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L’Instrument multilatéral de l’OCDE et le critère des objets principaux Impôt sur le revenu fractionné : notion d’entreprise Aiguisez vos réflexes et soyez prêts à fermer rapidement le compte CÉLI au décès La taxe carbone : quelle est la position du Canada à la lumière des récentes élections fédérales? Particularités liées à l’article 80 L.I.R. : remise de dette La relève : La modification de l’acte constitutif d’une fiducie Printemps 2020 Volume 25 - Numéro 1

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Page 1: Printemps 2020 Volume 25 - Numéro 1 - Yapla...Printemps 2020 Volume 25 - uméro 1 3 Sommaire 10 14 18 22 26 6 5 29 40 42 32 44 36 Éditorial par Maurice Mongrain, avocat Président-directeur

L’Instrument multilatéral de l’OCDE et le critère des objets principaux

Impôt sur le revenu fractionné : notion d’entreprise

Aiguisez vos réflexes et soyez prêts à fermer rapidement le compte CÉLI au décès

La taxe carbone : quelle est la position du Canada à la lumière des récentes élections fédérales?

Particularités liées à l’article 80 L.I.R. : remise de dette

La relève : La modification de l’acte constitutif d’une fiducie

Printemps 2020 Volume 25 - Numéro 1

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© 2020 Thomson Reuters Canada LimitéeTR977944-NM

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La Loi du Praticien − TPS-TVQ 2020, 30e édition – Commentée Robert Demers et Ariane Hunter-Meunier

La Loi du Praticien : TPS-TVQ vous offre, dans un format pratique, un aperçu complet des systèmes fiscaux de la TPS et des taxes à la consommation du Québec. Les textes de lois sur la TPS, la TVH (taxe de vente harmonisée), la TVQ (bilingue) et les autres taxes à la consommation (carburants, tabac, etc.) sont enrichis des règlements pertinents, des modifications proposées (incluant les plus récentes modifications budgétaires et celles annoncées dans les bulletins d’information) et d’un éventail complet d’annotations.

Nouveaux auteurs!

À propos des auteurs:Robert DemersRobert Demers œuvre en taxes indirectes depuis près de 40 ans. Il a obtenu une maîtrise en fiscalité de l’Université de Sherbrooke ainsi qu’un certificat en droit de l’Université de Montréal. Pendant la majeure partie de sa carrière, il a agi à titre d’associé chez Deloitte, où il a notamment assumé les rôles de leader national et de leader du Québec

de la pratique de taxes indirectes. Robert a été reconnu pendant plusieurs années comme Indirect Tax Leader par l’International Tax Review (ITR) et a été membre du GST Leaders Forum. Il enseigne plusieurs charges de cours dans le cadre de la maîtrise en fiscalité et du microprogramme en taxes à la consommation de l’Université de Sherbrooke.

Ariane Hunter-MeunierAriane est avocate en taxes indirectes chez Davies Ward Phillips & Vineberg. Elle détient une maîtrise en fiscalité de l’Université de Sherbrooke, un baccalauréat en droit de l’Université de Montréal ainsi qu’un baccalauréat en économie de l’Université Concordia. Son expertise couvre tous les aspects liés aux taxes à la consommation, telles que

la TPS/TVH, la TVQ, les taxes de vente provinciales, les tarifs douaniers et les droits d’accise, les taxes propres à des secteurs particuliers ainsi que la Sales and Use Tax des États-Unis.

Ariane agit à titre de chargée de cours dans le cadre du microprogramme en taxes à la consommation de l’Université de Sherbrooke et enseigne un cours en fiscalité offert par l’Association de planification fiscale et financière (APFF) portant sur l’administration de la loi en matière de TPS/TVH et TVQ.

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3Printemps 2020 • Volume 25 - Numéro 1

Sommaire

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Éditorialpar Maurice Mongrain, avocatPrésident-directeur général – APFF

L’Instrument multilatéral de l’OCDE et le critère des objets principauxpar Sara-Michelle Marcotte-Génier, LL. L., LL.M. fisc.PwC

Impôt sur le revenu fractionné : notion d’entreprisepar Félix-Antoine Ste-Marie, avocat, LL.M. fisc.Raymond Chabot Grant Thornton s.e.n.c.r.l.

Aiguisez vos réflexes et soyez prêts à fermer rapidement le compte CÉLI au décèspar Natalie Hotte, D. Fisc., Pl. Fin.Trust Banque Nationale

La taxe carbone : quelle est la position du Canada à la lumière des récentes élections fédérales?par Marie-Thérèse DugasUniversité de Sherbrooke

Xavier FilionUniversité de SherbrookeetMickael HamrounUniversité de Sherbrooke

Dossiers

Chroniques

Particularités liées à l’article 80 L.I.R. : remise de dette par Marie-France Forest, CPA, CA, M. Fisc.Mazarset Christiane Samson, CPA, CGA, M. Fisc.Brodeur & Létourneau CPA

La relèveLa modification de l’acte constitutif d’une fiduciepar Yannie Bordeleau, notaireStein Monast s.e.n.c.r.l. Avocatset Florence Goulet, notaire, M. Fisc.Stein Monast s.e.n.c.r.l. Avocats

COUP D’ŒIL INTERNATIONAL

Analyse de l’arrêt Wolf et du principe de l’établissement stable réputé au Canadapar Chad M’Sallem, CPA, CGA, M. Fisc.PwC

DÉCISIONS RÉCENTES

Affaire Gervais Auto : une décision d’intérêtpar Jean-Philippe Dionne, avocat, MBAOsler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Affaire 5551928 Manitoba Ltd. : la Cour d’appel de la Colombie-Britannique permet la rectification d’une résolution corporativepar Stéphanie Brouillard, avocate, MBAEY Cabinet d’avocats s.r.l./s.e.n.c.r.l.

PLANIFICATION FINANCIÈRE

Affaire Yared c. Karam : fiducies et droit familialpar Louis Dessureault, avocatRobinson Sheppard Shapiro s.e.n.c.r.l./s.r.l., Avocats

À l’APFF…

Des nouvelles de nos membres

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Comité de publication

Président

Guy Carbonneau, CPA, CA, M. Fisc.Hardy, Normand & Associés,s.e.n.c.r.l.

Coordonnatrice

Geneviève Côté, réviseure-correctriceDirectrice de l’édition et des publications APFF

Maurice Mongrain, avocatPrésident-directeur généralAPFF

Diane Benoit, BAA, M. Fisc.Directrice des opérationsAPFF

Le magazine STRATÈGE est publié quatre fois par année.Tirage : 2 400 exemplaires.

Cette publication doit être citée :(2020), vol. 25, no 1 Stratège

Les personnes intéressées aux travaux de Stratège (auteurs, membres du comité, commanditaires sont priées de communiquer avec l’éditeur :

APFF1550, rue Metcalfe,bureau 600-MMontréal (Québec)H3A 1X6Téléphone : (514) 866-2733 etsans frais 1 877 866-2733Télécopieur : (514) 866-0113 etsans frais 1 877 866-0113Courriel : [email protected] : www.apff.org

© 2020, Association de planification fiscale et financière

Tous droits réservés. La reproduction ou transmission,

sous quelque forme ou par quelque moyen (électronique

ou mécanique, y compris la photocopie, l’enregistrement

ou l’introduction dans tout système informatique ou de

recherche documentaire) actuellement connu ou à venir,

de toute partie de la présente publication, faite sans le

consentement écrit de l’éditeur est interdite sauf dans

le cas où quelqu’un désire citer de courts extraits. Dans

ce dernier cas, mention doit absolument être faite et de

l’auteur et de la revue comme source de référence.©

ISSN 1203-6625Dépôt légal, 1er trimestre 2020Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque nationale du Canada

Imprimé au Canada

Courrier de la 2e classe,enregistrement no 0040065217

En page couverture : Quelques photos prises lors du Colloque sur les réorganisations d’entreprises et les transactions commerciales du 12 mars 2020.

Toute personne, membre de l’APFF, désireuse de publier dans Stratège, est invitée à soumettre un texte à l’APFF à l’attention de Mme Geneviève Côté, directrice de l’édition et des publications, sous forme électronique ([email protected]).

Pour plus de détails, nous vous invitons à prendre connaissance de la politique éditoriale du Stratège sur le site Internet de l’APFF au www.apff.org.

Les opinions exprimées dans cette publication sont propres aux auteurs des articles. L’exactitude des citations et références relève de la responsabilité des auteurs.

Conception graphique et montage infographique :

Membres du comité

Membres d’office

Michel Durand, avocat, D. Fisc., TEP BDO Canada s.r.l./s.e.n.c.r.l.

Kathy Kupracz, avocate, LL.M. fisc. Cain Lamarre s.e.n.c.r.l.

Maude Lussier-Bourque, avocate, LL.M. fisc. Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Marie-Claude Marcil, avocate, B.C.L., DESS fisc. EY Cabinet d’avocats s.r.l./s.e.n.c.r.l.

Hélène Marquis, avocate, D. Fisc., Pl. Fin., TEP Gestion privée de patrimoine CIBC

Julie Michaud, CPA, CA, LL.M. fisc. PricewaterhouseCoopers s.r.l./s.e.n.c.r.l.

Nathalie Perron, avocate, LL.M. fisc. Barsalou Lawson Rheault Avocats

Andrée-Anne Potvin, notaire, M. Fisc. Demers Beaulne s.e.n.c.r.l.

Jean-François Racine, avocat, M. Fisc. KPMG s.r.l./s.e.n.c.r.l.

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5Printemps 2020 • Volume 25 - Numéro 1

Éditorial

Évolution technologique

Après de nombreux reports et des difficultés imprévues, le nouveau site Web de l’APFF a finalement vu le jour le 3 février dernier. Ce projet impliquait également le remplacement de notre logiciel de gestion des membres, la simplification des tarifs applicables, la création de nouvelles catégories de membres, la compatibilité avec notre logiciel comptable, la mutation prochaine vers le « cloud », etc. Je tiens à remercier celles et ceux qui ont contribué à la réussite de cet ambitieux projet.

Nos nouveaux outils informatiques nous permettront de mieux cibler vos attentes et vos besoins; nous pourrons dorénavant établir des listes en fonction de la profession, du champ de pratique, du lieu de résidence, etc. Ainsi, plutôt que d’envoyer des courriels à l’ensemble de nos membres pour des sujets qui ne concernent que certains d’entre eux, nous pourrons identifier les destinataires concernés et ainsi limiter le nombre de communications.

Nous souhaitons également que notre nouveau site Web devienne la vitrine privilégiée de l’APFF : vous y trouverez les nouvelles importantes, les activités à venir, la composition du conseil d’administration et des nombreux comités, nos politiques, la liste de nos publications, notre rubrique « Postes disponibles », etc. C’est également par notre site Web que vous pourrez renouveler votre participation à l’APFF et vous inscrire à nos activités.

Ainsi, nous vous invitons à visiter régulièrement notre nouveau site Web et à nous faire part de vos commentaires qui pourraient contribuer à l’améliorer.

Maurice Mongrain, avocatPrésident-directeur général

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Depuis plusieurs années déjà, l’Organisation de coopération et

de développement économiques (« OCDE ») et le G20 mènent

un projet ayant pour objectif de lutter contre l’érosion de la base

fiscale et du transfert de bénéfices par le recours à certaines

stratégies de planification fiscale (« Projet BEPS »).

Dans le cadre de ce projet, l’OCDE et le G20 ont adopté un plan d’action contenant 15 éléments à être abordés (« Plan d’action »). Les travaux effectués relativement au Plan d’action ont mené à l’élaboration d’outils et de mesures permettant aux États de lutter contre les stratégies de planification fiscale considérées maintenant comme étant fondées sur des règles désuètes et des régimes nationaux non coordonnés sur le plan international.

Dans un premier temps, le présent texte abordera brièvement l’Instrument multilatéral, outil développé par l’OCDE lors des travaux en lien avec l’action 15 du Plan d’action afin de permettre aux États de modifier leurs conventions fiscales existantes de manière à intégrer les différentes mesures résultant du Projet BEPS. Nous traiterons ensuite de l’action 6 du Plan d’action dont les travaux ont mené au développement de la règle du critère des objets principaux (« Règle COP ») qui représente l’une des modifications les plus importantes provenant de la mise en œuvre de l’Instrument multilatéral. Finalement, nous ferons un survol de ce que l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») a indiqué au sujet de l’application de la Règle COP au Canada jusqu’à présent.

L’Instrument multilatéral

L’action 15 du Plan d’action consistait en « l’élaboration d’un instrument multilatéral pour modifier les conventions fiscales bilatérales ». Le travail effectué dans le cadre de cette action a conduit à la négociation de la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfice (« Instrument multilatéral »). L’Instrument multilatéral a été développé de manière à permettre aux États de mettre en œuvre les différentes mesures issues des

L’Instrument multilatéral de l’OCDE et le critère des objets principaux

Sara-Michelle Marcotte-GénierLL. L., LL.M. fisc.Première conseillère, fiscalité [email protected]

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de l’Instrument multilatéral ont choisi d’adopter la Règle COP et ainsi, de l’inclure dans leurs conventions fiscales couvertes par l’Instrument multilatéral.

La Règle COP présente un test objectif qui requiert l’analyse, à la lumière des faits et des circonstances pertinents, de la raison (ou des raisons) pour laquelle la transaction a eu lieu et de la manière dont elle a été structurée. Les commentaires de l’OCDE au sujet de la Règle COP présentent certaines précisions relativement à son application. Notamment, les commentaires indiquent que la Règle COP n’exige pas de preuve quant à l’intention des parties d’accéder aux avantages de la convention fiscale, mais requiert néanmoins que les faits soutiennent une conclusion objective selon laquelle l’un des objectifs de la transaction était d’accéder aux avantages d’une convention fiscale. En conséquence, si une transaction ne peut s’expliquer raisonnablement que par l’obtention d’un avantage découlant d’une convention fiscale, il s’ensuit que l’un des principaux objectifs de cette transaction était d’obtenir l’avantage de la convention fiscale. Cependant, il importe de souligner qu’il n’est pas nécessaire que l’obtention d’un avantage d’une convention fiscale soit l’objectif unique ou dominant pour que la Règle COP s’applique.

Application pratique

Étant rédigé de manière plutôt large, le libellé de la Règle COP fait en sorte qu’elle pourrait s’appliquer à diverses structures ayant recours à des sociétés de gestion ou de portefeuille non résidentes du Canada pour détenir des investissements au Canada ou à l’extérieur de celui-ci. Voici un exemple permettant d’illustrer l’application potentielle de la Règle COP.

Une société non résidente du Canada agissant à titre de société de gestion (« Gestionco ») a acquis les actions d’une société résidente du Canada (« Canco »). Gestionco est détenue par une société mère étant aussi non résidente du Canada (« Parentco »).

travaux effectués dans le cadre du Plan d’action. Il permet notamment aux États d’implémenter les normes minimales adoptées dans le cadre du Projet BEPS telles que celle en matière de chalandage fiscal établie à la suite des travaux de l’action 6 du Plan d’action qui sera discutée plus amplement dans la section ci-dessous.

Le Canada a conclu son processus de ratification de l’Instrument multilatéral en déposant son instrument de ratification auprès de l’OCDE le 29 août 2019. De ce fait, l’Instrument multilatéral est entré en vigueur au Canada le 1er décembre 2019. De manière pratique, cela signifie que l’Instrument multilatéral pourrait déjà avoir une incidence sur certaines conventions fiscales du Canada. Notamment, depuis le 1er janvier 2020, il s’applique aux fins des retenues à la source pour les conventions fiscales du Canada conclues avec des signataires ayant eux aussi déposé leur instrument de ratification auprès de l’OCDE. À ce propos, il importe de noter que les réserves émises par les États pourraient limiter l’application de l’Instrument multilatéral à l’égard de certaines conventions fiscales couvertes par celui-ci. Le chalandage fiscal et la Règle COP

Le chalandage fiscal fait partie des stratégies identifiées comme étant les principales sources de préoccupation dans le cadre du Projet BEPS. L’action 6 du Plan d’action consistait à définir une manière de prévenir l’octroi inapproprié des avantages découlant des conventions fiscales dans des circonstances où les contribuables ont recours à des stratégies utilisant les conventions fiscales de manière abusive.

Le rapport final de l’action 6 présentait l’une des quatre normes minimales du Projet BEPS. À titre de précision, il est à noter que les normes minimales sont les normes pour lesquelles tous les États membres du cadre inclusif du Projet BEPS se sont engagés à se conformer. La norme minimale en matière de chalandage fiscal exige que les États intègrent deux éléments dans leurs conventions fiscales, soit un énoncé explicite sur leur intention d’éviter de créer des opportunités de non-imposition (généralement inclus dans le préambule) et l’une des trois méthodes permettant de s’attaquer à l’utilisation abusive des conventions fiscales.

L’une de ces trois méthodes consiste en l’inclusion d’une règle anti-abus de portée générale invoquant le critère des objets principaux d’une transaction dans les conventions fiscales (la Règle COP). La Règle COP fait partie des diverses règles anti-abus qui ont été intégrées dans les dispositions de l’Instrument multilatéral élaboré par l’OCDE, ce qui a permis aux États de la mettre en œuvre dans leur réseau respectif de conventions fiscales.

La Règle COP : disposition clé de l’Instrument multilatéral

La Règle COP se trouve à l’article 7 de l’Instrument multilatéral. Il s’agit d’une règle anti-évitement refusant l’octroi des avantages d’une convention fiscale lorsque l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux de la transaction en question est d’obtenir ces avantages. Il existe une exception à l’application de la Règle COP dans des circonstances où il est démontré que l’octroi de ces avantages serait conforme à l’objet et au but des dispositions de la convention fiscale auxquelles le contribuable a recours. Par ailleurs, il est à noter que tous les États signataires

Parentco(Pays B)

Gestionco(Pays A)

Intérêts Dividendes

Canco(Canada)

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L’Instrument m

ultilatéral de l’OCDE et le critère des objets principaux

Dans le cadre de l’analyse de l’application de la Règle COP dans les circonstances ci-dessus, il serait pertinent d’examiner les points suivants :

1) Quels étaient les raisons ou les objectifs derrière l’acquisition des actions de Canco par Gestionco?

2) Quelles sont les activités de Gestionco et quelles sont les fonctions assumées par celle-ci (par exemple, des fonctions de financement, de trésorerie, de comptabilité, de ressources humaines ou de contentieux)?

3) Quels sont les avantages fiscaux de la structure (par exemple, un taux réduit de retenue d’impôt sur le versement de dividendes ou le paiement d’intérêts ou bien une exemption sur certains gains en capital)?

Sous réserve de l’application de l’exception, il est possible que l’octroi du taux réduit de retenue sur les intérêts ou les dividendes en vertu de la convention fiscale entre le Canada et le Pays A soit refusé s’il est démontré que l’un des objectifs principaux de l’acquisition des actions de Canco par Gestionco était d’obtenir l’un de ces taux réduits.

Ce que l’ARC a indiqué au sujet de la Règle COP jusqu’à présent

L’interaction de la Règle COP avec la règle générale anti-évitement

À plusieurs reprises, les praticiens ont fait part de leur inquiétude relativement à l’incertitude concernant l’interaction de la Règle COP avec la règle générale anti-évitement (« RGAÉ ») prévue dans la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »). Par exemple, en 2017, dans le cadre de la conférence annuelle de la Fondation canadienne de fiscalité, il avait été demandé à l’ARC de confirmer la manière dont elle entendait appliquer la Règle COP par rapport à la RGAÉ.

En réponse à cette question, l’ARC avait affirmé qu’elle continuait d’envisager l’application de la RGAÉ aux transactions effectuées principalement en vue d’obtenir un avantage accordé par une convention fiscale et que le Comité de la RGAÉ avait confirmé

l’application de la RGAÉ à certaines transactions ayant recours à l’utilisation abusive d’une convention fiscale. L’ARC avait aussi indiqué que dans certaines circonstances, la Règle COP et la RGAÉ pourraient s’appliquer à titre de positions de cotisation alternatives visant une transaction donnée.

Plus récemment, lors de la conférence annuelle 2019 de l’Association fiscale internationale, le ministère des Finances du Canada a exprimé être d’avis que la Règle COP était destinée à s’appliquer en premier lieu lors de l’évaluation de l’octroi d’un avantage découlant d’une convention fiscale couverte par l’Instrument multilatéral et que, dans la mesure où la Règle COP ne s’appliquait pas, le ministre était libre d’appliquer la RGAÉ.

Le « Treaty Abuse Prevention Committee »

En 2017, toujours dans le cadre de la conférence annuelle de la Fondation canadienne de fiscalité, l’ARC avait indiqué qu’elle explorait certaines méthodes afin d’assurer l’application de la Règle COP de manière constante au sein de l’ARC. À ce sujet, l’ARC avait aussi mentionné qu’elle considérait que le Comité de la RGAÉ pouvait servir de modèle pertinent pour l’ARC.

En décembre 2019, lors de la conférence annuelle de la Fondation canadienne de fiscalité, l’ARC a confirmé l’établissement d’un nouveau comité portant le nom de « Treaty Abuse Prevention Committee » (« TAP Committee »), qui se chargera d’émettre des recommandations sur l’application ou la non-application de la Règle COP contenue dans l’Instrument multilatéral. À cet égard, l’ARC a indiqué que le TAP Committee sera composé d’un personnel semblable à celui du Comité de la RGAÉ (c’est-à-dire qu’il comprendra également des représentants du ministère des Finances et du ministère de la Justice) et qu’il fonctionnera de la même manière.

Ainsi, lorsqu’un avantage fiscal au sens du paragraphe 245(1) L.I.R. émanera d’une convention fiscale bilatérale, le TAP Committee sera chargé d’examiner à la fois la Règle COP et la RGAÉ, assumant ainsi la responsabilité du Comité de la RGAÉ en matière d’application de la RGAÉ dans un contexte où une convention fiscale s’applique.

À suivre…

Au moment de rédiger les lignes de ce texte, l’incertitude quant à l’application et à l’interprétation de cette nouvelle règle persiste au sein de la communauté fiscale. En effet, il est possible de constater que les indications concernant l’application de la Règle COP demeurent limitées, bien que l’ARC et le ministère des Finances semblent avoir cheminé quant à la manière dont ils prévoient l’appliquer.

Pour ces raisons, il sera certainement très intéressant de surveiller la manière dont les autorités fiscales et les cours de justice interpréteront la Règle COP, notamment en ce qui concerne son interaction avec la RGAÉ. •

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COURS EN FISCALITÉ COURS DE BASE EN DROIT CONFÉRENCES DU CONGRÈS 2019 COLLOQUES MIDI-CONFÉRENCES SYMPOSIUMS WEBINAIRES

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Impôt sur le revenu fractionné : notion d’entreprise

Félix-Antoine Ste-MarieAvocat, LL.M. fisc. Directeur – FiscalitéRaymond Chabot Grant Thornton [email protected]

En juillet 2017, le ministre des Finances a décidé de s’attaquer aux

« iniquités » de notre système fiscal et plus particulièrement aux

règles entourant les sociétés privées. Dans sa quête de justice,

trois secteurs étaient alors visés : le revenu passif, la création

« artificielle » de gain en capital et, bien entendu, le fractionnement

de revenu. Au cœur de la réforme figure la version modifiée de

l’impôt sur le revenu fractionné (« IRF »), anciennement connu

sous le nom de « Kiddie tax ». L’objectif avoué est de restreindre

le fractionnement de revenu pour les particuliers tirant un

revenu d’entreprise de services et plus particulièrement pour les

professionnels.

La mise en place des nouvelles règles s’articule autour d’un concept : l’entreprise liée. En effet, les règles de l’IRF s’appliquent à un particulier, dit « particulier déterminé » (paragraphe 120.4(1) « particulier déterminé » de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »)), lorsque celui-ci reçoit directement ou indirectement un revenu d’une entreprise liée. Sous sa forme actuelle, l’article 120.4 L.I.R. prévoit que l’IRF est la règle et il appartient au contribuable de démontrer qu’il fait l’objet d’une exception. L’IRF est maintenant applicable à plus de situations, mais surtout, il est potentiellement applicable à tous, peu importe l’âge. Avec cette réforme, le ministre se donne donc les moyens de parvenir à ses fins.

Pour le praticien, l’incertitude totale qui régnait dans les jours suivant le 18 juillet s’est atténuée au fur et à mesure des consultations et de l’ajout d’exceptions. Le texte finalement adopté n’apporte toutefois pas la limpidité espérée (mais où serait le plaisir si c’était le cas?). Nous restons donc avec la fameuse question de nos clients : « Ma société de gestion peut-elle encore me servir à fractionner le revenu avec ma conjointe, avec mes enfants? »

La réponse à cette question nécessite une analyse structurée qui peut être résumée de la manière suivante :

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eNous retrouvons encore cette idée que l’entreprise nécessite un certain niveau d’organisation dans le but de produire des biens ou d’offrir la prestation de services. La question est alors de déterminer quel degré d’organisation est nécessaire afin d’être considéré comme exploitant une entreprise. Les tribunaux se sont penchés sur cette question à quelques reprises. Dans l’affaire Belinco Développements inc. c. Bazinet, 1996 CanLII 4521 (QC CS), le juge devait trancher la question de savoir si la détention d’un immeuble locatif de 15 logements pouvait être assimilée à l’exploitation d’une entreprise. Les critères suivants ont été jugés pertinents à l’analyse : la poursuite d’un objectif économique, l’existence d’un plan d’affaires, une activité organisée, l’utilisation de ressources, la répétition d’actes juridiques, la présence d’autres intervenants et la proportionnalité entre les efforts et les résultats. Dans cette affaire, la Cour considère finalement que l’immeuble est un bien utilisé dans l’exploitation d’une entreprise.

Jurisprudence fiscale

En matière fiscale, les tribunaux ont également analysé la question d’entreprise. Dans la décision Canadian Marconi c. La Reine, [1986] 2 R.C.S. 522 (« Marconi »), la Cour suprême rappelle que l’utilisation de biens pour tirer un revenu ne signifie pas que le contribuable n’exploite pas d’entreprise. La Cour considère par ailleurs qu’il existe, dans certains cas, une présomption qu’une société par actions exploite une entreprise :

« Il est souvent dit aussi bien dans la jurisprudence anglaise que canadienne qu’il existe dans le cas d’une société contribuable une présomption réfutable que le revenu tiré d’une activité relevant d’un objet énoncé dans les statuts de la société ou produit par cette activité provient de l’exploitation d’une entreprise. Cette présomption paraît remonter à une observation faite par le maître des rôles Jessel dans l’affaire Smith v. Anderson (1880), 15 Ch. D. 247. Aux pages 260 et 261, le maître des rôles a dit :

[TRADUCTION] On ne peut tirer des gains d’une société qu’en exploitant une entreprise quelconque et je n’ai aucun doute que si quelqu’un formait une société ou une association dans le but de réaliser un gain, il devrait le faire dans le but d’exploiter une entreprise à but lucratif. […] » (Notre soulignement) (Marconi, par. 8)

D’ailleurs, pour la Cour, afin de « déterminer si un revenu provient d’une entreprise ou de biens, on doit examiner la conduite générale du contribuable à la lumière des circonstances qui s’y rapportent ».

1) identification du revenu visé : s’agit-il de revenu fractionné? La réponse sera généralement oui;

2) détermination de l’existence d’une entreprise;

3) détermination de l’existence d’une entreprise liée;

4) identification des exceptions applicables.

La notion d’entreprise est donc centrale pour cette analyse. Dans un premier temps, il faut bien l’identifier. Cette notion est d’ailleurs définie dans la Loi de l’impôt sur le revenu, mais aussi dans le Code civil du Québec (« C.c.Q. »). Les tribunaux ont également interprété sa portée. Dans un second temps, il faut comprendre les incidences de ce concept en matière d’IRF.

Notion d’entreprise

Dans le cadre de notre pratique, la notion d’entreprise ou encore de revenu d’entreprise est souvent mise en opposition avec celle de revenu de bien. Ce que nous analysons alors est plutôt la question du taux d’imposition applicable pour la société. La notion d’entreprise est toutefois beaucoup plus large et dépasse la simple question de revenu passif versus revenu actif. Le législateur a prévu au paragraphe 248(1) L.I.R. une définition du terme « entreprise » :

« Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi. »

Cette définition constitue plutôt une énumération de certaines activités que le législateur considère comme étant des entreprises. Il y ajoute également les projets comportant un risque ou les affaires à caractère commercial. Cette définition est loin d’être satisfaisante pour notre analyse et il faut donc s’en remettre à la définition commune du terme « entreprise ».

Que ce soit les dictionnaires traditionnels ou encore les dictionnaires juridiques, il ressort du sens commun qu’une entreprise s’identifie par des actions ou des gestes posés dans le but de produire des biens ou des services pour un marché ou à des fins commerciales (par exemple, la définition du Centre d’accès à l’information juridique concernant le terme « entreprise »).

Droit civil

L’article 1525 C.c.Q. prévoit également une définition de ce qui constitue l’exploitation d’une entreprise :

« La solidarité entre les débiteurs ne se présume pas : elle n’existe que lorsqu’elle est expressément stipulée par les parties ou prévue par la loi.

Elle est, au contraire, présumée entre les débiteurs d’une obligation contrôlée pour le service ou l’exploitation d’une entreprise.

Constitue l’exploitation d’une entreprise, l’exercice, par une ou plusieurs personnes, d’une activité économique organisée, qu’elle soit ou non à caractère commercial, consistant dans la production ou la réalisation de biens, leur administration ou leur aliénation, ou dans la prestation de services. » (Notre soulignement)

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Impôt sur le revenu fractionné : notion d’entreprise

est-ce que le projet à risque ou l’affaire à caractère commercial peuvent être considérés comme étant exploités, ou est-ce qu’un particulier peut activement s’impliquer dans ce type d’activité? La Loi de l’impôt sur le revenu inclut à la notion d’entreprise celle de projet à risque et d’affaire commerciale. Cette précision semble justement requise, puisque ceux-ci ne comportent pas l’élément de récurrence et d’organisation requis pour être autrement qualifié d’entreprise.

La notion d’entreprise est pertinente pour plusieurs exceptions prévues dans la définition de montant exclu.

Entreprise exclue

Un montant qui provient d’une entreprise exclue pour un particulier ne sera pas assujetti à l’IRF. Une entreprise sera qualifiée d’entreprise exclue dans la mesure où le particulier participe activement, de façon régulière, continue et importante, pendant l’année d’imposition ou pendant cinq années d’imposition antérieures dans cette entreprise (par. 120.4(1) L.I.R.).

Dans l’éventualité où plus d’une entreprise est exploitée et où le particulier n’est pas actif dans chaque entreprise, il devient alors important de différencier les entreprises qui peuvent exister dans une même société par actions.

Entreprise non liée

Une autre exception à l’IRF est lorsqu’un montant ne provient pas directement ou indirectement d’une entreprise liée pour l’année.

Il devient important d’analyser la traçabilité des sommes reçues par la société qui verse le dividende. Il faut d’abord voir si les sommes provenaient d’une entreprise liée. Puis, il faut voir si au moment du versement, l’entreprise est encore une entreprise liée (par exemple, l’interprétation technique 2018-0779981C6, du 27 novembre 2018).

Il existe donc deux façons de ne pas être une entreprise liée : 1) les critères énoncés plus haut ne sont pas respectés; ou 2) il n’y a pas d’entreprise.

Qu’en est-il de nos sociétés de gestion? Les clients qui détiennent un important portefeuille d’actions détenues par l’entreprise de leur société doivent-ils être considérés comme ayant une entreprise de placement dont les revenus seraient assujettis à l’IRF? Il n’existe pas de réponse absolue à cette question et chaque situation doit être analysée selon les faits qui lui sont propres. Certains éléments s’avèrent toutefois utiles dans le cadre de cette détermination :

• l’importance du portefeuille;

• les placements sont-ils gérés dans un compte de courtage direct ou en courtage discrétionnaire?;

• le volume de transactions;

• le profil d’investisseur et les objectifs de placement;

• la provenance des sommes investies. Si elles proviennent d’une société opérante, celle-ci est-elle toujours active? Si c’est le cas, une traçabilité des montants est-elle possible?

Par conséquent, en plus de la présomption réfutable, la Cour applique une définition large de la notion d’entreprise et ultimement, il s’agit d’une question de comportement du contribuable plutôt que de type de revenu.

Position administrative

Dans le cadre de la Table ronde sur la fiscalité fédérale du Congrès 2019 de l’APFF, la question de l’interprétation du mot « entreprise » a d’ailleurs été soulevée à nouveau auprès de l’Agence du revenu du Canada (« ARC »). Le préambule de la question reprenait les définitions de la Loi de l’impôt sur le revenu, mais également la jurisprudence pertinente. L’ARC considère qu’il s’agit d’une question de fait et se refuse à fournir des barèmes d’analyse, mais nous renvoie plutôt à la définition de la Loi de l’impôt sur le revenu et à la jurisprudence pour reconnaître le sens large donné à ce terme.

Incidence en matière d’IRF

Entreprise liée

La définition d’entreprise liée est au cœur de l’IRF et est prévue à l’article 120.4 L.I.R. L’entreprise sera une entreprise liée si elle respecte l’un de ces trois critères :

• l’entreprise est exploitée par :

- un particulier source (défini au paragraphe 120.4 (1) « particulier source » L.I.R.),

- une fiducie ou société de personnes ou société par actions dans laquelle un particulier source s’implique activement à un moment donné dans l’année;

• l’entreprise est une société de personnes dans laquelle le particulier source a une participation directe ou indirecte;

• l’entreprise est une société par actions pour laquelle le particulier source détient des actions (ou des biens dont la valeur est tirée de ces actions) dont la juste valeur marchande (« JVM ») est égale ou dépasse 10 % de la JVM des actions émises et en circulation de la société.

Le premier critère, contrairement aux deux suivants, nécessite un geste positif du particulier source. Cette exigence peut sembler contradictoire dans le cas d’un projet à risque ou d’une affaire commerciale. En effet,

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eConclusion

La réforme du 18 juillet 2017 n’a donc pas totalement éliminé les possibilités de fractionnement de revenu. Lorsque les bonnes conditions sont réunies, il est encore possible d’utiliser une société de gestion pour faire du fractionnement de revenu. Afin de bien évaluer les risques et opportunités, une analyse complète de ces nouvelles règles commence par l’identification des différentes entreprises du groupe corporatif. Une fois celles-ci identifiées, il convient alors de vérifier lesquelles sont liées et lesquelles ne le sont pas. En l’absence d’entreprise liée, les règles de l’IRF ne trouveront pas application. Dans le cas contraire, il faudra pouvoir se qualifier selon l’une des nombreuses exceptions, quitte à revoir les structures corporatives. •

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Aiguisez vos réflexes et soyez prêts à fermer rapidement le compte CÉLI au décès

Natalie HotteD. Fisc., Pl. Fin.Conseillère principale, Planification et fiscalitéTrust Banque [email protected]

Il est rare dans notre fabuleux monde de la fiscalité qu’une

recommandation s’applique à la majorité des situations; c’est

pourtant le cas pour le compte d’épargne libre d’impôt (« CÉLI »)

au décès. Il est généralement recommandé de fermer le compte

CÉLI rapidement après le décès et de déposer les sommes ou

les placements dans le compte de la succession, et ce, qu’il y ait

possibilité de roulement vers le CÉLI du conjoint survivant ou non.

Voici les principales raisons.

Notons tout d’abord que trois types de CÉLI peuvent être offerts : un dépôt, un contrat de rente et un arrangement en fiducie. Le présent article ne traitera que des CÉLI de type fiducie. Il convient également de prendre note que les notions de « titulaire remplaçant » et de « bénéficiaire désigné » ne seront pas abordées dans le présent texte et qu’au Québec, seuls les CÉLI de type contrat de rente, habituellement disponibles auprès des compagnies d’assurances, permettent de nommer un « titulaire remplaçant » ou un « bénéficiaire désigné ».

Que se passe-t-il au décès?

Le compte CÉLI demeure une fiducie non imposable jusqu’au 31 décembre de l’année qui suit le décès (« période de roulement »). L’entièreté des revenus et de la plus-value accumulés entre le moment du décès et la fin de la période de roulement, qu’ils soient réalisés ou non, payés à la succession ou aux héritiers, devient imposable à la fermeture du compte à titre de revenu « ordinaire ». Si le compte CÉLI continue d’exister après la fin de la période de roulement, les revenus (intérêts, dividendes, revenus étrangers) ainsi que les gains réalisés futurs deviennent imposables selon les règles similaires applicables aux fiducies entre vifs, soit au taux marginal le plus élevé sur les premiers dollars.

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cèsDurant le règlement de la succession, le liquidateur peut conserver le CÉLI

ouvert ou le fermer. S’il ferme le compte CÉLI, il pourra verser les liquidités (si les placements sont vendus avant la fermeture du CÉLI) ou déposer les placements dans le compte de la succession. Selon cette dernière option, la succession est réputée acquérir les placements à leur juste valeur marchande (« JVM ») au moment de la fermeture du compte CÉLI (voir les exemples ci-dessous).

À la suite du règlement de la succession, que le compte CÉLI demeure ouvert ou non, le liquidateur versera à l’héritier les sommes liées au CÉLI selon les modalités testamentaires. Si le conjoint est l’héritier, ce dernier pourra procéder au roulement à son propre CÉLI. Les étapes de roulement par le biais de la désignation d’une « cotisation exclue » (en vertu des définitions du paragraphe 207.01(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »)) sont les mêmes, que le compte CÉLI demeure ouvert jusqu’au paiement à l’héritier, ou qu’il soit fermé et versé précédemment au compte de la succession.

Roulement du CÉLI au conjoint survivant et désignation à titre de « cotisation exclue »

Lorsqu’un conjoint survivant hérite du compte CÉLI en raison du décès, il est alors en mesure de cotiser la totalité ou une partie du montant qu’il reçoit à son propre CÉLI, et ce, sans influer sur ses propres droits de cotisation CÉLI (roulement). Le conjoint doit alors désigner cette cotisation à titre de « cotisation exclue » sur le Formulaire RC240 dans les 30 jours suivant la journée où il fait la cotisation (ou une période plus longue qui requiert alors l’approbation de l’Agence du revenu du Canada (« ARC »)). Le montant de la « cotisation exclue » ne pourra excéder le moins élevé des trois montants suivants :

• le « paiement au survivant », soit un paiement qu’un conjoint a reçu au cours de la période de roulement à la suite du décès du titulaire, provenant directement ou indirectement d’un arrangement qui a cessé d’être un CÉLI en raison du décès du titulaire;

• la JVM au décès;

• zéro (ou tout montant supérieur autorisé par l’ARC), si le particulier avait un excédent CÉLI immédiatement avant son décès ou si le paiement est fait à plus d’un conjoint du défunt.

Augmentation de la valeur après le décès

Si le compte CÉLI demeure ouvert durant le règlement de la succession, toute plus-value accumulée entre le moment du décès du titulaire et le moment du paiement à l’héritier ou à la succession sera imposable comme un revenu « ordinaire » (un Feuillet T4A sera émis). Ainsi, le dividende et le gain (perte) en capital perdent leur nature. De plus, tout gain en capital sera imposé comme un revenu qu’il soit réalisé ou non. Fermer le compte CÉLI rapidement après le décès et déposer les placements dans le compte de la succession permet non seulement de conserver la nature des revenus, mais également de reporter l’imposition du gain en capital accumulé (mais non réalisé) lors d’une disposition ultérieure.

Exemple

M. X est décédé le 8 novembre 20X0. Aux termes de son testament, il a légué la totalité de ses biens à sa conjointe. La JVM du CÉLI au décès était de 100 000 $. Le 15 juin 20X1, le liquidateur ferme le CÉLI et verse à l’héritière la somme de 107 000 $. Cette plus-value est attribuable à des dividendes d’une valeur de 2 000 $ et à un gain en capital non réalisé de 5 000 $.

Puisque le compte CÉLI est demeuré ouvert après le décès, Madame s’imposera sur un revenu « ordinaire » de 7 000 $. Un Feuillet T4A lui sera émis. L’héritière étant la conjointe survivante, elle pourra verser une « cotisation exclue » à son propre CÉLI d’un montant maximum de 100 000 $ sans utiliser ses droits de cotisation (roulement).

Afin de préserver la nature des revenus générés quant à la plus-value après la date de décès, le liquidateur peut fermer rapidement le CÉLI et déposer les placements dans le compte de la succession. Dans notre exemple, supposons que la valeur des placements au moment de la fermeture du compte CÉLI est de 100 000 $, les revenus de dividende de 2 000 $ conserveront leur nature et pourront être imposés dans la succession ou entre les mains de l’héritier (si le liquidateur rend ses sommes payées payables). Quant au gain en capital, il sera imposé seulement lorsque la succession ou l’héritier (si le paragraphe 107(2) L.I.R. s’applique) disposera réellement des titres. Ainsi, si la succession réalise le gain, il sera possible d’imposer soit la succession, soit l’héritier (si le liquidateur rend ses sommes payées payables), et ce, en respectant bien entendu les modalités du testament. Lorsqu’il y a plusieurs héritiers, il serait fortement souhaitable que le testament soit clair quant à ceux qui devront profiter des fruits et revenus et ceux qui profiteront de la croissance (gain en capital).

Tel qu’il a été mentionné précédemment, la succession est réputée acquérir les placements à leur JVM au moment de la fermeture du compte CÉLI. Ainsi, dans notre exemple, si au moment de la fermeture du compte CÉLI et du dépôt des placements dans le compte de la succession, la valeur des placements est de 100 500 $, la succession recevra un Feuillet T4A pour un revenu « ordinaire » de 500 $ et la succession sera réputée acquérir les placements à 100 500 $.

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ou plus élevée de la succession. Ainsi, au moment du paiement au conjoint survivant, même si les placements attribuables au CÉLI ont diminué de valeur (90 000 $), le roulement au CÉLI du conjoint survivant sera possible pour une valeur de 100 000 $ (et non 90 000 $ comme précédemment). Le montant admissible sera donc égal au moindre :

• du paiement au survivant (100 000 $);

• de la JVM du CÉLI au décès (100 000 $).

Il convient cependant de noter que si, au moment de la fermeture du compte CÉLI, la valeur est moindre que la JVM au décès (par exemple 97 000 $), la « cotisation exclue » sera limitée à ce montant en raison de la définition de « paiement au survivant ». Ainsi, dans un tel contexte, cette planification protège contre toute baisse de valeur ultérieure, mais ne permet pas de rattraper une hausse de valeur subséquente pour ramener la « cotisation exclue » à la JVM au décès (100 000 $).

2) Conservation de la perte en capital non perdue

Si certains titres sont à perte au moment d’une disposition ultérieure, ces pertes en capital pourront être utilisées soit par la succession, soit par l’héritier, selon le propriétaire des titres à ce moment. À cet égard, si la succession vend certains titres à perte, une planification pourra être effectuée afin d’optimiser l’utilisation de telles pertes. Par exemple, ces pertes pourront éponger du gain en capital réalisé par la succession ou encore le choix du paragraphe 164(6) L.I.R. permettra de reporter ces pertes dans la déclaration de revenus du défunt. Il est également possible que la planification optimale soit de remettre les titres à l’héritier en vertu du paragraphe 107(2) L.I.R. (au prix de base rajusté), ce qui permettra à l’héritier de réaliser une perte en capital si les titres sont toujours à perte au moment de leur vente.

Délais administratifs

Fermer rapidement le compte CÉLI et déposer les sommes ou placements au compte de la succession nécessitera bien entendu un « certain » délai. L’institution financière doit suivre les instructions du représentant légal de la succession et, par conséquent, se faire confirmer qui est le liquidateur. À ce titre, elle exigera notamment une preuve de décès officielle, les certificats de recherches testamentaires (Barreau et Chambre des notaires) et une copie du dernier testament, le cas échéant.

Roulement au conjoint

Lors du roulement au conjoint survivant, toutes les étapes doivent être scrupuleusement suivies, et ce, dans les délais prescrits. Ainsi, afin de bénéficier du roulement, la cotisation doit être versée au CÉLI du conjoint survivant pendant la « période de roulement » (soit au plus tard le 31 décembre de l’année qui suit le décès ou un délai plus long autorisé par l’ARC). Le conjoint survivant doit désigner la cotisation à titre de « cotisation exclue » sur le Formulaire RC240 dans

Baisse de la valeur après le décès

Le roulement au CÉLI du conjoint survivant peut être limité à une valeur moindre que la JVM au décès si les placements dans le compte CÉLI diminuent de valeur après le décès. Fermer le compte CÉLI rapidement après le décès et déposer les placements (ou les liquidités) dans le compte de la succession permet de « cristalliser » la valeur admissible à titre de « cotisation exclue ». Dans un tel contexte, si le conjoint reçoit des sommes suffisantes de la succession (au moins l’équivalent de la JVM du CÉLI au décès), il sera en mesure de verser et de désigner à titre de « cotisation exclue » (roulement) un montant au moins égal à la JVM au décès, et ce, malgré la baisse de la valeur des placements liés au compte CÉLI après sa fermeture.

Exemple

Reprenons l’exemple précédent, mais en posant l’hypothèse que les placements du compte CÉLI ont diminué de valeur et totalisent seulement 90 000 $ au moment du paiement à la conjointe survivante, soit le 15 juin 20X1, et qu’elle reçoit de la succession une valeur totale de 300 000 $, soit les placements du CÉLI (90 000 $) et d’autres liquidités.

Compte CÉLI demeuré ouvert après le décès : si le compte CÉLI demeure ouvert jusqu’au moment du versement à la conjointe survivante, soit le 15 juin 20X1, le roulement au CÉLI (« cotisation exclue ») sera limité à 90 000 $.

Compte CÉLI fermé rapidement après le décès : on se référera à la question 4 de la Table ronde sur la fiscalité des stratégies financières et des instruments financiers du Congrès 2019 de l’APFF : quatre situations permettent de conclure à cette interprétation.

1) Cristallisation de la valeur de la « cotisation exclue » Si le CÉLI est fermé au moment où les placements ont une valeur de 100 000 $ et qu’ils sont déposés dans le compte de la succession, la JVM du CÉLI au décès pourra être « roulée » dans la mesure où le conjoint survivant aura droit au CÉLI en vertu du testament et qu’il reçoit une somme équivalente

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sles 30 jours suivant le versement à son propre CÉLI. Il convient de noter que la responsabilité de remplir ce formulaire demeure celle du conjoint survivant, et ce, même si certains conseillers ou institutions financières aident ce dernier à le remplir.

Conclusion

D’un point de vue strictement fiscal, généralement, qu’il y ait roulement au CÉLI du conjoint survivant ou non (par exemple si l’héritier du CÉLI n’est pas le conjoint), il semble avantageux de fermer le compte CÉLI rapidement et de déposer les sommes ou placements dans le compte de la succession, bien que cela rende possiblement le volet administratif un peu plus complexe. Ne perdons toutefois pas de vue que lors du règlement d’une succession, la fiscalité doit avant tout être guidée par l’aspect juridique. Ainsi, avant de poser certains gestes de nature fiscale, une analyse juridique est requise afin de s’assurer qu’aucun préjudice ne sera subi par les héritiers et la succession. •

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La taxe carbone : quelle est la position du Canada à la lumière des récentes élections fédérales?

Avec les élections fédérales canadiennes de l’automne 2019, les

partis politiques canadiens ont été amenés à faire le point sur

la taxe sur le carbone lors de la dernière campagne électorale.

Il est intéressant de constater le positionnement du Canada en

matière de législation sur le sujet, et ce, en comparaison du

cadre législatif que propose l’Organisation des Nations Unies

(« ONU ») lors de sa 19th Session of the Committee of Experts on

International Cooperation in Tax Matters, à Genève, ainsi que par

rapport à l’Accord de Paris.

Contexte

La question environnementale prend de plus en plus d’importance dans les discours des organisations internationales. L’Accord de Paris, qui représente le premier accord universel sur le climat et le réchauffement climatique, fait suite aux négociations qui se sont tenues lors de la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques (COP21) de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). L’Accord de Paris a été adopté par le Canada et 194 autres pays en 2015, avec comme objectif de limiter, à long terme, l’augmentation de la température moyenne de la planète en dessous de 2,0 °C, dans le domaine préindustriel, ainsi que de limiter la hausse des températures à 1,5 °C. Dans cette optique, le gouvernement libéral du Canada a introduit, le 21 juin 2018, la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (« taxe carbone »). La tarification du carbone est un élément central du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Le « filet de sécurité » de cette taxe carbone se présente en deux volets : une redevance réglementaire sur les combustibles qui s’applique à partir d’avril 2019 dans les provinces assujetties au filet de sécurité (voir Annexe A), et un système réglementaire pour les grandes industries qui s’applique à partir de janvier 2019 dans les provinces assujetties au filet de sécurité (voir Annexe A).

Marie-Thérèse DugasPh. D., M. Fisc., M. Ed., M. Sc., MBA, CPA, CAProfesseureDépartement de fiscalitéÉcole de gestionUniversité de Sherbrooke

Xavier FilionM. Fisc.Université de Sherbrooke

Mickael HamrounUniversité de Sherbrooke

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déra

les?directes. L’une comme l’autre de ces approches

comporte des avantages et des inconvénients qui varient selon la juridiction qui en fait l’adoption.

L’approche fondée sur les combustibles repose sur un calcul de la teneur en carbone des différents combustibles. La taxe est exprimée par unité de mesure du combustible. Parmi les principaux avantages, cette taxe est facile à mettre en place, car dans la plupart des pays il existe déjà un système de taxation qui peut être bonifié afin d’y inclure une taxe environnementale. Elle est également facilement calculable comme aucune mesure des émissions réelles de GES n’est nécessaire.

L’approche fondée sur les émissions directes repose sur les émissions réelles de GES par les installations visées. Bien que cette mesure puisse être plus précise que celle fondée sur les combustibles, comme elle prend en compte les émissions réelles des installations visées, elle comporte des limites. La mise en œuvre de cette approche exige l’installation d’instruments de mesure des émissions qui proviennent souvent de plusieurs sources, ce qui complique la collecte de données.

Ensuite, une méthode doit être utilisée par les pays afin qu’ils soient en mesure de fixer le juste taux de la taxe sur le carbone. À cet effet, les experts du comité fiscal des Nations Unies suggèrent quatre méthodes afin d’aider les pays à fixer le juste taux de la taxe sur le carbone. Selon les experts, les quatre méthodes proposées comportent des avantages et des inconvénients. La méthode optimale est de fixer le taux de la taxe en tenant compte de ces quatre méthodes, de manière à parvenir à un taux adéquat. Utiliser une approche de manière isolée n’est pas conseillé par les experts du comité fiscal des Nations Unies.

Au Canada, un cadre visant une combinaison de mesures provinciales et fédérales pour atteindre les cibles de réduction des gaz à effet de serre a été dévoilé le 9 décembre 2016 par le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Ce cadre a été élaboré conjointement entre les provinces (à l’exception de la Saskatchewan) et les territoires du Canada et prévoit essentiellement la mise en place d’un système fédéral de tarification du carbone dans les provinces qui ne disposent pas de leur propre système. Ce cadre fédéral, appelé parfois

L’objectif de cette taxe carbone est de réduire les émissions de gaz à effet de serre, à un coût moindre pour les entreprises et les consommateurs, tout en stimulant l’innovation et la croissance propre. Cette taxe carbone propose une approche progressive commençant en 2019 avec un montant de 20 $ par tonne d’émission de gaz à effet de serre (« GES »), augmentant progressivement jusqu’à 50 $ par tonne en 2022.

Pour les particuliers, la hausse des prix de l’essence sera d’environ 4,4 cents par litre pour prendre en compte la nouvelle taxe carbone. Pour ce qui est de la redevance sur les carburants, il est estimé que 90 % des recettes de cette taxe seront utilisées afin de mettre en place des incitatifs pour les actions climatiques souhaitables. Les redevances qui proviennent des entreprises visées seront utilisées pour des actions climatiques propres à chaque administration respective.

Position des partis politiques

Les différents partis politiques canadiens ont des opinions divergentes quant à cette taxe carbone instaurée par le Parti libéral du Canada. Lors de la récente période électorale, les principaux partis politiques ont annoncé leurs positions. En survol, voici leurs positions respectives :

• Le Parti conservateur du Canada affirme vouloir abolir la taxe carbone. Plutôt que de taxer le carbone, il souhaite investir dans le développement de nouvelles technologies liées à la protection de l’environnement.

• Le Parti populaire du Canada affirme également vouloir abolir la taxe carbone. Selon ce parti, le gouvernement fédéral devrait se retirer de l’Accord de Paris.

• Le Bloc québécois souhaite que la péréquation canadienne soit remplacée par une mesure tenant compte des émissions de GES. Les provinces qui polluent davantage que la moyenne nationale seront sévèrement taxées et le montant perçu sera versé aux provinces avec le meilleur bilan environnemental.

• Le Nouveau parti démocratique entend conserver la taxe carbone mise en place par le gouvernement libéral de Justin Trudeau, mais souhaite taxer plus sévèrement les grands pollueurs.

• Le Parti vert propose une hausse de la taxe carbone, mais sans offrir de détails sur le tarif à la tonne qu’il souhaite instaurer.

Les différents partis politiques présentent donc des positions divergentes. Dans le contexte d’un parti minoritaire, les électeurs ayant démontré qu’ils avaient à cœur le dossier de la taxe carbone, tout porte à croire que le gouvernement de Justin Trudeau fera face à plusieurs défis.

Lignes directrices des organisations mondiales

Le pays doit déterminer quelle méthode il utilisera pour induire un changement de comportement chez le contribuable en matière de question environnementale. L’ONU suggère la conception d’une taxe environnementale selon deux approches : l’approche fondée sur les combustibles et l’approche basée sur les émissions

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La taxe carbone : quelle est la position du Canada à la lum

ière des récentes élections fédérales?

« filet de sécurité fédéral », a été intégré à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre édictée dans le cadre de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2018. L’approche fédérale se présente en deux systèmes de tarification du carbone, sans plafond d’émission, soit la redevance sur le carbone et le régime de tarification fondé sur le rendement. La redevance sur le carbone équivaut à une taxe sur le carbone et le régime de tarification fondé sur le rendement est équivalent à un système d’échange de droits d’émission avec cible d’intensité des émissions.

Revenue target approach

Avec la méthode du Revenue target approach, la juridiction fixe le taux de la taxe en fonction des revenus qu’elle veut percevoir, permettant des recettes fiscales assez stables. Par contre, en utilisant cette méthode, il est primordial pour les législateurs de prendre en compte l’élasticité du prix des produits taxés ainsi que l’impact de la mesure qui mènera à une érosion de la base d’imposition.

Benchmarking approach

La méthode Benchmarking approach consiste à examiner les juridictions ayant déjà implanté une taxe sur le carbone pour s’en inspirer. Il existe présentement environ 30 juridictions dans le monde ayant en place une taxe sur le carbone, dont la Suède, la Suisse et l’Allemagne, par exemple. Le législateur doit toutefois faire preuve de prudence, car certaines de ces juridictions ont en place une taxe qui ne respecte pas l’Accord de Paris.

Pigouvian approach

Avec la méthode Pigouvian approach, la taxe sur le carbone doit correspondre au coût du changement climatique, mais l’évaluation de ce coût est très complexe à faire. En effet, l’évaluation de ce coût nécessite une combinaison des travaux de plusieurs spécialistes, apportant beaucoup d’incertitude.

Standards and price approach

La méthode Standards and price approach consiste, dans un premier temps, à fixer un objectif national en matière de réduction d’émission de GES. Par exemple, l’objectif national sur le plan de réduction d’émission de GES peut être défini selon ceux présentés dans l’Accord de Paris. Ensuite, il s’agit de fixer un taux adéquat de taxe pour parvenir à l’objectif fixé. Une

Système provincial ou territorial

A opté pour le système fédéral, en tout ou en partie

Système fédéral s’applique, en tout ou en partie

réévaluation périodique est nécessaire afin de déterminer l’atteinte de l’objectif. Une méthode de type « essai-erreur » est donc nécessaire afin de parvenir au taux adéquat.

Une juridiction qui met en place une réglementation de taxe environnementale doit nécessairement faire des suivis assidus afin de s’assurer que l’objectif qui a été fixé initialement est atteint. De plus, la juridiction doit prévoir que dans le temps, il y aura une hausse de la taxe en question. Deux raisons principales justifient cette hausse : d’abord, les acteurs ont besoin d’une période pour adapter leurs pratiques; ensuite, la taxe doit maintenir le même effet dissuasif au fil du temps.

Dans un rapport publié par le Fonds monétaire international, les économistes affirment qu’une taxe qui monterait rapidement à 75 $ la tonne de GES est la meilleure solution pour lutter contre le réchauffement climatique et ainsi atteindre les engagements fixés par les pays du G20 d’ici 2030. Le directeur parlementaire du budget mentionne que cette taxe devra nécessairement augmenter à 102 $ la tonne dans les 11 prochaines années afin d’atteindre l’objectif fixé.

Conclusion

Aux termes des récentes élections, dans un contexte minoritaire, le gouvernement de Justin Trudeau fera face à plusieurs défis. Le dossier de la taxe carbone demeurera un dossier chaud. Bon nombre d’électeurs ont placé l’environnement au cœur du scrutin et le gouvernement devra redorer son image « verte ».

Pour le Canada, « la tarification de la pollution par le carbone est une façon sensée de réduire nos émissions et de protéger notre environnement ». Reste à voir comment le gouvernement actuel abordera cette problématique au cours de son mandat. À la lumière des lignes directrices des organisations mondiales, qui présentent à la fois une variété d’approches et de méthodes de taxation, tout en recommandant des taux de taxe plus élevés que ceux annoncés par le Canada, le gouvernement en place a en main des instruments suffisants lui permettant de réagir à cette problématique.

Annexe A

Le gouvernement du Canada s’assure qu’un prix sur la pollution par le carbone s’applique à travers le Canada en 2019

Source : https://www.canada.ca/content/dam/eccc/documents/pdf/climate-change/pricing-pollution/ECCC_documentation_technique_Fr.pdf.

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Particularités liées à l’article 80 L.I.R. : remise de dette

Marie-France ForestCPA, CA, M. Fisc.Directrice [email protected] Christiane SamsonCPA, CGA, M. Fisc.Brodeur & Létourneau [email protected]

La remise de dette prévue à l’article 80 de la Loi de l’impôt

sur le revenu (« L.I.R. ») n’est pas un sujet qui a fait couler

beaucoup d’encre récemment. Plusieurs textes ont été publiés

antérieurement relativement à cet article. Ils expliquent, entre

autres, les conditions d’application et le traitement fiscal à utiliser.

Ces textes sont toujours d’actualité.

Pour cette raison, nous nous concentrerons uniquement sur certains concepts particuliers qui nous semblent moins communs, soit : l’importance du moment où la dette est réglée, la nature du montant remis et son implication si plusieurs dettes sont réglées simultanément, les particularités lors d’une acquisition de contrôle, d’une fusion et d’une liquidation, ainsi que les réserves et provisions qui peuvent être demandées.

Dans le présent texte, le terme « montant remis » fait référence à la définition du paragraphe 80(1) L.I.R., soit le montant avant les réductions permises, alors que l’expression « solde du montant remis » fait référence au montant à inclure aux revenus selon le paragraphe 80(13) L.I.R., soit après la réduction des attributs fiscaux.

L’importance du moment où une dette est réglée

Selon le libellé du paragraphe 80(3) L.I.R., la réduction des pertes intervient au moment du règlement d’une dette commerciale. Cette réduction n’est pas discrétionnaire. Dans l’interprétation technique 2011-0418071I7 du 23 mai 2012, un contribuable pour lequel les règles de remise de dette se sont appliquées à un moment donné a reçu subséquemment de nouvelles cotisations pour des années antérieures. Ces nouvelles cotisations augmentaient les revenus nets des années en question. L’Agence du revenu du Canada est venue préciser que le contribuable ne pouvait pas demander un report de ses pertes autres qu’en capital (« PAC »)

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pourront donner droit à la DPE. Il ne faut pas omettre les intérêts qui sont réputés être une dette distincte selon l’alinéa 80(2)b) L.I.R. Ces intérêts sont de même nature que la dette dont ils proviennent.

Acquisition de contrôle

Conformément à la définition de « solde de pertes applicable » au paragraphe 80(1) L.I.R., la réduction de pertes des années d’imposition qui précèdent l’acquisition de contrôle pour réduire le montant remis est permise seulement si la dette a été émise avant l’acquisition de contrôle. Si la totalité ou presque d’une dette a servi à refinancer une dette qui était antérieure à l’acquisition de contrôle, la réduction sera aussi acceptée. Cependant, la réduction du montant remis par des pertes antérieures au changement de contrôle ne sera pas permise si la dette contractée avant l’acquisition de contrôle a été émise en prévision de l’acquisition de contrôle. L’objectif est d’éviter qu’une dette postérieure à l’acquisition de contrôle soit réduite par les PAC ou les pertes en capital nettes (PCN) d’années avant l’acquisition de contrôle.

Présomption de règlement : fusion versus liquidation

Lorsqu’une dette entre sociétés est réglée lors de leur fusion, la dette est réputée avoir été réglée immédiatement avant la fusion par un paiement correspondant au coût indiqué de la dette selon le paragraphe 80.01(3) L.I.R. Le montant remis est donc de 0 $.

Lors d’une liquidation, la société qui est débitrice envers l’autre société doit appliquer l’article 80 L.I.R. immédiatement avant la liquidation. Cette dette est réputée avoir été réglée pour un montant de 0 $ ou la valeur du paiement s’il y a lieu, ce qui génère donc un gain.

Dans le cas d’une liquidation selon le paragraphe 88(1) L.I.R., soit lorsque la société mère possède au moins 90 % des actions émises de sa filiale de chaque catégorie d’actions, il est possible de se soustraire à l’application de l’article 80 L.I.R. Pour ce faire, la société mère doit se prévaloir du choix selon l’alinéa 80.01(4)c) L.I.R. sur le Formulaire T2027, « Choix relatif au montant réputé du règlement d’une dette ou d’une obligation en cas de liquidation d’une

aux années ayant des cotisations rajustées. Les PAC devaient obligatoirement être appliquées à l’encontre du montant remis, puisque la remise de dette était survenue avant l’établissement des nouvelles cotisations.

Selon le paragraphe 80(5) L.I.R., la réduction des biens amortissables est permise sur les biens détenus au moment de la remise de dette. Par conséquent, les biens acquis après ce moment ne peuvent pas faire l’objet d’une réduction même si, à la fin de l’exercice, la fraction non amortie du coût en capital (« FNACC ») de la catégorie est supérieure à zéro.

Exemple

• FNACC de la catégorie 8 de 125 000 $ au 31 décembre 2018;

• remise de dette le 30 septembre 2019;

• acquisition d’un bien de catégorie 8 de 75 000 $ le 30 novembre 2019;

• fin d’exercice le 31 décembre 2019.

La réduction maximale permise selon le paragraphe 80(5) L.I.R. pour les biens de catégorie 8 sera de 125 000 $, l’acquisition du bien de 75 000 $ ayant eu lieu après le moment de la remise de dette.

Inclusion du montant remis pour une société : revenu d’entreprise ou de bien?

Le solde du montant remis sera ajouté au calcul du revenu net d’une société en vertu de l’alinéa 12(1)z.3) L.I.R. L’inclusion au revenu sera de 50 % du solde de la remise de dette, moins les attributs désignés. Si, par le passé, les intérêts sur la dette remise réduisaient un revenu de bien (ou auraient réduit un revenu de bien si la dette avait porté intérêt), l’inclusion devra aussi être ajoutée au calcul du revenu de placement total. Par exemple, la remise sur un prêt pour un immeuble locatif donnera lieu à un revenu de placement qui sera imposé à un taux d’imposition plus élevé. Inversement, lorsqu’une dette était engagée pour une entreprise active, l’inclusion devra être traitée comme un revenu d’entreprise et pourra être imposée à un taux moindre. En plus de l’écart de taux, lorsqu’un groupe de sociétés associées cumule plus de 50 000 $ de revenu de placement total, chaque dollar additionnel réduit de cinq dollars le plafond des affaires de 500 000 $ de l’année subséquente, qui donne droit à la déduction accordée aux petites entreprises (« DPE »).

Dettes réglées en simultané selon l’alinéa 80(2)i) L.I.R.

Lorsque plusieurs dettes commerciales sont réglées au même moment et sont de différentes natures, il peut être avantageux de désigner l’ordre du règlement des dettes sur le Formulaire T2153, « Désignation prévue à l’alinéa 80(2)i) lorsque deux ou plusieurs dettes commerciales sont réglées au même moment ». Ce choix permet de réduire les dettes qui seront traitées comme du revenu de bien en premier. Ainsi, s’il reste un solde à inclure aux revenus après réduction des attributs fiscaux, les dettes de nature revenu d’entreprise seront privilégiées et

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Particularités liées à l’article 80 L.I.R. : remise de dette

inférieur à 40 000 $. En considérant l’inclusion aux revenus moins la provision, le contribuable devra inclure chaque année un montant qui correspond à au moins 20 % de son revenu qui excède 40 000 $, jusqu’à concurrence du montant remis dans l’année de la remise de dette ou de la provision réclamée l’année précédente. Cette provision n’est pas limitée dans le temps.

Exemple

Solde du montant remis de 20 000 $ en 2019, un revenu de 50 000 $ en 2019, un revenu de 60 000 $ en 2020 :

2019 : 20 000 + 0 - (0,2 (50 000 - 40 000)) = 18 000 $ de provision � inclusion nette de 2 000 $2020 : 0 + 18 000 - (0,2 (60 000 - 40 000)) = 14 000 $ de provision � inclusion nette de 4 000 $

Dans la déclaration de revenus au décès du particulier, la provision est permise, puisqu’elle n’est pas prévue au paragraphe 72(1) L.I.R. De plus, la provision n’a pas à être incluse dans la déclaration de revenus de la succession. Lorsqu’une créance commerciale est réglée dans les six mois après le décès d’un contribuable, elle est réputée avoir été réglée au début du jour du décès selon l’alinéa 80(2)q) L.I.R. Il est avantageux pour une succession d’enclencher les démarches rapidement pour obtenir ce règlement dans les six mois suivant le décès lorsque c’est possible. Le montant remis pourrait ainsi permettre de réclamer une provision qui ne sera jamais imposée, si le revenu au décès du particulier n’est pas plus élevé que cinq fois le solde du montant remis auquel on ajoute 40 000 $.

Exemple

Pour un solde de montant remis de 100 000 $, il faudrait un revenu de 540 000 $ pour qu’aucune provision ne soit permise : 100 000 - (0,2(540 000 - 40 000) = 0. Déduction pour insolvabilité selon l’article 61.3 L.I.R. pour les sociétés seulement

Cet article parfois oublié est particulièrement avantageux puisqu’il s’agit d’une déduction finale, contrairement aux provisions qui doivent être incluses aux revenus l’année suivante. Les critères d’insolvabilité utilisés à l’article 50 L.I.R. ne sont pas pertinents pour cette déduction. C’est un calcul qui permet de déterminer le montant de la déduction. Sommairement, une société aura droit à une déduction si le solde du montant remis excède de deux fois la valeur marchande de l’actif net de la société. L’actif net correspondra à la juste valeur marchande des actifs de la société en fin d’année, plus les montants payés dans les 12 derniers mois à des personnes avec lien de dépendance, moins le passif compte non tenu des impôts payables de l’année. De plus, si le revenu net de l’année est plus élevé que le solde du montant remis, la déduction sera augmentée de 100 % de cet excédent.

Le calcul se fait à la fin de l’exercice. Par conséquent, il est possible que l’annulation de la dette ait eu lieu en début d’année, et que l’actif net de la société se détériore durant l’année, impliquant une augmentation de la déduction. Voilà pourquoi une règle anti-évitement a été ajoutée au paragraphe 61.3(3) L.I.R. Une société n’aura pas droit à la déduction si un bien a été transféré au cours des 12 mois qui

filiale ». Ainsi la dette commerciale sera réputée avoir été payée pour un montant correspondant à son coût indiqué et aucun gain ne sera donc généré. Bref, la production de ce choix permet d’avoir un traitement fiscal similaire entre la fusion et la liquidation selon le paragraphe 88(1) L.I.R. L’omettre entraîne des incidences fiscales.

Convention concernant le transfert d’une remise de dette en vertu de l’article 80.04 L.I.R.

Dans un groupe corporatif, lorsque le montant remis est supérieur aux déductions disponibles par les paragraphes 80(3) à 80(10) L.I.R., il est permis de produire une convention selon l’article 80.04 L.I.R. afin de transférer un montant de la remise de dette à une société liée.

Cette convention n’est pas obligatoire. Il est possible de choisir de réduire le prix de base rajusté (« PBR ») des actions ou des dettes de sociétés liées en vertu du paragraphe 80(11) L.I.R., sans transférer de solde. Cependant, en raison de l’élément B de la formule de l’inclusion selon le calcul au paragraphe 80(13) L.I.R., il est plus avantageux de transférer une portion du montant remis à une société liée par convention selon l’article 80.04 L.I.R., avant de réduire le PBR de ces mêmes actions ou des dettes de cette société.

Ce choix doit être produit et signé conjointement par les deux parties sur le Formulaire T2156, « Convention pour le transfert d’un montant remis selon l’article 80.04 ». Il n’est pas toujours possible de faire une convention s’il y a d’autres actionnaires impliqués dans la société liée. Ces derniers n’auront pas avantage à réduire les attributs fiscaux de la société dont ils possèdent des actions.

Provision pour remise de dette pour un particulier résident du Canada (sauf une fiducie) selon l’article 61.2 L.I.R.

En raison de la provision à l’article 61.2 L.I.R., un particulier n’aura pas à s’imposer immédiatement sur le solde du montant remis si son revenu net est

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précèdent la fin d’année ou si la société a contracté une dette au cours de cette période et qu’il est raisonnable de considérer que l’un des motifs du transfert ou de la dette est d’augmenter le montant que la société peut déduire.

La déduction ne s’applique pas à une société qui a fait une convention selon l’article 80.04 L.I.R. afin de transférer à un cessionnaire admissible une partie du montant remis.

Provision pour remise de dette – Sociétés ou fiducies selon l’article 61.4 L.I.R.

Cette provision est similaire à celle prévue au paragraphe 40(1) L.I.R., soit la provision pour gain en capital sur un montant non reçu. L’imposition annuelle minimum sera de 20 % de l’excédent du solde du montant remis sur la déduction pour insolvabilité, s’il y a lieu. Ceci permet d’étaler sur cinq ans l’imposition du solde du montant remis, net de la déduction pour insolvabilité.

Cette provision ne s’applique pas à une société de personnes en raison du paragraphe 80(15) L.I.R., ni à une société qui commence à être liquidée autrement que par l’application du paragraphe 88(1) L.I.R., ni à une société qui a fait une convention selon l’article 80.04 L.I.R. afin de transférer à un cessionnaire admissible une partie du montant remis.

Modification permise par le ministre selon le paragraphe 80(16) L.I.R.

Bien que l’utilisation des attributs des paragraphes 80(5) à 80(12) L.I.R. soit discrétionnaire, le paragraphe 80(16) L.I.R. autorise le ministre à appliquer les réductions prévues aux paragraphes 80(5) à 80(11) L.I.R. dans les cas suivants : lorsqu’un particulier utilise la provision selon l’article 61.2 L.I.R. ou lorsqu’une société demande la déduction pour insolvabilité selon l’article 61.3 L.I.R. Cela évite l’augmentation de la provision ou de la déduction en n’utilisant pas tous les attributs permis.

En conclusion, les règles entourant l’article 80 L.I.R. sont relativement complexes. La compréhension des subtilités abordées précédemment demeure nécessaire pour s’assurer du bon traitement fiscal en situation de remise de dette. Ces subtilités jumelées aux textes publiés antérieurement permettront d’avoir une vision globale de l’étendue de ces règles. •

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LA RELÈVE

La modification de l’acte constitutif d’une fiducie

Yannie BordeleauNotaireAssociéeStein Monast s.e.n.c.r.l. Avocats

Florence GouletNotaire, M. Fisc.Stein Monast s.e.n.c.r.l. Avocats

Le rôle du constituant est de transférer, de son patrimoine à

un patrimoine distinct qu’il constitue, des biens qu’il affecte à

une fin particulière et que le fiduciaire s’oblige, par le fait de

son acceptation, à détenir et à administrer. Par la création d’un

patrimoine d’affectation autonome et distinct, le constituant

peut-il, en conférant les pleins pouvoirs au fiduciaire, octroyer à

ce dernier une grande latitude quant à la modification unilatérale

de l’acte constitutif de la fiducie pour quelque raison que ce soit?

Ou est-ce que la voie judiciaire est la seule option à considérer?

La modification judiciaire

Il est spécifiquement prévu à l’article 1294 du Code civil du Québec (« C.c.Q. ») que l’acte de fiducie peut être modifié judiciairement. Toutefois, toutes les raisons aussi souhaitables les unes que les autres pour l’accomplissement de la fiducie ne peuvent être invoquées afin de présenter une demande en modification au tribunal. Ce pouvoir, pouvant être exercé uniquement afin de permettre la poursuite de l’accomplissement de la fiducie tout en respectant la volonté du constituant, semble être exclusif au tribunal puisque l’autorisation de procéder à une modification est codifiée à son égard seulement, sans accorder le même privilège au constituant et encore moins au bénéficiaire.

En vertu de cet article, deux situations donnent ouverture à l’intervention du tribunal. La première vise l’extinction de la fiducie et se présente lorsqu’elle a cessé de répondre à la volonté première du constituant, notamment par la suite de circonstances inconnues de lui ou imprévisibles qui rendent impossible ou trop onéreuse la poursuite du but de la fiducie. Exceptionnellement, toutefois, dans le cas de la fiducie d’utilité sociale, le tribunal peut, plutôt que de mettre fin à la fiducie, modifier son affectation en lui substituant un but qui se rapproche le plus possible de son objectif initial. La seconde situation vise plutôt la modification de la fiducie lorsque de nouvelles mesures permettraient de mieux respecter la volonté

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etelle modification pourrait être utile afin de permettre à la fiducie de bénéficier des avantages fiscaux d’une dévolution irrévocable, notamment pour contrer la disposition réputée des biens de la fiducie lors de l’atteinte de ses 21 ans.

Enfin, dans le passé, la Cour supérieure avait écarté la possibilité d’ajouter des bénéficiaires à un acte de fiducie après sa constitution (Poirier c. De Coste, 1997 CanLII 9314). En effet, dans cette affaire, le constituant et le fiduciaire souhaitaient ajouter à titre de bénéficiaire, entre autres, leur deuxième enfant qui n’était pas né lors de la création de la fiducie. À ce moment, ils avaient désigné comme seul bénéficiaire de la fiducie leur unique enfant. Le juge avait affirmé qu’à l’origine, la volonté du constituant était de nommer uniquement cet enfant à titre de bénéficiaire et que la demande d’ajout d’un bénéficiaire ne respecterait pas cette volonté ni ne favoriserait son accomplissement. Également, le juge a déclaré que l’ajout d’un bénéficiaire aurait créé un nouvel acte de fiducie. Inversement, dans l’affaire Salvo, 2017 QCCS 2768, le tribunal a accueilli la demande de modification visant à ajouter à titre de bénéficiaire une société canadienne dont tous les actionnaires devaient être l’une ou les personnes déjà nommées comme bénéficiaires à l’acte de fiducie.

La modification conventionnelle

Malgré le fait que la modification d’un acte de fiducie soit judiciairement permise, est-il possible de procéder à une telle modification autrement que par l’appréciation du tribunal? Puisque le Code civil du Québec est silencieux quant à l’interdiction d’effectuer une modification de façon conventionnelle, peut-on en déduire qu’un acte de fiducie par lequel le constituant donne spécifiquement un tel pouvoir au fiduciaire est juridiquement valide? Ou, considérant que l’article 1278, alinéa 2 C.c.Q. édicte que le fiduciaire agit à titre d’administrateur du bien d’autrui chargé de la pleine administration, ces pleins pouvoirs permettent-ils au fiduciaire de contourner la demande d’autorisation du tribunal pour procéder à la modification souhaitée? D’autant plus que l’article 1306 C.c.Q. indique qu’un administrateur ayant de tels pouvoirs se voit imposer des obligations lorsque l’intérêt du bénéficiaire ou la poursuite du but de la fiducie l’exigent. Nous croyons qu’il serait

du constituant ou favoriseraient l’accomplissement de la fiducie. Afin de donner ouverture à un tel recours, il ne saurait être ici question d’un caprice de la part du fiduciaire visant à simplement faciliter son administration.

Une dernière situation est prévue à l’article 1277 C.c.Q. et concerne la désignation judiciaire d’un fiduciaire. Le tribunal peut, lorsque le constituant a omis de le désigner à l’acte ou qu’il est impossible d’y pourvoir, procéder à sa désignation ou à son remplacement. La désignation d’un ou de plusieurs fiduciaires peut alors être effectuée par le tribunal, selon ce qui est jugé opportun dans la situation soumise.

Exemples jurisprudentiels sur les modifications judiciaires

Au fil des années, les juges se sont prononcés sur trois principales catégories de questions à l’égard des demandes de modification d’un acte constitutif de fiducie qui leur ont été soumises en vertu de l’article 1294 C.c.Q. En effet, les demandes présentées concernaient, notamment, le mode de remplacement d’un fiduciaire, les pouvoirs des fiduciaires ou la nomination des bénéficiaires. Chacune de ces demandes de modification a été analysée selon les faits propres à chacune des situations.

Habituellement, les demandes relatives au mode de remplacement d’un fiduciaire obtiennent un résultat favorable lorsque les modifications suggérées ne vont pas à l’encontre des dispositions de l’acte de fiducie et de l’intention du constituant. Entre autres, la mise en place d’un processus de remplacement des fiduciaires pour pallier les lacunes de l’acte peut être nécessaire pour permettre d’assurer l’exécution des volontés du constituant. À titre d’exemple, le jugement Chartier c. Chartier, 2018 QCCS 1484, a permis de dénouer une impasse puisqu’aucun des fiduciaires nommés n’avait accepté la charge de fiduciaire ou ne pouvait accomplir ces fonctions. Dans cette affaire, le juge a nommé deux fiduciaires remplaçants et a ajouté à l’acte de fiducie des dispositions permettant à ces derniers de pourvoir ultérieurement à leur remplacement afin d’assurer l’autonomie de la fiducie et d’éviter de recourir systématiquement au tribunal pour ce type de demande. Également, dans une autre affaire, Poulin c. Roy, 2016 QCCS 6331, après analyse des faits et de l’objectif de la fiducie, le juge a destitué le fiduciaire corporatif pour désigner un fiduciaire neutre et non corporatif afin de diminuer les coûts d’administration et de maximiser les revenus de la fiducie. En effet, la preuve a démontré que le constituant souhaitait que les revenus générés par la fiducie permettent d’attribuer au bénéficiaire des sommes suffisantes pour subvenir à ses besoins. Cependant, les honoraires facturés par le fiduciaire corporatif étaient trop élevés par rapport aux revenus générés et avaient pour conséquence de contrevenir au principal objectif de la constitution de la fiducie.

De surcroît, les demandes soumises au tribunal relativement aux modifications des pouvoirs des fiduciaires sont généralement accueillies lorsqu’elles concernent, plus particulièrement, l’attribution du revenu ou du capital de la fiducie en faveur des bénéficiaires. Dans le jugement Godbout c. Laflamme, 2017 QCCS 5568, le juge a accordé une modification de l’acte de fiducie afin d’élargir le pouvoir du fiduciaire en lui octroyant le pouvoir discrétionnaire de fixer irrévocablement les parts du revenu et du capital en faveur d’un ou de plusieurs bénéficiaires. Une

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M. Karam avait signé un acte notarié afin de renoncer à sa faculté d’élire les bénéficiaires et de les destituer. Les juges des différentes instances ont émis des opinions partagées quant à la validité de cet acte de renonciation. La Cour supérieure a conclu que les changements apportés à l’étendue des pouvoirs des fiduciaires devaient être effectués en respectant les dispositions des articles 1294 et 1295 C.c.Q. puisque l’acte de fiducie ne permettait pas au fiduciaire de les modifier unilatéralement. Également, étant donné que les conditions prévues à ces articles n’étaient pas respectées, la Cour supérieure a constaté qu’elle n’était pas habilitée à valider l’acte de renonciation. Quant à la Cour d’appel, elle a confirmé la modification effectuée à l’acte de fiducie par l’acte de renonciation sans qu’aucune des parties intéressées lui ait demandé de confirmer la validité de cet acte.

Dans le contexte où l’acte constitutif de la fiducie ne stipulait pas que les fiduciaires pouvaient modifier l’acte, la Cour suprême a rétabli l’analyse du juge de première instance et a confirmé que l’acte de renonciation signé par M. Karam constituait une modification visée par les dispositions des articles 1294 et 1295 C.c.Q. puisque des changements étaient apportés aux pouvoirs accordés à l’un des fiduciaires. Par conséquent, seul le tribunal avait le pouvoir de permettre une telle modification à l’acte de fiducie. Au surplus, la Cour suprême a indiqué que comme aucune des parties au litige n’avait demandé à la Cour de se prononcer sur la validité de cette renonciation, la Cour d’appel n’avait pas le pouvoir de déclarer qu’elle était valide.

En conclusion, l’arrêt Yared confirme qu’en l’absence d’une clause spécifique de l’acte constitutif donnant aux fiduciaires un pouvoir de modification, l’intervention du tribunal est nécessaire pour qu’une modification conventionnelle puisse produire ses effets. Il est important de rappeler que la Cour suprême ne s’est pas prononcée dans un contexte où une telle clause donnant ce pouvoir aux fiduciaires se trouvait à l’acte constitutif. La question de la validité d’une telle clause demeure donc entière. Cependant, nous rappelons qu’en présence d’une clause spécifique de l’acte constitutif donnant au fiduciaire un pouvoir de modification, l’intervention du tribunal est quand même nécessaire pour s’assurer que cette modification conventionnelle puisse produire ses effets.

D’un côté pratique, il est souvent constaté que les actes de fiducie sont rédigés de façon à laisser place à l’interprétation quant à l’intention réelle du constituant. Que ce soit pour une demande à être présentée au tribunal ou pour une modification conventionnelle de l’acte de fiducie, et si le Code civil du Québec le prévoyait ou si la jurisprudence le permettait, il serait avisé de décrire explicitement l’intention du constituant dans l’acte de fiducie afin de permettre de procéder à la modification souhaitée suivant sa volonté. Conséquemment, dans le cas où la modification conventionnelle serait ainsi possible en présence d’une clause à cet effet dans l’acte de fiducie, une telle modification n’aurait qu’à être circonscrite dans un acte notarié, lequel bénéficie d’un caractère d’authenticité. De plus, cette option irait dans le sens de la volonté gouvernementale visant à désengorger le système judiciaire. •

prudent de répondre par la négative à toutes ces questions puisque la seule disposition autorisant le fiduciaire à agir, sans avoir reçu d’instructions précises de la part du constituant, est l’article 1282 C.c.Q. traitant de la faculté d’élire les bénéficiaires conférée au fiduciaire par le constituant, dans la mesure où la catégorie de personnes parmi lesquelles doit être choisi le bénéficiaire est clairement déterminée dans l’acte constitutif. Cet article prévoit également la possibilité pour le fiduciaire de déterminer la part des bénéficiaires.

Le fiduciaire ne peut ainsi déduire ou interpréter l’intention du constituant et modifier lui-même l’acte de façon unilatérale pour faciliter l’administration fiduciaire ou même pour changer le but de la fiducie. Également, le législateur n’a pas accordé ce pouvoir au tribunal et ne l’a pas fait non plus pour le constituant, ce dernier ne pouvant se rabattre sur aucune disposition du Code civil du Québec à cet effet. La disposition donnant ouverture à l’intervention du tribunal, soit l’article 1294 C.c.Q., est claire et restreinte.

Récent arrêt de la Cour suprême du Canada

En décembre 2019, les juges de la Cour suprême du Canada se sont prononcés, à l’occasion de l’arrêt Yared c. Karam, 2019 CSC 62 (« Yared »), sur la question de savoir si la valeur d’une résidence principale détenue par une fiducie contrôlée par l’un des époux devait être considérée lors du partage du patrimoine familial. Ce jugement, rendu par la plus haute instance du pays, a permis de démystifier l’incertitude qui entourait la portée du patrimoine d’affectation autonome et distinct formé par la création d’une fiducie et les dispositions relatives au patrimoine familial, qui sont d’ordre public et qui doivent recevoir une interprétation large et libérale.

Par ailleurs, la Cour suprême a également statué sur un autre élément intéressant concernant les modalités entourant la modification de l’acte constitutif d’une fiducie. Dans cette affaire, l’acte de fiducie conférait à M. Karam, à titre de fiduciaire, des pouvoirs discrétionnaires importants qui lui permettaient, entre autres, d’élire de nouveaux bénéficiaires ou de les destituer et de déterminer leur quote-part dans les revenus ou le capital de la fiducie. Cependant,

La modification de l’acte constitutif d’une fiducie

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29Printemps 2020 • Volume 25 - Numéro 1

ChroniqueAnalyse de l’arrêt Wolf et du principe de l’établissement stable réputé au Canada

Le 15 novembre 2019, la Cour d’appel a rendu un jugement dont les principales questions en litige étaient liées à la présence d’un établissement stable au Canada en raison de la prestation de services par un résident américain. Le point central de cette affaire réside dans l’incapacité du contribuable à fournir des preuves suffisantes démontrant dans quelle juridiction ses revenus d’entreprises ont été gagnés. Le présent texte résumera cette jurisprudence et énoncera l’importance pour un contribuable de documenter ses déplacements entre le Canada et les États-Unis, en particulier dans le contexte où des services sont rendus simultanément dans chacune de ces juridictions.

Faits et questions en litige

M. Wolf était un ingénieur aérospatial et un citoyen américain qui résidait aux États-Unis aux fins fiscales. En 2012, le contribuable a été engagé en tant que consultant par une agence de placement temporaire afin de fournir des services de consultation à Bombardier inc. à Montréal. Au cours de ce contrat, le contribuable a travaillé au Canada pour une période excédant 183 jours dans une période de 12 mois consécutifs (188 jours au cours de la période allant du 10 août 2011 au 10 août 2012) et a gagné un revenu de 26 244 $ provenant de ce contrat.

Parallèlement, en 2012, M. Wolf touchait également du revenu de fabrication et de licences aux États-Unis du fait de sa participation dans Wolfbend LLC (« Wolf LLC »), une société à responsabilité limitée qui est considérée comme une société de personnes aux fins américaines. Wolf LLC ne faisait affaire qu’aux États-Unis et ne possédait qu’un seul client résident des États-Unis (Davis Aircraft Products Company, Inc.). En 2012, le contribuable a gagné 233 197 $ de revenus de fabrication et 46 143 $ de licences provenant de sa participation dans Wolf LLC.

Le ministre a cotisé le contribuable sur la base que le revenu de source canadienne gagné en 2012, soit 26 244 $, était imposable au Canada puisque M. Wolf était personnellement réputé avoir fourni des services par l’entremise d’un établissement stable au Canada en vertu de l’alinéa V(9)a) de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis (« Convention »). Essentiellement, cet article de la Convention s’applique si des services sont fournis au Canada par un individu résident américain et que celui-ci est présent physiquement au Canada pendant 183 jours ou plus au cours d’une période quelconque de 12 mois et si, pendant cette période, plus de 50 % des « recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement » consistent en un revenu brut tiré des services fournis par cet individu au Canada. Le test des 183 jours tient non seulement compte de l’année fiscale courante, mais également des années fiscales précédentes et subséquentes du contribuable.

La question en litige à la Cour canadienne de l’impôt était de déterminer si le revenu de 26 244 $ était imputable à un établissement stable au Canada en vertu de l’alinéa V(9)a) de la Convention. En appel, la Cour devait décider si le juge de première instance avait fait une erreur en déterminant que M. Wolf n’avait pas démontré que moins de 50 % des revenus bruts provenant des services rendus au Canada n’excédaient pas 50 % des recettes brutes globales tirées de son « entreprise ». De plus, le juge en appel s’est questionné pour savoir si le juge à la Cour canadienne de l’impôt n’avait pas fait une erreur en déterminant que « l’entreprise » qui a généré les profits et les revenus de licences aux États-Unis provenait de l’entreprise de M. Wolf et non de Wolf LLC.

Coup d’œil international

CPA, CGA, M. Fisc.Directeur – Fusions et [email protected]

Chronique

Chad M’Sallem

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ChroniqueChronique

Les prestations de services causant un établissement stable

Selon le sous-alinéa 2(3)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »), M. Wolf était assujetti à l’impôt canadien sur ses revenus gagnés au Canada puisque celui-ci était réputé comme exploitant une entreprise au Canada conformément à l’alinéa 253a) L.I.R. Afin d’éviter que le contribuable soit assujetti à l’impôt sur le même revenu dans deux pays différents (étant résident américain, M. Wolf est assujetti à l’impôt américain sur les revenus qu’il gagne mondialement), la Convention permet selon l’article VII d’attribuer les bénéfices d’une entreprise d’un résident des États-Unis qui sont imputables à l’établissement stable au Canada à l’impôt sur le revenu canadien seulement.

À cet effet, le paragraphe V(9) de la Convention est pertinent, car il précise dans quel contexte un établissement stable canadien est réputé dans le cas où des services transfrontaliers sont rendus entre le Canada et les États-Unis. Ce paragraphe est communément appelé « service PE » et devrait être analysé chaque fois que des services significatifs en matière de temps et de revenus sont rendus physiquement au Canada et/ou aux États-Unis par un individu. Dans le présent cas, une analyse du « service PE » est pertinente parce que 1) M. Wolf a été présent physiquement au Canada pour rendre des services pendant plus de 183 jours; et 2) des revenus tirés d’une entreprise en lien avec des services rendus ont été gagnés au Canada.

Décisions

À la Cour canadienne de l’impôt, les parties se sont entendues sur le fait que M. Wolf respectait le premier critère de 183 jours, elles ont donc principalement débattu sur le critère du calcul de la provenance des 50 % des revenus bruts. À la suite d’une revue des contrats, le juge a conclu qu’il était clair que c’était M. Wolf personnellement qui exploitait l’entreprise, et non Wolf LLC, concernant les revenus de fabrication et de licences gagnés aux États-Unis. Le juge avait indiqué que Wolf LLC n’avait pas d’entreprise elle-même parce qu’elle avait été créée uniquement dans le but de percevoir et de bénéficier de l’allocation des profits générés aux membres de celle-ci. Le juge a également conclu que les revenus provenant des services d’ingénierie fournis à Bombardier inc. faisaient partie de la même « entreprise ». Toutefois, en ce qui concerne la détermination des revenus bruts de la partie américaine de l’entreprise de M. Wolf, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que le contribuable n’avait fourni aucun élément de preuve indiquant quand ces revenus avaient été générés. Par conséquent, la Cour n’a pas été en mesure de déterminer quel pourcentage des revenus bruts d’entreprise exploitée activement de l’entreprise consistait en un revenu tiré des services rendus au Canada pendant la période ou les périodes où M. Wolf était présent au Canada. Le juge a conclu que, puisque M. Wolf n’a pas réussi à prouver que le pourcentage de ses revenus de source canadienne ne dépassait pas 50 % du total des recettes brutes tirées de son « entreprise » exploitée activement pendant la période ou les périodes pendant lesquelles il était présent au Canada, son appel a échoué.

À la Cour d’appel fédérale, le juge a rejeté l’appel au motif que le contribuable n’a pas été en mesure, encore une fois, de démontrer des éléments de preuve suffisants pour illustrer la portion de ses revenus gagnés au Canada dans la période de 188 jours. Le juge a souligné le fait que rien n’indiquait pourquoi M. Wolf n’aurait pas pu obtenir une copie des informations financières de David Aircrafts Products Company, Inc. afin de déterminer le moment où les revenus ont été gagnés aux États-Unis. Le jugement n’indique pas pourquoi M. Wolf n’a pas demandé l’accès à ces informations financières (pour 2011-2012). Il semble évident qu’avec de telles informations en main, M. Wolf aurait pu démontrer,

Afin d’éviter que le contribuable soit assujetti à l’impôt sur le même revenu dans deux pays différents […], la Convention permet selon l’article VII d’attribuer les bénéfices d’une entreprise d’un résident des États-Unis qui sont imputables à l’établissement stable au Canada à l’impôt sur le revenu canadien seulement.

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31Printemps 2020 • Volume 25 - Numéro 1

a contrario, la portion du revenu qui était attribuable au service rendu au Canada et ainsi prouver que moins de 50 % des revenus bruts provenant de son entreprise provenaient du Canada sur la base que ses revenus provenant des services rendus au Canada faisaient partie de la même entreprise que les revenus provenant des services rendus aux États-Unis. Le juge de la Cour d’appel fédérale a donc rejeté l’appel de M. Wolf.

En obiter, le juge a indiqué que la Cour canadienne de l’impôt aurait dû prendre en compte le revenu gagné par Wolf LLC séparément des revenus gagnés par ses membres, puisqu’aux fins canadiennes, une limited liability company (« LLC ») est considérée comme une société et donc une entité distincte de ses membres (selon l’interprétation technique émise par le Département américain du Trésor en lien avec le protocole de Chelsea le 21 septembre 2007). Cependant, la conclusion n’aurait pas été différente puisque 100 % des revenus (26 244 $) de l’entreprise de M. Wolf en connexion avec les services rendus à Bombardier inc. auraient été imputables à un établissement stable au Canada.

Conclusion

Le résultat de cette jurisprudence réitère l’importance pour les contribuables de conserver des preuves de leurs déplacements et de la source de leur revenu dans le contexte de l’exploitation d’une entreprise transfrontalière.

Sur la base qu’une LLC est considérée comme une société distincte de ses membres aux fins canadiennes, certains peuvent argumenter que si le contribuable avait gagné ses revenus provenant de son entreprise américaine à travers une société de personnes au lieu d’une LLC, M. Wolf aurait peut-être pu éviter d’être imputable à un établissement stable au Canada, puisque deux sources de revenus provenant de son « entreprise » auraient été prises en compte dans l’application des 50 % de test sur ses revenus globaux, ce qui aurait pu réduire la proportion de ses revenus gagnés au Canada.

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ChroniqueAffaire Gervais Auto : une décision d’intérêt

La récente décision de la Cour du Québec dans l’affaire Gervais Auto inc. c. Agence du revenu du Québec, 2019 QCCQ 5894 (« Gervais »), revêt une importance fondamentale quant à la portée et à l’application de la présomption d’exactitude des cotisations fiscales, dont le concept est central à notre système d’administration fiscale fondé sur l’autocotisation. Sans surprise, le 23 octobre 2019, la demanderesse, Gervais Auto, a porté la décision du juge Allen en appel, sous le regard quelque peu anxieux de la communauté fiscale.

Dans cette affaire, la demanderesse était, depuis 2004, débitrice envers ses trois actionnaires d’un prêt totalisant 6 M$ et ayant été octroyé afin de financer l’inventaire de son entreprise de vente de véhicules automobiles d’occasion. Après consultation avec les comptables et fiscalistes du groupe corporatif, un taux de 10 % avait été établi comme acceptable, basé sur les taux en vigueur à l’époque pour des prêts commerciaux sans garantie. Évidemment, la demanderesse déduisait annuellement, dans le calcul de son revenu, les montants d’intérêts payés à ses actionnaires.

En 2016, la demanderesse fait l’objet d’une vérification fiscale concernant ses années d’imposition 2013 à 2015. Le vérificateur de Revenu Québec conclut, dans un premier projet d’avis de cotisation, que le taux d’intérêt de 10 %, qui était demeuré inchangé depuis 2004, n’est pas « raisonnable dans les circonstances » au sens de l’article 420 de la Loi sur les impôts (« L.I. »). Il établit plutôt que le taux raisonnable applicable était de 3 %, soit le taux de base de la Banque du Canada.

À la suite des représentations de la demanderesse, incluant la présentation d’une lettre du responsable du compte de la demanderesse chez Desjardins Entreprises et estimant le taux d’intérêt pour ce type de prêt entre 9 % et 12 %, ainsi qu’un rapport préparé par le cabinet Deloitte établissant les taux du marché pour de tels financements entre 7,89 % et 12,39 %, le vérificateur révise le taux d’intérêt qu’il considère comme raisonnable à 7,89 % et émet des avis de cotisation qui refusent la déduction d’intérêt pour l’excédent à l’égard des trois années en cause.

La demanderesse, après une contestation sans succès des avis de cotisation, n’a d’autre choix que de déposer un avis d’appel à la Cour du Québec.

Dans son jugement, la Cour du Québec, s’appuyant sur l’article 1014 L.I., souligne d’entrée de jeu que la cotisation fiscale jouit d’une présomption de validité qui doit être repoussée par le contribuable en présentant une preuve prima facie. Alors que la lettre du directeur de compte chez Desjardins Entreprises ainsi que le rapport de Deloitte étaient les deux principaux éléments de preuve de la demanderesse, on s’est affairé, du côté de la Couronne, à attaquer la crédibilité de ces analyses tout en insistant sur l’accès, par la demanderesse, à une marge de crédit de 2 M$ à un taux préférentiel de 3,125 %, marge qui demeurait largement inutilisée au cours des années en litige.

La Cour, concluant que l’analyse de Deloitte est convaincante, en infère donc que la fourchette de taux présentée étale des taux d’intérêt raisonnables. S’ensuit forcément, de l’opinion de la Cour, que le taux de 7,89 % utilisé par Revenu Québec en est un raisonnable et, par conséquent, que le contribuable n’a pu démontrer prima facie que la cotisation de Revenu Québec était inexacte. La demande est donc rejetée.

Décisions récentes

Avocat, MBAOsler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./[email protected]

Chronique

Jean-Philippe Dionne

Page 33: Printemps 2020 Volume 25 - Numéro 1 - Yapla...Printemps 2020 Volume 25 - uméro 1 3 Sommaire 10 14 18 22 26 6 5 29 40 42 32 44 36 Éditorial par Maurice Mongrain, avocat Président-directeur

33Printemps 2020 • Volume 25 - Numéro 1

[…] lorsqu’un exercice de raisonnabilité est impliqué dans le calcul du revenu d’un contribuable, plusieurs différents montants de revenu imposable peuvent être considérés comme « exacts » […]

« [63] Comment la demanderesse peut-elle attaquer la présomption d’exactitude des avis de cotisation émis alors que le taux de 7,89 %, considéré comme raisonnable et retenu par la défenderesse, se situe à l’intérieur de la fourchette de ce que son propre expert considère être un taux raisonnable en fonction des taux en vigueur sur le marché pour des créances avec des conditions et des risques similaires pour la période en litige? »

Non seulement cette décision est préoccupante relativement à l’interprétation de la présomption d’exactitude d’une cotisation en droit fiscal, mais les répercussions qu’elle pourrait engendrer quant à l’application de toute disposition fiscale comportant une notion de raisonnabilité sont alarmantes.

Forte des enseignements des arrêts St-Georges c. SMRQ, 2007 QCCA 1442, Capobianco c. SMRQ, D.F.Q.E. 2007F-96 (C.A.) (« Capobianco »), et Durand c. SMRQ, [2004] R.D.F.Q. 32 (C.A.), la Cour a d’abord convenablement réitéré l’étendue de la présomption : « À la première étape, le contribuable n’a pas d’autre fardeau que celui de “démolir” l’exactitude de la présomption en présentant une preuve prima facie. Pour ce faire, il n’a pas à établir le montant exact de son revenu imposable. » (Notre soulignement) (Capobianco, par. 12-14). Plutôt, et tel que le souligne la Cour, le contribuable n’a qu’à démontrer l’inexactitude du montant établi par le ministre.

Certes, démontrer que la cotisation du ministre a été établie ou est fondée sur des faits erronés ou une application incorrecte de la loi devrait, de toute évidence, satisfaire le fardeau de preuve du contribuable. Logiquement cependant, une démonstration par le contribuable du montant « exact » (c’est-à-dire calculé conformément à la loi) de son revenu imposable devrait, a fortiori, être suffisant pour repousser la présomption et, de ce fait, démontrer prima facie « l’inexactitude » de la cotisation.

Dans un contexte de dépenses raisonnables, une différente approche serait contraire à la jurisprudence abondante et constante de la Cour du Québec selon que le fardeau de la preuve appartient au contribuable d’établir qu’il a droit à une exemption ou à une déduction prévue par la loi. (Voir à cet égard la note numéro 1 en fin de texte.)

Du moment qu’un contribuable démontre qu’une déduction est conforme à la loi (en l’espèce, que le taux d’intérêt utilisé est raisonnable), il importe peu que le montant de revenu imposable établi par le ministre puisse également être conforme à la loi (c’est-à-dire que le montant de la déduction tel qu’il a été cotisé puisse également être raisonnable), particulièrement lorsqu’on considère que la déduction d’une dépense qui est autrement déductible est, dans les faits, toujours discrétionnaire.

De l’avis de l’auteur, lorsqu’un exercice de raisonnabilité est impliqué dans le calcul du revenu d’un contribuable, plusieurs différents montants de revenu imposable peuvent être considérés comme « exacts », la raisonnabilité étant, par définition, une question de degré. Il serait préoccupant d’affirmer que tout rajustement à la baisse effectué par le ministre à l’égard du montant déductible d’une dépense autrement raisonnable serait adéquat puisque ce montant inférieur se trouve aussi dans la fourchette de raisonnabilité. Il en découlerait que la raisonnabilité, à tout le moins dans le monde fiscal, serait confinée à ses extrêmes.

Pourtant, dans sa décision, le juge Allen précise correctement, au paragraphe 19 de son jugement, le test applicable quant à la détermination du caractère raisonnable d’une dépense :

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ChroniqueChronique

« [19] Tel que le juge Cattanach le souligne dans Gabco Ltd c. M.N.R.[11], pour déterminer ce qui est une dépense raisonnable, l’ARQ ou le Tribunal doit se garder de substituer son jugement à celui du contribuable. La question à se poser est : Est-ce qu’un homme d’affaires raisonnable se serait engagé par contrat à verser une telle somme en ayant à l’esprit uniquement les intérêts commerciaux de la débitrice fiscale? » (Notre soulignement)

Cependant, en rejetant l’appel sur la base que le taux utilisé par Revenu Québec est raisonnable, plutôt que de s’enquérir de la déraisonnabilité du taux utilisé par le contribuable, la Cour semble permettre à Revenu Québec de substituer son jugement à celui du contribuable. Hormis la décision Gervais, la jurisprudence fiscale québécoise, dans son application des principes élaborés dans l’affaire Gabco Ltd. c. MRN, 68 D.T.C. 5210 (C. de l’É.), semble toujours avoir cherché à déterminer, à tout le moins implicitement, si le contribuable avait démontré le caractère raisonnable de sa dépense. (Voir à cet égard la note numéro 2 en fin de texte.)

De l’avis de l’auteur, l’analyse sur la raisonnabilité d’une déduction ne peut porter sur le montant qui a été déterminé par le fisc plutôt que celui rapporté par le contribuable lorsque les deux montants sont inclus dans la fourchette de raisonnabilité. Il est souhaitable que la Cour d’appel intervienne afin de réviser la décision de la Cour du Québec et d’apporter les nuances appropriées quant à la portée de la présomption d’exactitude des avis de cotisation et ainsi assurer la prévisibilité des obligations fiscales des contribuables.

Note 1 : Maloney c. Sous-ministre du Revenu du Québec, 1978 R.D.F.Q. Index – Doc. 41 (C.P.); Carré c. Sous-ministre du Revenu du Québec, 1981 R.D.F.Q. Index – Doc. 40 (C.P.); Monette c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [1992] R.D.F.Q. 241 (C.Q.), par. 14; Cléroux c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [2002] R.D.F.Q. 91 (C.Q.), par. 29; Lamothe c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2005 CarswellQue 9640, par. 8; Paquette c. Québec (Sous-ministre du Revenu), JE 2010-1176 (C.Q.), par. 110; Pétroles Bélisle & Bélisle inc. c. Québec (Agence du Revenu), 2011 CarswellQue 11940 (C.Q.), par. 43. Voir également Gestion Grands Travaux inc. c. Agence du revenu du Québec, 2017 QCCA 1010, par. 9 à 14.

Note 2 : Mate1.com inc. c. Agence du revenu du Québec, 2018 QCCQ 9505, par. 44 à 46; Groupe Ultragen ltée c. Agence du revenu du Québec, 2014 QCCQ 6581, par. 63 à 70; Guérin c. Agence du revenu du Québec, 2015 QCCQ 4123, par. 43 à 50; Bessette c. Agence du revenu du Québec, 2014 QCCQ 4329, par. 20 à 23; 9069-1957 Québec inc. c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2004 CanLII 43516 (C.Q.), par. 32 à 34.

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ChroniqueAffaire 5551928 Manitoba Ltd. : la Cour d’appel de la Colombie-Britannique permet la rectification d’une résolution corporative

En décembre 2016, la Cour suprême du Canada venait considérablement limiter les situations où les contribuables pouvaient obtenir la rectification judiciaire de leurs transactions tant en common law par l’arrêt Canada c. Fairmont Hotels Inc., 2016 CSC 56 (« Fairmont »), qu’en droit civil québécois par l’arrêt Groupe Jean Coutu (PJC) inc. c. Canada (Procureur général), 2016 CSC 55 (« Jean Coutu »). Le plus haut tribunal du pays a confirmé que l’intention générale de neutralité fiscale, notion qui avait été invoquée dans l’affaire (Attorney General) c. Juliar, (2000) 50 O.R. (3d) 728 (« Juliar »), ne suffisait pas pour justifier l’octroi d’une ordonnance de rectification. La simple démonstration d’un mauvais choix relativement au mécanisme fiscal applicable n’est pas assez probante pour permettre au contribuable de recourir à la rectification lorsque ce dernier subit des conséquences fiscales imprévues. Les parties doivent désormais s’assurer de démontrer que leur intention de ne pas être assujetties à l’impôt a été incorrectement consignée. Il est à noter que cette intention commune ne doit pas être formulée en raison des conséquences fiscales indésirables, mais doit plutôt être déterminée à la lumière de ce qui a été convenu lors du choix des mécanismes fiscaux au moment de la conclusion du contrat.

Les décisions Fairmont et Jean Coutu ont certainement créé un sentiment d’incertitude chez les contribuables, particulièrement auprès de la communauté fiscale. En effet, ces derniers ignoraient à quel point les critères énoncés dans l’arrêt Juliar avaient été resserrés. Presque trois ans suivant ces arrêts, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé la décision du tribunal de première instance qui accordait la rectification d’une résolution corporative, en appliquant les critères élaborés dans l’arrêt Fairmont. Cette décision a assurément été bien accueillie par les contribuables, car celle-ci démontre que le recours en rectification demeure disponible à la suite des arrêts rendus par la Cour suprême du Canada.

D’ailleurs, il est intéressant de souligner que les faits découlant de la demande de rectification de la présente décision sont semblables à ceux d’une décision rendue avant les arrêts Fairmont et Jean Coutu, soit l’affaire Non Corp Holdings Corporation v. Canada (Attorney General), 2016 ONSC 2737. Dans cette affaire, la Cour supérieure de justice de l’Ontario avait permis au contribuable de rectifier une résolution de ses administrateurs afin de repousser d’une journée la déclaration d’un dividende en s’appuyant, notamment, sur les principes énoncés dans l’arrêt Juliar. Les tribunaux continuent donc d’accorder la rectification dans une situation où une résolution corporative pour versement de dividendes ne démontre pas réellement l’intention initiale des parties, et ce, même après les arrêts Fairmont et Jean Coutu, à condition de satisfaire leurs critères d’application.

Faits

5551928 Manitoba Ltd. (« Société ») est une société privée ayant déclaré et payé un dividende en capital au montant de 298 000 $ en 2015. La Société avait l’intention que la totalité du dividende soit prélevée à même son compte de dividendes en capital (« CDC ») conformément au paragraphe 83(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. ») afin de verser un dividende aux actionnaires en franchise

Décisions récentes

LL. B., MBAAvocate – Droit fiscalEY Cabinet d’avocats s.r.l./[email protected]

Chronique

Stéphanie Brouillard

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37Printemps 2020 • Volume 25 - Numéro 1

[…] la Cour d’appel a souligné le fait qu’aucune autre mesure de redressement, telle que le décret de remise en conseil ou encore la poursuite en responsabilité professionnelle, ne l’emportait sur la rectification, au motif que celle-ci serait trop dispendieuse, longue et incertaine.

d’impôt. Le CDC déclaré et versé de 298 000 $ était composé, entre autres, d’un montant provenant de la partie non imposable du gain en capital à la suite de la disposition de biens en immobilisations admissibles. Ce n’est qu’au moment de la nouvelle cotisation émise par l’Agence du revenu du Canada (« ARC »), soit en juin 2017, donc après l’adoption de la résolution des administrateurs, que la Société a réalisé qu’une erreur s’était glissée dans le calcul du CDC et que celui-ci avait été surestimé considérablement par ses conseillers comptables. En effet, les conseillers fiscaux de la Société avaient inclus à tort le montant de 184 880 $ provenant de la disposition d’une immobilisation admissible qui n’aurait dû être inclus dans le CDC qu’à la fin de l’année d’imposition selon les règles en vigueur en 2015. Par conséquent, la valeur maximale réelle du CDC était de 113 212 $ et non pas de 298 000 $, tel qu’il était consigné à la résolution des administrateurs. L’ARC a ainsi imposé à la Société une pénalité égale à 60 % du montant payé en trop conformément au paragraphe 184(2) L.I.R. La Société a donc demandé au tribunal de première instance de rendre une ordonnance rectifiant cette résolution afin de réduire le dividende au solde réel de son CDC.

Décisions de première instance et de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique

Le juge de première instance a accordé la rectification au motif que la Société avait l’intention de déclarer un dividende équivalent au solde restant dans son CDC afin d’en faire bénéficier ses actionnaires. La Société a fait valoir qu’elle n’avait jamais eu l’intention de déclarer un dividende qui dépassait le seuil maximal du CDC disponible. La seule erreur que contenait la résolution était le montant qui y était inscrit.

La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé l’ordonnance de rectification et a conclu que les faits en l’espèce s’inscrivaient dans les conditions de rectification établies dans l’arrêt Fairmont. La Cour d’appel a nuancé la condition de « l’intention » en mentionnant qu’il faut déterminer s’il y avait une « intention précise et vérifiable » des parties au moment de la signature de la résolution dans l’éventualité où cet acte ne reflétait pas cette intention. Dans la présente affaire, les directeurs de la Société avaient manifestement l’intention de verser un dividende provenant du CDC, quel qu’ait pu être ce montant, et ce, sans dépasser le montant maximal permis en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. La Société a réussi à démontrer que cette intention était claire depuis le début et qu’elle avait été consignée dans la résolution à cet effet. La rectification de la résolution permettait donc à la Société de réaliser avec exactitude son intention initiale, celle-ci étant suffisamment précise et vérifiable. La Cour d’appel a distingué la présente affaire de l’arrêt Fairmont, en indiquant notamment que la Société ne demandait pas à la Cour d’appel de corriger une planification fiscale complexe dans laquelle un élément avait été en quelque sorte « oublié », causant ainsi des conséquences fiscales indésirables subséquentes, mais plutôt de corriger un document dans lequel l’intention des parties avait été clairement identifiée initialement.

D’autre part, la Cour d’appel a souligné le fait qu’aucune autre mesure de redressement, telle que le décret de remise en conseil ou encore la poursuite en responsabilité professionnelle, ne l’emportait sur la rectification, au motif que celle-ci serait trop dispendieuse, longue et incertaine.

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38

ChroniqueChronique

Commentaires

Somme toute, cette décision a modéré la crainte des contribuables et de leurs conseillers provoquée par les arrêts Fairmont et Jean Coutu, car il est bien établi que la rectification demeure envisageable pour permettre aux parties de mener à bien leurs opérations lorsqu’elles sont en mesure de démontrer l’existence d’un accord préalable et d’une intention déterminable.

Malgré le fait que des solutions de rechange à la rectification semblent être envisageables, tels un décret de remise, une poursuite pour faute professionnelle à l’endroit du comptable qui avait commis l’erreur ou encore le choix de traiter le montant excédentaire déclaré comme un dividende imposable, la présente décision vient confirmer que la rectification est toujours possible. En effet, lorsque la rectification est la solution la plus appropriée et raisonnable dans les circonstances, la Cour ne doit pas contraindre un contribuable à adopter une « solution de rechange ».

Étant donné que le fardeau de la preuve incombe au contribuable qui demande la rectification, les conseillers jouent un rôle primordial dans la planification fiscale et devront user des meilleures pratiques afin de documenter les transactions fiscales de façon à s’assurer que l’intention fiscale des parties soit bien reflétée. En effet, les sociétés devraient garder à l’esprit de rédiger leurs documents, telles leurs résolutions, de manière à exprimer leur intention en termes clairs et précis, permettant ainsi au tribunal d’accorder une rectification lorsqu’il aurait été inéquitable de le faire autrement. Dans la présente affaire, la rédaction adéquate de la résolution des administrateurs a été déterminante dans la décision du juge d’accorder la rectification.

Finalement, il est important de noter que cette décision s’inscrit dans une lignée de plusieurs autres décisions rendues par les tribunaux de la Colombie-Britannique. En ce qui concerne le Québec, il faudra attendre une décision en la matière afin de savoir si les dispositions du Code civil du Québec concernant l’annulation pourraient remédier à certaines erreurs contractuelles en matière fiscale, car aucune décision post Fairmont et Jean-Coutu, appliquant les principes reconnus dans ces décisions, n’a été rendue par les tribunaux québécois à ce jour. Reste également à voir si une demande de rectification dans le contexte d’une planification plus complexe s’inscrirait dans les paramètres des conditions énoncées dans les arrêts Fairmont et Jean Coutu.

Malgré le fait que des solutions de rechange à la rectification semblent être envisageables, […]la présente décision vient confirmer que la rectification est toujours possible.

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ChroniqueAffaire Yared c. Karam : fiducies et droit familial

Est-ce que « la valeur d’une résidence familiale détenue par une fiducie contrôlée par l’un des époux est incluse dans le patrimoine familial, même en l’absence de fraude ou de mauvaise foi »?

C’est la question à laquelle la Cour suprême du Canada a répondu positivement le 12 décembre 2019. Dans l’affaire Yared c. Karam, 2019 CSC 62, l’époux, Roger Karam, avait fait constituer, quelques années avant le décès de l’épouse, Taki Yared, une fiducie de protection d’actifs destinée à détenir la résidence habitée par la famille. Quoique les bénéficiaires désignés à l’acte de fiducie étaient Mme Yared et les quatre enfants du couple, M. Karam y était désigné comme fiduciaire et électeur et exerçait, en vertu dudit acte, le contrôle effectif de ladite résidence. L’acte de fiducie prévoyait notamment qu’il avait la faculté d’élire et destituer les bénéficiaires de la fiducie à sa guise et qu’il pouvait disposer comme il l’entendait du capital de la fiducie.

Le mariage ayant été dissous par le décès de Mme Yared, le litige opposait les liquidateurs de sa succession et M. Karam sur la question de l’inclusion ou non de la valeur de l’ancienne résidence familiale dans le patrimoine familial. Le décès, comme toutes les autres causes de dissolution du mariage, provoque effectivement le partage du patrimoine familial.

Dans un jugement déclaratoire daté du 15 novembre 2016, le juge de première instance avait choisi d’inclure la valeur de ladite résidence en concluant que l’épouse en détenait les « droits qui en confèrent l’usage » au sens de l’article 415 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »). Le juge de première instance avait également motivé sa décision par le concept de levée du voile fiduciaire, le tout en analogie avec la levée du voile corporatif prévu à l’article 317 C.c.Q.

Dans un jugement daté du 1er mars 2018, la Cour d’appel du Québec avait infirmé le jugement de première instance et avait exclu la valeur de la résidence détenue en fiducie du patrimoine familial. La Cour d’appel avait, par la même occasion, rejeté de manière non équivoque le concept de levée du voile fiduciaire.

C’est par une majorité de 5 contre 2 que la Cour suprême a décidé de rétablir le jugement de première instance en insistant au passage sur le caractère impératif des dispositions d’ordre public concernant le patrimoine familial et rappelant que les dispositions concernant le patrimoine familial doivent recevoir une interprétation favorisant l’inclusion, cette institution ayant pour objectif de promouvoir l’égalité économique entre époux.

Considérant les faits en l’espèce et le contrôle quasi total que l’acte de fiducie conférait à l’époux sur les actifs de la fiducie, et donc sur la résidence familiale, la Cour suprême conclut que le juge de première instance était justifié de conclure que l’époux détenait les droits qui confèrent l’usage de la résidence familiale au sens de l’article 415 C.c.Q. avec comme corollaire que la valeur de la résidence familiale faisait donc partie du patrimoine familial.

Planification financière

AvocatRobinson Sheppard Shapiro s.e.n.c.r.l./s.r.l., [email protected]

Chronique

Louis Dessureault

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41Printemps 2020 • Volume 25 - Numéro 1

[…] il est important de noter que le droit de créance naissant du partage du patrimoine familial demeure un recours personnel entre conjoints et non un droit réel contre les actifs de la famille.

La Cour suprême conclut effectivement que les « droits qui […] confèrent l’usage » d’une résidence principale doivent généralement comprendre tous les types d’arrangement qui confèrent à l’un des époux le contrôle de la résidence familiale et que le juge de première instance avait correctement exercé son pouvoir discrétionnaire en concluant en ce sens.

Il est important de noter que, quoique la Cour suprême ait choisi de rétablir le jugement de première instance et d’inclure la valeur de la résidence familiale dans le calcul du patrimoine familial, celle-ci a tout de même jugé bon, à l’instar de la Cour d’appel du Québec, d’écarter la notion de levée du voile fiduciaire provenant de l’analogie avec l’article 317 C.c.Q.

À ce chapitre, la Cour rappelle qu’une fiducie ne possède pas la personnalité juridique et que, conséquemment, l’expression « levée du voile » fiduciaire devrait être évitée.

La Cour mentionne également que l’absence d’intention de l’époux d’éluder les règles du patrimoine familial n’était pas pertinente en l’espèce considérant la nature impérative desdites règles.

Par ailleurs, la majorité n’a pas considéré comme déterminants les problèmes que l’époux pourrait possiblement rencontrer quant à son accès au capital de la fiducie, mentionnant au passage qu’en l’absence d’une solution équitable négociée, il conservait la possibilité de s’adresser à la Cour pour éviter un résultat injuste, notamment en demandant la modification de l’acte de fiducie.

Enfin, il est important de noter que le droit de créance naissant du partage du patrimoine familial demeure un recours personnel entre conjoints et non un droit réel contre les actifs de la famille. Quoique l’arrêt ne porte que sur les règles du patrimoine familial, et plus précisément sur la valeur de la résidence familiale, il sera intéressant de voir si les critères développés dans cette cause, favorisant l’inclusion, seront repris par nos tribunaux lorsque viendra le temps d’analyser d’autres recours.

La décision semble d’ailleurs se situer dans le courant jurisprudentiel actuel où nos tribunaux considèrent le contrôle de la fiducie comme élément déterminant quand vient le temps de considérer les actifs d’une fiducie dans le cadre d’autres recours de droit familial (voir notamment Droit de la famille – 172259, 2017 QCCA 1495, pour les obligations alimentaires et Droit de la famille – 182245, 2018 QCCA 1765, en matière de prestation compensatoire).

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À l’APFF...

Les activités de l’hiver 2020 ont été grandement perturbées par la pandémie actuelle et certaines d’entre elles ont été reportées ou annulées.

Parmi les activités qui ont eu lieu de janvier à mars, mentionnons le Colloque sur la fiscalité des régimes enregistrés à Montréal (23 janvier), le Colloque sur les fiducies dont l’un s’est tenu à Montréal (6 février) et l’autre à Québec (18 février) ainsi que le Colloque sur les réorganisations d’entreprises et les transactions commerciales (12 mars). Nous voulons également souligner la première activité du nouveau comité des activités régionales de Gatineau qui a eu lieu le 16 janvier au Bistro Épicure.

L’APFF tient à remercier les membres des comités organisateurs, les animateurs et les conférenciers, de même que les commanditaires et tous les participants qui ont grandement contribué à la réussite de ces activités et qui ont su s’adapter aux événements inhabituels auxquels nous sommes confrontés.

L’APFF demeure au service de ses membres et espère que la reprise de ses activités se fera bientôt avec vous tous à ses côtés.

Colloque sur les réorganisationsd’entreprises et les transactions commerciales

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43Printemps 2020 • Volume 25 - Numéro 1

Colloque sur les fiducies - Québec

Activité régionale de Gatineau

Photos par : Andrew Moniatowicz (www.andrewmonia.com/corp) et Alexandre Guelaud (APFF)

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Des nouvelles de nos membres

M. Bardia Afzali, B. ing., LL. B., M. Fisc., est maintenant directeur principal en fiscalité internationale au sein de Deloitte s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Me Kassandra Grenier, avocate, LL.M. fisc., est sociétaire au sein de l’équipe de McCarthy Tétrault s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Me Jacinthe Kirouac-Letendre, avocate, s’est jointe à l’équipe de DS Avocats à titre d’associée dans le service de litige.

Me Marie-Soleil Landry, avocate, M. Fisc., a été promue associée chez McCarthy Tétrault s.e.n.c.r.l., s.r.l.

M. Bardia AfzaliB. ing., LL. B., M. Fisc.

Me Kassandra GrenierAvocate, LL.M. fisc.

Me Jacinthe Kirouac-Letendre Avocate

Me Marie-Soleil LandryAvocate, M. Fisc.

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45Printemps 2020 • Volume 25 - Numéro 1

Me Félix-Antoine Pelletier Lesage Avocat, LL.M. fisc.

Me Martin Legault, avocat, LL. B., LL.M. fisc., s’est joint à l’équipe de Fasken Martineau DuMoulin s.e.n.c.r.l., s.r.l. en tant qu’associé.

Me Félix-Antoine Pelletier Lesage, avocat, LL.M. fisc., est entré en fonction chez Premier Tech à titre de directeur de la fiscalité.

M. Martin Pesant, travaille dorénavant pour Innovation, Sciences et Développement économique Canada comme directeur adjoint régional.

M. Martin PesantMe Martin LegaultAvocat, LL. B., LL.M. fisc.

Page 46: Printemps 2020 Volume 25 - Numéro 1 - Yapla...Printemps 2020 Volume 25 - uméro 1 3 Sommaire 10 14 18 22 26 6 5 29 40 42 32 44 36 Éditorial par Maurice Mongrain, avocat Président-directeur

46

AMYOT GÉLINAS S.E.N.C.R.L.

AYMING

BANQUE LAURENTIENNE DU CANADA

BARRICAD FISCALISTES

BARSALOU LAWSON RHEAULT

BCGO S.E.N.C.R.L.

BDO CANADA S.R.L./S.E.N.C.R.L.

BELL CANADA

BGY SERVICES FINANCIERS INTÉGRÉS INC.

BLAIN, JOYAL, CHARBONNEAU S.E.N.C.R.L.

BLAKE, CASSELS & GRAYDON S.E.N.C.R.L./S.R.L.

BLUE BRIDGE

BMO BANQUE DE MONTRÉAL

BOURASSA BOYER JURI-FISC. INC.

CONSEILLERS T.E.

CONSEILS PPI

CONSULTAXE LTÉE

CÔTÉ TASCHEREAU SAMSON DEMERS S.E.N.C.R.L.

CROWE BGK

DE GRANDPRÉ CHAIT

DELOITTE S.E.N.C.R.L./S.R.L.

DEMERS BEAULNE S.E.N.C.R.L.

DENTONS CANADA S.E.N.C.R.L.

DESJARDINS GESTION DE PATRIMOINE

DESJARDINS SÉCURITÉ FINANCIÈRE – MONTRÉAL

EKITAS AVOCATS & FISCALISTES INC.

ÉNERGIR S.E.C.

EY

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN S.E.N.C.R.L., S.R.L.

FBL S.E.N.C., CA

FÉDÉRATION DES CAISSES DESJARDINS DU QUÉBEC

FINANCIÈRE MANUVIE

FINANCIÈRE SUN LIFE

GALLANT & ASSOCIÉS INC.

GESTION DE PATRIMOINE TD

GESTION PRIVÉE DE PORTEFEUILLE CIBC INC.

GROUPE CLOUTIER INC.

GROUPE RDL FISCALITÉ QUÉBEC INC.

HARDY, NORMAND & ASSOCIÉS, S.E.N.C.R.L.

INDUSTRIELLE ALLIANCE, ASSURANCE ET SERVICES FINANCIERS INC.

INOVEX CONSEILS INC.

INSTITUT QUÉBÉCOIS DE PLANIFICATION FINANCIÈRE (IQPF)

INTACT CORPORATION FINANCIÈRE

JORON VEILLEUX INC.

KPMG S.R.L./S.E.N.C.R.L.

LA CAPITALE ASSURANCE ET SERVICES FINANCIERS

LAVERY

LEMIEUX CANTIN S.E.N.C.R.L.

LEMIEUX NOLET, CPA S.E.N.C.R.L.

LJT AVOCATS

MALLETTE S.E.N.C.R.L.

MNP S.E.N.C.R.L./S.R.L.

OSLER, HOSKIN & HARCOURT S.E.N.C.R.L./S.R.L.

OUIMET ZHANG INC.

PETRIE RAYMOND, CPA S.E.N.C.R.L.

PLANISOURCE

PREMTEC – GÉNIE-CONSEIL EN CRÉDITS D’IMPÔT DE RS & DE

PWC

PSB BOISJOLI S.E.N.C.R.L./S.R.L.

RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON S.E.N.C.R.L.

RICHARDSON GMP

RICHTER

RIO TINTO CANADA

RYAN ULC

SERVICES DE GESTION DE PATRIMOINE RBC/DOMINION VALEURS MOBILIÈRES

SNC-LAVALIN INC.

STEIN MONAST S.E.N.C.R.L.

TRUST BANQUE NATIONALE

WOLTERS KLUWER

Membres corporatifs APFF 2020

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