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Qu'est-ce que l'assurance? L'usage commun du terme "assurer", dans le sens d'agir pour protéger d'un danger, est à l'origine d'une certaine confusion dès lors que l'on essaie de définir l'assurance en tant que service financier. On peut se protéger du risque de nombreuses manières. Dans les zones rurales, les gens se constituent des réserves de céréales et d'animaux. Là où des caisses d'épargne existent, la population peut épargner et se constituer un petit capital qui sera utilisé en cas de besoin. D'autres pourront compter sur la générosité de leurs proches et amis, ou emprunter de l'argent s'ils sont en difficulté 1 . S'il s'agit là de moyens qui permettent de se protéger contre les risques, il ne s'agit pas d'assurance. L'assurance rembourse à un individu 2 tout ou partie d'une perte financière due à un événement ou à un risque imprévisible. Cette protection s'exerce par le biais d'un mécanisme de mise en commun, basé sur le regroupement dans un pool de risques d'un grand nombre d'individus vulnérables à un même risque. Chaque individu alimente le fond commun en versant une petite somme d'argent, la prime. Le fond est ensuite utilisé pour dédommager les membres du groupe qui subissent effectivement une perte. L'assurance réduit la vulnérabilité en remplaçant la possibilité minime de subir une perte importante par la certitude du paiement régulier de petites primes. Le principe du pool de risque fait de l'assurance un moyen efficace de protection contre certains types de risque; il est également à l'origine d'une certaine complexité au niveau de la conception et de la fourniture de produits d'assurance. Chapitre 9 1 PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE Le but de ce chapitre est de: Décrire les caractéristiques des événements assurables et non-assurables. Identifier les complications potentielles qui peuvent apparaître en matière d'assurance et les moyens de les résoudre. Définir et illustrer l'intérêt assurable. Présenter dans les grandes lignes les caractéristiques principales d'une police d'assurance. Présenter le processus de détermination de la prime et la statistique sinistres. Montrer comment calculer la prime de risque et estimer la prime totale dans des cas de figure simples. 1 Pour d'autres exemples de moyens de se protéger des risques, voir Sebstad and Cohen (2000), "Microfinance, Risk Management and Poverty," projet AIMS de USAID. www.mip.org 2 L'unité assurée peut également être une société ou un ménage. Dans ce manuel, cependant, nous avons pris le parti de traiter en priorité le client individuel d'une IMF. PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE

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Page 1: PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE - dphu.org · 3 L'assurance obligatoire, traitée à la section 1.3, est un autre moyen de contrôler l'antisélection. La fraude

Qu'est-ce que l'assurance? L'usage commun du terme "assurer", dans le sensd'agir pour protéger d'un danger, est à l'origine d'une certaine confusion dès lorsque l'on essaie de définir l'assurance en tant que service financier. On peut seprotéger du risque de nombreuses manières. Dans les zones rurales, les gens seconstituent des réserves de céréales et d'animaux. Là où des caisses d'épargneexistent, la population peut épargner et se constituer un petit capital qui serautilisé en cas de besoin. D'autres pourront compter sur la générosité de leursproches et amis, ou emprunter de l'argent s'ils sont en difficulté1. S'il s'agit là demoyens qui permettent de se protéger contre les risques, il ne s'agit pasd'assurance.

L'assurance rembourse à un individu2 tout ou partie d'une perte financière dueà un événement ou à un risque imprévisible. Cette protection s'exerce par le biaisd'un mécanisme de mise en commun, basé sur le regroupement dans un pool derisques d'un grand nombre d'individus vulnérables à un même risque. Chaqueindividu alimente le fond commun en versant une petite somme d'argent, laprime. Le fond est ensuite utilisé pour dédommager les membres du groupe quisubissent effectivement une perte. L'assurance réduit la vulnérabilité enremplaçant la possibilité minime de subir une perte importante par la certitude dupaiement régulier de petites primes. Le principe du pool de risque fait del'assurance un moyen efficace de protection contre certains types de risque; il estégalement à l'origine d'une certaine complexité au niveau de la conception et dela fourniture de produits d'assurance.

Chapitre

9

1 PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE

Le but de ce chapitre est de:

Décrire les caractéristiques des événements assurables et non-assurables.

Identifier les complications potentielles qui peuvent apparaître en matière

d'assurance et les moyens de les résoudre.

Définir et illustrer l'intérêt assurable.

Présenter dans les grandes lignes les caractéristiques principales d'une

police d'assurance.

Présenter le processus de détermination de la prime et la statistique sinistres.

Montrer comment calculer la prime de risque et estimer la prime totale

dans des cas de figure simples.

1 Pour d'autres exemples de moyens de se protéger des risques, voir Sebstad and Cohen (2000), "Microfinance,Risk Management and Poverty," projet AIMS de USAID. www.mip.org

2 L'unité assurée peut également être une société ou un ménage. Dans ce manuel, cependant, nous avons pris leparti de traiter en priorité le client individuel d'une IMF.

PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE

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Un produit d'assurance doit explicitement identifier les quatre éléments suivants:

1. L'événement assuré: l'événement déclencheur (par exemple, le décès del'assuré) qui provoque le paiement d'une indemnité.

2. La montant de la prestation: le montant de l'indemnité qui devient payablelorsque l'événement assuré intervient (par exemple, une somme forfaitaire de400 USD ou le solde d'un prêt). Grâce au mécanisme de pooling du risque,l'indemnité peut être largement supérieure aux primes versées par l'individu.

3. Le bénéficiaire: la personne à qui est payé le montant de l'indemnité sil'événement assuré intervient;

4. La durée de la couverture: la période pendant laquelle l'événement assurédoit intervenir pour donner droit au paiement de l'indemnité.

Ces quatre éléments doivent être définis dans toute police d'assurance, lecontrat légal établi entre l'assureur et son client le titulaire de police (parfoisappelé l'assuré). Le présent chapitre aborde ces quatre éléments et présenteplusieurs concepts de base de l'assurance. Le but poursuivi est de poser lesbases d'une véritable compréhension des concepts qui seront utilisés dans leschapitres suivants.

1.1 L'événement assuréIl est nécessaire de définir clairement l'événement qui donne droit à la prestation.L'assureur et le titulaire de police doivent avoir la même compréhension de cetévénement. Cette section décrit les caractéristiques d'un événement assurable etaborde ensuite diverses complications possibles, notamment l'antisélection, lafraude, le risque moral et le risque covariant.

TERMES et CONCEPTS CLES

Assurance

Assuré

Bénéficiaire

Durée de la couverture

Indemnité

Montant de la prestation

Police

Pool de risques

Prime

Sinistre assuré

Titulaire de police

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Caractéristiques d'un événement assurable

Pour être assurable, un événement doit réunir certaines caractéristiques:

Aléatoire: l'événement doit être imprévisible. S'il est prévisible, l'épargneplanifiée apparaît comme une protection plus adaptée.Peu probable: il faut que la probabilité que l'événement survienne pendantla durée de la couverture soit faible. S'il est probable que le risque affecte ungrand nombre des individus faisant partie du pool de risques pendant lapériode de couverture, le coût de l'assurance sera très élevé, en fait prochedu coût des sinistres.Indépendant: la survenance de l'événement assuré doit être statistiquementindépendante d'un individu à l'autre. En d'autres termes, la probabilité quel'événement affecte un individu n'est pas influencée par le fait qu'il en aitaffecté un autre.Non contrôlable: la survenance de l'événement ne peut être, dans la mesuredu possible, sous le contrôle direct de l'assuré ou de toute autre partieintéressée. Si cela devait être le cas, l'individu pourrait déclencher un sinistrepour obtenir l'indemnité.Conséquences financières négatives: l'événement assuré doit impliquerune perte financière pour l'individu, le but de l'assurance étant de protégercelui-ci de cette perte. Si l'assuré ne subit aucune perte financière, il n'y aalors pour lui aucune nécessité de recevoir une indemnité financière. Cetintérêt financier s'appelle l'intérêt assurable et est abordé en détail à lasection 1.2.Univoque: il doit être facile de déterminer si l'événement assuré s'est produitou non. Si sa survenance ne peut être facilement prouvée, les assuréspeuvent faire de fausses déclarations de sinistre.

Complications possibles

Idéalement, les événements assurés doivent réunir l'ensemble descaractéristiques présentées ci-dessus. Dans la pratique, les choses sontrarement aussi simples et l'assureur peut être confronté à diverses complications,comme l'antisélection, la fraude, le risque moral et le risque covariant.

L'antisélection

Dans le contexte de l'assurance, l'antisélection est la tendance des personnesprésentant un risque plus élevé que la moyenne à vouloir s'assurer. Par exemple,dans le cas de l'assurance soins dentaires, il y a antisélection lorsque despersonnes qui savent avoir besoin de soins dentaires souscrivent une policedestinée à en couvrir les coûts. Il y a également antisélection lorsque desindividus qui ne courent qu'un risque très faible d'être affectés par l'événementassuré décident de résilier leur police parce qu'elle leur semble peu rentable. Cetype de situation peut avoir un effet déstabilisant sur un système d'assurance: si

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seuls ceux qui s'attendent à recevoir des soins dentaires s'assurent, lemécanisme de pool de risques ne peut fonctionner.

Le problème de l'antisélection apparaît surtout lorsque le titulaire de police peutchoisir le moment où il s'assure et le niveau de sa couverture. En effet, il peutalors n'entrer dans le système que lorsque son risque est minime.

Pour résoudre le problème de l'antisélection, l'assureur peut "trier" les risques. Leprocessus de présélection des titulaires de police potentiels, également appelésouscription (voir Encadré 1.1), a pour but de contrôler les risques qui entrentdans le pool de risques. Par exemple, on pourra demander aux futurs assurés depasser une visite médicale, pour vérifier qu'ils ne souffrent d'aucune maladiegrave, ou de signer une "déclaration" attestant de leur bonne santé. Les individusprésentant un risque élevé seront exclus ou devront payer davantage.

Pour les IMF qui vendent de l'assurance à leurs emprunteurs, le fait que ceux-cisoient souvent des chefs d'entreprise actifs suggère qu'ils sont moinssusceptibles d'être malades, invalides ou proches de la mort que la population engénéral. Cette situation est appelée "sélection positive" et donne lieu à lacréation d'un groupe "choisi" dans le pool de risques.

Deux autres moyens peuvent être utilisés pour contrôler l'antisélection: lesexclusions et les périodes d'attente3. Une police d'assurance-maladie, parexemple, peut inclure une exclusion en cas d'affection préexistante, à savoirdes problèmes de santé dont souffrirait une personne avant de souscrire la policed'assurance. Dans le cas de l'assurance-vie, une période d'attente d'un mois oudeux entre le moment où le titulaire de police commence à payer les primes etcelui où la couverture prend effet réduit le risque de voir une personne à l'articlede la mort acquérir une police.

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3 L'assurance obligatoire, traitée à la section 1.3, est un autre moyen de contrôler l'antisélection.

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La fraude

Dans le cas de l'antisélection, les individus défendent leurs intérêts et agissentdonc de manière sensée et légale. Ils s'assurent ou résilient une police enfonction de leur profil de risque et de la valeur de l'assurance. La fraude, elle, estle résultat d'une déclaration incorrecte ou mensongère faite par le client à sonassureur. Ainsi, il y a fraude lorsque le client affirme qu'un événement assuré s'estproduit alors que ce n'est pas le cas, ou lorsqu'il fournit des réponses fausses auxquestions posées lors de la procédure de présélection. Pour gérer la fraude, onpeut notamment utiliser des méthodes de contrôle des sinistres et, parexemple, vérifier que le sinistre a effectivement eu lieu (où est le cadavre?!).L'encadré 1.2. fournit quelques exemples des méthodes utilisées par les micro-assureurs des Philippines pour contrôler l'antisélection et la fraude.

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1 PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE

1.1ENCADRE

Lloyds Coffee House 1691

Le mot "souscription" a pour origine l'une des plus anciennes compagniesd'assurance encore en activité aujourd'hui, la Lloyds de Londres. Lloyds n'étaità l'origine qu'une boutique où l'on faisait le commerce du café. Lescompagnies maritimes commerciales qui cherchaient à faire assurer leursnavires inscrivaient à la craie, sur un tableau noir, diverses informationsrelatives au bateau et à sa cargaison. Les individus disposant des fondsnécessaires pour assurer le risque examinaient le tableau et écrivaient leurnom sous les informations (littéralement "sous-écrivaient") du navire qu'ilsdécidaient d'assurer, indiquant ainsi qu'ils avaient évalué le risque et décidéde l'accepter.

La souscription à la Lloyd's de Londres

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Illustration reproduite avec l'autorisation de Lloyds

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1.2ENCADRE

Deux coopératives financières des Philippines, Paco Soriano etSAMULCO, ont acquis une expérience intéressante en matière de contrôle dela fraude et de l'antisélection.

Les deux organisations ont adopté des politiques opérationnelles strictes quiintègrent la nécessité de vérifier les sinistres. Ainsi, si un bénéficiairedemande le paiement du capital prévu au titre d'une assurance-vie, ellesexigent la présentation d'un certificat de décès. Chez Paco Soriano, lesdirigeants de la coopérative et les membres du conseil d'administration ontl'habitude de participer aux veillées mortuaires des membres défunts de lacoopérative. Cela leur permet de valider la déclaration de sinistre, même si cen'est pas leur principale motivation.

Chez SAMULCO, les cas de fraude ont été rares, même s'il y en a euquelques-uns. Daniel Corral, directeur général, se souvient d'un membre quiavait menti quant à son état de santé lors de sa demande de prêt. Il souffraitd'une maladie grave et en phase terminale au moment où il obtint deSAMULCO un prêt assorti d'une assurance solde restant dû. Après son décès,sa sœur exigea de la coopérative qu'elle couvre le solde du prêt mais celle-ciput prouver que le défunt connaissait la gravité de sa maladie, n'avait pasrévélé son état au moment où il avait obtenu le prêt et que par conséquentc'était à sa famille qu'incombait le remboursement du solde.

Pour contrôler l'antisélection et suite au décès de quelques assurés peu detemps après l'achat d'une police, les coopératives ont récemment instauré despériodes d'attente pour les titulaires d'une police d'assurance-vie. D'autre part,les nouveaux clients potentiels doivent aujourd'hui passer un examen desanté ou produire un certificat médical. La coopérative a également modifiéson barème de prestations pour que seuls les membres les plus ancienspuissent avoir accès à certaines prestations ou indemnités.

Adapté de Soriano et coll. (2002)

Contrôle de l'antisélection et de la fraudeaux Philippines

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Le risque moral

Il y a risque moral lorsque la protection que fournit l'assurance encourage lesindividus à provoquer l'événement assuré. En matière d'assurance-vie, parexemple, il peut arriver que les titulaires de police se suicident pour que leursbénéficiaires reçoivent l'indemnité, ou que le bénéficiaire assassine l'assuré. Cetype de comportement peut paraître extrême, mais le texte de l'encadré 1.3démontre que les assureurs doivent envisager ce type de possibilité.

Il y a également risque moral lorsque le fait d'être assuré encourage le titulaire depolice à se comporter d'une manière insouciante ou qui augmente la probabilitéde voir l'événement assuré se produire. Par exemple, le titulaire d'une assurancecontractée pour du bétail peut décider de ne pas faire vacciner son troupeau oude ne pas lui apporter les traitements médicaux nécessaires.

On contrôle le risque moral par des exclusions qui annulent l'avantage financierqu'impliquerait le comportement indésirable. Ainsi, la plupart des polices excluentle paiement de l'indemnité si les blessures, l'invalidité ou le décès sont auto-infligés.

La participation aux coûts, dans l'assurance-maladie, et les franchises, dansl'assurance de biens, permettent également de contrôler le risque moral. Parexemple, un assureur pourra couvrir 80 pour cent des frais médicaux encouruspar un assuré et demander à celui-ci de payer les 20 autres pour cents au titre desa participation aux coûts. De la même manière, en assurance automobile, unefranchise de 500 USD signifie que l'assureur paiera la partie du sinistresupérieure à ce montant. La participation aux coûts et les franchises réduisent lerisque moral, puisque les titulaires de police prennent en charge une partie descoûts du sinistre.

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Le risque covariant

La covariance est la non-indépendance des risques entre les membres du poolde risques. Il y a covariance lorsqu'un événement peut donner lieu à de multiplesdemandes d'indemnité. Par exemple, il est probable que les habitants d'unerégion sujette à tremblements de terre soient confrontés simultanément au mêmerisque. Le risque covariant peut être dû à des épidémies ou d'autres catastrophesnaturelles.

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1.3ENCADREProcès de la "Veuve Noire": l'accusée mise en examen

Josephine Gray, surnommée la "Veuve Noire" après l'assassinat de ses deuxmaris et de son compagnon est une "victime innocente" qui a vécu unetragédie. C'est ce qu'ont affirmé ce mercredi, dernier jour de son procès, lesavocats de celle qui était jugée pour avoir illégalement perçu les montants despolices d'assurance-vie dont étaient titulaires les trois hommes.

Josephine Gray, 55 ans, a été mise en examen pour fraude postale, fraudebancaire et complicité d'encaissement des indemnités d'assurance-vie, aprèsles meurtres de ses maris et de son compagnon.

Les procureurs ont affirmé que les polices d'assurance-vie contractées parses deux maris avaient permis à Gray de percevoir 16.000 USD après la mortde son premier mari, Norman Stribbling, et 51.000 USD après celle de sonsecond mari, William "Robert" Gray. Les deux hommes sont morts dans leComté de Montgomery. Gray est également accusée d'avoir encaissé unesomme de 96.000 USD après la mort en 1996 de son petit ami, ClarenceGoode, dans le Comté de Baltimore. Selon des documents en possession dela Cour, Gray avait convaincu ses prétendants de commettre les crimes pourelle.

La défense a affirmé que Gray avait perçu en toute innocence les policesd'assurance, estimant avoir le droit de toucher ces sommes et de les utiliserpour reprendre une vie normale après chaque meurtre. "Josephine Gray,innocente, a fait ce qu'elle estimait être en droit [de faire]," a déclaré sonavocat, Mike CitaraManis. "Nous ne sommes pas ici en présence d'une femmequi cherche à toucher jusqu'au dernier cent du montant de l'assurance."

Les procureurs ont eux affirmé que Gray avait utilisé l'argent reçu après lemeurtre de Stribbling pour s'acheter une maison et une Cadillac. S'exprimantsur ce qui avait pu motiver le meurtre, le Procureur adjoint James Trustyaffirma que Gray avait "un mobile d'une valeur de 16.000 USD." Il ajouta que"Josephine Gray voulait son mari mort. Pas divorcé, mort," et que "qu'on ne luiavait pas laissé la moindre chance."

Le risque moral en assurance-vie

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De tels événements peuvent être à l'origine d'un nombre extraordinairementélevé de demandes d'indemnité et provoquer la faillite de l'institution. Laréassurance (voir section 1.6) permet de résoudre partiellement ce problème.Les exclusions peuvent également être utilisées pour contrôler le risquecovariant. Beaucoup de polices excluent les sinistres dus aux guerres, émeuteset catastrophes naturelles ou actes de force majeure. L'encadré 1.4 propose unexemple de l'impact qu'un risque covariant peut avoir sur le secteur del'assurance.

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1 PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE

Selon son avocat, malgré les insinuations, les rumeurs et les soupçons,personne n'avait jamais pu prouver que Gray avait la moindre responsabilitédans les trois meurtres. "C'est une survivante," CitaraManis ajouta. "Elles'attendait à ce que la police s'intéresse à elle [après chaque mort]."

Selon les documents en possession de la Cour, Stribbling avait été trouvédans sa voiture, tué par balles, sur River Road, à Poolesville, en mars 1974.Josephine Gray et son petit ami de l'époque, William Gray, furent accusés dumeurtre dans le mois qui suivit mais les charges contre eux furentabandonnées après la disparition de deux témoins clés. Josephine et WilliamGray se marièrent un peu plus tard.

En novembre 1990, William Gray fut trouvé mort, tué par balles, à son domicilede Germantown. Depuis plusieurs mois, il affirmait -notamment à la police-que sa femme essayait de le tuer. Selon les procureurs, Gray vivait dans lacrainte et savait que sa femme voulait sa mort. "Il vécut ses derniers moisdans la terreur, la certitude de sa mort lui apparaissant chaque jour plusclairement," déclara Trusty.

A l'époque de la mort de William, Josephine Gray travaillait comme conciergeau Lycée Richard Montgomery de Rockville. Il semble que ce soit là qu'elle aitrencontré son petit ami Clarence Goode. Goode et Josephine Gray furent parla suite accusés de la mort de William Gray mais les charges furentabandonnées après que des témoins refusèrent de témoigner.

En 1996, Goode, qui était également cousin éloigné de Josephine Gray, futtué par balles à Baltimore.

Par Kelly Smith et Eric Hartley, Montgomery JournalAdapté d'un article publié par www.jrnl.net/news

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1.4ENCADRE

Risque covariant, réassurance et 11 septembre

Ris

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Récupération financière du secteur de la réassurance aprèsle 11 septembre

Déjà frappé par les conséquences humaines des événements du 11septembre et la perte de proches, d'amis, de collègues et d'êtres aimés, plusde 3.000 vies au total, le secteur de la réassurance a également dû faire faceà des pertes financières gigantesques qui ont poussé l'ensemble du secteurdans ses derniers retranchements.

"Aucun événement naturel ou humain n'avait jamais donné lieu à des pertesaussi importantes que celles dues aux attaques terroristes du 11 septembre2001," déclarait Robert Hartwig, premier vice-président et directeur desétudes économiques de l'Insurance Information Institute (I.I.I.) dans unerécente analyse intitulée "11 septembre 2001: la première année."

"Le total des sinistres vie et non-vie (incendies, accidents et risques divers)devrait dépasser 40 milliards de dollars," ajoutait-il. "L'ampleur des sinistres àcouvrir par le secteur de l'assurance a été sans précédent, à tous les niveaux,ce qui a donné lieu à des pertes catastrophiques non seulement au niveau dela couverture des biens mais également, pour la première fois, dans ledomaine de l'assurance-vie, de l'assurance invalidité et des indemnisations

TERMES et CONCEPTS CLES

Affection pré-existanteAléatoireAntisélectionConséquences financièresnégativesExclusionExclusionsFranchiseFraudeIndépendantNon contrôlableParticipation aux coûts

Période d'attentePeu probable PrésélectionRemboursementRisque covariantRisque moralSélection positiveSouscriptionUnivoqueContrôle des sinistres

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1.2 Prestations: combien payer et à qui?Lorsqu'un événement assurable se produit, il a pour conséquence une pertefinancière. Il est important que le bénéficiaire de l'assurance soit la personne quisubit la perte. En d'autres termes, la personne qui est indemnisée doit avoir unintérêt assurable dans l'événement assuré. Vendre des polices d'assurance àdes individus qui n'ont aucun intérêt assurable peut donner lieu à d'importantsrisques moraux. Une assurance logement, par exemple, ne peut être venduequ'au propriétaire parce que c'est lui qui subira une perte financière si sonlogement est endommagé.

Il doit y avoir cohérence entre le montant de la prestation et l'intérêt assurable.Si la couverture prévue est supérieure à l'intérêt assurable, les risques moral etde fraude augmentent, le client pouvant en cas de sinistre recevoir une indemnitésupérieure à la perte qu'il aura subie.

Bien que l'intérêt assurable soit l'élément clé dans la détermination du montant del'indemnité, les capacités financières des clients et les pratiques du marchéentrent également en ligne de compte. Puisque des primes plus élevées sont

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des accidents du travail. Les assureurs en aéronautique et en responsabilitécivile ont également encouru les plus importantes pertes financières jamaisattribuées à un événement unique."

"Le 11 septembre a complètement changé le monde de l'assurance," adéclaré Irmgard Wallner, attaché de presse à Munich Re. "Les demandesd'indemnité ont atteint des niveaux qui jusqu'alors étaient jugés horsd'atteinte."

Selon des statistiques fournies par l'Insurance Information Institute, MorganStanley et Benfield Research, c'est la Lloyd's de Londres qui a connu la plusgrosse perte suite aux attaques, évaluée à 2.913 milliards de dollars au 19juillet 2002. Viennent ensuite Munich Re et Swiss RE, avec des pertesrespectives de 2.442 et 2.316 milliards de dollars. Les pertes des réassureursbasés aux États-Unis The St. Paul Companies et American InternationalGroup Inc. sont respectivement de 941 et 820 millions de dollars.

Adapté d'un article de Cynthia Beisiegel, The Insurance Journal, 10septembre 2002, www.insurancejournal.com

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L'ASSURANCE ET LES

INSTITUTIONS DE MICROFINANCE

exigées pour bénéficier d'un niveau plus élevé d'indemnisation, il est possible quecertains clients ne souhaitent pas disposer d'une couverture pour l'intégralité del'intérêt assurable. A l'inverse, si les clients jugent une indemnisation désirable,les assureurs peuvent tenter de les attirer en offrant une couverture plus large.Dans ce cas, une compagnie peut être tentée de proposer une niveaud'indemnisation équivalent à celui de la concurrence même si les niveaux decouverture sont irréalistes.

Après avoir identifié l'événement assuré et le montant de l'indemnité, il fautidentifier le bénéficiaire, c'est-à-dire la personne qui légalement peutrevendiquer l'indemnité. Le bénéficiaire est généralement la personne oul'institution qui a l'intérêt assurable. Dans le cas des polices d'assurance-vie, lebénéficiaire doit être un membre de la famille proche, quelqu'un qui subira uneperte financière si le titulaire de la police décède.

Le texte de la police d'assurance-accidents ci-dessous reprend les différentstermes clés présentés dans les sections précédentes. Il est intéressant de noterle degré élevé de précision avec lequel l'assureur décrit l'événement assuré.Cette précision est nécessaire pour limiter les désaccords quant à l'interprétationdu texte qui pourraient apparaître lors du règlement du sinistre. Les exclusions,destinées à protéger l'assureur du risque moral et des risques covariants, sontégalement très précises.

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TERMES et CONCEPTS CLES

BénéficiaireIntérêt assurableMontant de la prestation

1.5ENCADREEn tant que membre de plus de 18 ans de la Caisse Populaire, vous avez droità une assurance en cas de décès ou de mutilation par accident. Les primesde cette couverture de base seront payés par votre Caisse Populaire. VOUSNE PAYEZ RIEN. Pour recevoir votre Certificat d'Assurance, il vous suffit deREMPLIR LE FORMULAIRE CI-JOINT ET DE NOUS LE RENVOYER. (Dansles états de New York et de Caroline du Nord, la couverture est réduite de 50%à partir de 70 ans.)

Le présent texte est une présentation générale de l'assurance mais ne modifieni n'affecte en rien l'assurance telle que décrite par la Police. Les couverturessont soumises aux conditions et exclusions de la Police. Chacun des

"1.000 dollars d'assurance-accidents pour tous nos membres"

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1 PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE

membres participant à ce régime d'assurance se verra remettre un Certificatd'Assurance décrivant exactement la couverture et les indemnités prévues.

Montant de l'indemnité

Si, à la suite d'une blessure couverte par la police, le titulaire subit l'un dessinistres décrits ci-dessous dans le délai d'une année à dater de l'accident(l'événement assuré), la Compagnie versera, en une seule fois, les montantssuivants:

perte de la vie: 1.000 USDperte de deux membres (main, pied ou œil): 1.000 USDperte de la parole et de l'audition: 1.000 USDperte totale de la vue des deux yeux: 1.000 USDperte totale de la vue d'un œil: 500 USDperte d'une main ou d'un pied: 500 USDperte de la parole ou de l'audition: 500 USDperte du pouce et de l'index de la même main: 250 USD

La perte d'une main ou d'un pied signifie la séparation complète du membreconcerné au niveau de ou au-dessus de l'articulation du poignet ou de lacheville. La perte du pouce ou de l'index signifie leur séparation complète dureste du corps au niveau des articulations métacarpophalangiennes. La pertede la vue d'un œil signifie la perte totale et irrécupérable de la vue. La pertede la parole signifie sa perte complète et irrécupérable. La perte de l'auditionsignifie la perte complète et irrécupérable de l'audition des deux oreilles.

Qui est admissible?

Sont admissibles tous les membres de la Caisse Populaire âgés de 18 ans ouplus au moment de la demande. Tout membre de la Caisse Populaire âgé de18 ans ou plus qui remplit le formulaire de demande et le renvoie seraaccepté.

Résiliations individuelles

Tant que vous êtes membre de la Caisse Populaire et que la Police Mère esten vigueur, votre couverture sera renouvelée. (Dans l'état de New York, leContrat Collectif de Base est renouvelable annuellement.)

Exclusions générales

La Police ne couvre pas les sinistres causés par ou qui résultent desévénements suivants: suicide ou tentative de suicide et d'autodestruction;guerre déclarée ou tout acte de guerre; tout délit ou tentative de délit ou d'acteillégal; présence dans un avion ou tout autre appareil destiné à la navigationaérienne, sauf en qualité de passager faisant l'objet d'un transport (pas en tantque pilote ou membre d'équipage), dans un appareil déclaré conforme auxnormes de navigabilité par les autorités compétentes de son paysd'immatriculation.

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1.3. Caractéristiques de la policeEn plus de l'événement assuré et des caractéristiques de l'indemnité, il convientde spécifier la durée du contrat d'assurance et le caractère volontaire ouobligatoire du produit.

Durée du contrat d'assurance

La durée du contrat est le laps de temps pendant lequel l'événement assuré doitse produire pour que l'indemnité devienne exigible. Les polices peuvent être:

A durée fixe: l'événement assuré doit se produire pendant un laps de tempsspécifique, comme la durée d'un prêt, un an ou dix ans, pour déclencher lepaiement. Ce type de couverture est généralement appelée assurancetemporaire.Vie entière: l'assuré est couvert pendant toute la durée de sa vie.

Les contrats d'assurance de longue durée impliquent le respect de promessesfinancières qui, étant faites à long terme, sont affectées d'une certaine incertitude.La science actuarielle s'intéresse à la prévision et la gestion de cette incertitude.Un niveau d'expertise élevé en matière de prédiction est nécessaire pour pouvoirdévelopper et vendre ce type de produit d'assurance avec succès. Dans laplupart des pays, l'assurance à long terme est strictement réglementée pourgarantir le respect de leurs obligations par les assureurs. Des réservesfinancières dont les montants sont définis grâce à des méthodes complexes decalcul de valeur doivent être constituées et investies pour garantir la solvabilité àlong terme.

Pour surmonter les difficultés qu'implique le long terme, il est possible deproposer des polices temporaires renouvelables, qui assurent une couverturede courte durée mais sont renouvelables lorsqu'elles arrivent à terme. Cespolices permettent à l'assureur de modifier les conditions s'ils perdent de l'argent.Ce type de contrat est particulièrement intéressant pour les nouveaux assureurs,ceux qui n'ont pas accès à des informations de qualité ou ceux qui sontconfrontés à des conditions macroéconomiques imprévisibles.Il est également possible d'agir sur la durée du contrat par le biais d'options, quipermettent aux titulaires de police de modifier les caractéristiques de leurcouverture à certains moments prédéfinis. L'une des options les plus courantesest la prolongation, qui permet à l'assuré de prolonger la couverture au-delà duterme prévu du contrat.

Couverture obligatoire et volontaire

L'assurance peut être volontaire ou obligatoire. Par exemple, des employeurspeuvent exiger que tous leurs employés souscrivent à leur plan d'assurance-maladie, une société de crédit peut imposer à ses clients qu'ils se rendent

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acquéreurs d'une assurance solde restant dû ou le gouvernement peut obliger lespropriétaires de véhicules à détenir une assurance de responsabilité civile.L'approche volontaire permet aux consommateurs de choisir la quantité, la duréeet le type d'assurance qu'ils souhaitent. Les deux cas de figure présentent desavantages et des inconvénients.

La couverture obligatoire prive l'assuré de certains choix quant au moment et à laquantité d'assurance qu'il acquiert. L'employé est automatiquement inscrit dansle plan d'assurance-maladie de son entreprise au moment, par exemple, où ilsigne son contrat de travail. Le montant de l'indemnité peut également êtreprédéterminé, ce qui peut être problématique, notamment lorsque les niveaux decouverture prévus sont très élevés et que les individus concernés sont forcésd'acheter un niveau de protection dont ils n'ont pas besoin ou ne veulent pas. Ledécalage entre les intérêts de l'assureur et de l'assuré peut faire naître un certainressentiment et même amplifier le risque moral ou de fraude, les assurés tentantà tout prix de rentabiliser leur investissement. Les régimes obligatoires peuventégalement donner lieu à des prix abusifs, les clients étant pour l'assureur des"otages captifs".

L'assurance obligatoire présente cependant trois avantages significatifs:

Contrôle de l'antisélection: le risque de voir des individus acheter unepolice d'assurance juste au moment où ils savent qu'elle leur sera utile estréduit lorsque le moment de l'achat est lié à un autre événement. De plus, lespersonnes présentant un risque faible n'ont pas la possibilité de quitter le poolde risques. Dans les régimes volontaires, il est très possible que seuls ceuxqui s'attendent à voir survenir un événement s'en protègent en achetant unepolice.Réduction des coûts administratifs: la gestion des régimes obligatoires estplus facile et moins coûteuse, les procédures administratives à mettre enplace étant plus simples que celles qu'exigent des produits d'assurancevolontaires et flexibles.Frais de vente limités: en évitant à l'assureur de devoir vendre des policesindividuelles, l'assurance obligatoire leur permet de toucher un grand nombrede personnes sans coûts d'acquisition et d'entrée importants.

Chapitre

23

1 PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE

TERMES et CONCEPTS CLES

Assurance temporaireCoûts d'acquisition et d'entréeCouverture obligatoireCouverture volontaireDurée fixe

OptionsPolices temporairesrenouvelablesRèglement du sinistreScience actuarielleVie entière

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1.4. Primes: le paiement de l'assuranceLa prime est à l'assurance ce que le taux d'intérêt est au prêt, le montant payépar le client pour la couverture. Cette section est consacrée aux différentesmanières de structurer les primes et présente dans les grandes lignes leprocessus actuariel de calcul des primes. Bien que le calcul actuariel soit undomaine très complexe, il est important pour les micro-assureurs d'encomprendre les principes, même s'ils confient à d'autres la responsabilité ducalcul des prix. Les principes de base relatifs aux primes sont présentés ici ettraités de manière plus détaillée au Chapitre 7.

Le paiement de la prime

Il existe deux types de primes: unique et périodique. Les primes uniques sontgénéralement versées lors de la souscription du contrat et couvrent toute sadurée. Elles sont faciles à gérer et n'impliquent aucun risque de défaut depaiement. Par contre, le client peut trouver le montant de la prime uniqueinabordable, surtout s'il s'agit d'un contrat d'assurance de longue durée.L'assureur n'a pas non plus la liberté d'adapter le niveau de la prime si le montantdes indemnités s'avère plus élevé que prévu.

Les primes périodiques sont payées régulièrement, chaque année ou chaquemois, par exemple, pendant toute la durée du contrat. La collecte régulière desprimes implique des coûts de transaction supplémentaires tant pour l'assureurque le client, mais celui-ci peut trouver le montant à verser plus en accord avecses possibilités financières. Les primes périodiques sont plus chères que lesprimes uniques, toutes autres choses étant égales, pour deux raisons: a)l'assureur doit faire face à des coûts administratifs plus élevés, dus au processusde collecte des primes; et b) il renonce à une partie des revenus en intérêt dontil pourrait jouir si la prime était unique. Dans le cas des polices de longue durée,les primes temporaires peuvent être calculées sur la base d'un taux variable, pourpermettre aux assureurs de procéder aux ajustements qui pourraient s'avérernécessaires.

Avec les primes périodiques, l'assureur court le risque de voir le client faillir à sonobligation de payer la prime et être déchu de son droit à la garantie del'assurance. La déchéance de la couverture est la résiliation d'une police suiteau défaut de paiement des primes par l'assuré. Généralement, l'assureur résiliele contrat au terme d'un délai de grâce pendant lequel le client peut payer lessommes dues. Beaucoup des coûts d'une police d'assurance étant connus àl'avance, les frais qu'impliquent une déchéance de couverture peuvent donnerlieu à certaines difficultés. En effet, si les polices ne sont pas d'une duréesuffisante, l'assureur peut ne pas être en mesure de répercuter ces frais dans lesprimes futures et risque donc de perdre de l'argent.

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Il existe un troisième type de prime, qui est une combinaison des deux présentéesci-dessus, la prime unique périodique. Elle s'utilise dans le cadre des polices àéchéance renouvelable (voir plus haut) et se paie pour chaque périodesuccessive de couverture, c'est-à-dire chaque année ou mois (ou toute autrepériode). Ni les taux ni les indemnités payables ne sont définis au-delà de lapériode couverte par la prime unique. Si l'assuré désire prolonger la couverture,celle-ci est proposée au prix et aux conditions applicables à la date durenouvellement du contrat.

Les taux des primes

Les primes sont couramment exprimées sous la forme d'un taux ou d'unpourcentage. Il est cependant très difficile de comparer les taux des primes sideux facteurs fondamentaux ne sont pas identiques: a) le laps de temps pendantlequel la couverture est garantie et auquel la prime s'applique, et b) l'unité àlaquelle le taux est appliqué pour arriver au montant à payer. L'encadré 1.6propose une analyse détaillée de ces concepts.

Détermination des primes

La détermination des primes, activité également appelée tarification, ressembleà la fixation des taux d'intérêt de prêts. Dans le cas d'un prêt, le taux d'intérêt doitcouvrir quatre types de coûts: a) les coûts opérationnels, b) les pertes sur prêts,c) le coût des fonds et d) le taux de capitalisation. Les primes d'assurancepeuvent être divisées de la même manière, avec cependant une différencenotable: l'équivalent de la provision pour les pertes sur prêts est la prime derisque, c'est-à-dire le coût des sinistres attendus pour la période. Cet aspect estexaminé en détail puisque le calcul de ce taux est une spécialité de l'assurance.

La prime de risque

Pour qu'un produit d'assurance soit durable -et à fortiori bénéficiaire-, la prime derisque doit couvrir le coût des sinistres. La prime de risque théorique doit doncêtre égale au coût attendu des sinistres. Celui-ci est estimé actuariellement surbase de deux éléments: le montant de l'indemnité à payer (la prestation) et laprobabilité que l'événement survienne. La prime de risque, ou le coût attendu dessinistres, est le produit de ces deux éléments:

Prime de risque = Montant de la prestation x Probabilité que l'événement survienne

Les primes sont souvent exprimées sous la forme d'une proportion de l'indemnitéou d'un taux, plutôt qu'en chiffres absolus, et s'appliquent à une périodespécifique. Celle-ci affecte la prime en agissant sur la probabilité que l'événementsurvienne. Dans l'assurance-vie, par exemple, une personne risque davantagede mourir dans les 10 ans à venir que dans l'année. L'encadré 1.7 présente unexemple simple de calcul de prime.

Chapitre

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1 PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE

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L'ASSURANCE ET LES

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1.6ENCADREConsidérez les trois primes suivantes:

1. 2,50 USD par police pour un capital-décès de 200 USD, dans le cadred'un prêt de 4 mois

2. 1 pourcent du prêt décaissé pour une assurance solde restant dû, dansle cadre d'un prêt de 4 mois

3. 3 pourcents du capital-décès pour une assurance-vie d'une année

Dans le premier cas, le taux de prime est fixe. Quel que soit le montant duprêt, la prime et constante à 2,50 USD. Ceci est approprié lorsque l'indemnité,dans ce cas un capital de 200 USD, ne varie pas d'une police à l'autre.

Dans le second cas, le montant de la prime dépend du montant du prêt. Ceciest approprié lorsque l'indemnité est directement liée au montant du prêt,comme dans le cas des polices d'assurance solde restant dû.

Notez que ces deux taux de primes s'appliquent sur la durée du prêt, qui dansce cas est de quatre mois. Si les taux de primes restent inchangés, la primeannuelle dans le premier cas est de trois fois 2,50 USD, c'est-à-dire 7,50 USD.Dans le second cas, si un client obtient trois prêts successifs, de quatre moischacun, et pour des montants de 200, 250 et 300 dollars, la prime annuellesera de 1% du total de ces montants, à savoir 7,50 dollars. Bien que lemontant final soit le même dans les deux cas, les manières de calculer cesprimes sont très différentes.

Dans le troisième cas de figure, la prime est exprimée comme une fractionannuelle de l'indemnité. La prime à payer pour une couverture de 200 dollarset d'une durée d'un an est de 3 pourcents de 200 dollars, soit 6 dollars. Si l'oncompare ceci avec le deuxième cas, les indemnités garanties sont différentes.Dans le cas de l'assurance solde restant dû (cas n°2), l'indemnité estéquivalente au solde du prêt au moment du décès et variera donc en fonctiondes sommes déjà remboursées. Dans le troisième cas, par contre, le capital-décès est fixe et le même montant sera donc versé au bénéficiaire, quel quesoit le solde non-remboursé du prêt. Le taux de prime à 4 mois peut dans letroisième cas être estimé à un tiers du taux annuel, soit 1 pourcent. On ne peutcependant comparer ce 1 pourcent avec le 1 pourcent du second cas, puisqueces pourcentages sont calculés sur des montants de départ différents.

Dans le 2ème cas, la couverture est égale au solde non-remboursé du prêt,alors que dans les deux autres cas la couverture est constante.

Comparaison de trois taux de primes

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Primes de risque applicables à des pools de risque différentsDans la pratique, tous les individus du pool de risques ne présentent pas le mêmeniveau de risque, ce qui signifie que théoriquement une prime différente doit êtreattribuée à chacun d'eux. Il existe deux manières de traiter ce problème:

adopter une approche individuelle: chaque assuré paie une prime qui lui estpropre et qui tient compte du montant de l'indemnité susceptible de lui êtrepayée.adopter une approche collective: le coût total des sinistres est calculé pourl'ensemble des membres du groupe et divisé par le montant de l'indemnité enportions égales, de manière à ce que chaque individu paie le même taux deprime, indépendamment de la probabilité individuelle de sinistre.

Bien que l'approche individuelle soit la plus précise, sa mise en œuvre requiertbeaucoup de données et une grande capacité technique. L'approche collectiveest suffisante lorsque l'on traite des produits d'assurance de base, surtout si l'onconsidère les difficultés administratives qu'impliquerait une tarificationindividuelle. Ce qui est crucial, c'est que l'assureur fixe la prime de risque à unniveau tel qu'elle couvre les sinistres attendus pour l'ensemble du pool derisques. L'encadré 1.8 propose un exemple comparé de l'approche individuelle etcollective.

Chapitre

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1 PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE

1.7ENCADREPrenons l'exemple d'un assureur qui propose une police d'assurance-décèsd'un an avec paiement d'un capital-décès de 50 dollars. Un individu achètecette police. Le risque de voir cet individu mourir dans l'année est de 2pourcents. En d'autres termes, le risque de devoir payer l'indemnité dansl'année est de 2 pourcents. La prime de risque pour cette indemnité et cettedurée de couverture est donc équivalente à 2 pourcents de 50 dollars, soit undollar.

Si l'assureur a 100 clients qui courent le même risque de décès et ont achetéune police prévoyant le versement d'une même indemnité, il percevra 100primes de risque de 1 dollar, soit 100 dollars. Si deux pourcents des clientsmeurent (soit 2 clients), deux indemnités de 50 dollars chacune serontversées, soit un montant de 100 dollars. Le coût attendu des sinistres est doncéquivalent à celui de la prime de risque.

Pour l'ensemble du groupe, la prime de risque est de 100 dollars et le montanttotal des prestations garanties de 5.000 dollars (100 polices à 50 dollars parpolice). Le taux de prime pour le groupe est donc de 100 / 5000, soit deuxpourcents. Toutes autres choses étant égales (ce qui es rarement le cas!),l'assureur pourrait exiger le paiement d'une prime équivalente à 2 pourcentsde l'indemnité, pour tout niveau de couverture, ce qui reviendrait à 2 dollarspour une indemnité de 100 dollars.

Exemple simplifié de calcul de la prime de risque

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L'ASSURANCE ET LES

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Probabilité. La principale difficulté pour l'assureur est de déterminer la probabilitéde voir survenir l'événement assuré. Estimer la probabilité de la mort, ou del'invalidité, est extrêmement complexe. Dans les compagnies d'assurancecommerciales, des actuaires se chargent de ce travail et utilisent pour ce faire destechniques statistiques et mathématiques très poussées. La probabilité de mourirvarie d'une région à une autre, est fonction de l'âge (sur une même période, lerisque est plus élevé pour une personne âgée que pour une plus jeune), dugenre, et du statut socio-économique et professionnel. D'autres facteurs entrentégalement en ligne de compte, comme le VIH/SIDA, les guerres et lesinondations ou autres catastrophes naturelles.

Imprévus. Si estimer la probabilité de l'événement s'avère impossible ou peufiable, il est possible d'intégrer à la prime un taux pour imprévus qui permetd'intégrer dans la prime le risque supplémentaire. Plus le nombre de personnesdans le pool de risques sera grand, plus la réalité des sinistres sera proche des

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1.8ENCADREPrenons l'exemple de trois personnes qui souscrivent une police d'assurancefunéraire prévoyant le versement d'un capital fixe de 100 dollars. Leurprobabilité de décès dans l'année est respectivement de 1 pourcent, 2pourcents et 5 pourcents. Le coût attendu des sinistres pour ce groupe estdonc:(1% x 100 USD = 1,00 USD) + (2% x 100 USD = 2,00 USD) + (5% x 100 USD= 5,00 USD) = 8,00 USD

Si l'on adopte l'approche individuelle, ces trois personnes paierontrespectivement 1, 2 et 5 dollars. Le total des primes perçues sera de 8 dollars.

Si l'on adopte l'approche collective, le taux est calculé pour l'ensemble desmembres du pool de risques. Prenons, par exemple, un coût attendu dessinistres de 8 dollars. Le capital assuré total4 est de trois fois 100 dollars, soit300 dollars. Le taux de prime est donc 8 / 300 = 2,67 pourcents pourl'ensemble du groupe. Chaque personne paiera donc cette prime multipliéepar le montant de son indemnité (100 dollars dans chaque cas), soit 2,67dollars. (Notez que la prime totale reçue est de 8,01 dollars, le centsupplémentaire étant dû à l'erreur d'arrondi.)

L'assureur perçoit donc la même prime totale dans les deux cas et ce montantest équivalent au montant attendu des sinistres. Seule différence, dans ledeuxième cas de figure, les personnes présentant un risque faiblesubventionnent les primes des personnes à risques élevés.

Méthodologies de fixation des prix:comparaison de l'approche individuelle et collective

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4 Le capital assuré, ou indemnité garantie, est la couverture totale garantie par un produit d'assurance. A ce titre,l'indemnité totale garantie est l'équivalent du portefeuille de prêts en cours et représente la somme de toutes lesindemnités individuelles.

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prévisions faites. En vertu de cette loi des grands nombres, lorsque le pool derisques grandit, on peut généralement réduire le taux pour imprévus.

Autres éléments de la prime

La prime totale est déterminée par la prime de risque et trois autres éléments: a)les coûts opérationnels, b) la contribution au bénéfice et aux excédents et c) lesrevenus de placement.

Les coûts opérationnels comprennent les charges administratives, les coûtsd'acquisition, les services actuariels, les coûts de collecte des primes, deréassurance et de souscription, ainsi que ceux liés au contrôle des sinistres et auversement des indemnités (les indemnités elles-mêmes ne font pas partie descoûts opérationnels mais de la prime de risque). La plupart de ces coûts fontl'objet d'une analyse dans les chapitres suivants. Ils peuvent être ventilés encoûts permanents et de premier établissement. Ce dernier est généralement leplus élevé parce qu'il est souvent plus coûteux de lancer une nouvelle policed'assurance que de la maintenir en activité.

Les assureurs à but lucratif doivent intégrer une marge bénéficiaire dans leurprime. Ils peuvent également vouloir intégrer une contribution aux excédents ouau capital si cela est nécessaire pour soutenir l'activité et, par exemple, permettrede mettre à jour les systèmes informatiques ou d'étendre les opérations à d'autresrégions.

Dans le calcul du taux d'intérêt d'un prêt, le coût du capital doit être financé parle taux d'intérêt que paient les emprunteurs. Dans l'assurance, la situation inverseest possible. Si des fonds sont provisionnés à des fins d'assurance, le revenu tirédu placement de ces fonds peut servir à réduire le taux de prime. Cette sourcede revenus est un facteur plus important dans le cas des polices à long terme ouà prime unique.

Chapitre

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1 PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE

TERMES et CONCEPTS CLES

Assurance collectiveAssurance individuelleCapital assuréCoûts opérationnelsDéchéance de la couvertureDélai de grâceImprévusIndemnité totale garantie

Loi des grandsnombresPrime périodiquePrime de risquePrime uniqueProbabilitéProvisionsTarification

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L'ASSURANCE ET LES

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1.5 SinistresLa prime de risque étant basée sur la probabilité de sinistre, elle est uneestimation. L'assureur prend un risque et espère que la prime demandée serasuffisante pour couvrir les sinistres. C'est ce que l'on appelle la prise en chargedu risque. Les sinistres qui se réalisent constituent la statistique sinistres del'assureur. Si leur coût est plus élevé que prévu, le porteur du risque perdra del'argent et la statistique sinistres sera mauvaise.

Lorsque l'on évalue la statistique sinistres, il importe de comparer les primes avecles prestations qui leur correspondent, c'est-à-dire toutes celles intervenuespendant la période couverte par la prime. En effet, une demande d'indemnité peutêtre faite des mois (ou même des années!) après la fin de la période couverte.Pour cette raison, la rentabilité d'une police ne peut être évaluée qu'après uncertain temps, lorsque tous les sinistres ont été portés à l'attention de l'assureur.

L'outil principal de mesure de la statistique sinistres est le ratio sinistres àprimes, c'est-à-dire le coût avéré des sinistres divisé par leur coût attendu (ou laprime de risque). Les assureurs préfèrent généralement que le ratio sinistres àprimes soit inférieur à 100 pourcents, c'est-à-dire que le coût avéré des sinistressoit inférieur au coût attendu. L'assurance étant un secteur d'activité basé sur laprobabilité, le fait qu'un produit donne lieu à une perte financière ne signifie pasnécessairement que son prix soit incorrect, même si cette possibilité existe. Lespertes peuvent être dues à une série d'événements malheureux qui ont provoquéune hausse soudaine du nombre de sinistres. Si, par contre, un produit estassocié à des pertes à long terme, on peut alors supposer à juste titre que sonprix est inadéquat.

Selon la loi des grands nombres, plus le nombre de personnes composant le poolde risques sera grand, moindre sera la variation du ratio sinistres à primes. Lastatistique sinistres des groupes importants est statistiquement plus fiable quecelle de groupes plus restreints. Si un pool de risques composé de trèsnombreuses personnes est associé à une perte relativement importante, celasignifie probablement que le produit est vendu à un prix incorrect, alors qu'uneperte issue d'un petit pool peut elle s'expliquer par des fluctuations aléatoires. Sile portefeuille d'assurance est petit, un sinistre en plus peut faire la différenceentre un bénéfice et une perte. Le risque covariant, c'est-à-dire le fait qu'unévénement donne lieu à des sinistres multiples, est particulièrement dangereuxpour les petits portefeuilles, comme le montre l'encadré 1.9.

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Régime 1

Petit pool de risques100 assurés

5 assurés décèdent

Total des indemnités5 x 50 = 250 USD

Ratio sinistres à primes

250%250100

Régime 2

Grand pool de risques10.000 assurés

5 assurés décèdent

Total des indemnités5 x 50 = 250 USD

Ratio sinistres à primes

2,5%250

10.000

Chapitre

31

1 PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE

1.9ENCADREImaginons que cinq des cent personnes ayant souscrit une assurance-décèsleur garantissant un capital de 50 dollars (voir exemple de l'encadré 1.7)décèdent dans un accident de la circulation. Aucun autre sinistre n'estenregistré pendant l'année. Le total des indemnités à verser est de 250dollars, c'est-à-dire 250% du coût attendu des sinistres. Le ratio sinistres àprimes pour l'année est de 250 pourcents.

Supposons maintenant qu'il y ait 10.000 assurés. La prime de risque totale (etle coût attendu des sinistres) serait de 10.000 dollars. Si les cinq mêmespersonnes décèdent, et sont les seuls à mourir sur la période, le total desindemnités versées sera de 250 dollars, soit 2,5 pourcents du coût attendudes sinistres. L'impact sur le ratio sinistres à primes est dans ce cas minime.

Effet du risque covariant sur des pools de risquesde tailles différentes

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La tarification selon un historique est le processus consistant à déterminer lesprimes sur base de la statistique sinistres du pool de risques. C'est cette méthodequ'utilisent les assureurs pour déterminer le prix de leurs produits lorsqu'ils nedisposent pas d'actuaires ou d'outils sophistiqués d'analyse technique. Latarification selon un historique requiert une estimation théorique initiale du taux deprime et une statistique sinistres statistiquement fiable. Une telle fiabilitéstatistique exige elle-même une quantité importante de données. La tarificationselon un historique n'a un sens que si le passé peut véritablement augurer del'avenir, c'est-à-dire s'il n'y a pas de bouleversement dans l'environnement quipuisse affecter la survenance future de l'événement assuré. Comme le montrel'encadré 1.10, le suivi de la statistique sinistres est une phase critique dans lecycle de développement d'un produit. Les méthodes de tarification selon unhistorique font l'objet d'une analyse plus détaillée au chapitre 7.

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1.10ENCADREÉtant donné le danger qu'implique la prise en charge du risque, les

assureurs et autres institutions qui acceptent de le faire doivent assurer unsuivi étroit de leurs opérations, pour s'assurer que celles-ci soient durables ourentables. Pour ce faire, le développement d'un produit d'assurance impliqueplusieurs étapes:

1. Évaluation institutionnelle de la capacité à développer un produit et àmettre en place l'équipe nécessaire pour ce faire.

2. Étude de marché, pour déterminer le besoin et la demande d'assuranceet recueillir des informations sur les clients potentiels. Des informationsrelatives aux produits proposés par la concurrence sont égalementnécessaires.

3. Développement du produit, comprenant la définition de l'événementassuré, de la prestation, des critères d'éligibilité, de la durée, etc., ainsi qu'uneévaluation des exigences opérationnelles, légales et financières.

4. Détermination des primes, qui implique de:

Estimer les probabilités de sinistres, sur base de la statistique sinistresd'autres assureurs, de données relatives à la population générale ou detoute autre source d'information adaptée au marché anticipé;Combiner ces probabilités avec les prestations pour obtenir les primes derisque;Déterminer les montants à provisionner au titre des dépensesadministratives, des excédents, des événements imprévus, du coût ducapital et des revenus de placements.

5. Développer les systèmes, les outils de marketing, la formation dupersonnel.

Tarification selon un historique et cycle de développement du produit

Tarif

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Chapitre

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1 PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE

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7

Évaluation institutionnelle

Étude de marché

Développement du produit

Détermination du prix

Développement des systèmesMise en œuvre

Suivi de la statistique sinistres

6. Mettre le produit sur le marché.

7. Assurer le suivi de la statistique sinistres au fur et à mesure de leursurvenance.

Comparer les sinistres avérés avec les prévisions faites, en recourant àdes techniques d'enquête; etRevenir à l'étape 2, pour adapter le niveau attendu de la prime sur basedes résultats de l'enquête et de toute autre information pertinente que l'onaura recueillie au sujet du marché, des facteurs susceptibles d'affecter lerisque, etc.

TERMES et CONCEPTS CLES

Cycle de développement du produitRatio sinistres à primesStatistique sinistresTarification selon un historique

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L'ASSURANCE ET LES

INSTITUTIONS DE MICROFINANCE

1.6 Autres considérationsD'autres concepts de base de l'assurance doivent être traités ici. Les troisconcepts que nous présentons dans cette section, les provisions, la réassuranceet les systèmes, ne sont cependant pas traités de manière complète. Nousn'abordons ici que certains éléments particulièrement applicables aux produits demicro-assurance mentionnés plus avant dans ce manuel. Ces trois concepts, s'ilsdevaient être considérés dans le cadre de l'assurance-vie, par exemple,exigeraient un traitement beaucoup plus détaillé et complexe.

Les provisions mathématiques

Les provisions sont des fonds placés en réserve par les assureurs pour couvrir,notamment, les indemnités et les événements imprévus. Elles sont obligatoirespour pouvoir faire face aux sinistres en suspens, c'est-à-dire ceux qui ont étédéclarés mais qui doivent encore être réglés.

Si une IMF ou un assureur perçoit une prime au début d'un contrat, une partie decelle-ci doit être mise en réserve pour pouvoir, en cas de sinistre, payerl'indemnité. Considérer la prime comme un revenu ou une contribution auxbénéfices serait inapproprié, l'événement assuré pouvant se produire et donnerlieu au versement d'une importante indemnité. Ces provisions pour sinistresrestant à payer peuvent être divisées en sous-catégories, parmi lesquelles ontrouvera les provisions affectées aux périodes de couverture en cours et cellesprévues pour les sinistres réalisés mais non déclarés.

Le porteur de risque peut se protéger de manière partielle contre une mauvaisestatistique sinistres en se dotant d'une réserve pour imprévus, qui lui sert decoussin financier. Les petits assureurs peuvent eux trouver utile la constitutiond'une réserve pour fluctuations des prestations, qui permet de faire face auxfluctuations parfois importantes que doivent gérer les institutions qui travaillentavec de petits pools de risques.

Les autorités supervisent les montants que provisionnent les assureurstraditionnels, pour s'assurer qu'ils soient en mesure de couvrir les sinistresauxquels ils seront normalement confrontés.

La réassurance

Presque tous les assureurs s'assurent auprès d'un réassureur qui, grâce à sataille ou son capital plus importants prend à sa charge, en échange d'une primede réassurance, une partie du risque que couvre l'assureur. La réassurance peutêtre utilisée pour couvrir le risque covariant.

Même si la statistique sinistres d'un assureur est stable et régulière, il est toujourspossible, étant donné la nature aléatoire du risque, qu'une succession

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particulièrement malheureuse d'événements le pousse à la faillite. Laréassurance limite l'exposition de l'assureur à ce risque et est donc fortementconseillée.

Les réassureurs sont souvent de bonnes sources d'informations et d'expertise,puisqu'ils opèrent de manière globale et sur de nombreux marchés. L'accès à cesinformations est une des raisons qui poussent les plupart des assureurs à seréassurer.

Les systèmes

Un dernier mot sur les systèmes: les systèmes intégrés de gestion (SIG) querequiert l'assurance peuvent être beaucoup plus complexes que ceuxnécessaires pour l'octroi de prêts. Le niveau de sophistication requis pour assurerefficacement le suivi des activités et la tarification ne peut être atteint si l'on nedispose pas de systèmes d'analyse et de données performants. De tels outilssont nécessaires pour que l'activité d'assurance soit assise sur des basesfinancières solides et saines. Bien que des méthodes simplifiées de gestionexistent, proposer des produits d'assurance sans disposer d'une véritablecapacité de suivi est une erreur. Beaucoup d'assureurs, y compris de grandsgroupes commerciaux, éprouvent de grandes difficultés à mettre à jour leurssystèmes de données et à en assurer le fonctionnement. A mesure que la gammede produits évolue et se complexifie, un soin particulier doit être apporté auxsystèmes de suivi et de contrôle, dont l'évolution doit aller de pair avec celle desproduits.

Chapitre

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1 PRINCIPES DE BASE DE L'ASSURANCE

TERMES et CONCEPTS CLES

Provisions pour sinistres restant à payerRéassuranceRéserve pour imprévus

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L'ASSURANCE ET LES

INSTITUTIONS DE MICROFINANCE

Pour en savoir plus:Les publications suivantes sont disponibles en ligne à l'adresse www.mip.org:

Brown, W. and C. Churchill, 2000, "Glossary of common insurance terms,"Bethesda, Maryland, USA: Microenterprise Best Practices (MBP) Project,Development Alternatives / USAID.Brown, W. and C. Churchill, 1999, "Providing insurance to low-incomehouseholds: Part 1: A primer on insurance principles and products,"Bethesda, Maryland, USA: Microenterprise Best Practices (MBP) Project,Development Alternatives / USAID.Brown, W. and C. Churchill, 2000, "Insurance provision to low-incomehouseholds: Part 2: initial lessons from micro-insurance experiments for thepoor Bethesda," Maryland, USA: Microenterprise Best Practices (MBP)Project, Development Alternatives / USAID.

La publication suivante n'est pas disponible en ligne mais propose un aperçudétaillé des principes de base de l'assurance:

Vaughan, E.J., and T.M. Vaughan, 2002, "Fundamentals of Risk andInsurance," 9th Edition, John Wiley and Sons.5

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5 Ceci est l'édition la plus récente de cet ouvrage, les éditions antérieures peuvent également se révéler trèsutiles.

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Annexe 1

Assurance des bœufs de trait - L'exemple de ADR-TOM

L'étude de cas proposée ci-dessous est tirée d'un document de travail de l'OITécrit par M. Aliber et A. Ido. Le texte porte sur la micro-assurance au BurkinaFaso et montre comment les principes de l'assurance peuvent ou doivent êtreintégrés dans la conception des produits. Le texte intégral de l'étude estdisponible en ligne à l'adresse www.ilo.org/socialfinance (section "publications").

A l'heure actuelle, il apparaît qu'aucun régime de micro-assurance ayant pourobjet de protéger les biens n'existe au Burkina Faso. Cependant, un programmeimportant a fonctionné dans le pays et est présenté ici de manière détaillée. Cerégime est important parce qu'il a fonctionné pendant un temps respectable (26ans) et a joué un rôle vital en permettant aux paysans de remplacer les bœufsutilisés pour labourer les champs lorsque ceux-ci mouraient de maladie.

Ce programme d'assurance des bœufs de trait a été lancé en 1969 par une ONGà Toma, dans la province de Nayala, à environ 160 kilomètres au nord deOuagadougou. De manière générale, cette région est propice à l'agriculture maisest relativement isolée. L'ONG, mise sur pied en 1966 par un prêtre hollandais,était à l'origine connue sous le simple nom de "Projet Toma". Le but principal del'organisation, qui allait plus tard être rebaptisée ADR-TOM (Association pour leDéveloppement de la Région de Toma), était de soutenir les paysans locaux enleur proposant des formations et des services financiers ruraux. L'organisations'intéressa également à la promotion de la santé et lança une coopératived'épargne et de crédit au milieu des années 1970.

L'élément central du programme agricole consistait à apprendre aux paysans àutiliser des bœufs de trait dans leur travail et à s'en occuper correctement. Auterme de la formation, un crédit était accordé et les stagiaires pouvaient alors seprocurer deux bœufs et l'équipement nécessaire pour les faire travailler. Un suivivétérinaire était également assuré. Les stagiaires étaient organisés enassociations villageoises, qui étaient également les unités de base du programmed'assurance. Les premiers bénéficiaires du programme furent formés en 1969 etles opérations de prêt commencèrent peu après. Le programme de formation-crédit-assurance se développa ensuite à un rythme régulier pendant deuxdécennies, atteignant son apogée à la fin des années 1980 avec près de 100agriculteurs impliqués. On estime qu'entre 1980 et 1988, ADR-TOM a équipé etassuré entre 4 et 8 pourcents des agriculteurs de la province, ce qui est unrésultat impressionnant. Malgré plusieurs erreurs de conception, sur lesquellesnous reviendrons plus avant, le programme a fonctionné pendant de longues

Annexe

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1 Assurance des bœufs de trait -L'exemple de ADR-TOM

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années, ce que l'on doit attribuer à la qualité de la gestion, à l'excellenteorganisation des membres et au grand intérêt que le programme avait suscitéchez les paysans.

Au milieu des années 1990, ADR-TOM connut des tensions au niveau de sadirection. De nombreux clients cessèrent de rembourser leurs prêts,l'organisation dut se séparer d'une grande partie du personnel de base et denombreux autres disfonctionnements apparurent. Le financement et l'assurancedu programme "bœufs de trait" cessa en 1995. Il fallut entre deux et trois ans poursurmonter la crise et l'organisation n'a toujours pas retrouvé aujourd'hui sa forceet son dynamisme d'antan.

Éléments de base

La police d'assurance des bœufs de trait était conçue comme un élémentobligatoire du programme visant à former les paysans et à leur permettre ensuite,grâce à un prêt, de se procurer les bœufs et l'équipement nécessaire. Leprogramme était basé sur le fait qu'un paysan avait besoin de deux bœufs pourcultiver ses terres. Les prêts étaient remboursables en 7 ans, c'est-à-dire la duréemoyenne de la vie active d'un bœuf de trait. Seuls les hommes mariés et ayantdes enfants étaient autorisés à participer. Chaque année, des stagiaires étaientsélectionnés dans un ou deux villages et formaient un groupe, dont ils allaientfaire partie tout au long du processus de formation et au-delà. Le groupe "idéal"comptait entre 8 et 10 membres mais, dans la pratique, les groupes pouvaientêtre composés de 2 à 74 hommes.

Pour obtenir un prêt, le stagiaire devait à ses frais amener plusieurs bœufs pourun examen vétérinaire. Si celui-ci recommandait l'achat, le paysan recevait uncarnet par bœuf, destiné à consigner les traitements apportés à chaque animal etpermettant donc de prouver que toutes les précautions contre les maladiesavaient été prises. Chaque groupe possédait également un compte d'assurancemutuelle, ouvert auprès de ADR-TOM et destiné à être le compte d'épargneutilisé pour les opérations d'assurance. Un carnet d'épargne dans lequel étaientconsignées toutes les opérations du compte était également fourni au groupe. Lecompte était alimenté par des contributions annuelles versées par les membreset quelques subsides occasionnels apportés par ADR-TOM. Du début au milieudes années 1980, la contribution annuelle était de 5.000 FCFA, montant qui peutêtre considéré comme la prime d'assurance. Des subsides de 8.000 FCFA et de14.000 FCFA furent versés à chaque groupe mais cessèrent apparemment après1982-83.

Lorsqu'un bœuf mourait, la procédure suivante était mise en œuvre. Tout d'abord,un vétérinaire examinait l'animal pour s'assurer qu'il n'était pas mort à caused'une négligence. Une fois cette confirmation obtenue, le propriétaire était

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autorisé à demander l'intervention du compte d'assurance. Ensuite, si levétérinaire estimait que la carcasse pouvait être consommée, celle-ci étaitvendue, généralement en présence de tous les membres du groupe. Chaquemembre versait ensuite une petite somme, destinée à financer l'achat d'un animalde remplacement. A partir des années 1980, cette somme était de 500 FCFA.Enfin, le chef du groupe avait pour responsabilité d'acheter un bœuf en utilisantl'argent tiré de la vente de la carcasse, l'argent collecté auprès des membres et,si nécessaire, des fonds provenant du compte d'assurance.

Au milieu des années 1980, le prix de deux bœufs et du matériel nécessaire pourles faire travailler s'élevait à environ 155.000 FCFA, dont la moitié pour les bœufs.La contribution annuelle de 5.000 FCFA par personne représentait donc entre 6et 7 pourcents de la valeur d'une paire de bœufs, même si on peut estimer qu'enréalité le taux augmentait avec les années, à mesure que les animaux perdaientde leur valeur.

Performance globale

Il n'est pas possible aujourd'hui d'évaluer avec rigueur cette assurance, lesresponsables du programme n'étant plus disponibles pour des interviews et lesarchives étant très incomplètes. Quelques documents ont été trouvés pour lapériode allant de 1981 à 1994. Ils portent sur 75 groupes et 900 membres, c'est-à-dire probablement l'ensemble des personnes impliquées à l'époque.Cependant, la qualité de ces documents est insuffisante et ne permet pas de sefaire une idée claire du fonctionnement de certains groupes spécifiques ou duprogramme dans son ensemble.

Cependant, même si les informations sont limitées, l'image générale qui émergeà leur lecture est celle d'un régime d'assurance qui, bien qu'imparfait, était trèssolide. L'aspect le plus impressionnant est qu'il ait fonctionné pendant aussilongtemps, avec seulement quelques rares injections de subsides, et que sa finn'ait pas été due à des défauts internes mais à des causes externes. Lesentrevues réalisées avec quelques dirigeants et anciens membres ont confirméque le régime avait très bien fonctionné avec certains groupes et moins bien avecd'autres. Certains membres n'adhéraient pas à l'éthique mutualiste et beaucoupd'autres éprouvaient de grandes difficultés à comprendre les principes del'assurance. Les documents montrent que, dans de nombreux groupes, lescontributions n'étaient pas versées de manière régulière par tous, mais ne disentrien quant à la manière utilisée pour convaincre les mauvais payeurs des'exécuter.

L'un des problèmes principaux semble avoir été la taille réduite des groupes etl'impossibilité de disposer d'un pool de risques adéquat. Environ un tiers des 75groupes pour lesquels des informations étaient disponibles comptaient 7

Annexe

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1 Assurance des bœufs de trait -L'exemple de ADR-TOM

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membres ou moins. Ces petits groupes ne collectaient pas suffisamment defonds pour couvrir le remplacement d'un bœuf. Les groupes comptant 7 membresou moins survivaient en moyenne 2,8 ans; ceux comptant 8 membres ou plusduraient en moyenne 7,5 ans. Une simple analyse économétrique a montré quela durée de survie d'un groupe était directement proportionnelle au nombre demembres le composant, la taille optimale du groupe étant de 12 membres.

Sur l'ensemble des groupes, la mortalité des bœufs a été évaluée à 1,25pourcents, ce qui signifie que seulement 1,25 pourcents des bœufs achetés dansle cadre du régime d'assurance mouraient. La prime demandée paraît doncexcessive par rapport au montant qu'un calcul actuariel aurait suggéré, environ1.000 FCFA. Si l'on avait tenu compte de la somme collectée auprès de chaquepaysan lors de la mort d'un bœuf et de l'argent tiré de la vente de la carcasse, ilest probable que la prime aurait pu être fixée à moins de 700 FCFA.

On peut supposer que le niveau élevé de la prime avait pour but de compenserla taille insuffisante des groupes et de permettre le remplacement des animauxmalgré la faiblesse des contributions. Cependant, cette stratégie n'a pasfonctionné avec les petits groupes et a eu pour conséquence d'accumuler uneépargne conséquente chez les autres groupes, ce qui a pu inciter certains deleurs membres à ne pas respecter leur obligation de paiement. Etant donné lataille variable des groupes, certains ont été sur-assurés, d'autres sous-assurés etle système s'est avéré globalement inefficace. Malgré l'échec d'un nombreimportant de groupes, l'épargne accumulée atteignait en 1995 5,9 millions FCFA,une somme suffisante pour acheter plus de quatre fois le nombre de bœufspouvant mourir par an! Ceci signifie que si l'on avait défini un nombre minimumde membres par groupe (disons 15 ou 20) ou, mieux encore, si un mécanismeavait permis de répartir le risque global sur plusieurs groupes, les primes auraientpu être moins élevées et le régime plus durable. Répartir le risque sur davantagede groupes et donc sur un territoire plus grand aurait également permis deréduire le risque de covariance, relativement élevé lorsque l'on assure despersonnes habitant un même village.

Le second défaut du système, au moins en principe, était que la policed'assurance courait sur toute la durée du prêt, c'est-à-dire sur la durée de la vieactive d'un bœuf. Le problème que pose une telle approche est que le risque demort de l'animal augmente fortement à partir de la cinquième année, ce quisignifie que le régime protège l'assuré d'un événement qui devient de plus en plusprobable. L'alternative aurait consisté à définir un concept de mort "prématurée"et à assurer le paysans contre cet événement, ou à échelonner les primes enfonction de l'âge des animaux assurés.

D'autre part, on peut considérer que le programme n'était pas uniquement unmécanisme d'assurance mais avait également pour but d'aider les paysans à

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épargner suffisamment d'argent pour pouvoir remplacer leurs animaux. Un telmécanisme est en soi très intéressant mais le système mis en place n'étaitcertainement pas adapté, les sommes épargnées étant mises en commun sansqu'elles ne soient attribuables à des membres individuels.

L'avis des membres

Plusieurs paysans ayant participé au programme ont été interviewés. Tous, sansexception, ont affirmé que l'ensemble du projet avait été utile et que sacomposante d'assurance avait, elle aussi, été positive. Deux des paysansrencontrés avaient pu remplacer leurs bœufs grâce à l'assurance, plusieursautres avaient fait partie de groupes dont certains membres avaient égalementprofité de cette possibilité.

Lorsqu'on leur demanda s'ils étaient favorables au redémarrage du programme,tous ont répondu par l'affirmative mais plusieurs ont fait deux commentaires. Toutd'abord, certains ont insisté sur la nécessité d'éduquer les bénéficiaires, estimantque beaucoup de ceux qui avaient participé au programme précédent n'encomprenaient pas bien les principes.

Ensuite, plusieurs des personnes interrogées ont affirmé que si le programmeredémarrait, il fallait qu'ils soient obligés de participer, comme cela avait été le casà l'époque. Dire cela, c'est sans doute non seulement estimer que toutemprunteur doit souscrire une assurance mais c'est aussi admettre que l'onpourrait ne pas participer à un programme que l'on juge utile… Il est courant devoir apparaître ce type de contradiction entre l'intérêt à long terme et les décisionsimpulsives prises à court terme. En les obligeant à participer au programme, onprotège les futurs assurés contre une certaine myopie intellectuelle qui, parfois,leur fait prendre des décisions erronées. L'apparente absurdité de la suggestionfaite par les intéressés, à savoir qu'on les oblige à participer à une initiative dontils bénéficieront, renvoie à une dimension profonde mais souvent méconnue ducomportement économique humain. Les implications que ce type de suggestionpeut avoir sur la manière de concevoir le produit sont loin d'être simples à gérer.

Contrôle du risque moral et d'antisélection

La principale défense contre le risque moral a été l'accent mis sur les soinsvétérinaires devant être apportés à l'animal pendant sa vie et l'examen réaliséaprès sa mort. La nature collective de l'assurance a également permis de luttercontre la négligence dans le traitement des bœufs. En effet, les membres desgroupes vivaient dans le même village et savaient donc comment les uns et lesautres traitaient leurs animaux. Enfin, la vente de la carcasse en présence de touspermettait également de démontrer que le meilleur prix possible avait été obtenu et que le fond commun n'allait pas être ponctionné de manière excessive.

Annexe

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D'autre part, la contribution individuelle de 500 FCFA exigée au moment de lamort d'un bœuf peut être considérée comme une sorte de franchise. Toutefranchise oblige l'assuré à assumer une partie du coût du sinistre et permet ainside lutter contre le risque moral. Dans ce cas particulier, la franchise n'est paspayée par l'individu demandant à être indemnisé mais par l'ensemble desmembres du groupe et devient de fait une "franchise collective". Cette adaptationbrillante du principe de la franchise a permis de renforcer le rôle joué par legroupe en matière de contrôle du risque moral.

L'antisélection n'était pas un risque majeur puisque les bœufs étant assurésparce qu'achetés avec un prêt, que le paysan devait rembourser dans tous lescas, même en cas de mort d'un animal. De plus, le fait que l'indemnité ne soit pasversée sous forme d'argent liquide mais en nature contribuait également à réduirele risque d'antisélection. Une sélection positive avait également été instaurée,puisque seuls les stagiaires ayant des enfants étaient autorisés à participer. Ilsemble que cette décision ait été prise parce que l'on estimait que les pères defamille étaient plus stables et moins susceptibles d'émigrer que des célibataires.

Questions générales et avenir du programme

La grand question que l'on se pose au sujet de ce produit d'assurance est cellede sa réintroduction. Il semble évident qu'il a joué un rôle important et qu'il existeune demande pour ce type de service, à Toma et ailleurs. Il semble égalementque l'on puisse améliorer beaucoup le système en réalisant quelques petitsajustements. Les IMF du Burkina Faso ayant atteint un niveau de sophisticationrelativement élevé, peut-être le moment est-il venu pour elles de prendre cegenre de décision. Malheureusement, ADR-TOM n'a pas aujourd'hui la capacitéde mener à bien un projet de cette envergure.

Peut-on imaginer de lancer un produit d'assurance similaire sans l'associer à unprogramme de crédit? Peut-on développer un produit d'assurance qui seraitaccessible à tous, quelle que soit la manière dont le client potentiel aura financél'achat de son ou ses bœufs? Si les primes sont raisonnables, la demande pourun tel produit peut être très importante. Pourquoi ne pas aller plus loin et imaginerque l'on assure d'autres animaux, comme les ânes ou le bétail? Il semble acquis,cependant, que dans ce cas le vol de bétail ne pourrait être couvert. Bien que levol de bétail soit un risque avéré et en plein développement, le risque moral estpeu contrôlable puisqu'il est difficile de déterminer si un propriétaire volé avait pristoutes les précautions nécessaires pour protéger son bien.

Le rôle joué par les "groupes villageois" doit également être examiné. Si, commesuggéré plus haut, le pool de risques est élargi au-delà de la dimensionvillageoise, ces groupes ont-ils encore une utilité en tant que mécanisme de luttecontre le risque moral? La question est importante et reste ouverte. Comme noté

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plus haut, la nature collective du programme a certainement été très utile, mêmesi l'impossibilité de disposer d'un pool de risques suffisant a été à la base del'échec des plus petits de ces groupes.

Annexe

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