    n°254 - septembre 2010le mensuel du livre en Rhône-Alpes

    en + + + + + + + + +Utopia, le guide culturel Rhône-Alpeslancé par le regretté Lucien Mazenod,a présenté son édition 2010-2011 audébut de l’été, à l’initiative de GrégoryMazenod et Jérôme Grange. Plus dequatre cents pages et un tour d’hori-zon du foisonnement culturel dans larégion : spectacle vivant, arts plastiques,musique, patrimoine… mais aussi uncahier littéraire avec des textes de LionelBourg, Patrick Dubost, Patrick Laupin,Michel Ménaché, Thierry Renard…www.guide-utopia.fr

    > www.arald.org

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    lace S’organiser !

    Devenues incontournables dans la vielittéraire, les manifestations sont tou-jours plus nombreuses dans les régionset bénéficient largement du soutiendes pouvoirs publics. Soucieuses depermettre à ces acteurs de se structureret de maintenir un certain niveaud’exigence qualitative, les centresrégionaux du livre (et en premier lieul’ARALD, dès 2001) ont proposé deschartes de missions de service public,qui rappellent à ces manifestationsleurs responsabilités artistiques, profes-sionnelles, territoriales et sociales.Aujourd’hui, l’ARALD et l’ARL PACApublient Comment organiser unemanifestation littéraire ?, un guidepratique à l’usage des organisateurs,« qui vise à aider la construction oul’évolution d’un projet, en apportant deséléments de réflexion et d’informationutiles à son inscription dans un réseauprofessionnel.  » De quoi se poser lesbonnes questions, pour mieux s’organiser.L. B.

    3e prix littéraire deslycéens et apprentisrhônalpinsOn connaît la sélection des ouvragesen lice pour ce prix 2010-2011 de laRégion Rhône-Alpes : dans la catégo-rie « romans », Zola Jackson, de Gilles

    Leroy (Mercure de France), Jésus et Tito,de Velibor Colic (Gaïa), Sébastien, de Jean-

    Pierre Spilmont (La Fosse aux ours) et LesTreize Desserts, de Camille Bordas (JoëlleLosfeld) ; dans la catégorie « bande dessi-née » : L’Homme Bonsaï, de Fred Bernard(Delcourt), La Maison d’Ether, de ChristianDurieux et Denis Larue (Futuropolis), Hosni,de Maximilien Le Roy (La Boîte à bulles) etHélas, de Rudy Spiessert et Hervé Bourhis(Dupuis). Les élèves de 26 classes serontamenés à se prononcer. Après lecture…

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    Premier album de bande dessinée de Malik Deshors, L’Été de Luca (La Boîteà bulles) propose une singulière rêverie autour des méduses (lire p.9).

    images/p.8-9Dans tous les sensLivres d’images en tous genres avec Philippe Poncet, Sylvie Fontaine,Malik Deshors, Delphine Perret,Agnès de Lestrade et Anaïs Barnabé.

    essai/p.11Le crime et sa mémoireRetour sur un ouvrage de Tal Bruttmann, aux P.U.G,« Aryanisation » économique et spoliations en Isère (1940-1944), et sur un livre des Publications del’université de Saint-Étienne : Exposer les mémoires et l’histoireBerlin – Ravensbrück.

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    rentréelittéraire/p.2-4Le grand bainRomans, premiers romans,récits… Une présentation de la rentrée littéraire des auteurs et des éditeurs de Rhône-Alpes.

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    Au commencementde ce texte compact,il y a une femme. Elleest bibliothécaire etarrive comme chaquematin dans son sous-sol, à la fois sonroyaume et son enfer. Or ce jour-là,elle découvre un lecteur qui s’estlaissé enfermer pour la nuit. Ellehouspille l’homme, prend à témoin,offre un café, et avec ce face-à-facela parole peut s’élancer. « Ce texte »,raconte Sophie Divry, « c’est en effetd’abord une voix, un monologue quej’avais pensé pour le théâtre, mêmesi finalement je l’ai retravaillé avecl’éditeur pour lui donner cette formeplus romanesque ». De l’intrus, onsaura peu, si ce n’est qu’il traîneordinairement dans les lieux. Pourl’écrivain, « il reste assez indéterminé,il a une fonction de miroir : ce sontdeux folies qui se reflètent, dans ceconcentré d’humanité qu’est labibliothèque. »La bibliothécaire, en revanche, sedévoile avec amertume et colère :« Classer, ranger, ne pas déranger,c’est toute ma vie ». Elle déverse sabile de « taylorisée de la culture »

    La Côte 400, premier court romande Sophie Divry donne à vivre leconcentré d’humanité qu’est labibliothèque. Rencontre avecl’écrivain et ses personnages.

    Attention, ce livre n’est pas à mettreentre les mains d’une bibliothécairedéprimée ! Elle pourrait y retrouvermille détails lui rappelant sa condi-tion : l’ordre et la hiérarchie, les que-relles catégorielles mesquines, leslocaux impossibles, les lecteurs for-cément coupables. En revanche,avec un minimum de joie de vivre,difficile de ne pas rire à la lecture decette longue nouvelle. Rire d’abord,parce que le milieu y est croqué defaçon délectable, avec force détailsvéridiques. On croise au passage lesfigures de Melvil Dewey et celled’Eugène Morel (pionnier méconnude la lecture publique), dans cettelente montée de la méthode et del’organisation. On apprend aussi quela bibliothèque est à la fois un hautlieu de drague et un refuge pourmiséreux. « Tant mieux, souligneavec malice la jeune auteur, si enplus on apprend quelque chose… »Rire d’abord, mais pas seulement.

    rentrée littéraire

    Saint-Ours, la narratrice. Deuxhommes, deux femmes, deux couplesqui se font et se défont, se formentpuis se reforment dans des confi-gurations changeantes que leurimposent les pas de danse de leurvie rythmée par le tango. Car cettedanse est la véritable héroïne duroman de Caroline de Mulder : unedrogue justement.« Pour tous ceux-là, pour nous tous,le tango est ersatz plutôt que prélude.Nous y jetons nos corps perdus etil devient nos jours et nos nuits.Nous couchons dans les milongasles yeux grands ouverts. Nous y pas-sons nos nuits d’amour et d’insom-nie. Nous y passons, la nuit, les joursque nous ne vivons plus. Nous quin’avions le temps de rien. Nous quele temps pressait. Nous et notre viequi attend. Notre vie attendra. »

    Caroline de Mulder : tragédie dansante

    On achèvebien le tangoPremier roman singulier, Egotango est une véritable descenteaux enfers de cette danse si par-ticulière née dans les abattoirsde Buenos Aires à la fin du XIXe

    siècle. Vision d’une passion dévo-rante qui, sous la plume deCaroline de Mulder, prend laforme d’une sublime déchéance.

    La scène ressemblerait à une vieillesalle de bal sordide au plancherdéfraîchi, un lieu connu des seulsinitiés et que rien ne signaleraitau monde extérieur. Au centre,quatre personnages : Lou, Ezequiel,

    Ici, le tango fait mal. Il est addiction etviolence, figure rythmée des pas-sions humaines, gestuelle du sexe.Véritablement possédée, la narratricese dépossède peu à peu d’elle-mêmecomme de tous les signes qui font lavie sociale. Ce tango-là est exclusif. Lespersonnages courent d’une nuit à uneautre, se perdent dans les regardsattendus ou espérés, mènent desvies de fantômes. Au point queLou disparaît. A-t-elle décidé defuir ? Est-elle morte sous lescoups de Saint-Ours ? Ou biena-t-elle été engloutie par cettedanse, qui captive autant qu’elleronge ses adeptes fanatiques ?« L’histoire du tango est unehistoire de violence. Toutes ces heures où ton bras de ferdétient mon bras qui résiste mal.Où tu broies, je cède. Où tu

    avances, je recule. Tu me contiens,je me défais. » La phrase courte etsaccadée de Caroline de Muldertient cette rythmique obsédante,enferme dans une danse étourdis-sante les mouvements d’harmonieet de contrainte qui rapprochentet éloignent les danseurs. Le lec-

    teur suit cespas commeautant dec o r p s - à -corps. L. B.

    Caroline deMulderEgo tangoChamp Vallon224 p., 16 €ISBN 978-2.87673-533-0

    contre «  les intellos du rez-de-chaussée », « les duchesses ». Ellelaisse entrevoir une existence pro-vinciale étriquée, surtout depuisqu’un certain Arthur, pour qui elleavait quitté Paris, lui a préféré«  une ingénieure de la centralenucléaire ». Dans l’espoir vain d’atteindre son «  rayon préféré,l’histoire », cette femme se mor-fond et s’oublie dans l’amour desvrais livres, et dans la haine deceux qui sont devenus « juste desproduits de consommation ». Ellerévèle peu à peu sa souffrance, le« combat homérique » contre lasolitude. La nuque de Martin, cetrop beau et trop jeune lecteur.Martin qui ne la regardera jamais,qui peut-être un jour ne viendraplus. « Oui, à quoi bon Simone deBeauvoir et Eugène Morel, si Martinne vient pas ? ». Heureusement, on ari avant. Danielle Maurel

    Sophie DivryLa Cote 400Les Allusifs96 p., 11 €ISBN 978-2-923682-13-6

    Tout dans la têteQue se passe-t-il dans la tête decelui qui se découvre gagnantd’un loto à 6 millions d’euros ?Dans celle de Serge Ledoux, c’est

    comme une déflagration silencieuse.Le temps s’étire étrangement etl’homme revisite ses failles, sesratages, le peu d’élan qui lui reste. Lerécit circule aussi dans la tête desautres – collègue de travail traumatisépar une blessure d’enfance, anciennecompagne, femme de ménage de samère… Et c’est grâce à ces évocationsde petites vies brûlées ou grisâtres quel’écriture souple de Mano Gentil sefaufile dans la tête du lecteur. D. M.

    Mano GentilDans la têtedes autresCalmann-Lévy190 p., 16 €ISBN 978-2-70214-120-5

    par

    uti

    on

    Sophie Divry : un premier roman dans le monde du livre

    La solitude de labibliothécaire du fonds

  • L’Italie si j’y suis… Dans votre dernierroman, on sent à quel point ce pays consti-tue votre « ailleurs ». De quelle manièreest-ce lié à vos origines et quelle place cela

    prend-il dans votre écriture ?Il est très juste de dire que l’Italie est un « ailleurs ».Elle est le décor idéal et le point de départ de chaquenouvelle histoire. Bien sûr, elle est liée à mon histoirefamiliale. Je pense avoir ressenti enfant ce qu’on ne nom-mait pas, à savoir, le déchirement vécu par une familledu sud de l’Italie qui a dû quitter son pays, « la nostraterra », comme on le dit là-bas, en roulant fortementles « r », pour se retrouver dans un paysage industriel del’Est de la France. Mon père nous racontait son Italie à lafin des repas et je l’imaginais sans peine. Je rêvais, toutcomme lui, d’y retourner, même si on sait bien qu’aprèsl’exil, on ne rentre pas. Il faut être fort et humble pourretrouver cette terre.

    Et vous avez fini par la retrouver…En grandissant, j’ai voulu m’éloigner de l’Italie de monpère et construire en même temps la mienne, parce que,dans le fond, je ne pouvais pas la quitter complètement.

    C’est comme choisir de ne plus vivre dans la mai-son de ses parents mais en bâtir une nouvelledans le fond du jardin. Dans le cas de L’Italie sij’y suis, j’ai voulu me confronter à cette tradi-tion littéraire du « Voyage en Italie ». Je me suisdemandé comment je pouvais raconter ce paysque tout le monde connaît aujourd’hui, dontnous avons tous des clichés en tête. Il m’a sem-blé que la seule façon de la raconter serait de l’as-socier à un voyage sentimental, à la manière deRossellini dans son film Voyage en Italie, c’est-à-dire un prétexte, une toile, où se dessinent lesinterrogations d’un couple qui dérive. Parce quevoyager, c’est cela, dans le fond, partir à la dérive.

    Êtes-vous d’accord pour dire que votre Italie est uneItalie rêvée, presque fantasmée, qui semble avoirtoutes les vertus ou presque ? Un lieu où l’onpeut à la fois se retrouver et s’évader, fuir unevie et en recommencer une autre…Elle est une patrie imaginaire, une patrie idéale où toutest possible. Paradoxalement, elle s’est avérée bien réelleà plusieurs reprises parce que j’avais choisi d’y vivre pourpouvoir écrire. Les premières lignes du Colosse d’argile,je les ai écrites à Rome après trois années de recherches,de balbutiements en France. Palermo solo a été entiè-rement écrit dans les Pouilles, où je me suis reconstruitune année entière après une séparation. Le dernier tiersde L’Italie si j’y suis, je l’ai écrit l’été dernier dans les envi-rons de Lucca, où je me suis isolé. L’Italie est un refuge.Elle est le lieu du travail. Elle est une bulle que jecompose de toutes pièces.

    Est-ce que L’Italie si j’y suis est un roman où toutest possible, y compris la naïveté des sentiments,une sorte de roman heureux ?Je ne pense pas que ce soit juste de parler de naïvetédes sentiments. Il y a beaucoup de désillusion chezSandro dans une bonne partie du roman. Il estmélancolique. Il est pénible à supporter parcequ’il met sa douleur au centre de tout et c’estson jeune fils qui le recadre. Enfin, si le romanest heureux, c’est grâce à l’intervention deDolores, cet ouragan dans leur vie. C’est elle quiprend la responsabilité du récit, qui l’embarqueavec toute sa fougue et son naturel jusque chezelle, à Stromboli. Elle est imprévisible. Elle laisseles deux personnages sans voix et ne leur cèdeplus la parole. Elle les soûle et nous soûle. Elle estirrésistible et c’est elle qui est dans le vrai. Proposrecueillis par L. B.

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    Mon voyage en ItalieDans son dernier roman, L’Italie si j’y suis,Philippe Fusaro retrouve le pays où, pourlui, tout est possible. Un très beau voyagesentimental, de Turin à Stromboli.

    Sandro porte des mocassins blancs, fume desMuratti et conduit une Alfa Romeo GiulettaSpider noire. Alors que son couple est en per-dition, il entreprend « son » voyage en Italie,accompagné de Marino, son jeune fils, qui nequitte jamais son costume orange de cosmo-naute, modèle Gagarine. L’expédition s’emballele temps d’un été : Turin, Modène, Ferrare,Trieste, jusqu’à Bari et l’embarquement pourl’île de Stromboli.Retrouver des traces, fuir une histoire, découvrir lapossibilité d’une autre…, à force de prendre dela distance, Sandro parvient à quitter ses oripeauxd’homme blessé : « Il m’aura fallu tout cela pour merendre compte de mon impuissance face à l’échecamoureux. Il m’aura fallu toutcela pour comprendre quetout est fini entre nous. »Empli d’une douce mélanco-lie, ce voyage sentimentals’achève à Stromboli en tech-nicolor, sous le signe du vol-can et des films de Rossellini.L. B.

    Philippe FusaroL’Italie si j’y suisLa Fosse aux ours176 p., 17 €ISBN 978-2-35707-013-4

    Yves Bichet a décidément le don demettre en scène des rencontresamoureuses dans des lieux singu-liers. Dans Le Porteur d’ombre,Léandra et Jamil se découvraientdans les airs, lors d’un vol en para-pente. Dans son nouveau roman,c’est dans une pizzeria miteuse, enlisière du cimetière du Père-Lachaiseoù il est venu récupérer l’urnecontenant les cendres de son père,que Bertrand, le narrateur, rencontrela mystérieuse Resplandy. Leur brèveaventure, mêlée à un geste inexpli-cable de l’amante éphémère, va

    plonger Bertrand, profes-seur d’arts plastiques à lavie bien rangée, dans unprofond chaos intérieur. Caren plus de la mort du père,de l’infidélité consomméeet de la disparition subite de sa maî-tresse, Bertrand voit sa femme lequitter et sa mère débarquer dansl’appartement familial, tandis qu’ilse lance dans la création d’un pre-mier album jeunesse, intituléGinette Apocalypse…Tout cela ne pourrait être qu’unebanale histoire de crise de la qua-

    rantaine, si Yves Bichet n’avait à cepoint l’art du contrepied, de lafausse piste et du trompe-l’œil. Carce qu’il met en scène, ce sontmoins les hésitations d’un hommeau mitan de sa vie, partagé entre lafascination pour une amante éphé-mère, le désir pour une amie dela famille et l’amour qu’il voue à sa

    entr

    etie

    n

    femme, qu’une profonde réflexionsur la recherche des racines, lesenjeux du mensonge, de la dissimu-lation et des secrets de famille.En replongeant dans l’histoirecachée de son père, banal employéde la SNCF au passé de héros, pèreet mari modèle menant en réalitéune double vie, Bertrand apprend àses dépens l’ambivalence de chacun,de chaque chose – chaque senti-ment, chaque histoire, chaque choixde vie – qui recèle un double fond etune infinité de vertiges existentiels.Avec son sens habituel du décalagepoétique (l’ombre de René Charplane sur ces pages), Yves Bichetdonne un roman sensible sur lesdésillusions de l’homme mûr, lestroubles de l’identité et la quête desorigines, tout en disant avec force lesélans du corps, les manifestations dudésir et la fragilité des sentiments.Yann Nicol

    Yves Bichet : un roman de l’ambivalence

    Le passé devant soiAprès cinq ans d’absence, Yves Bichet nous revient avecResplandy, un roman sur les mystères amoureux, les énigmesdu désir et les secrets de famille à travers la crise du mitande la vie que traverse son héros, Bertrand, à la mort de son père.

    La patrie imaginaire de Philippe Fusaro

    rentrée littéraireYves BichetResplandySeuil240 p., 17 €ISBN 978-2-02102-225-4

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    rentrée littéraire Lionel Salaün : un premier romandans le sud américain

    RetourgagnantLe Retour de Jim Lamar, pre-mier roman de Lionel Salaün,se construit dans la touffeur dusud des États-Unis. Une histoirede guerre, de terre et de famille.

    Steinbeck, Caldwell, Twain… LionelSalaün n’a pas à rougir de ces troisécrivains américains qu’il cite commeréférences (lire l’entretien ci-contre).Le sud des États-Unis qu’il décrit dansLe Retour de Jim Lamar est bien celuide ces grands romanciers. Poisseux,accablé en permanence d’unechaleur lourde, sauf aux raresmoments où éclatent des oragesd’une violence terrible. C’est dansce décor étouffant, à peine rafraî-chi par le Mississipi boueux, quevont se rencontrer les deux person-nages principaux du roman.Le premier est un homme encorejeune, de retour dans son pays natalaprès une longue et mystérieuseabsence. Des années passées aucœur de la guerre du Viêt-Nam,d’autres dans une errance dont nulne sait rien. Ses parents sont mortset la ferme familiale, qu’il tient àreprendre, est l’objet de la convoi-tise des voisins. L’homme n’est pasle bienvenu, d’autant moins qu’ils’isole peu à peu dans une secrètesolitude. Cet isolement sera brisépar le deuxième personnageessentiel du roman, un adolescentsuffisamment hardi pour s’extraired’une famille laborieuse envahie parun oncle alcoolique et malsain.L’adolescent et l’adulte vont apprendreà se connaître. Leurs longues conver-sations restituent le parcours del’ancien soldat et ancrent une ami-tié inattendue et poignante dontchacun ressortira transformé. N. B.

    des clients, des boîtes de nuitimprobables à la chasse au pigeonqui pourra être tranquillementplumé. Sexe, drogue et fantasme derock’n roll…, telle est la vie d’Alan,qui rêve du Canada et d’une autrevie, mais s’enlise dans sa médiocritéet son mensonge. Sa rencontreamoureuse avec Hibou, ancientueur solitaire et perdu, ne changerarien à son tragique destin. Un pre-mier roman cruel, qui met en scèneune jungle urbaine dans laquelle lesplus faibles ne résistent pas. L. B.

    Un matin que son père est deretour à la maison après uneénième fuite loin de sa femmeet du domicile familial, le jeuneWilly append que ses parents ontdécidé de prendre du bon tempsdans un mobile home du côté duPilat. « Après cette conversation,Willy Vial prit plusieurs résolu-tions. Désormais, il s’appelleraitAlan. Dès le lendemain ; il montadans un train en direction de lagrande ville. Là-bas, il ne trouvapas de travail. Il n’en chercha pas tel-lement non plus. Mais les nuits dela grande ville étaient si magné-tiques, et Alan si impressionnable.Il préféra errer de fast-foods enpubs, de mecs en mecs, de taudisen squats. À ce rythme il eut rapi-dement vingt ans. »Moi comme les chiens, premierroman de Sophie di Ricci, est lancé.La suite est une longue errance quiconduit le jeune homme de sachambre d’hôtel minable au trottoir,où sa beauté attire la convoitise

    Trois questions à Lionel Salaün

    Vous arrivez sur la scène littéraire à plus de cin-quante ans, quel a été votre parcours ?C’est assez simple, j’ai commencé à écrire jeune. Maispendant plus de vingt ans, j’ai écrit sans être publié.J’ai une belle collection de lettres de refus ! J’aienchaîné divers petits boulots, pêcheur de sardinesà Sète, par exemple, mais sans jamais m’investir réel-lement dans ces emplois, qui restaient alimentaires.En fait, j’ai toujours considéré l’écriture comme monactivité principale. Et puis, j’ai tout le temps eu du malavec l’autorité, les hiérarchies, depuis l’école. Mon par-cours doit aussi découler de cette caractéristique.

    Comment vous est venue l’idée de ce livre ?Je suis depuis longtemps passionné par le trauma-tisme qui hante les hommes ayant connu la guerre.Ce sont d’ailleurs les séquelles de la guerre qui m’in-téressent plus que la guerre elle-même. De là est néel’idée de l’un des deux personnages principaux demon livre : c’est un Américain, vétéran du Viêt-Nam.Parce que la guerre du Viêt-Nam a été fortementmédiatisée, parce que Apocalypse Now est un film quim’a marqué et que j’ai lu beaucoup de ce qui a parusur cette guerre. Mais il pourrait tout aussi bien avoirfait l’Indochine ou pris part à un autre conflit. L’autrepersonnage est venu ensuite, comme pour le faireparler. On m’a fait la remarque, à juste titre, que le

    roman décrivait un doubleapprentissage : celui del’adolescent qui écoute l’an-cien soldat, et celui de cethomme qui s’est fait dansla violence de la guerre,dans l’arrachement au réel.

    On a en tout cas l’impres-sion de lire un roman écritpar un Américain…

    J’ai été formé par Twain, Steinbeck, Caldwell. Je mesuis immergé dans ce milieu rural du sud des États-Unis, de l’Amérique profonde. J’étais là-bas, j’étais surles lieux. Mais par mon imaginaire seulement : je n’yai jamais été « physiquement ». J’ai l’impression quec’est une matière littéraire extraordinaire dans lamesure où tout peut arriver, et de manière très vio-lente. Les gens que je décris sont différents, et c’est

    à leur réalité brute que jevoulais me confronter.Propos recueillis par NicolasBlondeau

    Lionel SalaünLe Retour de Jim LamarLiana Levi240 p., 17 €ISBN 978-2-86746-550-5

    Sophie di Ricci : un premier roman noir

    Tous les garçons s’appellent Alan

    Autres nouveautésannoncées danscette rentréelittéraire…

    Le roman de Robert Alexis, Nora(José Corti), celui de PhilippeNapoletano, Pas comme ça (Éditionsdu Mot Fou) et le deuxième roman dePhilippe Langenieux-Villard, L’AffaireRattaire (Éditions Héloïse d’Ormesson).Deux premiers romans sont égalementà signaler : celui de Nicolas Cano,Bacalao (Arlea) et celui (historique) deRoland Le Mollé, Pontorno : portraitd’un peintre à Florence au XVIe siècle(Actes Sud) ; du côté du terroir, deuxnouveautés : Le Moulin des sources(Calmann-Lévy), de Françoise Bourdon,et Gus, de Philippe Lemaire (Éditionsde Borée). À suivre en octobre…

    par

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    Sophie di RicciMoi comme les chiensMoisson rouge336 p., 18 €ISBN 978-2-914833-94-3

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    ++++++++++++++http://auteurs.arald.orgconsultez le site des écrivains, des auteurs et illustrateurs jeunesse de Rhône-Alpes

  • depuis une tren-taine d’années.Cette nouvellehiérarchisationdes emplois, pilier de la convention,prend en effet en compte la particu-larité des activités des commercesde librairie et permet ainsi de redé-finir une filière de mobilité poten-tielle dans ce secteur. Celle-ci estorganisée autour de cinq typesd’emploi (vendeur, gestionnaire,responsable de secteur, respon-sable de magasin, directeur demagasin), avec différents niveauxd’exercice au sein de chaqueemploi. Une manière d’introduirede l’équité au sein de l’entrepriseet de reconnaître les compétencesdes personnels.

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    Une nouvelle classification desemplois en librairie

    Ça presse !L’arrêté a été publié au Journalofficiel du 28 mai et l’accord declassification des emplois en librai-rie est donc entré en vigueur le 1er

    juin. Avec lui, l’obligation faite auxlibraires de mettre en œuvre cettenouvelle grille au sein de leurcommerce, mais aussi d’appli-quer l’accord de salaires. Unchantier à ouvrir d’urgence…

    L’accord de branche avait été signéen septembre 2009 par le Syndicatde la librairie française (SLF), laFédération française des syndicatsde libraires et les organisations syn-dicales de salariés. Objectif : sortirdu carcan inadapté de l’anciennegrille (des commerces de détail depapeteries, fournitures de bureau…)et élaborer une classification adap-tée pour l’ensemble des salariésactifs dans le domaine de la librai-rie. Un enjeu considérable en termesd’organisation du travail, mais aussi dereconnaissance des évolutions vécuespar la librairie – et par son personnel –

    Entrer dansles cases…

    Pour cela, leslibraires doiventprocéder à unedescription pré-

    cise de chaque emploi, en s’appuyantsur les emplois-repères (21 au total),qui ont été conçus comme desmodèles et qui, bien évidemmentne peuvent pas correspondre àtoutes les entreprises. Ensuite, ils’agit de rapporter les emplois àcette nouvelle grille de classificationqui va permettre de les hiérarchiserselon un système de cinq critèresclassants (connaissance, compé-tences techniques, autonomie,responsabilité, dimension rela-tionnelle), comportant chacunsept degrés (de 1 à 7). En totalisantles points qui se rapportent à ces

    différents degrés, onpeut donc déterminerla place de chaqueemploi dans la nou-velle grille de classifi-cation. Et de ce fait,évaluer aussi le niveaude salaire, qui fait éga-

    lement l’objet d’un nouvel accord.Comme on le comprend, il s’agit làd’une grille posée sur l’organisationdu travail dans la librairie, une grilledans laquelle il s’agira de faire entrerles différents postes. Avec les diffi-cultés qu’on imagine pour toutes leslibrairies existantes…La tâche est considérable et redes-sine dans les faits les contours d’unenouvelle gestion des ressourceshumaines. Elle devra être menéeavant le 1er décembre 2010 dans leslibrairies qui emploient moins deonze salariés, et avant le 1er mars2011 dans celles qui dépassent ceseuil. C’est pour aider les profession-nels dans cette mise en place quel’ARALD a organisé une série de jour-nées de formation tout au long duprintemps. Session de rattrapageet dernière opportunité pour enbénéficier : le 27 septembre à Lyon(Villa Gillet). L. B.

    L’histoire commenceen 1995. PascalChartier, libraired’ancien et d’occa-sion à Lyon, met aupoint son propre sitede vente en ligne delivres. Le marché dece type d’ouvragesreposant alors surd’autres réseaux, peude libraires sont enmesure de créer leursite web. En 1997, lelibraire dépose lenom de domaine et

    propose les services de Livre-rare-bookà d’autres confrères. Parallèlement, ilparticipe aux réflexions de certainssites européens de vente en ligne delivres anciens, bien décidés à sefédérer. C’est ainsi qu’en 2008 naitMarelibri, un méta-catalogue euro-péen, issu de la coopération decinq sites fondateurs : Antiqbook,Maremagnum, Antiquariat, Uniliberet Livre-rare-book. La conceptioninformatique de Marelibri, qui permetd’interroger simultanément les cata-logues de 6 000 librairies du mondeentier, soit près de 80 millions delivres, est confiée à l’équipe lyonnaise.Toutes ces évolutions ont contribuéà faire de Livre-rare-book un site deréférence dans le monde du livrerare. Actuellement, il propose unannuaire de 590 librairies, essentiel-lement francophones (France,Suisse, Belgique, Canada), unmoteur de recherche pour explorerleurs catalogues et des actualités dela profession. Pour les libraires lecoût est minime : une cinquantaine

    d’euros pour s’inscrire et une par-ticipation mensuelle fixée en fonc-tion du nombre d’ouvrages décrits,soit, en moyenne 30 €. Quels sontles avantages pour l’internaute ? Lapossibilité d’interroger gratuitementune grande base de données, lagarantie d’être en relation avec unlibraire professionnel – les transac-tions se font uniquement entre lelibraire et le client, sans commissionpour le site –, l’envoi de requêtes àl’ensemble des librairies (via uneliste de diffusion), la création derecherches favorites ou de fils RSSpermettant de surveiller les nou-velles entrées, et bien d’autreschoses ! Parmi les projets en cours,l’équipe travaille à transformer lesite en un espace professionnelcomplet, ouvert à tous les métierset passionnés du livre. Un nouveaupetit caillou posé sur la Toile, enéquilibre. Delphine Guigues

    www.livre-rare-book.comwww.marelibri.com

    Livre-rare-book.com : une aventure mondiale au cœur de Lyon

    Profession : libraire en ligneLivre-rare-book.com. Derrière ce nom à consonance anglo-saxonnese cache un site internet français - et même lyonnais ! - de librairesprofessionnels indépendants. Dans la jungle de la vente de livres enligne, dominée par Amazon et les autres sites marchands, Livre-rare-book fait office de Petit Poucet et prouve que même sur Internet,la vente de livres peut rester une passion et un métier.

    Les Croquelinottes,Saint-Étienne

    L’Étourdi de Saint-Paul, Lyon

    Librairie Garin, Chambéry

    Raconte-moi la Terre, Bron

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    met sur pied une programmationdans un domaine spécialisé : poé-sie-performance, littérature ado,littérature jeunesse, essai.D’autre part, à la demande des biblio-thécaires partenaires, une demi-jour-née de formation professionnelle estmise en place, autour de la traductionpour cette première édition.Enfin, une nouvelle ampleur estdonnée à l’idée des Cafés hors lesmurs, à la demande cette fois desdépartements partenaires (Drômeet Ardèche). Plusieurs rencontresse passeront donc en dehors deMontélimar. Pour l’équipe en place,cette ouverture préfigure de nou-velles pratiques et devance sansdoute une réflexion sur le territoireculturel qui se posera sous peuaux collectivités concernées.Marion Blangenois

    Les Cafés littéraires de Montélimardu 30 septembre au 3 octobrewww.lescafeslitteraires.fr

    Voilà 15 ans que les Cafés litté-raires de Montélimar mettentchaque année la ville au rythme dela littérature. L’an passé, ce sont5 000 personnes qui ont partagéces rencontres avec des écrivains,dans les cafés de l’agglomération.

    Pour cette nouvelle édition, le prin-cipe reste le même : proposer unemanifestation exigeante et populaireautour de la littérature, en invitantune trentaine d’auteurs ayant publiédans l’année à venir échanger avec lepublic. On citera pêle-mêle ChristopheClaro, Jean-Pierre Spilmont, FabioViscogliosi, Claude Pujade-Renaud,Pierre Senges, François Place… Uneliste non-exhaustive qui donne uneidée de la diversité des genres convo-qués. Pourtant, à travers ces diffé-rentes formes, le comité de lecturevoit souvent affleurer des préoccupa-tions communes, « l’écume desbruits du monde », comme l’ex-plique Odile Depagne-Roulot, prési-dente de l’association.Mais au-delà de cette continuité, lesCafés littéraires innovent. Le départde Christine Carraz, ancienne coor-dinatrice de la manifestation qui sou-haitait passer la main, a provoqué unquestionnement et, dans la foulée,quelques changements importants.À commencer par l’embauche d’unenouvelle coordinatrice, GuillemetteLambert, salariée à temps partiel del’association, et par l’élargissementdu comité de lecture, qui réunitquinze personnes. Une carteblanche est aussi désormais confiéeà l’un des membres du comité, qui

    Sébastien Joanniez, auteur, comé-dien et metteur en scène, et l’as-sociation La Ruche aux livresproposent depuis 2008 d’éton-nantes séances d’Essayages. Cefestival, qui se déroule dans le paysdes Vans, en Ardèche, invite desécrivains à lire en public des textesinédits ou inachevés. « C’est unexercice assez effrayant pour lesauteurs, confie Sébastien Joanniez,directeur artistique, une véritableprise de risques. Face à eux, lepublic aussi est en zone inconnue. C’estde la confrontation de ces fragilités quepeut naître un vrai échange. » Au-delàde la peur légitime du dévoilementd’une œuvre inachevée, les auteursdécouvrent bien souvent dans ces ren-contres une matière qui vient enri-chir leur travail d’écriture.Ouvert à tous les genres littéraires, lesEssayages sont avant tout attentifs àdes auteurs « qui savent lire leurs textesde leur propre voix ». L’enjeu est clair :recréer un lien entre le public etdes « littératures désertées, commele théâtre ou la poésie. » « Nous, lesauteurs, les structures culturelles, avonsraté quelque chose et il nous fautrecommencer, aller vers le publicautrement, oser des formes pluspérilleuses », explique SébastienJoanniez avec enthousiasme. Pour lui,le secret est dans le dispositif, dans lamanière dont on met en contact l’au-teur et l’auditeur afin de bousculer leshabitudes et les attentes. Cette année,ce sont Marion Aubert, Corinne LoveraVitali, Claire Rengade, Fabienne Yvert,Aurel, François Beaune, EmmanuelDarley, Jacques Serena et Jean-Michel

    Thiriet qui lèveront un peu le voile surle moment si singulier de la création.Cette manifestation biennale est por-tée par une cinquantaine de béné-voles. Elle alterne avec les Collections,série de quatre rendez-vous (un par sai-son) avec quatre auteurs. Aux Vans, onfête donc la littérature vivante toutel’année. M. B.

    En rachetant cette année la collection« Vinyles » des éditions Ereme, la mai-son d’édition lyonnaise a complété soncatalogue déjà consacré aux arts, à lasanté, à la mémoire et dernièrementaux jouets. Après la réédition de deuxtitres consacrés aux pochettes devinyles psychédéliques et à celles de

    /éditionLes Éditions StéphaneBachès en musique

    Essayages : retrouver le goût du texte

    La fragilité en partage

    actualités /manifestations

    Rendez-vous avecles grands hommesVisiter un fonds ancien, découvrirdes documents d’archives ou parti-ciper à un atelier de restauration delivres, sont quelques-unes des acti-

    vités généralement proposées lors desJournées européennes du patrimoine parles bibliothèques et services d’archivesde la région. La thématique de cetteédition « Les grands hommes, quandfemmes et hommes construisentl’Histoire », les 18 et 19 septembre, seraégalement déclinée sous forme d’expo-sitions, jeux et lectures. Découvrez ouredécouvrez Eugénie Brazier et les« mères » lyonnaises ainsi que les grandshommes du quartier de Perrache, respec-tivement à la bibliothèque de la Part-Dieu et aux archives municipales deLyon. Visitez l’exposition des Viennois«  illustrés  » à la bibliothèque deVienne ou encore allez écouter lespoints de vue d’hommes du XIXe siècleaux archives de Buis-les-Baronnies. Hérosnationaux, personnalités locales, célèbres

    ou ordinaires, ilsvous attendent !Delphine Guigues

    Journéeseuropéennes du Patrimoine18 et 19septembre

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    Essayages du 10 au 12 septembreLes Vans (07)http://festival-essayages.over-blog.com

    rock, c’est un ouvrage inédit qui va enri-chir cette collection. Les Routes du Jazz,du musicien et journaliste Stan Cuesta,rend compte de l’histoire du jazz depuisla Nouvelle-Orléans jusqu’aux confinsde l’Europe. Au récit de l’auteur s’ajoutel’enregistrement des plus grands mor-ceaux de jazz sur six CD. Ainsi, parcou-rant les courants musicaux, les ÉditionsStéphane Bachès nous font apprécierun éclairage moderne sur des trésorspatrimoniaux. É. P.

    Dans la collection « Musique » :

    Dominique DupuisRock vinyls248 p., 29,50 €ISBN 978-2-35752-089-9

    Stan CuestaLes Routes du Jazz160 p. et 6 CD, 39,90 €ISBN 978-2-35752-079-0

    Les cafés littéraires de Montélimar

    15 ans et du nouveau !

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    actualités / librairie

    lien avec certitude. Pour faire face àcette concurrence, le libraire décideà ce moment-là de rénover l’espacede vente, de développer de nou-veaux rayons ainsi que les relationsavec les collectivités. Autant d’ac-tions coûteuses qui n’ont pas tou-jours porté les fruits espérés. Letravail avec les collectivités, parexemple, s’avérant particulièrementchronophage pour des rentréesfinancières décevantes.

    Moins de livres, plus de vêtements !

    Analysant cette fermeture, DanielLemuhot évoque trois autres fac-teurs, plus profonds : tout d’abord,il a constaté, mais trop tard, unetransformation de sa clientèlepotentielle. Les acheteurs étaient au

    Librairie généraliste, proposant prin-cipalement des rayons littérature etjeunesse, ainsi qu’une carterie dequalité, Préface a compté jusqu’àtrois salariés et proposé 14 000 titressur une surface de vente de 95 m².La décision de fermeture a été priseen janvier 2010, suite à d’insolublesproblèmes de trésorerie : « Travaillerpour rembourser les frais bancaires,cela n’avait plus de sens », expliqueDaniel Lemuhot. « Il aurait fallu60 000 € pour remettre les comptesà flot. C’était plus que mon apportinitial et nous n’aurions pas pu rem-bourser un tel emprunt. »À l’origine de ces difficultés, uneaccumulation de facteurs. Parmieux, l’ouverture en 2006 de l’espaceloisir d’une grande surface située àproximité, même si le libraire sou-ligne qu’il est difficile d’établir ce

    départ principalement de jeunesparents avec enfants, fréquentant lalibrairie au moins trois à quatre foispar mois. Mais Firminy, sinistrée éco-nomiquement, a subi une baissedémographique importante : vieillis-sement de la population, départ desjeunes pour les études ou le travail, lenoyau dur des clients de la librairiedisparaît peu à peu.En cause également, des questionsd’aménagement du territoire : leshabitants travaillant désormais àl’extérieur de Firminy, le centre-villeest moins fréquenté. La créationd’une autre zone commerciale àMonistrol-sur-Loire, à quelques kilo-mètres, a également réduit la zonede chalandise qui s’étendait au sud-ouest. Enfin, la librairie est touchéepar les effets de la crise écono-mique. Depuis juillet 2009, Daniel

    Lemuhot a vu diminuer le prix dupanier moyen, et la baisse desventes est plus importante que cellede la fréquentation : moins 20 %environ cette dernière année.Deux expertises  proposées parl’Arald et la Région (l’une à partir dufonds, l’autre à partir des bilans)n’ont pu empêcher la fermeture,les propositions ébauchées ne pou-vant modifier l’environnement etassurer la viabilité de l’entreprise àmoyen ou long terme. C’est un com-merce de vêtements qui remplacerala librairie… Aujourd’hui, DanielLemuhot estime que ces questionsse posent à l’ensemble des librairies,de façon plus ou moins aiguë.« Ramener le public vers le livre et lalecture est un véritable enjeu pourl’interprofession », conclut-il. M. B.

    10e Rencontres littéraires de la FACIMSolidement enracinée dans les ter-ritoires savoyards, la FACIM organise

    chaque année ses rencontres littéraires.L’occasion de faire découvrir des textesd’écrivains mettant en scène des lieux dela Savoie, et de voir affleurer, à traversl’écriture, une géographie méconnue,nourrie d’un rapport intime aux sites, à lamémoire des paysages. Cette année, c’estMaryline Desbiolles qui est l’invitée de cesrencontres multiformes : promenade lit-téraire en montagne, échanges, lectures…À cette occasion, la FACIM et Créaphiscoéditent un texte inédit de cet auteur :Je vais faire un tour. Sortie le 16 sep-tembre.

    Le 25 septembreUgine (73)www.fondation-facim.fr

    Festival Est-OuestCette année, la Russie est à l’honneurdu festival Est-Ouest, qui invite à décou-vrir les littératures est-européennes.Quinze auteurs russes et français invi-tés, un salon du livre, des tables rondes,des cafés littéraires et une tournée dansles bibliothèques de la Drôme, mais ausside nombreuses animations (expositions,films, spectacles) autour du thème :« Sur les traces du Transsibérien ».Parmi les propositions, on notera aussile très original « TransDie’bérien », quitransformera le voyage du train TERentre Valence et Die en voyage artistiqueet culturel de Moscou à Vladivostok.

    Du 15 septembre au 3 octobreDie et pays diois (26)www.est-ouest.com

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    explique Sandrine Charreau. Lapremière est gérante, la deuxièmesalariée. Mais elles se sententavant tout associées.Un commerce qui dote désormaisMeyzieu d’une véritable offre enmatière de livres. Le choix de cetteimplantation ne doit évidemment rienau hasard : « Nous nous inscrivonsdans un projet de ville. Meyzieu évolue,sa population aussi.  L’ouvertured’une librairie sur ce territoire étaitsouhaitée et attendue. Cela nous aaidées à convaincre labanque. » La nouvellelibrairie s’ouvre en effetdans le cadre du dévelop-pement du centre commer-çant, initié par la mairie.L’occasion pour les deuxlibraires « d’être actrices dudynamisme de cette ville ».Au final, après quelquesmois de travaux dans unlocal dont elles sont pro-priétaires, elles proposent

    Un CoLibrisà MeyzieuSandrine Charreau et SandraGourjon ont ouvert cet été lalibrairie CoLibris, à Meyzieu,dans l’est lyonnais. Une aven-ture à deux qui s’inscrit dans ledéveloppement de la ville.

    Sandrine Charreau et Sandra Gourjontiennent aux deux majuscules de cepresque nom d’oiseau pollinisateur,façon d’affirmer, avec ce « Co » bienvisible, leur association dans cetteaventure. Après avoir travaillé plusieursannées dans un laboratoire pharma-ceutique, elles ont décidé de mettreen commun leurs compétences et leurenvie de créer une librairie. « J’apportema formation de libraire (CCI de Lyon,puis trois ans en librairie, notammentà Vienne, chez Lucioles), et Sandra sagrande culture littéraire et son inventi-vité. Nous sommes complémentaires »,

    6 000 références dans 75 m², dont unimportant rayon jeunesse qui répondà un goût personnel mais aussi auxattentes d’un public familial.Cette création a bénéficié de l’aide dela DRAC et de la Région Rhône-Alpes(création et informatisation), decontacts suivis avec l’ADELC(Association pour le développementde la librairie de création) et du sou-tien du réseau de libraires de la région.CoLibris sera d’ailleurs accompa-gnée par la librairie La Parenthèse,

    à Annonay,dans le cadred’un tutoratproposé parl’associationLibraires enRhône-Alpes.M. B.

    CoLibris9, rue Antoine-Vacher69330 Meyzieuwww.librairie-colibris.fr

    Fermeture de la librairie-imagerie Préface à Firminy

    Le mot de la finLa librairie-imagerie Préface avait fêté ses 15 anscette année. Elle a fermé ses portes en juillet, privantFirminy de sa seule véritable offre de livres. DanielLemuhot, le fondateur, revient sur les causes de cettefermeture, symptomatique des problèmes auxquelsle monde de la librairie est confronté aujourd’hui.

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    abordent chacun d’entreeux selon un angle qui luiest adapté. Ainsi, le dépliantintitulé Mises à plat pré-sente un panorama monta-gneux en noir et blanc.Divisé en six vues entrecou-pées de marges, il est rendupresque abstrait par ce trai-tement. Deux autres séries,Bien orienté et À l’algérienne, accom-pagnent les clichés d’un texte. Cesmots, qui sont ceux d’Olivier Gadet,constituent un contrepoint narratifminimal. Dans Aiguille du midi, desportraits sont tirés en petits formatscarrés sur du papier rigide. Les tou-ristes, y posant devant un paysagepresque entièrement occulté par le

    C’est un coffret dont le format etl’épaisseur rappellent ceux d’uneboîte de papier photographique. Surle couvercle, on peut lire une listede noms comme Les Filles du bord demer ou Bécon-Les-Bicêtres, et, au-dessus, le titre : Pataquès. Une sériede travaux rassemblés en un précieuxfourre-tout, dont le titre semble avoirété choisi pour prendre le contrepiedde l’esthétique sobre, presque silen-cieuse et méditative, des images dePhilippe Poncet. On pourrait lesqualifier d’« écologiques », au sensoù elles sont sans artifices et pri-vilégient l’absence d’effets.Ces photographies prennent poursujets des espaces naturels, déser-tés ou occupés par l’homme, et

    cadrage, deviennent de véritablesfigures de cartes à jouer. La réflexionsur la mise en forme éditoriale, sou-vent menée avec Philippe Millot,graphiste attitré de Cent Pages, estici aussi importante que celle liéeà la prise de vue. Par ailleurs, ledesign des objets ajoute du sens auxvisuels, qui ne sont plus seulement

    à contempler maisbien à s’approprier demanière ludique ouévolutive. Il nous inviteà reconsidérer le carac-tère tangible, l’évidencedes éléments du réel quinous sont montrés. Tell’horizon, entité mou-vante, cette rétrospectiveen boîte est donc unesomme de points de vuebien (dés)orientés.Si certaines séries serontexposées à l’Artothèquede Grenoble au prin-temps 2011 et qu’il fau-dra aller les voir, c’est ense saisissant de Pataquèsque l’on pourra se faire

    la plus juste idée de cette pratiqueartistique et peut-être aussi des per-sonnalités discrètes et mystérieusesdu photographe et de son éditeur.Émilie Pellissier

    Philippe PoncetPataquèsCent Pages, 40 €ISBN 978-2-9163-9021-5

    Après un constat aussi sensiblequ’impitoyable sur l’état d’unmonde (le nôtre ?), quelque choses’ouvre dans le récit. Quelque choses’avère nécessaire, au milieu du jeude masques qui tourne en déconfi-ture. Reconstruire, repartir…, maissur quelle base ? « La liste des courses,comme celle des renoncements, sera

    Un nouvel album dérangeantde Sylvie Fontaine

    L’invitationau dedansAprès Calamity et Le Poulet dudimanche, deux fameux albums,Sylvie Fontaine nous revient avec unnouvel opus. Au commencement deSous le manteau, il y a un chantier.Déserté. Un monde aux promessestoxiques, aux pluies de poissonsmorts, où il est étrangement et tou-jours question de chant (d’amour ?),d’espoirs (invisibles) et de crépus-cule bien sûr.Politique, le travail de SylvieFontaine l’est assurément… mais àsa façon. « C’était pas cher, c’étaitdonné ils disaient. Composantsétranges, gaz délétères, c’est ton abriqui t’a mangé. » Le ton est donné.La couleur ? On joue sur une palettede blanc, de noir et de bleu. Lecharme des textes et des dessins deSylvie Fontaine (ô combien liés lesuns aux autres) ne doit pas faireoublier leur caractère empoisonné,corrosif à tout le moins.

    bien longue ». Fort bien, mais après ?Après, la rencontre se fait indispen-sable, le rendez-vous est pris, onparle d’aller à « Moulinsart dansune Hispano-Suiza décapotable ».Rien ne saurait arrêter les méta-morphoses en cours.Sylvie Fontaine ne prend pas sonlecteur pour n’importe qui, mais

    pour un « cosmo-naute imparfait »,un « explorateurdu dessous ». Sesdessins ne sontpas de simplesimages venuesgrossir l’actueldéluge visuel. Etla série de ques-tions par laquellese « conclut » sonrécit est la marquesupplémentaired’une élégance etd’une générositépeu communes.Frédérick Houdaer

    SylvieFontaineSous lemanteauTanibis50 p., 13 €ISBN 978-2-84841-014-2

    imagesPhilippe Poncet : rétrospective en boîte

    Tout un Pataquès !Olivier Gadet, responsable des éditions Cent Pages, et PhilippePoncet, photographe, se retournent sur plus de dix ans de colla-boration en « remont(r)ant » dans une même boîte une douzainede publications parues sous forme de dépliants, cartes postalesou livrets. Des productions inédites sont également à découvrir.

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    ÉDITIONS DE L’IBIE -ÉDITIONS DU CHASSEL

    Préhistoire del’Ardèchede Jean-Louis RoudilCet ouvrage de vulgarisationdresse le panorama dupatrimoine préhistoriquequ’abrite l’Ardèche, régionextrêmement riche dans ce domaine. Des cartes, une échelle chronologique,de nombreusesphotographies de sites,croquis et reproductionsd’objets ou de gravures,permettent à chacun de plonger dans le sujet.

    200 p., 38 €ISBN 978-2-9509918-4-3

    CHRONIQUE SOCIALE

    Savoir rédiger : unepossibilité pour tousde Régine BurfinCette sixième éditionrappelle les principes pourrédiger d’une manièrecorrecte et adaptée au butrecherché. En cette rentrée,

    jeunes étudiants ou adultespeuvent ainsi bénéficier de conseils pour formulerleurs idées et exceller dans l’art d’écrire.

    192 p., 8 €ISBN 978-2-85008-801-8

    ELLUG (Éditions littéraireset linguistiques del’université Stendhal)

    La Scène symboliste(1890-1896) : pour unthéâtre spectralde Mireille Losco-LenaCette étude, qui intéresserales amateurs de l’histoire duthéâtre et de la mise enscène, dresse le panoramaartistique d’une époque, de1890 à 1896. Elle évoque lespoètes, compositeurs,

    peintres, qui entouraientalors les dramaturges,metteurs en scène etacteurs du courantsymboliste.

    collection Hors collection240 p., 28 €ISBN 978-2-84310-157-1

    EMCC

    Vais quitter Rennes. À ce soir. T’embrassed’André EckCe petit livre rend comptede l’histoire vécue par unefamille française dans lesannées cinquante, avec letélégramme comme moyende communication.

    collection Apprentissage(s)95 p., 10 €ISBN 978-2-357400-61-0

    ÉDITIONS GUÉRIN

    Paris, camp de basede Sophie Cuenot etRobert ParagotAvec la vie mouvementéede Robert Paragot, del’Aconcagua au Makalu,du Jannu au Huascaran,puis le retour à Paris oùse situe son camp de base,c’est une grande partie del’histoire de l’alpinisme,notamment des annéescinquante à soixante-dix,qui est relatée dans ce livre.En commençant parl’ascension de la Tour Eiffelque Paragot fit le premier,en mai 1964, à l’occasiondes 75 ans du monument.

    263 p., 55 €

    ISBN 978-2-352210-41-2

    imagesLoup y es-tu ?« Évidemment, un loup à la maison,c’est pas toujours de la tarte. »Surtout un loup qui fait des miettespartout en mangeant des biscuits,parle, repère les fautes dans lesdevoirs et se mêle de tout constam-ment. En fait, le petit Louis neconnaît pas son bonheur. Mais grâceà son grand-père, il va le découvrir…Après Moi, le loup et les chocos, voicila suite de l’aventure dessinée parDelphine Perret avec autant desobriété que de malice. Un trait fin,une histoire drôle et tendre. Car celoup-là n’est pas n’importe qui.Vivant habituellement au fond duplacard, il s’agit ni plus ni moins duGrand Méchant Loup. Silhouettenoire, discret comme une ombre,cet animal a tout de même très bonfond. D’ailleurs il est végétarien, c’est

    dire. Louis l’a à ce point ama-doué, que l’animal veut à touteforce l’accompagner à la mer, où

    l’enfant passe desvacances avecpépé. Le voyagesuffira à rendrece trio com-

    plice. Car il estdifficile dedire qui est le

    plus enfant destrois… Un conte

    dessiné plein d’entrainet de subtilité. L. B.

    À l’eau,la luneEn route pourla lune ! Dans

    cet album coloré et stylisé, sousinfluence africaine, toute une familleest obligée de quitter sa maison :«  Notre village ressemblait à unchamp de mines à cause des trousqu’on avait creusés un peu partoutpour trouver de l’eau et des tuber-cules », raconte la petite fille. La faimet surtout la soif poursuivent leshabitants de ce village africain, etbien d’autres, tous contraints à l’émi-gration. Cette fuite, vécue à traversles yeux de l’enfant, prend l’aspectd’un conte, à la fois naïf et pleind’espoir, raconté en mots et surtouten images par Agnès de Lestradeet Anaïs Barnabé. Car même si lalune n’est pas vraiment la lune,bien plutôt un autre continent del’autre côté de la mer, c’est là quel’eau coule d’un tuyau mystérieuxet que l’on n’a plus besoin d’allerse servir au puits. Une façon deretourner aux fondements des vieshumaines, et à leur élémentairesimplicité. L. B.

    Agnès de Lestrade et Anaïs BarnabéTu vois la luneAnna ChanelAlbum non paginé, 14,50 €ISBN 978-2-917204-31-3

    Au premier abord, ce livre sembleêtre une déclinaison du récit (clas-sique) d’un été de rencontres etd’expériences vécu par un garçonaux portes de l’adolescence. Mais letrait fin magnifique et les lavis pleinsde nuances de Malik Deshors don-nent à ce scénario des tonalités sub-tiles. L’Été de Luca n’est donc passeulement l’histoire d’un gamin quise confronte à ses parents bientôtséparés et qui est remis entre lesmains de son grand-père, dans unecampagne pas si déserte que ça…Luca se frotte à de nouveaux senti-ments, fabrique sa propre personna-lité et découvre des sensations

    Delphine PerretMoi, le loup et les vacances avec pépéÉditions Thierry MagnierAlbum non paginé, 12 €ISBN 978-2-84420-843-9

    nouveautés des éditeurs

    presque irréelles, notamment àtravers la passion de ce grand-père attentif pour… les méduses.Le récit prend sens au fil despages par le biais des rencontresque fait ce jeune garçon, et senourrit aussi de séquencesmuettes imposant la contempla-tion. Ces passages, pleins deforce, ajoutent à l’étrangeté durapport entre Luca et lesméduses, notamment grâce àl’addition d’une couleur rose pâledans les planches. La patience(un dessin précis, la personnalitédes personnages) et la générosité(l’abondance de sensations et desentiments) de Malik Deshorsemplissent L’Été de Luca. Antoine

    Fauchié

    Malik DeshorsL’Été de LucaLa Boîte à bullescollection « contre-jour »96 p., 14,50 €ISBN 978-2-84953-083-2

    © Delphine Perret,Éditions ThierryMagnier

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    Des méduseset des hommes

  • Toute la malice, l’étrangeté et les divers sentiments quicaractérisent les habitants de ce monde surprenant…

    collection La Bibliothèquevoltaïque272 p., 26 €ISBN 978-2-915793-88-8

    SYMÉTRIE

    Dictionnaire desthéâtres parisiens au XIXe sièclede Nicole WildEnrichi de notices couvrant la période de 1800 à 1914, cedictionnaire survole l’histoiredes grandes institutions, desthéâtres secondaires et desthéâtres parfois éphémères,en recensant les appellationsde ces salles. Des informations inédites

    de l’objet livre aufoisonnement de motifsvisuels colorés, où insecteset oiseaux forment unenouvelle « histoirenaturelle ».

    56 p., 53 €ISBN 978-2-911698-58-3

    CITÉ DU DESIGN

    Azimuts 34 : Imaginairede la mobilitéLes déplacements virtuelsque nous permetaujourd’hui Internet, mais aussi des outilscomme la radio ou lejournal télévisé, sont à l’origine de nouvelles

    rencontres qui remodèlentnotre société. Les contributions de cenuméro partent de cetteconstatation pour envisagerune culture urbaine du XXIe siècle.

    128 p., 13 €

    ISBN 978-2-912808-38-7

    JEAN-PIERRE HUGUETÉDITEUR

    De(s)générations n° 11 : UtopieinsurgeanteDans ce numéro consacré à la notion d’utopie commeforce qui pousse à la révolte,

    Philippe Roux s’entretientsuccessivement avec MiguelAbensour, professeur dephilosophie politique, et

    – une chronologie historique,un répertoire, la liste desdirecteurs, chefs d’orchestre,maîtres de ballet, etc. – ont été rassemblées pourchaque établissement.

    608 p., 92 €

    ISBN 978-2-914373-48-7

    REVUES

    ÉDITIONS DES CAHIERSINTEMPESTIFS

    Cahiers intempestifsn°25 : Made in BritainCe vingt-cinquième numéromet à l’honneur le travail de sept artistes de la jeunegénération britannique,confrontant la sobriété de recherches textuelles etphotographiques autour

    10

    regard

    Chaque mois, retrouvez Géraldine Kosiak, en texte et en image,pour un regard singulier, graphique, tendre et impertinent surl’univers des livres, des lectures et des écrivains…

    Au travailLes mursComment transformer les lettres en briques ?Voici quelques années, à la signature d’unnouveau contrat, je me souviens d’avoir osédemander une augmentation à mon éditeur. Il m’aregardée en souriant, étonné : « Tu ne comptes pasvivre de tes livres ? » Puis il a changé de sujet sansm’augmenter d’un centime.C’est vrai, à bien y réfléchir, quelle prétention qu’unauteur souhaite vivre de son métier !En 1963, Thomas Bernhard envisage son avenir plussombre que jamais. Son livre Gel a provoqué undéluge de critiques, violentes et contradictoires, deséloges les plus embarrassants aux descentes enflèche les plus féroces. Il ne veut plus entendreparler de littérature et, pendant quelques mois,devient chauffeur-livreur pour la brasserie Gösser(il adorera puis détestera ce travail, l’abandonneradu jour au lendemain pour se réfugier sous sacouette, chez sa tante).Lorsque lui est attribué le prix de littérature de laville hanséatique libre de Brême, Thomas Bernhardest à la campagne, navrante caricature de lui-même,enchaîné au sentiment paroxystique de sondésespoir existentiel. Ce n’est pas le prix lui-mêmequi le sauve de son humeur, mais l’idée de reprendre la maîtrise de sa vie grâce à la dotation de dix mille marks,

    de la rendre à nouveau possible. Son souhait atoujours été d’avoir une maison, voilà doncl’occasion de prendre contact avec un marchand

    de biens. En un quart d’heure, pour la sommede deux cent vingt mille schillings, il achète

    une ruine, mais selon lui un «  objetd’excellentes proportions ».Le jour de la remise du prix, ThomasBernhard est dans ses pensées : « Je nevoyais que mes murs et réfléchissaisau moyen de les payer. »Tout de suite après, il retourne àVienne : «  Naturellement je ne

    pouvais plus attendre le moment oùj’allais emménager dans mes murs

    nouvellement acquis de Nathal. Lamanière dont j’ai finalement pu les

    nommer miens, les transformer etagrandir de mes mains, avec plus

    ou moins de réussite, et lesfinancer au fil des années – cen’est pas ici le lieu d’en parler.Mais le prix de la ville de Brême

    a été la première étape endirection de mes murs,

    sans lui tout auraitprobablement prisune autre tournurepour moi. »

    Thomas BernhardMes prix littérairesGallimard

    chronique Géraldine Kosiak 15/

    LES MOUTONSÉLECTRIQUES

    Des nouvelles du Tibbarde Timothée ReyDouze textes pour raconterun continent imaginairedont les populations ont la magie, noire commeblanche, pour quotidien.

  • La spoliationau quotidienRetour sur un ouvrage de TalBruttmann, « Aryanisation » écono-mique et spoliations en Isère (1940-1944), qui conclut les travaux de laCommission d’enquête mise en placepar la Ville de Grenoble sur la spo-liation des Juifs sous Vichy. Un docu-ment irremplaçable.

    Passionnante enquête que celle réalisée par laCommission communale sur la spoliation des« biens juifs », créée à Grenoble dans les traces de laCommission Mattéoli (elle-même lancée à l’échelonnational en 1997, à l’initiative du gouvernement fran-çais). À travers plus de deux cents pages de compterendu, nourri par un travail mené dans les archiveslocales et régionales ainsi que dans les services cen-traux de l’État, l’historien Tal Bruttmann démonteles mécanismes juridiques et administratifs de l’arya-nisation économique visant à « l’élimination de l’in-fluence juive dans l’économie nationale », commel’annonce le préambule de la loi du 22 juillet 1941.C’est cette loi « qui va servir de base et de cadre à lapolitique de spoliation des biens », qui constitue l’un« des rouages essentiels » de la Solution finale, commele rappelle l’historien dans son introduction.On découvre ainsi la précocité de certaines actionsd’aryanisation, y compris en zone libre, le rôle jouépar l’administration, avant même la création duCommissariat général aux questions juives, le 29 mars1941. On suit également, étape par étape, la routine infer-nale de la spoliation qui s’organise : prospection desbiens immobiliers «  juifs », collaboration zélée desnotaires et surtout des maires du département de l’Isère.

    livres & lectures /essais

    Répondant à une sollicitation du CGQJ, lemaire de Villard-de-Lans écrit notamment :« Suite à votre honorée lettre du 2 courant, jevous informe que Melle B. Rachel Marthe, pro-priétaire d’un immeuble à usage de pension defamille n’est pas de race juive, de même queM. W. Léonard. En ce qui concerne les juifs pro-priétaires à Villard-de-Lans, je puis vous signalerun nommé B. Fortuné actuellement à Rocheville(Alpes Maritimes). Il se peut qu’il y en est (sic)d’autres mais que je ne connais pas. »Dans cette enquête saisissante, Tal Bruttmanntient le registre détaillé de cette mécanique hon-teuse. La lecture, toujours facile, même si elleplonge le lecteur dans l’incrédulité, se fait pas àpas. On peut oublier les chiffres, négliger leslistes, omettre les évaluations… Reste l’impi-toyable précision de ce mouvement d’ensemblequi rationalise un pillage racialement organisé.Dans l’Isère, à Grenoble, Cours Jean-Jaurès, àChamrousse, à Lyon, ailleurs, partout. L. B.

    Tal Bruttmann« Aryanisation »économique et spoliations enIsère (1940-1944)P.U.G256 p., 20 €ISBN 978-2-7061-1555-4

    Actualité dela mémoireC’est un document originalque nous proposent lesPublications de l’universitéde Saint-Étienne, puisqu’ilconstitue une sorte de plate-forme de réflexions menéesen Allemagne tout autantqu’en France autour du tra-vail de mémoire de la guerreet de la résistance. L’ouvrage,

    né d’un séminaire d’étude à Berlin et àRavensbrück sur le thème « Histoire-Mémoire-Transmission », possède ainsi un aspect proprementhistorique, qui retrace la constitution du souvenirdes crimes nazis tel qu’il s’est élaboré en Allemagnede l’ouest et en Allemagne de l’est ; mais on y trouveégalement des comptes rendus de visites effectuéesà l’occasion de ce voyage par des universitaires etpar des professionnels de lieux de mémoire etd’Histoire de la région Rhône-Alpes. Une rencontrequi a permis d’« esquisser des perspectives compa-rées des sites, muséographies, propositions et pra-tiques mémorielles, entre les deux pays. »Visite du Mémorial de Ravensbrück, gare de BerlinGrünewald, Maison de la conférence de Wannsee,Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe à Berlin…,ce livre collectif, véritable mosaïque de regards etde conceptions, propose une documentation excep-tionnelle autour de cette problématique de lamémoire, y compris dans ses dimensions les plusactuelles. L. B.

    Sous la direction de Alain Battegay,Geneviève Erramuzpé et Marie-Thérèse Têtu-DelageExposer les mémoires et l’histoireBerlin – RavensbrückPublications de l’université de Saint-Étienne284 p., 24 €ISBN 978-2-86272-535-2

    Michèle Riot-Sarcey,professeur d’histoirecontemporaine, avant des’exprimer sur le sujet puisde laisser notamment laparole à l’écrivain etcritique d’art VéroniquePittolo. En guise decontrepoint visuel, on peut découvrir des vuesd’installations de deuxartistes contemporains :Melik Ohanian et Laurent Faulon.

    96 p., 10 €

    ISBN 978-2-35575-106-6

    ENS ÉDITIONSÉCOLE NORMALESUPÉRIEURE DE LYON

    Tracés n°18 :Improviser. De l’art à l’actionCe numéro regroupe les contributions dephilosophes, sociologues,anthropologues,musicologues, ainsi qued’autres spécialistesuniversitaires, afin de cernerl’improvisation en tant que pratique artistique et concept à la portéeheuristique.

    266 p., 15 €

    ISBN 978-2-84788-213-1

    Ouïe-voirOn connaît plutôt bien le Heidsieck pionnier dela Poésie sonore, devenue plus tard Poésie action,qui donna naguère de la « voix » dans les avant-gardistes années soixante et suivantes (voir à ce

    sujet l’éclairant Bernard Heidsieck, Poésie Action de Jean-Pierre Bobillot chez Jean-Michel Place). On connaît peut-être moins le Heidsieck plasticien, auteur-compositeur,si l’on peut dire, de nombreuses planchesd’« Écritures/Collages », comme il les nomme lui-même.Des séries qui font la part belle à la lettre, tableaux gra-phiques à souhait, comme cet Alphabet coloré et nerveux(2006) ou encore ces machines-outils qui triturent etconcassent moult mots (40 machines à mots, 1971).

    Des images de caractère qu’il ne faut surtout pas prendreà la légère et que la préface de François Collet remetintelligemment en perspective. Comme si le travail plas-tique, et second, de Heidsieck allait en « intime sym-biose » avec son travail poétique. Une manière aussi d’af-firmer que la Poésie action trouve sa source au-delà ouen deçà du texte, dans une sorte deouïe-voir originel. Roger-Yves Roche

    François ColletAvec la participation de JulienBlaine et Michèle MétailBernard Heidsieck PlastiqueFage Éditions119 p., 20 €ISBN 978-2-84975-175-6

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    Sélection des nouveautésdes éditeurs de Rhône-Alpesréalisée par Émilie Pellissier

    Le centre d’information du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe, à Berlin.

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    Deux publications autour de la Seconde Guerre mondiale

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    Chronique de littérature buissonnière

    Ouvert la nuitC’est bien connu : les écrivainsreviennent toujours sur les

    lieux de leur enfance. Certains plusfréquemment que d’autres. Il n’estpas vain d’affirmer que Modianorevient toujours sur les lieux de. Sa

    poétique repose tout entière surl’idée de retour, éternel ou non, unretour qui est d’abord et avant toutune forme de se souvenir en rond :nommer le passé sans le creuser.Et voici donc que dans L’Horizon,Margaret, une «  fille de rien »,revient à Annecy, l’espace tempsde quelques pages. C’est bienmoins que dans le sublime VillaTriste, qui se passe entièrement àAnnecy. C’est vrai : à peine un ou

    deux signes, une seule et brèvelumière : celle du « café de la Gare,ouvert pendant toute la nuit. » Maiscela suffit pour réveiller le lecteur,lui redonner le goût de Modiano,ce sentiment de déjà-vu qui lui vasi bien. R.-Y. R.

    Patrick Modiano, L’Horizon, Gallimard, 2010

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    Livre & Lire : journal mensuel, supplément régional à LivresHebdo et Livres de France, publié par l’Agence Rhône-Alpespour le livre et la documentation.

    Une vie sample« Barbie tue Rick »… un pseudo à triple tranchant.Parce que le slam est un jeu, que les scènes sontouvertes et qu’elle a « la posture d’Antigone dans unesupérette ». Hélène Accoceberry, une insoumise ?Certainement. Le reste du temps, elle est bibliothé-caire dans un quartier populaire de Vienne.

    Vienne, fin de journée, le Bar du temple. Celui d’Augusteet Livie écrase la petite place. Il fait chaud et on est déjàen pleine mythologie. Pas seulement à cause d’Antigone.Barbie tue Rick aime les contes, les histoires. Celle-ci estplutôt bien : c’est une femme, la quarantaine, blondepar-dessus le marché, qui pratique la scène ouvertedepuis à peu près huit ans. Dans l’univers plutôt mas-culin du slam, ça peut surprendre. Cheveux bouclés eten pétard, elle assume sa venue tardive sur les scènesde la région, son style direct, moqueur, son attirancepour le politique plutôt que pour l’intime, son envie des’adresser au plus grand nombre.Alors on la regarde et on se dit qu’on peut être doubleet en bonne santé (quelques centaines d’heures de som-meil en moins cependant). Une forme de schizophrénie

    Dans ses rayons ou sur scène, l’enga-gement est obligatoire. Le sentimentque Barbie tue Rick rôde sans cessederrière Hélène Accoceberry, lapousse, la titille. Il est vrai que le slamest une forme de harangue quipermet aussi de ne pas s’endormir.Barbie l’aide beaucoup. Tous sestextes partent de ce personnage deblonde indémodable à la plastiqueparfaite, « idéal pour relayer des pro-pos décalés ». La slameuse transformel’image de cette poupée en alliée bur-lesque, détournant la naïveté pourguider son propos. Souvent politique,« entre guillemets », tendance fémi-niste moins la case qui lui correspond.« Une sorte d’héroïne gainsbouriennequi prendrait la parole », pour racon-ter ses propres histoires, refuser lemoralisme à tout crin mais aussil’angélisme du socioculturel, genreje-vais-sauver-la-poésie-dans-mon-centre-social.Une fois de plus, cette femme esthybride. Lucide mais combative, uni-vers poétique à tendance romannoir, descendance basque et pay-sanne mixée bourgeoisie lyonnaise.Un poème… Aujourd’hui HélèneAccoceberry soigne son aspirationau vagabondage en allant plus loindans sa recherche d’écriture et de«  stratégies non conventionnellespour atteindre une idée d’absolu ».Passer des cinq minutes traditionnellesd’intervention sur scène à un projetartistique plus abouti. Écouter, lire,sampler, écrire, détourner… Simplecomme une berceuse, Barbie. LaurentBonzon

    bienveillante, qui aide à ne pas entrer dans les cases.Hélène Accoceberry les redoute. D’abord ça oblige à bais-ser la tête et puis à épouser une forme qui ne vous convientpas. Pas du tout le genre de la slameuse. Ni de la biblio-thécaire non plus d’ailleurs. « C’est un métier intéressant àcondition de le rendre intéressant… », dit-elle.Bibliothécaire, pourquoi pas ? Finalement, après avoirfui un BTS de secrétariat, elle est bien devenue profes-seur de tennis… Ce qui lui a donné l’occasion de voya-ger et le temps de lire, surtout des livres qui n’étaientpas conseillés pour son âge. Peut-être est-ce pour celaqu’elle va aujourd’hui droit au but et ne se prend paspour un poète. Une légèreté utile par les temps qui cou-rent : « Le slam se construit et devient ce qu’on en fait. Ily a quelque chose de vivant, de ludique, ce que soulignel’utilisation du pseudo. Et c’est un milieu qui vit avec trèspeu de règles. C’est rare. »

    Dis, Barbie, pourquoi tue Rick ?

    Au début, au tout début, il y a sûrement le goût de la langueorale, du jeu avec les mots et les sonorités. Celui du partageaussi, à rebours de la poésie, qui, dit-elle, « s’est coupéedes milieux populaires. Écrire, pour moi, c’est créer des liens

    entre des formes artistiques classiques, commela mythologie ou la peinture, et la culture desérie B. » Barbie tue Rick n’en a pas l’air, maisc’est une adepte du grand écart.Et sa vie aussi, elle la partage entre son travailde bibliothécaire – « catégorie C, précise-t-elle,ce n’est pas souvent qu’il y a des portraits de pro-létaires dans Livre & Lire… » – et son itinérairede slameuse. Le jour et la nuit. Lorsqu’elle adébarqué dans la BM du quartier de Gère, il yavait trente lecteurs inscrits. Aujourd’hui, seuleà bord de cette annexe de quelque 100 m2, elleen revendique nettement plus. Notamment

    depuis qu’elle a créé unfonds de livres en turc.En ce moment, l’expo-sition consacrée auxdoudous des enfantsfait un malheur…

    Directeur de la publication :Geneviève Dalbin

    Rédacteur en chef :Laurent Bonzon

    Assistante de rédaction :Marion Blangenois

    Ont participé à ce numéro :Nicolas Blondeau, FlorenceDelaporte, Antoine Fauchié,Delphine Guigues, Frédérick Houdaer,Géraldine Kosiak,Danielle Maurel,Yann Nicol,Émilie Pellissier et Roger-Yves Roche

    Livre & Lire/Arald25, rue Chazière - 69004 Lyontél. 04 78 39 58 87fax 04 78 39 57 46mél. [email protected]

    Siège social/Arald1, rue Jean-Jaurès - 74000 Annecytél. 04 50 51 64 63 - fax 04 50 51 82 05

    Conception : PerluetteImpression : ImprimerieFerréol (Imprim’Vert).Livre & Lire est imprimésur papier 100 % recycléavec des encres végétales

    ISSN 1626-1331

    Barbie tue Rick fait partie de la Section Lyonnaisedes Amasseurs de Mots, un collectif fondé en 2002par Marco DSL, alias Vers Sain Rhétorique. Vient deparaître, aux éditions Asile, S.L.A.M. Session, unouvrage réunissant des textes de plusieurs slameurs.www.myspace.com/amasseursdemots

    nous écrire > > > >[email protected]

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