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LA PROCDURE PARLEMENTAIRE DU QUBEC2e dition

LA PROCDURE PARLEMENTAIRE DU QUBEC Volume publi sous la direction de M. Franois Ct, secrtaire gnral de lAssemble nationale du Qubec Coordonnateur de la rdaction M. Michel Bonsaint, directeur de la recherche en procdure parlementaire quipe de rdaction Direction de la recherche en procdure parlementaire M. Michel Bonsaint, directeur Mme Lucie Gigure, directrice adjointe Mme Suzanne Langevin, conseillre en procdure parlementaire Mme Line Bland, conseillre en procdure parlementaire M. Franois Arsenault, conseiller en procdure parlementaire M. Siegfried Peters, conseiller en procdure parlementaire Mme Odette Lacroix, technicienne en droit Mme Micheline Drouin, agente de secrtariat Mme Aline Crochemore, agente de secrtariat Actualisation des donnes (deuxime dition) Mme Suzanne Langevin, conseillre en procdure parlementaire Mme Odette Lacroix, technicienne en droit Mme Aline Crochemore, agente de secrtariat Les auteurs tiennent remercier les personnes qui ont collabor la ralisation de ce volume : Collaborateurs de lAssemble nationale Direction du secrtariat des commissions Mme Hlne Galarneau, directrice (relecture) M. Christian A. Comeau, coordonnateur (relecture) Direction des communications Mme Joan Derache, graphiste (conception de la page couverture) Direction de la bibliothque M. Clment Lebel, responsable du Service du traitement, des acquisitions, de lindexation et de la gestion des documents (catalogage) M. Rnald Buteau, indexeur (indexation) Collaborateurs externes Mme Hlne Dumais (rvision linguistique) M. Luc Jacques, CompoMagny (mise en pages) M. Luc-Antoine Couturier (photographie de la page couverture) lments de catalogage (en bref) Qubec (Province). Assemble nationale. La procdure parlementaire du Qubec / Assemble nationale, Qubec; [publi sous la direction de Franois Ct ; coordonnateur de la rdaction, Michel Bonsaint ; quipe de rdaction, Direction de la recherche en procdure parlementaire]. 2e d. Qubec : Assemble nationale, 2003. 1. Qubec (Province). Assemble nationale Rglements et procdure. 2. Procdure parlementaire Qubec (Province). I. Ct, Franois, 1954- . II. Bonsaint, Michel. III. Qubec (Province). Assemble nationale. Direction de la recherche en procdure parlementaire. IV. Titre. 328. 714 05 A11A8/ P764 Toute reproduction en tout ou en partie de ce volume par quelque procd que ce soit est strictement interdite sans lautorisation crite du Secrtaire gnral de lAssemble nationale. Dpt lgal, 2e trimestre 2003 Bibliothque nationale du Qubec Bibliothque nationale du Canada ISBN 2-551-21767-9

LA PROCDURE PARLEMENTAIRE DU QUBEC2e dition

AVERTISSEMENTLe prsent ouvrage peut contenir, loccasion, des orientations quant linterprtation de certaines rgles de procdure. Quil soit bien compris que son contenu nengage en rien la prsidence de lAssemble nationale sur qui repose toujours ultimement la charge dinterprter les rgles de procdure et de prserver les droits et les privilges de lAssemble et de ses membres.

LISTE DES ABRVIATIONSArrt Donahoe Geoffrion 1941 JD LAN P.-V. RAN RAN 1972-1984 RF N.B. Broadcasting Co. c. N.-., [1993] 1 R.C.S. 319 Rglement annot de lAssemble lgislative (en vigueur entre 1941 et 1972) Journal des dbats Loi sur lAssemble nationale (L.R.Q., c. A-23.1) Procs-verbaux Rglement de lAssemble nationale (1984) Rglement de lAssemble nationale du Qubec (en vigueur entre 1972 et 1984) Rgles de fonctionnement (1984)

PRFACEParu pour la premire fois il y a maintenant trois ans, linitiative de lquipe de la Direction de la recherche en procdure parlementaire de lAssemble nationale, louvrage La procdure parlementaire du Qubec est devenu une rfrence incontournable pour ceux et celles qui prennent intrt aux fondements de la procdure parlementaire au Qubec et son application dans le droulement des travaux parlementaires. Frquemment consult et rgulirement cit, louvrage La procdure parlementaire du Qubec compte dsormais parmi les sources dinformation privilgies en cette matire pour la prsidence de lAssemble, les leaders des groupes parlementaires, les prsidents et les vice-prsidents de commission, lensemble des dputs et, bien entendu, les greffiers. Lorganisation de son contenu et son style de rdaction font en sorte que cet ouvrage constitue galement un outil pdagogique hors pair pour le nouvel lu et le nouveau fonctionnaire qui doivent rapidement acqurir une connaissance suffisante des rouages de linstitution et se familiariser avec ses procds afin de les mettre en pratique au quotidien. Cette deuxime dition se distingue de la prcdente dans la mesure o elle intgre les dveloppements rcents en matire de jurisprudence parlementaire. Elle fait aussi tat des modifications temporaires apportes au Rglement et aux Rgles de fonctionnement de lAssemble nationale pour la 36e Lgislature concernant, notamment, llection du prsident au scrutin secret, les ptitions et la procdure dexception. Je souhaite donc, avec lensemble des membres du personnel des directions des affaires parlementaires, que louvrage La procdure parlementaire du Qubec, fruit dun travail collectif exceptionnel et contenant une mine de renseignements, soit un guide de rfrence de plus en plus utilis par les dputs, leurs proches collaborateurs et toutes les personnes qui sintressent de prs ou de loin au fonctionnement de lAssemble nationale du Qubec. Le secrtaire gnral, Franois Ct Avril 2003

TABLE DES MATIRESPrface ................................................................................................................ Introduction ...................................................................................................... 1 1.1 1.2 LES FONDEMENTS DE LA PROCDURE PARLEMENTAIRE........... LES PRINCIPES ...................................................................................... LES SOURCES DE LA PROCDURE .................................................... 1.2.1 1.2.2 1.2.3 1.2.4 1.2.5 1.2.6 1.2.7 2 2.1 La Constitution............................................................................. Les lois ....................................................................................... Le Rglement et les Rgles de fonctionnement .......................... Lordre spcial de lAssemble .................................................... Les prcdents ............................................................................. Lusage, la tradition et la pratique .............................................. Les auteurs ................................................................................... 11 21 27 27 29 30 30 32 34 34 35 36 39 41 41 43 48 52 54 56 58 59 64 68 70

LES PRIVILGES PARLEMENTAIRES ................................................ LE CONCEPT DE PRIVILGE PARLEMENTAIRE .............................. 2.1.1 2.1.2 2.1.3 2.1.4 Sa dfinition ................................................................................. Le statut juridique des privilges parlementaires : le critre de ncessit .................................................................. Le pouvoir de lgifrer en matire de privilge parlementaire . La libert de parole...................................................................... 2.1.4.1 La premire limite : le privilge sapplique seulement dans le cadre des dlibrations parlementaires .......... 2.1.4.2 La seconde limite : le privilge est circonscrit par les rgles du dbat parlementaire ......................... Le droit de rglementer les affaires internes sans ingrence extrieure .................................................................... 2.1.5.1 Lintervention judiciaire dans les affaires internes des assembles lgislatives ........................................... 2.1.5.2 Lapplication des lois lAssemble............................. Le pouvoir de rprimer loutrage................................................ 2.1.6.1 Menacer un dput .......................................................

2.1.5

2.1.6

142.1.6.2 2.1.6.3

Table des matires

2.1.6.4 2.2

Se prvaloir de dispositions lgislatives non adoptes ................................................................. Omettre, dans le cas dun ministre ou dun organisme public, de dposer son rapport annuel devant lAssemble........................................................ Induire lAssemble en erreur ......................................

71

77 78

LA PROCDURE POUR SOULEVER UNE VIOLATION DE DROIT OU DE PRIVILGE OU UN OUTRAGE AU PARLEMENT ................... 2.2.1 La question de privilge............................................................... 2.2.1.1 La violation dun privilge individuel .......................... 2.2.1.2 La violation dun privilge collectif et loutrage au Parlement................................................................. La violation de droit ou de privilge fonde premire vue ..... La conduite dun membre du Parlement .................................... La conduite dune personne autre quun dput ........................ La question de fait personnel ......................................................

78 78 80 81 83 85 88 89 95 96 96 97 97 100 101 103 106

2.2.2 2.2.3 2.2.4 2.2.5 3 3.1

LA PRSIDENCE .................................................................................... LE STATUT DE LA PRSIDENCE ......................................................... 3.1.1 Llection de la prsidence .......................................................... 3.1.1.1 Les rgles permanentes concernant la procdure dlection du Prsident ................................................. 3.1.1.2 Les rgles temporaires concernant la procdure dlection du Prsident au scrutin secret..................... 3.1.1.3 La procdure dlection des vice-prsidents................ 3.1.1.4 Le mandat de la prsidence ......................................... Limpartialit de la prsidence.................................................... La mise en cause de la conduite de la prsidence......................

3.1.2 3.1.3 3.2

LES FONCTIONS DU PRSIDENT ....................................................... 108 3.2.1 Diriger 3.2.1.1 3.2.1.2 3.2.1.3 3.2.1.4 les sances de lAssemble .............................................. Ouvrir, suspendre et lever les sances ......................... Maintenir lordre .......................................................... Faire observer le Rglement ........................................ Voir au maintien des droits et privilges de lAssemble et de ses membres .................................... 3.2.1.5 Exercer dautres fonctions parlementaires.................. Administrer les services de lAssemble...................................... Reprsenter lAssemble .............................................................. 108 109 110 111 114 115 116 118

3.2.2 3.2.3 4

LES GROUPES PARLEMENTAIRES ET LES DPUTS INDPENDANTS..................................................................................... 123 LE GROUPE PARLEMENTAIRE ............................................................ 124

4.1

Table des matires

15126 129 129 129 130 131 132

4.1.1 4.1.2

4.1.3

Lorganisation dun groupe parlementaire ................................. Les avantages confrs aux groupes parlementaires par le Rglement.......................................................................... 4.1.2.1 Le temps de parole ....................................................... 4.1.2.2 La runion des leaders ................................................. 4.1.2.3 Lalternance entre les groupes parlementaires ........... 4.1.2.4 La composition et la prsidence des commissions parlementaires .............................................................. Les avantages confrs aux groupes parlementaires par certaines dispositions lgislatives .........................................

4.2

LE DPUT INDPENDANT ................................................................. 134 4.2.1 4.2.2 Les avantages confrs aux dputs indpendants par le Rglement.......................................................................... 134 Les avantages confrs aux dputs indpendants par certaines dispositions lgislatives................................................ 136

5 5.1

LA LGISLATURE, LES SESSIONS ET LES SANCES ..................... 139 LA LGISLATURE................................................................................... 139 5.1.1 5.1.2 La dure dune lgislature ........................................................... 140 Les effets de la dissolution dune lgislature .............................. 142

5.2

LES SESSIONS ....................................................................................... 143 5.2.1 5.2.2 La convocation dune session ...................................................... Louverture dune session............................................................ 5.2.2.1 Le dbat sur le discours douverture de la session...... 5.2.2.2 La motion de censure ................................................... La prorogation dune session ...................................................... 144 145 147 149 151

5.2.3 5.3

LES SANCES ....................................................................................... 154 5.3.1 5.3.2 La sance ordinaire ..................................................................... Les sances extraordinaires......................................................... 5.3.2.1 Les rgles permanentes concernant les sances extraordinaires.............................................................. 5.3.2.2 Les rgles temporaires concernant les sances extraordinaires.............................................................. 154 157 158 160

6 6.1

LE DROULEMENT DUNE SANCE .................................................. 165 LA PRIODE DES AFFAIRES COURANTES ........................................ 166 6.1.1 6.1.2 6.1.3 Les dclarations ministrielles .................................................... La prsentation de projets de loi................................................. Les dpts .................................................................................... 6.1.3.1 Les dpts de documents ............................................. 167 168 170 170

16

Table des matires

6.1.4

6.1.5

6.1.6 6.1.7 6.1.8 6.1.9 6.2

6.1.3.2 Les dpts de rapports de commissions ...................... 6.1.3.3 Les dpts de ptitions ................................................. Les interventions portant sur une violation de droit ou de privilge ou sur un fait personnel .......................................... 6.1.4.1 La violation de droit ou de privilge............................ 6.1.4.2 Les explications sur un fait personnel ......................... La priode des questions et rponses orales............................... 6.1.5.1 La dure de la priode des questions........................... 6.1.5.2 Les questions................................................................. 6.1.5.3 Les rponses.................................................................. 6.1.5.4 Les rponses diffres................................................... 6.1.5.5 Les questions crites..................................................... Les votes reports ........................................................................ Les motions sans pravis ............................................................. Les avis touchant les travaux des commissions.......................... Les renseignements sur les travaux de lAssemble ...................

172 172 178 178 179 180 181 182 188 190 192 193 193 194 197

LA PRIODE DES AFFAIRES DU JOUR............................................... 197 6.2.1 6.2.2 6.2.3 6.2.4 6.2.5 6.2.6 Les Les Les Les Les Les affaires prioritaires................................................................ dbats durgence ................................................................... dbats sur les rapports de commissions............................... autres affaires inscrites au feuilleton.................................... affaires inscrites par les dputs de lopposition ................. dbats de fin de sance ......................................................... 198 203 208 210 210 217

7 7.1

LORDRE ET LE DCORUM .................................................................. 225 LOUVERTURE DUNE SANCE ET LA VRIFICATION DU QUORUM ....................................................................................... 226 LA CONDUITE DES DPUTS DURANT UNE SANCE .................... 228 7.2.1 7.2.2 Les rgles gnrales de conduite................................................. Lintervention dun dput .......................................................... 7.2.2.1 Les paroles interdites.................................................... 7.2.2.2 Lexhibition dobjets ..................................................... 7.2.2.3 Les questions au Prsident ........................................... 7.2.2.4 Linterruption dun dput ........................................... 7.2.2.5 Le rappel au rglement ................................................ Les pouvoirs disciplinaires du Prsident .................................... 7.2.3.1 Le rappel lordre ........................................................ 7.2.3.2 Le retrait du droit de parole......................................... 7.2.3.3 Lexclusion et lexpulsion dun dput......................... 7.2.3.4 La suspension ou la leve dune sance....................... 228 230 231 242 242 243 243 246 247 247 247 249

7.2

7.2.3

7.3

LA CONDUITE DU PUBLIC.................................................................... 249

Table des matires

17

8 8.1

LE PROCESSUS DCISIONNEL ........................................................... 253 LA MOTION 8.1.1 8.1.2 8.1.3 8.1.4 8.1.5 ....................................................................................... 253 255 257 258 259 261 263 265 266 267 268 270 270 271 272 273 Le pravis ..................................................................................... La prsentation de la motion....................................................... La forme et le contenu des motions ............................................ La recevabilit dune motion ....................................................... Le retrait dune motion................................................................ La motion damendement............................................................ Le sous-amendement ................................................................... La motion de scission .................................................................. La motion de mise aux voix immdiate ...................................... La motion dajournement du dbat.............................................

8.2

LE DBAT ................................................................................................ 262 8.2.1 8.2.2 8.2.3 8.2.4 8.2.5

8.3

LE VOTE................................................................................................... 8.3.1 Le vote main leve .................................................................... 8.3.2 Le vote par appel nominal........................................................... 8.3.3 Le vote report ............................................................................. 8.3.4 La majorit requise ......................................................................

9 9.1

LES RGLES DU DBAT PARLEMENTAIRE ET LORGANISATION DU TEMPS............................................................... 277 LES RGLES DU DBAT PARLEMENTAIRE ...................................... 278 9.1.1 9.1.2 9.1.3 9.1.4 9.1.5 9.1.6 Le droit de parole des dputs .................................................... La langue du dbat ...................................................................... La rgle de la pertinence ............................................................. La citation dun document .......................................................... Les explications sur un discours ................................................. Les questions la suite dune intervention................................. La rgle gnrale ......................................................................... 9.2.1.1 La motion de fond et la motion de forme .................... 9.2.1.2 La motion damendement ............................................ 9.2.1.3 Le droit de rplique ...................................................... 9.2.1.4 Le temps de parole au cours du processus lgislatif ... Les dbats restreints .................................................................... Les petits dbats restreints ou les interventions limites dans le temps ............................................................................... 278 278 279 280 281 283 284 284 285 286 287 288 291

9.2

LORGANISATION DU TEMPS............................................................... 283 9.2.1

9.2.2 9.2.3 10

LE PROCESSUS LGISLATIF ............................................................... 295

10.1 LINITIATIVE EN MATIRE LGISLATIVE......................................... 296 10.1.1 Le contrle du gouvernement quant lordre du jour de lAssemble.............................................................................. 296 10.1.2 Linitiative financire de la Couronne ........................................ 297

18

Table des matires

10.2 LES TYPES DE PROJETS DE LOI ......................................................... 300 10.2.1 Les projets de loi publics ............................................................. 302 10.2.2 Les projets de loi dintrt priv ................................................. 304 10.3 LA PROCDURE LGISLATIVE ............................................................ 305 10.3.1 Les tapes de ladoption des projets de loi publics..................... 10.3.1.1 La prsentation ............................................................. 10.3.1.2 Ladoption du principe ................................................. 10.3.1.3 Ltude dtaille en commission .................................. 10.3.1.4 La prise en considration du rapport de la commission 10.3.1.5 Ladoption ..................................................................... 10.3.2 Les tapes de ladoption des projets de loi dintrt priv ......... 10.3.2.1 La prsentation ............................................................. 10.3.2.2 La consultation particulire et ltude dtaille en commission .............................................................. 10.3.2.3 Le dpt et ladoption du rapport ................................ 10.3.2.4 Ladoption du principe ................................................. 10.3.2.5 Ladoption ..................................................................... 10.3.3 La sanction des projets de loi...................................................... 11 305 306 307 312 315 316 318 318 318 318 319 319 319

LE PROCESSUS BUDGTAIRE............................................................. 323 11.1.1 Les crdits permanents................................................................ 11.1.2 Les crdits annuels ...................................................................... 11.1.2.1 Ltude des crdits provisoires..................................... 11.1.2.2 Ltude des crdits annuels en commission permanente ................................................................... 11.1.2.3 Ladoption des crdits par lAssemble ....................... 11.1.2.4 Ltude des crdits de lAssemble............................... 11.1.2.5 Ltude des crdits supplmentaires ............................ 325 326 327 329 330 332 332

11.1 LES CRDITS BUDGTAIRES .............................................................. 325

11.2 LE DISCOURS DU BUDGET ET LE DBAT SUR LE DISCOURS DU BUDGET ....................................................................................... 335 11.2.1 Le discours du budget.................................................................. 336 11.2.2 Le dbat sur le discours du budget ............................................. 337 11.2.3 La dclaration complmentaire sur le budget ............................ 338 12 LE CONSENTEMENT UNANIME ET LES AUTRES MOYENS DE DROGATION AU RGLEMENT ........................................................... 343 12.1.1 12.1.2 12.1.3 12.1.4 12.1.5 Lutilisation du consentement unanime...................................... Lordre spcial de lAssemble .................................................... Le retrait du consentement unanime .......................................... Les limites lutilisation du consentement unanime ................. Le consentement unanime en commission parlementaire ......... 344 345 346 347 348

12.1 LE CONSENTEMENT UNANIME .......................................................... 343

Table des matires

19

12.2 LA MOTION DE SUSPENSION DES RGLES DE PROCDURE ...... 351 12.2.1 12.2.2 12.2.3 12.2.4 La prsentation de la motion....................................................... Les rgles de procdure vises dans la motion........................... Le contenu de la motion .............................................................. La notion durgence et le rle du Prsident................................ 351 353 354 358

12.3 LES RGLES TEMPORAIRES CONCERNANT LA MOTION DE PROCDURE DEXCEPTION ................................................................. 359 12.3.1 12.3.2 12.3.3 12.3.4 13 La prsentation de la motion....................................................... Le contenu de la motion .............................................................. Les consquences de ladoption de la motion ............................ La procdure lgislative dexception........................................... 361 361 362 363

LA COMMISSION PLNIRE................................................................ 369

13.1 LE FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION PLNIRE............... 369 13.1.1 13.1.2 13.1.3 13.1.4 La constitution de la commission plnire ................................. Lordre et le dcorum .................................................................. La mise aux voix .......................................................................... Le rapport de la commission plnire ........................................ 370 370 372 373

13.2 LES PRINCIPAUX MANDATS DE LA COMMISSION PLNIRE ...... 376 13.2.1 Ltude dtaille des projets de loi.............................................. 377 13.2.2 Les mandats confis expressment la commission plnire ... 378 14 LES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES ............................................ 383

14.1 LORGANISATION DES COMMISSIONS.............................................. 385 14.1.1 La Commission de lAssemble nationale ................................... 14.1.1.1 Sa composition ............................................................. 14.1.1.2 Ses fonctions ................................................................. 14.1.2 La Commission de ladministration publique............................. 14.1.2.1 Sa composition ............................................................. 14.1.2.2 Sa prsidence et sa vice-prsidence............................. 14.1.2.3 Ses fonctions ................................................................. 14.1.3 Les commissions sectorielles....................................................... 14.1.3.1 Leur dnomination et leur comptence ....................... 14.1.3.2 Leur composition.......................................................... 14.1.3.3 Leur prsidence et leur vice-prsidence ...................... 14.1.3.4 Leurs mandats .............................................................. 14.1.3.5 La formation dune sous-commission .......................... 14.1.4 Les commissions mixtes .............................................................. 14.1.5 Les commissions spciales .......................................................... 386 387 387 390 390 391 391 393 393 394 396 400 404 406 406

20

Table des matires

14.2 LE FONCTIONNEMENT ET LA PROCDURE DES COMMISSIONS 408 14.2.1 Les sances des commissions ...................................................... 14.2.1.1 Lhoraire et le lieu des sances .................................... 14.2.1.2 Le nombre de commissions autorises siger .......... 14.2.1.3 Les sances publiques ou huis clos et les sances de travail ....................................................................... 14.2.1.4 La convocation de la commission ................................ 14.2.1.5 Le quorum..................................................................... 14.2.1.6 Le remplacement dun membre ................................... 14.2.1.7 La participation dun non-membre .............................. 14.2.2 La procdure gnrale des commissions .................................... 14.2.2.1 La rgle dapplication................................................... 14.2.2.2 Le dpt de documents................................................. 14.2.2.3 Le processus dcisionnel .............................................. 14.2.2.4 Le rapport de la commission ....................................... 14.2.3 La procdure particulire certains mandats............................ 14.2.3.1 Ltude dtaille de projets de loi ................................ 14.2.3.2 Ltude des crdits........................................................ 14.2.3.3 Linterpellation ............................................................. 14.2.3.4 Les consultations .......................................................... 14.2.3.5 La procdure relative des mandats propres certaines commissions............................................... Annexe I Annexe II Annexe III 408 408 409 409 411 412 413 414 416 416 420 422 425 427 427 442 447 449 453

La Loi sur lAssemble nationale (L.R.Q., chapitre A-23.1) ....... 459 Le Rglement et les Rgles de fonctionnement de lAssemble nationale................................................................... 501 Les modifications temporaires au Rglement et aux Rgles de fonctionnement de lAssemble nationale .............................. 575

Bibliographie ...................................................................................................... 607 Table des jugements ........................................................................................... 615 Table des lois ...................................................................................................... 619 Table des rglements et des rgles de fonctionnement ..................................... 627 Table des dcisions Recueil des dcisions concernant la procdure parlementaire.. 643 Recueil des dcisions concernant la procdure parlementaire (Volume Commissions) ............................................................ 669 Index .................................................................................................................. 681

INTRODUCTIONLe patrimoine qubcois est riche dune longue tradition. Notre systme parlementaire actuel, hrit de la Constitution de 1867, sest graduellement transform de bicamral quil tait pour devenir en 1968 monocamral, la Chambre dassemble tant constitue dlus. Dabord dsigne par lexpression Assemble lgislative de Qubec , lAssemble existe depuis 1968 sous le vocable suivant : Assemble nationale du Qubec . Compose de 125 dputs, lAssemble forme, avec le lieutenantgouverneur, le Parlement qui exerce le pouvoir lgislatif. Son mandat est dune dure maximale de cinq ans (priode dterminante qui dlimite la dure lgitime dune lgislature) compter de la rception par le secrtaire gnral de lAssemble nationale, aprs des lections gnrales, de la liste de tous les candidats proclams lus transmise par le Directeur gnral des lections. LAssemble est convoque, proroge et dissoute par le lieutenantgouverneur, et seul ce dernier peut mettre fin son mandat avant lexpiration du terme. En matire lgislative, ses comptences lui sont confres par la Constitution. Elle exerce galement un pouvoir de surveillance sur tout acte du gouvernement, de ses ministres et de ses organismes. Bien que nos institutions parlementaires qubcoises soient plus que bicentenaires, la connaissance des rouages et du fonctionnement de lAssemble nationale demeure encore de nos jours lapanage dun groupe restreint de personnes. Certes, lavnement de la tldiffusion des dbats de lAssemble en 1978 aura permis la population dobserver en direct une partie de lactivit parlementaire, mais ce nest pas chose facile de comprendre la faon dont sarticule cette activit et en vertu de quels rgles et principes. Cest ce que nous tenterons dexpliquer dans le prsent ouvrage. Le premier chapitre expose les fondements de la procdure parlementaire. Il fait tat de tous les lments qui servent dassise la structure organisationnelle de nos institutions parlementaires qubcoises : la loi, la tradition, les rgles et les usages, et plus encore. Dailleurs, la Loi constitutionnelle de 1867 dicte que la Constitution du Canada repose sur les mmes principes que celle du Royaume-Uni. Partant de l, le deuxime chapitre explore un sujet dune extrme importance : les privilges

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Introduction

parlementaires. Ces derniers font que lAssemble peut remplir pleinement son mandat en toute indpendance et sans ingrence extrieure et, de plus, ils protgent individuellement ou collectivement les dputs dans lexercice de leurs fonctions parlementaires. Les acteurs parlementaires font lobjet des deux chapitres suivants. Le troisime chapitre est consacr la fonction primordiale quassume le Prsident de lAssemble. Outre quil voit lobservance du Rglement de lAssemble nationale (RAN), ce personnage, qui est galement membre de lAssemble, doit sassurer que les droits des dputs sont respects. Sa tche est dlicate maints gards puisque, tout en faisant rgner lordre, il doit agir avec rigueur, en toute quit et avec justice, selon la lettre et lesprit desdites rgles de procdure. Le quatrime chapitre porte sur le statut des dputs lAssemble, qui, ds leur entre dans la Chambre, adhrent un groupe parlementaire ou sigent titre de dput indpendant. Il va sans dire que les avantages confrs un groupe parlementaire ne souffrent aucune comparaison avec ceux dont disposent les dputs indpendants, et nous verrons dans quelle mesure. Tous les chapitres subsquents, soit du cinquime au quatorzime, se rapportent lactivit proprement dite de lAssemble. La dure dune lgislature tant dau plus cinq ans, lAssemble organise son temps de travail pendant cette priode limite. Notons au passage que la longueur des sessions et leur nombre varient selon le bon vouloir du gouvernement. Par contre, les sances sont tenues en conformit avec le calendrier et lhoraire prvus dans le Rglement. Sauf exception, le droulement des sances seffectue en respectant un ordre prdtermin. Du reste, la priode ddie aux affaires courantes permet dassister la priode des questions et rponses orales, moment privilgi o les changes souvent tumultueux entre les dputs de lopposition et ceux du gouvernement faonnent les vnements qui sont rapports quotidiennement dans les mdias. Lorsquils tiennent sance, les dputs doivent se conformer des rgles prcises. La conduite qui leur est dicte caractrise mme un chapitre en particulier. Pendant son mandat, lAssemble est amene se prononcer sur une multitude de questions qui concernent les affaires publiques du Qubec. Que ce soit simplement pour exprimer une opinion ou une intention ou encore pour adopter un ordre ayant une force excutoire, elle utilise divers moyens afin dentrer dans un processus de dcision. Les dbats ainsi engendrs rpondent un ensemble de rgles qui restreignent tant les temps de parole des dputs que la dure des dbats parlementaires. Lun des dbats les plus attendus de la population est sans doute celui qui dcoule de la prsentation du budget. Ce sujet est abord dans le chapitre qui traite du processus budgtaire, lequel explique la faon dont le gouvernement

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propose sa politique budgtaire et dont il fait adopter son budget ainsi que sa manire de rendre compte de sa gestion des deniers publics. Une part importante de lactivit parlementaire est consacre ladoption de la lgislation. Nous examinerons toutes les tapes que doit franchir un projet de loi, quil soit public ou dintrt priv, avant dtre adopt par lAssemble et, par la suite, sanctionn par le lieutenant-gouverneur. Nous observerons galement que certains projets de loi ne peuvent tre proposs que par un membre du gouvernement et dautres, par un simple dput. Quoique lactivit parlementaire soit rglemente par des dispositions expresses, nous nous arrterons sur les mcanismes qui permettent lassemble dlibrante, lors de circonstances particulires, de droger ses propres rgles. Enfin, nous verrons que des sous-entits ont t institues pour prter assistance lAssemble dont la tche est considrable. La place quoccupent la commission plnire et les commissions parlementaires de mme que leur action dans la progression des travaux parlementaires et laccomplissement de la mission de lAssemble sont des sujets qui mritent une attention particulire. Compte tenu de la complexit du sujet, de ltendue de la matire et de lintrt suscit par la question chez plusieurs personnes et au sein de divers organismes, louvrage runit sous un mme couvert une multitude de renseignements qui facilitent la comprhension de lorganisation et du fonctionnement de lAssemble. Ainsi, le texte rend compte de divers concepts, dobservations et dexpriences, rappelle des principes, des usages et des coutumes, examine, dcortique et explique des rgles et il dcrit lvolution des procds de lassemble dlibrante. Bref, il dvoile et ouvre des horizons sur la dimension culturelle et parlementaire des institutions qubcoises.

1 Les fondements de la procdure parlementaire

1 Les fondements de la procdure parlementaire1.1 LES PRINCIPESIl importe, avant dexplorer le dtail de la procdure parlementaire, de connatre les grands principes et les diverses sources qui la sous-tendent. De fait, la connaissance des fondements de la procdure parlementaire peut jeter un clairage nouveau sur de nombreuses rgles qui paraissent de simples modalits et que plusieurs assimilent des formalits inutiles. Depuis lActe constitutionnel de 1791, nous nous sommes donn au Qubec une assemble de reprsentants lus par la population. Cest dire la longue histoire de cette institution et, par consquent, la longue volution de ses rgles de procdure. Le prambule de la Loi constitutionnelle de 1867 prvoit expressment que la Constitution du Canada repose sur les mmes principes que celle du Royaume-Uni. Cest ainsi que le Qubec a un systme de gouvernement semblable dans son principe celui du Royaume-Uni et des traditions parlementaires bien enracines. Comme le mentionnent les auteurs Brun et Tremblay : Le rgime britannique est le plus ancien parmi les rgimes parlementaires modernes. Fruit de lhistoire et des traditions, il fonctionne selon des rgles pour la plupart non crites et possde en consquence une grande souplesse, beaucoup de flexibilit [...] Le parlementarisme britannique devient en dfinitive un systme assez simple : le premier ministre et les autres membres du cabinet sont issus de la Chambre des Communes ; ils demeurent en fonction tant quils conservent la confiance de la Chambre et cette dernire peut tre dissoute au gr du premier ministre1.

Le parlementarisme britannique est caractris par une sparation souple entre les branches de ltat, plus particulirement en ce qui a trait1 Henri BRUN et Guy TREMBLAY, Droit constitutionnel, 4e d., Cowansville, ditions Yvon Blais, 2002, p. 585 et 586.

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aux fonctions lgislative et excutive : le parlement et le gouvernement participent tous deux lexercice des fonctions lgislative et excutive. Do la ncessit de techniques constitutionnelles favorisant ou forant entre eux la collaboration2. Ces mcanismes de collaboration entre gouvernement et parlement prennent la forme de moyens de contact, de moyens de contrle et de moyens de contrainte3 . Le droit parlementaire est lensemble des rgles applicables aux assembles et leurs membres, de mme quau gouvernement dans ses rapports avec lAssemble en vue dassurer une collaboration organise entre les deux entits. Il sagit en fait dune branche du droit constitutionnel qui englobe le fonctionnement des assembles lgislatives et non lensemble de lorganisation tatique. Quoiquil soit mconnu, le droit parlementaire est nanmoins extrmement important puisquil permet un quilibre dmocratique dans le cadre des dlibrations parlementaires. Dans un rgime comme le ntre, le droit parlementaire consacre certes le rle important que joue le gouvernement dans lexercice du pouvoir lgislatif. Toutefois, llaboration du droit parlementaire est de la comptence exclusive de lAssemble et non du gouvernement. Bien sr, en thorie, un gouvernement majoritaire lAssemble pourrait faire adopter les rgles de procdure parlementaire de son choix. Toutefois, la tradition parlementaire fait en sorte que llaboration du droit parlementaire est gnralement le fruit dun consensus de tous les membres dune assemble. Les principes la base du droit parlementaire expliquent probablement, en partie du moins, les raisons qui ont permis notre systme parlementaire de traverser cette longue priode. En fait, les principes qui tendent assurer le fonctionnement efficace et dmocratique de lAssemble sont les suivants : protger la minorit et temprer limprvoyance ou loppression de la majorit ; garantir une conduite ordonne des affaires publiques ; permettre chaque dput dexprimer son avis, sous rserve des restrictions indispensables au maintien du dcorum et au bon emploi du temps ; faire en sorte que le temps consacr lexamen de chaque mesure soit amplement suffisant, et empcher des interventions du lgislateur inspires par une impulsion soudaine4 .2 Id., p. 585. 3 Id., p. 592. 4 Arthur BEAUCHESNE, Rglement annot et formulaire de la Chambre des communes, 6e d., Toronto, Carswell, 1991, p. 3. Il sagit dun calque dun passage qui se retrouve dans : John George BOURINOT, Parliamentary Procedure and Practice in the Dominion of Canada, 4e d., Shannon, Irish University Press, 1916, p. 200 et 201.

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Ainsi, lensemble des rgles de procdure doit traduire ces principes et parvenir un point dquilibre entre ces grands axes. La procdure parlementaire est donc au service de principes nobles qui assurent le caractre hautement dmocratique de linstitution parlementaire. Mme si plusieurs personnes peuvent les considrer comme superflues, il nen demeure pas moins que les rgles de procdure parlementaire sont dune importance capitale pour le fonctionnement de linstitution parlementaire et pour ses membres.

1.2 LES SOURCES DE LA PROCDUREEn vertu de leurs privilges parlementaires constitutionnels, les assembles du type britannique comme lAssemble nationale disposent du pouvoir exclusif de rgir leurs affaires internes sans ingrence extrieure. Cest en vertu de ce pouvoir que les assembles se donnent des rgles crites afin dtablir la procdure qui rgit leurs travaux. Mme si les rglements des assembles renferment lessentiel des rgles de procdure parlementaire, diverses rgles tirent leur origine dautres sources de droit, soit la Constitution, les lois, les ordres spciaux, les prcdents, les usages et la doctrine. Rappelons toutefois que le droit parlementaire est issu de rgles non crites et que les rgles crites servent moins la codification de la procdure existante qu ladaptation des traditions historiques aux exigences de lre moderne5 . Au Qubec, le droit parlementaire est en quelque sorte une branche autonome du droit constitutionnel, puisque lapplication et linterprtation des rgles de procdure relvent de lAssemble elle-mme. En somme, le pouvoir exclusif pour une assemble de rgir ses affaires internes sans ingrence extrieure fait en sorte que les tribunaux ne peuvent gnralement pas intervenir dans ses dlibrations, et ce, mme si elle ne se conforme pas ses propres rgles de procdure. En cette matire, seul le Prsident de lAssemble a comptence. Il a mme le pouvoir exclusif dinterprter les lois qui contiennent de la procdure parlementaire. Ses dcisions ne peuvent mme pas tre discutes [RAN, art. 41]. Malgr la particularit du droit parlementaire et le pouvoir exclusif du Prsident de lAssemble pour linterprter, celui-ci doit avoir lesprit lordre de prsance quoccupent dans la hirarchie juridique les diffrentes rgles de droit parlementaire quil lui faut appliquer. cet gard, le droit parlementaire ne diffre pas sensiblement des autres secteurs du droit qui composent notre ordre juridique. Cela ressort, au demeurant, des articles

5 A. BEAUCHESNE, 6e d., p. 6.

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179 et 180 du Rglement qui codifient les sources de la procdure parlementaire lAssemble nationale6.

1.2.1 La ConstitutionQuel que soit lordre juridique dans lequel nous nous trouvons, la Constitution est toujours la premire source du droit. En droit parlementaire qubcois ou canadien, le prambule de la Loi constitutionnelle de 1867 7 est sans contredit la disposition la plus importante. Dabord, comme nous lavons prcdemment mentionn, il prvoit que la Constitution du Canada repose sur les mmes principes que celle du Royaume-Uni et, par le fait mme, que notre rgime parlementaire sinspire de celui qui existe au Royaume-Uni. Aussi, en 1993, la Cour suprme du Canada a dcid que les privilges parlementaires inhrents des assembles lgislatives canadiennes font partie du groupe de principes constitutionnaliss en vertu du prambule de la Loi constitutionnelle de 1867 8. Dautres aspects de la procdure parlementaire sont galement rgis par la Loi constitutionnelle de 1867, soit, notamment, les prescriptions relatives la recommandation royale des crdits [art. 54 et 90], la sanction royale [art. 56], au serment dallgeance [art. 128] et lemploi du franais ou de langlais dans les dbats et les journaux de lAssemble [art. 133]. Cest par contre la Loi constitutionnelle de 19829 qui traite de la dure maximale dune lgislature [art. 4] et de lobligation pour celle-ci de tenir une sance au moins une fois par anne [art. 5].

1.2.2 Les loisLa loi la plus importante pour linstitution parlementaire qubcoise est sans aucun doute la Loi sur lAssemble nationale10. Cette dernire est6 Les articles 179 et 180 du Rglement dictent ce qui suit : 179. La procdure de lAssemble est rgie : 1o par la loi ; 2o par son rglement et ses rgles de fonctionnement ; 3o par les ordres quelle adopte. . 180. Au besoin, la procdure est dtermine en tenant compte des prcdents et des usages de lAssemble. 7 Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, c. 3 (R.-U.) (reproduite dans L.R.C. 1985, App. II, no 5). 8 N.B. Broadcasting Co. c. N.-., [1993] 1 R.C.S. 319. Voir le chapitre 2 : Les privilges parlementaires . 9 Loi constitutionnelle de 1982, 1982, c. 11 (R.-U.) (reproduite dans L.R.C. 1985, App. II, no 44). 10 Loi sur lAssemble nationale, L.R.Q., c. A-23.1.

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centrale pour le fonctionnement et lorganisation de lAssemble nationale. Compte tenu quelle porte sur le fonctionnement de lAssemble mme, un organe de ltat qubcois, la Loi sur lAssemble nationale fait partie de la Constitution du Qubec11. Dailleurs, diverses mesures prvues dans la Loi sur lAssemble nationale taient initialement prvues dans la Loi constitutionnelle de 1867. Cest en vertu de son pouvoir de lgifrer en matire de constitution provinciale que des mesures constitutionnelles touchant lAssemble nationale ont pu tre modifies par la Loi sur lAssemble nationale12. La Loi sur lAssemble nationale comporte des prescriptions concernant notamment la composition, la dure et les pouvoirs de lAssemble et dautres qui sont relatives la procdure et aux lois adoptes par lAssemble nationale. Elle comprend galement de nombreuses dispositions portant sur les droits, privilges et immunits rattachs linstitution parlementaire et ses membres. Il sagit essentiellement de la codification des privilges constitutionnels que lAssemble et ses membres dtenaient dj de faon inhrente13. galement, cette loi rgit toute ladministration de lAssemble et constitue, cette fin, le Bureau de lAssemble nationale, qui exerce une fonction de contrle et de rglementation sur les divers aspects administratifs de cette dernire.

11 Dans larrt SEFPO c. Ontario (Procureur gnral), [1987] 2 R.C.S. 2, 37, 38 et 40, la Cour suprme du Canada mentionne ce qui suit eu gard la Constitution de la province de lOntario : La constitution de lOntario, comme celle des autres provinces et du Royaume-Uni, mais contrairement celle de nombreux tats, ne se trouve pas dans un document complet appel constitution. Elle se trouve en partie dans une varit de dispositions lgislatives. Certaines de ces dispositions ont t adoptes par le Parlement de Westminster, comme les articles 58 70 et 82 87 de la Loi constitutionnelle de 1867. Dautres dispositions relatives la constitution de lOntario ont t adoptes par voie de lois ordinaires de la lgislature de lOntario comme, par exemple, The Legislative Assembly Act, The Representation Act, The Executive Council Act. Une autre partie de la constitution de lOntario est forme de rgles de common law, nonces ou reconnues au cours des ans par les tribunaux. Plusieurs de ces rgles de common law concernent la prrogative royale. 12 Parmi ces mesures, il y a : la composition de lAssemble [LAN, art. 1 et 2 ; Loi constitutionnelle de 1867, art. 71 et 80] ; le Prsident [LAN, art. 19 et suiv. ; Loi constitutionnelle de 1867, art. 44-49 et 87] ; le quorum [LAN, art. 8 ; Loi constitutionnelle de 1867, art. 48 et 87], etc. Le pouvoir de lgifrer en matire de constitution provinciale est prvu dans larticle 45 de la Loi constitutionnelle de 1982. Celui-ci prvoit que, [s]ous rserve de larticle 41, une lgislature a comptence exclusive pour modifier la constitution de sa province . Ce pouvoir tait initialement prvu larticle 92 (1) de la Loi constitutionnelle de 1867. 13 Voir le chapitre 2 : Les privilges parlementaires .

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Plusieurs autres lois dictent des exigences ou des rgles de procdure qui doivent tre suivies lAssemble ou en commission. Lorsquune loi prvoit une telle procdure, celle-ci a priorit sur toute autre rgle qui tire sa source du Rglement, des Rgles de fonctionnement, des ordres, des prcdents ou des usages de lAssemble. Une telle rgle de procdure lgislative ne peut tre mise de ct en raison du consentement unanime de lAssemble ou par leffet de ladoption dun ordre spcial lAssemble. En effet, une loi, qui est un acte du Parlement, ne peut tre mise de ct par un ordre14 de lAssemble nationale qui, elle, nest quune composante du Parlement15. Les procdures parlementaires contenues dans les lois ont trait principalement la nomination ou la destitution par lAssemble dune personne exerant certaines fonctions publiques, lattribution dun mandat particulier une commission parlementaire, au dpt de certains documents et ltablissement de certaines rgles relatives des dbats, comme celui qui concerne la dtermination de la question rfrendaire.

1.2.3 Le Rglement et les Rgles de fonctionnementNous avons vu prcdemment que, en vertu de leur pouvoir de rgir leurs affaires internes sans ingrence extrieure, les assembles lgislatives peuvent tablir leurs rgles de procdure et ont le pouvoir exclusif de les interprter. Au Qubec, ce pouvoir de lAssemble nationale est galement codifi larticle 9 de la Loi sur lAssemble nationale selon lequel lAssemble tablit les rgles de sa procdure et est seule comptente pour les faire observer. En application de ce pouvoir quelle possde, lAssemble nationale a donc adopt en mars 1984 le Rglement et les Rgles de fonctionnement qui rgissent ses travaux aujourdhui16, en remplacement du prcdent rglement adopt en 1972. Il sagit de lensemble le plus important de rgles crites. Il contient les rgles que sest donnes lAssemble pour rgir ses travaux ainsi que ceux de ses commissions. Les modalits du processus lgislatif et du processus budgtaire, le droulement dune sance, les rgles14 Voir le chapitre 8 : Le processus dcisionnel . 15 cet gard, larticle 2 de la Loi sur lAssemble nationale prvoit notamment que [l]Assemble nationale et le lieutenant-gouverneur constituent le Parlement du Qubec . Voir aussi le chapitre 12 : Le consentement unanime et les autres moyens de drogation au Rglement . 16 Adopt titre provisoire le 20 juin 1984, le Rglement a t reconduit le 20 juin suivant. Le 4 avril 1985, lAssemble a dcid de lui confrer un caractre permanent compter du 16 avril 1985.

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des dbats et des temps de parole, de mme que les divers contrles parlementaires, y sont numrs. Le Rglement de lAssemble nationale et ses Rgles de fonctionnement constituent des ordres permanents que se donne lAssemble elle-mme et qui demeurent en vigueur malgr la prorogation dune session ou encore la dissolution dune lgislature17. Cest la Commission de lAssemble nationale qui a le mandat dtablir le rglement de lAssemble et ses rgles de fonctionnement ainsi que celles des commissions. Elle les soumet ensuite lapprobation de lAssemble [RAN, art. 116(1)]. Pour que celle-ci soit en mesure de sadapter lvolution de notre socit, ses rgles de procdure sont en constante volution. Dans certains cas, les dputs adoptent des modifications mineures aux rgles de procdure. Dans dautres cas, ils entament un processus de rflexion pouvant mener des modifications importantes cet gard. Dans le langage parlementaire, ce processus de rflexion est appel rforme parlementaire . La Commission de lAssemble nationale a galement la responsabilit dtudier les questions de la rforme parlementaire. En principe, elle le fait par la voie dune sous-commission permanente [RAN, art. 117]18. Pour permettre un quilibre dmocratique lors des dlibrations parlementaires, la tradition fait en sorte que les rgles de procdure parlementaire sont le fruit dun consensus entre les membres de lAssemble. Cest pourquoi lusage veut que les modifications au Rglement et aux Rgles de fonctionnement soient adoptes lunanimit des membres de lAssemble19.17 Geoffrion 1941, art. 10, annotation 1 : Leffet dune rsolution de la Chambre prend fin avec la clture de la session, moins quelle nait pour objet dtablir, dabroger ou de modifier le rglement permanent. 18 Voir le chapitre 14 : Les commissions parlementaires . 19 De la 30e la 36e Lgislature, il est arriv une seule fois que le Rglement ait t modifi sans laval de lopposition officielle. Le 31 juillet 1974, alors que lAssemble tait compose de 110 membres, dont 102 du groupe formant le gouvernement (Parti libral du Qubec), les 6 dputs de lopposition officielle (Parti qubcois) et les 2 dputs indpendants ont vot contre une modification larticle 144 du Rglement relative lenregistrement des dbats de la Commission des engagements financiers. Cette exception mise part, toutes les modifications au Rglement ont t adoptes lunanimit, sauf dans les cas suivants : le 21 mars 1974, M. Fabien Roy (Beauce-Sud) et M. Camil Samson (Rouyn-Noranda) se sont abstenus lors de ladoption dune modification sessionnelle du Rglement touchant le droit de parole des dputs nappartenant pas un parti reconnu ; le 25 mars 1976, M. Fabien Roy (Beauce-Sud) et M. Auguste Choquette (Outremont) ont vot contre une motion de modifications permanentes du Rglement. cette occasion, le dput de BeauceSud a justifi sa dcision sur le fait que les reprsentants de partis politiques non reconnus navaient pas un droit de parole quivalent celui des autres partis. Le

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1.2.4 Lordre spcial de lAssembleIl est frquent que lAssemble, pour divers motifs, adopte une motion tablissant une procdure diffrente de celle qui est prvue dans le Rglement, et ce, pour rgir provisoirement une situation particulire. Une telle motion est habituellement prsente lorsque la situation lexige au cours des travaux de lAssemble. La motion, une fois adopte, se transformera en ordre de lAssemble suivant les prescriptions de larticle 186 du Rglement. Cet ordre spcial a priorit sur toute disposition du Rglement auquel il droge implicitement20.

1.2.5 Les prcdentsLes prcdents constituent une autre source importante de la procdure. Dans lexercice de ses fonctions, la prsidence de lAssemble et des commissions doit interprter le Rglement. Au moment de lapplication du Rglement une diversit de situations, des ambiguts et des difficults dinterprtation peuvent surgir dans des cas prcis. Les nombreux rappels au rglement soulevs par les dputs obligent la prsidence prciser maints points portant sur la procdure. De plus, le Rglement amne le Prsident signaler immdiatement toute violation du rglement dont il a connaissance. Il est galement investi dun pouvoir dcisionnel relativement certains actes de procdure. Au fil des ans, la prsidence a labor des critres qui le guident dans lexercice de ce pouvoir. Larticle 41 du Rglement prvoit que le Prsident se prononce sur les rappels au rglement au moment o il le juge opportun, en indiquant le motif de sa dcision. Ainsi, il peut rendre une dcision lorsque cela lui convient21.2 avril 1976, le dput de Beauce-Sud a t de nouveau dissident sur une motion de modification sessionnelle accordant au chef dun parti reconnu lors de la lgislature prcdente un temps de parole quivalent celui qui tait prvu pour les chefs des partis reconnus autres que le premier ministre et le chef de lopposition officielle. Le 21 juin 1977, sept dputs se sont abstenus sur une motion proposant de porter de 30 45 minutes la priode des questions. Enfin, le 6 dcembre 2001, le dput indpendant de Rivire-du-Loup, M. Mario Dumont, sest abstenu lors de ladoption de modifications temporaires au Rglement relatives aux ptitions, la procdure dexception et au dlai dadoption des projets de loi. 20 Geoffrion 1941, art. 218 ; JD, 3 mars 1999, p. 22 et 23 (Jean-Pierre Charbonneau) / Recueil de dcisions concernant la procdure parlementaire, no 18/1. Notons toutefois quune entente entre les leaders des groupes parlementaires ntant pas un ordre, elle ne saurait lier lAssemble (JD, 30 juin 1972, p. 1772 et 1773 (Jean-Nol Lavoie) / Recueil de dcisions concernant la procdure parlementaire, no 179 (3)/1). 21 JD, 30 mai 1990, p. 2719-2725 (Jean-Pierre Saintonge) / Recueil de dcisions concernant la procdure parlementaire, no 41/1.

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Selon les circonstances, il peut faire connatre sa dcision sur-le-champ au cours de la sance ou prendre la question en dlibr pour en tudier tous les aspects et vrifier les prcdents et les auteurs. Il rend ses dcisions publiquement durant une sance ou parfois en priv. Cette dernire catgorie de dcisions se nomme private ruling. En somme, [l]es dcisions du Prsident, quelles soient rendues en public ou en priv, constituent des prcdents que ses successeurs la prsidence, ainsi que les dputs et fonctionnaires, prennent pour guides. Ces prcdents rassembls peuvent aboutir la formulation dun principe ou dune rgle de procdure22. Toutefois, la prsidence garde toujours une marge de manuvre et un pouvoir dapprciation pour adapter la jurisprudence et la tradition aux circonstances nouvelles. En fait, la concidence parfaite de deux rappels au rglement tant rare, les dcisions antrieures, bien quelles puissent clairer utilement les dbats, manquent souvent de la prcision dsirable et ne sauraient ds lors emporter la certitude23 . Enfin, comme nous lavons mentionn prcdemment, le Prsident a le pouvoir exclusif dinterprter les rgles de droit parlementaire. Cest pourquoi il ny a pas dappel des dcisions de la prsidence. cet gard, le deuxime alina de larticle 41 du Rglement dicte expressment que la dcision du Prsident ou de lAssemble ne peut tre discute24.

1.2.6 Lusage, la tradition et la pratiqueLes usages, les traditions et la pratique constituent une autre source de la procdure. Rappelons que le parlementarisme qubcois sest forg au cours de deux sicles dvolution. Ces rgles non crites viennent souvent expliquer les raisons justifiant une procdure particulire. Dans des situations o le Rglement est silencieux, il est parfois utile de se rfrer aux usages, aux traditions et la pratique. De mme, lorsque le Rglement est muet ou manque de prcision sur un point donn, il est permis de recourir aux dispositions des anciens rglements de lAssemble25. En cette matire, il faut toutefois tre prudent. Ce nest pas parce que le Rglement na pas repris une disposition qui se trouvait dans un ancien rglement quil est forcment muet ou imprcis sur la question. Sil est possible de recourir loccasion aux anciens rglements22 A. BEAUCHESNE, 6e d., p. 6. 23 Id., p. 7. 24 Voir le chapitre 3 : La prsidence . 25 JD, 12 avril 1976, p. 594 et 595 (Jean-Nol Lavoie) / Recueil de dcisions concernant la procdure parlementaire, no 180/1.

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pour complter les rgles de procdure actuellement en vigueur, cela ne devrait se faire que dans les circonstances o lactuel rglement ne peut rpondre la question souleve26. Et encore, on aura peut-tre voulu tout simplement carter lancienne rgle. Cest pourquoi le recours une ancienne disposition rglementaire doit, dans chaque cas, faire lobjet dune analyse pralable minutieuse. La situation serait sans doute moins complexe si, linstar de certaines assembles, lAssemble nationale avait abrog les rglements antrieurs. Ces rglements font partie de lvolution rglementaire des rgles de procdure de lAssemble nationale ; ce titre, linterprte peut et doit les consulter pour la lumire quils jettent sur le rglement actuel. Le recours aux usages, aux traditions et la pratique dautres assembles lgislatives qui ont le mme mode de fonctionnement que le ntre est aussi envisageable. Cependant, la prudence est de mise quand vient le temps dimporter des rgles de procdure. Certes, il est possible de sen inspirer. Cela commande toutefois la mme vigilance que pour le recours aux anciens rglements de notre propre Assemble. Rappelons que les principales sources de procdure de lAssemble nationale sont dabord le Rglement, les Rgles de fonctionnement et, ensuite, ses prcdents et usages.

1.2.7 Les auteursIl peut tre avantageux de consulter les auteurs de diverses publications portant sur le droit et la procdure parlementaires. Un petit nombre dauteurs ont ainsi collig, rassembl et comment les origines et les modalits de la procdure parlementaire, les traditions et les prcdents. Ces quelques auteurs font autorit dans ce domaine spcialis que constitue la procdure parlementaire. Comme nous partageons avec les autres assembles du type britannique le mme systme parlementaire, nous consultons souvent les auteurs qui se sont penchs sur le fonctionnement de ces assembles. Il faut toutefois toujours valuer la pertinence dutiliser une source doctrinale externe pour interprter une rgle particulire lAssemble27.

26 JD, 23 mars 1999, p. 723-725 (Jean-Pierre Charbonneau) / Recueil de dcisions concernant la procdure parlementaire, no 308/7. 27 Pour se familiariser avec les principaux auteurs consults lAssemble nationale, voir la bibliographie du prsent ouvrage.

2 Les privilges parlementaires

2 Les privilges parlementairesUne des procdures parlementaires les plus complexes auxquelles peut avoir faire face le prsident dune assemble lgislative du type britannique comme lAssemble nationale est la question de privilge. En vertu de cette procdure, tout dput peut signaler lAssemble soit une violation dun droit ou dun privilge parlementaire reconnu, soit un outrage au Parlement. Parfois, les dputs peuvent avoir la question de privilge facile. Cette dernire nest pas une panace. Le privilge tant un droit exceptionnel et, pour ainsi dire, exorbitant du droit commun, il ne pourra tre invoqu qu bon escient, sinon il naura aucune signification. Du reste, la question de privilge est souvent confondue avec les rappels au rglement, lesquels ont pour objet de porter la connaissance de la prsidence toute drogation aux dispositions du Rglement, ou encore aux usages des dbats ou de la procdure lgislative. Il revient donc la prsidence de sassurer que les privilges conservent leurs lettres de noblesse. Le prambule de la Loi constitutionnelle de 1867 prvoit notamment que la constitution canadienne repose sur les mmes principes que celle du Royaume-Uni. Compte tenu du fait que le systme de dmocratie parlementaire canadien est calqu sur celui qui existe au Royaume-Uni, toutes les assembles lgislatives canadiennes, y compris lAssemble nationale, jouissent de privilges parlementaires semblables ceux quont les chambres du Parlement du Royaume-Uni ainsi que leurs membres. Les membres dune assemble lgislative bnficient de privilges parlementaires par rapport la Couronne et la magistrature : Cet tat de choses a dcoul dun conflit entre le Parlement, la Couronne et la magistrature au Royaume-Uni1. Les chambres du Parlement du Royaume-Uni ont dabord eu beaucoup de difficults faire reconnatre et respecter leurs privilges par la Couronne. maintes reprises, le souverain a fait fi des privilges que revendiquaient les membres de ces chambres pour justifier

1 N.B. Broadcasting Co. c. N.-.,[1993] 1 R.C.S. 319, 342.

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leur indpendance2. Pour ce qui est du conflit avec la magistrature, il a pris dans certains cas la forme dune vritable lutte3. Ce nest quen 1689 quune assise juridique officielle sous-tendant les privilges parlementaires a vu le jour au Royaume-Uni. Il sagit du Bill of Rights par lequel lindpendance des chambres du Parlement par rapport aux autres branches de ltat se voyait confirme (voir la section 2.1.4). Les privilges parlementaires sont ncessaires pour que les membres dune assemble lgislative puissent exercer leur rle en toute indpendance : Le contenu et la porte des privilges parlementaires ont [dailleurs] volu en fonction de leur ncessit4. Cest pourquoi [l]es catgories de privilges ne se sont pas dveloppes de la mme faon dans la lgislature coloniale du Canada et ailleurs, et il ressort nettement de la jurisprudence que les pouvoirs rputs ncessaires dans les chambres du Parlement du Royaume-Uni ntaient pas toujours rputs ncessaires dans dautres contextes5 . Ainsi, les tribunaux du Royaume-Uni ont reconnu quune assemble lgislative coloniale, ds sa cration, possdait de faon inhrente les pouvoirs jugs ncessaires lexercice de ses fonctions. Toutefois, lesdits pouvoirs ntaient pas aussi tendus que ceux des chambres du Parlement imprial (voir la section 2.1.3). Ce nest quen 1896 que le Comit judiciaire du Conseil priv a reconnu le droit aux assembles canadiennes de jouir pleinement des bnfices de tous les privilges parlementaires britanniques, en dcidant que le Parlement du Canada ainsi que les lgislatures

2 titre dexemple, en 1629, linitiative de Charles I, des membres de la Chambre des communes ont t condamns pour avoir tenu des propos sditieux dans le cadre des dlibrations parlementaires. Voir : Erskine MAY, Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, 21e d., Londres, Butterworths, 1989, p. 73. Voir aussi : Le privilge dans un contexte historique, Chambre des communes, Direction des recherches pour le Bureau, juin 1990, p. 3 et 4. 3 Lexemple terre-neuvien dans Kielley c. Carson, (1842) 4 Moo. P.C. 63, 13 E.R. 225 (P.C.), est dailleurs loquent cet gard. Relativement cette affaire, lauteur Joseph MAINGOT, Le privilge parlementaire au Canada, 2e d., Cowansville, ditions Yvon Blais, 1997, p. 284, mentionne qu [a]prs que le tribunal eut prononc la nullit de lacte de procdure en vertu duquel le docteur Kielley avait t emprisonn (cest--dire lordre demprisonnement de lAssemble), la Chambre ordonna lemprisonnement du juge et du shrif et le matin du 13 aot 1838, les citoyens de St. John purent assister au spectacle dun vnrable juge de la Cour suprme conduit travers la ville jusqu la prison par le sergent darmes portant la masse . 4 N.B. Broadcasting Co. c. N.-., [1993] 1 R.C.S. 319, 343. 5 Id., 343 et 344.

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provinciales avaient le pouvoir de lgifrer en matire de privilge parlementaire6. En 1993, la Cour suprme du Canada a rendu un arrt fort attendu en matire de privilge parlementaire. Il sagit de larrt N.B. Broadcasting Co. c. N.-.7 ci-aprs dnomm larrt Donahoe, du nom de lappelant, alors prsident de lAssemble lgislative de la Nouvelle-cosse. Pour la premire fois, le plus haut tribunal du pays tait saisi dune problmatique dans laquelle les questions en litige portaient principalement sur lapplication des privilges parlementaires dans le contexte canadien. Mme si plusieurs questions demeurent toujours en suspens, la Cour suprme a apport certaines prcisions indites relativement lapplication au Canada de ces privilges issus du parlementarisme britannique. Nous en savons maintenant un peu plus en ce qui a trait leur nature et leur porte. Avant de traiter de faon prcise de lapplication concrte des privilges parlementaires lAssemble nationale et de la procdure qui permet de signaler une violation des privilges de lAssemble et de ses membres, il importe, dans un premier temps, de sattarder sur la dfinition, la porte et le statut juridique de ces privilges.

2.1 LE CONCEPT DE PRIVILGE PARLEMENTAIRE2.1.1 Sa dfinitionLes privilges parlementaires sont des droits et des avantages restreints accords individuellement ou collectivement aux membres dune assemble lgislative agissant en cette qualit. Ils sont appels privilges parce quils drogent au droit commun. Quoiquils soient mconnus, ils sont considrs comme ncessaires lexercice des fonctions lgislatives dans notre systme de dmocratie parlementaire. La dfinition des privilges parlementaires du type britannique unanimement reconnue par la doctrine et la jurisprudence est celle dErskine May : Parliamentary privilege is the sum of the peculiar rights enjoyed by each House collectively as a constituent part of the High Court of Parliament, and by Members of each House individually, without which they could not discharge their functions, and which exceed those possessed by other bodies or individuals. Thus privilege, though part of the law of the land, is to a certain extent an exemption from the general law. Certain rights and immunities such as freedom

6 Fielding c. Thomas, [1896] A.C. 600. 7 N.B. Broadcasting Co. c. N.-. [1993] 1 R.C.S. 319.

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from arrest or freedom of speech belong primarily to individual Members of each House and exist because the House cannot perform its functions without unimpeded use of the services of its Members. Other such rights and immunities such as the power to regulate its own constitution belong primarily to each House as a collective body, for the protection of its Members and the vindication of its own authority and dignity. Fundamentally, however, it is only as a means to the effective discharge of the collective functions of the House that the individual privileges are enjoyed by Members 8.

En droit parlementaire, si les auteurs sentendent habituellement sur la porte des privilges parlementaires, le vocabulaire employ pour les dsigner et les classifier varie sensiblement. La liste des privilges parlementaires peut dailleurs tre plus ou moins longue selon la dsignation et la classification choisies. Nous croyons toutefois que ce nest pas lappellation des privilges qui importe, mais plutt leur porte relle. Dans le prsent expos, nous avons retenu la dsignation et la classification de Joseph Maingot. Selon cet auteur, les privilges individuels gnralement accords aux membres dune assemble lgislative sont la libert de parole, limmunit darrestation en matire civile, lexemption de lobligation de faire partie dun jury, et le privilge relatif lassignation comparatre comme tmoin9 . Toujours daprs Maingot, les privilges confrs collectivement aux membres dune assemble lgislative, quant eux, se composent gnralement du pouvoir de rprimer loutrage, du droit de prescrire leur propre constitution, du droit de rglementer leurs affaires internes labri de toute ingrence, ce qui inclut le droit de prendre des mesures disciplinaires contre leurs membres, le droit denquter, le droit de convoquer des tmoins (tmoignages, documents et dossiers) et le droit dtablir leur propre code de procdure10 . Les privilges parlementaires sont suffisamment tendus pour constituer un rempart la sauvegarde [de] la dmocratie , en assurant aux parlementaires une plus grande libert de parole et daction 11. Ils nont toutefois pas pour effet de placer tous gards les parlementaires labri de lapplication du droit commun. Bien quils soient singuliers, ces privilges

8 Erskine MAY, Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, 22e d., Londres, Butterworths, 1997, p. 65. 9 Joseph MAINGOT, Le privilge parlementaire au Canada, 2e d., Canada, Chambre des communes et Presses universitaires McGill-Queens, 1997, p. 15. 10 Id. 11 R. c. Gabriel Fontaine, Cour du Qubec, Chambre criminelle, Qubec, nos 200-01001581-911, 200-01-001582-919, 9 janvier 1992.

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sont par ailleurs restreints ce qui est ncessaire lexercice des fonctions parlementaires. Ils sont en quelque sorte accessoires : The distinctive mark of a privilege is its ancillary character. The privileges of Parliament are rights which are absolutely necessary for the due execution of its powers . They are enjoyed by individual Members, because the House cannot perform its functions without unimpeded use of the services of its Members ; and by each House for the protection of its Members and the vindication of its own authority and dignity12.

2.1.2 Le statut juridique des privilges parlementaires : le critre de ncessitCest dans larrt Donahoe que le statut juridique des privilges parlementaires au Canada a t prcis aux fins de lapplication de la Charte canadienne des droits et liberts aux assembles lgislatives. La Cour suprme a tabli dans cet arrt que les principaux privilges parlementaires nont pas tre inclus dans une loi pour tre reconnus. En fait, elle a confirm ce qui avait t dcid dans des arrts antrieurs, soit que les assembles lgislatives canadiennes possdent, de faon inhrente, des privilges parlementaires ncessaires leur bon fonctionnement. Quant au statut juridique de ces privilges, la majorit de la Cour suprme est davis que les privilges parlementaires inhrents font partie du groupe de principes constitutionnaliss en vertu du prambule de la Loi constitutionnelle de 1867. Ainsi, la Constitution crite nannule pas lintention manifeste, exprime dans [son] prambule [], que le Canada conserve les prceptes constitutionnels fondamentaux qui sous-tendaient la dmocratie parlementaire britannique13 . La majorit de la Cour suprme dans larrt Donahoe sest toutefois bien garde daccorder sans nuance un statut constitutionnel tous les privilges parlementaires. En fait, ce sont les privilges inhrents des organismes lgislatifs du Canada [qui] font partie du groupe de principes constitutionnaliss 14 , cest--dire certains privilges trs restreints qui taient ncessaires au maintien de lordre et de la discipline dans lexercice de leurs fonctions15 . Toujours selon la majorit, pour dterminer sil y a12 Erskine MAY, Treatise on the Law, Privileges, Procedings and Usage of Parliament, 20e d., Londres, Butterworths, 1983, p. 70 et 71. 13 Arrt Donahoe, 377. 14 Id. 15 Id.

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un privilge inhrent, cest--dire un privilge jouissant dun statut constitutionnel, il faut appliquer le critre de ncessit. La majorit de la Cour suprme dans larrt Donahoe nonce donc que les privilges inhrents des assembles lgislatives canadiennes ont un statut constitutionnel, en vertu du prambule de la Loi constitutionnelle de 1867. Comme les privilges inhrents sont ceux qui sont absolument ncessaires lexercice des fonctions parlementaires, la majorit propose un critre de ncessit quelle a dgag des principaux arrts antrieurs qui portent sur les privilges inhrents des assembles lgislatives coloniales, ainsi que sur les privilges inhrents des assembles lgislatives canadiennes. Le critre de ncessit propos par la Cour suprme nest pas une notion nouvelle en droit parlementaire. La Cour se sert tout simplement du mme critre de ncessit que les tribunaux ont utilis par le pass pour dfinir les privilges parlementaires inhrents, mais, cette fois, pour justifier leur statut constitutionnel. Eu gard lapplication du critre de ncessit, la majorit de la Cour suprme donne lexplication suivante : Le critre de ncessit est appliqu non pas comme une norme pour juger le contenu du privilge revendiqu, mais pour dterminer le domaine ncessaire de comptence parlementaire ou lgislative absolue et exclusive. Si une question relve de cette catgorie ncessaire de sujets sans lesquels la dignit et lefficacit de lAssemble ne sauraient tre maintenues, les tribunaux nexamineront pas les questions relatives ce privilge. Toutes ces questions relveraient plutt de la comptence exclusive de lorganisme lgislatif. [...] Les paramtres de cette comptence sont dtermins par ce qui est ncessaire pour que lorganisme lgislatif soit capable de fonctionner. Selon cette dfinition, le principe de ncessit englobera non seulement certains privilges revendiqus, mais aussi le pouvoir de dterminer, de trancher et dappliquer ces privilges16. 16 Id., 383 et 384. Toutefois, dans larrt Harvey c. Nouveau-Brunswick (P. G.), [1996] 2 R.C.S. 876, la juge McLachlin semble dopinion que les tribunaux auraient un rle jouer pour dterminer si lexercice particulier dun privilge constitutionnel est ncessaire au bon fonctionnement de la lgislature et la prservation de son intgrit. En ce qui a trait au conflit qui pourrait survenir entre des droits individuels et le privilge parlementaire, la juge est de lavis suivant : On peut soutenir que, sous le rgime britannique de la suprmatie du Parlement, les tribunaux ne jouent aucun rle dans la surveillance de lexercice du privilge parlementaire. Au Canada, la situation a chang du fait que la Charte nonce des valeurs qui, dans certains cas, peuvent entrer en conflit avec lexercice de ce privilge. Pour viter que des abus

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Ainsi, les privilges constitutionnels inhrents sont ceux qui sont ncessaires la dignit et lefficacit de lAssemble et ceux qui sont ncessaires pour que cette dernire puisse fonctionner. Il sagit forcment de privilges trs restreints. Le problme de ltendue relle de ces privilges constitutionnels demeure toutefois entier, la majorit des juges stant borne, dans larrt Donahoe, en dresser une liste qui, de toute vidence, nest pas exhaustive, puisquelle est exclusivement compose des privilges alors en litige. cet gard, la Cour dclare ceci : Parmi les privilges spcifiques qui ont pris naissance au RoyaumeUni, il y a les suivants : a) la libert de parole, y compris limmunit contre les poursuites civiles relativement toute affaire dcoulant de lexercice des fonctions de membre de lAssemble ;

sous le couvert dun privilge clipsent des droits lgitimes garantis par la Charte, les tribunaux doivent examiner la lgitimit dune revendication de privilge parlementaire [p. 918]. [] En gros, cela dmontre comment le principe constitutionnel du privilge parlementaire peut tre concili avec les garanties dmocratiques de la Charte. Larticle 3 de la Charte garantit que les candidats ne se verront pas refuser une charge dlu pour un motif de discrimination fond notamment sur la race, la classe sociale ou le sexe. Il ne supprime pas, toutefois, le privilge historique de la lgislature de dclarer inligibles les personnes qui se rendent inhabiles pour cause de crime, de corruption ou dune autre inconduite [] Cette mthode permet de prserver le privilge parlementaire et le principe de la sparation des pouvoirs, tout en assurant la protection de droit, garanti par lart. 3 de la Charte, de ne pas tre cart dune charge publique pour des motifs nayant rien voir avec la ncessit pour la lgislature de prserver lordre et lintgrit de son processus [p. 920]. Ainsi, mme si elle reconnat que [l]e pouvoir du Parlement dexpulser un dput est indubitable (p. 921), la juge semble davis quun tribunal serait justifi dexaminer une dcision prise par une assemble en vertu de ce privilge afin de dterminer si le privilge a t utilis pour des motifs valables. En dautres mots, un dput qui aurait t expuls par une assemble pourrait donc faire rviser cette dcision en invoquant quil a t victime de discrimination. Quen est-il dun employ de lAssemble qui serait congdi ? Pourrait-il galement invoquer des motifs de discrimination pour faire rviser la dcision de lAssemble, et ce, malgr le droit qua lAssemble de choisir et de diriger son personnel ? ce sujet, voir : infra, note 82. Mme si la question des privilges parlementaires na pas t aborde par la majorit, lopinion de la juge McLachlin laquelle souscrit la juge LHeureuxDub doit tre srieusement prise en considration puisque cest elle qui a rdig lopinion majoritaire dans larrt Donahoe.

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b) le contrle exclusif par lAssemble de ses propres dbats ; c) lexpulsion des trangers de lAssemble et de ses environs ; d) le contrle de la publication des dbats de lAssemble17. Ainsi, des quatre privilges relevs dans la section 2.1.1 dont jouissent titre individuel les membres dune assemble lgislative du type britannique, la Cour suprme en qualifie dj deux de privilges constitutionnels non crits inhrents , soit la libert de parole et limmunit darrestation en matire civile. Du reste, il sagit de privilges qui [l]ors de la cration des Assembles lgislatives du Haut et du Bas-Canada par la Loi constitutionnelle de 1791 [...] faisaient partie des privilges accords par ncessit aux membres des deux Chambres, cest--dire des privilges absolument ncessaires lexercice normal des pouvoirs des Assembles18 . Pour ce qui est de lexemption de lobligation de faire partie dun jury et du privilge relatif lassignation comparatre comme tmoins, malgr le silence de la Cour, nous ne croyons pas draisonnable de prtendre quils pourraient galement tre qualifis de privilges inhrents . De fait, ces privilges sont apparents aux privilges de la libert de parole et de limmunit darrestation en matire civile et, comme ces derniers, ils sont justifis par the prior claim of the House to the service of its Members19 . Que pourrait-il en tre maintenant des privilges collectifs numrs dans la section 2.1.1, soit le pouvoir de rprimer loutrage, le droit de prescrire leur propre constitution, le droit de rglementer leurs affaires internes labri de toute ingrence, le droit de prendre des mesures disciplinaires contre les autres membres, le droit denquter, de convoquer des tmoins et de rassembler des lments de preuve et le droit dtablir leur propre code de procdure ? Rappelons quil sagit de la liste de privilges collectifs retenue par lauteur Maingot dans son ouvrage intitul Le privilge parlementaire au Canada20. Quant savoir sils sont tous des privilges constitutionnels non crits inhrents, il sagit dun questionnement auquel il est difficile de rpondre. cet gard, mentionnons dabord que, aprs avoir numr ces privilges collectifs, Maingot prcise ce qui suit : Nous verrons que, de faon gnrale, les pouvoirs, droits, immunits et privilges de lassemble lue et des dputs visent permettre ces derniers dassister aux travaux de lassemble sans tre drangs,

17 Id., 385. 18 J. MAINGOT, 2e d., p. 160. 19 Erskine MAY, Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, 19e d., Londres, Butterworths, 1976, p. 101. 20 J. MAINGOT, 2e d., p. 15.

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et permettre lassemble de sacquitter de ses fonctions et de protger linstitution parlementaire contre toute atteinte21.

De l qualifier de privilges constitutionnels non crits inhrents tous les privilges collectifs numrs ci-dessus, il y a un pas que nous ne sommes pas en mesure de franchir. Soulignons que, dans laffaire Assemble nationale c. Bayle22, la Cour du Qubec a reconnu la ncessit et, partant, le statut constitutionnel du privilge collectif que constitue le droit de rglementer les affaires internes sans ingrence extrieure. Par ailleurs, en ce qui a trait au pouvoir de rprimer loutrage, le Comit judiciaire du Conseil priv a dcid, dans larrt Kielley c. Carson23, that the House of Assembly [of the island of Newfoundland une assemble coloniale] did not possess the power of arrest with a view to adjucation on a complaint of contempt committed out of its doors24 . Pour justifier le fait que lassemble lgislative coloniale de Terre-Neuve navait pas le pouvoir de punir un outrage au Parlement commis lextrieur de ses murs, le Comit judiciaire sest bas sur la ncessit : [T]he power of punishing any one for past misconduct as a contempt of its authority, and adjudicating upon the fact of such contempt, and the measure of punishment as a judicial body, irresponsible to the party accused, whatever the real facts may be, is of a very different character, and by no means essentially necessary for the exercise of its functions by a local Legislature 25.

Au mme effet, dans larrt Doyle c. Falconer26, le Comit judiciaire du Conseil priv devait dcider si le pouvoir de punir un outrage commis en sa prsence tait ncessaire lexistence dune assemble coloniale comme celle de la Dominique. Le Comit judiciaire est all encore plus loin que dans larrt Kielley c. Carson et a tabli que lassemble lgislative navait pas un tel pouvoir. Se basant encore une fois sur la ncessit, le Comit judiciaire fait remarquer ceci : It is necessary to distinguish between a power to punish for a contempt, which is a judicial power, and a power to remove any obstruction offered to the deliberations or proper action of a

21 J. MAINGOT, 2e d., p. 15. 22 Assemble nationale c. Bayle, Cour du Qubec, Chambre civile, Montral, no 50002-030647-965, 22 janvier 1998. 23 Kielley c. Carson, (1843) 13 E.R. 225 (C.P.). 24 Id., 345. 25 Id., 348. 26 Doyle c. Falconer, (1866) L.R. 1 P.C. 328.

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Legislative body during its sitting, which last power is necessary for self-preservation. If a Member of a Colonial House of Assembly is guilty of disorderly conduct in the House whilst sitting, he may be removed, or excluded for a time, or even expelled ; but there is a great difference between such powers and the judicial power of inflicting a penal sentence for the offence. The right to remove for self-security is one thing, the right to inflict punishment is another27.

2.1.3 Le pouvoir de lgifrer en matire de privilge parlementaireNous avons vu prcdemment que les assembles lgislatives du type britannique comme lAssemble nationale jouissent de faon inhrente, et ce, ds leur cration, des privilges parlementaires ncessaires lexercice de leurs fonctions. Nous avons constat galement que, depuis 1867, ces privilges inhrents ont un statut constitutionnel en vertu du prambule de la Loi constitutionnelle de 1867. Quelques arrts au XIXe sicle laissaient prsager pourtant que les assembles lgislatives coloniales possdaient de faon inhrente des privilges parlementaires semblables ceux des chambres du Parlement du Royaume-Uni, cest--dire tous les privilges alors dtenus par celles-ci. [I]l fut rapidement tabli quau contraire ces chambres coloniales ne jouissaient en common law que des pouvoirs ncessaires au libre exercice de leur fonction lgislative28 et que, de ce fait, leurs pouvoirs inhrents ntaient pas aussi tendus que ceux du Parlement imprial. Le passage suivant de larrt Wallace c. A.G. B.C. [B.C.] rsume bien ltendue de lapplication des privilges parlementaires britanniques aux assembles lgislatives coloniales : The lex et consuetudo Parliamenti as known in England unlike the major part of the common law, has not been transplanted to Canada. The creation of legislative bodies overseas did not endow those bodies with privileges and powers of the English Parliament, which as stated above were primarily judicial in origin. Such creation did imply however, that these legislatures would need to exercise certain very moderate privileges which were necessary for the maintenance of order and discipline during the performance of their duties29.

27 Id., 340. Dans larrt Landers c. Woodworth, (1878) 2 R.C.S. 158, qui portait sur le pouvoir de punir pour outrage de lAssemble lgislative de la Nouvelle-cosse, la Cour suprme du Canada a suivi larrt Doyle c. Falconer. 28 Henri BRUN et Guy TREMBLAY, Droit constitutionnel, 4e d., Cowansville, ditions Yvon Blais, 2002, p. 326. 29 Wallace c. A.G.B.C. [B.C.], [1978] 1 W.W.R. 411 (C.S. C.-B.), 413 et 414.

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Toujours en ce qui a trait aux pouvoirs inhrents ncessaires au fonctionnement dune assemble coloniale, larrt Barton c. Taylor nonce notamment ce qui suit : The intention of that plea seems to have been to justify the trespass on the ground of a