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République du Bénin Ministère de la Famille, des Affaires Sociales, de la Solidarité Nationale, des Handicapés et des Personnes de Troisième Age - MFASSNHPTA Politique Nationale de Protection de l’Enfant

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République du Bénin

Ministère de la Famille, des Affaires Sociales, de la Solidarité Nationale, des Handicapés et des Personnes de Troisième Age - MFASSNHPTA

Politique Nationale de Protection de l’Enfant

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ContenuSigles et acronymes................................................................................................................................3

Préambule..............................................................................................................................................5

Introduction...........................................................................................................................................6

L’analyse situationnelle..........................................................................................................................9

Principaux enjeux et défis....................................................................................................................14

Les sources et l’environnement de la Politique....................................................................................17

La vision................................................................................................................................................20

Les principes........................................................................................................................................20

Le but...................................................................................................................................................22

Les objectifs..........................................................................................................................................22

Les axes stratégiques............................................................................................................................23

AXE 1 – INFORMATION ET FORMATION DES ENFANTS.......................................................................23

AXE 2 - MOBILISATION SOCIALE.........................................................................................................28

AXE 3 - SERVICES DE PREVENTION......................................................................................................32

AXE 4 - DETECTION ET SIGNALEMENT.................................................................................................38

AXE 5 – PRISE EN CHARGE....................................................................................................................41

AXE 6 – REPRESSION.............................................................................................................................48

AXE 7 - MOYENS DE MISE EN ŒUVRE..................................................................................................51

Conclusion............................................................................................................................................63

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Sigles et acronymes

AGR – Activités Génératrices de Revenus

CADBE – Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant

CAPE – Centre d’Accueil et de Protection d’Enfant

CDE – Convention des Nations Unies relative aux Droits de l’Enfant

CPS - Centre de Promotion Sociale

DEPOLIPO - Déclaration de Politique de la Population

EDS - Enquête Démographique et de Santé

IEC/CC - Information, Éducation et Communication pour un Changement de Comportement

MFASSNHPTA -Ministère de la Famille, des Affaires Sociales, de la Solidarité Nationale, des

Handicapés et des Personnes de Troisième Age

MICS – Multiple Indicators Clusters Survey (Enquête à grappe à indicateurs multiples)

MJLDH – Ministère de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme

MGF – Mutilations Génitales Féminines

OCPM - Office Central de Protection des Mineurs

OEV – Orphelin Enfant Vulnérable

OIT – Organisation Internationale du Travail

OMS – Organisation Mondiale de la Santé

ONG – Organisation Non Gouvernementale

OPJ – Officier de Police Judiciaire

OSD - Orientations Stratégiques de Développement

PDC - Plan de Développement Communal

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PTF – Partenaire Technique et Financier

SNPS - Stratégie Nationale de Protection Sociale

SOP - Procédures Opérationnelles Standard

TBS – Tableau de Bord Social

VIH – Virus Immunodéficience Humaine

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« La personne humaine est sacrée et inviolable. L’Etat a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger »

Constitution du Bénin, Article 8

Préambule

Soucieux de renouveler son engagement et déterminé à multiplier les efforts pour la réalisation pleine du droit de l’enfant à la protection contre toute forme d’abus, de violence et d’exploitation, le Gouvernement du Bénin a entrepris la formulation d’une nouvelle politique de protection de l’enfant. Ce nouveau document vise à actualiser, à renforcer et à mieux structurer le cadre de politique et stratégies de protection de l’enfant de2007 qui est venu à échéance en 2012. Le Gouvernement espère ainsi accélérer l’atteinte de résultats tangibles pour les enfants et leurs familles sur tout le territoire national.

Force est de constater que, malgré les nombreuses interventions menées, diverses formes de violence continuent d’affecter la survie et le développement des enfants au Bénin. Ce constat amène à considérer que la protection des enfants contre toute forme de violence ne peut plus être l’affaire d’un nombre restreint d’acteurs opérant de façon isolée : elle doit être la tâche de tout un chacun. Tous les secteurs du gouvernement et de la société sont appelés à se mobiliser, et à donner leur contribution en participant aux efforts nationaux. C’est le véritable défi que la Politique se propose de relever, celui d’élargir le nombre et la qualité des parties prenantes dans la protection de l’enfant, tout en les organisant selon des rôles spécifiques.

Le document de Politique définit des axes principaux de prévention et de réponses aux différentes formes de violence et exploitation qui touchent les enfants. En proposant un ensemble cohérent de stratégies, actions et services adaptés à tous les enfants, surtout aux plus vulnérables, il favorisera une plus grande efficacité des dispositifs juridiques et administratifs.

C’est pour adopter cette nouvelle perspective convergente et multisectorielle qu’il a été considéré fondamental de renouveler l’approche à la protection de l’enfant. Il ne s’agit plus de mettre en place une réponse pour tel ou tel groupe d’enfants en situation difficile, mais de comprendre et analyser les raisons qui sous-tendent l’ensemble des phénomènes de violence et de mettre en place en conséquence un véritable système national de protection de l’enfant, multidimensionnel et multisectoriel. Il s’agit aussi d’assurer à chaque enfant menacé ou victime une protection holistique, qui soit respectueuse de tous ses droits et puisse garantir la satisfaction de tous ses besoins fondamentaux. Ce système de protection nationale, en opérant de manière coordonnée, permettra d’atteindre des résultats plus probants par rapport à ceux générés jusqu’à maintenant.

Il est fondamental que tous les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux, tout comme les partenaires techniques et financiers, adhèrent au cadre proposé et alignent effectivement leurs interventions vers l’organisation du système multisectoriel de la protection de l’enfant.

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Introduction

En 1990, le Bénin a ratifié la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE). Une nouvelle ère s’ouvre pour les enfants du pays : désormais ils sont titulaires de droits (droit à la vie, à la survie, au développement, à la protection)et l’Etat s’engage à mettre en place toutes les mesures juridiques et administratives nécessaires pour la réalisation de ces droits.

C’est la CDE qui introduit véritablement dans le scénario national des politiques publiques la question de la protection de l’enfant. En effet, la CDE décline clairement le droit de l’enfant à être protégé contre toute forme de violence, abus et exploitation. Ce droit à la protection découle du constat que les enfants, dans toutes les cultures et les pays du monde, souffrent de nombreuses formes d’atteinte à leur intégrité et que ces faits provoquent des dommages importants sur leur développement. Avec la Convention, le droit à la protection est désormais indissociable des autres droits qui visent à garantir le développement harmonieux des enfants.

Entre autres, les articles 19, 20 et 39 de la CDE concernent le droit à la protection. L’article 19 affirme le droit des enfants d’être protégés contre toute forme de violence : « Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié ».

Dans son article 20, la Convention dispose que les enfants privés de leur milieu familial ont le droit à une protection de remplacement assurée par l’Etat: « 1.Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'Etat. 2. Les Etats parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale ».

Enfin, la Convention protège le droit à la réhabilitation psycho physique et sociale des enfants ayant été victimes d’une quelconque forme de violence. L’article 39 de la Convention établit que «  Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime de toute forme de négligence, d’exploitation ou de sévices, de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou de conflit armé. Cette réadaptation et cette réinsertion se déroulent dans des conditions qui favorisent la santé, le respect de soi et la dignité de l’enfant ».

La Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant (CADBE), ratifiée par le Bénin en 1997, vient renforcer la Convention en soulignant l’importance de garantir aux enfants la protection face aux violences dans la perspective spécifique du continent. Dans son article 21, cette Charte appelle les États à prendre « toutes les mesures appropriées pour abolir les coutumes et les pratiques culturelles et sociales négatives qui sont au détriment du bien-être, de la dignité, de la croissance et du développement normal de l'enfant, en particulier les coutumes et pratiques préjudiciables à la santé, voire à la vie de l'enfant». La CADBE interdit également le mariage des mineurs de 18 ans.

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Le mouvement juridique et civilisationnel entamé par la Convention et poursuivi par la Charte a permis une prise de conscience chaque fois plus précise sur la gravité des phénomènes de violence à l’égard des enfants et sur l’importance de la protection. Celle-ci, en plus d’être un droit humain fondamental, est indispensable pour que les enfants puissent se développer au mieux de leur potentiel et, une fois devenus adultes, être en mesure de contribuer au bien-être et au développement national.

Conscient de cet enjeu, l’Etat béninois a pris un grand nombre de mesures pour améliorer la situation des enfants relativement à leur droit à la protection. Ces efforts ont porté principalement sur la création d’un environnement juridique et institutionnel plus propice aux enfants et sur la mise en place d’actions visant à réduire les diverses manifestations de la violence. Au cours de la dernière décennie, à la faveur des appuis des Partenaires Techniques et Financiers, une partie importante des actions de protection a porté sur la réponse aux phénomènes de la traite et du travail des enfants, des enfants orphelins et vulnérables et de la violence touchant les femmes et les filles.

Ce long parcours a permis de réaliser que la violence à l’égard des enfants est un phénomène qui exige la mise en place d’un dispositif permanent, basé sur une approche systémique, axé sur la prévention et sur une offre de services de qualité, et que des efforts continus sont nécessaires pour rendre ce dispositif chaque fois plus efficace et capable de relever les défis suivant les changements et évolutions dans la société.

Définition de la violence et facteurs de risque

Les termes de « violence, abus et exploitation » ou de « violence » tout court sont utilisés tout au long de ce document de Politique pour indiquer diverses formes d’atteintes portées à l’intégrité physique et psychologique de l’enfant. La violence consiste dans «la menace ou l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre un enfant par un individu ou un groupe qui entraîne ou risque fortement de causer un préjudice à la santé, à la survie, au développement ou à la dignité de l’enfant ». 1

Les formes de violences qui constituent le champ d’application de la présente Politique sont celles que les études et les acteurs de la protection au Bénin indiquent comme les plus préoccupantes. Il s’agit de :

- abandon anonyme ;- négligence ;- maltraitance domestique ;- abus sexuel ;- inceste ;- violence en milieu scolaire :

o châtiment corporel à l’école et centre de formation professionnelleo abus sexuel à l’école

- traite ;- prostitution ;- exploitation par le travail (plus de 4 heures par jour, travail nocturne, travaux pénibles) ;- travail domestique ;

1 OMS - Rapport mondial sur la violence et la santé (2002)

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- enfants vivant dans les rues ;- remise des enfants aux institutions, type orphelinat ;- enfants en mobilité précoce ;- marginalisation et discrimination extrême (enfants porteurs de handicap, mineurs en conflit

avec la loi, autres formes) ;- pratiques traditionnelles néfastes (mutilations génitales féminines, mariage forcé et ou

précoce, infanticide, accusations de sorcellerie, enfermement dans les couvents et autres) ;- règlements à l’amiable des violences faites aux enfants qui ne prennent pas en compte son

intérêt supérieur ;- non recours à la justice ;- crimes d’honneur.

Ne sont pas exclues de la Politique les nouvelles formes d’agression physique ou psychologique structurant de nouvelles thématiques de la protection de l’enfant qui peuvent surgir dans le futur proche suite aux changements économiques, sociaux, technologiques et environnementaux.

Les phénomènes compris dans le terme de « violence à l’égard de l’enfant » sont complexes et multidimensionnels. Ils trouvent leur origine dans une donnée anthropologique fondamentale : c’est l’adulte qui détient le pouvoir de déterminer la substance et la teneur de ses relations avec l’enfant. L’enfant ne peut que les accepter ou subir, au moins jusqu’à son adolescence. En plus de cette dissymétrie irréductible, les autres facteurs qui contribuent au phénomène se situent à des différents niveaux selon les caractéristiques individuelles, familiales, sociales et économiques spécifiques des personnes impliquées et selon le contexte socioculturel et politico-institutionnel plus ample. Cependant, d’une manière générale, toute forme de violence, abus et exploitation à l’égard de l’enfant est plus ou moins directement mise en corrélation avec les facteurs suivants :

- facteurs juridico-judiciaires  : au Bénin, comme dans d’autres pays de la région, il existe un écart important entre le statut juridique de l’enfant - les droits qui lui sont reconnus dans la législation - et son statut sociologique - les droits et les obligations que la société lui attribue. Dans la vie publique, l’enfant peine à être vu et traité comme une personne à part entière et comme un citoyen porteur de droits spécifiques. L’intérêt supérieur de l’enfant, protégé par la législation, est subordonné largement aux intérêts des adultes, de la communauté, des institutions. Les institutions censées appliquer la Loi minimisent les infractions commises à l’égard des enfants et se montrent dysfonctionnelles dans le traitement des cas les concernant ;

- facteurs politico-institutionnels  :les faiblesses du système national d’état civil, l’accès limité à la santé reproductive, les défaillances du système éducatif, l’étroitesse des opportunités d’apprentissage et d’insertion socioéconomique pour les enfants qui quittent précocement l’école, la presque inexistence de filets sociaux pour les familles très démunies et finalement une présence limitée des services de prévention et de protection sur le territoire sont autant d’éléments qui contribuent à la persistance des phénomènes qui se rattachent à la violence;

- facteurs socio-économiques  : la pauvreté de nombreuses familles associée au nombre élevé d’enfants, leur incapacité à garantir la satisfaction des besoins de base et l’éducation des enfants, le faible niveau d’éducation et ou d’alphabétisation des parents, les dérives et les reconfigurations de la composition et de l’économie familiale suite à l’urbanisation et à la modernisation, l’attribution très précoce d’un rôle économique aux enfants, la demande élevée de la main d’œuvre enfantine à bas coût sont des facteurs qui contribuent au recours à des stratégies individuelles et familiales de subsistance qui sont très dommageables pour les enfants ;

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- facteurs socio-culturels  : la vision prédominante selon laquelle l’éducation de l’enfant doit être sévère tant dans le milieu familial que scolaire de même que certaines croyances et pratiques socioculturelles sont en pleine contradiction avec le droit de l’enfant à la protection. Le caractère communautaire de la perception de l’enfant par la société est souvent évoqué comme cause de la tolérance de certaines formes de violences à leur égard.

Définition de la protection de l’enfant

Les phénomènes de la violence à l’égard de l’enfant et le droit de l’enfant à la protection balisent le champ d’application d’un secteur spécialisé des politiques sociales, défini comme « la protection de l’enfant ». La protection de l’enfant apparaît comme le champ d’action publique qui regroupe l’ensemble des actions organisées et mises en œuvre par des acteurs étatiques et non étatiques pour prévenir toute forme de violence, abus et exploitation à l’égard des enfants et assurer une assistance adéquate aux enfants qui en sont affectés.

L’ensemble des mesures juridiques, administratives et techniques - lois, politiques, règlements, institutions, services, nécessaires pour prévenir, contrer et donner une réponse à la violence qui affecte les enfants constituent le système national de protection de l’enfant. Ces mesures doivent être mises en place dans divers secteurs d’action publique notamment dans le secteur de l’action sociale, de la justice, de la sécurité, de la santé, de l’éducation et du travail. Elles doivent être pertinentes, cohérentes et complémentaires les unes avec les autres. Cette approche systémique et multisectorielle permet de prendre en compte simultanément tous les risques et vulnérabilités de l’enfant et de concevoir une réponse globale à l’ensemble des problématiques visées.

La Politique de protection de l’enfant consiste de ce fait, dans l’ensemble des choix opérés par le Gouvernement et ses partenaires, à organiser la réponse nationale, à rendre plus efficace le système national de protection de l’enfant.

Compte tenu de la nature « relationnelle » de la protection de l’enfant, le mandat de la protection de l’enfant incombe en premier lieu au département ministériel chargé de la protection de l’enfant au plan administratif, qui exerce les fonctions de chef de file. Son partenaire principal est le secteur en charge de la protection de l’enfant au plan judiciaire (Ministère en charge de la justice).Les secteurs alliés de la protection de l’enfant sont les secteurs qui jouent des rôles complémentaires et indispensables dans le système, notamment les secteurs de la sécurité, de la santé, de l’éducation, de la communication et du travail.

Font partie du secteur de la protection de l’enfant, les acteurs associatifs et individus qui jouent un rôle dans les actions de prévention et réponse, sur lesquels l’Etat s’appuie pour l’exécution du mandat de protection de l’enfant. Les organismes internationaux de coopération intègrent aussi le secteur à travers divers partenariats.

L’analyse situationnelle

De nombreuses formes de violence à l’égard des enfants semblent durablement installées dans la société béninoise malgré la pluralité d’actions menées pour les contrer et les efforts fournis pour les dénoncer.

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L’environnement immédiat de l’enfant n’est pas seulement un lieu de soins, d’affection et de protection : de nombreuses formes de violence touchent l’enfant dans le milieu familial. Dans le cercle familial, l’enfant peut être victime de négligence, quand les parents sont défaillants par rapport à la satisfaction de ses besoins fondamentaux. La négligence entraîne des conséquences d’autant plus graves que l’enfant est jeune, mettant parfois en danger sa survie.

De même, la maltraitance physique, verbale et psychologique touche un grand nombre d’enfants dans le contexte de leur vie familiale. Dans une étude de 20082, 80% des 594 enfants interviewés disaient subir des violences physiques. Dans une autre étude de 2009, 3 65% des élèves interrogés disaient subir des violences physiques ou verbales. Les châtiments corporels suivant les écarts de comportement des enfants peuvent prendre des formes extrêmes : coups, brûlures, privations, renvoi de la maison. La maltraitance par les parents et responsables est la forme de violence la plus légitimée, celle qui s’impose souvent aux parents du fait de la pression sociale et celle devant laquelle les personnes refusent le plus d’intervenir, parce qu’elles l’approuvent ou parce qu’elles craignent l’intrusion.

Bien qu’il soit difficile d’en connaitre l’ampleur, l’abus sexuel est dans la majorité des cas le fait d’une personne faisant partie de l’entourage immédiat de l’enfant et qui jouit à ce titre de sa confiance. Les formes de violence sexuelle sont moins connues, en raison du sous signalement des cas aux structures de prise en charge. On sait toutefois que le phénomène est répandu et que la forme extrême de la violence sexuelle – le viol - touche des enfants très jeunes. Selon une étude de 2009, 1,4% des filles entre 02-14 ans ont été victimes de viol.4Dans la même étude, plus d’une femme sur quatre déclare avoir été victime de violence sexuelle. Des cas rapportés aux structures de prise en charge au cours des dernières années, résulte une incidence préoccupante de l’ inceste. Le phénomène reste très tabou et il est difficile d’en mesurer l’incidence. Les services d’écoute mis en place auprès des services sociaux pour s’occuper des cas de violence, ont enregistré entre 2011 et 2012 un taux d’accroissement des cas rapportés de 75% (650 cas en 2012 contre 163 en 2011), ce qui montre que la disponibilité des services d’accueil des victimes est l’élément clé pour permettre d’avoir une meilleure visibilité sur le phénomène.

La précarité socioéconomique des familles contribue directement au fait que les enfants soient mis précocement au travail et/ou exposés à la mobilité précoce. L’exploitation économique de l’enfant continue d’être un phénomène de grande ampleur au Bénin, puisqu’il concerne un tiers des enfants. De ce total, seulement une petite fraction (3,3%) effectue des travaux légers, qui sont positifs pour le développement et la socialisation de l’enfant. Un grand nombre d’enfants qui travaillent sont actifs dans des formes dangereuses de travail, qui affectent négativement leur santé et leur développement :ils sont donc un tiers qui travaillent dans une des pires formes de travail interdit par la législation nationale et un quart des enfants qui font un travail pénible ou dangereux, soit par le type de tâches trop lourdes et inadaptées à l’enfant, soit par leur durée (au-delà de trois heures par jour) soit parce que le travail est fait la nuit. D’autres pires formes de travail des enfants sont le travail dans les carrières et le travail dans la construction. L’exploitation des enfants dans la prostitution est aussi décriée socialement comme une des pires formes de travail des enfants, bien que dans ce domaine les données fassent défaut.

2 Violences faites aux femmes et aux filles au Benin. Etude de base du Projet Empower – 2008 3 Ministère des enseignements maternels et primaires – Etude sur les violences contre les enfants en milieu scolaire au Benin – 2009 4 Ministère de la famille et de la solidarité nationale -

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Quant au travail domestique, la majorité des enfants au Bénin y participent. Le problème étant que le nombre d’heures de travaux ménagers journaliers est excessif, surtout pour les enfants entre 14 et 17 ans.5Les « vidomègons ou petites bonnes à tout faire » sont placées pour travailler auprès des tuteurs/tutrices par des méthodes souvent assimilables à la traite. Leur travail est considéré comme une des pires formes de travail, aggravée par le fait que les filles sont exposées à diverses formes de maltraitance et abus sexuel.

La situation des enfants qui travaillent dans les grands marchés du pays est un exemple flagrant de l’exploitation à laquelle les enfants sont soumis dès leur plus jeune âge 6. La plus grande majorité des enfants exerçant des activités dans les marchés sont des filles et plus de la moitié (54%) ont moins de 14 ans, ce qui est interdit par la Loi. 40% sont utilisés par un tuteur ou une personne avec qui ils n’ont aucun lien de parenté. Plus de la moitié d’entre eux (56,7%) résident chez un tuteur (trice) /utilisateur (trice). 48,5% des enfants en situation de travail dans les marchés n’ont jamais fréquenté l’école et de ce fait n’ont aucun niveau d’instruction. Six enfants sur dix n’ont aucune rémunération.

Une partie de ces enfants a fait l’objet de traite et ou de mobilité précoce, c’est-à-dire a été recrutée dans leur village d’origine pour venir travailler dans des conditions de véritable exploitation. Selon l’étude de 2009, le nombre d’enfants touchés par la traite, entendue comme le recrutement, le transport, le transfert, le placement, l’accueil ou l’hébergement d’un enfant aux fins d’exploitation, était très élevé. Il concernait en fait plus de 40.000 enfants âgés entre 6 et 17 ans, ce qui représentait une fraction importante de cette tranche d’âge (environ 2%). Les familles d’origine de ces enfants étaient des familles pauvres ayant souvent un nombre élevé d’enfants. La majorité des enfants concernés par la traite était des filles exploitées dans le travail domestique suite à un placement et dans le petit commerce. Une fraction de ces enfants (environ 10%) était victime de traite transnationale vers les pays limitrophes ou même vers des pays plus éloignés, comme le Gabon. De par son caractère clandestin, la traite reste difficile à cerner. Les données statistiques en la matière ne portent le plus souvent que sur les victimes identifiées. Les types d’exploitations subies par les victimes sont prioritairement d’ordre économique (mendicité, agriculture, domesticité, petit commerce), mais aussi sexuelle.

Pour faire face à ce phénomène, des actions de grande ampleur ont été engagées depuis plus d’une décennie sur forte impulsion de la communauté internationale. L’atteinte de résultats probants a été compliquée par des difficultés majeures inhérentes à l’appréhension de ce phénomène, plus complexe qu’il n’est apparu initialement. Faire la part des choses entre les formes de traite proprement dite d’une part et d’autre part le placement et la mobilité, saisonnière ou pas, des adolescents n’est pas toujours aisé. Aussi, est-il difficile de repérer les stratégies toujours renouvelées des trafiquants tout en prenant en compte le rôle prépondérant joué par les parents, par les autres membres de la communauté et par les enfants eux-mêmes. En tout état de cause, la stagnation de la situation économique interne et les difficultés d’accès des couches plus pauvres à une éducation de qualité ont contribué à maintenir élevée la demande des ménages et des enfants pour la recherche d’opportunités économiques à travers la mobilité interne ou transfrontalière. Malgré les efforts consentis contre la traite, on note une insuffisance de statistiques pouvant permettre d’apprécier le niveau de recul du phénomène.

Le milieu de vie des enfants le plus important après la famille, notamment l’école, n’est pas non plus exempt de violences.A l’école (publiques, privées et confessionnelles) et les centres de formation professionnelle, les châtiments corporels et les violences verbales occasionnés par une

5 Source et indiquer les normes internationales à ce propos6Répertoire des enfants dans trois grands marchés – 2013

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performance insatisfaisante sont monnaie courante, bien qu’ils soient formellement interdits. Certains enseignants se justifient en prétextant que ce sont les parents qui exigent d’eux la bastonnade et qu’elle est efficace, ce qui amène à émettre des doutes quant à leur capacité à agir en véritables pédagogues. La violence sexuelle est aussi répandue dans le milieu scolaire. Elle est dans une grande proportion le fait des enseignants, ce qui est extrêmement préoccupant. Les données relatives aux grossesses en milieu scolaire ne cessent de grimper dans certains départements (Atacora, Donga).7Tous ces facteurs ont des incidences majeures dans le rendement scolaire des enfants et concourent à la déscolarisation précoce, surtout des filles. Qui plus est, ils contribuent à la déperdition et jettent le discrédit sur le système éducatif national dans son entièreté.

D’autres milieux censés apporter une contribution à l’éducation et à la formation de l’enfant peuvent être des lieux d’exploitation et de maltraitance : les écoles coraniques, les couvents vodou et les institutions qui hébergent des enfants.

Les enfants qui vivent dans les écoles coraniques sont souvent contraints à la mendicité pendant de longues heures pour subvenir à leur propre subsistance et à celle de leur maître et vivent dans des conditions très difficiles. En 2001, le nombre d’enfants talibés avait été recensé à 5.000 enfants fréquentant 466 écoles coraniques dans la Donga, le Borgou et l’Alibori. Aujourd’hui les acteurs de la protection de l’enfant dans le Nord du Bénin disent de plus en plus préoccupés par le phénomène de la mendicité des enfants  talibés, qui semble être initié et entretenu essentiellement par les maîtres coraniques des pays limitrophes qui viennent au Bénin à la recherche de moyens de subsistance. Ce phénomène de la mendicité a pris d’autres formes et de l’envergure demandant dans beaucoup de cas la mobilité des enfants d’une région à une autre ou d’un pays à un autre les exposant à des risques d’exploitation, de traite et de maltraitance. Ces enfants vivent dans des conditions de grande indigence, maltraitance et exploitation.

Pareillement, le sort des enfants qui passent une période de leur enfance dans les couvents d’initiation vodou soulève de grandes préoccupations du fait que, en plus d’être pénalisés au niveau de leur cursus scolaire, ils se trouvent pour de longues périodes dans une situation où ils ne disposent d’aucun recours en cas de maltraitance. Dans les couvents vodou qui s’adonnent à l’initiation des enfants, les filles y sont plus recrutées (66%) que les garçons. Or, les couvents sont majoritairement gérés par des hommes (90%), analphabètes et sans occupation professionnelle (plus de 80%), ce qui nourrit l’hypothèse d’une grande dépendance à la dot d`initiation, qui peut aller jusqu’à un million de francs CFA. De même, il est préoccupant de savoir que l’initiation est un concurrent direct de la scolarisation, puisque 80% des initiés n’ont jamais fréquenté l’école.8

Les enfants qui transitent ou vivent pour une période plus ou moins longue dans les institutions d’accueil sont privés de leurs droits à la vie familiale et communautaire. Ils sont souvent victimes de la déchéance parentale qui ne favorise pas leur maintien et leur éducation en famille. Les données disponibles ne permettent pas de savoir si leur placement en dehors de la famille d’origine se justifie, quelles sont les conditions de vie à l’intérieur des centres et si ces enfants jouissent des appuis nécessaires pour pouvoir être réintégrés rapidement et dans les meilleures conditions dans un milieu familial. Il est aussi préoccupant de savoir que, malgré la suspension des adoptions au Bénin jusqu’à la ratification de la Convention de la Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, des adoptions internationales semblent se poursuivre dans certains centres d’accueil.

7Source 8Source

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Bien que la grande majorité des formes de violence touchant les enfants reposent sur des normes socioculturelles diffuses associées avec la précarité socioéconomique des familles, certaines formes de violence sont catégorisées comme des pratiques traditionnelles néfastes. Celles-ci sont répandues au Bénin et constituent des formes graves de violation de l’intégrité physique et psychologique de l’enfant, pouvant aller jusqu’à l’élimination physique de l’enfant. Les plus connues sont les MGF, le mariage forcé précoce ou non, l’infanticide rituel des enfants dits sorciers, les accusations de sorcellerie vis-à-vis d’enfants et l’enfermement des enfants dans les couvents pour l’initiation au vodou. Sachant avec quelle lenteur les évolutions positives peuvent se réaliser lorsqu’il s’agit des expressions culturelles les plus profondes, les pratiques traditionnelles néfastes constituent un défi à toute législation.

Sous prétexte des normes traditionnelles ou religieuses, les filles sont souvent contraintes à faire une entrée brusque et précoce dans la vie adulte par le mariage, ce qui les expose à des risques majeurs de santé et limite leur réussite future. Qui plus est, le mariage forcé précoce ou non doit être envisagé comme une forme de violence sexuelle au niveau du vécu de l’enfant et comme une forme d’exploitation de l’enfant, eu égard au fait qu’il constitue une stratégie économique pour la famille qui cède la fille. Le mariage forcé précoce ou non par rapt ou par enlèvement est encore une autre forme de violence qui affecte gravement, parfois fatalement les filles. Le mariage très précoce, entre 10 et 14 ans, concernait en 20064 enfants sur mille, filles et garçons, indiquant des pratiques traditionnelles très ancrées. Entre 15 et 17 ans le taux était de presque 11% pour les filles. Malgré des progrès dans la diminution de l’incidence du mariage précoce, il reste que la prévalence est très élevée dans l’Alibori, qui est 20 fois la moyenne nationale9.

L’infanticide rituel, qui consiste à l’élimination physique de l’enfant né dans des conditions considérées comme néfastes pour la famille et la communauté, est certainement la pratique traditionnelle la plus extrême. Presque 10% des naissances de la zone touchée par ce phénomène dans le Nord du Bénin sont des naissances qui peuvent exposer l’enfant au risque de l’infanticide, ce qui est alarmant. Malgré les subterfuges auxquels les parents font parfois recours pour sauver l’enfant et malgré les nombreuses interventions menées auprès de ces populations au cours de la dernière décennie, il n’est toujours pas possible d’affirmer que le phénomène est en voie de disparition et qu’il y a eu une évolution positive des normes socioculturelles à ce sujet.

Finalement, parmi les problématiques ciblées par la présente Politique, il convient d’inclure les comportements à risque des adolescents et les diverses formes de discrimination et stigmatisation. Les enfants en effet peuvent courir des risques du fait de leur propre conduite : consommation d’alcool et de drogues, relations sexuelles précoces, prostitution, petites infractions. Ces comportements à risques ont souvent générés par la maltraitance familiale et par les difficultés relationnelles qui en découlent. Les enfants des ménages polygames et les enfants placés chez des tuteurs y sont particulièrement exposés. Les adolescents qui manquent d’opportunités dans leur environnement et se déplacent de leur village d’origine pour tenter la chance peuvent se trouver dans de pareilles conditions.

Les enfants qui se retrouvent dans la rue, vivant dans des conditions de grande précarité, mendiant ou cherchant de quoi vivre, sont souvent ouvertement discriminés, stigmatisés et maltraités verbalement ou physiquement. Pareillement, les enfants qui sont passés par le système de justice et sont libérés sans aucun suivi font face à de grandes difficultés pour se réintégrer dans la société, la période de l’enfermement ne leur ayant pas offert de formation ou d’éducation. Les enfants victimes porteurs de handicap sont parmi ceux qui souffrent le plus de discrimination. Ces enfants vivent

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souvent en conditions de ségrégation ou de marginalisation extrême et sont ainsi privés de toute opportunité de se développer.

L’ensemble de ces phénomènes constitue la matière première de cette Politique, les phénomènes que la Politique se propose de réduire substantiellement, à défaut de pouvoir les éradiquer. Il apparait d’emblée que la tâche est de taille et les défis nombreux.

Principaux enjeux et défis

Dès la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant, le Bénin a fourni des efforts importants pour mettre en place les mesures juridiques et administratives requises pour une meilleure protection de l’enfant face aux diverses formes de violence présentes dans la société. Les dispositions prises au niveau juridique, la mise en place d’une structure institutionnelle dédiée à la protection de l’enfant, le renforcement des services de prévention et de prise en charge, les efforts en vue de la répression des infractions commises à l’égard des enfants ont contribué à créer le système actuel de protection de l’enfant.

Ce dispositif national a été analysé dans une étude relativement récente, Cartographie et analyse du système national de protection de l’enfance au Bénin, réalisée par le ministère en charge de la protection de l’enfant avec le concours de ses partenaires en 2011. L’étude a adopté une approche systémique qui visait à mettre en exergue l’interdépendance des différentes composantes du système national de protection de l’enfant, notamment la composante législative, le cadre de politique et stratégies, les services, les ressources humaines et les budgets. L’études’est également intéressée aux perceptions des communautés par rapport à la pertinence des services qui leur sont offerts.

Cette étude, complétée par les analyses que les acteurs de la protection de l’enfant ont faites au cours des nombreux ateliers organisés pour l’élaboration de la Politique, a permis d’identifier les principaux défis que la nouvelle Politique doit relever pour renforcer le système national de protection de l’enfant.

L’arsenal juridique national en matière de protection de l’enfant est foisonnant, mais faiblement efficace pour la protection effective des enfants

Suite à la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant, l’arsenal juridique national a été fortement développé dans le but de garantir sa conformité avec les engagements pris au niveau international. Le cadre législatif actuel comprend un grand nombre de textes, parmi lesquels ressortent les Conventions et autres textes internationaux ratifiés par le Bénin, le Code de l’enfant (Tome I), le Projet de Code de l’enfant révisé et des textes répressifs, entre autres les textes criminalisant la traite et les violences faites aux femmes et aux filles10.

Toutefois, les observateurs internes et externes ne manquent pas de relever que ce cadre législatif demeure largement inopérant tant pour la promotion et la protection effective des droits de l’enfant que pour la répression des infractions à son égard.

10La loi 2006-04 du 10 Avril 2006 portant conditions de déplacement des mineurs et répression de la traite d’enfants et la loi N° 2011-26 du 09 janvier 2012 portant prévention et répression des violences faites aux femmes et aux filles

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Parmi les dispositions à prendre, l’adoption du Code de l’enfant révisé apparait urgente. Elle permettra de donner plus de cohérence aux divers textes législatifs et d’enrayer la dispersion actuelle, facteurs qui contribuent à leur faible application. Il n’en reste pas moins que même avec un cadre législatif irréprochable, de grands efforts seront nécessaires pour que les dispositions de droit positif soient entérinées dans les pratiques individuelles et institutionnelles.

L’implication des différents secteurs qui ont un rôle à jouer et leur coordination sont insuffisantes

L’environnement actuel de la protection de l’enfance au Bénin est marqué par une faible implication des divers secteurs ayant des rôles complémentaires dans la prévention, la prise en charge ou la répression. De même, la collaboration intersectorielle est insuffisante, rendant les efforts moins efficaces.

Cette situation semble plus problématique au niveau central. Malgré l’existence de plusieurs cadres de concertation, le dialogue interministériel de haut niveau sur la protection de l’enfant peine à se mettre en place. En particulier, l’absence de lien structurel entre les ministères en charge de la « protection sociale » de l’enfant et de la « protection judiciaire » de l’enfant contribue à la faiblesse de la coordination et partant de son inefficacité.

Au niveau opérationnel, la collaboration entre secteurs semble plus aisée, mais elle n’est pas suffisamment encadrée ni basée sur une répartition claire des rôles de chaque acteur et des liens fonctionnels entre les divers acteurs. Des plans d’actions communs sont inexistants et la collaboration se limite pour la plupart à la gestion de cas ponctuels. Les cellules communales de protection de l’enfance, chargées de faciliter cette collaboration au niveau local, montrent des niveaux de dynamisme variables, dépendant des acteurs présents. De plus, les mécanismes communautaires de protection des enfants sont faiblement capitalisés.

Le secteur de la protection de l’enfant est caractérisé par une excessive fragmentation et déperdition

Au Bénin, la protection de l’enfant se caractérise par l’approche « projet » et l’approche « activité » qui génèrent difficilement de véritables dynamiques sociétales. De nombreuses initiatives, diversifiées et généralement localisées, voient le jour, soulèvent des espoirs et prennent fin avec l’épuisement des fonds qui leur étaient destinés. Malgré la volonté de le faire, le Gouvernement n’est pas toujours en mesure de prendre la relève des interventions prometteuses menées avec le concours des PTF, en raison des financements importants généralement requis pour garantir leur continuité.

Les approches catégorielles jusqu’ici prédominantes se révèlent aussi de plus en plus inadaptées en raison des duplications et des lacunes qu’elles produisent. Dans ces approches, les enfants sont catégorisés selon différentes vulnérabilités à partir de la perspective particulière qui sous-tend le projet ou le programme censé les servir : lutte contre la traite, VIH/SIDA, violences faites aux femmes. Ces approches catégorielles doivent être corrigées. Il est nécessaire de dépasser le cloisonnement des interventions et remplacer ces approches fragmentées par une vision inclusive qui prenne en compte toutes les vulnérabilités. Le système de protection doit être organisé en fonction de la réponse à fournir pour que les droits soient réalisés et non pas en fonction de catégories de groupes cibles.

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Finalement, le secteur est caractérisé par une faible capitalisation des acquis de l’expérience. L’évaluation, la documentation et la diffusion des preuves de bonnes pratiques qui pourraient être généralisées ne sont pas incluses dans les cycles programmatiques. Aussi, la rotation excessive du personnel dans les ONG comme dans le gouvernement  contribue-t-elle à la perte de mémoire institutionnelle et à l’ « éternel recommencement » déplorés par les acteurs.

Les résultats des nombreuses actions de sensibilisation ne sont pas connus

L’éducation du public béninois aux droits de l’enfant a été un des grands axes d’intervention en matière de prévention. De nombreuses actions de sensibilisation ont été menées tant par les acteurs publics que par les ONG. Elles ont porté en général sur la diffusion des droits de l’enfant ou sur la sensibilisation relativement à la répression des phénomènes particuliers, comme celui de la traite et des violences faites aux femmes. Les textes de référence ont été principalement la Convention relative aux droits de l’enfant et les nouveaux textes nationaux répressifs.

L’efficacité des différentes approches, méthodes et supports utilisés pour sensibiliser la population n’a pas fait l’objet d’évaluation et les résultats concrets obtenus par ces actions ne sont donc pas connus en raison de l’absence d’un système d’information unique et accessible à tous les acteurs sur la protection des enfants. Un état des lieux complet parait difficile et onéreux à réaliser, compte tenu du morcellement et de la grande diversité des actions. D’une manière générale, cependant, les analyses indiquent que les actions de sensibilisation ont été hétérogènes et peu systématiques et que les résultats sont peu probants. La violence à l’égard des enfants au Bénin semble constituer un phénomène connu de tous mais peu reconnu comme un grave problème de société. Des écarts notables semblent subsister entre les perceptions et les normes suivies par la population en général (ce que chacun comprend comme « violence ») et les standards que les acteurs de la protection de l’enfant s’efforcent de diffuser.

La qualité de l’assistance apportée aux enfants est inégale

L’assistance concrète aux enfants victimes et à leurs familles est apportée par un grand nombre d’organismes étatiques, confessionnels et non gouvernementaux. Parmi ceux-ci ressortent les Centres de Promotion Sociale (CPS), qui existent dans toutes les Communes du Bénin, mais disposent d’effectifs et de moyens variables. En plus des acteurs étatiques, de nombreuses ONG nationales et internationales et des associations à base confessionnelle jouent un rôle significatif dans la prestation de services.

De manière générale, la prise en charge est discontinue en raison de la collaboration insuffisante entre les intervenants et du manque de directives communes, l’Etat n’étant pas toujours en mesure de fournir le leadership, la coordination, l’encadrement technique et la supervision nécessaires.

Les structures impliquées dans la prise en charge sont insuffisamment spécialisées, comme la protection de l’enfant l’exige. Le secteur de la sécurité dispose seulement dans la capitale d’une unité spécialisée dans la prévention et la répression des infractions commises sur les enfants. L’implication des autorités judiciaires dans les processus de changement de la garde et de placement des enfants demeure insuffisante. Les services de santé apportent les soins aux enfants ayant subi des atteintes de manière indifférenciée. Les certificats médicaux, nécessaires pour compléter le dossier de dépôt de plainte, sont toujours payants et pour cela même souvent hors de portée des justiciables.

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Des efforts ont été faits pour rehausser la qualité des prestations de services dans le secteur social par l’élaboration de normes pour les prestations en action sociale au niveau des CPS et pour la prise en charge des enfants dans les institutions d’accueil. Ces normes doivent encore faire l’objet de vulgarisation, de formation et de supervision.

Dans les domaines de la sécurité, de la justice et de la santé, les procédures spécialisées et les normes et standards nécessaires pour la prestation de services aux enfants victimes de violence ne sont pas encore mis en place.

Le niveau de répression des infractions commises sur les enfants demeure insuffisant

Le rapport de Cartographie a mis en exergue le fait que la majorité des infractions commises à l’égard de l’enfant qui est décriée socialement et qui devrait faire l’objet de sanction judiciaire sont réglées à l’amiable. Ce règlement à l’amiable doit être annoté parmi les pratiques traditionnelles néfastes puisqu’il s’inscrit dans une logique où l’intérêt supérieur de l’enfant est subordonné aux intérêts individuels et communautaires des adultes.

Qui plus est, la pratique du règlement à l’amiable – détournée de sa finalité première de sauvegarder la cohésion sociale - semble avoir gagné aussi les institutions. La très grande majorité de dossiers ouverts dans les services sociaux se soldent par un règlement à l’amiable 11. Un règlement à l’amiable entre les parents et l’auteur peut se faire au niveau de la police et même des institutions judiciaires. Il reste à savoir dans quelle mesure ces « règlements à l’amiable » résultent du trafic d’influence et des pressions exercées sur l’appareil répressif visant la suspension et l’abandon des poursuites.

Dans un environnement où certaines infractions à l’égard des enfants ne sont pas considérées comme telles et où le dépôt de plainte et le suivi de la procédure judiciaire deviennent un « parcours du combattant » que peu de citoyens lésés se disposent à parcourir pour leurs enfants, la répression des infractions commises à l’égard des enfants demeure un défi majeur pour l’Etat et les institutions béninoises.

Les sources et l’environnement de la Politique

La Politique nationale de protection de l’enfant vise à donner substance aux dispositions législatives internationales et nationales relatives aux droits de l’enfant et à traduire en actions concrètes les objectifs et engagements nationaux portant protection de la famille, de la femme et de l’enfant.

Cadre législatif

Cette Politique est encadrée juridiquement par les textes législatifs internationaux et nationaux sur l’enfant et sa protection. En matière de Droit international, il s’agit principalement de:

- la Convention relative aux Droits de l’Enfant, ratifiée en 1990 ;

11 Selon le Rapport du MFAFSNHPTA d’Avril 2013 sur le service d’écoute et de conseil aux femmes et filles ayant subi une violation de leurs droits De janvier à décembre 2012, 7652 dossiers de violation à l’égard des femmes nt été ouvert à niveau de 49 CPS. Sur les 6472 cas résolus, 75% ont fait l’objet de conciliation.

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- le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, ratifié en 2005 ;

- la Convention n° 138 de l’OIT sur l’âge minimum d’admission à l’emploi ratifiée en 2001 ;- la Convention n° 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, ratifiée en 2001 ;- le Protocole de Palerme visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en

particulier des femmes et des enfants, ratifié par le Bénin en 2004 ;- la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

ratifiée en 1992 ;- la Charte africaine des droits et du bien- être de l’enfant, ratifiée par le Bénin en février 1997.

En matière de Droit interne, plusieurs textes sont pertinents pour la protection de l’enfant, notamment :

- la Constitution de la République de 1990 garantissant à l’enfant la protection due à tout être humain et à tout citoyen et reconnait la primauté des traités internationaux sur la Loi nationale.

- le Code de l’enfant tome I recensant les mesures qui couvrent les divers besoins de protection des enfants en matière civile, pénale, sociale et administrative ;

- le Code des personnes et de la famille de 2004 et le Code civil contenant les dispositions relatives aux actes d’état civil, la filiation, l’adoption, les successions et la tutelle, parmi tant d’autres ;

- le Code du travail de 1998interdisant la mise en apprentissage et le travail avant l’âge de 14 ans et protège l’enfant contre l’exploitation ;

- le Code pénal contenant les dispositions relatives à la répression des crimes et délits contre l’enfant ou le mettant en danger physique ou moral. Il s'agit, entre autres, des questions relatives aux violences et à la maltraitance exercées sur les enfants, à l’infanticide rituel, aux enlèvements de mineurs, aux détournements de mineurs et déplacements illicites des enfants. Il prévoit les délits de non-assistance à personne en danger et la non dénonciation de crime, ce qui implique la déclaration obligatoire de la part de toute personne, principalement de la part des fonctionnaires publics, tout comme la levée du secret médical pour le personnel du secteur de la santé ;

- le nouveau Code de procédure pénale, révisé en 2013, qui renforce la protection de l’enfant et de la femme ;

- la Loi sur le placement et le déplacement des enfants à l’intérieur et à l’extérieur du territoire national (loi 2006-04 du 10avril 2006) définissant et interdisant la traite des enfants au Bénin ainsi que l’utilisation de la main d’œuvre infantile. Cette loi interdit le déplacement des enfants sans autorisation administrative tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire.

- La Loi n° 2011-26 portant prévention et répression des violences faites aux femmes ;

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- la loi n° 2003-03 du 03 mars 2003 portant répression de la pratique des mutilations génitales féminines ;

- l’arrêté interministériel (n°16/MEPS/METFP/CAB/DC/SGM/SA-2003), renforcé par l’arrêté interministériel 259/MESFTPRIJ/CAB/DC/SGM/DES/SA du 25 mai 2012, portant sanctions à infliger aux auteurs de violences sexuelles dans les écoles et établissements d’enseignements secondaires général, technique, et professionnel, publics et privés.

Cadre de politiques

La Politique Nationale de Protection de l’Enfant s’inscrit dans le cadre de politique plus ample défini par les visions et politiques globales de développement. Les stratégies de développement du Bénin à l’horizon 2025« Bénin Alafia2025» et la DEPOLIPO - Déclaration de Politique de la Population - révisée en 2006, reconnaissent les enfants comme un groupe vulnérable auquel l’Etat et la société doivent une protection. De même, les Orientations Stratégiques de Développement (OSD) 2006-2011 et la Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté (SCRP 2011-2015) indiquent le renforcement du capital humain comme un des axes prioritaires pour assurer le développement économique et social du pays.

La politique nationale de protection de l’enfant trouve son ancrage direct dans la Stratégie Nationale de Protection Sociale (SNPS, 2004-2013) et dans le projet de Politique Holistique de Protection Sociale au Bénin, élaborée en 2013, qui est en phase d’examen. En effet, la SHPS «  s’offre comme cadre de référence pour l’élaboration des politiques qui visent la protection singulière de chacun des groupes concernés ». A ce titre, la protection de l’enfant apparait comme une politique spécialisée ayant la finalité de contribuer à la mise en œuvre des orientations contenues dans l’Axe d’orientation n° 5 de la SHPS qui concerne la « Protection de l’enfance et de l’adolescence » et fait référence explicite aux objectifs de protection de l’enfant contre « l’exploitation, les abus et les pratiques traditionnelles néfastes ». Pareillement, la Politique de protection sociale se donne, entre autres, comme objectif d’ « intensifier les mesures en faveur des groupes les plus vulnérables » et contient des mesures spécifiques pour les familles et les individus à risque élevé.

Par ailleurs, la Politique nationale de protection de l’enfant prend en compte et relaye les recommandations et les orientations stratégiques contenues dans le Projet de Politique du secteur de la justice, pour ce qui est de la protection des enfants victimes d’abus, violence et exploitation et des mesures nécessaires pour assainir et garantir un meilleur fonctionnement de l’appareil judiciaire dans les affaires relatives aux infractions commises sur l’enfant.

Ce document de Politique s’articule aussi étroitement avec les Politiques contiguës dont elle partage partiellement les objectifs et résultats à atteindre. Il s’agit principalement du Plan d’action de lutte contre la traite et le travail des enfants, de la Politique Nationale de Promotion du Genre, de la Politique Nationale de Promotion et d’Intégration des Personnes Handicapées, de la Stratégie multisectorielle de Santé sexuelle et de la Reproduction des Adolescents et Jeunes 2011-2015.

Les politiques sectorielles de la justice, de la sécurité, de la santé et de l’éducation contribuent aussi à fixer le cadre de référence de la présente Politique.

Autres sources de la Politique Nationale de Protection de l’Enfant

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En plus des sources institutionnelles énoncées ci-dessus, cette Politique a été élaborée sur la base de :

- l’analyse de la documentation disponible ;- la consultation des acteurs au cours d’ateliers participatifs, notamment :

o trois consultations multisectorielles, dont une au niveau central (Cotonou) et deux au niveau régional (Parakou et Lokossa) ;

o six ateliers sectoriels au niveau central avec les secteurs de l’action sociale, de la sécurité, de la justice, de la santé, de l’éducation et de la communication ;

o un ample processus de pré-validation auprès des structures impliquées dans la protection de l’enfant (Ministères, collectivités territoriales, ONG) et des acteurs ayant participé aux consultations ;

o des consultations des enfants et des jeunes portant sur les stratégies visant à promouvoir leur autoprotection.

La vision

Les acteurs de la protection de l’enfant au Bénin aspirent à une société harmonieuse et solidaire et se rassemblent autour d’une vision commune qui comprend l’ensemble des résultats escomptés de la mise en œuvre de la Politique :

« A l’horizon 2025, les enfants au Bénin vivent dans un cadre familial, communautaire et institutionnel exempt de toutes formes de violence, abus et exploitation à leur égard et où tous les acteurs sont mobilisés et participent à leur protection dans une approche intégrée ».

Les principes

Les principes constituent les valeurs fondamentales de référence qui ont inspiré la formulation de cette Politique et qui doivent en orienter la mise en œuvre. Ils sont unanimement partagés par les acteurs des divers secteurs de l’Etat et de la société civile. Ils découlent de leur profond attachement aux droits de l’enfant, au principe de la légalité et de l’Etat de droit et au respect des spécificités nationales.

Les principes généraux

Le respect absolu des droits garantis à tout enfant par la Convention relative aux droits de l’enfant, notamment le droit à la vie, à la survie, au développement harmonieux et à la protection ;

L’Intérêt supérieur de l’enfant entendu comme la priorité assignée dans toute action au respect de ses droits et à la satisfaction de ses besoins, dans la recherche de son bien-être et de son développement harmonieux ;

La non-discrimination des enfants sur quelque base que ce soit et la protection de tous les enfants au Bénin, y compris les enfants d’autres nationalités se trouvant sur le territoire national ;

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Le principe de l’équité, qui vise la réduction des écarts dans les conditions de vie et de développement des enfants et à garantir à tous les enfants le développement de leur potentiel ;

L’enfant considéré comme un membre à part entière de la famille et de la communauté qui constituent son cadre de vie idéal, devant pourtant être soutenues dans leurs compétences de protection ;

La prise en compte du genre considéré comme la construction socio-culturelle des rapports de sexe dans la conception et la mise en œuvre des actions visant une plus grande équité ;

Le respect des valeurs socio-culturelles, la préservation des liens sociaux et de solidarité traditionnelle et la primauté du dialogue et de la persuasion dans la promotion de l’abandon des pratiques traditionnelles qui sont notoirement défavorables au développement de l’enfant ;

La promotion de la participation et la responsabilisation de l’enfant à sa propre protection et aux prises de décision le concernant par des attitudes d’écoute, de dialogue et de prise en compte de son opinion.

Le principe de légalité, qui se concrétise dans la primauté des dispositions juridiques existantes sur les pratiques traditionnelles et sur le respect strict des lois protégeant les enfants et réprimant les infractions commises à leur égard ;

Le principe de la responsabilité de la famille, de la communauté et de l’Etat dans la protection des enfants.

Les principes opérationnels

La primauté des dispositions et des interventions de protection de l’enfant privilégiant la prévention sur la répression ;

Le principe de la subsidiarité qui veut que les interventions soient conduites au niveau le plus proche possible de la base et que les niveaux supérieurs n’interviennent que quand cela exige la spécialisation ;

La collaboration sous le signe de l’efficacité entre tous les acteurs du système de protection de l’enfant ;

La promotion et le renforcement des mécanismes communautaires de protection de l’enfant ;

La promotion de la synergie de tous les acteurs du système de protection de l’enfant au niveau local et au niveau national par la dynamisation d’un mécanisme actif de référencement et de contre référencement et la gestion concertée des cas complexes à travers les conférences de cas.

La recherche de la qualité des services offerts aux enfants et aux familles, leur disponibilité équitable sur tout le territoire national et le souci de garantir leur accessibilité ;

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L’inscription dans la durée et dans la continuité des efforts visant à prévenir toutes formes de violence, compte tenu du temps nécessaire pour des changements durables.

Le but

En reconnaissant qu’une protection efficace de l’enfant est un objectif qui transcende les frontières sectorielles, le document de Politique a l’ambition de mettre en place une approche holistique, capable de fédérer les multiples acteurs impliqués, et un système multisectoriel, qui garantisse une meilleure coordination de la réponse transversale aux phénomènes de violence, abus et exploitation des enfants.

Le but de la Politique Nationale de Protection de l’Enfant est de ce fait de doter le Gouvernement du Bénin d’un document d’orientations qui :

- énonce clairement la vision nationale de la protection de l’enfant en tant que domaine d’action transversal basé sur les droits;

- organise et systématise les efforts nationaux dans un système multisectoriel de protection de l’enfant;

- distribue les rôles et responsabilités aux différentes parties prenantes, de manière à garantir une meilleure efficacité des interventions.

Les objectifs

La Politique a pour objectif général de réduire nettement l’incidence de toute forme d’abus, violence et exploitation à l’égard des enfants au Bénin.

Les objectifs spécifiques poursuivis par la Politique sont :

1. Renforcer les connaissances, aptitudes et pratiques d’autoprotection des enfants ;2. Renforcer les connaissances, aptitudes et pratiques de protection de l’enfant, des familles et

des communautés, surtout les plus exposés aux risques ; 3. Offrir des services de prévention aux familles et aux enfants dans leur milieu de vie ;4. Accroître la détection et le signalement aux autorités compétentes des cas de violence à

l’égard des enfants ;5. Etendre et améliorer la qualité de la prise en charge des enfants fortement exposés ou ayant

subi une forme de violence ;6. Renforcer l’application des textes de Loi protégeant les enfants et réprimant les infractions

commises à leur égard ;7. Renforcer les moyens de mise en œuvre de la politique.8. Renforcer les mécanismes de coordination et de documentation des interventions

Les axes stratégiques

Les Axes stratégiques regroupent l’ensemble d’actions censées concourir à l’atteinte des objectifs spécifiques. Les Axes 1-6 présentent les actions concrètes qui doivent produire les résultats auprès de la population – ce sont les Axes programmatiques. L’Axe 7 regroupe des actions de

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renforcement des moyens nécessaires pour la mise en œuvre des stratégies programmatiques. Les Axes sont organisés par niveau de priorité.

AXE 1 – INFORMATION ET FORMATION DES ENFANTS

Objectif stratégique : Assigner un rôle de premier plan aux enfants par rapport à leur protection

Objectif spécifique : Accroitre les capacités d’autoprotection des enfants par l’acquisition de connaissances, attitudes et comportements appropriés

Résultat spécifique : Un nombre croissant d’enfants et d’adolescents disposent de connaissances, d’attitudes et de comportements d’autoprotection et savent orienter les autres enfants de leur âge

Les acteurs de la protection de l’enfant au Bénin font preuve d’un grand attachement à la participation des enfants. Depuis la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant, de nombreuses initiatives ont vu le jour encadrant la participation des enfants dans des évènements publics et dans des projets spécifiques. Le document de Politique de 2007 contenait un axe spécifique qui promouvait le renforcement de la participation des enfants dans l’espace public et l’institutionnalisation de structures consultatives des enfants, censées favoriser l‘intégration de leur point de vue dans les politiques nationales. Bien que les résultats en termes de viabilité de ces structures soient mitigés, les diverses expérimentations ont concouru à renforcer une culture nationale plus favorable à la participation des enfants. Il n’en demeure pas moins que cette culture reste l’apanage d’un nombre restreint d’acteurs.

La présente Politique se veut de renforcer cette culture en donnant la priorité à la participation de l’enfant en tant que principe transversal à tous les axes stratégiques. La participation de l’enfant englobe les droits des enfants d’être encouragés à s’exprimer librement, de voir leurs opinions entendues, respectées, valorisées et prises en compte, de participer directement à la prise des décisions qui les concernent et à l’établissement des règles de vie commune (à l’école, dans un groupe).Leur participation doit être recherchée toujours autant que possible, dans les phases de formulation et de mise en œuvre des interventions, et elle doit constituer un critère clef des actions d’évaluation. Cette participation doit être appropriée aux capacités évolutives des enfants et se baser sur de véritables partenariats entre les adultes chargés de fonctions éducatives et les enfants.

Les enfants et les adolescents ne sont pas vus comme « destinataires », « bénéficiaires » ou « cibles » passifs d’actions conçues et réalisées par les adultes mais sont promus en tant qu’acteurs de plein titre des actions de la Politique. Ils sont vus comme des personnes à part entière ayant des capacités et des compétences spécifiques et pouvant contribuer de manière pertinente à la lutte contre la violence. Il s’agit de les engager aux côtés des adultes dans des actions de prévention de la violence tant au plan individuel qu’au plan collectif qui soient appropriées à leur stade de développement.

Par le biais de cette approche, est recherchée l’amélioration du statut de l’enfant dans la société. La réalisation sous diverses formes du droit à la participation contribuera à terme à améliorer la position des enfants, en rapprochant leur statut sociétal de leur statut juridique.

L’implication des enfants dans des formes de lutte contre la violence et l’exploitation est aussi nécessaire pour prévenir la violence future. Les pesanteurs qu’on observe actuellement dans la société béninoise - la transmission intergénérationnelle des diverses formes de maltraitance et

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exploitation des enfants, la violence domestique envers les femmes, la soumission des personnes, et particulièrement des femmes à des pratiques traditionnelles qui s’avèrent néfastes pour la santé et pour le développement, la perpétuation de méthodes éducatives des enfants basées sur la bastonnade - doivent être dépassées. Comme on le sait, les enfants sont plus ouverts que les adultes à des nouveaux apprentissages et les comportements appris très tôt sont très stables. Ce sont là des raisons majeures pour investir dans les enfants d’aujourd’hui, qui seront les parents et les citoyens de demain, et pour bâtir une société moins tolérante face aux manifestations de la violence et aux diverses formes d’exploitation.

Donner l’opportunité aux enfants, surtout à ceux qui vivent dans des contextes difficiles, de s’engager dans des formes de participation authentique est aussi une stratégie fondamentale pour prévenir les comportements à risque. Les enfants et les adolescents, surtout ceux qui vivent des situations familiales et sociales difficiles, peuvent s’engager de manière plus ou moins consciente et délibérée dans des conduites qui représentent de risques importants et menacent de façon significative leur santé, bien-être et développement ou ceux d’autrui : brimades, harcèlements et rixes en milieu scolaire, violence sexuelle contre les camarades filles, abus de boissons alcoolisées et la consommation de drogues, rapports sexuels trop précoces et non protégés, la pratique de la prostitution, occasionnelle ou régulière. Tous ces comportements, quand ils se répètent, témoignent d’un malaise et des difficultés personnelles de l’adolescent. S’ils ne trouvent pas une issue positive, ces comportements peuvent s’installer durablement et conduire l’adolescent à une déperdition future. L’encadrement des adolescents et leur implication dans des causes socialement utiles comme la lutte contre la violence peuvent contribuer à prévenir et à réduire considérablement ces problèmes.

1.1. Promouvoir et appliquer dans les institutions éducatives des approches plus centrées sur l’enfant

La lutte contre la violence doit être vue comme un processus créant auprès des enfants les conditions pour le développement de leur autonomie et responsabilité, d’où découle le renoncement à la violence comme mode de communication pour solutionner les problèmes de la vie quotidienne, une moindre tolérance vis-à-vis des situations habituelles de violence, une analyse plus sereine des modes de vie traditionnels à l’épreuve de la protection de la santé et une moindre propension aux conduites à risque.

Dans tous les contextes éducatifs - école, associations, clubs, centres d’apprentissage, groupes confessionnels, groupes sportifs ou autre - il est important de mettre en œuvre des approches plus centrées sur l’enfant et sur le développement holistique dans toutes ses dimensions : physique, cognitive, émotionnelle, relationnelle et spirituelle. Ces approches sont plus à même de renforcer chez l’enfant son auto estime, sa capacité à éviter les situations et les comportements à risque et son refus du recours à la violence comme réponse aux difficultés. Il s’agit de faire acquérir aux jeunes non seulement des connaissances mais aussi des valeurs et des compétences sociales.

L’école est un lieu privilégié pour l’apprentissage de la non-violence. Pour cela, il ne doit pas y avoir d’écart ou de contradiction entre les cours d’éducation à la citoyenneté et l’éducation civique (droits de l’enfant, etc.) et la pratique quotidienne des adultes à l’école. L’école doit être un lieu où, par la place qu’on donne à l’enfant et par l’exemple des enseignants, on apprend aux enfants dès le plus jeune âge à communiquer, à négocier et à renoncer à la violence comme moyen pour marquer un désaccord ou pour résoudre les différends.

Il est pourtant indispensable que le système national d’éducation évolue résolument vers des approches pédagogiques qui mettent l’enfant au centre du processus éducatif et qui excluent le

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châtiment corporel comme méthode d’apprentissage. Il faut que les enseignants soient formés et supervisés dans ce sens. Les châtiments corporels doivent céder la place à des méthodes positives d’apprentissage et de maintien de la discipline, avec des systèmes de sanctions qui rappellent efficacement aux élèves la primauté de règles fixées pour le fonctionnement de l’école et qui soient en même temps équitables. Il est indispensable qu’à l’école les enfants soient informés sur les règles et les sanctions, ou mieux encore qu’ils participent à leur élaboration et à leur gestion. De cette manière, ils pourront apprendre à moduler leur conduite et comprendront la sanction quand elle est appliquée en cas de manquements. A ces conditions, la sanction sera légitime, aura une valeur éducative et l’enfant développera un esprit de respect des Lois.

1.2. Renforcer les associations, clubs et groupements d’enfant existants, en créer de nouveaux et promouvoir l’adhésion des enfants à la vie associative

En plus de la fréquentation scolaire, la vie associative est hautement bénéfique pour les processus éducatifs de l’enfant. Exhorter les enfants à adhérer à des groupes d’enfants sous l’orientation d’adultes compétents est aussi une stratégie utile pour rompre l’isolement, transmettre des informations et développer chez les enfants des compétences qui sont fondamentales pour la prévention de la violence. Il s’agit de renforcer les groupes existants, tels que les clubs de lecture, de jeu, les clubs média/reporters, le scoutisme, les chorales, les groupes culturels, les conseils consultatifs des enfants au niveau local et national, et d’encourager la création d’autres. Les groupes devraient proposer aux enfants des activités telles que les jeux de rôle, saynètes, théâtre, etc., qui leur permettent de développer l’esprit critique et le jugement autonome nécessaires pour pratiquer des choix conscients par rapport à certaines contraintes qui pèsent sur eux du fait de la culture.

Il s’agit d’encourager les enfants, les adolescents et les jeunes dans les groupes à être acteurs dans la lutte contre toute forme de violation des droits de l’enfant et stimuler l’émergence d’initiatives qui visent à créer des espaces pour le traitement spécifique de ces questions.

Les enfants peuvent être des acteurs importants dans:

les campagnes de sensibilisation du grand public ; les actions de plaidoyer auprès des décideurs et autres leaders d’opinion ; les actions d’information et sensibilisation à mener auprès d’autres enfants ; les actions promotionnelles au sein des communautés à l’intention des parents.

Au sein des groupes il faut faciliter l’acquisition de connaissances et de compétences en vue de la communication avec les pairs, c’est-à-dire la diffusion de messages (directement ou indirectement) par les enfants du groupe vers les autres enfants des quartiers et villages. En effet, les enfants sont de meilleurs transmetteurs d’informations vers les autres enfants. Surtout quand ils ont l’admiration de leurs pairs, ils peuvent les influencer de manière très efficace, comme par exemple dans l’évitement des conduites à risque et pour l’adoption d’habitudes favorables à la santé et au développement.

Les associations et groupements constituent aussi des réseaux de soutien aux enfants, en particulier pour les plus vulnérables. Avoir des camarades et des adultes de confiance de leur choix sont des éléments fondamentaux pour renforcer la résilience de l’enfant, surtout pour ceux qui vivent des situations de maltraitance et d’adversité. Des efforts doivent être faits pour ramener ces enfants à l’intérieur des groupements qui existent.

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1.3. Apprendre aux enfants à prévenir, éviter, faire face aux diverses formes d’abus, violence et exploitation

Un grand nombre de situations d’abus et exploitation peuvent se produire et se prolonger parce que les enfants sont incapables de reconnaitre clairement les comportements abusifs, ne savent pas s’il faut réagir et ne voient pas comment le faire. Or, selon leurs capacités évolutives, les enfants peuvent être des acteurs plus compétents en vue de leur propre autoprotection.

C’est d’abord dans la famille, à l’école et autres lieux de formation ou d’apprentissage que les capacités des enfants à s’auto protéger et à être des acteurs de la prévention dans leur milieu de vie doivent être forgées. Les parents (cf. 3.2), les enseignants et autres éducateurs doivent apprendre aux enfants à se protéger contre les risques d’abus.

Les comportements d’autoprotection et de protection étant spécifiques, ils doivent être traités en tant que thématique clairement posée. Il s’agit donc d’intégrer dans les programmes d’éducation civique ou dans les activités parascolaires des séances spécifiques de prévention de la violence. Au cours de ces séances, on amènera les enfants à reconnaitre les situations dangereuses et les comportements inacceptables et à anticiper les dangers potentiels. On insistera sur l’importance de ne pas s’isoler, de parler avec les pairs ou les parents ou toute autre personne de confiance, de faire de la résistance passive ou active, de signaler les cas de violence touchant leurs pairs, de s’organiser entre enfants face aux menaces individuelles ou collectives, de savoir chercher de l’aide. Il est nécessaire d’insister sur les comportements à suivre et les capacités à mettre en avant plutôt que sur les risques. Il s’agira aussi de proposer aux enfants des modèles positifs d’utilité et réussite sociale 12qui soient convergents avec leur intérêt supérieur et avec les intérêts des familles et de la nation.

Pour pouvoir être en mesure de réaliser ces actions auprès des enfants, les parents, les enseignants et autres éducateurs doivent être formés au cours des actions relatives au renforcement des compétences parentales et dans les curricula de formation des enseignants et être soutenus par la mise à disposition d’informations et de méthodes éducatives adaptées. Des supports pour ces activités (brochures, Bandes Dessinées, supports audiovisuels, et autres) doivent être produits et mis à leur disposition.

Ces actions peuvent aussi être réalisées à travers un partenariat entre les écoles et les CPS ou encore avec des organisations de protection de l’enfant.

1.4. Encourager systématiquement la participation de l’enfant

La participation éclairée de l’enfant doit être rendue systématique dans les divers contextes familiaux, communautaires et institutionnels dans lesquels l’enfant évolue. Lorsque des questions se présentent ou des décisions qui affectent l’enfant doivent être prises, il est indispensable que l’intéressé soit informé, questionné, invité à s’exprimer et que son avis soit pris en considération, compte tenu de son degré de maturité.

Cette recommandation doit faire partie de toutes les actions de communication et sensibilisation en faveur de la protection de l’enfant, comme une norme souhaitable dans les soins,

12 Diversifier les connaissances et les expériences des enfants pour qu’ils puissent souhaiter de devenir autre chose qu’instituteur ou infirmier (au village) et voyou (en ville) – Etude sur les causes structurelles de la traite

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l’éducation et la socialisation de l’enfant : les parents et autres éducateurs doivent être encouragés à dialoguer davantage avec leurs enfants.

En plus, des orientations précises sur la participation des enfants doivent être données à l’ensemble des acteurs institutionnels œuvrant avec et pour les enfants :

- à l’école, outre le fait que la participation doit être au cœur de l’approche pédagogique, les enfants doivent participer à l’élaboration des règlements scolaires et des règles disciplinaires au niveau de la classe et assumer des rôles dans le contrôle ;

- dans les processus d’insertion socioprofessionnelle, l’adolescent doit être consulté relativement au choix de formation et apprentissage et ses préférences et aptitudes doivent être prises en compte ;

- dans la prise en charge au titre de la protection, l’enfant doit être informé sur les phases du processus et sur les options possibles pour résoudre son cas et participer à l’élaboration du plan de prise en charge ;

- dans les cas d’infractions pénales à son égard, en particulier celles de nature sexuelle (harcèlement, viol), l’engagement des poursuites doit se faire selon la Loi et respecter la dignité de l’enfant ;

- lors de la réalisation d’études et enquêtes, des méthodes adaptées doivent être utilisées et des protocoles d’enquête et de restitution aux enfants doivent être établis et respectés.

1.5. Mettre en place des dispositifs de plainte à l’intention des enfants

Les enfants des écoles, ceux qui fréquentent des centres pour des activités sportives ou de loisir, et surtout ceux qui séjournent dans une institution doivent avoir accès à des voies de recours au cas où les adultes auraient des comportements interdits à leur égard (maltraitance physique, violence verbale, harcèlement etc.) et que soit nécessaire une intervention extérieure pour y mettre fin.

En général, les enfants ont de grandes difficultés pour dire aux adultes qui les encadrent qu’ils sont en train de souffrir des atteintes de la part d’une personne de leur entourage. Dans un milieu fortement régulé et institutionnalisé (école, centre d’accueil, ONG), ceci est rendu encore plus difficile par les règlements et les relations hiérarchiques en place.

Tout d’abord, les enfants doivent avoir l’information relative aux règles qui régissent l’institution pour savoir quels comportements sont admis et quels comportements sont interdits, pour eux et pour les adultes. Ensuite, il faut qu’ils sachent que se plaindre d’un comportement abusif est dans leur droit. Ils doivent connaitre la procédure à suivre pour faire une plainte et cette procédure doit être efficace, c’est-à-dire doit permettre que la plainte arrive effectivement à la personne qui a la responsabilité d’intervenir. Ces informations, règles et procédures doivent être explicites et affichées en lieu visible. Elles doivent être expliquées aux enfants, soit au début de l’année scolaire soit lors de leur arrivée dans le centre ou autre institution. Ils doivent aussi disposer de l’information relative aux institutions de protection de l’enfant qui existent dans leur zone et posséder le numéro de téléphone du CPS le plus proche.

A l’occasion des visites de supervision des Centres d’accueil, les assistants sociaux ou les membres d’une organisation de droits humains agréée doivent pouvoir s’entretenir avec les enfants en privé, la présence d’aucun personnel de la structure, pour que les enfants puissent s’exprimer librement.

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Toutes ces dispositions doivent faire partie des politiques de protection des écoles et autres institutions (cf. 3.4.)

AXE 2 - MOBILISATION SOCIALE

Objectif stratégique : Diffuser des perceptions et des comportements de protection des enfants auprès de la population  

Objectif spécifique : Renforcer les connaissances, aptitudes et pratiques d’éducation, d’encadrement et de protection de l’enfant de la part des familles et des communautés, surtout les plus à risque ;

Résultat spécifique : Un nombre croissant de parents et de communautés disposent de connaissances, attitudes et comportements d’encadrement et de protection de l’enfant

Tous les acteurs de la protection de l’enfant au Bénins’ accordent à reconnaître l’importance d’investir dans la sensibilisation comme stratégie de prévention incontournable dans un contexte communautaire. Le fait que les perceptions et les pratiques non protectrices des enfants persistent indique qu’il est nécessaire d’intensifier les actions de sensibilisation tout en renforçant substantiellement leur efficacité. En effet, les approches de sensibilisation qui ont été réalisées jusqu’à maintenant doivent être renouvelées par une compréhension plus approfondie des perceptions des différentes formes de violences et la mise en place d’actions plus appropriées. Il s’agit de:

- analyser de manière critique l’expérience passée ;- capitaliser sur les leçons apprises pour définir des actions plus pertinentes et plus efficaces ; - fixer de manière plus claire les objectifs des actions de « sensibilisation » et autres actions

apparentées (vulgarisation, conscientisation, mobilisation) ;- identifier de manière plus précise les cibles prioritaires et les méthodes préférentielles pour

chaque cible ; - définir les méthodes qui se montrent plus efficaces (par exemple faire une évaluation des

émissions interactives par la radio) ;- systématiser les contenus des actions de sensibilisation de manière à donner plus de

cohérence et de lisibilité aux messages véhiculés (systématisation du référentiel conceptuel);- mettre en place des dispositifs de sensibilisation  continue ;- mettre en place des dispositifs pour évaluer l’efficacité des actions de sensibilisationsuivant

leur réalisation ;- établir des nouveaux partenariats  (autorités religieuses, gardiens de la tradition, rois et

leaders des cultes) en vue de renforcer la sensibilisation.

Pour cela, il est indispensable de définir une stratégie intégrée comprenant les actions qui visent le changement de comportement. Cette stratégie devra spécifier :

- l’ensemble des actions d’information, de vulgarisation, de sensibilisation, de conscientisation et de mobilisation ayant comme but commun l’évolution positive des normes de protection de l’enfant ;

- les acteurs au niveau national et local : associations, ONG, institutions publiques, élus, autorités religieuses, médias, secteur privé ;

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- les formes organisationnelles des acteurs : partenariats, coalitions, plateformes, groupes de travail, réseaux de relais communautaires, etc.

- une zone de convergence conceptuelle ou menu conceptuel de référence dans lequel puiser selon les priorités, les préférences et les capacités locales (document de référence en matière de contenus) ;

- les supports nécessaires aux actions (répertoire, documentation et mutualisation des méthodes).

Cette stratégie comportera deux ensembles d’actions importantes, notamment la communication de masse par les médias et la communication de proximité (de visu), discutées ci-après.

2.1. Diffuser dans la société des connaissances, aptitudes et comportements favorables à la protection de l’enfant par les biais de la communication de masse

Le recours à la communication sociale de masse est indispensable pour réaffirmer les responsabilités légales et morales qui incombent à chaque citoyen vis-à-vis des enfants et pour induire dans la population une réelle prise de conscience des conséquences dommageables de la violence. Elle permet en fait d’accéder au grand public dans sa diversité, contribue à mettre en place le débat et aide à promouvoir la protection dans l’agenda gouvernemental.

Au sein de cette Politique, à la communication sociale est confiée la tâche de mobiliser la société et de faire évoluer les normes sociales. Il s’agit d’amener sans relâche le public vers une perception problématique des normes qui permettent la banalisation ou la tolérance des formes de violence reconnues comme nuisibles au développement harmonieux de l’enfant, et de montrer la voie vers des normes sociales qui lui soient plus favorables. Plus spécifiquement il s’agit pour la communication sociale de :

- informer le public sur les comportements susceptibles de causer des dommages au développement de l’enfant et en décrire les conséquences au niveau du développement de l’enfant, en privilégiant une approche « santé » ;

- informer le public sur les conséquences de la violence sur les enfants pour les familles, les communautés, la société et le développement, souligner la perte de capital humain qui en découle et la mise en danger du développement économique ;

- diffuser des concepts utiles pour améliorer les relations des adultes avec les enfants ;- indiquer les comportements tenir face à une violation touchant un enfant ;- diffuser l’idée que les enfants qui se trouvent dans des situations de violation doivent être

secourus  et que ceci est le devoir de tout un chacun;- démystifier l’idée de signalement ; - informer la population sur les services disponibles pour apporter l’assistance aux enfants et sur

les prestations qu’ils fournissent ;- renforcer la perception que les comportements interdits par la Loi sont des infractions

pénales et que toute infraction pénale doit être sanctionnée par les autorités compétentes.

Les activités de communication seront réalisées dans le cadre de partenariats entre les media et les structures gouvernementales et associatives de protection de l’enfant privilégiant :

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- la diffusion régulière de productions dans la presse écrite, de productions radiophoniques, télévisuelles et online, à caractère le plus possible interactif et réalisés avec le concours des enfants et des jeunes ;

-la réalisation de campagnes thématiques pour la divulgation des informations de manière intensive au cours d’une courte période ;

- l’organisation de conférences de presse visant à sensibiliser et à engager davantage de professionnels de média dans la lutte contre la violence de façon régulière par les agences nationales et au niveau local.

Les messages et les informations véhiculés par les médias apportent des éléments à chacun pour pouvoir apprécier davantage les comportements des uns et des autres et à terme, contribuent à modifier les comportements. Toutefois, le fait qu’un citoyen dispose des informations pertinentes sur les raisons d’un comportement souhaité – qu’il sache par exemple qu’ il est important de signaler aux autorités compétentes tout cas de violence, abus ou exploitation touchant un enfant et sache comment et où le faire - n’apporte pas en soi la garantie que le comportement souhaité suivra (que la personne fera effectivement un signalement aux services sociaux, à la police ou ailleurs). La démarche du dialogue social autour de la protection de l’enfant doit se raccorder avec celles d’autres domaines, comme les actions de promotion de la santé, de l’éducation et de la sécurité publique et doit être relayée par des interventions de proximité. La communication par les médias doit être relayée par le dialogue de proximité avec les communautés (cf. 2.2) et renforcée par la prestation de services de prévention aux familles (cf. 3.1, 3 .2). Ces stratégies complémentaires permettent de donner une cohérence et une continuité à la Politique.

2.2. Diffuser dans les communautés des connaissances, aptitudes et comportements favorables à la protection de l’enfant par le biais du dialogue de proximité

Le dialogue de proximité consiste en des échanges interpersonnels entre des animateurs et des groupes. Il couvre l’ensemble des activités indiquées comme IEC/CC (information, éducation et communication pour le changement de comportement), mobilisation sociale et diagnostic communautaire13. Ces méthodes, parfois indiquées aussi comme « animation sociale » ou « éducation sociale », sont particulièrement adaptées pour promouvoir le changement de comportement auprès de groupes et de communautés qui suivent des normes collectives dommageables. Ce sont des méthodes « constructives » qui privilégient la prise de conscience sur l’imposition top downde nouvelles normes.

Le dialogue de proximité permet de rapprocher la société « institutionnalisée » de la société qui se régit de manière plus traditionnelle. En effet, force est de reconnaître qu’un bon nombre de normes de protection de l’enfant ne sont pas homogènes dans la société béninoise et que les perceptions relativement à la norme souhaitable, y compris dans la question de la sanction en cas d’infraction, peuvent être divergentes selon les groupes.

Ce dialogue a pour objectif de faire prendre conscience aux parents et autres chargés d’éducation des besoins éducatifs et affectifs des enfants, des risques qu’ils peuvent courir dans l’environnement proche et dans le cas d’une séparation. Il sert à diffuser l’idée que chaque citoyen a le droit à la justice et le devoir de dénoncer les infractions.

13 Ministère de la famille et de la solidarité nationale – Secrétariat général du Ministère - Normes et standards des prestations de services en actions sociales, Avril 2011

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Le dialogue de proximité ne peut être efficace que si les arguments avancés sont pertinents pour les populations et que si les solutions à chercher sont construites avec la population. Pour renforcer la prévention à travers le dialogue de proximité et obtenir des changements de comportement de la part de ceux qui sont les cibles des actions, il est nécessaire de faire un travail en profondeur et de qualité. Il s’agit de :

- former davantage de travailleurs sociaux, éducateurs, activistes, animateurs et autres agents communautaires aux méthodes de l’animation communautaire : groupes focaux, groupes d’entraide, entretiens, plaidoyer, etc. ;

- doter les acteurs de moyens de déplacement et de matériels d’animation communautaire; - élaborer les référentiels, c’est-à-dire les argumentaires (les « éléments de langage » des

politiques) à mettre à la disposition des acteurs, en sachant que les références à la CDE ou à la CADBE doivent être complétées par des arguments non juridiques valables aux yeux des cibles (doivent être pertinents) tout en restant conforme aux principes et aux objectifs à atteindre ;

- élaborer des guides méthodologiques et des supports diversifiés, simples, facile d’utilisation et de transport, qui soient efficaces pour stimuler le débat (projections vidéo, fiches, théâtre) ;

Compte tenu de la persistance de certaines pratiques, il est nécessaire de renforcer la prévention par une présence et un accompagnement plus serré des communautés qui présentent une forte résistance au changement. Il serait très utile d’élaborer une « carte des pratiques traditionnelles dommageables », basée sur leur incidence et prévalence, pour pouvoir planifier ces actions de prévention sélective.

Pour promouvoir des changements de comportement durables et véritablement intériorisés le facteur temps est essentiel. Il est très important que le dialogue de proximité s’inscrive dans la durée. Les travailleurs sociaux et les autres acteurs qui travaillent dans la promotion de nouvelles normes doivent planifier une durée suffisante de leur intervention auprès de chaque communauté et de chaque groupe, « le temps qu’il faut pour opérer les changements voulus »14. Une première phase consiste à amener les communautés à réfléchir et à préciser leurs perceptions, attitudes et comportements dans les relations avec les enfants, dès leur plus jeune âge. C’est le premier pas vers une meilleure prise de conscience. Par la suite, cette sensibilisation / conscientisation doit être relayée par le partage de connaissances plus approfondies et un transfert de compétences qui permettent aux personnes d’abandonner ou de modifier effectivement certains comportements, d’en assumer d’autres plus favorables au développement harmonieux de l’enfant.

La sensibilisation des communautés doit se faire en utilisant les formes associatives et les regroupements déjà existants dans les communautés. L’implication des structures endogènes, créées de manière autonome par les propres membres de la communauté ou survécus grâce à une adaptation aux projets qui les ont installées (groupes de femmes, coopératives, groupement villageois, comités etc.), donne plus de pertinence aux actions de sensibilisation et permet de les ancrer davantage dans la vie communautaire. Les comités locaux de lutte contre la traite, implantés dans le pays au cours de la dernière décennie, constituent une base importante pour continuer le travail de sensibilisation et l’étendre à une prise en compte holistique de l’enfant, de son développement et de sa protection et doivent de ce fait, être renforcés.

14 Idem, ibidem

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Il est important de mettre en place de véritables collaborations entre les structures déconcentrées autour des CPS qui centralisent les activités de protection; de créer des partenariats avec les ONG et les collectivités locales dans le but de fournir de l’assistance technique et d’orienter les Mairiesdans les actions de sensibilisation des populations.

Dans certaines localités et dépendant des acteurs en présence, les travailleurs sociaux pourront opter pour la formation des leaders religieux et autres faiseurs d’opinion pour qu’ils relayent les messages de protection de l’enfant avec leurs audiences à l’occasion des rassemblements pour les fêtes religieuses, les cérémonies (funérailles, baptêmes, noces, fiançailles, etc.), les prières du vendredi, etc.

Aussi, compte tenu des spécificités des communautés cibles, il sera nécessaire d’associer au dialogue de proximité d’autres stratégies préventives collectives, notamment le plaidoyer auprès des décideurs pour l’amélioration de l’offre locale des services sociaux de base et autres initiatives de développement local. Ces stratégies contribueront à rehausser de manière générale le niveau de vie des populations et apporter une réponse aux divers déterminants de la problématique de la violence.

Pour que le dialogue de proximité puisse effectivement être accepté par les communautés et apporter des améliorations concrètes dans la vie des enfants et des familles, la stratégie d’intervention communautaire doit être adaptée aux circonstances locales et prendre en compte les besoins plus pressants des populations.

AXE 3 - SERVICES DE PREVENTION

Objectif stratégique : Réduire les facteurs de risques auprès des familles dont les enfants sont les plus exposés

Objectif spécifique : Augmenter le nombre d’enfants et de familles, surtout les plus à risque, touchés par les services de prévention

Résultat spécifique : Le nombre d’enfants et de familles touchés par des services préventifs augmente progressivement

Outre les actions de communication de masse et de proximité, la prévention se fera par le renforcement et la diversification de l’offre de services à la population. Il s’agit de services qui visent à apporter des bénéfices concrets aux enfants et à leurs familles par le biais de la réduction des facteurs de risque qui concourent à la violence et à l’exploitation des enfants. Les facteurs de risque principaux que les services de prévention doivent adresser en priorité sont le faible niveau socioéconomique de la famille, des compétences parentales insuffisantes et la faiblesse des contrôles des lieux et des institutions qui accueillent les enfants.

3.1. Diversifier et améliorer les services de soutien aux parents

Parmi les déterminants d’ordre matériel qui contribuent aux violences à l’égard des enfants, la pauvreté (monétaire et non monétaire) des familles est indiquée dans les études15comme facteur d’ordre matériel qui concoure à une protection insuffisante des enfants face aux situations de violence et d’exploitation. Les facteurs de risques se rattachent, entre autres :

15 Par exemple, dans le diagnostic de la Politique holistique de protection sociale au Benin (2013)

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- à la situation de précarité et à l’exposition des familles à des crises économiques (baisse de la production agricole, chômage, endettement) à des chocs saisonniers (mauvaises récoltes) et aux risques du cycle de vie (décès, maladie) avec, en contrepoint, une baisse des capacités de gérer ces risques en raison de mutations structurelles plus lentes mais plus importantes (effritement des solidarités, montée de l’individualisme, changements dans les configurations familiales, divorces) ;

- à la mauvaise répartition des charges familiales entre les parents, avec une charge excessive sur les mères contraintes à assumer seules les responsabilités pour les enfants en raison de la démission des pères, souvent dans un contexte de polygamie ;

- à la situation socioéconomique des femmes isolées ayant des enfants précocement, en dehors du mariage, ou dans d’autres situations problématiques qui font que l’enfant court le risque d’être abandonné ou lourdement négligé.

La réponse aux risques de type socioéconomique relève du domaine d’action de la protection sociale, dans son volet de protection des groupes vulnérables ne disposant pas de revenus suffisants pour faire face à la satisfaction des besoins essentiels et qui doivent être pris en charge par le dispositif national de protection sociale. Ce dispositif comprend des interventions visant à faciliter:

- l’accès des plus pauvres aux services de santé ;- l’accès de tous les enfants, en particulier ceux qui sont à risque de non scolarisation et

déscolarisation, à la scolarisation primaire, secondaire, professionnelle, aux écoles passerelles, aux services d’éducation de deuxième chance et d’alphabétisation fonctionnelle par des stratégies multiples d’exonération des frais de scolarité et d’appui matériel aux familles (fournitures, uniformes, cantine scolaire, goûters, etc.) ;

- l’accès à l’octroi de prestations de protection sociale (transferts sociaux directs) ou à d’autres appuis fournis notamment  par des associations, mutuelles communautaires, agences de microcrédit etc.;

- l’accès à des opportunités d’amélioration des revenus du ménage selon les programmes disponibles localement (comme les projets d’AGR) ;

- l’accès des familles en situation de précarité socioéconomique à des services de garde, de suivi de la croissance et développement et d’encadrement des enfants en bas âge ;

- l’accès des familles en situation de précarité socioéconomique à des services d’appui et de rééducation aux personnes porteuses de handicap ;

- la réinsertion sociale aux mères adolescentes.

Pour permettre aux familles des enfants pris en charge au titre de la protection d’accéder aux bénéfices de la protection sociale, Il doit être créé des passerelles entre les dispositifs de protection de l’enfant, les programmes et les dispositifs de protection sociale. Il s’agira de créer des synergies entre ces deux composantes de la politique sociale et d’assurer la continuité de la prise en charge de l’enfant et de la réponse aux besoins des familles, indispensable pour la stabilisation et la sécurisation de tous les enfants du ménage.

Les ONG qui proposent aux familles des opportunités pour améliorer leurs conditions socio-économiques devraient aussi prendre en compte la dimension géographique de la vulnérabilité et orienter leurs programmes prioritairement vers les populations dont les enfants sont les plus à risque de travail précoce et d’autres formes d’exploitation et abus.

Les appuis d’ordre matériel doivent être couplés dans la mesure du possible avec des actions visant à rehausser les compétences parentales. En effet, un bas niveau d’éducation des parents

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constitue un facteur de risque additionnel pour la gestion de risques et la protection de l’enfant. Les connaissances et les compétences des parents en matière de droits de l’enfant et de satisfaction des besoins de l’enfant au cours du développement sont limitées et influencent négativement les pratiques d’éducation et de socialisation des enfants. Ceci est référé parfois comme « ignorance des parents ». Il s’ensuit qu’en plus des actions de communication de masse et de proximité, et des appuis économiques, les parents doivent être soutenus de manière ponctuelle dans leurs fonctions éducatives. Des programmes de renforcement des compétences parentales sont importants pour éviter les risques de négligence et d’encadrement insuffisant ou problématique, de non scolarisation ou de déscolarisation, de mobilité à risque, placement et/ou mise au travail précoce des enfants, mariage précoce et autres.

Les appuis de ce type peuvent être fournis aux parents par  les services d’action sociale, les ONG, les organisations confessionnelles et autres institutions avec des fonctions éducatives, à travers l’organisation de groupes pour l’éducation à la parenté responsable et à la vie familiale. Un accompagnement individualisé préventif doit être mis en place pour les familles identifiées comme étant les plus à risque, couplé ou pas avec d’autres appuis, parmi ceux listés ci-dessus.

Il est très important de créer des synergies, de mutualiser les moyens et les personnels entre les programmes et les interventions sectoriels qui ciblent les parents et qui visent au renforcement de leurs compétences relativement à différents aspects de la vie des enfants. Lors des formations des relais communautaires et autres personnes censées œuvrer pour le bien-être familial et des enfants au niveau communautaire dans ces différents domaines, il faudrait créer des collaborations entre les secteurs en charge de ces formations – soit-il le secteur de la santé, de la nutrition ou encore de l’éducation - pour capitaliser les opportunités et réaliser des formations intégrées qui prennent aussi en compte le besoin des enfants d’être protégés contre les maltraitances ou autres violations.

La transmission de connaissances et le renforcement des compétences parentales peuvent être ainsi réalisés dans le cadre des services de santé. En effet, lors des consultations prénatales et post-natales, des séances de vaccinations des enfants, des consultations pour les enfants malades (et encore plus impérativement lors d’une hospitalisation de l’enfant), les personnels de santé (infirmière, médecin), appuyés par des travailleurs sociaux si possible, devraient donner des conseils aux parents et leur fournir des orientations qui ne soient pas relatives seulement à l’absence de maladie mais qui touchent à la sauvegarde et à la promotion de la santé de l’enfant dans son sens le plus ample. De même, les interventions de renforcement des compétences parentales de protection contre la violence peuvent être intégrées dans les programmes d’éducation nutritionnelle.

Les acteurs du système éducatif, en plus d’avoir un rôle de premier plan dans le renforcement des capacités d’autoprotection des enfants, devraient aussi veiller à contribuer au renforcement des compétences parentales, fut-il limité aux aspects relatifs à la scolarisation des enfants. En effet, la scolarisation et la réussite scolaire sont parmi les principaux facteurs de protection des enfants qu’il convient de renforcer. Les enseignants devraient établir des relations directes avec les parents des enfants qui sont source de préoccupation quant à leur comportement et rendement, ou qui vivent dans des conditions difficiles à la maison. A l’occasion de ces rencontres, ils devraient transmettre aux parents des notions de base pour que ceux-ci soient plus en mesure de soutenir leurs enfants pour favoriser leur développement complet. Ceci est d’autant plus important compte tenu de la capillarité des services éducatifs et de la relative insuffisance des services sociaux qui font que le maitre/la maitresse d’école soit appelé à des fonctions qui vont au-delà de la fonction enseignante dans les contextes où les services sociaux ne sont pas disponibles.

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Les personnels de tous les autres services dédiés aux enfants ou les personnes qui ont des contacts réguliers avec les familles et les parents devraient assumer ces fonctions d’orientation, de conseil et de soutien aux parents.

Finalement, les associations sont appelées à multiplier leurs interventions auprès des populations moins favorisées pour fournir aux parents des appuis dans leurs fonctions d’encadrement des enfants et aux enfants des activités éducatives qui permettent une utilisation positive du temps libre. Il s’agit de multiplier les services de :

- garderie et crèches ;- complémentation nutritionnelle (cantine scolaire, gouters, etc.) - scolarisation de la deuxième chance (alphabétisation fonctionnelle) ;- soutien scolaire ;- activités parascolaires, du temps libre, activités culturelles et sportives ;- apprentissage, qualification et formation professionnelle ;- interventions de rue pour la prévention des comportements à risque des adolescents ;- encadrement et accompagnement des enfants en mobilité ;- médiation familiale lors des conflits intrafamiliaux, séparations et divorces ;- traitement contre les dépendances.

En vue de favoriser une couverture territoriale adaptée qui réponde effectivement aux besoins des populations les plus démunies, l’implantation de ce type de services par les ONG sera toujours faite en partenariat avec les représentants du Ministère en charge de la famille, des Ministères sectoriels (sécurité, santé, éducation, communication, jeunesse et sports) et en concertation avec le réseau local de protection de l’enfant.

3.2. Renforcer les actions d’encadrement des enfants en milieu ouvert

Comme tout le monde peut l’observer, un certain nombre d’enfants, scolarisés ou pas, passent une bonne partie de leur journée dans les rues, dans les marchés, occupés dans des activités censées leur apporter des moyens de subsistance et éventuellement engranger des revenus supplémentaires pour les familles, ou s’y trouvent après avoir fugué de la maison suite à des conditions de vie et des relations familiales difficiles. Ce phénomène, appelé couramment le phénomène des « enfants de rue », est typique des grandes villes du pays et des lieux où existent des opportunités économiques (comme les marchés, les sites touristiques et les plages). Ces enfants ont des liens parfois très minces et problématiques avec leur famille d’origine ou de confiage, seulement un pourcentage minime de ces enfants retourne dans une résidence pour la nuit ou passe la nuit dehors occasionnellement.

D’autres enfants et adolescents se retrouvent dans les zones « chaudes » et très fréquentées des villes, à des heures généralement nocturnes, engagés dans des comportements à risque : la consommation de boissons alcoolisées, de substances stupéfiantes, la prostitution, qui sont fréquemment le résultat d’un encadrement très insuffisant ou problématique de la part des adultes.

L’intervention nécessaire auprès de ces enfants et adolescents est dénommée le « travail de rue » ou encore le « travail en milieu ouvert ». Elle est le fait d’éducateurs qui ont des compétences spécifiques pour rentrer en contact avec ces enfants de la manière la plus appropriée, pour établir des relations de confiance et pour les faire adhérer à des initiatives qui visent à leur fournir une éducation ou une formation professionnelle, parfois même une résidence temporaire.

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Ces interventions doivent être multipliées de manière à assurer un encadrement positif de ces enfants, tout d’abord dans les grandes villes du pays. Des partenariats spécifiques et des financements convenables (par exemple avec le secteur privé) devraient faciliter l’engagement du secteur associatif dans ce domaine.

3.3. Renforcer le contrôle des lieux publics, de travail et des frontières

Il est nécessaire de renforcer le contrôle des lieux publics qui sont interdits aux enfants (hôtels, motels, maisons closes, bars, débits de boissons) et des espaces publics où les enfants ne doivent pas se trouver le jour ou encore moins la nuit parce qu’ils y sont exposés à des risques majeurs pour leur sécurité.

Les forces de sécurité sont préposées à cette tâche qui fait partie de leur mandat d’assurer l’ordre public par une présence physique auprès de la population. Les activités de prévention des forces de sécurité doivent prendre davantage en considération la protection des enfants et assurer des visites de secteur, patrouille et activités de contrôle plus fréquentes de façon ciblée et efficace.

Le renforcement du contrôle systématique des postes de frontière est indispensable pour décourager la mobilité des enfants non accompagnés et pour prévenir les déplacements illégaux d’enfants en vue de leur vente, exploitation ou adoption illégale.

En outre, les lieux de travail, surtout ceux qui représentent des risques importants pour les enfants et qui font partie de la liste nationale des pires formes de travail de l’enfant (sites miniers, ports de pêche, abattoirs, bâtiment et autres), doivent faire l’objet d’un contrôle plus systématique de la part des inspecteurs du travail, censés assurer le respect de la législation nationale relative au travail et à l’emploi.

Ces activités de contrôle ont pour objectif de dissuader les enfants à s’y rendre et d’identifier les adultes ayant une part de responsabilité, en vue de l’engagement de poursuite selon la législation en vigueur. Les enfants identifiés au cours de ces activités doivent être systématiquement référés aux services sociaux et aux ONG, par des réquisitions si nécessaire. En effet, la responsabilité d’abriter les enfants ne peut pas échoir à la police, sauf dans des cas exceptionnels. Pour cela, les services de sécurité doivent disposer du répertoire actualisé des services et structures de prise en charge des enfants de la zone d’intervention de leur compétence et leur confier les enfants dès leur identification.

3.4. Edicter les normes de protection de tous établissements et services dédiés aux enfants

Comme toute institution, les structures et les services fréquentés/dédiés aux enfants peuvent constituer un terreau fertile pour les mauvais traitements et les abus. Cette violence institutionnelle est produite par le propre mode d’organisation et de fonctionnement de l’institution, qui relègue les enfants à des rôles passifs et secondaires, ou par les comportements des personnes vis-à-vis des enfants à l’intérieur de celle-ci (négligence, menaces, agressions, abus etc.). Toutes les structures qui fournissent des services aux enfants et celles dans lesquelles les enfants passent plusieurs heures par jour ou séjournent pour des périodes plus ou moins longues sont exposées aux risques de violence

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institutionnelle, indépendamment de l’esprit qui a guidé leur organisation et des intentions des personnes individuelles.

Il est donc indispensable que tous les établissements et services fréquentés par les enfants de manière sporadique, régulière ou prolongée prennent des mesures pour prévenir la violence institutionnelle. Cette obligation s’applique aux services de l’Etat tout comme aux services gérés par les associations. Ces mesures doivent être rassemblées dans un document qui définit la « politique de protection de l’établissement ». L’élaboration de ces normes explicites de protection de l’enfant est le premier pas vers une prévention efficace de la violence institutionnelle.

Pour ce qui est du secteur de l’éducation, les écoles et les centres de formation professionnelle qui disposent des règlements intérieurs devraient les réviser en fonction des orientations contenues dans cette Politique. En plus des règlements scolaires de chaque école, il est indispensable que le secteur se dote d’une réglementation unifiée qui comble les lacunes des textes actuels, définisse clairement les obligations professionnelles et la déontologie enseignante, renforce les sanctions disciplinaires à l’encontre des enseignants qui enfreignent aux règles, rendant systématique la radiation en cas d’abus sexuel et finalement qui indique clairement le cadre institutionnel, la chaine de responsabilité et la procédure pour l’application des sanctions disciplinaires.

Les autres structures qui doivent disposer individuellement d’une politique de l’établissement en matière de protection de l’enfant, faisant état de normes explicites relatives à l’organisation interne et à la régulation des comportements des personnels, sont :

- les centres d’accueil16 ;- les internats ; - les centres d’apprentissage et de formation professionnelle ;- les centres qui dispensent des services aux personnes/enfants handicapés ;- les écoles coraniques ;- les couvents vodoun ;- les hôpitaux.

Ces normes doivent être consignées dans un document écrit, qui indique clairement quelles sont les dispositions prises par les responsables du service ou de l’établissement pour assurer un accueil , un traitement professionnel et bienveillant et pour prévenir les mauvais traitements et les abus à l’encontre des enfants. Ces normes peuvent prendre la forme d’un règlement intérieur qui indique :

- les règles qui régissent l’ensemble des personnes ; - les comportements souhaitables de la part des adultes et des enfants pour une meilleure

efficacité du service et l’établissement d’un climat positif ; - ce qui est interdit aux adultes de faire dans leur relation avec les enfants ; - ce qui est interdit aux enfants de faire;- les sanctions prévues en cas de non-respect des règles de la part des adultes ou des enfants,

modulées en fonction de la gravité des infractions ; - la chaine de responsabilité dans l’identification et réaction aux écarts de comportement.

16Les Centres d’accueil et protection de l’enfant (CAPE), notamment les structures d’accueil, disposent d’un document de Normes et Standards. Ceci ne les exonère pas d’avoir un document de protection de l’enfant. Il est indispensable que chaque structure, en plus des Normes et Standards, rédige son document de protection de l’enfant, de préférence avec la collaboration des enfants et qu’elle l’affiche en lieu visible.

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L’existence d’une politique précise de protection de l’enfant d’un établissement permettra d’identifier les écarts par rapport à ces normes ; de servir de cadre de référence pour l’application si nécessaire, de sanctions au cas où ces normes ne seraient pas respectées et de servir de cadre de référence pour les activités de supervision et de contrôle.

Les structures qui accueillent des enfants avec prise en charge de tous les besoins fondamentaux y compris l’hébergement mais qui ne se définissent pas comme des Centres d’Accueil et de Protection d’Enfants (CAPE) doivent disposer des règles plus précises et contraignantes. Il s’agit, entre autres, des internats, couvents vodoun et écoles coraniques/madrasa. Les risques de violence institutionnelle sont en fait beaucoup plus importants lorsque les enfants sont totalement à la charge de « personnels » ou « maîtres » en dehors de leur cadre familial et sont hébergés pour des périodes plus ou moins longues. Les normes de protection pour ces structures doivent contenir, en plus des normes générales de protection mentionnées ci-dessus, les paramètres physiques et de fonctionnement pour l’infrastructure, les standards pour la prise en charge des besoins fondamentaux des enfants, les ratios, les emplois du temps, le profil des responsables, les conditions pour l’obtention de l’agrément et les modalités de supervision (qui est en charge de la supervision, avec quelle périodicité et quelles sont les sanctions applicables). Quant aux enfants pouvant être admis, elles doivent indiquer la finalité du séjour, l’âge minimum d’admission, la durée et la période à laquelle se fera le séjour.

AXE 4 - DETECTION ET SIGNALEMENT

Objectif stratégique : Rendre systématique la détection et le signalement des cas de violence

Objectif spécifique : Augmenter les taux globaux de signalement

Résultat spécifique : Le nombre de signalements aux autorités compétentes de cas de violations touchant des enfants augmente

Pour avoir un véritable système de protection de l’enfant au Bénin, il est indispensable que la population perçoive certains comportements et actes à l’endroit des enfants comme constituant des violations et qu’elle les porte à la connaissance des autorités compétentes. Ce signalement permet d’apporter l’assistance à l’enfant et à la famille et d’intervenir si nécessaire, pour contrôler le comportement de l’auteur, par voie de persuasion, de répression par la force de la Loi.

Le signalement est un terme générique qui indique différents types d’actions :

1. information portée par l’enfant, les parents ou des tierces personnes aux autorités administratives sur un cas de violation vis-à-vis d’un enfant (services sociaux, enseignants, infirmiers etc.)

2. information portée par une tierce personne qui possède des indices – mais pas de preuves - sur une violation  aux autorités répressives (forces de sécurité, Procureur, Tribunal) ;

3. dépôt de plainte relativement à une violation de la part des responsables pour l’enfant aux autorités judiciaires ;

4. dénonciation aux autorités judiciaires sur une violation impliquant un enfant, faite par une tierce personne, y compris par les pairs.

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De grands efforts ont été fournis au Bénin par tous les acteurs de la protection pour renforcer ces divers types de signalement. Les actions de sensibilisation portant spécifiquement sur la nécessité de signaler aux autorités les infractions commises sur les enfants ont été très nombreuses. Tous les acteurs – les services sociaux, les ONG, les acteurs de la sécurité et de la justice – se sont essayés à persuader la population du bien-fondé du recours à la justice. En plus de ces nombreuses initiatives de sensibilisation par les médias et par le dialogue direct, des Comités de lutte contre la traite ont été mis en place suite à la mobilisation des communautés dans le cadre du programme de lutte contre le travail et la traite des enfants. L’Office Central de Protection des Mineurs (OCPM), qui a compétence nationale, s’est doté de numéros verts pour permettre des appels gratuits. Plan Bénin a appuyé cette structure dans la mise en place d’une plateforme de messagerie gratuite qui comprend aussi les CPS.

Malgré ces efforts, diverses analyses mettent en exergue la faiblesse actuelle du signalement. Les études indiquent qu’il existe en effet un écart important entre l’incidence des situations de danger et de violation à l’égard des enfants et le nombre de signalements aux organes de la sécurité, aux services sociaux ou à d’autres intervenants.

La faiblesse actuelle du signalement peut être imputable, entre autres, au fait que dans le discours et dans la pratique des acteurs de la protection de l’enfant le signalement ressort au sens répressif, comme information portée aux autorités judiciaires en vue de la répression. Le signalement est faiblement perçu comme une information visant à assurer que l’enfant soit secouru. Dans ce sens, la résistance au signalement serait largement en liaison avec la préférence pour le règlement à l’amiable et la résistance à recourir aux instances répressives.

Un autre élément qui semble contribuer à la faiblesse du signalement aux services sociaux en vue de secourir l’enfant est la perception des CPS qui prévaut auprès de la population qui aurait le plus besoin de leurs services. Une partie de la population ne connait pas véritablement les services qu’on peut y trouver et continue à identifier les CPS comme des services de surveillance nutritionnelle ou de secours sociaux. Dans les contextes où la lutte contre la traite a donné visibilité aux relations entre les travailleurs sociaux et la gendarmerie, les CPS sont même perçus comme des « gendarmes sociaux », ce qui ne favorise pas leur acceptation par la population.

Face à cette situation et pour développer le signalement, il convient d’éclairer la population sur le fait que signaler un cas est avant tout une obligation morale et une manière de garantir une assistance à l’enfant. L’assistance à l’enfant et sa mise hors danger sont les objectifs principaux du signalement.

Il est donc important de diffuser dans la société, auprès des enfants, dans les institutions, dans les services, dans les communautés, l’idée que chaque fois qu’un enfant est en situation de danger grave ou subit une atteinte, il faut contacter en priorité les services sociaux pour donner l’information – sauf dans les cas d’extrême gravité bien entendu, quand l’intervention de la police est indispensable. Ce sera aux personnels des services sociaux d’évaluer la situation et de considérer l’opportunité de conseiller aux parents un dépôt de plainte ou de signaler eux-mêmes le cas aux organes de sécurité. Cette stratégie permet de renforcer le rôle des services sociaux comme interface dans les cas de protection de l’enfant entre la population et les institutions répressives. Elle est fondamentale pour assurer que l’intervention prioritaire auprès des parents sera de type social et non répressif (sauf dans les cas graves). Il faut aussi faire comprendre qu’il est important d’agir dès le premier épisode et non pas attendre que la violation se répète, puisque les dommages sur l’enfant ne feront que s’aggraver.

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4.1. Renforcer la détection et diversifier les dispositifs de signalement

Pour pouvoir apporter une assistance à l’enfant qui a subi ou vit une situation de violence et pouvoir de ce fait réduire les dommages qui en découlent, il faut tout d’abord renforcer la détection des cas dans tous les services dédiés aux enfants :

dans les écoles : les enseignants et autres personnels éducatifs doivent disposer des connaissances nécessaires pour déceler auprès des apprenants, les signes de la violence ;

dans les hôpitaux et dans les centres de santé : les infirmiers, les médecins, les services sociaux des hôpitaux doivent être attentifs au cours de toutes les activités auprès des enfants (vaccinations, consultations, hospitalisations) et déceler les signes éventuels d’atteintes ;

dans les activités de soutien scolaire, loisirs, sports et autres avec des groupes d’enfants.

Les rondes et autres contrôles préventifs des forces de sécurité et les inspections du travail sont d’autres stratégies fondamentales pour identifier les enfants qui ont besoin de prise en charge et les éventuels auteurs de violations à leur égard.

Tous les enfants identifiés comme étant en danger ou victimes doivent être signalés aux services sociaux en vue d’une prise en charge.

Le signalement est le pivot de tout le système de protection de l’enfant, puisqu’il permet de raccorder les actions de prévention/sensibilisation avec la prise en charge de l’enfant et la répression de l’auteur. En raison de cette importance capitale, la publicité des diverses modalités de signalement doit être un élément clef dans les interventions de renforcement des capacités des enfants (cf. 1), de communication par les médias (cf. 2.1), de dialogue de proximité (cf. 2.2.) et dans l’offre des services de prévention (cf. 3).

Toute la population doit être au pair des dispositifs de signalement existant et y avoir accès aisément. Pour cela, les dispositifs de signalement doivent être diversifiés. Il est surtout important de déployer les dispositifs qui permettent à l’informateur de garder l’anonymat (lignes vertes, messagerie), compte tenu des contraintes communautaristes qui caractérisent les relations sociales et qui sont un frein majeur au signalement.

Les stratégies qui suivent concourent à renforcer le signalement. Quelques-unes sont spécifiques, d’autres sont des stratégies ayant des objectifs multiples, et parmi elles, celles du signalement :

- apprendre aux enfants à signaler (cf. 1.1) y compris par le biais du dispositif de plainte (cf. 1.5) ;

- multiplier les activités de communication sociale par les médias locaux sur l’importance du signalement  (cf. 2.1.);

- souligner l’importance du signalement au cours de toutes les interventions de dialogue de proximité (cf. 2.2.) ;

- former davantage de relais communautaires qui puissent contribuer à sensibiliser la population qui exercent une fonction de « surveillance » et qui sont en permanence en lien avec les CPS (cf. 2.2.) ;

- étendre la mission des Comités locaux de lutte contre la traite à toutes les formes de violence, abus et exploitation des enfants et les dynamiser en apportant des nouvelles sensibilisations et formations ;

- améliorer les dispositifs des lignes vertes existantes ;

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- conduire des actions d’information à la population sur la mission et les services proposés par les CPS en lien avec le signalement  (cf. 2.2.) ;

- informer la population (par exemple par les radios) sur les ONG de la localité qui peuvent recevoir des signalements et les transmettre aux autorités compétentes ;

- introduire les descentes dans les lieux à risque de leur zone dans les cahiers de charge et les emplois du temps des travailleurs sociaux des CPS ;

- renforcer et multiplier les postes « SOS » à l’intérieur de grands marchés du pays; - renforcer la détection (repérage) en milieu hospitalier et dans les centres de santé au cours

de consultations par tous les personnels de santé et introduire une procédure de dénonciation des cas aux autorités judiciaires ;

- introduire la surveillance et le repérage des cas dans les cahiers de charge des travailleurs sociaux des hôpitaux en vue du signalement, si nécessaire, aux services sociaux ;

- renforcer les capacités de détection (repérage) des enseignants et des autres personnels-des établissements scolaires en vue du signalement aux services sociaux et introduire une procédure de dénonciation des cas aux autorités judiciaires;

- Protéger davantage les dénonciateurs des cas de violations faites aux enfants ;- élaborer et mettre à la disposition des personnels des services au contact avec les enfants

et les familles (structures de santé et établissements éducatifs en priorité) une procédure de signalement vers les services sociaux.

Tout cas signalé aux services sociaux ou à une autre structure doit être enregistré, pour permettre entre autres de suivre la capacité de réponse des structures par rapport aux cas signalés.

En plus de renforcer le signalement aux services sociaux, il est aussi fondamental d’assurer que lorsque le cas constitue une infraction à la loi, qu’il soit porté à la connaissance des autorités policières et judiciaires. Le signalement aux autorités répressives – comme plainte ou dénonciation – de par son importance fait l’objet d’un axe stratégique de la présente politique, notamment l’Axe 6.

AXE 5 – PRISE EN CHARGE

Objectif stratégique : Etendre et améliorer la qualité de la prise en charge des enfants fortement exposés ou ayant subi une violation  

Objectif spécifique : Apporter une assistance de qualité à un nombre croissant d’enfants ayant subi une forme de violence

Résultat spécifique : Augmentation du nombre d’enfants ayant subi une forme de violence et disposant d’un plan de prise en charge

Chaque fois que le cas d’un enfant fortement exposé ou touché par une forme de violence, abus ou exploitation est porté à la connaissance des acteurs de la protection, la prise en charge du cas s’impose. Cette prise en charge est un droit de l’enfant et une obligation de l’Etat, premier garant de la sécurité des citoyens et de la protection de l’enfant. Il revient ainsi à l’Etat de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que les institutions compétentes pour la prise en charge soient opérationnelles sur tout le territoire national. Par conséquent, l’enfant est titulaire et acteur de sa protection et la prise en charge doit lui être garantie.

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Les institutions mandatées dans ce domaine sont les structures déconcentrées du Ministère en charge de la famille et de la protection de l’enfant. Les CPS ont ainsi la responsabilité de porter une assistance à l’enfant. Lors d’un signalement ou d’une sollicitation directe par le(s) intéressé(s), les CPS doivent intervenir auprès de l’enfant et de la famille pour gérer la situation. Dans les circonstances où la garde de l’enfant doit être modifiée, ils exécutent les décisions prises par l’autorité judiciaire.

La prise en charge peut être exécutée par des ONG habilitées. Dans tous les cas, en vertu de la responsabilité étatique sur le devenir des enfants, les services étatiques doivent suivre l’ensemble des cas.

Le processus de prise en charge des enfants fortement exposés ou victimes de violence et exploitation est un processus qui a pour objectif de mettre en place une protection à la fois immédiate et durable pour l’enfant. Plus spécifiquement la prise en charge vise à :

mettre un terme à la situation abusive ; minimiser les conséquences immédiates de la violence sur le plan physique et psychologique ; aider l’enfant à récupérer durablement son bien-être et son équilibre ; développer la capacité d’auto protection de l’enfant ; renforcer la protection de l’enfant de la part de la famille et de la communauté.

Pour pouvoir atteindre ces objectifs, la prise en charge comprend un ensemble d’actes de nature diversifiée, prioritairement de nature psychosociale et, selon les circonstances, aussi de nature médicale et juridique. La prise en charge de l’enfant doit être personnalisée et centrée sur l’enfant. Elle doit intégrer les mécanismes communautaires de protection de l’enfant et l’utilisation des ressources locales. Les actes qui composent la prise en charge sont fournis en conséquence par une multiplicité d’acteurs : travailleurs sociaux chargés de la protection de l’enfant, médecins, infirmiers, policiers, magistrats. Pour que cette prise en charge soit efficace et ne produise davantage de dommages à l’enfant, tous les acteurs doivent faire preuve d’une éthique irréprochable et travailler en parfaite collaboration autour d’une plateforme de contact.

5.1. Améliorer la qualité de la prise en charge

Actuellement, il existe des documents portant sur l’offre d’assistance aux personnes se trouvant dans des circonstances difficiles. Les orientations générales pour les assistants sociaux opérant dans les CPS sont contenues dans le document de Normes et standards de prestations de services en actions sociales, publié par le MFSNPHPTA en 2011. Elles comprennent des prestations d’appui et d’accompagnement psychosocial. D’autres directives pertinentes sont celles pour la prise en charge des OEV et les procédures pour la prise en charge des enfants victimes de traite.

Pour favoriser l’amélioration de la qualité des processus de prise en charge au titre de la protection de manière homogène sur tout le territoire national et quel que soit l’acteur, il sera opportun de verser les orientations existantes, de les harmoniser et de les détailler davantage dans un document unique de normes et standards de prestation de services de protection de l’enfant qui donne des orientations spécifiques aux assistants sociaux et aux autres acteurs impliqués dans la prise en charge de l’enfant victime de violence17. Ce document doit décrire en détail, entre autres :

17 Un document pertinent est aussi celui des « Procédures opérationnelles standard (SOP) pour la prévention et le traitement des violences basées sur le genre au Benin, actuellement en phase d’élaboration. Toutefois, ce

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- la composition de la plateforme de contact ;- les rôles de chaque intervenant ;- le contenu des prestations fournies par chaque intervenant ;- les circuits et la séquence de la prise en charge ;- les modalités de communication, de synergie opérationnelle et de gestion systémique des cas

acteurs de la prise en charge  et les outils utilisés à cette fin ;- les modalités de recueil de la parole et de l’opinion de l’enfant ;- les droits et devoirs des parents.

En plus des orientations communes, chaque intervenant doit disposer d’orientations méthodologiques spécifiques relatives aux prestations qu’il doit fournir. Pour les intervenants dans le domaine social, ces orientations approfondiront les orientations contenues dans les normes de prestations en actions sociales existantes.

Pour les prestations d’ordre sanitaire, il est nécessaire d’élaborer un protocole national de prise en charge médicale de l’enfant victime de violence, y compris de la violence sexuelle, qui aura comme objectif fondamental d’assurer une prise en charge appropriée et axée sur l’intérêt supérieur de l’enfant.

Pour ce qui est du traitement du cas au niveau des organes juridictionnels, il est nécessaire d’élaborer des directives pour le placement de l’enfant en dehors de son milieu familial et pour une meilleure protection des enfants impliqués dans des procédures judiciaires (cf.6.3).

Tous ces documents devront faire l’objet d’ample consensus, reproduction, diffusion et formation des intervenants sur toute l’étendue du territoire national.

5.2. Accroitre les capacités de prise en charge par les services sociaux

A la faiblesse du signalement mentionné, correspond un niveau quantitatif de prise en charge par les services sociaux qui se situe en deçà des besoins nationaux, c’est-à-dire qu’un grand nombre d’enfants qui sont victimes de violence ne reçoivent pas d’assistance institutionnelle18.

La Politique donne la priorité à la prévention. Toutefois, si les efforts pour systématiser le signalement donneront des fruits, il est assez probable que la demande de prise en charge de protection augmentera substantiellement. Cette demande devra alors être satisfaite, sous peine de délit d’omission de la part de l’Etat. Une incapacité à satisfaire la demande provoquerait aussi un nouvel affaiblissement du signalement, un retranchement de la population et une désertion des services.

Il est donc nécessaire d’augmenter les capacités des structures publiques, notamment les CPS, par un renforcement de l’effectif ayant des compétentes pour la prise en charge des cas de protection et affecté au service compétent (actuellement le service de promotion de l’enfance).

Compte tenu des difficultés à recruter des personnels étatiques pour augmenter les capacités de prise en charge, il est aussi indispensable de compter sur la collaboration des ONG à travers une clarification des rôles respectifs définie localement au niveau de la plateforme de contact. En effet, la

document ne pourra pas orienter la prise en charge au titre de la protection de l’enfant, une fois que celle-ci repose sur des fondements autres que l’accompagnement des personnes adultes (instituts juridiques de la responsabilité parentale, de la garde et de l’adoption, du placement alternatif et autres) 18Cf. Tableau de bord social, TBS 2012- 2013

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collaboration entre les CPS et les ONG doit être basée sur une répartition claire des tâches et sur une évaluation claire des besoins locaux, et non pas sur une duplication des mêmes rôles.

Pour pouvoir répondre à la demande de prise en charge, les CPS doivent aussi être dotés d’infrastructures, équipements, moyens de fonctionnement, de communication et de déplacement appropriés.

5.3. Renforcer la protection judiciaire de l’enfant victime

On remarque actuellement une implication limitée des autorités judiciaires dans les processus de prise en charge des enfants victimes. Or, selon les dispositions de la loi en vigueur19, le rôle de protection de l’enfant qui incombe aux autorités judiciaires est fondamental : l’autorité judiciaire est la seule habilitée à prendre des décisions de puissance publique visant à fournir une protection à l’enfant en situation de risque.

Les mesures de protection que le Juge peut prendre (retrait de l’enfant de la situation de danger, placement de l’enfant sous la garde d’une tierce personne ou dans un établissement) fournissent une protection indispensable pour les enfants qui ne peuvent pas rester sous la responsabilité des parents ou des personnes qui en ont de facto la garde, compte tenu des dysfonctionnements graves dans la manière dont ceux-ci s’acquittent de leurs responsabilités ou du traitement qu’ils infligent à l’enfant (travaux forcés, maltraitance, etc.).

Selon la législation en vigueur, le Président du Tribunal est le magistrat compètent pour prendre ces mesures de protection de l’enfant. Il peut déléguer cette fonction au Juge des mineurs. Tous les placements de l’enfant en dehors de la garde de ses parents (dans une famille d’accueil, dans un centre d’accueil) doivent se faire sous la supervision du Président du tribunal ou du Juge des mineurs sur la base d’une ordonnance de placement établie suite à une enquête sociale. Tout placement en situation d’urgence doit être régularisé dans les meilleurs délais.

Dans l’attente d’un texte législatif qui règle la question des compétences des différents acteurs de la chaine de prise en charge, cette Politique préconise une stricte collaboration entre le Tribunal et les services sociaux pour le suivi des enfants qui,au cours du processus de prise en charge ou à son issue, ne restent pas sous la garde directe de leurs parents. Le Président du Tribunal est ainsi chargé de vérifier que les services sociaux réalisent toutes les diligences nécessaires à la prise de décision de placement, notamment au minimum l’élaboration d’une étude diagnostic de qualité et élaboration du plan de prise en charge avec, sitant que possible et approprié, participation de la famille et de l’enfant. Le magistrat doit être convaincu de la nécessité du placement, avant de rendre gratuitement l’ordonnance. De cette manière, il sera possible d’éviter un éventuel placement ou adoption de l’enfant qui ne soit pas une mesure exceptionnelle, justifiée et nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

L’autorité judiciaire est aussi responsable pour le suivi des enfants placés et pour réviser la mesure de placement provisoire si une autre solution de type familial n’a pas pu être trouvée dans un délai de deux mois.

19 Voir Art. 425 Code des personnes et de la famille qui fait référence à la situation de danger physique ou moral.

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Finalement, l’autorité judiciaire est la seule habilitée à formaliser l’adoption de l’enfant suite à un processus administratif conduit par les services chargés de la protection de l’enfant, qui sera d’autant plus rigoureux que la solution est définitive. Les services sociaux veilleront à trouver pour l’enfant adoptable une adoption nationale, qui doit primer sur l’adoption internationale, dans le respect du droit de l’enfant à l’identité20.

5.4. Structurer le sous-système de la protection de remplacement

Le sous-système de la protection de remplacement vise à assurer une prise en charge alternative pour les enfants qui sont privés de protection parentale. Il rassemble et crée les liens entre tous les services et les modalités d’accueil et hébergement de l’enfant en dehors de son milieu familial au titre de la protection21. Il est strictement relié aux services étatiques de protection de l’enfant, pour lesquels il constitue un recours lorsque l’enfant a besoin d’être accueilli et qui réciproquement ont la charge de sa supervision. Il constitue aussi un recours essentiel pour les forces de sécurité qui, ayant trouvé un enfant égaré, abandonné ou en situation de danger, peuvent solliciter les services sociaux pour un placement d’urgence.

L’élaboration et l’adoption d’un décret portant Normes et standards applicables aux Centres d’accueil et de protection d’enfant en République du Benin a marqué une avancée majeure dans le domaine de la protection de l’enfant et plus particulièrement dans la protection de remplacement. Comme indiqué dans 3.3., les normes sont indispensables pour assurer un standard de qualité de la prise en charge par des structures différentes par vocation et pour prévenir toute dérive de maltraitance, de négligence ou d’abus.

En plus des Normes, qui constituent une avancée notable, il est indispensable de structurer le système de la protection de remplacement regroupant tous les services et structures impliqués.22Il s’agit notamment:

- de définir les conditions dans lesquelles une protection de remplacement est possible ;- de clarifier les responsabilités et les rôles au sein des services sociaux et de l’appareil judiciaire ;- de mettre en place les différentes options :

o pour l’abri d’urgence des enfants trouvés sur la voie publique sans surveillance ou en situation de déplacement illégal ;

o le placement temporaire des enfants qui ne peuvent pas rester sous la garde de leur famille ou dans leur domicile habituel ;

o pour le placement de longue durée des enfants rejetés par les familles qui ne sont pas adoptables.

La séparation de l’enfant de ses parents ou son déplacement vers un autre domicile doit être une décision prise dans son intérêt supérieur sur la base d’une évaluation très rigoureuse. En cas de

20Dans l’attente de la ratification de la Convention de la Haye en matière de protection et adoption internationale, il est préconisé que les efforts portent sur la structuration/renforcement du système d’adoption nationale. 21 Ceci veut dire que par exemple quand l’enfant entre dans une institution aux fins de scolarisation (par ex. internat) cet internat ne constitue pas une structure du sous-système de la protection de remplacement. 22Voir les orientations fournies dans les Directives des Nations Unies pour la protection et la prise en charge alternative des enfants sans protection parentale adoptées en 2009.

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présence dans le foyer de l’auteur de l’abus sur l’enfant, le Juge doit considérer l’opportunité d’éloigner l’auteur du domicile familial plutôt que d’infliger à l’enfant un placement.

Compte tenu du droit de l’enfant à la vie familiale et communautaire, qui est nié lors d’un placement en institution, la priorité doit être donnée à des solutions de type familial, comme le placement auprès d’un membre de la famille élargie ou, à défaut, le placement dans une famille d’accueil. Pour cela, il doit être organisé un réseau de familles d’accueil. Il s’agit de solutions plus adaptées aux enfants et beaucoup moins onéreuses. Dans tous les processus de prise en charge, le placement institutionnel (dans un centre d’accueil) doit être envisagé comme une solution de dernier recours. Aussi, est-il indispensable d’éviter par tous les moyens le placement dans une institution d’accueil des enfants de moins de trois ans. Les enfants de cet âge doivent être placés impérativement dans un environnement familial.

Pendant le placement de l’enfant, les travailleurs sociaux qui gèrent le cas doivent œuvrer activement aux côtés de la famille pour créer les conditions favorables au retour de l’enfant.

Les enfants qui sont déclarés adoptables doivent l’être aussi rapidement que possible, pour réduire leur séjour dans une institution d’accueil conformément à la Loi.

Priorité absolue doit être donnée à l’adoption nationale, pour respecter pleinement le droit de l’enfant à l’identité et à ses droits culturels.

Au niveau des services de prévention, sur la base des besoins au niveau local, doivent être mises en place des mesures spécifiques pour prévenir la séparation familiale :

aide sociale aux mères adolescentes isolées ; l’accueil mère-enfant ; alternatives à la mobilité des enfants.

Le système de la protection de remplacement doit être organisé au niveau du département, pour éviter la multiplication des structures et assurer une supervision d’ordre supérieur. Les directions départementales auront la charge de recruter, former et superviser les familles d’accueil sur la base d’un travail préliminaire au niveau local fourni par les CPS, d’appuyer la réorientation des structures d’accueil vers des rôles plus préventifs et de superviser l’application et le respect des normes de protection dans les CAPE. Au niveau local, il est nécessaire aussi de renforcer les capacités des CPS pour gérer les cas individuels impliquant une protection de remplacement. Dans ce cadre, doivent être renforcés les liens de collaboration entre les CPS, les Centres d’accueil, la communauté, les familles d’accueil, les médias, les services de sécurité (recueil de l’enfant, recherche des parents, mise à disposition) et l’autorité judiciaire.

5.5. Renforcer les cellules communales comme plateformes de contact multi acteur au niveau local

Au niveau local – niveau opérationnel - interviennent dans le processus de prise en charge plusieurs acteurs qui offrent des services selon leurs rôles spécifiques. Ces acteurs sont mobilisés dans le processus de prise en charge selon la porte d’entrée – le service qui entre le premier en contact avec le cas – et selon les besoins de l’enfant, de sa famille ou d’un environnement protecteur. Le tableau ci-dessous présente les acteurs intervenants dans le processus de prise en charge et leurs rôles.

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Les OPJ au Commissariat, à la Brigade de gendarmerie

Réception des signalements, dépôts de plaintes et dénonciationsAccueil des justiciablesAudition de l’enfant, des parents, des témoins, des auteurs ou autresOrientation (référencement et contre référencement)

Juridiction, Bureau du Procureur

Réception des signalements, dépôts de plaintes et dénonciationsRéception du dossier relatif à l’auteur, diligences, prise de décision

Juridiction, Bureau du Président du Tribunal

Réception du dossier de l’enfant sur transmission des services sociauxPrise d’ordonnance de protection relative à l’enfant

Structures de santé (centre de santé, hôpital)

Soins d’urgencePrise en charge médicale intégraleExpertise et certificats médicauxRécupération nutritionnelleDétectionOrientation (référencement et contre référencement)

Centres de transit ou d’accueil HébergementPrise en charge des besoins fondamentauxMédiation familiale, réintégration familiale

Etablissements scolaires  et professionnels

DétectionOrientationRéintégration scolaire

Structures spécialisées pour les personnes handicapées

Prestations spécialisées

Mairies Assistance matérielle (aide sociale)Fourniture certificat d’identité

ONG Prestations sur plusieurs volets comme la détection (repérage) et signalement aux CPS, conseil et appui juridique, prise en charge dans sa totalité (dans les localités éloignées des CPS).

Le document national d’orientations pour la prise en charge multisectorielle (cf. 5.1.) permettra de renforcer la collaboration qui existe actuellement entre ces services mais qui ne se base pas sur une procédure commune et qui peut ainsi engendrer des malentendus et/ou  confusions dans les rôles. Suite à l’élaboration du document, un programme de renforcement des compétences en protection de l’enfant devra être mis en place pour tous les intervenants dans la prise en charge et un système intégré de collecte de données relatives à la prise en charge multisectorielle et systémique (conférence de cas, référencement et contre référencement etc.)

AXE 6 – REPRESSION

Objectif stratégique : Réduire l’impunité des infractions commises sur les enfants

Objectif spécifique : Renforcer l’application des textes de Loi protégeant les enfants et réprimant les infractions commises à leur égard 

Résultat spécifique : Augmentation du nombre de faits caractérisés comme infractions à la Loi en vigueur et signalés aux organes de sécurité qui font l’objet de poursuites jusqu’à leur terme

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La répression des auteurs d’infractions commises sur les enfants n’est pas seulement indispensable pour rétablir la Justice aux yeux des justiciables mais aussi pour dissuader les auteurs potentiels et renforcer la prévention des violations à l’égard des enfants.

Le Bénin a fait de grands efforts pour promulguer une série de textes capables d’assurer une meilleure protection des enfants. Le pays dispose aujourd’hui d’un arsenal juridique qui a élargi le champ d’application du droit pénal à des pratiques vis-à-vis des enfants et des femmes qui n’y étaient pas prises en compte: la traite et l’exploitation, les mutilations génitales féminines, les violences faites aux femmes etc.

Cependant, les analyses s’accordent à indiquer qu’il existe des écarts importants entre les textes répressifs, les pratiques de la population et les pratiques des acteurs politiques, administratifs et judiciaires. En effet, la population n’a pas la culture du signalement des infractions commises sur les enfants. Quand elle le fait, l’appareil judiciaire est souvent incapable de fournir une réponse rapide et efficace. De ce fait, les infractions sur les enfants demeurent impunies et se multiplient.

Cette impunité se doit d’une part à la précarité de la demande et de l’accès en justice de la part des justiciables et d’autre part, aux dysfonctionnements notoires des instances pénales23.

Les facteurs qui influencent cette impunité du côté de la population sont notamment, entre autres :

- références et pratiques juridiques autres que les lois de Droit positif  (perception de ce qui constitue une infraction ou pas, modes de règlement traditionnels) ;

- difficultés à comprendre et à intérioriser les normes de droit positif, en raison aussi de sa faible pertinence;

- préférence pour les modes de règlements traditionnels (à l’amiable) qui visent surtout à préserver la cohésion sociale (neutralisation et absence de conflit) et la réciprocité dans les relations sociales ;

- faible confiance dans l’efficacité de l’appareil judiciaire ; - connaissances et compétences limitées pour le dépôt de plainte et le suivi ; - retrait des plaintes ou désistement suite à la lenteur, à la complexité, aux coûts de la

procédure  ou suite à des pressions;- peur de la stigmatisation suivant la révélation et la divulgation de l’atteinte subie par l’enfant

(surtout en cas de violence sexuelle) ;- crainte de la double victimisation de l’enfant au cours des procédures.

Lorsque des plaintes sont effectivement déposées ou des dénonciations sont faites aux organes chargés de faire respecter la Loi, sont constatés des dysfonctionnements de l’appareil répressif, notamment, entre autres:

- proposition de règlement à l’amiable à tous les niveaux  des institutions ; - interruption des procédures par manque d’effectifs et de moyens ; - étouffement des affaires suite à la pression sociale ;- porosité de l’appareil répressif aux « coups de fils »  et autres formes d’interventionnisme des

autorités politiques ou autres leaders locaux pour une suspension des poursuites; - lenteur des procédures ; - faiblesse de l’articulation entre les forces de sécurité, le parquet et le Juge ;

23MJLDH – Diagnostic du secteur de la justice, 2013

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- absence de protection spécifique des enfants victimes au cours des procédures (mesures de protection de la confidentialité, méthodes d’audition adaptées aux enfants, absence de cellules garde à vue, d’audition ou de quartier de mineurs ; absences de mesures de diversion à l’étape policière, absence de mesures d’accompagnement lors des différentes étapes (policière et judiciaire etc.)

Entre les perceptions de la population, la préférence pour une « justice traditionnelle » et l’inefficacité de la répression, il existe tout un espace de véritable opportunisme de la part de personnes conscientes des infractions qu’elles commettent et jouissant d’impunité.

L’écart qu’on observe relativement à la manière de concevoir la régulation des rapports sociaux doit être comblé. La société béninoise ne peut plus rester partagée entre des normes de droit incapables de changer le comportement des populations et des institutions et des pratiques qui les ignorent.

6.1. Rapprocher les populations de la Loi et des instances policières et judiciaires

Le rapprochement des populations de la Loi et des services de sécurité et judiciaires est indispensable pour modifier la vision largement négative de ces services qui prévaut actuellement auprès de la population, surtout des groupes moins favorisés. Ces institutions doivent faire preuve d’une plus grande ouverture, disponibilité et écoute des besoins des populations.

Pour cela, des actions devraient être prises au niveau local comportant, entre autres :

- le renforcement des activités de proximité de la Police et de la Gendarmerie, surtout dans les quartiers urbains les plus dépourvus de ces services et dans les secteurs isolés ;

- la réalisation des visites des apprenants  aux structures en charge de la répression, avec explications des rôles joués par les forces de sécurité et par les magistrats, y compris dans le but de fournir des modèles positifs aux enfants (cf. 1.3);

- la réalisation des journées portes ouvertes des commissariats de police, des brigades de gendarmerie et des tribunaux ;

- la mise à disposition du public dans les lieux de grande affluence (mairies, tribunal, commissariat) de plaquettes informant de manière précise sur le signalement et sur les services répressifs, leur localisation, les heures d’accueil du public, etc. ;

- l’amélioration des pratiques d’accueil et de fourniture de renseignements et orientation au public.

A ces diverses occasions, les instances judiciaires doivent passer unanimement le message à la population que les infractions commises sur l’enfant doivent être signalées et doivent faire l’objet de poursuites.

Plusieurs autres stratégies envisagées dans cette Politique concourent à l’objectif de soutenir le recours à la justice, notamment: la formation des enfants-citoyens de demain (Axe 1), la communication de masse et de proximité (Axe 2) et les mesures relatives au processus de prise en charge, notamment l’appui juridique aux parents et aux familles dont les enfants sont victimes, l’orientation et l’accompagnement dans les procédures judiciaires, la rédaction et le suivi des plaintes,

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l’information au Procureur et au Juge compétent, y compris dans les mécanismes de recours judiciaire en cas de non satisfaction de la décision rendue au tribunal par le Juge en première instance.

6.2. « Avoir le courage de l’action judiciaire »24

Quand les poursuites à l’encontre de l’auteur d’une violation sont engagées, les instances judiciaires doivent mener les poursuites à terme, rapidement, et assurer l’exécution des jugements. En effet, l’élément qui détermine largement l’utilisation des services policiers et judiciaires de la part de la population reste leur efficacité. Pour cela, elles doivent corriger les dysfonctionnements et faire preuve d’efficacité.

Actuellement, les analyses mettent en exergue le fait que la protection des enfants contre les infractions pénales commises à leur égard semble être une préoccupation marginale des forces de sécurité et du système judiciaire. Le nombre et la qualité des procédures judiciaires mettant en cause des auteurs présumés de violences à l’encontre des enfants contraste avec le nombre important des cas rapportés aux autorités administratives (CPS), aux ONG et aux organes de sécurité. En sachant que les cas de violence qui font l’objet d’un signalement sont beaucoup moins nombreux que les cas effectivement avérés, il reste que les efforts à faire pour garantir aux enfants victimes une protection efficace et pour assurer la répression des auteurs sont considérables.

Le secteur de la Justice s’est doté récemment d’une Politique sectorielle qui vise à apporter des remèdes à la situation actuelle en matière de droit pénal25. Le secteur de la protection de l’enfant appelle de ses vœux une mise en œuvre rapide et efficace de cette Politique. Il souligne l’importance, pour une véritable protection des enfants concernés, de traiter prioritairement les affaires impliquant des enfants, de les traiter avec célérité, d’améliorer l’articulation avec les forces de sécurité, aujourd’hui assez précaire, de renforcer les liens avec les autorités administratives chargées de la protection de l’enfant(les CPS) et de faire recours à des personnels et procédures spécialisés.

6.3. Protéger les enfants impliqués dans les procédures judiciaires

La justice pénale doit protéger et respecter les enfants en tant que victimes et leur garantir un traitement respectueux de leur condition de personnes en développement ayant des besoins spécifiques.

Pour assurer une protection adaptée aux enfants impliqués dans les procédures de poursuite des auteurs, les cas doivent être traités dans des conditions qui favorisent le respect de la dignité de l’enfant, sa sécurité et son droit à la confidentialité. Il faut prendre sérieusement en compte le traumatisme résultant de l’abus et l’état de stress de la victime, de ses parents/responsables et éviter par tous les moyens d’infliger une nouvelle expérience éprouvante à l’enfant. Un traitement qui ne prendrait pas en compte ces éléments, risque d’entrainer une double victimisation de l’enfant et d’intensifier son traumatisme.

Il est de ce fait indispensable que les cas d’enfants victimes soient traités par des personnels spécialisés au niveau des OPJ, substituts, Juges, qui aient été formés au respect de principes

24 C’est le souhait exprimé par un acteur judiciaire béninois au cours d’un atelier. 25MJLDH – Politique nationale de développement du secteur de la justice – Document pré-final Janvier 2014

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spécifiques et qui sont à même de suivre des procédures visant à prévenir la ré-victimisation de l’enfant et toute forme de stigmatisation.

Ces procédures spécialisées doivent être définies dans les meilleurs délais. Elles doivent concerner l’accueil et l’audition de l’enfant victime, indiquant, entre autres, les dispositions pour assurer la confidentialité et la mise en confiance de l’enfant, les personnes habilitées à réaliser l’audition, les personnes qui peuvent ou doivent être présentes (parents, assistant social, psychologue, avocat) et le mode de collecte du témoignage de l’enfant (éventuel enregistrement audio ou vidéo). La mise en place des procédures spécialisées doit être accompagnée par d’autres mesures visant à rendre les conditions générales d’accueil et de traitement des cas moins difficiles pour les enfants, telles que l’affectation d’un nombre plus important d’OPJ femmes, l’élimination du port de la tenue et l’aménagement de locaux adaptés à un accueil rassurant pour les enfants. Il faudra notamment insister sur les mesures de diversions à l’étape policière, l’accompagnement social de l’enfant face à la justice et surtout la promotion des mesures alternatives à l’incarcération, notamment les Travaux d’Intérêt Général (TIG).

AXE 7 - MOYENS DE MISE EN ŒUVRE

Objectif stratégique : Renforcer l’ensemble des moyens de mise en œuvre de la politique  

Objectif spécifique : Mettre en place les moyens nécessaires au fonctionnement optimal du système national de protection de l’enfant

Résultat spécifique : Le cadre légal est amélioré, les capacités des institutions sont renforcées, le personnel est spécialisé.

L’ensemble de lois, de politiques, de règlements, d’institutions, de services et suivi nécessaires pour prévenir, contrer et donner une réponse à la violence qui affecte les enfants constituent le Système National de Protection de l’Enfant. Ce système est multisectoriel, c’est-à-dire implique plusieurs secteurs ayant un rôle à jouer dans la protection de l’enfant. Pour être un véritable système, et non pas une simple juxtaposition d’éléments, les différentes composantes doivent fonctionner dans le respect des principes que le système se donne, de manière cohérente avec les buts globaux fixés pour le système et en créant le plus possible des synergies.

Compte tenu de ses faiblesses actuelles, le système national de protection de l’enfant doit être renforcé par des mesures de nature juridique et administrative.

7. 1. Améliorer le cadre légal

Au niveau juridique, l’approche systémique et multisectorielle soutenue et promue par cette politique exige une base légale globale qui prenne en compte tous les éléments relatifs à la protection et appropriée qui les organise de manière claire et accessible aux acteurs. Dans ce sens, il semble nécessaire que le Projet de Code de l’enfant contienne des dispositions :

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o définissant de manière transversale le droit de l’enfant à la protection contre toute formes de violence ;

o définissant clairement la structure institutionnelle de la protection de l’enfant et indiquant les rôles et responsabilités de chaque intervenant ;

o organisant la plateforme multisectorielle de prise en charge et fixant la procédure, avec une clarification de liens fonctionnels entre le secteur social et le secteur de la justice ;

o organisant le système de la protection de remplacement et la distribution des rôles entre les intervenants ;

o fournissant une base légale à l’obligation de signalement ;o fixant la règlementation relative à des procédures policières et judiciaires spécialisées dans

le cadre des poursuites des auteurs de violence à l’égard des enfants (audition, huis clos, etc.) ;

o habilitant le Juge des enfants à connaître, instruire et juger les dossiers des enfants victimes ;

o prescrivant l’assistance d’un avocat aux enfants victimes sans discrimination aucune ;o prescrivant à l’auteur avéré, en concomitance avec la sanction pénale et non pas en

substitution de celle-ci, un dédommagement proportionné et suffisant des préjudices infligés à l’enfant (dommages et intérêts) ;

o imposant aux structures et services qui sont en contact direct avec les enfants l’adoption d’une politique de protection et d’un dispositif de signalement des abus ;

o réglementant les structures d’enseignement et d’initiation religieuse pour les enfants ;o revisitant la règlementation relative à l’accès des enfants aux lieux de divertissement et

autres lieux publics et règlementant l’accès à l’internet ; o systématisant le recueil de l’opinion de l’enfant selon son âge et ses capacités dans les

processus administratifs, civils et judiciaires le concernant.

Les projets législatifs relatifs à l’enfant doivent être analysés et adoptés par des procédures prioritaires et accélérées, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant que l’Etat doit défendre en toutes circonstances.

Les divers textes de loi doivent être mis à la disposition des acteurs dans une forme accessible (brochures explicatives, commentaires, etc.). Les textes relatifs à la protection de l’enfant doivent faire l’objet de publication contenant des commentaires de nature juridique ensemble avec les commentaires de nature sociologique/psychologique.

7.2. Renforcer les capacités des structures en charge de la protection de l’enfant

Les structures en charge de la protection de l’enfant doivent disposer de ressources humaines, matérielles et financières à la hauteur de la mission qui leur est confiée. Les pénuries de personnels dans les services publics doivent être comblées, à travers l’intensification des efforts de recrutement, l’affectation et le redéploiement des personnels qui permettent de disposer d’agents suffisants et qualifiés pour les différentes fonctions et de respecter les paramètres minimum fixés pour chaque structure.

Les capacités organisationnelles des diverses structures en charge de la protection de l’enfant gagneraient à être renforcées aussi pour ce qui est du cadre d’organisation interne, du système de gestion, du système d’information et des budgets :

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- au niveau central, pour une meilleure efficacité de la planification, la coordination, l’élaboration d’orientations et d’outils, la supervision (directions techniques des Ministères en charge de l’action sociale, de la justice, de l’intérieur, de la défense) ;

- au niveau décentralisé, pour une meilleure efficacité dans la planification, la coordination, l’encadrement des services et la supervision au niveau départemental (directions départementales des affaires sociales, de l’intérieur, du travail et de l’emploi et compagnies de Gendarmerie)

- au niveau opérationnel, pour une mise en œuvre plus efficace et d’une plus grande qualité: CPS, CAPE, ONG, OPJ chargés de la protection de l’enfant au sein des Commissariats et des Brigades, juridictions (Procureur ou substitut en charge des affaires des mineurs, Juge des enfants)

Tous ces services doivent en outre disposer d’infrastructures, ressources matérielles et ressources financières suffisantes et adaptées à leurs fonctions.

Les ONG qui offrent des prestations de protection de l’enfant, particulièrement au niveau de la prise en charge, doivent être encadrées dans une politique de contractualisation, qui leur permette d’accéder à des aides publiques spécifiques en termes de locaux, de personnels ou de subventions.

7.3. Spécialiser les ressources humaines

Dans le cadre des politiques sociales, la protection de l’enfant est un domaine d’action spécialisée, principalement dans son volet de la prise en charge qui implique le contact direct avec des enfants et des familles. La plus grande partie des cas présente des situations d’une grande complexité qui exigent de la part de l’intervenant un grand professionnalisme, de vastes connaissances et une grande intuition. Ce domaine est spécialisé dans la mesure où le respect des garanties fondamentales dont chaque citoyen est porteur exige une vigilance redoublée quand il s’agit d’un enfant et de familles très démunies. D’une part, l’arbitraire et le paternalisme guettent à tout moment, et, d’autre part, les décisions en protection de l’enfant sont en général lourdes de conséquences.

Tous les agents chargés de fournir les prestations de protection de l’enfant devraient être spécialisés notamment (à minima):

- les assistants sociaux du service de promotion de l’enfant des CPS  chargé de la gestion du processus de prise en charge, notamment la prise en charge psychosociale, protection de remplacement ;

- les OPJ chargés de l’accueil et de l’audition de l’enfant victime;- les magistrats chargés de l’audition et du placement de l’enfant victime;- les médecins en charge de la délivrance des certificats médico-légaux dans les hôpitaux.

Les agents qui sont affectés dans les services impliqués dans la protection de l’enfant doivent disposer des compétences nécessaires pour s’acquitter de leurs fonctions de manière à obtenir des résultats et àne pas porter de préjudice ultérieur à l’enfant. Il s’agit donc de définir un plan de formation continue à mettre en œuvre progressivement.

Il est tout d’abord nécessaire de fixer un cadre de compétences spécialisées que les agents travaillant dans les services de protection de l’enfance dans les domaines de l’action sociale, de la sécurité et de la justice doivent posséder. Ce cadre de compétences sera élaboré sur la base de la législation en vigueur, au plan national et international, de la règlementation, des politiques

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sectorielles, des rôles et responsabilités définis pour chaque acteur du système national de protection de l’enfant, des documents d’orientation méthodologique, des normes et standards de prestation de services et des connaissances scientifiques dans le domaine.

Sur la base du cadre de compétences, il faudra procéder à la révision des profils et des cahiers de charge du personnel des CPS, pour assurer que les différents rôles assignés aux travailleurs sociaux par cette Politique soient effectivement exécutés et sur cette base, élaborer un plan de redéploiement, recrutement et affectation de travailleurs sociaux chargés de la protection de l’enfance.

Quant à la formation des agents chargés de la protection de l’enfant, cette politique préconise deux stratégies :

- la mise en place d’un programme de mise à niveau en cascade pour les travailleurs sociaux, publics et des ONG chargés de la protection de l’enfant, les personnels de certains services sanitaires (hospitaliers en priorité), les OPJ, les magistrats ;

- l’élaboration de modules de protection de l’enfant qui devront être intégrés dans les curricula initiaux des Ecoles de formation des assistants sociaux, de police, de gendarmerie, de magistrature, de services socio-sanitaires et, à terme, dans les curricula spécialisés des facultés de Droit, Médecine, Psychologie, Sociologie et Anthropologie.

7.4.Clarifier les rôles des acteurs

La protection de l’enfant est une politique transversale coordonnée par le Ministère en charge de la protection de l’enfant, qui assure les fonctions de chef de file. A la mise en œuvre de la Politique concourent des acteurs étatiques et non étatiques, notamment :

les départements ministériels et autres institutions au niveau central, chargés d’assurer les fonctions de planification, coordination de la mise en œuvre et gestion du système de suivi ;

les structures de l’administration territoriale déconcentrée et décentralisée, chargées des fonctions de planification et coordination des actions au niveau local et de la prestation de services à la population ;

les organisations non gouvernementales qui travaillent sur le territoire national en faveur de la protection de l’enfant, chargées de contribuer dans la mise en œuvre des interventions concrètes promues par la politique ;

les médias, appelés à collaborer avec les acteurs institutionnels de la protection de l’enfant sur la base de partenariats ;

les autres acteurs de la société civile (autorités religieuses et traditionnelles, organisations professionnelles) appelés à donner leur contribution à la mise en œuvre des actions définies par la Politique compte tenu de leurs rôles sociaux ;

le secteur privé, appelé à donner une contribution citoyenne à la protection de l’enfant, par le biais de la prestation de services directs ou le mécénat.

Au niveau sectoriel, la mise en œuvre de la Politique Nationale de Protection de l’Enfant s’appuie sur le concours de plusieurs secteurs d’action publique notamment les secteurs de l’action sociale, de la sécurité, de la justice, de la santé et de l’éducation.

Le tableau ci-après présente un récapitulatif des rôles de chaque acteur sectoriel par rapport aux axes de la politique.

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Rôles sectoriels26dans la mise en œuvre

SECTEUR Structures AXE ROLESACTION SOCIALE

Maintien et rétablissement du bien-être des citoyens et de relations sociales positives

-Les Centres de Promotion Sociale (CPS), chargés de la prévention et de la gestion des risques sociaux encourus par les populations et par les groupes vulnérables. Ils sont directement en contact avec les usagers et assurent la mission de service public ;-Les services sociaux spécialisés, rattachés au secteur hospitalier, des armées, des entreprises, de la justice et du secteur scolaire et universitaire;-Les Services des Affaires Sociales des Mairies, responsables pour la planification et la gestion du secteur des affaires sociales dans les PDC ;-Les ONG œuvrant dans le domaine de la protection de l’enfant, qui mènent des actions préventives et de prise en charge ;Les structures publiques et privées en charge de l’accueil avec hébergement des enfants ayant besoin d’une prise en charge intégrale : CAPE (Centres d’Accueil et de Protection d’Enfants)

Information et formation des enfants

Prévention par le biais de l’IEC/CC

Mobilisation sociale

Prévention par la participation dans la communication de masse

Prévention par le dialogue de proximité

Services de prévention

Mise en place de services de prévention

Détection et signalement

Détection des cas de violence au cours de toutes les activités menées auprès de la population

Prise en charge Coordination de la prise en charge multisectorielle

Réception des signalements et des référencements

Prestations de prise en charge psychosociale, orientation et accompagnement, appui juridique, réintégration familiale, réinsertion scolaire, insertion socioprofessionnelle et suivi

Répression Signalement, dénonciation et constitution partie civile,

Accompagnement et suivi des poursuites contre les présumés auteurs

SECTEUR STRUCTURES AXE ROLESSECURITE

Sécurité des citoyens

-L’OCPM, avec compétence nationale;-Les Commissariats et postes de police-Les Brigades de Gendarmerie ;-La Police frontalière.

Information et formation des enfants

Contributions

Mobilisation sociale

Contributions

Services de prévention

Contrôle des lieux publics

Détection et signalement

Identification enfants en danger au cours des activités de routineRéception des signalements

Prise en charge Orientation des enfants et des familles aux services sociaux à

26Le secteur est ici entendu comme un domaine d’action publique comprenant les structures étatiques et leurs partenaires non gouvernementaux à tous les niveaux de l’organisation politico-administrative.

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un abri d’urgenceRéquisition de servicesRecherche des parents

Répression Réception signalements, plaintes et dénonciationsAuto-saisineAudition de l’enfant sur procès-verbauxExécution des tâches relatives à la poursuite des auteurs présumés, sur la base des textes juridiques et sur ordre de l’autorité judiciaire

SECTEUR STRUCTURES AXE ROLESJUSTICE

Protection judiciaire de l’enfant victimeRépression des infractions commises à l’égard de l’enfant

-Les juridictions aux trois niveaux de la pyramide judiciaire, avec le Président du tribunal chargé de la protection de l’enfant et pouvant déléguer ce pouvoir au Juge des Enfants, et les Chambres pénales, pour la poursuite des cas de violence à l’égard des enfants ;-Les organisations de la société civile active dans le domaine de l’assistance juridique et judiciaire (Ordre des Avocats, Association des femmes juristes, organisations des droits de l’homme, etc.)

Information et formation des enfants

Participation dans les initiatives de sensibilisation

Mobilisation sociale

Participation dans les initiatives de sensibilisation

Services de prévention

Participation dans les initiatives de sensibilisation

Détection et signalement

Réception de signalements

Prise en charge Application de mesures de protection à l’enfant (retrait familial, modification de la garde, placement) et suivi

Régularisation des placements d’urgence et administratifs

Révision périodique du placement

Répression Réception des plaintes et dénonciationsAuto saisinePoursuites, jugements et sanctions aux auteurs d’infractions commises sur les mineurs

SECTEUR STRUCTURES AXE ROLESSANTE

Promotion de la santé de l’enfant

-les Etablissements hospitaliers  départementaux, régionaux et universitaires ;(Services de Pédiatrie, Gynécologie, Santé reproductive, Service médico-légal)-les Services sociaux spécialisés des hôpitaux ;-les Centres de santé-les associations professionnelles (pédiatres, gynécologues, etc.)

Information et formation des enfants

Contributions

Mobilisation sociale

Prévention primaire

Services de prévention

Prévention de la violence institutionnelle au niveau hospitalier

Détection et signalement

Détection précoce des cas au cours des activités de stratégie avancée ex. vaccination, PCE maladies de l’enfant)Détection des cas en milieu hospitalier et scolaire

Prise en charge Réduction/mitigation des conséquences des faits de

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violence sur la santé de l’enfant par une prise en charge adaptée (soins, examens et prises en charge complémentaires spécialisées)Référencement et contre référencement

Répression Signalement des cas aux OPJDélivrance des certificats médicaux sur simple requête ou sur réquisition

SECTEUR STRUCTURES AXE ROLESEDUCATION

Secteur allié de la protection de l’enfant

-Les établissements scolaires, préscolaires, primaires et secondaires ;-les services sociaux du secteur de l’éducation.

Information et formation des enfants

Développement des connaissances et compétences sociales des enfants y compris face à la violence

Mobilisation sociale

Contributions

Services de prévention

Prévention de la violence en milieu scolaireConseil aux parentsSécurisation de l’environnement scolaireContrôle du comportement des enseignants par le biais de l’application de sanctions disciplinaires

Détection et signalement

Détection dans les établissements scolairesSignalement aux services sociaux des cas détectés ou survenus à l’école

Prise en charge Information et orientation des parents (santé, services sociaux, justice)Soins et appui psychosocial d’urgenceRéinsertion scolaire des enfants

Répression Signalement aux forces de sécurité ou au Procureur de l’infraction survenue à l’école

SECTEUR STRUCTURES AXE ROLESCOMMUNICATION

Secteur allié de la protection de l’enfant

Les médias de masse et de proximité, publics et privés

Information et formation des enfants

Promotion des connaissances, attitudes et comportements d’auto- protection

Mobilisation sociale

Information sur la situationPromotion des connaissances, attitudes et comportements de protectionDénonciationInterpellation et plaidoyer auprès des décideurs

Services de préventionDétection et signalement

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Prise en chargeRépression

En plus des acteurs sectoriels, d’autres acteurs avec des rôles plus transversaux contribueront à la mise en œuvre de la politique soit directement, soit en soutenant les acteurs ou soit par un plaidoyer auprès des décideurs. Il s’agit, notamment :

Au niveau des collectivités territoriales :

des élus locaux ; des services sociaux de base des mairies.

Dans la société civile :

des ONG ; des associations d’enfants et de jeunes ; des médias ; des autorités traditionnelles ; des autorités religieuses ; des leaders d’opinion ; des Comités locaux de lutte contre la traite des enfants ; des associations professionnelles (pédiatres, juristes, journalistes, et autres) des associations des groupes d’intérêts (femmes, personnes porteuses de handicap).

7.5.Renforcer le Cadre de coordination

Compte tenu de la nature transversale de la protection de l’enfant et par conséquent du grand nombre d’acteurs impliqués, il est nécessaire de disposer d’un cadre de coordination efficace. L’atteinte de résultats concrets et probants pour les enfants ne peut se faire que si les actions sont menées de manière concertée entre toutes les parties prenantes. La coordination est un outil indispensable pour augmenter l’efficacité, capitaliser l’expérience et améliorer les agendas de travail. Elle permet par ailleurs de faire circuler plus facilement l’information, de trouver des solutions innovantes pour l’optimisation des ressources et la mutualisation des moyens et, surtout, elle rend chaque secteur responsable vis-à-vis des autres de ses propres engagements et attributions et redevable de sa contribution spécifique dans l’atteinte des résultats communs.

Pour que la coordination puisse être effective et efficace, elle doit s’appuyer sur trois éléments clés, notamment :

- Planification conjointe : une politique concertée et partagée est un premier pas vers l’harmonisation des interventions par les différents acteurs. Elle doit être assortie d’un plan d’action multisectoriel dans lequel les différents acteurs intervenants déclineront en actions et produits les rôles et les stratégies qu’ils sont appelés à mettre en œuvre. Ces plans d’action multisectoriels seront élaborés périodiquement au niveau national, départemental ou communal.

- Mise en œuvre harmonisée : les différents acteurs intervenants dans la mise en œuvre doivent veiller à concerter leurs agendas, harmoniser leurs méthodes de travail et mettre en

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place des synergies au niveau du calendrier, par le recours à des outils de communication et à des partenariats ponctuels. Le niveau départemental et national sont appelés à jouer leur rôle d’orientation et encadrement technique à niveau de l’exécution de la politique et de se concerter entre secteurs en ce sens.

- Système de suivi et évaluation intégré : les différents acteurs intervenants doivent concourir à alimenter un cadre de suivi multisectoriel qui permet d’apprécier périodiquement de manière globale, l’état d’avancement de la mise en œuvre des actions. Les évaluations d’impact auprès des groupes cibles doivent aussi être multisectorielles.

Les cadres de concertation préconisés par cette Politique sont les suivants :

Niveau national : Comité National de Protection de l’Enfant

Présidé par le Ministre en charge de la protection de l’enfant, il regroupe au niveau national les départements ministériels et les acteurs non gouvernementaux qui jouent un rôle dans la protection de l’enfant pour un suivi annuel de la situation.

Le Comité national dispose d’un Comité technique de suivi de la mise en œuvre qui est composé des représentants au niveau technique des institutions déclinées ci-dessus et qui se réunit avec une périodicité plus importante. Cette structure technique aura pour but de :

- harmoniser les approches relatives à la protection de l’enfant ;- mettre en cohérence les initiatives des différents intervenants ;- favoriser l’élaboration de calendriers en phase les uns avec les autres ;- mutualiser les bonnes pratiques ;- réduire les cloisonnements entre sous-secteurs ;- éviter les duplications d’actions ;- promouvoir le bilan participatif des activités réalisées et des résultats obtenus par les différents

secteurs.

Un secrétariat exécutif permanent abrité par le département ministériel en charge de la protection de l’enfant sera chargé de la facilitation et du suivi des décisions prises par le comité technique. A cet effet, le secrétariat exécutif permanent de la protection de l’enfant veillera à établir des relations étroites entre les structures de coordination existantes pour la gestion de différents programmes appuyés par les bailleurs de fonds.

Le comité technique de suivi de la mise en œuvre aura des démembrements départementaux et communaux.

Niveau départemental : Comité départemental de protection de l’enfant

Présidé par le Préfet, il regroupe les directions départementales qui jouent un rôle dans la protection de l’enfant, les juridictions et les représentants de la société civile organisée pour faciliter la collaboration entre les secteurs et faire le suivi de la mise en œuvre semestriellement. La direction départementale en charge de la protection de l’enfant joue le rôle de Secrétariat exécutif.

Cahier de charges :

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- Planification des activités au niveau départemental ;- Suivi de la mise en œuvre :- Collecte de données multisectorielles provenant des communes et transmission au niveau

central

Niveau communal : Comité Communal de Protection de l’Enfant27

Présidé par le Maire, regroupe les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux du niveau communal chargés de la mise en œuvre de la Politique Nationale de Protection de l’Enfant.

Cahier de charges :

- Planification des activités au niveau communal (Plan de développement communal) ;- Suivi de la mise en œuvre ;- Collecte de données multisectorielles et transmission au niveau départemental ;

Les principaux outils pour la coordination aux différents niveaux sont :

- des réunions : les réunions périodiques et extraordinaires permettent aux membres du Comité d’échanger les informations et de prendre des dispositions générales collectives et individuelles par rapport à l’état d’avancement du Plan d’action à leur niveau de responsabilités;

- des fora : l’organisation d’un forum annuel ou biennal, principalement au niveau national, permet de faire le point sur l’état d’avancement de la politique et des plans d’actions tout en capitalisant l’expérience et partageant les bonnes pratiques ;

- des modalités de coordination administrative : diverses mesures de coordination peuvent être prises pour faciliter la coordination (arrêtés interministériels, circulaires, manuels de procédures et autres documents de directives et orientations stratégiques multisectoriels, etc.)

L’ensemble du système de coordination de la protection de l’enfant doit faire l’objet d’un décret précisant la composition et les attributions des structures nationales et départementales. Il contiendra aussi des orientations pour faciliter la mise en place des Comités Communaux de Protection de l’Enfant dans les communes qui en sont dépourvues. Le décret devra être adopté au plus tôt pour faciliter la réorganisation des diverses structures. Il sera nécessaire aussi d’élaborer des procédures claires de communication et de coordination entre les acteurs du niveau national avec ceux des niveaux départementaux et communaux.

7.6. Elaborer les Plans d’action

27Actuelle Cellule de suivi et coordination de la protection de l’enfant

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Dès son adoption, cette politique sera assortie d’un Plan d’action multisectoriel qui précisera les actions concrètes en articulation avec les objectifs et résultats stratégiques que les structures gouvernementales sont chargées de mener avec le concours de la société civile et des partenaires techniques et financiers. Le plan permettra de mettre clairement en relation les actions avec les résultats qu’elles sont censées produire grâce à des indicateurs spécifiques au niveau des extrants et des impacts. Il identifiera les responsabilités respectives des différents acteurs, proposera un horizon temporel pour la mise en œuvre des actions et contiendra un budget prévisionnel. Ce plan sera décliné au niveau départemental dans les plans d’action départementaux.

Au niveau sectoriel, les actions que chaque secteur s’engage à mener dans le cadre du plan d’action multisectoriel sont déclinées simultanément, dans un processus d’aller-retour, dans un Plan ou Programme d’action sectoriel de la protection de l’enfant, dont la pertinence pour le secteur doit être garantie. En d’autres mots, le plan d’action de la protection de l’enfant dans le secteur de l’éducation, par exemple, doit être en conformité avec les objectifs sectoriels, doit en éclaircir l’importance stratégique pour le secteur et doit être intégré au plan stratégique du secteur et à la politique sectorielle dès sa première révision.

Au niveau des communes qui abritent concrètement la mise en œuvre des actions, les actions de protection de l’enfant que les communes se chargeront de mener au fur et à mesure de l’avancement de la politique générale de décentralisation, seront intégrées dans les Plans de Développement des Communes (PDC).

7.7. Renforcer le Système d’information, de suivi et évaluation

La définition d’un système d’information multisectoriel de la protection de l’enfant est une priorité compte tenu de la nécessité de produire des données fiables, capables de mesurer les progrès et ainsi justifier et orienter les investissements.

Des données relatives à la protection de l’enfant sont produites actuellement par les secteurs de l’action sociale (y compris les ONG), l’OCPM et les tribunaux. Ces systèmes doivent être révisés à la lumière des indicateurs fixés dans le plan d’action. Les secteurs qui ne produisent pas encore des données spécifiques sur la protection de l’enfant devront élaborer les indicateurs et les outils nécessaires à la collecte (Santé, éducation).

Pour permettre la collecte multisectorielle des données administratives en provenance de divers secteurs impliqués dans la protection de l’enfant, il sera nécessaire d’établir :

un cadre méthodologique unifié, cohérent basé sur des définitions claires et précises, utilisables par les différents secteurs impliqués,  assorti des outils pour la collecte des données administratives de chaque secteur ;

des circuits et des délais de remontée des données sectorielles clairement définis ;

un cadre institutionnel et réglementaire précis, établissant le dispositif de centralisation des données ;

des méthodes d’analyse, d’utilisation et de divulgation des données administratives sectorielles.

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Lors de l’élaboration de ce cadre, il sera indispensable d’envisager des concepts et des indicateurs qui soient entre autre utilisables par les chercheurs, en vue de soutenir la recherche scientifique dans ce domaine, et qui soient dans la mesure du possible comparables au niveau régional.

Les services et les structures impliquées dans la collecte de données administratives de protection de l’enfant sont prioritairement :

les CPS les CAPE les hôpitaux les commissariats les brigades de gendarmerie les tribunaux

Sur la base du système d’information et de la planification spécifique des divers plans d’action, sera mis en place un système intégré de suivi des plans d’action. Le système de suivi de la politique est indispensable pour suivre les progrès réalisés dans sa mise en œuvre, pour soutenir la planification future des besoins du système de protection de l’enfant et pour asseoir les stratégies d’intervention sur des données précises.

Chaque secteur impliqué veillera à produire un (ou deux) rapport annuel indiquant les données relatives à l’état d’avancement des activités par rapport aux indicateurs fixés dans le cadre de suivi des divers Plans d’action. Les rapports et les données produites annuellement seront présentés au public au cours d’un forum annuel de la protection de l’enfant. Le cadre de suivi définira aussi la périodicité des évaluations et leur ampleur.

Pareillement, des efforts doivent être déployés pour que les secteurs impliqués dans la protection de l’enfant introduisent des indicateurs relatifs à la protection de l’enfant dans leurs systèmes d’information sectoriels.

Finalement, les enquêtes d’envergure nationale périodiques (Enquête Démographique et de Santé – EDS, autres enquêtes auprès des ménages, MICS) doivent intégrer des indicateurs qui contribuent à mesurer les résultats obtenus par la mise en œuvre des actions.

7.8. Renforcer et diversifier les partenariats

Compte tenu de l’ampleur de la tâche, il est indispensable d’élargir de manière substantielle le nombre et la qualité des acteurs impliqués dans les diverses lignes d’action préconisées par cette Politique. Dans tous les domaines, et principalement dans la prévention, les acteurs institutionnels de la protection de l’enfant doivent veiller à élargir le nombre d’« alliés » dans cette cause. Ils doivent informer, sensibiliser, former et établir des partenariats solides avec les acteurs de la société civile les plus à même d’influencer l’opinion publique et les pratiques sociales. Au premier rang des acteurs qui doivent être impliqués et servir d’intermédiaires avec la population, les leaders religieux, les leaders traditionnels (chefs de village) et les têtes couronnées.

De même, des partenariats doivent être recherchés auprès du secteur privé, en particulier les médias privés et les fournisseurs de téléphonie mobile et d’internet, qui pourront être avantageusement impliqués dans des campagnes de sensibilisation, dans la mise en place des dispositifs de signalement,

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dans la réalisation des sondages auprès de l’opinion publique et dans la diffusion d’informations pertinentes.

Finalement, les opérateurs économiques d’envergure doivent être sollicités à s’impliquer dans le mécénat pour la protection de l’enfant, selon diverses formules de financement des services de prévention et des actions de prise en charge.

Conclusion

Ce document de Politique nationale de protection de l’enfant balise le champ actuel de la protection de l’enfant au Benin et constitue dans son ensemble un défi majeur que l’Etat et la société béninoise se doivent de relever. Il nous incombe de prendre la mesure de la gravité de la violence qui touche les enfants et de réaliser que, en plus d’affecter lourdement le devenir des enfants, elle constitue une entrave pour le devenir de toute la nation.

En premier lieu, tant que les enfants sont victimes de violence et de toutes sortes d’exploitation, nous ne pourrons pas affirmer que l’Etat de droit est une réalité au Benin et que les citoyens, fussent-ils citoyens enfants, sont sauvegardés par la Loi.

Aussi, les dommages infligés au développement physique, cognitif et psychoaffectif des enfants par les actes de violence et d’exploitation à leur égard représentent des pertes graves pour notre développement. Les séquelles dans le long terme peuvent être très importantes et peser lourdement sur le système de santé et sur les capacités productives des enfants devenus adultes. Qui plus est, la violence se transmet de génération en génération et perturbe durablement les relations familiales et communautaires.

C’est ainsi que la violence, les abus, l’exploitation des enfants aboutissent à des pertes importantes de capital humain qui devrait être au service du développement national.

Ces enjeux soulignent l’urgence de renforcer et d’améliorer la réponse nationale. L’ampleur de la tâche exige une volonté politique claire et affichée qui indique clairement aux citoyens et aux institutions, la voie à suivre et qui se traduit concrètement dans des décisions et des arbitrages budgétaires adaptés.

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