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Institut SupConcours Centre de formation aux concours de la fonction publique Préparation au concours d’inspecteur des finances publiques Épreuve de note avec propositions (coefficient 7) Revue de presse économique

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Page 1: Préparation au concours Institut d’inspecteur SupConcours ... · semaines, elle affiche les prix à la fois en euros et dans la devise li-tuanienne, pour préparer la clien-tèle

Institut

SupConcours Centre de formation

aux concours de la fonction publique

Préparation au concours

d’inspecteur des finances

publiques

Épreuve de note avec propositions

(coefficient 7)

Revue de presse économique

Page 2: Préparation au concours Institut d’inspecteur SupConcours ... · semaines, elle affiche les prix à la fois en euros et dans la devise li-tuanienne, pour préparer la clien-tèle

Institut SupConcours

Ci-joint veuillez trouver :

Plusieurs articles d’actualité à caractère économique (Le Monde, les Échos, blogs)

Un exemple de plan sur le thème du moment, le « QE »

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12 | economie & entreprise JEUDI 1ER - VENDREDI 2 JANVIER 2015

0123

« La monnaie unique nous apportera sécurité et stabilité »Algirdas Butkevicius, le premier ministre lituanien, expose les raisons qui ont poussé le pays à rejoindre la zone euro

ENTRETIEN

vilnius - envoyée spéciale

La Lituanie rejoint l’union mo-nétaire le 1er janvier 2015. Qu’y gagnera-t-elle ?Jusqu’à présent, nous n’avionspas de politique monétaire indé-pendante, puisque notre devise, le litas, est liée à l’euro depuis2002. En rejoignant la zone euro,nous prendrons désormais part aux décisions de la Banque cen-trale européenne. Cela renforcera également l’attractivité de la Li-tuanie aux yeux des investisseursétrangers et favorisera les expor-tations. De même, la monnaieunique réduira les taux d’intérêt, les coûts liés au change et limiterales risques de crédit. Au total, l’im-pact sera positif sur notre écono-mie, qui générera plus d’emploi etde croissance.

L’euro sera-t-il une garantie desécurité supplémentaire face à lamenace russe ?

Oui. L’adoption de l’euro est une

étape très importante, qui contri-buera à plus de sécurité et de stabi-lité économique et politique pour notre pays. Nous avons pris la dé-cision d’intégrer l’union moné-taire il y a des années, dans l’objec-tif de renforcer la région Baltique. La situation actuelle aux frontiè-res à l’est de l’Europe montre quecette aspiration est arrivée à point nommé, tant en termes de crois-sance que de protection accrue face aux menaces extérieures.

La crise semble avoir décou-ragé certains pays candidats àl’euro, telle la Pologne. Pourquoi la Lituanie a-t-elle tenu bon ?

Il ne faut pas oublier que, notremonnaie étant liée à l’euro, nousdevions déjà répondre aux mê-mes obligations que tous les pays membres de l’union monétaire. Notre voisin polonais, dont la de-vise flotte face à l’euro, est donc dans une situation très différente,économiquement comme politi-quement. Concernant la zone euro, la croissance devrait s’amé-liorer graduellement en 2015,

grâce à la reprise de la demandedomestique et internationale. En tant que pays membres, nous tra-vaillerons avec les autres Etats pour faire redémarrer plus encorele moteur de la reprise.

La Commission européenne estaujourd’hui déterminée à utiliser toutes les ressources pour créerdes emplois et plus de croissance. Son plan de 300 milliards d’euros d’investissement contribuera à atteindre cet objectif. Mais les Etats membres devront égale-ment poursuivre une politique budgétaire saine et mettre enœuvre des réformes structurelles.

Quel impact la crise et les sanc-tions russes ont-elles sur votre économie ?

Ces vingt-cinq dernières an-nées, nous avons survécu à un blocus, à la perturbation des ap-provisionnements en pétrole et à un certain nombre de sanctions injustifiées envers nos produc-teurs et fournisseurs de services. Les sanctions actuelles, qui ci-blent une grande partie des pays

occidentaux, ont un impact néga-tif sur notre économie. Les pro-ducteurs de lait ont dû absorber des pertes à cause des embargos.

Mais les réformes que nousavons menées au bon moment et la recherche constante de nou-veaux marchés nous ont toujourspermis de gérer de façon réactive les conséquences des crises éco-nomiques et financières. Ainsi,près de la moitié des produits sou-mis aux embargos russes seront vendus sur d’autres marchés. Et nous continuons de chercher denouveaux débouchés. Nous avons, par exemple, adopté uneloi sur les abattages rituels, afin de

pouvoir exporter de la viandevers les pays musulmans.

De nombreux Lituaniens re-doutent que la monnaie uniquegénère de l’inflation. Que leurdites-vous ?

L’expérience des autres paysmontre que, en vérité, l’adoption de l’euro a un impact limité sur lesprix, de 0,2 % à 0,3 %. Celle-ci en-seigne que les appréhensions liéesà l’inflation sont excessives, car lesconsommateurs se focalisent surles prix de quelques produits, alors que l’inflation est calculéesur un panier moyen de produits. En novembre, celle-ci était de 0,3 % seulement dans notre pays.

Pour limiter les risques, notreinstitut de statistique publie de-puis août 2014 les prix de 100 pro-duits très populaires choisis par lepublic. De nombreuses entrepri-ses ont également signé un mé-morandum où elles se sont enga-gées à ne pas profiter du passage àl’euro pour relever leurs tarifs. p

propos recueillis par

marie charrel

La Lituanie fait son entrée dans la zone euroLe pays balte est le dix-neuvième pays à rejoindre l’union monétaire. Un rempart contre la Russie

REPORTAGE

vilnius - envoyée spéciale

Vilnius, un après-midifrisquet de décembre.Un immense sapin deNoël décoré de notes

de musique se dresse devant l’hô-tel de ville, au cœur de la vieilleville. De rares passants se pressentautour du petit marché, sur la place. Dans sa boutique, tout près,Ramune Piekautaite range quel-ques vêtements. Depuis plusieurs semaines, elle affiche les prix à lafois en euros et dans la devise li-tuanienne, pour préparer la clien-tèle. « Le litas est la monnaie de no-tre indépendance, j’y suis très atta-chée », dit avec nostalgie cette jolieblonde de 44 ans, en songeant à ces jours de janvier 1991 où elleparticipa aux manifestations con-tre l’armée soviétique. « Mais toutsera plus facile avec l’euro : plus de frais de change pour payer mes fournisseurs italiens, plus de pro-blème pour voyager, convient-elle.Et puis nous serons un peu plus près encore de l’Europe. »

Après l’Estonie en 2011 et la Let-tonie en 2014, la Lituanie est, le1er janvier 2015, le dernier pays balte à rentrer dans la zone euro, qui comptera alors dix-neuf membres. Et la crise de l’union monétaire, qui peine encore à re-nouer avec la croissance, n’a pas refroidi les ardeurs de ce petit Etatde 3 millions d’habitants. Il fautdire qu’en 2006-2007 il avait ratéson examen de passage, à cause de l’inflation galopante (11 % en 2008). Une humiliation désor-mais oubliée.

Crainte d’une hausse des prix

Mais surtout la crise ukrainienneet les mouvements militaires rus-ses dans l’enclave voisine de Kali-ningrad ont réveillé les doulou-reux souvenirs de cinquante ans d’occupation soviétique. « Ici, toutle monde a un père, un grand-père ou une tante qui a été déporté dansles camps de Sibérie », témoigne Laimutis Paskevicius, patron d’un centre médical à Vilnius. « L’entréedans l’euro est une étape de plus dans notre ancrage au camp de l’Ouest, essentiel pour notre sécu-rité, explique Rimantas Sadzius, le ministre des finances. Désormais, les pays baltes se tiennent du bon côté du mur. »

A Vilnius, on s’est préparé à lamonnaie unique dans le calme.Selon l’Eurobaromètre de Bruxel-les publié en décembre 2014, 63 % de la population est favorable au changement. Mais beaucoup re-

doutent la hausse des prix. « On vaperdre tous nos repères, comment savoir si les commerçants sonthonnêtes ? », s’inquiète ainsi Vilma, serveuse dans l’un des Cof-fee In de la ville, un chaîne de cafésbranchés. Un point sur lequel lesautorités se veulent rassurantes : « Les prix ont grimpé de 0,1 % à 0,3 % seulement dans les pays déjà

passés à l’euro, y compris nos voi-sins », explique Ingrida Simonyte, vice-présidente de la banque cen-trale de Lituanie.

Le pays s’est beaucoup inspirédes expériences lettonne et esto-nienne pour préparer la transi-tion. Un « euro bus » a sillonné le pays pour répondre aux ques-tions de la population, tandis que

3 millions de SMS d’informationont été envoyés. Les entreprises, elles, ont planché sur la mise àjour de leurs logiciels de compta-bilité dès l’été 2014. « Nos voisins baltes nous ont appris qu’il est es-sentiel de disposer de beaucoup de petites coupures dans les commer-ces de proximité les premières se-maines, pour éviter la pénurie », explique Kestutis Kadelskas, deNew Vision, compagnie qui a aidé les entreprises à se préparer. Si les billets ont été fabriqués en Alle-magne, la Lituanie, contrairementà ses voisins, a conçu ses propres pièces.

A quelques kilomètres du cen-tre-ville, l’institut de frappe litua-nien tourne 24 heures sur 24 de-puis plusieurs semaines. Deux millions de pièces sortent chaque jour des chaînes. Au total, 370 mil-lions seront produites. « Pour tenirla cadence, nous sommes passés aux trois-huit et avons embauchétrente personnes de plus », raconte Saulius Vaitiekuna, le patron des lieux. Avant de présenter avec fierté et émotion les euros litua-niens, qui portent l’emblème du cavalier Vytis, blason historique

de l’Etat lituanien. Pendant l’èresoviétique, les représentations de ce dernier étaient interdites. « Il est poignant d’imaginer que, dans très peu de temps, ces pièces serontentre les mains de tous les habi-tants », ajoute M. Vaitiekuna.

Paradoxalement, l’euro ne chan-gera pas grand-chose à la vie quo-tidienne des Lituaniens. L’écono-mie est, en effet, déjà largement « euroïsée » : 70 % des prêts sont li-bellés en euros, et le litas est ar-rimé à la monnaie unique depuis 2002. Même quand la crise a dure-ment frappé le pays en 2009 (leproduit intérieur brut a reculé de 15 % !), celui-ci a préféré opter pourune sévère cure d’austérité plutôt que dévaluer sa monnaie. Les sa-

laires des fonctionnaires ont été taillés de 10 % à 40 %, les effectifs publics ont fondu, le chômage a grimpé jusqu’à 18 %, et 6 % de la population a émigré… « Nous avons fait autant d’efforts que les Grecs, mais en une seule année, ra-conte Zygimantas Mauricas, éco-nomiste à la banque Nordea, à Vil-nius. Les Lituaniens ont l’habitude des sacrifices. »

2,7 % de croissance en 2014

Aujourd’hui, le pays va mieux : la croissance est l’une des plus vi-goureuses d’Europe (2,7 % en 2014), la dette et le déficit pu-blics sont respectivement tombés à 41,3 % et 1,2 % du PIB. « L’euronous apportera la stabilité et aug-mentera notre attractivité aux yeux des investisseurs, assure le premier ministre Algirdas Butke-vicius, que la stagnation euro-péenne ne semble pas inquiéter. Nous créerons plus d’emplois et de croissance. »

De fait, l’économie lituaniennedevrait croître de 2,6 % à 2,9 % en 2015, selon les économistes. C’est moins que les 3,3 % prévus il ya quelques mois encore, car le paysest pénalisé par les sanctions de Moscou. « Heureusement, lors de la crise russe de 1998, nos entrepri-ses ont complètement réorienté leurs échanges vers l’Union euro-péenne, qui pèse aujourd’hui pour 50 % de nos exports », explique Ne-rijus Maciulis, économiste à la Swedbank.

Même si l’essentiel des exporta-tions vers la Russie (20 % du total) concerne en réalité des réexports de produits polonais ou alle-mands passant par le territoire, le secteur agricole est tout de même durement affecté par les embar-gos imposés par le président russe, Vladimir Poutine. Mais, comme en 1998, les entreprises ont commencé à chercher de nou-veaux débouchés, notamment en Asie, pour compenser. « Elles sont très réactives, question d’habi-tude », dit en souriant M. Maciulis.

Soucieux d’assurer sa sécuritéénergique, Vilnius vient égale-ment d’acquérir un terminal flot-tant de gaz naturel. Le pays, qui im-portait jusque-là 100 % de son gaz de Russie, peut désormais se four-nir en Norvège. « Plus personne ne pourra nous faire du chantage ou nous forcer à payer un prix politi-que », s’est félicitée la présidenteDalia Grybauskaite. Installé dansle port de Klaipeda, le navire a été baptisé L’Indépendance. p

marie charrel

Campagne de promotion de l’euro, à Vilnius, en décembre. MINDAUGAS KULBIS/AP

« Désormais,

les pays baltes

se tiennent

du bon côté

du mur »

RIMANTAS SADZIUSministre des finances

« L’expérience

montre

que l’adoption de

l’euro a un impact

limité

sur les prix »

60 km

LETTONIE

POLOGNE

RUSSIE

BIÉLORUSSIE

LITUANIELITUANIE

SOURCE : COMMISSION EUROPÉENNE*PRÉVISION

Vilnius

L'économie lituanienne est l'une des plus vigoureuses d'Europe

Me

r B

al t

i qu

e

CROISSANCE, EN %

CHÔMAGE, EN %

DETTE PUBLIQUE EN % DU PIB

2014* 2015*

159,3

2014

2014*

2015*

2015*

+ 2,7

11,210,4

+ 3,1

41,3

41,6

LES CHIFFRES

3 MILLIONSC’est le nombre d’habitants du petit pays balte. Depuis son en-trée dans l’Union européenne, en 2004, la population a fondu de 11 %, du fait de l’émigration.

34,9 MILLIARDSC’est, en euros, le produit inté-rieur brut (PIB) de la Lituanie en 2013, en hausse de 3,3 %. Après la forte récession de 2009 (– 15 %), le pays a renoué avec une croissance vigoureuse.

11 800 C’est, en euros, le PIB par habi-tant, ce qui place le pays en 25e position de l’Union euro-péenne. En France, le PIB par ha-bitant était de 32 100 euros en 2013.

290 C’est, en euros, le salaire mini-mum mensuel. Le salaire moyen,lui, est de 500 euros.

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6 |dossier MARDI 6 JANVIER 2015

0123

La fin du train ?Trop cher et grevé de dettes, le système ferroviaire français est à bout de souffle. La rentabilité du TGV s’effondre et celle des trains intercités est inexistante. Ainsi, c’est l’ensemble du réseau longue distance qui est menacé à moyen terme

A la gareSaint-Charlesde Marseille.

CLAUDE PARIS/AP

philippe jacqué

Une réforme suffira-t-elle àsauver le chemin de fer fran-çais ? Pour provoquantequ’elle soit, la question mé-rite d’être posée. Au 1er jan-vier, Réseau ferré de France

(RFF), le gestionnaire du réseau national, a réintégré le giron de la SNCF, dix-huit ansaprès sa séparation de la compagnie publi-que. En réunissant les deux grands acteurs dutransport ferroviaire en France au sein d’un même groupe public, lui-même intitulé SNCF, le gouvernement espère conforter l’avenir du train alors que ce moyen de trans-port, véritable totem hexagonal, n’a jamais paru aussi vulnérable.

Du moins sur la longue distance. Depuis2011, le nombre de passagers a reculé, que ce soit dans les trains d’équilibre du territoire (TET, 30 millions de personnes) ou dans lesTGV (100 millions), dont la fréquentation s’ef-frite. Entre 2012 et 2013, la part modale du train pour le transport de passagers a même significativement baissé, selon les données du Conseil général de l’environnement et du développement durable. Et dans le même temps, les parts de marché de la voiture, de l’autocar courte ou longue distance et de l’avion ont augmenté…

Bien sûr, cela reste une goutte d’eau dans unsystème ferroviaire qui transporte chaque année 1,5 milliard de personnes dont l’écra-sante majorité, 1 milliard, rien qu’en Ile-de-France. C’est pourquoi peu d’observateurscontestent l’avenir de ce moyen de transport dans les zones denses urbaines pour déplaceren masse de larges populations. L’avenir est au train de banlieue, pas au glorieux cheval de fer parcourant à toute vapeur (électrique) les campagnes de France. Et surgit le spectred’un basculement à l’américaine. Aux Etats-Unis, cet instrument de la révolution indus-

trielle et de la colonisation du pays a été sup-planté par l’avion et la voiture dans les an-nées 1960. La France a échappé à ce sort funeste par sa géographie, mais surtout grâceau TGV, qui a redonné une nouvelle jeunesse à ce moyen de transport face à la voiture du-rant les trente dernières années…

La concurrence de l’autocar

Alors que l’automobile concentre déjà 83 % des déplacements en France, laissant au train une part de marché de 9 %, dont 5,5 % pour leTGV, elle poursuit encore son grignotage grâce, notamment, au développement du co-voiturage. Blablacar et ses concurrents, dont IDVroom, une filiale de la SNCF, mettent en

relation par le biais d’Internet des propriétai-res de véhicule et des passagers, et attirent avec leurs prix bas des milliers de voyageurs.

« Attention au miroir grossissant, nuance-t-on cependant à la SNCF concernant cette ac-tivité. Un acteur comme Blablacar a peut-être pris 200 000 passagers aux autres modes detransport, cela n’est pas encore massif, même si on surveille particulièrement ce phéno-mène. » Blablacar revendique, lui, plus de 1,2 million de voyageurs transportés chaque mois, soit l’équivalent de 2 000 TGV…

De fait, confirme-t-on dans le groupe pu-blic, « avec la crise, les Français sont plus sensi-bles au prix. Il existe de plus en plus un arbi-trage entre le temps et le prix. Ceux qui veulent

payer le moins possible et qui ont le temps n’hésiteront pas à choisir des alternatives au train si nous ne leur proposons pas ce qu’ils re-cherchent ». Témoin, la tempête soulevée le26 décembre 2014 par l’annonce de l’aug-mentation des tarifs (+ 2,6 %).

Les compagnies d’autocar préparent égale-ment leur arrivée sur le marché de la longue distance. Aujourd’hui seulement autorisé sur des trajets internationaux, ce type de trans-port en France va être libéralisé par le gouver-nement cette année. Bien plus économique, l’autocar pourrait prendre, à moyen terme, jusqu’à 5 % du marché des transports longue distance. Et déstabiliser encore plus certaineslignes ferroviaires.

« SUR CERTAINS PARCOURS,

COMME BORDEAUX-LYON, L’AUTOCAR SERA

BIEN PLUS PERTINENT

QUE LE TRAIN »UNE SOURCE À LA SNCF

au lendemain de Noël 2014, le gouvernement chinois s’est offertsa propre célébration, celle desprouesses de son immense réseauferré à grande vitesse. Le 26 dé-cembre, il inaugurait une nouvelle ligne parcourant en moins de douze heures les 1 800 km sépa-rant Lanzhou, grande ville del’ouest, d’Urumqi, capitale de l’ins-table région du Xinjiang, où l’eth-nie ouïgoure vit mal l’arrivée mas-sive des Chinois Han.

Un symbole technologique et po-litique, donc, traversant le désert etrésistant aux vents extrêmes, au prix de la rentabilité financière. Le même jour, les trains entraient en circulation sur deux autres lignes reliant la métropole de Canton auxprovinces rurales du Guangxi et duGuizhou, ajoutant ainsi 3 200 kmaux 11 000 km de voies à grande vi-tesse déjà en service un an plus tôt,

dans les temps pour atteindre les 16 000 km de réseau rapide dont laChine entend disposer à l’horizon2020.

Pour apporter des financements àce développement ferroviaire au coût faramineux, la Chine entend désormais vendre ses propres trains à l’étranger. Le pays a pour cela fusionné, le 31 décembre 2014, ses deux producteurs de train, CSR et CNR, qui se faisaient concurrencesur les appels d’offres internatio-naux. Mais cette modernisation peine à faire oublier les scandales du passé, notamment la corruptionqui a accompagné cet empresse-ment à établir le premier réseau à grande vitesse de la planète.

Les procès de cette entreprise dedétournement de fonds à grande échelle n’en finissent pas. Le 14 dé-cembre 2014, c’était au tour d’une vendeuse d’œufs faite femme d’af-

faires d’être condamnée à vingt an-nées de prison et 330 millions d’euros d’amende pour avoir dis-tribué les pots-de-vin et remporté ainsi quantité de contrats, notam-ment la fourniture de panneauxd’isolation sonore installés le longdes voies, une entreprise à 24 mil-liards d’euros, que la presse n’a pu s’empêcher de comparer aux28 milliards d’euros qu’a coûté l’en-semble de la ligne reliant Pékin à Shanghaï en moins de cinq heures.

« Pas rentable »

Si les trains circulant entre les deuxpremières villes du pays sont sou-vent pleins, ils le sont plus rare-ment sur des trajets plus margi-naux. « Le projet de train à grandevitesse n’est pas rentable, à l’expor-tation comme en Chine, ce qui n’em-pêche pas de le soutenir. D’ailleurs,dans le monde, seule la ligne Tokyo-

Osaka le fut historiquement »,constate Zhao Jian, professeur d’économie du ferroviaire à l’Uni-versité des transports de Pékin, etl’une des rares voix à se pencher sur la question.

La République populaire voitplus loin que ce coût. La ligne Pé-kin-Guangzhou, la plus longue li-gne à grande vitesse du monde,avec 2 300 km de rails, ouverte fin 2012, met un peu plus de huit heu-res à traverser le pays, de sortequ’elle n’est pas utile aux hommes d’affaires ayant besoin de se rendrede la capitale à l’extrême sud-est dupays. Ils lui préfèrent l’avion. Mais la ligne a désenclavé quantité devilles dites de deuxième ou troi-sième rang : Shijiazhuang, Zheng-zhou, Yueyang, Changsha… Un po-tentiel économique inestimable. p

harold thibault

(shanghaï, correspondance)

En Chine, le premier réseau TGV au monde... et un gouffre financier

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0123MARDI 6 JANVIER 2015 dossier | 7

La SNCF, qui a préparé cette ouverture enrôdant son service IDBus, n’est pas aujourd’hui plus inquiète que cela de cette li-béralisation. « L’autocar est potentiellement complémentaire du train, insiste-t-on à laSNCF. Sur certains parcours, comme Bor-deaux-Lyon, ce sera bien plus pertinent que le train. De même, là où les flux sont faibles, un autocar, qui peut transporter 50 personnes, sera plus économique qu’un train, qui peut entransporter 600… Mais sur certaines lignes, c’est le contraire. L’arrivée du car nous oblige àredéployer notre offre. On fera du car quand cela est plus efficace. Et du train quand cela est pertinent. »

Ce renouveau de la concurrence modale,sans compter l’essor inégalé des compagnies aériennes à bas coût, pose de sérieux défis augroupe. Car son produit phare, celui qui a fait sa réputation à travers le monde et l’essentiel de ses profits dans les années 2000, le TGV, est aujourd’hui dans une impasse économi-que. Il devient un produit de luxe et pourtant,il est de moins en moins rentable.

Depuis 2008, la marge opérationnelle duTGV s’est effondrée. Alors que, entre 2002 et 2008, elle tournait entre 21 % et 29 %, elle est aujourd’hui de 12 %. En cause, l’augmentationde 41 % des péages pour utiliser le réseau en-tre 2008 et 2013, mais aussi la dérive des pro-pres coûts de la SNCF…

Sans ce centre de profit, la SNCF perd sesmarges de manœuvre et doit rapidement ré-gler la question des trains Corail et autre in-tercités, les TET, un foyer de perte aujourd’huicompensé partiellement par l’Etat. En dé-cembre, le gouvernement a mis en place une nouvelle commission, présidée par le député (PS) Philippe Duron, pour réfléchir à leur ave-nir. « Contrairement à ce que l’on pense, les TET ne sont pas un gouffre financier, indique-t-on à la SNCF. Pour un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros, la perte d’exploitation an-nuelle est de 300 millions d’euros. En clair, les voyageurs paient aujourd’hui 70 % du prix réel, l’Etat le reste. Pour les TER, le voyageur en paie 30 %, et la région, par l’intermédiaire des impôts, le reste… »

« Absence d’alternative »

Afin de réduire leur déficit d’exploitation, la commission Duron doit décider de la réorga-nisation de cette offre de TET, du transfert ou non de certaines lignes aux régions ou del’arrêt de certaines lignes en fonction de l’ar-rivée des autocars longue distance. Mais elle n’entend pas aborder l’ouverture du marché àd’autres entreprises ferroviaires…

Cela fait enrager ces dernières, qui rongentleur frein. « Ce qui est frappant en France, c’estl’absence d’alternative à la SNCF, même sur deszones reculées du réseau. En Italie ou en Suisse,les acteurs publics nationaux coexistent dans certaines régions avec des opérateurs ferro-viaires alternatifs bien mieux équipés pour ex-ploiter au meilleur coût une ligne. »

Selon les différentes études et les observa-teurs du secteur, la concurrence pourrait pro-poser aujourd’hui des coûts d’exploitation de20 % à 30 % inférieurs à la SNCF grâce essen-tiellement à des organisations managériales bien plus flexibles, à des agents plus polyva-lents et à des frais de siège plus réduits. « L’en-trée de la concurrence serait suffisante pour pérenniser certaines lignes de train longue dis-tance », convient un spécialiste du ferro-viaire. Mais les obstacles politiques, et au pre-mier chef le refus des syndicats d’ouvrir le monopole, sont insurmontables, même si, àpartir de 2020, la France devra s’y soumettre. Or, tout le monde le sait : « Le problème du train actuel est son coût d’exploitation. »

Economies nécessaires

Pour retrouver un équilibre économique glo-bal et pérenniser le système, tout le monde devra faire des efforts. La réforme ferroviairedoit améliorer les synergies entre RFF etSNCF. Et la nouvelle entité doit réaliser près de 2 milliards d’économies à l’horizon 2017.

SNCF Réseau, qui rassemble RFF et SNCFInfra, qui réalise les travaux, doit revoir ses processus industriels de maintenance, tan-dis que SNCF Mobilités, l’opérateur, entend utiliser tous les leviers pour baisser ses coûts : diminution des effectifs, lutte contre la fraude, réorganisation de la maintenance, augmentation du roulement des matériels comme il l’a déjà testé avec Ouigo, son TGV àbas coût.

« Nous avons établi une série d’objectifs pourbaisser nos coûts, précise Guillaume Pepy, le président du directoire de la SNCF. Nous vou-lons baisser de 13 % les coûts de production du TGV, de 42 % sur Ouigo [le TGV à bas coût], de 50 % pour les intercités éco [une nouvelle offreà bas coût] . Notre but est d’offrir chaque année1 million de billets à premier prix de plus par anafin d’atteindre en 2017 le quart de nos billets àpetit prix. »

De même, l’entreprise veut déployer sontrain « 100 % éco », qu’elle a installé chaque fin de semaine entre Toulouse et Paris. Sur ce trajet, la compagnie offre des trajets à prix fixe de 15 euros en seconde classe sur des trains de nuit circulant le jour. « Auparavant, ces trains stationnaient la journée au dépôt. Aujourd’hui, on les fait tourner et le public est là. Le taux d’occupation est de 80 %. Et des fa-milles préfèrent cette offre à un voyage en voi-ture, le prix étant très incitatif. Preuve qu’il n’y a pas de fatalité. »

Cependant, ces réorganisations et autres in-novations industrielles suffiront-elles pour relancer le train et lui assurer un avenir ? Rienn’est moins sûr. « Le prix du ticket ne peut pas couvrir le coût complet du service. Même en optimisant autant que l’on peut », assure un observateur. Le train est – et sera – structurel-lement déficitaire. Il doit être soutenu par les finances publiques.

Pour les TGV, afin de couvrir le coût des in-

frastructures, il faudrait doubler le prix des billets, selon la Cour des comptes. « Mais peut-on encore augmenter le prix des billets TGV, qui a déjà significativement augmenté depuis 2002, sans perdre de clients dans uncontexte de contrainte sur le pouvoir d’achat ? », s’interroge la Cour.

De fait, ajoute un ancien dirigeant de laSNCF, « pour sortir de ce face-à-face perdu d’avance avec les autres modes de transport, il faut que l’Etat prenne à sa charge les voies fer-rées comme il prend à sa charge les routes.Sans cela, on va aller vers une contraction de l’offre ferroviaire longue distance et son extinc-tion à moyen terme ». Mais la contribution publique pour le ferroviaire s’élève déjà à 13 milliards d’euros par an.

Au regard des finances de l’Etat, l’impassedu secteur risque donc de persister tant que le système restera refermé sur lui-même. Et la dette devrait continuer à enfler. Elle dé-rive aujourd’hui de 1 à 2 milliards d’euros par an. D’ici à 2025, espèrent les plus opti-mistes, le système ferroviaire sera lesté d’une dette de 61 milliards d’euros, contreune quarantaine de milliards d’euros à la finde 2014… Intenable. p

en guise d’étrennes, la Deutsche Bahn (DB) a préparé ses salariés à des temps difficiles. « Il me sem-ble désormais peu vraisemblable que nous atteignions un bénéfice avant intérêts et impôts de 2,2 mil-lions d’euros », a déclaré Richard Lutz, directeur financier de la DB dans le journal des salariés DB Welt, mardi 30 décembre 2014. Les objectifs de rentabilité ne se-ront pas tenus et la DB va devoirfaire des économies. La faute, se-lon la compagnie, à l’ouragan Ela, à la grève des cheminots en octo-bre 2014 et surtout à l’explosion de la concurrence venue des bus grandes lignes.

Depuis début 2013 et la libérali-sation du marché du transport passagers sur les grandes lignes, les compagnies d’autocars ont grignoté des parts de marché à laDB. Elles ont transporté 8 mil-lions de passagers en 2013, plusde deux fois plus qu’en 2012. Ré-sultat : la DB estime à 120 mil-lions d’euros l’impact sur son bé-néfice de cette nouvelle concur-rence. Bien que le bus soit plus lent que le train, les passagers ontété séduits par sa flexibilité et sesprix très compétitifs, notam-ment pour les distances moyen-

nes dans les régions faiblement dotées en infrastructures ferro-viaires locales. Pour tenter de contrer la fuite de ses clients, la DB a annoncé le gel des tarifs pour cette année pour les voya-geurs de seconde classe, alorsque les billets de première classe ont augmenté de 1,9 % au 1er dé-cembre 2014.

Réservé à une minorité

Peut-on pour autant parler de ca-tastrophe pour la DB ? Christian Boettger, professeur à l’Ecole su-périeure d’économie et de tech-nique de Berlin et spécialiste de la Deutsche Bahn, tempère cette image volontiers diffusée dans les médias. « La concurrence des bus est un argument que tout le monde comprend, explique-t-il.En réalité, les difficultés de la DB viennent plutôt de son secteur lo-gistique et de ses activités à l’inter-national, dont elle n’aime pas beaucoup parler. »

Les chiffres parlent d’eux-mê-mes : sur les 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisé dansles activités de transport de per-sonnes, la perte de 120 millions d’euros reste relative. « La DB réa-lise son bénéfice essentiellement

avec les voyageurs d’affaires, qui veulent aller vite. Sur ce segment, le bus grandes lignes n’est pas uneconcurrence. On ne peut pas par-ler d’un bouleversement du mar-ché », poursuit l’expert. Pour laDB, l’exploitation des grandes li-gnes reste au contraire extrême-ment profitable : ces deux der-nières années, ce segment a rap-porté plus de 300 millions d’euros de bénéfices par an à la compagnie. Elle n’a d’ailleurs pasabandonné la route à la concur-rence, puisqu’elle dispose de sa propre offre de bus longue dis-tance.

Malgré une offre de qualité, letrain reste en Allemagne un transport réservé à une minorité,deux tiers des Allemands n’utili-sant jamais les transports en commun. Le défi pour la Deut-sche Bahn est d’adapter son offreaux grands bouleversements dé-mographiques du pays : quand les infrastructures dans les cen-tres urbains comme Hambourg, Francfort ou Stuttgart atteignentles limites de leurs capacités, cel-les de l’Est peinent à se mainte-nir, faute de passagers. p

cécile boutelet

(berlin, correspondance)

En Allemagne, les bus font le plein

La part du ferroviaire s’érode L’essoufflement du TGV

Une progression mondiale de 2,6 %

TRANSPORT DE VOYAGEURS EN FRANCE, EN MILLARDS DE VOYAGEURS PAR KILOMÈTRE EN 2013

ÉVOLUTION DES DIFFÉRENTS MODES DE TRANSPORT, VARIATION ANNUELLE EN %

SOURCES : CGEDD ; SNCF ; UNIFE ; ROLAND BERGER

ÉVOLUTION DES DIFFÉRENTS SECTEURS DU TRANSPORT FERROVIAIRE, EN BASE 100 EN 2008

CROISSANCE DU MARCHÉ DES FOURNITURES FERROVIAIRESDANS LE MONDE, PÉRIODE 2015-2017 PAR RAPPORT À 2009-20011

Voitures particulièresy compris les véhicules immatriculés à l’étrangeret les deux-roues motorisés

Voitures particulièresy compris les véhicules immatriculés à l’étrangeret les deux-roues motorisés

Transport collectif routier

Transport ferroviairey compris la RATP et les métros de province

Transport aérien

102,6

14,5819,4

52,3

08/09 09/10 10/11 11/12 12/13

VOITURES PARTICULIÈRES

0,41

0,2 0,3 0,5159,3

192,7

08/09 09/10 10/11 11/12 12/13

TRANSPORTS COLLECTIFS

0,62,3 2,4

11,4

192,7

08/09 09/10 10/11 11/12 12/13

TRANSPORT FERROVIAIRE

– 0,9

0,3

3,4

– 0,5 – 0,6

08/09 09/10 10/11 11/12 12/13

TRANSPORT AÉRIEN

* Echelle non respectée

6,1*

– 8,6*

*6,3*3,7 3,4192,7

2008 2009 2010 2011 2012 2013

115

110

105

100

95

Total

Lignes nationales

dont TGV

TER hors Ile-de-France

Transilien

+ 8,1 %Afrique, Moyen-Orient

+ 7 %Reste de l’Amérique

+ 2,8 %Canada, Etats-Unis, Mexique

+ 2 %Europe de l’Ouest

+ 2,7 %Europe de l’Est

+ 2 %CEI

+ 1,9 %Asie et Pacifique

108,5

103,1

98

101,2

110,2

52,352,352,3

En progression

En baisse

« PEUT-ON ENCORE AUGMENTER LE

PRIX DES BILLETS TGV SANS PERDRE DE CLIENTS DANS

UN CONTEXTE DE CONTRAINTE SUR LE POUVOIR

D’ACHAT ? »LA COUR DES COMPTES

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4 | économie & entreprise MERCREDI 7 JANVIER 2015

0123

Le prix du baril de pétrole tombe à 50 dollarsAvec la hausse du dollar et l’exploitation de nouveaux gisements, les cours de l’or noir dévissent encore

Cinquante dollars ! Il y asix mois seulement,quel analyste aurait oséparier sur une dégringo-

lade aussi brutale du baril d’ornoir ? C’est pourtant bien à ce ni-veau inconnu depuis le prin-temps 2009 qu’il est tombé, lundi5 janvier, sur le marché de New York après être passé sous la barre symbolique des 50 dollarsen début de séance. Le light sweet crude américain pour livraison en février a terminé à 50,04 dol-lars tandis que le Brent de la Merdu nord clôturait en forte baisse (à53,11 dollars) sur le marché londo-nien.

Désormais, certains opérateursn’hésitent plus à envisager unplancher à 40 dollars, le niveauqu’il avait atteint fin 2008,trois mois après la faillite de la banque Lehman Brothers. Un telniveau amputerait de plus demoitié les recettes budgétaire at-tendues par les producteurs et pourrait décider l’Organisationdes pays exportateurs de pétrole (OPEP) à réduire son quota de pro-duction (30 millions de barils par jour) pour faire remonter les prix.Fin novembre, poussé par l’Arabiesaoudite et les pétromonarchiesdu golfe, le cartel avait refusé de lefaire ; mais de plus en plus demembres (Algérie, Venezuela, Iran, Irak, etc.) réclament un chan-gement de pied face aux difficul-tés budgétaires qui se profilent.

Le renouveau américain

Car tous les éléments se conju-guent pour maintenir la pression àla baisse dans les prochains mois. L’appréciation du dollars n’incite pas les investisseurs à acheter du pétrole puisque les échanges sont libellés en devises américaines. La progression de la demande resteramodérée au premier semestre, voire au-delà, en raison des médio-cres performances économiques de l’Europe et de la Chine, où l’in-dustrie est à la peine, et des nou-velles menaces que la Grèce fait peser sur la zone euro.

Mais c’est surtout l’annonce

d’un niveau de production record en Russie et en Irak en 2014 qui a conforté les opérateurs dansl’idée d’une surabondance de l’of-fre. En décembre, la productionrusse (10,67 millions de barils) aatteint un record inégalé depuis lachute de l’URSS en 1991, selon des analystes. Elle devrait poursuivre sur cette tendance en 2015, mal-gré les sanctions occidentales pé-nalisant le secteur de l’énergie. De

son côté, l’Irak n’a jamais exporté autant de brut depuis 1980, à la veille de sa guerre contre l’Iran (1980 – 1988), avec 2,94 millionsde barils par jour en décembre, a récemment indiqué Assem Jihad, porte-parole du ministère du pé-trole, en ajoutant que Bagdad pourrait porter ces exportations à3,3 millions de barils cette année.

L’offre américaine, elle, n’esttoujours pas affectée par la baisse des prix du brut en-dessous du coût de production du pétrole de schiste dans certaines régions. Et l’administration Obama a donné, fin décembre, un nouveau signede la puissance énergétique re-trouvée des Etats-Unis : elle aautorisé l’exportation de pétroles bruts très légers réclamée par cer-taines compagnies, rompantainsi partiellement avec un em-bargo qui remontait au choc pé-trolier de 1973.

Certains analystes estimentqu’un million de barils supplé-

mentaires pourraient se déverser sur les marchés fin 2015, concur-rençant surtout le brut léger pompé au large des côtes d’Afri-que de l’Ouest. Même s’il ne faut pas surinterpréter cette décision, elle sonne comme une réponse des Américains aux Saoudiens, lancés dans une guerre sans merci pour maintenir leurs parts de marché et freiner le développe-ment effréné de la productionaux Etats-Unis.

Foyers de tension sans incidence

D’autres barils devraient affluersur le marché dans les pro-chains mois. Début 2014, les com-pagnies occidentales avaient an-noncé l’entrée en productionen 2015-2017 de gisements décou-verts dans les années 2000 et dé-veloppés à grands frais pour tenir coûte que coûte leurs objectifs de production d’hydrocarbures. Ainsi Total a-t-il prévu de la porterde 2,3 à 2,8 millions de barils par

jour d’ici à 2017. Retardera-t-il ledémarrage de certains projets en attendant des jours meilleurs et une remontée des cours ? Les ana-lystes de Morgan Stanley esti-ment que de nouvelles produc-

tions vont arriver sur le marché en provenance du Brésil, d’Afriquede l’Ouest, du Canada et des Etats-Unis. Et même 500 000 barilssupplémentaires par jour en pro-venance d’Iran dans l’hypothèse d’un accord entre Téhéran et lesOccidentaux sur le contentieux nucléaire.

Les fondamentaux du marchésont tellement orientés à la baisseque les foyers de tension rédui-sant ou menaçant la production d’hydrocarbures n’ont plus d’inci-dence sur les cours.

En Libye, la guerre dans l’est dupays autour des terminaux d’ex-portation a pourtant fait chuter laproduction à environ300 000 barils par jour alors que le pays vise 1 million de barils. Au Yémen, la milice chiite contrôlant la capitale Sanaa convoite la pro-vince pétrolière de Marib défen-due par des tribus sunnites et Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA). Au Nigeria, premier pro-ducteur d’Afrique, la chute descours a ébranlé les équilibres bud-gétaires alors que la campagne pour l’élection présidentielle de février se déroule sous haute tension.

La principale inconnue restel’Arabie saoudite, premier expor-tateur mondial d’or noir. La nou-velle dégradation de l’état de santé du roi Abdallah, hospitalisé il y a une semaine pour une pneu-monie, fait peser une lourde hy-pothèque sur l’avenir. p

jean-michel bezat

Fragilisée par la chute des cours, l’Arabie saoudite reste ferme

D epuis que les cours dupétrole ont entamé leurchute, les regards se tour-

nent vers l’Arabie saoudite. Si le royaume wahhabite n’a plus lepouvoir de faire trembler le monde comme en 1973, quand sa décision de priver les Etats-Unis de brut pour leur soutien à Israël avait plongé la planète dans la première grande crise de l’après-guerre, son rôle reste essentiel. Le royaume est le seul pays à pouvoirjouer le rôle de swing producer(« producteur d’appoint ») en cas de défaillance d’un des onze autres membres de l’Organi-sation des pays exportateurs depétrole (OPEP). Le seul à être capa-ble de mettre 2,5 millions de barilssupplémentaires sur le marché pour éviter pénurie et flambée des prix.

Fin novembre, elle a encoremontré sa puissance, au sommetde l’OPEP, en refusant de resserrerles vannes et en laissant les cours s’effondrer pour essayer de faire plier les pétroliers américains, quiproduisent à des prix bien plus

élevés : tombé autour des 50 dol-lars, le baril de brent a perdu plus de la moitié de sa valeur depuis son pic de juin (112 dollars).

Mais la pétromonarchie a sesfragilités. L’aggravation de l’étatde santé du roi Abdallah, 90 ans,a relancé les inquiétudes, alors que l’année 2014 s’est mal termi-née. Bien orientée au cours destrois premiers trimestres, laBourse de Riyad a terminé l’an-née en perte. Le budget sera endéficit de 14 milliards de dollars (11,72 milliards d’euros) alorsqu’il était initialement prévu à l’équilibre.

Un pays aux poches profondes

Avec la chute des cours, le pays va devoir gérer une perte de recettes considérable. Les hydrocarbures représentant 90 % de ses ressour-ces budgétaires : si le baril se sta-bilise à 60 dollars en moyenne sur l’année, elle n’encaissera que la moitié de ses recettes de 2013, qui avaient atteint 276 milliardsde dollars. Riyad a déjà pris en compte la dégringolade des cours

du brut en annonçant, le 25 dé-cembre, un budget en déficit de38,6 milliards de dollars (230 mil-liards de dépenses et 191 milliardsde recettes), un niveau sans précé-dent dans l’histoire du royaume.

Mais le pays a les poches profon-des puisqu’on estime ses réserves de devises à quelque 750 milliardsde dollars. Avant d’être hospita-lisé, le roi Abdallah avait autorisé le gouvernement à y puiser ou àemprunter sur les marchés pour combler le déficit.

En 2011, alors que le mondearabe était secoué par les révolu-tions de la Tunisie, au Yémen et del’Egypte à la Libye et à Bahreïn, il n’avait pas hésité – de retour d’un séjour de trois mois à l’étrangerpour raisons médicales – à puiser 130 milliards dans les caisses afin d’acheter la paix sociale (alloca-tions chômage, aides au loge-ment, santé, éducation, etc.) et d’éviter ainsi la contagion révolu-tionnaire. Cette situation instable n’a pas disparu, notamment avec l’essor des groupes djihadistes en Syrie et en Irak, hier financés par

les Saoudiens, aujourd’hui com-battus par les mêmes Saoudiens au sein de la coalition internatio-nale contre l’organisation auto-proclamée Etat islamique.

Il a encore largement lesmoyens d’une telle munificence,après plusieurs années de vachesgrasses. « Avec la baisse des prixpétroliers, nous avons considéra-blement revu le projet de budget,mais nous maintenons nos pro-jets de développement et nousavons la capacité de supportercette baisse », a récemment souli-gné le ministre des finances, Ibrahim Al-Assaf. Et notamment

le financement des « program-mes de développement de l’éduca-tion et de la santé et les services sociaux » et la création « davan-tage d’emplois pour les citoyens »,alors que la frustration de la jeu-nesse est grande face à un chô-mage endémique.

Pour autant, Riyad n’a pas re-noncé à sa politique : conserver ses parts de marché, notamment face aux producteurs de pétrole de schiste aux Etats-Unis, quitte à laisser s’effondrer les prix – une situation que les dirigeants saou-diens jugent plus préjudiciable aux producteurs américains qu’à la compagnie pétrolière nationaleSaudi Aramco. Il y a quelquesjours encore, le ministre saoudiendu pétrole, Ali Al-Naïmi, répétaitque l’OPEP ne réduirait pas sa pro-duction même si le prix tombait à20 dollars le baril. Tout le monde ne partage pas cette ligne. Et cer-taines voix se font entendre, dansl’entourage du roi, pour juger cette politique des prix dange-reuse pour le royaume. p

j.-m. b.

SOURCE : BLOOMBERG

2 JANVIER 2014 5 JANVIER 2015

COURS DU BARIL DE PÉTROLE WTI, EN DOLLARS

50,04

89,36

101,18(25 juin 2014)

— 43,82 %

Une station service à Tolleson dans l’Arizona, le 12 décembre. ROSS D. FRANKLIN/AP

Baisse des tarifs du gaz en février

Les tarifs réglementés du gaz baisseront d’un peu plus de 1 % au 1er février en raison de la baisse des cours du pétrole, selon Le Fi-garo. En janvier, ils ont augmenté de 1,8 % pour répercuter le doublement de la taxe intérieure sur la consommation de gaz na-turel. Cette baisse concernera 7,4 millions de foyers (sur un total de 10,6 millions d’abonnés au gaz), alors que 3,2 millions de mé-nages ont souscrit des offres dites « de marché » chez GDF Suez ou un fournisseur alternatif. La formule de calcul des tarifs régle-mentés, appliqués par GDF Suez et révisés mensuellement, a été modifiée cet été. Elle renforce leur indexation sur les prix de mar-ché plutôt que sur l’évolution des cours du pétrole.

Le budget

wahhabite

sera en déficit

de 14 milliards

de dollars alors

qu’il était prévu

à l’équilibre

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0123MERCREDI 7 JANVIER 2015 MÉDIAS&PIXELS | 7

Les objets connectés envahissent notre quotidienFabricants de matériels et fournisseurs de contenus s’associent pour imaginer de nouveaux usages

Las Vegas (Nevada)

Qui n’a jamais entenduparler de la maisonconnectée ou de l’In-ternet des objets – In-ternet of things (IOT),

en anglais ? Voilà plusieurs an-nées que ces deux types de réseauont commencé à conquérir le grand public.

Le taux d’équipement des foyersreste toutefois incroyablement bas, a souligné Tim Baker, direc-teur général de Samsung pour les Etats-Unis, lors de la grand-messe du groupe coréen, lundi 5 janvier, au Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, dans le Nevada,qui ouvre ses portes au grand pu-blic du 6 au 9 janvier.

Le développement des objetsconnectés, tiré par un coût de con-nexion marginal quasi nul (une fois un réseau établi, le prix de rac-cordement d’un objet à celui-ci est négligeable), est pourtant expo-nentiel ; et, dans les allées des hô-tels de Las Vegas, où se tiennent lesconférences de presse des cons-tructeurs et développeurs, il n’est question que de ça.

Le cabinet Gartner prévoit queprès de 5 milliards d’objets con-nectés seront en service en 2015. Soit une croissance de 30 % par rapport à l’année précédente. Ce nombre devrait grimper jusqu’à 25 milliards d’ici à 2020. Pour lesanalystes du cabinet, cette vague est « disruptive », c’est-à-direqu’elle est vouée à susciter de pro-fonds changements dans les usa-ges et les désirs des utilisateurs.

Cette offre d’objets connectés,

que l’on parle d’un simple smart-phone ou d’une voiture intelli-gente, va considérablement ac-croître les dépenses en service, àmesure qu’ils vont trouver leur place aussi bien dans la sphère privée que dans le domaine public(hôpitaux, collectivités territoria-les…) : de 70 milliards de dollarsen 2015 à 263 milliards en 2020 (soit de 58,6 milliards à 220,3 mil-liards d’euros), toujours selon Gartner. Et de plus en plus, ces ob-jets communicants devront êtrefaciles à connecter entre eux et pourront être reliés à une ou plu-sieurs plates-formes de services.

Croiser les écosystèmes

Alors que l’offre d’objets connec-tés, ou en tout cas connectables, ne cesse de s’étendre jusqu’à tou-cher les objets les plus triviaux comme les brosses à dents ou lesbiberons, il devient important pour les constructeurs et déve-loppeurs de montrer qu’ils sont capables de croiser les écosystè-mes. Exemple : l’utilisateur d’une

montre connectée doit pouvoiréteindre les lumières, fermer sa maison et sa voiture à partir du même bracelet.

Pour proposer ce type d’interac-tion, chacun travaille sur son « hub numérique », sa propre pla-te-forme de gestion de l’IOT. Et la Silicon Valey n’est pas seule sur lesrangs. La Poste, pour son premier déplacement au CES, a dévoilé sapremière plate-forme universelle,ouverte aux développeurs et qui permet de relier entre eux diffé-rents objets connectés. Celle-ci in-clut toute la dimension « services à la personne », qui fait partie del’ADN de La Poste. L’entreprise anoué un premier partenariat avecle fabricant français de matériel audio et vidéo Archos pour déve-lopper un projet autour de la sécu-rité du domicile, un domaine où, là aussi, le sous-équipement est

important, surtout en France.Face à la multiplication de ce

type de plate-forme de distribu-tion de services, difficile pourl’utilisateur de s’y retrouver et desavoir comment choisir l’une au détriment de l’autre. Car la valeur d’une plate-forme tient surtout à sa capacité à interagir avec les of-fres des fournisseurs de contenus.

L’essor du streaming, qu’il soitaudio ou vidéo, au détriment de l’achat et du stockage, illustre par-faitement ce besoin de conver-gence entre fabricants de maté-riels, spécialiste des réseaux et fournisseurs de contenus. Plus aucun fabricant de « smart TV »(télévision intelligente) ne se dé-veloppe sans avoir noué des par-tenariats avec Netflix, HBO, Hulu ou Amazon pour la diffusion defilms, séries ou autres émissions vidéo. Et tous les fabricants d’en-

ceintes et de barres audio ont si-gné des contrats avec Spotify, Deezer et d’autres services musi-caux similaires.

Mieux encore, Samsung a an-noncé un partenariat avec desstudios d’Hollywood pour faire en sorte que leurs productions soient optimisées pour les télévi-sions en ultra-haute définition,segment très important pour le coréen. Samsung a également an-noncé que ses plates-formes de diffusion de musique, Milk Music, et de vidéo, Milk Video, se-ront bientôt connectables aux té-léviseurs intelligents de la même marque par le biais d’une applica-tion spécifique.

De son côté, LG a présenté denouvelles fonctionnalités pour son application Music Flow : avec un système baptisé Auto MusicPlay, la musique pourra passer

d’un appareil à un autre selon les pièces dans lesquelles l’utilisateurse déplace, ou les appareils qu’ilsutilisent.

Google n’est pas en reste. Legéant californien a annoncé, lundi, que les contenus diffusés par l’intermédiaire Google Cast (le« hub » numérique de Google) pourront être joués directement sur des enceintes audio. Origina-lité du dispositif ? Les contenus diffusés par Google Cast sont stoc-kés sur le cloud. C’est justement l’une des prochaines étapes du dé-veloppement de l’Internet des ob-jets : pouvoir se connecter directe-ment avec l’informatique dans les nuages pour y récupérer des con-tenus. Une convergence et une dé-matérialisation qui nécessiteront des réseaux et des serveurs de plus en plus performants. p

audrey fournier

Universal et Havas s’allient dans le big dataLa maison de disques, filiale de Vivendi, veut tirer profit de ses données collectées sur le Net

L es Bolloré à la manœuvre !A l’ouverture pour la pressedu Consumer Electronic

Show de Las Vegas, lundi 5 janvier,Yannick Bolloré, PDG de l’agence de communication Havas, et Lu-cian Grainge, PDG d’UniversalMusic Group, l’une des principa-les filiales de Vivendi, ont an-noncé la création d’une « alliance globale » pour exploiter et moné-tiser les « données comportemen-tales » des fans de musique. Un ac-cord voulu par Vincent Bolloré, propriétaire de Havas et principal actionnaire de Vivendi, qui aspire à multiplier les coopérations en-tre le conglomérat tricolore et songroupe familial.

Concrètement, les experts d’Ha-vas vont désormais « agréger,analyser et activer les milliards de données qu’Universal MusicGroup et ses artistes génèrent au travers de la vente de leur musique,de la vente de billets et des produitsdérivés, du streaming, des médiassociaux, des écoutes radio », expli-quent les deux groupes dans uncommuniqué commun publié lundi 5 janvier. Objectif : « Mieuxcomprendre la corrélation entre les artistes, les fans de musique etles marques. »

« Nous voulons continuer à trou-ver de nouvelles sources de reve-

nus et d’opportunités marketingpour l’ensemble de nos artistes dans le monde. C’est pourquoi nous allons pousser encore plusloin l’analyse et l’activation des bigdata en notre possession », justifieLucian Grainge, le patron britan-nique du numéro un mondial dela musique.

En utilisant les capacités mathé-matiques des équipes de recher-che de Havas, Universal Music es-père notamment aider les annon-ceurs à « identifier quels genres et quels artistes plairont à leurs pro-pres cibles de consommation ».

Trésorerie plantureuse

Si aucun chiffre n’a été communi-qué sur les revenus attendus de cette alliance, celle-ci est « la pre-mière expression de l’esprit de coo-pération que Vincent Bolloré veutpromouvoir au sein de Vivendi », explique un proche de l’homme d’affaires.

Depuis sa prise de pouvoir ausein du conglomérat, initiée en 2012 par le rachat d’actions et matérialisée par la nomination du tycoon breton au poste de pré-sident du conseil de surveillance de Vivendi en juin 2014, M. Bollorémartèle que l’avenir du groupe passe par davantage de synergiesentre ses filiales plutôt que par

des acquisitions. « Notre prioritésera la croissance interne », avaitindiqué Arnaud de Puyfontaine, président du directoire de Vi-vendi, dans une interview au Monde le 11 juillet, même si le groupe dispose d’une trésorerie plantureuse depuis les cessions, intervenues ces derniers mois, de ses filiales Activision Blizzard, SFR, Maroc Télécom et GVT.

« Cet accord entre Havas et Uni-versal Music a été initié lors d’un séminaire à Los Angeles [Califor-nie] qui s’est tenu en septembre2014, et qui a réuni les 50 top ma-nagers du groupe autour de Vin-cent Bolloré, explique-t-on au seinde Vivendi. En discutant les unsavec les autres, on s’est renducompte qu’on avait des millions dedonnées qui n’étaient pas suffi-samment exploitées. »

Selon différentes sources,d’autres initiatives sont atten-dues dans les prochaines semai-nes, à l’image de la coopération démarrée à la fin de 2014 en Afri-que entre Canal Plus et Universal Music, où les deux filiales copro-duisent l’émission « Island Africa Talent » sur la chaîne A+.

Pour certains, cet accord estaussi la preuve que Vincent Bol-loré, qui détient seulement 5 % ducapital de Vivendi, n’a pas re-noncé à rapprocher Havas du con-glomérat.

Déjà propriétaire de 36,2 % dusixième groupe de communica-tion mondial, l’industriel a lancé en octobre une offre publiqued’échange sur le reste du capital d’Havas. Celle-ci devrait théori-quement lui donner davantage deliberté pour apporter à Vivendi tout ou partie du capital de l’en-treprise dirigée par son fils cadet.

« Bolloré rêve de recréer le Havasde Pierre Dauzier, qui était un mas-todonte de la communication à la fin des années 1990 », estime un bon connaisseur du secteur. « Vi-vendi a vocation à devenir le Ber-telsmann à la française », a con-firmé Vincent Bolloré, sans don-ner plus de détails, lors d’une rare interview, à RTL le 9 décembre. p

cédric pietralunga

L’objectif est

de « mieux

comprendre

la corrélation

entre les artistes,

leurs fans et les

marques »

Samsung présente des appareils électroménagers au Consumer Electronics Show de Las Vegas, le 5 janvier. ETHAN MILLER/GETTY IMAGES/AFP

Près de

5 milliards

d’objets

communicants

seront en service

en 2015. Soit une

croissance de

30% par rapport

à 2014

HIGH-TECHFacebook acquiert la start-up française Wit.aiLa société française Wit.ai a annoncé lundi 5 janvier qu’elle avait été achetée par le réseau social Facebook. Sa spécialité : la commande vo-cale. Wit.ai a notamment une plateforme pour aider les dé-veloppeurs d’autres sociétés à intégrer facilement cette fonction, rappellent Les Echos. La société, créée il y a un peu plus d’un an par trois Français installés en Californie, a été sélectionnée par le célèbre in-cubateur de start-up Y Com-binator pour intégrer son pro-gramme de développement, selon le quotidien.

AUDIOVISUELNathalie Sonnac pressentie au CSANathalie Sonnac, professeur en sciences de l’information et de la communication à As-sas et dirigeante de l’Institut français de presse, pourrait devenir membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), a révélé Les Echos lundi 5 janvier. Elle serait nommée par le président de l’Assem-blée nationale Claude Barto-lone (PS), qu’elle devait ren-contrer, mardi 6 janvier après-midi. Elle remplacerait l’un des trois conseillers en fin de mandat : Françoise Laborde, Christine Kelly et Emmanuel Gabla. Le collège du CSA est réduit d’un membre en 2015.

INTERNETPagesJaunes veut améliorer la prise de rendez-vous médicauxPagesjaunes lance Pagesjau-nesDoc, une solution de prise de rendez-vous médicaux en ligne, à destination des pro-fessionnels, a annoncé mardi 6 janvier le groupe SoLocal. La solution promet au prati-cien de faire baisser le nom-bre de personnes qui ne se présentent pas à des rendez-vous, notamment grâce à des rappels par SMS et e-mails. Et ce, sur un marché où les dé-lais pour consulter un spécia-liste sont longs. Pagesjaunes se considère leader en France sur le marché de la prise de rendez-vous en ligne avec près de 50 millions de ren-dez-vous enregistrés.

TÉLÉPHONIEXiaomi double son chiffre d’affaires en 2014La star chinoise des smart-phones aurait, selon un post de blog de son PDG Lei Jun, doublé son chiffre d’affaires en 2014. Celui-ci aurait atteint 74,3 milliards de yuan (10 milliards d’euros) contre la moitié une année aupara-vant. Le groupe a vendu 61,1 millions de smartphones, une hausse de 227 % en un an. Xiaomi est devenu le pre-mier vendeur de téléphones en Chine depuis le 2e trimes-tre 2014, devant le construc-teur sud-coréen Samsung.

Le patron de Sony s’exprime sur le film

Le patron de Sony, Kazuo Hirai, a remercié, lundi 5 janvier, ceux qui ont soutenu son groupe et permis la sortie du film The Inter-view, compromise par une cyberattaque massive fin novem-bre 2014 contre les studios Sony Pictures, filiale de production ci-nématographique du groupe nippon. S’exprimant lors d’une conférence de presse au CES de Las Vegas, M. Hirai a insisté : « La liberté de parole, la liberté d’expression, la liberté d’association : ce sont des bases importantes de Sony et de notre industrie du di-vertissement. » « Nous sommes fiers des partenaires qui se sont dressés contre les tentatives d’extorsion des criminels qui ont atta-qué Sony », a ajouté M. Hirai, qui intervenait pour la première fois publiquement sur l’affaire. – (AFP.)

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2 | plein cadre MERCREDI 14 JANVIER 2015

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« DÉSORMAIS, NOUS DISCUTONS

PLUS SYSTÉMATIQUEMENT

DES RISQUES »SEBASTIAN BARNES

conseiller de l’économiste en chef

Méfions-nous des appa-rences. L’Organisationde coopération et de dé-veloppement économi-ques (OCDE) n’est pas,ou n’est plus, seule-

ment cette institution cinquantenaire si sou-vent assimilée, en France, à un repaire d’ultra-libéraux. Le Château de la Muette – c’est le nom de son siège parisien – a souvent criti-qué les coups de pouce au smic ou le peu d’ap-pétence française pour les réformes structu-relles. On sait moins qu’il possède une lon-gueur d’avance sur l’analyse des inégalités, dubien-être, de la fiscalité. Et que son approche iconoclaste de la finance lui vaut de solides inimitiés dans le monde bancaire.

Sous l’impulsion de son secrétaire général,le Mexicain Angel Gurria, en poste depuis juin 2006, l’institution, spécialisée dans la ré-gulation s’est transformée. Economiste, deuxfois ministre, M. Gurria voulait que l’OCDE soit plus utile aux gouvernements en répon-dant mieux à la crise née dans les pays avan-cés, son cœur de cible. Comme d’autres, elle ne l’a pas vu venir et en a sous-estimé l’im-portance, malgré quelques mises en garde, en 2009. « Nous avons été successivementtrop optimistes et trop pessimistes sur la pro-fondeur de la crise », résume Sebastian Bar-nes, conseiller de l’économiste en chef.

L’OCDE se veut Evidence-Based : attentiveaux faits et soucieuse d’apporter la preuve de ce qu’elle avance. N’avoir pas vu s’approcher laGrande Récession alors qu’il y avait eu, selon M. Gurria, « des signes avant-coureurs de l’im-minence d’une crise historique », fut un choc.

En 2012, le secrétariat général lance le« New approach to economic challenges »(NAEC), un exercice d’introspection. Tout est passé au crible : prévisions, standards, prin-cipes, pratiques… « Nous nous sommes inter-rogés sur nos erreurs, dit Martine Durand, di-rectrice des statistiques. Puis nous sommes tombés d’accord sur la nécessité d’adapter nos modèles et outils d’analyse, de nous intéresser davantage à l’économie comportementale, de cultiver une vision de long terme et de renfor-cer la coopération entre les directions. »

Avant 2008, la maison était organisée en« silos ». Les directions travaillaient dans leurcoin. D’où une certaine cacophonie. La coo-pération et la coordination prévalent désor-mais, en interne comme avec l’extérieur – Fonds monétaire international (FMI), Ban-que mondiale, etc. Une mutation favorisée par l’arrivée à des postes de responsabilité de« quadras » comme Stefano Scarpetta et Pas-cal Saint-Amans, « patrons » respectifs de ladirection de l’emploi et du centre de politi-ques et d’administrations fiscales.

« SORTIR DE L’IMPASSE »En février 2013, l’OCDE avait publié une ana-lyse sur ses erreurs de prévisions. « Nousavons constaté que nous avions davantage surestimé les produits intérieurs bruts de l’Es-pagne, de l’Irlande et de l’Islande, qui avaientdes secteurs bancaires exposés, dit M. Barnes.Désormais, nous discutons plus systémati-quement des risques ; nous faisons plus de scénarios, nous analysons plus à fond les don-nées financières, nous sommes plus attentifs aux indicateurs de court terme. »

Issue de l’Organisation européenne de coo-pération économique, créée en 1948 pour gé-rer le plan Marshall, l’OCDE n’a pas les pré-ventions de la Commission de Bruxelles pour la relance ni son attachement pour la consolidation budgétaire.

« La crise a été dramatique. Des salaires ho-raires qui baissent de plus de 5 % par an pen-dant quatre ans en Grèce ou de 2 % en Espagne,au Portugal et en Irlande, ce n’est pas rien ! Quand les pays membres ont vu que la reprise n’était pas au rendez-vous, ils nous ont incitésà pousser nos réflexions, à l’instar du conseilleréconomique d’Obama, explique M. Scarpetta.Nous avons essayé de sortir de l’impasse aus-térité-croissance-politiques structurelles et

préconisé de faire attention aux coupes dansles dépenses publiques dans des secteurs comme la santé et l’éducation car elles enta-ment le potentiel de croissance. »

L’économiste en chef a travaillé à la Réservefédérale américaine. Originaire des Etats-Unis, champion de la relance et du Quantita-tive Easing, Catherine Mann recommande d’« articuler » les politiques monétaire, bud-gétaire et structurelles pour sortir la zoneeuro de la stagnation. Un discours plusnuancé que celui tenu à Bruxelles.

Plus que son prédécesseur canadien,M. Gurria – il devra réfléchir d’ici à 2016 à l’hypothèse d’un troisième mandat – amultiplié les relations avec les responsables politiques au plus haut niveau. « Mon job,c’est de vendre la logique politique de nos re-commandations », dit-il. L’OCDE est tripar-tite. L’examen par les pairs et la surveillance multilatérale y jouent un rôle clé. Le Conseil, décisionnel et présidé par M. Gurria, re-groupe les représentants des trente-quatre pays membres et un représentant pour

majeur du G20 » et le champion de la trans-parence (fin du secret bancaire, lutte contreles paradis fiscaux, etc.). M. Saint-Amans veut profiter de la « fenêtre d’opportunités » dont il dispose pour pousser son avantage ets’assurer que le changement des règles fisca-les est appliqué dans les pays membres del’OCDE ou du Forum mondial.

Ce foisonnement n’est pas dû qu’à la crise.« Nous travaillons depuis quinze-vingt ans sur les inégalités, témoigne M. Scarpetta. “Growing Unequal” de 2008 et “Divided we Stand” de 2011 sont les principales synthèses de référence. » L’OCDE est à l’origine du prin-cipe pollueur-payeur. Elle a travaillé, avant le rapport Stiglitz, sur l’économie du bien-être, qui a changé ses perspectives. La croissanceverte, la justice, le développement durableont été mis en avant. La clé de cette méta-morphose ? La conviction que la globalisa-tion impose de « bouger plus vite » et d’« êtreagile ». Libérale, l’OCDE ? En partie seule-ment. Mais pas « réac ». p

claire guélaud

l’Union européenne ; 250 comités thémati-ques réunissent experts et administrations ; les 2 500 salariés du secrétariat, dont 700chercheurs (économistes, juristes, etc), irri-guent de leurs travaux une institution qui a assoupli la règle du consensus, en vigueur depuis 1961.

« FENÊTRE D’OPPORTUNITÉS »Il suffit qu’une dizaine de pays soient par-tants pour qu’elle engage des travaux spécifi-ques. En 2012, à la demande d’une douzaine de gouvernements, Stanley Fischer a animé deux jours de débats sur la stagnation sécu-laire. « En juillet 2014, se souvient M. Scar-petta, le gouvernement espagnol nous a donné moins de quatre mois pour évaluer la réforme du marché du travail de 2012. Nous l’avons fait et avons conclu que cette réforme, menée en pleine récession, avait changé le comportement des entreprises et créé davan-tage d’emplois à durée indéterminée. »

La crise et le réveil du politique qui l’a ac-compagnée ont fait de l’OCDE « l’acteur fiscal

Angel Gurria,le secrétaire général

de l’OCDE.BLOOMBERG / GETTY IMAGES

Quand la crise force l’OCDE à se réinventer

Sous l’impulsion de son secrétaire général, le Mexicain Angel Gurria, l’Organisation de coopérationet de développement économiques s’est transformée pour être plus utile à ses trente-quatre Etats membres

l’organisation de coopération et dedéveloppement économiques (OCDE)sort, tous les dix-huit mois environ,une étude pays, qui fait le point sur l’économie de ses trente-quatre mem-bres. Ces publications ont longtemps été indigestes : truffées de statistiques intéressantes, mais si normées et si générales qu’elles en devenaient cari-caturales.

Beaucoup a été fait pour en amélio-rer le contenu, à défaut d’en transfor-mer la forme. « Les études pays ont changé, assure Sebastian Barnes, leconseiller de l’économiste en chef del’institution. Elles sont plus spécifiques aux pays traités et comportent des ana-

lyses financières plus poussées. Il y a aussi plus d’intégration entre la partie macroéconomique et celle plus struc-turelle. »

Qualité des emploisDepuis 2013, le premier chapitre deces études fait une évaluation globale de la performance des pays : on y traite de la croissance, du bien-être,des forces et des faiblesses de l’écono-mie, des priorités qui sont ou de-vraient être celles des gouvernants.Les sujets traités sont plus larges qu’ils ne l’ont été pendant des dizai-nes d’années. L’étude 2013 sur l’Autri-che a marqué un tournant, avec des

analyses poussées sur les efforts con-duits par ce pays pour dépasser la no-tion de produit intérieur brut (PIB) etpour mieux prendre en compte le bien-être des Autrichiens.

L’édition 2014 de l’étude sur les Etats-Unis est du même genre : l’analyse de la montée des inégalités y est sans concession ; l’OCDE y rappelle que la qualité des emplois compte dans le bien-être et recommande d’étendre le bénéfice du crédit d’impôt aux tra-vailleurs à bas revenus et sans enfants et aux jeunes. Elle défend aussi le prin-cipe du salaire minimum et insiste surle développement précoce de l’éduca-tion des jeunes enfants.

Tout, bien sûr, n’est pas parfait. Lapremière étude de 2015, consacréeà l’économie mexicaine, est à cet égard intéressante. Elle consacre un chapitre entier au partage des fruitsde la croissance – le Mexique est l’undes rares pays en Amérique latine où les inégalités n’ont pas été contenues dans les années 2000 malgré une croissance dynamique – et elle évo-que les sujets qui fâchent, comme l’in-sécurité et la criminalité, mais de ma-nière « techno », très « langue debois ». L’institution a encore du pain sur la planche pour rendre attrayantesses 250 publications ! p

c. gu.

Mieux prendre en compte le bien-être des citoyens

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0123MERCREDI 14 JANVIER 2015 économie & entreprise | 3

Opération déminage pour la loi MacronLe texte porté par le ministre de l’économie a été profondément nettoyé afin d’en faciliter l’examen en séance

L’Assemblée nationale arepris ses travaux,lundi 12 janvier, pours’attaquer à ce qui

constitue probablement le textephare de la seconde partie duquinquennat : le projet de loi pour la croissance et l’activitéporté par le ministre de l’écono-mie, Emmanuel Macron. Un texte qui a d’ores et déjà cristalliséde multiples oppositions, y com-pris dans la majorité, soulevé lacontestation de plusieurs sec-teurs concernés, en particulierles professions juridiques régle-mentées, et nécessité d’innom-brables ajustements, loin d’être encore finalisés.

En réalité, pendant la trêve defin d’année, les principaux ac-teurs du dossier n’ont pas chômé.Déposé le 11 décembre 2014, le projet de loi, qui compte pas moins de 106 articles, a été ren-voyé à une commission spéciale, présidée par François Brottes(PS), le président de la commis-sion des affaires économiques, etdont Richard Ferrand, député (PS)du Finistère, a été nommé rap-porteur général. En outre, le texteembrassant une vaste palette de domaines, pas moins de huit rap-porteurs thématiques ont éténommés.

1 758 amendements enregistrés

Ceux-ci ont mis à profit les troissemaines de suspension des tra-vaux parlementaires pour procé-der à plus de quatre-vingts audi-tions et, en liaison avec Bercy, pour effectuer un important tra-vail de réécriture des articles afin de les sécuriser juridiquement…et politiquement.

De son côté, le ministre de l’éco-nomie a poursuivi ses consulta-tions, reçu les parlementairesconcernés et évalué les points surlesquels il est possible de trouver un accord avec les uns ou les autres.

Vendredi 9 janvier, il s’est ainsientretenu avec la délégation desquatre députés de l’UDI qui siè-gent à la commission spéciale, conduite par le président du

groupe, Philippe Vigier, qui lui afait part des cinq axes de travail sur lesquels le deuxième groupe de l’opposition souhaite défendredes amendements dont le sort conditionnera son vote final.

Lundi midi, M. Macron et lesrapporteurs ont été reçus à l’Ely-sée pour faire le point sur l’avan-cée des travaux. Un constat : en-tre les réactions qu’avaient susci-tées les premières versions de

l’avant-projet de loi et le climat qui prévaut à l’ouverture de l’exa-men en commission – qui sepoursuivra jusqu’au 18 janvier,avant le début de la discussion en séance, le 26 janvier –, les ten-sions se sont très nettement apai-sées. « Il y a eu un énorme boulotde fait avec les rapporteurs, se féli-cite le ministre, qui participera lui-même à l’ensemble des tra-vaux de la commission. On a faitbaisser la pression politique, detelle sorte que, à présent, le débatpuisse se concentrer sur les aspectstechniques. »

L’objectif est clairement de sor-tir de la commission avec un texte le plus abouti possible afind’éviter les dérapages en séance.Ainsi, 1 758 amendements ont étéenregistrés, dont 38 émanent dugouvernement et 408 des rappor-teurs : un nombre considérable,même si une bonne part est d’or-dre rédactionnel, mais celadonne une idée du travail de« nettoyage » qui a été effectué en

amont. Avec 625 amendements déposés, l’UMP, pour sa part, re-présente à elle seule près d’untiers des amendements enregis-trés.

La tonalité des débats, en ce pre-mier jour de réunion de la com-mission spéciale, est loin d’être àl’affrontement. Probablement lagravité du moment y contribue-t-elle, mais pas seulement. « On n’était pas sur les articles les plusdifficiles mais ça n’empêche pas deconstater que nous sommes dans un climat très constructif, recon-naît Jean-Frédéric Poisson, porte-parole des membres UMP de lacommission. Il y a quand mêmedes points saillants qui font débat et on voit bien l’exercice d’équili-briste auquel le gouvernement esttenu : à la fois fluidifier le système et ne pas se fâcher avec sa majo-rité. Le ministre passe son temps à faire des opérations de déminage. Et il le fait assez bien d’ailleurs. »

Au cours de cette première jour-née, la commission a validé la

création d’une autorité de régula-tion des activités ferroviaires etroutières (Arafer), qui se substi-tue à l’actuelle autorité de régula-tion des activités ferroviaires (Araf), et adopté les articles libé-ralisant l’offre de transport par autocar.

Un amendement du rapporteurgénéral, approuvé par le gouver-nement, a ainsi abaissé à 100 ki-lomètres le seuil kilométrique

Passe d’armes entre Berlin et la BCE sur le rachat de dettes publiquesMario Draghi tente de convaincre l’Allemagne de la nécessité d’adopter cette stratégie pour relancer l’économie européenne

C es quelques mots sont ré-vélateurs. Lundi 12 janvier,le ministre de l’économie,

Emmanuel Macron, a appelé « le couple franco-allemand » à soute-nir « les décisions qui seront pri-ses » par la Banque centrale euro-péenne (BCE). A savoir, les rachats de dette publique – le fameuxquantitative easing en anglais, ou QE – que celle-ci pourrait lancer dès le 22 janvier, afin de lutter con-tre le risque déflationniste.

C’est dire si aujourd’hui l’actionde l’institution dépasse le seul ca-dre monétaire. Elle est désormais au centre d’une bataille politique, qui se joue en partie dans l’arène médiatique. Pour Mario Draghi, leprésident de la BCE, l’enjeu estmajeur : convaincre qu’un QE est aujourd’hui indispensable.

Le camp d’en face, incarné parJens Weidmann, le patron de la puissante banque centrale alle-mande, pense, à l’inverse, que la BCE ne doit à aucun prix racheter de la dette publique. Ce serait se-lon lui inciter les Etats à relâcher leur discipline budgétaire. Et ris-quer, à terme, une nouvelle crise des dettes.

Prolixité

Depuis quelques semaines, les deux camps fourbissent leurs ar-guments dans la presse alle-mande – et cela ne doit rien au ha-sard. Le 2 janvier, M. Draghi expli-quait dans une interview au quo-tidien Handelsblatt que soninstitution se prépare « techni-quement pour modifier début 2015l’ampleur, le rythme et le caractère

des moyens à mettre en place s’il devenait nécessaire de réagir à unetrop longue période d’inflationtrop faible ».

Fin décembre 2014, Peter Praet,l’économiste de l’institution, nedisait rien d’autre au journal Bör-sen Zeitung, en expliquant que

« les dernières mesures monétairesprises par la Banque centrale euro-péenne pour relancer l’économie pourraient ne pas suffire ».

Le 28 décembre, M. Weidmanns’est de nouveau opposé au QE dans la Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung : « Ces rachats vont se traduire par des dettes qui seront celles des banques centralesde la zone euro, et donc, au final, des contribuables. » Des argu-ments repris par Sabine Lautens-chläger, du directoire de la BCE,dans le Spiegel du 9 janvier, tandisque, le 14 et le 15 janvier, MM. Dra-ghi et Weidmann doivent de nou-veau s’exprimer…

Jamais, dans l’histoire de l’insti-tution, les membres de la BCE n’avaient autant débattu par jour-naux interposés. Une telle pro-

lixité peut surprendre. Mais, pourM. Draghi, l’enjeu n’est pas seule-ment de faire pencher de son côtéles gouverneurs de la BCE encore hésitants. Il s’agit surtout de con-vaincre la chancelière Angela Me-rkel. « Sans un blanc-seing de l’Alle-magne, première économie de lazone euro, la crédibilité de sa politi-que serait très affectée », souffleun fin connaisseur de l’institu-tion.

Risque d’explosion

En 2012, Mme Merkel avait apportéun soutien implicite à l’OMT, unautre programme d’achat de dette publique de la BCE, jusque-làjamais activé – et sur lequel laCour de justice européenne doit rendre un avis très attendu le 14 janvier.

Mais, depuis, tout a changé. Lerisque d’explosion de la zone eurosemble écarté ; la reprise pointe à l’horizon ; et surtout, l’émergencede l’AfD (Alternative pour l’Alle-magne), parti de droite euroscep-tique qui n’existait pas en 2012, a réduit les marges de manœuvre de la chancelière.

Est-ce à dire que la bataille deM. Draghi est perdue d’avance ?Probablement pas. Selon Bloom-berg, la BCE étudierait un QE d’ampleur plus limitée, concer-nant par exemple uniquement la dette publique jugée la plus sûre par les agences de notation (notée« AAA »). Une telle option serait compatible avec les craintes alle-mandes. Au risque d’être moinsefficace… p

marie charrel

Emmanuel Macron, le 26 novembre 2014 à l’Assemblée nationale, lors des questions au gouvernement. PATRICK KOVARIK/AFP

« On a fait baisser

la pression

politique, de telle

sorte que (...)

le débat puisse

se concentrer

sur les aspects

techniques »

EMMANUEL MACRON

nécessitant une déclarationauprès de l’Arafer. « La libéralisa-tion ne doit pas se heurter à descontraintes excessives. Il n’y a paslieu de prohiber les initiatives pri-vées ayant un impact mineur surle service public », a justifié le mi-nistre, congratulé par la droite.

Plusieurs amendements del’UDI ont encore reçu un accueil favorable du gouvernement,comme un appel du pied à avan-cer vers des convergences. Qui nese sont pas concrétisées, cepen-dant, sur la proposition de l’UDI de confier l’épreuve pratique dupermis B à des organismesagréés. A mi-mots, on a comprisque M. Macron, sur le fond, n’yétait pas hostile mais qu’il était contraint par les arbitrages inter-ministériels d’émettre un avis dé-favorable.

A la fin de la journée, sur lesneuf premiers articles examinés, l’UMP et l’UDI n’en avaient rejeté que deux. p

patrick roger

Jamais,

dans l’histoire

de la BCE,

ses membres

n’avaient autant

débattu

par journaux

interposés

Un projet de loi évalué par des experts

Le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, a demandé à un groupe d’experts indépendants d’évaluer le projet de loi pour la croissance et l’activité. Une commission d’évaluation, conduite par Anne Perrot, ancienne vice-présidente de l’Autorité de la concurrence, produira une analyse de l’impact du projet de loi et examinera également les amendements et propositions les plus importants tout au long du débat parlementaire. Elle tra-vaillera principalement sur cinq thèmes : travail du dimanche, mobilité, réforme des prud’hommes, professions juridiques ré-glementées et immobilier commercial. En parallèle, une dizaine de think tanks économiques ont été sollicités pour alimenter le débat public.

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0123MERCREDI 14 JANVIER 2015 économie & entreprise | 5

Boeing a livré plus d’avions qu’Airbus en 2014L’an dernier, 629 appareils sont sortis des usines du groupe européen, contre 723 pour l’américain

A chacun son record.Après Boeing, c’est autour de son rival Air-bus de triompher. Fa-

brice Brégier, PDG de l’avionneureuropéen, a annoncé « un record de livraisons d’avions en 2014 ».L’an dernier, 629 appareils sont sortis des chaînes de l’avionneureuropéen avant d’être livrés aux compagnies aériennes clientes,contre 626 en 2013.

Boeing reste cependant en tête.En 2014, les usines du construc-teur américain ont tourné à plein régime pour livrer 723 appareils, contre 648 l’année précédente.

La concurrence acharnée que selivrent Airbus et Boeing pour être le champion des livraisons est loin d’être seulement symboli-que. Elle a d’importantes consé-quences financières pour les deux rivaux. En effet, c’est à la li-vraison que les avionneurs empo-chent l’argent des commandes.

Dans l’entourage d’Airbus, on si-gnale que ce différentiel est lié,

pour une part, « aux capacités de productions plus grandes deBoeing qui, peut s’adapter à la hausse comme à la baisse ».

En clair, l’Américain peut em-baucher ou licencier plus facile-ment en fonction de son carnet decommandes. Une souplesse inter-dite à Airbus « compte tenu des lé-gislations du travail en France eten Europe ».

En revanche, si Boeing est le

champion des livraisons, Airbusest, lui, le leader incontesté des prises de commandes. En 2014, l’avionneur européen a enregis-tré 1 456 commandes nettes con-tre 1 432 à son concurrent.

Compétition sur les livraisons

Pourtant l’année paraissait mal engagée pour Airbus. En juin, Emirates, l’un de ses plus gros clients, annulait brutalement une

commande de soixante-dix A350,le tout dernier gros-porteur long-courrier d’Airbus. L’avionneur européen a rattrapé son retard principalement en décembre. En quelques semaines, Airbus a en-grangé un afflux de commandes, à l’exemple des 250 exemplaires d’A320 achetés d’un coup par la compagnie indienne à bas coût Indigo.

Fabrice Brégier, le patron d’Air-bus, peut se frotter les mains. A la fin 2014, Airbus comptait « 6 386appareils en commande, dont deux tiers d’A320, soit neuf années de travail ». Un carnet de com-mandes valorisé, prix catalogue, plus de 830 milliards de dollars (702 milliards d’euros).

A moyen terme, la compétitionsur les livraisons devrait être beaucoup plus disputée entre lesdeux avionneurs. Boeing qui avait pris de l’avance avec son 787 Dreamliner, dont 41 exemplaires ont été commandés l’an dernier,va devoir affronter la concurrence

de l’A350. Les compagnies aérien-nes s’arrachent le dernier-né d’Airbus qui a déjà été réservé à près de huit cents exemplaires. El-les devront pourtant s’armer de patience. Seuls quinze A350 de-vraient sortir des chaînes en 2015.Mais Airbus prévoit d’en produire« dix par mois d’ici 2018 ». L’avion-neur européen a de grandes am-bitions pour son A350. Il prévoitde prendre, en vingt ans, 50 % d’un marché estimé à 5 000 avi-ons. Une manne de 1 000 mil-liards de dollars.

Pour satisfaire la demande tou-

jours plus pressante venue princi-palement des compagnies low cost, Airbus et Boeing ne cessent d’augmenter leurs cadences de production. Notamment de leursdeux best-sellers, l’A320 pour Air-bus et le 737 chez Boeing.

Rythme effréné

Alors que quarante-deux Boeing 737 sortent déjà chaque mois de ses usines, l’Américain prévoitd’en assembler chaque mois qua-rante-sept en 2017, avant de mon-ter jusqu’à cinquante-deux en 2018. Le rythme est aussi ef-fréné chez Airbus. En 2015, qua-rante-six A320, contre quarante-deux un an plus tôt, devraient sortir des chaînes chaque mois.

Dès l’automne, l’usine améri-caine de Mobile, en Alabama, va démarrer sa production. Mais pas question de recruter. « Airbus neprévoit pas d’embaucher plus pourproduire plus », précise-t-on desource proche de l’avionneur. p

guy dutheil

« Airbus

ne prévoit

pas d’embaucher

plus pour

produire plus »

UNE SOURCE PROCHE DE L’AVIONNEUR

L’automobile américaine fête la reprise à DetroitAprès six ans de croissance, les ventes de voitures devraient, toutefois, ralentir

detroit (michigan) –

envoyé spécial

C onfiance et sérénité. Deuxmots pour résumer l’am-biance du Salon automo-

bile de Detroit, qui a ouvert sesportes à la presse lundi 12 janvieret qui se prolonge jusqu’au 25 jan-vier. Après tout, beaucoup d’indi-cateurs sont au vert. Les ventes devoitures ont progressé de près de 6 % à 16,5 millions d’unités, tandisque la chute brutale des cours du pétrole dope le pouvoir d’achat des consommateurs et désinhibe les constructeurs pour proposer ànouveaux des gros véhicules gourmands en carburant. Bref, la crise n’est plus qu’un vieux sou-venir.

Cela fait six années consécuti-ves que le marché automobile américain est en croissance, du ja-mais-vu. Le record absolu de 1999, qui était de 17,4 millions, semble désormais à portée de main.

Mais le rythme de la progres-sion risque de ralentir dès 2015. « La croissance due à la reprise est derrière nous, nous allons être surun marché plutôt stable », affirme Xavier Mosquet, directeur du Bos-ton Consulting Group (BCG) à De-troit. « Les constructeurs vont commencer à être prudents sur les augmentations de capacité ».

Pour Jacques Aschenbroich, le di-recteur général de l’équipementierValeo, « il faut s’attendre à ce que lemarché suive désormais l’évolu-tion du produit intérieur brut ». C’est-à-dire que l’effet rattrapage constaté depuis l’effondrement de la crise touche à sa fin.

La rentabilité des constructeursn’a jamais été aussi haute. Elle dé-passe en moyenne les 6 % de marge opérationnelle sur chiffre d’affaires. Ce qui est inédit égale-ment, c’est que cette profitabilité est réalisée principalement sur

deux marchés : la Chine et lesEtats-Unis représentent aujourd’hui les deux tiers des pro-fits pour seulement la moitié des volumes de vente.

Dans ce contexte, la question del’orientation du marché améri-cain est donc primordiale. Or quelques indices d’essoufflement commencent à apparaître. Ainsi, sur le marché du crédit, les prêtsdits « subprime », accordés à des clients peu solvables, sont en forte progression.

Ils concernent 18,5 % des prêtsaccordés pour l’achat d’une voi-ture contre 14 % il y a un an. Avantl’éclatement de la crise financière,ce taux n’était que de 14,5 %. « La raison pour laquelle ce type de prêtest en train de croître n’est pas due à la faiblesse de la demande, mais plutôt à des surcapacités de pro-duction », estime un analyste.

« Surcapacités de production »

Fin 2014, les capacités de produc-tion aux Etats-Unis et au Canada ont augmenté de 825 000 unités auxquelles s’ajoutent 300 000 au Mexique, dont le débouché princi-pal reste les Etats-Unis. Si les 4 x 4 et les pick-up se vendent bien (+ 10 % en 2010), ce n’est pas le cas des berlines.

Le taux d’utilisation des usinesqui les fabriquent est en baisse. « Les constructeurs ont de plus enplus de difficultés à tenir les prix sur certains segments du mar-ché », constate Jean-Hugues Mo-nier, associé chez McKinsey à New York. Les ristournes se multiplient sur les berlines.

Dans ce contexte, le marché desgros 4 x 4 et pick-up constitue l’ar-bre qui cache la forêt. « Sans eux,Chrysler ou GM seraient tout justerentables », juge un analyste. Tout baser sur ce segment ne peut constituer une stratégie, alors que le gouvernement américainpousse les constructeurs à réduirela consommation de carburant deleurs modèles.

De plus, la concurrence s’an-nonce plus sévère pour les Améri-cains. Nissan a présenté à Detroitson nouveau gros pick-up Titan et Toyota son nouveau Tacoma. En-fin, comme le rappelle M. Monier :« Le marché automobile est repartiavant le reste de l’économie, mais son ralentissement pourrait être plus précoce. » p

stéphane lauer

L’effet de

rattrapage

constaté

depuis

l’effondrement

de la crise touche

à sa fin

Lufthansa profite du pétrole moins cher

En 2015, Lufthansa prévoit une hausse de son bénéfice opéra-tionnel grâce à la chute des prix du carburant, a annoncé lundi 12 janvier, la compagnie aérienne allemande. Cette année, pour acheter son kérosène, Lufthansa prévoit de dé-penser seulement 5,8 milliards d’euros contre 6,7 milliards d’euros en 2014. Numéro un du transport aérien en Europe, Lufthansa a continué de progresser en 2015 avec une hausse de 2,4 % de son trafic passagers, soient près de 107 millions de voyageurs transportés. A l’instar d’Air France, les grèves à répétition des pilotes ont pesé sur les comptes de Lufthansa. A la fin octobre 2014, le coût du conflit s’élevait déjà à 170 millions d’euros.

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4 | économie & entreprise VENDREDI 23 JANVIER 2015

0123

Les effets très incertains de la planche à billetsAvant la BCE, les banques centrales américaine, japonaise et britannique ont testé l’achat de dettes publiques

Depuis quelques se-maines, économistes,traders et nombre depolitiques européens

répètent ces deux lettres commeun mantra : « QE ». Le petit nom du quantitative easing – « assou-plissement quantitatif » en fran-çais –, un programme monétaire consistant à racheter des titres fi-nanciers, tels que des obligationsd’entreprises ou surtout d’Etat. Selon tous les pronostics, la Ban-que centrale européenne devaitl’adopter lors de sa réunion, jeudi 22 janvier, afin de raviver l’écono-mie de la zone euro.

« Le QE n’a jamais soulevé autantd’espoirs et de fantasmes », remar-que Christopher Dembik, chez Saxo Banque. Pour certains ex-perts, comme ceux du Fonds mo-nétaire international (FMI), c’est aujourd’hui l’une des armes les plus efficaces dont disposent les banquiers centraux pour déjouer le risque déflationniste. D’autres, plus sceptiques, estiment en re-vanche que ses effets réels sur l’économie sont incertains et su-restimés.

En vérité, tout dépend des con-ditions dans lesquelles cet outilest déployé. Né dans les années 2000 au Japon, le QE s’est surtout développé après la crise des sub-primes. Après avoir abaissé leurs taux directeurs à des niveaux his-toriquement bas, certains pays in-dustrialisés l’ont utilisé pour con-tinuer d’agir sur l’économie. « En achetant aux banques des actifs fi-nanciers ou des titres publics, les banques centrales injectent de l’ar-gent frais dans le circuit, expliqueCharles Wyplosz, économiste àl’Institut des hautes études de Ge-nève. On dit qu’elles font tourner laplanche à billets. »

Une étincelle

Selon ses modalités, cette injec-tion de liquidités peut avoir plu-sieurs effets susceptibles de favo-riser l’activité : baisse des taux d’intérêt et du cours de la devise, hausse des liquidités offertes aux banques, redémarrage du crédit, boom du prix des actions, etc. « Enthéorie, plus les achats sont mas-sifs, plus l’impact est fort », ajouteM. Dembik.

La Réserve fédérale américaine aainsi lancé trois vagues de QE

en 2008, en 2010, puis en 2012. Pour la dernière, elle a racheté desobligations du Trésor américain et des créances hypothécaires ti-trisées à hauteur de 85 milliards de dollars par mois (soit 73,4 mil-liards d’euros). Elle n’y a mis fin qu’en octobre 2014. La Banqued’Angleterre a suivi avec un pro-gramme dans le même esprit en-tre 2009 et 2012, pour 375 mil-liards de livres sterling (489 mil-liards d’euros) au total, tandis que la Banque du Japon s’y est conver-tie en 2013, à hauteur 70 000 mil-liards de yens par an (460 mil-liards d’euros).

Résultat ? Si ses effets sont en-core incertains au Japon, le QE a

efficacement contribué à relan-cer les économies britannique etaméricaine. Et ce, d’abord, car ilest intervenu au début de lacrise. A l’époque, les banquesétaient en mal de liquidités, lescours de Bourse étaient au plusbas tandis que les taux à dix ansdes obligations souverainesétaient relativement élevés (4 %contre 1,8 % aujourd’hui auxEtats-Unis, 5 % contre 1,5 % auRoyaume-Uni). Le QE a doncfonctionné à plein régime, enabaissant le coût de finance-ment des Etats et en regonflantrapidement les prix des actifsboursiers et immobiliers.

Surtout : les ménages en onteux aussi profité. Une grande par-tie de l’épargne des Britanniques et des Américains est en effetcomposée d’actions (notamment par les fonds de pension) et d’im-mobilier. Comme les banques dedeux pays accordent des prêts d’autant plus généreux aux parti-culiers que leur patrimoine estélevé, l’action des banques centra-les a également aidé à relancer laconsommation. « C’est ce qu’onappelle l’effet richesse et, malheu-

reusement, il n’existe pas dans lazone euro », remarque Patrick Ar-tus, chez Natixis. De quoi limiter l’efficacité d’un QE européen.

Au Japon, ce programme a pro-duit des effets encourageants lespremiers mois : l’indice Nikkei abondi de 50 % et l’inflation estrepartie. Mais les taux souve-rains, déjà très bas (0,8 % àdix ans), n’en ont pas profité.Pire, en faisant baisser le coursdu yen face aux autres devises, les achats de dette nippone ontfait décoller le prix des produitsimportés. Ce qui a fortement pé-nalisé la consommation des mé-nages, déjà affaiblie par la hausse

de la TVA. Et l’Archipel est doncretombé en récession fin 2014…« Dans le cas japonais, ce remèdea peut-être été pire que le mal »,juge M. Artus.

Et pour cause : le QE, au fond,n’est qu’une étincelle destinée à faire repartir la machine. Si aucunmoteur ne se rallume au sein del’économie réelle pour prendre le relais et alimenter la croissance, les effets retombent comme unsoufflé. Aux Etats-Unis, la révolu-tion du gaz de schiste a dopé le re-démarrage de l’industrie en fai-sant spectaculairement baisserles coûts de production. Au Royaume-Uni, les services, portéspar l’immobilier, sont repartis. AuJapon, en revanche, les réformes du premier ministre, Shinzo Abe, censées libérer l’activité tardent à entrer en œuvre.

Et dans la zone euro ? Les écono-mistes sont divisés sur l’efficacité potentielle du QE, redoutant no-tamment qu’il intervienne trop tard. « Même s’il fonctionne, une chose est sûre : il est aussi dange-reux que vain d’en attendre des mi-racles », prévient M. Wyplosz. p

marie charrel

Standard & Poor’s rattrapée par la justice américaineDans le but d’augmenter ses bénéfices, l’agence américaine aurait fait preuve de laxisme sur ses critères de notation

new york - correspondant

U n peu plus de six ansaprès le début de la crisefinancière, les agences

de notation sont en train d’être rattrapées par la justice. Standard & Poor’s (S&P) s’est ainsi fait sanc-tionner, mercredi 21 janvier, par laSecurities and Exchange Com-mission (SEC) et la justice améri-caine. La filiale du groupeMcGraw-Hill est accusée delaxisme sur ses critères de nota-tion concernant les obligations adossées à des prêts hypothécai-res, les fameux subprimes, dans lebut d’augmenter ses parts de marché dans ce domaine.

Standard & Poor’s a signé un ac-

cord avec les autorités américai-nes, qui comprend le versement de 77 millions de dollars (66,4 mil-lions d’euros) de pénalité et, plus inédit, une interdiction de noter les titres de dette concernant l’im-mobilier commercial aux Etats-Unis pendant une durée d’un an. Ils’agit de la première sanction prise à l’encontre de l’une des trois principales agences de nota-tion financière – S&P, Moody’s et Fitch – depuis la mise en placed’une régulation plus sévère dans le sillage de la crise de 2008.

« Les investisseurs comptent surles agences de notation de crédit comme Standard & Poor’s pour co-ter de la façon la plus juste les va-leurs mobilières comme les titres

adossés à des créances hypothé-caires de type commercial, a expli-qué Andrew Ceresney, l’un desresponsables de la SEC. Mais S&P a placé ses propres intérêts finan-

ciers au-dessus de celui des inves-tisseurs en relâchant ses critères denotation dans le but d’obtenir descontrats et en cachant ces modifi-cations aux investisseurs. »

Pour sa part, Eric Schneiderman,le procureur de New York, a dé-claré : « Dans le sillage de la crise immobilière et de l’effondrement de l’économie mondiale, les agen-ces de notation comme S&P avaient promis de ne pas contri-buer à une autre bulle en gonflant les notes des produits qu’elles de-vaient évaluer. Malheureusement, S&P a brisé cette promesse en 2011,en mentant aux investisseurs afin d’augmenter ses bénéfices et sesparts de marché. »

Ce règlement à l’amiable inter-

vient après des changements au sein du département juridique de McGraw-Hill, qui a récemment re-cruté une nouvelle responsableen la personne de Lucy Fato, une ancienne associée du cabinet d’avocats Davis Polk.

« Renforcer ses contrôles »

Dans un communiqué, S&P se dit « heureux » d’avoir tourné la page avec ce contentieux, tout en souli-gnant qu’il « prend très au sérieux le respect des obligations régle-mentaires et continue d’investirdans du personnel et de la techno-logie pour renforcer ses contrôleset la gestion des risques ».

S&P n’en a cependant pas finiavec les poursuites. La SEC conti-

nue d’instruire un dossier contre Barbara Duka, une salariée del’agence de notation, qui avait joué un rôle central au sein del’équipe qui était chargée en 2011de noter les fameuses créances hypothécaires.

Par ailleurs, le ministère améri-cain de la justice et plusieurs pro-cureurs poursuivent égalementS&P pour son rôle dans la crise fi-nancière. Là encore, un accord est en cours de finalisation. L’agence serait sur le point de payer une amende de 1,37 milliard de dollarspour arrêter les poursuites dont elle fait l’objet. Une somme qui re-présente environ un an de béné-fice pour S&P. p

stéphane lauer

« Les agences de

notation avaient

promis de ne pas

contribuer à

une autre bulle

en gonflant

les notes »

ÉRIC SCHNEIDERMANprocureur de New York

Si aucun moteur

ne se rallume

au sein

de l’économie

réelle, les effets

du QE retombent

comme

un soufflé

4 500C’est le montant, en milliards de dollars (soit 3 882 milliards d’euros), du bilan de la Réserve fédérale américaine. En 2007, ce-lui-ci n’était que de 800 milliards de dollars. Il a formidablement gonflé pendant la crise sous l’effet notamment du « quantitative easing », ce programme d’achat d’obligations du Trésor américain et de créances hypothécaires titrisées.

LEXIQUE

QUANTITATIVE EASING (QE)Assouplissement quantitatif en français. Ce programme de politique dite non convention-nelle consiste, pour une banque centrale, à racheter des titres financiers, en particulier des obligations d’Etat, aux banques. L’objectif est de relancer l’écono-mie.

TAUX D’INTÉRÊT DIRECTEURC’est le taux d’intérêt auquel les banques centrales proposent des liquidités aux banques commerciales. Par ricochet, il influence le coût des crédits que ces dernières accordent aux entreprises et ménages.

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2 | plein cadre JEUDI 15 JANVIER 2015

0123

L’ARBITRAGE D’INVESTISSEMENT

EST, POUR CERTAINS, UN CHEVAL DE TROIE

QUI PERMET AUX ENTREPRISES DE

SE SOUSTRAIRE AUX DROITS NATIONAUX

bruxelles - bureau européen

Les fonctionnaires de Bruxellesn’avaient pas vu le coup venir.Alors que les négociations sur unaccord de libre-échange entre laCommission européenne et lesEtats-Unis venaient de débuter, à

l’été 2013, des organisations non gouverne-mentales (ONG), des eurodéputés, des ci-toyens lambda ont commencé à s’inquiéter d’une des dispositions que ce traité hors-norme prévoyait : le recours à l’arbitrage d’in-vestissement. L’« ISDS » en anglais (Investor-State Dispute Settlement) est un mécanisme très peu connu du grand public permettant à une entreprise de porter un litige l’opposant àun Etat devant une juridiction privée.

Un véritable cheval de Troie des multinatio-nales, ont alerté les « anti ». De cette manière, elles se soustraient aux droits nationaux, voire empêchent les Etats de légiférer. Et de rappeler quelques précédents. En 2011, le ciga-rettier Philip Morris a intenté une action en arbitrage contre l’Australie, après que le parle-ment a adopté une loi obligeant l’emballage neutre des paquets de cigarettes. La décision n’a toujours pas été rendue. La même année, la société d’électricité suédoise Vattenfall a ré-clamé 3,7 milliards d’euros de dommages et intérêts à l’Allemagne, à la suite de la décision du gouvernement d’arrêter les centrales nu-cléaires du pays après Fukushima. La France vient d’être attaquée par un investisseur turc, qui lui reproche d’avoir utilisé sans l’indem-niser ses brevets sur des coques de navires militaires.

Pour éviter qu’on l’accuse d’ignorer le pro-blème, la Commission européenne a lancé une consultation publique sur l’ISDS, au prin-temps 2014. Laquelle a suscité un nombre in-habituel de réponses pour ce genre d’exer-cice : 150 000. Elections européennes oblige – la Suédoise Cécilia Malmström est désor-mais la « super-ministre européenne du com-merce » –, Bruxelles n’a rendu ses conclusionsque mardi 13 janvier. L’essentiel des réponses (145 000) disent « non » à l’ISDS, mais aussi autraité transatlantique. Quelques milliers de participants seulement suggèrent d’amélio-rer le dispositif.

Pourtant, le mécanisme de l’ISDS existe de-puis cinquante ans et il est opérationnel dans près de 3 000 traités d’investissement inter-nationaux. La France a signé environ 90 trai-tés qui y ont recours.

Un processus pas si opaque

L’arbitrage d’investissement est apparu à la suite de la signature d’une convention inter-nationale, en 1965, sous l’égide de la Banque mondiale. Il s’agissait d’accompagner le déve-loppement international des entrepriseseuropéennes et américaines. De sécuriser leurs investissements, « d’éviter en cas de litigequ’elles s’exposent à des justices locales pastoujours indépendantes », note Emmanuel Gaillard, associé du cabinet d’avocats Shear-man & Sterling. « Les droits nationaux, y com-pris aux Etats-Unis, prévoient des principes de discrimination au profit de leurs entreprises. Sans ISDS, les étrangères n’ont aucune chance », ajoute une source européenne.

« Pas un investissement d’importance ne sefait sans ce type d’accord. Pour attirer les inves-tisseurs, les Etats acceptent ces mécanismes », précise Thomas Clay, professeur à l’université de Versailles Saint-Quentin. Ainsi, pour qu’Eurodisney s’implante à Marne-La-Vallée, le gouvernement, qui n’avait pas signé de traité bilatéral d’investissement avec les Etats-Unis, a fait adopter une loi ad hoc, en

août 1986, permettant le recours à l’arbitrage pour ce cas précis…

Le processus d’arbitrage n’est pas aussi opa-que qu’on le dit, affirment les experts. Le Cen-tre international pour le règlement des diffé-rends relatifs aux investissements (Cirdi), dé-pendant de la Banque mondiale, en a consi-gné les grandes règles. Quand une entreprise a un litige avec un Etat, elle porte sa demande d’arbitrage au secrétariat du Cirdi. Les deux parties choisissent chacune un arbitre (un juge) à leur entière discrétion. Ces deux arbi-tres en désignent un troisième. C’est ce trioqui prononcera le jugement. Dans le cas de la procédure turque contre la France, le gouver-nement a choisi M. Clay comme arbitre.

« Les parties peuvent choisir des spécialistesde leur secteur et la langue dans laquelle leur dossier sera plaidé », relève M. Clay. Autre point positif : l’arbitrage ne dure pas plus de trois ou quatre ans. Alors qu’il faut parfois at-

Donc, à en croire les spécialistes, sur le prin-cipe, l’ISDS n’est pas mauvais, au contraire. Pourtant, tous, même ses plus fervents dé-fenseurs, le reconnaissent : l’arbitrage pré-sente de sérieuses failles. L’indépendance des arbitres, par exemple. « D’une affaire àl’autre, c’est presque tout le temps les mêmes qui sont sollicités, un petit oligopole d’experts internationaux, relève un spécialiste, préfé-rant rester anonyme, la plupart sont avocats. Comme arbitres, ils peuvent être tentés de ju-ger en faveur de la partie les ayant désignés, pour qu’elle choisisse leur cabinet dans une autre affaire. »

Apparition de « tiers financeurs »

Autre souci, de taille : l’appel du jugement, quasi-impossible. « Un recours en annulation devant la juridiction du pays de la partie ga-gnante est parfois envisageable, mais il s’agira d’un simple contrôle formel de la procédure », regrette l’avocat Cyril Bourayne, du cabinet parisien Dizier & Bourayne.

Sophie Henry, secrétaire générale du Centrede médiation et d’arbitrage de Paris, pointe, elle, un phénomène inquiétant : l’apparition de « tiers financeurs », qui prennent des paris sur des arbitrages, comme d’autres sur des start-up. Ils proposent à des multinationalesde financer leur action, et se rémunèrent sur les dommages et intérêts. « L’arbitrage ne ris-que-t-il pas d’être déconnecté des réalités éco-nomiques ? Quels sont les liens des fonds avec les arbitres ? », s’interroge Mme Henry.

Plus inquiétant encore, le risque d’entraveau droit de légiférer des Etats. « Les entreprisesrecourent à la notion d’expropriation indirecte,beaucoup trop vague. Elle risque d’être invo-quée à chaque fois que la valeur d’un investisse-ment diminue, par exemple, à la suite de l’adoption d’une loi », reconnaît une source européenne haut placée. « Le mécanisme d’ar-bitrage a été dévoyé. Il risque aujourd’hui d’êtredétourné par des multinationales qui s’atta-quent aux choix politiques des Etats, c’est très dangereux, souligne Matthias Fekl, le secré-taire d’Etat français chargé du commerce. La France n’a jamais été favorable à l’intégration de l’ISDS dans le traité transatlantique. »

Vu le quasi-consensus « anti » auquel aabouti la consultation publique de la Com-mission, cette dernière n’a plus trop le choix. Pour espérer conserver un arbitrage dans le traité transatlantique, pour convaincre les Etats membres, les eurodéputés, les opinions publiques, elle va devoir négocier avec les Américains un ISDS ultra-sécurisé. p

cécile ducourtieux

tendre bien plus quand un contentieux est porté devant les juridictions nationales.

Les arbitres ? « Ils ne sont pas forcément pro-ches des entreprises », assure M. Gaillard. Le professionnel a plaidé l’« arbitrage du siècle »,après avoir été choisi comme avocat par les ac-tionnaires majoritaires de Ioukos – dont l’ex-patron, Mikhaïl Khodorkovski, opposant à Vladimir Poutine, a passé dix ans en prison. Il leur a fait gagner 50 milliards de dollars (42,40 milliards d’euros) contre Moscou, en 2014. Mais il faudra des années pour récu-pérer l’argent, en parvenant à saisir des biens appartenant à l’Etat russe, nuance-t-il, « car l’arbitrage ne fait pas toujours la part belle aux entreprises ». Nikos Lavranos, secrétaire géné-ral d’Efila, un lobby pro-ISDS, abonde dans ce sens : « Lancer une procédure contre un Etat n’est pas sans conséquences. Qu’elle gagne ou qu’elle perde, l’entreprise aura du mal à rester dans le pays, par peur des pressions. »

ALE+ALE

Ces tribunaux privésqui font peurMardi, la Commission a rendu publiquesles conclusions d’une consultation sur les tribunaux d’arbitrage, un volet sensible du traité de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Europe

la commissaire européenne au com-merce, Cécilia Malmström, l’a dit avec fran-chise, mardi 13 janvier, lors de la publicationdes conclusions de la consultation publiquesur le sujet : le mécanisme d’arbitrage d’in-vestissement prévu dans le traité transat-lantique avec les Etats-Unis suscite « énor-mément de scepticisme ».

Pour espérer le maintenir dans le traité, ilfaudra l’améliorer substantiellement, a-t-elle reconnu. Lui adjoindre, par exemple, unvrai mécanisme d’appel – qui n’existe pas dans les milliers d’« ISDS » (Investment-State Dispute Settlement) déjà existants dans des contrats bilatéraux entre Etats. « On peut créer assez vite un système d’appel bilatéral, avec des juges choisis par les par-ties », veut croire une source européenne. Il faut aussi rendre plus transparent le choix des arbitres. Et surtout, mieux garantir le droit de réguler des Etats, sachant que les

mécanismes d’arbitrage actuels permettent aux entreprises de lancer une procédure dèsqu’une législation amoindrit la valeur de leur investissement. « Il faut définir précisé-ment le traitement juste et équitable des en-treprises, pour éviter les interprétations des arbitres », juge une source européenne.

« On risque de perdre beaucoup »

Des aménagements substantiels qui pren-dront du temps. Alors que celui-ci est compté : les Européens se sont donné jus-qu’à la fin 2015 pour conclure le TTIP (le par-tenariat transatlantique de commerce et d’investissement) avec les Américains. Dès lors, est-il vraiment besoin de maintenir un mécanisme d’arbitrage dans ce traité ? Cer-tains estiment que ce n’est pas indispensa-ble. C’est le cas de Matthias Fekl, secrétaire d’Etat au commerce français. Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a

inscrit le TTIP parmi ses priorités pour 2015, mais a tenu des propos frileux sur l’ISDS.

D’autres, à la Commission, pensent le con-traire. Ils estiment que si les Européens s’op-posent à maintenir l’arbitrage dans le TTIP, alors les Américains, très favorables à ce mé-canisme, pourraient exiger des contrepar-ties. « On risque de perdre beaucoup, notam-ment de se voir refuser l’accès aux marchés publics américains, un des principaux inté-rêts du TTIP », dit une source bruxelloise. Autre crainte : si les Européens signent le TTIP sans évoquer l’arbitrage, au motif que c’est inutile entre pays disposant de systè-mes judiciaires avancés, dès lors, comment l’exiger un jour du Vietnam, ou de la Chine ?

Les Européens doivent en tout cas adopterune position commune, et vite. Les Améri-cains veulent savoir à quoi s’en tenir afin d’avancer dans la négociation… p

c. du. (bruxelles, bureau européen)

Le traité transatlantique doit-il parler d’arbitrage international ?

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0123VENDREDI 16 JANVIER 2015 économie & entreprise | 3

Euro : les raisons et les conséquences de la baisseL’effet du recul de la monnaie européenne n’est pas homogène suivant les secteurs d’activité

Il y a quelques mois encore,cela paraissait inimaginable.Mercredi 14 janvier, pour lapremière fois depuis no-

vembre 2005, l’euro est tombé à 1,1729 dollar, une valeur inférieureà son cour d’introduction, en jan-vier 1999 (1,1747 dollar). Par la suite, la monnaie unique était tombée à 0,82 dollar en 2000, avant de remonter jusqu’à 1,59 dollar en 2008.

Si mercredi, la devise euro-péenne s’est ensuite ressaisie, le symbole n’en est pas moins fort. Depuis l’été 2014, elle a déjà reculéde plus de 10 % face au billet vert, et de 5 % face aux autres devises. « A court terme, c’est une bonnechose pour la croissance », souli-gne Christian Schulz, économiste à la banque Berenberg.

Pourquoi l’euro baisse-t-il ?Mercredi, l’avocat général de la

cour de justice de l’Union euro-péenne (CJUE) a donné son feu vert à l’OMT, le programme d’achat de dette publique évoquépar la Banque centrale euro-péenne (BCE) en 2012. « Celui-ci n’ajamais été activé, mais il a rassuré les marchés et éloigné le risque d’explosion de la zone euro », rap-pelle Charles Wyplosz, écono-miste à l’Institut des hautes étu-des de Genève.

Ce qui n’a pas empêché la courconstitutionnelle allemande de Karlsruhe de s’interroger sur la lé-galité d’une telle mesure. Et de de-mander à la CJUE de trancher sur le sujet. Même si celle-ci n’a pas encore rendu son jugement final, attendu cet été, il est probablequ’elle suive le blanc-seing de l’avocat général.

Pour les marchés, en tout cas, lesignal est clair : plus aucun obsta-cle juridique n’empêche la BCE de lancer son autre programme de rachat de dettes publiques, bap-

tisé « assouplissement quantita-tif ». Celui-ci pourrait être an-noncé dès le 22 janvier. Cette fois, l’objectif serait de lutter contre le risque déflationniste. En achetant des dettes, la BCE injecterait de nouvelles liquidités dans le sys-tème monétaire – elle ferait « marcher la planche à billets » – ce qui pousserait l’euro à la baisse.Une tendance que les marchés an-ticipent déjà depuis plusieurs mois.

« Le décalage entre la zone eurooù la croissance est atone et les Etats-Unis, où la reprise est plus vi-goureuse, joue également », ajouteJonathan Loynes, chez Capital Economics. Les Etats-Unis, où les taux devraient remonter cette an-née, attirent de nouveaux les in-vestisseurs, ce qui tire le dollar à lahausse face à la monnaie unique.

Les entreprises en profitent-elles ?

Pas toutes. Lorsque l’euro baisse,le prix de tout ce qui est facturé endollars augmente, notamment lesmatières premières. Les gros im-portateurs, comme les entrepri-ses du BTP, sont donc perdants. A l’inverse, les entreprises qui fabri-quent dans la zone euro et expor-tent en dehors sont gagnantes : la baisse de l’euro gonfle leurs mar-ges. Leurs produits paraissent moins chers que ceux en dollars : leur « compétitivité prix » aug-mente. Selon les calculs du centre de recherche CEPII, un euro 10 %plus faible gonfle la valeur des ex-

portations de 7,5 % en moyenne.Les premiers à profiter de cet ef-

fet sont les groupes du luxe, de l’aéronautique et de l’agroalimen-taire haut de gamme. Pour Air-bus, 10 centimes d’euro de moins, pendant au moins un an, repré-sente une hausse de 1 milliard d’euros du résultat opérationnel.Chez Pernod Ricard, on estime qu’une hausse de 1 % du dollaraméliore le résultat d’exploitationde 16 millions d’euros.

Quel est l’impact sur la crois-sance ?

Selon l’Observatoire français desconjonctures économiques(OFCE), une dépréciation de 10 % de l’euro face à l’ensemble des de-vises, grâce au petit coup de fouet donné à nos exportations, dope-rait la croissance française de 0,2 % la première année et 0,5 % laseconde. L’effet s’estompe par la suite.

En théorie, la seule baisse de lamonnaie unique est plutôt défa-vorable aux ménages, car elle ren-

chérit le prix des produits impor-tés, comme l’énergie. Mais comme par chance, cette ten-dance s’accompagne de la chute des cours du pétrole, les consom-mateurs sont eux aussi gagnants. Selon M. Schulz, la dépréciation de

l’euro gonflera ainsi la croissance de la zone euro de 0,2 % en 2015. Sil’on ajoute la baisse de l’or noir, l’effet monte à 1 % sur 2015 et 2016.

Des effets qu’il faut néanmoinsnuancer. « Même s’il donne un peu d’oxygène, l’euro faible ne résout en

rien les problèmes structurels de notre économie », insiste Christo-pher Dembik, chez Saxo Banque. Nombre de PME françaises sont ainsi positionnées sur un créneau moyen de gamme et, donc, très exposées à la concurrence inter-nationale. Un problème de « com-pétitivité hors-prix » que ne ré-soudra pas l’euro faible. « La meilleure des stratégies, pour elles, serait de profiter de la baisse de la devise pour investir et monter en gamme », conclut M. Dembik.

Reste à savoir si l’euro va conti-nuer sa chute. Goldman Sachs pa-rie qu’il tombera à 1 dollar d’ici à2017, tout comme ING ou Morgan Stanley. Chez Berenberg, on es-time au contraire que le point bas a été atteint et que la devise de-vrait remonter à 1,27 dollar d’ici à 2016. « Les marchés ont déjà inté-gré les mesures à venir de la BCE, etla reprise européenne devrait enfinse raffermir cette année », expli-que M. Schulz. p

marie charrel

Depuis l’été 2014,

l’euro a déjà

reculé de plus

de 10 % face

au dollar

Fiscalité : nouvel accord entre Paris et SingapourLe texte instituera l’échange automatique des données à partir de 2018

suite de la première page

De nombreuses entreprises fran-çaises sont présentes à Singapour.L’encadrement des relations fis-cales avec une cité-Etat devenuel’une des grandes places financiè-res internationales, où l’argent af-flue mais dont l’opacité et le man-que de vigilance vis-à-vis de la fraude fiscale organisée par l’en-tremise de comptes et de sociétés offshore non déclarés dans lespays d’origine de leurs propriétai-res, sont souvent pointés, consti-tue un enjeu majeur.

« Il faut améliorer nos relationsfinancières avec Singapour, y com-pris pour faciliter l’investissement de nos entreprises. », explique auMonde Michel Sapin. « Singapour doit aussi se sentir concerné par lestravaux internationaux de lutte contre la fraude fiscale, poursuit leministre, c’est une place financièretrès jeune qui ne doit pas devenir laSuisse des temps nouveaux… »

Concrètement, des dispositionsseront introduites dans la con-vention révisée pour faciliter la vie des entreprises françaises in-vestissant dans la cité-Etat, no-tamment dans le secteur du BTP. A contrario, des mesures anti-abus seront prises, pour éviter que ne bénéficient de cette con-vention des sociétés sans activitééconomique réelle à Singapour mais y pratiquant une optimisa-tion fiscale agressive (montagesfinanciers complexes, etc.). L’un des objectifs est d’éviter le fa-

meux « chalandage réglemen-taire », cette pratique décriée parl’Organisation de coopération et de développement économiques(OCDE) consistant, pour des in-vestisseurs, à s’installer dans un pays uniquement pour bénéficierde son réseau d’accords fiscaux avantageux.

Renforcer la coopération

Michel Sapin entend aussi profi-ter du voyage, pour renforcer la coopération de Singapour lorsd’enquêtes fiscales de l’adminis-tration ou de la justice françaises. L’affaire du compte caché de l’ex-ministre du budget, Jérôme Cahu-zac, les révélations de l’« Offsho-reLeaks » de 2013, l’affaire HSBC,en cours d’instruction... tous lesscandales d’évasion fiscale inter-nationale passent par Singapour...

A cet effet, la nouvelle conven-tion prévoit d’améliorer les échanges dits « à la demande » (lors d’enquêtes) en les mettant aux nouvelles normes de l’OCDE. Surtout, la France entend voir Sin-gapour confirmer de la manière laplus officielle son engagement à échanger ses données de façon automatique dès 2018, suivant la marche mondiale… « Singapour affiche son envie de coopérer », af-firme M. Sapin. Depuis 2011, cin-quante demandes de renseigne-ment lui ont été adressées par la France. Toutes ont obtenu des ré-ponses dans un délai jugé très cor-rect, de deux mois en moyenne. p

anne michel

SOURCE : BLOOMBERG

SEPTEMBRE 2014 15 JANVIER 2015

L’euro baisse face au dollar

COURS DE L’EURO EN DOLLAR

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1,31

LES DOCKS - CITÉ DE LA MODE ET DU DESIGN34 QUAI D’AUSTERLITZ - PARIS

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6 | international SAMEDI 24 JANVIER 2015

0123

1924

Naissance à Riyad.

1982

Intronisé prince héritier à l’occasion de la prise de pouvoir du roi Fahd.

1996

Nommé régentdu royaume.

2005

Abdallah accède au trône après la mort du roi Fahd.

23 JANVIER 2015

Mort à Riyad.

La mort d’Abdallah, monarque équilibristeDurant son règne, le roi saoudien a cherché à préserver la stabilité de son pays, premier exportateur mondial de pétrole

DISPARITION

Il devint régent, puis roi, à unâge où beaucoup de ses con-temporains se sont déjà reti-rés des affaires politiques.

Longtemps considéré comme un conservateur pur et dur, réticent à ouvrir son pays aux évolutions du monde, Abdallah Ben Abdel Aziz Al-Saoud, mort vendredi 23 janvierà Riyad des suites d’une pneumo-nie, fut pourtant tout le contraire. Jusqu’à ce que la vieillesse, conju-guée au choc des « printemps ara-bes », le ramène à une forme d’or-thodoxie. Réformateur comme on peut l’être en terre saoudienne, il tenta d’adapter son royaume aux impératifs des temps. Inlassable-ment, il s’efforça de limiter les bas-tions institutionnels concédés aux religieux les plus radicaux par son prédécesseur.

Il réagit aux attentats du 11 sep-tembre 2001 perpétrés par des ka-mikazes, dont une majorité étaitses sujets, en formulant une offre de paix globale avec Israël. Il illus-tra par une visite historique au Va-tican une volonté de dialogue in-terreligieux destinée à éloignerl’islam des sables mouvants d’un rigorisme et d’un retour à la reli-gion des « pieux ancêtres » qu’il ju-geait difficilement compatible avec son titre officiel de « Serviteurdes lieux saints ». L’obsession ira-nienne l’empêcha cependant de normaliser les relations du royaume avec sa minorité chiite, etles autres cultes pratiqués dans le royaume (notamment par les co-hortes d’expatriés) restèrent con-damnés à la clandestinité.

« Princes libres »Né en 1924, Abdallah voit le jour dans un royaume aux contours encore assez éloignés de ceux d’aujourd’hui. Installé à Riyad de-puis deux décennies, son père, Ab-del Aziz Ben Abdel Rahman, troi-sième fondateur de l’Etat saou-dien, vient tout juste d’étendre sonterritoire aux eaux du golfe Arabo-Persique où perdure la myriade d’émirats placés sous l’égide bri-tannique. Il faut attendre encore presque une décennie pour qu’Ab-del Aziz, proclamé en 1926 roi du Hejjaz et de ses deux villes saintes,La Mecque et Médine, puis roi du Nejd en 1927, établisse officielle-ment le royaume d’Arabie saou-dite en 1932.

Elevé à la cour dans des condi-tions matérielles encore très som-maires (la découverte du pétrole intervient en 1937), Abdallah est ledixième fils du souverain. Il est apparenté de par sa mère, Fahda Bint Assi, à la grande tribu des Chammar, présente dans le Nejd, au centre de la péninsule Arabi-que, jusqu’en Syrie, mais il est le seul héritier mâle de cette union, contrairement à certains de sesdemi-frères liés par leur mère, les Jilououis et surtout les Soudeyris.

Les débuts politiques d’Abdallahsont assez peu connus. Séduit par le nationalisme panarabe, il est, selon certaines sources, à deuxdoigts de rejoindre ses aînés, les « princes libres », qui quittent Riyad pour Le Caire et le nassé-risme en 1962. Il faut attendre la lutte d’influence entre le premier

héritier, Saoud, devenu roi en 1953, et Fayçal, le troisième fils d’Abdel Aziz, pour le voir apparaî-tre au premier plan aux côtés du prince contestataire, qui sera sonmentor politique.

Lorsque Saoud quitte le pouvoiren 1964, officiellement pour rai-sons de santé, Fayçal propulse Ab-dallah à la tête de la garde natio-nale, l’un des instruments char-gés de garantir la pérennité de la dynastie, avec la garde royale et l’armée, après avoir évincé le pro-pre fils de Saoud, Saad. Abdallah,qui dispose de la confiance des tri-bus qui la composent, en fera lesoutien le plus fiable de la dynas-tie, même si elle sera prise en dé-faut lors de l’attaque contre le sanctuaire de La Mecque par Jou-hayman Al-Otaibi, en 1979.

Monarchie attaquée

Chaque fois que ses demi-frères tenteront de l’écarter de la succes-sion, ils s’efforceront, en vain, de priver Abdallah de la direction de la garde nationale qui assure no-tamment la protection des champs pétroliers. Cette position stratégique ainsi que la nécessairecollégialité qu’implique le modede succession en vigueur pour les héritiers d’Abdel Aziz (l’épuise-ment des candidats de la pre-mière génération de princes avant le passage à la suivante) ex-plique la promotion d’Abdallah auposte de second vice-premier mi-nistre au lendemain de l’assassi-nat de Fayçal, en 1975, et de l’acces-sion de Khaled au trône.

Héritier en second après Fahd,Abdallah parvient à maintenir sespositions pendant le règne de

irakienne le 2 août 1990, Abdallahest en revanche propulsé au pre-mier rang, à 72 ans, par l’attaque cérébrale dont est victime Fahd le 29 novembre 1995. Il accède, de facto, aux responsabilités dans lespires conditions.

La monarchie est en effet atta-quée de toutes parts. Par ceux toutd’abord qui l’accablent pour s’être montrée incapable de défendre leroyaume malgré les gigantesquescontrats d’armement passés avecles Occidentaux, et d’avoir été ré-duite à accepter la présence de sol-dats non musulmans sur le sol saoudien. Ensuite par ceux qui es-timent au contraire que la dynas-tie des Saoud, après cet aveu d’im-puissance, n’est plus en mesure des’opposer à une évolution vers da-vantage de démocratie, voire vers une monarchie constitutionnelle. C’est dans ce climat, et sous la sur-veillance de ses demi-frères, à commencer par le deuxième vice-premier ministre, Sultan, qu’Ab-dallah prend progressivement la mesure de la charge.

Dès 1996, l’attentat contre labase américaine de Dahran sonnecomme un avertissement. Cettemenace se précise en 2001 avec lesattentats du 11-Septembre, perpé-trés par Al-Qaida, à New York et à Washington. Quinze des kamika-zes enrôlés par Oussama Ben La-den sont des Saoudiens.

Un coup double pour le chef dela nébuleuse terroriste déchu de sa citoyenneté saoudienne et qui frappe du même mouvement « l’ennemi proche » saoudien et« l’ennemi lointain » américain. Aux Etats-Unis, la réaction est vi-rulente contre un royaume ac-

Abdallah Ben Abdel Aziz Al-Saoud en 1980. FRANÇOIS LOCHON/GAMMA

cusé d’avoir laissé se développer, voire d’avoir nourri, une haine ab-solue des Etats-Unis, allié pour-tant historique de la dynastie desSaoud. Le malaise est aggravé par les premières déclarations de di-gnitaires accréditant les théories du complot les plus folles.

Initiative diplomatique

Six mois plus tard, en fé-vrier 2002, le prince Abdallah, re-cevant le journaliste américain Thomas Friedman, dévoile une initiative diplomatique destinée àdissiper le malaise. Abdallah, re-prenant dans ses grandes lignes leplan Fahd présenté vingt ans plus tôt, propose une normalisationglobale du monde arabe avec Is-raël pour le prix d’un Etat palesti-nien sur la base des frontières de 1967 (la Cisjordanie et Gaza).

Cette initiative est endossée parla Ligue arabe quelques semaines plus tard à Beyrouth. En pleine of-fensive contre l’Autorité palesti-nienne de Yasser Arafat, le pre-mier ministre israélien, Ariel Sha-ron, se garde bien de donner suite,

mais pour Abdallah l’essentiel est d’avoir pu donner une autre image de son pays.

La mort de Fahd, le 1er août 2005,lui donne enfin les pleins pou-voirs, à plus de 80 ans. L’énergiedéployée par le nouveau roi dans ses premières années de règne faitregretter à de nombreux intellec-tuels et hommes d’affaires cette longue transition de dix ans, sy-nonyme d’immobilisme. Dialo-gue national étendu à la minorité chiite, débats sur la place des fem-mes dans la société, création d’un conseil d’allégeance pour enca-drer les règles de la succession etpréparer le passage à la nouvelle génération : Abdallah multiplie les chantiers.

Réputé intègre, il tente de mettreun terme à la corruption, notam-ment engendrée par les contrats d’armement avec l’Occident et dont le dossier Yamamah (entre l’Arabie saoudite et le Royaume-Uni) constitue le symbole. Il s’atta-que dans le même mouvement aux excès de la police des mœurs, la redoutée Moutawwa, et n’hésite pas à écarter les oulémas, jugés trop conservateurs.

Crainte de l’Iran chiite

Rapportées aux pesanteurs du royaume, les réformes d’Abdallah tranchent par leur hardiesse, mais elles montrent aussi leurs limites, d’autant qu’à partir de décem-bre 2010 le monde arabo-musul-man est emporté par une vague deréformes sans précédent dans son histoire moderne. En dépit de ses efforts, Abdallah ne dispose que d’une marge de manœuvre rela-tive au sein de la famille royale.

Il ne peut ainsi empêcher l’émer-gence du prince Nayef, auréolé de son succès contre les djihadistes saoudiens. Le ministre de l’inté-rieur, décrié pour son conserva-tisme, devient en 2009 deuxième vice-premier ministre, héritier en second après un Sultan affaibli parla maladie, puis prince héritieraprès le décès de son demi-frère,en octobre 2011.

C’est sous l’égide de cet hommeà poigne qui accorde l’asile au pré-sident tunisien déchu Zine El-Abi-dine Ben Ali que l’Arabie saoudite appuie la répression d’un soulè-vement à Bahreïn qui menace ladynastie des Khalifa, des obligésde l’Etat saoudien. Lorsque le roi ouvre les vannes de la dépensepublique pour éviter la contagion des « printemps arabes », le mi-nistère de l’intérieur et la police religieuse ne sont pas oubliées.

Si la vague des « printemps » voitaussi l’Arabie saoudite d’Abdallah appuyer des révolutionnaires, en Syrie, c’est surtout parce que la crainte ancestrale de l’Iran chiite, qu’exprime sans fard le roi dans lestélégrammes diplomatiques amé-ricains révélés par WikiLeaks quel-ques mois auparavant, l’emporte sur le souci de stabilité régionale etque cette contestation est un moyen pour affaiblir l’axe Téhé-ran-Damas-Hezbollah.

La vieillesse affaiblira la férule dusouverain, dans un pays où l’ab-sence de contestation publique ne signifie pas une adhésion incondi-tionnelle. La mort brutale de Nayef, en juin 2012, rebat bien les cartes au sein de la famille royale, mais au profit du dernier Soudeyride premier plan, Salman, dont lapromotion préserve l’horizon à court terme de la maison des Saoud.

Au lendemain de la disparitiond’Abdallah, cette dernière reposedésormais sur les piliers consti-tués par les fils du roi – Mitab et Mishaal –, ceux de Nayef – Mo-hammed et Saud – et, surtout, surle prince héritier en second, Mu-qrin Ben Abdel Aziz, ancien gou-verneur et ancien responsabledes services de renseignement, né en 1945. Le dernier fils du fon-dateur du royaume. p

gilles paris

Dès son accession

au trône, le roi multiplie

les chantiers : dialogue national

étendu à la minorité chiite,

place des femmes

dans la société,

réforme des règles

de succession

Le roi Abdallah

s’attaque aussi

aux excès de la

police des mœurs

et n’hésite pas

à écarter

les oulémas,

jugés trop

conservateurs

Khaled, malgré la mainmise du clan des Soudeyris, dont les mem-bres les plus éminents (outreFahd) trustent les postes de res-ponsabilité, Sultan à la défense, Nayef à l’intérieur et Salman au gouvernorat de Riyad. Lorsque Fahd accède au trône en 1982, après la mort de Khaled, Abdallahdevient premier vice-premier mi-nistre et, de ce fait, prince héritier.En dépit de certaines nuances, les deux hommes cohabitent assezbien. Leur partage du pouvoir (Fahd se charge des contacts avecl’Occident alors qu’Abdallah maintient les liens avec les pays arabes) a tôt fait de classer leprince héritier parmi les conser-vateurs hostiles à l’Occident. Une impression que la suite de sonparcours va dissiper.

Discret pendant le séisme queconstitue pour la péninsule Arabel’invasion du Koweït par l’armée

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2 | économie & entreprise SAMEDI 24 JANVIER 2015

0123

Un traitementde choc pour réanimer la croissanceJeudi 22 janvier, la Banque centrale européenne a annoncé qu’elle rachètera, dès mars, pour 1 140 milliards d’euros de dettes publiques et privées. Une offensive monétaire jamais vue en Europe

C’est une décision his-torique. Certains di-sent même une ré-volution. Jeudi

22 janvier, après des semaines d’espoirs et de rumeurs sur le su-jet, la Banque centrale euro-péenne (BCE) a dévoilé son arme anti-déflation : dès mars, elle ra-chètera massivement des titres de dettes publiques et privées, pour un montant total d’aumoins 1 140 milliards d’euros.« C’est une offensive monétaire inédite », commente PascaleSeivy, responsable du conseil eninvestissement chez Pictet & Cie. « LA BCE n’a pas déçu les attentes des marchés, et elles étaient énor-mes », ajoute Jean-François Ro-bin, chez Natixis. « C’est Noël à Francfort ! », s’enthousiasme même un analyste.

A peine annoncée, la décision aété applaudie par de nombreuses personnalités depuis Davos, enSuisse, où se tient le forum écono-mique mondial jusqu’à samedi. Le commissaire européen aux af-faires économiques, Pierre Mos-covici, s’est ainsi félicité que la BCE « ait eu à cœur l’intérêt géné-ral de la zone euro ». Christine La-garde, la patronne du Fonds mo-nétaire international, a salué le geste de l’institution, qui contri-buera selon elle « à réduire le ris-que d’une longue période de faible inflation ». « Grâce à la BCE, l’euro va enfin devenir une monnaiecompétitive », s’enthousiasme un PDG français du CAC 40 croisé dans les couloirs du forum.

Les marchés eux aussi ont réagipositivement. Jeudi soir, les Bour-ses de Paris et Francfort ont clô-turé en hausse de 1,52 % et 1,32 %,tandis que l’euro est brièvement tombé à 1,1389 dollar, au plus bas depuis onze ans. De leur côté, lestaux souverains à dix ans fran-çais, espagnols et italiens sont également tombés à des pointsbas historiques, respectivement à 0,587 %, 1,397 % et 1,556 %, avant de se ressaisir.

Dans le détail, la BCE rachèterades obligations souveraines et d’agences européennes, comme la Banque européenne d’investis-sement, sur le marché secondaire,où s’échangent les titres déjà

émis. Et cela, en plus des obliga-tions sécurisées d’institutions fi-nancières et des crédits titrisés d’entreprises (ABS) qu’elle rachètedéjà depuis fin 2014.

Au total, ce programme d’assou-plissement quantitatif (quantita-tive easing en anglais, ou « QE »), dont le but est de relancer la crois-sance, s’élèvera donc à 60 mil-liards d’euros par mois au moins jusqu’en septembre 2016. Soit1 140 milliards d’euros au total. Unmontant colossal, équivalent à 10 % du PIB de la zone euro. « Et surtout, la BCE ne s’interdit pas de continuer au-delà, si l’inflation ne se rapproche pas assez vite de sa ci-ble de 2 % », commente Gero Jung,économiste en chef de MirabaudAM. L’institution se ménage ainsi une bonne marge de manœuvre pour l’avenir, si besoin.

Deux garde-fous

Pas étonnant que la décision de Mario Draghi ait autant frappé lesesprits. Le pragmatique patron de la BCE a fait tomber plus d’un ta-bou. Jusque-là, l’institution se montrait en effet plus timorée que ses homologues américaineet britannique, qui ont lancé le« QE » dès 2008 pour réanimer leurs économies. Elle ne jouait pas à armes égales, se lamen-taient certains dirigeants euro-péens, en particulier en France.Nombre d’économistes, comme ceux du FMI, lui reprochaient detrop tergiverser alors que les nua-ges s’accumulent depuis fin 2013 sur la reprise européenne.

C’est qu’avant d’agir, M. Draghi adû combattre les réticences alle-mandes. Et la bataille fut rude.Pour nos voisins, les rachats dedette publique représentent en ef-fet un énorme risque : celui que

les Etats en profitent pour relâ-cher leurs efforts budgétaires etde réformes. Pour rendre son pro-gramme acceptable aux yeux deBerlin, l’Italien l’a donc accompa-gné de deux garde-fous.

Le premier est que les achats detitres publics et privés se feront auprorata du poids des Etats dans le capital de la BCE, soit 25,6 % pour l’Allemagne, 20,1 % pour la France,17,5 % pour l’Italie ou encore 12,6 %pour l’Espagne. De même, les achats de dettes grecques seront accompagnés de conditions sup-plémentaires. « Les pays du Sud neprofiteront donc pas plus que lesautres des largesses de la BCE », commente Mme Seivy.

De plus, les achats seront engrande partie réalisés par les ban-ques centrales nationales elles-mêmes, comme par exemple laBanque de France, chacune repre-nant les titres originaires de son propre pays. En cas de problème, 20 % seulement des pertes seront partagées entre les Etats, les 80 % restant à la charge de la banquenationale concernée. « C’est une façon de rassurer les Allemands, mais dans les faits, le risque de perte est quasi nul », insiste Char-les Wyplosz, économiste à l’Insti-tut des hautes études internatio-nales de Genève.

M. Draghi l’a lui-même rappelé :si un Etat était violemment atta-qué par les marchés, la BCE pour-rait toujours dégainer l’OMT, cet autre programme d’achat de det-tes publiques jusque-là jamais dé-ployé. Mais où, cette fois, les gainscomme les pertes seraient à 100 %mutualisés…

Reste une question-clé : quels ef-fets auront, concrètement, cesachats ? En théorie, ils peuvent dé-clencher une série d’électrochocs positifs pour l’économie réelle. Le premier est psychologique : en montrant qu’elle prend le taureaupar les cornes, la BCE espère in-fluencer les anticipations des marchés en matière d’inflation et de croissance. Si l’ensemble des agents économiques ne croientpas au scénario déflationniste, largement auto-réalisateur, ce-lui-ci a moins de chance de se pro-duire. L’inflation dans la zone euro, tombée à – 0,2 % en décem-

bre 2014, devrait donc se redresserlentement ces prochains mois.

En augmentant la quantité demonnaie en circulation (on dit qu’elle fait « tourner la planche àbillets »), l’institution pousseraégalement le cours de l’euro à labaisse face aux autres devises – enparticulier le dollar. De quoi don-ner un petit coup de pouce auxexportateurs européens. En lamatière, les entreprises françaiseset italiennes, dont les produits moyens de gamme sont très sen-sibles aux prix, devraient être les

premières à en profiter. Avec unenuance, tout de même : les mar-chés ayant largement anticipé le « QE », la devise européenne a déjà reculé de plus de 10 % face au billet vert depuis l’été 2014.

Paradoxe

Enfin, en rachetant des titres aux banques, M. Draghi mettra à la disposition de celles-ci de nouvel-les liquidités, qu’elles seront sus-ceptibles de prêter à leur tour aux ménages et entreprises. L’ennui, c’est que, pour l’instant, ces der-nières n’ont pas tellement le cœurà emprunter, tant leurs carnets decommandes sont à plat…

« Même s’il est indispensable, le“QE” aura en vérité un impact li-mité sur la croissance euro-péenne », explique Thibault Pré-bay, chez Quilvest Gestion. C’esttout le paradoxe de ce pro-gramme qui, malgré son ampleur colossale, n’est qu’une étincelle destinée à faire repartir la ma-chine. Si aucun moteur ne se ral-lume au sein de l’économie réelle

Mario Draghi,le 22 janvier,à Francfort.ARMANDO DADI/AGF/SIPA

Avant d’agir,

Mario Draghi

a dû combattre

les réticences

allemandes.

Et la bataille

fut rude

pour prendre le relais et alimen-ter la croissance, les effets retom-beront comme un soufflé. « Le“QE” peut booster les marchés fi-nanciers, mais il ne réparera pas les faiblesses des banques, et ne se substituera pas aux réformesstructurelles comme aux effortsd’investissement nécessaires », ré-sument les analystes de RBS.

En d’autres termes : il ne fonc-tionnera que si le reste de la politi-que économique européenne met elle aussi les pleins feux sur lesoutien à la croissance. En la ma-tière, le plan d’investissement Ju-nker et la plus grande flexibilité budgétaire que la Commissioneuropéenne a décidé d’accorder aux Etats sont un pas dans la bonne direction. Mais ils ne suffi-ront pas. M. Draghi l’a lui-même de nouveau martelé : les gouver-nements doivent également poursuivre les réformes suscepti-bles de lever les nombreux freinsà l’activité. Sans quoi, son « QE » sera un coup d’épée dans l’eau… p

marie charrel

B C E

« Un coup de pouce aux pays en retournement comme l’Espagne »

ENTRETIEN

J ean-Michel Six est écono-miste en chef de l’agenceStandard & Poor’s pour lazone Europe, Moyen-Orient

et Afrique.

Quel sera l’impact des mesures annoncées par la BCE sur les pays du sud de l’Europe ?

Il s’agit d’un programme trèsagressif de par sa taille. A ce titre, ilva permettre de comprimer un peu plus l’écart de taux sur les em-prunts d’Etat – le fameux « spread » – entre les pays les plus vertueux, comme l’Allemagne ou les pays nordiques, et le reste de l’Europe.

Les investisseurs auront l’assu-rance que la BCE achètera sur le marché secondaire une partie de leurs créances, ils devraient donc

se montrer plus prolixes et pren-dre davantage de risques. Il est dif-ficile de prévoir l’ampleur de ce mouvement mais cela peut don-ner un coup de pouce supplémen-taire aux pays en plein retourne-ment, comme l’Espagne.

La population de ces pays ver-ra-t-elle les choses changer ?

En rachetant de la dette d’Etat,notamment aux banques qui ladétiennent, la BCE va leur permet-tre de nettoyer un peu plus leurs bilans. Là aussi c’est difficile àquantifier mais cela devrait per-mettre aux organismes finan-ciers d’injecter plus de liquidités dans l’économie et donc profiter àla population. Les gens auront à nouveau la possibilité d’obtenir un crédit pour acheter une mai-son ou une voiture. C’est bonpour l’économie réelle.

L’Allemagne craint que ces me-sures ne profitent essentielle-ment à la Grèce et ne la détour-nent des réformes. Trouvez-vous cela justifié ?

Non, car 80 % de la dette grecquese trouvent déjà dans les mains de la BCE ou des Etats européens. Le pays ne bénéficiera donc pas direc-tement de la politique de rachat décidée par Draghi. Je ne pense pasnon plus que cela va faire revenir les investisseurs, en tout cas pas tout de suite : ils sont encore trop échaudés. Néanmoins, si la Grèceou d’autres pays européens pen-sent que la BCE va tout régler et qu’ils n’ont plus besoin de rien faire, on va à la catastrophe. La BCEne pourra pas réussir toute seule à relancer la croissance. p

propos recueillis par

cédric pietralunga

(envoyé spécial à davos)

Si aucun moteur

ne se rallume

au sein de

l’économie réelle

pour prendre

le relais, les effets

retomberont

comme un soufflé

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0123SAMEDI 24 JANVIER 2015 économie & entreprise | 3

L’Allemagne reste méfiante face à M. DraghiPolitiques et patronat estiment que la Banque centrale se contente d’acheter du temps

berlin - correspondant

Des « live-blogs » dès13 heures sur les sitesInternet des princi-paux journaux, des

réactions officielles avant mêmela fin de la conférence de presse : les annonces faites par MarioDraghi, président de la Banque centrale européenne, jeudi 22 janvier, à 14 h 30, passionnent et divisent les Allemands. Une vé-ritable querelle des Anciens et desModernes.

Avant même que la décision dela BCE de racheter de la dette pu-blique et privée ne soit officielle,le député eurosceptique Peter Gauweiler, vice-président de la CSU bavaroise, avait rendu son verdict : la décision de la BCE se-rait « illégale » et ne rentrerait pas dans le cadre de son mandat.

Il prépare d’ailleurs une plaintedevant la Cour constitutionnelle

de Karlsruhe. Environ une heureplus tard, Mario Draghi indiquaitque si le conseil de la BCE n’avait pas été unanime sur la nécessité de lancer en ce moment cetteopération dite de « Quantitative easing », il avait en revanche été« unanime » à juger que, sur leprincipe, une telle opération rele-vait du mandat de la BCE. Jens Weidmann, président de la Bun-

desbank, ne s’y est donc pas op-posé.

« Or on voit mal la Cour consti-tutionnelle de Karlsruhe contesterune décision avec laquelle mêmela Bundesbank est d’accord, aumoins sur le principe », juge l’éco-nomiste Henrik Enderlein, fon-dateur de l’Institut Jacques-De-lors à Berlin. Lui se veut opti-miste. « La décision de la BCE est une très bonne chose. J’espère sim-plement que les Allemands vontcomprendre de quoi il s’agit et no-tamment que l’Allemagne ne prend pas de risques. L’euro va baisser, ce qui ne peut qu’être favo-rable à un pays qui se veut lechampion du monde des exporta-tions. A l’automne 2014, 60 % desAllemands jugeaient encore quel’inflation constituait le principalrisque pour l’économie. Or le ris-que de déflation est aujourd’huiplus élevé. Le Quantitative Easing est une thérapie aux résultats in-certains mais c’est l’un des seuls moyens de relancer la crois-sance », souligne-t-il.

Même écho positif de la part deMarcel Fratzscher, président de l’institut d’économie (IW) de Ber-lin. « Le Quantitative Easing estun mal nécessaire et un signalconvaincant. Nous ne sommespas obligés d’aimer ce programmemais nous devrions le soutenir pour redonner à l’Europe une perspective d’avenir. »

Côté partis politiques, M. Dra-ghi a reçu le soutien des Verts etdans une moindre mesure duParti social-démocrate (SPD). Pour les Verts, les gouverne-

ments européens doivent main-tenant « changer d’orientation et investir dans la formation, la pro-tection du climat et les énergies re-nouvelables ».

Redoutant d’être qualifié delaxiste, le Parti social-démocrate est plus réservé : « la politiquemonétaire ne remplace pas la po-litique économique et les réfor-mes structurelles. (…) Si les déci-sions de la BCE permettent d’ache-ter du temps et créent des margesde manœuvre, celles-ci doivent être utilisées de façon détermi-née », juge Johannes Kahrs, res-ponsable des questions budgétai-res au sein du groupe SPD auBundestag.

Les assureurs vent debout

Etonnamment, le groupe social-démocrate au Parlement euro-péen est plus enthousiaste. « Unenouvelle fois, la BCE a tiré les mar-rons du feu pour des chefs d’Etat etde gouvernement qui ne fontrien », indique le député euro-péen Udo Bullmann. Le patronat n’échappe pas à la querelle. Le BDI, la fédération des industries,soutient prudemment la déci-sion de la BCE mais pour souli-gner aussitôt que « seules des ré-formes structurelles conséquentespeuvent durablement renforcer lacompétitivité ».

En revanche, les chambres decommerce et de l’industrie jugentque « la BCE est devenue prison-nière de ses propres annonces ».Même sévérité de la part de la fé-dération allemande de l’assu-rance qui juge « inacceptable » la

décision de la BCE. Celle-ci, il est vrai, va contribuer à faire baisser les taux d’intérêt et donc rendre moins attractifs les produits pro-posés par les compagnies d’assu-rances. Sans surprise non plus,Hans-Werner Sinn, l’économistequi préside l’institut Ifo à Munich,se range du côté des opposants. Selon cet économiste, très res-pecté par les conservateurs, la BCE n’est pas préoccupée par ladéflation. Son objectif est de« sauver les banques et les Etatsdans les pays affectés par la crise ».Et puisque 20 % des risques pris par les banques centrales sont mutualisés, « la BCE va créer 20 %d’eurobonds », résume-t-il.

Du coup, la CDU marche sur desœufs. Angela Merkel reste pru-dente, tandis que le conseil éco-nomique de la CDU juge que « lamesure prise par la BCE aide le sudde l’Europe, pas le Nord. Elle achète seulement du temps. La po-litique monétaire ne peut ni con-tribuer à améliorer la productiviténi rendre plus performantes les structures de l’économie de lazone euro ».

Le 15 janvier, Mario Draghi ex-pliquait à l’hebdomadaire DieZeit que la BCE avait été créée« sur le modèle de la Bundes-bank », mais qu’à la différence decelle-ci, elle devait prendre en compte les intérêts de dix-neufpays. « Un message que certains en Allemagne doivent compren-dre », disait-il. Manifestement,celui-ci n’est pas encore totale-ment passé. p

frédéric lemaître

« La politique

monétaire

ne remplace

pas la politique

économique

et les réformes

structurelles »

JOHANNES KAHRSParti social-démocrate

Recherche d’équilibre coûteux pour les banques centrales du « bloc euro » Les pays dont la devise est arrimée à l’euro cherchent à maintenir la parité avec la monnaie unique. La BCE les met dans l’embarras

J eudi 22 janvier, alors que tousles marchés avaient les yeuxtournés vers la Banque cen-trale européenne (BCE) à

Francfort, la banque centrale duDanemark a abaissé son taux derémunération des dépôts de 0,15 point, le faisant passer de – 0,20 % à – 0,35 %. La mesure est un peu brutale : elle revient à fairepayer les banques déposant de l’argent à court terme dans ses coffres. Objectif : décourager les investisseurs de placer de l’argent dans le pays pour limiter lahausse de la couronne.

« Ce choix peut paraître surpre-nant à double titre », commenteJonathan Loynes, chez Capital Economics. Pour commencer, il est intervenu quelques heures seulement après l’annonce très at-tendue de la BCE. Celle-ci va lancer,dès mars, un programme massif d’achats de dettes publiques et privées (le quantitative easing, ou « QE »), de plus de 1 100 milliards d’euros. Mais, surtout, l’institut monétaire danois avait déjà baissé son taux de rémunération des dépôts trois jours seulement auparavant, de – 0,05 % à – 0,20 % !

Voilà qui illustre le dilemme quise pose aux banques centrales du « bloc euro » (une vingtaine de pays), à savoir, toutes celles dont la devise est liée à la monnaie uni-que : comment faire pour mainte-nir à tout prix la parité avec leur propre monnaie ? La question se pose pour tous les pays européens non-membres de la zone euro, comme le Danemark, la Bulgarie, la Bosnie-Herzégovine, ou encore la Suisse jusqu’à il y a peu.

Car, chaque fois que l’euro monteou baisse, leur banque centrale achète ou vend des devises afin de maintenir une parité à peu près

fixe. « Cela facilite également les échanges commerciaux avec les pays de la zone euro, en limitant les risques de change », ajoute Phi-lippe Waechter, chez Natixis AM. Depuis la création de l’euro en 1999, la banque centrale da-noise maintient ainsi la couronne autour d’un cours référence de 7,46 couronnes par euro, avec une marge de fluctuation de 2,25 %. De même, son homologue bulgare s’évertue à maintenir l’euro autourde 1,955 lev.

Fragile équilibre

Un fragile équilibre que le nou-veau cap de la BCE risque de ba-layer. « La reprise américaine plus vigoureuse, comme la perspective du QE européen poussent l’euro à la baisse face au dollar et aux autres devises depuis l’été der-nier », rappelle M. Waechter. Lachute est déjà de 10 % face au billetvert. Et elle pourrait s’accentuerencore ces prochains mois.

Résultat : maintenir à tout prix laparité avec l’euro devient très coû-teux, et de plus en plus pour les pe-tits instituts d’émission euro-péens. Le premier à avoir jeté l’éponge est la Banque nationale suisse, le 19 janvier. Prenant les marchés de court, celle-ci a décidé de ne plus arrimer le franc suisse à la monnaie unique. La devise hel-vète a grimpé de 30 %, au grand

La Suisse

a jeté l’éponge

en premier,

le 19 janvier,

prenant les

marchés de court

dam des exportateurs et de nom-breuses banques, qui ont épongé d’importantes pertes.

Pourtant, l’institut monétairesuisse assure qu’il n’a pas eu lechoix : sur les quinze premiersjours de janvier, il a dépensé des milliards de francs suisses pouracheter des euros, dans le vain es-poir de maintenir la parité. S’il avait continué, la facture se serait élevée à 100 milliards de francs (101 milliards d’euros) pour jan-vier, a révélé Fritz Zurbrügg, l’undes membres de la direction gé-nérale, au quotidien Blick du22 janvier. « Nous sommes arrivés à la conclusion que laisser flotter letaux de change constituait lameilleure option », explique-t-il.

Les banques centrales danoise,bulgare ou des Balkans suivront-elles la même voie ? Difficile àdire, car cela dépend des perspec-tives économiques de chacun des Etats concernés. Mais toutes par-tagent les mêmes inquiétudes.

L’institut monétaire de Copen-hague espère qu’à – 0,35 %, son taux de dépôt négatif découra-gera les investisseurs tentés deplacer de l’argent dans le pays, ce qui pourrait limiter les pressions haussières sur la couronne. « Elle devra pourtant faire plus », juge M. Loynes. Par exemple, en se mettant à acheter de la dette pu-blique, comme la BCE.

L’inquiétude pourrait gagneraussi les Etats dont la devise n’est pas ancrée à l’euro, comme la Po-logne, la Suède, le Royaume-Uni, mais dont l’essentiel des échan-ges se fait avec la zone euro. Euxaussi devront, d’une façon oud’une autre, répondre à la chutede la monnaie unique pour con-server leur compétitivité. p

m. c.

Les réserves d’Angela Merkel

S’exprimant au Forum de Davos, jeudi 22 janvier après-midi, An-gela Merkel s’est de nouveau montrée réservée face à la politique de la BCE, sans toutefois la critiquer explicitement.Avant même de connaître la décision, la chancelière allemande indiquait que celle-ci « ne doit pas nous dispenser de mettre en place les conditions nécessaires à la reprise. En Italie apparaissent enfin des signaux importants, en France aussi une voie s’est ouverte. Mais on a perdu trop de temps, et chaque jour d’attente est un jour perdu pour les emplois ».« Ce qui est important à mes yeux est que [les responsables politi-ques] agissent avec encore plus de détermination pour régler les problèmes, plutôt que de penser que, en gagnant du temps par le biais d’autres mesures, nous pourrions oublier les réformes struc-turelles », a ajouté la chancelière allemande.

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2 | plein cadre DIMANCHE 25 - LUNDI 26 JANVIER 2015

0123

« LES DIFFÉRENTS GOUVERNEMENTS

DEPUIS 1981 SE SONT TOUJOURS, DANS LA

PANIQUE, EMPRESSÉS DE RÉPARTIR

L’ARGENT DE MANIÈRE

CLIENTÉLISTE »ATHANASSIOS

PAPADASKALOPOULOSprésident de l’Institut

du développement régional à Athènes

athènes - correspondance

L’ESPA. Un sigle devenu enGrèce le symbole de l’investis-sement, privé comme public.On le retrouve au bord desautoroutes, sur les façadesd’églises ou de bâtiments ar-

chéologiques en rénovation, mais aussi au mur de nombreuses entreprises. Le cadre deréférence stratégique national (ESPA en grec) est l’outil de la Grèce pour absorber les fonds structurels européens.

« Ces fonds avaient vocation à permettreaux pays européens de la périphérie de rattra-per le niveau de développement des pays dunord de l’Europe, explique le professeur Atha-nassios Papadaskalopoulos, président de l’Institut du développement régional à Athè-nes. La Grèce a reçu depuis son adhésion en 1981 une moyenne de 3 milliards d’euros paran d’aide européenne. » Par le biais, notam-ment, du Fonds européen de développementrégional (Feder), du Fonds social européen (FSE), du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (Feoga) et de l’Instrument financier d’orientation de la pêche (IFOP).

Pendant trente ans, cet argent a principale-ment financé une politique de grands tra-vaux publics, ainsi que le développement des13 régions grecques. Des autoroutes, des ponts, des tunnels, des barrages ont été cons-truits à travers tout le pays.

« Dans le cadre du nouvel ESPA pour la pé-riode 2014-2020, officiellement adopté en dé-cembre 2014, plus de 26 milliards d’euros – 21 milliards de fonds communautaires et une participation d’environ 6 milliards de l’Etatgrec – devraient au total entrer dans l’écono-mie grecque », précise Spyros Evstathopou-los, secrétaire général de l’investissement pu-blic au sein du ministère du développement. « 15,3 milliards de Feder, FSE et du Fonds de co-hésion ont déjà été validés par Bruxelles. Avec notre participation nationale, cette premièreenveloppe s’élèvera à environ 19 milliards. D’icià 2020, d’autres fonds, Feoga ou IFOP, porte-ront l’ESPA à ce total de 26 milliards dont je vous parle », complète M. Evstathopoulos.

Aujourd’hui plus que jamais, alors que lebudget de l’Etat est toujours au plus bas, le dé-veloppement du pays repose sur cet argent. « Du fait des abus du passé – détournements de fonds notamment –, l’Europe impose désor-mais à la Grèce les secteurs dans lesquels ces ressources doivent être affectées, ce qui limiteconsidérablement la marge de manœuvre de l’Etat », regrette le professeur Papadaskalo-poulos.

Si le gros des fonds devrait se diriger vers les13 régions grecques, et sera donc géré directe-ment par ces institutions décentralisées, cinqsecteurs, relevant directement du ministèredu développement, ont été identifiés commepouvant participer à la relance de l’économieen Grèce. Cela va des transports à la réformede l’Etat, en passant par la lutte contre le chô-mage et l’aide sociale.

« CE PROGRAMME M’A SAUVÉE »L’ESPA est présent dans la vie quotidienne de nombreux Grecs. Sylvana Tziovarides, traduc-trice de 40 ans, envoie chaque matin sa petite Iro de 4 ans à l’école en bus. Faute de place dans le public, c’est dans une maternelle pri-vée d’Athènes qu’est scolarisée sa fille. Impos-sible, avec son salaire mensuel de 1 000 euros,de sortir les 400 euros que coûte l’école. Elle bénéficie d’une subvention financée par l’ESPA. C’est une aide énorme pour nous, car elle couvre tous les frais scolaires. Ce pro-gramme européen m’a littéralement sauvée », s’enthousiasme Mme Tziovarides.

« Dans le cadre du nouveau programme, l’ac-cent est mis cependant sur la compétitivité,

l’entrepreneuriat et l’innovation », note Stra-tos Kouakis, consultant chez Alma and Par-tners. Son travail consiste à conseiller les en-treprises qui souhaiteraient bénéficier des programmes de l’ESPA qui leur sont consa-crés. « Cela peut s’avérer être un véritable dé-dale administratif, alors nous menons les de-mandes et accompagnons nos clients jusqu’à la phase d’absorption des fonds. » Quelque 3,646 milliards devraient ainsi être affectés pour la période 2014-2020 à ce secteur. « Ils’agit de la source la plus importante de liqui-dité dans le marché grec aujourd’hui, car l’ac-cès aux banques et à l’emprunt est très difficile en ce moment. Il s’agit de renforcer l’économie réelle », affirme M. Kouakis.

L’entreprise Gypsoplak SA, établie en Atti-que, la principale région autour d’Athènes, produit, vend et exporte des matériaux de construction. Son chiffre d’affaires était en 2014 de 12 millions d’euros. Une entrepriseen bonne santé donc. « Dans le contexte de contraction du marché liée à la crise, nous de-vons cependant nous montrer prudents sur notre politique d’investissement, explique Yannis Corassides, le patron de la compagnie. Nous devions rénover nos bureaux et acheter de nouvelles machines pour notre usine de pro-duction, et nous avons alors eu recours à l’ESPA. »

Techniquement, le consultant M. Kouakis aformulé une demande de subvention auprès d’Elanet, l’entreprise de gestion de la réparti-tion de l’ESPA pour la région de l’Attique. Une fois l’agrément obtenu, M. Corassides a effec-tué, sur fonds propres, les dépenses nécessai-res, à hauteur de 400 000 euros. « L’ESPA de-vrait me reverser 40 % de cette somme et, au fi-nal, j’aurai dépensé moins de 200 000 euros », se félicite le chef d’entreprise.

« Pour toucher cet argent, mon client doitprouver ses dépenses, détaille le consultant.

mants, c’est-à-dire non remboursés, atteint près de 50 % en Grèce, et les banques hésitent donc à prêter. Dans ce cadre, un groupe d’ex-perts, délégués en partie par la Commission européenne, réfléchit actuellement aux ins-truments financiers permettant d’utiliser les fonds européens en garantie.

L’objectif est à la fois de répartir sur unechaîne plus large d’acteurs économiques le bénéfice de l’argent européen, mais aussi de rétablir l’accès des entreprises à l’emprunt.« Si le taux global d’absorption du précédentESPA de la période 2007-2013 s’élève à 88,3 %, un bon ratio, la situation pour les fonds allouésaux entreprises est plus contrastée, car les en-treprises n’investissaient pas pendant la crise »,soutient notre source.

« Le problème des fonds structurels euro-péens, c’est qu’ils ne sont pas intelligemment utilisés par la Grèce, se désole, pour sa part, le professeur Papadaskalopoulos, car il n’y a ja-mais eu de stratégie nationale de long terme. Les différents gouvernements depuis 1981 se sont toujours, dans la panique, dépêchés de ré-partir l’argent de manière clientéliste pour ré-compenser, à coups de grands travaux, les mai-ries ou régions amies, mais sans entreprendre une véritable politique de développement. Ce qui explique notamment le faible niveau d’in-dustrialisation et de production du pays. »

Selon la Commission européenne, depuis1981, 68 milliards d’euros de fonds structurels européens ont été injectés en Grèce. Sans compter les fonds agricoles. Une véritable rente au cœur de tout investissement enGrèce depuis trente ans. Qu’ils soient de gau-che ou de droite, tous les partis candidats pour les élections législatives de ce dimanche 25 janvier misent bien, à leur tour, sur cet ar-gent pour financer la relance économique qu’ils promettent aux Grecs. p

adéa guillot

J’envoie l’ensemble des factures à Elanet, qui va-lide et transmet à l’Efepae, l’organisme grec quitient les cordons de la bourse de l’ESPA. Et c’estl’Efepae qui versera donc la somme due directe-ment sur le compte de mon client. »

« EVITER SI POSSIBLE L’ENDETTEMENT »M. Corassides affirme que, sans ce coup de pouce des fonds européens, il n’aurait pas pufinancer son investissement. « Je ne voulais pas demander d’emprunt. Parce que je veux évi-ter si possible l’endettement, mais aussi parce que les taux d’intérêt sont très élevés en Grèce [8,5 % pour les prêts aux entreprises] et que lesbanques demandent énormément de garan-ties, que je ne peux pas fournir ! »

Si l’Efepae s’occupe de diffuser, sous formede subventions, une partie de l’argent affecté aux entreprises, la Commission européenne entend désormais développer de nouveaux outils pour injecter les fonds structurels euro-péens, notamment sous la forme de prêts bancaires. « Il y a une volonté au sein de l’Union européenne de minimiser les dons qui n’ont pas de véritable effet de levier – c’est du one shot (un seul versement) à un acteur écono-mique – et de favoriser les instruments finan-ciers », affirme une source bancaire grecque.

Cela existe déjà au travers des programmesJérémie ou Etean. « Financés par le Fonds euro-péen d’investissement (EIF), ces programmes, dits de partage de risque, permettent à un en-trepreneur d’emprunter sur le marché bancairegrec », explique notre source. « L’établisse-ment grec finance 50 % du montant total de-mandé, aux taux de 8,5 % ou 9 %, qui sont ceuxdu marché grec. Et Jérémie ou Etean complè-tent à taux zéro pour le reste de la somme. Ce qui rabaisse le taux d’intérêt à un niveau rai-sonnable et permet à la banque de répartir lerisque. »

Le taux des emprunts des PME non perfor-

L’argent européen, poumon de la Grèce

Selon la Commission européenne, 68 milliards d’euros ont été injectés dans le pays par les Fonds structurels européens depuis 1981. Une manne qui a servi au financement d’initiatives publiques comme privées

G R ÈC E

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0123DIMANCHE 25 - LUNDI 26 JANVIER 2015 économie & entreprise | 3

Chantier du métro à Agia Varvara (à l’ouest d’Athènes), en juillet 2014. ALKIS

KONSTANTINIDIS/REUTERS

Syriza au pouvoir : quel sort pour la dette ?En cas de victoire aux législatives, la gauche radicale devra négocier avec la « troïka ». Scénarios

La gauche radicale de Sy-riza remportera-t-elle lesélections législativesgrecques du dimanche

25 janvier ? A l’heure où nous écri-vons ces lignes, les derniers son-dages le laissent penser. Le leader du mouvement, Alexis Tsipras, pourrait même emporter la majo-rité absolue et donc les pleins pouvoirs.

Si ce n’est pas le cas, il devra for-mer une coalition avec d’autres partis, comme les communistes du KKE. Ou les centristes de To Po-tami. « S’il échoue, de nouvelles élections seront déclenchées, au risque que le pays plonge dansl’instabilité politique », explique Pierre-Olivier Beffy, chez Exane BNP Paribas.

Dans tous les cas, une chose estsûre : quel que soit le gouverne-ment issu des urnes, la colossaledette publique du pays ( 321,7 mil-liards d’euros), que Syriza promet d’effacer, sera au cœur des débats.

Syriza pourra-t-il appliquer sonprogramme ? Augmenter les dé-penses publiques de 12 milliards d’euros, baisser l’âge de la retraite de 67 à 62 ans, augmenter le sa-laire minimum de 10 %… Même avec la majorité absolue, il paraîtpeu probable que M. Tsipras puisse appliquer toutes ses pro-messes de campagne. Et ce, pour une raison bien simple : dès sonarrivée, il devra négocier avec la« troïka » (Commission et Banquecentrale européennes et Fonds monétaire international), afin de toucher la dernière tranche d’aidepromise pour fin février (5,3 mil-liards d’euros). Puis trouver un ac-cord sur l’indispensable filet de sécurité que ces créanciers de-vront fournir au pays à la sortiedu plan d’assistance.

Depuis 2010, le pays a touché240 milliards d’aides diverses deses partenaires en échange de ré-formes drastiques. Une doulou-

cœur d’éviter. D’autant que, d’après les sondages, 73 % des Grecs veulent rester dans la zone euro. « Mais on ne peut pas totale-ment exclure ce risque », insisteBen May, chez Oxford Economics,estimant la possibilité d’un « Grexit » à 18 %. Selon lui, la hausse de la droite eurosceptique d’AfD (Alternative pour l’Allema-gne), outre-rhin, pourrait pousserla chancelière allemande, AngelaMerkel, à se montrer bien duredans les négociations avec Athè-nes. « Il y a une part d’irrationnel dans le psychodrame grec qui pourrait faire déraper les choses », s’inquiète M. May.

Y a-t-il un risque de contagionaux autres pays du Sud ?A courtterme, les soubresauts sur lesmarchés financiers ne sont pasexclus : tout dépendra des résul-tats et de l’éventuelle coalition que le parti vainqueur devra for-mer. « Mais, pour le reste, le risquede contagion aux autres pays pé-riphériques, notamment l’Espa-gne et le Portugal, est moins élevéqu’il y a trois ans », assure M. Cas-tillo.

D’abord, parce que leurs ban-ques sont beaucoup plus solides qu’à l’époque. Ensuite, parce que les marchés savent qu’en cas de problème la Banque centraleeuropéenne (BCE) achètera la dette publique de ces Etats, par lebiais du programme OMT créé en 2012. De quoi éteindre ainsi les possibilités de contagion.

En la matière, le risque a doncchangé de nature : il n’est plus fi-nancier, mais politique. La vic-toire de Syriza pourrait en effet renforcer la gauche antilibéralede Podemos, en Espagne. Celle-cipourrait marquer des points auxélections régionales de mai et gé-nérales de décembre. Et nourrir les inquiétudes sur la stabilité po-litique en Europe. p

marie charrel

péen de stabilité financière (FESF) lui a accordé 141,8 milliards.

En théorie, l’allégement pour-rait prendre deux formes. La pre-mière, et plus probable, serait dene pas toucher au montant total de la dette, mais d’allonger la ma-turité des prêts et de réduire lestaux d’intérêt, ce qui allégera les remboursements annuels. « Le fardeau serait plus supportable, mais cela pourrait ne pas suffire », considère Eric Dor, économiste à l’Ieseg.

La seconde option serait d’effa-cer littéralement une partie de la dette. Plusieurs modalités se-raient possibles, mais toutes se-raient politiquement explosives. « Dans la foulée, le Portugal et l’Ir-lande, dont les dettes dépassent120 % du PIB, pourraient légitime-ment réclamer aussi un efface-ment, souffle un député euro-péen. Impossible. »

Et si les négociationséchouaient ? Le scénario est peuprobable, mais pas nul. La Grèce pourrait alors choisir de faire dé-faut sur sa dette. « La zone euro pourrait perdre 256,4 milliards d’euros au maximum », calcule M. Dor. Les pertes du FESF se-raient en effet épongées par les Etats membres.

Le pays va-t-il sortir de la zoneeuro ? En théorie, quitter la mon-naie unique permettrait à la Grècede dévaluer sa devise et de rega-gner en compétitivité. Mais, dans les faits, le pays plongerait aussi-tôt dans un chaos financier des-tructeur. Sa dette, qui resterait li-bellée en euro, bondirait au-delà des 200 % du PIB, selon les calculsdes experts d’Oxford Economics.Le défaut sera alors inévitable. Etles marchés douteraient à nou-veau de la solidité de la zone euro,entraînant celle-ci dans la tour-mente…

Un scénario catastrophe que lespartenaires européens auront à

Un programme de réformes mené au forcepsServices publics au régime sec, baisse du salaire minimum, dérégulation du marché du travail... Si des centaines de loi ont été votées, Commission européenne, BCE et FMI entendent maintenir la pression économique sur le pays

athènes - correspondance

E n échange de 240 milliardsd’euros de prêts accordéspar l’Union européenne et

le Fonds monétaire international(FMI) depuis 2010, la Grèce s’est engagée dans un impressionnant programme de réformes. D’abord quantitatives, dont « l’idée était deréduire drastiquement les dépen-ses de l’Etat », explique un fonc-tionnaire européen familier du dossier grec.

Les salaires des fonctionnairesont été réduits de 30 % en moyenne, par la mise en place d’une grille unifiée des rémunéra-tions. Les treizième et quator-zième mois, ainsi que de nom-breuses primes, ont disparu. Le pays compterait désormais un peuplus de 610 000 fonctionnaires, soit 200 000 de moins qu’il y a quatre ans. Pour cinq départs à la retraite, l’Etat ne procède plus qu’à une embauche. Les pensions des retraités, déjà amputées en 2010, ont encore perdu en 2014 entre 5 %et 15 % selon les situations.

Les services publics ont été misau régime sec. Ainsi, la part du budget allouée à la santé est passéede 10,03 % à 9,16 % du produit inté-rieur brut (PIB) entre 2009 et 2012, selon l’Autorité statistique helléni-que (Elstat). Dans l’éducation, les dépenses ont diminué de 28,3 % entre 2008 et 2013.

« L’objectif a été rempli, puisque lepays a réussi à dégager, en 2013, un premier excédent primaire [hors charge de la dette] de 1,5 milliard

d’euros. Ce qui veut dire qu’en de-hors du remboursement de la dette la Grèce est désormais capable de fi-nancer ses dépenses propres », sou-ligne le fonctionnaire européen.

Baisse du smic à 580 euros

Parallèlement à cet effort budgé-taire, des réformes structurelles ont été entreprises. « Le FMI af-firme qu’elles n’ont pas été menées,mais, en réalité, des centaines delois ont été votées qui ont changé beaucoup de choses en Grèce. Sim-plement, il faut des années et un environnement économique de croissance pour que les résultats de ces efforts commencent à se faire sentir », considère le haut

fonctionnaire européen.De fait, une longue liste de réfor-

mes a été légalement introduitedans le droit grec. Dérégulation du marché du travail, baisse du sa-laire minimum (smic) à 580 eurosbrut, changement du régime des conventions collectives, ouver-

ture des professions fermées…« Le gouvernement grec a appli-qué tout ce que la “troïka” [FMI,Commission et Banque centraleeuropéennes] lui demandait », re-connaît-il.

Mais cette politique de dévalua-tion interne a-t-elle porté sesfruits ? Le pays est-il devenu plus compétitif ? Plus de 180 000 en-treprises ont fermé depuis le dé-but de la crise, le chômage, bien qu’en baisse ces derniers mois, se situe toujours à près de 26 % de la population active. Les entreprises grecques elles-mêmes répètent qu’elles n’avaient pas besoin d’un smic aussi bas, mais plutôt d’unallégement de la bureaucratie et

de stabilité fiscale. Or la réforme fiscale est l’un des gros échecs grecs. « L’Etat grec aurait dû se dé-barrasser du service d’inspection fiscale SDOE, qui ne fait pas son travail efficacement. Mais il ne l’a pas fait pour des raisons clientélis-tes, et la fraude fiscale reste à des niveaux trop élevés », raconte le fonctionnaire.

Licenciements collectifs

Autre gros chantier, la réforme de l’Etat. Sur proposition de la task force, le service d’assistante tech-nique européenne délégué en Grèce depuis 2012, un secrétariat général de la coordination de l’ac-tion gouvernementale a été créé et fonctionne aujourd’hui… tant bien que mal. Une première dans un pays où chaque ministre agis-sait jusqu’ici comme un seigneur dans son fief.

Et puis une grande opérationd’évaluation des services a été lan-cée. Très contestée par les syndi-cats, qui redoutent que cette éva-luation ne serve qu’à alimenter les objectifs de licenciement de 6 500 fonctionnaires fixés par la« troïka », cette évaluation est aujourd’hui au point mort du fait des élections.

Quel que soit le gouvernementqui sortira des urnes dimanche 25 janvier en Grèce, la troïka en-tend bien achever le programme des réformes et devrait notam-ment insister sur la question des licenciements collectifs et d’uneréforme de la sécurité sociale. p

a. gt

reuse cure d’austérité qui a mis le pays à genoux et que M. Tsipras a promis de clore. Mais, pour que les négociations aboutissent, ilsera contraint de mettre de l’eau dans son vin. « En vérité, l’opposi-tion entre Syriza et la troïka est moins frontale qu’il n’y paraît, analyse Thibault Mercier, spécia-liste du pays chez BNP Paribas. Aujourd’hui, le FMI admet lui-même que l’austérité a été trop brutale. »

S’il reculera probablement unpeu sur le salaire minimum et laretraite, le leader de la gauche ra-dicale ne lâchera, en revanche, rien sur la dette publique. Obtenirson allégement est en effet la plussymbolique de ses batailles.

La dette grecque sera-t-elle allé-gée ? Cela semble inévitable. Mal-gré sa restructuration en 2012, cel-le-ci dépasse désormais les 175 %du produit intérieur brut (PIB) et représente un handicap trop lourd pour la croissance. « La troïka sait qu’Athènes peinera à s’en sortir si on ne l’allège pas d’unefaçon ou d’une autre », explique Jésus Castillo, chez Natixis.

Les 321,7 milliards d’euros dedette grecque sont aujourd’hui détenus à 70,5 % par les créancierspublics internationaux. Le FMI luia ainsi prêté 32 milliards d’euros, les autres pays de la zone euro 53 milliards par des prêts bilaté-raux, tandis que le Fonds euro-

S’il reculera

probablement

un peu sur le

salaire minimum

et la retraite,

Alexis Tsipras ne

lâchera rien sur

la dette publique

LEXIQUE

MÉMORANDUM ILes mémorandums sont des accords-cadres qui in-troduisent les réformes en Grèce. Le premier a été voté par le Parlement grec le 7 mai 2010. En échange de 110 milliards d’euros de prêts du Fonds monétaire international (FMI) et de l’Union européenne (UE), le gouvernement grec s’en-gage sur un paquet de me-sures d’austérité : suppres-sion des 13e et 14e mois dans la fonction publique, hausse de la TVA à 23 %, gel du salaire des fonction-naires…

MÉMORANDUM IIVoté par le Parlement grec le 12 février 2012. En échange de 130 milliards d’euros de prêts du FMI et de l’UE : dérégulation du marché du travail, coupes dans la santé, licenciement de 15 000 fonctionnaires…

L’économie grecque est toujours en convalescenceCROISSANCE GRECQUE ET DETTE PUBLIQUE, EN % DU PIB

SOURCE : FMI*PRÉVISIONS

2006 08 10 2015*

CROISSANCE DETTE

2,9171

5,5

107,5 112,9

148,3

170,3 175,13,5

– 0,2

– 3,1

– 4,9

– 7,1 – 7

– 3,9

0,6

12 14* 2006 08 10 2015*12 14*

La Grèce

compterait

200 000

fonctionnaires

de moins qu'il y a

quatre ans

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0123MARDI 27 JANVIER 2015 économie & entreprise | 3

Aux Etats-Unis, un billet vert déjà trop cherL’appréciation du dollar affecte les sociétés exportatrices et celles qui vivent du tourisme sur le sol américain

new york - correspondant

Pour le moment, les auto-rités américaines se refu-sent à employer le termede guerre des changes. La

remontée du dollar face aux devi-ses européenne et japonaise seraitmême « une bonne chose » pour Jack Lew, le secrétaire au Trésor.

L’appréciation du billet vert s’estencore accélérée dans la foulée de l’annonce faite par la Banque cen-trale européenne, jeudi 22 janvier, de son plan de rachat de dettes, pour plus de 1 140 milliards d’euros. Mais M. Lew continue à voir le verre à moitié plein : « Si c’est le résultat d’une économie forte, c’est bon pour les Etats-Unis », a-t-il assuré, vendredi 23 janvier, à l’occasion du Forum économique de Davos (Suisse).

Mais, selon l’expression consa-crée aux Etats-Unis, il y a un « élé-phant dans la pièce ». Par rapport à son pic de mai 2014, et après la victoire de Syriza en Grèce, di-manche, l’euro a perdu plus de20 % de sa valeur face au dollar, touchant son niveau le plus bas depuis onze ans. Cette évolution arenchéri le prix des produits amé-ricains destinés à l’exportation. A terme, cette appréciation du billet vert – on l’observe aussi face au

yen – pourrait aussi ralentir à la fois la croissance et l’inflation.

De quoi retarder une remontéedes taux d’intérêt aux Etats-Unis ? On n’en est pas encore là.Mais la teneur des conversationsqui se tiendront lors du Comité depolitique monétaire de la Réserve fédérale (Fed, banque centrale), les 27 et 28 janvier, sera, de ce point de vue, scrutée à la loupe.

Variations spectaculaires

En attendant les conséquences macroéconomiques, le relève-ment du dollar a des effets réels sur les entreprises américaines. La semaine qui commence, et au cours de laquelle pas moins de 142 groupes composant l’indice Standard & Poor’s 500 vont pu-blier leurs résultats, sera cruciale pour jauger l’impact de la remon-tée du dollar. Le secteur du high-tech, par exemple, qui réalise 60 % de son chiffre d’affaires en dehors des Etats-Unis, sera très suivi. Dansl’industrie, la part des revenus gé-nérés à l’étranger atteint les 40 %.

Pour les sociétés qui ont déjà pu-blié leurs résultats, les conséquen-ces des variations des taux de change peuvent être spectaculai-res. La chaîne de fast food McDo-nald’s, présente dans une centainede pays, a assuré, vendredi, que la hausse du dollar avait eu, au qua-trième trimestre 2014, un impact négatif de 8 cents par action, soit environ 77 millions de dollars (68 millions d’euros). Pete Bensen,son directeur financier, estime que le coût pour 2015 pourrait s’élever à 40 cents par action, soit environ 390 millions de dollars.

Idem pour IBM, qui a expliquéque l’appréciation du billet vertavait compté pour environ dix points de pourcentage dans la baisse de son chiffre d’affaires, quia reculé de 12 %. Même si les grands groupes se protègent des effets de change, grâce à des systè-mes de couverture, le résultatn’est pas garanti. « Nos couvertu-res servent à nous donner une sta-bilité en termes d’encaissement,

mais nous n’en tirons pas d’avan-tage quand l’évolution monétaire se prolonge. C’est ce à quoi noussommes confrontés aujourd’hui »,explique Martin Schroeter, le di-recteur financier du géant des ser-vices informatiques.

Johnson & Johnson a aussi étédurement touché par la hausse dudollar. En octobre 2014, le groupe pharmaceutique anticipait unimpact négatif de 15 à 20 cents paraction. Le 20 janvier, lors de la pré-sentation de ses résultats, le groupe a dit tabler maintenantsur un effet négatif de 42 cents !

L’évolution des taux de changen’affecte pas seulement l’export.

Les sociétés, qui, comme le joaillier Tiffany, réalisent une bonne part de leur chiffre d’affai-res grâce au tourisme sur le sol américain, en pâtissent aussi.

« Vents contraires »

Après avoir annoncé une baisse de ses ventes aux Etats-Unis pen-dant les fêtes de fin d’année, Fre-deric Cumenal, le président de Tif-fany, se montre prudent pour 2015, parlant de « vents con-traire » dus à un dollar plus fort etd’« effets négatifs sur les ventes aux touristes aux Etats-Unis ».

Une appréciation de 10 % du dol-lar fait baisser de 2 % la fréquenta-

tion touristique étrangère du pays,rappelle Adam Sacks, le président du cabinet de conseil Tourism Economics à l’agence Reuters.

Le niveau du dollar peut aussifaire toute la différence entre une hausse des bénéfices et leur recul.Oracle a réalisé pour son trimes-tre clos le 30 novembre 2014 un profit net en baisse de 2 %. Sans les effets de taux de change, le fa-bricant de logiciels dit qu’il aurait publié une hausse de 3 %. Selon les données de la société d’études FiREapps, l’impact des changes sur le chiffre d’affaires des 1 200 entreprises cotées qu’ellesuit avait augmenté de 196 % au

troisième trimestre 2014 par rap-port au deuxième. Le mouve-ment devrait s’accentuer au qua-trième trimestre et au-delà.

« Si quelqu’un connaît le moyende faire baisser le dollar, merci d’envoyer vos suggestions à Washington », plaisantait ré-cemment le PDG de Cooper, ungroupe de matériel médical, qui a vu son chiffre d’affaires amputéde 100 millions de dollars au cours de son dernier exercice fis-cal. Jusqu’à quel point Washing-ton trouvera que la hausse du dol-lar est une bonne chose ? C’est toute la question. p

stéphane lauerSOURCE : BOURSORAMA

26 JANV. 201527 JANV. 2014

Cher billet vert

COURS DU DOLLAR EN EURO

0,89

0,73

0,80

La bataille autour du gaz de schiste bat son plein outre-MancheMalgré les réticences de l’opinion publique et des parlementaires, le gouvernement présente une loi pour simplifier les autorisations de forage

suite de la première page

Ce lundi, il présente la « loi sur les infrastructures » visant à simpli-fier la vie des sociétés pétrolières. Pour accéder aux réservoirs de gaz de schiste, il faut souvent creuser de façon verticale, avantde continuer de façon horizon-tale. L’hydrocarbure peut alors seretrouver sous des habitations ou des terrains privés, dont il faut ob-tenir l’autorisation.

La loi actuelle permet de forcerla main des propriétaires, mais le processus judiciaire est lent et coûteux. La nouvelle loi prévoitd’accorder un droit de forage hori-zontal automatique à partir de trois cents mètres sous terre, en échange d’un paiement à la com-munauté locale de 20 000 livres (26 000 euros).

L’enthousiasme du gouverne-ment se heurte pourtant à d’im-portantes difficultés politiques.Le comité parlementaire encharge de l’environnement de-mande dans un rapport publié ce

lundi un moratoire sur le gaz de schiste. « Ce n’est pas compatible avec notre engagement à réduire les émissions de gaz à effet deserre », estime Joan Walley, la dé-putée qui préside le comité. Le co-mité s’inquiète des risques de pol-lution des nappes phréatiques.

L’appel émane d’un comité dontles membres sont issus de tous lespartis politiques (sept conserva-teurs, six travaillistes, deux libé-raux-démocrates et un vert). Lesparlementaires savent l’opinionpublique divisée : un quart des Britanniques est contre le gaz deschiste, un quart favorable, tandisqu’une moitié hésite.

Les légères secousses séismi-ques provoquées par un forage dans le Lancashire en 2011 ontmarqué les esprits. Deux ans plus tard, une proposition de puits d’exploration à Balcombe, un joli village de campagne du sud de l’Angleterre, a provoqué d’impor-tantes manifestations, menéespar une coalition de militants verts et de conservateurs locaux.

Dans ce contexte délicat, les de-mandes d’autorisation de deux forages dans le Lancashire par la société Cuadrilla sont attendues comme un test. Pour la première fois depuis le moratoire mis enplace après les secousses séismi-ques, et supprimé en 2012, des élus locaux doivent trancher surce sujet.

L’entreprise a déjà obtenu dugouvernement la licence d’explo-ration, ainsi que le feu vert desautorités environnementales. Illui reste cependant à obtenir le permis des autorités locales. Se-lon toute vraisemblance, celles-ci,qui votent sur le sujet mercredi et jeudi, devraient poser leur veto.

La semaine dernière, le comitéen charge des autorisations a re-mis un avis défavorable. Les con-seillers municipaux devraient le suivre. « C’est extrêmement frus-trant : le gouvernement nous sou-tient mais le blocage a lieu au ni-veau de la politique locale »,

s’agace Tom Crotty, porte-parole d’Ineos, une autre entreprise qui veut se lancer dans le gaz de schiste. Il estime que la loi doit être changée pour donner la res-ponsabilité des autorisations de forage directement au gouverne-ment. A y regarder de plus prèspourtant, le comté du Lancashirene remet pas en cause le gaz de schiste, mais craint simplementque les travaux ne provoquent trop de bruit ou ne génèrent trop de circulation.

« Ce ne sont que des questions lo-cales, qui peuvent être résolues », veut croire Corin Taylor, con-seiller du United Kingdom Ons-hore Oil and Gas, l’organisme qui représente l’industrie. Plus qu’un blocage définitif, l’histoire de cesdeux puits illustre la lenteur duprocessus d’autorisation outre-Manche, avec dix-huit mois d’at-tente en moyenne. « Aux Etats-Unis, l’autorisation peut être don-née à deux cents puits d’un coup pour une même licence, alors qu’au Royaume-Uni il faut réaliser une demande pour chaque puits »,se plaint M. Crotty.

Néanmoins, les signes d’intérêtse multiplient de la part des in-dustriels. Le gouvernement bri-tannique procède actuellement àl’attribution de licences pour295 nouveaux blocs : il a reçu 95demandes, un record. Mais, avant leur exploitation, il risque de sepasser plusieurs années.

« On n’arrivera

pas à une

exploitation

avant cinq

années environ »

CORIN TAYLORconseiller du United Kingdom

Onshore Oil and Gas

7Seuls sept forages d’exploration de gaz de schiste ont déjà été creu-sés au Royaume-Uni. Les résultats sont trop parcellaires pour avoir une idée précise des réserves exploitables, dont les estimations va-rient très fortement. Il faudra attendre d’en avoir au moins une qua-rantaine pour avoir une idée plus précise du potentiel du gaz de schiste britannique.

« L’industrie du gaz de schiste estdans son enfance au Royaume-Uni », reconnaît un porte-paroledu ministère de l’énergie et du changement climatique. Co-rin Taylor estime que l’explora-tion prendra encore plusieurs an-

nées. « On n’arrivera pas à une ex-ploitation avant cinq années envi-ron. »

La révolution du gaz de schistemade in Britain devra attendre lesannées 2020. p

éric albert

Depuis mai 2014 le dollar s’est apprécié de plus de 20 % face à l’euro. CHRISTOPHE ENA/ AP

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6 |dossier MARDI 27 JANVIER 2015

0123

Coface évalue le risque

de crédit moyen des

entreprises d’un pays.

La société utilise

des données

macroéconomiques,

financières et politiques.

Elle prend également

en compte l’expérience

de paiement qu’elle

enregistre sur les

entreprises du pays

et son appréhension

de l’environnement

des a�aires du pays.

VENEZUELA

BRÉSIL

ÉTATS-UNIS

ÉQUATEUR

La carte des nouveaux risques

L’assureur crédit Coface publie, mardi 27 janvier, son évaluation annuelle des « risques pays ». Si nombre d’entreprises ont gagné en solidité en Europe, les pays du Sud renouent avec les crises de change. La Chine, la Russie et le Brésil évoluent négativement, tandis que d’autres émergents, comme le Vietnam, accélèrent

claire guélaud

Après le pessimisme du Fondsmonétaire international,l’optimisme de Coface. Legroupe de services finan-ciers devait dévoiler, mardi27 janvier, lors de son collo-

que annuel sur les risques pays, des perspec-tives plutôt positives pour l’économie mon-diale. L’activité a été un peu plus soutenue en 2014 qu’en 2013. Elle devrait être supé-rieure en 2015 (3,1 %) à ce qu’elle a été en 2014.Le groupe a reclassé 19 pays en 2015 contre 14en 2014. Il en a déclassé 9, contre 14 en 2014. « L’amélioration ou la stabilisation des ris-ques sont manifestes dans les économies avancées », analyse Julien Marcilly, chef du risque pays. « En revanche, ajoute-t-il, les évo-lutions sont très contrastées dans les émer-gents. Certains pays comme le Brésil, la Russieou la Chine connaissent un ralentissement structurel tandis que d’autres accélèrent. »

Coface évalue le risque de crédit moyendes entreprises d’un pays. Pour ce faire, ilutilise des données macroéconomiques, fi-nancières et politiques et tient compte de l’historique des incidents de paiement et de l’environnement des affaires.

2015, l’année du risque politique en Eu-rope de l’Ouest. La sortie de récession se confirme dans l’Union européenne (UE). Le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro est passé de – 0,4 % en 2013 à + 0,8 % en 2014 et + 1,2 % en 2015. Sur les 19 pays reclassés par Coface, 8 se trouvent dans cette région. La baisse de l’euro et celle du prix du pétrole soutiennent l’activité ; les entreprises ga-gnent en solidité. D’où la diminution du nombre des faillites en Espagne, aux Pays-Bas et en Belgique.

En dépit de cette amélioration, la croissancereste plus faible qu’avant la crise et, surtout, elle n’empêche pas la défiance. L’UE a été ex-posée à des risques qu’elle croyait limités auxémergents. « Quand l’impensable survient, la confiance est durablement atteinte », observe Jean-Marc Pillu, directeur général de Coface dans son avant-propos au Guide Risque Pays 2015. La zone euro, très intégrée financière-ment, n’était pas préparée à voir l’un de ses membres – la Grèce − exposé à un risque de défaut souverain. Les Européens ont dû ima-giner dans l’urgence une parade. A ce risque de défaut aujourd’hui limité a succédé la lan-cinante question du remboursement de det-tes gigantesques (100 % du PIB en moyenne pour les dettes privées dans la zone euro et autant pour les dettes publiques). « C’est une

source de blocage énorme, souligne Yves Zlo-towski, l’économiste en chef de Coface. Les Européens ne peuvent pas consacrer leurs re-venus à des dépenses, car ils doivent rembour-ser leurs dettes. Ils se trouvent, de plus, dans la situation de déflation décrite par Irving Fisher dans les années 1930, à savoir que plus un dé-biteur rembourse sa dette, plus il est endetté. » Leur stock de dettes reste au même niveau, tandis que leurs revenus font comme les prix : ils baissent…

Une reprise laborieuse, pas assez inclusive,un chômage qui baisse trop lentement et des salaires progressant faiblement : on conçoit que les Etats soient questionnés sur leur ca-pacité à mener, dans le temps, des réformes souvent douloureuses sur le plan social. La confiance accordée aux partis traditionnels, qu’ils soient de droite ou de gauche, s’érode. L’émergence de nouvelles formations, fré-quemment anti-européennes, comme Pode-mos en Espagne, UKIP au Royaume-Uni ou Syriza, donné gagnant à l’élection grecque du 25 janvier, montre que 2015 pourrait bien êtrepour l’Europe de l’Ouest « l’année du risque politique ». Un risque qui peut dissuader d’in-vestir…

L’insolente santé des Etats-Unis, le « diffi-cile pari » de l’investissement dans l’UE. Aux Etats-Unis, en revanche, où les perspecti-ves de croissance et d’emploi sont bonnes, l’investissement sera un moteur de l’activité. L’industrie américaine renaît : ses coûts ont baissé du fait de la modération salariale et de la diminution des prix de l’énergie. « 2015promet d’être un boulevard pour les entrepri-ses américaines », analyse l’économiste en chef de l’assureur-crédit. Avec des profits his-toriquement élevés, elles devraient affronter sans difficulté la hausse attendue des taux d’intérêt. L’offre et la demande sont dynami-ques. Le panorama sectoriel des risques est bon. De nombreux secteurs d’activité tra-vaillent à 90 % de leurs capacités de produc-tion et devront les moderniser au moment où, par exemple, les Américains se rééqui-pent en automobiles et redécouvrent les joies du 4 × 4. La construction va mieux. LesEtats-Unis constituent donc un très bon ris-que, même si la croissance y est moindre qu’avant crise, la société plus dure et les iné-galités plus fortes.

La situation est plus délicate en Europe. Lestaux d’utilisation des capacités de produc-tion y sont souvent bas et les entreprises n’y ont pas toutes reconstitué leurs marges. « Après une crise, les entreprises commencent par reconstituer leur trésor de guerre. Puis ellesdécident éventuellement d’investir, ce qui re-

lance, dans un troisième temps, l’ensemble de la machine économique et soutient la crois-sance », analyse M. Zlotowski. Pour se déciderà investir en Europe, il faudrait que les inves-tisseurs puissent anticiper des programmes clairs de réformes. Ni la France ni l’Italie n’en sont encore là, contrairement à l’Espagne et àl’Allemagne. Par ailleurs, même dans ce der-nier pays, la courbe de l’investissement s’est révélée très sensible à la crise russo-ukrai-nienne et volatile. Coface doute donc de la possibilité d’un redémarrage rapide et géné-ral de l’investissement. Même s’il admet que les entreprises européennes peuvent être contraintes d’investir, comme en Espagne, parce que la longueur de la crise a rendu leurséquipements obsolètes.

Le retour des crises traditionnelles dansles émergents. Entre 2001 et 2007, les émer-gents ont connu des années fastes, faites de grande stabilité financière et de forte crois-sance. Ce fut la grande époque des BRICS. La faillite de Lehman Brothers en septem-bre 2008 semble avoir ramené dans ces pays les années 1990 avec leur cortège de crises de change. Pourtant, ils ont tous augmenté leursréserves : elles représentent au minimum quatre mois d’importations, souvent davan-tage. Mais les taux de change restent volatils du fait de l’ampleur des flux de capitaux. En-tre 2007 et 2014, les flux nets de portefeuilles à destination des quinze premiers émergents,hors Chine, ont augmenté de 150 % pour at-teindre 210 milliards de dollars en 2014. Face àcela, l’accumulation de réserves ne marche pas, ni le contrôle de capitaux ou le risque souverain zéro, comme en Russie.

La balance courante de ces pays s’est dété-riorée pour des raisons assez profondes : la consommation des ménages y est dynami-que en raison de l’essor des classes moyen-nes, mais l’offre locale peine à répondre à la demande et les importations s’accroissent

(les consommateurs étant attirés par les pro-duits étrangers). Faute de supprimer les gou-lets d’étranglement qui pèsent sur leur acti-vité, les émergents verront leurs déséquili-bres courants perdurer et leurs taux de change rester fragiles. Ce qui n’est pas bon pour les entreprises. En revanche, il n’y a pas eu, comme lors de la crise asiatique de 1998, des faillites bancaires ou des crises systémi-ques. C’est un bon point pour des pays par ailleurs confrontés à des risques politiques accrus : montée de l’autoritarisme en Tur-quie, poussées de contestation à Hongkong, les citoyens devenant, avec la mondialisation,de plus en plus exigeants en termes de droits politiques. Ce qui est bon pour la démocratie, pas forcément pour le taux de change…

Le tour du monde des risques pays. La géo-graphie des risques pays est parfois surpre-nante. Ainsi Coface estime-t-il que le contre-choc pétrolier aura des effets limités dans les six Etats du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, Emirats arabes unis, Qatar). Dotés de réservesfinancières considérables, ils devraient main-tenir un niveau de dépenses publiques élevé en 2015 et assurer ainsi une croissance de 4,1 %. Quant aux pays importateurs d’Afrique

LA SORTIE DE RÉCESSION SE CONFIRME DANS L’UNION EUROPÉENNE

Une croissance élevée, l’atténua-tion des risques souverains pourHanoï et politiques pour Colombo expliquent que Coface ait placé leVietnam sous perspective positiveet reclassé le Sri Lanka. Ils font par-tie des nouveaux émergents d’Asie.

Malgré une croissance forte de-puis plus de dix ans, le Vietnam alongtemps souffert de déséquili-bres importants : une inflationstructurellement élevée condui-sait à des dévaluations fréquentesdu dong (il y en a eu 6 entre 2008 et2011) ; lesquelles relançaient les pressions inflationnistes. « C’étaitle cercle vicieux classique d’un émergent en surchauffe : une crois-sance non soutenable tirée parl’abondance du crédit », expliqueJulien Marcilly, responsable du ris-que pays à la direction économi-que du groupe d’assurance-crédit.

C’est cette malédiction que lepays semble avoir réussi à briser : iln’y a pas eu de dévaluation ma-jeure depuis trois ans. L’inflation a été ramenée de 9,1 % en 2012 à 5,2 %en 2014. L’économie se diversifie etmonte en gamme. Les investisse-ments directs étrangers (IDE) aug-mentent. Le pays s’est transformé

en hub pour l’électronique sud-co-réenne. Il fabrique, entre autres, des tablettes et des smartphones pour Samsung. Ses perspectives decroissance sont bonnes.

En revanche, la médiocrité du cli-mat des affaires et la fréquence de la corruption, la fragilité du secteurbancaire, l’insuffisante moderni-sation des grandes entreprises pu-bliques et l’importance du risque souverain – plus de la moitié de ladette publique (57,1 % du PIB) est li-bellée en devises – expliquent que le pays, même placé sous sur-veillance positive, reste classé en C,soit un risque élevé.

Economie dynamique

Reclassé de C en B, le Sri Lanka est un des cinq « PPICS » (Philippines, Pérou, Indonésie, Colombie, Sri Lanka), ce club de pays identifié en mars 2014 par Coface comme un groupe d’émergents prometteurs, susceptible de prendre le relais des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), et dont l’économie continue d’accélérer. Petit Etat insu-laire de 65 610 kilomètres carrés, si-tué à une trentaine de kilomètres des côtes du Tamil Nadu, dans le

sud-est de l’Inde, le Sri Lanka a une économie dynamique. La progres-sion du PIB devrait être de 7,5 % en 2015. L’activité est tirée par les exportations (textiles et thé notam-ment) mais surtout par la demandeintérieure.

La consommation privée, qui re-présente 70 % du PIB, bénéficie de l’augmentation rapide des revenus et de la robustesse des transferts des expatriés. L’investissement privé et les IDE progressent. Les in-frastructures se développent, sur-tout dans les anciennes zones de guerre, qui sont en pleine recons-truction, au nord et à l’est de l’île.

Si les tensions religieuses ont res-surgi en 2013 entre la majorité bouddhiste et la minorité musul-mane, si la réconciliation entre Ta-mouls et Cingalais doit encore être pérennisée, les risques politiques paraissent s’atténuer : l’élection, le 9 janvier, d’un nouveau président. M. Maithripala Sirisena, s’est dérou-lée dans le calme. Les élections lé-gislatives anticipées prévues en avril diront si le pays est bel et bien en train d’apprivoiser les transi-tions politiques en douceur. p

c. gu.

Vietnam et Sri Lanka, territoires de conquête

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0123MARDI 27 JANVIER 2015 dossier | 7

PROBABILITÉ DE DÉFAUT

DES ENTREPRISES

RECLASSEMENT OU

PERSPECTIVES 2014

A1 : TRÈS FAIBLE

A2 : PEU ÉLEVÉE

A3 : NIVEAU SATISFAISANT

A4 : NIVEAU CONVENABLE

B : ASSEZ ÉLEVÉE

C : ÉLEVÉE

D : TRÈS ÉLEVÉE

POSITIVES

NÉGATIVES

SIERRA LEONE

GHANA

NIGERIA

KENYA

E. A. U.

MADAGASCAR

SRI LANKA

CHINE

RUSSIE

TURQUIE

UKRAINE

LETTONIE

ROY.-UNI

BELGIQUE

PAYS-BAS

ALLEMAGNE

RÉP. TCHÈQUE

AUTRICHE

PORTUGAL

ESPAGNE

ALGÉRIE

TUNISIELIBAN

VIETNAM

THAÏLANDE CAMBODGE

INDONÉSIE

AFRIQUE DU SUD

Retour du risque sur les monnaies émergentes Défiance politique en Europe

Climat des affaires favorable

aux Etats-Unis

SOURCES : COFACE, DATASTREAM, YOUGOV, EUROSONDAGEM,

NC-REPORT, ODOXA, PRO-OLYMPIC CIRCLES

INFOGRAPHIE : LE MONDE, MARIANNE BOYER

**FRANCE : ÉLECTIONS DÉPARTEMENTALES*POUR UN PANIER DE MONNAIES : ROUPIE INDIENNE ET INDONÉSIENNE, LIVRE TURQUE, REAL BRÉSILIEN, ROUBLE RUSSE, RAND SUD-AFRICAIN

MOYENNE DES TAUX DE CHANGE NOMINAUX*, CROISSANCE EN % CONFIANCE ACCORDÉE AUX PARTIS TRADITIONNELS, EN %

2008 09 10 11 12 13 2014

– 21,5

– 11,7

– 2,5

– 14,8– 12,4

ROYAUME-UNI PORTUGAL ESPAGNE FRANCE GRÈCE

13,6

3,6 TRAVAILLISTES +CONSERVATEURS PS + PSD

PP + PSOE

UMP + PS

ND + PASOK

0

20

40

60

80

100Résultats des élections législatives* (R.-U 2005, Espagne et France 2008, Portugal et Grèce 2009)

Intentions de vote aux élections législatives de 2015**

MODÉRÉ MOYEN ÉLEVÉ

Agroalimentaire

AMÉRIQUE

DU NORD

EUROPE

DE L’OUEST

Automobile

Chimie

Construction

Distribution

Electronique

Energie

Mécanique

Métallurgie

Papier-bois

Pharmacie

Services

Textile-habillement

Transport

ÉVALUATION COFACE DES RISQUES SECTORIELS, (JANVIER 2015)

du Nord et du Moyen-Orient, comme la Tuni-sie ou l’Egypte, leurs problèmes sont telle-ment structurels et les prix du pétrole y ont eu tellement d’impact sur leurs dettes publi-ques qu’on ne verra pas leur situation finan-cière s’améliorer radicalement. Les risques égyptien et tunisien resteront donc très ten-dus en 2015.

L’Europe émergente (ex-Europe de l’Est),elle, va beaucoup mieux grâce à la reprise de la zone euro dont elle est très dépendante. Les Etats, les ménages et les entreprises s’étaient beaucoup endettés en devises pen-dant la récession de 2009. Ils commençaient à sortir la tête de l’eau lorsque la crise russe est arrivée. Coface a d’abord renoncé à reclas-ser ces pays avant de réinitier prudemment lemouvement en plaçant la République tchè-que sous surveillance positive. Selon l’assu-reur-crédit, la crise russo-ukrainienne pèse en réalité assez peu sur leur sortie de crise.

Du côté de l’Amérique latine, où la crois-sance est très inégale, deux pays seulement, l’Argentine et le Venezuela, sont considérés comme des risques élevés et très élevés. Ils étaient, cet automne, au bord de la crise de li-quidités et en récession. Mis au ban de la fi-nance internationale, ils n’avaient accès ni aux marchés financiers ni aux prêts multila-téraux. La Chine, qui est déjà un énorme prê-teur en Afrique, les a sauvés de la crise de li-quidités : swap de devises de la Banque cen-trale de Chine avec son homologue argentineen octobre ; crédit chinois de 4 milliards de dollars au Venezuela en novembre. Avec cetterégulation Sud-Sud inédite, la dépendance des émergents à l’égard des pays avancés di-minue. Enfin, à quelques rares exceptions près, dont la Chine, les pays de la région Asie-Pacifique présentent en majorité des risques moyens. p

pour yves zlotowski, écono-miste en chef de Coface et bon con-naisseur de l’économie russe, les sanctions envers la Russie ont eu de réelles conséquences.

Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque européenne pour la reconstruction et le déve-loppement (BERD) viennent de réviser à la baisse leurs prévi-sions pour la Russie. Le FMI y pré-voit une récession de 3 % en 2015, la BERD de 4,8 %. Et vous ?

Nous prévoyons, comme le FMI,une contraction du PIB de 3 % en 2015. La première moitié de l’an-née devrait être très difficile pour lesRusses. En 2014, qui fut déjà une an-née de croissance faible, la consom-mation russe avait résisté, pas l’in-vestissement. Au premier semestre 2015, du fait de la crise de change de décembre, la consommation devraitflancher et l’investissement se con-tracter davantage. En revanche, au second semestre, l’économie devraitcommencer à engranger les effets bénéfiques de la dépréciation du

rouble comme l’amélioration de la compétitivité des produits russes dans des secteurs aussi divers que l’agroalimentaire, l’automobile ou les machines-outils. Et, comme en 1998, le principe de réalité devraitjouer et les Russes devraient con-sommer des produits russes.

A quoi est due la crise de décem-bre 2014 ?

La crise a été provoquée par la con-jonction de la chute brutale des prix du pétrole et des sanctions décidées par les pays occidentaux à la suite del’intervention russe en Ukraine. En décembre, les autorités ont perdu lecontrôle du taux de change, ce qui aconduit à des pertes de pouvoir d’achat considérables et à la pousséedes risques inflationnistes.

Les sorties nettes de capitaux sesont accélérées. Elles ont atteint151,5 milliards de dollars sur l’ensem-ble de 2014, contre 120 milliards pré-vus par les autorités. Et 73 de ces 151,5 milliards de dollars sont sortis du pays au quatrième trimestre. Mais la Russie reste un pays riche. Et

comme son vieillissement démo-graphique entraîne des pénuries de main-d’œuvre qualifiée, notam-ment dans la banque et l’industrie, une partie des salaires continue d’augmenter. Nous ne voulons pas noircir le tableau. Les crises de change sont souvent suivies d’un re-démarrage économique rapide.

Quel est l’impact des sanctions ?Sanctions et contre-sanctions

créent de la défiance et des risques politiques. L’investissement était déjà mal en point en Russie en 2013. Dans les secteurs à double usage – ci-vil et potentiellement militaire – di-rectement touchés par les sanctions occidentales, les entreprises russes n’ont plus accès à certains biens d’équipement et désinvestissent. Par ailleurs, dans le secteur pétrolier,les champs sibériens arrivent à ma-turité et la Russie aurait besoin des techniques occidentales d’extrac-tion en eaux profondes pour pou-voir forer dans l’Arctique. Aujourd’hui, c’est impossible.

Les exportateurs et les investis-

seurs potentiels se détournent du pays. Cela met en cause la stratégie de Vladimir Poutine qui s’appuyait sur la technologie occidentale pour moderniser l’industrie. Faute d’ac-cès aux marchés, certaines entrepri-ses et certaines banques ne peuvent pas refinancer leurs dettes. Les ris-ques de défauts augmentent. Et sur-tout, en Ukraine, les combats redé-marrent, et rien n’est réglé sur le plan politique.

Quels sont les canaux de trans-mission de la récession russe à ses voisins ?

Il y en a deux principaux. La Russieest le principal client de la Biélorus-sie, de la Moldavie et de l’Arménie. Par ailleurs, de nombreux immigrés en provenance d’Asie centrale (Kir-ghizs, Tadjiks, Ouzbeks, Géorgiens, Arméniens…) y travaillent. Ils seront probablement les premiers touchés par la récession et devront réduire, voire interrompre leurs transferts fi-nanciers à destination de leurs pays d’origine. p

propos recueillis par c. gu.

« La première moitié de l’année 2015 sera très difficile pour les Russes »

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0123MERCREDI 28 JANVIER 2015 économie & entreprise | 3

La croissance du commerce en ligne s’essouffleLes ventes sur Internet ont progressé de 11 % en 2014, contre 19 % en 2012. Le retrait en magasin se généralise

Les e-commerçants peu-vent pousser un « ouf » desoulagement. Crise de laconsommation, guerre

des prix… l’année 2014 a été rude. Mais cela n’a pas détourné les consommateurs français de leurs claviers. Les ventes sur Internet ont progressé de 11 % dans l’Hexa-gone en 2014, pour atteindre57 milliards d’euros, selon le bilan annuel de la Fédération de l’e-commerce et de la vente à dis-tance (Fevad), publié mardi 27 jan-vier. « C’est légèrement supérieur àce que nous avions anticipé, grâce à un chiffre d’affaires en hausse de 13 % durant la période cruciale de Noël [novembre-décembre] », se réjouit Marc Lolivier, délégué gé-néral de la Fevad.

Le millésime 2014 s’inscrit tou-tefois dans la droite ligne des an-nées précédentes : la croissance de l’e-commerce s’essouffle. Elle était de 13,5 % en 2013 et encore de19 % en 2012. Pour la quatrièmeannée consécutive, le panier moyen des commandes est en baisse. Il a reculé de 4 % en 2014 : l’internaute français ne dépenseplus que 81 euros par transaction, 10 euros de moins qu’en 2010.Certes, ce recul est compensé parla hausse de la fréquence d’achat : les Français ont effectué en moyenne 20 transactionsen 2014, contre 18 en 2013. Mais « la déflation observée dans lecommerce physique est encore ac-centuée sur Internet, où le consom-mateur peut comparer les offres enun clic », justifie M. Lolivier.

La structure des achats joueaussi en faveur de montants plusfaibles : le premier poste de dé-penses sur Internet demeurel’électroménager et la high-tech,mais « on achète désormais aussibien des couches que des stylos surle Web », pointe M. Lolivier. Enfin, la tendance des cybermarchandsà proposer la livraison gratuite

pour attirer le chaland pénalise le panier moyen.

Surtout, de plus en plus de sitesproposent au consommateurd’acheter sur le Net et de venir re-tirer son produit en magasin (« click and collect »). Un argu-ment qui fait mouche en périodede crise, et correspond à la vo-lonté des consommateurs de fairedes allers-retours entre Internet et le commerce physique. « On a changé d’ère : aujourd’hui, le con-sommateur veut avoir le choix »,souligne M. Lolivier. Si 80 % des acheteurs s’aident d’Internet pour préparer leurs achats, près d’une commande sur trois estaujourd’hui retirée en magasin.Les consommateurs, urbains no-tamment, y voient l’avantaged’économiser les frais de ports et d’obtenir plus rapidement leurs produits.

Des reins solides

Pour les commerçants, c’est un moyen d’augmenter le trafic en magasin. Et le chiffre d’affaires :« Plus de 60 % des consommateursachètent au moins un article sup-plémentaire en venant retirer leursachats », indique M. Lolivier.

Un phénomène permis par uneautre tendance lourde de l’e-com-merce : la montée en puissance des enseignes « en dur ». « Le mar-ché français s’est construit avec despure players [présents unique-ment sur Internet] : Cdiscount, PriceMinister, Vente-privée… La distribution traditionnelle est par-tie en retard mais se rattrape dé-

sormais », souligne M. Lolivier.« L’année 2014 a été celle du re-

bond des enseignes en France », confirme Anne-Lise Glauser, di-rectrice chez PwC. Selon la classe-ment des 10 premiers sites d’e-commerce en termes de dépense des consommateurs, établi parPwC en novembre 2014, seuls les deux premiers (Amazon et Cdis-count) sont des pure players. Parmi les huit suivants, on trouve des enseignes spécialisées (Darty, Fnac, Boulanger…), mais aussi des distributeurs traditionnels (Au-chan, Carrefour, Leclerc…), dopés par l’essor du « drive » (courses ali-mentaires sur Internet retirées enmagasin).

« Les enseignes traditionnelles

ont investi pour développer le “multicanal”, avec le “click and col-lect” mais aussi la possibilité de vé-rifier en ligne les stocks des maga-sins, et de retourner en magasin unarticle qui ne donne pas satisfac-tion », indique Mme Glauser. Les enseignes physiques jouent aussi sur « l’expérience client », selon lejargon des spécialistes en marke-ting. La Fnac a ainsi transforméses magasins, y ajoutant des espa-ces enfants ou design pour attirer le chaland et compenser l’effon-drement de ses marchés tradi-tionnels.

Parties plus tard, les enseignesphysiques peuvent aussi jouer surles synergies avec leurs magasins pour limiter les pertes sur le Web.

Car développer un site Internet coûte cher : l’informatique, la lo-gistique (entrepôts) mais aussi lerecrutement de nouveaux clients demandent des reins solides. Amazon n’est pas rentable et les branches drive des distributeurs alimentaires ont longtemps été

des foyers de perte pour leurs maisons mères. Quant aux sites qui n’ont pas la taille critique (Pix-mania, Rue Du Commerce), ilssont à la peine.

Pour 2015, la Fevad se veut toute-fois optimiste : elle prévoit une hausse de 10 % des ventes en li-gne. Une croissance portée par lesnouveaux consommateurs – enFrance, 62 % des internautes achè-tent sur le Web, contre 79 % au Royaume-Uni, premier marché européen – et l’abondance de l’of-fre. « Il s’est créé, en 2014, 20 000 nouveaux sites marchandsen France [pour atteindre157 000], soit un toutes les demi-heures ! », souligne M. Lolivier. p

audrey tonnelier

Les prix alimentaires ont reculé de 0,7 % en 2014Les produits frais ont coûté moins cher (– 4,1 %) et tirent vers le bas les prix des produits commercialisés en grande surface

L es prix alimentaires se sontrepliés en France de 0,7 %en 2014, selon les chiffres

publiés lundi 26 janvier par l’Asso-ciation nationale des industries agroalimentaires (ANIA). Un re-cul, après une progression limitéede 1,4 % en 2013, lié d’abord au moindre coût des produits frais.Hors produits frais, les prix desproduits commercialisés par la grande distribution ont aug-menté de 0,3 %.

L’ANIA replace cette évolutiondes prix alimentaires dans uncontexte plus large. 2014 a étémarquée pour la France par laplus faible inflation de ces cinqdernières années. Une inflationpassée de 2 % en 2012, à 0,9 % en 2013 avant de tomber à 0,5 %l’année dernière. Cette décéléra-tion est liée à la baisse des prix à laconsommation de l’énergie, de la santé, alors que la progression du prix des services de logement se faisait moins forte.

Les prix alimentaires ont ainsicontribué à limiter l’inflation. Et

ce sont surtout les produits fraisqui ont pesé moins lourd dans leporte-monnaie des consomma-teurs. Leurs prix ont baissé en moyenne de 4,1 %. La météo très favorable a donné des récoltes de fruits et de légumes très abondan-tes. La crainte des conséquences de l’embargo russe sur les pro-duits alimentaires occidentaux, décrété début août 2014 par le pré-sident Vladimir Poutine, a encore accru la pression. On se souvientaussi des mouvements de pro-ducteurs de pêches ou de nectari-nes confrontés cet été à des prix

bradés ; ou de la colère, en sep-tembre, des légumiers bretons de chou-fleurs ou d’artichauts crou-lant sous les stocks de produit dé-valorisés.

La très forte récolte mondiale desucre a également fait plonger les cours mondiaux. Sans surprise, l’ensemble sucre, confitures affi-che un repli de 2 %. De même pourles boissons sans alcool.

Des opérations de promotion

A l’inverse, les prix des produits laitiers ont rebondi de 0,7 %, aprèsun recul de 0,9 % en 2013. Les pro-ducteurs de lait avaient engagé dé-but février un bras de fer avec les industriels et la grande-distribu-tion pour obtenir une valorisationdu prix du lait, alors que ce dernierdécrochait de celui de leurs voi-sins allemands. Mais au cours de l’année, la production mondiale a progressé, entraînant en fin d’an-née une dévalorisation du prix.

Les prix de la viande progres-sent eux légèrement de 0,9 %. Labaisse du prix des céréales a con-

duit à une réduction du coût de production de la volaille en cours d’année et donc à une stagnation des prix. Les éleveurs de bovins etde porcs, eux, continuent à de-mander une revalorisation des ta-rifs. Enfin, les boissons alcoolisésmaintiennent une pression à la hausse (+ 1,7 %) même si celle-ci est moindre qu’en 2013 (+ 3,2 %).

La baisse des étiquettes des pro-duits agroalimentaires est liée à laguerre des prix que se livrent lesgrandes enseignes de distribution

pour grignoter des parts de mar-ché. Toutefois selon l’institut d’études Nielsen, qui lui se penchesur l’ensemble des produits de grande consommation – agroali-mentaires mais aussi hygiène etentretien de la maison – la con-sommation a tenu en volume dans ce contexte tendu. Nielsen estime que, sur cet ensemble, la croissance en volume, a progresséde 1,1 % en 2014. L’ANIA se félicite, d’ailleurs, d’une légère progres-sion de la production agroalimen-

taire française à + 0,1 % entre no-vembre 2013 et novembre 2014.

Pour expliquer cette tenue, Niel-sen avance la place moindre que tient l’alimentaire dans le budget des ménages. Il ne se classe désor-mais plus qu’au sixième rang des préoccupations des Français. De plus, les magasins ont multipliéles opérations de promotion inci-tant à des achats en volume. L’ins-titut estime que l’ensemble des promotions a représenté l’équiva-lent de 3,7 milliards d’euros de gratuité, en progression de 11 %sur un an. Enfin, les clients sontde plus en plus sensibles aux nou-veautés. Cette année, 3 % du chif-fre d’affaires est le fait d’innova-tions, contre 2,6 % les années pré-cédentes. Ils ont donc tendance àacheter des produits plus chers.Globalement, grâce à une valori-sation des produits et une légère augmentation des volumes, Niel-sen estime que le marché de la grande consommation a pro-gressé de 1,3 % en 2014. p

laurence girard

La baisse des

étiquettes est

liée à la guerre

des prix que

se livrent

les grandes

enseignes

Le premier poste

de dépenses sur

le Web demeure

l’électroménager

et le high-tech

Un marché arrivé à maturité

SITES DE E-COMMERCE LES PLUS VISITÉS EN FRANCE

EN MILLIONS DE VISITEURS UNIQUES PAR MOIS

PART DES VENTES EFFECTUÉES SUR SMARTPHONES ET TABLETTES

SUR LES PRINCIPAUX SITES DE E-COMMERCES FRANÇAIS

BASE 100 EN 2011

LE MARCHÉ DE L’E-COMMERCE EN FRANCE, EN MILLIARDS D’EUROS

SOURCES : MÉDIAMÉTRIE, FEVAD*ESTIMATION

AMAZON

CDISCOUNT

FNAC

EBAY

CARREFOUR

PRICEMINISTER

VOYAGES-SNCF.COM

LA REDOUTE

VENTE-PRIVEE.COM

E.LECLERC

DARTY

LEROY MERLIN

AUCHAN

RUE DU COMMERCE

DECATHLON

17,5

10,7

10,7

7,9

7,6

7,5

6,9

6,8

6

5,5

5,4

5

4,9

4,7

4,4

2015*2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

2012 2013 2014

8,4 11,615,6

2025

3137,7

4551,1

56,862,4

+ 13,5 %

+ 21 %

+ 19 %

+ 11 %

+ 60 %

+ 106 %

+ 10 %

16 %

10 %

5 %

« L’année 2014

a été celle

du rebond

des enseignes

en France »

ANNE-LISE GLAUSERDirectrice chez PwC

Les marques de distributeur en repli

Les marques de distributeur (MDD) accusent le coup en 2014. « El-les sont en baisse de près de 0,6 % en 2014, après un recul de 0,3 % un an plus tôt », affirme Jacques Dupré, directeur Insight de l’insti-tut IRI, qui ajoute : « Alors qu’elles avaient atteint le seuil de 30 % des ventes en France en 2010, elles devraient repasser sous la barre des 29 %. » L’augmentation des promotions sur les marques natio-nales et la pression sur leur prix réduisent l’intérêt pour les MDD. L’institut Nielsen estime que les prix des marques nationales ont baissé en moyenne de 2,8 % en 2014. Enfin, comme le souligne M. Dupré : « Les Français sont aussi plus sensibles à la composition des produits. Et la cote d’amour des marques s’est renforcée. »

1 625 euros. C’est le montant moyen dépensé sur Internet par le consom-mateur français en 2014. Les ventes sur mobiles et tablettes ont pro-gressé de 60 % l’an dernier, pour atteindre 16 % du volume d’affaires des principaux sites d’e-commerce. « Ce phénomène est amplifié par le succès des sites de ventes événementielles [Vente-privée, Showroom-prive…] et les soldes : le consommateur se connecte dès 8 heures de-puis son smartphone dans les transports en commun », explique Marc Lolivier, délégué général de la Fédération de l’e-commerce (Fevad).

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6 | économie & entreprise VENDREDI 30 JANVIER 2015

0123

rio de janeiro – correspondant

Aucun groupe indus-triel n’a personnifié àce point l’ascension duBrésil. Aucun ne s’est

trouvé au cœur d’un tel scandale. Frappé de plein fouet par la révéla-tion d’un système de corruption et de pots-de-vin généralisé, legéant pétrolier Petrobras est de-venu en quelques mois le sym-bole extrême de tous les maux duBrésil. Une entreprise à la dérive sur laquelle plane désormais l’ombre des fonds vautours.

La publication des résultats fi-nanciers, mercredi 28 janvier, n’a pas apaisé les craintes des milieuxd’affaires. Après deux reports de publication, la firme a annoncéun bénéfice en baisse de 22 % sur la période janvier-septem-bre 2014, du fait de la chute descours du pétrole, mais elle s’est surtout révélée incapable de chif-frer les conséquences des pour-suites judiciaires dont elle faitl’objet. « Le groupe réalise qu’il sera nécessaire de procéder à desajustements de ses comptes pour introduire des modifications de la valeur de ses actifs fixes affectés par les contrats frauduleux pas-sés », s’est contenté d’indiquer lecommuniqué. Selon la police, lesmalversations au sein de Petro-bras s’élèveraient à près de 4 mil-liards de dollars sur dix ans. Les marchés, eux, anticipent des dé-préciations d’actifs entre 10 et 20 milliards de dollars. Une af-faire d’Etat qui fait trembler lacoalition au pouvoir et met endanger l’économie de tout un pays.

En moins d’un demi-siècle, Pe-trobras, ou Petroleo Brasileirodans sa version officielle, littérale-ment « pétrole brésilien », estvenu coiffer les plus grandes en-treprises du pays. Au cours de la période euphorique des années 2000, l’entreprise publique affi-che crânement un chiffre d’affai-res d’une centaine de milliards d’euros, portée par les découver-tes vertigineuses d’or noir sur lescôtes de Rio de Janeiro et Sao Paulo, les plus importantes de toute l’histoire contemporaine.Un fabuleux trésor naturel quiavait fait dire à la présidente Dilma Rousseff qu’il y avait de« forts soupçons que Dieu soit bré-silien ».

Commissions pharaoniques

Comment en douter ? A Wall Street, le groupe réussit, en 2010,une augmentation de capital his-torique de 70 milliards de dollars. De quoi hisser le géant à la hui-tième place des entreprises mon-diales, selon le classement du ma-gazine Forbes. Les responsablesde la première multinationale brésilienne rêvent alors de dépas-ser Apple. Et de permettre au Bré-sil d’acquérir son indépendance énergétique pour venir enfin jouer dans la cour des grands.

La chute n’en sera que plus bru-tale. Les révélations sont désor-mais quasi quotidiennes. Des diri-geants ont été emprisonnés. Des listes d’hommes politiques de-vraient être rendues publiquesdans les prochains jours. On évo-que des commissions pharaoni-ques venues alimenter les caisses noires du Parti des travailleurs(PT) de Dilma Rousseff et de deux autres formations de la coalition gouvernementale, le Parti du mouvement démocratique brési-

lien (PMDB) et le Parti progres-siste (PP). D’autres encore. « Le système de corruption mis enplace ces dix dernières années a étéfait pour que les formations au pouvoir se maintiennent en place », a affirmé l’avocat d’un desprincipaux prévenus.

En plus de Petrobras, 33 entre-prises sont aujourd’hui dans le collimateur des juges. Parmi elles figurent quelques-uns des plus importants employeurs du pays, soit au total plus de 400 000 sala-riés. On ne compte plus les chan-tiers suspendus ou retardés, les contrats non signés, les lignes de crédits suspendues ou renvoyées à des temps meilleurs.

Les enjeux sont tels, estiment enchœur les analystes, que les déci-sions de justice à venir pourraientavoir des conséquences incalcula-bles pour le pays. « L’affaire de cor-ruption de Petrobras va-t-elle pa-ralyser le Brésil ? », interroge l’heb-domadaire économique Exame, pointant le risque de contamina-tion aux autres secteurs de l’éco-nomie déjà affectés par un net ra-lentissement. Sous couvertd’anonymat, un ancien responsa-ble du groupe à la retraite af-firme : « Personne ne peut dire jus-qu’où nous entraînera ce proces-sus douloureux. J’espère seulementque cela permettra de clarifier et améliorer les relations entre les secteurs publics et privé. Le pro-blème est le prix à payer. »

A l’origine de l’affaire, uneplainte, déposée en 2008 par un certain Hermes Magnus, patrond’une entreprise de fabrication decomposants électroniques pour voitures à Londrina, opulente citéagricole de l’Etat du Parana, au sud du pays. L’homme accuse plu-sieurs personnalités locales d’uti-liser sa société pour blanchir del’argent. Parmi eux, le député JoséJanene (PP) et l’entrepreneur Al-berto Youssef, vieille connais-sance des enquêteurs pour avoir trempé dans un scandale impli-quant la banque publique Banes-tado. Son nom apparaît égale-ment dans l’affaire du Mensalao,

ce système de rémunérations oc-cultes versées à quelques députés en échange de leurs votes et qui avait failli coûter, en 2006, sa réé-lection à Lula.

Hermes Magnus affirme avoirvu des valises de billets transiterpar son siège. Il avance même des montants de plusieurs millionsde reais. Menacé, il quittera le pays. José Janene décéderaen 2010. Les policiers, eux, tisse-ront patiemment leur toile autour d’Alberto Youssef.

En mars 2014, l’affaire éclate augrand jour. Quelque 400 agentsfédéraux lancent un coup de filet dans le sud du pays et à Brasilia.Une perquisition dans une banalestation de lavage auto et pompe à essence de la capitale révèle des transferts douteux de plusieursmillions de reais. L’affaire Petro-bras prend le nom de code « lava-jato » (Kärcher).

Une vingtaine de personnessont arrêtées dont Alberto Yous-sef. A son domicile, les policiers découvrent une berline de luxe avec des papiers enregistrés à son adresse, mais au nom de Paulo Roberto Costa, un ex-directeur de Petrobras. Il sera arrêté trois jours plus tard.

S’ensuit un grand déballage.Plusieurs prévenus collaborentavec la police fédérale dans l’es-poir d’une réduction de peine. Les témoignages permettent deremonter jusqu’à la gigantesque raffinerie Abreu e Lima située aunord-est du pays. Des sommesvertigineuses destinées à saconstruction (dont le coût total est passé de 2,4 à 18,5 milliards dedollars) auraient alimenté un for-midable réseau de blanchiment.De fil en aiguille, les enquêteursdécouvrent un système de pots-de-vin versés par des dizainesd’entreprises du BTP pour décro-cher des contrats surfacturésavec Petrobras. Une commission de 1 % à 3 % de leur montant de-vait ensuite alimenter les caissesnoires des partis. Au détourd’une déposition, Paulo RobertoCosta admet avoir reçu 1,5 mil-

lion de dollars pour faciliter le ra-chat de la raffinerie de Pasadena.L’opération avait fait perdre à Pe-trobras 792 millions de dollars,selon le Tribunal des comptes del’union (TCU). Une enquête lan-cée par le gendarme boursier américain (SEC) est en cours. Lemême Costa dit encore avoirdonné 10 millions de reais à unhaut dirigeant du principal partid’opposition (PSDB) pour qu’ilenterre une commission d’en-quête parlementaire sur Petro-bras.

Les liaisons dangereuses

Nouveau coup de tonnerre. Le 14 novembre 2014, la police arrête 21 dirigeants et présidents de grandes entreprises brésiliennes,dont OAS, IESA ou UTC. Près de720 millions de reais sont bloquéssur leurs comptes. Selon le minis-tère public, le système de com-missions mis en place entre le pé-trolier et ses partenaires existait depuis près de quinze ans. La somme des contrats signés dé-passerait 59 milliards de reais. Le lava-jato devient une affaire gigo-gne, où l’étalage des pots-de-vin jette une lumière crue sur les liaisons dangereuses qu’entre-tiennent les groupes de construc-tion (grands donateurs de campa-gne) et les partis politiques (prin-cipaux parrains des nominations à la direction de Petrobras) par lebiais des marchés publics.

Le nombre d’entreprises sujet-tes à un contrôle ou une misesous tutelle par les autorités fédé-rales provoque retards et bloca-ges sur les chantiers. « En 2015, les

paralysies vont être routinières », avance un proche du dossier. Lelava-jato menace ainsi la cons-truction d’un tunnel sous la villeportuaire de Santos, un projet de2 milliards de reais qui devaitcommencer en mars. Trois desquatre groupes de constructionen lice pour ce marché sont im-pliqués dans le scandale. Aunord, dans le Pará, trois entrepri-ses du consortium de construc-tion du barrage de Belo Monte, leprincipal projet énergétique dupays (30 milliards), risquent ungel de leurs comptes ou unevente d’actifs. Même le stade de football des Corinthians à Sao Paulo, qui avait accueilli la céré-monie d’ouverture de la Coupe du monde, est dans le viseur des enquêteurs.

L’enquête a franchi les frontiè-res. La société néerlandaise SBMOffshore a été la première à ad-mettre, en novembre, avoir payédes commissions à Petrobras pour obtenir des contrats de li-vraison de plates-formes. Le mon-tant s’élèverait à 200 millions de dollars. Plus récemment, les en-quêteurs se sont intéressés à desopérations financières effectuées au nom de la société canadienne Bombardier. Des sommes auraient transité par un des comptes suisses de Santa Tereza Services, une société offshore créée en Nouvelle-Zélande et qu’aurait utilisée Alberto Youssef pour le paiement de dessous-de-table à l’étranger.

La question désormais est de sa-voir comment Petrobras va survi-vre à ce nettoyage. « Too big to fail » (« trop gros pour mourir »),disent les plus optimistes. Il n’em-pêche. Le risque d’un démantèle-ment ou d’une division des activi-tés en vue d’une privatisation par-tielle est évoqué. Du côté du mar-ché américain, principale source de financement de Petrobras, onévoque la suspension de ses ac-tions à la Bourse de New York.

Petrobras avait envisagé d’in-vestir 45 milliards dans ses explo-rations offshore. Plus de la moitié

de cette somme devait être levéece premier trimestre 2015. Maisavant, il lui faudrait pour cela pu-blier des comptes 2014 en règle. Or l’auditeur indépendant PwC, qui contrôle les comptes de Petro-bras, vient d’expliquer docte-ment qu’il ne signerait le bilan dugroupe que le jour où celui-ci par-viendrait à évaluer l’impact fi-nancier de son système de cor-ruption… p

nicolas bourcier

Le siège de Petrobras, à Rio de Janeiro, encerclé par les forces de sécurité, lors d’une manifestation, le 21 octobre 2014. FELIPE DANA/AP

En plus

de Petrobras,

33 entreprises

sont aujourd’hui

dans le

collimateur

des juges

Petrobras, le scandale qui éclabousse le BrésilLa première multinationale du pays est au cœur d’un système généralisé de corruption politique

L’entreprise

est devenue

en quelques mois

le symbole

de tous

les maux

du Brésil

LES SCÉNARIOS

Le magazine économique Exame a émis des hypothèses possibles pour les douze prochains mois.

« OPTIMISTE »Le prix du baril de pétrole re-monte à 110 dollars, Petrobras reconnaît que le système de cor-ruption mis en place a coûté 5 milliards de reais. Le groupe parvient à boucler son bilan fi-nancier. Le cours de son action gagne 60 % et passe à 22 reais.

« DE BASE »Le baril est à 95 dollars et le coût de la corruption admise par Pe-trobras est de 12 milliards de reais. Le rythme de construction des plates-formes est ralenti mais la production de pétrole augmente. Les bénéfices engran-gés en 2014 sont de 10 milliards de reais. Le cours de l’action passe à 12 reais (-15 %).

« PESSIMISTE »Le prix du baril se rapproche des 75 dollars et Petrobras admet 21 milliards de reais de pots-de-vin. L’entreprise ne parvient pas à publier son bilan financier et doit payer l’amende de 340 mil-liards de reais. La banque publi-que de développement BNDES lui vient en aide. L’action chute à 5 reais.

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0123VENDREDI 30 JANVIER 2015 idées | 7

TENDANCE FRANCE | CHRONIQUE

par claire guélaud

Une faillite sans précédent dans la lutte contre le chômage

Q uelque 174 800 chômeurs deplus en 2013 ; 189 000en 2014 ; 572 000 depuis ledébut du quinquennat de

François Hollande. Fin décembre 2014,la France comptait 3 496 400 sans-emploi. Un record. Si l’on ajoute à ce stock les personnes en activité ré-duite, 5 218 200 étaient inscrites à Pôle emploi et tenues, selon la terminolo-gie consacrée, de « faire des actes posi-tifs de recherche d’emploi ». Pas d’amé-lioration en vue à court terme : la population active continuant d’aug-menter et la croissance étant bien trop faible pour permettre des créa-tions nettes d’emplois dans le secteur marchand, l’Unedic prévoit quelque 100 000 chômeurs de plus en 2015.

A la fin du mois de décembre 2014,tous les indicateurs avaient viré au rouge : le chômage des jeunes, en hausse de 2,6 % sur un an malgré le recours massif aux contrats aidés, ce-lui des 25-49 ans (+ 5,9 %) et celui des seniors (+ 10,4 %). Le chômage de lon-gue durée (un an ou plus) a été pro-pulsé à des niveaux inédits : 2,2 mil-lions de personnes. Parmi elles, un million sont au chômage depuis au

moins deux ans (et moins de trois). Le ministre du travail, François Reb-samen, doit annoncer, le 9 février, un arsenal de mesures en leur faveur. Le dernier grand « plan » contre le chô-mage de longue durée date de 1992. François Mitterrand était à l’Elysée et Pierre Bérégovoy à Matignon. Quel-que 900 000 personnes étaient alors inscrites à l’Agence nationale pour l’emploi depuis un an ou plus…

La dégradation du marché du travailest sans précédent. Elle est aussi telle-ment prévisible, compte tenu du dy-namisme de notre démographie et de la faiblesse de notre croissance, qu’on finit par y prêter trop peu d’attention, alors que la pauvreté et l’exclusion s’étendent dans des proportions alar-mantes. « En France, un enfant sur cinqvit dans une famille pauvre. La propor-tion s’élève même à un sur trois pour ceux qui sont élevés dans une famille monoparentale », témoignait le prési-dent d’ATD Quart Monde, Pierre-Yves Madignier, le 23 janvier aux Entretiens du Trésor, une conférence-débat con-sacrée en 2015 au thème suivant : « Quelles politiques publiques pour quelles inégalités au XXIe siècle ? »

Du chômage, il n’y fut question quemarginalement, et des inégalités hommes-femmes, comme l’a dit Lau-rence Parisot, l’ex-présidente du Me-def, pas du tout. Le ministre de l’éco-nomie, Emmanuel Macron, avait ouvert la rencontre sans masquer les difficultés du gouvernement. « Il faut changer nos méthodes d’intervention. Anticiper. Revisiter la dynamique de nos politiques publiques et agir le plus en amont possible. L’école doit être la priorité absolue », déclara-t-il, en in-sistant sur « la nécessité d’ouvrir le système pour redonner des accès aux outsiders et pour retrouver une forme d’égalité d’opportunités ».

UNE « THÉRAPIE DE CHOC »

On l’aura compris : le ministre défen-dait aussi son projet de loi sur la croissance et l’activité censé déver-rouiller l’économie, comme le recom-manda en 2008 la commission Attali pour la libération de la croissance française, dont M. Macron fut rappor-teur. Mais les souplesses qu’il apporte n’enrichiront que partiellement la croissance en emplois. Il faudrait des remèdes autrement plus vigoureux

pour sortir le pays – et la zone euro – du piège de la « stagnation séculaire ».

Dans leur dernier livre – Croissance zéro, (Fayard, 200 p., 16 €) –, Patrick Ar-tus et Marie-Paule Virard se deman-dent « comment éviter le chaos ». Ils explorent la dynamique de la stagna-tion ou du recul de la productivité glo-bale des facteurs : la perte d’efficacité de la recherche et développement, l’augmentation de l’intensité capitalis-tique, l’« amaigrissement irrésistible » de l’industrie manufacturière, l’insuf-fisant niveau de qualification de la po-pulation active et les incertitudes sur l’ampleur de la révolution du Net. Un scénario noir qui fabrique « une baisse du niveau de vie, associée à l’explosion de la pauvreté et de la précarité ».

C’est une « thérapie de choc » qu’il faut à la France, affirment sans sur-prise les auteurs, qui avancent dix me-sures pour sortir le pays de l’ornière. Ils proposent de ramener le smic de 62 % à 50 % du salaire médian pour favoriser l’emploi des jeunes non qua-lifiés et de compenser cette baisse par des dépenses de transfert pour les plus modestes, d’investir massive-ment sur les formations techniques et

professionnalisantes (encore faut-il que les entreprises y consentent !), de mettre en place un contrat de travail unique, de repousser d’une année l’âge de la retraite pour tous et de sta-biliser les dépenses vieillesse dans le produit intérieur brut à 14 %, de pla-cer les négociations salariales sous surveillance. Reste à savoir comment « vendre » ces pistes à l’opinion alors que le chômage s’envole et que les inégalités se creusent. Sur ce point, nos auteurs sont muets. Dommage ! Car l’acceptation des réformes ou leur rejet est un problème central pour les gouvernements, comme le montrent les élections grecques. p

[email protected]

LE CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE (UN AN OU PLUS)

A ÉTÉ PROPULSÉ À DES NIVEAUX INÉDITS :

2,2 MILLIONS DE PERSONNES

collectif

Dans Le Monde du4 juillet 2012, plusieursgrandes voix des sciencessociales demandaient au

gouvernement de garantir le plura-lisme au sein des institutions de re-cherche et d’enseignement de l’écono-mie, pluralisme sans lequel il ne saurait y avoir de débat démocratique informé et rigoureux. Il s’agissait de tirer les leçons de la crise financière de 2008 qui avait montré combien pou-vait être contre-productive une pen-sée économique trop homogène et sûre d’elle-même.

Nous sommes aujourd’hui obligés de constater que rien n’a changé, ni dans les programmes de recherche, ni dans l’enseignement. Cela tient à la position de monopole qu’occupent les approches dites mainstream (« domi-nantes »). Nous ne nions en rien l’in-térêt de celles-ci, ni leur rayonnement. Mais nous faisons valoir qu’il existe, en France comme à l’international, d’autres traditions de pensée qui, bien que bénéficiant auprès des chercheurs et des étudiants d’une forte attracti-vité, se trouvent bloquées du fait d’une pratique à courte vue de la règle majoritaire qui permet à ceux qui do-minent de tout s’approprier. Cette destruction du pluralisme en écono-mie ne peut être niée ; le constat en a été fait maintes fois dans une succes-sion de rapports officiels. Un récent travail statistique a montré que, sur la période 2005-2011, sur 120 nomina-tions de professeurs, seuls 6 apparte-naient à des courants minoritaires !

Une prise de conscience s’en est sui-vie, dont la création en 2009 de l’Asso-ciation française d’économie politique (AFEP, forte de plus de 600 docteurs en économie et sciences sociales) sur le mot d’ordre de « défense du plura-lisme en économie ». Cette association avait proposé que, à titre expérimen-tal, et pour quatre ans, un nouvel es-pace de recherche et d’enseignement soit ouvert pour permettre à cette conception alternative d’une écono-mie « ancrée dans les sciences socia-les » d’exister. Au bout de ces quatre années, la décision serait prise, au vu des résultats, soit d’en pérenniser l’ex-périence, soit d’y mettre fin. Cette pro-

position équilibrée, qui, rappelons-le, n’enlève rien au fonctionnement ni aux moyens de l’économie mains-tream, a reçu un fort soutien dans le corps des enseignants-chercheurs d’économie, puisque avant même son existence 300 d’entre eux sur 1 800 ont signé une déclaration solennelle dans laquelle ils disaient leur souhait de rejoindre un tel espace dès lors qu’il serait créé.

RÉACTION VIOLENTE

L’urgence du problème posé, la sim-plicité de la solution proposée et le soutien qu’elle a reçu dans la commu-nauté académique ont convaincu le ministère de l’enseignement supé-rieur qui, en décembre 2014, a an-noncé la création d’un nouveau do-maine « économie et société », à côté des quelque 80 sections du Conseil national des universités. Dès que cet accord a été connu, il s’en est suivi une réaction violente. Le président de l’actuelle section sciences économi-ques a menacé de démissionner si le décret n’était pas abrogé ! Une partie des doyens de faculté d’économie et lui-même ont affirmé dans Le Figaro du 4 janvier 2015 que cette création va servir à « caser les ratés ou frustrés » du système universitaire, « ceux qui n’arrivent pas à se faire publier dans des revues de renom ». Ils ajoutent pour faire bonne mesure : « La minis-tre s’est fait rouler par les gauchistes. »

Nous avions pensé qu’un tel argu-mentaire, avancé non par des inter-nautes autoradicalisés mais par de hautes personnalités de l’institution économique universitaire, permet-trait au ministre de mesurer concrète-ment ce qu’il en est de la pratique du pluralisme et du dialogue dans nos institutions. Cela donne une idée en vraie grandeur de ce que nous ne ces-sons de répéter quand nous expli-quons que, dans le cadre actuel, le di-vorce est la meilleure solution pour pouvoir se reparler à nouveau. Le mi-nistère aurait pu également s’interro-ger sur la logique d’un argument qui traite 300 enseignants-chercheurs de « ratés » et de « frustrés » pour, dans le même temps, s’opposer avec la der-nière violence à leur départ… Malheu-reusement, la réponse du ministère fut tout autre : l’annonce de la nou-velle section a été ajournée.

L’économie est assurément une science difficile. L’attitude consistant à croire qu’on a absolument raison et que les autres sont des « nuls » est sui-cidaire. A-t-on oublié le terrible échec des économistes, incapables de met-tre en garde contre la crise de 2008 ? Rappelons que, pendant vingt ans, l’efficience financière a été vendue urbi et orbi comme étant la « proposi-tion économique ayant les fondements empiriques les plus solides » ! Etre in-novant dans un monde qui bouge, ce n’est pas nécessairement aller là où la majorité se trouve déjà.

Or, en France, nous possédons un trésor : cette manière de faire de l’éco-nomie, qui remonte à l’Ecole des an-nales et à Fernand Braudel, mêle des auteurs aussi variés que John Rogers Commons, Karl Marx ou John M. Key-nes. Elle a une longue histoire et de nombreux soutiens. Il n’est pas aisé de la résumer en quelques mots, car elle se veut elle-même farouchement plurielle. Elle pense que le progrès vient d’une hybridation de l’économie et des sciences sociales. De nombreux chercheurs et de nombreux étudiants s’y reconnaissent. Tant mieux !

Leur permettre de mener à bien leurs projets scientifiques n’enlève ab-solument rien à ceux qui restent dans l’approche dominante. Cette nouvelle section doit être vue comme un plus pour tous : d’abord pour ceux qui auront à cœur de faire la preuve que leur démarche fonctionne, mais aussi pour le mainstream, qui a assurément besoin de l’aiguillon de la concurrence s’il veut progresser et continuer à être innovant. N’est-ce pas là une proposi-tion que tous les économistes de-vraient être capables d’entendre ?

Madame la ministre, allez au bout de votre projet, donnez une chance à la liberté d’expression d’idées écono-miques diverses : créez une nouvelle section « économie et société » ! p

¶André Orléan, président de l’Association française d’économie politique ; Bruno

Amable, professeur de sciences économi-ques, université Paris-I ; Gaël Giraud,

économiste, directeur de recherche au CNRS ; James K. Galbraith, économiste, University of Texas at Austin ; Steve

Keen, économiste, Kingston University, London ; Nancy Fraser, philosophe politi-que, New School for Social Research ; Michael Piore, économiste, MIT ; Alain

Supiot, professeur au Collège de France... Retrouvez la liste complète des

signataires sur Lemonde.fr

Les économistes ont aussibesoin de concurrence

Des économistes et chercheurs en sciences sociales veulent créer une section « économie et société », au nom du pluralisme de leur discipline

ENTREPRISES

La gouvernance en mutation

par pierre-yves gomez

Achaque période de crisecorrespond une mutationprofonde des entreprises.C’est une loi constante qui

a vu apparaître le taylorisme avec lacrise des années 1890, la généralisa-tion du fordisme avec celle des an-nées 1930, le toyotisme puis l’entre-prise financiarisée dans les an-nées 1970. La crise actuelle accouchedonc naturellement de nouvelles for-mes d’organisation, encore indécises,mais dont deux caractéristiques sontpeu discutables.

Première caractéristique, les fron-tières entre producteurs et clientssont devenues perméables. Lesclients assurent une partie du travail dans la réalisation des produits oudes services, soit en achetant desprestations non finies, comme lesmeubles en kit, soit en inventant des produits qu’ils revendent à l’entre-prise, comme les applications desmartphones développées par lesclients eux-mêmes, soit en définis-sant les produits adaptés à leurs be-soins que l’entreprise est chargée deréaliser, grâce aux technologies Inter-net ou aux imprimantes 3D. Le travailproductif déborde donc le cadre de l’entreprise classique.

HIÉRARCHIES INADAPTÉES

Deuxième caractéristique, les hiérar-chies d’hier deviennent inadaptées.La financiarisation exigeait le tra-çage, à tous les niveaux de l’entre-prise, de la création de la valeur orien-tée vers l’actionnaire, et donc un sys-tème d’information et de contrôlelourd et sophistiqué. Or l’empile-ment de couches managériales est inefficace dans des environnementsfluides et quand l’innovation par letravail est la principale source de dif-férenciation indispensable à la surviedes entreprises. Nous entrons dansl’ère du management du travail réel,

qui mise sur les compétences spécifi-ques, les savoir-faire autonomes etles « tours de main » des employés,plutôt que sur les normes généralesprescrites par la hiérarchie. On quali-fie en France d’entreprise « libérée »cette révolution managériale don-nant aux équipes de base une plus large autonomie dans la prise de déci-sion. Ce concept a été popularisé parle livre d’Isaac Getz et Brian Carney(Liberté & Cie. Quand la liberté des sa-lariés fait le bonheur des entreprises,Flammarion, 2013).

Ces nouvelles formes d’organisa-tion bouleversent la gouvernance desentreprises, même si la réflexion est encore balbutiante sur le sujet. Latransformation des organisations in-fluence toujours leur gouvernance, comme le fordisme, le toyotisme puisla financiarisation l’ont montré, en donnant le pouvoir à la technocratiemanagériale puis aux représentantsdes actionnaires. Les organisations de l’après-financiarisation accordent,elles, une importance décisive au tra-vail. Comment évoluera donc la gou-vernance de telles entreprises ?

Pour répondre, il faudra reconsidé-rer la question de la souveraineté surles entreprises. Conventionnelle-ment, celle-ci a été confiée dans les dernières décennies aux détenteursde capitaux. Cette croyance collectivealimentée par l’école néolibérale pa-raît assez peu soutenable lorsque letravail des salariés mais aussi celuides clients ou des fournisseurs sontvus comme la clé du succès des entre-prises qui réussissent. Par ailleurs,l’existence d’une « propriété » surl’entreprise devient aussi floue que ses frontières. Quel rôle des action-naires justifiera leur pouvoir de les orienter quand l’enjeu sera moinsl’apport de capital que la qualité et la capacité créatrice du travail ? Une ré-volution se profile…

On peut s’étonner que MM. Getz etCarney, ainsi que les nombreuxexemples que l’on peut observer (voirLiberteetcie.com), démontrent que, si les entreprises transforment radi-calement leur organisation au profitdu travail, c’est parce que leurs diri-geants ont de fortes convictions en cesens. Or, presque toujours, ils en sontles actionnaires principaux, sinonuniques. Ainsi, la forme la plus abso-lue de propriété actionnariale a en-gagé une mutation qui pourrait con-tester à terme… la propriété actionna-riale. Paradoxe récurrent, tant l’His-toire, y compris celle des entreprises,a connu de révolutions lancées pardes despotes éclairés. p

¶Pierre-Yves Gomez

est professeurde managementstratégique et directeurde l’Institut françaisde gouvernementdes entreprises à l’EM-LyonBusiness School

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8 | MÉDIAS&PIXELS VENDREDI 30 JANVIER 2015

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L’année de tous les records pour FacebookLe réseau social au 1,39 milliard d’utilisateurs a doublé ses bénéfices en 2014 grâce à la publicité sur mobile

suite de la première page

Beaucoup d’analystes ont pointéun certain désamour des adoles-cents pour le réseau social, expli-que Debbie Williamson, du cabi-net eMarketer, mais nous sommespersuadés que c’est encore un outilqu’ils utilisent massivement et auquel ils accordent de l’attention, même s’ils ne se connectent pas tous les jours. »

Cette accumulation de bonnesnouvelles n’a pas empêché le ré-seau social bleu de perdre 1,17 %, à 75,35 dollars, à la Bourse de NewYork après clôture mercredi soir. Hors clôture, il était à 76,29 dol-lars et reste valorisé à 210 mil-liards de dollars. Un chiffre qui n’acessé de grimper depuis l’intro-duction ratée de Facebook au Nas-daq en mai 2012. A l’époque, le ti-tre avait très vite plongé sous son cours d’introduction et s’était même retrouvé pendant un temps dans les abysses de la Bourse. Au départ très enthou-

siastes, les marchés avaient fini par clouer l’entreprise au pilori. En cause, de sérieux doutes sur sa capacité à capter le marché de la publicité mobile. En 2012, Face-book voyait déjà une grosse partiede son trafic passer par les smart-phones, mais n’avait aucun pro-duit à proposer aux annonceurs sur cette plate-forme.

Des vidéos « uniques »

Une époque aujourd’hui révolue. Sur le dernier trimestre 2014, lapart du mobile dans ses recettes aatteint 69 %, contre 66 % de juilletà septembre de la même année. Selon le cabinet eMarketer, le site de Mark Zuckerberg s’est adjugé18,4 % de la publicité mobile mon-diale en 2014, contre 16,6 % en 2013. Un marché valorisé aujourd’hui à 40,2 milliards de dollars et voué à croître.

S’il a réussi son pari, c’est que Fa-cebook a introduit des formatspublicitaires innovants : les an-nonces s’affichent dans le « flux

d’information » de l’utilisateur comme n’importe quelle autre nouvelle postée par « un ami ».« Les annonceurs ont la possibilité de s’adresser à une personne en fonction d’informations qu’elle a elle-même données au réseau so-cial, ils peuvent ensuite vérifier demanière assez fine si la publicité a été efficace, si les consommateurs ont cliqué ou pas par exemple », souligne Mme Williamson.

Mais, pour l’analyste, la vérita-ble force de Facebook aujourd’hui est la publicité vidéo. « Leurs vi-

déos sont uniques, car elles se met-tent en route quand le mobinaute parcourt son flux et qu’il arrive dessus. Sur les autres plates-for-mes comme YouTube, il fautd’abord lancer une vidéo et une pu-blicité se déclenche avant », souli-gne-t-elle.

Eleni Marouli du cabinet IHSfait, pour sa part, remarquer quel’audience du site est telle qu’il y aeu en 2014 un moment où les vi-déos sur Facebook ont été plusvues que celles de YouTube. « Le

Ice Bucket Challenge [ce défi où lescélébrités se jetaient des seaux pleins de glaçons sur la tête] leur apermis de passer devant. La pub vi-déo en ligne est un marché gigan-tesque qui ne va cesser de croître etsur lequel même les télévisions vont aussi se positionner agressi-vement. Mais Facebook sera pourelles un sérieux compétiteur », dé-crypte-t-elle.

Les analystes estiment, en outre,que Mark Zuckerberg a encore desatouts dans sa manche. Il s’agit

bien sûr du réseau de partage d’images Instagram et de l’appli-cation de messagerie instantanée What’s App, acquise pour 19 mil-liards de dollars en 2013. Pour l’instant, ces deux plates-formes,qui comptent respectivement 300 et 700 millions d’utilisateurs,ne génèrent aucun revenu. Mais, le jeune patron a promis mer-credi, lors de la conférence télé-phonique de présentation des ré-sultats, qu’il en serait bientôtautrement. « Ils atteindront un ni-veau où ils contribueront de ma-nière plutôt importante à notre ac-tivité », a-t-il indiqué. Et de préci-ser : « Il est important de faire ça bien et de ne pas se précipiter. »

« Dans les deux cas, l’audienceest colossale. Et si Snapchat et ses 200 millions d’utilisateurs peuventattirer des annonceurs, alors What’s App pourrait faire un car-ton le jour où ils trouveront le pro-duit adéquat », conclut Mme

Williamson. psarah belouezzane

Les publicités

s’affichent dans

le flux comme

n’importe quelle

autre nouvelle

postée par

« un ami »

Publicité : le numérique poursuit sa progressionLe marché de l’e-pub augmente de 4 % en 2014, tiré par la forte croissance du mobile

L a publicité en France est deplus en plus numérique…mais le poids des nouveaux

médias y reste moins important que dans d’autres grands pays européens. Tel est le principal en-seignement apporté par l’Obser-vatoire de l’e-pub, dont les chiffrespour 2014 ont été publiés, jeudi29 janvier. Selon cette étude pré-sentée par le Syndicat des régies Internet (SRI) en partenariat avec l’Union des entreprises de conseilet achat médias (Udecam), le mar-ché de la publicité « digitale » aprogressé de 4 % en 2014, pour at-teindre 2,89 milliards d’euros. Il s’agit du seul canal en progres-sion sur un marché de la publicitéstagnant. Le numérique se placeainsi comme le deuxième média d’investissement des annon-ceurs, avec 25 % de part de mar-ché, derrière la télévision (27 %) mais devant la presse (24 %).

« Plus qu’à un transfert, on as-siste à une complémentarité crois-sante entre les différents médias, interprète Arthur Millet (Amaury Médias), président du SRI. Les acheteurs intègrent davantage lenumérique en amont de leur stra-tégie de communication, aux côtésdes autres canaux. »

Pour Jean-Louis Chétrit (CaratFrance), président de l’Udecam,cette normalisation s’expliquepar le fait que « la prise de cons-cience de la nécessaire transforma-tion numérique par les entreprises a eu lieu » : celles-ci auraient dé-sormais intégré que toutes leursactivités, dont leur communica-tion, devaient se « digitaliser ». « Ily a aussi une meilleure compréhen-sion de ce que peut apporter le digi-tal en complément des médias tra-ditionnels, c’est-à-dire de la perfor-mance, jusqu’à la transformationen acte d’achat », ajoute-t-il.

Mais cela n’a pas suffi pour voirla France rattraper ses grands voi-sins. Les 25 % de part de marché du numérique y restent inférieurs

aux 35 % et 30 % qu’il occupe res-pectivement au Royaume-Uni eten Allemagne. Pour Sébastien Le-royer, directeur chez Pricewate-rhouseCoopers, qui a réalisél’étude, l’explication est avant tout culturelle : les acteurs fran-çais attendraient plus longtemps pour s’assurer que « ça marche » avant de se lancer.

Le plus frappant est sans doute lavitesse à laquelle ce marché se transforme. À l’image du poids de la vidéo, qui représente désormais28 % du « display » (c’est-à-dire tous les formats publicitaires hor-mis le « search » – les résultats de recherche – et l’affiliation). « Un couple télévision/Web se met en place autour de la publicité vidéo, les deux progressent en parallèle », note M. Millet. En pratique, ce sontsouvent les mêmes créations pu-blicitaires qui sont désormais dif-fusées à la télévision et sur le Web.Le développement de la vidéo se fait au détriment des bannières traditionnelles, en recul de 6 %.

Formats interactifs

L’autre progression spectaculaireest celle du mobile, en croissance de 77 % sur l’année, à 407 millionsd’euros. Selon M. Leroyer, « la croissance des prochaines annéesse fera sur le mobile au détriment du desktop [les écrans fixes] ». Mais la conquête de ce nouveau territoire suppose une série de ruptures technologiques : déve-loppement d’outils adaptés auxapplications, invention de for-mats plus interactifs pour ame-ner l’utilisateur vers un acted’achat, poursuite de l’effortd’équipement des entreprises en plate-forme de gestion de don-nées… Des conditions qui permet-tront de voir émerger ce nouvelunivers où la publicité individua-lisée sera proposée sur un lieu et àun moment opportuns, négociée en temps réel et à l’unité sur des plates-formes automatiques.

Le mobile fera, et fait déjà, bou-ger les lignes. Ainsi, Google reste l’acteur ultra-dominant de l’uni-vers numérique où domine le « search », avec 59 % de part demarché. « Mais sur le mobile, on voit plutôt se structurer un marchéavec deux acteurs dominants : Google et Facebook », relève M. Leroyer. p

alexis delcambre

Le deuxième

média

d’investissement

derrière la

télévision mais

devant la presse

SOURCE : BLOOMBERG

19 MAI 2014 29 JANVIER 2015

COURS DE L’ACTION FACEBOOK,EN DOLLARS À NEW YORK 76,24

81,45le 22 décembre

59,21

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4 | économie & entreprise SAMEDI 31 JANVIER 2015

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Dette : Dublin et Lisbonne veulent se faire oublierPar peur des marchés, les autres convalescents de la zone euro ne sont pas tentés de suivre l’exemple de la Grèce

C’est une bonne nou-velle. Selon les chif-fres officiels publiésjeudi 29 janvier, le

taux de chômage portugais s’estétabli à 13,4 % en décembre 2014, en léger recul (– 0,1 %) sur un mois. En janvier 2013, il culminait à 17,7 %, et ne cesse de baisser de-puis. « Le pays va mieux », se ré-jouit Jésus Castillo, économiste spécialiste de l’Europe du Sud chez Natixis.

Il n’empêche : l’économie por-tugaise reste très fragile. Son ni-veau d’activité est toujours de 7,5 % inférieur à celui de fin 2007, tandis que son endettement pu-blic, qui culmine à plus de 130 % du produit intérieur brut (PIB), estl’un des plus élevés d’Europe. Un tableau rappelant celui observéen Irlande, où la dette publique a suivi l’une des trajectoires les plusinquiétantes du Vieux Continent. Celle-ci a en effet flambé de 42,6 %à… 116,1 % du PIB entre 2008 et2013 !

Pas étonnant, dès lors, que nom-bre de fonctionnaires européens comme d’économistes s’interro-gent – voire s’inquiètent – depuisla victoire de la gauche radicale deSyriza aux législatives grecques.Et si Lisbonne et Dublin s’inspi-raient d’Athènes pour réclamer à leur tour un allégement de leur dette ?

Après tout, les deux pays sonteux aussi, comme la Grèce et Chy-pre, passés sous assistance de la « troïka » (Commission euro-péenne, Banque centrale euro-péenne, Fonds monétaire inter-national) pendant la crise. Et ont suivi à la lettre les mesures d’aus-térité aujourd’hui remises encause avec verve par Alexis Tsi-pras, le leader de Syriza.

Pour comprendre de quoi il re-tourne, un petit retour en arrière s’impose. En 2010, esseulée par l’explosion de son système ban-caire, l’Irlande a dû renflouer sesbanques en urgence, ce qui fit dé-

coller son déficit jusqu’à 32 % duPIB en septembre 2010. Acculée, elle appela la « troïka » à l’aide,qui lui accorda un prêt de 85 mil-liards d’euros.

Un remède douloureux

Miné par une lente dégradation de sa compétitivité et de ses fi-nances publiques, le Portugal vit, quant à lui, ses taux d’emprunts’envoler à plus de 18 % lors de la crise des dettes souveraines,en 2010. Intenable. Il entra à son tour sous assistance européenneen mars 2011. Un plan de soutien de 78 milliards d’euros fut déblo-qué.

En échange de ces aides, lesdeux pays ont mis en place des mesures d’austérité drastiques etdes réformes structurelles afin de redresser leur croissance. Celles-cifurent particulièrement mus-clées au Portugal. « Contraire-ment à l’Irlande, le pays souffrait àl’époque d’un grave problème d’of-fre, avec une productivité trop fai-

ble », explique Thibault Mercier, économiste et spécialiste des payspériphériques de la zone euro chez BNP Paribas. Dès 2011, ce-lui-ci a assoupli le marché du tra-vail, libéralisé des professions protégées, baissé l’impôt sur les sociétés, coupé dans les salaires publics comme privés…

Un remède particulièrementdouloureux pour la population – une partie de la jeunesse a émigrévers le Brésil ou l’Angola –, mais qui commence à porter ses fruits. Après avoir culminé à 10,2 % du PIB en 2009, le déficit public de-vrait repasser sous les 3 % en 2015,et l’économie devrait croître de 1,5 %, selon le FMI. « Les fonda-mentaux du pays sont désormais très sains », commente M. Mer-cier. « Si l’on ajoute à cela la haussegénérale du niveau d’éducation observé depuis 2000, il dispose dé-sormais d’une main-d’œuvre qua-lifiée et très compétitive ». De fait,la patrie de Fernando Pessoa estsortie du plan d’assistance la

« troïka » en mai 2014, cinq mois après l’Irlande.

Du côté de Dublin aussi, la crois-sance est de retour. « Le pays a joué la carte de la fiscalité avanta-geuse et cela a fonctionné », ana-lyse Ludovic Subran, chef écono-miste de l’assureur-crédit EulerHermes. L’île aussi a concédé de nombreux sacrifices, et le niveaude production est toujours infé-rieur de 3,5 % au pic de fin 2007.Mais le PIB devrait croître de 3 %cette année, tandis que le taux de chômage (11,2 %) poursuit sa dé-

crue. Résultat : Lisbonne et Du-blin ont réussi à stabiliser leurdette. En Irlande, elle baisse de-puis l’année dernière, et celle du Portugal devrait, enfin, suivre ces prochains mois.

Pour les deux pays, les revendi-cations de Syriza, qui rêve de voir une partie de l’endettement grec (175 % du PIB) effacée, représen-tent donc à la fois une opportu-nité et un risque. D’un côté, euxaussi seraient soulagés par une restructuration de leur dette.« Même stabilisée, celle-ci reste un handicap pour leur croissance », souligne M. Castillo. Or si la« troïka » acceptait d’alléger le far-deau grec, il lui serait difficile de refuser la même faveur à Dublin et Lisbonne. « En théorie, tout le monde gagnerait même à une grande conférence européenne des dettes, où l’on discuterait ensemble des cas où elle pose problème », analyse M. Subran.

Mais dans les faits, le sujet est sisensible qu’un pays osant

aujourd’hui réclamer commeAthènes une restructuration de sadette risque surtout d’être aussi-tôt la cible des spéculateurs. « L’économie portugaise, qui se fi-nance à nouveau sur les marchés, est trop fragile pour prendre un tel risque », explique M. Castillo. Comme en Irlande, un nouvel emballement des taux pourraiten effet faire dérailler la trajec-toire de la dette publique, mettantà bas une partie des efforts opérésces dernières années.

« Contrairement à Athènes qui aadopté la stratégie du bras de feravec la “troïka”, ces deux Etats nerêvent désormais que d’une chose : se faire oublier ! » résume un fonctionnaire européen. Leur projet : profiter de leur indépen-dance retrouvée pour tourner en-fin la page de l’austérité. Prendreleur temps pour travailler calme-ment au retour d’une croissancesolide, à l’abri des turbulences fi-nancières. p

marie charrel

Coup d’arrêt aux privatisations en GrèceDepuis 2011, la vente d’entreprises publiques a rapporté 3 milliards d’euros à Athènes, loin des 50 milliards de recettes initialement prévus

athènes - correspondance

L e terminal de conteneurs del’Autorité du port d’Athènes(OLP), l’entreprise publique

chargée de l’exploitation com-merciale d’une partie du port du Pirée était déserte jeudi 29 janvier au matin. Pas un navire dans la rade. Pas un ouvrier sur les quais. Seul le personnel de direction va-que à ses occupations dans les bu-reaux. Un air de désolation qui contraste avec la joie des quelque1 100 employés du groupe qui ont appris la veille l’arrêt du processusde privatisation de leur entreprise.

« C’est une excellente nouvelle »,se réjouit Konstantinos Georges Soros, secrétaire général du syndi-cat des dockers. « OLP doit rester sous le contrôle de l’Etat, et l’Etatdoit investir afin d’augmenter no-tre capacité de traitement de con-teneurs, car, pour l’instant, nousn’avons qu’un tiers de la capacitéde notre concurrent chinois d’à côté », soutient le syndicaliste, quiporte ce jour-là une veste barrée

du slogan sans équivoque « Pas àvendre ! ».

Côté chinois, justement, sur lesdeux terminaux gérés par l’entre-prise Piraeus Container Terminal(PCT), filiale du groupe chinoisCosco, c’est l’effervescence. Des di-zaines de grues électroniques du dernier cri, directement impor-tées des usines chinoises, traitent,dans un ballet impressionnant, des centaines de conteneurs. « Lescinq sur ce quai-là sont les plus grandes du monde et peuventtransporter jusqu’à quatre conte-neurs en même temps », explique

le guide délégué par Cosco pour lavisite du site.

Le ministère du commerce chi-nois s’est dit, jeudi 29 janvier, « très préoccupé » par l’arrêt desprivatisations du port du Pirée. Cette décision remet en question la stratégie chinoise qui souhai-tait obtenir un monopole total sur le Pirée en rachetant OLP. Nonseulement ce projet semble com-promis mais, en plus, le ministreadjoint à la marine, TheodoreDristas, a prévenu qu’il souhaitait réexaminer les conditions d’attri-bution à Cosco de la gestion des deux terminaux exploités depuis 2009 par l’entreprise.

« Ce n’est pas une surprise »

« Nous avons signé un contrat avec l’Etat grec, pas avec un gou-vernement précis, et nous atten-dons de l’Etat grec qu’il honore ce contrat », déclare Tassos Vamva-kidis, le responsable commercial de PCT, planté entre les drapeaux grec et chinois qui encadrent l’en-trée des bureaux de Cosco au Pi-

rée. Les Chinois auraient déjà in-vesti plus de 500 millions d’euros sur le port et se montraient aussi intéressés par la privatisation an-noncée d’autres ports et aéro-ports du pays.

Au-delà du cas symbolique duPirée, c’est bien l’ensemble duprogramme de privatisation lancé en 2011 qui est aujourd’huisur le point de prendre fin. « Cen’est pas une surprise », affirme Yannis Eustathopoulos, écono-miste et consultant spécialistedes entreprises de service public. Le nouveau premier ministre grec, Alexis Tsipras, avait en effet, à maintes reprises, répété durant la campagne électorale qu’il fer-merait le Taiped, le fonds chargé de la valorisation des biens pu-blics en Grèce. Sur le catalogue de ce fonds, on retrouve des dizainesd’aéroports, de ports, de plages, d’hôtels, mais aussi quelques grosses entreprises publiquescomme celles de l’électricité, du gaz ou de l’eau.

« L’objectif de cette campagne de

privatisations était double : à la fois budgétaire en faisant entrer des liquidités dans les caisses de l’Etat grec, et structurel avec l’idéeque privatiser une entreprise ren-force sa compétitivité et son effica-cité », explique M. Eustathopou-los. Au final, depuis 2011 et selon les chiffres du Taiped, des accords ont été conclus à hauteur de 5 milliards d’euros sur lesquels 3 milliards auraient déjà été récol-tés par l’Etat. Très loin du premier objectif de 50 milliards de recettes

escomptées. Un chiffre qui a de-puis été ramené à moins de25 milliards d’euros d’ici à… 2020. « D’une part, avec la crise, la valeurdes actifs a chuté, ce qui a eu un im-pact sur les recettes, mais il y a eu aussi pas mal de blocages juridi-ques et des résistances de la popu-lation qui a, par exemple, réussi àfaire annuler la privatisation de la compagnie des eaux grecque », ditYannis Eustathopoulos.

« Tout l’enjeu pour ce gouverne-ment, s’il arrive à tenir sa décision de ne plus privatiser, sera d’arriver à moderniser et à réformer les en-treprises publiques vers plus de performances. En cela, l’Europe pourrait aider », propose M. Eus-tathopoulos. Sans argent dans les caisses, comment soutenir ces in-vestissements publics ? « On en revient à la question de la dette. C’est bien pour regagner de la marge budgétaire et une capacité d’action que le gouvernement Tsi-pras demande une renégociation de la charge de la dette. » p

adéa guillot

La Chine

est

très préoccupée

par l’arrêt

des privatisations

dans le port

du Pirée

« Les

fondamentaux

du Portugal

sont désormais

très sains »

THIBAULT MERCIERéconomiste à BNP Paribas

Des dettes publiques record

SOURCE : FMI*PRÉVISIONS

DETTE PUBLIQUE DÉFICIT PUBLIC

EN % DU PIB

Grèce Irlande Portugal

2008 09 10 11 12 13 14* 2015*2008 09 10 11 12 13 14* 2015*2008 09 10 11 12 13 14* 2015*

1,5

–2,5

128,7

2,9

–1,9

171–2,8

111,7

– 29,3

3,0

0

50

100

150

200

-30

-25

-20

-15

-10

-5

0

EN % DU PIB EN % DU PIB

CROISSANCE

4

2

0

2

4

6

8

112,9

71,7

42,6

–7,1

–9,9

–3,7– 4,3

– 15,6

170,3

131,3

116,1

0

– 0,2

– 7,1

1,9

2,8

– 3,2

– 2,6

« Nous avons

signé un contrat

avec l’Etat grec,

pas avec un

gouvernement

précis »

TASSOS VAMVAKIDISresponsable commercial au Piraeus Container Terminal

L’ESSENTIEL

GRÈCEUn premier plan d’aide est mis en place en février 2010 (110 milliards d’euros), puis un second en 2013 (130 milliards d’euros).

PORTUGALPlacé sous la tutelle de la « troïka » en mars 2011, avec un

plan d’aide de 78 milliards

d’euros, le pays en est sorti en

mai 2014.

IRLANDELe pays a touché un prêt de

85 milliards d’euros en

novembre 2010. Il est sorti de

l’assistance de la « troïka »

en décembre 2013.

CHYPREL’île a reçu une aide de

10 milliards d’euros

en avril 2013.

ESPAGNEEn 2012, le pays a touché une

aide de 41,4 milliards d’euros.

Un pays qui ose

aujourd’hui

réclamer une

restructuration

de sa dette risque

d’être la cible

des spéculateurs

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0123SAMEDI 31 JANVIER 2015 économie & entreprise | 3

ENTRETIEN

Nommé à la tête de Totalen octobre 2014, Pa-trick Pouyanné expli-que comment le

groupe s’adapte au choc pétrolier, et anticipe une remontée des cours à terme. Attaché à redresser une image dégradée, il veut se sé-parer de ses filiales dans les paradisfiscaux et assure qu’il ne fermera pas de sites industriels en France.

Le prix du pétrole a baissé de 60 % depuis juin. Quelles sont les conséquences pour Total ?

L’impact financier est impor-tant : une baisse de 10 dollars duprix du baril sur l’année, ce sont2 milliards de dollars (1,75 milliardd’euros) de cash-flow disponiblesen moins. Avec un baril à 50 dol-lars au lieu de 100, on perd donc 10 milliards de dollars sur un an. Ilfaut en tenir compte ! Mais que le prix du brut soit volatil, ce n’est pas nouveau. Pour y faire face, un industriel doit baisser son point mort. Notre objectif en 2015 est dele réduire de 40 dollars par baril. Ilfaut réagir – surtout ne pas sur-réagir – et s’adapter à la situation àcourt terme sans perdre de vue le moyen et le long terme. Nous in-vestissons pour vingt à vingt-cinqans. On sera d’autant plus perfor-mant demain qu’on aura été capa-ble d’investir dans le bas de cycleaujourd’hui. Je suis confiant : To-tal a les moyens de tenir le cap.

Quelles mesures de redresse-ment allez-vous prendre pour vous adapter à la nouvelle donne ?

Total a déjà surmonté des pério-des de prix bas. Le groupe est so-lide et il saura traverser sans diffi-culté cette période de basses eaux,en contrôlant ses investisse-ments et en réduisant ses coûts. D’abord, les investissements : de28 milliards de dollars en 2013, on est passé à 26 milliards en 2014. Eton les réduira encore de 10 %en 2015. Mais investir entre 23 et 24 milliards de dollars, cela resteun effort considérable ! Ensuite l’exploration : ces deux dernièresannées, les dépenses sur ce seg-ment étaient de 2,8 milliards de dollars, nous allons les réduire de 30 % en 2015. Nous allons aussiamplifier la baisse de nos coûtsopérationnels et la porter à 1,2 milliard cette année, un effort supplémentaire de 400 millions.

Une partie des économies vien-dra aussi de la renégociation descontrats avec nos fournisseurs carquand le pétrole baisse, le prix desservices et des équipements bais-sent. Aux Etats-Unis, le coût desappareils de forage a reculé de 25 % en un mois. Par ailleurs, les équipes sont mobilisées pour op-timiser le portefeuille d’actifs du groupe. En 2015, nous allons accé-lérer la vente d’actifs dans le cadrede notre plan de cession de

10 milliards de dollars sur 2015-2017. Enfin, le groupe étant faible-ment endetté, il peut utiliser sa capacité d’endettement à un mo-ment où les taux sont bas.

Des projets seront-ils retardés ?Dans la production et la com-

mercialisation de gaz naturel li-quéfié (GNL), où Total est un destrois plus grands acteurs mon-diaux, nous poursuivrons notrestratégie. Nos deux projets austra-liens (Ichthys et Gladstone) et Ya-mal LNG dans l’Arctique russe doi-vent entrer en production entre fin 2015 et 2017. En revanche, nousrevoyons nos investissements surdes champs « matures », dont le déclin a été plus fort que prévu et sur lesquels le temps de retour surinvestissement s’allonge. Nous al-lons aussi freiner nos investisse-ments sur les gaz de schiste amé-ricains, gourmands en capitaux,mais dont l’exploitation peut re-prendre rapidement en cas de re-montée des prix du brut.

Pensez-vous que les prix reste-ront bas longtemps ?

La baisse des prix est liée à unphénomène de cycle. Début2000, on est sorti d’un cycle où lescours étaient très bas, autour de 10 dollars. Les prix ont ensuiteaugmenté, il y a eu plus projets,plus de demande d’équipement etde services, plus d’innovation technologique et plus d’offre depétrole. Et entre 2002 et 2012, nos coûts ont été multipliés par plus de deux. Puis la hausse de la de-mande a ralenti en raison du ma-rasme économique et grâce aux efforts d’efficacité énergétique, par exemple pour les véhicules qui consomment moins de carbu-rant. Ce cycle va s’inverser : les prix baissant, il y aura moins d’in-vestissements et un effet positif sur la demande. Mais je ne peuxpas vous dire quand s’enclen-chera ce phénomène inverse.

Va-t-on assister à une consoli-dation dans la filière pétro-lière ? Et Total va-t-il y partici-per ?

On peut le penser. Aux Etats-Unis en particulier, des compa-gnies de petite taille, certaines très endettées, risquent de souf-frir faute de financement. Les banquiers, moins pressés de prê-ter de l’argent, vont réguler la pro-duction ! Chez Total, la gestion du portefeuille d’actifs est un exer-cice permanent. Ces quatre der-nières années, sur une centainede milliards de dollars d’actifs, le groupe a acheté pour 23 milliards et vendu pour 28 milliards.

Comment jugez-vous la politi-que de l’Arabie saoudite, qui re-fuse de resserrer les vannes pour faire remonter les prix ?

L’Arabie saoudite est le pays qui ales coûts de production les plus bas. Elle ne veut plus être le seul pays à réduire sa production pour le bien des autres, comme elle l’a déjà fait, notamment en 2008. Ellese dit : pourquoi jouer le rôle de producteur d’appoint au bénéfice des pays les plus riches ? Si d’autres pays n’appartenant pas àl’Organisation des pays exporta-teurs de p«étrole (OPE) avaient joué le jeu, comme la Russie ou le Mexique, les Saoudiens auraient

peut-être bougé. C’est évidem-ment difficile aux Etats-Unis, où leprésident Barack Obama ne peut pas donner de consignes aux so-ciétés pétrolières, qui sont privées.

Total perd de l’argent dans le raffinage. Allez-vous fermer des sites en France ?

Nous ne fermerons aucun siteindustriel en France et tous les employés de Total resteront des employés de Total. Voilà les deux engagements que j’ai pris. Nous annoncerons des décisions auprintemps. En France, deux denos raffineries [sur cinq] perdentde l’argent, dont l’une lourde-ment. Nous réfléchissons à latransformation des activités pouravoir des sites durables. Et pourqu’ils soient durables, il faut qu’ilssoient rentables ! Ma responsabi-lité, c’est de donner un avenir aux salariés, qui sont inquiets et ris-queraient de nous prêter les pires intentions. Nous avons des res-ponsabilités sociales. Total ne peut pas être un groupe qui réus-

sit au niveau mondial, dégaged’importants profits et ne pas res-pecter le pacte social de l’entre-prise. Au-delà de nos salariés, il faut se préoccuper de l’impact denos décisions sur les PME qui nous entourent. Il faut se donnerdu temps pour dialoguer, former les salariés à leurs postes, investir.Cette méthode à porté ses fruits à Carling (Moselle). L’activité du va-

pocraqueur perdait plus de 100 millions d’euros par an ; nousavons réinvesti 180 millions sur de nouvelles activités, à plus forte valeur ajoutée. Et aujourd’hui,sans le vapocraqueur, Carling dé-gage un résultat positif !

A Abou Dhabi, vous avez re-nouvelé, jeudi, une concession importante pour quarante ans.

C’est un succès majeur pour To-tal qui est né au Moyen-Orient, il ya 90 ans ! Nous le dédions à Chris-tophe de Margerie et à tout le tra-vail qu’il a accompli dans la ré-gion. Nous avons exploité cette concession pendant 75 ans (1939-2014), et nous en avions 9,5 %. Lanouvelle concession court sur quarante ans et nous en aurons 10 %. Je suis fier que Total ait été re-tenu le premier face à ses concur-rents. Et cela, parce qu’il présen-tait la meilleure offre technique etcommerciale. C’est une excellente nouvelle compte tenu de l’impor-tance de cette concession : en ter-mes de production d’abord puis-qu’elle représente 7 % de notre production mondiale (2,4 mil-lions de barils) ; et en termes de re-venus, car si nous touchions jus-que-là 1 dollar par baril, la nouvellerémunération sera supérieure. C’est un accord historique pour le partenariat entre Abou Dhabi et Total, et Abou Dhabi et la France. p

propos recueillis par

jean-michel bezat

JEAN-LUC BERTINI/PASCO

AND CO POUR « LE MONDE »

La stratégie du patron de Total face au choc pétrolierPatrick Pouyanné s’expliquesur la réponse du groupeà l’effondrement des cours

attaqué depuis quinze ans sur tous les fronts, de la marée noire de l’Erika, en 1999,à la catastrophe d’AZF à Toulouse (trente et un morts), en 2001, en passant par ses acti-vités en Birmanie à l’époque de la junte etsa faible imposition en France, Total n’en fi-nit pas de tenter de se refaire une virginité. Patrick Pouyanné, le directeur général de lacompagnie, dit poursuivre le travail detransparence et de redressement de l’image du groupe, qu’avait engagé son pré-décesseur, Christophe de Margerie. Il an-nonce la fermeture de toutes ses filiales dans les pays dits « non coopératifs ».

« Total a près de 900 filiales dans lemonde, rappelle M. Pouyanné. Quelques-unes sont installées dans des pays réputés être des paradis fiscaux, comme les Bermu-des, les îles Vierges ou les Caïmans. Nous lesassumons, parce que nous n’y sommes pas pour des raisons d’optimisation fiscale, maispour des raisons comptables, ou juridiques.

On peut y tenir des comptes en dollars, ce quiest impossible en France. Le critère priori-taire d’implantation d’une filiale, c’est un im-pératif opérationnel. » Un certain nombre de ces entités figurait dans la liste partiellede quelque 200 sociétés, publiée dans le do-cument de référence du groupe. « Comme Total n’a rien à cacher, ajoute-t-il, j’ai voulualler plus loin, et j’ai décidé de publier la liste complète de ces filiales en mars. »

« On sera transparent »

« Il y a une profonde volonté de transpa-rence dans la société civile, que l’on com-prend : on sera donc transparent ! », dit lepatron de Total, affirmant s’« inscrire tota-lement dans la continuité de M. de Marge-rie, qui avait lancé le mouvement en don-nant l’instruction de ne plus ouvrir de filialesdans ces pays ». Depuis 2012, « on en afermé une quinzaine ». « Cette décision, ajoute M. Pouyanné, traduit ma conviction

que Total n’est pas seulement un producteurde pétrole et de gaz, mais un acteur de la citévivant sous le regard des citoyens. On nous scrute, et on attend, de la part du premier groupe français, une forme d’exemplarité. Total doit tenir son rang. »

Régulièrement épinglé pour le faiblemontant des impôts payés en France, Total réplique qu’il s’en acquitte « dans les paysoù il fait ses résultats ». Si la major n’a pas payé d’impôts sur les sociétés en France en 2012 et en 2013 (et probablement en 2014), contrairement à la période 2000-2011, c’est qu’elle y accuse des pertes liées auraffinage. Mais elle en paie à l’étranger : sur 100 dollars de bénéfices en 2013, elle a versé56 dollars d’impôts, soit 11 milliards de dol-lars (9,7 milliards d’euros), selon M. Pou-yanné. Ce qui fait de Total, selon lui, la so-ciété du CAC 40 payant le plus de taxes dansle monde. p

j.-m. b.

Le groupe « va sortir des paradis fiscaux »

La Russie reste un pays stratégique

En Russie, « Total est très impliqué à travers sa participation de 20 % dans Novatek, ses gisements pétroliers et le projet Yamal LNG », rappelle Patrick Pouyanné, le directeur général de la so-ciété. Mais elle y opère « dans le strict respect du régime des sanctions », affirme-t-il. « Par exemple, puisqu’on ne peut plus uti-liser le dollar pour financer Yamal LNG, on le fera en euros, expli-que-t-il. Christophe de Margerie [le prédécesseur de M. Pouyanné] disait que les sanctions économiques ne sont pas un bon moyen pour régler des problèmes diplomatiques. Je partage son ana-lyse. Seul le dialogue peut régler un conflit diplomatique. Mon rôle n’est pas de dire qui a tort ou qui a raison. » « J’ai rencontré Vladi-mir Poutine, le président russe, ajoute M. Pouyanné. L’Europe ne peut pas se passer du gaz russe. Que des entreprises européennes continuent à y développer des projets est une bonne chose. »

« Avec un baril

à 50 dollars au

lieu de 100, on

perd 10 milliards

de dollars

sur un an »

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2 | plein cadre SAMEDI 31 JANVIER 2015

0123

« C’EST UNE SITUATION TRÈS

DANGEREUSE. DEPUIS QUELQUES MOIS,

ON VOIT AUGMENTER LES GRÈVES

ET LES ACTIONS DE PROTESTATION »

PETR BIZIOKOVsociologue

moscou - correspondante

Pour certains, les lendemains defête ont eu un goût amer,comme pour cette dizaine d’em-ployés d’un salon de coiffure,une franchise de la chaîne fran-çaise Camille Albane, installé

dans un centre commercial luxueux de Mos-cou. De retour de congés, début janvier, ils onttrouvé porte close. Sans avertissement, et sans explication. Depuis, ces salariés aban-donnés tentent de constituer un syndicat de franchisés dans l’espoir de faire reconnaître leurs droits. Pour l’agence Tass aussi, l’année amal commencé. La plus vieille agence de presse de Russie, créée avant même la révolu-tion de 1917, qui emploie aujourd’hui 1 700 personnes, devrait perdre 20 % à 25 % deses effectifs. « On s’attend à une crise sérieuse et on se serre la ceinture », a prévenu son direc-teur général, Sergueï Mikhaïlov, cité le 22 jan-vier dans le quotidien économique Vedo-mosti. Les licenciements, tant redoutés par lesRusses, commencent à devenir une réalité.

Chaque jour, la liste s’allonge. Jeudi 29 jan-vier, c’est l’entreprise Baltika, numéro un dela bière en Russie et filiale du groupe danois Carlsberg, qui a annoncé la fermeture de deux de ses usines à Tchéliabinsk (Oural) et àKrasnoïarsk (Sibérie), représentant 560 sup-pressions d’emploi. Un peu auparavant, c’était au tour de la banque VTB24 d’avertir que, d’ici à la fin du premier trimestre, elle seséparerait de « 5 % à 7 % » de son personnel.« Nous optimisons de manière drastique nos dépenses d’exploitation et administratives »,déclarait son directeur général, Mikhaïl Za-dornov. Le premier constructeur automobiledu pays, Lada-Avtovaz, dans lequel le groupe français Renault détient une participation, a lui aussi prévenu, le 14 janvier, 1 100 cadresde leur prochain licenciement. La crise, ac-centuée par les sanctions internationales et la chute du prix du pétrole, produit ses effets.

Ce n’est pas encore un raz-de-marée, maisl’inquiétude augmente alors que les indica-teurs de l’économie ont viré, les uns après lesautres, au rouge dans les derniers mois de 2014. Le rouble a dégringolé, l’inflation conti-nue de grimper, la consommation de régres-ser, et les entreprises, soumises à un taux di-recteur fixé à 17 % par la Banque centrale de Russie, ont du mal à rembourser leurs detteset à assumer leurs dépenses, sans compter les sanctions internationales qui les privent, pour certaines d’entre elles, d’accès au mar-ché des capitaux. En 2015, le pays devrait en-trer en récession : la Banque mondiale pré-voit une contraction de l’activité de 3,9 %.

Avec un taux de chômage officiel légère-ment supérieur à 5 %, l’emploi représentait

donc jusqu’ici quasiment le dernier rempart contre le pessimisme. « Tout le monde dit : lechômage nous attend et cela va être sérieux.Ce sont avant tout les experts, les fonctionnai-res et les représentants des entreprises qui ledisent, mais bien sûr, c’est une façon de prépa-rer les gens à ce qui les attend », soupire Petr Biziokov, sociologue au Centre des droits so-ciaux du travail à Moscou.

Parmi ces « experts » qui sonnent l’alarme,Alexeï Koudrine. En marge du forum de Da-vos où il se trouvait le 24 janvier, l’ex-minis-tre russe des finances a confié à l’agence Reu-ters son inquiétude : « Je prévoyais des temps difficiles, mais je ne m’attendais pas à ce qu’ils le soient autant, a-t-il déclaré. Les prix à la con-sommation ont fortement augmenté. Les va-gues de licenciements ont commencé. Le sec-teur du BTP a mis à la porte 100 000 person-nes. Nous constatons aussi des signes de crisedans l’industrie automobile… »

INDEMNITÉS DE CHÔMAGE TRÈS FAIBLES

La situation « est sous contrôle, il n’y a pas de problème majeur », a aussitôt corrigé le pre-mier ministre russe, Dmitri Medvedev, alors même que son gouvernement débloquait 52 milliards de roubles (668 millions d’euros)pour soutenir le marché du travail. Ces fondspublics devraient être versés aux régions afin de « soutenir ceux qui, indépendammentde la crise, ont du mal à trouver un emploi,surtout les jeunes qui n’ont pas d’expérienced’emploi qualifié et les handicapés », avaitprécisé M. Medvedev à l’issue d’une réunion consacrée à la situation sociale. La décision de l’agence américaine Standard & Poor’s de dégrader la note de la Russie à « BB + », un pa-lier dont le pays avait eu du mal à se sortir

d’ailleurs. D’abord, l’indemnité de chômageest très faible, environ 5 000 roubles par mois [moins de 70 euros par mois]. Ensuite, les re-lations dans le travail sont quasi féodales, di-sons, préindustrielles. Les salariés sont com-plètement dépendants de leur employeur, qui fait ce qu’il veut – et encore, je ne parle même pas des émigrés dont la situation est bienpire. » « Pour moi, poursuit ce dernier, c’est une situation très dangereuse. Or, depuis quel-ques mois, on voit très nettement augmenterles grèves et les actions de protestation. »

Blocages des sites, piquets de grève et ma-nifestations échappent de plus en plus auxorganisations syndicales et éclatent « de fa-çon spontanée », souligne ce spécialiste, qui observe les mouvements sociaux depuisprès d’une décennie. Dans ce domaine aussi, poursuit-il, l’année 2014 s’est achevée en nette hausse. « Nous avons enregistré 293 mouvements de protestation contre 272 en 2009. » Cette année-là, Vladimir Poutine avait dû lui-même se déplacer dans la région de Saint-Pétersbourg pour empêcher la fer-meture de la cimenterie de Pokaliovo en for-çant un oligarque, devant les caméras, à si-gner un plan de relance. p

isabelle mandraud

en 2005, sept ans après la grande crise finan-cière de 1998, est intervenue sur ces entrefai-tes, comme une alerte supplémentaire. Per-dant un peu de son calme, lors d’une visite dans une usine agroalimentaire, le chef du gouvernement a fini par laisser éclater sa mauvaise humeur en réagissant à la rumeur persistante à Moscou selon laquelle la Russiepourrait être désormais exclue du système fi-nancier international Swift. « Notre réaction sera sans limite ! »

Pour le Kremlin, confronté à sa plus sé-rieuse crise depuis l’accession au pouvoir deVladimir Poutine en 2000, l’augmentation du chômage représente un péril bien plus important que n’importe quel autre fléau.La préoccupation est d’autant plus grandeque certaines entreprises, confrontées àune baisse drastique de leur marché, sus-pendent leur activité parfois pendant desmois avant, le cas échéant, de prendre des décisions plus douloureuses encore. Et la si-tuation devient dramatique lorsque, dans de nombreux cas, les salariés ne sont toutsimplement pas payés pendant des semai-nes, voire des mois.

« En Russie, explique le sociologue Petr Bi-ziokov, la situation est bien différente

Site de Lada-Avtovazà Togliatti, en Russie. Le premier constructeur automobile du paysa prévenu,le 14 janvier,1 100 cadresde leur prochain licenciement.ANDREY RUDAKOV/BLOOMBERG

VIA GETTY IMAGES

Russie : vague de licenciements en vueChaque jour, la liste des suppressions de postes s’allonge. Jeudi 29 janvier, c’est la filiale russede Carlsberg qui a annoncé la fermeture de deux usines. Avec un taux de chômage officiel légèrement supérieur à 5 %, l’emploi représentait jusqu’ici le dernier rempart contre le pessimisme

pour affronter la crise, quelques hauts responsables russes y sont allés de leurs conseils. « Si vous n’avez pas assez d’argent, vous devez vous souve-nir que nous sommes russes, nousavons survécu à la faim et au froid,nous devons penser à notre santé etmanger moins », a ainsi préconisé IlyaGaffner, un député de la région deSverdlovsk, en Sibérie, à une vieilledame qui lui expliquait ne plus pou-voir acheter du sucre pour son filshandicapé.

« Nous allons surmonter tous les obs-tacles dans notre pays, nous allons manger moins, utiliser moins d’électri-cité », suggérait de son côté le 24 jan-vier le vice-premier ministre Igor

Chouvalov devant le gratin de l’écono-mie mondiale réuni à Davos. Succèsgaranti sur les réseaux sociaux, alorsque les prix s’envolent en Russie – jus-qu’à 163 % d’augmentation du prix duchou dans la région de l’Oural.

« Nouvelles réalités »

Plus sérieusement, le gouvernementa rendu public mercredi 28 janvier un plan « pour le développement et la sta-bilité sociale » destiné à limiter les ef-fets de la crise qui, sous l’effet conju-gué des sanctions internationales et de la chute du prix du pétrole, frappe aujourd’hui la Russie.

Dans ce document de 38 pages où lemot « crise » apparaît cinq fois, 60

mesures ont été recensées, financées par une baisse des dépenses budgétai-res de 5 % par an étalée sur trois ans. La facture globale de ce tournant de larigueur n’a pas été évaluée.

Côté social, la partie par capitalisa-tion des retraites sera revalorisée au 1er février de 11 %, soit le taux officiel de l’inflation en 2014, pour un coût es-timé à 188 milliards de roubles (2,5 milliards d’euros). L’emploi béné-ficie d’une enveloppe de 52 milliards de roubles (665 milliards d’euros).

Une prime au déménagement, enparticulier, est créée pour tenter de fa-ciliter la mobilité, au demeurant assezpeu répandue en Russie.

Côté soutien aux entreprises, le do-

cument vise essentiellement les ban-ques très fragilisées. Aux 1 000 mil-liards de roubles (13 milliards d’euros)déjà annoncés pour leur recapitalisa-tion s’ajoute une aide de 250 mil-liards de roubles (3,3 milliards d’euros) pour soutenir les infrastruc-tures et le versement de 300 mil-liards de roubles (3,9 milliards d’euros) à la banque de développe-ment VEB pour des crédits.

Ces mesures sont sans doute loind’être définitives. A Davos, M. Chou-balov expliquait que « le plan anti-crise, c’est de faire en sorte que les ci-toyens ordinaires et les entrepreneurss’adaptent aux nouvelles réalités ». p

i. m.

En attendant les effets du plan anticrise, « nous allons manger moins »

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QE, déflation...10 questions pour comprendre les annonces de la BCE Les Échos 22 janvier 2015

La Banque centrale européenne doit procéder jeudi 22 janvier à l’annonce d’un important

programme d’achats de dette publique, et la mise en place, historique, de son premier « QE ». Dix

questions pour tout comprendre.

1) C’est quoi le QE ?

Le QE, pour « quantitative easing » ou « assouplissement quantitatif » est un outil qui permet à une

banque centrale de maintenir une politique monétaire accommodante (propre à stimuler

l’économie) même lorsqu’elle a abaissé ses taux directeurs à près de 0 %. Le QE consiste pour

l’institution à injecter massivement des liquidités dans les marchés en achetant de grandes quantités

de titres, notamment des emprunts d’Etat. Par ce biais, la banque centrale évince les investisseurs,

qui se reportent vers d’autres actifs financiers plus rémunérateurs comme les actions, ou obligations

d’entreprises, dont le prix augmente en conséquence (les taux des obligations baissent). Les

banques, elles, peuvent se reporter vers la distribution de crédit aux entreprises et aux ménages.

Autre effet bénéfique : la création de monnaie fait baisser le cours de la devise, ce qui favorise les

exportations. L’efficacité du QE dépend toutefois de l’environnement économique dans lequel il

s’intègre.

2) Comment cela va-t-il se passer ?

>Combien ? Le programme pourrait porter sur 50 milliards par mois sur au moins un an, soit 600

milliards d’euros d’achats d’actifs. Il doit être suffisamment important pour permettre d’augmenter

le bilan de la BCE de 1.000 milliards d’euros, en tenant compte des mesures lancées depuis

septembre.

>Qui ? On s’oriente vers un rachat en direct par chaque banque centrale nationale. Avantage : cela

ferait porter le risque par les Etats nationaux et non par la BCE elle-même. Il s’agirait d’atténuer les

inquiétudes de l’Allemagne, peu favorable à la mise en place d’un QE. Pour l’instant, rien n’est

tranché.

>Quand ? Selon une source citée par Bloomberg, les achats de 50 milliards par mois ne débuteraient

pas avant le 1er mars. La BCE s’était déjà donné du temps en juin dernier lors de l’annonce des

premières mesures de rachat d’obligations sécurisées et de crédits titrisés.

>Quoi ? Essentiellement de la dette souveraine de la zone euro sur le marché secondaire. La question

est de savoir si les dettes grecques et portugaises en seront exclues ou si la BCE achètera des actifs

en fonction du poids de chaque pays dans la composition de son capital.

3) Qu'est-ce que cela va changer pour l’Europe ?

Le but du QE est évidemment de relancer l’économie européenne pour qu’elle ne reste pas scotchée

à long terme sur une croissance et une inflation anémiques, autour de 1 %. La BCE met en avant son

mandat pour stabiliser l’inflation autour de 2 %, mais le test du QE se coordonne avec une

réorientation plus générale de la politique économique européenne. Autour de la relance de

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l’investissement, notamment avec le plan Juncker et d’une plus grande flexibilité accordée à la

politique budgétaire en échange de la mise en œuvre de réformes structurelles. Au mieux, si chacun

respecte sa feuille de route, la croissance reviendra. Si les Etats ne remplissent pas leur part du

contrat, en réformant et en veillant à leurs dépenses publiques, le QE ne suffira pas à relancer la

croissance. Enfin dans le scénario le pire, si certains Etats ne pouvaient plus rembourser leur dette, le

QE aurait un effet redistributif, les pertes encaissées par la BCE devant être épongées par

l’eurosystème. C’est pourquoi il est peu probable que la BCE inclue les titres grecs dans ses rachats

d’actifs souverains.

4) La France va-t-elle en profiter ?

Comme d’autres Etats membres de la zone euro, la France tirera des bénéfices du probable rachat de

dettes souveraines par la BCE. Mais l’Hexagone n’est pas en première ligne, et les bénéfices se sont

déjà matérialisés. Selon la Banque de France, au troisième trimestre 2014, quand les marchés

financiers ont anticipé la mise en place d’une telle mesure, les taux d’intérêt payés par les

entreprises ont été « en nette diminution ». Ainsi, les taux pour les crédits de long terme sont passés

en trois mois de 2,44 % à 2,28 % en moyenne. L’Etat est lui aussi gagnant : les taux français à 10 ans

s’établissaient ce mercredi en dessous de 0,65 %, contre 1,7 % début juillet. Enfin, le recul de l’euro

depuis l’été dernier, en partie induit par la perspective des rachats de dettes souveraines, favorise les

exportateurs français. Ce n’est pas un hasard si le gouvernement milite depuis des mois en faveur

d’une action de la BCE. Mais ce n’est toutefois pas le rachat de dettes souveraines qui tirera l’activité

en 2015, les taux d’intérêt étant déjà très faibles, contrairement aux pays du sud de l’Europe.

5) Pourquoi l’Allemagne est-elle très réservée ?

Superflu, contre-productif et potentiellement dangereux. Les ­décideurs politiques et économiques

allemands sont très réservés sur le programme d’achat de dette souveraine qui doit être annoncé

par la Banque centrale européenne, même s’ils ne le contestent pas publiquement (sauf le président

de la Bundesbank). Premièrement, Berlin estime le timing inapproprié, trois jours avant les élections

­grecques. Deuxièmement, le gouvernement ne partage pas le diagnostic alarmiste de la BCE,

estimant quasi nul le risque de spirale déflationniste et tablant sur une reprise avec la chute des

cours du pétrole, les taux déjà historiquement bas et l’effet des réformes engagées ici et là.

­Troisièmement, comme elle l’a souligné lundi, Angela Merkel redoute que cette mesure retire la

pression sur les Etats de la zone euro – comme la France et l’Italie – pour mener des réformes

structurelles qu’elle juge urgente. Enfin, il y un aspect culturel : les Allemands ne redoutent rien tant

que l’inflation et une monnaie faible, qui est le but de QE.

6) Pourquoi la BCE a-t-elle attendu aussi longtemps ?

Il y a eu une différence d’interprétation de l’impact de la crise ­financière en Europe. Là où les

Américains ont vu un choc puissant et persistant, les Européens ont cru à un choc cyclique. En 2011,

ils ont donc privilégié les politiques d’austérité – là où les Anglo-Saxons ont poursuivi une politique

monétaire très accommodante –, ce qui a conduit à une sortie très lente de la récession en Europe.

L’économie dans la zone euro est d’ailleurs toujours extrêmement faible. Conscient de cette erreur,

Mario Draghi, le président de la BCE, a prévenu dès l’été dernier qu’il était prêt à intervenir de façon

beaucoup plus massive, car les perspectives d’inflation à moyen terme commençaient à décrocher.

Mais il a d’abord voulu tester certains instruments (rachat de crédits titrisés, d’obligations bancaires,

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prêts ciblés envers les banques). Et il lui a fallu également prendre le temps de combattre l’hostilité

de l’Allemagne et, au sein de la BCE, du gouverneur de la Bundesbank, qui voient dans

l’assouplissement de la politique monétaire un ­financement indu des déficits des Etats.

7) Comment le QE peut-il lutter contre la déflation ?

Avec une croissance très faible dans la zone euro et une inflation très basse (l’indice des prix à la

consommation est tombé à -0,2 % en décembre), le risque de déflation est devenu réel. Et ce alors

que la chute du prix du baril de pétrole comme des matières premières ajoute aux pressions

déflationnistes. La demande privée, qu’il s’agisse des consommateurs ou des investisseurs, est elle

aussi très médiocre si bien qu’il n'y a pas de pression sur les prix. L’un des objectifs du QE est de faire

baisser l’euro. En mettant beaucoup de liquidités sur le marché, la valeur de la devise se dévalue.

Cela doit permettre d’augmenter la compétitivité de l’industrie européenne et aider à ses

exportations. L’autre objectif de la banque centrale, en achetant des actifs souverains, est de pousser

les investisseurs à aller vers des actifs plus risqués, de libérer et d’assouplir les conditions de crédit.

Tout cela doit aider au financement de l’économie qui en reprenant de la vigueur renouera avec les

pressions inflationnistes.

8) Le QE : facteur de cohésion ou de division ?

En utilisant pour la première fois un outil que manient déjà les banques centrales, la BCE franchit une

étape énorme vers l’intégration de la zone euro. « La BCE devient comme toutes les grandes banques

centrales du monde, c’est une étape historique, la fin d’un tabou », se réjouissent le groupe des

Sociaux démocrates au Parlement européen. Après la création du Mécanisme européen de stabilité,

puis la mise sur pied de l’union bancaire, le QE unit encore davantage l’eurozone. Dans l’immédiat

toutefois, il va aviver les tensions entre les 19 Etats de la zone euro, notamment avec l’Allemagne,

qui s’oppose à ce qu’elle considère comme un nouveau pas vers la mutualisation des dettes des

Etats, que le Traité interdit. Aussi l’Allemagne risque de se montrer extrêmement rigide dans les

semaines à venir, tant dans le débat sur la réduction de la dette grecque, que sur les questions du

respect des règles budgétaires (le pacte de stabilité). Il est probable qu’elle plaide pour un nouveau

régime de sanctions afin d’exiger un suivi plus strict par Bruxelles des réformes structurelles promises

par les Etats.

9) Ca va changer quoi sur les marchés ?

Un constat d’abord : les marchés ont en partie anticipé l’annonce du QE. Les rendements des

obligations d’Etat sont à des niveaux historiquement bas et les actions européennes sont proches de

leur plus haut depuis 2008. Il n’est donc pas impossible que dans un premier temps la réaction soit

négative, selon l’adage : « On achète la rumeur, on vend la nouvelle ». D’autant qu’il y a un risque de

déception quant aux annonces. Pour autant, à moyen terme, l’arrivée massive de liquidités sur les

marchés financiers devrait avoir un impact positif, notamment sur les actifs risqués, comme les

actions. La politique de taux zéro de la BCE incite en effet les investisseurs à partir en quête de

rendement. Or le rendement moyen des actions de la zone euro – via l’indice Euro Stoxx – atteint

3,5 % fin 2014. La baisse de l’euro, qui découle de ce plan, est aussi une bonne nouvelle pour les

bénéfices des entreprises de la zone. Enfin, pour les emprunts d’Etat, l’arrivée d’un acteur de poids

telle la BCE pourrait déséquilibrer l’offre et la demande, faisant monter le prix des obligations.

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10) L’euro peut-il encore baisser ?

Unanimes, les marchés anticipent un euro faible et de manière durable. Ils fondent notamment leurs

anticipations sur le fait que tous les programmes d’assouplissement quantitatif ou QE menés

auparavant dans les autres pays (Etats-Unis, Japon...) ont fait baisser leur monnaie de manière très

notable. Ainsi, les deux premiers QE aux Etats-Unis ont-ils fait reculer le dollar de 3,6 % à 10,8 %,

selon les parités. Le QE de la Banque centrale européenne (BCE), s’il est mis en œuvre, devrait être

conforme à ces observations. Tout autant que la poursuite du repli de l’euro, c’est la généralisation

de sa baisse qui importe pour la compétitivité des entreprises. Or, depuis début septembre, la

monnaie unique a perdu 12 % par rapport au billet vert, mais son taux de change par rapport à ses

principaux partenaires commerciaux n’a cédé « que » 6 %.

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Assouplissement quantitatif - "Les pauvres en prennent plein la

gueule à cause des taux zéro"

Le Point - Publié le 21/01/2015 à 20:17 - Modifié le 22/01/2015 à 10:00

Pour l'économiste Charles Gave, les politiques exceptionnelles menées par les banques centrales

depuis le début de la crise sont pires que le mal.

Mario Draghi s'apprête à procéder au rachat de la dette publique par la BCE. Mario Draghi s'apprête

à procéder au rachat de la dette publique par la BCE. © Arne Dedert/dpa/AFP

Propos recueillis par Marc Vignaud

La BCE s'apprête jeudi à annoncer des achats de dette publique de la zone euro pour lutter contre la

déflation en zone euro. Charles Gave, libéral convaincu* et président de la société de services

financiers Gavekal Research, basée à Hong Kong, accuse les mesures exceptionnelles prises par les

banques centrales depuis le début de la crise d'augmenter l'instabilité du système financier et de

creuser les inégalités. Interview.

Le Point.fr : Pourquoi êtes-vous opposé au rachat de dette publique par la BCE alors que la mesure

est présentée comme indispensable pour sortir de la déflation par la plupart des analystes de marché

?

Charles Gave : Il faut d'abord se demander pourquoi une partie de la zone euro est en déflation !

C'est parce que l'euro est une construction imbécile. Il n'est pas possible de maintenir des taux de

change fixes entre des pays qui ont des productivités différentes. Sinon, celui qui a la productivité la

plus forte mange les autres. C'est ce qui s'est passé depuis le début des années 2000. En base 100 en

2000, la production industrielle allemande est aujourd'hui à 120, la française est à 85, l'italienne à 75.

De 1960 à 2000, la production industrielle de ces trois pays était pourtant exactement la même.

Après avoir foutu en l'air notre appareil industriel, l'Allemagne est en train de demander qu'on

réduise notre protection sociale. C'est ce qui s'appelle une dévaluation intérieure pour faire baisser

les prix : ce que l'Espagne a commencé à faire. Cela appauvrit de manière épouvantable toutes les

petites gens. L'euro est une fantastique machine à créer des divergences. Dans un livre que j'ai publié

il y a une dizaine d'années, Des Lions menés par des ânes, je disais que l'euro allait créer trop

d'usines en Allemagne, trop de fonctionnaires en France et trop d'immeubles en Espagne. Cela a mis

10-12 ans à se produire, mais cela s'est produit.

La BCE ne peut-elle pas contribuer à relancer la machine dans les pays du Sud en rachetant des actifs,

comme de la dette publique ?

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Si les profits des entreprises baissent de 2 ou 3 % par an, elles n'ont que faire d'emprunter pour

augmenter leur production. Que les taux d'intérêt soient à 0,3, ou 5 %, cela ne change strictement

rien. Dans le contexte actuel, cela ne sert à rien d'investir. Quiconque a un peu d'argent en Europe

préférera d'ailleurs construire son usine en Allemagne, là où le coût du travail, du capital, et le poids

de la réglementation sont moins élevés, et non en France, en Italie ou en Espagne.

On comprend que l'action de la BCE pourrait être, à vos yeux, inefficace. Mais pourquoi êtes-vous si

opposé aux taux d'intérêt à zéro ?

Les systèmes d'assurance et de retraite ont besoin de vrais taux pour pouvoir remplir leurs objectifs.

Avec des taux à zéro, voire négatifs, les retraites complémentaires comme l'Agirc et l'Arrco seront en

faillite d'ici deux-trois ans, car une grosse partie de leur revenu vient de leurs placements obligataires

! En d'autres termes, la BCE est en train de subventionner la consommation actuelle avec la retraite

du futur. C'est un jeu à somme nulle. Cela fait trois ans que l'on nous promet le nirvana. Cela a

simplement eu pour effet de faire monter les marchés obligataires des pays périphériques de la zone

euro comme le Portugal, l'Espagne, l'Italie et même la France à des niveaux qui ne sont justifiés en

rien par les fondamentaux économiques de ces pays. On a bien vu avec la Suisse la semaine dernière

que lorsque la banque centrale crée des faux taux, ça revient vite comme un élastique à la figure. Et

ça fait mal !

Autrement dit, vous craignez un krach obligataire quand les banques centrales remonteront leurs

taux d'intérêt...

Cela se produira dès qu'il se passera quelque chose qui fera réaliser aux gérants du monde entier que

tous les prix sont faussés. On est en train d'accroître la fragilité du système financier en accroissant

les possibilités d'effets de levier (opérations financées par l'endettement, NDLR) qui peuvent mettre

en danger des banques, des opérateurs financiers, etc.

Malgré les risques, la politique de taux zéro, puis de rachats massifs d'actifs, a pourtant plutôt bien

fonctionné aux États-Unis, de l'avis de nombreux observateurs...

Le taux de participation au marché du travail aux États-Unis est à un plus bas historique. Le taux de

chômage affiché de 5,4 % est une création statistique. Si on rapporte le nombre de personnes au

chômage au nombre de personnes sur le marché du travail il y a dix ans, ce taux serait à 10 %. 50 %

de la population reçoit des allocations du gouvernement et un bon tiers des bons alimentaires... Si la

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hausse des actifs déclenchée par les taux zéro a fait la fortune des gens riches, elle a appauvri la

majorité du pays.

Il faut bien voir que les taux zéro reviennent à prélever un impôt sur les pauvres au profit des plus

riches. Aux États-Unis, les dépôts bancaires, détenus en particulier par des petites gens, sont de 10

000 milliards de dollars. Si les taux étaient à 3 %, il y aurait à peu près 300 milliards de revenus

supplémentaires à dépenser par an. C'est autant d'argent qui est retiré de la consommation. Ces 300

milliards sont transférés aux "Goldman Sachs" de ce monde [référence à la banque d'affaire

américaine, NDLR] par les profits qu'ils réalisent grâce aux taux à zéro. Du point de vue de la justice

sociale, il n'y a rien de plus abominable que des taux nuls.

Vous mettez donc en relation l'explosion de la richesse des 1 % les plus aisés décrite par

l'Organisation non gouvernementale Oxfam, avec les politiques menées par les banques centrales

depuis le début de la crise ?

Oui. Il y a six ans, j'avais publié un article intitulé Le coût élevé de l'argent gratuit (The high cost of

free money) dans lequel j'avertissais que les taux zéro allaient augmenter les inégalités et entraîner

une baisse de l'investissement.

Pourquoi ?

Les deux principaux prix dans un système économique, ce sont les taux d'intérêt et le taux de change.

Si ces deux prix sont faux parce que manipulés par la banque centrale, le chef d'entreprise sent bien

que tous les prix dans l'économie sont faux. Il ne va donc pas se lancer dans une opération

d'investissement à 10 ans comme construire une nouvelle usine, car il ne sait pas du tout quels

seront les prix à cet horizon (le taux de change du dollar, les taux d'intérêt...). Il préfère donc racheter

ses propres actions, puisqu'il devient beaucoup plus rentable d'emprunter de l'argent pour racheter

ses propres titres que d'acheter une machine-outil, le prix des actifs. Cela n'augmente pas du tout

l'investissement. Du coup, la productivité baisse, les salaires n'augmentent plus et les pauvres gens

en prennent plein la gueule.

Auteur à succès, Charles Gave a publié en 2010 : L'État est mort, vive l'État. Pourquoi la faillite

étatique qui s'annonce est une bonne nouvelle, Bourin éditeur

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[Hold-Up à 1 100 000 millions d'€] QE : comment la BCE se moque du

monde !

Olivier Berruyer, Les crises-fr. Je réagis rapidement à ce (nouveau) scandale bancaire.

Que va faire la BCE ?

Mario Draghi a annoncé un programme de rachat d’actifs de 60 milliards d’euros par mois de mars

2015 jusqu’à fin septembre 2016, soit un QE à plus de 1 100 milliards d’euros au total.

Les achats d’obligations souveraines seront réalisés au prorata de la répartition du capital de la BCE,

c’est-à-dire qu’un montant réduit sera consacré au rachat des dettes des plus petits pays comme la

Grèce. Ils concerneront les obligations des États membres de la zone euro et des Institutions

européennes.

(Cela fait quand même la bagatelle maximale de 220 Md€ pour la France – soit presque 4 années

d’impôt sur le revenu !!!)

La BCE achètera des obligations de 2 à 30 ans

Les taux des obligations à dix ans sont les plus souvent cités en référence, mais les interventions de la

BCE porteront sur toutes les maturités : aussi bien sur des dettes à deux ans que sur des dettes à

trente ans.

Pour ne pas déstabiliser les marchés, il est indiqué que la BCE ne rachètera sur le marché secondaire

pas plus que 25 % du montant de chaque émission obligataire des différents États, et pas plus de 33%

de la dette totale de chaque émetteur…

Les risques ne seront partagés que sur 20% des titres achetés

Dans le cadre du vaste programme d’achats d’actifs lancé jeudi par la BCE, seuls 20% des titres

achetés seront susceptibles de provoquer des pertes assumées collectivement par l’ensemble des

États de la zone euro, a annoncé Mario Draghi.

“20% des achats d’actifs supplémentaires seront soumis à un régime de partage des risques”, a

expliqué Draghi, limitant ainsi le degré de solidarité entre contribuables européens lors des futurs

achats massifs de dette publique et privée, qui doivent commencer dès mars prochain.

On notera que même les Echos n’ont rien compris… :

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(bas, on ne parle que de 600 Md€ de solidarité en + ou en -)

Pourtant, le reste des journaux a compris, et la BCE est claire :

“En ce qui concerne le partage des pertes hypothétiques, le Conseil des gouverneurs a décidé que

les achats de titres des institutions européennes (qui s’élèveront à 12 % des achats d’actifs

supplémentaires et qui seront effectués par les banques centrales nationales) seront soumis au

partage des pertes. Les autres achats d’actifs supplémentaires réalisés par les BCN ne seront pas

soumis au partage des pertes. La BCE détiendra 8 % des achats d’actifs supplémentaires. Cela signifie

que 20 % de ces achats supplémentaires feront l’objet d’un régime de partage des risques.”

Ainsi, ces 20 % se scindent en 12 % des achats concerneront les obligations des Institutions

Européennes (donc a priori les institutions type MES servant à boucher les trous précédents…) et 8 %

achetés directement par la BCE.

Les 80 % restant sont achetés directement par les banques centrales de chaque pays, SANS AUCUNE

SOLIDARITÉ européenne !

Et donc cela revient à dire que c’est chaque banque centrale nationale qui va racheter les obligations

de son propre gouvernement sur le marché secondaire…

C’est une vraie innovation (et j’avoue ne même pas voir comment c’est juridiquement possible) :

jusqu’à présent, l’EuroSystème (= toutes les banques centrales nationales) était à 100 % solidaire…

D’où ce commentaire incroyable :

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Bah oui : on détricote 80 % de la solidarité, donc c’est un progrès vers l’Union.

Cela me semble être au contraire un sacré pas vers la dissolution de l’euro !

Lors de la fin de l’euro, ils nous diront encore que c’est une belle occasion d’aller vers plus d’union,

vous verrez…

Bref, il ne faut pas s’étonner dès lors que “L’usage d’un tel programme comme instrument de

politique monétaire a fait « l’unanimité » parmi les 25 membres du Conseil, a précisé Mario Draghi,

et le choix de l’enclencher dès mars a seulement fait « consensus », car certains membres du Conseil

ne voyaient pas l’urgence d’agir dès maintenant.”

L’Allemagne traine les pieds, mais elle ne s’est pas opposée ici à la mesure, vu que, au pire du pire,

ne lui couterait qu’une cinquantaine de milliards – vu que 80 % de pertes seront pour les pays

acheteurs de dette…

Hein ?

Bon, en résumé : la BCE va faire tourner la planche à billets (on appelle ça QE pour que les gens ne

comprennent pas) pour racheter des dettes publiques à ceux qui en ont déjà acheté.

Et ça sert à quoi ?

1. Officiellement, “c’est pour lutter contre la déflation rampante” – et donc pour faire monter les

prix.

En effet, c’est exactement ce qui s’est passé aux États-Unis, précurseurs :

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Ah non, flûte – Caramba, encore raté…

P.S. je signale que ce n’est pas parce que cela semble marcher au début qu’il y a lien – on peut

s’amuser à faire dire n’importe quoi à de tels graphiques, en mettant n’importe quelle donnée. En

revanche, c’est un excellent moyen de “prouver négativement” qu’il n’y a pas de lien, quand on voit

une divergence majeure comme ici…

Pourquoi cela ne marche-t-il pas ?

Il est vrai, qu’en général, par le passé, quand on faisait tourner la planche à billets, cela faisait de

l’inflation. Mais pas là.

C’est lié au fait qu’on a désormais une énorme économie financière, au dessus-de l’économie réelle,

qui modifie les flux financiers.

Mais en fait, le principe est toujours vrai, simplement on a une mauvaise définition.

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Car on appelle inflation l’”évolution des prix à la consommation”, donc ce que vous achetez tous les

jours.

Et on ne compte pas là dedans les prix des actifs : actions, obligations, immobilier…

Regardez, on vous serine que la BCE a terrassé l’inflation depuis 20 ans (donc “que les prix ont peu

augmenté”), mais si vous avez acheté un bien immobilier dans cette période, vous vous êtes

normalement aperçu qu’il y avait un petit souci dans sa définition de l’inflation… Et vous auriez sans

doute préféré une baguette plus chère mais les prix immobiliers de 1995…

C’est un peu comme si je disais qu’actuellement, on a une déflation cataclysmique de – 50 % – en

vous précisant que, bien entendu, j’appelle “inflation” l’évolution des seuls prix du pétrole…

Et en fait, dans l’économie financiarisée actuelle, les actions de la banque centrale ont bien tendance

à faire de l’inflation – mais de l’inflation des actifs. J’avais analysé ceci pour la Suisse il y a 2 ans (au

vu des ses magnifiques séries historiques) :

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Et quand on voit le cours actuel des actions (records historiques – ce qui est clairement du délire vu

le contexte économique !!), des obligations, de l’immobilier, des taux d’intérêts, on voit bien qu’il y a

bien un fort effet inflationniste – mais des actifs.

2. on a droit aussi à “c’est pour relancer la croissance”

J’imagine que c’est de nouveau au vu du phénoménal succès américain :

Ah non, flûte – Caramba, encore raté…

Si des types dans une cave à Francfort pouvaient relancer la croissance, cela se saurait…

Je cite donc le grand et regretté J.K. Galbraith, ancien conseiller économique de plusieurs présidents

américains (source dans ce billet : Action des banques centrales : l’élégante esquive de la réalité) :

“On estime que les mesures discrètes prises par la Federal Reserve sont les plus approuvées et les

mieux acceptées des interventions sur l’économie. Elles n’en sont pas moins parfaitement

inefficaces, elles n’ont pas l’effet qu’elles sont censées avoir. La récession et le chômage – ou le

boom et l’inflation – se poursuivent. C’est un des mensonges auxquels nous tenons le plus. [...]

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Depuis 1913, date à laquelle la Federal Reserve a commencé à exister pleinement, le bilan de sa

lutte contre l’inflation et particulièrement contre la récession a été d’une insignifiance totale et

continue. [...]

Pendant la Seconde Guerre mondiale, avec l’expérience du conflit précédent, on redoutait

beaucoup l’inflation. Finalement, elle a été maintenue sous contrôle étroit et n’a laissé aucun

souvenir vraiment désagréable. Les historiens ne voient même plus le problème. Un facteur de poids

a pesé dans cet heureux résultat : on a tiré les leçons du passé et l’on n’a fait aucune confiance à la

Federal Reserve. Il n’était pas question, dans cette période si difficile, de fonder la politique

économique sur l’espoir ou la mythologie. Contenir l’inflation était l’une de mes tâches principales

pendant ces années (j’étais administrateur adjoint chargé de la politique des prix à l’Office de

contrôle des prix, donc immédiatement concerné par la lutte anti inflation), et j’étais bien persuadé,

moi aussi, que la Federal Reserve n’avait pas la moindre importance. Et c’était exact.

Dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les menaces d’inflation et de

récession ont été moins graves. La Fédéral Reserve, après des débats internes savants et souvent

acharnés, a pris des mesures. Elles ont été très applaudies, ont donné lieu à des prévisions

optimistes, et n’ont eu aucun effet.”

Je me permets enfin de rappeler que toutes ces mesures « non conventionnelles » n’ont jamais été

testées à ce point dans l’Histoire. Je n’ai pas connaissance de cas dans l’Histoire où une Banque

centrale ait pris tant de risques, et encore moins où elle se soit retrouvé en fonds propres très

négatifs en cas de problèmes…

En théorie, ce n’est pas un drame vu que c’est une banque centrale, mais en pratique, on verra ce

que ça donne en terme de panique et de défiance envers la monnaie…

En conclusion : quand les banquiers centraux rentrent dans cette logique à la Ponzi (la BCE doit faire

des QU pour remplacer la Fed qui arrête et la BoJ qui limite aussi son aide aux marchés), ça finit en

général très mal…

Ben alors, ça sert à quoi en vrai ?

Eh bien, c’est assez simple. un tel QE sert principalement à 2 choses :

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1. Vous l’avez compris, à continuer la gabegie financière, à maintenir au cric des bulles gigantesques,

indues et dangereuses – en évitant la vérité des prix (ce qui a à l’évidence des impacts négatifs sur

l’économie réelle)

Ça permet aussi aux États de voir baisser le taux d’intérêt qu’ils payent (en ne payant pas le bon prix)

– et donc de continuer à s’endetter encore plus. Ca semble bien comme ça, mais c’est en fait comme

avoir de la drogue gratuite.

Et le jour où le système lâche et il faut payer le vrai prix sur le stock énorme de dette, c’est la

banqueroute assurée…

2. Et mieux encore… À aider les banques privées !

Car que se passe-t-il lors d’un prêt à un État ?

Petite simulation comptable (désolé, c’est important) :

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Quand tout se passe bien : (1) Disons que la Grèce reçoive 1 000 d’une banque pour un prêt à 20 ans.

On note que la banque encaisse un intérêt de 7 %, donc ÉLEVÉ, contrepartie d’un risque de défaut

(sans ce risque, les taux seraient toujours très faibles).

(2) au bout de 20 ans, la Grèce lève les impôts qui vont bien (ou ré-emprunte en vrai) et rembourse

la banque. Tout va bien.

(3) mais problème, en cas de défaut, la banque a perdu son argent (et la Grèce l’a gagné vu qu’elle ne

rembourse pas)

(4) et dans le cas du jour, alors que les inquiétudes augmentent sur la capacité de la Grèce à

rembourser, et donc que le risque qui a été rémunéré 7 % semble voir approcher sa réalisation, la

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BCE s’interpose, rachetant l’obligation à risque achetée par une banque PRIVÉE qui a été rémunérée

pour ce risque ! Donc elle reprend une obligation dangereuse au moment où le risque de défaut

approche ! Merci pour le con-tribuable…

En effet, on voit bien que dans cette opération :

les liquidités dans le système augmentent de 1000 (la banque est remboursée, mais la Grèce n’a

encore rien payé) : du cash pour continuer à jouer…

la banque récupère 100 % de sa mis, et pour juste 1 100 Md€ – merci Mario…

la BCE récupère le risque pourri et le risque de défaut !

Ainsi, c’est un peu comme si 10 minutes avant que le Titanic ne tape l’Iceberg, la BCE arrive en

barque, lance une corde à un milliardaire qui descend dans la barque et la BCE prend sa place sur le

bateau – le tout en lui rachetant au passage son billet à plein tarif…

Elle est pas belle la vie ?

N.B. : vous apercevez ici dans (4) clairement comment est créé la monnaie (ici monnaie de banque

centrale). Tout se joue d’un trait de plumes, PARCE QUE la banque (centrale) gère le “compte en

banque” du client (ici une banque normale). En échange de la créance détenue par la banque

normale, elle crédite simplement son compte en banque de 1000. Elle écrit 1000 de plus – et rien

besoin d’autre. C’est une possibilité issue du privilège de tenir les comptes – exactement comme si

vous tenez les comptes d’une partie de Scrabble ou de Poker, il vous suffit juste… bah de rajouter

1000 avec votre stylo. BIEN ENTENDU, cette possibilité est en général interdite – par principe même

d’être teneur du compte, il faut respecter des règles (sinon les banques pourraient racheter le pays

d’un trait de plumes!)… D’où le fameux adage “Les crédits (ou ici les achats de créances) font les

dépôts” (c’est enseigné en 1ère année de cours d’économie).

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Q.E de la BCE : commentaires et conséquences Mise en ligne le : vendredi, 23 janvier 2015 08:38

Objectif eco

la BCE vient donc d'annoncer son programme de quantitative easing, prévu s'élever à 60 milliards

d'euros mensuels jusqu'en septembre 2016 au moins.

Pour le situer et le comparer à ceux d'autres pays, il est de même intensité que le précédent

programme américain, en atteignant un rythme d'expansion du bilan de la banque centrale à environ

7% du PIB de la zone euro.

Celui du Japon est nettement plus intense encore, avec un niveau prévu atteindre 15% du PIB

japonais, et des rachats d'actifs plus larges allant jusqu'aux actions.

La première raison d'être d'un programme de Q.E, celle que tous ses promoteurs nieront dans un bel

ensemble c'est cela :

japanbudget

Vous l'avez compris, le Q.E permet avant tout aux dirigeants des états concernés de dépenser

toujours plus d'argent public, de laisser filer encore plus les déficits et la dette publique, tout en

profitant du parapluie de la banque centrale qui rachète les dettes émises et pousse les taux vers 0,

évitant ainsi aux gouvernements toute sanction du marché (jusqu'au jour où la confiance dans les

banques centrales disparaîtra et où ce schéma s'effondrera).

Le second effet d'un programme de Q.E est de créer des bulles d'actifs, avec par exemple un

doublement de l'indice nikkei en deux ans. Il n'est pas interdit d'en profiter (au contraire !), je viens

par exemple d'acheter une ligne d'actions d'une honding financière très décotée sur la place de Paris,

ayant ses principaux actifs en Suisse (ce qui permet à la fois de bénéficier du Q.E et de la réévaluation

du franc suisse). Mais gardez à l'esprit que toutes les bulles finissent par éclater, et que votre sort

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dépendra à la fois du bon vouloir des banques centrales et de la durée pendant laquelle celles-ci

conserveront la confiance des marchés.

Pour les autres effets, ceux que les partisans du Q.E mettent en avant, il y aurait :

- Une hausse de l'inflation.

La réalité est que les banques centrales n'arrivent pas à la relancer malgré leurs efforts. L'inflation

japonaise est déjà en train de retomber rapidement aujourd'hui, avec des prévisions d'inflation

inférieures à 1% sur 2015, malgré une dévaluation du yen considérable (118 yens pour 1$ aujourd'hui

contre 75-80 avant les vagues de QE japonais). Et aux USA l'inflation est actuellement tombée à 0,8%

malgré le récent Q.E qui a eu lieu.

- Des créations d'emplois.

Voilà un autre mythe. Aux USA, pays où le Q.E est censé avoir le mieux réussi, l'emploi réel ne

redécolle pas, il y a moins de chômage simplement parce que de plus en plus d'actifs se retirent du

marché du travail.

- Une relance de la consommation via la baisse des taux et la relance du crédit.

Aux USA, cela a fonctionné en partie, pour deux raisons :

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- Les taux à 10 ans étaient encore à 3,6% début 2011 et 3% fin 2013, il y avait donc une certaine

marge de manoeuvre à la baisse.

- Les modes de consommation de ce pays (recours massif au crédit à la consommation et au crédit

hypothécaire) rendent la dépense des ménages très sensible aux taux d'intérêt.

En Europe la situation est radicalement différente :

- Les taux sont déjà au plancher, avec par exemple seulement 0,6% sur le taux à 10 ans français et

n'ont pratiquement plus de marge vers le bas.

- Les habitudes de consommation sont beaucoup moins dépendantes du crédit. Certains auteurs

(Michael Pettis ou Mike Shedlock par exemple) attendent même un effet inversé du fait que c'est

l'épargne qui domine sur le crédit en Europe, et qu'une baisse des taux réduira les revenus des

épargnants et leur capacité à consommer (voir cet article).

Le QE européen devrait donc avoir beaucoup moins d'effets sur la croissance que son prédécesseur

américain.

Que restera-t-il aux "élites" (si on peut les appeler ainsi !) qui nous gouvernent une fois que les Q.E

n'auront plus d'effet ?

(le Japon semble tout près d'avoir atteint cette limite)

Je vois deux options :

- Ou elle finissent par jeter l'éponge, comme la BNS en Suisse et accepter qu'une crise remette les

compteurs de la dette à zéro. On pourra alors repartir du bon pied après une période difficile.

- Ou on pousse la logique keynésienne / étatiste à l'oeuvre dans les programmes actuels jusqu'au

bout pour forcer les ménages à consommer coûte que coûte, et il faudra aller toujours plus loin dans

le dopage de la consommation.

Cela passera par :

- Des politiques de confiscation de l'épargne (taux d'intérêt négatifs, pénalités sur les dépôts des

épargnants) pour que tout le monde soit obligé de consommer.

- Une distribution directe d'argent public aux ménages via la monnaie imprimée, avec des entreprises

qui deviendront alors entièrement dépendantes des programmes des états.

- Une appropriation partielle puis de plus en plus massive par l'état des biens des ménages (il faut

bien que celui-ci récupère quelque part les dettes qu'il émet).

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Toutes ces idées ont déjà été émises plus ou moins discrètement par les représentants de l'"élite"

soucieuse uniquement de notre bonheur bien entendu. Ici, ou ici par exemple.

Des entreprises qui deviennent entièrement dépendantes des états, des états qui confisquent le

patrimoine des ménages...cela ne vous rappelle rien au fait ? Cela a déjà été essayé dans le passé,

cela s'appelle le communisme.

Espérons quand même que le chemin de la France et des autres états occidentaux sur la route de la

servitude étatiste s'arrête avant cela. Nous en sommes déjà à 57% du PIB en dépenses publiques.

Plus de la moitié du chemin qui conduit au communisme "parfait" a déjà été accompli en France.

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BCE: le rachat de dettes d'État pour les nuls

Publié le 22/01/2015 à 06:01

INFOGHRAPHIE - Ce jeudi, la Banque centrale européenne devrait annoncer une opération monétaire

inédite pour relancer la croissance en zone euro. De quoi s'agit-il? Pourquoi l'Allemagne est

réticente? Qui va en profiter? Explications pour les non-initiés.

«Cruciale», «explosive»! Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier cette semaine pour l'avenir

économique de la zone euro. La Banque centrale européenne (BCE) doit annoncer une action de

politique monétaire inédite pour relancer la zone euro.

• Qu'est-ce que le «quantitative easing» (QE)?

Le «quantitative easing» (QE) ou assouplissement quantitatif, c'est la version moderne de «la

planche à billet». Il s'agit d'un instrument de politique monétaire non conventionnel.

Habituellement, la Banque centrale européenne (BCE) utilise, comme principal outil, le taux d'intérêt

auquel elle accorde des prêts aux banques. Taux qui détermine celui des crédits auxquels souscrivent

les ménages et les entreprises. En raison de l'ampleur de la crise, les banques centrales ont été

amenées à prendre des mesures non conventionnelles dès 2008, consistant notamment à acheter

des obligations ou des billets de trésorerie émis par les entreprises, à reprendre les actifs de banque

ou des prêts au secteur privé transformés en obligations (ABS). Mais cela n'a rien à voir avec le «QE»

dont on parle aujourd'hui, qui s'inspire de ce que fait la Fed aux États-Unis, la Banque d'Angleterre ou

la Banque du Japon depuis les années 2000.

• Comment cela fonctionne?

Le «QE» consiste à racheter des dettes souveraines, des obligations d'États à long terme, à 7 ans ou

10 ans, sur les marchés. En échange de ces achats, la BCE crée de la monnaie, des liquidités

nouvelles, qu'elle injecte dans les circuits financiers. Les pays de la zone euro étant très endettés, les

dettes d'État abondent. Il en existe 7000 milliards d'euros en circulation. La BCE ne peut racheter que

des titres biens notés par les agences de notations. Ce qui exclu a priori les titres grecs et chypriotes.

La BCE peut acheter elle-même les titres, et les garder sur son bilan, ce qui fait partager les risques

financiers à l'ensemble des États membres de la zone euro. Elle peut aussi laisser les banques

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centrales nationales acheter ces titres, et les garder sur leurs bilans, afin de ne pas mutualiser le

risque entre les pays. Une option qui décevrait les marchés.

• En quoi cette opération est-elle inédite?

La zone euro ne s'est jamais lancée dans l'aventure d'un «QE» à l'américaine, car le traité de

Maastricht -repris dans le traité de Lisbonne aujourd'hui en vigueur- interdit expressément le

«financement monétaire» des États. Si elle sert à financer les déficits des États membres, la «planche

à billets» est proscrite. C'était l'une des conditions fixées par l'Allemagne, pour renoncer au Deustche

Mark, au profit de l'euro. L'assouplissement quantitatif n'est acceptable, aux yeux de la justice

européenne, que s'il s'agit d'un instrument exceptionnel permettant à la BCE d'atteindre son objectif

d'inflation de 2 % à moyen terme ou de sauver l'euro.

• Pourquoi la BCE envisage cette opération?

Depuis un an et demi, l'inflation est à un niveau jugé «extrêmement bas» par le président de la

Banque centrale européenne, Mario Draghi. En décembre, les prix dans la zone euro ont même

reculé de 0,2 %. Or, selon son mandat, l'institution financière doit certes maintenir le taux de

l'inflation sous les 2 % «mais pas à un niveau trop éloigné de ce seuil maximal», rappelle Jean-Claude

Trichet, ancien président de la BCE. Cette tendance fait craindre à la plupart des pays de la zone

euro, à l'exception de l'Allemagne, que l'Europe s'installe dans la déflation, c'est-à-dire la

«diminution générale et durable des prix», selon la définition de l'Insee. Le risque c'est que la baisse

des prix se transmette aux salaires, et affaiblisse encore la croissance.

• La déflation, c'est grave?

Oui. Aussi grave que l'inflation, et plus difficile à combattre. La déflation, c'est le cauchemar des

banques centrales, car il est très difficile d'en sortir, si ce n'est en recourant massivement à la

planche à billets… La déflation a accompagné le krach boursier de 1929 aux États-Unis et en Europe.

Ce fléau économique sévit depuis deux décennies au Japon. La zone euro est-elle en déflation? Pas

encore officiellement. Les prix reculent surtout en raison de la chute des prix du pétrole, considérée

comme une bonne nouvelle pour la zone euro. Mais le danger guette, notamment dans le sud de la

zone euro où les prix reculent depuis plusieurs mois. Et c'est pour éviter de tomber dans le piège,

que la BCE veut agir. Avant qu'il ne soit trop tard.

• Pourquoi l'Allemagne s'oppose à cette opération?

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L'Allemagne n'aime pas la «planche à billets». Elle craint que cela n'alimente des bulles financières,

et qu'en dépréciant l'euro, et en facilitant l'endettement, cela décourage les réformes structurelles

dans les États du sud de l'Europe. «Il faut empêcher que la pression pour l'amélioration de la

compétitivité diminue à cause de l'action de la BCE», a mis en garde Angela Merkel. L'inflation est

également une crainte historique des Allemands, traumatisés par la folle envolée des prix des années

1920, qui a ruiné les petits épargnants et les classes moyennes, et dans la conscience collective fait le

lit du régime nazi. Une crainte largement dépassée, au yeux de tous les économistes. «Toutes les

études le prouvent: cela n'augmente pas l'inflation. Il n'y a pas de danger de ce côté», répond

Catherine Mann, chef économiste de l'OCDE, dans une interview au Figaro. L'Allemagne ne croit pas

non plus au risque de déflation brandi par la BCE. Il n'y aurait donc aucune urgence à décider d'un

assouplissement monétaire.

• Quels seraient les gagnants et les perdants?

Les pays périphériques de la zone euro (Italie, Espagne, Portugal, Irlande), seraient les plus grands

gagnants d'un «QE» à l'américaine. L'Italie et l'Espagne bénéficieraient d'une offre de crédit plus

abondante et moins onéreuse, alors qu'aujourd'hui, ils font face à un crédit «crunch», une pénurie

de crédit. Ils bénéficieront aussi de la dépréciation de l'euro entraîné par ce surcroît d'offre de

monnaie pour exporter plus. Cela dit, l'Allemagne gagnera aussi beaucoup d'une baisse de l'euro, car

sa croissance dépend de plus en plus des exportations vers les pays émergents.

En France, le «QE» aura un impact moindre. Le Trésor français emprunte déjà à des taux

historiquement bas ; le crédit est disponible et bon marché. C'est la demande de crédit qui ne suit

pas, par manque de confiance. Pourquoi demander un crédit lorsque l'on est assommé d'impôts et

de réglementations tatillonnes? La France qui s'est tant plainte de «l'euro fort» sera surtout aidée

par la dépréciation du change. Ses exportations en zone dollar seront plus compétitives. Les

entreprises du CAC 40 seront les grandes gagnantes.

Du côté des ménages, les emprunteurs seront avantagés -ils peuvent emprunter moins cher ou

renégocier leur crédit-, alors que les épargnants verront leur épargne leur rapporter moins. Le «QE»

incite à demander un crédit, à dépenser, à prendre des risques en Bourse, et non à épargner sur un

livret A ou en obligations d'État par le biais d'assurances vie en fonds euros…

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CONCOURS EXTERNE

D’INSPECTEUR DES

FINANCES PUBLIQUES

EXERCICE DE PLAN DE NOTE

Thème : le « QE »

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EXEMPLE DE PLAN DE NOTE

Sujet : L’impact de l’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne sur l’économie française.

I. LE « QE » : UNE RÉÉCRITURE DU RÔLE DE LA BCE DANS LA

ZONE EURO

A. Un changement de modèle

Les missions historiques de la BCE : maintenir l’inflation dans la

zone euro.

La nouvelle mission impartie à la BCE : lutter contre la déflation

Le déroulement pratique du « QE »

B. Les avantages attendus

Une dette aux intérêts moins élevés

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Un « crédit » (dans tous les sens du terme…) restauré pour les

États (à commencer par ceux endettés)

Une économie relancée (coût du crédit moins élevé, donc incitation

à investir, donc à embaucher donc à faire consommer : le cycle de

consommation repartirait)

II. LES LIMITES D’UNE POLITIQUE « D’ASSOUPLISSEMENT

QUANTITATIF »

A. Une atteinte à la valeur de la monnaie…

Une dépréciation de la monnaie (les entreprises exportatrices

ont pour la plupart depuis longtemps choisi l’implantation

dans le pays d’accueil, la variation du taux de change a peu

d’impact ; alors que le coût des importations augmente) : de

l’argent est créé ex-nihilo faisant baisser la valeur de celui

existant déjà.

Une inflation bien réelle, ou sur des segments économiques

(immobilier de 2002 à 2013 en France notamment avec 150

à 200 % parfois d’augmentation des prix alors que dans le

même temps, la BCE assurait maintenir les prix à 2 % ; c’est

tout le problème du contenu du panier pour calculer l’indice

de l’inflation) ou … toute l’économie (cf. l’Allemagne de 1923

/ 1929).

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B. …. Sans conséquence sur le rétablissement de l’économie

Un effet médiocre voire nul : cf. les exemples japonais depuis

20 ans et américain depuis 5 ans

Un risque de bulle financière accru sans prêt à l’économie

réelle (l’argent créé par la BCE pour acheter les obligations

détenues par les banques commerciales sert à ces dernières

à agir essentiellement sur les marchés financiers, non à

prêter aux PME ; ou à prêter pour des projets immobiliers…

sans conséquence sur l’investissement à 5 ou 10 ans, ce

type de projet ne créant aucun emploi).

Les plus pauvres encore plus laminés (leur épargne n’est pas

rémunérée et ils sont davantage touchés par le chômage ;

aux États-Unis adeptes d’un QE pendant 5 ans, 1/3 de la

population touche maintenant des bons alimentaires pour se

nourrir)