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TUNISIA Présentation Générale de la procédure contentieuse devant le Tribunal Administratif Tunisien

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TUNISIA

Présentation Générale de la procédure contentieuse devant

le Tribunal Administratif Tunisien

Le Tribunal Administratif tunisien est une institution

Constitutionnelle, prévue dans la première Constitution de la

République Tunisienne de 1959. En effet l’article 57 stipule que

le Conseil d’Etat est composé de deux organismes : la cour des

comptes est une juridiction administrative . Cette juridiction a vu

le jour le 1 juin 1972.

La loi organisant, le tribunal administratif a été modifiée

et complétée à plusieurs reprises. Le réaménagement majeur de

la loi a eu lien en 1996. Qualifiée de réforme du contentieux

administratif , la nouvelle législation a été introduite dans un

contexte d’ouverture politique et de renforcement de l’Etat de

droit.

La nouvelle loi organique de 1996 relative au tribunal

administratif avait un double objectif : l’amélioration et la

restructuration du contentieux administratif et le rapprochement

de la juridiction des citoyens en simplifiant et en facilitant

l’introduction des recours et le déroulement de la procédure.

Cette politique d’affinement du contentieux administratif

s’est poursuivi en symbiose avec les nombreuses réformes

politiques que connait le pays depuis 1987. L’introduction du

recours en annulation en 2002, contre les décrets à caractère

réglementaire obéit au principe de la transparence de l’action

gouvernementale prouvée par les autorités publiques. De même

l’institution de Chambres de cassation au sein du tribunal

administratif en 2001, était perçue comme une nouvelle garantie

offerte aux justiciables, puisque l’organisation pyramidale du

1

tribunal administratif s’est trouvée complétée. Le recours pour

excès de pouvoir avant 1996 relevait en premier et dernier

ressort des Chambres contentieuses est désormais

soumis au contrôle des Chambres de premier instance en

premier degré et des Chambres d’appel en deuxième degré. Le

plein contentieux relève des Chambres de première instance en

premier degré, des Chambres d’appel en deuxième degré et du

contrôle de légalité des Chambres de cassation. L’importance et

la complexité du contentieux administratif imposait déjà lors de la

création du tribunal Administratif en 1972 la définition du rôle et

la délimitation de la compétence du juge administratif et la

délimitation de la procédure contentieuse. La loi n°40 du 1 juin

1972 relative au tribunal administratif a tracé l’essentiel du

schéma de la justice administrative en Tunisie. Les règles de

procédure sont de ce fait définies par la loi. Mais ceci n’empêche

pas le juge de puiser des règles complémentaires dans les

codes de la justice de droit commun comme le code de

procédure civile et commerciale et le code des obligations et des

contrats (1). Cet emprunt de règles, était nécessaire lorsque le

juge était obligé d’affronter certaines situations non prévues par

la loi de 1972, à l’instar de l’appel incident. Par son caractère

évolutif et sa mutabilité le contentieux administratif ne peut pas

être totalement cerné par une codification de règles susceptibles

de le régir . Le pouvoir créateur, et le rôle normatif du juge

administratif sont nécessairement utiles pour peaufiner une

procédure contentieuse qui vise essentiellement à protéger les

citoyens des éventuels abus de l’appareil administratif. La

2

procédure du contentieux administratif doit être de ce fait souple

et non rigide, permettant un facile accès au juge, et visant à

mieux protéger le justiciable de l’hégémonie de l’administration.

La réforme du contentieux administratif a tenu compte de cet

impératif, une simplification et une souplesse de la procédure ont

été opérées et un renforcement des garanties et des droits de la

défense a été engagé.

I – Simplification et souplesse de la procédure

Le recours devant le tribunal Administratif a été depuis

longtemps considéré comme un recours juridictionnel

exemplaire, c’est un recours d’utilité publique. L’accès au juge

doit être de ce fait facile et simple afin de suspendre dans les

plus brefs délais l’acte préjudiciable.

1 – L’accès libre et direct au juge

La lecture de la loi réglant le contentieux administratif

révèle que l’accès au juge est aisé. Ce constat est vérifiable

sous plusieurs aspects.

Tout d’abord, la forme de la requête n’obéit pas à un

formalisme excessif, l’article 36 de la loi du 1 juin 1972 stipule

que « la requête introductive d’instance mentionne le nom, le

prénom et le domicile de chacune des parties ainsi que l’exposé

sommaire des faits, des moyens et des demandes. Elle est

accompagnée des pièces justificatives… ».

Aucune sanction n’est prévue en cas d’omission de

l’une de ces conditions par le requérant . Selon une

3

jurisprudence constante le juge permet au justiciable de corriger

sa requête, en clarifiant certains points, ou en précisant ses

demandes.

A cet effet le juge instructeur peut soit le convoquer pour

lui demander de préciser l’objet de sa requête, Soit procéder à

une mesure d’instruction écrite pour clarifier certains points

contenus dans la requête, ou pour obtenir certaines pièces

pouvant justifier l’objet de sa requête (2).

L’article 38 de la loi du 1 juin 1972, indique que les

requêtes introductives d’instance sont déposées au greffe du

tribunal. La possibilité d’adresser la requête par lettre

recommandée avec accusé de réception est admise par le texte .

Le recours pour excès de pouvoir peut être rédigé sur papier

libre, le papier timbré n’est pas exigé. Le dépôt des requêtes par

les nouvelles techniques de l’information est envisageable.

Le développement de l’informatisation du tribunal

administratif tunisien a prévu la possibilité de déposer une

requête par « internet ».

L’article 35 de loi n°40 de 1972 dispense les justiciables

du ministère d’avocat, en matière de recours pour excès de

pouvoir, afin de permettre aux citoyens victimes d’abus de

pouvoir de recourir directement au juge sans subir les frais d’un

procès qui pourraient les décourager de solliciter l’aide du juge

pour le redressement du tort qu’ils ont subi. Dans le même sens

le législateur a prévu dans l’article 30 de la loi n°40 de 1972,

4

l’assistance juridictionnelle lors de l’introduction de la requête

pour les parties indigentes (3). Le décret n°882 -1972 du 26

septembre 1974 organise l’assistance juridictionnelle devant le

tribunal administratif. Une loi datant du 17 mai 1993 a institué le

régime de la gratuite des requêtes devant le tribunal

administratif.

Si le ministère d’avocat n’est pas obligatoire il n’est pas

interdit non plus. Si le justiciable trouve qu’il est préférable de

confier ses intérêts à un avocat plutôt que d’essayer d’agir seul,

l’article 35 de la loi du 1 juin 1972 précise que les requêtes

introductives d’instance doivent être signées par vu avocat à la

cour de cassation ou à la cour d’appel. Facultatif pour l’excès de

pouvoir le ministère d’avocat est obligatoire pour le plein

contentieux, alors que l’Etat bénéficie d’une dispense générale

sur ce point. Si l’article 59 de la loi de 1972 stipule que l’appel

est interjeté devant les Chambres d’appel par l’intermédiaire d’un

avocat auprès de la cour de cassation ou d’appel et que l’article

67 de la même loi ajoute que le recours en cassation est porté

pour le biais d’une demande rédigée par une avocat auprès de la

cour de cassation, il va de soit que le recours en annulation

devant les chambres de première instance peut être introduit par

un avocat près des tribunaux de première instance, voir même

des avocats stagiaires.

Avant la réforme de 1996, le recours préalable était

indispensable avant de présenter la requête pour excès de

pouvoir devant le juge. Désormais d’après l’article 37 nouveau

5

de la loi du 1 juin 1972 , le recours préalable est devenu

facultatif. L’accès à la justice administrative est devenu direct

sauf pour les décrets à caractère réglementaire, dont les

requêtes en annulation restent conditionnées par l’obligation du

recours préalable comme le stipule le dernier alinéa de l’article

19 de la loi du 1 juin 1972 telle que modifiée par loi organique

n°2002-11 du 4 février 2002. S’agissant, d’un recours objectif, le

recours pour excès de pouvoir, est un procès fait à un acte . Le

juge administratif n’est pas très regardant quant à l’exigibilité de

l’intérêt pour agir(4), l’intérêt peut être purement moral, l’intérêt

peut être celui d’une personne morale et non d’une personne

physique, l’intérêt d’une association ou d’un syndicat ; l’intérêt

peut être aussi collectif d’où la possibilité de présenter des

requêtes collectives, pour attaquer une décision concernant

plusieurs personnes. Une requête unique dirigée contre

plusieurs décisions est recevable lorsque, ces décisions sont

connexes.

Cette souplesse de l’exigence d’un intérêt à agir et cette

conception extensive de l’intérêt s’expliquent sans aucun doute

par la nature même de recours pour excès de pouvoir qui est

perçu comme un recours d’utilité publique , visant à sauvegarder

la légalité, avant, toute chose. Il est dans ce sens un recours

d’ordre public. Tenant compte, de toutes ces considérations la

jurisprudence tunisienne a estimé que contrairement au

contentieux de la responsabilité, le contentieux de la

responsabilité, le contentieux de l’annulation doit être facile à

6

exercer, d’autant plus , que le contrôle du juge administratif

touche la quasi totalité des actes de l’administration (5) à

l’exception des actes de gouvernement (6) et quelques décisions

disciplinaires exclues de son champs de compétence

expressément par la loi.

Le retour à la légalité et le rétablissement des droits qui

en découlent, nécessitent le traitement accéléré par le juge des

recours pour excès de pouvoir. Le législateur a prévu certains

mécanismes permettant le règlement du contentieux dans les

plus brefs délais.

2 – La célérité dans le traitement des affaires

contentieuses

La réforme de 1996 a tout d’abord réduit les délais, en

supprimant le recours gracieux obligatoire . Le requérant a la

possibilité de recourir directement au juge pour demander

l’annulation d’un acte administratif. La provocation d’une décision

ne nécessite plus un délai de réponse de l’administration de

quatre mois, mais de deux mois seulement.

Il en est de même du cas de recours préalable facultatif,

l’article 37 de la loi du 1 juin 1972 indique que les recours pour

excès de pouvoir sont introduits dans les deux mois qui suivent

la date de publication ou de la notification des décisions

attaquées. Avant l’expiration de ce délai la personne concernée

peut adresser un recours préalable à l’administration qui a pris la

décision . Mais une jurisprudence constante très souple admet la

7

validité du recours préalable adressé à l’autorité hiérarchique de

l’administration auteur de la décision. Un recours préalable

adressé à une administration qui n’a pas de lien direct avec

l’auteur de la décision a été considéré comme valable par le juge

qui a estimé que l’administration publique constitue une unité et

doit de ce fait aider l’administré en dirigeant sa demande vers

l’administration concernée.

La décision implicite de refus selon ce même article

prend naissance à l’expiration du délai de deux mois, c’est à dire

60 jours, qui suivent la date de réception du recours préalable.

Le tribunal administratif doit être saisi dans un délai de deux

mois qui suit la date de réception de la réponse de

l’administration ou la date de la naissance de la décision implicite

de refus.

Une fois l’affaire enregistrée au greffe du tribunal et afin

d’abréger les délais d’instruction et de jugement, le législateur a

prévu certains délais butoirs .

Il en est aussi du délai fixé par le juge instructeur à

l’administration pour répondre à requête une mis en demeure est

adressée à la partie qui n’a pas respecté le délai qui lui est un

parti. La non réponse de l’administration à la requête après la

mise en demeure est considérée comme un acquiescement aux

rétentions indiquées à la requête, sauf si, ces prétentions

apparaissent du dossier totalement injustifiées. C'est-à-dire s’il

apparait au vue du dossier que la requête n’est pas sérieuse ou

farfelue une fois l’instruction de l’affaire terminée, le président de

8

chambre adresse dans un délai maximum de huit jours, le

dossier de l’affaire au premier président qui saisi dans le même

délai le commissaire d’Etat, lorsqu’il estime que la solution

juridique de l’affaire est importante. Dans le cas contraire, il

ordonne son inscription au rôle d’une audience de plaidoirie,

sans saisir le commissaire d’Etat. Le président de chambre est

tenu de fixer la date de l’audience de plaidoirie dans un délai ne

devant pas dépasser les deux mois qui suivent l’ordonnance du

premier président, ou le dépôt des conclusion du commissaire

d’Etat chargé de défendre l’intérêt général.

La loi n’a pas fixé de délai ni pour l’instruction, ni pour les

conclusions des commissaires d’Etat. Face à l’insuffisance des

mesures d’abrégement de délai de traitement des affaires, le

législateur a prévu des 1972, le sursis à exècution des décisions

administratives(7) et des jugements d’appel, le réforme de 1996

a introduit le report de l’exécution des décisions attaquées

jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande de sursis à exécution.

L’article 39 de la loi du 1 juin 1972 telle que modifiéé par

la loi organique du 3 juin 1996, stipule que le recours pour excès

de pouvoir n’a pas d’effet suspensif et charge le premier

président du tribunal administratif d’ordonner le sursis à

exécution des décisions attaquées jusqu’à l’expiration des délais

de recours ou jusqu’à l’expiration des délais de recours ou

jusqu’à la date du prononcé du jugement, lorsque la demande

repose sur des motifs apparemment sérieux et que l’exécution

9

de la décision et de nature à entraîner pour le requérant des

conséquences difficilement réversibles.

L’instruction des dossiers de sursis à exécution se

déroule selon la procédure d’urgence et dans de bref délai. Le

premier président statue sur la demande qui lui est soumise

dans un délai ne dépassant pas un mois.

En cas d’extrême urgence le premier président peut

ordonner le report de l’exécution de la décision attaquée jusqu'à

ce qu’il statue sur la demande de sursis. Le sursis à exécution

peut être ordonné sur minute.

Le sursis à exécution des arrêts ou des jugements

attaqués par voie de cassation est prévu par l’article 71 de la loi

relative au tribunal administratif . Le premier président statue sur

les demandes de sursis. Il peut ordonner le sursis et fixe lui-

même le délai lorsque l’exécution de l’arrêt ou du jugement

risque de créer une situation irréversible, ou s’ils sont de nature

à entrainer des conséquences difficilement réparables.

En plus du sursis à exécution le législateur a introduit en

1996, les ordonnances de référé et les constats d’urgence, qui

sont des pouvoirs d’urgence confiés aux présidents de chambres

de première instance, et aux présidents de chambres d’appel.

Selon l’article 81 de la loi n° 40 du 1 juin 1972, ces

présidents peuvent respectivement ordonner, en référé, toutes

mesures provisoires utiles sans préjuger au fond et à condition

de ne pas entraver l’exécution d’une décision administrative.

10

L’article 82 dans son alinéa 2 ajoute que ces présidents peuvent

ordonner respectivement de procéder à un constat urgent de tout

fait menacé de disparition et pouvant faire l’objet d’un litige

administratif.

Les ordonnances de réfèré et les constats d’urgence

concernent aussi bien le contentieux de l’annulation que le

contentieux de pleine juridiction.

En plus de ces réfères conservatoires et d’instruction le

législateur a ajouté en 1996 , le réfère provision . L’article 82

stipule dans son alinéa 1 que les présidents de chambres de

première instance et les chambres d’appel peuvent ordonner

d’urgence et contraindre le débiteur défendeur de verser à son

créancier une provision.

En plus de la souplesse de la procédure pour faciliter

l’accès du justiciable à la justice administrative, le législateur

tunisien a, par souci d’équilibre tenté dès 1972 de protéger

l’administré justiciable de l’appareil administratif omnipotent lors

du déroulement du procès

Ainsi la lecture de loi relative au tribunal administratif

révèle, le caractère contradictoire de la procédure et son

inquisitorialité Cette tendance à protéger le justiciable s’est

accentuée lors de la réforme de 1996.

11

II – Une procédure respectueuse des droits de la

défense et des garanties pour « une bonne justice

administrative »

La loi de 1972 a posé le principe de l’obligation

d’instruire avant de juger. L’instruction est erigée en formalité

essentielle, de ce fait le juge bénéficie de pouvoirs importants.

Son obsession majeure est la protection du justiciable contre les

éventuels abus de l’administration. Pour le rétablissement de la

légalité, le juge administratif use de certaines techniques lors de

l’instruction et de jugements des affaires. Tout d’abord, la

procédure est essentiellement écrite, elle est ensuite

inquisitoriale et contradictoire.

1 – Les caractères généraux de la procédure

d’instruction

La procédure d’instruction, soit en matière du

contentieux de l’annulation, soit, en matière du contentieux de

pleine juridiction est secrète, dans la mesure ou il n’ya pas

d’audiences ouvertes comme au civil ou au pénal, de ce fait la

procédure est écrite.

A–Le principe du caractère écrit de la procédure

12

La requête, les mémoires des parties, les conclusions,

les preuves, sont écrites. Les plaidoiries doivent être inspirées

des observations écrites formulées déjà et inscrites au dossier

de l’affaire. Les mesures d’instruction doivent être écrites et

retracées minutieusement au dossier de l’affaire, et même si le

juge instructeur convoque les parties on entend un témoin, un

procés verbal doit être établi et consigné au dossier .

L’échange de mémoires et des correspondances se fait

selon l’article 44 par la voie administrative et sans frais.

Une fois l’instruction achevée, le juge rapporteur dresse

un rapport écrit et un projet d’arrêt. Le rapport de fin d’instruction

est d’après les dispositions de l’article 49 un récapitulatif des

travaux d’instruction et une présentation des propositions pour

résoudre l’affaire.

Le commissaire d’Etat (ou le commissaire général d’Etat)

une fois saisi conformément aux dispositions de l’article 49 de la

loi du 1 juin 1972 dresse des conclusions écrites, versées au

dossier, et, exposées lors de l’audience de plaidoiries. Les

parties peuvent répondre par écrit aux conclusions du

commissaire d’ Etat.

L’absence des parties convoquées par écrit pour

l’audience de plaidoiries, de leurs défenseurs et représentants

n’a pas d’incidence sur le déroulement du procès. S’agissant

d’une procédure écrite la formation de jugement n’est pas tenue

d’entendre oralement les parties le jour de l’audience.

13

La procédure écrite, n’empêche pas le juge rapporteur

de procéder à des expertises, des déplacements sur les lieux

afin d’apporter des éléments de fait et de droit pour clarifier

l’affaire. Le rôle qu’ exerce le juge administratif se situe dans le

cadre de sa mission inquisitoriale.

B- L’inquisitorialité de la procédure (8)

Le principe retenu par la loi de 1972 est que le juge

administratif dirige seul l’instruction, les porties n’interviennent

pas dans le déroulement de l’instruction.

D’ailleurs le juge est saisi par requête pour les recours

pour excès de pouvoir, en vertu des dispositions de l’article 37 et

suivants de la loi de 1972, par demande déposée au greffe pour

l’appel et la cassation en application des articles 59 et 67 de la

loi de 1972.

Les requêtes portées devant les chambres de première

instance, sont transmises aux défendeurs par la voie

administrative, les mémoires en défense sont adressées au

greffe du tribunal administratif qui se charge de les communiquer

aux requérants. Les demandes d’appel et les demandes de

cassation sont disposées au greffe du tribunal. L’appelant n’est

pas tenu de convoquer par la voie de l’assignation l’intimé,

comme c’est le cas devant les cours d’appel de l’ordre judiciaire.

L’appelant est obligé sous peine de déchéance, de signifier le

mémoire ampliatif à l’intimé et de déposer au greffe une pièce

14

justifiant cette signification. L’article 62 de la loi de 1972, stipule

que l’instruction de la requête en appel s’effectue conformément

aux règles des recours auprès des chambres de première

instance. C'est-à-dire que les règles de procédure sont

identiques quant aux principes pour les différents degrés de

juridiction. L’instruction du procès reste l’œuvre du juge quelque

soit le degré de juridiction.

Une fois la juridiction saisie, un rapporteur est nommé

par le président de chambre, pour prendre l’affaire en charge afin

de l’instruire et de préparer un rapport de fin d’instruction.

Sous la direction du président de chambre, le rapporteur

tout en menant l’instruction, prépare la solution juridique de

l’affaire. A cette fin, il peut prendre les initiatives adéquates

susceptibles d’éclairer formation de jugement dans son

jugement. Une panoplie de techniques est mise à sa disposition .

Il peut demander aux parties de lui fournir des documents et des

pièces. Il a droit de sa propre initiative et sans demande

expresse des parties procéder à des enquêtes, se déplacer sur

les lieux, généralement dans les affaires afférentes au droit de

l’urbanisme. Il lui est permis de nommer des experts,

conformément à l’article 44 de la loi relative au tribunal

administratif, qui détaille certaines mesures inhérentes à la

procédure inquisitoriale, Ces mesures doivent être prises dans le

cadre de la transparence totale et le juge est tenu d’informer les

justiciables en application du principe de la contradiction.

C- Le principe de la contradiction

15

Le principe de contradiction est érigé en tant que

principe général de droit, lui-même corollaire de la règle

constitutionnelle de respect des droits de la défense énoncée

dans l’article 12 de la Constitution Tunisienne du 1 juin 1959.

Le principe de contradiction exclut qu’une affaire, soit

jugée sans informer les parties. L’information du justiciable est la

règle, même lorsqu’il s’agit de pièces estimées importantes, Le

juge ne peut pas statuer sur le vu de pièces dont seul, il aurait pu

avoir connaissance.

La loi du 1 juin 1972, a à cette fin défini le déroulement

de la procédure d’instruction dans le titre VI et VII.

L’accent a été mis sur l’obligation de communiquer tous

les éléments produits par les parties, qui débute par la

communication des mémoires et des pièces qui accompagnent

les mémoires. La jurisprudence du tribunal administratif n’impose

pas la communication systématique des pièces(9), mais donne

obligation au juge d’en aviser les parties, lesquelles, peuvent dès

lors les consulter au greffe. La loi de 1972, incite les parties à

répondre aux mémoires, une mise en demeure est adressée à la

partie récalcitrante, en cas de non réponse. La loi pousse en

outre l’administration à répondre aux requêtes. L’alinéa 3 de

l’article 45 considère que le fait de ne pas répondre à la requête

dans les recours pour excès de pouvoir, après l’expiration du

délai de la mise en demeure, est interprété comme un

acquiescement aux prétentions indiquées dans la requête, sauf

élément contraire découlant au dossier.

16

En cas de visites des lieux et d’expertise, d’enquête, les

parties doivent être informées des lieux, jours et heures des

opérations, auxquelles elles pourront assister et se faire aider

par des avocats, avec droit de présenter leurs observations

consignées par écrit et de formuler des critiques aux rapports

d’expertise. En matière d’expertise le droit commun est

applicable tel que prévu dans le code de procédure civile et

commerciale.

L’objectif essentiel de la procédure contradictoire est

d’assumer l’impartialité de l’instruction.

La loi ne l’a pas prévu, mais la seule exception au

principe contradictoire, pourrait être le secret de la défense

nationale. Ce qui n’empêche pas le juge de prendre

connaissance de documents couverts par le secret de la défense

nationale(10), sans les soumettre au contrôle et aux

discussions des parties adverses de l’administration. Les parties

ne sont pas informées de la clôture de l’instruction, du rapport du

conseiller rapporteur. La jurisprudence considéré que le rapport

d’instruction est un document interne au tribunal. Le juge

rapporteur donne le jour de l’audience lecture d’un condense de

son rapport, se limitant à présenter les parties et les faits, sans

donner son avis juridique. Seul les commissaires d’Etat et les

commissaires généraux d’Etat, lorsqu’ils sont saisis donnent

lecture complète de leurs conclusions écrites en proposant une

17

solution juridique à l’affaire. S’ils le demandent, les parties au

procès peuvent répondre par écrit à ces conclusions.

Les parties doivent être informées, vingt et un jour à

l’avance de la date de l’audience publique de plaidoirie. Elles

peuvent se faire assister par un mandataire muni de pouvoir

dûment légalisé, ou par un avocat, afin que le jugement de

l’affaire soit entouré de toutes les garanties.

2 – Les garanties entourant les jugements

Toute instance aboutit au prononcé d’une décision

juridictionnelle appelée « jugement », pour les chambres de

première instance et les chambres d’appel, « arrêt » pour

l’assemblée plénière, les chambres de cassation et le sursis à

exécution.

Ces différentes décisions juridictionnelles doivent

être rendues suivant une procédure et un rituel particulier

afin de préserver les droits des parties et d’apporter les

garanties essentielles pour une bonne justice. Tout

jugement est rendu par une formation de jugement

collégiale. Le président et deux conseillers pour les

chambres de première instance, d’appel et de cassation.

Le premier président, les présidents des chambres de

cassation, consultatives d’appel et deux conseillers pour

l’assemblée plénière juridictionnelle.

18

Tout jugement est rendu après délibéré de la formation

de jugement ayant assisté à l’audience. L’article 52 de la loi de

1972 insiste sur le caractère secret du délibéré afin de préserver

l’indépendance des magistrats faisant partie des formations de

jugement. Le Conseiller rapporteur participe au délibéré avec

voix consultative, La formation de jugement est tenue de statuer

dans les limites des conclusions. Il lui est interdit de juger

infrapetita et ultrapetita.

Mais s’agissant du recours pour excès de pouvoir la

formation de jugement peut se libérer du cadre de l’instance

défini pour les parties en dépassant les moyens soulévés pour

contrôler systématiquement l’ensemble des irrégularités

possibles de l’acte attaqué. La formation de jugement peut

procéder à l’interprétation de la requête et la substitution de base

légale. Le contrôle de la légalité de l’acte attaqué par rapport à la

constitution, les traités dûment ratifiés(11), la loi et les principes

généraux de droit, est facilite lorsque les moyens intéressent

l’ordre public et sont soulevables d’office par le juge .

Pour préserver l’idéal républicain, le jugement est rendu

au nom du peuple, à la majorité des voix. Lecture est faite du

prononcé du jugement en séance publique. Le dispositif du

jugement est consigné dans le procès verbal de l’audience,

signé par tous les membres de la formation de jugement.

L’article 53 de la loi de 1972, fixe les formalités du

jugement qui doit indiquer la Chambre qui l’a rendu, les noms,

qualités et domiciles des parties, un résumé de leurs mémoires,

19

de la procédure, les textes juridiques ayant servi de fondement

au jugement, les dates de l’audience de plaidoirie et du

prononcé, les noms des membres qui l’ont rendu, du greffier.

Mention est faite du juge rapporteur et le commissaire d’Etat. La

minute est signée par le juge rapporteur et le président de la

formation de jugement.

Ces formalités substantielles , permettent aux

justiciables de contrôler la régularité de la procédure, surtout que

des voies de recours ordinaires et extraordinaires, sont ouvertes

devant eux. Les jugements en matière d’excès de pouvoirs sont

susceptibles d’appel, de recours en révision, d’opposition et de

tierce opposition, mais ne sont pas susceptibles de cassation, à

la différence des jugements de pleine juridiction qui peuvent faire

l’objet d’un pouvoi en cassation.

L’article 10 de la loi du 1 juin 1972, considére que

l’inexécution volontaires des décisions du tribunal administratif

constitue une faute lourde qui engage la responsabilité de

l’autorité administrative en cause.(12)

La crédibilité d’une juridiction administrative est

conditionnée par le respect de ses décisions par les autorités

administratives.

La pratique en Tunisie, a montré que les jugements et

arrêts du tribunal administratif sont pratiquement exécutés dans

leur quasi-totalité. Les quelques cas d’inexécution sont dus aux

difficultés d’appliquer une décision rendue parfois tardivement

20

ou pour des considérations d’ordre public et de sécurité

nationale. La prochaine réforme tiendra certainement compte de

ces quelques cas isolés L’astreinte prononcée contre

l’administration dans les cas ou il ya « inexécution constatée »

d’une décision juridictionnelle, pourrait très bien être envisageé.

Notes

1 – Affaire n° 48 cassation – 1 mars 1979 Hassine

/Directeur Général des impôts

- Affaire n°21782 Appel - 19 mai 1999 Chef au contentieux

de l’Etat pour le compte du Ministre de la Défense Nationale

/Lassoued

Par une jurisprudence constante, le tribunal administratif

accepte l’application des dispositions du droit civil (code des

obligations et des contrats, code de procédure civile et

commerciale…) lorsque la loi relative au tribunal administratif

21

n’a pas prévu de dispositions expresses et tant qu’elles ne

contredisent pas les régles de droit administratif

2 – Affaire n° 29 EP - 26 février 1976 Souid / Ministre de

l’intérieur

- Affaire n°3132 – 24 novembre 1993 Salfouh / Ministre du

Plan et du Développement Régional.

Le tribunal peut interpréter la requête en matière d’excès de

pouvoir lorsqu’elle n’est pas claire et comporte des

ambiguiités. Le tribunal ne s’arrête pas aux aspects externes

du vocabulaire usité par le requérant mais cherche à découvrir

le sens réel et l’objectif qu’il a tracé.

3 - Affaire n° 755 cassation - 24 novembre 1988 la demande

d’aide judiciaire ouvre les délais de recours et permet de

différer le dépôt de la requête.

4- Affaire n° 1404, 1405 - 17 juillet 1989 Syndicat de agents

de la Banque Centrale/ Gouverneur de la Banque Centrale .

Le tribunal administratif a adopté une politique très souple vis-

à-vis de l’intérêt à agir et a admis, le recours formulé par le

syndicat et même les personnes morales si l’objet du recours

concerne des intérêts collectifs et non des intérêts individuels.

5 – Affaire n° 111 – 22 juillet 1977, Amel Fray / Ministre de la

Santé Publique

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Le tribunal a dans cette affaire défini l’acte attaquable en

écartant les mesures internes du recours pour excès de

pouvoir. Cette jurisprudence a été confirmée à plusieurs

reprises, Dans l’affaire n°1228 – 15 février 1985 Moufida

Bornaz / Ministre des Finances , le tribunal a considéré que

les travaux préparatoires à la prise d’une décision, ne

constituent pas des actes exécutoires et ne sont pas

susceptibles de ce fait de recours pour excès de pouvoir

6 –Affaire n°325 – 14 avril 1981 – Pierre Falcon / Ministre de

l’Agriculture

Le tribunal administratif écarte les actes de gouvernement du

recours pour excès de pouvoir. Il les définit, comme étant les

actes de politique générale, importants, telles que les actes

liés à l’état de guerre, les relations internationales, et la

relation entre le gouvernement et le pouvoir législatif.

7 –Affaire n° 760 sursis à exécution- 17 décembre 1994

Jamel Azzouz / Avocat général près la cour d’appel de Sousse

Le premier président du tribunal administratif est compétant

pour examiner les demandes de sursis à exécution des

jugements rendus en dernier ressort objet de pourvoi en

cassation, en matière de contentieux disciplinaire des ordres

professionnels.

Le Premier Président est compétant en matière du sursis à

exécuter des jugements et arrêts du :

23

- Conseil de la concurrence

- Les jugements rendus en dernier ressort, condamnant

l’Etat à verser une somme d’argent, ou ordonnant la main

levée à d’une saisie pratiquée par l’Etat pour le recouvrement

des sommes qui lui sont dues , ou ordonnant la destruction de

pièces. La réforme de 1996 a dans l’article 70 nouveau ,

purement et simplement supprimé cette compétence du

Premier Président en rendant la suspension des jugements et

des arrêts dans ces domaines automatique,nonobstant, le

recours en cassation.

- Les jugements rendus, en dernier ressort objet d’un

recours en révision .Cette compétence a été étendue selon le

dernier alinéa de l’article 78 au président de la juridiction ayant

rendu le jugement objet du recours en révision.

- Les jugements rendus en premier ressort revêtus de la

formule d’exécution urgente.

- Les jugements rendus en référé

- Les jugements rendus en dernier ressort en matière

fiscale.

8 – Affaire n°24519 – 27 Janvier 2005 : Ministre de l’Intérieur

et du Développement Régional/.....

Le juge peut procéder aux enquêtes et même écouter les

témoignages en application du rôle inquisitorial qui lui est

dévolu.

24

Affaire n°3279 – 11 avril 1995 : l’instruction devant le tribunal

administratif obéit au principe de l’inquisitorialité. Le juge peut

de ce fait désigner l’administration concernée par le recours

pour excès de pouvoir.

Affaire n°32165 – 20 mars 2002 / Baàzaoui / Ben salem

Le pouvoir inquisitorial du juge ne porte pas atteinte au

principe de neutralité.

9- Affaire n° 24501 30 novembre 2005 Lotfi / Ministre de la

Défense Nationale

Le tribunal administratif, estime que le juge a un pouvoir

d’appréciation pour décider de ne pas communiquer les

rapports et les pièces à l’une des parties au procès, à

condition de ne pas porter atteinte au principe de la

contradiction et aux droits de la défense.

10 – Affaire n° 3554 : 21 juin 1995 A.M / Ministre de

l’Education et des Sciences.

L’administration est obligée de motiver ses décisions devant le

juge afin qu’il puisse exercer son contrôle sur l’exactitude des

faits. Le caractère secret des documents ne lui est pas

opposable.

11- Affaire n°3643 – 21 mai 1996 – ligue tunisienne des droits

de l’Homme / Ministre de l’Intérieur

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Le tribunal administratif a considéré dans cette affaire que les

traités internationaux dûment ratifiés ont une valeur supérieure

à celle des lois internes.

Par ailleurs le tribunal, a posé le principe de la suprématie de

la constitution en déclarant que la constitution est la source

essentielle de la légalité.

Affaire n° 1887 - - 27 juin 1990 Rafaä Ben Achour / Ministre de

l’Education, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

Scientifique.

12 – Affaire n°1064 - 21 septembre 1992 Chef du contentieux

de l’Etat pour le compte du Ministre de la Défense Nationale /

zark el ayoun

L’inexécution des arrêts du tribunal administratif, ouvre droit

au requérant de demander réparation du dommage, tant que

l’administration poursuit son attitude de refus à exécuter.

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