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Quand la photographie renouvelle la peinture et les arts graphiques : le cadrage INTRODUCTION Au XIX e siècle, des innovations techniques modifient les pratiques artistiques et notre regard sur le monde qui nous entoure. Inventée en 1839 par Daguerre, la photographie est sans doute la plus importante lorsqu’il est question d’image et de représentation. Le XIX e siècle est aussi celui des expéditions colonialistes, des voyages à la découverte de l’Orient ou de l’Afrique : la photographie devient un médium privilégié qui permet de fixer en images, de témoigner et de documenter. Car elle apparaît comme plus objective pour saisir le réel. Pourtant, tout comme la peinture et le dessin, elle induit une lecture, dirige notre perception. À son tour, la peinture va s’emparer des apports de la photographie pour donner à voir autrement : jeux sur le cadrage, la lumière, mais aussi l’utilisation exclusive du noir et blanc. Plusieurs artistes peintres ont recours à la photographie dans leur démarche créatrice. Par Exemple, Félix Vallotton développe lui-même ses images, puis les utilise comme support formel pour ses tableaux. La photographie influence ses choix de cadrage, mais aussi la prise en compte du hors-champ de l’image : Vallotton peint les ombres portées de personnages qui n’apparaissent pas dans l’œuvre. DÉFINITIONS Cadrage : c’est l’action de délimiter les contours de l'image, de choisir ce qu'il y a à l'intérieur, visible par le spectateur. Ce qui est à l’intérieur du cadre se trouve dans le champ, et tout ce qui n’est pas dans le cadre est hors-champ. Le cadrage induit un plan de I’image (gros plan, plan d’ensemble, etc.) et un angle de vue (en plongée, contre-plongée, frontale). L’angle de vue : il correspond à la position de l'observateur par rapport au sujet de l'image. Vue en plongée : l'observateur est placé au-dessus du sujet. Vue en contre-plongée : l'observateur est placé au-dessous du sujet. Vue frontale : l'observateur est au même niveau que le sujet Mots-clés : fragment, hors-champ, point de vue. Histoire de l’art : post-impressionnisme, synthétisme et cloisonnisme, Nabis, japonisme. Estampes japonaises (Hiroshige, Hokusai) et chinoises (Shitao).

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Quand la photographie renouvelle la peinture et les arts graphiques : le cadrage

INTRODUCTION

Au XIXe siècle, des innovations techniques modifient les pratiques artistiques et notre regard sur le monde

qui nous entoure. Inventée en 1839 par Daguerre, la photographie est sans doute la plus importante

lorsqu’il est question d’image et de représentation.

Le XIXe siècle est aussi celui des expéditions colonialistes, des voyages à la découverte de l’Orient ou de

l’Afrique : la photographie devient un médium privilégié qui permet de fixer en images, de témoigner et de

documenter. Car elle apparaît comme plus objective pour saisir le réel. Pourtant, tout comme la peinture

et le dessin, elle induit une lecture, dirige notre perception.

À son tour, la peinture va s’emparer des apports de la photographie pour donner à voir autrement : jeux

sur le cadrage, la lumière, mais aussi l’utilisation exclusive du noir et blanc. Plusieurs artistes peintres ont

recours à la photographie dans leur démarche créatrice. Par Exemple, Félix Vallotton développe lui-même

ses images, puis les utilise comme support formel pour ses tableaux. La photographie influence ses choix

de cadrage, mais aussi la prise en compte du hors-champ de l’image : Vallotton peint les ombres portées

de personnages qui n’apparaissent pas dans l’œuvre.

DÉFINITIONS

Cadrage : c’est l’action de délimiter les contours de l'image, de choisir ce qu'il y a à l'intérieur, visible par le

spectateur. Ce qui est à l’intérieur du cadre se trouve dans le champ, et tout ce qui n’est pas dans le cadre

est hors-champ. Le cadrage induit un plan de I’image (gros plan, plan d’ensemble, etc.) et un angle de vue

(en plongée, contre-plongée, frontale).

L’angle de vue : il correspond à la position de l'observateur par rapport au sujet de l'image.

Vue en plongée : l'observateur est placé au-dessus du sujet.

Vue en contre-plongée : l'observateur est placé au-dessous du sujet.

Vue frontale : l'observateur est au même niveau que le sujet

Mots-clés : fragment, hors-champ, point de vue.

Histoire de l’art : post-impressionnisme, synthétisme et cloisonnisme, Nabis, japonisme. Estampes

japonaises (Hiroshige, Hokusai) et chinoises (Shitao).

ACTIVITÉS

Parmi les œuvres de l’exposition présentées ci-dessous, trouvez celle qui présente une vue en plongée,

une vue en contre-plongée, une vue frontale.

Félix Vallotton, Charles-François Daubigny, Henri de Toulouse-Lautrec,

La manifestation Péniche au bord de l’Oise La loge au Mascaron Doré

Réponse : vue en plongée Réponse : vue en contre plongée Réponse : vue frontale

Parmi les œuvres de l’exposition présentées ci-dessous, trouvez laquelle est une vue d’ensemble, un plan

rapproché, un très gros plan.

Pierre Bonnard, Maxime Maufra, Edgar Degas,

Scène de famille Bretons sur la route Femme au tub

Réponse : très gros plan Réponse : vue d’ensemble Réponse : plan rapproché

UNE IMAGE FRAGMENTÉE

En choisissant son cadrage, l’artiste nous donne à voir un fragment, une fraction de quelque chose de plus

vaste. Nous ne percevons alors qu’un morceau du réel, qu’une partie de la narration visuelle. Le spectateur

imagine alors le hors-champ. Il est invité à construire mentalement la suite de l’image, au-delà du cadre.

À votre tour ! Choisissez une des œuvres ci-dessous et imaginez le hors-champ de celle-ci.

NB : dessin à imaginer sur la feuille A4 sur laquelle est reproduite, au centre, un des tableaux. Vous

trouverez les trois modèles en fin de document.

Ker-Xavier Roussel, Louis Valtat, Henri de Toulouse-Lautrec

L’éducation du chien Ambroise Vollard L’Anglais au Moulin Rouge

À la fin du XIXe siècle, des artistes utilisèrent la fragmentation de l’image et de ce qu’elle raconte, en

employant des cadrages audacieux et des gros plans par exemple. Ils sont plus que jamais influencés par la

photographie (l’invention de l’appareil Kodak en 1888 permet de fixer des images instantanément), mais

aussi par les estampes japonaises. Celles-ci, appelées ukiyo-e, permettent aux peintres occidentaux de

repenser l’espace, de remettre en cause la perspective occidentale (regard convergent vers le point de

fuite).

En effet, la perspective traditionnelle utilisée par les artistes nippons conduit le regard du spectateur à

s’ouvrir, à sortir de l’image. Celle-ci implique une participation du spectateur pour reconstruire la narration

visuelle.

Dans les œuvres ci-dessous, la composition joue avec des fragments de mots et d’images. Expliquez pour

chacune d’entre elles quels choix a fait l’artiste.

Edouard Vuillard, Pierre Bonnard, Edouard Manet

La pâtisserie Boulevard Le gamin

RÉPONSES

Dans l’œuvre d’Edouard Vuillard, le cadrage et l’angle de vue ne permettent pas de lire l’enseigne du second plan,

car la première syllabe est hors-champ. Dans l’angle inférieur gauche, l’artiste a volontairement choisi de ne montrer

qu’une partie de la table garnie de bouteilles et récipients, rendant ainsi difficile sa lisibilité. Également, la

simplification du dessin accentue ce sentiment de fragmentation visuelle.

Dans celle de Pierre Bonnard, intitulée « Boulevard », les enseignes sont en partie camouflées par le rythme des

troncs d’arbres sur le boulevard.

Dans celle d’Edouard Manet, le cadrage en plan américain camoufle le bas du corps de l’enfant et entièrement celui

du chien.

Nous sommes amenés à recréer ces mots et ces images dans leur intégralité. Pourquoi ?

RÉPONSES

Dans l’œuvre d’Edouard Vuillard, nous reformons le mot « pâtisserie » car le titre dirige notre interprétation, telle

une clé permettant de comprendre l’image.

Dans celle de Pierre Bonnard, notre rapport au réel nous permet de recomposer facilement les mots malgré ce jeu

de cache-cache, car les troncs d’arbres sont suffisamment fins et rectilignes pour ne cacher qu’une lettre à chaque

fois. Leur rythme est suffisamment espacé pour ne cacher que peu de lettres sur l’ensemble.

Dans celle d’Edouard Manet, notre connaissance de l’image d’un corps humain et de celui d’un chien nous permet

de reconstituer mentalement la partie inférieure des personnages, hors-champ. Toutefois, nous ne pouvons assurer

avec certitude s’il s’agit d’un chien assis ou debout : chacun est libre de son interprétation.

CI-APRÈS, RETROUVEZ LES DOCUMENTS-TYPES DE L’ACTIVITÉ « UNE IMAGE FRAGMENTÉE"

Edouard Vuillard, La pâtisserie Lithographie (1899)

POUR ALLER PLUS LOIN : PISTES PÉDAGOGIQUES INTERDISCIPLINAIRES

Arts plastiques/français

Les nabis et la Revue Blanche : Des écrivains expérimentent de nouvelles formes d’expression littéraire

publiées dans un périodique, La Revue Blanche. Les peintres Nabis l’illustrent. La Revue Blanche propose

(dans les trois suppléments intitulés Nib de 1895) des collaborations artistiques entre un écrivain et un

peintre (Tristan Bernard et Toulouse-Lautrec, Jules Renard et Félix Vallotton, Romain Coolus et Pierre

Bonnard) tant leurs préoccupations esthétiques se répondent. Au fragment visuel qui empêche

d’appréhender la totalité de la scène représentée, répond le fragment textuel. La rupture narrative ainsi

créée doit inciter le lecteur à dépasser le seul matériel du texte : il doit participer et construire par-delà le

fragment.

Exemple : Romain Coolus et Edouard Vuillard.

La série lithographiée d’Edouard Vuillard intitulée « Paysages et intérieurs » (dessinée à partir de 1896 et

publiée en 1899) nous renvoie directement aux « Aspects » de Romain Coolus (« Pâtisseries », « Pluie

urbaine »), à la fois par les sources d’inspiration, mais aussi par l’usage de l’esthétique fragmentaire.

L’estampe de Vuillard intitulée « La Pâtisserie » peut être étudiée parallèlement au texte de Coolus.

Romain Coolus : t. III, op. cit., p. 33. - Pâtisseries « Derrière l’apparat translucide des hautes glaces luisent les séduisantes pâtisseries. Sur des assiettes qu’auréolent

des cycles légers de fer filé fleurissent les cœurs sirupeux des tartelettes et les houppes vaporeuses des choux.

Massifs, de puissants saint-honoré figurent en leurs architectures classiques des fragilités d’instituts. Sous le vernis de

croûtes chatoyantes se pressentent les mollesses orientales des crèmes. Sur l’oreiller des pâtes souples des fruits aux

saveurs savantes dorment parmi les glycoses et des gelées polychromes éclatent dans le soleil en des pyrotechnies

variées.

Viennent vos lèvres et les stations de vos gourmandises que gourmander messiérait. Aux heures déclinantes, vous

vous plaisez, voilettes retroussées et toutes leurs abeilles noires sur vos fronts, en des attitudes qui vous confessent

éjouies des sapidités dont vos papilles s’exaltent. Si affairées des choix successifs où votre éclectisme s’aventure et

ravies des trouvailles qui, pour de proches désormais, vous meublent de fortifiantes certitudes ! Et puis, parmi les

jupes, les toutes petites déjà vous s’appliquant à l’apprentissage et qui mûrissent leurs féminités, derrière l’apparat

translucide des hautes glaces où lisent les séduisantes pâtisseries ».

Arts plastiques/français/éducation musicale Picasso et Kurt Schwitters : Comment, au début du XXe siècle, les esthétiques collagiste, cubiste et dada

s’approprient-elles le fragment, comme indice de réalité ? Comment le fragment devient-il un élément

plastique incontournable de l’art contemporain ?

Exemple : Kurt Schwitters « die ursonate » poésie phonétique, 1921-1932

Pablo PICASSO, Bouteille de vieux marc, verre et journal (1913)

Arts plastiques/ technologie/sciences Étude et pratique des croisements entre les arts plastiques et les sciences, les technologies, les

environnements numériques sur le thème du fragment et de la fragmentation.

Liens avec les programmes d’arts plastiques

Fiche pédagogique en lien avec le programme du cycle 4.

Entrées du programme : la représentation, les images, réalité et fiction. Le rapport au réel (sur sa

perception via l'image donnée à voir) et la narration visuelle.

Fil conducteur : l'utilisation du cadrage et du hors-champ pour ne donner à voir qu'un fragment du réel.

La conception, la production et la diffusion de l’œuvre plastique à l’ère du numérique.

Les incidences de la photographie et du numérique sur la création des images fixes, sur les pratiques

plastiques en deux dimensions ; les relations entre intentions artistiques, médiums de la pratique

plastique, codes et outils photographiques et numériques.

Bernard LEVENEUR – Directeur du Musée Léon Dierx

[email protected]

Stéphanie HAUTBOIS SAADOUNE – Médiatrice culturelle du Musée Léon Dierx

[email protected]

Valérie CHÉNEAU-ZIEGLER – Enseignante en arts plastiques

[email protected]

Delphine DE ROBERTI – Enseignante en arts plastiques

[email protected]

Catherine JUHEL – Chargée de mission d’inspection arts plastiques

[email protected]

Groupe pédagogique éducation artistique et culturelle

Ressources pédagogiques novembre 2016

Quand la photographie et l’art extrême oriental renouvellent la peinture et les arts

graphiques occidentaux : le noir et blanc

INTRODUCTION

Au XIXe siècle, des innovations techniques modifient les pratiques artistiques et notre regard sur le monde

qui nous entoure. Inventée en 1839 par Daguerre, la photographie est sans doute la plus importante

lorsqu’il est question d’image et de représentation.

Le XIXe siècle est aussi celui des expéditions colonialistes, des voyages à la découverte de l’Orient ou de

l’Afrique : la photographie devient un médium privilégié qui permet de fixer en images, de témoigner et de

documenter, car elle apparaît comme plus objective pour saisir le réel. Pourtant, tout comme la peinture et

le dessin, elle induit une lecture, dirige notre perception.

Grâce à l’invention de la photographie, la peinture va progressivement se libérer de son rapport de

ressemblance au réel et investir de multiples champs d’exploration artistique. Elle va s’emparer des

apports photographiques pour donner à voir autrement : jeux sur le cadrage, la lumière, mais aussi

l’utilisation exclusive du noir et blanc.

LA VISION EN NOIR ET BLANC

Michel Pastoureau, dans son livre Noir, histoire d’une couleur, résume ainsi notre rapport au noir :

« Longtemps, en Occident, le noir a été considéré comme une couleur à part entière, et même comme un

pôle fort de tous les systèmes de la couleur. Mais son histoire change au début de l’époque moderne :

l’invention de l’imprimerie, la diffusion de l’image gravée (…) lui donne, comme au blanc, un statut

particulier ».

Les recherches de Newton sur le spectre coloré établissent un nouvel ordre des couleurs : désormais le

noir et le blanc sont considérés comme des non-couleurs. Toutefois, dans la seconde partie du XIXe siècle,

l’engouement pour la photographie et la redécouverte de l’art extrême oriental vont progressivement

redonner au noir et au blanc leur statut de couleur véritable et permettre un renouvellement de l’art

pictural et graphique occidental.

Les premières pellicules photographiques ne permettaient que la création d’images en noir et blanc. Les

couleurs étant retranscrites en niveau de gris, la lumière joue un rôle des plus importants. La perception du

réel est par conséquent différente : les artistes privilégient les scènes aux luminosités singulières, les

contrastes lumineux forts les clair-obscur, les contre-jour, les effets de brumes, …

DÉFINITIONS

Le clair-obscur : "Art de nuancer sur un fond d'ombre, un effet de lumière diffuse" (Larousse). Pour les

artistes, le blanc et le noir sont les plus forts moyens d'expression pour le clair-obscur car leur juxtaposition

constitue le contraste polaire le plus extrême.

Le contre-jour : « Éclairage d'un objet recevant la lumière du côté opposé à celui par où on le regarde »

(Larousse).

La ligne contour : elle démarque une surface, dessine une forme.

Aplat : plan coloré uniforme, sans volume ni effet de matière.

L'estampe : terme générique qui désigne une image imprimée sur papier à l'aide d'un support encré et

passé sous presse. On peut utiliser à cet effet les techniques de la gravure, de la lithographie ou de la

sérigraphie.

Edouard Manet, Le gamin

Edouard Manet, L’enfant à l’épée

Mots-clés : contraste, lumière, ombre, relief, modelé.

Histoire de l’art : post-impressionnisme, synthétisme et cloisonnisme, Nabis, japonisme. Estampes

japonaises (Hiroshige, Hokusai) et chinoises (Shitao).

PENSER EN NOIR ET BLANC

L’usage du noir et du blanc est récurrent dans les arts plastiques : gravures, estampes, lithographie, mais

aussi dessins, esquisses, croquis, … Quels que soient les outils et les techniques employés, ils témoignent

du processus créatif et du dessein de l’artiste. Nous pouvons par exemple y observer ses recherches sur

l’éclairage, le modelé des personnages, les éléments qu’il souhaite voir se dégager de l’image, l’ambiance

qu’il souhaite créer. Les partis pris de contrastes blanc/noir et lumière/ombre permettent également

d’enrichir l’interprétation symbolique, critique, satyrique (…) des images. Par exemple, l’emploi de valeurs

opposées de manière manichéenne peut mettre en évidence une opposition du bien et du mal, du beau et

du laid, du vrai et du faux, …

À votre tour de deviner le dessein de l’artiste en comparant son travail en noir et blanc et le tableau final.

Observez par exemple la mise en lumière de la scène et du personnage, le traitement du fond ou du lieu,

… Selon vous, que recherchait Manet en « pensant » en noir et blanc ces deux œuvres avant de les mettre

en couleur ?

RÉPONSE POSSIBLE ET NON EXHAUSTIVE

Le gamin au chien Dans le travail préparatoire, Manet laisse, au second plan, le fond blanc et neutre, ce qui ne nous permet pas de le définir (c’est au contraire un ciel bleu qui apparaît dans le tableau). Ainsi, notre attention se concentre sur les éléments du premier plan. Ces derniers accrochent la lumière : les nuances de gris

témoignent de la volonté de Manet de capter la lumière et ses vibrations jouent avec les textures (poils du chiens, tressage du sac, …). L’enfant à l’épée Dans les deux œuvres graphiques, l’artiste a questionné le rapport fond/forme. Tout comme pour le sol, l’arrière-plan est une surface traitée en aplat pour un maximum de neutralité. Faut-il mettre un fond clair ou foncé derrière le personnage pour le mettre en valeur ? Ce choix met plus ou moins en évidence certaines parties du personnage : fond sombre/carnation de l’enfant et son col (contraste maximum noir/blanc). Fond et au sol clairs. L’épée se détache particulièrement. Pour conclure, en comparant le tableau final avec ces œuvres graphiques, nous pouvons comprendre le cheminement et les partis pris conservés par l’artiste après ses recherches.

Quel procédé plastique dans ces trois œuvres nous permet de deviner qui est le personnage principal et le

met en valeur ?

Albert Besnard, Mary Cassatt, Félix Vallotton,

La mère malade Mère et enfant La sortie

RÉPONSE

À chaque fois, la silhouette blanche du personnage se détache sur le fond sombre. Les artistes ont utilisé un

contraste, un jeu de clair-obscur. Chez Vallotton, ce contraste de valeurs est à son paroxysme.

LE NOIR ET BLANC EXCLUSIF

Certains artistes approfondirent les possibilités plastiques liées à l’usage exclusif du noir et blanc.

Toulouse-Lautrec affectionne particulièrement cette dichotomie et renouvelle ainsi l’art de l’affiche. Félix

Vallotton, durant dix années, peint très peu : il se consacre à la gravure sur bois (xylographie). Il réalise des

dessins préparatoires au lavis d’encre noire lui permettant de caractériser ses estampes par une opposition

tranchée des surfaces blanches et noires. Odilon Redon, pendant une vingtaine d'années, ne fait pas de

toiles peintes. Il dessine exclusivement en noir et blanc, sur le papier et sur la pierre lithographique, au

fusain, à l'encre, au pastel noir, au crayon lithographique.

Henri de Toulouse-Lautrec, Odilon Redon, Félix Vallotton,

La goulue Tentation (1896) Le bain

LES APPORTS DE L’ART EXTRÊME ORIENTAL

Parallèlement aux apports de la photographie, la découverte de l’art extrême oriental génère de nouvelles

compréhensions de la surface picturale. Les estampes japonaises ukiyo-e, l’emploi de l’encre de Chine

noire sur papier blanc, permettent au peintre de repenser l’espace, les rapports entre le fond et la forme.

Par exemple, les impressionnistes ont un intérêt marqué pour le traitement de la lumière et des valeurs, le

rabattement des plans dans la composition. Gauguin et les peintres Nabis apprécient particulièrement

l’usage des cernes et des aplats, les formes simplifiées et sans modelé. Félix Vallotton construit ses images

en superposant les plans parallèles, joue des diagonales et des arabesques décoratives. Edouard Vuillard et

Vincent Van Gogh affectionnent les déséquilibres dans la composition : asymétrie et dissymétrie,

décentrement du groupe principal (sans tenter de le contrebalancer par d’autres figures qui feraient

contrepoids), mais aussi perspective en vue plongeante.

Dans les ukiyo-e une grande importance est donnée aux variations d’atmosphère : la brume matinale, la

densité de l’averse, le souffle du vent, le silence de la neige, la lumière du clair de lune, … Les techniques

photographiques et l’usage du noir et blanc permettent aux artistes occidentaux d’expérimenter à leur

tour la retranscription de ces variations.

Exemple : Théophile STEINLEN, Paris la nuit

FOND ET FORME

Dans ces trois œuvres, les formes des personnages se détachent du fond : comment ?

Pierre Bonnard, Ker-Xavier Roussel, Félix Vallotton

Femme au parapluie L’éducation du chien La manifestation

RÉPONSE La silhouette noire des personnages se détache du fond blanc de façon tranchée. Dans les trois œuvres, le contraste

de valeur est le plus extrême.

D’un point de vue plastique, à quoi sert le fond selon vous ? Quelle est la fonction du blanc ?

RÉPONSE Le fond sert à mettre en valeur les personnages (les formes). Le blanc permet de mieux faire ressortir les

personnages et leurs attitudes : notre œil est attiré vers eux. Le blanc induit donc notre sens de lecture et notre

perception de l’image. Il contribue à créer une atmosphère particulière.

PROFONDEUR – RABATTEMENT DES PLANS – DÉGRADÉ/APLAT – MODELÉ/CERNE

Comparez ces deux œuvres et restituez à chacune le vocabulaire qui lui correspond :

Henri Fantin-Latour, Félix Vallotton,

À l’immortel auteur de Guillaume Tell Le confiant

APLATS, FORMES SANS MODELÉ DÉGRADÉ DE GRIS LA LUMIÈRE SCULPTE LES FORMES

RABATTEMENT DES PLANS LE VOLUME PRIME SUR LE CERNE PROFONDEUR DE CHAMP

LIGNE-CONTOUR TRÈS NETTE ÉCHELONNEMENT DES PLANS

RÉPONSE

Fantin-Latour modèles ses formes en jouant sur des dégradés de gris, la lumière sculpte les formes.

Vallotton ne réalise que des aplats, des formes sans modelé. Il cerne les formes par une ligne-contour très nette,

tandis que chez Fantin-Latour, le volume des formes prime sur le cerne.

Chez Fantin-Latour, il y a une perspective traditionnelle avec un échelonnement des plans et une profondeur de

champ.

Chez Vallotton, les plans sont rabattus, la perspective traditionnelle occidentale est niée.

LA LIGNE-CONTOUR

Beaucoup d’artistes post impressionnistes portèrent un intérêt tout particulier au cerne, à la ligne-contour.

À ce titre, ils pourraient apparaître comme des précurseurs de la Ligne claire en bande dessinée : c’est un

dessin caractérisé par un trait d'encre noire d'épaisseur constante. Chaque élément forme une cellule

isolée par son contour et reçoit une couleur donnée. Chaque couleur se trouve donc ainsi séparée de sa

voisine par un trait. Exemple : Tintin.

Parmi les œuvres ci-dessous, lesquelles se rapprocheraient le plus de la définition de la ligne claire et

pourquoi ?

Henri de Toulouse-Lautrec, Félix Vallotton, Edouard Manet,

La goulue Le bain Au Paradis

Pablo Picasso, Pablo Picasso, Auguste Lepère,

Portrait d’Ambroise Vollard III Les trois amies Étude à quatre mains

RÉPONSE

Le bain de Félix Vallotton et Les trois amies de Pablo Picasso, car chaque élément forme une cellule isolée par son

contour et parce que le cerne est d’épaisseur constante.

POUR ALLER PLUS LOIN : PISTES PÉDAGOGIQUES INTERDISCIPLINAIRES

Arts plastiques/technologie

Dans l’exposition, plusieurs œuvres sont en noir et blanc. Certaines sont des exemplaires uniques : il s’agit

de dessins originaux, de peintures, … D’autres œuvres relèvent des techniques du multiple (voir définition

de l’estampe), de la gravure sur bois à la duplication numérique.

Arts plastiques/histoire

Dans les thématiques proposées ci-dessous, l’analyse plastique des photographies étudiées en classe

permettra de mieux comprendre les relations de ce médium avec les questions historiques soulevées.

La photographie et la conquête coloniale en Orient et en Afrique

Les liens entre connaissances des mondes de l’Orient et de l’Afrique et photographie documentaire sont

intimes. Plusieurs approches : celle du scientifique qui collecte les images comme support informatif, celle

de l’amateur qui emploie la photo comme support de souvenir, celle de l’atelier destinée à un usage

mercantile.

Exemples : photographies d’Albert Goupil, Maxime De Camp, Henri Sauvaire, …

La photographie : vers un renouvellement du tableau d’histoire ?

La photographie est-elle plus fidèle que la peinture pour témoigner d’un fait historique ? Comment les

partis pris du photographe influencent-ils notre perception d’un évènement ?

La photographie de guerre

Entre témoignage et reconstitution, comment la photographie rend-t-elle compte de la guerre ?

Lien entre la photographie de guerre et l’art engagé.

Exemples : Matthew Brady, Robert Capa, Larry Burrows, Christine Spengler, …

Arts plastiques/sciences/histoire

Le noir et le blanc sont-ils des couleurs ? L’ouvrage de Michel Pastoureau, Noir, histoire d’une couleur

pourra servir de base d’étude pour les enseignants.

Liens avec les programmes d’arts plastiques

Fiche pédagogique en lien avec le programme du cycle 3

Entrées du programme :

- La matérialité de la production plastique et la sensibilité aux constituants de l’œuvre ;

- La matérialité et la qualité de la couleur : la compréhension des dimensions sensorielles de la

couleur.

Fiche pédagogique en lien avec le programme du cycle 4

Entrées du programme :

- La matérialité de l’œuvre ; l’objet et l’œuvre : les relations entre sensation colorée et qualités

physiques de la matière colorée, les relations entre quantité et qualité de la couleur ;

- La représentation ; images, réalité et fiction ;

- La ressemblance : le rapport au réel et la valeur expressive de l’écart en art ;

- La création, la matérialité, le statut, la signification des images : l’appréhension et la compréhension

de la diversité des images, leurs propriétés plastiques, iconiques, sémantiques, symboliques ;

- La conception, la production et la diffusion de l’œuvre plastique à l’ère du numérique.

Les incidences de la photographie et du numérique sur la création des images fixes, sur les

pratiques plastiques en deux dimensions, les relations entre intentions artistiques, médiums de la

pratique plastique, codes et outils photographiques et numériques.

Bernard LEVENEUR – Directeur du Musée Léon Dierx

[email protected]

Stéphanie HAUTBOIS SAADOUNE – Médiatrice culturelle du Musée Léon Dierx

[email protected]

Valérie CHÉNEAU-ZIEGLER – Enseignante en arts plastiques, certifiée en histoire des arts

et formatrice du Plan Académique de Formation pour le secondaire

[email protected]

Delphine DE ROBERTI – Professeure certifiée d’arts plastiques

[email protected]

Catherine JUHEL – Chargée de mission d’inspection arts plastiques

[email protected]

Groupe pédagogique éducation artistique et culturelle

Ressources pédagogiques novembre 2016

La lumière dans la peinture et les arts graphiques

INTRODUCTION Longtemps, les artistes ont tenté de représenter la lumière, souvent en lien avec son contenu symbolique. Des jeux d’ombres et de lumières du clair-obscur (Le Caravage, Rembrandt, Georges de La Tour, …) jusqu’à l’impressionnisme et son travail plastique sur la diffraction de la lumière et la pure sensation colorée, elle est sujet de questionnement plastique pour les artistes. Ces questionnements évoluent au fil des siècles : comment mettre en lumière une scène, un personnage, un évènement ? Comment mettre en scène la lumière elle-même ? Comment la donner à voir ? DÉFINITIONS Le clair-obscur : "Art de nuancer sur un fond d'ombre, un effet de lumière diffuse" (Larousse). Pour les artistes, le blanc et le noir sont les plus forts moyens d'expression pour le clair-obscur car leur juxtaposition constitue le contraste polaire le plus extrême. Le contre-jour : « Éclairage d'un objet recevant la lumière du côté opposé à celui par où on le regarde » (Larousse). Mots-clés : contraste, lumière, ombre, relief, modelé, lumière naturelle/artificielle. Histoire de l’art : impressionnisme, symbolisme. MISE EN LUMIÈRE Afin de donner du modelé aux personnages et aux objets, l’artiste utilise les contrastes d’ombres et de lumières. À cet effet, il doit définir d’où provient la source lumineuse principale. C’est elle qui va donner une atmosphère particulière à la scène et influer sur notre perception de celle-ci. Pour chacune des œuvres ci-dessous, devinez d’où provient la source de lumière.

Albert Besnard, Albert Besnard, Pablo Picasso, Henri Fantin-Latour La liseuse devant la fenêtre Madame Besnard Le repas frugal Vénus et l’amour

RÉPONSES En haut, à gauche Face au personnage, à droite En haut à droite Face au personnage (=contre-jour)

Dans les deux œuvres ci-dessous, observez la lumière créée par les artistes. Elle influence notre perception du contenu de l’image. Analysez cet éclairage avec votre sensibilité. Henri Fantin-Latour, Odilon Redon À l’immortel auteur de Guillaume Tell Les yeux clos

RÉPONSE POSSIBLE

La lumière caresse les chairs des personnages, les enveloppe avec douceur. Il y a peu de contrastes de valeurs, c’est une lumière diffuse et réaliste. Elle confère une ambiance sereine qui magnifie le sujet traité.

Voici deux œuvres inspirées de « La tentation de Saint Antoine » (1888) de Gustave Flaubert. Quels sont les éléments mis en valeur par la lumière ? Selon vous, comment est la lumière (réaliste, suggestive, symbolique, onirique, irréelle ? …) ?

RÉPONSE Dans celle de gauche, quelques éclats de lumière font ressortir les mains du personnage et ce qu’elles tiennent. Tout le reste de la silhouette reste dans l’ombre, lui conférant étrangeté, inquiétude et mystère. Dans celle de droite, le second plan semble éclairé par la lumière provenant de la torche du personnage central, tandis qu’au premier plan, une ombre inquiétante occupe presque la moitié de l’image. La lumière met en évidence les deux personnages du second plan et la puissance de la lumière elle-même. Dans les deux œuvres, la lumière confère à l’image une dimension irréelle, voire onirique et symbolique. Elle n’est pas réaliste comme dans les deux œuvres précédentes.

QUAND LA LUMIÈRE JOUE AVEC LES FORMES

Pendant longtemps, les peintres ont travaillé exclusivement en atelier avec une lumière artificielle. L’invention du chevalet transportable et des peintures en tube leur a permis de peindre directement en plein air et a révolutionné leur perception de la lumière et des couleurs. Chez William Turner, surnommé « peintre de la lumière », puis Claude Monet et les impressionnistes, l’étude des variations de lumière et des couleurs finit même par prévaloir sur le sujet et le motif peint. Parallèlement, l’arrivée de la photographie bouleverse les arts visuels et le statut de la lumière dans l’art : la peinture n’est plus la seule à reproduire la réalité. L’art pictural doit se remettre en question. Profitant des avancées scientifiques et technologiques sur la compréhension des phénomènes lumineux, certains artistes nous proposent alors sur toiles des expérimentations sensorielles de la lumière et de sa diffraction. Parmi les œuvres ci-dessous, trouvez celles qui jouent en priorité avec les variations de lumière et de sa perception. Gustave Caillebotte, Edouard Vuillard, Théo Van Rysselberghe L’entrée du jardin, Petit-Gennevilliers L’avenue Visage en plein air Maurice Eliot, Théophile Steinlen, Mary Cassatt L’étang fleuri Dans la rue (gigolots et gigolettes) Portrait de femme

RÉPONSE

Les œuvres suivantes jouent en priorité avec les variations de la lumière et sa perception : L’entrée du jardin, Petit-Gennevilliers de Gustave Caillebotte Visage en plein air de Théo Van Rysselberghe L’étang fleuri de Maurice Eliot.

La lumière permet-elle de situer la scène dans le temps ? À quel moment de la journée correspond chaque œuvre selon vous ? Maxime Maufra, Théophile Steinlen, Armand Guillaumin, Bretons sur la route La rue Caulaincourt Le barrage

RÉPONSES Maxime Maufra Le soleil se couchant à l’ouest, on peut donc supposer que c’est le crépuscule. Théophile Steinlen C’est une scène nocturne car les lampadaires sont allumés. Armand Guillaumin Le soleil semble assez haut dans le ciel et la façon dont l’ombre des arbres de droite se reflète sur l’eau peut laisser penser qu’on est en début d’après-midi.

POUR ALLER PLUS LOIN : PISTES PÉDAGOGIQUES INTERDISCIPLINAIRES Arts plastiques/technologie/sciences physiques/français : Dans l’exposition, plusieurs œuvres sont influencées par la photographie. La lumière, médium de la photographie

Dessiner et écrire avec la lumière Photographie : technique permettant de fixer des images grâce à la lumière. Ce terme désigne également l'image obtenue sur support photosensible qui matérialise le phénomène lumineux. Des démarches artistiques explorent cette spécificité et manipulent la lumière photographique. Citons Man Ray (de son vrai nom Emmanuel Rudzitsky : son nom d’artiste fait directement référence à la lumière). Dès 1922, il réalise des images sans appareil photographique (rayogrammes) en posant des objets sur un papier photosensible qui laissent leurs ombres en négatif et marquent leur présence. Puis en 1937, space-writing (écritures lumineuses).

Arts plastiques/technologie : Depuis le milieu du XXe siècle, la lumière réelle – naturelle ou artificielle – est devenue le matériau privilégié de très nombreuses pratiques artistiques contemporaines.

Créer avec la lumière La lumière : un matériau immatériel en arts plastiques (cf. Jenny Hozer, James Turell, Martial Raysse, Dan Flavin, …). Créer avec l’ombre L’ombre : présence ou absence du référent ? Du théâtre d’ombre jusqu’aux pratiques contemporaines, les artistes ont interrogé notre perception visuelle par le biais de l’ombre. Voici quelques références pouvant approfondir ce questionnement :

- Kertesz André, Autoportrait en ombres, 1927 - Christian Boltanski, Théâtre d’ombres, 1984 - László Moholy-Nagy. Modulateur-Espace-Lumière (1922-1930) - Andy Warhol, Shadows, 1978-1979 - Vito Acconci, Three relationship studies, 1-Shadow-Play, 1970 - Philippe Ramette, L’Ombre (de moi-même), 2007

Tim Noble & Sue Webster, Ellis Gallagher, Fred Eerdekens, Kumi Yamashina, …

L’art numérique fait de la lumière son matériau central : installations lumineuses in situ de Yann Kersalé, Charles Sandison, …

Liens avec les programmes d’arts plastiques Fiche pédagogique en lien avec le programme du cycle 3 Entrées du programme : la matérialité de la production plastique et la sensibilité aux constituants de l’œuvre.

- La matérialité et la qualité de la couleur : la compréhension des dimensions sensorielles de la couleur (et par extension, de la lumière).

- Les effets du geste et de l’instrument : les qualités plastiques et les effets visuels obtenus par la mise en œuvre d’outils, de médiums et de supports variés (…) par les dialogues entre les instruments et la matière.

- La représentation plastique et les dispositifs de présentation : les différentes catégories d’images, leurs procédés de fabrication, leurs transformations, la différence entre l’image dessinée, peinte, photographiée.

Fiche pédagogique en lien avec le programme du cycle 4 Entrées du programme : la matérialité de l’œuvre, l’objet et l’œuvre.

- Les relations entre sensation colorée et qualités physiques de la matière colorée, les relations entre quantité et qualité de la couleur.

- La représentation : images, réalité et fiction. - La ressemblance : le rapport au réel et la valeur expressive de l’écart en art. - La création, la matérialité, le statut, la signification des images, l’appréhension et la compréhension

de la diversité des images, leurs propriétés plastiques, iconiques, sémantiques, symboliques. - La conception, la production et la diffusion de l’œuvre plastique à l’ère du numérique.

Les incidences de la photographie et du numérique sur la création des images fixes, sur les pratiques plastiques en deux dimensions, les relations entre intentions artistiques, médiums de la pratique plastique, codes et outils photographiques et numériques.

Bernard LEVENEUR – Directeur du Musée Léon Dierx

[email protected]

Stéphanie HAUTBOIS SAADOUNE – Médiatrice culturelle du Musée Léon Dierx

[email protected]

Valérie CHÉNEAU-ZIEGLER – Enseignante en arts plastiques certifiée en histoire des arts

et formatrice du Plan Académique de Formation pour le secondaire

[email protected]

Delphine DE ROBERTI – Professeure certifiée d’arts plastiques

[email protected]

Catherine JUHEL – Chargée de mission d’inspection arts plastiques

[email protected]

Groupe pédagogique éducation artistique et culturelle Ressources pédagogiques novembre 2016

L’écart avec le référent INTRODUCTION Depuis la Préhistoire, l’Homme observe le monde qui l’entoure et essaie de le reproduire par le dessin, la peinture. L’invention de la photographie en 1839 va bouleverser cet objectif : La peinture va progressivement se libérer de son rapport de ressemblance au réel et investir de multiples champs d’explorations artistiques en jouant volontairement des écarts avec le modèle observé. En effet, même l’œuvre la plus illusionniste ne sera jamais la réalité : toute représentation implique un écart avec son référent. Aussi, au XIXe siècle, des artistes produisent des images avec des écarts intentionnels afin de questionner notre rapport à la réalité et en modifier notre perception. Cette distance par rapport au référent est donc au cœur des arts plastiques : elle n’est pas à considérer comme une erreur, mais comme une plus-value qui permet aux artistes d’exprimer un point de vue singulier sur le monde. C’est une véritable source d’expression. DÉFINITIONS Représentation : faire apparaître l'image d'un objet, d’un personnage, d’un paysage. Référent : objet, personnage ou élément (réel ou imaginaire) auquel se réfère une image. Ressemblance : quand un objet et l’image de cet objet ont de nombreux points communs. Écart : c’est la différence (ou distance) entre la perception visuelle d’un objet et son image. Mots-clés : réalisme, portrait, illusion. Histoire de l’art : mythe fondateur de Zeuxis et Parrhasios (Ve siècle av J-C). Pour aller plus loin : René Magritte, La trahison des images 1929 et Joseph Kosuth, One and three chairs, 1965.

L’écart dans le portrait Un portrait est-il nécessairement ressemblant ? Au XIXe siècle, on s’intéresse de plus en plus aux sentiments, à l’expression de soi. Aussi, dans le portrait, l’artiste représente l'apparence extérieure du modèle, mais dévoile également la personnalité intérieure de celui-ci. C’est donc une interprétation, quel que soit le degré de réalisme du portrait réalisé. Pour donner sens au portrait, l’artiste joue sur la pose du personnage, son expression, la mise en lumière, le fond, la composition, le cadrage, … Il utilise aussi les possibilités plastiques induites par les médiums, techniques, outils et gestes utilisés.

Dans ces portraits d’Ambroise Vollard réalisés par trois artistes différents, un parti pris identique a été choisi. Lequel ? Par Louis Valtat Par Auguste Renoir Par Pierre Bonnard

RÉPONSE

On ne voit que le haut du corps (cadrage rapproché chez Valtat, traits de dessin estompés chez Bonnard, non finito également chez Renoir). Le visage est de profil, le regard est dirigé vers le bas et ne regarde pas le spectateur. Avec ce même parti pris, que suggèrent les trois artistes sur la personnalité d’Ambroise Vollard ? RÉPONSE POSSIBLE Le parti pris des trois artistes laisse supposer une silhouette imposante (charismatique ?). L’expression du visage et la pose nous suggèrent qu’il s’agit d’un homme posé, concentré, en pleine réflexion. Voici maintenant trois autres portraits d’Ambroise Vollard réalisés par Pablo Picasso. Quels sont leurs points communs ? Que cherche-t-il à mettre en évidence ? RÉPONSE Il s’agit d’un même personnage (célèbre), le visage tourné vers nous, bien qu’il ne semble pas nous regarder. Le cadrage est rapproché de façon à ne voir que le visage et le haut du buste. Les trois portraits sont en noir et blanc. C’est l’intensité du regard et l’expression du visage qui sont mis en avant. Picasso cherche à rendre compte de la personnalité forte du modèle.

Quand le paysage se réinvente Cherchant à retranscrire les phénomènes lumineux et colorés, les peintres impressionnistes et post impressionnistes privilégient la couleur comme outil de composition. Pour reproduire un paysage, les formes et les espaces sont interprétés en fonction de la lumière et de ses effets, perçus à l’endroit et à l’instant où l’artiste réalise son tableau (rappel : l’invention récente des tubes de peinture et du chevalet portatif lui permet de peindre en dehors de l’atelier). Dans les œuvres suivantes, il y a un écart entre le paysage (référent) et l’image peinte de celui-ci. Même sans voir en vrai le paysage pour comparer, explique comment le peintre a obtenu cet écart. Émile Bernard, Maurice Eliot, Louis Valtat, Maison au fond d’un parc L’étang fleuri Mer et rochers rouges

RÉPONSE

Les couleurs employées semblent plus vives qu’en réalité, car l’association de tons juxtaposés sur la toile donne plus d’éclat aux couleurs qu’un mélange effectué en amont sur la palette de l’artiste. La touche est visible, divisée, vibrante. Elle accompagne les formes et accentue les contrastes colorés et lumineux. Le jeu d’ombre et de lumière est exacerbé comme si on avait modifié la saturation de l’image.

Le référent comme prétexte

Dans une peinture et les arts graphiques, la facture est la manière personnelle qu’a l’artiste (ou d'un groupe d'artistes) de peindre ou de dessiner. Elle est reconnaissable quels que soient les genres ou les sujets qu’il choisit, car elle lui est spécifique. C’est « son style » en quelque sorte. Ainsi, ce qui est donné à voir dans une image, c’est le modèle référent, mais aussi l’expression singulière de l’artiste. Dans ces œuvres, le personnage (le référent) n’est qu’un prétexte permettant aux artistes de s’exprimer. Les quatre artistes ont un style très reconnaissable : en vous aidant d’autres œuvres présentes dans l’exposition, retrouvez le nom de ces quatre artistes. L’Anglais au Moulin Rouge L’enfant au biscuit Méditation Série « Amour »

RÉPONSE L’Anglais au Moulin Rouge est d’Henri de Toulouse-Lautrec L’enfant au biscuit est d’Auguste Renoir. Méditation est d’Eugène Carrière. La série « Amour » est de Maurice Denis.

Quand le référent n’est pas un modèle réel Une image peut être la représentation de quelque chose de réel ou d’imaginaire. Dans le second cas, l’image produite peut n’avoir que très peu de lien avec le monde réel tout en semblant vraisemblable sur la toile ou le papier. Ainsi, chimères, créatures fantastiques ou divinités mythiques peuvent apparaître tout aussi réalistes et tangibles dans leurs représentations que peuvent l’être des référents issus de notre réalité.

Nombres d’artistes s’inspirent d’une œuvre préexistante comme référent pour leur propre création : une musique peut ainsi être transposée en peinture, un poème en dessin, … Entre 1888 et 1896, Odilon Redon réalise trois séries de dessins à partir de l’œuvre La tentation de saint Antoine écrite par Gustave Flaubert en 1874. Ici, le référent mis en image est donc un texte littéraire. Voici deux exemples de son interprétation du référent textuel :

« Ensuite, paraît un être singulier, ayant une tête d'homme sur un corps de poisson » (Plate V)

« Et un grand oiseau, qui descend du ciel, vient s'abattre sur le sommet de sa chevelure… » (Plate III)

Odilon Redon, La Sirène Paul Gauguin, Sirène et dieu marin Paul Gauguin, Mahna No Varua Ino

À votre tour ! Imaginez une petite poésie dont le référent sera une œuvre choisie parmi les œuvres suivantes. Puis, sans donner les références de celle-ci, échangez vos poésies avec un camarade de classe. Devinez quelle œuvre est à l’origine de son texte. L’écart entre elle et le poème vous a-t-il permis de la retrouver facilement ?

Mary Cassatt, Paul Gauguin, Charles Camoin, Pablo Picasso, La nourriture des canards Masque de sauvage Modèle au divan rose Le masque

Alfred Sisley, Pierre Puvis de Chavannes, Berthe Morisot, Odilon Redon, Les bords de rivière (les oies) Les muses Jeune fille au divan Les prêtresses furent en attente

POUR ALLER PLUS LOIN : PISTES PÉDAGOGIQUES INTERDISCIPLINAIRES Arts plastiques/histoire Portrait, pouvoir et société Lorsque nous regardons le portrait de Louis XIV de Rigaud, Napoléon peint par David ou le tableau d’un notable de la Renaissance réalisé par Quentin Metsys, quel est le lien entre la personne et l’image peinte de celle-ci ? Est-ce l’homme ou sa fonction qui est donné à voir ? Une analyse transversale du portrait allégorique ou symbolique (comme instrument au service du pouvoir), du portrait d’apparat ou de convention, de représentation sociale, sont autant de pistes pour réfléchir à cette thématique.

Arts plastiques/technologie et numérique Plus vrai que vrai : la réalité augmentée Via un système informatique qui rend possible la superposition d'un modèle virtuel en 3D ou en 2D à la perception que nous avons naturellement de la réalité, comment le concept de réalité augmentée peut-il compléter, transformer notre perception du monde réel ?

Arts plastiques/SVT/histoire/éducation civique Comment les gènes façonnent-ils notre apparence ? La question des ressemblances physiques au sein de la famille et du patrimoine génétique pourra être abordée d’un point de vue scientifique, mais aussi artistique en s’appuyant sur les œuvres suivantes par exemple :

- Michel Journiac, Hommage à Freud, constat critique d’une mythologie travestie, 1972-1984 ; - Colette Ulrik, Portraits génétiques, 2013 ; - Lawick & Müller, Folie à deux, 1992-1996.

Pour approfondir et élargir cette réflexion d’un point de vue historique et civique, la question des marqueurs physiques communs à une société pourra être abordée en s’aidant de l’ouvrage Identité, enjeux identitaires de la Réunion de Thierry Malbert (université de la réunion- CIRCI) par exemple.

Liens avec les programmes d’arts plastiques Fiche pédagogique en lien avec le programme du cycle 3 Entrées du programme :

- La représentation plastique et les dispositifs de présentation ;

- La ressemblance : découverte, prise de conscience et appropriation de la valeur expressive de l’écart dans la représentation ;

- L’autonomie du geste graphique, pictural, sculptural : ses incidences sur la représentation, sur l’unicité de l’œuvre, son lien aux notions d’original, de copie, de multiple et de série ;

- Les différentes catégories d’images, leurs procédés de fabrication, leurs transformations : la différence entre l’image dessinée, peinte, photographiée.

Fiche pédagogique en lien avec le programme du cycle 4 Entrées du programme :

- La représentation : images, réalité et fiction ; - La ressemblance : le rapport au réel et la valeur expressive de l’écart en art ; - La création, la matérialité, le statut, la signification des images : l’appréhension et la compréhension

de la diversité des images, leurs propriétés plastiques, iconiques, sémantiques, symboliques ; - L’autonomie de l’œuvre d’art, les modalités de son autoréférenciation : l’autonomie de l’œuvre vis-

à-vis du monde visible, inclusion ou mise en abyme de ses propres constituants, art abstrait, informel, concret, …

Bernard LEVENEUR – Directeur du Musée Léon Dierx [email protected] Stéphanie HAUTBOIS SAADOUNE – Médiatrice culturelle du Musée Léon Dierx [email protected] Valérie CHÉNEAU-ZIEGLER – Enseignante en arts plastiques, certifiée en histoire des arts et formatrice du Plan Académique de Formation pour le secondaire [email protected] Delphine DE ROBERTI – Professeure certifiée d’arts plastiques [email protected] Catherine JUHEL – Chargée de mission d’inspection arts plastiques [email protected]

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