protégeons-nous des incivilités au travail !€¦ · breuses personnes se montrent assez mal...

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actuel 6 k maximag.fr maximag.fr k 7 Protégeons-nous des incivilités au travail ! Entre collègues ou à cause des clients et usagers… Une enquête*, réalisée au printemps dernier, révèle que nous sommes de plus en plus nombreux à souffrir d’incivilités sur le lieu de travail. Comment s’en défendre ? J e travaille dans un bureau de la Caisse d’allocations familiales, explique Béa- trice, 56 ans. Il y a quelques mois, un jeune homme s’est présenté pour que je lui verse de l’argent liquide. Quand je lui ai dit que ce n’était pas possible, il s’est énervé et m’a traitée de singe. Je lui ai demandé gentiment de se calmer, mais il a continué à m’insulter. Je me suis levée et je lui ai dit que, dans ces conditions, je ne pouvais pas le ser- vir. Je suis partie dans le bureau d’à côté. Sur le coup, j’étais très en colère. Heureusement, j’ai pu en parler avec mes collègues, ce qui m’a permis de me détendre. » 42 % des salariés sont confrontés à des incivilités sur leur lieu de travail* : de l’impolitesse caractérisée (ni bon- jour ni merci) aux propos insultants en passant par les attitudes irres- pectueuses, ces incivilités peuvent être aussi bien provoquées par des clients (bénéficiaires ou usagers) que par des collègues. Et dans tous les cas, elles peuvent avoir des conséquences importantes sur le moral des salariés. Apprenez à vous en protéger ! * Enquête sur les Incivilités au travail, le vécu des Français, site Web eleas.fr. « En tant que postier au guichet, je suis habitué à recevoir beau- coup de monde dans la journée, explique Pascal, 52 ans. Et de nom- breuses personnes se montrent assez mal élevées. Elles ne répondent pas à nos bonjours, elles nous regardent avec mépris, elles nous coupent la parole en montrant des signes d’impa- tience… Ce ne sont pas des actes très graves, mais c’est usant à la longue. Ces gens nous font sentir que nous sommes des moins que rien, donc on se sent forcément dévalorisé ! Parfois, nous sommes aussi confrontés à des faits plus graves… Récemment, je me suis approché des files d’attente pour m’assurer que chacun était dans la bonne. À cette occasion, j’ai demandé à une jeune fille qui faisait la queue pour retirer de l’argent si elle avait ses papiers d’identité, indispen- sables pour ce genre d’opération. Elle m’a répondu : “ Qu’est-ce que ça peut te foutre ? Je vais te saigner, toi ! ” J’ai été totalement décontenancé. Cho- qué, je n’ai rien répondu. J’ai fait mine de me tourner vers quelqu’un d’autre et je me suis éloigné. Cette agressivité était tellement dispropor- tionnée. C’est comme si elle m’avait frappé. Les mots peuvent être aussi violents que des coups ! » Postiers, infirmières, caissières, vendeuses,manutentionnaires dans une grande surface, stan- dardistes, employés de la CAF, de Pôle emploi ou de la SNCF… Les salariés en contact avec le public sont particulièrement exposés aux incivilités*. « Même si c’est difficile, il faut être conscient que le fait de s’énerver soi-même ou de répondre sur le même ton ne fait qu’aggra- ver les choses, précise Anne-Marie Cariou, directrice associée de Sti- mulus, un cabinet de conseil expert dans le bien-être et la santé au tra- vail. Si quelqu’un s’énerve car on ne peut pas répondre à sa demande — parce qu’on ne trouve pas son recom- mandé ou le produit qu’il souhaite, ou encore parce qu’il estime qu’il patiente depuis trop longtemps dans la salle d’attente de l’hôpital —, il faut essayer de garder le sourire, de rester calme et poli, et dire à cette personne que l’on comprend bien son souci et que l’on va tout faire pour essayer de trouver une solution (lancer une recherche plus large pour savoir où est le recommandé en question, par exemple). Dans la très grande majori- té des cas, cela permet de désamorcer les situations de tension. » Cependant, certaines personnes peuvent se montrer très insultantes, voire physiquement menaçantes : « J’ai reçu une formation spécifique pour gérer l’agressivité quand elle est trop forte, reprend Pascal, postier. Il faut s’éclipser — sortir de la pièce — et s’adresser à son supérieur hiérar- chique pour qu’il intervienne. Lui peut demander à la personne de se calmer afin qu’on puisse la servir. Par ailleurs, quand nous sommes vic- times d’agressivité ou d’insultes, la Poste nous propose de porter plainte au commissariat. Ainsi, la personne est convoquée au tribunal et prend conscience qu’il y a des choses qui ne se font pas. On peut également appe- ler un psychologue ou une assistante sociale : cela soulage beaucoup de parler de ce que l’on a vécu. » Si votre entreprise ne dispose pas d’une cellule de soutien psycholo- gique, n’hésitez pas à consulter votre médecin généraliste ou un psycho- logue. « Parler, évoquer la peur ou la colère ressentie évite de développer de gros stress, des insomnies et même des dépressions », insiste Anne- Marie Cariou. Souvenez-vous que chaque centre hospitalier dispose d’une cellule d’urgence médico-psycholo- gique qui peut recevoir les personnes victimes d’incivilités au travail. C’est un manque de respect : n laisser un espace commun de travail sale ou en désordre ; n téléphoner ou parler bruyamment ; n imposer des odeurs fortes à ses collèges (nourriture, transpiration) ; n ne pas dire bonjour, s’agacer, montrer du mépris… C’est aussi une agression pour laquelle vous pouvez porter plainte et qui peut être sanctionnée par la loi si : n vous recevez des insultes racistes, sexistes ou homophobes ; n on vous crache dessus ; n on menace de vous filmer avec un téléphone portable et de poster le film sur les réseaux sociaux ; n on vous prévient que l’on va vous attendre à la sortie… Quand les clients et usagers ne savent pas se tenir C’est quoi au juste une incivilité ? Les personnes en contact avec le public sont particulièrement la cible de propos et d’attitudes agressives. Les files d’attente donnent parfois lieu à des énervements très discourtois. Endurer la grossièreté et le mépris vous fait perdre l’estime de soi. 42 % des salariés se disent victimes d’incivilités au travail. La moitié désigne le public extérieur comme responsable ; l’autre moitié désigne les collègues.* La plupart des salariés estiment que les incivilités relèvent du manque de respect des codes de politesse envers autrui. 21 % évoquent la violence verbale et les comportements.*

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actuel

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Protégeons-nous des incivilités au travail !

Entre collègues ou à cause des clients et usagers…

Une enquête*, réalisée au

printemps dernier, révèle que nous sommes de plus

en plus nombreux à souffrir

d’incivilités sur le lieu de travail. Comment s’en

défendre ?

Je travaille dans un bureau de la Caisse d’allocations familiales, explique Béa-trice, 56 ans. Il y a quelques mois, un jeune homme s’est

présenté pour que je lui verse de l’argent liquide. Quand je lui ai dit que ce n’était pas possible, il s’est énervé et m’a traitée de singe. Je lui ai demandé gentiment de se calmer, mais il a continué à m’insulter. Je me suis levée et je lui ai dit que, dans ces conditions, je ne pouvais pas le ser-vir. Je suis partie dans le bureau d’à côté. Sur le coup, j’étais très en colère. Heureusement, j’ai pu en parler avec

mes collègues, ce qui m’a permis de me détendre. »

42 % des salariés sont confrontés à des incivilités sur leur lieu de travail* : de l’impolitesse caractérisée (ni bon-jour ni merci) aux propos insultants en passant par les attitudes irres- pectueuses, ces incivilités peuvent être aussi bien provoquées par des clients (bénéficiaires ou usagers) que par des collègues. Et dans tous les cas, elles peuvent avoir des conséquences importantes sur le moral des salariés. Apprenez à vous en protéger ! * Enquête sur les Incivilités au travail, le vécu des Français, site Web eleas.fr.

« En tant que postier au guichet, je suis habitué à recevoir beau-coup de monde dans la journée, explique Pascal, 52 ans. Et de nom-breuses personnes se montrent assez mal élevées. Elles ne répondent pas à nos bonjours, elles nous regardent avec mépris, elles nous coupent la parole en montrant des signes d’impa-tience… Ce ne sont pas des actes très graves, mais c’est usant à la longue. Ces gens nous font sentir que nous sommes des moins que rien, donc on se sent forcément dévalorisé ! Parfois, nous sommes aussi confrontés à des faits plus graves… Récemment, je me suis approché des files d’attente pour m’assurer que chacun était dans la bonne. À cette occasion, j’ai demandé à une jeune fille qui faisait la queue pour retirer de l’argent si elle avait ses papiers d’identité, indispen-sables pour ce genre d’opération. Elle m’a répondu : “ Qu’est-ce que ça peut te foutre ? Je vais te saigner, toi ! ” J’ai été totalement décontenancé. Cho-qué, je n’ai rien répondu. J’ai fait mine de me tourner vers quelqu’un d’autre et je me suis éloigné. Cette agressivité était tellement dispropor-tionnée. C’est comme si elle m’avait frappé. Les mots peuvent être aussi violents que des coups ! » Postiers, infirmières, caissières, vendeuses,manutentionnaires dans une grande surface, stan-dardistes, employés de la CAF, de Pôle emploi ou de la SNCF… Les salariés en contact avec le public sont particulièrement exposés aux incivilités*. « Même si c’est difficile, il faut être conscient que le fait de s’énerver soi-même ou de répondre

sur le même ton ne fait qu’aggra-ver les choses, précise Anne-Marie Cariou, directrice associée de Sti-mulus, un cabinet de conseil expert dans le bien-être et la santé au tra-vail. Si quelqu’un s’énerve car on ne peut pas répondre à sa demande — parce qu’on ne trouve pas son recom-mandé ou le produit qu’il souhaite, ou encore parce qu’il estime qu’il patiente depuis trop longtemps dans la salle d’attente de l’hôpital —, il faut essayer de garder le sourire, de rester calme et poli, et dire à cette personne que l’on comprend bien son souci et que l’on va tout faire pour essayer de trouver une solution (lancer une recherche plus large pour savoir où est le recommandé en question, par exemple). Dans la très grande majori-té des cas, cela permet de désamorcer les situations de tension. »

Cependant, certaines personnes peuvent se montrer très insultantes, voire physiquement menaçantes  : « J’ai reçu une formation spécifique pour gérer l’agressivité quand elle est trop forte, reprend Pascal, postier. Il faut s’éclipser — sortir de la pièce — et s’adresser à son supérieur hiérar-chique pour qu’il intervienne. Lui peut demander à la personne de se calmer afin qu’on puisse la servir. Par ailleurs, quand nous sommes vic-times d’agressivité ou d’insultes, la Poste nous propose de porter plainte au commissariat. Ainsi, la personne est convoquée au tribunal et prend conscience qu’il y a des choses qui ne se font pas. On peut également appe-ler un psychologue ou une assistante sociale : cela soulage beaucoup de parler de ce que l’on a vécu. »Si votre entreprise ne dispose pas d’une cellule de soutien psycholo-gique, n’hésitez pas à consulter votre médecin généraliste ou un psycho-logue. « Parler, évoquer la peur ou la colère ressentie évite de développer de gros stress, des insomnies et même

des dépressions », insiste Anne-Marie Cariou.

Souvenez-vous que chaque centre hospitalier dispose d’une cellule d’urgence médico-psycholo-gique qui peut recevoir les personnes victimes d’incivilités au travail.

C’est un manque de respect :n laisser un espace commun de travail sale ou en désordre ; n téléphoner ou parler bruyamment ; n imposer des odeurs fortes à ses collèges (nourriture, transpiration) ;

n ne pas dire bonjour, s’agacer, montrer du mépris… C’est aussi une agression pour laquelle vous pouvez porter plainte et qui peut être sanctionnée par la loi si : n vous recevez des insultes racistes, sexistes ou

homophobes ; n on vous crache dessus ; n on menace de vous filmer avec un téléphone portable et de poster le film sur les réseaux sociaux ; n on vous prévient que l’on va vous attendre à la sortie…

Quand les clients et usagers ne savent pas se tenir

C’est quoi au juste une incivilité ?

Les personnes en contact avec le public sont particulièrement la cible de propos et d’attitudes agressives.

Les files d’attente donnent parfois lieu à des énervements très discourtois.

Endurer la grossièreté et le mépris vous fait perdre l’estime de soi.

42 % des salariés se disent victimes d’incivilités au travail. La moitié

désigne le public extérieur comme responsable ; l’autre moitié désigne

les collègues.*

La plupart des salariés

estiment que les incivilités relèvent du manque

de respect des codes de politesse envers autrui.

21 % évoquent la violence verbale et les

comportements.*

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Par Anne Ulpat

Un client ou un usager vous accuse de ne pas aller assez vite et se rapproche physiquement de vous comme s’il voulait vous intimider ?Tout en essayant de garder le sourire, continuez de faire votre travail, mais reculez-vous légèrement, discrètement afin de ne pas vous laisser envahir par sa présence. N’hésitez pas à appeler un collègue, voire votre supérieur, pour décourager la personne de continuer à vous intimider.Un client ou un usager ne répond pas à vos bonjours et vos sourires et vous regarde même d’un air méprisant. C’est de la provocation et la personne attend que vous lui fassiez une remarque pour libérer son agressivité contre vous. Ne rentrez pas dans son jeu : continuez d’être polie, de sourire et de vous montrer professionnelle.Un client ou un usager devient très agressif car vous ne pouvez pas lui donner ce qu’il réclame (un article en rupture de stock, une prestation à laquelle il n’a pas droit).Sans perdre votre calme, dites-lui d’un ton ferme que vous ne pourrez pas trouver de solution pour continuer à le servir s’il ne change pas de comportement. C’est une façon de lui demander de vous respecter, sans vous énerver.

Comment se sortir de situations tendues

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« Il y a deux ans, je travaillais dans un bureau qui réunissait une di-zaine de personnes, raconte Bar-bara, 49 ans, employée juridique. J’étais au téléphone avec des per-sonnes toute la journée. À quelques mètres de moi, il y avait un homme qui, pour se détendre, écoutait de la musique sans casque ! J’avais beau lui demander de baisser, il faisait sem-

blant de s’exécuter, mais le volume était toujours aussi fort. Un enfer ! Cela me stressait continuellement. L’entreprise était en grande difficulté et nous avons fini par être licenciés. J’en ai été presque soulagée tellement je n’en pouvais plus de côtoyer cet homme. » La vie quotidienne au travail est loin d’être toujours rose : nous pas-sons huit heures par jour avec des personnes que nous n’avons pas choi-sies et dont nous ne partageons pas nécessairement les mêmes notions du respect et de la politesse. À force, cela peut s’avérer source d’un réel stress : « Ma collègue avait l’habitude de déjeuner dans notre bureau tous

les midis, raconte Nadia, 45 ans, comptable. Les odeurs d’œufs durs, de chips ou de plats préparés… j’en avais la nausée. Parfois, j’y pensais dès le matin en la voyant arriver : je me demandais quel plat elle allait m’infliger aujourd’hui… »

Pour éviter que montent les ten-sions et l’agacement, il faut tout de suite discuter pour trouver une solu-tion acceptable par tous : tel collègue peut-il mettre un casque ? Tel autre peut-il aérer une demi-heure après le déjeuner ou bien aller manger dans une salle destinée à cet effet (il y en a quand on ne bénéficie pas de tickets restaurant ou d’une cantine).

« Il est important de s’en tenir aux faits et de dire à la personne que la musique vous déconcentre ou que les odeurs de nourriture vous sou-lèvent le cœur, explique Anne- Marie Cariou, directrice associée de Sti-mulus, un cabinet de conseil expert dans le bien-être et la santé au travail. En revanche, il faut éviter les juge-ments de valeur : “ Tu le fais exprès ou quoi ? ” “ Tu n’as aucun savoir-vivre ! ” “Mais où as-tu été élevée ? ” Cela risque d’envenimer les choses et ne réglera rien. » Si après plusieurs tentatives, rien ne change, mieux vaut vous tourner vers votre supérieur hié-rarchique, en espérant que celui-ci sera plus convaincant !

Que faire face à des collègues irrespectueux ?

Entre collègues, nous ne partageons pas toujours les mêmes valeurs de respect.

N’hésitez pas à vous tourner vers votre supérieur hiérarchique.

Trois quarts des salariés ont ressenti

de la démotivation et des difficultés de

concentration. Nombreux sont ceux qui ont déjà souffert

de stress, d’anxiété, de troubles du sommeil...

à la suite d’incivilités.*

* Enquête sur les Incivilités au travail, le vécu des Français, site Web eleas.fr