prisons de parme, alexandrie, marino · dépersonnalisation de l'individu) : des prisons et du...

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e numéro veut faire la part belle aux mutineries des taules italiennes, qui ébranlent depuis un mois la base de l'autorité de l’État. Quand l'État perd autant de crédibilité d'un seul coup, pour une raison ou une autre, il s'accroche férocement à la seule logique qui le tient debout : la coercition. Autrement dit, les forces armée et policière, et les points d'appui qu'il trouve en chacun·e d' entre nous pour relayer son autorité de façon encore plus explicite : l'auto-flicage et la délation. Ce numéro essaie aussi de croiser quelques analyses, quelques propositions aux sensibilités différentes. Histoire d' ouvrir l'angle d'attaque des outils possibles face à la situation actuelle. Une chanson vient clore le numéro, pour saluer le courage des prisonniers et des prisonnières qui continuent encore de se rebeller. Une pensée ardente pour ceux qui, n'ayant plus grand-chose à perdre, ont mis leur vie en jeu dans les prisons de Modène (italie) le 8 mars dernier, et de Bogotà (colombie) le 22 mars. Et 14 personnes pour l'une, 23 pour l'autre, ont perdu... Un sourire complice aussi à l'audace des cœurs chauds et les têtes froides qui nagent à contre- courant de ce moment.

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  • e numéro veut fairela part belle auxmutineries des

    taules italiennes, quiébranlent depuis un moisla base de l'autorité del’État.

    Quand l'État perd autantde crédibilité d'un seulcoup, pour une raison ouune autre, il s'accrocheférocement à la seulelogique qui le tientdebout : la coercition.Autrement dit, les forcesarmée et policière, et lespoints d'appui qu'il trouveen chacun·e d'entre nouspour relayer son autoritéde façon encore plusexplicite : l'auto-flicage etla délation.

    Ce numéro essaie aussi decroiser quelques analyses,quelques propositions auxsensibilités différentes.Histoire d'ouvrir l'angled'attaque des outils

    possibles face à lasituation actuelle.

    Une chanson vient clore lenuméro, pour saluer lecourage des prisonniers etdes prisonnières quicontinuent encore de serebeller.

    Une pensée ardente pourceux qui, n'ayant plusgrand-chose à perdre, ontmis leur vie en jeu dansles prisons de Modène

    (italie) le 8 mars dernier,et de Bogotà (colombie) le22 mars. Et 14 personnespour l'une, 23 pour l'autre,ont perdu...

    Un sourire complice aussià l'audace des cœurschauds et les têtes froidesqui nagent à contre-courant de ce moment.

  • La rage dans les prisons n'a pastardé à exploser, après l'entrée envigueur du décret d'urgence pourendiguer la contagion du Virus.L'interdiction des parloirs s'est alors

    étendue à tous les lieux de détention,et certaines prisons la mettaient déjàen application.Il serait long de répertorier les 27

    prisons où ont éclaté les révoltes.Révoltes qui ont conduit à des

    bouleversements plus ou moinstemporaires de la réalité carcérale (quine vise que l'annulation, ladépersonnalisation de l'individu) : desprisons et du matériel de matons quipartent en fumée, des structuresoccupées, des détenus sur le toit, lerenversement du rôle gendarme-voleuravec des séquestrations de matons, desdocuments brûlés, des évasions tentéeset certaines réussies.Le 8 mars 2020, des colonnes de

    fumée s'élèvent de la prison deSant'Anna à Modène : très vite,n'importe qui peut les remarquer, cequi fait accourir les amis, les familleset les gens en soutien aux détenus. Cesderniers ont assisté aux allées etvenues de tous les types de policemobilisés pour réprimer la révolte :police d'État, carabiniers, policepénitentiaire, GOM [équivalent desERIS] ; ainsi qu'un hélicoptère pourpatrouiller au-dessus de la zone, et lapolice municipale qui a essayé de fairedégager les gens dehors, sans succès(le rôle le plus mesquin était réservé àceux qui passent leur vie à chercher lapetite bête).De l'extérieur,

    quelquescoups de feuse sont

    faits entendre distinctement.De l'intérieur, des gars ont hurlé :

    « Ils sont en train de nousmassacrer ! ».Dans la narration officielle, les

    détenus et les détenues auraient pris lecontrôle de la structure qu'ils auraientensuite dévastée ; une personne atenté de s'échapper mais elle s'est faitreprendre immédiatement. Parmi lesdégâts, se trouve l'incendie du bureaud'enregistrement qui contenait lescopies des documents papier.Pendant que les détenu·e·s

    menotté·e·s sont escorté·e·s etfrappé·e·s sous les yeux des gens ensoutien à l'extérieur, une personne aaperçu - à ce moment-là déjà - un sacqui renfermait un cadavre.Une fois l'émeute pacifiée, ils ont

    commencé un transfert de massed'environ 500 détenus (vers lesétablissements de Porto Azzurro,Cagliari, Sassari, Cuneo, Trente,Vercelli, Belluno, Pérouse, Rovigo,Sanremo, Genoa, Ascoli, Terni, Parme,Reggio Emilia), la prison étantdésormais inutilisable.Ensuite, les nouvelles glaçantes sont

    tombées : d'abord un mort, puis deux,trois... six. Et dans les jours suivants,ce décompte est passé à neuf, neufdécès annoncés par les voituresfunéraires qui sortaient de la prison. Mais ce qui peut paraître encore plusdéconcertant, c'est la version desjournaux, d'abord locaux puisnationaux : les causes des décèsseraient la méthadone et les overdoses,suite à un pillage de l'infirmerie parune partie des mutins.La même version est ressortie avec

    l'augmentation du nombre tragique desmorts : quatre à Rieti et deux autres àBologne.Pour l'instant, une seule version est

    présentée : le rapport del'administration pénitentiaire, elle quia toutes les raisons de dissimuler lavérité et de mentir. Deux détenusseraient morts d'une overdose deméthadone, et un d'une overdose debenzodiazépine.Quatre autres décès seraient survenus

    à la suite de transferts dans les

    prisons de Parme, Alexandrie, Marinodel Tronto. Et un détenu est décédé àVérone lors du voyage vers la prisonde Trente.Ces décès sont attribués eux aussi à

    une overdose de méthadone, malgréune visite médicale avant le transfert.Les passages à tabac se sont succédé,

    depuis l'évacuation de Sant'Anna àl'arrivée des détenus dans des prisonspréparées spécialement pour lesrévoltés. Des témoignages parlent dereprésailles de la part des matons, surdes prisonniers sans défense, jetésdans des cellules d'isolement sanstraitement médical.Deux autres auraient été retrouvés

    morts deux jours plus tard dans unesection.On vient faire contre-poids en disant

    que cette version n’est pas crédible etdans le cas des personnes transférées,puis décédées, rien que la façon dontles faits sont rapportés pose question.Nous affirmons que toute mort EN

    prison est une mort DE la prison, liéeà son existence même et àl'anéantissement forcé de l'individu.Cela dit, nous ne croyons pas à une

    coïncidence dramatique, où quinzepersonnes meurent d'overdose au coursde trois révoltes différentes.Nous savons bien que dans les

    moments les plus critiques, l'État semontre sous un autre jour, sacrifie lesapparences et se dévoile. Il se met àdéfendre l'ordre des choses avec lesméthodes les plus totalitaires,explicites et violentes, en mettant decôté tout semblant démocratique.Nous connaissons les mensonges

    propagés systématiquement par l'Étatpour couvrir ses meurtres et sesmassacres.Et cela d'autant plus à l'intérieur

    d'une institution totalisante comme laprison, où loin des yeux loin du cœur,des abus se produisent chaque jour quipasse, car il en va de l'existence mêmede la prison.Quand la tension monte, l'État tue.Aujourd'hui, comme précisément un

    siècle avant, en 1920, alors que l'Italiese préparait au totalitarisme, une fouleen grève se faisait tirer dessus sur la

  • Piazza Grande. Sept ouvriersmoururent pendant ce rassemblement.Puis en 1950, pour bien montrer

    qu'aucune Libération n'a jamais eu lieu,les carabiniers tuèrent six ouvriers enlutte, ce qui a donné lieu au massacredes anciennes fonderies de Modène.Aujourd'hui, alors que le Virus

    s'emballe, les forces de l'Ordre isolentet contrôlent les personnes et lesterritoires, tout en massacrant ceuxqui osent se soulever dans les prisons.Parce qu'eux ne sont pas prêts à perdrele peu qui leur reste, comme lapossibilité d'embrasser une proche detemps en temps, ou le désir deréaffirmation et de vengeance contreleurs bourreaux de tous les jours : lesmatons et le quotidien carcéral.Pour apporter de la solidarité, du

    soutien et un peu de chaleur en-dehorsdes murs, certaines personnes n'ontprêté attention à aucune imposition, etse sont rendues dans une ville aveugle

    Un peu plus d'une semaine s'estécoulée depuis la révolte dans laprison de Modène, et les médias ontdéjà oublié le massacre qui s'y estdéroulé, comme dans d'autres prisonsoù la révolte a éclaté il y a quelquesjours. Neuf morts juste pour Modène.Celui qui écrit ces lignes en a connu

    certains, parce qu'il s'est retrouvé encellule à côté d'eux il y a encorequelques mois, et ces jours-ci il aperdu le sommeil enpensant

    et déserte.La prison a l'air vide désormais

    puisqu'elle est inutilisable, ou du moinsen partie, à cause des dégâts causéspar la révolte. Le feu a causé lafermeture de la prison de Sant'Anna deModène !Cette nouvelle arrache une grimace

    de complaisance, à une bouche tordueet serrée de rage face aux morts etaux mesures toujours plus restrictivesà l'intérieur comme à l'extérieur. L'enviede crier est grande, mais le vent a l'aird'être resté à la maison, lui aussi.Les contrôles, les points de blocage,

    les auto-certifications pour sortir dechez soi et l'interdiction de serassembler ne sont rien d'autre quel'extension du système pénitentiairepar-delà les murs. Si le signal est déjàlancé depuis l'intérieur, c'est que larévolte est plus urgente que jamais. Laseule réponse au délire lucide de lasécurité, qui en-dehors des murs prend

    à eux.Des hommes avec qui il a cherché à

    discuter sur ce qui pouvait se fairepour améliorer la situation crééependant la période précédente.Le climat instauré par la nouvelle

    directrice Maria Martonecommençait à peserpour beaucoupd'entre

    la forme de l'appel au bon sens et auconfinement chez soi, à l'usage de sesprivilèges de personne « libre »,reflète un assoupissement desconsciences et une obéissance aveugleau dogme de la sécurité.On dirait qu'on attend des temps plus

    sombres pour agir, mais on ne réalisepas que le temps presse et qu'on estdéjà en retard, prises au dépourvudans la pratique, et battus d'avancedans la théorie.

    TOUTES ET TOUS LIBRES !

    Modène, 21 mars 2020roundrobin.info

    eux. Sur ordre du DAP [Départementde l'Administration Pénitentiaire], elleétait en train de réorganiser la vie desprisonniers de manière restrictive. Enfévrier, le discours était : « il y abesoin de place », « vous devez nousrencontrer », le tout saupoudré demenaces pas vraiment voilées sur des

    transferts éventuels ou autre, aucas où les détenus ne

    collaboreraientpas

  • passivement aux besoins de la nouvelledirection. Ce climat était étroitementlié aux problèmes classiques de toutlieu de restriction : la négligence et leharcèlement par les hommes enuniforme, la bureaucratie du systèmecarcéral, la mauvaise nourriture, lemanque de couverture santé sérieusesans parler de la fameuse « thérapie »,de la solitude totale et du désespoir depersonnes abandonnées et sans aucuneaide de l'extérieur. La peur du virus,peut-être la mèche d'une marmite quibouillonnait de colère et de désespoir,a donné voix aux corps et aux gorgesdes opprimés qui se retrouventenfermés en prison à cause de cettesociété. Trop de choses, trop, se sontdites à propos de la révolte de Modèneen crachant sur les morts et sur tousles prisonniers de cette prison. Quasipersonne ne se demande avec sérieux,avec profondeur, pourquoi tout celas'est produit. Pas besoin de chercherqui tire les ficelles pour comprendreque l'origine de tout cela est l'universcarcéral lui-même, avec tous lesproblèmes rencontrés par les détenus.Dans un moment de rage, la méfianceet le scepticisme tombent, desindividus s'unissent en masse, chacunavec sa douleur, son désir derédemption, et trouvent ensemble laforce de faire entendre avec courage etdétermination la répression étatiquequ'ils payent de leur peau depuis desannées. Qui n'a jamais dormi dans unecellule, de l'autre côté de la porteblindée, ne peut comprendre ce que çasignifie d'être à l'intérieur de la prison.Tous ceux qui ont rempli leur gueulede vautour avec ces faits ne méritentpas d'être écoutés, car ils ne savent pasde quoi ils parlent, puisque les mortssont tous des "Tunisiens toxicos", desdéchets comme quelqu'un a dit. Etd'autres parlent d'ouvrir des fours, deles brûler vifs. Celui qui écrit a vu desgens qui certes utilisaient les« thérapies » maudites, car tout lemonde n'est pas en mesure de vivre laprison de façon lucide. Mais nous, çane nous intéresse pas de dire quel'infirmerie a été attaquée, et qu'il y aeu un abus de drogues. Notre jugementlà-dessus est comme la boussole quiindique le Nord même lorsque vous lasecouez. Notre index indique toujoursla même direction, le fautif de cesmorts, c'est l'État : du dernier matonau bénévole qui cautionne le travail dela direction et demande la paix et la

    sécurité, du major pénitentiaire, enpassant par le ministre Bonafede etceux qui ont dit comme Salvini : « Jevous l'avais dit ». Nous disons aussi« Nous vous l'avions dit », mais d'unefaçon complètement opposée à lasienne. Nous nous battons pour laliberté de tous et de tous : il y a ungouffre entre nous et ceux quiréclament une prison militarisée. Ils seplaignent que les gardiens avaient peude moyens, mais ils ont tiré à balleréelle et l'un des matons en réserve aété vu clairement avec unemitrailleuse en main braquée àhauteur d'homme, non ?! Quels moyensmanquent ? Les voitures blindées ? Lesmitrailleuses ? Les matraques ? Lesbouches d'incendie ? Les hélicoptères ?Non seulement on dénigre lesdemandes des détenus, mais onanéantit aussi la portée politique deleurs revendications : ce qui s'estproduit n'est pas qu'une affaire dedésespoir. En effet, le rebond de lacontestation entre les prisonsdémontre que ceux qui ont déjà uneliberté limitée sont les seuls, à ce jour,qui ont réussi à donner une réponsecollective aux restrictions imposéespar l'État pour l'urgence ducoronavirus. Il se dit souvent cesjours-ci qu'on ne fera pas machinearrière ; c'est aussi vrai pour la prison.Ces révoltes entraîneront des mesuresgouvernementales de plus en plusrestrictives, car c'est la seule languequ'une structure comme le DAPcomprenne, les révoltes à venir serontréprimées et, pendant ce temps, lesnouvelles des tabassages se succèdenten continu, pour un tas de détenus,qu'ils aient participé ou non auxmutineries.Le Ministère communique seulement

    les tabassages, de manière à ce quetoutes et tous se rappellent bien de neplus oser se rebeller. En effet, lestortionnaires ont vraiment eu peurpour une fois et l'État italien a faitmauvaise impression au niveauinternational. Pendant ce temps, lesprisonniers se font éclater partout ; onsait que les révoltés sont partis deModène à moitié nus et gonflés decoups, et les familles, inquiètes,attendent encore d'avoir un contactdirect avec leurs proches. Le rapport de force s'est renversé

    pour quelques jours, les détenus onttrouvé la force de s'unir, pas tous,d'accord mais cela n'a pas

    d'importance, pour faire entendre leurvoix comme on ne l'a pas vu dans cepays depuis tant d'années ; les médiasont déjà mis au rebut les nouvelles quien réalité se circulent à travers lesproches des personnes recluses. C'estloin d'être fini, c'est clair, certainsréclament des prisons plus rationnellessans savoir ce que cela signifie,d'autres demandent à l'armée dedégager des prisons, d'autres encoredemandent de bloquer les prisonniers àl'intérieur des cellules, et tout cela n''arrêtera ni la souffrance ni la rage deshommes et des femmes détenus carc'est la même structure qui alimente ledéclenchement, souvent imprévu, derévoltes comme celles-ci. Ils et ellesont enduré trop de choses ces dernièresannées, et les nouvelles restrictionsont dissipé le brouillard du malaisediffus présent dans chaque prison. Etnous, nous savons que celui qui n'a pasparticipé aux révoltes a quand mêmeeu un sourire au cœur, car il n'y a pasplus grande joie pour un galérien quede savoir qu'une révolte a fait fermerune prison et que quelqu'un s'est enfui,car il sait ce que cela signifie d'êtredans une de ces cellules maudites. Etles exploités qui subissent aujourd'huipassivement cette période d'absencetotale de liberté, d'asservissement totalà l'État et aux techniciens, sesouviendront à l'avenir de ceux qui ontlutté dès le début. Les exploitéspaieront tout ce que l'État tente depacifier avec divers décrets,manœuvres économiques, mais pasque. Nous ne sommes qu'au débutd'une nouvelle et longue lutte à meneret à prendre à bras-le-corps.C'est à nous qui sommes dehors de

    donner voix et solidarité à ces luttesen faisant comprendre aux exploitésque leur sens n'est en rien irrationnel.Et il existe un mot généralementutilisé avec parcimonie mais qui, à lalumière des événements qui ont eulieu, doit être soulevé sur le mât desluttes futures contre la prison. Ce motest : vengeance. Le silence sur ceshommes assassinés par le systèmecarcéral est devenu assourdissant. Ilsméritent qu'on se souvienne d'euxaujourd'hui et à l'avenir, pour que toutce qui est en train de se passer ait unesignification profonde.

    Trieste, 16 mars 2020 ~ roundrobin.info

  • Bologne : Lettre d'un détenusur la révolte dans la prison

    Les détenus ont été les maîtres de laDozza pendant 29 heures, de 13h30 le9 mars, à 18h30 le 10 mars.Le premier jour de la révolte, les 200

    gardes munis de casques, boucliers etmatraques n'ont pas pu entrer, parceque l'entrée était bloquée par lesréfrigérateurs et les tables des cellules.Ils ne pouvaient entrer que par le toit.Certains étaient parés pour la guerre

    avec des pieds de table à la main etdes chaussettes imbibées d'huile, prêtesà brûler. Et puis de l'extérieur, on aentendu crier « Retraite ! » par lesgardes.C'était un vrai champ de bataille.Lorsqu'on a entendu des membres de

    la famille et des personnes en soutiendepuis l'extérieur, près de l'arrêt de busen face de la prison, des gens sontmontés sur le toit et ont allumé unetorche pour lancer une salutation. Le 10 mars, à 18h30, la révolte s'est

    terminée. La révolte a pris fin parchoix des détenus, afin de protéger lasanté des détenus plus âgés et plusvulnérables.Les détenus de la section judiciaire

    [où sont enfermés les détenus enattente de leur procès et ceuxcondamnés à une peine inférieure àtrois ans] ont ensuite été enfermésdans leurs cellules, sans lumière, sanstélévision, avec 5 cm d'eau au sol.Toutes les cellules et toute la sectionsont restées dans le noir.Le 1er et le 2ème étage ont été dévastés.Tout a été détruit : portes, portails,

    tables, placards. Les escaliers bloqués.Les bureaux des inspecteurs, lesinfirmeries, le cabinet du dentiste,tout a été brûlé.

    Bologne, 10 mars

    Remarque de Rete Evasioni, un réseaubasé à Rome contre les prisons, les CRAet la répression : « au 31 mars, noussavons que les prisonniers de la sectionjudiciaire, la section impliquée dans lesoulèvement, sont maintenus enfermésdans leurs cellules 24 heures sur 24, sansmême une heure de promenade. Ils n'ont

    droit qu'à 10 minutes par semaine pourappeler leurs proches. Le courrierfonctionne toujours, mais il est très lent ».

    www.inventati.org/rete_evasioni

    Chieti : Lettre depuis la taulede la Madonna del Freddo

    Prison de la Madonna del Freddo, Chieti 19 Mars 2020

    Bonjour mon amour, il est 5h00 dumatin et j'aurais aimé être au lit avectoi, au lieu de cela je suis pris en otagedans un état incivilisé et criminel. Levéritable criminel, c'est l'État qui,malgré les risques de contagion et demort, préfère nous garder entassésdans ce trou plutôt que de nousrenvoyer chez nous pour être auprès denotre famille. Peut-être avec l'idée d'unpatron qui punit, peut-être pourobtenir le consensus populaire, peut-être pour obtenir deux votes, il secomporte comme un vrai criminel,nous tenant en otage malgré toute loi,nous refusant tout droit ; nous couronsle risque de ne plus jamais revoiraucun membre de notre famille ou pireencore, de ne jamais sortir vivants decet enfer. Je te demande de rendrecette lettre publique, car depuis dessemaines, nous essayons de nous faireentendre, avec une grève de la faim, enbattant tous les jours avec des mainsen sang, mais apparemment seuls lesmurs nous entendent.Nous demandons à rentrer chez nous

    au moins jusqu'à la fin de l'étatd'urgence, nous ne demandons pas laliberté, nous voulons purger notrepeine d'une manière digne et civilisée.Je suis citoyen italien et je nedemande pas la lune, mais seulementd'être traité comme tel, pas comme dela viande d'abattage qui attendimpuissante sa propre mort. J'espèrepouvoir t'embrasser bientôt, je t'aime tues ma vie !

    Lettre d'un détenu envoyée à sacompagne, reçue et publiée par le réseau

    Rete Evasioni.

    www.inventati.org/rete_evasioni

    Chieti : Lettre de la prison surla grève de la faim et la

    contestation en acte

    À partir d'aujourd'hui le 09/03/2020,la prison de Madonna del Freddoentame une grève de la faim, aucundétenu n'ira travailler aux ateliers,aucun détenu ne cantinera plus, toutesles courses seront détruites, unebattitura [battage de barreaux etd'objets métalliques] aura lieu tous lessoirs de 20h00 à 21h00 jusqu'à ce quenos demandes soient satisfaites :

    – Tous les détenus en fin de peinedoivent pouvoir bénéficierimmédiatement des mesuresalternatives prévues par la loi

    – Arrêt immédiat des réunions desynthèse comportementale

    – Mise à disposition de moyensadéquats pour compenser lasuppression des parloirs (Skype,7 appels quotidiens par semaine)

    – Fourniture de produitsdésinfectants et de produitsd'hygiène

    – Approvisionnement en eaupotable

    – Arrêt de tous les agents ettravailleurs à l'intérieur de laprison pendant toute la durée del'arrêt des parloir, et à titresubsidiaire, accès autorisé auxmembres de la famille dans lesmêmes conditions que les agentspénitentiaires (avec masques etcontrôles médicaux)

    – Pour les détenus sans contrat,fourniture d'une auto-certification pour les appelstéléphoniques

    – Pas de représailles pour lestravailleurs participant à la grèveet les meneurs des protestations.

    www.inventati.org/rete_evasioni

  • Bologne : Prison de la Dozza21 mars

    Ce matin, un groupe de personnessolidaires s'est rendu au pied des mursde la prison de Bologne pour saluer lesdétenu·e·s et diffuser quelquesnouvelles sur ce qui se passe dehors etdans les autres prisons.Malheureusement, très peu deréponses sont arrivées en retour, àpart quelques "merci" et quelquessifflements, c'est tout. Une voiture dela police pénitentiaire a rejoint assezvite le groupe de personnes solidaires.Un agent a menacé de dénoncer lesgens, et ensuite ne l'a pas fait. Aprèsles révoltes de ces dernières semaines,un parloir sauvage, ce n'est certes pasgrand-chose, mais vues les conditionsque nous vivons à l'extérieur, ce n'estdéjà pas évident. Nous continuons àapporter notre solidarité auxprisonniers.

    Tant qu'il y aura quelqu'un·ederrière les barreaux, personne n'esten sûreté !

    Bologne : Un parloir sauvageà la prison de la Dozza

    3 avril

    Le 1er avril, un détenu de la prison dela Dozza est mort à l'hôpital, aprèsavoir été emmené aux urgences.Aujourd'hui 3 avril, nous avons fait unparloir sauvage-éclair à la Dozza, àBologne. Salutations de liberté,fumigène et puis lecture de ce texte :

    « Les journaux nous ont appris que le1er avril, un premier détenu de laDozza à Bologne est mort du Covid-19.Il était incarcéré sous le régime dehaute sécurité et il avait soixante-dix-sept ans. Son nom était VincenzoSucato, arrêté en 2018. Il étaittoujours en attente de jugement. Il

    était en préventive lorsqu'il était enprison. Il est mort DE la prison. Ilavait déjà des problèmes respiratoires,mais le juge a décidé de le mettre auxarrêts domiciliaires1, mais seulementparce qu'il était nécessaire del'emmener à l'hôpital. Il a dû arriverjusqu'au seuil de la mort pour sortirde ces murs infâmes et il est décédé àl'hôpital. Mais sa chambre était commeune cellule, avec un garde devant laporte.

    Nous voulons savoir comment vousallez, ce qui vous est arrivé après lesrévoltes qui ont eu lieu, et dans quellesconditions ils vous contraignent àvivre.

    Parce que nous ne voulons pas qu'onvous oublie, à moisir en prison, nousvoulons que des gens comme Vincenzo,qui sont toujours enfermés à 77 ansmalgré une santé précaire, ne soientpas oubliés, ou ne restent pas invengés.

    Il n'existe qu'une seule cause de lasouffrance infligée à ceux qui setrouvent entre les murs. Cette causen'est pas le crime, ni le droit, c'estl'État et lui seul.

    L’État qui, à travers les prisons,décide de réduire au silence et deréprimer celui qui, pour survivre, n'ad'autre choix que d'affronter les lois, deleur désobéir - ces lois qui ne défendentque les riches et leur monde de merde.

    Ce ne sont pas les criminels qu'il fautenfermer mais les causes de lacriminalité qu'il faut détruire2.

    Ces causes sont l'inégalité, la pauvreté

    1 Les arrêts domiciliaires sont une forme depeine préventive, d'enfermement, qui interdit des'éloigner d'une maison ou d'un établissementmédical et/ou social. La police ou lescarabiniers peuvent venir contrôler à toutmoment la présence de la personne aux arrêts.Celle-ci peut aussi être interdite de contact avecd'autres personnes.

    2 D'après Ravachol : « Il faut détruire les causesqui engendrent les crimes et les criminels : cen'est pas en supprimant celui qui, plutôt que demourir d'une mort lente par suite de privationqu'il a eues et aurait à supporter, sans espoir deles voir finir, préfère, s'il a un peu d'énergie,prendre violemment ce qui peut lui assurer lebien-être, même au risque de sa mort qui nepeut être qu'un terme à ses souffrances »

    .

    et l'autorité de ceux qui enferment etqui torturent. Qui veulent protégerleurs privilèges de pouvoir sur lesautres.

    Vous n'êtes pas seuls. Même dudehors, nous pouvons respirer cet aird'isolement, de contrainte, de libertédétruite jour après jour.

    Nos villes sont devenues des prisonsà ciel ouvert. C'est aussi pour cela quenous voulions vous faire ressentirnotre sympathie et notre solidarité.

    Que les exploités s'unissent, dedanset dehors, et que les morts causées parles prisons de la Dozza, Modène, Rieti,Alexandrie et Udine ne soient pasqu'une odeur de charogne dans l'air.

    Nous pensons que les vrais coupablesde tout cela sont les matons, lesdirecteurs de prisons, le ministre de lajustice et l'État. Ce ne sont pas lespersonnes, les détenus, les mutins, quiont ouvert leurs cellules avec justesseet qui ont détruit la cage qui les tenaitenfermés. Si vous le pouvez, si vous levoulez, informez-nous de votre état etde vos conditions de vie, dites-nouscomment vous allez et comment ilsvous traitent. Nous aimerions que voussoyez libres, dehors, ici avec nous.

    Selon nous, nul autre que vous nepeut donner plus de sens à un mot quinous est si cher et qu'ils essaient denous retirer et de détruire, dedanscomme dehors : la liberté. »

    Hélas, nous n'avons pas pris le tempsnécessaire à la situation et à nospassions. Après d'autres salutations etun peu de « chorégraphie », nous avonsentendu des réponses de l'intérieurpuis nous avons disparu sans tropattirer l'attention des gardes.

    Certes, les occasions de retourner aupied de ces murs de merde ne peuventet ne doivent pas manquer. Cueillonsl'instant.

    À bientôt.

    Nos cris pour les détenu·e·s,

    Notre haine pour les matons et lesdirecteurs.

  • Bologne : Des nouvelles

    de la prison de la Dozza

    Début avril, suite à la mort deVincenzo, les autres détenus de lasection « haute sécurité » ont tous ététranférés dans la taule de SanGimignano en Toscane. La section« haute sécurité », alta sorveglianza enitalien, est une partie de la prison oùsont rassemblés tous les condamnéspour délits associatifs (mafia, trafic dedrogue, etc.), et où ils font l'objet d'unesurveillance plus étroite.

    À leur place, ils ont mis les détenusde la section judiciaire - ceux àl'origine des mutineries des 9-10 mars.Aux dernières nouvelles, l'un d'eux aété testé positif au Covid-19. Laréponse « sanitaire » de ses geôliers :le placer en cellule d'isolement, ainsique les dix autres détenus avec qui ilpartageait les douches collectives.

    Voghera : Un deuxième détenumeurt du coronavirus

    Après Vincenzo à Bologne, undeuxième prisonnier a succombé aucoronavirus le 10 avril à l'hôpital deVoghera, au sud de Milan. Il s'appelaitAntonio, il avait 58 ans, et il était endétention provisoire dans la taule deVoghera.

    Pendant ce temps, le virus continue àse propager dans les taules bondées.Seuls quelques dizaines de testspositifs (parmi les détenu·e·s, lesmatons et le personnel médical) sontmis en lumière par les médias et lessyndicats de la pénitentiaire. Avec lesconditions carcérales, on imagine bienque le nombre de personnescontaminées en prison croît de jour enjour.

    Ajoutée à celle des révoltésférocement réprimés, la liste de cemassacre d’État intentionnel n'en estqu'à ses débuts.

    Des nouvelles de la lutte9 avril

    La lutte ne s'arrête pas.Après les révoltes qui ont mis le feu

    aux prisons dans tout le pays le moisdernier, au cri de liberté, grâce etamnistie, et la répression qui a suivi,voici des nouvelles des premiers cas decontagion du coronavirus en prison.

    Dans les prisons, la contestation sepoursuit avec des battiture constanteset révoltées. À Santa Maria CapuaVetere, le 6 avril, comme trois détenusont été testés positifs au coronavirus,les prisonniers ont déclenché unerévolte qui a duré du matin jusqu'àtard dans la nuit, ainsi qu'àSecondigliano, où il y a eu desbattiture et des rassemblements defamilles et de gens en soutien àl'extérieur des murs.

    De même à Poggioreale [Naples]où, ce matin, un groupe deproches et de personnes ensoutien se sont réunis malgréles décrets et lesinterdictions, pour protestercontre les conditions àl'intérieur et revendiquer unefois de plus la liberté et lasanté pour tous et tous, tout enbloquant la rue devant la prison.

    Une délégation a réussi à obtenirune réunion avec le directeur de lataule : une énième tentative qui n'aabouti à rien, et ensuite les gens ontdécidé de porter la manifestationjusqu'au palais de justice.

    Après avoir franchi le seuil du palaisde justice, un grand nombre d'agentsdes forces de l'ordre les ont pourchasséà l'intérieur du bâtiment pour lesexpulser, tandis qu'un violent passageà tabac commençait à l'intérieur de laprison.

    Dans ce contexte, la police a arrêté etmis une contravention à deuxpersonnes solidaires dans unetentative claire de punir et de rompreles liens de solidarité et de lutte.

    Les forces de l'ordre et les misérablespoliticiens pointent du doigt lesproches et les gens en soutien. Commedans une chasse aux sorcières, ils lesaccusent de propager la maladie, alorsque les véritables auteurs du massacresont ceux qui gouvernent, qui gardent

    les usines ouvertes et qui entassentdans les prisons des milliers depersonnes privées de liberté etexposées à la contagion.

    Ils ne briseront pas la solidarité !

    Aujourd'hui comme demain, nousresterons les unes à côté des autres.

    Tous et tous libres !

    Feu aux prisons !

    ~ repris de la page facebookBattiture, Sguardo di criticaradicale sul carcere

  • 14 mars

    Ce matin, un groupe de soutien aesquivé les contrôles policiers pourarriver en vélo jusqu'à la prison de SanVittore, à Milan. Côté Piazza Aquileia,un groupe criait pour demander desnouvelles aux détenus, tandis qu'unautre passait devant le quartierfemmes et l'aile 5 pour hurler sasolidarité, raconter comment la révoltes'est étendue à Opera et au reste del'Italie, et comment elle s'est faiteréprimée. C'était aussi l'occasion deparler de la situation en-dehors desmurs, sous cet état d'urgence.

    Malheureusement, aucune réponsen'est venue de l'intérieur, contrairementaux jours d'avant où ce retourfondamental avait réchauffé nos cœurs.

    Le couloir tout entier est-ilinutilisable, des transferts auraient-ilsdéjà eu lieu ? La répression féroce va-t-elle décourager, et compliquer encoreplus la communication entre l'intérieuret l'extérieur ?

    Ces jours-ci, être présent en soutienest et sera nécessaire. Notre volontéd'être là est une défiance vis-à-vis desdécrets, afin d'être nous-mêmes lespremiers responsables de notresécurité et de celle de notre entourage.

    À Opera, un groupe de solidarité aatteint lui aussi les murs de la prison.Après quelques feux d'artifice, il aéchangé quelques mots avec lesdétenus. Eux criaient en appelant àl'aide, en disant qu'ils avaientfaim, qu'ils avaient peur.De plus, ils ontinsisté sur le faitqu'ils n'ont nitélévision, nidouche, ninourriture,qu'ils n'ont reçuni colis, nicourrier, nicoups de fils,ni substitutsaux parloirs,qu'ils n'ont euqu'une demi-heure

    de promenade et qu'ils se sont faitstabasser.

    La voiture de la police pénitentiairequi se trouvait devant la prison aactionné sa sirène pour empêcher laconversation.

    Nous avons appris aussi le transfertimminent d'un des gars, identifiécomme l'un des meneurs de la révolte.

    Opera : Témoignages de proches de détenus

    14 mars

    « Bonjour. J'écris depuis Milanconcernant la prison de Opera, etdepuis dimanche, je n'ai plus denouvelles de mon frère emprisonné àOpera.

    Lundi 9, un incendie s'est déclaré.Nous sommes allés à la prison où nousavons trouvé en face de nous un murde la police pénitentiaire, decarabiniers, de flics qui nous ontbloqués, et à nos demandes de savoirce qu'il s'était passé, ils ont brandileurs fusils et leurs matraques. On estdésespérés, aidez-nous s'il vous plaît

    Il y a peu d'appels qui ont réussi àpasser, et ceux qui passent parlent de

    coups dans la tête des

    prisonniers, de mains cassées.

    Ils entrent par trois dans les cellules,et ils frappent. On a des photos où l'onvoit une fille tirer un survêt' d'un sacde linge, avec des empreintes de bottesdessus. Juste après, elle a reçu unappel de son compagnon où il expliquequ'ils l'ont jeté par terre, ils l'ont bloquéen mettant leurs pieds sur son dos,puis ils lui ont frappé la tête à coupsde matraque. Et il a dû rester au litcar il avait des évanouissements, etavec une main très probablementfracturée au petit doigt.

    Aidez-nous, si vous voyez la partiequi a brûlé du champ derrière. À cejour ils n'ont même pas de quoimanger.

    Je vous écris tout ce qu'on sait ».

    Une proche d'un détenu du deuxièmequartier :

    « Mon mari vient de m'appeler et ilm'a dit qu'il n'a pas été frappé, mais ilsont tabassé tous les détenus du couloiren face de lui, où c'était le bordel, etc'est vrai que là, la police anti-émeuteest rentrée, qu'elle a éteint la lumièreet les a tous battus, mais il ne m'a riendit d'autre, mais c'est vrai que certainsprisonniers ont fini aux urgences ».

    « Je viens d'entendre une proche dedétenus qui ne peut même

    pas parler, sa belle-sœurl'a appelée pour

    lui dire que sespetits-enfantsse sont faitstabassés àOpera, et quecertains garsavaient mêmeles yeux en-dehors destrous tellementils se sont faitsfrapper. »

  • Un proche d'un détenu de la section1 :

    « Il vient de m'appeler, il m'a toutraconté, ils l'ont frappé à trois et ilsl'ont cassé, il a les mains cassées maisil va bien, ils ont frappé tout le mondecar dans la confusion ils n'ont pasregardé qui en était et qui n'en étaitpas, ils ont éteint la lumière et ils onttabassé tout le monde. Ils l'ontmaintenu au sol avec leurs pieds et ilsl'ont battu avec leurs matraques. Aprèsl'avoir frappé pour le ramener dans lacellule, ils ont dû le traîner parce qu'ilne tenait plus debout et pendant deuxjours, il n'a pas pu se lever parce qu'ilavait l'impression qu'il allaits'évanouir. Après, quand ils ontcompris qu'il n'avait rien à voir, ils sesont excusés. Il a dit d'apporter de lanourriture parce qu'ils ont tous faim. »

    Une proche d'un autre détenu de lasection 1 :

    « Il m'a dit qu'il est dans unesituation de merde. Il n'y a que l'eau etles cigarettes qui passent. Ils ontenlevé les plaques pour cuisiner. Lacantine devait arriver aujourd'hui,mais finalement non. Aujourd'hui, ilsont eu une heure de promenade,encore heureux. Je lui ai dit : « Tu asfinis par appeler, je ne dors plusdepuis une semaine » et il a répondu :« Tu dors plus ? Encore maintenantquand je regarde mon corps, je trouvede nouveaux bleus ». Il m'a dit qu'ungarçon avait des marques de matraquesur le dos, et qu'il les a montrées audirecteur qui lui a répondu : « Cescoups de matraques que tu as sur ledos, moi je les ai sur le cœur pour toutce qui vous est arrivé ».

    17 mars

    Avec des masques et des vélos, ungroupe de soutien a voulu montrer sasympathie aux détenus de San Vittoreà Milan. À l'intérieur, ils ontcertainement entendu notre tapagemais ils n'ont pas répondu à nosmessages, nous imaginons qu'après larévolte du lundi 9 mars ils ont reçudes intimidations et de faussespromesses pour rétablir l'ordre interne.

    Cependant, nous apprenons desmédias qu'un prisonnier a été testépositif au Covid-19 et nous endéduisons donc que ce calme n'estqu'apparent.

    Depuis aujourd'hui, en effet, lespremiers cas sont apparus à l'intérieurdes établissements pénitentiaires : enplus de San Vittore, le virus est aussientré à Pavie, Voghera et Brescia.

    En fin d'après-midi, d'autrespersonnes se sont rendues à la prisonde Opera où les détenus seplaignent d'une aggravation desconditions carcérales depuisla semaine dernière.Les contacts avecl'extérieur ont étésuspendus (parloirs,colis, appels, radio,TV, courrier), lanourriture n'est pasdistribuée à tout lemonde, les blessés etles malades n'ont pasété transportés àl'hôpital, et ils nousdisent qu'ils n'ont pasreçu de masques de protection.Le salut a été accueilli par unebattitura chaleureuse, des cris et desmessages à transmettre aux proches.Ils nous ont dit aussi qu'il y a desmalades placés en isolement cellulaireet qu'aujourd'hui, ils ont été informésdes plaintes concernant les révoltes dela semaine dernière. Les accusationssont les suivantes : outrage à agent,déclenchement d'une alarme, incitationau délit, résistance, dommages causéspar un incendie, fausses déclarations,lésions corporelles graves.

    Les prisonniers ont fait entendre leurvoix d'une manière retentissante.Malgré tout, la volonté de l'État deleur tourner le dos nous paraît claire,en occultant d'abord toutes les infos,en émettant un décret de façadeinutile, puis en faisant arriver avecune triste ponctualité ses intentionsrépressives. Face à cette absenced'intérêt à protéger les détenus quicontinuent de vivre ce momentd'inquiétude et d'incertitude dansl'isolement et le silence, nousréaffirmons notre détermination à nepas les laisser seuls.

    roundrobin.info

    Survivre au virus :

    une méthode anarchiste un extrait

    « Tout cela se produit avec leconsentement tacite de la population.Les autorités peuvent fairepratiquement n’importe quoi au nomde la protection de notre santé -jusqu’à nous tuer.

    Au fur et à mesure que la situations’intensifie, nous verrons probablementla police et l’armée employer une forcede plus en plus meurtrière. Dans denombreuses régions du monde, ils

    sont les seuls à pouvoir serassembler librement en grandnombre. Lorsque la police constituele seul corps social capable de serassembler en masse, il n’y a pasd’autre mot hormis État policier pourdécrire la forme de société danslaquelle nous vivons.

    Depuis des décennies, certainssignes indiquent que les choses vontdans cette direction. Le capitalismedépendait autrefois du maintien d’un

    nombre massif de travailleurs ettravailleuses disponibles poureffectuer le travail industriel - parconséquent, il n’était pas possible detraiter la vie aussi bon marché qu’ellene l’est aujourd’hui. À mesure que lamondialisation et l’automatisationcapitalistes ont réduit la dépendancevis-à-vis des personnes, la main-d’œuvre dans le monde s’estprogressivement déplacée vers lesecteur des services, effectuant untravail qui n’est pas essentiel aufonctionnement de l’économie et doncmoins sûr, moins bien rémunéré, tandisque les gouvernements sont devenus deplus en plus dépendants de la violencepolicière militarisée pour contrôler lestroubles et la colère.

    Si la pandémie se poursuitsuffisamment longtemps, nous neverrons probablement plusd’automobilistes - les voitures àconduite autonome représentent moinsde menace d’infection pour labourgeoisie que les conducteurs Uber -et les travailleurs déplacés serontrépartis entre les industries derépression (police, armée, sécuritéprivée, entrepreneurs militaires privés)et les travailleuses précaires qui sont

  • obligées de prendre de grands risquespour gagner quelques sous. Nousaccélérons vers un avenir où uneclasse privilégiée connectéenumériquement effectue un travailvirtuel en isolement tandis qu’un Étatpolicier massif les protège d’une sous-classe sacrifiable qui prend la plupartdes risques.

    Le milliardaire Jeff Bezos a déjà créé100000 emplois sur Amazon, enprévoyant que son entrepriseentraînera la fermeture de tous lesmagasins locaux. De même, Bezos nedonnera pas de congés payés à sesemployé·e·s de Whole Foods malgré lerisque constant auquel ils et elles sontconfrontés dans le secteur des services- et ce même s’il leur donne uneaugmentation de 2 dollars jusqu’enavril. Bref, il considère toujours queleur vie ne vaut rien, mais il admetque leur mort devrait être mieuxpayée.

    Dans ce contexte, la révolte estinévitable. Il est probable que nousassisterons à des réformes socialesvisant à calmer la population - aumoins temporairement pour atténuerl’impact de la pandémie. Mais ellesarriveront en même temps que laviolence toujours croissante d’un Étatdont personne ne peut s’imaginer sepasser, dans la mesure où il estcompris comme le protecteur de notresanté.

    En fait, l’État lui-même est la chosela plus dangereuse pour nous, car ilapplique la distribution radicalementinégale des ressources qui nous obligeà faire face à une répartitiondéséquilibrée des risques. Si nousvoulons survivre, nous ne pouvons pasnous contenter d’exiger des politiquesplus équitables. Nous devonségalement délégitimer et saper lepouvoir de l’État. »

    20 mars 2020 ~ fr.crimethinc.com

    « La dictature parfaite : unedictature qui aurait les apparences dela démocratie, une prison sans mursdont les prisonniers ne songeraient pasà s'évader. Un système d'esclavage où,grâce à la consommation et audivertissement, les esclaves auraientl'amour de leur servitude »

    Aldous Huxley

    Dans la ville endormie de Rieti, ilparaît que des milliers d'honnêtescitoyens ne pourront pas boire à lasource de l'information onlinependant un certain temps, nisuivre leurs habitudes despectateurs passifs via Instagramdans une représentation virtuellede leur propre vie et de celle desautres, ni même recevoir tranquillesà la maison la panique, lesavertissements et les ordres dugouvernement.

    En effet, nous avons appris que descâbles de fibre optique installésrécemment ont été endommagés dansleurs parties centrales. On nousinforme qu'une grande quantité depluie a pénétré à l'intérieur. Même s'iln'a pas plu depuis une dizaine dejours.

    Voir tous les flics concentrés auxentrées de la ville a peut-être fait tilt àquelqu'un, qui s'est amusé avec peu (etpas qu'un peu) ?

    Peut-être que tout le monde n'attendpas le signal du retour à la normalité ?Peut-être qu'il y a des gens dans le coinqui n'avaient rien à gagner de l'ordred'hier, et aujourd'hui rien à regretter ?La suspension de la routine par décret,qui a asservi nos forces et émoussé nossentiments, est peut-être une trèsbonne occasion, et pas seulement pourlire un livre ?

    Peut-être. En attendant, ce qui estsûr, c'est que des milliers de personnesauront moins d'occasions de connecterleur médiocrité, et plus pour réfléchirou qui sait, peut-être vraiment lire celivre s’ils ont fait le choix de laquarantaine volontaire. Ou, s'ils ontchoisi de continuer à participer auxévénements de ce monde, ils nepourront plus s'en laisser conter par leslarbins de l'actualité et les dealers dela panique ... Ils devront se décider àmettre le nez dehors.

    Facile, comme verser un verre d'eau.

    Chacun détruit sa propre prison :que l'imagination explose

    14 mars 2020 ~ roundrobin.info

    Le défi de la domination : lacontagion de la servitude

    L'Italie entière est devenueaujourd'hui, plus que jamais, uneprison à ciel ouvert pourl'expérimentation sociale.

    Dans les yeux des politiciens, desjournalistes, des scientifiques et deséconomistes, on ne peut lire qu'uneseule chose : la peur.

    Des yeux terrorisés, dans cette partiedu monde qui pourrait devenirl'épicentre du rêve de toute personnesensible : l'effondrement de lacivilisation.

    Et aussi, des prisons en feu, où lesreclus tentent la meilleure chose quisoit : s'évader de leur cage. Et la peste,avec les untori [terme utilisé au XVIe

    et XVIIe siècles pour indiquer unepersonne supposée répandrevolontairement des épidémies,notamment la peste] éventuels quierrent dans les villes en ruineendémique. Des cages en verre quidivisent ceux qui souffrent et ceux quisanctifient, dans une suite sans find'explosions des chiffres.

    Les personnes contaminées sontcomme les morts d'une guerre brutale.Les menaces de la sélection sur la vieet sur la mort font le reste. Les crisrépugnants et fatigués des oppresseurset de leurs sous-fifres du spectaclepassent de l'État à la maison pournous forcer à changer notre mode devie. Alors les questions suivantes se

  • posent : et celui ou celle qui n'a pas demaison ? Et pour les mieux lotis, sicette maison a toujours été une cage ?De quel style de vie parlons-nous ? Dequelle chaire vient le sermon ? De ceuxqui continuent sans scrupules àexploiter, dévaster et tuer ce monde.

    La domination est la réalité. Elleengloutit tout. La réflexion estconstamment remise à zéro, puisque laculture est façonnée par l'informationcontinue en temps réel, qui joue sur lafausse évidence et non sur lasensibilité. Le faux est greffé sur nossens pour occuper le terreau de notreespace imaginaire de plus en plusrestreint. Une réalité où l'informationéclipse la connaissance, ne permettantplus de saisir les faits, et nousempêchant de les relier aux idées. Etquand on n'invente plus rien, on secontente d'être des répliques del'approximation.

    Désapprendre à ressentir est dansl'esprit du temps. Mais aujourd'hui plusque jamais, en-dehors des écrans, c'estle noir complet. Et il n'est pas dit queles graines d'une vie passionnée nepeuvent pas éclore des décombres decette civilisation putride infectée parle virus du pouvoir et par la servitudedouceâtre qui y règne. Là, uneconjonction historique vient à l'esprit.L'une des premières attaques de laCommune de Paris après la fuite desmaîtres parisiens en 1871 futl'incendie du bureau d'état civil de laville : une bonne façon de brûler toutmoyen d'identification. Avant-hier, à laprison de Foggia, une soixantaine deprisonniers révoltés ont détruit tousles dossiers, tous les documentsmentionnant leur identité, avant des'évader. Autrement dit, quand la viebrûle, chercher à se rendre non-identifiable est une sage question desécurité individuelle.

    Voici un énième acte qui montreclairement comment la sédition activela créativité de ceux qui s'insurgentcontre leurs propres conditionsd'oppression. Pour briser la contagionde la servitude volontaire et déclencherla mutinerie de ceux qui osent encoreressentir.

    12 mars 2020 ~ csakavarna.org Centre auto-géré Kavarna, à Crémone

    Ces derniers jours, il y a eu un défiléde déclarations et d'analyses sur lasituation d'urgence dans laquelle setrouvent actuellement les prisons,après que le Covid-19 a commencé à sepropager parmi les prisonniers, lesmatons, et le personnel qui travaille àl'intérieur. Cette quantité de mots,prononcée souvent par les gros bonnetsdes institutions, donne déjà une idéede l'inquiétude qui plane dans lesbureaux des dirigeants, quant à lapossibilité d'une nouvelle vagued'émeutes après celle d'il y a quelquessemaines. Et si, en plus de plusieursjuges d'application des peines, onentend le Procureur général deTrieste, le chef du Conseil Supérieurde la Magistrature et même lePrésident de la République invoquerl'amnistie et critiquer les mesuresprises par le gouvernement, parce qu'iln'a pas le courage de vider les prisonsni de faire preuve d'une certaineempathie envers les problématiquesdes prisonniers, alors le tableaudevient encore plus clair.

    De plus, on n'a sûrement pas besoind'un analyste en sécurité intérieurepour comprendre que la situation s'estaggravée par rapport aux dernièressemaines. L'épidémie, comme nousl'avons dit, se propage et le niveau decontagion sera très probablementbeaucoup plus élevé que ce qui sepasse en-dehors des murs, considérantl'intérêt des autorités à jeter un voilesur le sujet. Les mesures prises par legouvernement ne changent en rien leproblème de la surpopulation, etrisquent plutôt de rallumer les espritsen raison de l'odeur de foutage degueule qui pue à grande distance.

    Hormis les concessions accordées auxdétenus en semi-liberté, et à ceux quibénéficient de permissions de sortie(ce qui représente une infime minoritédes détenus), seuls les prisonniers quiont une peine inférieure à 18 moispeuvent être assignés à résidence – etpas tous, étant données les nombreusesexceptions. Et ceux qui ont encore unepeine résiduelle supérieure à 6 mois nepeuvent sortir qu'avec un braceletélectronique. Les bracelets, cependant,ne sont pas en nombre suffisant pourle petit nombre de « bénéficiaires »

    potentiels, comme Fastweb le souligneaussi, l'enteprise qui a été chargée deles produire et de les gérer en 2017.Une mesure dont le sadisme estamplifié par la durée de ce jeu de l'oieorganisé par le gouvernement : avantde risquer de retourner à la casedépart, il faut faire une demande aujuge d'application des peines etattendre la réponse, avec tout le poidsde l'anxiété et de l'incertitude qu'unetelle attente va créer inévitablement.Pour compléter le tableau, nous devonssouligner les nombreuses exceptionsindiquées dans le décret : aux côtés deceux qui ont commis des délits gravesrelevant de l'art. 4 bis, nous trouvonsaussi ceux qui n'ont pas de domicile -et compte tenu de la situation, l’Étatne peut pas utiliser les structures quiremplissaient auparavant cettemission, du moins en partie. On trouveégalement tous les détenus en attentede jugement, que la suspension del'activité des tribunaux repousse auxcalendes grecques, et les détenus tenuspour responsables des révoltes - unequalification que certains directeursde prison ne savent même pascomment attribuer, car les enquêtessont toujours en cours.

    En attendant, il est bon de serappeler que les visites avec lesmembres de la famille sont toujourscomplètement bloquées.

    Une situation explosive qui inquièteaussi le gouvernement, c'est sûr. Pourbien peser dans le choix de ne pasprendre de mesures qui tenteraient enquelque sorte de désamorcer le conflit,il y a certainement des considérations

  • électorales - ne pas céder du terrain nioffrir des prises, d'un point de vuesécuritaire, à l'opposition. Après tout,nous ne pouvons pas faire semblant dedécouvrir maintenant la justiceexpéditive de ce gouvernement. Maisce qui est encore plus grave, c'est lesouci de saper le système carcéral, l'undes piliers sur lesquels repose l'édificedu pouvoir. Et avec lui, c'est lacrédibilité de l'État qui s'en trouveégratignée, elle qui repose désormaisplus que jamais sur la capacité del'État à contrôler la population et doncà punir ceux et celles quicontreviennent aux lois. Le seul terrainsur lequel ils réfléchissentsérieusement, pour faire face à uneéventuelle onde de révoltes, est doncmilitaire. Les mêmes méthodesadoptées il y a quelques semaines,mais programmées cette fois avec unecertaine minutie, afin de ne pas seretrouver pris au dépourvu. Lesdemandes de déploiement de l'arméeou de taser pour les matons, en cas denouveaux troubles, vont dans ce sens.

    Donc, la logique qui guide les pas desdirigeants est, au sens technique,assassine. Elle avait pris en compte, aupréalable, le fait qu'ils pouvaientlaisser sur le carreau d'autres mortsparmi les détenus - en plus de ceuxqu'ils ont déjà laissés sur le trottoir cesdernières semaines. Un fait à garder entête, même lorsque cette urgenceprendra fin, en particulier pour ceuxqui ont soutenu et continuent desoutenir le travail du Mouvement 5Étoiles3 pour diverses raisons, tant auniveau national que local.

    Si les lignes ci-dessus seconcentraient principalement sur lasituation italienne, les révoltes dansles prisons ont explosé presquepartout dans le monde. Ainsi, il nousa semblé utile de fournir unechronologie assez approfondie, bien queprobablement incomplète, avec lesliens connexes dans la langue originalepour comprendre ce qui s'est passéprécisément.

    Concernant la situation italienne,nous recommandons cette contributionaudio de Radiocane sur le soulèvementde San Vittore :

    https://radiocane.info/san-vittore/

    3 Parti populiste qui fait partie du gouvernementactuel en Italie.

    France

    15\03 prison de Metz-Queuleu

    17\03 prisons de Grasse, Draguignan,Aix-en-Provence, Maubeuge, Douai,Perpignan, Nancy, Valence, Saint-Étienne, Angers, Toulon, Maux,Argentan, Nantes, Carcassonne. Aiton,Angers, Douai, Épinal, La Santé, Lille-Sequedin, Montauban et Varennes-le-Grand, Longuenesse, Meaux, Moulins,Limoges, Rennes-Vezin, Saint-Malo,Nice, Fleury-Mérogis.

    17/03 – 23/03 autres prisons etplusieurs CRA en révolte en France

    22\03 prison de Uzerches

    Espagne

    15\03 prison de Brians

    15\03 prisons de Alcalà de Henares,Fontcalent, Castellon, Albolote

    Brésil

    17\03 prison de Sao Paulo, Mongaguà,Trememebè, Porto Feliz e Mirandòlis

    Belgique

    16\03 prison de Nivelle

    Pérou

    19\03 prison de Piura

    Chili

    19\03 prison de Santiago

    Venezuela

    18\03 prison de San Carlos

    Île Maurice

    19\03 prison de Beau-Bassin

    Sri Lanka

    21\03 prison de Anuradhapura

    Ouganda

    22\03 prison de Arua

    Inde

    21\03 prison de Dum Dum, Calcutta

    Colombie

    22\03 prisons de Ibague, Jamundi,Combita, Medellin, Bogotà

    Samoa

    23\03 prison de Tanumalala

    USA

    24/03 prison de Washington

    Iran

    16\03 prison de Parsylon Khorramad

    20\03 prison de Aligoodarz

    21/03 prison de Khorramabad

    Turin, 25 mars 2020

    Macerie e storie di Torino, macerie.org

  • Note de Macerie : Les milles difficultésde ces jours-ci, celles qui existent depuislongtemps et qui rendent difficile lacompréhension de ce qu'il se joue dans leCpr4 situé Corso Brunelleschi [Turin]...tout ça fait que nous n'avons pas parlédepuis un moment de la rétentionadministrative ni de la machine àexpulser. Nous remercions donc uncompagnon pour la contribution qu'il nousa envoyée, et que nous vous proposons,qui tente de faire le point sur les Cpr autemps du Covid-19.

    Toute l'Europe est désormais touchéepar l'épidémie en cours.

    Comme l'histoire l'a souvent montré,une urgence à portée massive offred'énormes possibilités en ce quiconcerne le renforcement des mesuresrépressives et le développement detechnologies de contrôle, en ouvrant lavoie à leur utilisation. Cependant,chaque urgence est unique et lesépidémies, en particulier, comportentcertaines spécificités. Parallèlement àun développement juridique etmilitaire brutal en réponse à denouveaux besoins, l'Italie a identifiécomme mesure la plus importantepour résoudre le problème : l'isolementphysique, la suspension des relationsen vis-à-vis.

    Il s'agit là du paradigme central :toute l'affaire tourne autour de cepivot conceptuel.

    Tous à la maison, tous distants lesuns des autres. La tragédie d'unprésent comme celui-ci, cependant, seheurte à la stupidité du gouvernementitalien qui, pensant qu'il n'a pas àappliquer cette mesure à toutes lessphères sociales, oublie délibérémentdeux des piliers essentiels du systèmeitalien : la production et la détention.

    Les usines, tout comme les prisons,les Cpr et les OPG5 enregistrent de fait« une exception à l'état d'exception ».

    4 Centri di permananza per il rimpatrio : Centresde Séjour pour les Retours, l'équivalent italiendes CRA (Centres de Rétention Administrative)

    5 Ospedali Psychiatrici Giudiziari : hôpitauxpsychiatriques judiciaires, l'équivalent desUnités Hospitalières Spécialement Aménagée(USHA), l'hôpital-prison psychiatrique

    Ils doivent continuer à remplir leursfonctions, avec quelques ajustements etquelques assouplissements peut-être,mais ils doivent continuer. Pour ceslieux qui représentent la promiscuitépar excellence, c'est comme si lapandémie n'existait pas.

    En Italie, la situation actuelle de ladétention administrative des migrantsen est un exemple clair. Actuellementles Centres pour les Retours, en pleindéveloppement de la contagion, sontpratiquement identiques à ceux d'hier :aucun changement n'a été opéré etaucune intervention ne pointe àl'horizon. Un fait qui inverse même latendance du reste de l'Europe.

    En effet, pour faire face au risque decontagion, des pays tels que l'Espagne,les Pays-Bas, le Royaume-Uni, laBelgique et la France ont commencé àprocéder à des libérations massives desinfrastructures nationales : certainscentres ont été fermés et les querellesjuridiques liées à l'expulsion et à larétention ont été contournées. Desmesures prises certainement pas parmagnanimité soudaine de l'État, maisà la suite de nombreuses révoltes quiont braqué les projecteurs sur desstructures autrement invisibles, etsurtout sur le risque de ne pas pouvoiréteindre la mèche de ces bombes àretardement. Le Portugal a égalementgelé certaines pratiques concernant laquestion migratoire, en régularisanttemporairement les demandeursd'asile. C'est pourquoi, de l'autre côtédes Alpes, ils ont fermé de nombreuxCentres pour les expulsions et mis enœuvre des mesures d'allègementbureaucratique de différents types.

    En Italie, la tendance est autre,inévitablement.

    La seule intervention du Ministère del'Intérieur a été la prolongation ou lareconduction des titres de séjour. Cettedécision visait davantage à réorienterles agents prédisposés vers d'autrestâches, comme celles de l'ordre public,qu'à alléger la situation juridique denombreux migrants. En effet, depuisdébut mars, les bureaux d'immigrationdes préfectures de police sont fermés.

    Par chance, le gel des titres de séjourdonnera plus de temps auxdemandeurs d'asile ou aux titulaires detitres de séjour expirant, avant detomber éventuellement dans laclandestinité.

    Quant à la question des prisons,comme nous l'avons dit, l'Italie ne veutabsolument pas en démordre.

    Bien que certaines rénovations aientété interrompues, les Cpr sont toujoursen activité et continuent d'enfermer lessans-papiers. Dans le Cpr de Turin,c'est sûr, et aussi pour les autres Cpr,au regard des nouvelles descommissariats de la ville. Le décret duprésident du Conseil des ministres du8 mars s'est clairement exprimé sur cesujet : comme les autres typesd'audience pénale, les expulsions demigrants sont considérées commeprioritaires. La circulaire du 26 marsdu Ministère de l'Intérieur le confirme: après avoir énuméré toute une sériede précautions concernant lapossibilité de contagion et la nécessitéde la quarantaine, du confinement etdes dispositifs de protectionindividuelle, après avoir étendul'interdiction des téléphones portables àtous les Cpr (ce qui donne une formejuridique à une pratique déjà effectivedans le Cpr de Turin, un changementdont il sera difficile de revenir enarrière), le texte parle explicitementdes nouveaux arrivants.

    Bien quecertains juges, à Potenza et Triestepar exemple, ne valident pas lesprolongations de rétention, dans denombreux cas, et en particulier àTurin, les Cpr continuent de recevoirde nouveaux sans-papiers. Les jugeslocaux prolongent ou valident larétention comme si de rien n'était. Ceciest un premier état de fait à constater :les Cpr sont ouverts et fonctionnent sur

  • tout le territoire national.

    Un fait qui pourrait être considérécomme banal, mais la question prendune tournure inattendue si on observeplus attentivement la machine àexpulser.

    En effet, les déplacements aériens etmaritimes des personnes enprovenance d'Italie sont bloqués maisil est clair que cette mesure n'a pasappliquée immédiatement. Denombreux pays comme le Maroc, laTunisie, le Ghana et l'Égypte ont misdu temps à activer le blocus total : ilsont continué à recevoir des expulséspar exemple, mais en les plaçant enquarantaine préventive. Il y aactuellement, semble-t-il, le blocustotal de ces fameux vols charters quiramassent les gens dans différentspays puis les déportent. En fait, iln'existe pas de communicationofficielle sur le blocage des expulsions,mais l'actualité qui émerge sur laquestion permet d'émettre cettehypothèse. Les dernières infos sur uneexpulsion accomplie peuvent êtretrouvées à la préfecture de police deFerrara : elles sont datées du 25 marspour Islamabad (le Pakistan auraitmis en place le blocus aérien le mêmejour). L'arrêt des expulsions est doncune deuxième considérationimportante.

    Alors, à quoi servent les Centres pourles Retours si les retours sontsuspendus ou de toute façonimpossibles à réaliser ?

    Nous pensons qu'à ce stade, si la

    situation devait demeurer telle, mêmesi certaines figures institutionnellesréclament leur démantèlement, les Cpront perdu les fioritures qui justifiaientsur le papier leur caractèred'institutions indispensables. Et donc,ils révèlent enfin leur rôle véritable.En réalité, les centres n'ont jamaisservi à expulser les migrants (au fildes ans, les chiffres ont toujours éténégligeables au regard de la populationclandestine), mais à en contenir unepetite partie, comme un avertissementlancé à tous les autres. Bref, la vieillehistoire des Cpr comme moyen dedissuasion collective se présente enfinclaire et nue devant tout le monde.

    Bref, la seule raison dont usent lesgouvernements européens pourjustifier les Centres disparaît :l'expulsion.

    Les Centres pour les Retoursn'expulsent pas, mais ils poursuiventleurs activités. Et quelles activités ?

    Alors, comment fonctionnent les Cprde nos jours, et pourquoi ?

    Leur fonction de rétention, exercée àl'égard de ceux qui sortent de prisonou de ceux qui sont attrapés lors desdescentes, continue d'aller de l'avant.Et au lieu de l'expulsion, il resteraseulement l'expulsion avec le fameuxordre d'expulsion. Cette dispositionsera forcément contournée, puisque lapersonne expulsée ne peut pas subirson expulsion. Les sans-papiersresteront donc sur le sol national etpourront se faire attraper à nouveau,et emprisonnés. Bref, le fameux "jeu de

    l'oie" est toujours aussi valable.

    Pourquoi l'Italie ne veut-ellepas fermer les Cpr ?Nous pensons que de nombreux

    arguments qui concernent la rétentiondes migrants ne peuvent pas êtredissociés de la situation carcérale engénéral. Dans cette situationd'urgence, ce serait une erreur deparler exclusivement des Cpr sansréfléchir sur la prison. Sur la questiondes prisons, le ministère de la Justiceagit de façon bornée et meurtrière,conduisant en effet les détenus versune possible contaminationgénéralisée. La même chose se jouepour les Centres pour les Retours, oùla libération, la seule et véritablesécurité, serait encore plus simple etbanale d'un point de vuebureaucratique. Il semble que l'Étatitalien soit beaucoup plus soucieux deperdre sa crédibilité répressive que deprévenir des tragédies futures et de seprotéger d'éventuelles révoltes qui,poussées par la peur, pourraientanéantir les prisons. Cela ne fait quesouligner davantage comment larétention administrative, comme laprison, est un pilier essentiel dusystème juridique italien. Unprésupposé fondamental que l'État neveut remettre en cause pour rien aumonde. En bref, ce n'est pas seulementune question économique – le businessdes Centres - qui empêche leurfermeture temporaire, mais quelquechose qui plonge dans les racines dupouvoir de l'État.

    Et les révoltes des détenus viennentprécisément ébranler la base dusystème, en sapant avec force lesfondements de l'enfermement. La peurde la contagion, la certitude que celapourrait conduire à de véritablesmassacres ont incité beaucoup de gensà se rebeller : en mars, dans les Cpr deGradisca, Palazzo San Gervasio etPonte Galeria à Rome, les détenus ontmené de nombreuses contestations etrévoltes. Récemment, entre le 29 et le30 mars dans le Cpr du Frioul, lesmutins ont brûlé et détruit une partiede la structure.

    Tout porte à croire que d'autresrévoltes vont exploser prochainement.

    Turin, 1er avril 2020 ~ macerie.org

  • Que la vie sociale se déroule àdistance n’a rien de nouveau, aprèstout. Depuis un moment déjà, toutle monde est persuadé que lameilleure façon de communiquer etd'entretenir des relations estd'utiliser un appareil électronique.Ces prothèses de l'être humain, lessmartphones et compagnie, onttransformé nos façons d'êtreensemble, de nous informer,d'apprendre, de communiquer,d'écrire, de lire. L'étape suivante estla robotisation du vivant, latechnologie qui envahit chaque lieu,chaque aspect du quotidien. Undépassement de la nature et dunaturel au profit d'êtres et de lieuxartificiels. Un scénario de ce type nes'embarrasse pas de la vie sociale. Iln'a besoin ni de relations, nid'émotions, ni de pensées : il n'abesoin que d'ordre, de discipline, derégulation, de machines. En cemoment, la Domination tente peut-être de forcer le pas, et elle utiliseun problème de santé - lapropagation d'un virus - pourarriver a minima à uneenrégimentation généralisée. Et lereste ira de soi. La science-fictionvient à l'esprit mais lesÉtats disposentdésormais d'outilsséculaires surlesquels s'appuyer,sans avoir àrecourir à

    l'inconnu. La distanciation socialeimposée par la loi qui prévoitl'interdiction des baisers et descâlins et la suppression de laplupart des activités sociales,rappelle l'état d'urgence qui imposede respecter la réglementationsociale pour éviter la dénonciationet l'arrestation. En effet, la mise enplace de zones rouges et de pointsde contrôle, la limitation de laliberté de circulation, l'obligation deconfinement pour ceux et cellesprovenant de zones considéréescomme contaminées, avecd'éventuels contrôles policiers, maissurtout l'interdiction desrassemblements, à savoir lesréunions publiques... Tout ça, c'est lagestion policière d'un problème desanté. Ce n'est pas un hasard si,dans les dix règles recommandéespar l'État italien pour éviter lapropagation du virus, l'unerecommande de contacter enpremier les carabiniers en cas defièvre. Mais l'état d'urgence estaussi une mesure prise en cas deconflit ou d'insurrection, commecela s'est passé récemment au Chili.L'État décrète par la loi que les

    citoyens sont sa propriété,qu'il peut en disposer à saguise. L'état d'urgencen'est pas imposé pour desraisons de santé ni debien-être de la

    population, mais pourfaire intérioriser des règles,

    pour inculquer la discipline.Et de fait, le moyen le plus sûr

    pour obtenir l'obéissance est derépandre la terreur, de diffuser la

    peur. Créer l'angoisse et la panique,divulguer continuellement desdonnées, rendre chaque chose

    sensationnelle etexceptionnelle... Inspirer lapeur est une pratique deguerre et de torture, etaussi de gouvernement :les États se spécialisent

    dans ce domaine aussi. Et

    de nos jours, la guerre tient ànouveau le haut du pavé, après avoirété évincée et éloignée pendant denombreuses années. Aujourd'hui, laguerre est là, voire partout. Leschefs d'État se déclarent en guerrecontre un ennemi quelque peusingulier, un virus, mais ce derniern'est pas l'adversaire véritable : lacible, ce sont les gouvernés eux-mêmes.

    Pour cette raison, l'enjeu le plusimportant peut-être est demaintenir en vie la pensée critique,sans minimiser quoi que ce soit.Après avoir été bras dessus, brasdessous avec l'Économie, après avoirindustrialisé et ravagé la nature,stérilisé la pensée, la Dominationveut désormais supprimer lesémotions. Ni bisou, ni câlin.Cependant, si l'État veut que noussoyons totalement dépendants delui, s'il supprime la vie sociale etaussi une partie de la vieéconomique, ça veut dire que nousn'avons pas besoin de l'État. Ça veutdire que nous pouvons auto-organiser nos initiatives, nos formesd'éducation, nos économies, nosloisirs. Et même dans ce cas, nousn'avons pas besoin de recourir à lascience-fiction mais à l'expérience, àla mémoire, à la volonté et aucourage.

    Une suggestion sur la façon defaire nous vient des détenus qui sebattent dans les prisons italiennes,eux et elles que cet état d'urgencevoudrait enterrer vivant. En voiciune autre : que cette normalité soitinterrompue, oui, mais par révolte.

    Lecce, 12 mars 2020

    Bibliothèque Anarchiste Disordine

    [email protected]

  • « Nous sommes tous dans le mêmebateau et celui qui tient la barre a ledevoir d'indiquer le cap à l'équipage. »

    C'est sur ces mots que Conte, leprésident du Conseil des ministres,s'adressait au pays le 4 mars, tandisque des mesures toujours plusrestrictives concernaient l'ensemble duterritoire italien. En résumé :fermeture des écoles, des universités etdes magasins, suspension de la libertéde circulation des personnes,interdiction des manifestationspubliques et des rassemblements,interdiction des grèves, blocage desparloirs entre les détenus etleurs proches en prison,contrôles des déplacements parla police et l'armée. Et enmême temps, bombardementmédiatique, diffusion de lapanique, culpabilisation de quisort de sa maison « sansraison valable » (valable pourqui ?), rhétorique patriote aunom de l'Italie qui résiste,dans une tentative derenforcer l'idée que noussommes tous touchés demanière égale, que nousdevons tous collaborer demanière égale et responsablepour affronter l'épidémie. Etpourtant les usines en toutgenre restent ouvertes, toutcomme les entrepôts delogistique pour les livraisonset le tri des marchandises. Deplus, les ports fonctionnentencore. Combien de personnesdoivent continuer à travaillerau risque de s'exposer à lacontagion et de contaminer lesautres, par ailleurs sans lesmasques de protection tantrecommandés (ils ne durent quequelques heures, mais les travailleursles portent plusieurs jours parce qu'ilsn'y en a pas) et sans la distance desécurité ? Elles sont des millions !!!

    En même temps, le système sanitairene tient plus, les services de soinsintensifs sont débordés et on

    commence à dire que sous peu, ilfaudra choisir entre qui sauver et quilaisser mourir. La pénurie de masquesconcerne aussi les hôpitaux. Les zonesles plus touchées par la contagion (laLombardie, la Vénétie, l'Émilie-Romagne) sont celles dotées desmeilleures services sanitaires d'Italie(c'est tout dire), mais aussi celles oùsont concentrées les usines et lesentrepôts. Et par hasard, ce n'est pasparce qu'on force des millionsd'ouvriers à travailler que la contagioncontinue, et non parce que quelquesmilliers de personnes sortent faire untour ? Est-ce que c'est vraiment plus

    dangereux de s'asseoir sur un banctout seul, que de rester sur la chaînede montage ? Et toujours par hasard,ils ne sont pas en train de nousculpabiliser sur nos comportementspour nous faire oublier que la Santés'effondre ? Et qui l'a détruite, la santéitalienne, à coup de réformes, decoupes budgétaires, de privatisation ?Ce sont les mêmes politiciens qui nous

    disent aujourd'hui que la contagion sepoursuit parce que nous ne respectonspas les règles (pourtant les rues sontdésertes). Les mêmes qui nous obligentmalgré tout à aller travailler pourmaintenir les profits des patrons, euxqui le 23 mars dernier s'opposaient à lafermeture des activités productivesnon essentielles ! C'est clair : alors quenous, nous sommes sacrifiables etinterchangeables, leurs revenus, eux,sont essentiels !

    Toute cette classe politique etentrepreneuriale détient-elle l'autoritémorale pour nous dire comment tenir

    la barre ? Avons-nous vraimentbesoin d'eux pour adopter descomportements responsables etéviter de nous mettre endanger, ainsi que les autres,nos proches en premier lieu ?

    Nous ne sommes pas dans lemême bateau, parce que nouspayons aussi de façon biendifférente la vie enquarantaine, comme nouspaierons de façon différente lesconséquences et les coûtssociaux de cette crise sur lelong terme (loyers, crédits,factures, salaires,licenciements, examens etvisites médicales dans unsystème bouché), si on necommence pas de suite àréfléchir sur comment nousorganiser pour nous soustraireà cette bande d'assassins.Suivons l'exemple de cestravailleurs qui, un peupartout, sont en train deréclamer de meilleuresconditions de sécurité ou lafermeture des usines et des

    entrepôts, au moyen de la grève, dudroit de retrait, de l'absentéisme. Si cebateau navigue vers une souffrancecertaine pour beaucoup, et vers desprofits pour les habitués, réfléchissonsà comment nous mutiner.

    Gênes, 23 mars 2020

  • Les fléaux, en effet, sont une chosecommune, mais on croit difficilementaux fléaux lorsqu'ils vous tombent surla tête. Il y a eu dans le monde autantde pestes que de guerres. Et pourtantpestes et guerres trouvent les genstoujours aussi dépourvus. Albert Camus, La peste

    Chaos ... ou pas ?

    L'arrivée de l'épidémie en Italie est lepoint de départ d'un bouleversementinconnu jusqu'alors. L'économies'effondre. Des centaines de milliardsd'euros disparaissenr. Les entreprisesferment. Services publics, écoles,gymnases … Tout est bloqué. Seuls lessupermarchés et les magasins depremière nécessité restent ouverts etsont vidés quotidiennement. Les genssortent de la maison principalementpour faire les courses. Apeurés, ils nese parlent pas entre eux, et ils essaientd'en finir le plus vite possible. Celaressemble presque à un scénario pré-apocalyptique ; quelqu'un pourraitpenser que c'est le prélude à unepériode de chaos. Pourtant,la situation actuelle estloin d'être chaotique : desmillions de personnesrenoncent à sortir dechez elles au nom d'uneresponsabilité collectiveempreinte de patriotisme,l'État ordonne et les citoyensobéissent, qui par peur, qui pour éviterles représailles ; les relations sontmédiées le plus souvent par lessupports numériques et le contacthumain est devenu un outrage à lasanté collective. L'économie s'orientevers les plates-formes connectées, lesgrandes multinationales gèrententièrement le trafic desmarchandises, et les chaînes desupermarchés deviennent le principalpoint de référence pour satisfaire lesbesoins. L'enseignement se fait via uneconnexion à distance ; désormais, lessalles de classe seront silencieuses,c'est sûr ... Qu'est-ce qu'il y a dechaotique dans tout ça ? Bien sûr, la situation dans les

    hôpitaux est loin d'être sous contrôle,mais pourquoi cela nous surprendrait-il ? L'État s'est-il jamais soucié de lasanté des gens ? Plus qu'une menace,la maladie est une opportunité deprofit ou de contrôle.

    Pourtant, nous savons aussi que dansleur ordre, juste sous la surface, couvele désordre, se cache la rébellion, lesentiment d'une vie refusée, plus oumoins accessible et compréhensiblepar les consciences individuelles. Ilexiste un potentiel inexprimé en termede désir. Plus ce potentiel est banni etnié, plus il devient dangereux, car ilpourrait prendre feu à tout moment.Ou peut-être que non, peut-être quetout est déjà perdu, que seulementnous (nous qui ?) ressentons toujoursde la passion et des désirs ?Aucune de ces deux possibilités ne

    change quoi que ce soit au choixindividuel de poursuivre l'attaque

    contre le pouvoir. Mais la manièredont nous pouvons rejeter l'idée

    de l'éternelle et inévitablereproduction de la situationactuelle change, elle,

    profondément. Encherchant à percevoir la

    tension étouffée, nousdonnons de la force

    à l'idée qu'un autremonde est possible, et quecelui-ci n'est pas le meilleurdes mondes, l'unique monde possible.

    Alternative ou cogestion ?

    Pourtant, comme cela arrive dansnombre de moments historiques oùl'autorité du système social régnantn'est pas sapée à la racine, l'alternativepeine à emprunter les voies del'altérité, pour se retrouver plussouvent embourbée dans la misère dela cogestion.Aujourd'hui, que veut dire le fait

    d'aider à distribuer des masques ? Celapourrait signifier : soit sa propre

    action est concertée et coordonnéeavec la Protection Civile et laMunicipalité, soit la répression par lessoldats et les policiers est imminentecar les lois et décrets qui interdisentde quitter la maison sont violés.Ce système social a créé un monde où

    vivent 7-8-9 milliards de personnes.Comme disait Huxley dans son romanprophétique Le Meilleur des Mondes :

    « La stabilité, dit l’Administrateur, lastabilité. Pas de civilisation sansstabilité sociale. Pas de stabilitésociale sans stabilité individuelle. (...)La machine tourne, tourne, et doit

    continuer à tourner, à jamais. C’est lamort si elle s’arrête. Ils étaient millemillions à gratter la croûte de la terre.Les rouages commencèrent à tourner.Au bout de cent cinquante ans ilsétaient deux mille millions. Arrêt detous les rouages. Au bout de centcinquante semaines, ils ne sont plus,de nouveau, que mille millions ; millemilliers de milliers d’hommes et defemmes sont morts de faim. Il faut queles rouages tournent régulièrement,mais ils ne peuvent tourner sans qu’onen ait soin. Il faut qu’il y ait deshommes pour les soigner, aussiconstants que les rouages sur leursaxes, des hommes sains d’esprit,stables dans leur satisfaction. Criant :« Mon bébé, – ma mère, – mon seul,mon unique amour » ; gémissant : «Mon péché, mon Dieu terrible » ;hurlant de douleur, marmottant defièvre, geignant sur la vieillesse et lapauvreté, comment peuvent-ils soignerles rouages ? Et s’ils ne peuvent passoigner les rouages... Il serait difficiled’enterrer ou de brûler les cadavres demille milliers de milliers d’hommes etde femmes. »

    Quels sont nos problèmes, et quelssont les problèmes de la Domination ?Devons-nous résoudre le problème de

    la pollution ? Nous ne nous inscrivonspas au cours de biologie, nous brisons

  • un pylône électrique pour faire fermerune usine.Devons-nous résoudre le problème de

    la pauvreté ? Nous ne fondons pas unebanque éthique, nous la volons et nousessayons de détruire le monde ducommerce, ainsi que celui de safalsification « commerce équitable ».Devons-nous résoudre le problème de

    la maladie ? Nous n'étudions pas lamédecine, nous essayons de briser cesystème social. Parce que l'actionrévolutionnaire ne restructure pas laprison, ne l'améliore pas. Elle l'abatpour créer un vide, pour donner à lavie une chance de s'épanouir.En effet, l'altérité peut surgir

    seulement là où le pouvoir de l'Étatn'existe pas. Et elle étouffe si lesespaces dans lesquels elle tente degermer ne s'élargissent pas, maisrestent circonscrits à quelques nichescontrôlées.Malheureusement, les morts sont

    causés par ce monde, par nos choixcollectifs de vie – ou plutôt, de survie.Pas par nos choix individuels de lutte.Et une révolution est pavée de sang etde morts, car c'est la condition danslaquelle ce système social a placél'humanité : elle ne peut plus existersans lui. Comment l'humanitépourrait-elle exister sans la scienceatomique, à partir du moment où l'on alancé la première centrale et produitle premier déchet nucléaire ? Le prixdes choix de ceux qui ont vécu avantnous retombera sur l'avenir pendant denombreuses années encore, mais nepas commencer dès maintenant àpayer ces créances irrécouvrables nefait qu'augmenter la totalité de ladette.

    Le frein d'urgence est un danger.Pourtant si nous ne le tirons pas, la

    Domination continuera à s'approfondir,à muter et même à dominermatériellement nos existences. Pourcette raison, il n'est pas possibled'accepter la cogestion, ni de reporterla conflictualité qui devrait êtrepermanente : la catastrophe leurappartient et ils doivent payer pourtout ça. Et tout ça doit cesser.Ceux qui veulent un monde de liberté

    ne sont pas responsables desmassacres de la Domination. Pasmême de ceux qui auront lieu demain,

    ou après son effondrement. Il est clairque nous ne devons pas perdre de vuela conséquence entre les moyens et lesfins, mais nous devons égalementpouvoir regarder le monde avec uncertain détachement.

    Mais c'est vrai aussi que le rythmeactuel est effréné, et que la prise deconscience de la catastrophe semanifeste de plus en plus pour la

    plupart des gens. Que se passera-t-illorsque la peur abandonnera le terrainpour le désir de l'espoir ou l'espoir dudésir ?

    Un monde inattendu

    Et alors ? Une situation de ce genreprend au dépourvu.En tant qu'amants de la liberté, nous

    aspirons à voir s'effondrer les intriguesde ce régime d'urgence à cause d'unfoyer de passions ingérable. Mais nousnous demandons aussi comment lespossibilités d'intervention évoluentlorsque toute une série de garanties,notamment les plus matérielles, noussont refusées, ou ne sont toutsimplement plus garanties par lesystème social et son fonctionnement.Comment pouvons-nous continuer àentretenir des relations et à nousorganiser, si en plus nous vivons àgrande distance les unes des autres ?Comment pouvons-nous diffuser desidées sans les disperser dans le règnevirtuel de l'opinion, s'il devient difficilede communiquer en-dehors d'unécran ?

    De plus, si les communications et lamémoire sont confiées exclusivementaux réseaux sociaux, qui ont le pouvoird'éliminer et de censurer tout d'uncoup, comment garder la mémoire dece qui se passe, bombardées commenous le sommes par les informationsproduites par l'éternel présent ? Quelsmoyens avons-nous à notre dispositionpour le faire de manière autonome,lorsqu'un décret fait fermer lesimprimeries et les typographies ? Etquels risques comporte la tentative debriser ce silence macabre ?

    Un regard en arrière

    En ce moment, un regard vers lepassé pourrait être un bon point dedépart pour tenter de s'orienter sur leschoix à faire. Sans pour autant enleverde notre esprit le présent qui nousoffre une perspective nouvelle etunique.Les expériences passées d'individus

    et de groupes anarchistes pourraientnous éclairer sur l'importance deposséder différentes compétences,connaissances et moyens qu