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PRISONNIERS DU GRAND AUTRE

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© EPEL, 2012110, boulevard Raspail, 75006 Paris

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Diffusion ToThèmes Distribution SODIS3, allée des Genêts PARIS, FRANCE91220 Le Plessis-Paté01 60 84 78 01 – 06 15 61 70 [email protected]

ISSN : 1969-5683ISBN : 978-2-35427-055-1

Dépôt légal septembre 2012

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Jean Allouch

PRISONNIERS DU GRAND AUTRE

L’ingérence divine I

Jacques Lacan, Marc-François Lacan, Bernard Sichère,Jean-Luc Marion, Jean-Christophe Bailly,Pier Paolo Pasolini, Romeo Castellucci

EPEL

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Introduction

Détours

Je conclurai avec ces mots : avec le temps, ça sort !JACQUES LACAN, Encore,

séance du 12 décembre 19721.

Trois prisonniers et un directeur de prison, telssont les personnages du « sophisme » en forme demathématique amusante qui permirent à JacquesLacan d’inventer une étrange modalité du temps2.Dénommée par lui « temps logique », cette tempo-ralité est composée de trois moments successifs :instant de voir, temps pour comprendre, moment deconclure – ce dernier moment débouchant sur lasortie de prison du prisonnier qui aurait su résoudreen toute rigueur le problème, le directeur s’y étantengagé. Or, contrairement à ce que l’on pouvaitattendre au su du caractère dit « de pure logique »de cet exercice, cette solution n’est pas accessible àla seule pensée ou réflexion : elle exige notammentde ce prisonnier qu’il observe les mouvements de

1. On chercherait en vain ce propos dans la version de ce sémi-naire publiée aux éditions du Seuil. Il ne figure pas non plus dans lasténotypie de cette séance mais se lit dans deux autres versions, cellesemi-critique curieusement signée VRMNAGRLSOFAFBYPMB et celle dePatrick Valas.

2. « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée », LesCahiers d’Art : 1940-1945. Rédigé en mars 1945, cet article a étérepris dans Jacques Lacan, Écrits, Paris, Seuil, 1966.

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ses codétenus. S’ébranlent-ils vers cette sortie où lesattend le directeur ? Il y a de la danse dans cettesolution faite de deux « scansions suspensives ». Etce ne sera que vingt-trois années plus tard (sémi-naire L’Acte psychanalytique) que Lacan remettra enjeu ce lien une première fois aperçu (en 1945) del’acte à la sortie, celle de l’analyse cette fois.Implicitement aperçue comme une prison ?

Cette prison sans directeur ni gardiens – il n’enest nul besoin – je la dis ici être celle du grandAutre, ou, plus précisément, d’un grand Autre qu’ha-bite un des fantômes de Dieu. Car Dieu, depuisqu’avec Nietzsche a été proclamée sa mort, n’enpersiste pas moins dans l’existence sous cette formefantomatique déclinée en de multiples versions.

On objectera qu’à un certain moment de sonparcours Lacan a pu dire que l’Autre n’existe pas.Avait-il donc jusque-là existé ? Sans nul doute. Pourautant, cette déclaration, qu’il a d’ailleurs dû réitéreret commenter de nombreuses fois, n’a pas mis unterme à son existence. On l’a reçue tel un enfant àqui l’on enseigne comment sont fabriqués les bébéset qui n’en persiste pas moins, Freud l’a noté, à tenirbon sur la conception qu’il s’est forgée de la chose.Ou tels ces psychanalystes nord-américains qui nesavaient pas que Freud leur apportait la peste. Ehbien non, interprète Lacan, ils ne le savent toujourspas. Accéder à l’inexistence de l’Autre n’est pasaisé. C’est d’une sortie qu’il s’agit, du bouclage d’unparcours subjectif qui, pour certains, relève de l’ana-lyse, qui, pour d’autres, a lieu selon d’autres voies

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et qui, pour d’autres encore, n’a tout simplement paslieu.

Prisonniers du grand Autre, on le reste d’autantplus carrément que cela le maintient dans unecertaine manière d’existence, et Dieu avec lui. Ainsia-t-on pu lire sur la jaquette du tout premier sémi-naire de Jacques Lacan publié aux éditions du Seuilen 19733 que l’un de ses séminaires aurait été inti-tulé « D’un autre à l’Autre » (en lieu et place de« D’un Autre à l’autre »). Entendez : de l’autre imagi-naire à l’Autre symbolique (en lieu et place de « del’Autre à l’objet a »). Et suivez mon regard. Cet insis-tant « primat du symbolique » (d’aucuns convoquentencore « l’ordre symbolique »), cette conceptionselon laquelle le symbolique à la fois permettraitd’en sortir et serait la sortie court les rues ; commetel, l’acte reste négligé.

Or ce n’est à rien d’autre qu’à un acte, à l’acte dequelqu’un, que tient le grand Autre. Jacques Lacan,en effet, en viendra à l’énoncer le 16 janvier 1973(séminaire Encore) : l’Autre y fut avancé comme leterme qui « se supporte » d’un « moi qui parle et quine puis parler que d’où je suis ». À l’Autre la parolede Jacques Lacan donne son support. Ni plus, nimoins. L’Autre est un…, est son dire. Lui fallait-ilalors le faire savoir, voire le reconnaître, pour calmerles ardeurs qui portent cet Autre à exister ? Afind’offrir à son public, ce jour-là ou plus tard, la possi-bilité de franchir la porte donnant accès à l’inexis-

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3. J. Lacan, Les Quatre Concepts fondamentaux de la psychana-lyse, Paris, Seuil, 1973.

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tence de l’Autre ? Sans doute est-ce cela qu’indiquela remarque qui suit dans cette même séance deséminaire, celle selon laquelle cet Autre comme lieude la vérité est « la seule place, quoique irréduc-tible, que nous pouvons donner au terme de l’êtredivin ». Dieu est le lieu du dire, et donc aussi biencelui de ce dire de Jacques Lacan. Dire est fairesubsister Dieu « sous cette forme de l’Autre » (avec,cependant, une exception : les théologiens, seulsvéritables athées).

�Le caractère inhabituel, sinon l’étrangeté, de la

méthode qui sera ici mise en œuvre demandequelque explication. Également le choix des auteursqui vont être questionnés car, s’ils ne sont paspsychanalystes, ils ne sont pas non plus de ceuxauxquels les analystes consacrent habituellementleurs précieuses heures de lecture (notamment lesauteurs fréquentés par Freud et Lacan, que l’onaborde afin de mieux lire, voire de problématiserFreud et Lacan).

À vrai dire, ces deux questions, celle portant surla méthode et celle concernant les auteurs élus, n’enfont qu’une. S’il doit s’agir en effet d’une sorte d’ex-cursus permettant de jeter un autre regard sur ce quel’on considère non sans quelque abus comme un« chez soi », il n’y aura plus rien de remarquabledans le fait que ce cheminement franchisse les fron-tières du champ freudien, s’intéresse à des écrits quin’en relèvent pas.

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On songe aussitôt à la démarche de FrançoisJullien, à son détour par la Chine4. L’altérité si nettede la pensée chinoise lui permet de questionner ànouveaux frais la pensée occidentale, de l’aborderavec d’inattendues questions, de la faire travaillerautrement que lorsqu’elle se penche sur sa proprehistoire. Plusieurs ouvrages désormais en témoi-gnent : la valeur heuristique de cet aller-retour estmaintenant établie.

C’est pourtant à quelque chose d’un peu différentque je souhaite convier mon lecteur. Car le parcoursici envisagé ne prétend pas faire retour sur lapsychanalyse au point d’y faire surgir de nouvellesproblématiques. Il ne s’agira pas de faire advenircertains blancs ou présupposés du savoir analytique,pas non plus de mettre au jour enfin certaines déci-sions préalables, insues, silencieuses et néanmoinsopérantes dans le savoir. Tout au contraire : les ques-tions ici remises sur l’établi n’ont rien d’absolumentneuf, elles sont déjà là présentes dans le champ freu-dien, notamment chez Jacques Lacan. Cependant,elles font l’objet de ma part d’une décision épisté-mologique dont c’est maintenant le lieu qu’elle soitexplicitée.

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4. Voir Jean Allouch, « Éloge de l’indifférence à la psychana-lyse », in Chine/Europe. Percussions dans la pensée. À partir du travailde François Jullien, Paris, PUF, 2005, ainsi que « Un espace affineaux transformations silencieuses », jeanallouch.com/document/147/2010-un-espace-affine-aux-transformations-silencieuses-presenta-tions.html, intervention au colloque « Dérangements, aperçus. Penserdu dehors – La Chine », Paris, BNF, le 9 décembre 2010.

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Quelle décision ? J’admets a priori que ces ques-tions ne sont pas traitables en interne, par la seulelecture de Freud, de Lacan et de quelques autres.En d’autres termes, je me munis de loupes, quiauront nom Marc-François Lacan, Bernard Sichère,Jean-Luc Marion, Jean-Christophe Bailly, Pier PaoloPasolini, Roberto Castellucci, dont l’usage devraitpermettre de revisiter certaines questions présentesdans l’analyse mais dont seul le grossissementqu’elles apportent révèle les aspérités. Grossir peutêtre analyser, distinguer, que l’on songe seulement àtous ces objets que l’on glisse sur la tablette d’unmicroscope ou que l’on saisit au télescope.

Les travaux contemporains qui vont ici fonc-tionner comme autant d’ouvrages-loupes peuventêtre classés en trois catégories qui sont autant derapports différents au christianisme.

I. Une première catégorie est notoirement chré-tienne ; elle s’emploie soit à récupérer Lacan (Marc-François Lacan), soit à redonner vie au Dieuannoncé mort par Nietzsche et quelques autres(Bernard Sichère, Jean-Luc Marion). Prise dans sonensemble, la première catégorie pose à l’analyse laquestion cruciale de l’appel de l’Autre. L’Autreappelle-t-il ? Ce point n’est pas limpide chez Lacan,et l’étudier à partir d’auteurs chrétiens permet de letrancher à l’aide d’une sorte de raisonnement parl’absurde : il faut tellement supposer de chosesétranges au lieu de l’Autre pour que de l’Autrevienne à tout un chacun un appel premier et fonda-teur que l’on ne peut que s’en passer. Marc-François

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Lacan module ce problème au lieu de la vérité,Sichère l’aborde en lui-même, Marion le traite àpartir de la paternité de Dieu.

II. Une deuxième catégorie prend, à l’opposé, leparti d’en finir avec le dieu mort (Jean-ChristopheBailly) et la question sera alors de savoir à quel prixcela serait possible, si ce prix est acceptable parl’analyse, mais aussi s’il est celui qui convient à lamort de Dieu ou des dieux. Pour en finir avec Dieuet ses fantômes, Bailly construit un grand Récit(concept dû à Jean-François Lyotard). Par là setrouve posée la question de l’histoire, restée, elleaussi, peu claire chez Lacan. Là aussi, un mêmeraisonnement par l’absurde permettra de trancher.

III. La troisième catégorie (Pasolini, auquel onpeut adjoindre Lacan et, tout récemment,Castellucci) est avertie de ce que le christianismen’a pas dit son dernier mot, aussi maintient-elle unrapport tendu avec le christianisme. Bébé, Lacan abiberonné du christianisme, quelques années plustard son grand-père paternel lui a appris à maudireDieu, tandis que son décès a soulevé la questiond’obsèques possiblement catholiques. Ceux quipensent, certes bien trop rapidement, à un Lacanchrétien distinct d’un Freud juif ne disent pas pourautant une pure et simple bêtise. Bien des psycha-nalystes viennent de là, et leur silence à l’endroit duchristianisme, voire de leur christianisme, est criant,comme est criant le truchement par lequel certainsvéhiculent une morale juive des plus traditionnellejusque dans l’analyse sans jamais dire pour autant

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d’où ils tiennent ce qu’ils présentent comme unsavoir issu de l’expérience psychanalytique. Il n’enfut pas de même de Lacan, ni de Pasolini, ni deCastelluci qui, du christianisme, n’ont cessé notoi-rement de s’occuper.

Le seul fait de pouvoir indexer cette troisièmecatégorie du nom de Pasolini signale un des enjeux.L’érotique s’y trouve ouvertement au premier planou, plus précisément, le féminin. C’est de ce côté-làque se tiendrait, encore presque muette, la secondemort de Dieu, son effective mort. Nietzsche déjà l’in-diquait en substituant au couple Père/Fils le coupleDionysos/Ariane dont les auteurs chrétiens sont fortembarrassés tandis que Gilles Deleuze le souligneau point d’en faire la colonne vertébrale de sa lecturede Nietzsche5. Lacan également l’indiquait, chez quila mort de Dieu est liée à la femme « pastoute », qui,à l’en croire, n’existe pas encore. L’enjeu est aussipour l’analyse, on le verra, celui d’un possible accèsau divers, ce divers sur lequel la clinique analytiquea tant de mal à se régler.

De quoi s’agit-il par trois fois ? De l’ingérencedivine, laquelle se module de multiples façons, enbien des champs du savoir, y compris l’analyse.L’Autre, le Nom-du-Père, l’histoire, la femmesupporteraient-ils, dans l’analyse, autant defantômes d’un Dieu pas si mort qu’on le croit ? Etles difficultés rencontrées en chacune de ces problé-matiques tiendraient-elles à ce qu’elles restent

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5. Nietzsche par Gilles Deleuze, Paris, PUF, 1965, 14e éd.,octobre 2011.

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partiellement verrouillées tant qu’on ne les aura pasdélestées de la présence fantomatique du Dieumort ?

En effet, de la mort de Dieu s’ensuit une nouvelleprésence de Dieu qu’il y a lieu de reconnaître fanto-matique car, une fois mort, ce Dieu subsiste dansl’espace que Jacques Lacan qualifiait d’« entre-deux-morts » – sans cependant s’être beaucoup inté-ressé au concept hindouiste de « seconde mort »,celui qui marque la limite extrême de cet espace, oùle fantôme lui-même est anéanti, le deuil accompli.Cette limite est aussi celle que, sitôt mort, rejoint lerenonçant indien sans avoir à souffrir on ne saitquelle quantité de réincarnations (cette idée mêmeapparaissait effroyable à Jacques Lacan).

�Trente ans après le décès de Jacques Lacan,

personne n’a jusque-là étudié son rapport au catho-licisme d’une façon telle que l’on pourrait, pour lemoins, considérer ce dossier comme constitué. Il nele sera pas non plus ici même, où, on l’a dit, le biaisélu pour que la question en rien secondaire ne soitplus absolument négligée n’est pas celui d’unelecture au long cours du parcours de Lacan, d’unrepérage systématique de ses variations sur ce point.

C’est d’une ligne de front qu’il s’agit. Pour quelcombat, intraitable en interne ? Lacan :

C’est en somme ou l’un ou l’autre. Si la religiontriomphe, comme c’est le plus probable, […] ce sera

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le signe que la psychanalyse a échoué. C’est tout cequ’il y a de plus normal qu’elle échoue, parce que ceà quoi elle s’emploie, c’est quelque chose de très difficile6.

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6. Jacques Lacan, « Conférence de presse au Centre culturel fran-çais de Rome », 24 octobre 1974. On pourra éclairer quelque peu ce« très difficile » en le rapportant à la doctrine des quatre discours. Dequoi rêve l’universitaire ? Être un maître. De quoi rêve le maître ?Être une hystérique. De quoi rêve l’hystérique ? Être un psychana-lyste. De quoi rêve le psychanalyste ? Le psychanalyste ne rêve pas.Cet ordonnancement non pas historique mais logique respecte laronde comme telle réglée des discours : universitaire → maître →hystérique → de l’analyste. Et à l’envers ? À l’envers… cela nemarche pas.

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