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QU’EST-CE QU’UN CONTEXTE ? QUENTIN SKINNER ET L’HISTOIRE DES IDÉES Documents de travail GREDEG GREDEG Working Papers Series Nicolas Brisset GREDEG WP No. 2020-31 https://ideas.repec.org/s/gre/wpaper.html Les opinions exprimées dans la série des Documents de travail GREDEG sont celles des auteurs et ne reflèlent pas nécessairement celles de l’institution. Les documents n’ont pas été soumis à un rapport formel et sont donc inclus dans cette série pour obtenir des commentaires et encourager la discussion. Les droits sur les documents appartiennent aux auteurs. The views expressed in the GREDEG Working Paper Series are those of the author(s) and do not necessarily reflect those of the institution. The Working Papers have not undergone formal review and approval. Such papers are included in this series to elicit feedback and to encourage debate. Copyright belongs to the author(s).

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QU’EST-CE QU’UN CONTEXTE ? QUENTIN SKINNER ET L’HISTOIRE DES IDÉES

Documents de travail GREDEG GREDEG Working Papers Series

Nicolas Brisset

GREDEG WP No. 2020-31https://ideas.repec.org/s/gre/wpaper.html

Les opinions exprimées dans la série des Documents de travail GREDEG sont celles des auteurs et ne reflèlent pas nécessairement celles de l’institution. Les documents n’ont pas été soumis à un rapport formel et sont donc inclus dans cette série pour obtenir des commentaires et encourager la discussion. Les droits sur les documents appartiennent aux auteurs.

The views expressed in the GREDEG Working Paper Series are those of the author(s) and do not necessarily reflect those of the institution. The Working Papers have not undergone formal review and approval. Such papers are included in this series to elicit feedback and to encourage debate. Copyright belongs to the author(s).

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Qu’est-ce qu’un contexte ? Quentin Skinner et l’histoire des idées

Quentin Skinner, 2018, Visions politiques. Volume 1. Sur la méthode,

Genève, Droz. Traduit de l’anglais par Christopher Hammel.

Nicolas Brisset Université Côte d’Azur, CNRS, GREDEG

GREDEG Working Paper No. 2020-31

Codes JEL : B00, B30

Mots clefs : historiographie, Quentin Skinner, acte de langage.

En 2002, Quentin Skinner publiait les trois volumes de Visions of Politics, dont le premier

traitait de manière détaillée de problématiques épistémologiques et historiographiques1. Seize

années plus tard, Christopher Hamel publie la version française de ce premier volume, dans

une traduction remarquable de clarté et de précision2. Cette traduction est l’occasion de relire

certains textes devenus classiques d’une des figures majeures de l’école de Cambridge.

L’historiographie skinnerienne a en définitive peu pénétré l’histoire de la pensée

économique, à l’exception notable des travaux de Donald Winch (Winch, 1978)3. Même si

l’histoire de la pensée économique et l’histoire intellectuelle ont effectivement connu un

certain nombre de rencontres (Winch, 2016), cette voie est loin de constituer aujourd’hui

l’approche dominante (Backhouse et Fontaine, 2014 ; Fontaine, 2016). Une des raisons en est,

me semble-t-il, que la mise à distance de l’histoire rétrospective est essentiellement passée par

un rapprochement avec l’histoire des sciences, notamment sous l’impulsion des travaux de

1 Je remercie Maxime Desmarais-Tremblay et Raphaël Fèvre pour leurs commentaires. 2 Christopher Hamel nous avait déjà gratifié de la traduction d’une conférence de Quentin Skinner, La vérité et l’historien (Skinner, 2012). 3 Auxquels on peut ajouter l’ouvrage de Jean-Claude Perrot, Une histoire intellectuelle de l’économie politique (Perrot, 1992), ainsi que celui de Istvan Hont, Jealousy of Trade (Hont, 2005).

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Philip Mirowski (Mirowski, 1989), de Roy Weintraub (Weintraub, 1989), de Margaret

Schabas (1992), ou encore d’historien.e.s et de sociologues des sciences s’étant rapproché.e.s

de l’histoire de la pensée économique (Collins, 1991 ; MacKenzie, 2006) 4 . Une

caractéristique particulièrement marquée en ce qui concerne l’histoire de la pensée

économique dite « contemporaine », qu’on fait en général démarrer à la sortie de la Seconde

Guerre Mondiale. Dans l’introduction du symposium consacré aux tendances

historiographiques contemporaines en histoire de la pensée économique, publiée en 2018 dans

History of Political Economy, Till Düppe et Roy Weintraub indiquent que leur vœu est

précisément de renforcer les connexions avec l’histoire des sciences (Düppe et Weintraub,

2018). Ce rapprochement est également la toile de fond de l’intérêt récent pour l’historical

epistemology, consistant à historiciser non seulement les idées, mais également les critères de

validation auxquels elles sont soumises (Düppe et Maas, 2017). Une approche qui avait déjà

fait l’objet d’une attention particulière en France, notamment par l’intermédiaire des travaux

de Michel Foucault (Lallement, 1984)5. Cette tendance n’est certainement pas étrangère à la

montée en puissance de la philosophie économique, un champ à l’origine peu autonome de

celui de l’histoire de la pensée6.

L’ouverture de l’histoire de la pensée économique à l’histoire des sciences a eu tendance à

concentrer l’attention sur la construction sociale du champ disciplinaire et son évolution, de

sorte que le « contexte » idoine à l’aune duquel il convient de lire les théories économiques

est en général le champ académique (pris dans un sens large allant de la production

scientifique à l’expertise). Une tendance encore approfondie par l’intégration progressive des

méthodes de la sociologie des sciences, essentiellement en provenance de la sociologie des

connaissances scientifiques (Sociology of scientific knowledge)7. Malgré la faible influence

des travaux de Skinner en Histoire de la pensée économique, le concept même de speech act,

cœur de l’épistémologie skinnerienne, pourrait participer de ce mouvement de

contextualisation des idées économiques, notamment en les inscrivant dans un contexte plus

large que le seul champ académique. Pour ce faire, il faudrait néanmoins dépasser certaines

4 Tout du moins avec une histoire des sciences qui s’éloigne à la fois de tout essentialisme épistémologique ainsi que de toute posture normative. 5 Sur les usages de Michel Foucault en Histoire de la pensée économique, voir Vallois (2015) 6 Il n’existe à notre connaissance pas de travaux systématiques relatifs à l’histoire de l’histoire de la pensée économique. On trouvera néanmoins dans l’article de Yann Giraud, Five Decades of HOPE, des éléments relatifs à l’histoire de History of Political Economy (Giraud, 2019) 7 Wade Hands, dans un ouvrage qui a fait date, considère que la même tendance est observable dans le cadre de la philosophie économique (Hands, 2001).

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limites que pose Skinner à l’utilisation de ce concept. C’est du moins ce que défendra cette

note.

Pour une approche contextuelle de l’histoire des idées

Visions politiques regroupe, dans des versions remaniées et mises en cohérence, les

principales contributions historiographiques de Quentin Skinner, publiées entre la fin des

années 1960 et la fin des années 1990. Figure emblématique de l’« École de Cambridge », aux

côtés notamment de John Dunn, John Pocock, Peter Laslett et William Howard Greenleaf,

Skinner entreprend de mettre à distance une forme essentialiste d’histoire des idées politiques,

consistant en une recherche de concepts universels et univoques sans cesse précisés à travers

le temps. En cela il s’oppose à l’histoire des « grandes » idées, dont les figures représentatives

seraient Arthur C. Lovejoy, Leo Strauss, ou encore Isaiah Berlin. Une histoire que Skinner

caractérise par un ensemble « mythologies » conduisant à des biais historiographiques

importants, tels que le retrospéctivisme, l’anachronisme, la production d’une vision

abusivement cohérente des œuvres et l’ethnocentrisme. Skinner évoque trois grandes

mythologies : mythologie des doctrines (chercher des doctrines contemporaines chez les

auteurs du passé), mythologie de la cohérence (chercher une cohérence aux travaux des

auteurs, indépendamment des changements de contextes et des intentions), mythologie de la

prolepse (interprétation rétrospective des concepts)8.

Contre cette perspective, Skinner soutient que « nos concepts ne sont pas imposés par le

monde, mais représentent ce que nous apportons au monde dans le but de le comprendre »

(Skinner, 2018, 61). Puisant notamment dans la philosophie du langage ordinaire

(principalement Wittgenstein et Austin9), Skinner pointe du doigt la difficulté insurmontable à

saisir les concepts par leur signification intrinsèque, et développe l’idée selon laquelle les

énoncés ne s’évaluent pas uniquement par ce à quoi ils réfèrent, ce qu’ils disent, mais par ce

qu’ils font. Pour comprendre un texte de philosophie politique historiquement situé, il faut

comprendre ce que l’auteur.e fait en le rédigeant (Skinner, 2018, 108). S’inspirant largement

de l’analyse de John Austin des actes de langage, Skinner considère que chaque auteur.e a une

8 Ce à quoi il faudrait ajouter la mythologie du « provincialisme » (parochialism), à savoir la mobilisation d’éléments étrangers à l’époque de l’auteur. 9 L’autre référence historiographique importante de Skinner est l’historien idéaliste britannique Robin George Collingwood, à qui il emprunte l’idée que l’histoire des idées est une conversation. Voir sur ce point (Marcotte-Chénard, 2013)

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intention, dont la réussite dépendra du respect de conventions encadrant l’acte d’énonciation

(et d’écriture) 10 . L’idée de Skinner est alors, en partant de textes et de contextes

conventionnels particuliers, de remonter aux intentions de la rédaction. Dans ce cadre, la

contextualisation est en premier lieu discursive : en écrivant, en mettant en avant des

arguments, on mobilise les ressources discursives disponibles à un moment donné pour tenter

de prendre part à un débat ayant ses propres règles du jeu et son histoire :

[I]l y a un sens auquel il nous faut comprendre pourquoi une certaine proposition a été formulée si

nous voulons comprendre la proposition elle-même. Nous devons la considérer non comme une

simple proposition, mais comme un coup (move) dans un argument. Pour retrouver les

présupposés et les objectifs qui prennent part à la réalisation de ce coup, il faut donc saisir la

raison pour laquelle il valait la peine de faire ce coup précis. (Skinner, 2018, 150)

Deux éléments sont, me semble-t-il, primordiaux pour saisir la démarche et la perspective de

Skinner. D’abord, il suit Austin sur le fait qu’un énoncé ne peut être analysé uniquement en

vertu de sa véracité (prise au sens de sa corroboration par les faits), mais doit également être

considéré à la lumière de l’action entreprise au moment de sa production. Pour reprendre

l’exemple classique, largement utilisé par Skinner, un policier criant à une personne en train

de patiner sur un lac gelé « La glace là-bas est très fine » n’est pas en train de décrire un état

de fait, il désire avertir d’un danger. Son énoncé réussira s’il y parvient. Cette réussite, par

exemple convaincre mon interlocuteur, passe par la mobilisation des ressources rhétoriques et

argumentatives propres à un contexte discursif conventionnel (ce que Skinner appel la force

illocutoire) afin de produire un discours volontairement performant (un acte illocutoire11).

Ensuite, Skinner réduit l’analyse contextuelle à un champ du discours relativement autonome

des autres champs sociaux, politiques, ou encore économiques. C’est le second élément sur

lequel il nous semble important d’insister. En effet, Skinner prend soin de distinguer entre

motif et intention ayant suscité un texte :

Parler des motifs d’un auteur, c’est semble-t-il toujours parler d’une condition antécédente, et liée

de façon contingente, à l’apparition de ses œuvres. Mais parler des intentions d’un auteur, ce peut

être soit se référer à un projet ou à un dessein de créer un certain type d’œuvre (une intention de

10 Sur la notion de « convention », Skinner fait plusieurs fois référence aux travaux de David Lewis. 11 La distinction entre acte et force illocutoires a fait l’objet d’un certain nombre de débat. Skinner s’appuie sur les travaux de David Holdcroft pour aborder la distinction comme suit : « Les actes illocutoires que nous accomplissons sont identifiés, comme tous les actes volontaires, par nos intentions ; mais les forces illocutoires que contiennent nos phrases sont principalement déterminées par leur signification et leur contexte. C’est pour cela qu’il peut aisément arriver qu’en accomplissant un acte illocutoire, mon énoncé contienne, sans que cela soit intentionnel, un éventail beaucoup plus large de force illocutoire. » (Skinner, 2018, 143)

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faire X), soit se référer d’une certaine façon à une œuvre qui existe (en tant qu’elle contient une

intention particulière en faisant X). (Skinner, 2018, 129)

Alors que l’intention permettrait de comprendre les visées spécifiques et propres à un texte

dans un contexte, les « motifs » sont considérés comme des causes extérieures ne permettant

pas de saisir ce que l’auteur entend faire en écrivant. C’est ainsi que la méthode de Skinner

s’oppose par exemple à l’histoire des idées marxistes, comprise comme une explication des

textes par des causes économiques générales, par exemple expliquer les écrits d’un.e auteur.e

uniquement par le désir de défendre les intérêts des classes dominées. Une telle approche

reviendrait à confondre motif et intention, dans la mesure où cela ne nous indiquerait en rien

l’intention comprise comme le désir de faire reconnaître ce que nous faisons en écrivant, à

savoir être reconnus comme en train d’avertir, de soutenir, de dénoncer. Pour marquer la

différence entre motif et intention, Skinner utilise la démarcation austinenne classique entre

acte illocutoire et acte perlocutoire. L’intention illocutoire renverrait à l’intention de produire

un effet constitutif de l’acte de langage lui-même : j’avertis lorsque la personne en face de

moi est avertie. L’intention perlocutoire est au contraire de produire un effet détaché de l’acte

lui-même. Par exemple, si je désire provoquer chez le lecteur un sentiment de défiance vis-à-

vis de l’ordre établi, ce désir peut être perçu par mon interlocuteur sans pour autant que je

parvienne à susciter cette défiance. Au-delà du fait que la séparation entre le locutoire et le

perlocutoire soit en tant que telle problématique (Brisset, 2017), l’insistance de Skinner sur la

différence entre intention et motif indique une frontière que Skinner n’entend pas franchir. Il

s’agit de comprendre ce que les auteurs entendaient signifier dans (illocutoire), et non ce

qu’ils entendaient faire par (perlocutoire) leurs textes. Comme l’a montré Claude Gautier,

alors que l’on considère souvent Skinner comme un adversaire de l’essentialisme des idées, il

ne faut pas négliger son opposition, tout aussi forte, à toute forme de contextualisme revenant,

selon lui, à diluer le texte dans son contexte (Gautier, 2004). Ce contextualisme serait victime

d’une tendance similaire à celle qui touche l’histoire essentialiste, à savoir la recherche de

structures invariantes et anhistorique, par exemple la lutte des classes, ou encore les lois

historiques qu’entendait dégager Carl Hempel. Comme l’indique Émile Perreau-Saussine, il

est sur ce point nécessaire de contextualiser la pensée de Skinner (Perreau-Saussine, 2007).

En effet, l’historien se forme à Cambridge dans un contexte de remise en question à la fois de

l’histoire « whig », notamment de la part de Peter Laslett, qui fût son professeur, et de

l’historiographie marxiste orthodoxe. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la

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volonté de Skinner de considérer les textes comme résultant d’intentions proprement

discursives prenant place dans des contextes singuliers de production des idées12.

L’autonomie du champ du discours que semble supposer Skinner est un point qui lui a

valu bon nombre de critiques. L’historienne marxiste des idées Ellen Meiksins Wood a

attaqué le caractère étriqué du contexte jugé pertinent par Skinner et l’école de Cambridge

dans l’étude des pensées politiques (Meiksins Wood, 1994, 2008). Elle considère notamment

qu’il est nécessaire d’inscrire les œuvres dans la dynamique des « rapports sociaux de

propriété », sans pour autant tomber dans une conception déterministe des idées : ces

dernières participent, plus qu’elles ne sont déterminées, par les conflits de classe13. En France,

l’histoire contextuelle des idées s’est construite en grande partie dans le cadre des études

d’inspirations bourdieusiennes (Gaboriaux et Skornicki, 2018 ; Heilbron, Lenoir et Sapiro,

2004). Il s’agit alors précisément de mettre en question l’autonomie du champ à partir duquel

les acteurs sociaux produisent les idées, et a fortiori d’expliquer leur liaison aux autres

champs de la vie sociale14. Ainsi, le travail de Skinner a été accueilli favorablement dans sa

volonté de contextualisation, et critiqué pour le caractère étroit de cette dernière :

Reste que si l’on voit la fécondité des perspectives de Skinner en matière d’étude des idées

politiques […], ce sont son inscription dans la philosophie analytique et son désintérêt pour les

facteurs sociaux qui en déterminent à notre sens les limites. Si Skinner pose bien qu’il y a un

travail de construction des « problèmes politiques », il semble limiter leur lieu d’émergence

justement à la vie politique et ne laisse guère de place à une explication sociale du triomphe d’une

« idéologie politique » sur une autre. (Matonti, 2012, 93)

Il est à noter que Bourdieu fût comme Skinner un lecteur attentif d’Austin, qu’il a largement

commenté. Bourdieu soutient, comme le fait Skinner, vouloir échapper à la fois au

réductionniste marxiste et à l’idéalisme (Bourdieu, 2001, p. 208-209). Néanmoins, alors que

Skinner produit une lecture d’Austin assez largement tournée vers la notion d’intentionnalité

(comme le fera John Searle), Bourdieu inscrit les actes de langage dans un contexte

12 Le chapitre II de Visions politiques est l’occasion pour Skinner de préciser son opposition à l’histoire évènementielle, notamment portée par l’historien britannique Geoffrey Elton. Skinner affirme que les réflexions philosophiques à propos de l’histoire, aux delà des considérations proprement techniques, est une condition nécessaire à l’émancipation vis-à-vis de cette historiographie fondamentalement conservatrice : « Il semble que la raison fondamentale pour laquelle Elton à privilégié la technique aux dépens du contenu fût profondément ironique : il craignait que l'étude historique n’eût le pouvoir de nous transformer, de nous aider à penser de manière plus efficace notre société et l'éventuel besoin de la réformer. […] Il est moins dangereux de continuer d’affirmer que ce sont les faits que l’on désire » (Skinner, 2018, 34-35) 13 Dans une optique similaire, voir Kennedy (2008). 14 La question des rapports entre les travaux de Meiksins Wood (malheureusement peu commentés dans le monde francophone) et de Bourdieu, voir les travaux de Skornicki et Tournadre (2015) et Smadja (2016).

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conventionnel qu’il théorise longuement par le biais de la théorie des champs : quand je

produis du discours, je me positionne dans un champ caractérisé par des règles propres, des

intérêts spécifiques et un degré plus ou moins grand d’autonomie vis-à-vis des autres champs.

Le champ (ou les champs) dans lequel prend place le discours est aussi et surtout un champ de

rapports de force.

Il ne suffit pas de dire, comme on le fait parfois, pour échapper aux difficultés inhérentes à une

approche purement interne du langage, que l’usage que fait du langage, dans une situation

déterminée avec son style, sa rhétorique et toute sa personne socialement marquée, accroche aux

mots des « connotations » attachées à un contexte particulier, introduisant dans le discours le

surplus de signifié qui lui confère sa « force illocutoire ». En fait, l’usage du langage, c’est-à-dire

aussi bien la manière que la matière du discours, dépend de la position sociale du locuteur qui

commande l’accès à la parole officielle, orthodoxe, légitime. (Bourdieu, 2001, 161-163)

Le discours procède de rapports de force, et participe à leur légitimation ou à leur remise en

cause. Dans ses cours sur l’État, Bourdieu évoque à plusieurs reprises l’intérêt qu’il porte à

l’analyse de Skinner, tout en indiquant que cette approche doit être poussée en direction de

l’étude de la manière dont le discours sur l’état participe de la construction-même de l’état

(Bourdieu, 2012, 533). Voici peut-être une différence fondamentale entre Skinner et

Bourdieu. En effet, alors que l’objectif principal du premier est d’éclairer la signification par

l’intention contextualisée des auteur.e.s, celui du second est aussi de comprendre la

participation effective (au-delà de l’intention) des textes à la construction sociale des

conventions (au-delà des conventions discursives) en place. Si Skinner aborde néanmoins à

quelques endroits la question du lien causal allant du langage à la réalité qu’il décrit

(notamment dans les chapitres VIII et IX), il ramène ce phénomène aux motifs, et non aux

intentions illocutoires, qui seules l’intéressent.

Discours économiques et actes de langages

Quentin Skinner n’est pas le seul à avoir réinvesti la philosophie de John Austin. Au-delà de

la notion de « speech act », c’est l’idée de performativité qui a fait, ces dernières années,

l’objet d’une certaine attention. Initialement mobilisée par Michel Callon (1998) pour

signifier que les économistes, plus que de simplement décrire une réalité extérieure, la

construisent, elle a été utilisée en histoire de la pensée économique, permettant de faire un pas

supplémentaire dans l’inscription contextuelle des idées économiques : ces idées naissent

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dans un contexte sur lequel elles ont elles-mêmes un effet (Boldyrev et Svetlova, 2016 ;

MacKenzie, Muniesa et Siu, 2007). Ce processus n’est pas uniquement cognitif, mais passe

également par les technologies sociales dont les économistes renseignent l’élaboration

(logiciels de pricing, algorithme d’appariement, systèmes d’enchère, marchés, etc.). Là où

Skinner envisage l’action par le discours dans le cadre d’une prise de position au sein d’un

débat (par ses idées, une philosophe n’exprime pas uniquement une pensée, elle convainc, elle

répond, elle mobilise des ressources linguistiques pour produire des effets), Callon élargit la

perspective des actions possibles, sans pour autant élargir la notion de contexte. La question

de la plasticité du contexte de production des idées économique a suscité un certain nombre

de critiques (Brisset, 2019 ; Fine, 2003 ; Mirowski et Nik-Khah, 2007). De même que Skinner

limite le lieu d’émergence des idées politiques au champ de la production des idées,

l’approche performativiste le réduit au contexte des innovations techniques15. Dans les deux

cas, la concentration sur l’agir semble effacer la possibilité d’expliquer l’écrit par un contexte

socio-économique large doté d’une certaine stabilité, par exemple le capitalisme (Fine, 2003 ;

Meiksins Wood, 1994) ou les luttes politiques ou idéologiques (Mirowski, 2017).

Il me semble néanmoins que la notion d’acte de langage reste d’une grande richesse, à

deux conditions. D’abord, l’usage du concept de performativité a eu pour effet de focaliser

l’attention sur les effets des discours plus que sur les logiques qui animent ces derniers. Pour

le dire simplement, là où Skinner analyse les intentions, la notion de performativité et ses

critiques insistent sur les effets du discours (Brisset, 2019). Il s’agirait de faire se tenir les

deux types d’analyse, et donc de revenir sur le partage entre intention et motif soutenu par

Skinner.

Ensuite, il est indispensable de considérer que ces actes sont animés d’intérêts multiples

dans la mesure où chaque discours économique prend place simultanément dans plusieurs

champs différents. L’économiste participe en même temps au jeu académique, à une

discussion scientifique, aux débats politiques et intellectuels (Brissaud et Chahsiche, 2017),

ou encore aux discussions juridiques (Brisset, 2013 ; Chassonnery-Zaïgouche, 2020). On ne

peut déconnecter les stratégies d’écritures des types d’intérêts et de règles qui animent ces

différents champs. Tel est par exemple le sens d’une application récente du concept de speech

act à la modélisation économique (Brisset, 2018 ; Brisset et Jullien, 2020). L’idée y est

précisément de considérer un modèle comme un ensemble d’actes de positionnement sur

différents champs (scientifique, académique, professionnel, politique, etc.), le modèle devant

15 Pour une critique de ma position, voir (Boldyrev, In press).

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rendre compatibles ces différents actes. Une telle approche a l’avantage de donner à voir la

multiplicité des logiques qui traversent la construction des modèles économiques. Insister sur

la notion de positionnement social comme ce qui est fait en produisant un modèle économique

permet d’élargir l’intention bien au-delà de la production de sens, tout en conservant

l’attention sur la production de discours.

Conclusion

À l’heure où une génération de jeunes chercheuses et chercheurs en histoire de la pensée

économique semble renouveler les problématiques historiographiques propres à la discipline,

notamment par le biais de l’utilisation d’outils jusqu’alors délaissés (Claveau et Herfeld,

2018 ; Svorenčík et Maas, 2016) ainsi que par l’étude de nouveaux objets (Cherrier, 2017,

2019 ; Giraud, 2018), Visions politiques nous rappelle que les techniques doivent

s’accompagner de réflexions à propos de la manière de faire l’histoire.

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DOCUMENTS DE TRAVAIL GREDEG PARUS EN 2020GREDEG Working Papers Released in 2020

2020-01 Samira Demaria & Sandra Rigot Taking on Board the Long-term Horizon in Financial and Accounting Literature2020-02 Gérard Mondello, Elena Sinelnikova & Pavel Trunin Macro and Micro Implications of the Introduction of Central Bank Digital Currencies: An Overview2020-03 Gérard Mondello & Nissaf Ben Ayed Agency Theory and Bank Governance: A Study of the Effectiveness of CEO’s Remuneration for Risk Taking2020-04 Nicolas Brisset Capital et idéologie : une critique2020-05 Giuseppe Attanasi, Alessandro Bucciol, Simona Cicognani & Natalia Montinari Public The Italian North-South Divide in Perceived Dishonesty: A Matter of Trust?2020-06 Giuseppe Attanasi, Kene Boun My, Andrea Guido & Mathieu Lefebvre Controlling Monopoly Power in a Double-Auction Market Experiment2020-07 Vera Barinova, Sylvie Rochhia & Stepan Zemtsov How to Attract Highly Skilled Migrants into The Russian Regions2020-08 Guilhem Lecouteux Welfare Economics in Large Worlds: Welfare and Public Policies in an Uncertain Environment2020-09 Raphaël Chiappini, Samira Demaria, Benjamin Montmartin & Sophie Pommet Can Direct Innovation Subsidies Relax SMEs’ Credit Constraints?2020-10 Giuseppe Attanasi, Samuele Centorrino & Elena Manzoni Zero-Intelligence vs. Human Agents: An Experimental Analysis of the Efficiency of Double Auctions and Over-the-Counter Markets of Varying Sizes2020-11 Jean-Luc Gaffard Entrepreneuriat et créativité : du détournement à la création de valeur2020-12 Michaël Assous, Muriel Dal Pont Legrand & Sonia Manseri Samuelson’s Neoclassical Synthesis in the Context of Growth Economics, 1956-19672020-13 Frédéric Marty Is the Consumer Welfare Obsolete? A European Union Competition Law Perspective2020-14 Charles Ayoubi, Sandra Barbosu, Michele Pezzoni & Fabiana Visentin What Matters in Funding: The Value of Research Coherence and Alignment in Evaluators’ Decisions2020-15 Giuseppe Attanasi, Claire Rimbaud & Marie-Claire Villeval Guilt Aversion in (New) Games: the Role of Vulnerability2020-16 Frédéric Marty L’approche plus économique en matière d’application des règles de concurrence2020-17 Michaël Assous, Olivier Bruno, Vincent Carret & Muriel Dal Pont Legrand Expectations and Full Employment: Hansen, Samuelson and Lange2020-18 Gérard Mondello Strict Liability vs Negligence: Is Economic Efficiency a Relevant Comparison Criterion?2020-19 Gérard Mondello Construction de systèmes de croyances et éthique médicale: les controverses autour du Covid-19

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2020-20 Giuseppe Attanasi, Michela Chessa, Sara Gil Gallen & Patrick Llerena A Survey on Experimental Elicitation of Creativity in Economics2020-21 Mattia Guerini, Patrick Musso & Lionel Nesta Estimation of Threshold Distributions for Market Participation2020-22 Rodolphe Dos Santos Ferreira When Muth’s Entrepreneurs Meet Schrödinger’s Cat2020-23 Adel Ben Youssef & Adelina Zeqiri Hospitality Industry 4.0 and Climate Change2020-24 Olivier Bruno & Melchisedek Joslem Ngambou Djatche Monetary and Prudential Policy Coordination: impact on Bank’s Risk-Taking2020-25 Adel Ben Youssef, Mounir Dahmani & Ludovic Ragni Technologies de l’information et de la communication, compétences numériques et performances académiques des étudiants2020-26 Aurélien Goutsmedt, Matthieu Renault & Francesco Sergi European Economics and the Early Years of the “International Seminar on Macroeconomics”2020-27 Matthieu Renault Theory to the Rescue of Large-scale Models: Edmond Malinvaud’s Alternative View on the Search for Microfoundations2020-28 Marta Ballatore, Lise Arena & Agnès Festré The Use of Experimental Methods by IS Scholars: An Illustrated Typology2020-29 Agnès Festré & Stein Østbye Michael Polanyi on Creativity in Science2020-30 Romain Plassard Making a Breach: The Incorporation of Agent-Based Models into the Bank of England’s Toolkit2020-31 Nicolas Brisset Qu’est-ce qu’un contexte ? Quentin Skinner et l’histoire des idées