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Présentation 2’00’’ Introduction musicale 1 | Continents (A) 50’’ Simon Stef Océanie, Pièce de puzzle isolée, mise à l’écart du plateau, Cherchant sa place dans l’immensité de l’océan. Asie, Comme la peau d’une immense bête étalée sur un sol glacé Devant l’âtre qui s’éteint doucement. Amérique du Nord, Amoncellement de pierres aux formes multiples Auquel on a voulu faire atteindre une taille indécente Provoquant au final l’éboulement qui l’entoure. Amérique du Sud, Escalope frétillant dans la poêle, Attendant ses poivrons, ses tomates, ses oignons et ses haricots rouges. Afrique, Tel un masque intégral recouvrant toute la tête De la base du crâne au menton et dont le nez s’est décroché. Europe, Forme inepte, rongée par les vers, qui a perdu toute cohérence Et qui pourtant s’accroche encore et toujours, entre terre et mer. 10’’ Pont musical 2 | Continents (B) 21’’ Nicole L’Amérique du Nord s’étire comme un protozoaire L’Amérique du Sud lui répond en minaudant L’Europe s’étire et se gonfle L’Afrique, bien baraquée petit à petit rentre les épaules jusqu’au Cap L’Asie a des pattes partout L’Océanie, la mastodonte, bref tant pis L’Antarctique se noie au loin 10’’ Pont musical 3 | Continents (C) 50’’ Catherine Afrique, patate douce à la racine lointaine, tu regardes d’un œil ancien le monde qui a perdu ses couleurs. Amérique, joyeuse et tourmentée, tu te disloques et essaimes sans être rassemblée. L’Asie, oreille gauche vers l’ancien monde, oreille droite vers le nouveau. L’Océanie s’amuse d’être dispersée et joue entre Océan Pacifique et Océan Indien. Europe dominatrice entre terre et eau. 30’’ Pont musical 2 3

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Page 1: Présentation 1 · 1 Hippopotame, Monstre du Nil Terreur des crocodiles Gardien du fleuve sacré de l’Egypte. 2 Tapis dans le sable, à peine visible, dans l’ombre d’une dune,

Présentation

2’00’’ Introduction musicale

1 | Continents (A)

50’’ Simon Stef

Océanie, Pièce de puzzle isolée, mise à l’écart du plateau, Cherchant sa place dans l’immensité de l’océan.

Asie, Comme la peau d’une immense bête étalée sur un sol glacé Devant l’âtre qui s’éteint doucement.

Amérique du Nord, Amoncellement de pierres aux formes multiples Auquel on a voulu faire atteindre une taille indécente Provoquant au final l’éboulement qui l’entoure.

Amérique du Sud, Escalope frétillant dans la poêle, Attendant ses poivrons, ses tomates, ses oignons et ses haricots rouges.

Afrique, Tel un masque intégral recouvrant toute la tête De la base du crâne au menton et dont le nez s’est décroché.

Europe, Forme inepte, rongée par les vers, qui a perdu toute cohérence Et qui pourtant s’accroche encore et toujours, entre terre et mer.

10’’ Pont musical

2 | Continents (B)

21’’ Nicole

L’Amérique du Nord s’étire comme un protozoaire

L’Amérique du Sud lui répond en minaudant

L’Europes’étire et se gonfle

L’Afrique,bien baraquée petit à petit rentre les épaules jusqu’au Cap

L’Asiea des pattes partout

L’Océanie, la mastodonte, bref tant pis

L’Antarctiquese noie au loin

10’’ Pont musical

3 | Continents (C)

50’’ Catherine

Afrique, patate douce à la racine lointaine, tu regardes d’un œil ancien le monde qui a perdu ses couleurs.

Amérique, joyeuse et tourmentée, tu te disloques et essaimes sans être rassemblée.

L’Asie,oreille gauche vers l’ancien monde, oreille droite vers le nouveau.

L’Océanie s’amuse d’être dispersée et joue entre Océan Pacifique et Océan Indien.

Europe dominatrice entre terre et eau.

30’’ Pont musical

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4 | Métro Château1’50’’ Colette Marie-Cécile

J’ai vécu près de l’Afrique joyeuse, l’Afrique qui hurle d’un trottoir à l’autre. Les femmes en colère après leur époux et qui ont toujours le dernier mot. J’ai vu des tenues chatoyantes sortir du métro, pendant qu’un homme sur chaque marche apostrophe les jeunes filles pour les conduire vers le coiffeur censé leur réaliser les plus belles tresses ou cheveux lissés. Les interrogations, les rires, les interpellations s’élèvent au-dessus du bruit de la circula-tion et des klaxons comme un feu d’artifice permanent.

4’’ Virgule musicale

Tout semble à la fois extravagant et rudi-mentaire. Au coin du boulevard un homme enveloppé de fumé grille des épis de maïs que les femmes dégustent à pleine bouche.C’est l’Afrique du métro château d’eau (Paris Xe) où j’ai vécu et que j’ai découvert peu à peu.

4’’ Virgule musicale

Sont-ils pauvres, sont-ils riches ? Non, c’est bien au-delà qu’il faut chercher, plutôt du côté de la joie de vivre exprimée sincère et sans recherche.

10’’ Pont musical

5 | J’irai à Tambouctou1’00’’ Catherine

J’irai à Tombouctou. Je verrai l’antique citadelle dessinée par René Caillé, ses murs couleur de terre brûlée.

4’’ Virgule musicale

Je rencontrerai des enfants au visage triste déchargeant de leurs ânes de lourdes marchandises ou portant des plateaux sur leur tête.Je me déchausserai à Djingarerber, à Sidi Yahia et à Sankai.

4’’ Virgule musicale

J’entendrai l’appel du muezzin.J’irai dans les pas des anciens, je verrai les marchés, les hommes vêtus de djellabas, les tissus colorés des femmes, je verrai les garçons en tee-shirts et en shorts, je verrai les nouveaux édifices.J’irai vers les pas d’une jeunesse qui ne se soucie pas de la mémoire des bibliothèques ni du respect des ancêtres.

10’’ Pont musical

6 | J’irai voir le Mali1’24’’ Isabelle

Avec Ali, mon ami, nous longerons le Niger de ville en ville, à Bamako, dans les villages aux alentours, puis plus au nord à Ségou et pour finir à Tombouctou surnommée «la perle du désert ». Mon rêve se porte vers d’autres horizons que la découverte du Sahara. Mon rêve est d’aller à la rencontre du peuple malien.

4’’ Virgule musicale

Dans chaque village où nous nous arrêterons des enfants accourront vers nous pour jouer avec eux au foot. Je découvrirai le jeu de l’awalé avec Bintou. Nous nous sentirons enivrés par la foule et par des parfums exo-tiques : mangues, ananas, litchis, arachides et poissons étalés à même le sol. Je goûterai la papaye avec du jus de citron. Quel délice de prendre le temps de vivre.

4’’ Virgule musicale

Dans le village d’Ali, je serai entourée de sa femme Maria, leurs 5 enfants, ainsi que ses voisins et amis. Bitou grattera du thé et Aissata m’offrira de succulentes bananes allocos. Je jouerai aux dames en écoutant à la radio le chanteur malien Salif Keita. À la nuit tombée, nous nous réuni-rons autour du feu pour écouter Moussa jouer de la kora. Il y existe un proverbe malien qui dit « Nul ne peut se vanter de se passer des autres ».

10’’ Pont musical

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7 | J’irai2’10’’ Didier

J’irai.Voir si le ciel est toujours brûlant, si la terre saigne toujours autant, et, entre les deux, la ville, coquette.en son miroir, où le reflet des hautes colonnades blanches côtoie celui des torchis couverts de tôles ondulantes sur lesquelles sèche le linge bigarré en compagnie du blanc manioc.

4’’ Virgule musicale

J’irai.Écouter à nouveau dans les larges avenues si les branches des palmiers bruissent du chant d’oiseaux multicolores, aux abords de la fanfare des cris du grand bazar. Je prêterai l’oreille à cet air lourd du soir qui ne sait départager, les tam-tams des places de deuil, les chants de fête aux musiques endiablées et les prières languides des minarets. La ville sera sonore jusqu’au petit matin, où elle pourra se repeupler de voix qui s’interpellent sans sembler se croiser.

4’’ Virgule musicale

J’irai.Avec délicesentir la ville, gorgée de pluies d’orages, parsemée d’étals aux inconnues senteurs, de feux de bois entre trois pierres noircies, de relents acides de bière et de péké. Elle ne sera qu’un grand nez noir, épaté de reconnaître dans le vent mille humanités possédant chacune son épice enchanté.Je gouterai la ville dans chaque petit marché. Ici, la mangue bien mûre que je veux sentir fondre à nouveau sur ma langue. Ailleurs, la chèvre grillée, la banane encore chaude dans son beignet. L’amertume du citron vert sur l’orangée douceur des papayes.

4’’ Virgule musicale

J’irai.Toucher la peau rugueuse des ananas et celle de mon cou, ruisselant de sueur d’avoir trop marché. Je cueillerai l’eau du fleuve pour m’apaiser,Et puis je partagerai l’espace d’un bus, d’un car, la proximité des rires où la diversité se croise jusqu’à se saisir.

4’’ Virgule musicale

J’irai.Enfin toucher ces mains noires où danse l’ocre du henné, la joue rebondie d’une sœur éloignée. Assis au sol, je partagerai un café à la lueur d’une lampe-tempête, dans un soir de sérénité. Je me laisserai saisir par la chaleur, de la tasse, de la nuit, de la rencontre entre ceux qui s’admirent de ne pas encore se connaître, de l’instant où l’exotique prend corps de se révéler si semblable.

J’irai.

10’’ Pont musical

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8 | Karukera1’38’’ Isabelle Stef

J’irai voir la Gwadloup, Karukera, l’île Papillon.J’irai m’y installer pour y tisser mon coconY attendre mon éclosion.Je prendrai le temps de choisir avec soin Le lieu de ma résurrection.J’arpenterai Basse-Terre,J’arpenterai Grande-TerreJe parcourrai tous les cheminsSous les camaïeux verts des frondaisonsM’abreuvant à l’arbre du voyageurMe reposant sous les fougères arborescentesJe suivrai les oiseaux de paradis et le sillon de leurs flammèchesÀ travers toute la Mangrove.Je gravirai la Soufrière Avant de m’en retourner aux Trois-RivièresEt de Bouillante à Port LouisDe Saint François à Sainte MarieJe chantonnerai avec Voulzy.

4’’ Virgule musicale

À Pointe à Pitre lors d’une pauseViendra l’heure du choixEntre les deux ailes du papillon Où préparer ma métamorphose ?À ma droite les Abymes,À ma gauche le Mont Couronne Mais il n’est pas encore temps même si 22 heures sonnent.Je reprends la route vers le GosierLieu bien nommé pour se restaurer.Un plat antillais bien épicéColombo de pouletPuis un ti rhum arrangéPris à la terrasse d’un café.

4’’ Virgule musicale

Sur la place la foule aux vêtures bariolées S’agite sur un air de reggae.L’alcool aidant et le rythme envoûtant Je me retrouve vite dans un groupe entraînéUne jeune femme m’interpelle : « li content ? »Plus besoin de cocon je me suis déjà envoléComme un paradisier convoitant Une fleur de papaye aux couleurs chatoyantes.La fleur qui danse avec moi s’appelle Sylvia,Et m’initie aux secrets des rastas…

10’’ Pont musical

9 | Ô Nil37’’ Catherine

Tu captes encore tous nos rêvesIls sont toujours présentsRamsès, Aménophis, ToutankhamonEt Cléopâtre.Je prendrai le bateau, je passerai les lentes écluses.Au loin, défilera le désert, j’apercevrai les chameaux,quelques palmiers perçant l’aridité du sable,les maisons de brique inachevées,la troupe joyeuse lavant marmites et boubous.

4’’ Virgule musicale

Au couchant, je rêverai au travail des esclaves.Je ne m’interrogerai pas sur ta sourceBercée par le glissement du navire et le charme des histoires.

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Bestiaire

2’00’’ Interlude musical

10 | Bestiaire2’20’’ Benoît & Nicole

1 Hippopotame, Monstre du Nil Terreur des crocodiles Gardien du fleuve sacré de l’Egypte.

2 Tapis dans le sable, à peine visible, dans l’ombre d’une dune, le fennec chasse ;invisible pour sa proie.

1 Ce petit animal insaisissable, Couleur sable Se précipite dans le terrier qui le protégera De la morsure du soleil et de ses prédateurs C’est le xérus encore tremblant de peur.

Stef

2 L’élégante girafe cherche à attraper les nuages, et s’emmêle les pattes comme une danseuse étoile en devenir.

1 Le zèbre au pelage vintage a oublié la couleur qu’il a laissée aux fleurs.

2 Un lion se prélassait certain de sa suprématie sans se soucier et satisfait il s’assoupit.

Marie-Cécile

1 Le caïman, il ment Il gît, tout gentil Mais gare aux mouvements du vent Ils lui font sortir les dents

Nicole

2 Fourmi, fourmi… Fourmi, fourmi, fourmi, fourmi… Quand cessera donc le cortège de cette colonie Fourmi… Fourmi… Fourmi…

1 Sur ta branche voisine de la mienne, tu te la joues adroit, sournois, grivois, et parfois, exploit, il semblerait même que tu singes mon minois, et ça, j’en ai ma claque ! Macaque !

2 La gazelle, forte de ses deux « L », bondit avec tant de grâce qu’on dirait qu’elle vole.

Didier

1 Le scorpion, bien caché, sous une feuille, une racine, recherche l’ombre humide ;sa dernière chambre à coucher sera peut-être votre chaussure, si vous couchez à la belle étoile. Le matin, vérifiez qu’il n’y ait pas un indésirable locataire, votre pied en garderait un mauvais souvenir.

Colette

2 La grue, ivre de l’eau limpide et de ses jambes grêles se demande pourquoi elle reste immobile.

1 L’oiseau bleu finira bien par retourner dans son livre de contes.

2 La tortue s’ébroue aux sarcasmes des oiseaux qui la trouvent trop lourde.

Catherine

10’’ Pont musical

11 | Bestiaire20’’ Jeff

Le vieux lion du parc du Masaïa Mara.À force de regarder au loin, il en avait les yeux bridés. Sa crinière devenue grise sur le front et autour des oreilles, et une barbiche surtout, presque blanche, qui évoquait un vieux moine tibétain. Depuis quelques années, c’était un solitaire, son clan l’avait écarté. Samba le vieux solitaire n’est plus depuis un mois, un symbole disparaît mais il renaîtra en quelque sorte car il est conservé, en vue d’être naturalisé.

Jeff

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Fleuves&

Eaux

2’00’’ Interlude musical

Haïku 1

Jeff

Plic ploc, goutte au nez/ Bottes dans les flaques/ écharpe mouillée.

10’’ Pont musical

12 | Le goutte à goutte7’’ Jeff’

Le goutte à goutte du robinet fait sa lente fontaine, sa pluie remplit bientôt le verre… pour un petit bain d’oiseau.

10’’ Pont musical

13 | Cascade du pré47’’ Nicole’’

Cascade du petit pré, guillerette et assom-mante. Ton bruit est insolent, percutant en toute limpidité. T’approcher, c’est vouloir la pureté glacée de ton eau ruisselant sans trêve en affrontant les ans, c’est se désaltérer au gré du vent en narguant les dangers de tes retombées vigoureuses et silencieuses.

4’’ Virgule musicale

L’oiseau murmurait sur sa branche et dévoilait au loin les méandres majestueux du courant millénaire. A tâtons, à petits pas, je suivis son langage vers les démons et merveilles de cette rutilante mer de courants mêlés de pierres, d’îlots et d’arbres, armée contre l’inexorable marée montante, habitée d’oiseaux bluffeurs et enchanteurs.

10’’ Pont musical

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Haïku 2

Jeff

Tremper la ligne/ dans l’onde mouvante– pêcher des reflets.

10’’ Pont musical

14 | Pluie2’36’’ Didier & Isabelle Didier

Poc !À l’abri de l’étouffante nuit, Un bruit chatouille l’oreille endormie.

Po-doc !Un coup. Un autre. Deux mains ?Un musicien ?Cherche-t-il un rythme oublié sur la peau tendue de son djembé ?

Pam-pa-po-doc !Père, mère, frère et sœur sont réveillés. Le bruit envahit les cœurs emballés.

Pam-pom-papodoc !Le rythme se maintient, il roule sur la tôle ondulée.Cette fois, c’est certain,c’est une ondée.

Pompampom-papodoc !D’être trop nombreux, les impacts ne sont bientôt qu’un.L’ondée s’invite, la voilà tonitruante. Elle danse, sur la tôle chantante.Sur le toit,Elle revendique son droit. VoiciLa saison des pluies.

4’’ Virgule musicale

— Vite ! Femme ! Apporte l’eau !Elle est pourtant précieuse, celle qu’il faut si loin puiser,La corvée est fastidieuse, mais ce soir ?On veut bien gaspiller.— Fils ! La lumière !La lampe-tempête brise l’obscurité,Et s’élance vers l’entrée, suivie d’un sourire immaculé.Bras levé, plus grand qu’à l’ordinaire, le fils sait ce qu’il doit faire de son appât lunaire.

La mère sort et soupire. La sœur la poursuit d’un rire. Elles tiennent en main, chiffon, tissus, ce qu’elles ont trouvé, Vite trempé, vite essoré. Vite, la pluie va s’arrêter.

Le père tient le seau, privilège ancestral. C’est sa fierté de mâle. Plus noir que sa peau, le ciel le dévisage, tandis qu’une dernière goutte cingle son visage. Le ciel… où il ne cherche rien à voir. Il quête un son, un vol, une invasion.

4’’ Virgule musicaleUne étincelle soudain maraude, puis la seconde, et sa suivante. Elles sont vite si nombreuses qu’on ne les compte plus. La faim inonde les bouches, et danse dans les ventres. La famille ne rit plus, elle chasse.

De sa lune à pétrole, le fils attire les termites aveuglées, Les femmes coupent leur vol de leurs linges mouillés. Le père les arrose, au sol, pour qu’elles ne puissent reprendre leur envol. La nuée passée, il n’y aura qu’à cueillir ces promesses d’un délicieux pâté.

Comme l’homme, elles souffraient de l’été. Comme l’homme, elles attendaient la première ondée Pour assouvir une faim :voler vers un nouveau jardin… Changement de destin, elles deviendront festin.

4’’ Virgule musicaleMoralitéL’eau est cruelle quand elle vient à manquer.Mais lorsqu’arrive sa saison, ne te crois pas sauvé.Fais encore attention de ne pas te faire croquer.

10’’ Pont musical

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Haïku 3

Jeff

Eau, balancement/ Oh, frêle esquif aux risées/ Au gré de l’onde animé.

10’’ Pont musical

15 | Un petit marigot22’’ Nicole

Un petit marigot se languissait un matin d’été, il allait mourir c’est certain. C’est alors qu’un gros nuage eut pitié de lui. Il appela ses frères, ses amis, ses cousins, ils firent la fête à grands bruits et se laissèrent aller en myriades de gouttelettes de pluie. Le petit marigot tout heureux les recueillit dans son lit et reprit vie.

10’’ Pont musical

Haïku 4

Jeff

Silence, un cri– île lointaine,oiseaux fugaces.

10’’ Pont musical

16 | Nil Prince de l’Égypte22’’ Didier Marie-Cécile

Nil Prince de l’ÉgypteReflet de la vallée des roisNil dont le lit s’agiteTrop peu souvent mais parfoisAu temps des pharaons tu étais protégéBien avant qu’un barrage ne vienne te scinder.Les voiles de tes felouques au soleil couchéPrennent des teintes orangéesTandis qu’Abou Simbel tout en majestéSe laisse contempler, certain de sa beauté.

10’’ Pont musical

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Haïku 5

Jeff

Sur le grand fleuve, sur le fleuve éternel, flottent les vagues.

10’’ Pont musical

17 | Au fil du fleuve Catherine Didier

Mon bras remonte.Sous mes pieds nus me gratte le bois brûlé de la pirogue.Sur ma peau en sueur frotte le coton de mon boubou aux couleurs pyjama.Sur ma tête pèse le chapeau tressé qui ne protège pas mieux qu’un oreiller, du soleil entêté.Dans le cône de son ombre, moi, qui dors ailleurs, qui rêve ici, de ce retour au pays.

4’’ Virgule musicale

Main droite, le manche de la pagaie.Frivolité de prétendre participer à l’effort des rameurs,Puisque je suis dormeur.Je dore ici. Je rêve d’ailleurs.Mon bras redescend.La rame frappe l’eau, mollement.Main gauche, rien qu’un peu de bien-être.Elle pend en dehors des draps, par-dessus le bord de la pirogue,Et plonge dans la fraîcheur de l’eauapaisant ce soleil qui se reflète aux persiennes du fleuve.Une eau, furieuse de se laisser vaincre par qui remonte en son sillage vers le village.

4’’ Virgule musicale

Mes yeux ne voient plus rien depuis longtemps.Ils sont tournés vers l’intérieur, un passé.Des éclaboussures de souvenirs remontent au fleuve de mon sommeil,Embruns d’impatience du retour aux années joyeuses,Ils éveillent ce temps passé où j’aimerais retournerEt luttent à leur façon contre la fureur de l’eau.

10’’ Pont musical

Ma tête dodeline.Je dors, ailleurs, Je rêve, ici.Sous mes pieds nus me gratte le bois brûlé de la pirogue.Mon bras remonte…

10’’ Pont musical

Haïku 6

Jeff

Des yeux émergent– une nymphe peut-être– j’attends ma sirène.

10’’ Pont musical

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18 | Une île unie au Nil Benoît Stef’

Philae, fille du Nil, j’arpente tes rives comme dans un rêve. Nef échouée au sein du berceau de l’Egypte, tu restes impassible aux tumultes des flots et aux traits ardents du Soleil divin.La chaleur torride de ce début d’après-midi rend encore plus entêtant le mélange des odeurs, le parfum des fleurs résistant à celle du limon fertile déposé là par ton père nourricier.Je chercherais bien un peu de fraîcheur dans ses eaux, mais de nombreuses paires d’yeux y affleurent non loin des berges, m’en dissuadant aussitôt.Cueillant une fleur de lotus, je rebrousse chemin vers l’ombre protectrice du temple d’Isis, que les millénaires ont épargné et que la main de l’homme a failli noyer.Le Nil, Philae, l’Egypte, Isis, le lotus, la tête me tourne comme si Râ s’était trop acharné sur moi, c’est un rêve enfin réalisé après toutes ses années.

4’’ Virgule musicale

Je décide de m’asseoir pour méditer et profiter pleinement de tout ce qu’il m’est donné de vivre. À cet instant, parcourir chaque sens, explorer chaque émotion, observer chaque pensée dériver comme les feuilles d’acacias que le vent disperse autour de moi.Puis soudainement une expérience surréaliste, hors du temps, se déroule sous mes yeux :Celle de la construction du temple.Ma vision est brouillée, tous mes sens émoussés, mon esprit lésé : je suis en train de vivre l’épisode d’un lointain passé.Tout alentour, bien que floutés, des artisans s’agitent sous la direction de scribes impa-tients, tablettes d’argile à la main.Felouques et barges ont envahi le fleuve et les berges, où l’on débarque des pierres taillées colossales.

4’’ Virgule musicale

Plus loin des commerçants houspillent la marmaille venue chaparder autour de leurs étals.Je relève les yeux, là où s’élevait le temple quelques minutes avant, ne se dresse plus qu’un vaste chantier, des tailleurs de pierre très affairés, des échafaudages que l’on dresse.Je m’attends presque à voir défiler le pharaon Nectanebo 1er et sa cour, venu voir l’évolution du projet. Non, vraiment là je dois me pincer pour me réveiller.Et puis me voilà de retour au bord du Nil actuel sur l’île de Philae ou plutôt devrais-dire Aguilkia car c’est là que le temple a été déplacé et l’île remodelée.Le barrage d’Assouan ayant noyé la véritable Philae, seules les pierres ont préservé sa mémoire du passé.Quant à moi je n’ai pas fini d’en rêver…

10’’ Pont musical

Haïku 7

Jeff

Libellule bleue/ surfe le nénuphar– Et hop, envolée !

10’’ Pont musical

20 21

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19 | La Perma2’30’’ Colette

La Perma, c’est le nom d’un marigot.Toute la vie dépend de lui ; même le nom du village.Plusieurs sources de la montagne aurifère de l’Atakora s’unissent pour former une rivière.En bas du village un magnifique pont à arcades, vestige de la colonisation, à une voie permet de rallier Cotonou-Niamey : Grande Piste Internationale ! Eh, oui !À la saison des pluies, la Perma enfle, sort de son lit, l’eau dégrade les tiges de mil, de sorgho, les pieds d’arachide ; une odeur fétide caractérise cette saison mais nourrit les champs.

4’’ Virgule musicale

Lorsque la pluie s’estompe, ses rives accueillent les paysans pliés en deux, retour-nant la terre en billons avec la houe. Les maraîchères dessinent des carrés, sèment carottes, radis, tomates, piments, gombos et arachides. Ces légumes nouveaux colorent le marché, accompagnent la pâte, enrichissent le repas. Puis, les rhizomes d’igname seront recouverts de dômes et le manioc planté.La saison sèche offre un autre visage, la Perma ne tarit jamais.En toutes saisons, la vie reprend avec la douce température du soir.

4’’ Virgule musicale

Les femmes lavent la vaisselle, rincent le linge ; les jeunes filles arrosent les carrés de légumes avec des calebasses percées ; certaines pêchent avec des nasses. Les enfants se baignent.Les cris, les chants, les rires font oublier le pénible travail.Elles remontent le sentier, fièrement sous leur cuvette remplie d’eau.Leur adroite démarche chaloupée contrôle l’équilibre et le mouvement du précieux liquide.

4’’ Virgule musicale

Parfois, une vaguelette s’échappe et rafraîchit le bébé grimaçant attaché au dos maternel.Les petites filles portent sur la tête, protégée d’un coussinet de paille, un récipient à leur taille.Cet élégant défilé est gravé dans ma mémoire.— Reverrez-vous cette scène et «Votre Perma» me demanderez-vous ?— Je ne le pense pas, mais surtout ne me le dites pas !Laissez mon esprit vagabonder là-bas…Laissez-moi rêver !!!

10’’ Pont musical

20 | Congo1’01’’ Jeff

Congo, Oh Congo ! Eaux boueuses et lourdes, charriant des bois pourrissants. Les rameurs de la proue écartent tout ce qui flotte venant à notre rencontre. On ne voit que la partie sombre qui surnage, mais ce qui arrive par en-dessous est bien plus inquiétant. À notre gauche, une autre pirogue, motorisée celle-là nous double ; eux aussi se méfient en remontant le fleuve engorgé…

4’’ Virgule musicale

Oh Congo, ta promesse d’aventures est exaucée ! Une âcre fumée venant de la rive, à quelques centaines de mètres devant nous apporte ses effluves de viandes et de poissons grillés. Simple halte de pêcheurs ou village inattendu ?On aimerait bien se ranger vers le bord, par désir et précaution à la fois, car la nuit tombe vite ici et nous sommes quelque peu épuisés ; la chute du jour n’amenant aucune fraîcheur mais une tension, un trouble empreint de mystère.Trempé de la moiteur des frondaisons du Congo qui ruissellent encore sur moi, je me réveille en sueur. Je ne goûterai pas ces grillades, enfin pas ce soir !

10’’ Pont musical

22 23

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Masques

2’00’’ Interlude musical

21 | Je suis petit36’’ Simon Marie-Cécile

Je suis petit et menu. Ma femme me donne des ordres à longueur de journée car c’est elle le grand chef de la case, et voilà qu’au-jourd’hui je vais porter le masque d’un chef vénéré parmi nos ancêtres. Je vais être ce jour adulé, je vais être respecté. Je vais goûter à la puissance, à la reconnaissance  ! Belle journée, puisses-tu durer une éternité !

4’’ Virgule musicale

Ce masque est froid, sans la moindre émotion, mais derrière lui, je vais rire, grimacer, je vais imiter ; je serai seul à le savoir, seul à prendre une revanche sur la vie jusqu’au moment où la fête terminée, j’ôterai le masque ! …

22 | Après la saison des pluies1’46’’ Colette

Après la saison des pluies, les travaux des champs, la rentrée des récoltes, le chef du village et les sages palabrent sous le manguier :« - À la nouvelle lune, nous remercierons les dieux et les ancêtres».Les femmes feront germer le mil pour fabriquer le tchapalo. Elles écra-seront sur la pierre les haricots pour les beignets, les arachides pour les couli-couli sans oublier le sésame, le piment, le karité et de mystérieuses baies pour la sauce.

4’’ Virgule musicale

Deux jeunes initiés, fiers d’appartenir au groupe des hommes, sollicitent leurs «vieux» pour pénétrer dans l’antre interdit du «tata», réservé aux masques, parures, etc.Aboudou et N’Da savent déjà qu’ils porteront des masques.Pour Aboudou, ce sera celui en teck sculpté et peint par son ancêtre, porté par son grand-père puis par son père et ses oncles, mais il lui ajoutera des aiguilles de porc-épic et quelques queues de cabris et de phacochères qu’il a tués et tannés lui-même. Son père le conseillera.

4’’ Virgule musicale

Pour N’Da, il improvisera avec ce qu’il découvrira, il le modernisera de miroir, de foulard et de boîtes métalliques vides. Il veut oublier ses soucis, boire, danser, s’étourdir. Il apportera néanmoins beaucoup de soins à son apparence, car il espère être remarqué et séduire la jeune fille promise… et la ramener dans son village…Ils attacheront les grelots, faits de pliages savants et de graines, à leurs chevilles pour rythmer le tempo des tam-tam, djembés, des koras, des cloches… Ils arboreront les arcs, les carquois et les flèches qu’ils poin-teront sur la foule pour se distinguer, apeurer et s’amuser.

4’’ Virgule musicale

Cette année, la récolte étant abondante, les fêtes seront encore plus exubérantes.« Aujourd’hui, réjouissons-nous…et demain, Dieu y pourvoira…»

10’’ Pont musical

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23 | Tu veux à tout prix38’’ Isabelle Nicole

Tu veux à tout prix éviter de rire. Tu essaies de glacer par ton regard absent qui colle à ton nez plat où nage du rouge. Un rouge répercuté sur des espèces de pendentifs émergeant d’un bonnet qui dessine et emboîte le haut de ton crâne. Les cornes brutales du haut du front accentuent la dureté recherchée de ton personnage.

4’’ Virgule musicale

Ta bouche dédaigneuse révèle ton mépris envers tout interlocuteur éventuel.Quant à tes yeux, seul le droit souligné par une lumière blanche, pourrait suggérer l’idéal d’un grand inquisiteur à punirOu anéantir.

10’’ Pont musical

24 | Qu’ils l’éprouvent cette terreur42’’ Catherine

Qu’ils l’éprouvent cette terreur que doivent inspirer les dieux ! Que l’effroi pénètre peu à peu leur sang, monte dans leurs veines, envahisse leurs membres, glace leur foie et leur cœur !Que leur peau pâlisse avec leurs cheveux, que le souffle leur manque, que leur bouche se dessèche !

4’’ Virgule musicale

Le masque d’ébène sur ma tête braque sur eux ses yeux vides et ses cornes dures et effi-lées. Ils voient tous dans ce miroir horrible leur propre visage et s’effraient du mystère incompréhensible.Enfin, ils sentent le pouvoir des dieux et des forces invisibles. Qu’ils craignent, qu’ils tremblent.Ce jour est jour de vérité.

10’’ Pont musical

25 | Un autre masque1’10’’ Jeff

Un autre masque, son porteur nous confie :Je suis une antilope sacrée, sacrée et consa-crée. J’ai été choisi avec quatre autres dan-seurs pour la porter. Ce rôle gratifiant m’a désigné comme son porteur, après une longue danse qui m’étourdit jusqu’à la transe.Il fallait baisser la tête, pointant en avant mes longues cornes effilées vers un danger imaginaire – mais connu de tous, puis les relever vers le ciel.

4’’ Virgule musicale

Porteurs de mystères transmis par les ancêtres, nous tournons dans le cercle des chants des spectateurs. Certains crient, et fascinés, des enfants se collent à leur mère… ainsi commencent leurs initiations comme fut la mienne pour le rituel de la migration des grands troupeaux de l’antilope sacrée.À la tombée du jour, nous finirons la céré-monie en absorbant le vin de palme et de céréales fermentées que les femmes ont préparés depuis plusieurs jours.

10’’ Pont musical

26 | Ce matin encore40’’ Nicole

Ce matin encore, avant le lever du jour, je contemplais ma basse-cour. Savait-elle que peu après, je me transformerais en un objet-masque, tant complexe que même moi, je n’en démêlerais même pas toute la signification !Je ne serai plus moi mais une figure vague-ment humaine, dépourvue de chair et de chaleur. Le haut de ce qui devrait être mon crâne ne sera plus qu’un mélange de bêtes et de plantes qui descendra et s’enroulera autour de mon visage en n’en touchant que le bas.

4’’ Virgule musicale

Et oui, j’apprendrai aux humains ce qu’est la mystification, la dérision et je leur inspirerai la terreur devant une image irréelle suggé-rant ce que pourrait être une composante de l’au-delà.

10’’ Pont musical

26 27

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27 | Tam-Tam1’14 Didier

Tam, Tam, FlammeFeu, Soir, Nuit, et Ciel,ÉtincelleTam, Tam, FlammeFeu, Soir, Nuit,Et Ciel, ÉtoiléTam, Tam, Danse, DanseTam, Tam, Danse, Danse,Tam, Tam, Danse et TranseDe feu, De flamme, De ventTam, Tam, Vent, TurbulentÉtincelle, et Ciel, et Vent, et Flamme,Tam, Tam, Vent, Violent— Bourrasque— .— Masque

4’’ Virgule musicale

Tam, Tam, FemmesMère, Sœur, Mère, Femme, Fille, et VieilleTam, Tam, Femmes, Danse, Danse,FemmeDanse, Danse, Transe,FemmesSeins, Fiers, DressésSeins, Lourds, Nourriciers,Tam, Tam,Désir, Plaisir,Et faim, Et femmes, Et flammesSeins, Fiers, Seins, Lourds,Seins— Flasques— .— Masque

4’’ Virgule musicale

Tam, Tam, Lame,Flamme, Feu, Festin, FaimTam, Tam, Lame, Danse et DanseTam, Tam, Danse et Transe,Lame, LanceChasse !Proie, Peur, Mange, Chasse, ChasseTam, Tam, Lion, Gazelle et ChasseTam, Tam, Lame, et LameTam, Tam, Âme et ÂmeAme, Forte, et Belle, Âme, Fière, et Joyeuse,Tam, Tam, Âme Libre,Heureuse,— Fantasque— .— Masque

10’’ Pont musical

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Contes&

Palabres

2’00’’ Interlude musical

28 | Il se réveilla47’’ Nicole

Il se réveilla de très bonne humeur. Après ses ablutions matinales, il prit canne et seau de pêche et se dirigea vers la rivière. On l’aimait cette eau, elle purifiait, elle nourrissait, elle châtiait. Mais en route, lui apparurent au loin trois lutins qui gambadaient en poursuivant un lapin. Il s’en rapprocha et essaya de les attraper. N’étaient-ils pas les évadés du fleuve, ceux qui semaient trouble et malheur ?

4’’ Virgule musicale

A mesure qu’il avançait, les lutins se mirent à rire, à moquer ses pas lents. C’est ce qu’il ressentait mais soudain tout s’évanouit, il comprit alors que ce n’était qu’un mirage, ce qu’en réalité il refusait, niait, mais comment nier sinon en décidant de ne plus jamais avoir peur.

10’’ Pont musical

29 | Dans cette tribu40’’ Isabelle Marie-Cécile

Dans cette tribu on prétendait qu’un homme blanc, il y a fort longtemps, était arrivé épuisé, vêtu de haillons jusqu’à la case du sorcier. Celui-ci le recueillit, ils devinrent deux amis inséparables, se nourrissant de leur culture respective. Le sorcier avait une fille très belle dont il fit gage à l’homme blanc.

4’’ Virgule musicale

Le vieil homme mourut. Un rituel fit de l’homme blond son digne successeur. Pour un observateur, seuls ses yeux bleus faisaient une distinction lorsqu’il portait costume et masque. La vie s’écoulait de morts en naissances, l’histoire fut totalement oubliée, lorsqu’un matin une femme seule dans une case mit au monde un enfant blond aux yeux bleus.

10’’ Pont musical

30 31

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30 | Obo1’42’’ Catherine

Ce matin, Obo était de très bonne humeur. Il avait labouré, semé le grain, le temps était excellent et la tige de sorgho sortait déjà de terre. Aïssa était charmante. Toutes les nuits, elle répondait à sa tendresse et il rejoignait le pays des rêves, parfaitement satisfait.Après avoir quitté la case, il s’était dirigé vers la forêt. Ce jour, il aidait ses amis à collecter le miel, un travail agréable, qu’il aimait.

4’’ Virgule musicale

Le soleil n’avait guère changé de place lorsqu’un fruit tomba à ses pieds.Au même moment, le ciel se couvrit et un singe se trouva soudain à ses pieds. L’animal se mit à gratter le sol et dans les signes ainsi tracés, Obo crut lire son nom.Il continua son chemin. Son soulier heurta une tubercule de patate douce. A côté, une gazelle. Il se pencha et eut du mal à en croire ses yeux : sur le sol, il distinguait : » Trop, c’est trop. » Quand il releva la tête, l’animal avait disparu.Un troisième obstacle lui barrait la route. Cette fois, c’était le cadavre d’un petit animal.La peur commençait à envahir son cœur et il se demandait s’il allait rebrous-ser chemin.

4’’ Virgule musicale

C’est à ce moment qu’il se heurta à Aba, un pauvre d’esprit qui se présentait comme féticheur.« Tu me paies ou tu meurs », lui intima l’homme.Grotesque dans son boubou déchiré et ses sandales usées à travers lesquelles on devinait des ongles noirs, il était ridicule.« Désormais, se dit Obo, je n’aurai plus jamais peur. »

10’’ Pont musical

31 | Téré1’53’’ Didier

Téré partit de bon matin, de bonne humeur et le cœur léger, Rendre visite à son cousin Tortue qui devait se marier. Il était tout heureux d’avoir été invité au banquet.

4’’ Virgule musicale

Téré marcha et marcha, traversant la forêt, Chantonnant ce que lui soufflait son cœur léger. Quand un cri tout là-haut dans les cimes vint atteindre sa sérénité, Son imagination se mit à crier : Danger !Et un morceau du cœur léger de Téré tomba sur le sentier.Quelques pas plus loin, le craquement d’une branche continua de l’alerter. Un autre bout du cœur de Téré lui échappa pour venir s’échouer à ses pieds. Ici ? un grognement ! Là ? un hurlement ! Un bruit de fougère !Téré laissa peu à peu la légèreté de son cœur lui échapper.

4’’ Virgule musicale

Ce n’était pourtant que oiseaux, bourrasques, rongeurs… Nulle raison de s’inquiéter, en vérité. Mais quand la peur entre au cœur, elle est difficile à déloger.Bruit après bruit, les morceaux n’en finissaient plus de tomber Tant et si bien qu’il n’y eu bientôt que la lourdeur de la peur, dans le cœur de Téré.Celui-ci tremblait et se tordait les mains, n’osant plus avancer sur le chemin. Un grand fracas se fit alors entendre devant lui. Tout juste devant lui. Son cœur, qui n’avait plus rien de léger, sauta un coup, menaça de s’arrêter. Puis en sauta un second, tandis que le fracas venait à s’amplifier.

4’’ Virgule musicale

Il en fallut un troisième avant que Téré ne comprenne que le sujet de sa peur N’était que bruits de calebasses et chaudrons, cris de femmes et chansons. Téré était arrivé au village de Tortue où toute la famille s’affairait au banquet. Son cœur repartit, soulagé et joyeux, et Téré se promitDe ne plus jamais laisser sa peurPrendre le pas sur la légèreté de son cœur.

10’’ Pont musical

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32 | Hamidou31’ Jeff

Hamidou était de très bonne humeur, sa première initiation à la chasse en brousse avait duré trois jours. Il avait cette fierté intérieure, sans insolence aucune, qui accompagne un adolescent venant de franchir un pas décisif dans son chemin d’homme.

4’’ Virgule musicale

On ne le regarderait plus comme un enfant ; tous, et toutes, sauraient comme il s’était comporté durant son initiation et avec quel sang-froid il avait pu déjouer les pièges et les dangers. Il n’aurait plus jamais peur.

10’’ Pont musical

33 | Bio1’34’’ Colette

Bio était de bonne humeur, ce jeune peul, au teint clair,gardait le troupeau de vaches à longues cornes.Il partait tôt le matin, avec sa plus jeune sœur.Celle-ci ne partait jamais sans sa «jumelle».Mais, elle est seule me direz-vous !Non, elle tient toujours un morceau de bois sculpté dans sa main ;elle ne doit jamais s’en séparer.Elle lui parle, la fait manger, l’habille comme elle-même.Le grand frère, les parents, les visiteurs doivent toujours penserqu’il y a trois enfants dans ce campement.

Ainsi, ils n’auront plus jamais peur.

10’’ Pont musical

34 | Léviathan1’34’’ Simon

Un jour, un vieil africain dit avec toute la sagesse qu’amène une vie bien remplie et un peu d’alcool : « Un navire, si fort et grand soit-il, n’est rien devant la puissance de l’océan. »

4’’ Virgule musicale

Les marins ne semblaient plus se rappeler cette phrase pourtant si sage et leur grand et fort bateau ne fut rien devant la puissance de la mer. Une puissance de la mer qui dépassait les 30 mètres et les 300 tonnes. Les vikings lui avait donnée le nom de « Léviathan ». L’avaient-ils croisée un jour ? C’est peu probable : celle-ci n’aimait que les eaux tièdes de l’Océan Indien.Le Léviathan interpréta l’arrivée de ce p’tit déj’au lit comme une offrande et ne se fit donc pas prier pour déguster son plat favori. Il commença par les amuse-gueule qui se jetaient désespérément du plat principal dans l’espoir d’échapper à l’appétit insatiable du monstre marin. Le Léviathan s’en prit alors au plat lui-même et bientôt le navire, pourtant si grand et fort, rejoignit la vaisselle brisée du siècle dernier.

4’’ Virgule musicale

Un proverbe africain dit aussi « On ne change pas le sang en eau ». Cependant, si un amuse-bouche avait survécu, il aurait sûrement rajouté que la « Puissance des mers» est capable de l’inverse. »

10’’ Pont musical

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35 | Chimères4’03’’ Jeff Stef

Au coucher du soleil, après deux mois passés en mer, le vaisseau agile était tout près de l’île des Sirènes. Le Capitaine M’Bele avait ordonné une halte pour la nuit, dans une crique hors de vue de la cité maudite par des générations de marins.Ils étaient partis pleins de hargne et de détermination, mais le périple qui les avait menés jusqu’ici avait été semé d’embûches, de gros temps, d’attaques de monstres marins et de pirates. Si la haine continuait de les alimenter, leurs carcasses musculeuses et tatouées avaient quant à elles besoin de se restaurer.

4’’ Virgule musicale

Sous une Lune rouge, ils rêvèrent d’orages suspendus, striés de glace, et des femmes éclorèrent de leurs rêves étanches, dans leur sommeil les algues leur prenaient la langue. Cette langue qu’ils avaient appris à ne plus utiliser, qu’ils avaient dû remplacer. Depuis longtemps déjà, ils avaient le verbe rare ; ils étaient, pour la plupart, des guerriers, hommes d’actions, plus habiles à trancher, tailler d’estoc et de pied, que bavarder et faire rimer. Toutefois les soirs de liesses et de victoires ils ne s’en privaient pas, chantant et narrant leurs combats, la bravoure de ceux qui n’étaient pas revenus et leur attachement sans faille à leur Capitaine.Depuis deux générations ils avaient lutté pour que les hommes cessent d’être les esclaves des hommes. Afin que chaque femme, chaque homme puisse vivre comme un arbre libre et seul ou comme dans une forêt unis et fraternels.

4’’ Virgule musicale

En ce jour l’enjeu était tout autre, les Sirènes avaient envoûté et emmené trop des leurs ; fils, frères, pères, oncles, amis, voisins, pour continuer à les laisser agir en toute impunité. Des mois durant ils s’étaient entraînés à vivre, naviguer et combattre en silence et les oreilles obstruées pour ne pas succomber aux chants de leurs ennemies jurées, les Sirènes abhorrées. Mettant en place un mode de communication privé de mots et de sons, ils pouvaient désormais tous agir à l’unisson.

4’’ Virgule musicale

Une longue quête avait été nécessaire pour retrouver le repaire des créatures envoûtantes. Bien longtemps auparavant, elles avaient quitté la méditerranée d’Ulysse et la piste de l’île des Lotophages était froide. A force de cabotage de Djerba au Cap Vert en passant par Tanger et même jusqu’à Malabo, ils avaient recueilli les témoignages nécessaires pour finalement localiser l’antre des chimé-riques magiciennes.

4’’ Virgule musicale

Ils approchèrent au petit matin cette ville plate et étalée où les lauriers blancs et roses embaumaient l’air marin. Le Capitaine M’Bele délia l’aube muette, et déchaîna la fureur de leur bande barbare sur la cité encore endormie. Un père devenu fou volait sur les toits hurlant en silence le prénom de son fils…

10’’ Pont musical

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36 | Quand je serai mort, mes Amis1’04’’ Colette

Quand je serai mort, mes Amis,Couchez-moi dans mon plus beau boubou bleu brodé,Enroulez-moi dans la natte de mil,Laissez dépasser ma main, je vous enverrai un dernier signe,Portez-moi à travers les cases de mes proches,Déposez-moi près du grenier et du manguier,Avant que le destin jaloux, ne me réduiseEn cendres pour nourrir les racines de la vie.

4’’ Virgule musicale

Édifiez quelques roches de latérite,Je dors et ne dors pas,Chantez pour moi, pour vous,Chants ardents, soyeux sur les ailes des palmes,Envoyez le vainqueur tamtameur,Soyez attentif, le griot de sages paroles narrer ma vie,Écoutez la voix grave de contralto de l’AiméeImprovisé le chant spirituel,Invitez, dansez, invoquez, psalmodiez, priez,Soutenez les femmes obscures dontL’âme dérive, emportée par la transe.

4’’ Virgule musicale

Quand je serai mort, mes amis,Couchez-moi à l’ombre de mes Ancêtres,Et je veillerai sur vous.

10’’ Pont musical

37 | Il existe dans ce monde un pays1’06’’ Simon

Il existe dans ce monde un paysPays d’hier contre pays d’aujourd’huiQui jamais ne naquitAutre part que dans notre espritDans ce pays les saisons s’entremêlentAlors les grands froids de l’hiver dominantAlors l’été fleurissant et ses couleurs pastelSe retrouvent mêlés par le tempsUn pays où les cactus demandent le pardonEt où les troupeaux de flamantsParessant, patte unique affrontant le courantTanguent doucement au rythme des percussionsUn lieu où la virginité du sable n’est plus éphémèrePlage à jamais gagnée par les remous calmes et posés d’une mer téméraireUn pays où lorsque l’on entend le pâtre somnolerOn sait que l’âne se réjouit de ne pas être fouetté

4’’ Virgule musicale

Un beau pays dont on ne peut être jalouxCar il existe en chacun d’entre nousÉtrangers venus tout droit de la gare du sommeilEt repartant par les cieuxA bord de la carcasse bringuebalante du réveilDont on ne pourrait rêver mieux

2’’ Final

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