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1 Extrait d'Analyses de Systèmes Vol XV, 2, juin 1989Vol P rolégomènes à la Prospectiv e Technologique Pierre GONOD Extrait d'Analyses de Systèmes Vol XV, 2, juin 1989

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Page 1: Prolégomènes à la Prospective Technologique · Prolégomènes à la Prospective Technologique Pierre F.Gonod Résumé La réflexion part d'un constat préalable : l'insatisfaction

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Extrait d'Analyses de Systèmes Vol XV, n° 2, juin 1989Vol

Prolégomènes à la ProspectiveTechnologique

Pierre GONOD

Extrait d'Analyses de Systèmes Vol XV, n° 2, juin 1989

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La technologie générale

Prolégomènes à la ProspectiveTechnologique

Pierre F.Gonod

Résumé

La réflexion part d'un constat préalable :l'insatisfaction de la prospective technologique.L'étude comprend 3 parties :

1. un tour d'horizon de la question2. des questionnements résultant de ce

premier examen, qui a permis de privilégierdeux problèmes essentiels de la prospective, leglobalisme qui en est un des fondements, lesstructures et l'analyse de systèmes ;

3. des propositions dérivées pourdévelopper la prospective technologique.

Dans la première partie la conclusion quise dégage est qu'il faut articuler analyse dessystèmes, théories économiques et méthodes dela prospective pour permettre les progrès decelle-ci.

Dans la seconde partie le questionnementporte en premier lieu sur les composantsnécessaires du globalisme D'abord latechnologie, les différentes conceptions de sacompréhension, et leurs conséquences pourl'approche de la

Analyse de Systèmes Vol. XV, no 2, Juin 1989

prospective. L'économie ensuite. Le questionnement del'économie est centré sur les cycles longs de l'économie etde la technologie, les «lois» de l'économie, leur caractèrerelatif, l'articulation des logiques de création,d'innovation, de diffusion et de transfert technologiques,l'appréciation de la logique industrielle actuelle, la thèsede l'économie cognitive. Ce questionnement aboutit àdégager les principes essentiels et conditions quel'économie politique doit remplir pour être unecomposante majeure de l'entreprise interdisciplinaire quela prospective requiert.

La philosophie enfin. Le questionnementphilosophique porte sur la thèse de ia dématérialisationcomme caractéristique du système technologiqueémergent, la discussion de cette thèse amène à suivre lesmétamorphoses de la technologie dans la société, et endéfinitive les représentations du monde, explicites ouimplicites, dont le prospectiviste ne peut faire abstraction.

Le questionnement porte en second

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1. Geneviève Schmeder,Prévision technologique,rétrospective critique,Futuribles, no 124, seftembre 1988.

t, sep-

2. Pour un bilan détaillé dessuccès et échecs de laprévision scientifique ettechnologique, voir PierrePa-pon. Pour uneprospective de la science,Recherche et technologie :les en/eux de l'avenir,Seghers, 1983.

3. A.L., Porter, F.A. Rossini,J. Eshelman-Bell, D.Jenkins, DJ. Cancelleri,Industrial Robots-A stratégieforecast using thétechnological deliverySystem approach. IEEETransactions on System,Man and Cybernetics, july-august 1985.

4.WheelerandShelley,Toward more realisticforecasts for high-techno-logy products. Journal ofbusiness and industrialmarketing, summer 1987(volume 2, nuraber 3).

lieu sur les stractures et l'analyse desystème. Les deux questions sont liées àtravers l'examen de la méthode deconstitution des matrices d'analysestructurelle qui sont la base de la pratique dela prospective authentique. On s'interroge surla signification de ce que l'on fait du point devue des rapports entre le système et sastructure, de la distinction entre lespropriétés et les variables, de la potentialitéde la dynamique des systèmes et de saremise en perspective sous la doubleinfluence de progrès de la réflexioncybernétique et de la dialectique complexe.Cette analyse abstraite permet cependantd'en dégager la signification et conclusionspour la prospective générale.

Les questionnements sur les différentsplans amènent à de premières réponsesconceptuelles et opérationnelles sur les outilscomplémentaires et nouveaux à créer pourune prospective de la deuxième génération.La Sème partie reprend les analyses etpropositions concernant la technologiegénérale pour développer les méthodes de laprospective technologique: II est suggéré decompléter les instruments actuels par unebatterie de nouveaux outils.La conclusion est que pour dominer lacomplexité croissante il faut des instrumentsplus complexes qui puissent prendre encompte les différents plans, et organiserconcrètement l'interdisciplina-rité nécessaire.Une tentative est faite dans ce sens. Elle setraduit par un «mapping» des modules et deleurs composants qui devraient entrercomme données ou programmes dans ladémarche prospective. Les plans à traiterétant trop nombreux pour être traitéssimultanément par le cerveau humain, quipourtant ne fonctionne pas séquentiellement,il est suggéré d'explorer les capacités del'informatique récente pour disposer duconcours d'un instrument puissant, mais quiévidemment ne peut être un substitut à laréflexion conceptuelle.L'importance des nouveaux champsà couvrir justifie, par ailleurs, le projet

de. l'Encyclopédie Systémique de laTechnologie. La technologie est lemétalangage d'aujourd'hui, sa taxonomiereste à établir, c'est porquoi l'E.S.T. devraitconstituer aussi un des instruments essentielsde la prospective technologique de demain.

Prolégomènes à la prospectivetechnologique

La prospective technologique laisse sur uneinsatisfaction. Une nouvelle fois le constat ena été fait récemment par GenevièveSchmeder 1. Aux exemples relatésd'incapacité d'envisager les développementsfuturs, et, partant, d'agir éventuellement sureux, on peut en ajouter bien d'autres 2. Ainsinul n'a réellement dans les années 60 penséles développements que l'informatique allaitintroduire. Plus récemment l'essor de larobotisation aux USA a été largementsurestimé par l'équipe du Georgia TechInstitute dans des scénarios par ailleurs nonsans intérêt 3. Dans le secteur de pointe del'informatique elle même les prospectivistesse sont «plantés» dans l'anticipation de ladiffusion des ordinateurs personnels, ce quin'a pas été sans préjudices pour nombred'entreprises, et non des moindres 4. Unepremière remarque : les exemples précédentsconcernent des niveaux différents, un secteurd'activité, une technologique générique, unproduit ainsi que des «moments» différentsde la technologie, la création, ledéveloppement, la diffusion. D'où unepremière question :La prévision porte-t-elle sur tousies niveauxet les phases de l'édifice technologique ?Question préalable qui à son tour en soulèvebien d'autres. L'enjeu des conjectures del'avenir technologique est résumé par G.Schmeder : «tenter de prévoir les formesfutures du progrès technique, c'est se donneren partie les moyens de l'orienter, c'est aussitenter d'en supputer les conséquencesbénéfiques ou fâcheuses». L'amélioration desméthodes de la prévision et de la pros pectivetechnologiques n'est donc pas

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un exercice académique sans conséquence,elle subordonne toute tentative de maîtrisesociale de la technologie, c'est pourquoiau-delà du constat de la médiocrité desrésultats observés dans ces domaines il fautessayer d'en cerner les raisons et aller aufond des problèmes.

1 — Un premier tour d'horizon

Bien qu'il existe entre elles des liensétroits, il faut cependant distinguer, engénéral, prévision et prospective, et il nefaut pas imputer à celle-ci toutes lesfaiblesses de celles-là. La prospective nedétermine pas l'avenir de façonprobabiliste, au lieu d'un avenir unique etfatal, elle envisage des futurs possibles, et,à l'intérieur de ceux-ci, elle permet depositionner des futurs souhaitables. Elleéclaire ainsi des choix en vue de l'action entraçant des avenirs nos éluctables, desbifurcations normatives et les voies etmoyens de leur réalisation et de leurcheminement. Michel Godet a résumécomme suit ces différentes s :

• PrévisionVision : parcellaire «toutes choses

égales par ailleurs» ;Variables : quantitatives, objectives et

connues ;Relations : statiques, structures

constantes ;Explication : le passé explique

l'avenir ;Avenir : unique et certain ;Méthodes : modèles déterministes et

quantitatifs (économétriques)(mathématiques) ;

Attitude face à l'avenir : passive ouadaptative (avenir subi).

• Prospective •Vision : globale «rien n'est égal par

ailleurs» ;Variables : qualitatives, quantifia-bles ounon, subjectives, connues ou cachées ;Relations : dynamiques, structuresévolutives ;

Avenir : multiple et incertain ;Méthodes : analyse intentionnelle, modèlesqualitatifs (analyse structurelle) etstochastiques (impacts croisés) ;Attitude face à l'avenir : active et créative(avenir voulu).On retiendra ces distinctions comme cadrede référence.S'agissant de la prévision technologique, ilest incontestable qu'il a existé et existe uneimportante activité. On a pu recenser unecentaine de méthodes créées à cette fin.Mais il est moins assuré qu'il existe uneprospective conforme aux critères établispar M. Godet. Ainsi P. Papon traitait en1978 seulement de la prévisiontechnologique 6 et en 1983 il use de laformule de «réflexion prospective surrévolution de la technologie» 7. Entre laprévision dans l'impasse et l'inaccessibleprospective sont apparues successivementdeux activités :«/'évaluation» et la «vieille technologique».Ce phénomène n'est pas sans signification.Après avoir constaté que les techniques deprévision n'avaient pas réalisé la «percée»attendue, P. Papon notait que le centred'intérêt se déplaçait vers «l'évaluationtechnologique», c'est-à-dire à l'estimationde l'incidence potentielle des techniquesnouvelles sur la société qui nécessitait derestituer l'effort de réflexion dans un.contexte socio-économique et géopolitique.Ce recentrage tient à une conjonction deraisons : la crise économique et sociale despays industriels, les inquiétudes suscitéespar les technologies nouvelles sur l'emploi,le poids financier croissant des grandsprogrammes technologiques et ledésenchantement suivant une période decroyance mythique dans le pouvoir de lascience et de la technologie à transformer lasociété, la prise de conscience d'une partiede l'opinion des grands risques industriels etdes désastres écologiques. Avec l'évaluationla prévision technologique prenait ainsi unedimension politique, au sens le plus généraldu terme. Une opportunité s'ouvrait

5. Michel Godet, Crise dela prévision, essor de laprospective, PUF, 1977.

6. P. Papon, La prévisiontechnologique dans leTraité élémentaire deprévison et prospective sousla direction de André-Clément Découfle, PUF,1978.

7. Document cité réf. 2.

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donc de reconnaître la technologie commeun construit social et de faciliter ladémocratisation du processus de prise dedécision. Sans être négatif le bilan reste, làaussi, très mince. D'autant que le«technology assessment», à peine né allaitêtre soumis aux distorsions des pouvoirspolitiques et des institutions pour lesquelssa récupération permettait de justifier lesdécisions prises ou les projets soumis àfinancement. A d'autres périodes lamanipulation des taux d'actualisationremplissait la même fonction d'alibi oud'artifice. L'interprétation sociale del'émergence de l'évaluation est éminemmentcritique. Il ne s'agit plus de s'en remettre «àla main invisible» pour décider des choixtechnologiques majeurs et desinvestissements en R et D, il faut éclairerceux-ci par leurs implications etconséquences. L'évaluation est ambivalente.Elle peut aussi bien porter sur l'appréciationd'activités techniques passées que sur cellesprojetées. S'attachant aux relationstechnologie-société, elle embrasse unchamp plus large que la prévision courante.On n'a pas suffisamment insisté sur lechangement de dimension intellectuellequ'impliquait l'évaluation par rapport à laprévision technologique. Evaluer soulèveles questions du choix du modèle théoriquede référence, des différentes méthodes demesure du progrès technique, de lataxinomie des changements techniques, dela stabilité et la régulation des industries,des effets d'entraînement de l'innova-tion,du niveau de l'évaluation, du choix dunombre et de la signification sociale descritères retenus pour une évaluation «ex-post» ou «ex-ante». Il s'agit donc bien d'unchangement intellectuel qualitatif qui a lasignification d'un dépassement (onreviendra plus loin sur le questionnementqu'il suscite). Mais pour que cedépassement soit réussi il aurait fallu qu'unebase solide d'un corps méthodologique de laprévision technologique ait été disponible etqu'aient été forgées les méthodes permettantd'intégrer les nouvelles dimensions etd'opérer la plus grande complexité. Adéfaut le dépassement devînt une fuite enavant.

Avec les avatars de l'évaluation on rejointles problèmes de fond pour établir uneméthodologie de la prospectivetechnologique.

Dans ce contexte la pratique de la«vieille technologique» a la significationd'un repli réaliste aussi bien que lareconnaissance de l'échec de la prévision etde l'évaluation. Face à l'in certitude derévolution, à la compétition internationalesauvage et à la rapidité du changement destechniques, la seule certitude est qu'il fautêtre constamment et rapidement informé surles projets et réalisations des autres, que cesoit dans l'in-dustrie ou dans le domainemilitaire. Ainsi ont été formalisées despratiques de management incluant la vieilletechnologique 8. «Mieux que la prévision»,le «temps à quatre vitesses» est uneapproche où la veille technologique estpartie d'un «business intelligence sys-tem»branché sur l'immédiat. Les autres vitessessont un plan à trois-cinq ans, des scénariosà dix-quinze ans, une volonté d'existence,un projet d'entreprise à très long terme. Onnotera le retour en force de la prospective,tout au moins pour les grandes entreprises,après une période de discrédit qui a frappéla prévision générale impuissante àanticiper la crise économique et sociale. Cephénomène s'explique par la durée de lacrise conduisant à la recherche d'issues etd'autres approches. La «planificationstratégique de l'entreprise» 9 résulte de cettedemande.

La veille technologique qui s'estimposée sous le joug des nécessités et despossibilités réelles pourrait être la baselogistique d'un nouvel effort de réflexion dela prévision et de la prospectivetechnologiques. Comment, au demeurant,faire des prévisions sans disposer d'uninventaire systématique des connaissancestechnologiques ?, comment faire de laprospective sans identifier les programmesde développement qui vont exprimer lastratégie des acteurs ? Le repli obligé peutdonc être salutaire en permettant la collected'une information indispensable, àcondition toutefois de ne pas être effectuée

8. George Archier etHervé Sérieyx,L'entreprise du 3e type.Seuil, 1984.

9. M. Godet, Prospectiveet planificationstratégique, CPEEconomica, 1985.

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Saint-Paul et Ténière-Buchot estimaient que «la mise en pratique de ce schéma ouvre d'énormes possibilités auprévisionniste, à la condition que les actions sur les tendances, qui permettent d'infléchir le système en fonction desvolontés exprimées, soient rendues effectives...». En fait la synthèse et le mécanisme contenus dans le schéma peuventêtre considéré comme une voie de passage à {'analyse de système dont les auteurs pensaient qu'elle était l'aboutissementet la synthèse de nombreuses disciplines et un point de départ de la prévision technologique. «C'est une troisième voie àl'approche méthodologique à côté de celle de Descartes (principe d'évidence, décomposition en parties élémentaires,synthèses et ordonnancement, généralisation en loi) ou de celle de Claude Bernard (observation, hypothèses,expérimentation, énoncé d'une loi, vérification)... Tout un problème de langage et de structure se pose doncprésentement et notamment à l'informatique et à la logique. Des difficultés importantes voient par contre le jour àl'occasion de ces recherches : par exemple le problème des mutations ou créations parmi les éléments d'un système resteencore mal traité».

seulement au sein des grandes entreprises 10.L'existence d'une base organiséed'information technologique est unecondition permissive de la prévision. Malgrél'importance de ce préalable l'essentiel n'estpourtant pas là.

Il est clair que ni les découvertesscientifiques, ni {'innovation technologiquemajeure, ne peuvent être prévues.Affirmation qu'il faut cependant un peunuancer dans la mesure où sont connus lesprogrammes de recherches qui donnent, pourle moins, une indication sur les orientationssuivies n. Par contre le développement destechnologies existantes, leur diffusion, leurtransfert, les domaines d'application desgrandes techniques, l'émergence denouveaux sous-systèmes, l'innovation par«invasion» du secteur, les transformationsdu système technologique dans sonensemble, sont certes difficiles à cerner maisles mécanismes qui les régissent ne sont pasincompréhensibles, et par là-même neparaissent pas impossibles à anticiper.

Il est alors intéressant de procéder àune lecture rétrospective des méthodes

utilisées et évaluer leur adéquation à lacomplexité du système technologique. Lelivre de R. Saint-Paul et P.F. Tenière-Buchot, bien que paru en 1974, continued'être l'indispensable guide de lecture 12. Onne résumera pas ici la description desdifférentes méthodes disponibles mais onrappellera des jugements qui ont résisté àl'épreuve du temps et qui fournissent des clésexplicatives aux difficultés rencontrées.Ainsi, après avoir passé en revue lesméthodes existantes, les auteurs estimaientque «la prévision technologique, dans sonsens le plus complet, doit être une synthèse àpartir des démarches exploratoires etnormatives». Le schéma suivant décrivait lesphases de cette synthèse. On peut l'inter-préter comme la recherche d'un mécanismeintégrant différentes méthodologiesindispensables mais, prises séparément,réductionnistes par rapport à une réalité pluscomplexe. En d'autres termes la «variété» deméthodologies séparées est trop faible pouropérer celle du système technologique 13.

10. D'où l'importance defonctions assumées enFrance par un organismecomme le CPE.

11. Ainsi il était imprévisiblequ'en Octobre 1986 AlexMuller et Georg Bednorz duZurich Research Center d'IBMdécouvriraient des céramiquesavec des températures detransition de la su-perconductivité jamais obtenuesjusqu'alors. Mais l'événe-mentn'était pas improbable, leprincipe scientifique en étaitconnu depuis longtemps et lesprogrammes de rechercheinventoriés. Mais la date de ladécouverte était imprévisible.

12. R. Saint-Paul et P.F.Ténière-Buchot, Innovation etévaluation technologique.Entreprise moderne d'édition,1974.

13. On retrouve ici la loi de lavariété requise formulée parR.W. Ashby.

Actionsur les tendances

Aspect analytiqueScientifiqueAspect systémique

Prévisionexploratoire

tendancielle

spéculative

Prévision normative

explicative

corrélative

connaissancedu milieu

Démarche heuristique

Futuribles

1 2

345

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7

Suite

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14. Voir P.F. Gonod, Lesystème technologique, dansle Traité d'économieindustrielle, Economica,1988.

15. Sur les perspectives deces transferts voir P.F.Gonod, Notes sur le statut dela prospective. Cahiers de lafaculté des scienceséconomiques de Grenoble,no 5, 1985.

16. Pour l'analyse de la crisede la théorie, voir AlainCotta, Réflexions sur lagrande tarnsition, PUF, Ï979.

17. Hugues de Jouvenel,dépeint cette situation avecune pointe dTiumour noir.«... le «corps» des prospec-tivistes s'est à la foisconsidérablement développéet dissout : les chercheurs etdécideurs ontprogressivement intégré ladimension prospective dansleurs réflexions et surtoutleurs discours. Les«travailleurs du futur» sesont multipliés et diversifiés,la grande alliance d'antanayant pour une large partéclaté du fait de laspécialisation progressive dechacun et de sa stratégiepersonnelle en terme decarrière et de pouvoir. Entrela position de «fonctionnaire-rentier» de plus en plus repliédans sa niche et privilégiantla «recherche fondamentale»sur l'action publique et laposition de «consultant»courant le cachet, la margeest étroite pour lesprospectivistes partisansd'une réflexion engagée surle devenir collectif».Prospective et Politique,Futu-riblesno 122, juin 1988.

18. Parmi l'abondantelittérature produite on citeraseu lement quelques repères :Yves Barel, Prospective etanalyse de systèmes.Documentation française,1971. Joël de Rosnay, LeMacros-cope. Seuil, 1975. P.Delat-tre, Système-Structwe-fonc-tion, essai d'analyseépisté-mologique, recherchesinter disciplinaires, maloineDoin 1971.J.L.LeMoigne,LaThéorie du système général,théorie de la modélisation,PUF 1977. La notion desystème dans les sciencescontemporaines, publié sousla direction de J. Le-soume.Librairie de l'Université Aix-en-Pro-vence, 1980.

Quinze ans après que ces lignes ont étéécrites, force est de constater que la situationn'a pas fondamentalement changé. Paradoxedes temps actuels, la technologie restelargement une inconnue malgré l'importancequ'elle a dans notre société 14. Quant àl'analyse de système elle a encore peu étéréellement transférée dans {'approcheprospective ls. Pourtant au début des années70 des progrès méthodologiques étaientprometteurs pour la prospective. La criseéconomique a interrompu ces progrès. Lecentre de gravité se déplaçait vers lacompréhension de la crise en même tempsque celle-ci ébranlait les théorieséconomiques et sociales et marquait «la findes certitudes et des paradigmes heureux» 16.Le mouvement de retraite de la prévision, ledésarroi théorique n'étaient pas propices,bien qu'elles eussent été particulièrementnécessaires, à des avancées méthodologiquesde la prospective. Le statut desprospectivistes professionnels non plus 1?.Résultat, le «corne back» de la prospectiven'a pu s'appuyer que sur la baseméthodologique établie au début des années70. Moins contrainte la recherche sur lessystèmes n'a pas été bloquéels.Pour s'en tenir à deux exemples, P. Delattredans son essai d'analyse épistémologique apermis de progresser dans l'entendement dequatre concepts fondamentaux dont «lasignification exacte n'est pas encore atteintepar. la conscience claire» : système,structure, fonction, évolution. De son côtéJ.L. Le Moigne a établi une théorie de lamodélisation : la théorie du système généralLe «système général» ou «l'objet» est décriten tant qu'ensemble actif, structuré, et enévolution. Il distingue l'action de l'objet surun flux qui le traverse et l'influence del'environnement sur l'objet sous forme dechamp, par une approche génétique il endéduit une description des processeurs parniveaux d'élabora-tions : système opérant,système d'in-formation, système deconception et un système de décision-sélection. Ces processeurs permettent unestabilité du

système par rapport à ses finalités. Le moded'équilibration s'opérant par régulation oupar adaptation. L'évolution, elle, peut se fairepar un processus de différenciation-coordination, soit par la différenciation desstructures, l'appari-tion de processeurssupplémentaires, l'intégration de processeurs,la modification des frontières, ou parcoordination des fonctions. On est au cœurde la dialectique stabilité-évolution et onpressent la richesse de l'analyse pour laprospective.Malgré sa puissance descriptive, trèsfaiblement utilisée par la plupart desprospectivistes, l'outil systémographique nedoit pas cependant conduire à l'illu-sionqu'il est le substitut de la théorie économiqueet sociale. La représentation desphénomènes, celle de leurs interrelations, nesont pas indépendantes du cadre théoriqueexplicite ou implicite du systèmographieur.Théories économiques et sociales etsystèmographie peuvent - et devraient —s'interfertiliser. D'un côté la théorie doitprocurer une représentation explicite dusystème, des sous-systèmes, de leurséléments et de leurs relations. De l'autre, lasystèmographie, dialectique par essence,analyse les inten-elations entre lesphénomènes, les relations entre les parties etle tout, les rapports ontologiques,fonctionnels, révolution des structures. Elledevrait permettre réciproquement unenouvelle dimension dans l'analyse dessystèmes socio-économiques. D'où lesconclusions provisoires suivantes :

1. Les progrès de la prospective,générale ou technologique, sontsubordonnés à î'exigence de l'utilisation del'outil systémographique 19.

2. L'analyse des systèmes n'est pas unsubstitut à la théorie économique et sociale.

3. Il faut articuler analyse des systèmes,théorie sociale et prospective et créer dessynergies entre ces trois domaines.

Allons plus loin.La prospective ne pouvant être que

sociale et la technique étant une créationsociale, la prospective technologique

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La prospective ne pouvant être que sociale et la technique étant une création sociale, la prospective technologique

Il faut pour concevoir le devenir historique, substituer une conception complexe à la conceptionsimpliste régnante. La conception simpliste croit que passé et présent sont connus, que les facteursd'évolution sont connus, que la causalité est linéaire, et, par là, que le future est prédictible.

Passé Présent Futur

connu) (connu) (connaissable ; prédictible)

En fait, il y a toujours un jeu rétroactif entre présent et passé, où non seulement le passé contribueà la connaissance du présent, ce qui est évident, mais aussi où les expériences du présentcontribuent à la connaissance du passé, et par là le transforment.

Passé Présent

Ainsi... la connaissance du présent nécessite la connaissance du passé qui nécessite laconnaissance du présent... il faut donc abandonner le schéma simplificateur apparemment évident.

Passé - Présent Futur

Pour la conception complexe :

Passé - Présent Futur

Ed24 Egar Morin, Pour sortirdu XXe siècle. Seuil

Une telle conception... nous appelle à un grand et difficile effort, celui de faire entre-communiquer notre passé, notre présent,notre futur, de façon à constituer une boucle génératrice de connaissance plus lucide du présent et de projections suffisammentincertaines sur le futur. Pour cela nous disposons d'un instrument de liaison qui est la connaissance des principes de ce qui faitpasser du passé au présent et du présent au futur, c'est-à-dire qui permettent de concevoir révolution historique.

... La réalité sociale est multidimensionnelle... c'est dire du même coup que tout ce qui est évolutif obéit à un principepolycausal. La causalité est une poly causalité où non seulement les inter-rétroactions s'entrecombattent, mais aussi où toutprocessus autonome produit sa causalité propre tout en subissant les déterminations extérieures... Enfin, les inventions,innovations, créations, techniques, culturelles, idéologiques, surgissent, modifient révolution, voire la révolutionnent.et fontdès lors évoluerles principes d'action.

sera envisagée selon la représentationqu'on a de la société et du positionnementde la technologie dans celle-ci. Onexaminera donc plus loin les répercussionsde différentes représentations générales surla prévision et la prospective technologiques.L'analyse de système étant par constitutiondialectique, sa qualité sera fonction de cellede sa dialectique. Il y a eu, et il existeencore, une dialectique simpliste. Ce n'estpas l'objet de cet article d'en retracerl'histoire et l'état actuel. La logique de lacontradiction maniée par des hommesdisposant d'un grand pouvoir n'a pas été sansconséquences, parfois dramatiques, dansl'histoire récente 20. Les prospectivistes n'ontpas été jusqu'alors dans une position depouvoir qui leur confère des responsabilitésdirectes, mais, à moins de perdre leur statut,ils sont — et doivent être — desdialecticiens. L'absence de penséedialectique a conduit aux

réflexions que l'on connaît de perspectivessans crise, sans conflits, ruptures ni escales21. L'analyse des conflits-coopérations 22

devrait être au cœur de la penséeprospective, ce qui implique le maniementd'une dialectique prenant en comptedifférents types de contradictions 23,antagonistes ou non, les ruptures,explosions, implosions, dépérissement,continuité, discontinuité, intensité,détermination et surdétermination desdiverses catégories de contradictions...

Dès lors la question méthodologiquese trouve subordonnée au cadre de penséelui même. Une pensée simpliste ne peutappréhender la complexité des grandssystèmes, et notamment, le systèmetechnologique. Il n'y a pas d'échappatoirepossible : seule une pensée complexe peutespérer appréhender et opérer la complexitédu réel.

Voyons comment Edgar Morin pose leproblème de la prospective 24 :

19. Conclusion partagée,notamment par JacquesAntoine dans son article Pourune prospective du deuxièmeâge, Futuribles, no 123,juillet-août 1988.

20. La représentation descontradictions antagonistesn'a sans doute pas été sansconséquence dans le dramedu stalinisme, la révolutionculturelle de Mao Tzedung,et le génocide cambodgien.

21. Exemple :les “réflexions1985” du Commissariat duPlan publiées en 1965 qui,dans le fond, correspondaientbien à l'axiomatiquedominante : les crisesparaissaient reléguées aumusée de l'histoire, lesruptures ne faisaient paspartie de l'univers conceptuelde l'époque, l'émergence d'unnouveau systèmetechnologique n'était pasenvisagée.22. Conceptessentiel de F. Perroux enéconomie politique.

23. On notera avec intérêt destentatives de renouvellementde la pensée dialectique dansle livre d'Henri Lefebvre. Leretour de la dialectique, 12mots clefs, Messidori 1986, etl'ouvrage de Lucien Sève, Uneintroduction à la p'iilosophiemarxiste, 3e édition. Editionssociales 1960, où l'auteurdéveloppe, notamment, despropositions pour une théoriede l'antagonisme et du non-antagonisme. Dans une autreapproche, J. Antoine montrecomment l'analyse dedoublets. antagonistes doits'insérer dans^ l'analyse desystème et la prospective(réfl9).

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Il s'ensuit une autre conclusionprovisoire :

• La prospective de la «secondegénération» devrait être à la fois un desrésultats et une des sources du nouveaudiscours de la méthode en voied'élaboration. La «philosophie de lacomplexité» 2S qui émerge est un vastemouvement de remembrement conceptuel,renouvelant l'épistémologie où ladialectique complexe est la base.

Ainsi une problématique de laprospective générale commence à sedessiner pensée complexe, où unedialectique enrichie articule lareprésentation systé-mique avec la théorieéconomique et sociale. La prospectivetechnologique, sous-ensemble de laprospective générale, ressort de cetteproblématique générale.

Le schéma suivant récapitule lescaractéristiques des méthodes de prévision,d'évaluation, de veille technologiques, etsymbolise les conditions requises pour laprospective technologique.

2 — Questionnement

Si l'analyse précédente n'est pas absurde,elle pose de redoutables questions : Laprospective technologique existe-t-elle ?peut-elle exister ? Si oui quellesméthodologies requière-t-elle en regard del'essai problématique précédent ? P. Paponest catégorique : «le statut épistémologiquede la science et de la prévisiontechnologique est

précaire... Il n'existe ni problématique niméthodologie éprouvées pour laprospective de la science et de latechnologie» 2. Ce qui au demeurant luiparait avoir un intérêt relatif puisque «leurobjectif n'est pas de déterminer un avenirde façon probabiliste mais d'éclairer deschoix en vue de l'action». Cette remarqueconduit à distinguer la prospectivedécisionnelle, ou du moins préparatoire à ladécision, de la prospective cognitive, cettedernière étant la base de la première. Làaussi on ne voit pas bien la méthodologiede passage de l'une à l'autre, si ce n'est leprocessus de prise de conscience desproblèmes et d'information collectivedéclenchée chez des décideurs participant àdes exercices prospectifs. On s'en tiendra àla prospective cognitive. Si l'on doute dustatut de la prospective technologique celasignifie qu'on met en doute en fait saréalité, mais cela n'éclaire pas sur lespossibilités d'une prospective véritable. Ilfaut donc revenir sur la catégorisation de laprospective générale, examiner sesimplications sur les méthodes etinstruments que devrait requérir laprospective technologique. On prendrapour référence les catégories de M. Godet5.

A.Globalisme et prospectivetechnologique

La vision de la prospective est globale, cequi est un trait qui la distingue de laprévision qui est parcellaire.

Les phénomènes à étudier sont le plus souvent complexes et interdépendants et une visionglobale et systémique s'impose généralement. La réflexion prospective doit nécessairementêtre globale : il n'existe guère de problèmes qui puissent être isolés, et on, assiste aucontraire à une montée de l'interdépendance des problèmes, voire à leur enchevêtrementcroissant. Et on ne peut espérer trouver de solutions que globales, même si les pointsd'application de ces solutions sont locaux. En outre la complexité des éléments et desrelations à prendre en compte et la nécessité de les mettre en une perspective globalerendent l'analyse particulièrement difficile. C'est pourquoi il s'avère nécessaire d'utiliser lesméthodes inspirées de l'analyse de système : celle-ci permet d'intégrer dans la complexitéde leurs relations, les processus de tous ordres, les enjeux, les conflits

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• •

RECAPITULATION DES GROUPES DE METHODES

L'ORDRE D'APPARITION:

1° la prévisiontechnologique

2° l'évaluationtechnologique

3° la veilletechnologique

prévisionexploratoire

prévisionnormative

*Source: Saint-Paul et Ténière-Buchot

objectif fixé

situationprésente

explication desdiverses trajectoires

objectif fixé

situationprésente

situationprésente

temps

indice de situation

historique

tendance

explorationspéculative

écrans-obstacles actuels à l'évaluation

potentalitéde création d'une based'information

"state of the art"

unitésactives

émissions

signauxtechnologiques

"scanning" et"monitoring"

systèmes

systèmed'information

unité active décisionnelle

espace de décision

espace d'information

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analy

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dialectique complexe

4° conditions requises pour la prospective

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Dès lors concernant la technologie lesproblèmes sont ceux de la largeur del'angle de vision, de la profondeur de sacompréhension selon l'ampleur deschamps, de la capacité et de la puissancedes instruments de {'analyse de systèmepour saisir et traiter la complexité deséléments en interactions et permettred'élaborer des futuribîes.

Le «globalisme» nécessaire pour laprospective technologique se situe à troisniveaux interdépendants : le systèmetechnique, son articulation avecl'économie, son positionnement dans lasociété.

1 — La compréhension du systèmetechnique : la largeur de l'angle devision.Selon la vision que l'on a du systèmetechnique on utilisera telle ou telleapproche de sa prospective. Ainsi si l'onconsidère le système technique commeautonomisé, le choix se portera sur desméthodes de prévision qui reflètentl'endogénisation de la création technique.Si, au contraire, on le considère comme unconstruit social, c'est à partir desperspectives de ce dernier que seraenvisagée la prospective technologique. Ils'agit là de positions extrêmes entrelesquelles il y a place pour des situationsplus nuancées. Mais, globalement et unpeu caricaturalement, ces deux pôles deréflexion conduisent à considérer la sociétéfaçonnée par la technologie (d'où la sociétépost-industrielle, informatique...) ou, àl'inverse, la technologie façonnée par lasociété.

• Dans le premier cas la tendance serad'envisager l'avenir technologique en soi,sa dynamique intrinsèque, et naturellementà privilégier {'extrapolation

des tendances passées. Ce qui suppose unavenir linéaire où le futur est uneprolongation du passé. Toutefois à ces lignesde tendances peuvent s'insérer celles denouvelles lignées technologiques anticipéespar les prédictions des experts.Généralement, celles-ci ne partent pas desdemandes de la société (demande pull) maisde l'apparition d'une offre technologique(technology push). L'anticipation del'innovation technologique fait problème,notre époque n'en a pas le monopole, bienque le rythme particulièrement rapide deschangements l'accentue singulièrement.Problème incontournable. Pris ainsi, il estsans doute insoluble puisque la découvertescientifique ou technologique est, pour unelarge part, imprévisible. La masse desmillions de scientifiques et techniciensexistant dans le monde est une fabrique deconnaissances, mais aussi, par un retourdialectique, d'in-certitude 27.

• Dans le second cas, le primat sera lesévolutions envisagées de la société quisubordonneront les perspectivestechnologiques. Dès lors cette approcherenvoie à la méthodologie générale de laprospective. Mais elle soulève un autreproblème, lui aussi incontournable : lareprésentation qu'on a du positionnement dela technologie dans la société, et laconfiguration de celle-ci. C'est une illusionde croire que la représentationsystémographique est indifférente à lathéorie économique et sociale. Par là mêmel'identification des variables des systèmesimpliqués, et surtout, le jeu de leursinteractions dépendront du cadre théoriquechoisi. Ce choix est rarement explicite, il estcependant

26. Michel Godet, Septidées-clefs, dsmsProspective, prévision,planification stratégique,Futuri-bles, no 71,novembre 1983.

27. A. Danzin, La sociétéfaçonnée par latechnologie, Progrèstechnique, 1984.

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implicite, à moins qu'en raison de la débâclethéorique actuelle de la théorie économiqueet sociale 28, le cadre ne soit inexistant, cequi n'est pas plus rassurant.Cette approche comporte des va-, riantes.• Ainsi on peut considérer la technologiecomme un construit social, et, en mêmetemps admettre qu'elle a des lois decomposition interne dérivées des lois de lanature. Ce qui modifie l'approche enincorporant l'étude de ces dernières, sescontraintes et degrés de liberté, et leursimbrications dans le construit social 29.• Les travaux de l'E.C.T. introduisentl'hypothèse de la subordination deschangements technologiques à la constitutionet au maintien des cohérences internes dessystèmes de production, exprimés en termed'industrie 30. Ici est introduite la notiond'auto-organisation 31 en vue de définirl'indus-trie en tant que système autonome etauto-organisé. Cette approche permet dedistinguer les modifications profondes quivont altérer l'auto-organisation de l'industrie(sa structure dans le sens courant) de cellesqui vont se traduire par des modifications ousubstitutions d'éléments sans que soit remisen question le schéma des relations entre ceséléments. En d'autres termes la technologieest un sous-ensemble de la logique defonctionnement de l'industrie.

• Considérer la technologie et la sociétécomme un «tissu sans coutures» amène dansla méthode prospective à ne pas séparervariables matérielles et acteur sociaux, maisun «réseau-acteurs» 32.

Mais on peut aussi dans ce tissuidentifier le maillage et différents fils. Ceciconduit alors à distinguer des acteurs dotésde buts, disposant de moyens d'action,limités par des contraintes, qui tiennent lesfils du tissu et qui tirent le maillage selonleurs intérêts 29.

Le schéma ci-joint résume lesprincipales catégories de la compréhensionde la technologie et leurs implications pourl'approche de la prospective.

Il est clair que ces différences reflètentdes interprétations diverses de la globalité,des largeurs de ses angles de vision, desdegrés de complexité des représentations, lesprofondeurs de champs de théoriesdistinctes, certaines compatibles, d'autresnon, que le pros-pectiviste utiliseconsciemment ou non.

2. Le questionnement de l'écono-mie

La technique, comme matérialisationdes lois de la nature médiatise les relationsentre celle-ci et la société. Le systèmetechnique est un ensemble «physique» et«social» en interaction. La technologieentendue dans le sens large de «science desforces productives» 33 concerne l'analyse decette socialisation à travers les formes etmétamorphoses de la technique M.

A partir de cette problématiqueplusieurs champs sont à considérer :

a. l'édifice technologique, «inté-gron» 3S

complexe de lois scientifiques, de principestechnologiques, de propriétés et procédés,d'éléments, d'objets techniques, detechnologies génériques et de sous-systèmes.

b. les formes sociales de la techniquerésultant de. réchange et de sa logiqued'utilisation : technologie «socialisée»,«aliénée», «capitalisée», «incarnée» et deleurs combinaisons.c. les cohérences successives de l'intégrationde la technique dans les formationséconomiques et qui constituent des niveauxet des étapes d'une «socialisation» qui partdu «désordre créateur» de l'invention pouraboutir à un «ordre».

Ces niveaux de cohérences sont :la structure technique «physique» deconstitution, auto-organisée, l'innovation etson développement, sa diffusion .

28. Voir l'analyse de A. Cotta,doc. cité réf. 16, plus récemmentconcernant la situation del'économie politique aux USA,voir l'article de R. Hornik et MeCarroll, Knitting new notionsdans Time January 30, 1989.

29. P.F. Gonod,/,a Technologiegénérale, (le projet del'encyclopédie sysiemique de latechnologie) partie I, Analyse deSystèmes, no 4, 1988.

30. D. Foray et T. Boidart,Conceptualisation de l'industrieet des mouvements d'industria-lisation : le» choix théoriques.Analyse de système, volumeXIII, no 3, septembre 1987.

31. Cette notion est utilisée parl'équipe lyonnaise selon le sensdéfini par H. Maturana et F. Va-léra dansAutopoiesis and cogni-tion en 1980. Il faut noter pouréliminer des confusionséventuelles que dans les travauxde l'école chilienne,«l'organisation» est le nombre, lanature, les propriétés descomposants concrets et qui sonten changement c'est-à-dire cequ'on entend généralement enFrance par structure (voir laprésentation du débat sur cepoint au colloque de Cerisy.l'auto-organisation de laphysique au politique, sous ladirection de Paul Dumouchel etJean-Pierre Dupuy, Seuil 1983)

32. M. Callon, Society in thémaking : thé study of technologyas a tool for sociological analysisin thé social construction oftech-noiogical Systems, M.I.T. Press1987.

33. Selon la définition de Andréd'Haudrico'-irt,Z,a technologiescience humaine. La Pensée, no254, nov.-déc. 1986.

34. L'analyse suivante résume enpartie le chapitre «Formes etmétamorphoses sociales de latechnologie» de l'étude de P.F.Gonod, La technologie généraledoc. cité réf. 29.

35. Mot forgé par François Jacobdans La logique du vivant, unehistoire de l'hérédité, Gallimard,1981.

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Des catégories économiques sont en correspondance avec les niveaux de cohérences : métamorphosessociales de la technologie à travers les relations dialectiques de la valeur d'usage et d'échange ; résonance dumarché ; stratégies d'acteurs dotés de projets et de moyens d'action ; management de la technologie, capacitésde recherche et développement, inductions, rationalités économiques et techniques du «design» «scaling up»et «scaling down» innovation, économies et déséconomies d'é-chelles, taille des unités de production;diffusion sectorielle de technologies génériques, innovation par invasion des secteurs, endogènie et exogéniedes progrès technologiques, coefficients techniques des tableaux inter-industriels, découpage des activitéséconomiques et tables des échanges techniques ; prise en compte de la technique dans les fonctions deproduction ; effets d'entraînement, mouvements des prix relatifs ; conflit-coopération et échange compositedes transferts, droit de propriété et arrangements industriels ;capacités de survie ou à l'inverse vulnérabilité desunités actives micro et macro-économiques ; surfaces d'émission et de réception technologiques de celles-ci,correspondances des niveaux de complexité de la technique et de la formation de la main d'œuvre, barrières

phénomène autonomiséla technologie façonne la société

construit socialla technologie façonnée par la société

la technologie comme système ouvert technologie et société forment un tissu sans couture

univers déterministe

Û système à interfaces"physique" et"social"Û hypothèse d'un systèmephysique auto-organiséexistence de lois physiquesde composition interneÛ édifice techniquestructuré

Û système comprenant des variables physiques et socialesÛ non considération d'un sous-système physique auto-organiséÛ distinction variables interneset externesÛ acteurs opérant le systèmetechnique et son environnementsocio-économique

Û technique et société ne font qu'unÛ non distinction d'un système physique auto-organiséÛ non distinction variables internes et externes Û réseau-acteurs constituéd'associations hétérogènesd'agents et facteurs matériels considérés conjointement

approche sociologiqueconstruction sociale de la technologieanalyse empiriqueutilisation inconnue pour la prospective

approche analyse de système

théorie économique et sociale explicite ou impliciteanalyse de systèmepossibilités de bâtir des scénarios technologiques

Û déductive et de caractère continu: extrapolations,prévision exploratoireprévision normative,explica-tive ou corrélativeÛ synthèse démarches Û inductive et de caractère discontinu: analyse morpho- logique

approche prévision approche prospective

compréhension de la technologie

P.F.G.89

Û la technologie se développe

selon sa rationalité propre, en conséquence la société devient un système technicien

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de la complexité et des masses critiques decompétence ; inerties des systèmes deproduction et lourdeur des installationsfixes, vitesse de rotd.'on du capital, durée etintensité des processus de transformation,rythme de l'obsolescence, imposition desstandards, courbes de vie des produits et desprocédés, rigidités ou flexibilités del'organisation du travail, capacités dediversification de la production offertes parles alternatives techniques et l'organisationde la production et du travail, productivité etrentabilités résultantes, etc...Les articulations de l'économie et de latechnologie sont multidimension-nelles. Laliste ci-dessus, qui est loin d'être exhaustive,suscite des commentaires :

1. Ces catégories et concepts sontutilisés très partiellement par l'économiecourante 36. Et encore moins parl'économétrie, les limitations du quan-tifiable et celles de la formalisationaccentuent le réductionnisme.

2. Le cloisonnement historique de latechnologie et de l'économie a limité lavision des champs à couvrir. On revient deloin, le mouvement d'interna-lisation de latechnologie à l'économie est en cours, maisil ne faut pas se dissimuler le travailconsidérable qui reste à accomplir 37.

3. Il faudrait dans le «fourre tout» de laliste précédente ventiler les items parniveaux d'articulation des cohérences deconstitution, de fonctionnement,d'utilisation, et d'évolution-développementde la technologie, reconstituer lesassociations et chaînes de causalité, lesboucles complexes, les nœuds où desvariables sont surdéterminées, lesmécanismes résultant des chaînages deprocessus stables ou instables, d'intensité etde durée différentes... Programme quiimplique au moins deux conditions :avoir recours à une axiomatique ou unehypothèse générale préalable, disposer d'une«boîte à outils» appropriés.

4. La connaissance des mécanismes estindispensable pour spécifier un modèle donton puisse dériver, formellement, unehiérarchie causale ayant une

signification réelle 38. Dès lors cela conduit àrechercher d'au très voies de la modélisation.La «modélisation structurelle» est une decelles-ci 39. Dans le fond il s'agit d'accéder àla connaissance de la structure causale. C'estaussi le problème principal de la prospective.

5. Ce qui est en question est la capacitéde l'économie politique d'élargir sesfrontières 40 en embrassant le champ de lacomplexité et de se décloisonner tout enrenforçant son identité.

Immense question et grands enjeux.Un seul exemple pour revenir aux problèmesde l'articulation économie-technologie : onne peut strictement rien comprendre ausystème économique actuel où latechnologie est devenue une variablestratégique des jeux industriels avec unethéorie économique qui en a chassé lesrelations de pouvoir. Incidemment on noteraque la prospective sérieuse en incorporantexplicitement les stratégies des acteurs faitimplicitement un choix dans les théorieséconomiques.

6. Autre question embarrassante maisinéluctable : les théories économiquesadmettent ou non l'existence de lois, laprospective fera là aussi nécessairement unchoix. Anti-fatalité, le degré de liberté de sonmessage normatif sera fonction de cetteoption. Quant à la technologie son construitsocial ne peut faire oublier ses contraintes.Les lois scientifiques et les principestechniques existent.

7. Dans cet ensemble de remises encause il est utile d'effectuer un premier tri dequestions pertinentes. On en a retenu quatrequi font problème pour la prospective : lescycles longs de l'économie et de latechnologie, les lois économiques, lesarticulations de la création technologique à laréalisation d'un nouveau système, ladématérialisation des activités.

• Cycles longs de l'économie et de latechnologie

Cette vieille question controverséeposée à propos des cycles de Kondra-tieff etréavivée par la crise économique prend uneimportance nouvelle par

36. Selon une expression deFrançois Perroux.

37. Le GRECO d'économieindustrielle a entrepris dans lecadre de la préparation d'uncolloque sur la compréhensiondu système technologique et samaîtrise sociale un travailsystématique d'identification etde réflexion sur l'état et lacontribution de la scienceéconomique.

38. Dans son livre «la causalitéen économie, signification etportée de la modélisationstructurelle, PUL, Lyon, 1985»,Bernard Paulré rappellejustement l'apport majeur deH.A. Simon dans ce domaine.39. B. Paulré (voir réf. 38) quipropose cette voie dresse untableau comparatif des méthode-économétriques et des méthodesd'analyse structurelles qui n'estpas sans analogie avec le tableaudes différences entre prévision etprospective établi par M. Godet(réf. 5). Ainsi alors quel'ambition des méthodes del'économétrie sont prédictives,celle de la modélisationstructurelle est explicative, alorsque la structure causale estimplicite pour l'économétrie, larecherche^est explicative deslois de comportement d'unsystème par les structures sous-jacentes. La base sémantiquediffère. Pour l'économétrie elleest constituée presqueexclusivement de variablesquantitatives et observablesjustifiées sur la base d'unecertaine théorie économiquetandis qu'il est fait un usage trèslimité de concepts ou théoriesrelevant d'autres disciplines.Pour la modélisation structurelleelle repose sur la cybernétique etla théorie du contrôle, larégulation et les boucles, lerecours à la pluridisciplinarité, àun nombre de variables nonlimité si ce n'est pour des raisonsde transparence et demanipulation du modèle, lesdélais sont toujours etobligatoirement pris en compte.

40. Voir Albert Hirschman«Vers une économie politiqueélargie», les éditions de minuit,1986.

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le retour argumenté à l'intuition Schumpétérienne de l'existence d'une relation forte entreinnovations et cycles longs 41. Malgré les débats à ce sujet la discussion est loin d'êtreclose. Parmi les hypothèses présentées une d'entre elles pourrait avoir une incidenceparticulière pour la prospective. Il s'agit du ralentissement du progrès technique. SelonOrio Giarini et André Loubergé :

«nous nous trouvons probablement dans la phase décroissante d'un long cycle de plusieursdécennies marquée par un ralentissement du progrès technique. On ne peut plus s'attendre, pour leproche avenir, à des percées comparables à celles de l'industrie aéronautique, des matièresplastiques et des fibres synthétiques... tout cela met en évidence que la loi des rendementsdécroissants s'applique aussi à la technologie» 42.

41. Le point de la questionest fait dans l'article deDominique Foray et EhudZuscovitch, «l'innovationentre la production et lesystème technique». Traitéd'éco-nomie industrielle,Eco-nomica, 1988.

42. Orio Giarini et HenriLoubergé, La civilisationtechnicienne à la dérive,Dunod,1979.

43. Voir les Cahiers del'I.SM.E.A., série R,etl'article de Paul Boccara,«théories de la régulation etsuraccumulation-dévalorisation du capital?», Issues No 32, 3emetrimestre 1988 et no 33, 1ertrimestre 1989

44. Voir l'œuvre deFernand Braudel etparticulièrement «l'identitéde la France», Arthaud-Flammarion, 1986.

45. Guy Marchand, «lesgrandes tendances deITiistoriographiefrançaise», Cahiersd'histoire de {'institut derecherches marxistes, no31, 1987.

A vrai dire l'hypothèse reste fragile, etrévolution de la dernière décennie ne suggèrepas une décroissance du rythme et desrendements de l'innovation, pas plus audemeurant qu'une accélération del'innovation durant la phase dépressionnairedu cycle. L'utilisa-tion de ces hypothèsesglobales dans la réflexion prospective nepeut être, dans l'état actuel, que très limitée.La prospective technologique cumule desincertitudes : celle du cycle de l'économie,celle d'un éventuel cycle technologique et deleurs relations. Elle n'en est que plusnécessaire pour dégager des futursalternatifs.Les relations entre l'économie et latechnologie passent par les mouvementsd'accumulation et de dévalorisation ducapital, et partant, dans leur régulation. Leurthéorie est en débat 43. La scienceéconomique n'est donc encore guèreopérationnelle pour forger les grandeshypothèses d'évolution à long terme quidevraient constituer la logique extrinsèquedes systèmes en interaction. Des avancéesdans ce domaine seraient évidemment d'unegrande importance pour la prospectivegénérale et celle de la technologie.La question des cycles longs est aussi unquestionnement de l'histoire. Les événementspourront apparaître sous des éclairagesdifférents, le relief de révolution accentué ouatténué, selon que l'historien considérera lalongue ou la très longue période 44. Laréflexion prospective générale outechnologique n'y échappe pas. Lesspécialistes des études prospectives estimentque les trois quarts du temps de celles-ci sontconsacrés à la connaissance du passé,

bien que le raisonnement prospective soitdirigé vers le futur. Mais l'historio-graphie àses tendances propres. En un demi siècle elleest passée de l'histoire totale à l'éclatement, àl'impérialisme de la spécialité, à denouveaux courants d'interprétation, à destendances à la restructuration, à une nouvellevogue de la synthèse. Ce mouvement de laproduction historique obéit à des logiquesinterne et externe dont l'appropriationidéologique n'est pas absente (témoin lesvariations sur le thème actuel de lacommémoration du bicentenaire de laRévolution française) 4S. Si «le passé prendson sens à partir du regard postérieur qui luidonne le sens de l'histoire» 24, malgré sonsouci d'objectivité, ce regard n'est pas neutre.La mise en évidence ou non de cyclesgénéraux et de cycles technologiquesassociés, serait, ainsi qu'il a été dit,importante pour la prospective. Mais ilfaudrait aussi, à l'intérieur du mouvementgénéral, saisir les dynamiques spécifiquesdes sous-ensembles et leurs effetsd'entraînement technico-écono-miques. Ladétection de ces effets est à l'interface de lateclinique et de l'économie, c'est souventdans ces «no man's lands» que se trouve laclé des développements 2. Mais précisémentce terrain n'est occupé véritablement parpersonne car il implique un décloisonnementdisciplinaire. C'est un des problèmesconcrets de l'interdiscipli-narité d'organiserl'étude des interfaces.

• Les «lois» de l'économie Vrai problèmepour la prospective. Car si il y a des lois del'économie elles induisent un déterminisme,si on en nie

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l'existence les degrés de liberté se trouvent élargis. Dès lors convient-il des'interroger surle caractère des lois de l'économie politique 46.Existe-t-il en économie politique des lois définies comme les lois physiques et naturelles ? «la loi -écrivait Claude Bernard - nous donne le rapport numérique de l'effet à la cause, et c'est là le butauquel s'arréte la science. Lorsqu'on possède la loi d'un phénomène, on connaît non seulement ledéterminisme absolu des conditions de son existence .mais on a encore les rapports qui sont relatifsà toutes ces variations dans toutes les circonstances données». Les «lois» de l'économie politique,et d'une façon énérale, celles de la société, présentent de profondes différences avec celles dessciences de la nature. Les différences épistémologiques résident dans la forme de l'expérimentation.On ne peut pas dans les sciences sociales isoler dans un modèle théoriquement construit un ou deuxparamètres et ne modifier que l'un ou l'autre en ne laissant le reste du modèle inchangé. Ensuite uneexpérience sociale ne se commande pas. Elle advient. Et quand elle surgit elle n'est pas l'œuvre d'unsavant. Contrairement au milieu physique qui fait preuve d'une grande stabilité dans le temps etd'une large uniformité dans l'espace, ce qui a pour conséquence que les lois ae la physique, de lachimie, et même de la biologie, paraissent valables dans n'importe quelle région et à n'importequelle époque, les mécanismes de l'économie sont sujets à variation, évolution, révolutions etincessante révision. Par ailleurs l'économie politique est un «département dans cette vaste provincedu savoir humain que forme la sociologie ou science sociale» (Pirou) d'où la difficulté de dissocierdans les entrelacs d'interrelations sociales les lois de phénomènes économiques. La découverte decelles visant à expliquer le mouvement des sociétés suppose un système de concepts permettantd'élaborer des représentations de la réalité sociale (exemples : les concepts de formation sociale, demode de production, de classe sociale, d'état, etc...). Les relations de ces concepts entre eux, deséléments du système social considéré, définissent ses lois de fonctionnement (ex. rapport des forcesproductives et des rapports socio-économiques de production...). C'est ce système de concepts et delois qui forme une théorie sociale. Ce qui conduit à distinguer les lois constitutives d'un édificethéorique (ex. le matérialisme historique) de lois isolées (ex. l'effet de King ou la loi de Engels).D'autres distinctions peuvent être faites. Ainsi présentant le Capital K. Marx explique que le butfinal de son ouvrage est de «dévoiler la loi économique du mouvement de la société moderne»,cette loi apparaît la résultante des diverses lois primordiales qui sous-tendent l'édifice théorique,lois de la valeur, du profit, générale de l'accumulation, et de lois dérivées : loi de la baisse du tauxde profit moyen dérivée de celle de la valeur, ainsi que des dérivées secondes : ex. théorie de larente absolue en agriculture, elle même dérivée de la précédente... Des lois sont communes àplusieurs formations économiques, d'autres sont spécifiques du capitalisme. Des lois nouvellesapparaissent — condition et cause — de l'émergence d'une nouvelle formation économique etsociale ou d'une nouvelle phase de développement (ex. l'impérialisme et le développement inégal).Les thèses sur la «société postindustrielle»et toutes ses variantes impliquentl'apparition de nouvelles lois de l'économieoù «toutes les notions de base et lesparamètres de référence (notions de valeur,de fonction de production, de capital, depatrimoine, de structure de la production etde la demande...) se modifient» 38. On estencore loin de la compréhension de cesmodifications, ce qui laisse le champ libreà une prospective aux fondements hâtifs.L'entendement de nouvelles loiséventuelles est difficile pour trois raisons :. La première tient au caractère relatif etconditionnel des lois économiques quis'exercent dans un milieu et un tempsdonnés où la condition «toutes chosesrestant égales» n'est

pratiquement jamais réunie, et où, en vérité«rien n'est égal par ailleurs».

. La seconde est due au fait qu'àcôté du mode de production dans uneformation -économique coexistent desfragments de modes de productionantérieur (par exemple en agriculturel'agriculture paysanne à côté del'agriculture capitaliste).. La troisième raison est que le champd'observation n'est pas seulement celuid'une réalité objective, mais le résultat del'action qui exercent les opérateurs sociauxdotés de projets, de stratégies et de moyensd'action :c'est-à-dire de la politique 47. Les loiséconomiques sont constamment soumises àl'intervention de la politique, celle de l'Etatdans l'économique n'a plus un caractèreaccidentel. L'intensité

46. Cette partie résume unchapitre du coursd'économie ruraleinternationale professépar P.F. Gonoden 1986-87 à la faculté dessciences économiques del'université de Grenoble.

47. Voir le livrede H. Lefebvre,réf. 23.

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48. René Passet rappelle dansson livre L'économique et levivant, Payot. 1979 l'opinionde Alfred Marshall :«l'économie est une sciencede la vie, voisine de labiologie plutôt que de lamécanique». Cette étude étaitrédigée quand j'ai prisconnaissance de deux articlesimportants de R. Passet quime confirment dans ladirection de penséedéveloppée dans la présenteétude concernant l'économiepolitique et la prospective. Lepremier, «prévision à longterme et mutation dessystèmes économiques»(Revue d'Economie Politiquen° 5 1987),propose une grillede lecture, rapproche par lacomplexité. Lare-connaissance de l'in-terdépendance, conduit àconsidérer que toutphénomène économiquepossède la triple dimensionéconomique, socioculturelleet naturelle.A l'hypothèsecartésienne de logique, ellesubstitue l'ap-préhension dupluralisme et du conflit. Ils'ensuit que l'économie estfaite d'un double série de fluxréels, soumis à des logiquessouvent conflictuelles dont laconjonction constitue un desfacteurs essentiels desajustements macro-économiques. La dynamiquen'est pas celle d'un universachevé mais soumis à unprocessus de continuelle auto-création, la coévolutionrésulte de révolution associéeà l'interdépendance. La notionde seuil découle de laconjonction de révolutionavec l'existence des niveauxd'organisation et des paliersd'intégra-tion. Il s'ensuit quel'économie change de modèle,c'est à travers lefranchissement de niveauxcritiques à partir desquels semodifient profondement lesmécanismes assurant larégulation et la croissance dessystèmes économiques. Ledéveloppement n'est pas unmouvement de croissancequantitative à logiqueinchangée. Dans un secondarticle, «que l'économie servela biosphère» (Le MondeDiplomatique, août 1989), R.Passet montre que notrevision du monde asensiblement évolué, elle estcelle d'un monde complexe.Cette vision appelle une«économiemultidimensionnelle,dynamique et coévolutive».

de ce bombardement, le plus souventdésordonné, peut modifier les trajectoires.La question se pose dans ces conditions de lamaîtrise économique. D'un côté des loiséconomiques, de l'autre, les hommes qui fontleur propre histoire et ne sont pas extérieursaux lois qui surgissent de leurs activités. Lesclasses sociales, les pays ne sont pas passifsdevant les lois économiques. La recherche duprofit maximum, la lutte séculaire pour laréduction de la durée du travail, peuvent êtreinterprétées comme la riposte à la baissetendancielle du taux de profit et la contretendance à la «loi d'airain» du capitalisme.Les succès économiques du Japon, démunid'énergie et de matières premières, sont unemise en échec de la «loi des avantagescomparatifs». Il a surmonté cette loi enmettant en œuvre d'autres variables, latechnologie notamment. La prise deconscience de la loi entraîne l'actionpolitique, soit pour l'utiliser à son profit, soitpour la combattre. C'est le résultat de cescombats historiques, de cette dialectiqueincessante qui est l'objet des observations. Ilest donc généralement exclu de pouvoiridentifier à travers celles-ci le jeu d'une loi àl'état pur. C'est pourquoi les loiséconomiques ont un caractère tendanciel,(voir le tableau annexé des lois, destendances des politiques dans le cas del'agricul-ture).L'interprétation de cet enchevêtrement entreles lois et leurs effets contraires ne peut sefaire qu'à travers un modèle théorique. Ceciest inéluctable et redoutable, inéluctable, carne pas avoir recours à une hypothèsegénérale c'est aller à l'impasse et à l'errancede la recherche des apparences dumouvement. Redoutable car s'en tenir à unethéorie sociale c'est courir le risque dudogmatisme, de figer la réalité en évolution,de ne pas percevoir les développementsnouveaux, et l'émergence éventuelle de loiscorrespondantes. On ne peut cependant fairel'économie de cet effort théorique. Lacomplexifi-

cation de la société, le temps des «certitudeset des paradigmes heureux» (A. Cotta)durant les «trente glorieuses», la croissancecontinue (ou presque) du monde capitaliste,le discrédit en tant que modèle mondial dusystème socialiste, les blocages dogmatiques,l'affaiblissement des grands débatsthéoriques, expliquent la rupture des filsconducteurs dans la compréhension desphénomènes de la société contemporaine.C'est pourquoi contrairement à la tendanceactuelle et aux courants à la mode, le retourà la théorie s'impose plus que jamais pourcomprendre le monde où nous vivons etconstruire lucidement les futurs.

• L'articulation des logiques de création,d'innovation, de diffusion et de transfertstechnologiquesII y a des relations naturelles d'ordre ;création, innovation, diffusion et transfert sesuccèdent. C'est par ces processus que lesystème technologique se constitue. Ilsforment des entrelacs multiples. Desprocédés et des produits techniques naissent,d'autres disparaissent, des objets coexistentpour un temps à diverses phases de leur vieet ont des durées inégales. La «vitesse derotation technique» diffère selon lesactivités, et à l'intérieur de celles-ci. Le stocktechnologique est constitué de générationsdifférentes qui subsistent tant qu'elles sont àl'intérieur des limites de tolérances descohérences du système. Ces mécanismes decréation, de développement, d'expansion, dedépérissement, de rétraction, de disparition,suggèrent des analogies biologiques 48 . Sansdoute sous l'influence de la penséesystémique et de son application en écologie,la tendance est à l'abandon des modèlesmécanicistes linéaires de l'innovation auprofit de conceptions plus complexes. Lavision du prospectiviste sera largementfonction de la représentation mentale qu'il ade ces processus. La règle du jeu devrait êtreque les exercices de prospectivetechnologique explicitent leur cadrethéorique de référence. On y gagnerait enclarté.

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Prolégomènes à la Perspective Technologique

LOIS, TENDANCES, POLITIQUESlois tendances politiques

1 "Rente foncière variations prix de la terre en raison inverse du politiques foncières (+ ou -)

raux d'interêt2' Rente différentielle N- 1 concentratio de la production sur les meilleures fixation prix agricoles en réfé

terres rence conditions moyennes (-)3' Rente différentielle N° 2 différenciation, industrialisation agricole, terme échange prix amont ava

processus croissance continue de la production (+ ou-), contrôle offre (+ ou -)4' Rente absolue et baisse majoration des prix agricoles pression consommateur urbairdu taux de profit moyen modification péréduation taux de profit recherche profit maximum (-)5' Développement cyclique de instabilité permanente des marchés régulation prix stockage, étatl'agriculture accords internationaux (-)6' Concentration agraire élimination agriculture marginale résistance paysanne(-), ré

forme agraire.restructurationtaux de crédit élevé (+)

7' Paupérisation relative despaysans

parité des revenus impossible par mécanismes dumarché

"pouvoir compensateur", coopératives, transferts sociaux (-)

8' Emprise de structure actions d'influence du capital industriel, bancair ', pouvoir politique de la paysancommercial et financier nerie, alliances du capital

9' Limites de tolérance échec transferts mimétiques espèces et culturedans des conditions écologiques contrastées

agraire (-) acclimatationgénétique (-)

10' Entropie et niveaux coût énergétique et social croissant des trans amélioration rendement destrophiques formations dans les chaînes alimentaires transformations (-)1 ' Cycles de production rupture temps de travail et de production, manqu ? raccourcissement des cycles(

d'interêt production a long terme politique forestière (-)12' Rendements décroissants coût économique croissant des améliorations mutations génétiques (-)

13' Effet King grandes fluctuations des prix agricoles fonds de stabilisation, accord

et alimentaires compensation, aide alimentair14' Loi de Engel inélasticité de la demande alimentaire, quasi (-)

stagnation pays occidentaux diététique, sophistication desproduits (-)

15' Croissance de la absorption croissante aliments du bétail modèle alimentaire dominantproduction animale résistances culturelles, reli

gieuses, idéologie tiers mon-diste (-)

+ signifie amplification positive de la tendance par les politiques

- signifie rétroaction effet contraire sur 1a tendance des politiques

P.F.G 89

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• La création technologique sst le résultat de la pensée et de la pratique inventives.Elle est une variable-source qui alimente le premier des processus technologiquesmais aussi irrigue les flux de l'innovation et de la diffusion par une série detransformations tout le long du développement. C'est elle qui accroît la variété dusystème par l'ad-jonction de nouvelles classes et d'éléments par une combinatoire quicontrarie l'entropie.La création déborde évidemment du champ de l'économie. Tous les hommes ont unpotentiel de créativité. Mais ils ne l'exercent qu'en partie et très inégalement.Pourquoi ? Les raisons sont multiples et s'associent dans des boucles cumulatives. Il ya l'influence stimulante ou inhibante du milieu ambiant. Les facteurs positifs de laliberté et la volonté individuelles de se réaliser, du non conformisme, de l'existencede «groupuscules passionnés» 49. Il y a des facteurs négatifs comme la prédominancedonnée dans renseignement au développement de la partie gauche du cerveau audétriment de la droite, siège de l'imagination, les savoirs en miettes, l'exotérisme de latechnique, les pressions de conformité, les conditions de travail répétitif et sansintérêt qui émoussent les facultés de créativité, etc... La libération de ce potentielrefoulé est un des défis majeurs de nos sociétés.La création technologique est au niveau des individus et des organisations. Disons desuite avec P. Papon «qu'il ne saurait être question de «prévoir» des découvertesscientifiques ou des innovations technologiques de la même façon qu'une théorieprévoit un phénomène jusqu'alors inobservé ; il n'existe pas de prévision scientifiquedu progrès des connaissances au sens où il existe une prévision des phénomènes dansles sciences physiques» 2. Si au niveau des individus la création technologique estimprévisible, les possibilités et la nécessité d'exercice de prospective existent àd'autres niveaux. Il faut commencer par faire «l'inventaire systématique des connaissances scientifiques certaines et de leurs potentialités» 2. Il fautconnaître les programmes en cours et ceux projetés. «La réflexion prospective doitpartir d'une analyse des objectifs, de la portée et de la fécondité de ces programmesqui constituent aussi des attitudes scientifiques devant les problèmes que se posent leschercheurs... l'histoire de la prospective montre bien que les auteurs de prévisionsréussies ont su imaginer l'impen-sable à partir d'une analyse ou d'une connaissanceprécise des possibilités de la science et de la technologie et en ayant une consciencedes étapes indispensables à franchir pour atteindre un objectif... (ainsi) une analyseprospective des potentialités de la technologie et des voies possibles dudéveloppement technologique... doit prendre en considération les différentes étapesqui conduisent à l'innovation». P. Papon souligne par ailleurs «que de nombreuxexercices de prévision technologique sont tombés sur l'obstacle que constitue ladifficulté de prendre en compte les variables économiques dans une prévision à longterme» 2.

De cette longue citation on retiendra deux enseignements : la responsabilité del'économie politique comme co-participanî obligé à la prospective technologique, lanécessité de comprendre les différentes étapes de constitution du systèmetechnologique, depuis la création à l'innovation, mais aussi la diffusion et le transfertde celle-ci, processus au terme desquels émerge un nouveau système 'echnologique.Ce dernier champ fait partie du «no man's land», seuls jusqu'alors les spécialistes de«la science de la science» s'en occupaient. Dans le mesure où l'économie intemalisemaintenant la technologie, l'économie politique doit être coopérante à l'étude de cechamp.

L'innovation technologique, par définition la première introduction d'un produitou d'un procédé nouveau avec un succès commercial, est un mécanisme qui, à la foisconcrétise et réduit la variété de la création. On s'accorde à pen-

49. Thierry Gaudin, Qu 'est-ce qu 'une politique _d'innovation ? CPEministère de l'indu strie etde la recherche, Paris, août,1984.

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ser qu'une idée sur cent se transforme en innovation. Pour que celle-ci existe il faut qu'ellesoit cohérente avec la logique de l'environnement socio-économique, elle en est le résultat.La «résonance du marché» 27 joue un effet-filtre dans le mécanisme de l'innovation. Lesschémas séquentiels et linéaires simplistes du cheminement de l'idée à la découverte, puisà l'innovation et à sa diffusion, ont cédé la place à des modèles plus complexes et quiprésentent une analogie avec les processus écologiques. L'OCDE a joué un rôle moteur aucours des années 60 pour la promotion de l'étude de l'innovation. Comme en France, àquelques notables exceptions, les économistes ne s'intéressaient pas à ces questions quiétaient laissées aux spécialistes de l'étude de la science, on constate que des schémas debase qui ont résisté à l'usure du temps ont été oubliés ou ne sont pas connus. Il n'est pasinutile de les rappeler s0.

Le phénomène fondamental de l'innovation est la fusion de la reconnaissance de la demandeet de la technique praticable s1. Cette fusion dans un seul concept est subordonnée à un certainnombre de facteurs. Le temps est le premier de ceux-ci 52. La force de fusion est ralentie par ladésynchronisation de la demande et de la technique praticable. Les caractéristiques typologiquesdes modes de production industriels (par exemple, production sur devis ou en petite série,production de masse, en continu) suggèrent qu'il y a toujours une certaine désynchronisation de lareconnaissance au niveau des 3 fonctions essentielles de l'entreprise, la fabrication, le marketing etla recherche 53. Les causes immédiates de l'avortement de l'innovation dans l'entreprise sont donc laqualité des ressources d'information et de sa circulation, le processus de prise de décision, lastructure organisationnelle qui, généralement, joue contre l'innovation 54. L'innovation a des degrésdifférents. On distingue l'innovation de type éconmique, de type technique, et celle de caractèremixte.— L'innovation économique est l'utilisation d'une technique ou d'un produit pour des besoins pourlesquels il n'avait pas été créés. Les exemples sont fréquents en pharmacie. C'est aussi le cas duverre trempé utilisé dans le bâtiment et qui a pris un second départ avec les glaces des automobiles,ou encore du nylon comme fibre pour les pneus dès qu'on a réalisé ses propriétés adhésives, c'est lecas étrange du laser, initialement invention sans applications et dont on connaît les utilisationenvahissantes, n s'agit de cas typiques de transferts horizontaux de technologie. Ce qui montre,incidemment, les relations étroites entre innovation et transfert. La connaissance de leursmécanismes est donc importante pour la réflexion prospective.— L'innovation technique pure se manifeste surtout par les perfectionnements apportés au produitou au procédé. Ds sont innombrables.La technologie «précursive» donne lieu à un «bourgeonnement» de l'innovation, c'est-à-dire à unesuccession d'innovations mineures associées à l'innovation principale ss. La mise en évidence duphénomène de développement évolutif en «grappes» n'est donc pas une nouveauté, il a été décrit ily a vingt ans. Mais ce qui est remarquable avec les «nouvelles technologies» c'est la capacitéd'associations d'innovations majeures. De même la notion de «trajectoire technologique» a étédécouverte il y a longtemps. Le procès d'innovation peut être scindé en deux phases : la premièreest celle de la mise au point et de la commercialisation initiales du nouveau procédé. La secondeconsiste à l'améliorer, par exemple en augmentant l'échelle des installations de production et enappliquant à celles-ci les progrès réalisés dans d'autres branches d'activité (transfert horizontal), eten perfectionnant les compétences techniques du personnel le long des fabrications (courbed'apprentissage). Ainsi les entreprises de «deuxième génération» appliquent des perfectionnementstechniques qui peuvent avoir autant d'importance économique que celles apportées par le promoteurde l'innovation. Une chaîne d'améliorations successives se crée induite par les conditionséconomiques et le mouvement propre de la technique. Autre conséquence : sur le plan international,une combinaison particulière de facteurs ne limite pas nécessairement l'incitation économique à ladiffusion du procédé innové 56.— Les «innovations fortes» sont un mixte d'innovations économiques et techniques. En ce sensqu'elles associent la hauteur des procédés avec un besoin latent important, c'est par exemple, pris auhasard, la Xerox, le Polaroid, le café soluble ou le minitel... Dans la compétition et le jeu industrielsce sont les innovations du troisième type qui sont l'arme du pouvoir de négociation. Ce typed'innovations requiert la rencontre fécondée par l'imagination créatrice, des transferts verticaux —le procès selon lequel la nouvelle connaissance est incorporée dans la technique — et de transfertshorizontaux - l'application «dans une autre direction» 57.

50. Ce résumé a été fait àpartir de l'ouvrage de P.F.Gonod, Clés pour le transferttechnologique, Institut deDéveloppement Economique,Banque Internationale pour laReconstruction et leDéveloppement, Washington,août 1974.

51.WilliamH.GriiberetDonald G. Marquis, Factorsin thé transfert of technology.M.I.T., 1969.

52. Les études d'Arthur D.Little ont montré la nécessitéd'une mise en cervreimmédiate des moyens ; il aété observé que même unretard d'un ou deux moispouvait avoir un effetinhibiteur, les idées ne venantplus et qu'un retard de 6 moisconstituait un très lourdhandicap.

5 3. P.F. Gonod, Essai derecherche d'un système d'étu-des inter-disciplinaires macroet micro-économiques, lecomportement de l'entrepre-neur et l'innovationtechnologique, OEA,Buenos-Aires septembre1969.

54. Bernard Z'mmern,Développement del'entreprise et innovation.Editions hommes ettechniques, 1969.

55. E. Janstch, La prévisiontechnologique, OCDE, 1969.

56. John L. Enos, «Inventionand innovation in thé refiningindustry, in thé rate anddirection of inventive activity,National Bureau of EconomieResearch, New York, 1962.

57. Selon la définition destransferts technologiquesgénéralement utilisée auxUSA et due à Harvey Brooks«national science policy andtechnology transfer, nationalScience Foundation, 1966.

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58. Samuel Bar-Zakay N.«policy making and tech-noiogy transfert thé needfor national thinkinglaboratories», RandCorporation, Dec. 1970.

59. Voir Jean-Luc Gaffard,en collaboration avec E.Zuscovitch, «mutationstechnologiques et choixstratégiques desentreprises» dans le traitéd'économie industrielle,Economica, 1968.

60. C'est en partant de cetteséquence et en estimant lestemps de passage d'uneétape à l'autre que l'OTAdes USA établit saprospective de l'informati-sation de la production,«computerized manufac-turing automation», Officeof Technology Assessment,april 1984.

61. Voir compte-rendu dela table ronde sur l'informa-tisation de la productiondans les industriesorganisée par leLaboratoire d'écohomie etde sociologie du travail(LEST) Aix-en-Provence,Bulletin d'infor-mati.onssociales. No 1/85, BITGenève.

62. P.F. Gonod, Conflit-coopération dans letransfert technologique,Mondes en développementno 14, 1976.

63. P.F. Gonod, Le débattechnologique - en guise depostface ; questions pourune prospective du travailet la maîtrise de latechnologie, Travail etSociété, BIT Genève, avril-juin, 1984.

Le positionnement respectif de l'innovationde sa diffusion et de son transfert, est unsujet qui se prête à diverses interprétations.Généralement pour les auteurs américains letransfert est le procès selon lequel la scienceet la technologie sont diffusées à traversl'activité humaine selon des composantesverticales et horizontales 57. Cette conceptionqui a dominé durant les •années 60 a étéfortement critiquée. Partant d'uneconstatation juste :la symbiose de la scienceet de la technique actuelles, elle l'extrapolaitabusivement en suggérant un automatismedans le mouvement science-technologie etn'indiquait pas comment le transfert pouvaits'effectuer 58. En envisageant un conti-niumentre la science et la technologie elleparticipait à la même erreur que tous ceux ,qui partant de la juste constatation des liensde plus en plus étroits entre la science et latechnologie, ne faisaient pas de différenceentre l'information scientifique et technique.Or il n'y a pas de continuité mais desruptures. L'innovation technologique estsoumise à d'au très forces et déterminationsque la découverte scientifique. Lemécanisme science-technologie n'est pasfluide, nombre d'obstacles et de barrièresexistent, économiques, sociaux et politiques.La connaissance des programmestechnologiques est, ainsi qu'il a été expliquéprécédemment la condition nécessaire de laprospective technologique, mais nonsuffisante. La trajectoire de développementpeut être retardée, accélérée, interrompue,déviée 59. La recherche-développement suitdes séquences non arbitraires, depuis lasolution en laboratoire à la premièreapplication commerciale et à la solutionlargement et aisément applicable 60. Tout aulong de ce processus vont interférer lesincertitudes des mises au point techniques,mais aussi les contraintes économiques,sociales ou politiques, les jeux et stratégiesd'acteurs disposant de moyens. Il n'y a pasd'automatisme ni de fatalité. Il n'y a pas nonplus de relation univoque entre lestechnologies

et l'organisation sociale de la production.Les tableaux idylliques du futur âge d'or, dela disparition du travail parcellaire, del'homme unidimensionnel, qu'entraîneraitl'informatisation de la production sont unepossibilité mais non une inéluctabilité. Toutau contraire le système Taylorien-Fordienmontre sa capacité à «récupérer» lesnouvelles technologies 61. Les stratégiesd'entreprises et les relations internationalesdélimitent les degrés de liberté des transfertstechnologiques entre entreprises et pays. Letransfert technologique est un commerce,mais il est plus que cela : il est pouvoir 62.La réévaluation critique de l'économie destransferts s'est insérée dans le mouvement derééquilibrage des échange;; internationauximpulsé par les pays du Sud dans les années70. Si ce rééquilibrage a échoué avec lanaufrage du «nouvel ordre économiquemondial», cette réévaluation a eu cependantpour conséquence de sortir d'une conceptionaseptisée de la technique et de ses transfertsen l'articulant avec l'économie et lesrelations de pouvoir. Il est clair que selonque l'on accepte ou non cette réévaluation onpensera différemment la prospectivetechnologique.

L'innovation est un nœud à l'arti-culation des systèmes économique ettechnique. Dans un ensemble de processeursdu bloc interactif technique-production-travail, c'est celui qui, à la fois, est le plusinfluencé et influence le plus les autres 63 .L'innovation a le double caractère devariable dépendante et motrice, c'est, une«variable-relais»26, catégorie qui joue unrôle clé en prospective. Il s'ensuit que, làencore, la prospective technologique seraaffectée par la représentation théorique del'in-novation. Celle-ci est loin d'êtreachevée. D'où d'autres conclusions :

— La théorie de l'innovation requiertl'exploration plus systématique desinterfaces entre la «science de la science»,l'économie politique, la technicité,l'élaboration de typologiesinterdisciplinaires des différentes catégoriesd'innovations.

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SUITE

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- Il faudrait créer des informationssystématiques qui font généralement défautet des outils opérationnels, par exemple :. Des informations comparées sur les étapeset durées par industries entre la solution enlaboratoire, le prototype, la premièreapplication commerciale, le large usage oula diffusion de masse.. Des informations sur les courbes dediffusion de l'innovation technique et la viedes produits 64.Les informations qui permettraient unealgorithmisation des transferts :durée et ordre des opérations dans lesdiverses activités, canaux utilisés,partenaires directs et intermédiaires,répartition des pouvoirs et influences entreeux, formations nécessaires pour rendreeffectifs les transferts de savoirs, etc. Ilfaudrait aussi rechercher comment rendreopérationnelle des notions comme celles dessurfaces d'émission et de réceptiontechnologiques des agents du transfert.

- On ajoutera enfin que des méthodesde stimulation de la créativitétechnologique ont été appliquées parfois.En effet si l'on considère le produit commela rencontre matricielle entre unecombinaison plus ou moins complexe detechniqup^ ar service d'une combinaisonplus ou muina complexe de besoins, il estpossible d'utiliser une méthodologie de lacréativité inventive pour innover 54. Cesprocédés qui sont des processus mentaux,sont les mêmes que ceux utilisés enmathématiques :l'analogie, l'inversion, le changement d'axede coordonnées 65. On pourrait envisagerdans l'exploration prospective des processusde cette nature pour balayer l'imaginaired'autres futurs.

L'appréçiation de la logiqueindustrielle actuelle. L'évolution de lasociété,la position qui occupe la technique et sasignification ont conduit aux thèses bienconnues de la société post-industrielle,informationnelle et à toutes leurs variantes.Ces prospectives globales ont des traitscommuns, elles privilégient dans révolutionle rôle de l'information,

voire l'émergence d'une civilisation du signe,l'intellectualisation de la production, cecipour le positif de l'image. Au négatif leprimat des immatériaux, l'évanouissement dela matière, voire du travail.Si les observations du positif ne peuvent êtremises en doute, l'interpré-tation du négatif ducliché fait problème. On peut en cerner undes aspects par la divergence d'appréciationde la logique industrielle actuelle.Le secteur tertiaire est considéré comme lefondement de la société postindustrielle. Onsait qu'une de ses thèses, et de la société del'information, est que «produire est devenuune activité de deuxième ordre par rapport àla distribution et aux activités annexes...» 38.Cette réalité — écrit 0. Giarini — masque unaspect plus profond : «c'est la logiqueindustrielle de la technologie qui a provoquéces phénomènes de tertiarisation. De ce faitles analyses de Daniel Bell, Jean Fourastié,et d'autres se trouvent aujourd'hui dépassées: nous ne sommes pas en présence d'unphénomène dont la description consiste àextrapoler mécaniquement, à partir dudécoupage de l'économie en trois secteurs,des périodes historiques de prédominancepour chacun. Au contraire, la tertiarisationdu système de production est le signe de ladissolution d'un système historiquement daté(celui de la révolution industrielle) et dupassage à un autre système socio-économique où toutes les notions de base etles paramètres de référence (notions devaleur, de fonction de production, de capital,de patrimoine, de structure de la productionet de la demande...) se modifient. Il s'imposedès lors d'entamer de nombreuses recherchesempiriques sur révolution et la diffusion dela technologie» 38. L'analyse du processus decréation, de stockage, de communication desdonnées conduit elle aussi à une remise encause de l'idée de la sociétéinformationnelle. «Nous n'assistons pas —écrit Gérard Blanc — à la transition vers unesociété post-industrielle où l'informationremplacerait l'énergie et les matièrespremières

64. On rappellera le livreclassique de E. Roggerssa distinction de 5catégories d'adopteursreste valable et a unegrande importance pourmesurer temporellementle décalage des courbesde diffusion del'innovation entre pays.On notera aussi quel'étude de la diffusion aété initiée dansl'agriculture et lamédecine et beaucoupplus tard dans l'industrie.

65. Par exemple, lerilsan ap-parait commel'inversion de lasynthèse du nylon ; enmécanique le transfert àITiori-zontale de lacoupe verticale dumoteur aboutit à laconception des moteursà plat, du type flattwin,qui ont fait le succès dela 2 CV Citroën ; lechangement d'axe dumoteur,perpendiculairement etnon longitudinal à lacarrosserie, aboutit à laconception des Peugeot,Austin et autres voiturescompactes.

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66. Gérard Blanc, Attentioninformation, Futuribles, no90, juillet-août 1985.

67. T. Gaudin, Lesmétamorphoses du futur,essai de prospectivetechnologique, CPE-Economica, 1988.

68. T. Gaudin, fait référenceà l'idée développée parl'équipe du CREA, J.P.Dupuy, A. Orléan.

69. La constatation de T.Gaudin rejoint l'ana-lyse del'auteur de cet article dans«la technologie générale,doc. cité réf. 29. L'énormevariété du systèmetechnologique justifie leprojet d'élaborer uneEncyclopédie systémiquepour en dominer lacomplexité, et créer ainsi lesconditions cognitives de samaîtrise.

70. Voir Baudrillard, Pourune critique de l'économiedu signe, Gallimard, 1972.

Nous assistons à l'industrialisation desdonnées, de l'information, du savoir, de lasagesse même, selon un processus quiapplique à ces domaines de l'activitéhumaine les principes de base de la sociétéindustrielle : standardisation, production demasse, maxima-tion de la production,synchronisation des activités, concentration,centralisation, réquisition permanente de lanature et des individus, etc...» 66. La grille delecture change avec les observateurs, c'est-à-dire en définitive, selon leur représentationdu monde. Le problème est philosophique.

• L'économie cognitiveC'est à changer de regard que Thierry

Gaudin convie les économistes 67. Sa vue estfocalisée autour d'une thèse centrale. Noussommes entrés dans une société où lesreprésentations économiques dérivées duprimat de la production, telles les tableaux deLéon-tiev, la comptabilité nationale, les fluxde monnaie correspondants, ne sont pasfausses, «mais en partie à côté de la question,car matérialiste alors que la technique sedématérialise...» «la nouvelle matièrepremière (c'est) la matière grise. C'estl'investissement intellectuel... Dès lors, il fautinventer une autre manière de regarder. Notreprospective en donne le principe : l'économietoute entière peut être décrite comme unimmense processus cognitif» 6S. Desarguments de différente nature justifient laproposition. «Dans les pays développés laquantité de travail consacré au traitement del'information a maintenant dépassé celleconsacrée aux fonctions de production. Lanotion classique de marché n'a plus grandsens. Il s'agit de savoir comment les êtreshumains nagent dans un océan desurinformation, pour le comprendre, il fautd'abord compter les signes, mesurer ladiversité». T. Gaudin cite des ordres degrandeur encore mal connus. Ainsiconcernant la technique, «l'inventaire despièces de rechange de l'armée américaine estde 4 500 000 postes. L'ensem-ble de latechnique moderne demande

rait 6 millions de mots, d'après certainsspécialistes en bases de données. Latechnique est donc une hyperlangue, 100fois une langue normale, 1000 fois levocabulaire d'un homme cultivé. Balzacutilisait 4000 mots» 69. Des phénomènes del'économie cognitive peuvent être décrits : lenouvel équilibre dans les pays développésentre l'emploi et la formation fait que«derrière chaque heure de travail, il y auraune heure d'enseignement, en moyenne, surtoute une vie» ; l'apparition de normes enréponse à la complexité des techniques — lanorme, une fois adoptée s'impose à latechnique, «car ce qui est inscrit dans l'espritdes hommes est plus difficile à changer quece qui n'est inscrit que dans la matière» ;l'informatique comme «lieu de cristallisationde concepts» ; «l'évaporation» de lamonnaie ; l'organisation industrielle, qui, deson propre mouvement «se calque sur lacomplexité du processus en cause»,notamment par l'initiative «moléculaire» quipermet de percevoir et d'agir là où lesgrandes structures ne voient pas ou nepeuvent aller».

Conclusion : T. Gaudin envoie «lathéorie aux orties». Evidemment celle despartisans de la planification centrale maisaussi celle des économistes qui postulent del'optimum résultant de l'action des forcesd'un marché parfait qui nécessiterait lacondition, jamais atteinte, d'une informationparfaite. Il ne croit pas suffisante, pourautant, une économie du signe 70. «Parler del'économie de signes, c'est encore raisonnerdo'is le référenciel de la société deproduction. L'économie cognitive exige unsaut conceptuel». Le temps devient leréférenciel, «la ressource rare, ce ne sontplus les matières premières ou les capacitésde production. C'est le temps, le temps qu'ilfaut pour prendre connaissance desproblèmes, pour les mûrir, pour les résoudre.Une sorte de temps de calcul à l'échellehumaine».

Les économistes sont effectivementconfrontés à de nouveaux problèmes.

— Le management de la planète et

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l'écodéveloppement, la maîtrise desinterdépendances internationales, lacompétition sauvage et les mécanismes derégulation, l'économie des armements,l'hypothèse de l'apparition de lois tendanciellesexprimant de nouvelles logiques de laproduction et des échanges, la dynamique descycles économiques de notre époque, sesrelations avec les rythmes de l'innovationtechnologique, la symbiose entre la scienceexplicative et la technique opératoire et sesincidences dans le choix de la R et D,l'économie de l'infbrmation et la mesure de lacomplexité, la compréhension des mécanismesde l'innovation et de sa diffusion, la destructionet la création d'emplois par les nouvellestechnologies, le chômage des jeunes,l'économie informelle, la mesure de laproduction et de la productivité dans lesprocessus de fabrication robotisés, lemouvement de diminution séculaire du tempsde travail et l'augmentation du temps libre aucours de l'existence, rallongement de la viehumaine et ses implications, l'accélération de ladiminution du travail manuel et l'expansion dutravail intellectuel, la puissance des transfertsde savoirs dans les machines et instruments,l'éducation permanente comme nécessité, larupture des relations entre le volume de lamonnaie et celui des échanges commerciaux, lemarché international des capitaux, ledéplacement des centres de gravité del'économie mondiale, l'endettement du tiersmonde,

l'émergence des nouveaux pays industriels etl'hystérésis du quart monde, les exclusions de lamutation actuelle dans la société des paysindustriels, la démocratie industrielle et biend'autres bagatelles...— «L'économie cognitive» ne peut faire tablerase de ces problèmes. Certains en font du restepartie, ce sont ceux qui sont liés à l'émergence«de l'espace mental en territoire social» —selon la formule de T. Gaudin qui lui paraitrésumer le contenu de son livre. D'autres sontdes problèmes de notre société qui continuentde faire l'objet de questions essentielles, et dontles réponses et leurs interprétationssubordonnent aussi le contenu de la prospective.La thèse de l'économie cognitive ouvre despistes de réflexion... à condition de ne pasexclure la cognition de l'économie.. La prospective en général et la prospectivetechnologique, en particulier, interpellentl'économie politique.

Puisque celle-ci n'a pas contribué de façonsignificative à leurs progrès, quels sont leschangements nécessaires pour qu'elle joue lerôle qu'on en attend ?

On peut esquisser une réponse, qui n'aévidemment qu'une importance très relativeformulée par un individu alors qu'elle devraitêtre apportée par un collectif, en proposant lescinq principes suivants :

1 — La discipline économique doit retrouver le statut d'économie politique que l'impéria-lisme économétrique et la dérivede la réflexion structurelle qui s'en est suivie lui ont fait perdre en partie. Ceci implique la réintroduction ûes agents dotés deprojets, stratégies et relations de pouvoir. C'est aussi une condition nécessaire de toute prospective.

2 — L'économie politique doit internaliser la technologie dans son champ d'étude et mettre fin à une coupureépistémologique.

3 — L'économie politique doit s'attacher à la compréhension des mécanismes, des relations etstructures causales. Ce qui milite en faveur de méthodes de modélisation structurelle et deconvergences avec la systémographie.

4 - L'économie politique doit, tout en renforçant son identité, se décloisonner. Lacompréhension et l'action sur les mécanismes de l'innovation, de la diffusion et du transfertteclinolo-qiques, par exemple, sont à l'interface de la «science de la science», de l'économie, de lasociologie et de la science politique. Le glooalisme inhérent a rapproche prospective nécessitel'organisation pratique de l'interdisciplinarité dont l'économie politique est partie constitutive.

5 - L'attitude de la recherche économique doit être moins rétrospective, plus orientée vers lefutur et se sentir plus concernée, responsable, dans la préparation de celui-ci

71. Dès 1958F.Bloch Laineconstatait : «il estregrettable que la scienceéconomique inspirât si peul'économie réelle»... à causede son caractère troprétrospectif... «lesUniversités appliquantdavantage leur talent et leurculture à transformer enconcept l'observation dupasse qu'à prospecterl'avenir».

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. Le premier peut se résumer ainsi : la distinction entre infrastructure et superstructuresn'est ni une distinction de niveaux ou d'instances, ni une distinction entre institutions, bienqu'elles puissent se présenter dans certains cas. Elle est, dans son principe, une distinctionde fonctions.

. Le second, qui est directement lié à la compréhension de la technologie, est que toutrapport social, quel qu'il soit, inclut une part d'idéel, une part de pensée, dereprésentations ; ces représentations ne sont pas seulement la forme que revêt ce rapportpour la conscience, mais font partie de son contenu.Il faut faire un retour sur la compréhension de la technologie. La technologie «science desforces productives» est une combinaison de moyens matériels et intellectuels.

3 — Le questionnement philosophique

L'opposition d'interprétation sur lalogique industrielle ne serait évidemmentpas sans implications si l'une ou l'autreservait de fondement à une réflexionprospective.

Est-ce que le montée du «mental» lamultiplication des signes, des relations, del'idéel, la science, la technique et l'in-formation s'intégrant dans les forcesproductives et les opérant, l'incorporation dessavoirs dans les machines et instruments,l'accélération du mouvement séculaired'algorithmisation du travail vivant, ledéplacement des formes du travail du manuelvers l'intellectuel sont pour autant unedématérialisation, un évanouissement de lamatière et du travail ? Des débats similairesont eu lieu au début de ce siècle quant àl'interpré-tation à donner aux grandesdécouvertes de la physique. Mais ils ne sontpas aujourd'hui à la même hauteur...

En vérité de plus en plus de processusimpalpables et invisibles, grâce à lapuissance des instruments techniques à laconquête de la connaissance de l'infinimentpetit, font la preuve de leur matérialité. Lemicroscope à balayage électronique permetde voir ce qui se passe dans les puces d'unordinateur, le spectroscope à laser de détecterles molécules et les atomes. Ce n'est pas lamatière qui s'évanouit mais ce sont leslimites de sa représentation antérieure.

La puissance des instruments dont nousdisposons et que nous comprenons mal créeun sentiment de dépassement devant uneforce transcendante. Pourtant le micro-ordinateur avec lequel je compose cet articleest un être matériel. La fabrication des«chips» de silicium requiert une centained'opérations matérielles successives,d'oxydation thermale, de lithographie, degravure, d'implanta-tion d'ions, deredistribution thermale, d'isolation, demétallisation 72, robots utilisés sont uneréalité matérielle, l'aboutissement d'unprocès mixte de travail vivant et mort 73. Lelogiciel que j'utilise est une prodigieuseaccumulation de travail passé, abstrait,complexe, de savoir et d'intelligencetransférés se chiffrant en milliers d'hom-me-ans 74. Evanouissement du travail,immatérialité de la disquette ? 7S ou plutôtprodigieux développement de l'espacemental, devenant comme l'écrit T. Gaudin«un territoire social» ? 76. «Mental», oui,«immatériel», nonAllons plus au fond. On retrouve le vieuxdébat sur les rapports entre les idées et lesréalités sociales qui oppose idéalistes etmatérialistes, débat dont Maurice Godelierpense qu'il a toutes les chances de durerencore longtemps, et aucune, pris ainsi, deprogresser 77. Un pas en avant consiste àtransformer les termes du débat à partir dedeux résultats théoriques :

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Dans ses métamorphoses la technologie épouse les formes capitalisées et incarnées, qui se socialisentou s'aliènent.

L'immatériel est une catégorie tellement évanescente etpolymorphe qu'on peut être tenté de rappliquer avecquelque liberté et légèreté. Elle sert tout aussi bien àcaractériser pêle-mêle l'information sur les innovationstechnologiques comme condition de surviepour les entreprises dans la compétitioninternationale et l'industrie des matériauxdevenue une industrie de l'immatériel parce«qu'elle vend du service, l'intelligence aveclaquelle elle comprend ses clients et les aideà résoudre leurs problèmes, y compris dansleurs aspects subjectifs» 82. La vente deservice, à laquelle on pourrait au demeurantajouter la qualité nouvelle des relations avecles utilisateurs conduisant à des fabrications«sur mesure», à des rétractions avec le designet la fabrication, n'apportent aucunedémonstration de «l'immatérialité» de latechnologie. On pourra tout au plus y voirl'amplification et le prolongement dumouvement historique d'algorithmisation dela complexité dans les équipements et leslogiciels pour faciliter la tâche desutilisateurs ainsi que l'amélioration descommunications entre ceux-ci et lesfabricants, le primat de la demande surl'offre. Immatérielle l'industrie des nouveauxmatériaux ou de molécules de médicaments«sur mesure» ? Non. Téléo-logie desprocessus de design et de fabrication,intelligence incorporée dans lesconnaissances scientifiques, les appareillagesd'expérimentation techniques, les ordinateurset leurs logiciels permettant des simulations,des analyses et mesures de plus en plus fines,oui.

Dans le fond l'apparition de la thèse dela «dématérialisation» s'explique par le rôleaccru du mental, l'explosion

78. P.F. Gonod, «Les transferts technologiques,pratique et théorie»,Colloque 1974 del'association française descience économiqi;Villeneuve d'Asq.

79. Pour l'analyse et la signfication de l'algorithmisaticvoir Barel Yves, Lerapport humain à lamatière rechen Ecologie dutravail. Action concertéeDGRST INEPS-CNRS,1976.

80. Voir l'article de PaulHenry, «on ne remplacepaie cerveau par unemachine:un débat mal engagé, dansIntelligence desmécanismes mécanismedel'intelligence-ouvragecoordonné par Jeai" LouisLe Moigne, Fayard-Fondation Diderot, 1986.Voir également «TheoJ-ical aspects of reasoningabout knowledge» editedby Joseph Y.Halpern,.Pwcee(E of thé1986 conférence. MorganKaufmann.

81. Voir l'articlefondamentE de E.M.Rogers, Communication indevelopment, m «théinformation révolution, théannals of thé AmericanAca-demy of Political andSocial Science, march1974.

82. André-Yves Portnoff,Les matériaux sur mesuredans la revue Science ettechnologie, no 12, janvier-février 1989, Clefs pour larévolution technologique.

— La technologie «incarnée» est bienen premier lieu une représentation mentale,un savoir détenu, du travail vivant libérédans le savoir faire qui est la conditionpermissive de l'emploi des moyens deproduction, c'est de la force de savoir quitransmet à une force de travail susceptiblede l'assimiler, l'ap-prentissage passé, c'est-à-dire, le résultat d'une mémorisation, c'est del'informa-tion mémorisée accompagnée desa mise en œuvre.

— La technologie «capitalisée» est dutravail passé, cristallisé dans les moyens deproduction, c'est aussi tous les algorithmes,règles, schémas de conduite, incorporés dansles machines et instruments, c'est aussil'information mémorisée sur un supportmatériel 78.

La «réalité idéelle» est donc bienprésente dans les deux formes constitutivesde la technologie. Le mouvement historiqueest celui d'un transfert croissant du «mental»dans les moyens de production 79. C'est dansce sens que les machines deviennent de plusen plus «intelligentes». Et la convergence encours des neurosciences en direction de lapensée et de l'intelligence artificielle élargitles perspectives 80.

— La forme information de latechnologie peut aussi être décryptée avec latypologie des formes sociales de latechnologie. La forme «incarnée» se fondedans le «genre» de transmission «de lamémoire» (ou «interpersonal channels» 81 ),la forme «capitalisée» dans le «genre» detransmission de l'information «mémorisée»(ou mass-médias 81 ). Elle traverse donc lesformes «incarnées» et «capitalisées» qui serépartissent ensuite dans les formes

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de l'information et la place occupée par levecteur principal de celle-ci, l'ordinateur,phénomènes associés dont l'interprétationne va pas sans confusion. Il n'est donc pasinutile d'essayer d'y voir plus clair pourcomprendre la «révolution del'intelligence».La théorie des 3 mondes de Karl Popper

peut servir d'hypothèses générales 83. Onsait que son œuvre est un plaidoyer pourl'indéterminisme, cependant c'est dansl'épilogue «l'indéterminisme n'est passuffisant» qu'il traite de la théorie des 3Mondes, et ce n'est pas un hasard. PourPopper le «Monde l» est le mondephysique et biologique,

“Les pensées formulées en un langage font partie du Monde 3. Elles peuvent être critiquéeslogiquement, par exemple, en montrant qu'elles ont certaines conséquences logiques fâcheuses,voire absurdes. Seules les contenus de pensée appartenant au Monde 3 peuvent être reliés par desrelations logiques telles que l'équivalence, la déductibilité ou la contradiction. Nous devons doncdistinguer clairement les processus de pensées subjectifs qui appartiennent au Monde 2 et lecontenu objectif des pensées, les contenus en tant que tels qui constituent le Monde 3” 83.

Ces 3 mondes sont en interactions :“nous devons normalement appréhender oucomprendre une théorie du Monde 3 avantde pouvoir agir sur le Monde 1 ;mais appréhendsr une théorie est unprocessus mental du Monde 2 : en général, leMonde 3 a une interaction avec le Monde 1par le truchement du Monde 2, mental”.

De cette représentation du monde Brian R.Gaines, dans un important article 84 a dérivéune modélisation des interactions complexesentre les personnes, les ordinateurs et latechnologie de l'information qui éclaire leproblème posé par “l'immatériel”, et àtravers lui par l'interprétation de phénomènes majeurs de notre société

Le “Monde 1> se définit comme “Un monde de systèmes physiques ” où un concept clé est celui“d'actuality ” (traduit par “état réel”, P.F .G.)... la variété de ce monde est celle de lacorrespondance entre les distinctions et les propriétés des systèmes physiques... l'inférence estcausale, basée sur des chaînes de causes et d'effets physiques” 84.Le “Monde 2” se définit comme : “Un monde de systèmes mentaux.” où un concept clef est celui“d'agency” qui implique que les distinctions ont un “maker” ( “agency” a été traduit “étatreprésenté”, P.F .G.)... les cadres conceptuels inclus sont ceux de la psychologie et de la sociologie,les distinctions existent dans les mondes mentaux des individus et des groupes... l'inférence est“conventionnaliste”, c'est-à-dire basée sur les chaînes de raisonnement qui sont choisies à l'inté-rieur d'une culture” 84.

Le “Monde 3” se définit comme “Un monde de systèmes cohérents”où le concept clef del'abstraction, les systèmes de distinctions ont leur propre existence... le cadre conceptuel inclus estcelui de l'ontologie,... la vérité de ce monde est sa cohérence, les systèmes de distinctions ont unestructure intrinsèque acceptable, l'inférence est structuraliste, c'est-à-dire basée sur les chaînes deraisonnement conformes à la structure” .

83 Karl PopperL'universirrésolu,plaidoyerpourl'indéterminisme,Hermann 1984

84. BriànR. Gaines, «Aconceptuel framework forperson-computerinteraction in complexSystems»IEEETransactions on Systems,man, and cybernetics, vol.18, no 4,july-august 1988.

La figure “ 1 dérivation de la théorie des 3Mondes” résume les hypothèses sous-jacentes. Gaines introduit le “Monde O”, quiest celui où on ne fait pas référence à descritères, le cadre est axiologique, l'inférenceest pragmatique, basée sur les chaînes deraisonnement qui apparaissent marcher et lesdistinctions qui semblent utiles.Implicitement la prospective qui ne fait pasde distinction entre les 3 Mondes et leursdifférentes inférences ->e réfère au “Monde O”.

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Les 3 Mondes sont en rapports mutuels :

«Les mondes 1, 2, et 3 peuvent être vus comme composants du Monde 0. De même les Mondes 2 e t3 peuvent être vus comme des instances du Monde 1. Réciproquement le Monde 0 peut être vucomme une abstraction des Mondes 1, 2, 3 et le Monde 3 peut être vu comme une abstraction desmondes 2 et 3 » 84.

Ces rapports sont donc de natureinversée : abstraction et «instancia tion»(en anglais «instantiation» signifiereprésenter une abstraction par uneinstance concrète, Webster disctionnary).

La figure «2 d érivation de la théoriedes 3 Mondes» étend le cadre conceptuel àl'équipement comme instance

du système physique (Monde E), lespersonnes comme instance des systèmesmentaux (Monde P), et le s ordinateurscomme une instance à la fois des systèmesphysiques et mentaux dont ils ont hérité lespropriétés (Monde C). Les ordinateurs ontune nature duale.

«La propriété particulière des ordinateurs électroniques digitaux est qu'ils sont l'archétype dessystèmes à causalité déterministe, leur comportement est modelé comme un automate à l'état finidont le stade suivant et l'output sont précisément déterminés par leur état et inputs courants.Cependant, ils sont aussi des appareils programmés où les tables de transition de l'automation sontcomplètement sous contrôle des opérateurs «les ordinateurs font ce que nous avons choisi qu'ilsfassent». De là i ls sont aussi l'archétype des systèmes conventionnels et performants, leurcomportement est modelé comme les artefacts intentionnels dont le stade suivant et l'output sontpour la majeure part déterminés par les choix ouverts faits en les programmant» M .Les ordinateurs intègrent des infé-rencescausales (comme produit du systèmephysique du Monde 1), convention-nalistes (comme produit des processusmentaux du Monde 2), structurelles(comme produit de la pensée du Monde

3). Ce statut complexe explique une de sesdualités résultantes, et en raison de son rôlecentral dans les nouvelles technologies lesinterprétations immatérielles de cesdernières D'une part, en effet,

«l'ordinateur est un système technologique et il peut être recommandable de le présenter à sesutilisateurs, en évitant des considérations animistes (l'animisme est la religion qui attribue une âme àtous les phénomènes naturels et qui cherche à les rendre favorables par des pratiques magiques, P.F.G.)».

D'autre part,

«le comportement de l'ordinateur est prescrit par les personnes et ceci peut être aussi évident pourl'utilisateur. La valeur des systèmes et les attitudes interpersonnelles des désigner et programmeurdu système peuvent avoir été incorporées dans le comportement du système, rendant ainsi laperspective animiste inévitable» 84.

La figure «3 dérivation de la théorie des 3Mondes» résume les relations entre lacognition (Monde 3), la computation(Monde 2), et l'incorporation de latechnologie (Mondes E, C, P). Les formessociales et métamorphoses de latechnologie 50 «ca pitalisée» sont incluesdans les mondes physiques E et C, latechnologie «incarnée» dans le Monde P(les savoir-faire), et a ussi dans le MondeC (le mental des logiciels). Les relationssont ambivalentes : abstraites et concrètes.

La seule reconnaissance de l'abstractionamène à une interprétation univoque quisubstitue à la réalité idéelle l'immatériel et,à la limite, l'animisme. Le développementdu «mental», de la «cognition» neconduisent pas à l'évanouissement du«physique». Tout au contraire, il s'agit dephénomènes qui s'entretien-nent,s'autodéveloppent mutuellement. Mais le«physique» d'aujourd'hui n'est plus celu id'hier. Les avancées du savoir évanouissentles limites de sa représentation

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(pages 46 à 56 de 'original coupées)

Les 3 Mondes sont en rapports mutuels :

«Les mondes 1, 2, et 3 peuvent être vus comme composants du Monde 0. De même les Mondes 2 e t3 peuvent être vus comme des instances du Monde 1. Réciproquement le Monde 0 peut être vucomme une abstraction des Mondes 1, 2, 3 et le Monde 3 peut être vu comme une abstraction desmondes 2 et 3 » 84.

Ces rapports sont donc de natureinversée : abstraction et «instancia tion»(en anglais «instantiation» signifiereprésenter une abstraction par uneinstance concrète, Webster disctionnary).

La figure «2 d érivation de la théoriedes 3 Mondes» étend le cadre conceptuel àl'équipement comme instance

du système physique (Monde E), lespersonnes comme instance des systèmesmentaux (Monde P), et le s ordinateurscomme une instance à la fois des systèmesphysiques et mentaux dont ils ont hérité lespropriétés (Monde C). Les ordinateurs ontune nature duale.

«La propriété particulière des ordinateurs électroniques digitaux est qu'ils sont l'archétype dessystèmes à causalité déterministe, leur comportement est modelé comme un automate à l'état finidont le stade suivant et l'output sont précisément déterminés par leur état et inputs courants.Cependant, ils sont aussi des appareils programmés où les tables de transition de l'automation sontcomplètement sous contrôle des opérateurs «les ordinateurs font ce que nous avons choisi qu'ilsfassent». De là i ls sont aussi l'archétype des systèmes conventionnels et performants, leurcomportement est modelé comme les artefacts intentionnels dont le stade suivant et l'output sontpour la majeure part déterminés par les choix ouverts faits en les programmant» M .Les ordinateurs intègrent des infé-rencescausales (comme produit du systèmephysique du Monde 1), convention-nalistes (comme produit des processusmentaux du Monde 2), structurelles(comme produit de la pensée du Monde

3). Ce statut complexe explique une de sesdualités résultantes, et en raison de son rôlecentral dans les nouvelles technologies lesinterprétations immatérielles de cesdernières D'une part, en effet,

«l'ordinateur est un système technologique et il peut être recommandable de le présenter à sesutilisateurs, en évitant des considérations animistes (l'animisme est la religion qui attribue une âme àtous les phénomènes naturels et qui cherche à les rendre favorables par des pratiques magiques, P.F.G.)».

D'autre part,

«le comportement de l'ordinateur est prescrit par les personnes et ceci peut être aussi évident pourl'utilisateur. La valeur des systèmes et les attitudes interpersonnelles des désigner et programmeurdu système peuvent avoir été incorporées dans le comportement du système, rendant ainsi laperspective animiste inévitable» 84.

La figure «3 dérivation de la théorie des 3Mondes» résume les relations entre lacognition (Monde 3), la computation(Monde 2), et l'incorporation de latechnologie (Mondes E, C, P). Les formessociales et métamorphoses de latechnologie 50 «ca pitalisée» sont incluesdans les mondes physiques E et C, latechnologie «incarnée» dans le Monde P(les savoir-faire), et a ussi dans le MondeC (le mental des logiciels). Les relationssont ambivalentes : abstraites et concrètes.

La seule reconnaissance de l'abstractionamène à une interprétation univoque quisubstitue à la réalité idéelle l'immatériel et,à la limite, l'animisme. Le développementdu «mental», de la «cognition» neconduisent pas à l'évanouissement du«physique». Tout au contraire, il s'agit dephénomènes qui s'entretien-nent,s'autodéveloppent mutuellement. Mais le«physique» d'aujourd'hui n'est plus celu id'hier. Les avancées du savoir évanouissentles limites de sa représentation

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monde 0

monde 3

monde 2monde 1

systèmes

systèmes physiques systèmes mentaux

systèmes cohérents

Anarchie

inférence pragmatique Axiologie

Abstraction

inférence structurelle ontologie

Etat réelEtat représenté

inférence causale épistémologie

inférence conventio-naliste; Psychologie sociologie

Abstraction

"instanciation"

Abstraction Abstraction

Abstraction

Abstraction Abstraction

"instanciation"

"instanciation"

"instanciation" "instanciation"

Analogie

1° Dérivation de la théorie

des 3 Mondes de Karl Popper

Distinctions de base entre anarchie, abstraction, état réel ("actuality" ), état représenté ( "agency" ) ( d'après Brian R. Gaines )

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monde 0

monde 3

monde 2monde 1

systèmes

systèmes physiques systèmes mentaux

systèmes cohérents

Anarchie

inférence pragmatique Axiologie

Abstraction

inférence structurelle ontologie

Etat réelEtat représenté

inférence causale épistémologie

inférence conventio-naliste; Psychologie sociologie

Abstraction

"instanciation"

Abstraction Abstraction

Abstraction

Abstraction Abstraction

"instanciation"

"instanciation"

"instanciation""instanciation"

Technologie Technologiede l'information

Société

monde P monde Cmonde Eequipement

inférence causale inférences causale, conventionnaliste, structurelle

inférence conventionnaliste

analogie Analogie

"instanciation"

"instanciation"

"instanciation""instanciation" "instanciation"

"instanciation"

Abstraction

AbstractionAbstractionAbstractionAbstraction

ordinateurs personnes

2° Dérivation de la théorie

des 3 Mondes de Karl Popper

Distinctions de base des structures conceptuelles pour les interrelations personne-ordinateur ( d'après Brian R. Gaines )

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monde 3

monde 2

monde 0

monde E monde C monde P

monde 2monde 1

monde E monde C monde P

monde 0

abstraction, cogitation, pensée

processus mentaux, computation

technologie des équipements et de l'information

3° Dérivation à partir des 3 mondes:

la cognition, la computation, l'incorporation de la technologie

P.F.G.89

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un exemple de représentation de la sociétéFormation

socioéconomique

Ec

o

n

o

m

i

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représentation dérivée de la philosophie grecque

sophon

technè poïesis

krisis

mimesismetis

spiritualité

technè

affectivitématerialité

l'inconnaissance (spirituelle)

sujet

objet sujet sujetles connaissances (scientifiques)

la reconnaissance (affective)

l'inconnaissance

sophon

la sciencela méthodela rigueur

la reconnaissancel'interactionla miséricorde

l'éthiquel'artl'intelligence du cœur

la crisela décisoin le signe

technè

l'accumulationla matière

le refletl'imitationle rythme

la compétitionle ludique (le jeu)la réalisation

la déterminationla passionl'épanouissement

poïesis

les aspects de la technique dans la grèce antique

les trois aspects de la connaissance pour la société de création

représentation trifonctionnelle: vers une société de création

(d'après T . GAUDIN,"pouvoir du rêve")

Techné: la matérialité du savoir -fairePoïesis: signifiait création, cette affinité affective avec l'objet qui fait l'essence de la culture techniqueSophon:, l'Art, savoir-faire maîtrisé conduit par une sagesse

Metis: l'intelligence pratique, celle du managementMimesis: l'imitationKrisis: à la fois crise et aussi le moment du choix, l'instant intense de la décision

Inconnaissance: n'est pas l'ignorance, au contraire, c'est le bord de la connaissance

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D'abord le principe est simple : il se limite à étudier systématiquement toutes les relationspouvant exister entre divers paramètres en examinant ceux-ci deux à deux. On dresse donc la liste de tous lesparamètres qui peuvent intervenir dans un problème donné. «Recencer les variables, c'est s'efforcer decomprendre». Ceux-ci sont ensuite regroupés selon les opinions des participants à rétablissement de la matrice. Unefaçon d'ordonnancer l'information est de la répartir en : «hypothèses de base (qui semblent constituer les prémices,les racines du système), grands objectifs (sur lesquels débouche le système) et, contraintes (observations qu'il estdifficile de classer dans l'une des deux catégories précédentes)». On pointe les influences directes évidentes entrevariables par une notation binaire dans leurs cases d'intersection du tableau carré de la matrice. Ou bien ellesexistent (on marque un signe), ou bien elles n'existent pas (on ne marque rien). N'est-ce pas sirn. pliste et abusif,s'interroge Tenière-Buchot ? «Ne pourrait-on pas nuancer en identifiant la relation par son intensité (par un entierde zéro à dix, par exemple ?). On pourrait également indiquer les sens de l'influence (par un entier relatif de-10à+10,ou toute autre échelle de même nature). En réalité, l'expérience montre que de tels raffinements, loind'améliorer la démarche, l'obscurcissent. Ce qui compte est de comprendre la structure du système % et les principesqui régissent les relations de pouvoir qui s'y développent». Le comptage des points d'intersection en colonnestraduit l'influence globale d'un paramètre sur les autres. Réciproquement le comptage en lignes exprime sadépendance. «La motricité indique combien de fois un paramètre peut influencer un système de manièresdifférentes. La dépendance fournit une indication de la variété des influences qu'une variable peut subir de la partd'un système». Le nuage des paramètres obtenu peut être divisé en quatre zones : celle où les variables sont à la foisfortement motrices et faiblement dépendantes, à l'extrémité de celles-ci les variables faiblement motrices etfortement dépendantes

91.Doc.cite réf. 17.92. Pierre Delattre, Système,structure, fonction,évolution, essai d'analy seépistémologique 2, éditionMaloine, 1985.93. Voir les nos 71 et 72,novembre et décembre 1983de Futuribes consacrés auxthéories, méthodes etapplications de laprospective, de la prévision,et de la planificationstratégique.94. Pierre Frédéric Tenière-Buchot, L'ABC du pouvoir,Agir, Bâtir, Conquérir... etSourire, les éditions d'orga-nisation, 1989.

On considérera la structure. Avec elle onrappellera qu'alors que la prévision considèredes relations statiques à structuresconstantes, la prospective envisage desrelations dynamiques à structures évolutives.C'est là une des différences essentielles desdeux approches.

Dans les deux cas cependant se pose lemême problème : comment définir lastructure par rapport au système ?

Pierre Delattre a eu le mérite d'essayerde dissiper la confusion qui règne entre lesconcepts de système, de structure, defonction et d'évolution 9Î . Celui de structureconnaît une fortune exceptionnelle dans lesmilieux scientifiques. Il n'en est pas moinstrès flou, sauf en mathématique. On entend,généralement par structure l'arrangement desparties d'un Tout, ce Tout constitué departies reliées entre elles étant le système.Une structure est donc toujours relative à unsystème, il n'y a pas de structure en soi. Lapremière est incluse dans le second, lesdonnées servant à définir la structure devronten conséquence être prises parmi cellesdéfinissant' le système.

La première question qui vient à l'espritest si cette distinction est importante. Apriori, oui, car la concep

tion de la structure est l'élément centralexpliquant à la fois le fonctionnement etrévolution du système étudié, sa stabilité etson instabilité.L'universalité du mot de système recouvredes ambiguïtés qui ne sont pas sans analogieavec la réciprocité du concret et de l'abstrait.Un système s'observe à travers le concret,mais lui :même est une abstraction. Le Moigne l'aexpliqué «nous devrons en convenir, ' lesystème est un produit artificiel de I l'espritdes hommes. Ce qui ne l'empêche ;nullement d'être un objet particulièrementutile et commode, non pas pour i expliquermais pour représenter les ob- ;jets que l'homme veut connaître» 18.;Le système, comme représentation du sconcret est une abstraction, et a fortiori, È lastructure qui y est incluse est une abstractionau second degré. A la difficulté de délimiterle système s'ajouter donc celle d'en définir lastructure. Mais laissons provisoirement leproblème théorique pour voir ce qui se passedans la réalité de la pratique prospective.

La prospective sérieuse est fondéeexplicitement sur l'analyse du système93. Laconstitution de la matrice d'analysestructurelle — encore appelée matrice desrelations logiques en est l'outil essentiel.Tenière-Buchot explique très clairementcomment on procède 94.

oi.

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1. La prospective technologique requiertla construction de puissants instrumentsopérationnelsT. Gaudin 76 estime à partir de banques dedonnées qu'il existe 6 millions de termestechnologiques, l'auteur de cette étudeaboutit à des estimations voisines 29. Unmétalangage s'est donc créé beaucoup plusvaste que les langues pariées et écrites. Celasignifie que le nombre des «espèces»artificielles est désormais du même ordre degrandeur (106) que les espèces végétales,animales et minérales. La technosphèrec'est ce phénomène massif et croissantcapable d'opérer désonnais la biosphère. Or,alors qu'il existe des flores, des faunes etdes classifications naturelles, l'humanité nes'est pas dotée encore du grand instrumenttaxonomique permettant de comprendre laconstitution, révolution du systèmetechnique, afin de réfléchir à son devenir etd'agir sur celui-ci. C'est la raison du projetde «{'encyclopédie systémique de latechnologie» 29. Ce projet est conçu commeun instrument actif de la prospective. Eneffet la taxonomie permettrait la recherchedes proximités techniques, l'utilisation deméthodes comme l'analyse morphologique121 , la détection des compatibilités etincompatibilités d'association entretechnologies, de là il n'y aurait qu'un pas àfranchir pour établir des matrices dedécouvertes.Les graphiques suivants rappellentl'hypothèse générale de l'édificetechnologique, des logiques de latechnologie et ses articulations développéesdans «la technologie générale, le projet del'EST» 29.

2. La prospective technologique,partie de la prospective générale, estredevable des mêmes progrèsméthodologiques à accomplir.

Systémographie, théories explicitesde référence, articulations avec l'économie,études des mécanismes, typologie desinterrelations, introduction de la dynamiquedes systèmes «activée» par la dialectiquecomplexe, constituent un corpsméthodologique commun.

Le graphique «problématique de laprospective sociale» rappelle la conceptiongénérale de la prospective dans laquelles'insère celle de la technologie.

Le graphique «articulationstechnologie-société-méthodes de prévision

et de prospective» résume les rapports deces dernières avec les représentations de lasociété, de l'économie et de la technologie.

3. La prospective technologiquerequiert le développement d'instrumentsplus complexes et l'utilisation de l'outilinformatiquePour opérer la complexité de la réalité ilfaut, selon l'expression de J. Saint Geourscréer «des outils complexes» 122 .Le schéma «mapping» de la prospectivedessine le plan d'un tel outil. Il comprend24 modules qui se répartissent en 3 «blocs»:

1) Le statut de l'opérateur (ou des)de la prospective, les projets des acteursimpliqués

2) Les rapports intrinsèques dusystème technologique,

3) Les rapports extrinsèques dusystème technologique.

a Le bloc 1 comprend les 2 sous-ensembles, statut du prospectiviste etprojets des acteurs, qui ont des modulescommuns : niveaux des finalités et des buts,niveau décisionnel, échelle des temps ;l'existence de ces modules communs nesignifiant pas que le prospectiviste et lesacteurs concernés se situent de la mêmefaçon dans ces échelles.

^opérateur n'étant pas neutre enprospective, il faut identifier ses intérêts, eten supposant qu'il n'en est aucun — sinonde comprendre — sa prospective acependant un but et une échelle temporelle.

Le point de départ de touteprospective est évidemment le niveau decelle-ci. Il est donc aisé de dresser uneéchelle allant des problèmes limités etsimples à des problèmes globaux etcomplexes, on proportionnera l'utilisationdes instruments aux problèmes considérés

121.Z.vnc1/;y,Morphology andnomenclature ofjetsengines, aeronauticalEngineering review, 1947.

122. Saint-Geours,L'éloge de la complexité,Eeonomica, 1987.

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Ici, dans les développements qui vontsuivre on se placera dans le cas de laprospective de problèmes importants.• Les modules communs au prospectivisteet aux acteurs compren-net les échelles desniveaux des finalités des buts, de ladécision, et des temps.• On sait que les finalités (ou valeurs)s'expriment en termes éthiques. Dimensiongénéralement oubliée et réduite à celle desstratégies, mais qu'il faut incorporer dès lorsque l'on se fixe pour objectif la maîtrisesociale de la technologie, objectif qui est enconcurrence, en contradiction antagonisteavec d'autres finalités. En voici, à titred'exemple une liste non exhaus-tive, maisqui marque des différences notablesd'éthique : survie de l'entreprise dans lacompétition, réalisation du profit, accès à lapuissance, contrôle social, défense du pays,amélioration du bien-être, prolongation dela vie, possession de la nature, convivialitéavec l'environ-nement, self-accomplissement personnel et création,augmentation de l'emploi, enrichissementdu travail... Finalités qui peuvent ou non secombiner.• Les buts transforment les finalités enmissions opératoires et peuvent être diverset eux aussi de niveaux différents. Parexemple : amélioration du procédé,abaissement des coûts, réduction dupersonnel, fiabilité, sécurité, facilitéd'utilisation, économie d'é-nergie,élargissement des espaces d'opé-ration,nouveau matériau, nouvel élémenttechnique, nouveaux objets, élimination destravaux dangereux et insalubres, création detechnologies génériques ou spécifiques,transfert vertical et horizontal, technologies«propres», missions stratégiques ettactiques de la défense nationale, diffusiontechnologique, percée technologique,émergence d'un nouveau secteur d'activité...• Les niveaux décisionnels vont del'individu à l'entreprise, la profession lanation, les ensembles régionaux, lacommunauté internationale. Ils concernentl'opérateur et les acteurs. Il est possible etc'est même le cas le plus fré

quent que le prospectiviste-consultant sesitue hors de la hiérarchie décisionnelle,mais les acteurs eux, se rattachent toujoursà un niveau de décision. Cette identificationest importante quand il s'agit de repérer lesvariables sous le contrôle du centreopérateur, celles qu'il peut influencer et lescontraintes subies.

• L'échelle des temps varie selon lavisée de la prévision, de la prospective oudu projet.

• Le statut de l'opérateur dans lecadre d'une prospective critique se fixantpour finalité la maîtrise sociale de latechnologie pourrait comprendre les 2modules des fonctions sociales et desactivités techniques qui auraient un doublerôle :

* situer les projets des acteurs(finalités, buts, temps) par rapport à leurutilité sociale. Les fonctions sociales sontlimitées en nombre 29 : de l'or-dre de 102,les fonctions techniques primaireségalement, de l'ordre de 103.

* situer le niveau de laprospective dans l'édifice technologique parrapport au niveau des fonctions sociales.

• Les projets des acteurs, outre lesmodules précédents communs, ont desmodules spécifiques : l'identiflcation desacteurs impliqués par le problèmeconsidéré, leurs projets technologiques, lesmoyens d'action dont ils disposent, lescontraintes qui les affectent. On notera qu'ilserait utile de distinguer contraintesinéliminables et celles qui peuvent l'êtredans un horizon de temps donné, la levéede cette dernière catégorie de contraintespouvant avoir la signification d'unchangement de structure. La combinatoiredes buts, des moyens et des contraintes desacteurs aboutit à la définition de leursstraégies. Les modules associent réalitésobjectives et réalités intentionnelles,subjectives.

n Le bloc 2 correspond aux rapportsintrinsèques de la technologie. Il comprendles modules du niveau dans l'édificetechnologique, du «moment» de latechnologie, de sa compréhension, de sacomplexité structurale

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des fonctions de production technologiqueet des perspectives de changements desinputs et de l'output.• L'édiflce technologique comprend lesniveaux suivants sur lesquels porte laréflexion prospective : les lois scientifiques,les principes techniques, les propriétés, lesprocédés, les éléments, les objets, les sous-systèmes, le système technique.• Les «moments» de la technologie sont sesphases successives : idée, création,innovation, diffusion, qui peuvent audemeurant être décomposées plus finement.Ils ont caractère continu ou discontinu.• La typologie générale de l'en-tendementde la technologie est dérivée des analysesprécédentes. On peut distinguer 4conceptions principales :

1. la technologie est un phénomèneautonome qui façonne la société

2. la technologie est façonnée par lasociété, c'est un système à interfaces«physique» et «social», on admet l'exis-tence de lois physiques et l'hypothèse d'unédifice technique structuré

3. même cadre général mais on neconsidère pas un sous-système physiqueorganisé, on fait aussi une distinction entrevariables internes et externes,

4. la technologie et la sociétéforment un tissu sans couture, il n'y a pasde distinctions entre variables internes eiexternes mais un réseau-acteurs constituéd'associations hétérogènes d'agents et defacteurs matériels considérésconjointement.• Le module complexité structuralecomprend une échelle des degrés decomplexité technologique ; unereprésentation des interconnexions desconstituants ; les forces d'inertie ou «mo-mentum» de l'entité technique considérée ;les forces d'entraînement, les «valences»technologiques, les compatibilités ouincompatibilités d'association.• Uéchelle de complexité technologique està établir dans la spécificité des différentesbranches d'activité, elle reflète l'état dudéveloppement technologique existant (ex.7 niveaux dans la méthode ACT 124.

• La représentation des interconnexionsentre les constituants exprime la formed'organisation de l'élément ou de l'objettechniques (ex. la typologie de Thompson,ou celle de Warfield129 ).

• Le croisement de l'échelle de complexitétechnologique et de la représentation desinterrelations des constituants exprime{'organisation de la structure de l'élémentou de l'objet techniques.• Le «momentum» technologique est laforce d'inertie de l'entité considérée dont lescauses sont diverses : phases ascendantesdu produit ou du procédé, poids desimmobilisations du secteur obligeant àpoursuivre la production, même dans desconditions technologiques obsolètes,intérêts engagés, etc.• Les forces d'entraînement sont de naturetechnique ou en dehors de celle-ci, dans lesens défini en économie politique(particulièrement par F. Per-roux). Destechnologies comme l'infor-matique sontmotrices, elles peuvent en-trafner d'autrestechnologies et activités et avoir des effetssur les espaces d'opéra-tion économiques,la croissance, les flux de marchandises,d'investissement, la productivité,d'attraction des facteurs de production, dediffusion. Derrière les forcesd'entraînement il y a des unités actives, etdonc des acteurs. Les effets d'entraînementpeuvent se convertir, sous certainesconditions, en effets de domination et enemprise de structure.

• Ces forces présentent des lignes d'actionqui peuvent converger ou diverger, êtrecomplémentaires ou opposées. Lespositions respectives, leur intensité, sontpartie des mécanismes d'incorpora-tion etd'articulation de la technologie avec lesautres forces socio-économiques.• Les «valences» des technologiesreprésentent les capacités de liaison entreelles. La polyvalence des technologiesmodernes, l'information en particulier,permet le développement detechnologies en grappes comparables à degrosses

123. W.J. Warfield,«Some principles ofknowledge organization»inIEEE Transactions onSystems, Man andCybernetics,junel979,vol.SMC9, no 6.

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molécules. Il convient donc d'organiser lesconnaissances à ce sujet, et de constituer unesorte de table de Mendeleiff.Il ne faut pas se dissimuler que la plupart desdonnées de ce module sont à constituer, il n'existepas dans la littérature des tables de la complexiténi des valences, ni des interconnexionshiérarchiques des éléments et objets techniques.C'est une formidable lacune qui limitesingulièrement la compréhension du systèmetechnique et les exercices de prospective.L'élaboration de ces informations structurellesrequiert un grand projet entraînant. C'est le rôleassigné à l'E.S.T.

• Les fonctions de productiontechnologiques qui s'appliquent aux éléments etobjets comprennent la description des inputs, desopérations nécessaires à leur fabrication et de leurdegré de complexité 124. Ce module est une autreexpression de la complexité structurelle, mais ilest plus immédiatement réalisable.

• Le module «.state of thé art» est l'étatprésent de l'entité faisant l'objet de la prospectivetechnologique. Il devrait être un instrumentdescriptif des différentes alternativestechnologiques, des principes scientifiques ettechnologiques qui les sous-tendent, del'économie de celles-ci, de leurs conditions decommercialisation, des savoir-faire nécessaires àleur mise en œuvre ; rarement l'ensemble de cesinformations n'est disponible dans. la littératurelibre alors qu'elles sont essentielles pour ladécision, d'où l'intérêt de leur constitution et deleur diffusion pour l'éclairage des choix sociauxdes technologies.

• Le module perspectives de changementstechniques et de l'output est une résultante desinformations et opinions des experts et del'analyse des tendances et de leur interprétationpar les opérateurs de la prospective. Il présentedifférents degrés :* le premier, correspond aux perspectivescourantes, par ailleurs indispensables, qui sont leplus souvent des extrapolations de tendances,quelquefois

hasardeuses. Généralement elles sont limitées parl'insuffisance de la prise en compte de lacomplexité structurelle.

* le second marque une ruptureméthodologique essentielle, par l'analysemorphologique des proximités. Il est possible dedéterminer la potentialité de changement destechnologies et de constituer des «arbrestechnologiques» 12S qui pourraient êtreultérieurement utilisés comme matrices dedécouvertes. Bien évidemment la réalisation deces potentialités intrinsèques dépend de leursconditions extrinsèques.

* le troisième degré serait l'adjonction àl'analyse morphologique du module de lacomplexité structurelle. Avec lui on entreraitvéritablement dans la seconde générationd'instruments de la prospective technologique.Etant le résultat d'une conception intrinsèque dusystème technologique ces résultats devraientêtre croisés avec les rapports extrinsèques de latechnologie.

a Le bloc 3 rapports extrinsèques de latechnologie comprend les sous-ensemblesinterdépendants de la représentation de la sociétéet du positionnement de la technologie, desarticulations de la technologie, l'articulation deses propres logiques, de la dynamique desystème, et, outil opérant tous les autres, ladialectique complexe comme méthode de laméthode.

• La représentation de la sociétésubordonne celle de la position de la technologie.Les articulations sont triangulaires entre lesthéories explicites ou implicites exprimant unevision du monde, la compréhension de l'édificetechnologique, les théories économiques quis'articulent avec la technologie (voir le chapitreglobalisme et prospective technologique).Comme il a été écrit l'inéliminable influence del'opéra-teur et même de l'observateur, conduit àdes représentations multiples et au pluralisme dela prospective. Encore faudrait-il qu'à l'intérieurd'une conception il y ait cohérence entre lesdivers

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plans théoriques, ce n'est pas toujours lecas.• Le module des articulations de latechnologie concerne ses rapports avecl'économie, le travail, l'organisation de laproduction et l'environnement. Comme il aété signalé le découpage de la frontière d'unsystème est arbitraire, la séparation entre cequi est intrinsèque et extrinsèque faitsouvent problème. Ainsi la technologie soussa forme «incarnée» est du travail présent etsous sa forme «capitalisée» du travail passé,au terme de ses métamorphoses latechnologie se concrétise dès qu'elles'incorpore dans l'organisation de laproduction 29. C'est cette difficulté quiconduit certains sociologues à considérer latechnologie et la société comme un «tissusans coutures» 32. Cependant cette partition«interne» «externe» a son utilité. Ellepermet, notamment de conjecturer de laconcrétisation des potentialités intrinsèquesde changement technologique sous l'in-fluence, la contrainte ou l'impositon desconditions économiques ; il n'est pas assuréque le jugement serait plus lucide enmettant tout dans le même paquet. Il y ad'autres raisons de maintenir cetteprésentation. Le sens des relationstechnologie-travail-organisation de laproduction peut varier dans le temps. Lesens dominant de révolution du capitalismea été la subordination de l'organisation dutravail à celle de la production articulée surrévolution technique. L'environnement n'apas été un primat, tout au plus a-t-oncommencé à estimer les impacts destechnologies — c'est la raison principale du«techno-logy assessement» — mais, bienque les désastres et menaces écologiquesrécents créent une situation nouvelle àl'échelle de la planète, jusqu'alors lesimpératifs de l'environnement n'ont pasvraiment opéré le système technologique etla production de technologies «propres»n'est pas encore à un niveau significatif.Dans des périodes de crise sociale aïgue, oùla question de la pérennité du système estposée, le «social» peut devenir dominant.La relation causale simpliste

selon laquelle la technique entraînel'économie qui entraîne le social quientraîne le politique et l'idéologique estprésentement remise en cause et la questiona été posée si le social n'entraîne pasdésormais l'économique126 . Lesperspectives d'une compétition économiqueaccrue dans l'Europe communautaire, lespressions japonaises et américaines, font unenjeu du pouvoir technologique etn'excluent pas que le «social» soit, denouveau, la variable d'ajus-tement. Rienn'est joué. Or le primat du social et del'environnement subordonnant ledéveloppement technologique via lamédiation de l'économie et de politiquesdirectes, l'inversion consécutive desrelations principales, sont le grandretournement à provoquer à l'aube dutroisième millénaire. Il est donc utile dedisposer d'un instrument analytique quipermette d'étudier les multiples relationsréciproques, et par là même, les conditionsde réalisation de nouveaux projetssociétaux.

Comme il a été montré précédemmentla représentation des relations avecl'économie varie avec le cadre théorique. Sil'on admet qu'il y a des lois tendancielles del'économie, il faudrait développersystématiquement la connaissance deschaînes de causalité, des bouclescomplexes où les tendances sontrenforcées. Il est concevable de faire deslogiciels alternatifs en référence à descadres théoriques explicites.

• Le module de l'articulation deslogiques propres de la technologie est unegrille de lecture des informations et unmode d'organisation de celles-ci. Lalogique de construction est celle del'assemblage, de la cohésion, de la com-binatoire technologique et de ses loisphysiques. Elle est donc d'essenceintrinsèque, mais elle doit être examinéeconjointement avec les autres logiques Lalogique d'utilisation est celle du contrôlesocial, de rechange composite, des facilitésd'utilisation et des performances de l'objettechnique. La logique de fonctionnementest celle des formes sociales de latechnologie, de la structure, del'autonomisation relative, de

126. H. Mendias, Le so.-^entraine-t-il pasdésornia'iï l'économique? Futuribk" no 105,dec.1986.

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127. Dès 1945 VannevarBush conseiller auprès duPrésident Rooseveit avaitdécrit un système, le Me-mex, capable d'intercon-necter des documentsanalogiques ou stockés enbibliothèque. Son projetétait justifié parl'explication suivante :«ITiomme pense... opèrepar association d'idées.On ne peut espérerreproduire artificiellementet dans sa totalité ceprocessus mental, mais ilest possible à l'hommed'ap-prendre sur celui-ci».Penser, c'est mener unepluralité d'idéessimultanément,parallèlement, chacunedépendant des autres etcontribuant à l'élaborationde l'autre. Voir dossierHypertexte :l'outil de navigationdocumentaire, Aficro-sysfe-mes, no 105, février1989.

128. J. Mélèse, La gestionpar les systèmes. Editionshommes et techniques,1972.

l'organisation du système, des cohérencesinternes et externes. La logique d'évolutionest à la fois résultante et projet, continuationet rupture. Les acteurs sont redevables de ceslogiques et les opèrent selon la nature, lesfinalités et les buts de leurs projets.

• Le module de la dynamique desystème est conçu comme le complément etle prolongement des matrices d'analysestructurelle «classique». Ainsi qu'il a étéexpliqué la matrice des relations structurellesest un instrument commode qui permet unepremière vue du système (ou de sa structure?) en allant à l'essentiel de ses interrelationsmais qui ne peut être surchargée d'in-formations sans perdre de sa transparence. Ilest donc proposé d'y adjoindre d'autres outilscomplémentaires dérivés de la dynamiquedes systèmes, des matrices structurelles etmorphologiques de transformationincorporant les données sur le sens desboucles d'action, les phénomènes cumulatifsdivergents ou convergents, les échellesd'intensité des processeurs et leurs durées,les mécanismes consécutifs. Elles devraientpermettre de faire un rapprochement entreces données et celles du module de lacomplexité structurale.

• Enfin la dialectique complexe est danscette conception générale le mode d'emploiet la logique de fonctionnement del'ensemble. Elle articule le présent à sonpassé et à ses futurs à travers l'analyse desdifférents types de contradictions de lanature et de la société, de conflits etcoopérations entre les acteurs.

a En définitive, dans la constructionproposée la prévision et de la prospectivetechnologiques sont à la fois entrée et sortiede la carte des différents modules. Uneentrée car il dépend de l'intention del'opérateur de faire une veille technologique,une prévision ou une prospective,l'organisation des «chaînages» indique alorsle cheminement à suivre. Une sortie car l'étatde l'information disponible, les perspectivesde constitution de l'information manquante

induisent les libertés de réalisation.Ce «mapping» est une constructioncomplexe, celui qui est représenté contientenviron 130 dimensions et positions. On saitque le cerveau humain ne fonctionne pas enséquentiel w . Il n'est pas capable pour autantde travailler dans un hyper espace. Onretrouve le dilemme décrit par J. Mélèse l28,simplicisme ou vertige de l'hyper-com-plexité. Il faut donc créer des outils quipermettent d'opérer cette complexité sansque l'opérateur perde la maîtrise de leurmanagement. L'informa-tique récente ouvredes perspectives nouvelles dans cettedirection. En effet de nouveaux logicielssont des instruments de navigationpermettant de relier entre eux des plansséparés d'information et d'analyse. Ainsi lelogiciel Guide propose 32 niveaux de renvoiou d'exploration et Hyperdoc jusqu'à 127127 . Cela suggère de coupler le «mapping»de la prospective technologique avec l'outilinformatique par une technique de«chaînages». Ce projet apparaît au niveau dela recherche de la méthodologie de la«prospective de la seconde génération».

a Des «chaînages» de complexitécroissante sont dessinés dans les schémassuivants : «veille technologique)),«prévision technologique», «prospectivecourante)), «prospective de la secondegénération)).

• Le principe consiste à relier les unsles autres les plans d'analyse et deraisonnement et de pouvoir en extraire uneinformation interprétée en simultanée.Chaque composant des modulescomprendrait un programme quicorrespondrait à une hypothèse, théorie oureprésentation explicite. Ces programmesjoueraient en quelque sorte le rôle du moteurd'inférence d'un système expert. Ilsconstitueraient la logique des chaînages etpermettraient de traiter les banques dedonnées spécifiques aux composants desmodules. Les chaînages, généralement nedevraient pas être linéaires, ils devraientfaire l'objet d'itérations, de retours en arrièrepour assurer

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la cohérence du déroulement de laméthodologie. En d'autres termes le cheminn'est pas unique, il dépend des cadresthéoriques de référence. Ainsi si lacompréhension de la technologie est celled'un système autonome façonnant lasociété, le cheminement sera plus simple etplus court, mais on ne pourra faire qu'uneprévision technologique. Pour établir unevéritable prospective technologique, il fautnécessairement adopter un autre point devue initial. Le chemin sera plus long, pluscompliqué et comportera desembranchements. Ces derniers varierontselon les autres cadres théoriques choisis,représentation du monde, théorieséconomiques, représentation desmécanismes, etc...Le chaînage «veille technologique» est leplus simple. Il contient obligatoirement lesniveaux de la prospective et du niveau deson objet, dans l'édifice technologique, son«moment», l'échelle choisie des temps, le«state of thé art», l'identification desacteurs et de leurs projets, les perspectivesde changement des inputs et de l'output.Le chaînage de la «prévisiontechnologique» s'enrichit, dans le cas deprévisions à la fois exploratoire etnormative des modules des niveauxdécisionnels, des finalités et des buts, et desarticulations de la technologie avecl'économie. Généralement lacompréhension de la technologie impliciteest celle d'un système autonome façonnantla société, dans le cas où l'opérateur a uneautre conception le faible recours auxvariables externes confère à l'exerciceprévision-niste la signification précédente.Le chaînage de la «prospectivetechnologique courante» ajoute desmodules qui changent qualitativementl'exercice. Il en est ainsi par la prise encompte dans les projets des acteurs de leursmoyens d'action et contraintes, qui permetde dresser le tableau de leurs stratégies.L'ouverture s'élargit sur les rapportsextrinsèques, par les interrelations de latechnologie avec l'économie, le travail,l'organisation de la production,l'environnement. Le jeu synchroni-que desrelations internes et externes est

décrypté dans une matrice d'analysestructurelle. Mais le flou existe entre lastructure et le système. Ce flou conduit àadopter implicitement une conception de latechnologie qui ne prend pas en comptel'hypothèse d'un sous-système physiqueauto-organisé. L'analyse des tendancespassées et de la stratégie des acteurs permetd'établir des scénarios diachroniques baséssur le principe de la cohérence desagrégations et combi-natoires.Généralement la dialectique utilisée estsimple. Les limitations de la lisibilité desmatrices structurelles et celles du nombredes scénarios exploitables, amènent àréduire l'analyse de la dynamique desphénomènes étudiés et à éliminer unegrande partie de l'infor-mation disponible.Le chaînage de la «prospective» dusecond âge» est le projet dedéveloppement des méthodologiesexistantes et d'une nouvelle améliorationqualitative. Les «.plus» sont les modulesdes fonctions sociales de la technologie, dela complexité structurale et des fonctions deproduction technologique, descontradictions et conflits-coopération, deslogiques technologiques et de la dynamiquede système et le recours à une dialectiqueplus complexe. L'ad-jonction de nouveauxmodules entraîne évidemmentl'augmentation des relations et du chaînage.La tentative d'extraire la structure dusystème induit — bien que cela ne soit pasinéluctable — la compréhension de latechnologie en faveur de la conceptionduale «physique» et «sociale». Mais cetteconception, quelle qu'elle soit, s'intègredans une représentation de la société.Comme celle-ci varie selon lesphilosophies, il faut tendre à ce que cesdeux niveaux de représentation, latechnologie et la société, soient explicites.Les chaînages nouveaux reliant lacomplexité structurale et la dialectique descontradictions à la dynamique des systèmesnécessiteraient, d'une part, l'adjonction auxmatrices structurelles saturées d'autresmatrices morphologiques detransformation, d'autre part,

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l'utilisation de l'informatique. Ces matrices complémentaires devraient enrichir lesrelations de la matrice mère par la prise en compte moins incomplète de la dynamique dusystème socio-économique, de la structure du sous-système technique considéré, de leursmécanismes où des processeurs jouent dans des sens positifs ou négatifs avec desintensités et des vitesses différentes. Des itérations seraient faites avec la matricestructurelle.Exemple. Supposons que l'intention de l'opérateur soit de faire la prospective d'uneSeghers 1981par le choix d'une alternative de compréhension de la technologie etsupposons encore que ce choix soit aussi celui de la technologie comme système à la fois«physique» et «social», un branchement sera à effectuer avec la représentation de lasociété pour s'assurer de la cohérence des deux modèles. On traitera de la partie«physique» du modèle, on passera à l'identifi-cation du niveau de l'exercice prospectivedans l'édifice technologique, du moment concerné, à la fonction technologique enquestion, à la complexité structurelle de la technique des éléments et objets qui en sontressortissants, aux valences et possibilités d'asso-ciation, aux proximités techniques. Lamatrice des relations structurelles internes et externes sera une première modélisation desparties «physiques» et «sociales». Ainsi qu'il a été dit, il ne faut pas se dissimuler lesdifficultés de constitution de certaines des données des modules de la complexitéstructurale et de la dynamique de système : celles concernant les niveaux d'organisationdes éléments et objets techniques, les valences technologiques, l'algorithmisa-tion dutemps des phénomènes et de la vitesse des mécanismes, par exemple, sont pratiquementinexistantes. Leur interprétation requiert par ailleurs une grille de lecture des logiques dela technologie et l'utilisation des catégories de la dialectique des contradictions. La voien'est donc pas aisée et, à défaut d'infor-mations déjà constituées, on pourrait néanmoinsprogresser dans cette direction par un mécanisme d'information croissante, et d'essais-erreurs. L'essentiel est de prendre conscience des «plus» nécessaires, en raison des enjeuxde la propective technologique on peut penser que le reste suivra.

Le cheminement prospectif ainsi envisagé oblige à une navigation plus profonde àtravers les plans de la technique, de l'économie, des relations de pouvoir et de laphilosophie. Comme ces plans sont trop nombreux pour être saisis ensembles par l'esprithumain il faut aider ce dernier. L'informatique récente procure maintenant des outils denavigation puissants qu'il y aurait intérêt à tester à cette fin. Si le résultat s'avérait positifla perspective se dessinerait d'au très conceptions des scénarios. Mais l'informatique, pasplus que les mathématiques, est un substitut à la matière conceptuelle requise, c'estcependant un puissant instrument qui devrait dorénavant s'incorporer dans la nouvelleboîte à outils de «la prospective du second âge 19 ».

En 1981, J. Lesourne imaginait une leçon de prospective en l'an 2000 129 :(J.Lesourne "Les mille sentiers de l'avenir "Segers 1981)

«6 Octobre 2000. Dans un conservatoire national des Arts et Métiers encore un peu plusvétusté qu'aujourd'hui, le professeur qui vient d'étre nommé à la chaire nouvellementcréée de prospective économique et sociale prononce sa leçon inaugurale. D commencepar un solennel hommage aux pionniers de cette discipline, c'est-à-dire pour qui saitentendre par un catalogue de leurs erreurs et par un réquisitoire contre la pauvreté deleurs méthodes. H souligne l'indigence des données statistiques dont ils se sont servis,l'inadéquation des concepts de revenus nationaux qu'ils ont utilisés, la rigidité mécaniquedes modèles mondiaux qu'ils ont construits, la faiblesse théorique de toute laquincaillerie dont ils ont usé, de Delphi à Micmac, de l'analyse structurelle à ladynamique industrielle. Fini tout cela. En vingt ans, la prospective a fait d'inestimablesprogrès» .

En 1989, la tâche de bâtir la prospective de la seconde génération reste entière.

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46

niveau de laprospective

10 2 1O 3

niveau des finalités

niveau des buts

niveau décisionnel

moyens d'actiondes acteurs

échelle des temps

1 2 3 4 5 10 20 années

1234567

niveau dans l'édifice

compréhension de la technologie

1 2 3 4

state of the art

"moment " de la technologie

1 2 3 4

fonction deproductiontechnologiqueéléments ouobjets=ƒ n 3 ou 4

perspectivesde changementstechniques des inputs et de l'output

complexité structurale

niveauorganisation

7

1 n

forces d'inertie

12 3 4 5forces d'entrainement

lignes d'actiondes forces

valences technologiques1 compatibilité0 non

représentation de lasociété et positionnement de la technologie

T

dialectiquecomplexe

passé présent futur

contradictions conflitscoopérations

logiques technologiquesc f u é

c

f

u

é

dynamique de système

sens des bouclesd'action

+-

phénomènes cumulatifsdivergent, convergents

échelle d'intensitédes processeurs 1 2 3 4 5

échelle de vitesses des processus: I>TEC>PMAC>OPRO>FOR>TRA

PROJETS DES ACTEURS IMPLIQUES

RAPPORTS INTRINSEQUES DU SYSTEME TECHNOLOGIQUE

0 discontinu1 continu

"MAPPING" DE LA PROSPECTIVE TECHNOLOGIQUE

RAPPORTS EXTRINSEQUES DU SYSTEME TECHNOLOGIQUE

123n

123n

123n

123n

identifica- tiondes acteurs

projets des acteurs

contraintes

STATUT DE L'OPERATEUR DE LA PROSPECTIVE

fonctionsocialede la technique

activitéstechniquesprimaires

articulations de la production:l'économiele travail

l'organisation de la production

l'environnement

G

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niveau de laprospective

10 2 1O3

niveau des finalités

niveau des buts

niveau décisionnel

moyens d'actiondes acteurs

échelle des temps

1 2 3 4 5 10 20 années

1234567

niveau dans l'édifice

compréhension de la technologie

1 2 3 4

state of the art

"moment " de la technologie

1 2 3 4

fonction deproductiontechnologiqueéléments ouobjets=ƒ n 3 ou 4

perspectivesde changementstechniques des inputs et de l'output

complexité structurale

niveauorganisation

7

1 n

forces d'inertie

12 3 4 5forces d'entrainement

lignes d'actiondes forces

valences technologiques1 compatibilité0 non

représentation de lasociété et positionnement de la technologie

articulations de la technologie:l'économie le travaill'organisation de la productionl'environnement

T

dialectiquecomplexe

passé présent futur

contradictions conflitscoopérations

logiques technologiques

c f u é

c

f

u

é

dynamique de système

sens des bouclesd'action

+-

phénomènes cumulatifsdivergent, convergents

échelle d'intensitédes processeurs 1 2 3 4 5

échelle de vitesses des processus: I>TEC>PMAC>OPRO>FOR>TRA

PROJETS DES ACTEURS IMPLIQUES

RAPPORTS INTRINSEQUES DU SYSTEME TECHNOLOGIQUE

0 discontinu1 continu

RAPPORTS EXTRINSEQUES DU SYSTEME TECHNOLOGIQUE

P.F.G. 89

123n

123n

123n

123n

identifica- tiondes acteurs

projets des acteurs

contraintes

STATUT DE L'OPERATEUR DE LA PROSPECTIVE

fonctionsocialede la technique

activitéstechniquesprimaires

matrice d'analyse structurellestratégies des acteursscénarios prospectifs

"CHAINAGES" DE LA PROSPECTIVE TECHNOLOGIQUE COURANTE

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niveau de laprospective

10 2 1O3

niveau des finalités

niveau des buts

niveau décisionnel

moyens d'actiondes acteurs

échelle des temps

1 2 3 4 5 10 20 années

1234567

niveau dans l'édifice

compréhension de la technologie

1 2 3 4

state of the art

"moment " de la technologie

1 2 3 4

fonction deproductiontechnologiqueéléments ouobjets=ƒ n 3 ou 4

perspectivesde changementstechniques des inputs et de l'output

complexité structurale

niveauorganisation

7

1 n

forces d'inertie

12 3 4 5forces d'entrainement

lignes d'actiondes forces

valences technologiques1 compatibilité0 non

représentation de lasociété et positionnement de la technologie

articulations de la technologie:l'économie le travaill'organisation de la productionl'environnement

T

dialectiquecomplexe

passé présent futur

contradictions conflitscoopérations

logiques technologiques

c f u é

c

f

u

é

dynamique de système

sens des bouclesd'action

+-

phénomènes cumulatifsdivergent, convergents

échelle d'intensitédes processeurs 1 2 3 4 5

échelle de vitesses des processus: I>TEC>PMAC>OPRO>FOR>TRA

PROJETS DES ACTEURS IMPLIQUES

RAPPORTS INTRINSEQUES DU SYSTEME TECHNOLOGIQUE

0 discontinu1 continu

RAPPORTS EXTRINSEQUES DU SYSTEME TECHNOLOGIQUE

123n

123n

123n

123n

identifica- tiondes acteurs

projets des acteurs

contraintes

STATUT DE L'OPERATEUR DE LA PROSPECTIVE

fonctionsocialede la technique

activitéstechniquesprimaires

matrice d'analyse structurellestratégies des acteurs

matrices morphologiques et autrestraitement informatiquescénariostechnologiques

"chainages" complementaires

"CHAINAGES" D'UNE PROSPECTIVE DE LA SECONDE GÉNÉRATION

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lois scientifiques

élémentstechniques

combinatoiredes éléments

individustechniques

combinatoiredes individus

sous-systèmes et système technologique

procédéstechniques

propriétés techniques.

l’édifice technologique

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50

• socio-économie deconstruction• structure technolo-gique:loisde la nature,prin-cipes,propriétés,pro-cédés,éléments,ob-jets,combinatoire technologiques•cohésion ,complexitéet variété du système

• socio-économie deconstruction• structure technolo-gique:loisde la nature,prin-cipes,propriétés,pro-cédés,éléments,ob-jets,combinatoire technologiques•cohésion ,complexitéet variété du système

logique de construction

logique intrinsèque de construction

structure de la technologie

l'édifice "physique":composants;inter-relations, interactions, interfaces.

"intégrons",complexité.cohésion.

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évol

utio

n

utili

satio

n

fonc

tionn

emen

t

cons

truc

tion

C

F

U

E

• socio-économie deconstruction• structure technolo-gique:loisde la nature,prin-cipes,propriétés,pro-cédés,éléments,ob-jets,combinatoire technologiques•cohésion ,complexitéet variété du système

• organisation intrin-sèque du systèmetechnolog ique:au tonomisation desous-systèmes,autoorganisation,ouvert- ture vs fermeture.niveaux d'organ isa-tion des objets•économie d'échellemin iaturisation

• management de lacomplexité• complexité algori-th misée,incorporéedans les forces pro-ductives

•complexité divisée,hiérarchisée dansle travail

• besoins,demande,etchoix sociaux

• échange composite:transferts technologi-ques

• contrôle social

• projets des acteurs sociaux• processus invention-innovation• force vive vs inertiedu système techno--logique• désordre créateur,pression de conformitéorientation de la R&D• nouvelle cohérence

•évaluation pluralistedes alternatives tech-nologiques

• invariants et contrain-tes physiques

• technosphère etexpansion des frontiè-res de la technologie

• normes d'utilisation facilité d'usage,coût,fiabilité,précision,vitesse, maintenance.• variables du marché•organisation des sys-tèmes de p roduction•organisation des sys-tèmesdu travail,con-figuration des métiers

• émergence du be-soin et du projet demaîtrise sociale de latechnologie vs évolu-tion du sytème échappant au contrôle • apparition d'un nouveau système technologique

• nouvelles demandessociales

• nouveaux objetsetartefacts

•cohérences nouvellesconvergences techno-giques

• nouvelle con figura- tion des savoirs• apparition des sciences de la cogni-tion

•nouveaux principesscientifiques et tech-no logiques,procédés,propriétés,matériaux.

• régulations interna-tionales de la compéti-tion sauvage et de l'u-tilisation des technolo-gies à hau t risque.• écodeveloppement• économie d'énergie• informatisation de laproduction•polyactivité,polytech-niscisme

•procès de décision

• nouvelles échellesd'opération technolo-giques.•"scaling-up et "sca-ling-down" innova- tions

• formes socialesdela technologie• relations causales:ordre,circularité,ré-troaction,téléolog i-que,principe de ré-cursivité• l'espace • le temps•cohérences

P.F.G.88

articulations des logiques de la technologie

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représentation de la sociététhéories explicites ou implicites

positionnementde la technologie

compréhension de la technologie

articulations del'économie et dela technologie

procès de développementde l'innovation

procès de création

diffusion de l'innovation vitesse et étendue

capacités d'émission et de réception

diffusion: configurationsectiorielle

transferts technologiques

prévisions exploratoires

prévisions normatives

synthèse démarches exploratoire et normative

dialectique complexe

analyse de système

étude des conflits

méthodes de prévision et de prospective

ARTICULATIONS TECHNOLOGIE- SOCIÉTÉ-MÉTHODES DE PRÉVISION ET DE PROSPECTIVE

P.F.G.89

l'édificetechnologiqueniveaux, complexité

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53

68

NOUVEAUX PROBLEMES

montée des tensionsinternationales

régulationde la crise

nouveau régimed'accumulation

émergencenouvelleproductivité

nouvelles formes d'organisation de la production

environnement et écologie

nouvelle structure de l'énergie

nouvellestechnologies

explosion del'information

émergence d'un nouveau système technique

modèles biologiques, méthodes écologiques

philosophiedialectique de la complexité

théories de la décision

théories de l'information et de l'organisation

cybernétique

théorie et analysedes systèmes

structuralisme

NOUVEAUX SAVOIRS

Nouvelle problématique de la prospective sociale

P.F.Gonod 85

ce shéma a été dessiné en 1985, il n’a pas été modifié, en 2006 il reste valable , mais la montée des tensions internationales a changé de contenu.

avenirs du travail

crises sociétales

crise économique

issues scociales complexification

nouvelles représentations

méthodes et outils de la prospective

prospectivedécisionnelle

prospective cognitive

objets de laprospectivesociale

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