pro sana lettre trimestrielle n 13 - pro mente sana · 2018. 12. 28. · lettre trimestrielle de...

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Octobre 2001 / No 13 Lettre trimestrielle de l’association romande Pro Mente Sana pro sana octobre 2001 Lettre trimestrielle N o 13 EDITORIAL L a rentrée s'annonce pleine d'aventures pour Pro Mente Sana - Romandie! Notre association étend ses activités et se redéploie. Notre nouveau conseil psy- chosocial est désormais à votre disposition des personnes intéressées pour répondre à toute question ou demande d'orientation concernant l'offre de soins et de soutien en Romandie. Mme Ariane ZINDER-Jeheber assure une permanence les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 10h à 13h au 022/ 809 10 12. Notre récente assemblée générale a également vu un changement à la présidence de notre association. Arri- vant au terme des deux années de son mandat, M. Gilles GODINAT a laissé la place à Mme Nelly GUICHARD. Qu'il soit remercié pour son engagement, porté par un inlassable idéal humaniste, une préoccupation constante de la prise en compte des intérêts des personnes concernées et l’attention apportée à la diversité romande. Mme GUICHARD, membre du bureau de l'association depuis 1998, est également députée au Grand Conseil du canton de Genève. Très concernée par les questions sanitaires et sociales, mais aussi par le monde du travail et l'enseignement, Mme GUICHARD est de surcroît membre du forum interparlementaire romand. Son apport, fait d'un mélange de détermination et de mesure, s'inscrira en pleine continuité de celui de ses pré- decesseurs, Mme Denise MARTIN et M. Gilles GODINAT. Parmi les métamorphoses qui nous attendent figure celle d'un prochain déménagement. Afin de pouvoir assurer sa mission et fournir des prestations de qualité, PMS- Romandie a augmenté sa force de travail au cours des deux dernières années, passant d'un 140% d'activités pour deux postes de travail à 240% pour quatre postes. Cette progression nous permettra d'assurer nos deux services de permanence téléphonique (conseil juridique et conseil psy- chosocial), d'améliorer la fiabilité et la rapidité de traite- ment de l'intendance administrative, de poursuivre notre travail de communication et de défense d'intérêts en faveur des usagers de la psychiatrie et de continuer à répondre aux demandes qui nous sont adressées en tant que partenaire et interlocuteur dans de nombreux chan- tiers en santé mentale et santé publique en Romandie. Désormais à l'étroit dans nos locaux de la rue Alcide-Jent- zer, nous déménagerons à la fin du mois d'octobre pour nous retrouver, dès le 1er novembre, au 40 de la rue des Vollandes, dans le quartier des Eaux-Vives à Genève. Nous vous y convions d'ores et déjà à une journée portes- ouvertes le jeudi 29 novembre, entre 11h et 14h! En ce qui concerne le présent numéro, nous somme par- ticulièrement heureux de pouvoir y éditer un résumé des conférences données par le Pr Raymond Massé les 2 et 3 avril derniers à Lausanne et Genève, portant sur la ques- tion des enjeux éthiques en santé mentale et santé publique. Les réflexions du Pr Massé sont d'un intérêt tout particuliers dans le contexte de remodelage actuel des systèmes de soins, des bases législatives et des impul- sions politiques dans ces deux domaines. Nous espérons par cette publication contribuer heureusement au débat. Nous réserverons également un espace à des nouvelles en provenance du canton de Vaud (nouvelle loi sur la santé publique), avec un rappel du progrès congrès de la Fondation suisse Pro Mente Sana. Vous trouverez encartés à cet envoi le programme de la saison 2001-2002 du Psy-Trialogue à Genève (l'évalua- tion des deux premières saisons est en cours et fera l'ob- jet d'une publication dans le prochain numéro de la Lettre trimestrielle) ainsi qu'une carte de présentation du BICEPS, cette structure d'écoute et d'information à l'in- tention des enfants de parents soignés en psychiatrie que nous avions présentée dans un récent article et qui vient d'ouvrir à Genève. Enfin, n'oublions pas la date du 10 octobre prochain, journée internationale des personnes souffrant de troubles psychiques. Le thème spécifique retenu par Pro Mente Sana cette année est celui de « Santé mentale et travail » et fera l'objet d'une campagne de presse natio- nale pour sensibiliser le grand public à cette question.

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  • Octobre 2001 / No 13 Lettre trimestrielle de l’association romande Pro Mente Sana

    pro sana octobre 2001Lettre trimestrielle No 13

    EDITORIAL

    La rentrée s'annonce pleine d'aventures pour ProMente Sana - Romandie! Notre association étend sesactivités et se redéploie. Notre nouveau conseil psy-chosocial est désormais à votre disposition des personnesintéressées pour répondre à toute question ou demanded'orientation concernant l'offre de soins et de soutien enRomandie. Mme Ariane ZINDER-Jeheber assure unepermanence les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 10h à13h au 022/ 809 10 12.

    Notre récente assemblée générale a également vu unchangement à la présidence de notre association. Arri-vant au terme des deux années de son mandat, M. GillesGODINAT a laissé la place à Mme Nelly GUICHARD. Qu'ilsoit remercié pour son engagement, porté par uninlassable idéal humaniste, une préoccupation constantede la prise en compte des intérêts des personnesconcernées et l’attention apportée à la diversité romande.Mme GUICHARD, membre du bureau de l'associationdepuis 1998, est également députée au Grand Conseildu canton de Genève. Très concernée par les questionssanitaires et sociales, mais aussi par le monde du travailet l'enseignement, Mme GUICHARD est de surcroîtmembre du forum interparlementaire romand. Sonapport, fait d'un mélange de détermination et demesure, s'inscrira en pleine continuité de celui de ses pré-decesseurs, Mme Denise MARTIN et M. Gilles GODINAT.

    Parmi les métamorphoses qui nous attendent figure celled'un prochain déménagement. Afin de pouvoir assurer samission et fournir des prestations de qualité, PMS-Romandie a augmenté sa force de travail au cours desdeux dernières années, passant d'un 140% d'activités pourdeux postes de travail à 240% pour quatre postes. Cetteprogression nous permettra d'assurer nos deux services depermanence téléphonique (conseil juridique et conseil psy-chosocial), d'améliorer la fiabilité et la rapidité de traite-ment de l'intendance administrative, de poursuivre notretravail de communication et de défense d'intérêts enfaveur des usagers de la psychiatrie et de continuer àrépondre aux demandes qui nous sont adressées en tantque partenaire et interlocuteur dans de nombreux chan-tiers en santé mentale et santé publique en Romandie.

    Désormais à l'étroit dans nos locaux de la rue Alcide-Jent-zer, nous déménagerons à la fin du mois d'octobre pournous retrouver, dès le 1er novembre, au 40 de la rue desVollandes, dans le quartier des Eaux-Vives à Genève. Nousvous y convions d'ores et déjà à une journée portes-ouvertes le jeudi 29 novembre, entre 11h et 14h!

    En ce qui concerne le présent numéro, nous somme par-ticulièrement heureux de pouvoir y éditer un résumé desconférences données par le Pr Raymond Massé les 2 et3 avril derniers à Lausanne et Genève, portant sur la ques-tion des enjeux éthiques en santé mentale et santépublique. Les réflexions du Pr Massé sont d'un intérêttout particuliers dans le contexte de remodelage actueldes systèmes de soins, des bases législatives et des impul-sions politiques dans ces deux domaines. Nous espéronspar cette publication contribuer heureusement au débat.Nous réserverons également un espace à des nouvellesen provenance du canton de Vaud (nouvelle loi sur lasanté publique), avec un rappel du progrès congrès dela Fondation suisse Pro Mente Sana.

    Vous trouverez encartés à cet envoi le programme de lasaison 2001-2002 du Psy-Trialogue à Genève (l'évalua-tion des deux premières saisons est en cours et fera l'ob-jet d'une publication dans le prochain numéro de la Lettretrimestrielle) ainsi qu'une carte de présentation duBICEPS, cette structure d'écoute et d'information à l'in-tention des enfants de parents soignés en psychiatrie quenous avions présentée dans un récent article et qui vientd'ouvrir à Genève.

    Enfin, n'oublions pas la date du 10 octobre prochain,journée internationale des personnes souffrant detroubles psychiques. Le thème spécifique retenu par ProMente Sana cette année est celui de «Santé mentale ettravail» et fera l'objet d'une campagne de presse natio-nale pour sensibiliser le grand public à cette question. ■

  • Octobre 2001 / No 13 Lettre trimestrielle de l’association romande Pro Mente Sana

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  • Lettre trimestrielle de l’association romande Pro Mente Sana Octobre 2001 / No 13

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    Enjeux éthiques en santé publique et santé mentaleUne conférence du Professeur Raymond MASSE, par J-D Michel

    Les 2 et 3 avril derniers, Pro Mente Sana-Romandie a eu le plaisir d'accueillir le Pr Raymond Massé à l'occasion de deuxconférences organisées en partenariat avecle Département interfacultaire d'éthiquede l'Université de Lausanne et l'associationActions en santé publique à Genève. Le Pr

    Massé occupe une chaire d'anthropologiede la santé à l'Université Laval de Québecet est reconnu comme l'un des experts lesplus éminents en matière d'éthique en lienavec les questions de santé publique et desanté mentale.

    Il est l'auteur de nombreux ouvrages etpublications, dont l'ouvrage de référence«Culture et santé publique» (G. Morin éd.,1995), et a publié de nombreux articlesdans les principales revues du domaine,parmi lesquelles «Anthropologie etSociétés», «Cahiers de rechercheéthique», «Revue canadienne de santépublique» et «Culture».

    Nous résumerons ici certains aspects de lamatière développée par Raymond Masséau cours de ces conférences. Avec sonaccord, nous avons repris au cours dutexte de nombreux extraits de ses articleset des notes qu'il nous a aimablementcommuniquées, de sorte à pouvoir collerau plus près à la formulation de sa pensée.

    Le Pr Massé avait axé ses présentationsautour de quatre axes : le premier traitaitdes potentielles dérives paternalistes de la«nouvelle santé publique» et du discourscritique s'élevant à ce sujet dans lessciences sociales anglo-saxonnes. Pour certains, à travers ses mandats élargis degestion des comportements à risque pourla santé, la santé publique contemporainedevient une entreprise normative qui institue une nouvelle moralité sanitariste.Le second développe une réflexion sur la notion d'éthique, en relation et enopposition avec celle de morale. RaymondMassé identifie ainsi trois postulats généralement admis par les professionnelsde la santé publique et qui fondent, à sonavis, le pouvoir politique de la médecinepréventive. S'ensuivait une présentation de certains enjeux de santé publique telsqu'identifiés au cours d'une étude au Québec par 150 professionnels en réfé-rence à leurs pratiques de terrain. Enfin, ce qui constituait le cœur de sa présenta-tion, une série d'enjeux propres à la santé mentale. Nous respecterons ici l'ordre deces séquences.

  • La santé publique a toujours été concernée par laprotection du public contre les «dangers» plus oumoins immédiats représentés par les épidémies, l'in-salubrité des milieux de vie ou les conditions de tra-vail malsaines. Dans la seconde moitié du 20e

    siècle, une nouvelle santé publique élargira cemandat initial pour devenir une entreprise de pré-vention contre un éventail de plus en plus large derisques potentiels. La promotion de saines habitudesde vie et de conditions environnementales favorablesau maintien de la santé occuperont dès lors uneplace centrale dans la mission de la santé publique.Or, certains perçoivent dans l'appareillage profes-sionnel, institutionnel et légal de la santé publique,masquée derrière un discours à prétention scientisteet rationaliste, une entreprise normative qui, auxcôtés de la religion et de la loi, définit le bien et lemal, le souhaitable et l'inavouable, les voies du salutindividuel et le sanctionnable. Cette nouvelle santépublique prendrait les formes d'une nouvelle mora-lité. Le recours constant à l'idée de la maladiecomme moyen d'aborder les problèmes sociaux nereprésenterait en rien l'abandon d'un cadre mora-liste au profit d'une vision objective; il s'agirait plussimplement d'une stratégie de rechange au contrôlereligieux des déviances à la norme.

    1.1. La santé publique comme stratégie derechange au contrôle religieux des déviationsà la norme.

    Sans nier les importantes contributions de la santépublique au bien-être physique et mental despopulations, une analyse critique de cette vasteentreprise sanitaire montre que ces succès reposentsur un ensemble de proscriptions (interdits divers par-fois sanctionnés par des réglementations) et de pres-criptions (de comportements sains, d'habitudes devie, voire d'une philosophie de vie saine) dont le suc-cès repose sur le développement d'une «culturesanitaire». Confrontée à un certain plafonnementdes retombées de ses mesures de promotion et deprévention, la santé publique peut être tentée depousser au-delà d'un seuil de tolérance «accep-table» son entreprise de contrôle socio-sanitaire.Certains sociologues et anthropologues tels Petersenet Lupton (1996) voient ainsi la santé publique

    comme une forme de «religion séculaire» dans lecadre de laquelle de nouveaux prêtres (les profes-sionnels de la santé publique) définissent les voiesimpénétrables (pour le citoyen non initié à l'épidé-miologie du risque) du salut sanitaire à traversl'identification de péchés séculiers (exposition volon-taire aux facteurs de risque, refus de modifier descomportements à risque). Ces professionnels seraient,plus ou moins consciemment, plus proches des mis-sionnaires prosélytes que des scientifiques neutres etdésintéressés qu'ils croient être (Metcalfe, 1993: 41).

    Il s'agit, bien sûr, de positions radicales qui s'inscri-vent dans le cadre, pour certains, d'une guerreouverte contre un empire biomédical et technocra-tique envahissant, pour d'autres, d'une lutte contretoute menace aux droits et libertés individuelles.Toutefois ces positions ont le mérite de recentrer laréflexion sur ce qui apparaît être le noyau dur desenjeux éthiques générés par la santé publique, soitla promotion, via des moyens coercitifs ou des pres-sions à caractère proprement moral, d'une confor-mité à des comportements et des manières de vivrepromus au rang de conditions obligées du salut sani-taire. Cet impératif de «bienfaisance» (on agit tou-jours pour le bien d'autrui, par bonté) expose, en fait,la santé publique à des dérapages paternalistescaractérisés par l'interférence entre des pratiquespréventives promues au nom de l'intérêt supérieurde la santé et le droit de décider ce qui est pertinentpour soi. L'un des lieux d'expression de la crise dessystèmes de santé publique est donc la résistancequ'oppose une population profondément marquéepar les valeurs de droits individuels et la quête dubien-être, aux valeurs et aux normes promues par lasanté publique. La crise est donc en partie «éthique»;elle oppose la valeur fondamentale voulant que «tousont le droit de décider ce qui est pertinent pour eux»et le paternalisme des pratiques préventives imposées.

    1.2. Un contexte sociétal fertile.

    Cette nouvelle santé publique n'aurait probablementpas pu connaître l'essor que l'on sait si elle n'avaittrouvé dans les sociétés modernes un terrain parti-culièrement fertile. Trois facteurs «prédisposants»peuvent ici être invoqués. D'abord, le développe-ment des États Providences qui repose sur l'idée quel'Etat se doit de garantir l'individu contre différentsrisques sociaux (maladie, vieillesse, chômage). Toutbonnement s'impose la notion de «risque social»qui tiendra lieu et place de la notion de «faute» pro-mue par les Églises. Un nouveau discours admettraqu'il existe des risques inhérents à la vie sociale et

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    1 Certaines des idées présentées ici ont déjà été publiées dansMassé, Raymond (1999). "La santé publique comme nouvellemoralité", Cahiers de Recherches éthiques, vol. 22 :155-176, Édi-tions Fides, Montréal.

    1) La santé publique comme nouvelle mora-lité et entreprise d’acculturation1

  • que l'individu ne peut être tenu seul responsable desrisques auxquels il est exposé. Le citoyen a doncdésormais un «droit à la réparation» qui prendra laforme d'un accès plus ou moins universel à des soinsde santé. Ce droit à la prise en charge sociale desconséquences économiques de la maladie découlantde cette socialisation des risques s'accompagneratoutefois, pour l'individu et pour l'Etat, d'unecontrepartie obligée qui est un «devoir de protec-tion» contre les facteurs pathogènes et un «devoirde gestion» des comportements à risque.

    Deuxièmement, son développement a bénéficié d'unterrain rendu doublement fertile par l'individua-lisme postmoderne et une éthique du bien-êtrepersonnel. La valorisation de la santé individuelleet le repli narcissique ont fait des occidentaux desêtres réceptifs aux messages visant le salut sanitaire(Lasch, 1979). Se développe une culture éthiquecaractérisée par un transfert des obligations supé-rieures envers Dieu vers la sphère humaine profane,obligations métamorphosées en devoirs incondi-tionnels envers soi-même, envers les autres, enversla collectivité (Lipovetsky, 1992:14). Il en résulte, dansdes sociétés que Lipovetsky qualifie de postmora-listes, non pas l'abandon de toute éthique, maisl'émergence d'une éthique indolore qui répugne audevoir austère, couronne les droits individuels à l'au-tonomie, au désir, au bonheur, légitime le passagedu bien au bien-être, et n'ordonne aucun sacrificemajeur qui ne rapporte directement à soi (Lipovetsky,1992:15). Dans un certain sens, la santé publiquecompose avec cet individualisme, y trouvant un ter-rain fertile et réceptif à ses messages d'auto-contrôle, à ses prescriptions et proscriptions visantle bien-être de chacun.

    Troisièmement, le développement de la nouvellesanté publique s'inscrit dans le cadre de la nouvellerationalité néolibérale, rationalité qui repose sur desprincipes tels que l'individu est un agent atomisé etrationnel dont l'existence et les intérêts sont anté-rieurs à ceux de la société; un scepticisme face auxcapacités des autorités politiques à gouvernerconvenablement; la planification et la vigilancecomme régulateurs de l'activité économique, etc.(Petersen et Lupton, 1996 : 10). Ces sociétésmodernes se caractérisent, encore, par une sur-res-ponsabilisation de soi, alimentée par les médias demasse qui jouent le rôle de multinationales du sen-timent et de puissants instruments de mise enconformité (Lecourt, 1996). L'individu subirait alorsune pression à la conformité qui résulte en unemicro-éthique de la honte qui deviendrait unevariante intériorisée d'une macro-éthique de la

    peur à laquelle recourent les dictatures. Dans lessociétés libérales, le contrôle social passe donc, selonLecourt, par une honte intériorisée de ne pas êtresain, énergique et productif, mais surtout unehonte de ne pas avoir tout fait en son pouvoir pourmaintenir sa santé (Lecourt, 1996: 115). En fait, ledroit à la santé, valeur fondamentale qui guide lasanté publique, est associé à un devoir (individuel etnon collectif) de la maximiser.

    1.3. La santé publique comme culture et entre-prise d'acculturation.

    La table est alors mise pour une construction utili-tariste du risque de type coût-bénéfice qui fait del'individu moderne un être dédié à la maximisationdu rendement de ses agirs, à la pratique de choixrationnels, et donc naturellement rebuté par desrisques qui menacent ses intérêts personnels. L'épi-démiologie, vue comme entreprise de normalisationdes individus indisciplinés s'impose alors comme«l'une des stratégies centrales qu'utilise la nouvellesanté publique pour construire la notion de santé et,à travers cette construction, pour invoquer etreproduire les jugements moraux sur la valeur desindividus et des groupes sociaux (Petersen et Lupton,1996: 60). Construction épidémiologique du risqueet construction culturelle du blâme (envers lescomportements à risque) sont alors fortementassociées.

    L'un des lieux importants des enjeux éthiques ensanté publique est justement cette construction cul-turelle du blâme et des jugements moraux posés surles groupes «à risque» (Coughlin et Beauchamp,1996). Elle passe par une culpabilisation de la victimeet une intériorisation de l'impératif d'auto-contrôle.En fait, la santé publique ne procède qu'en dernierrecours par la coercition. Elle procède plus subtile-ment en amenant le citoyen à intérioriser lesnormes. Elle lui propose des normes auxquelles il seconformera volontairement. Dans un tel contexte,la promotion de la santé peut être vue comme uneentreprise pédagogique utilisée pour légitimer lespratiques de contrôle des habitudes de vie. Cetteintégration de l'idéologie dominante par la popu-lation résulte en une forme d'acculturation ducitoyen à l'idéologie de la santé publique. Elle occul-terait les rapports de pouvoir qui, selon Lupton(1994), marquent les rapports entre médecine pré-ventive et les citoyens. Le lieu du pouvoir ne seradonc plus le système de santé publique, géré par unétat tout-puissant, mais des processus micropoli-tiques par lesquels les individus sont encouragés à

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    se conformer aux règles morales de la société(Petersen et Lupton, 1996: 14). Au cœur de ces pro-cessus se trouve l'acceptation, par la population, duprincipe voulant que la maladie est fille de l'irratio-nalité des comportements humains, de l'illogisme etde l'absence de planification face au risque. La nou-velle santé publique, répertoire de vérités validées parl'épidémiologie, offre alors un appareil de contrôleenvahissant, qui définit des profils de risque et, delà, des catégories de citoyens ciblés par les inter-ventions. La santé devient à la fois un projet indivi-duel et un projet politique de salut sanitaire.

    Il convient cependant pour la clarté de l'exposé derevenir sur la notion même d'éthique. L'éthiqueappliquée est un champ en pleine extension (c'estmême un domaine prospère) qui n'a dû de se déve-lopper qu'au reflux des morales traditionnelles. Pouren avancer des données schématiques, on pourraitdire que l'éthique est le lieu ouvert de l'arbitrageentre des principes (ou des valeurs fondamen-tales). Là où la morale propose une liste fermée deprincipes à suivre selon des règles préétablies (sur labase d'une idéologie arrêtée, qu'elle soit religieuse,philosophique ou politique), l'éthique met enbalance une palette de valeurs mises en jeu dans lecadre d'une problématique donnée et cherche à enapprécier les interrelations.

    La question du principisme a beaucoup agité lesesprits : fallait-il donner la prépondérance de fait àl'un ou l'autre principe, voire réaliser une hiérarchiedes principes éthiques (par exemple en mettant lerespect de la vie biologique au sommet de l'échelle– on en a vu quelques exemples récemment), ou aucontraire s'en tenir à une égalité de quelques prin-cipes primordiaux pouvant, le cas échéant, entrer encontradiction. Une des contributions des anthro-pologues à ce débat (et Raymon Massé en est unprécurseur) fut d'insister sur le relativisme culturel desprincipes éthiques. Le concept d'autonomie, centralà nos valeurs en Occident, ne veut pas dire grand'chose, ou en tout cas ne veut pas dire lamême chose, dans de nombreuses sociétés tradi-tionnelles, voire dans certains groupes humains à l'in-térieur de nos sociétés. Ces interrogations ouvrentsur les vastes perspectives du relativisme éthique (parexemple : les droits humains tels que définis parl'ONU peuvent-ils prétendre à un statut universel oubien, comme l'accusent de nombreux pays et dic-tatures du tiers-monde, ne sont-ils que le reflet bien-pensant d'une bonne conscience occidentale? Le

    débat est passionnant, essentiel, et Raymond Masséy a apporté ailleurs un éclairage novateur (2000).

    Pour en revenir à l'éthique, on peut affirmer qu'elleprécède la norme et le droit. Le débat éthique estcelui de cette clarification des enjeux de principesautour de problématiques particulières. La norme etle droit ne sont que la formalisation arrêtée à unmoment donné par une société, une fois le débatéthique mené et ayant débouché sur une forme deconsensus.

    Les interventions en santé publique se fondent (c'estl'analyse du Pr Massé) sur trois postulats fonda-mentaux que sont le principe d'autonomie, le prin-cipe de bienfaisance (et son corollaire, le principe denon-malfaisance) et le principe du bien commun.Idéalement, les décisions prises pour promouvoir lasanté de la population devraient respecter ces troisprincipes. Les choses sont cependant rarementaussi simples. Il peut ainsi y avoir de nombreuxconflits de valeurs, par exemple conflits entre lesvaleurs promues par la santé publique et celles véhi-culées par les populations-cibles, mais aussi conflitsau sein même de la santé publique, entre diversesvaleurs parfois inconciliables.

    Rappelons d'abord que le principe d'autonomie, telque défini par la bioéthique, est généralement asso-cié avec la notion d' «autonomie dans la prise dedécision». Pour Beauchamp et Childress (1994) parexemple, une personne est autonome si elle «agiten accord avec un plan librement choisi et docu-menté». Ce principe suppose un acteur socialrationnel qui réponde des conditions suivantes : 1) il agit intentionnellement ; 2) avec une compré-hension des enjeux; 3) sans contrôle de la part d'in-fluences contrôlantes qui déterminent ses agirs. Ceconcept est donc relié à divers concepts connexestels ceux d'autodétermination, de droit à la liberté,de droit à la vie privée, de choix individuel, de libertéde suivre la volonté d'un autre, etc., d'où un certainflou dans sa définition. Les principales thématiquesauxquelles ce principe est appliqué sont alors cellesdu consentement informé et du refus informé faceà des soins proposés.

    Selon la compréhension qu'en ont Beauchamp etChildress, le principe de bienfaisance réfère à l'obli-gation d'agir dans le sens du bien-être d'autrui, maissans que ce principe ne s'applique de façon abso-lue, son application étant limitée par la nécessité derespecter les autres principes. En fait, ce principe doitêtre pondéré par des considérations utilitaristes : ilfaut maximiser les bénéfices possibles mais tout en

    2) Ethique vs. Morale

  • limitant les maux et les conséquences négatives pourl'individu et les populations ciblées, c'est-à-dire enrespectant le principe de non malfaisance. Il est tou-tefois évident que la bienfaisance, même pondéréepar des considérations utilitaristes, flirte toujours avecle paternalisme. La question qui se pose alors est:«dans quelle condition, s'il en est, la santé publiqueest-elle justifiée d'adopter une attitude et uneligne d'intervention paternaliste»? Ou encore :«L'autonomie individuelle peut-elle être briméeau nom du bien commun?» (St-Arnaud et Massé,à paraître).

    Enfin, la notion de bien commun renvoie à l'archi-tecture des groupes sociaux et des relations qu'ilsentretiennent. Au-delà de quelques cas généraux oul'intérêt collectif semble univoque, les intérêtspotentiellement divergents de groupes ethniques,socio-économiques ou culturels renvoie très souventet très vite le questionnement à une perspective dejustice sociale. La santé publique respecte-t-elle leprincipe de justice dans le cadre de ses interventionsauprès des individus et des populations ciblées? Sioui, quelle acceptation de ce concept de justice estpromue par les professionnels? La santé publique,considérée globalement comme un acteur socialimportant, s'implique-t-elle dans la lutte contre lesinégalités sociales? Joue-t-elle un rôle actif dans laredéfinition des rapports sociaux asymétriquesentre divers sous-groupes de la société?

    La rencontre, autour d'une problématique donnée,de ces postulats fondamentaux et de leurs multiplesentrechoquements possibles illustre cette caracté-ristique de l'éthique comme lieu d'arbitrage (et doncde conflits préalables) entre valeurs contradictoires.

    A titre d'exemple, voici quelques questionnementsconcrets tirés d'une enquête réalisée auprès de 150professionnels de la santé publique au Québec:

    Comment traiter la question de l'allocation desressources en santé publique, notamment enrelation avec le «devoir de réparation» de lasociété à l'égard de certaines populationsdéfavorisées? Le choix des priorités de financementdans les programmes de santé publique sont deschoix politiques dans lesquels s'affrontent souventune logique utilitariste (maximisation des effets et résultats par rapport à l'investissement consenti)et une logique de justice sociale (attribution

    préférentielle à des groupes sociaux prétérités oudémunis). En l'occurrence, comment décider d'unejuste répartition: faut-il privilégier des populationsen difficulté, souvent peu réceptives à des opérationsde promotion de la santé ou des campagnes de pré-vention, avec une risque de faible retour sur inves-tissement ou au contraire investir le gros des effortsvers une population plus large et réceptive, au risquede s'adresser surtout à une population de classemoyenne déjà en assez bonne santé et, par-là,d'augmenter l'inégalité sanitaire entre couches etclasses de la société?

    Le Québec a fait le choix de privilégier les groupesdéfavorisés. Les pauvres, les amérindiens, les toxi-comanes, les sidéens en milieux carcéraux, sont despopulations que l'on y considère désavantagées«naturellement», par naissance, étant nés dans desmilieux familiaux et sociaux difficiles ou étant expo-sés à des conditions de vie à risque. C'est pourquoila santé publique doit leur consacrer une pluslarge part de ses ressources, principalement en santé,parce que la santé fait partie des biens les plusimportants pour l'humain et est un domaine prio-ritaire de correction des injustices naturelles etsocialement créées. Ce constat n'empêche pas, surune note plus polémique, de poser la question sui-vante: le ciblage des groupes défavorisés par les pro-grammes de prévention et de promotion ne sert-ilpas, entre autres fonctions, à donner bonneconscience à l'entreprise normative d'une santépublique en quête de légitimité sociale?

    Comment appliquer le devoir d'informer lapopulation en santé publique: à partir dequand et comment? Qu'il s'agisse des effetssecondaires (potentiels ou avérés) des vaccins ou desimpacts d'éléments environnementaux sur la santé(lignes à haute tension, pollution chimique, etc.),comment communiquer efficacement la notion derisque statistique, alors même que la logique de lapopulation est d'ordre binaire (le risque existe / lerisque n'existe pas). A partir de quel pourcentage derisque statistique et de quel niveau de gravité doit-on informer la population, sachant que plus le risqueest potentiellement grave (même si statistique-ment faible), plus il risque de provoquer des réflexesd'angoisse, de stress voire de panique (principe denon-malfaisance)?

    Fallait-il imposer la constitution d'un fichiernominatif des personnes infectées au HIV etinformer d'autorité leurs conjoints/conjointesde leur statut sérologique? Dans ce question-nement, c'était le principe d'autonomie et ceux de

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    3) Quelques enjeux éthiques tirés de la pratique de la santé publique au Québec

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    bien public et de non malfaisance qui entraient enconflit. Nos sociétés ont répondu en privilégiant lerespect de l'autonomie de l'individu, tout en réser-vant une éventuelle responsabilité pénale dans lescas d'infection volontaire de tiers. Néanmoins, onpeut considérer que le poids politique des lobbieshomosexuels qui ont émergé depuis l'apparition del'épidémie de SIDA a joué un grand rôle. Sans celobby et la force de mobilisation de cette population,les réponses auraient fort probablement été diffé-rentes.

    Dans un livre édité par Laurence Tancredi (1986) etportant sur les Ethical Issues in EpidemiologicResearch, les chercheurs invités à participer à laréflexion identifient pour le champ de la santé men-tale, les mêmes types d'enjeux éthiques qui seposent pour la biomédecine en général. Ces champscommuns, mais qui sont colorés par la probléma-tique des désordres mentaux, sont par exempleceux:

    1 du consentement éclairé, coloré ici par le fait queles patients souffrant de troubles ou désordrespsychologiques sont moins bien positionnéspour offrir un consentement parfaitement libre(situation de dépendance et de vulnérabilité faceau clinicien) et éclairé (capacité de faire une ana-lyse rationnelle des coûts et des bénéfices) ;

    2 corrélairement, du refus de traitement, pour lesmêmes raisons ;

    3 de la confidentialité. Ici, ce sont les risques destigmatisation sociale des personnes souffrant detroubles psychologiques qui prend une impor-tance particulière par rapport au champ de lamédecine somatique;

    4 de la bienfaisance, en particulier de l'évaluationutilitariste des bénéfices à retirer de psychothé-rapies pour lesquelles des évaluations scienti-fiques manqueraient encore. Par contre,reconnaît Tancredi, toutes les interventions sontlourdement chargées de «valeurs», y compris lesrecours, parfois abusifs, à des médications quirelèvent parfois de la croyance fétichiste.

    Parmi ces débats éthiques essentiels en santé men-tale, nous développerons maintenant une série dequestions autour des thèmes de la désinstitutiona-lisation et des diagnostics psychiatriques

    4.1 Non-malfaisance et désinstitutionnalisation

    Le courant de désinstitutionnalisation qui prit effetil y a une trentaine d'années dans plusieurs pays,dont l'Italie et le Canada, n'a pas été accompagnéed'un investissement conséquent dans les formes deprises en charge communautaire qui devaientprendre la relève des institutions d'enfermement...En fait, les patients ont été désinstitutionnalisés sansleur consentement ni celui de la «communauté» etdu réseau social personnel qui ont du les prendre encharge, dans un contexte de désengagement socialde la part de l'État. (Voir Michels et Eth, 1986). Sou-vent, la famille et la communauté immédiaten'avaient pas les ressources ni financières ni psy-chologiques pour une telle prise en charge, contre-venant ainsi au principe de non malfaisance.

    Ici, le mouvement de santé mentale communautairese targue d'agir au nom du bien (bienfaisance) dela population institutionalisée. On invoque bien sûrdes arguments a la fois utilitaristes (diminuer lescoûts économiques engendrés par l'institutionali-sation, plus grande efficacité thérapeutique de laréinsertion sociale, etc.) Mais il en appelle à unevision humanitaire dédié à la réinsertion sociale desmalades, à leur réintégration dans les rangs desnormes du travail, de l'intégration, de la participa-tion sociale. L'objectif est largement moral. Il pos-tule un haut niveau de tolérance de la populationface à la déviance mentale et sociale.

    Ceux qui défendent l'institutionnalisation répondent,sans en être trop conscients, d'une éthique utilita-riste. On postule que la question des impacts néga-tifs de l'hospitalisation sur la santé des malades, surleur stigmatisation, sur leur discrimination n'a pas étédémontré. Si les coûts ne semblent pas être si éle-vés, ou n'ont pas été vraiment mesurés, les bénéficespour le plus grand nombre, non plus. En fait, lesdéfenseurs de l'institutionnalisation soutiendront quele bien du plus grand nombre passe par l'exclusionsociale des «nomades psychiatriques» qui hantentles rues.

    Ceux qui défendent l'approche communautaires'inspirent d'une autre théorie éthique, celle de la jus-tice sociale via la notion de distribution équitable dessacrifices imposés par la présence dans la sociétéd'individus déviants. Ils soutiennent que, dans un sys-tème institutionnalisé, le poids du fardeau destroubles mentaux repose sur les seules épaules desmalades qui se trouvent à payer doublement pourleurs malheurs. «La justice serait mieux servie parune politique qui permets aux patients déjà affligés

    4) Le cas particulier de la santé mentale

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    par la maladie mentale d'être récompensés com-pensatoirement par une système qui les favorise. Ence sens, les intérêts de la majorité sont mis de côtéafin d'offrir des avantages à la minorité" (Michels etEth, 1986: 82). Tout ceci soulève la question du"consentement de la population" et des modes deconsultation…

    D'ailleurs, l'un des défis de la santé publique serad'élaborer des mécanismes de consultation publique:un tel débat a lieu au Québec actuellement sur lesmodes de participation communautaire aux décisionsà portée éthique en santé publique. Comment impli-quer les citoyens dans l'analyse éthique des poli-tiques et interventions de santé publique? Quelle estla place du citoyen face au savoir expert? On pour-rait en l'occurrence s'inspirer de l'expérience fran-çaise des «conférences citoyennes» telle qu'analyséechez Lecorps et Paturet (1999).

    Certains ont considéré comme non éthique ce mou-vement de désinstitutionnalisation qui, dans sesformes les plus dogmatiques comme en Italie, aconduit à priver de services psychiatriques desmalades qui furent retournés dans la communautésans les services d'accompagnement communau-taires promis. Le même genre de critique surl'éthique de la pratique psychiatrique est adresséeaux formes radicales d'approches de l'antipsychia-trie (qui postulait que les malades mentaux étaientles personnes les plus en santé dans une société fon-damentalement malade). Ou encore les formes radi-cales de psychanalyses qui peuvent conduire à desusages abusifs de l'analyse et des interprétations psy-chanalytiques. Ou encore les approches prônant unusage abusifs de drogues psychotropes considérantque les humeurs, hallucinations, désordres de la pen-sée ou de la cognition sont les résultats de seuls pro-cessus biochimiques pouvant être corrigés par denouvelles molécules (Hattab, 1998). Ce qui est en jeuici c'est le non respect du principe d'incertitude…

    4.2 Les abus liés aux diagnostics psychia-triques

    Parmi les enjeux éthiques particuliers qui émergentdans le champ de la santé mentale, la question desdiagnostics, par exemple, retient l'attention decertains auteurs . Contrairement au domaine de lasanté physique, dans le domaine de la santé men-tale, c'est moins la logique des choix de soins quiengendre des enjeux éthiques que la nature desdésordres eux-mêmes. Dans les mots de Fulford,c'est moins les choix à propos des désordres que la

    nature des désordres eux-mêmes qui pose problèmesdu fait qu'ils posent préjudice au processus auto-nome et rationnel de sélection des soins appropriés.(Fulford, 1998:214)

    Les approches par diagnostics sont devenus popu-laires non seulement en psychiatrie clinique, maisaussi en psychiatrie épidémiologique. Plusieursoutils de mesure de l'état de santé mentale dans despopulations reposent, non pas sur des échelles mul-tidimentionnelles de type bien-être ou détresse psy-chologique, mais sur des dérivés du DSM, telle DIS.C'est à la fin des années 70 que les Américains sen-tirent le besoin d'évaluer l'état de la santé mentalede la population générale. Face au manque d'outilfiable, le National Institute of Mental Health reçu lemandat de la Commission Présidentielle sur lasanté mentale (1978) d'élaborer un tel outil fiable,stable, produisant des résultats comparable d'un site,d'un échantillon à l'autre. C'est ainsi qu'est né Men-tal Health Diagnostic Interview Schedule, dérivé duDSM-III. 18’000 américains, sur 5 sites, firent partiede l'étude dite des Epidemiologic Cathment Area.

    Des résultats, on déduisit que 15,4% de la popu-lation répondait aux critères des désordres reliés àl'alcool, aux drogues ou autres désordres mentaux.(12% au cours de la dernière année, 32% à vie). Or,au début des années 90, une autre enquête natio-nale, usant d'outils de mesure semblable conduisità des taux de prévalence de près de 50% pour lapériode de l'année précédant l'enquête.

    Leeman (1998) souligne que des réserves furentadressée à la fiabilité, la précision et de là, la perti-nence, de ces outils diagnostiques épidémiolo-giques populationnels. L'un des effets pervers futque les États américains et les compagnies d'assu-rance ont décidé de se désengager face à la cou-verture des soins psychiatriques craignant un gouffreéconomique sans fonds.

    La réalité est qu'il faudrait ajuster ces outils pour aug-menter le nombre de symptômes présents requispour établir un «diagnostic» épidémiologique.Rappellons que ces questionnaires sont passé par desnon professionnels et que des entrevues en pro-fondeur faites par des psychiatres conduiraientcertainement à rejeter les diagnostics épidémiolo-giques comme non fondés pour une bonne partiede la population catégorisées «avec désordres».Bref, il existe un enjeu éthique à l'imprécision de ces

    Ethique et diagnostics

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    outils et à la surévaluation des taux d'incidence desdésordres psychiatriques : c'est celui de la justicesociale dans la mesure où les premiers punis serontles individus ayant de véritables problèmes et qui ontbesoin de l'aide de l'état ou des compagnies d'as-surance privées.

    Le recours à l'approche catégorielle diagnostiquesoulève d'autres enjeux éthiques. En voici quelques-uns.

    Deux sociologues, Mirowski et Ross en 1989 ont faitune critique radicale de l'usage fait par l'épidémio-logie et la psychiatrie en particulier, des catégoriesdiagnostiques comme c'est le cas dans le DSM oul'ICD. Ils soutenaient que le recours aux diagnosticscomme outils de mesure de la santé mentale nuit àune compréhension en profondeur des manifesta-tions et des causes des problèmes psychologiqueset ce à cause de trois principales faiblesses des caté-gories diagnostiques :

    1) les diagnostics ne seraient pas fondés sur les attri-buts du répondants, mais sur les représentationsque s'en fait la psychiatrie à travers ses grillescatégorielles d'analyse .

    2) Une fois les troubles psychologiques catégorisés,les chercheurs laissent tomber tous les symp-tômes qui ne s'y rapportent pas. Le diagnosticest alors fondé sur la présence ou l'absenced'une liste de symptômes et ne prend pas enconsidération l'ensemble de la variance dans lesmanifestations, y compris les symptômes qui nesont qu'indirectement associés à une catégoriedonnée; il s'ensuit une importante perte d'in-formation et le diagnostic résume la réalité aupoint de la dénaturer et devient une sorte decaricature qui résume la réalité à grands traits.

    3) Le diagnostic fait fi de la structure des rapportsde causalité qui lient les variables sur lesquellesil est basé. Il fusionne en un tout informe lescauses, les conséquences et les associations for-tuites existant entre les symptômes (Mirowski etRoss, 1989: 19).

    Ces critiques ont été enrichies par les réflexions deByron Good (1992) qui reproche aux catégories dia-gnostiques :

    1) de considérer les catégories de désordres commedes entités discrètes, tangibles, mutuellementexclusives tout en laissant de côté toutes lesautres logiques de classification basées sur lesnuances et gradations définies par le niveau dedétresse, la sévérité des symptômes ou lescauses associées.

    2) De faire des symptômes le seul critère de dépar-tage de ces catégories en laissant de côtél'étiologie psychologique ou développemen-tale.

    3) De définir l'ensemble des désordres mentaux etphénomènes psychiatriques (somatisation,anxiété, toxicomanies, désordres de la person-nalité, etc) en fonction des modèles médicauxdéveloppés pour les maladies mentales majeures(schizophrénie, dépression, etc.)

    Cette obsession classificatoire conduit la psychiatrieà découper les désordres mentaux en catégories desymptômes finies, mutuellement exclusives. Elle nieaussi toute possibilité de développement d'ap-proches de comorbidité comme dans le cas desdésordes anxiété-dépression. Ils en concluent que lerecours aux catégories diagnostiques comme outilsde mesure en épidémiologie entrave la compré-hension des problèmes et recommandent d'enabandonner l'usage dans les recherches traitant dela nature, des causes et des conséquences desdésordres psychologiques.

    Kirk Stuart et Herb Kutchins (1998) montrent que lesvaleurs sont toujours présentes dans le débat«scientifique» sur les catégories de désordres psy-chiatriques, en particulier à partir du débat sur laquestion de l'homosexualité qui fut retiré du DSMen 1974. Les diagnostics ne sont pas des réalitésmais des concepts, des construits culturels utilisépour organiser et nommer les désordres, faciliter lacommunication entre les psychiatres et qu'ils évo-luent en fonction des nouvelles théories, des pres-sions politiques de certains groupes de pression (ex:homosexuels), des compagnies d'assurance et depressions financières.

    Le diagnostic est un acte social; il prend place dansun contexte social donné. avec ses normes etconceptions du tolérable. A cet égard, il faut garderen mémoire que les diagnostics sont des syn-dromes culturellement conditionnés; que ceuxcompilés dans le DSM sont spécifiques à un contexteculturel nord-américain particulier, et fondés sur uneethnopsychologie nord-américaine. L'obsession du

    Critiques adressées aux catégories diagnostiques psychiatriques

  • contrôle caractéristique de cette culture est ainsireflétée dans l'intitulé même des pathologies puis-qu'elles sont déclinées selon les multiples variationsdes désordres possibles. Ces termes sont évidem-ment fortement connotés, et pas si aisément trans-posables d'un univers culturel à un autre. Il apparaîtainsi que de nombreux «désordres» ont des type demanifestations (et donc une «symptomatologie»)fort différentes d'une culture à l'autre. Les effortsentrepris pour «culturaliser» le DSM n'ont tout sim-plement pas pu aboutir devant la complexité de latâche et la vigueur de la remise en cause du systèmede classification retenu.

    Une autre dimension éthique du diagnostic psy-chiatrique est qu'il soit trop aisément et trop fré-quemment utilisé pour solutionner des problèmeshumains complexes. Reich (1986) dit :«Avec uneaisance remarquable, les diagnostics peuvent trans-former la peur du chaos en confort du connu, le far-deau du doute en plaisir de la certitude, la honte deblesser les autres en fierté de les aider, et ledilemme du jugement moral en clarté de la véritémédicale»

    Le diagnostic possède la capacité d'expliquer rapi-dement, aisément des comportements déviants,dérangeants, inusités.

    Il a aussi le pouvoir de disculper et de soustraire à laloi les criminels qui seront réputés avoir agi sans avoireu conscience de ce qu'ils faisaient en commettantdes actes criminels, comme le montre l'usage de l'ex-pertise psychiatrique dans les cours de justice de plu-sieurs pays occidentaux. Il opère une transformationde la déviance sociale en maladie par le biais d'unprocessus de médicalisation de la déviance, somme-toute très sécurisant, rassurant pour la société et lamorale dominante.

    Une dernière dimension éthique du diagnostic estl'usage qui peut en être fait pour discréditer, voirepour punir, les individus ayant des comportementsdéviants. Il faut rappeler que la médecine n'est pasune activité purement objective, scientifique, libre detoute valeur. Il ne faut pas confondre science bio-médicale et pratique thérapeutique. En fait, lamédecine a toujours été, de tous les temps, unepuissant outil de contrôle social où les catégories demaladies, de folie, de déviance furent utilisés, dansplusieurs circonstances, pour contrôler les écarts àla norme dans les sociétés occidentales.

    Comme cela a déjà été souligné, l'éthique doit êtrele lieu de ce débat et de cet arbitrage entre valeursreconnues (tant par les professionnels que par lapopulation). Il est évident que la santé publique estune entreprise normative, et qu'il y donc toujours enarrière plan un risque de dérapage vers des attitudespaternalistes ou des mécanismes insidieux decontrôle social. En fait, ces éléments sont toujoursprésents, au moins à faibles doses, dans toute entre-prise de prévention ou de promotion de la santé.

    Cela ne doit pas nous conduire dans les travers d'uncourant déconstructiviste qui dérape lui aussi vers desformes déplaisantes de dogmatisme. Nous pouvonsadmettre que cette dose de normativité existe et soitassumée. Les débats éthiques que soulève RaymondMassé ne sont jamais clos, quand bien même ils peu-vent trouver des formalisations (à défaut de réso-lutions) temporaires dans les décisions législatives,politiques et administratives qui sont prises. Lesvaleurs qui sous-tendent les préoccupations et lesdécisions en matière de santé publique doivent ainsiêtre questionnées avec vigilance et sensibilité.

    La santé mentale et ses univers pose elle aussi desquestionnements aigus. Ici, comme ailleurs, c'est ledogmatisme qui est non-éthique, cette forclosion dela pensée qui s'entortille sur elle-même victime deses propres certitudes, réfractaire à se confronter àdes perspectives autres. Poser les dilemmes dudomaine dans les termes de ce qu'ils dévoilent ourévèlent, c'est aussi utiliser l'éthique de manière pro-active pour renvoyer à la collectivité la réalité et lesimplications de ses tours et de ses choix. Nos inter-rogations autour des diagnostics psychiatriques netendaient ainsi pas (on l'aura compris) sur leur ordrede pertinence clinique, mais sur les implications deleur généralisation à une échelle collective sur nosfaçons de penser – et d'évaluer – la santé mentale.Des critères cliniques probablement pertinents dansle cadre d'une consultation psychiatrique (et celaaussi a pu être contesté par certains) sont-ils encorevalides à l'échelle d'une collectivité?

    Le Pr Massé est son équipe ont ainsi mené de vastesenquêtes ethnosémantiques sur cette question auQuébec. Pour ce faire, ils ont abordé la question demanière inverse, en partant du vécu de la popula-tion plutôt que des listes de symptômes arrêtées parla psychiatrie clinique. En interrogeant de vasteséchantillons de la population, et en leur demandantspécifiquement de décrire des épisodes de bien-êtreet de détresse psychique vécus au cours de la

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    Conclusion

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    dernière année, les chercheurs sont arrivés à une listed'items caractéristiques de ces états, selon les ver-balisations exprimées. Ces listes d'items sont pré-cieuses puisque non seulement elles reflètent laperception qu'a la population de sa propre santémentale, mais encore elles peuvent fournir une grillede lecture permettant de mieux apprécier les carac-téristiques pathogènes de certains milieux ou de cer-taines réponses.

    Voici longtemps que nous avons, à Pro MenteSana, l'intuition que certains contextes, profession-nels, culturels, administratifs ou institutionnels, peu-vent avoir une action pathogène sur l'état de santémentale de leurs usagers. Les échelles de bien-êtreet de détresse psychique pourraient fournir des ins-truments d'analyse intéressants à cet égard. Si parexemple, le sentiment d'être en possession de res-sources personnelles pour faire face à des situationsdifficiles est caractéristique des états de mieux-être,l'on pourrait assez facilement analyser si les premièresheures de prise en charge en psychiatrie ont tendanceà mobiliser ou à dévaluer ce sentiment, ou encore sielles ont un effet neutre sur celui-ci. L'on pourraitainsi effectuer une «relecture ethnographique»des modalités, procédures et systèmes de prise encharge qui pourraient apporter des éclairages inté-ressants. Malheureusement, malgré leur aspect cen-tral, de tels questionnements peinent généralementà éveiller un intérêt auprès des responsables insti-tutionnels et politiques…

    La santé mentale – comme la santé publique – est ununivers en pleine mutation, qui interpelle et ques-tionne la collectivité et les pouvoirs publics. Icicomme ailleurs – et c'est justifié! – l'on a songé sur-tout au cours de la dernière décennie à parer au pluspressé devant l'augmentation des indicateurs dedétresse psychique. Grâce au concours de chercheurscomme le Pr Massé, nous pouvons cependant avoirpour ambition de commencer aussi à mieux com-prendre ces phénomènes et décider ensemble desvaleurs sur lesquelles nous entendons fonder les inter-ventions et réponses sociétales à ces questions. ■

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  • Lettre trimestrielle de l’association romande Pro Mente Sana Octobre 2001 / No 13

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    Lettre trimestrielle de l’Association romande Pro Mente Sana9, rue Alcide-Jentzer – 1205 Genève – Tél: 022/ 809 10 10 – Fax: 022/ 809 10 19 – CCP 17-126 679-4E-mail: [email protected]

    Le canton de Vaud révise sa loi sur la santé.

    Un avant-projet de loi a été soumis à la critique des associa-tions concernées, notamment Pro Mente Sana et le GRAAPdurant le printemps. Pro Mente Sana a fait valoir son point devue devant la Commission spécialisée en santé publique duGrand Conseil du canton de Vaud. Il semblerait toutefois quel'avis des associations concernées n'ait pas touché les parle-mentaires au point de les amener à modifier les aspects les pluscritiquables de la loi. Depuis lors, on attend la dernière mou-ture de la loi.

    La loi vaudoise évolue vers un respect accru des droits despatients ce dont ne peut que se féliciter. Elle peine cependantà être pleinement à la hauteur d'une telle ambition dans sesdispositions spécifiques.

    Le nouveau droit vaudois consacre ainsi l'existence desConseillers-accompagnants, la possibilité pour un(e) patient(e)d'émettre des directives anticipées afin de faire valoir son pointde vue. Il instaure une instance de médiation et une Com-mission d'examen des plaintes. Toutes ces innovations peu-vent être saluées. Leur libellé est pourtant assez maladroit pourconserver un système de soins autoritaire qui ne se donne pasles moyens d'entendre véritablement la voix du/de lapatient(e).

    La contrainte légalisée

    Le projet de loi admet, certes à titre exceptionnel, la mesurede contrainte sur une personne même capable de discerne-ment. Le texte n'explicite pas en quoi consiste une situationassez exceptionnelle pour justifier une aussi grave atteinte àla liberté personnelle d'un(e) patient(e). D'autre part il estregrettable que la loi n'oblige nullement le corps médical à dis-cuter préalablement d'une telle mesure avec le/la patient(e)ou son/sa représentant(e).

    Les voies de recours instituées par la loi sont largement insuf-fisantes.

    Les patient(e)s ne peuvent obtenir une décision exécutoire dela Commission d'examen des plaintes dans les 5 jours, quelorsqu'ils se plaignent d'une violation caractérisée de leursdroits (soit concrètement en cas de contrainte) et pour autantque la mesure n'ait pas déjà cessé au moment du dépôt dela plainte. Si par hypothèse la mesure de contrainte a cessé

    au moment de la plainte c'est le chef du Département quiémet des déterminations dont seule la substantifique moellesera livrée au/à la plaignant(e) ainsi privé(e) d'une authentiquevoie de recours. Ce système contrevient à la Constitution fédé-rale qui exige que toute personne privée de sa liberté puisseobtenir une décision sur la légalité de cette mesure. Or lacontrainte physique est incontestablement une privation deliberté qui ne fait que s'ajouter à celle consistant à enfermerune personne aux fins de l'assister. A ce titre la contraintedevrait toujours pouvoir faire l'objet d'un recours.

    Quant à la médiation, le projet de loi la réserve aux plaintesrelatives à une violation de droits reconnus. Cette limitationdénature le procédé même de la médiation, mode de répa-ration informel, et prive en sus les patients d'un recours effec-tif. En effet il ne saurait être question de médiation lorsquedes droits reconnus sont violés. Seule une condamnation peutcontribuer à réparer le tort subis dans un tel cas. La média-tion devrait au contraire être réservée aux zones troubles danslesquelles le droit n'a pas de réponse claire et aux cas où lespatients se plaignent plus de dysfonctionnements, d'inconfortou de simples désagréments que de la violation d'un droit.

    Trop peu de protection pour les incapables de discernement

    On peut déplorer que le projet de loi autorise le prélèvementd'organes sur une personne mineure ou incapable de discer-nement dans l'intérêt d'un proche. Il n'apparaît pas souhaitablede légaliser une grave atteinte à l'intégrité corporelle opéréedans l'intérêt exclusif d'une tierce personne et sans garantiede sauvegarde de l'intérêt de la personne donneuse.

    Enfin le projet de loi garantit en faveur des proches d'une per-sonne incapable de discernement, un droit à l'information cou-vrant toutes les données intimes du dossier médical, soit biendavantage que ce qui est nécessaire aux proches pour donnerl'avis requis par la loi. Ces dispositions violent le droit au respectde la sphère privée et à la protection des données découlant del'article 13 de la Constitution fédérale. Dans son désir de bienfaire, le projet de loi oublie qu'une personne peut avoir un inté-rêt légitime à cacher son état de santé à ses proches et que ledroit fédéral protège cet intérêt.

    On ne peut que souhaiter que les débats parlementaires soientanimés… par nos critiques!

    Sur le thème incisif de «Créer au lieu d'administrer», ceCongrès 2001 de Pro Mente Sana s'attachera à développer unelarge réflexion autour de la psychiatrie sociale. Où en estaujourd'hui ce courant, pris entre les contraintes administrativeset budgétaires, la montée en puissance des neurosciences et desexplications biologiques des souffrances psychiques, les exigencesde rationalité parfois maniéristes des procédures d'attribution deressources?

    Cherchant à mettre en valeur les tendances contemporaines à par-tir d'expériences concrètes menées en Suisse et dans d'autres paysd'Europe, ce congrès brossera un tableau de la situation actuelleen cherchant à échapper à un antagonisme creux entreapproches neurobiologique et psychosociale.

    Renseignements et inscriptions :

    Fondation suisse Pro Mente Sana,Mme Rahel KLÖTI,Hardturmstrasse 261,Postfach 19158031 ZurichTél : 01 / 361 82 72

    Le programme ainsi que le bulletin d'inscription sont disponiblesauprès de notre secrétariat.

    Congrès de la Fondation suisse Pro Mente SanaLES 15 ET 16 NOVEMBRE à BERNE