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29 PREMIERE PARTIE LES DETERMINANTS TRADITIONNELS DE LA CROISSANCE: LES MODELES A LEPREUVE DUN SIECLE DE DONNEES

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PREMIERE PARTIE

LES DETERMINANTS TRADITIONNELS DE LA CROISSANCE:

LES MODELES A L’EPREUVE D’UN SIECLE DE DONNEES

30

31

L'objectif de cette thèse étant la croissance de long terme, il semble opportun

d'amorcer ce travail par une étude descriptive des facteurs traditionnellement invoqués pour

expliquer le dynamisme des économies. Un tel exercice est essentiel pour deux raisons.

D’abord, il permet une approche globale des phénomènes étudiés. La dimension temporelle

de notre travail étant dominante, une étude historique des pays de l’échantillon apporte un

premier éclairage nécessaire à une meilleure compréhension de la problématique étudiée.

L'analyse descriptive donne, ensuite, une intuition des relations à l’œuvre et permet, de ce fait,

de justifier les formes technologiques et les méthodes économétriques employées dans la

partie empirique de cette étude.

Cette partie (chapitre I) débute par une étude des indicateurs disponibles. La longueur de la

période étudiée impose une contrainte non négligeable sur les séries à disposition. Trois

variables sont particulièrement entachées d’une contrainte de disponibilité: l'investissement,

l'ouverture économique et le capital humain. Outre les erreurs potentielles liées à une

mauvaise collecte, chacune de ces variables doit faire face à une problématique particulière:

l'investissement pose la question d'un retour aux données de stock de capital physique tandis

que l'ouverture économique et le capital humain dépendent de manière cruciale des

indicateurs censés les représenter. Nous exposons donc pour chacune de ces variables les

problématiques empiriques qui les entourent et les solutions apportées dans le cadre de ce

travail.

L'analyse de ces séries se poursuit (chapitre II) ensuite par une rapide peinture des tendances

historiques enregistrées au cours du vingtième siècle. Un plan historique chronologique

s'impose tant les repères temporels paraissent marqués au cours de cette période. Les deux

guerres mondiales agissent comme des coupures nettes qui permettent de délimiter une fin de

dix-neuvième siècle stable, un entre deux guerres agité et contradictoire et une période de fort

dynamisme extraverti amorcée après la reconstruction. L’analyse historique constitue un

tremplin pour l’étude économétrique ultérieure: elle apporte un premier ensemble

d’explications aux évolutions observées et oriente de ce fait les tests mis en place pour capter

l’influence des facteurs de croissance.

Enfin, cette approche descriptive et historique de la croissance s'achève (chapitre III) par une

revue des principaux modèles et tests existant sur le sujet. Notre objectif est de vérifier si les

modèles économétriques habituellement utilisés pour étudier les déterminants de la croissance

restent valides sur le long terme. Cela donne lieu à un développement centré autour de deux

moteurs traditionnels: l’éducation et l’ouverture économique.

32

33

Chapitre I: Construction de la base de données: contraintes et pragmatisme

liés aux séries de long terme

Les études empiriques de la croissance - et de manière générale, les études macro-

économétriques - sont contraintes par la quantité ainsi que la qualité des données disponibles.

Afin d'augmenter le nombre de degrés de liberté de leurs régressions, les économètres ont

souvent recours à un élargissement de leur base de données dans le sens d'une prise en compte

du plus grand nombre de pays possible. Un tel choix n'est pas sans poser problèmes. En effet,

les équations de croissance font généralement appel à des hypothèses d'homogénéité

technologique et de proximité de l'équilibre qui s'accommodent mal de la multiplication

d'individus disparates. De plus, l'étude des sources de la croissance comporte une dimension

temporelle largement ignorée par ces travaux. Celle-ci est assimilée implicitement à la

dimension transversale selon l'idée que les pays en développement aujourd'hui correspondent

à ce qu'ont été les pays développés lorsqu'ils ne l'étaient pas encore. Cette assimilation

représente cependant une hypothèse contraignante en ce qu'elle laisse de côté toute possibilité

de rupture structurelle et d'effet d'apprentissage lors du processus de croissance.

Notre travail se démarque à cet égard car il repose sur une orientation inverse: il favorise

l'aspect temporel de la croissance au lieu de la dimension transversale. Le coût en est la faible

représentativité de notre échantillon. Un tel choix nous oblige, en effet, à réduire le nombre de

pays étudiés à une vingtaine, et nous incite à nous intéresser essentiellement à l'avenir des

pays les plus développés au début du vingtième siècle. Cette orientation ne résout pas non

plus le problème d'hétérogénéité technologique rencontré par les études transversales: il est

certainement tout aussi délicat de supposer une homogénéité technologique sur long terme

qu'entre pays différents. Cependant, la prise en compte d'une période temporelle longue nous

permet d'éviter l'assimilation entre dimensions transversale et longitudinale et de nous

restreindre à un nombre de pays plus petit. Les résultats obtenus seront donc, d'une part, plus

rigoureux sur le plan de la description des évolutions de long terme et, d'autre part, mieux

adaptés aux pays étudiés (car ils ne seront pas le fruit de moyennes effectuées sur des

économies fortement disparates).

Ayant fait ce choix d'une dimension temporelle longue, les problématiques étudiées sont

fortement contraintes par la disponibilité des données. Nous menons, dans ce qui suit, une

revue systématique des données à disposition et des indicateurs qu'il a été possible de

34

construire à partir des variables disponibles. Seule la variable de PIB n'est pas discutée. Elle

est issue de l'ouvrage de Maddison (1995) qui a effectué à son propos un travail colossal

d'homogénéisation à la fois en temporel et en transversal (prise en compte des différences de

définition entre comptabilités nationales, des déplacements de frontières, des écarts de

pouvoir d'achat entre pays…). Les données issues de ces recherches sont communément

adoptées au sein des études empiriques de la croissance de long terme8. Par opposition, les

variables d'investissement, de capital humain et d'ouverture économique se présentent comme

largement moins consensuelles au sein de la littérature.

A. La variable d'investissement et le retour aux données de stock

L’investissement est le déterminant traditionnel de la croissance. Il correspond au moteur

essentiel du modèle de Solow (1956) et revient systématiquement, malgré son caractère

clairement endogène, dans toute analyse de la croissance. Le lien entre accumulation de

capital physique et croissance économique est direct et linéaire: plus d’investissement entraîne

automatiquement une croissance plus importante du niveau de production. Cette relation n'est,

néanmoins, vraie que sur le chemin de transition vers l'équilibre. A l'équilibre même,

l'accumulation de capital vise uniquement au remplacement du matériel existant et ne

constitue pas un moteur de croissance. La croissance économique en ce point ne dépend que

de facteurs exogènes tels le taux de croissance démographique, le taux de progrès technique et

le taux de dépréciation du capital physique. Cependant, comme le soulignent Barro et Sala-i-

Martin (1995), les prédictions du modèle de Solow (1956) concernant l'équilibre sont

relativement peu intéressantes car, concrètement, les pays n'ont pas encore atteint cette

trajectoire de croissance stable. Les enseignements du modèle de Solow (1956) proviennent

essentiellement de sa prédiction d'un processus de convergence conditionnelle dans la zone de

transition vers l'équilibre. Au cours de ce processus là, le taux de croissance du PIB par tête

est tiré par la relation suivante:

(I.1)

8 Voir Ben-David et Papell (1995) et Romer et Sala-I-Martin (1995) entre autres…

k

k

kf

kfk

y

y°°

= *)(

)(’*

35

Où y est le PIB par tête, k le capital physique par tête et f(k) une fonction de production,

homogène, continue, croissante et concave en k.

Ce qui donne, dans le cas où la fonction de production considérée est une Cobb-Douglas à

rendements constants, une relation linéaire directe entre accumulation du PIB par tête et

investissement en capital physique par tête:

(I.2)

Où α est le coefficient affecté au capital dans la fonction de production.

Bien qu'essentielle au sein des régressions de croissance, la variable d'accumulation de capital

physique fait l'objet de nombreuses critiques. Parmi celles-ci, reviennent régulièrement

l'inadéquation d'un taux d'investissement dans le PIB pour approximer l'accumulation de

capital physique et les erreurs de données dont sont entachées les séries d'investissement.

Dans ce qui suit, nous discutons des données disponibles et de leur pertinence au regard des

critiques précédentes.

1. Les données d’investissement utilisées

La variable d'investissement à laquelle nous avons recours est issue de différentes bases de

données selon la période considérée. Cependant, les sources retenues partagent un point

commun: elles donnent accès aux parts d'investissement dans le PIB et non directement à des

taux de croissance du capital physique.

a. L’avant guerre : la base de Jones et Obstfeld (1997)

Pour ce qui est de l'intervalle 1880-1945, les données d'investissement proviennent de Jones et

Obstfeld (1997). Elles concernent 10 pays de l'OCDE et constituent le facteur limitatif qui a

décidé de la taille de la base de données. Trois pays (Belgique, Espagne, Pays Bas) ont ainsi

du être supprimés de l’échantillon car leurs statistiques, disponibles en termes de PIB par

habitant et d’exportations, faisaient défaut en ce qui concerne l’investissement.

k

k

y

y°°

36

b. L'après guerre: les données de la Banque Mondiale contre celles de Nehru et Dhareshwar

(1993)

Après 1945, plusieurs bases de données sont disponibles, parmi lesquelles celle de la Banque

Mondiale et celle de Nerhu et Dareshwar (1993). Ces sources fournissent des données

relativement disparates, puisque les représentations graphiques (feuille de graphes I.1) qui en

découlent se distinguent en niveau. Cependant, ces deux séries de courbes étant relativement

parallèles, elles recensent des évolutions de la part de l'investissement identiques au cours du

temps. Les méthodes statistiques utilisées dans la suite de cette étude - et notamment

l’estimation de modèles à effets fixes - s'appuient principalement sur les variations des

indicateurs et non sur leurs niveaux absolus. Les deux séries présentées ci-dessus devraient

donc mener à des résultats similaires au sein des régressions économétriques.

c. La relation entre taux d'investissement et accumulation de capital physique

Traditionnellement, la variable d'accumulation de capital physique utilisée au sein des

régressions de croissance correspond au taux d'investissement (c'est à dire à la part

d'investissement dans le PIB). Cependant, cette assimilation est techniquement erronée

puisque la variable à prendre en compte devrait être le taux de croissance du capital physique.

Dans la suite, nous essayons d’évaluer le biais qu’une telle approximation peut entraîner sur le

coefficient structurel affecté à la variable d'accumulation de capital physique.

Par définition, au sein d'une fonction Cobb-Douglas:

(I.3)

Où Y est la production, K le capital physique, L le travail, A le facteur technologique, I

l'investissement, δ le taux de dépréciation, et s la propension à épargner.

KsYKIKavec

L

L

K

K

A

A

Y

YLAKY

∂−=∂−=

++=⇒=

°

°°°°

:

βαβα

37

Série de graphes I.1: Comparaison des données d’investissement concernant la périoded'après guerre, Banque Mondiale contre Nehru et Dhareshwar (1993)

Canada Etats-Unis

France Royaume-Uni

Allemagne Japon

.... Données de Nehru et Dhareshwar (1993)__ Données issues de la Banque Mondiale

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

1950

1951

1952

1953

1954

1955

1956

1957

1958

1959

1960

1961

1962

1963

1964

1965

1966

1967

1968

1969

1970

1971

1972

1973

1974

1975

1976

1977

1978

1979

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

1950

1951

1952

1953

1954

1955

1956

1957

1958

1959

1960

1961

1962

1963

1964

1965

1966

1967

1968

1969

1970

1971

1972

1973

1974

1975

1976

1977

1978

1979

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0,35

1950

1951

1952

1953

1954

1955

1956

1957

1958

1959

1960

1961

1962

1963

1964

1965

1966

1967

1968

1969

1970

1971

1972

1973

1974

1975

1976

1977

1978

1979

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

1950

1951

1952

1953

1954

1955

1956

1957

1958

1959

1960

1961

1962

1963

1964

1965

1966

1967

1968

1969

1970

1971

1972

1973

1974

1975

1976

1977

1978

1979

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0,35

1950

1951

1952

1953

1954

1955

1956

1957

1958

1959

1960

1961

1962

1963

1964

1965

1966

1967

1968

1969

1970

1971

1972

1973

1974

1975

1976

1977

1978

1979

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0,35

0,4

0,45

1950

1951

1952

1953

1954

1955

1956

1957

1958

1959

1960

1961

1962

1963

1964

1965

1966

1967

1968

1969

1970

1971

1972

1973

1974

1975

1976

1977

1978

1979

38

Si l'on ne s'intéresse qu'à la partie accumulation de capital physique de cette équation et que

l'on néglige la dépréciation du capital physique,

(I.4)

Ce qui nous donne la relation entre taux d'investissement et accumulation de capital physique

suivante:

(I.5)

L'indicateur d'accumulation de capital physique utilisé dans les régressions économétriques

correspond à la vraie valeur du taux de croissance du capital multipliée par l'intensité

capitalistique. Le coefficient structurel obtenu lors des régressions économétriques devrait, de

ce fait, être multiplié par l'inverse de la part de capital dans le PIB pour correspondre à l'effet

véritable recherché, ce qui signifie que les estimations de croissance telles qu'elles sont

menées traditionnellement surestiment l'impact de l'accumulation de capital physique sur la

croissance (la part du capital physique dans le PIB est, en effet, supérieure à l’unité).

Néanmoins, le biais n'est pas si simple à calculer car l'intensité capitalistique varie dans le

temps. Il ne s'agit donc pas seulement de corriger le coefficient structurel associé à

l'investissement d'un facteur constant. La remarque précédente reste cependant vraie en

moyenne.

La construction d'un meilleur indicateur de l'accumulation de capital physique impliquerait

donc le retour à des stocks de capital physique, de manière à diviser les données

d'investissement par le niveau de capital physique atteint par l'économie.

2. La reconstitution de séries de capital physique

A partir des données d'investissement, nous avons tenté de reconstituer des séries de capital

physique de long terme. Un tel exercice permettrait de passer d'une analyse des déterminants

de la croissance à une étude de la fonction de production en elle-même. A terme, les variables

de stock pourraient permettre la détermination de relations de cointégration et d'un modèle à

correction d'erreur. Un second intérêt de cet exercice est de vérifier la validité des niveaux

d’investissement utilisés. En effet, l’obtention de données de stocks crédibles pourrait

K

I

K

K =°

Y

K

K

I

Y

I*=

39

constituer une première confirmation du caractère raisonnable des valeurs d’investissement

disponibles.

a. L’extrapolation de la méthode de Nehru et Dareshwar (1993) sur la période d’avant guerre

Afin de reconstituer des variables de stock, nous utilisons la méthode de Nehru et Dareshwar

(1993). Il s'agit de prendre, pour point de départ, le taux de dépréciation du capital utilisé par

ces auteurs et la série de capital qu'ils ont construite pour l'après guerre. La reconstitution des

séries d'avant guerre consiste ensuite en une déduction des niveaux de capital physique à

partir du taux d'investissement et de la donnée de capital physique de l'année précédente. La

méthode est donc une incrémentation mais effectuée à rebours selon la formule suivante :

(I.6)

Avec Kt, le niveau de capital physique en t, It celui de l'investissement et δ, le taux de

dépréciation du capital physique.

Malheureusement, la reconstitution des données de stock, telle qu’elle est effectuée selon

cette méthodologie, débouche sur des résultats aberrants. La déduction des statistiques de

capital physique à partir des données de Nehru et Dareshwar (1993) entraîne l’obtention, soit

de valeurs négatives (cas de la France et du Danemark), soit de valeurs supérieures en début

de période à celles de fin de période (Royaume Uni, Canada, Etats Unis). Un tel résultat

s’explique en partie par l’utilisation, inadéquate en termes économiques et statistiques, d’un

taux de dépréciation de capital physique constant sur toute la période étudiée et pour tous les

pays considérés. Les courbes obtenues indiquent que pour certains pays les taux de

dépréciation choisis par Nehru et Dareshwar (1993) sont trop élevés pour être conservés tels

quels avant guerre (cas du Canada, des Etats Unis et du Royaume Uni) et que pour d’autres ils

sont trop faibles (cas de la France, du Danemark).

∂−−

= ++

111 tt

t

IKK

40

Série de graphes I.2: Extrapolation des stocks de capital physique avant la seconde guerremondiale selon la méthode de Nehru et Dhareshwar (1993) pour quatre pays de l’échantillon

b. Un cas de sous-évaluation du taux de dépréciation: la France

Si l'on se restreint à l’exemple de la France, le résultat en termes de sous-évaluation du taux

de dépréciation se comprend dans la mesure où la deuxième guerre mondiale a occasionné

d'importantes destructions sur le territoire français, entraînant de ce fait plus qu’un

ralentissement de l’investissement, une destruction du capital physique. Ces destructions

peuvent être assimilées à des cas extrêmes de dépréciation du capital physique et de ce fait

portent le taux de dépréciation à des valeurs largement supérieures à 5%. D’ailleurs, si l’on se

réfère à l’étude historique de Pierre Villa (données répertoriées sur le site du CEPII), la

France aurait connu des taux de dépréciation de l’ordre de 10% durant les années de guerre.

Cependant, lorsque les taux de dépréciation plus adéquats recensés par cet auteur sont utilisés

dans le calcul précédent ils mènent eux aussi à des résultats aberrants. Ils aboutissent à une

forte décroissance des niveaux de capital physique tout au long du XXème siècle (feuille de

graphes I.3). Si, par contre, les taux variables de Pierre Villa ne sont utilisés que pour calculer

Canada

0

200 000

400 000

600 000

800 000

1 000 000

1 200 000

1 400 000

1880

1883

1886

1889

1892

1895

1898

1901

1904

1907

1910

1913

1916

1919

1922

1925

1928

1931

1934

1937

1940

1943

1946

1949

1952

1955

1958

1961

1964

1967

1970

1973

1976

1979

Etats unis

0

5 000 000

10 000 000

15 000 000

20 000 000

25 000 000

1880

1883

1886

1889

1892

1895

1898

1901

1904

1907

1910

1913

1916

1919

1922

1925

1928

1931

1934

1937

1940

1943

1946

1949

1952

1955

1958

1961

1964

1967

1970

1973

1976

1979

France

-30 000 000

-25 000 000

-20 000 000

-15 000 000

-10 000 000

-5 000 000

0

5 000 000

10 000 000

15 000 000

1880

1883

1886

1889

1892

1895

1898

1901

1904

1907

1910

1913

1916

1919

1922

1925

1928

1931

1934

1937

1940

1943

1946

1949

1952

1955

1958

1961

1964

1967

1970

1973

1976

1979

Royaume Uni

0

100 000

200 000

300 000

400 000

500 000

600 000

700 000

800 000

900 000

1 000 000

1880

1883

1886

1889

1892

1895

1898

1901

1904

1907

1910

1913

1916

1919

1922

1925

1928

1931

1934

1937

1940

1943

1946

1949

1952

1955

1958

1961

1964

1967

1970

1973

1976

1979

41

les niveaux de capital physique d'avant guerre, la courbe obtenue laisse apparaître des

données de capital physique négatives avant les années 1920.

Série de graphes I.3: Extrapolation des stocks de capital physique avant la seconde guerremondiale dans le cas de la France, selon le taux de dépréciation choisi

Projection des niveaux de capital physique dans le cas de la France, depréciation variable

0

50 000 000

100 000 000

150 000 000

200 000 000

250 000 000

300 000 000

350 000 000

400 000 000

1880

1883

1886

1889

1892

1895

1898

1901

1904

1907

1910

1913

1916

1919

1922

1925

1928

1931

1934

1937

1940

1943

1946

1949

1952

1955

1958

1961

1964

1967

1970

1973

1976

Projection des niveaux de capital physique dans le cas de la France, dépreciation semi variable

-20 000 000

-15 000 000

-10 000 000

-5 000 000

0

5 000 000

10 000 000

15 000 000

1880

1883

1886

1889

1892

1895

1898

1901

1904

1907

1910

1913

1916

1919

1922

1925

1928

1931

1934

1937

1940

1943

1946

1949

1952

1955

1958

1961

1964

1967

1970

1973

1976

1979

42

b. Deux cas de surévaluation du taux de dépréciation: le Canada et les Etats Unis

Dans le cas du Canada, il n’existe pas de séries longues de taux de dépréciation. Cependant,

ce pays n’ayant pas connu de destructions directes sur son territoire lors des deux guerres

mondiales, il n’y a pas de sous-estimation de son taux de dépréciation durant ces périodes. La

reconstitution par extrapolation de son capital physique d’avant guerre laisse même supposer

une surestimation de ce taux puisque la courbe apparaît fortement décroissante avant les

années 1950. Une étude plus approfondie des séries d’investissement du Canada mène à la

conclusion que tout taux de dépréciation supérieur, en moyenne, à 2.2%, entraîne l'obtention

d'une courbe en U inversé. Un taux de 2% mène aux résultats consignés dans le graphe I.4.

Une étude similaire appliquée au cas des Etats Unis conduit à un taux critique de dépréciation

de 2%.

Série de graphe I.4: Extrapolation des stocks de capital physique avant la seconde guerremondiale dans le cas du Canada avec taux de dépréciation égal à 2%

Finalement, il apparaît plus conforme à la réalité de considérer le taux de dépréciation comme

variable au cours du temps. Effectivement, l'étude de cas précis tels le Canada, la France et les

Etats-Unis suggère une dépréciation du capital physique plus faible avant la seconde guerre

mondiale que sur la période suivante sur laquelle l’hypothèse de Nehru et Dareshwar (1993)

0

200 000

400 000

600 000

800 000

1 000 000

1 200 000

1880

1883

1886

1889

1892

1895

1898

1901

1904

1907

1910

1913

1916

1919

1922

1925

1928

1931

1934

1937

1940

1943

1946

1949

1952

1955

1958

1961

1964

1967

1970

1973

1976

1979

43

d’un taux à 5% est crédible. Un tel résultat peut se justifier par l’adoption après guerre de

techniques de plus en plus élaborées - liées notamment au développement de l’informatique -

qui, de ce fait, ont probablement connu une obsolescence plus rapide. Il faut aussi compléter

cette analyse, dans le cas de certains pays européens (France, Italie, Allemagne, Belgique),

par l'adoption de taux de dépréciation particulièrement élevés pendant la guerre pour prendre

en compte les destructions massives de capital intervenues alors.

Cependant, la recherche de taux de dépréciation appropriés est un travail fastidieux, aux

résultats incertains. Au lieu de faire des hypothèses trop contraignantes et d’ajouter à

l’imprécision des données en "inventant" des taux de dépréciation plausibles, nous avons

préféré nous contenter des données d’investissement. Toutefois, l'absence de données précises

relatives aux taux de dépréciation du capital physique contraint de manière notable notre

étude en rendant impossible le retour à des variables de stock. La suite de ce travail se

concentre donc sur des analyses de flux et ne peut permettre un retour aux fonctions de

production de long terme.

Ce résultat jette également un doute sérieux sur la pertinence des données d’investissement

disponibles. En effet, si le caractère peu plausible d’un taux de dépréciation constant sur toute

la période semble être une des raisons pour lesquelles il n'est pas possible de reconstituer des

variables de stock, la mauvaise qualité des données pourrait, elle aussi, expliquer un tel

résultat. La suite de ce travail, et notamment l'estimation économétrique, nous aidera

certainement à trancher ce débat.

B. La variable de capital humain, stock ou flux ?

La recherche des déterminants fondamentaux de la croissance, ainsi que la volonté de fonder

des modèles de divergence ont conduit certains économistes à se tourner vers le capital

humain comme moteur potentiel de la croissance. Celui-ci est ainsi devenu, au même titre que

l'investissement, un déterminant fondamental des performances économiques des pays.

Cependant, la multiplication des modèles prenant en compte ce facteur a entraîné un

foisonnement des spécifications dans lesquelles il intervenait et a créé un doute sur les

caractéristiques de l'indicateur susceptible de le représenter. Mankiw, Romer et Weil (1992)

l'ont incorporé au modèle de Solow (1956) sous la forme d'un facteur de production. Deux

44

spécifications alternatives issues du modèle ainsi déterminé le font tour à tour apparaître sous

la forme d'un investissement (approximé par un taux de scolarisation) et d'un stock (nombre

d'années d'école accumulées par la population active). Cependant, les résultats paradoxaux

mis à jour sur données de panel, ainsi que le caractère peu convaincant d'une convergence

conditionnelle qu'il est nécessaire de contrôler par l'ajout de multiples dummies pays, ont

remis en cause la pertinence du modèle de Solow (1956) augmenté. Les économistes se sont

alors tournés vers des spécifications issues directement des fonctions de production pour

déterminer l'impact du capital humain sur la croissance. Ces modèles ne se référent plus à une

proximité de l'équilibre, mais s'appuient sur une transformation de la fonction de production

en modèle dynamique, pour dériver la spécification utile à l'estimation économétrique. Il n'en

reste pas moins un doute persistant sur la nature du concept de capital humain et par

conséquent sur le type d'indicateur à utiliser lors des estimations économétriques.

1. Quel indicateur de capital humain adopter ?

Le capital humain, tel qu'il a été conçu par les théoriciens de la croissance endogène est un

concept à multiples facettes. Lorsqu'il s'apparente à du learning or doing, il se réfère

explicitement aux années passées par les individus au sein des institutions scolaires.

Cependant, il recouvre aussi le phénomène de learning by doing et, de ce fait, s'apparente à de

l'apprentissage. Mais son influence sous forme d'externalité fait aussi appel à un concept

beaucoup plus large, mêlant la capacité des individus à adopter de nouvelles technologies,

leur adaptation au système et leur aptitude à la communication. Dans ces conditions, la

validation empirique des modèles traditionnels se heurte à la difficulté de choisir un indicateur

pertinent de capital humain.

a. La nature multiple du capital humain

La nature du capital humain est peu ou mal spécifiée. Alors que les études empiriques

macroéconomiques se focalisent sur les données concernant l'éducation pour tenter d'estimer

cette grandeur et son impact sur les performances économiques, les économistes s'accordent

sur le fait que le capital humain ne se réduit pas à l'enseignement. Il relève autant des

connaissances acquises que du domaine de la santé. Ensuite, même si la notion de capital

humain se limitait à celle de "qualifications", l'éducation ne correspondrait alors qu'à un mode

spécifique d'acquisition du capital humain. En effet, l'apprentissage et l'acquisition des

45

connaissances hors milieu scolaire participent également du processus d'accumulation du

savoir. Intervient aussi dans ce panorama le phénomène d'obsolescence du savoir, peu étudié,

mais essentiel pour estimer la qualité de la main d'œuvre.

De plus en plus, les études empiriques tentent d'intégrer des indicateurs de qualité au sein de

leurs estimations statistiques. Islam (1995) souligne, à ce propos, que l'absence de prise en

compte d'une dimension qualitative lors des estimations économétriques pourrait expliquer

que la variable de capital humain ne soit plus significative au sein des régressions de

croissance: des pays peuvent artificiellement augmenter le nombre d'années d'éducation sur la

période tout en laissant la qualité de l'enseignement s'effondrer9. Là encore la tâche est ardue

car se pose à présent la question de la mesure quantitative la plus pertinente pour rendre

compte de la qualité d'un savoir. Au niveau de l'éducation scolaire même, il est difficile

d'affirmer avec certitude que la quantité des inputs - locaux, matériel, professeurs, etc. -

entretient un lien systématique avec la qualité des enseignements dispensés ; bien qu'en la

matière, les études micro-économiques aient évolué d'une position très sceptique (Hanushek,

1986 et 1996) à une réhabilitation de l'importance de ces facteurs (Case et Deaton, 1999).

Sur le long terme, il nous est impossible de prendre en compte la qualité des institutions

éducatives au sein de nos régressions. Il est, cependant, probable que la proximité des pays

étudiés limite l'importance des écarts qualitatifs. A cet égard, les pays d’Amérique Latine,

ainsi que le Japon en début de période, constituent sans doute une entorse au principe

d’homogénéité.

b. L'arbitrage stock de capital humain, taux de scolarisation

L’emploi d’un estimateur de capital humain conduit traditionnellement au dilemme du choix

entre variable de stock et taux de scolarisation. Cette dernière option est cependant

problématique dans la mesure où les modèles de croissance généralement testés se réfèrent à

des niveaux d’éducation atteints et non aux investissements éducatifs. Or, les taux de

scolarisation s’apparentent à des flux plus qu’à des variables de stock. Pritchett (1996a)

énonce une position encore plus radicale, puisque selon lui, les taux de scolarisation ne

correspondent à aucune réalité économique. Ils ne constituent pas des flux car le lien entre

nombre d'années d'éducation de la population et pourcentage de la population en âge d'être

scolarisé effectivement inscrit à l'école n'est pas direct. Il ne s'agit pas non plus de stocks, et

9 De manière similaire, Behrman et Birdsall (1983) démontrent au sein d'équations de salaire appliquées auBrésil l'importance de l'ajout d'une variable qualitative pour expliquer les rendements de l'éducation.

46

Pritchett (1996a) montre même qu'il existe une corrélation négative entre taux de croissance

du stock et taux de scolarisation initial, grandeur sur laquelle sont basées les études

transversales de la relation entre taux de croissance économique et niveau de capital humain.

A cette fin, il explicite l'exemple de la Grande Bretagne qui est caractérisée par un fort taux de

scolarisation dans les années 1960, mais enregistre un accroissement faible de son stock au

cours des années qui suivent. A contrario, la Corée présente un taux de scolarisation

relativement faible en 1960, et un accroissement appréciable de son stock de capital humain

sur la période. Par conséquent, l'utilisation de taux de scolarisation alors même que la variable

influente devrait être le stock de capital humain conduit à estimer l'inverse de l'effet que l'on

souhaitait à l'origine capter.

Cette critique est particulièrement contraignante sur une base de long terme. Il n’existe, en

effet, pas de données de stock sur la période précédant la seconde guerre mondiale. Leur

construction nécessiterait l’obtention d’une année de base afin de pouvoir, par incrémentation,

remonter aux données précédentes. Or, cette condition requiert une concordance parfaite entre

la nature des données de flux et celle de la valeur du stock, ce qui est particulièrement difficile

à obtenir sur le long terme. Ainsi, par exemple, nos variables d'éducation concernent le

pourcentage des 5-19 ans scolarisés dans le primaire et le secondaire sans prise en compte ni

des redoublements, ni du début ou de la fin effectifs des enseignements, ce qui n’est pas

compatible avec les données de stock de capital humain existantes10. De plus, les difficultés

rencontrées lorsqu'il s'est agi de reconstituer des stocks de capital physique laissent présager

le caractère hasardeux d'une démarche identique appliquée à des indicateurs de capital

humain, c'est à dire à des données dont la pertinence et la précision sont encore plus

contestées. Une méthode alternative aurait été de sacrifier une quarantaine d’années de

l’échantillon afin de générer des séries de stocks purement issues de nos données. Un tel

choix n’est cependant pas forcément souhaitable lorsque l’étude menée se propose d'identifier

les déterminants de long terme de la croissance. Au regard de ces limites, il nous a donc paru

plus sage de conserver les taux de scolarisation au sein des tests économétriques.

2. L’indicateur adopté et sa pertinence

La rareté relative des données de capital humain sur long terme nous a incité à adopter des

taux de scolarisation comme indicateur de l’éducation. Ceux-ci ne nous semblent, cependant,

10 Barro et Lee (1993), Nehru, Swanson et Dubey (1995)

47

pas être une approximation trop mauvaise au regard de leur corrélation avec les données de

stock existantes.

a. L’indicateur adopté

Les variables d’éducation utilisées dans le cadre de nos estimations économétriques sont

issues de la mise en commun de deux bases de données - Maddison (1995) et Banks (1995) -

et des statistiques de l’INED. Banks (1995) recense des séries d’étudiants scolarisés en

pourcentages de la population totale. Nous les corrigeons de la structure démographique en

nous référant aux données par âge de l’INED11. Nos estimateurs finaux s’apparentent ainsi à

des taux de scolarisation. Cependant, parce que de telles données sont assez peu précises sur

un siècle, nous ne pouvons conserver les trois estimateurs initialement présents dans la base

de Banks (1995): scolarisation dans le primaire, le secondaire et à l’université. Nous

agrégeons les deux premiers en une seule variable: le pourcentage des 5-19 ans inscrits dans

le primaire ou le secondaire.

b. La pertinence de l’indicateur adopté

Souhaitant tenir compte de l’objection de Pritchett (1996a), nous cherchons à identifier les

liens existant entre nos taux de scolarisation et les stocks de capital humain rassemblés par

différents auteurs. A cette fin, nous calculons les coefficients de corrélation reliant les deux

séries pour les périodes sur lesquelles la disponibilité des données le permet. Le premier

tableau (I.1) expose les résultats obtenus lors de la comparaison entre les taux de scolarisation

construits à partir de Banks et les stocks de capital humain recensés par Nehru, Swanson et

Dubey (1995). Les coefficients de corrélation sont construits à partir de données annuelles sur

la période 1960-1979. Le second tableau (I.2) recense les pays pour lesquels les données

annuelles ne sont pas disponibles. C'est donc la moyenne des taux de scolarisation qui est

comparée aux valeurs de stock construites par Barro et Lee (1993). Au sein de ces deux

tableaux, nous comparons la statistique issue des travaux de Banks (1995), c'est à dire le taux

11 Les données de structure démographique étaient manquantes pour plusieurs pays. Nous les avons extrapoléesen nous basant sur la proximité de structure démographique de certaines économies. Nous avons supposé que lesvariations de population a l’intérieur de chaque classe étaient les mêmes pour des pays suffisamment similaires,ce qui nous a permis d’appliquer les taux de croissance de la population déduits des pays de référence aux payspour lesquels il nous manquait des valeurs. Nous avons ainsi pu combler les données manquantes de l’Australieen nous référant au Canada (pour les années 1920-1935), celles de l’Argentine, du Brésil et du Venezuela en

48

de scolarisation dans le primaire et le secondaire, à, successivement, l'indicateur du nombre

d'années moyen passées dans le primaire, celui du secondaire et l'éducation totale.

Le tableau I.2 a une portée limitée dans la mesure où les coefficients de corrélation sont

calculés sur quatre points seulement. Cependant, dans la mesure où nous contestons

l’assimilation de la dimension transversale à la dimension temporelle, il ne nous paraît pas

pertinent de regrouper les données - fussent-elles d’une même région - afin d’augmenter

artificiellement le nombre de points. De plus, même sur un nombre réduit de points, les

résultats obtenus donnent une bonne idée des relations en présence puisque le même niveau

de corrélation se retrouve pour plusieurs pays différents.

Il existe globalement une forte corrélation entre taux de scolarisation et nombre d'années

d’éducation. Cette corrélation est particulièrement forte lorsque la variable d'éducation qui

introduit le plus de variance au sein de l'estimateur agrégé est prise en compte. Ainsi, au sein

de notre variable d'éducation, c'est le secondaire qui a connu l'évolution la plus forte entre

1960 et 1979. C'est donc cette tendance qui imprime son mouvement à la variable agrégée et

justifie une corrélation avec le nombre d'années d'éducation secondaire. Le même phénomène

se retrouve dans les deux tableaux que les données de référence soient celles de Nehru,

Swanson et Dubey (1995) ou de Barro et Lee (1993).

Tableau I.1: coefficients de corrélation entre le nombre d'années moyen d'éducation de la population de Nehru,Swanson et Dubey (1995) et les taux de scolarisation construits à partir de Banks (1995) sur la période 1960-79

Canada Danemark France Allemagne Italie Japon Norvège UK US Suède

1aire -.489 -.773 -.785 -.796 .076 -.402 -.908 -.692 .6982aire .327 .964 .934 .704 .987 .396 .946 .832 -.742 .958Total .245 .974 .082 -.795 .965 .438 .952 .145 -.921

Tableau I.2: coefficients de corrélation entre le nombre d'années d'éducation de Barro et Lee (1993) et les tauxde scolarisation construits à partir de Banks (1995) en moyennes quinquennales sur la période 1960-1975

Argentine Australie Belgique Brésil Chili Pays Bas Espagne Venezuela

1aire .916 -.069 .455 .990 .942 -.663 .910 .8602aire .977 .894 -.519 .990 .905 .758 .920 .914Total .932 .818 -.564 .992 .915 -.072 .939 .872

nous appuyant sur les données chiliennes, et les données de la Finlande d’avant guerre ont pu être extrapolées àpartir des données suédoises.

49

Il est remarquable que, mis à part les Etats Unis et la Belgique, qui connaissent des

corrélations négatives, et le Canada et le Japon, dont la corrélation n'est que de,

respectivement .327 et .396, les autres pays aient connu une évolution parallèle de leur stock

de capital humain et de leurs taux de scolarisation. Nos résultats semblent donc suggérer un

effet inverse de celui souligné par Pritchett (1996a).

Dans le cas des Etats Unis, qui semble, au contraire, confirmer la thèse de Pritchett (1996a), il

paraît possible de justifier les statistiques obtenues au vu de leur forte propension à attirer les

travailleurs les plus qualifiés des autres pays (phénomène de brain drain). En effet, l'afflux de

capital humain, alors même qu'il n'est pas issu des écoles américaines, est de nature à faire

croître le stock de capital humain du pays. Le taux de scolarisation est, quant à lui, purement

régi par le taux de présence des Américains au sein de leur système éducatif et ne dépend

nullement de l'afflux de travailleurs qualifiés étrangers. Ainsi, l'observation des données nous

donne à contempler la relative baisse des taux de scolarisation américains alors même que le

stock de capital humain de la région ne cesse de croître.

Un test alternatif d'intégration des séries nous permet de confirmer la similarité de

comportement entre taux de scolarisation et stocks de capital humain. En effet, les résultats

reportés au sein du tableau I.3 suggèrent l'existence d'une racine unitaire dans neuf cas sur

dix, ce qui indique des séries dont l'évolution présente repose largement sur l'histoire passée.

Tableau I.3: Test de Dickey Fuller appliqué aux taux de scolarisationDF P-value Lag

Allemagne -2.09 .55 2Canada -1.66 .77 2Danemark -1.70 .75 3USA -.94 .95 2France -1.20 .91 2Italie -.90 .96 2Japon -3.8 .02 7Norvège .009 .99 2Royaume-Uni -2.76 .21 3Suède -1.35 .87 2

DF: statistique de Dickey Fuller, Lag: nombre de retards pris en compte

Statistiquement, les taux de scolarisation semblent donc répondre à une logique

d'accumulation. Sur le plan théorique, un tel résultat peut se comprendre dans une perspective

où la part de capital humain alloué à l'éducation est proportionnelle au stock de capital

humain présent dans l'économie. Dans ce cas là, en effet, les deux grandeurs enregistrent des

évolutions communes. Une telle hypothèse n'est pas dénuée de sens, surtout à long terme,

50

horizon sur lequel le niveau de scolarisation est certainement limité par la quantité de capital

humain disponible. En effet, si l'on suppose que le capital humain est le principal ingrédient

de la scolarisation - ce qui se justifie par le fait que les professeurs constituent l'un des

principaux inputs de l'éducation - et si, d'autre part, le ratio élèves / professeurs reste constant,

il est vraisemblable que le nombre de professeurs détermine le nombre d'élèves et par

conséquent le taux de scolarisation. Cette relation se retrouve d'ailleurs au sein du modèle de

Lucas (1988) puisque l'hypothèse fondatrice de son modèle consiste en une équation

d'accumulation du capital humain qui fait dépendre la variation de H de son niveau. Si cette

variation est assimilée à de l'investissement éducatif, nous retrouvons l'hypothèse d'une

relation linéaire entre scolarisation et capital humain présent dans l'économie.

L’objection de Pritchett (1996a) nous est apparue principalement pertinente dans le cas d'une

étude transversale puisque l'introduction de la dimension temporelle fait disparaître la relation

négative entre l'évolution du taux de scolarisation et celle du stock de capital humain. Ainsi, si

l'on retourne à l'exemple décrit par Pritchett (1996a), on s'aperçoit que l'évolution des taux de

scolarisation de la Grande Bretagne et de la Corée a suivi celle des stocks: parce que la

Grande Bretagne avait déjà atteint un niveau de scolarisation élevé, les variations de celui-ci

se sont affaiblies – de même que l'accroissement du stock était limité – et symétriquement

dans le cas de la Corée. Ce développement tend à prouver que les taux de scolarisation

s'apparentent – dans leur dimension temporelle – à des stocks plus qu'à des flux. Ce résultat

nous incite, dans la suite de ce travail, à utiliser nos données d’éducation comme des

approximations du stock de capital humain.

C. Les exportations et la problématique de l'ouverture commerciale

L’étude des relations entre commerce extérieur et croissance présente, avant tout, un enjeu de

politique économique. En effet, s’il est possible d’établir une influence positive de l’ouverture

économique sur la croissance, alors les politiques de libéralisation commerciale se trouvent

justifiées. En revanche, si le commerce avec l’étranger peut s’avérer négatif pour un pays, le

protectionnisme devient légitime. Le débat opposant ouverture économique et développement

autocentré a été très vif jusque dans les années 1980, notamment parce que l'ouverture

économique semblait mettre en danger l’indépendance des PVD au lendemain même de leur

51

décolonisation. Lorsqu’il est apparu que les pays ayant préféré le développement extraverti au

protectionnisme enregistraient des taux de croissance plus élevés, les thèses libérales se sont

imposées. Elles ont pris appui sur les résultats contrastés des PVD pour démontrer la

supériorité du libre échange sur les politiques de substitution aux importations. En effet, les

décennies 1960 et 1970 ont été marquées par une croissance accélérée des nouveaux pays

industrialisés d’Asie alors que le continent africain et la région sud-américaine, où beaucoup

de pays avaient fait le choix d'une stratégie basée sur la politique de substitution aux

importations, ont du faire face à des taux de croissance très faibles, voire même négatifs. Ce

contraste entre le dynamisme des pays d’Asie en partie imputable, apparemment, à leur

commerce extérieur et la stagnation des pays d’Afrique est apparu comme la preuve de

l’échec des politiques de développement basées sur l’industrialisation protégée12. Il a ainsi

débouché sur le changement de perspective à l’origine des travaux sur exportations et

croissance.

1. Le débat sur l'indicateur d'ouverture économique à adopter

Les études économétriques de l’influence de l’ouverture économique sur la croissance

rencontrent un problème similaire à celui déjà exposé dans le cas du capital humain, celui du

choix d'un indicateur statistique approprié. Si les nouvelles théories du commerce et de la

croissance ont contribué à améliorer les fondements théoriques de la relation commerce /

croissance, elles se sont peu intéressées à la dimension empirique de la question. Rodrik

(1995) et Pritchett (1996b) soulignent le caractère insatisfaisant des études qui concentrent

leurs tests empiriques sur le taux de dépendance des économies (importations plus

exportations sur PIB). Ce dernier leur apparaît, en effet, entaché d'un biais lié à la taille des

pays et ne représente pas la volonté politique des pays à échanger mais certaines

caractéristiques intrinsèques. Certains auteurs, dont Edwards (1998) et Dessus (1998)

répondent à cette critique en multipliant les indicateurs d'ouverture commerciale au sein de

leurs régressions afin de tester la robustesse de leurs résultats. Un tel choix n'est, cependant,

pas possible sur long terme compte tenu de la faible disponibilité de certaines données. Cette

12 Dans le cadre de la théorie de l’industrie infantile, Prebisch et Singer (1950) considèrent qu'étant exportateursde matières premières et importateurs de biens manufacturés, les PVD sont sensibles à la détérioration destermes de l’échange, ce qui les empêche de se développer. Deux étapes les mènent à adopter une positionprotectionniste: d’une part, ils déduisent de leur remarque initiale que si les PVD ne s’industrialisent pas, ilsrisquent de pâtir de l’échange inégal et d’entrer dans un cycle de récession. L’industrialisation leur parait doncêtre une étape essentielle vers le développement. D’autre part, ils considèrent que l’industrie a besoin d’être

52

contrainte nous oblige à nous contenter de la variable d'exportation comme indicateur

privilégié.

a. Les modèles des années 1980: le choix des exportations comme estimateur de l'ouverture

économique

Le souci des économistes du développement des années 1980 a été d’établir une corrélation

entre exportations et croissance dans le but de justifier une ouverture économique fondée sur

une promotion des exportations.

Ainsi, les travaux pionniers de Krueger et Bhagwati (1978) se concentrent sur le lien

ouverture commerciale / croissance des exportations afin de pouvoir ensuite limiter l’étude de

l’impact des politiques commerciales sur la croissance à des régressions économétriques entre

exportations et PIB. Dans cet esprit, ils constituent une classification des régimes

commerciaux selon le degré d’encouragement ou de découragement des exportations. Celui-ci

est calculé à partir du ratio taux de change subi par les importateurs sur celui rencontré par les

exportateurs, qui, selon sa position par rapport à 1, exprime l’orientation commerciale du pays

(encouragement des exportations si ce ratio est inférieur à 1, substitution aux importations si

le ratio est supérieur à 1, régime neutre si le rapport est égal à 1). La libéralisation

commerciale est ensuite assimilée à une politique de réduction du biais anti-exportation.

L’étude de l’impact du régime commercial sur la croissance se trouve finalement réduite à

l’étude du lien entre les variations des exportations et celles du PIB.

Balassa (1982) utilise ce même raccourci en démontrant à l’aide de tests économétriques que

les pays à faible biais anti-exportations connaissaient les taux de croissance des exportations

les plus forts. Ainsi, si les politiques de taux de change ayant pour but de favoriser les

exportations ont un impact positif sur la croissance des exportations (et réciproquement), cela

permet d’utiliser les exportations, non seulement comme estimateur de l’ouverture

économique d’un pays, mais aussi comme approximation des politiques commerciales

menées.

protégée pour se développer car lors de son implantation, elle ne peut être aussi efficiente que les entreprisesétrangères qu’elle doit concurrencer, puis remplacer.

53

b. Les critiques adressées à la variable d'exportation et au taux de dépendance

A la suite des diverses études empiriques menées par les auteurs néoclassiques des années

1980, plusieurs séries de critiques ont été adressées à la variable d'exportation comme

indicateur de l'ouverture extérieure.

Une première série d'attaques a concerné le caractère endogène des données d'exportation.

Cette critique fait suite à la controverse la plus féconde des années 1980, soulevée par Jung et

Marshall (1985), concernant le sens de la causalité entre les relations en présence. Il existerait,

selon ces auteurs, autant d'arguments pour justifier une causalité allant de la croissance vers

les exportations que pour établir la relation inverse. Bradford (1992) prolonge ces résultats en

montrant que même au sein des NPI le développement par les exportations est une idée

fausse. Rodrik (1994), Cyrus, Frankel et Romer (1997) utilisent ces arguments pour justifier

l'utilisation, au sein de leur modèle économétrique, de l'instrumentation de la variable

d'exportations. Ce faisant, ils visent à épurer le possible impact des exportations sur la

croissance de la composante symétrique. Pour vérifier l'existence d'une possible endogénéité

des phénomènes sur notre échantillon, nous menons dans le troisième chapitre de cette partie

des tests de causalité simples empruntés à Granger (1969).

Une seconde critique adressée à l'égard de la variable d'exportation, formulée par Edwards

(1993), Rodrik (1995) et Pritchett (1996b) a consisté à remettre en cause le lien entre

exportations et ouverture économique. Rien n'assure, en effet, qu'il existe un lien direct et

univoque entre la volonté d'ouverture extérieure et les flux d'échange d'un pays. Certains

auteurs ont essayé de contourner ces problèmes en utilisant les informations contenues dans

les décisions de politique commerciale des pays pour établir des mesures de distorsion

commerciale (Banque Mondiale, 1987, Sachs et Warner, 1995 et Johnson et Sheehy, 1996).

Cependant ces indicateurs présentent l’inconvénient d’être des variables qualitatives

dichotomiques, c’est à dire relativement pauvres en information par comparaison aux

variables continues que constituent le taux d’exportation ou le taux de dépendance. Quant aux

indicateurs de barrières commerciales – tels que les quotas ou les tarifs douaniers – utilisés

par Levine et Renelt (1992), Anderson et Neary (1994), ils présentent le défaut, rédhibitoire

dans le cadre de notre étude, de ne pas être disponibles sur toute la durée de notre échantillon

tout en étant extrêmement difficiles à extrapoler.

54

2. L’indicateur adopté et sa pertinence

Malgré les critiques émises précédemment, nous adoptons une mesure d’ouverture extérieure

fondée sur le taux d’exportation. Les données ont été empruntées à Maddison (1995) 13. Elles

sont, tout comme les données de PIB, calculées en PPA, niveau de dollar 1990. Un tel

indicateur nous parait pertinent pour plusieurs raisons. D’abord, ainsi que le soulignent

Alesina et Wacziarg (1998), cet indicateur constitue une mesure satisfaisante de l’interaction

commerciale entre les économies. Or, comme nous le verrons plus tard, c’est cette mesure qui

nous intéresse, davantage que celle relative à la volonté politique d'échanger. D’autre part, il

présente l’avantage de prendre ses valeurs à la fois dans la dimension temporelle et la

dimension interindividuelle, rendant ainsi possible l’utilisation des méthodes économétriques

de données de panel (Vamvakidis, 1999). Nous discutons cependant la pertinence de ce choix

en considérant deux limites potentielles: le rôle des importations et celui de la taille des pays.

Nous essayons également d’établir un indicateur alternatif d’ouverture économique en

combinant la variable dichotomique de Sachs et Warner (1995) et les travaux sur la

libéralisation commerciale de Bairoch (1997).

a. Le rôle des importations

Les exportations ne représentent qu'un versant des échanges économiques des pays: les

produits destinés à la vente extérieure. Un complément nécessaire à cette étude devrait donc

être la prise en compte des statistiques d'importation. Malheureusement, les séries

d'importation ne sont pas disponibles sur long terme pour tous les pays de la base de données.

Nous présentons, néanmoins, au sein de la feuille de graphes I.5 les séries d'importations

mises à disposition par la base historique du NBER en les reliant aux statistiques d'exportation

correspondantes. Ce faisant, nous tentons d'analyser ce qui peut unir ces deux flux afin d'en

déduire s'il est adéquat de réduire l'étude du commerce à celle des mouvements

d'exportations.

13 Maddison (1995) ne consigne que sept données d’exportations par pays (1820, 1870, 1913, 1929, 1950, 1973et 1992). Pour notre étude, il nous a donc fallu compléter ces données de manière à obtenir une base annuelle. Laméthode utilisée a été la même pour tous les pays. Nous avons recherché les références citées par Maddison(1995) desquelles nous avons extrait les exportations en valeur constante. Puis, nous en avons déduit les taux decroissance des exportations d’une année sur l’autre, que nous avons appliqué à une année de référence donnéepar Maddison (1995).

55

Série de graphe I.5: courbes d’importations et d’exportations dans le cas du Royaume-Uni, de la France et desEtats-Unis

Légende: Importations ….. Exportations

Les graphes de la série I.5 suggèrent l'existence d'une forte corrélation entre importations et

exportations quelque soit le pays représenté. Le calcul du coefficient de corrélation par pays

confirme ce résultat puisqu'il s'élève à 0.89 dans le cas du Royaume Uni, à 0.93 dans celui de

la France et à 0.97 en ce qui concerne les Etats Unis. Cette forte corrélation nous permet de

considérer les exportations comme un estimateur pertinent des importations et par extension

du commerce d'un pays avec le reste du monde.

b. La prise en compte de la taille des pays

La part des exportations dans le PIB reste, cependant, un estimateur grossier de l'ouverture

économique en ce qu'elle tombe sous le coup de la critique traditionnelle adressée à tout

Royaume Uni, 1856-1950

0

50

100

150

200

250

1856 1895 1922 1949

1000

2000

3000

4000

5000

6000

1882 1902 1916 1938

Etats Unis, 1867-1969

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

1867 1894 1927 1969

56

indicateur d’ouverture économique non corrigée par la taille des pays. Selon cette dernière, il

serait naturel que les grands pays échangent moins (relativement à leur niveau de PIB) que les

petites économies car leur dotation factorielle leur permet de satisfaire une grande partie de

leurs besoins et d'organiser au sein même de leurs frontières une première décomposition du

processus productif. Un indicateur d'ouverture économique pertinent devrait prendre en

compte cette propension naturelle à l'introversion et permettre de considérer qu'un grand pays

est ouvert alors même que ses échanges avec l'extérieur sont relativement plus limités que

ceux d'un petit pays.

Plusieurs méthodes permettent de soustraire la taille de l’indicateur des exportations. Une

première option, fréquemment utilisée au sein des études empiriques, consiste à diviser le

terme d’échanges commerciaux par la population des pays. La limite majeure liée à une telle

spécification est le caractère endogène de la variable de population dans les régressions de

croissance. Celle-ci est, en effet, fortement dépendante du niveau de revenu atteint par les

économies et interfère par ce biais avec le processus de convergence économique.

Une seconde méthode essaye d'éliminer ce biais en se fondant sur un modèle de gravitation

afin de déterminer les éléments « naturels » qui influencent le niveau du commerce extérieur.

Il s'agit alors d'établir des modèles économétriques dans lesquels les échangent commerciaux

– qu’ils soient approximés par la part des importations dans le PIB, celle des exportations ou

de la somme des deux – dépendent de variables de politique commerciale ainsi que de

caractéristiques naturelles telles que la surface des pays ou la distance entre capitales. Les

deux derniers effets sont alors récupérés afin d’en corriger la variable de commerce extérieur

et de la rendre uniquement dépendante de facteurs politiques et économiques. Cette solution

alternative est d’autant plus pertinente qu’elle corrige le défaut d’endogénéité de la première

méthode. En effet, surface et distance sont, par définition, des variables exogènes et

pourraient même faire figure d’instruments de la statistique de population. C’est donc cette

dernière option que nous adoptons en nous référant à la propension naturelle des pays à

échanger de Lee (1993).

La propension naturelle à échanger de Lee (1993)

Lee (1993) établit une mesure alternative de l'ouverture commerciale en corrigeant les

variables traditionnelles d'ouverture économique à l'aide d'un coefficient défini à partir d'un

modèle gravitationnel. Il régresse, ainsi, la part des importations dans le PIB sur la dotation en

57

ressources naturelles des pays (approximée par leur taille géographique), la distance par

rapport aux principaux exportateurs mondiaux (comme approximation des coûts de

transaction) et sur des estimateurs de distorsions commerciales (parmi lesquels les droits de

douane et le marché noir). Il contraint ensuite les coefficients des distorsions commerciales à

être nuls, ce qui lui permet de déduire une mesure de l'ouverture économique qui correspond à

un monde parfait où ne compteraient que la taille et la distance. L'estimateur d'ouverture

économique qu'il dérive de cette méthode correspond à la distance de chaque pays par rapport

à son niveau "naturel"14 d'ouverture économique.

L’estimation de l’équation de gravitation liée à un marché parfait le mène à déterminer les

coefficients suivants :

VarLee = 0.528 – 0.026 * log (surface) – 0.095 * log (distance) (I.7)

De celle-ci, il déduit une valeur de la propension naturelle à commercer par pays.

Tableau I.4 : valeur des propensions naturelles à échanger déterminées par Lee (1993) pour les pays présentsdans notre base de données

Allemagne Canada Danemark USA France Italie Japon Norvège UK SuèdePropension naturelle àéchanger .304 .202 .359 .108 .292 .287 .167 .286 .282 .265

Il est à remarquer que les pays sensiblement plus grands que les autres (USA, Canada), ainsi

que ceux éloignés des pôles américain et européen (Japon) sont caractérisés par une

propension naturelle à échanger plus faible que les autres pays de l’échantillon. Au sein de

l’Europe, toutes les économies se tiennent en terme de propension naturelle à échanger sauf le

Danemark sensiblement plus propice à l’échange que ses voisins.

L’indicateur corrigé de l'ouverture économique est ensuite obtenu de la manière suivante :

OUV = Import / VarLee (I.8)

De sorte que les pays ayant une propension naturelle à échanger plus faible se voient attribuer

une valeur de commerce effectif plus importante que leurs données d'importations le

laisseraient supposer.

14 i.e. issue seulement des caractéristiques intrinsèques du pays et non liée à des distorsions de politiqueéconomique.

58

L’indicateur adopté dans notre étude

Nous reprenons la notion de propension naturelle à échanger développée par Lee (1993) et

nous l’appliquons à la variable d’exportation. Nous nous appuyons sur nos résultats

concernant la proximité d’évolution des variables d’importations et d’exportations pour

justifier le passage de l’estimateur de Lee (1993) à un indicateur basé sur les flux

d’exportations. Nous faisons aussi l’hypothèse d’une constance de la propension naturelle des

pays à échanger dans le temps, hypothèse peu contraignante si celle ci ne dépend que de la

distance géographique entre pays et de la surface15. Notre indicateur d’ouverture commerciale

se définit donc de la manière suivante :

Xpib = (X/PIB) / VarLee (I.9)

c. Un indicateur alternatif de l’ouverture économique

Nous introduisons également une variable alternative d’ouverture économique qui prend pour

valeur 1 lorsque le pays est considéré ouvert et 0 sinon. Cet indicateur dichotomique combine

la variable utilisée par Sachs et Warner (1995) concernant l'après guerre et les recherches de

Bairoch (1997) sur la période de l’avant guerre16. Elle a pour avantage d’incorporer les

volontés politiques d’ouverture économique, mais présente l’inconvénient d’être pauvre en

information, limitant les possibilités aux deux extrêmes: ouverture totale ou parfaite

introversion. Cependant, un indicateur polytomique aurait pour limite rédhibitoire d’imposer

un écart subjectif entre chacune des modalités. Nous utilisons cet indicateur alternatif

essentiellement pour tester la robustesse de nos résultats.

15 La distance est certainement une notion subjective en ce sens qu’elle s’amenuise au fur et à mesure dudéveloppement des transports et des nouvelles technologies. Cependant, si les innovations technologiques et detransport ont touché tous les pays de façon identique, les propensions à échanger des pays se sont certainementmodifiées dans les mêmes proportions.16 Méthodologie utilisée pour l’extrapolation et valeurs obtenues en annexes

59

Conclusion:

La première étape de ce travail a consisté à déterminer et discuter les variables disponibles

pour notre étude. De cette discussion ressortent trois éléments clés:

- l’impossibilité de retourner aux données de stock, ce qui contraint notre analyse à une

étude des flux ;

- la forte corrélation entre taux de scolarisation et nombre d'années de scolarisation qui

nous permet d'assimiler les taux de scolarisation à des stocks de capital humain ;

- la pertinence du taux d’exportations corrigé de la taille des pays à la fois comme

approximation du taux de dépendance entre les économies et comme indicateur du niveau

d'intégration économique.

A partir de ces résultats, il nous a semblé pertinent d’axer notre étude de la croissance de long

terme autour de deux concepts clé: l'ouverture économique, approximée par la part des

exportations dans le PIB corrigée de la taille des pays et le capital humain, représenté par le

taux de scolarisation des 5-19 ans au sein du primaire et du secondaire. Ces études sont

menées à partir d'échantillons dont la taille a directement découlé de la contrainte de

disponibilité des données. Pour les besoins de ce travail, nous avons construit deux bases de

données représentant un arbitrage longueur temporelle / largeur transversale différent. Le

tableau (I.5) récapitule les caractéristiques des échantillons sélectionnés.

Tableau I.5: récapitulatif des caractéristiques des différentes bases constituées à partir des données disponibles

Base 1 Base 2

Longueur temporelle 1880-1980 1920-1980

Pays concernés Allemagne, Canada, Danemark, Etatsunis, France, Italie, Japon, Norvège,Royaume Uni, Suède

Allemagne, Argentine, Australie, Belgique,Brésil, Canada, Chili, Danemark, Espagne,Etats unis, Finlande, France, Italie, Japon,Norvège, Pays Bas, Royaume Uni, Suède,Venezuela

Variables disponibles PIBPopulationInvestissementExportationTaux de scolarisation

PIBPopulationExportationTaux de scolarisation

60

La première base de données recouvre 10 pays industrialisés et remonte jusqu'en 1880, tandis

que la seconde correspond à un horizon temporel plus court (1920-1980), mais inclut en son

sein quatre économies latino-américaines. Par la suite, nous ôtons des bases de données les

observations liées aux années de guerre et de reconstruction. Ce faisant, nous excluons de

l'analyse les processus de croissance liés à des chocs purement exogènes ou sporadiques.

Avant de passer à l'analyse économétrique proprement dite, cette étude s'attache à dresser

un récapitulatif des évolutions enregistrées au vingtième siècle. Ce rapide survey historique

permet, à la fois de mieux cerner les comportements à l’œuvre au sein de notre échantillon,

et de nous familiariser avec les variables d’intérêt.

61

Chapitre II: Aperçu des tendances historiques sur le XXème siècle

Un siècle de données, c'est aussi un siècle d'histoire. Nos données resteraient

incompréhensibles si elles n'étaient pas mises en perspective au sein du cadre politique, social

et économique de l'époque qu'elles décrivent.

Le vingtième siècle a été riche en chocs: deux guerres mondiales s'y sont succédées ainsi que

plusieurs crises économiques d'ampleur internationale. Plus que les chocs en eux-mêmes -

chaque époque a connu ses ruptures -, c'est l'ampleur et l'implication internationale des

conflits qui ressortent de cette étude. Cette globalisation constitue, en quelque sorte, le fil

conducteur du siècle: d'un monde relativement stable et intégré, l'économie mondiale passe

après la guerre de 1914-1918 et la crise de 1929 à une ère de repli sur soi-même qui n'est que

la réaction au processus d'ouverture précédent. Puis, la seconde guerre mondiale secoue, de

nouveau, l'équilibre précaire qui venait de s'installer. Elle mène à une période d'intégration

économique sans précédent, puisque dépassant même celle de la fin de siècle précédent.

Si la problématique de l'intégration mondiale domine l'histoire du XXème siècle, les deux

guerres mondiales se présentent comme des ruptures nettes qui permettent de différencier des

sous périodes au sein de cette époque. La première guerre mondiale délimite - de façon

traditionnelle chez les historiens - la fin du dix-neuvième et le début du XXème siècle. Elle

correspond aussi, d'après les graphiques à notre disposition - et insérés en annexes de cette

partie -, à une frontière entre une époque relativement stable et intégrée et un après guerre

confus mais aussi incubateur des évolutions futures. La seconde guerre mondiale met fin à

cette époque paradoxale en marquant le début d’une période d’accélération de la croissance,

mais aussi d’un approfondissement des disparités entre pays.

A. 1880 - 1914: La fin d’un monde stable

Les historiens s'accordent pour établir la fin du XIXème siècle, non à sa rupture formelle de

1900, mais à la veille de la première guerre mondiale. Un tel choix repose, d’une part, sur une

homogénéité des conditions historiques entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème.

D'autre part, la première guerre mondiale constitue une rupture - non seulement en termes de

destruction, mais aussi du point de vue des changements économiques qu'elle a générés – telle

qu'on puisse considérer qu’elle marque le début d'un siècle nouveau. Elle met fin à une ère de

62

relative stabilité économique qui concernait l'ensemble des secteurs économiques. Cette

stabilité se traduit par le caractère linéaire des courbes de revenu par tête, aussi bien que par la

relative homogénéité des pays en termes de performances économiques. Elle se concrétise

aussi par les forts degrés d'ouverture qui font de cette période le théâtre d'une des plus fortes

intégrations économiques jamais enregistrées. Seule la variable d'éducation semble témoigner

d'une discordance entre les pays, certains commençant dès cette époque à mener des

politiques éducatives actives alors que d'autres se contentent d'un système scolaire réduit.

1. La fin du XIXème siècle: un monde intégré et stable

a. Des niveaux de richesse par tête comparables

Les tendances de production par tête de la fin du XIXème siècle se caractérisent, pour la

plupart des pays, par trois traits principaux: leur relative linéarité, leur faible pente et leur

parallélisme. La linéarité témoigne d'une constance dans le temps des taux de croissance. De

fait, la fin du XIXème siècle se présente comme une période remarquablement stable par

rapport aux périodes ultérieures. L'aspect peu pentu des courbes implique, de son côté, des

taux de croissance relativement faibles. Cette faiblesse est, d'ailleurs, mise en valeur par le

caractère explosif de la croissance à la fin du XXème siècle. Cependant, un tel résultat ne doit

pas faire oublier que, par comparaison avec les siècles précédents, le développement

économique de la fin du XIXème siècle a été particulièrement rapide (Bairoch, 1997).

Le parallélisme signifie une évolution similaire des taux de croissance économiques entre

pays, ce dont témoigne le tableau I.5. Malgré cette apparente homogénéité des comportements

de croissance, les pays neufs à peuplement européen – Canada et Etats Unis – enregistrent des

statistiques de croissance plus élevées que leurs homologues européens. Ce dynamisme a,

sans doute, trouvé sa source dans l'abondance d'une main d'œuvre qualifiée, la multiplication

de flux de capitaux issus de la vieille Europe et l'existence de ressources naturelles. En

Europe, ce sont l'Allemagne, la Suède et le Danemark qui semblent se démarquer légèrement.

Tous trois correspondent aussi aux pays les plus éduqués de cette époque. Les pays

d'Amérique Latine ne dépareillent pas au sein de cet ensemble. Si, graphiquement, les Etats

Unis constituent la borne supérieure des courbes (les pays d’Amérique Latine ne semblent

jamais s’en rapprocher de manière significative et s’éloignent même de cette cible à la fin de

la période), l’Italie débute le XXème siècle à un niveau de PIB par tête inférieur à celui du

Chili et de l’Argentine. L'un et l'autre font, alors, partie du groupe des quinze pays les plus

63

riches au monde. D'ailleurs, à la veille de la seconde guerre mondiale, seul le Brésil connaît

un retard persistant sur les autres pays développés.

Tableau I.6: taux de croissance des PIB par tête en moyenne par année en %

1870 – 1913 1918 - 1929 1930 - 1938 1950 - 1973 1974 – 1994

Europe

Allemagne 1.23 2.55 2.68 3.33 1.59France 1.13 4.81 -0.18 2.85 1.35Italie 1 -0.87 1.52 3.30 1.73R. U. 0.84 -0.57 1.67 1.95 1.43Danemark 1.20 3 0.92 2.33 1.62Norvège 1.03 3.23 1.82 2.39 2.19Suède 1.13 3.26 2.12 2.32 0.85

Pays neufs

Canada 1.57 1.13 -0.72 2.23 1.2USA 1.34 1.66 -0.18 1.93 1.4

Amérique Latine

Argentine 2.58 -.02 2.06 0Brésil 1.86 2.49 3.76 .8Chili 3.79 -.01 1.19 2.23Venezuela 1.26 2.34 1.61 -1.14

Japon

Japon 1.43 1.62 3.14 4.53 2.6

Tableau I.7: niveaux des PIB par tête à six dates clé du vingtième siècle

1870 1913 1930 1950 1973 1994

Europe

Allemagne 1 913 3 833 4 049 4 281 13 152 19 097France 1 858 3 452 4 489 5 220 12 940 17 968Italie 1 467 2 507 2 854 3 425 10 409 16 404R. U. 3 263 5 032 5 195 6 847 11 992 16 371Danemark 1 927 3 764 5 138 6 683 13 416 19 305Norvège 1 303 2 275 3 377 4 969 10 229 18 372Suède 1 664 3 096 3 937 6 738 13 494 16 710

Pays neufs

Canada 1 620 4 213 4 558 7 047 13 644 18 350USA 2 457 5 307 6 220 9 573 16 607 22 569

Amérique LatineArgentine 3 797 4 080 4 987 7 970 8 373Brésil 839 1 061 1 673 3 913 4 862Chili 2 653 3 143 3 827 5 028 7 764Venezuela 1 104 3 444 7 424 10 717 8 389

Japon

Japon 741 1 334 1 780 1 873 11 017 19 505

64

b. Un monde ouvert et intégré

Les statistiques d'ouverture commerciale, de leur côté, montrent que le taux d’exportations

rapporté au PIB de chaque pays est demeuré relativement stable avant la première guerre

mondiale – en fait, légèrement croissant. Cette stabilité masque, cependant, une progression

des échanges sans précédent historique qui permet de justifier les niveaux élevés de

commerce atteints à la veille de la première guerre mondiale. Néanmoins, l’expansion rapide

des échanges au XIXème siècle a touché les pays de l’échantillon de façon assez inégale, ainsi

que l’atteste le tableau I.7. L'Allemagne, le Royaume Uni et le Canada en ont particulièrement

profité tandis que les Etats Unis restaient peu enclins à l’échange.

Tableau I.8: part des exportations en pourcentage du PIB

1870 1913 1929 1938 1950 1970 1992

France 5 8 8.5 5.5 7.5 13 24Allemagne 15.5 26.5 20 10 6 20.5 41.5Italie 4.5 5 4.5 2.5 3.5 11.5 18.5Norvège 10 15.5 16 17 14 26 53.5Royaume Uni 13 18.5 13.5 8 11.5 12.5 20.5Canada 12 12 16 15.5 13 18.5 28Etats Unis 2.5 4 3.5 3 3 4.5 8Japon 2.5 3.5 6 2.5 7 13.5

En Amérique Latine, la variance des taux d’exportations a été largement plus importante en

début de période (avant la seconde guerre mondiale, mais surtout avant la guerre 1914-1918)

que sur la fin du XXème siècle. Cette région apparaît alors comme un continent aux

comportements extrêmement hétérogènes, regroupant à la fois des pays fortement

exportateurs comme le Venezuela et dans une moindre mesure le Brésil – qui reste cependant

plus ouvert que les pays européens et d’Amérique du Nord - et des pays moins extravertis

comme l’Argentine et le Chili. A cette époque, tous les pays latino-américains enregistrent

d’ailleurs des niveaux d’exportations supérieurs à ceux de l’Italie, ce qui peut s’expliquer par

une expansion rapide des exportations de produits agricoles tropicaux et le début des

exportations massives de matières premières.

65

c. Des comportements d'accumulation de facteurs contrastés

Les comportements d’investissement

Durant la période qui précède la première guerre mondiale, on observe une relative stabilité

des taux d'investissement au sein des pays européens. Ces derniers se situent tous dans une

fourchette de 8 à 15% dont le Royaume Uni et la Norvège constituent les bornes supérieure et

inférieure. De manière générale, les taux d'investissement enregistrés par les pays neufs

apparaissent plus élevés que ceux des pays européens à la même époque, mais aussi plus

erratiques. Ainsi, leurs investissements sont particulièrement sensibles aux deux guerres

mondiales et à la crise de 1929. La seule exception en la matière est le Japon, dont les

évolutions apparaissent contra cycliques par rapport aux Etats Unis et au Canada.

La scolarisation17

Les pays européens connaissent une évolution stable de leurs taux de scolarisation avant la

première guerre mondiale. A ce propos, l’Allemagne et la France sont caractérisées par une

quasi constance et dominent les autres pays avec des taux respectifs de 55% et 65%. La

Norvège débute la période légèrement en dessous des taux précédents, mais rejoint

l’Allemagne dès les années 1890. Le Royaume Uni connaît un fort développement de son

niveau de scolarisation dans les années précédant la première guerre mondiale. Il part d’un

niveau de 35% en 1880 – ce qui constituait un retard de plus de 20 points de pourcentage par

rapport à la France et à l’Allemagne – pour atteindre les niveaux français de 60% en 1910.

L’Italie affiche des résultats plus médiocres sur toute la période d’avant guerre. Moins de 25%

de sa population en âge d’être scolarisée est inscrite à l’école en 1880 et cette proportion

s’élève légèrement au dessus de 30% au début du vingtième siècle, ce qui constitue une

progression minime par rapport à celle enregistrée par le Royaume Uni à la même période.

Le Canada et les Etats Unis connaissent, en début de période, des niveaux d’éducation

nettement supérieurs à ceux des pays européens à la même époque. Si leurs taux de

scolarisation apparaissent eux aussi plutôt stables, ils atteignent 65%, soit 10 points de plus

que le taux français à la même date. Le Japon affiche un niveau d’éducation initial plus faible

17 Les comportements éducatifs sont étudiés par le biais du taux de scolarisation (pourcentage d’une classe d’âgepoursuivant des études primaire ou secondaire), indicateur explicité dans le premier chapitre.

66

que celui de l’Italie, mais la croissance qu’il connaît ensuite lui permet d’atteindre un niveau

supérieur en 1913 (45% au lieu de 30%).

Le Chili et l’Argentine débutent le XXème siècle avec des taux de scolarisation relativement

proches de ceux des pays européens. Ils achèvent, cependant, le siècle en retard par rapport

aux autres pays développés. Par contraste, le Brésil et le Venezuela, et surtout ce dernier, se

situent nettement en deçà des performances des pays étudiés jusqu’à présent. Néanmoins, ils

enregistrent une croissance nette de leurs taux de scolarisation qui les mène en 1980 à des

niveaux comparables à ceux des autres pays d’Amérique Latine.

2. Les ruptures : les deux guerres mondiales et la crise de 1929

La première moitié du XXème siècle est marquée par l’éclatement de deux guerres mondiales

et par une crise économique, trois événements qui affectent profondément les tendances des

variables à notre disposition. La stabilité de la fin du siècle s'en trouve remise en cause et cela

durablement puisqu'une telle homogénéité des performances économiques ne se retrouvera

plus par la suite. Les chocs constitués par les guerres et la grande crise ne sont certainement

pas les uniques responsables des évolutions ultérieures. Ils marquent, cependant, le début

d’une période de divergence durable entre les pays de l’OCDE18 et ceux d’Amérique latine et

méritent, par conséquent, une étude plus spécifique. Dans ce qui suit, nous nous intéressons

de manière détaillée à l'impact des guerres et de la crise économique sur les tendances de nos

variables économiques. A cet effet, nous passons en revue les ruptures économiques

significatives pour les pays de notre échantillon. Selon la région étudiée, la date d'occurrence

de la rupture correspond à la première, la seconde guerre mondiale, voire la crise de 1929.

Nous revenons au plan strictement chronologique de notre développement et aux

caractéristiques propres à la période de l'entre deux guerres après l’étude détaillée de ces

ruptures.

a. Les ruptures dans les tendances de PIB par tête

Les pays européens ont tous connu une évolution croissante de leur PIB par tête au cours du

XXème siècle, entrecoupée par deux ruptures structurelles importantes: la première et la

18 Sont regroupés sous ce vocable les pays d'Europe occidentale, ainsi que l'Amérique du Nord et le Japon. Ilscorrespondent aux premiers pays membres de l'OCDE et représentent dans les années 1950 les pays les plusdéveloppés du monde capitaliste.

67

seconde guerre mondiale. La seconde guerre mondiale apparaît d’ailleurs comme une rupture

plus importante que le premier conflit en termes de revenu par habitant, ce qui peut

s’expliquer par sa longueur et son caractère particulièrement dévastateur. La mobilisation du

potentiel économique a, en effet, était plus complète au cours de ce second conflit et les pertes

matérielles ont été amplifiées par l’utilisation à grande échelle de l’aviation. L’étendue

géographique du conflit a également été plus large dans les années 1940 que lors de 1914-

1918: alors que ni les pays nordiques, ni le Japon ne participaient à la première guerre

mondiale, seule la Suède maintient une relative neutralité en 1940. Ces deux ruptures

apparaissent cependant plus prononcées pour la France, l'Italie et l'Allemagne – territoires qui

ont connu directement les méfaits des combats – que pour les pays nordiques et le Royaume

Uni.

Une analyse systématique de ces ruptures a été menée par Ben-David et Papell (1995) à partir

du test développé par Vogelsang (1994, 1997). Cette méthodologie est reprise au sein de ce

développement19. Elle permet d’identifier les ruptures dans l’évolution du PIB par tête pour

chacun des pays. Les résultats reportés au sein du tableau I.8 suggèrent des dates de rupture

légèrement différentes selon la base de données considérée. Ces écarts sont dus aux

différences entre les deux échantillons étudiés: celui de Ben-David et Papell (1995) s’étend

pour la plupart des pays de 1860 à 1989, tandis que le notre couvre les années 1860 à 1994.

Tableau I.9: Comparaison des dates d'occurrence des ruptures de trend du PIB par tête issues de Ben-Davidet Papell (1995) avec celles obtenues sur la base complétée de Maddison (1994), cas des pays de l'OCDE

Pays Ben-David et Papell (1995) Base complétée de Maddison (1994)

Allemagne 1946 1944Danemark 1939 1939France 1939 1939Italie 1945 1942Norvège n.s. n.s.Royaume- Uni 1918 1943Suède 1916 n.s.Canada 1928 1928Etats Unis 1929 1929Japon 1944 1944

n.s. : date de rupture non significative

Selon le tableau I.8, la plupart des pays européens ont connu une rupture de leur trend de PIB

par habitant lors de la seconde guerre mondiale. Cependant, au vu des résultats de Ben-David

et Papell (1995), deux pays font figure d’exceptions : la Suède et le Royaume Uni. Ces deux

19 Méthodologie exposée en annexes

68

économies se différencient en ce qu’elles présentent une rupture significative de leur

production, non pas entre 1940 et 1945, mais lors de la première guerre mondiale. Toutefois,

notre analyse ne confirme pas ces résultats. Elle ne parvient pas à identifier de rupture

significative dans le cas de la Suède et attribue au Royaume Uni un comportement similaire à

celui des autres pays européens. Nos résultats soulignent ainsi le caractère relativement

protégé des économies nordiques, Danemark mis à part, et l'aspect particulièrement

dévastateur de la deuxième guerre mondiale pour les pays d'Europe occidentale.

Par rapport aux pays européens, le Canada et les Etats Unis ne connaissent pas de rupture de

leur trend de production lié à la première guerre mondiale. Ils enregistrent même un

accroissement significatif de leur PIB par tête au moment de la seconde guerre mondiale. En

ce qui les concerne, l'événement dramatique qui a fait chuter de manière significative les

performances économiques est à rechercher du côté de la crise de 1929.

Quant au Japon, il se comporte comme les économies européennes et enregistre une rupture

significative de son trend lors de la seconde guerre mondiale. Il aura, lui aussi, pâti d'avoir été

un champ de bataille en s'engageant aux côtés des puissances de l'Axe.

b. Les ruptures de l'indicateur d'ouverture économique

Les deux guerres mondiales et la crise de 1929 ont aussi eu des conséquences catastrophiques

sur le niveau des exportations des pays européens. Lors de chacune de ces crises, le taux des

exportations a chuté de manière dramatique, atteignant des valeurs quasi nulles aux alentours

de 1945. La rupture de trend occasionnée est même beaucoup plus importante que celle

enregistrée par le revenu par tête20. Par contraste, les pays non européens de la base de

données ne semblent pas avoir connu de ruptures de comportement commercial liées aux deux

conflits mondiaux. Le Canada semble même avoir profité de cette période pour améliorer de

manière sensible ses performances commerciales. Cependant, la crise de 1929 constitue bien

une époque de repli sur elles-mêmes des économies nord américaines.

20 Nous ne pouvons, cependant, pas appliquer les tests développés par Vogelsang (1997) à la série d'exportationcar elle présente clairement plusieurs ruptures, ce que le test ne peut prendre en compte. En ce qui concerne cettesérie, l'observation des graphes est, cependant, suffisante pour inférer des ruptures significatives au moment desguerres pour les pays européens.

69

B. L'entre deux guerres: un laboratoire des progrès futurs21

L'entre-deux-guerres se présente comme une période paradoxale. La stabilité d'avant guerre a

disparu, mais les évolutions qui se dessinent n'en sont pas, pour autant, forcément négatives.

L'immédiat après guerre correspond à une période de reconstruction. Les tendances des

différentes variables amorcent une évolution ascendante qui laisse présager un retour aux

niveaux d'avant guerre. Cependant, cet élan est brisé par la crise de 1929 et, alors que certains

pays continuent sur leur lancée, d'autres se trouvent durablement freinés. D'autres pays, enfin,

ne paraissent subir, ni le coup de fouet de la reconstruction, ni l'essoufflement de la grande

crise. L'entre deux guerres a cela de remarquable qu'il constitue une période de gestation des

évolutions d'après guerre. Il voit l'amorce du décollage économique de plusieurs pays et la

perte de vitesse de certaines économies initialement plus prometteuses.

1. Une période paradoxale où coexistent des mouvements contradictoires

a. Des évolutions contradictoires

L'entre-deux-guerres est une période perturbée présentant des amplitudes de production

beaucoup plus marquées que précédemment. Parallèlement, l'investissement devient

hautement volatile, répercutant de façon amplifiée tout choc extérieur. De manière similaire,

la première guerre mondiale constitue une rupture dans les évolutions des variables

d'éducation de l’ensemble des pays de l’échantillon. Après elle, les courbes deviennent

confuses, sans tendance apparente : cette évolution traduit la forte instabilité liée à cette

période. En effet, alors que la fin du XIXème siècle et l’après deuxième guerre mondiale

apparaissent être des périodes relativement cohérentes, l’entre deux guerres doit, à son tour,

être divisée en plusieurs sous périodes pour laisser apparaître des tendances distinctes.

Dans l’immédiat après guerre, s’amorce la reconstruction économique des pays. Cependant,

celle ci est immédiatement freinée par la crise économique de 1920-1921, crise économique la

plus grave que les pays développés aient connue avant 1929. Cette crise débute aux Etats Unis

et se propage au Canada et en Europe, où elle touche particulièrement les pays industrialisés,

notamment le Royaume Uni. Les économies relativement agricoles y échappent (Danemark,

21 Terminologie empruntée à Asselain (1995)

70

Italie, France) dans la mesure où elles bénéficient de bonnes récoltes, ainsi que le Japon, trop

peu intégré à l'ensemble des pays occidentaux pour souffrir de la contagion.

La période qui suit cette crise, de 1922 à 1929, est une époque de prospérité non généralisée.

Elle correspond, en général, à une croissance rapide pour l'Europe et l'Amérique du Nord,

mais un pays important y fait figure d’exception notable: le Royaume Uni.

Les années 1930 sont des années de crise. Elles suivent la récession économique la plus grave

jamais enregistrée par les pays occidentaux. Celle-ci débute aux Etats Unis en 1929 et se

propage ensuite aux pays développés sans être limitée, cette fois-ci, par une bonne

performance de l'agriculture. Cependant, au vu des statistiques, elle ne présente pas le

caractère généralisé qui lui est habituellement attribué. Elle touche particulièrement

l'Amérique du Nord (le Canada car il subit directement la contagion de son puissant voisin), la

France (dont les politiques de dévaluation ont été trop tardives) et l'Allemagne. Les pays

nordiques sont relativement épargnés et le Royaume Uni connaît dans les années 1930 son

taux de croissance le plus élevé depuis 1850. Quant à l'Allemagne, si elle est touchée de plein

fouet à la fin des années 1920, sa politique de réarmement lui assure dès 1934 un taux de

croissance envié par ses voisins.

b. La mise en place d'une nouvelle hiérarchie

Durant l’entre-deux-guerres, les hiérarchies sont quelque peu bousculées: les Etats Unis

prennent la tête en termes de revenu par tête laissant derrière eux le Royaume-Uni qui perd sa

suprématie (mais reste leader incontesté en Europe jusque dans les années 1960). Ainsi, en

dehors des conséquences en terme de rupture de trend, les deux guerres mondiales ont eu pour

corollaire de déplacer le centre de gravité économique de l'Europe vers l'Amérique du Nord et

particulièrement les Etats Unis. Si le Royaume Uni pouvait se prévaloir d'un niveau de PIB

par habitant supérieur à celui de l'Amérique du Nord jusqu'au début du vingtième siècle, la

première guerre mondiale puis la seconde entraînent un bouleversement de ce rapport de

forces. Malgré une chute significative de leur croissance liée à la crise de 1929, époque à

laquelle le Royaume Uni est proche, de nouveau, de la première place en termes de PIB par

tête, les Etats Unis enregistrent une expansion économique très rapide pendant la seconde

guerre mondiale et deviennent, à partir de cette période, la puissance dominante incontestée.

Maddison (1991) remarque à ce propos que ce n'est pas à la suite d'une chute significative de

leur PIB par tête que le Royaume-Uni se fait dépasser, mais parce que les Etats-Unis se

présente à cette époque comme une économie beaucoup plus dynamique.

71

L'entre deux guerres voit aussi l'amorce d'une divergence économique durable entre les pays

de l'OCDE et ceux d’Amérique Latine. En effet, l'examen statistique du PIB par tête, et

notamment, la comparaison des trends de l'Argentine et du Chili avec celui des Etats-Unis,

nous montre un début de décrochage dans les années 1930. Si avant la crise de 1929, les trois

courbes sont relativement parallèles, après celle-ci, le graphe Etats-Unis semble se démarquer

à la hausse tandis que ceux de l'Argentine et du Chili, sans enregistrer de baisse importante, se

contentent d'une croissance moins rapide que celle de leur voisin américain. Cet effet

s’amplifie fortement après la seconde guerre mondiale, mais est déjà apparent sur la période

de l’entre deux guerres. Par contraste, le Japon semble connaître, dès les années 1930, un

léger rapprochement de son niveau de revenu par tête par rapport à celui des Etats-Unis,

même si la seconde guerre mondiale marque une rupture dramatique du niveau de vie dans ce

pays. Ainsi, il semble que l'on puisse voir, dès la période de l’entre deux guerres, l’esquisse de

ce qui deviendra, après la seconde guerre mondiale, un des faits stylisés de la croissance: le

décollage économique du Japon et la stagnation de pays latino-américains tels que l'Argentine

et le Chili.

2. La dislocation de l'économie internationale:

a. Le repli des pays de l'OCDE sur eux-mêmes

L'entre deux guerres n'est pas seulement caractérisée par une forte volatilité des indicateurs

économiques. Elle correspond aussi à une période de repli commercial comme les pays n'en

avaient pas connu depuis plus d'un siècle. Les niveaux d’exportations atteints avant guerre ne

se retrouvent pas. Il y a bien un début de rattrapage au cours des années 1920, mais il se solde

par une nouvelle rupture au début des années 1930. Les niveaux d'avant guerre ne seront,

d'ailleurs, de nouveau atteints qu'à la fin des années 1970 ou au début des années 1980.

Tableau I.10 : accroissements des taux d’exportations (X/PIB) au cours du XXème siècle en %

1870-1913 1913-1929 1929-1938 1950-1970 1970-1992

France 60 9 -35 69 83Allemagne 72 -24 -50 228 103Italie 13 -6 -50 216 63Norvège 55 5 6 83 105Royaume Uni 43 -27 -40 11 63Canada 2 29 0 43 50Etats Unis 46 -3 -16 45 89Japon 44 66 217 86

72

La nouvelle rupture des années 1930 est imputable à la crise de 1929 et aux désordres des

relations économiques internationales qu'elle entraîne. La dépression a pour conséquence

directe un effondrement du commerce international. Entre 1930 et 1932, le volume des

exportations chute d'un cinquième. Le recul enregistré est, d’ailleurs, plus accusé en Europe

avec une chute moyenne de 45% sur la période 1929 - 1938 alors qu'elle est nulle au Canada,

de 16% aux USA et qu’elle correspond même à un fort accroissement dans le cas du Japon

(tableau I.9).

L'impact de la crise est, de plus, amplifié par l'escalade des mesures protectionnistes qui lui

font suite. L'échec des conférences internationales de Genève de 1927 et 1930 conduit les

Etats Unis à adopter le droit de douane "Smoot Hawley", mesure la plus protectionniste entrée

en vigueur dans ce pays. Mais, c'est le Royaume Uni qui porte le coup fatal au système

commercial international en septembre 1931, en décidant de suspendre la convertibilité de la

Livre. Cette décision clôt un siècle de libre échange et a pour mérite immédiat de ralentir la

chute des exportations britanniques. Après 1932, les taux d'exportations atteignent un pallier

avant de replonger, à partir de 1938, en réponse au déclenchement de la seconde guerre

mondiale.

b. Le décrochement commercial durable des pays d'Amérique Latine

A l’instar des pays de l'OCDE, les pays latino-américains connaissent un nivellement à la

baisse de leurs trends d’exportations dans les années 1920. Cependant, ce phénomène est

moins brutal et correspond à un processus de fermeture de long terme.

Le Venezuela, pays producteur de pétrole, constitue certainement, à ce titre, une exception

parmi les pays latino américains. Après vingt années au cours desquelles les exportations

représentent 40% à 50% de son PIB, il enregistre dans les années 1920 une chute importante

de la part de ses exportations dans le PIB et rejoint les niveaux mondiaux. Sa courbe

d’exportations se stabilise ensuite jusque dans les années 1960 au cours desquelles, à

nouveau, elle enregistre une chute vertigineuse. A la fin des années 1980, le Venezuela a

rejoint le groupe des pays d’Amérique Latine, partageant leur faible niveau d’exportation et se

situant, pour la première fois de son histoire, en dessous des statistiques de l’Italie.

Le Brésil a connu une évolution similaire à celle du Venezuela, mais beaucoup plus

progressive. Il n’a pas été confronté aux chutes dramatiques des années 1920 et 1960, mais

enregistre une baisse constante de son taux d’exportations jusque vers 1980.

73

Le Chili et l’Argentine ont des comportements assez similaires sur la période considérée.

Leurs trends d’exportations restent relativement constants jusque dans les années 1930, pour

ensuite décroître lentement et se redresser enfin au cours de la décennie 1970. Cette similarité

de comportement est certainement liée à une proximité de leur structure de balance

commerciale. Les deux économies s'avèrent, en effet, être des producteurs de céréales bien

que le Chili accompagne cette production d'une spécialisation supplémentaire dans les

produits miniers. Leurs évolutions commerciales suivent donc celles des politiques

d'importations des pays acheteurs de céréales. Ainsi, à partir des années 1930, lorsque

l'Europe prend des mesures restrictives en matière d’importations de céréales, leurs taux

d'exportation chutent, et, malgré une évolution favorable après la seconde guerre mondiale,

rattrapent difficilement les niveaux de 1929. A ces difficultés liées aux exportations de

céréales, le Chili voit dès les années 1920 ses produits miniers et notamment le nitrate de

soude concurrencés par des produits de substitution qui génèrent une chute des prix.

C. Les trente glorieuses: un dynamisme extraverti

Les années qui suivent la seconde guerre mondiale constituent une période de dynamisme

inégalé dans l'histoire économique des pays de l'OCDE. Les trends en témoignent: toutes les

variables connaissent un décrochement à la hausse durable sur la période d'après guerre.

Cependant, et cela constitue la seconde caractéristique de cette époque, ce comportement n'est

pas partagé par tous les pays de notre échantillon. Tandis que les pays de l'OCDE se

développent à un rythme très rapide, les économies latino-américaines connaissent une

relative stagnation qui, par comparaison avec la croissance vertigineuse des autres pays, les

enferme dans une situation de sous développement. Les trente glorieuses sont donc, aussi, une

période au cours de laquelle les écarts se creusent et les divergences entre régions s'affirment.

1. Un mouvement de croissance jamais égalé

a. Les Trente Glorieuses

Après les années 1950, on assiste à un accroissement accéléré et généralisé de la production.

Cette évolution, que l’on peut constater graphiquement, est de nouveau confirmée par les

74

travaux de Ben-David et Papell (1995) qui soulignent qu’après l’occurrence d’une rupture

dans leur trend de production, les économies amorcent généralement un nouveau trend de

croissance plus élevé que le précédent. Le Canada et les Etats Unis se distinguent par une

nouvelle spécificité puisqu'à la suite de la crise de 1929, ils reviennent sur le même sentier de

croissance que précédemment. Cela permet à Ben-David et Papell (1995) d'en déduire une

validation du modèle néoclassique dans le cas de ces deux pays, un choc externe – même

d’envergure exceptionnelle – ne les empêchant pas de converger vers un équilibre de

croissance unique.

De manière assez visible, si l'on considère les graphes, la reconstruction qui fait suite à la

seconde guerre mondiale a été menée à un rythme plus rapide et plus régulier que celle qui

avait suivi le conflit du début du siècle. Cela est du, en partie, à la mise en place du plan

Marshall par les Etats Unis en 1948. Cette explication n'est, cependant, pas entièrement

satisfaisante puisque le Japon, qui n'a pas bénéficié de ce financement, a pourtant enregistré

une phase de reconstruction presque aussi rapide que celle des pays européens (avec

cependant un retard de 2 ou 3 ans par rapport à ces derniers). Il est, de toutes façons, difficile

d'être précis à ce sujet puisque la phase de reconstruction des pays occidentaux a donné lieu à

une période d'expansion économique sans précédent historique, deux phénomènes qui se

superposent vraisemblablement sur les graphes.

Les années 1950-1973 correspondent à des années de forte croissance économique pour la

totalité des pays de l'échantillon, phénomène qui n'empêche pas l'existence de fortes disparités

entre les taux de croissance des économies considérées. A cette époque, l'Europe connaît des

taux de croissance de l'ordre de 2.6 % avec un taux plancher de 1.95% pour le Royaume Uni

et une valeur record de 3.3% pour l'Allemagne et l'Italie. Le Canada suit de près cette

progression alors que les Etats-Unis minorent largement ces résultats avec une statistique de

1.93% et que le Japon devance de loin tous les autres pays en enregistrant une croissance de

4.53%. Ces deux derniers résultats s'interprètent aisément dans une problématique de

convergence, les Etats Unis, pays initialement doté du PIB par habitant le plus élevé, se voient

rattraper alors que le Japon profite de cette convergence.

La période d'après guerre est aussi caractérisée par des fluctuations économiques très

atténuées. Selon Bairoch (1997), les tendances observées après la seconde guerre mondiale

seraient 7 à 8 fois plus stables que celles de l'entre deux guerres et 3 fois plus que celles

enregistrées à la fin du siècle dernier. Ainsi, si les pays occidentaux ont bien connu deux

récessions au cours de cette période, celles de 1954 et 1958, celles-ci n’ont pas constitué de

véritables crises et ont tout au plus entraîné des ralentissements de la croissance. Une telle

75

stabilité des trends s'explique certainement par une conjonction de phénomènes. Parmi ceux

ci, notons l'importance des changements structurels et, notamment, le rétrécissement d'un

secteur autrefois porteur de volatilité économique: l'agriculture. A ces évolutions de fond se

sont sans doute superposées la relative stabilité monétaire lié au système instauré par les

accords de Bretton Woods et l'adoption quasi généralisée d'une planification souple, signe

d'une présence régulatrice de l'Etat.

b. Les crises pétrolières et le ralentissement des années 1980

Les années 1970 puis 1980 sont profondément marquées par un ralentissement de la

croissance au sein des pays industrialisés. Cependant ce tassement ne signifie aucunement un

renversement de la tendance générale. Au cours de cette période, les pays continuent de

croître et de converger vers des niveaux de PIB par tête très proches. Les taux de croissance

restent d'ailleurs supérieurs à ceux enregistrés au XIXème siècle et pendant l'entre deux

guerres. Ce tassement de la croissance peut s'expliquer par plusieurs facteurs concomitants. Il

faut remarquer, tout d'abord, que les pays qui connaissent une forte inflexion de leur trend de

PIB par tête sont ceux qui, comme le Japon, ont pratiquement complété leur rattrapage

économique vis à vis des pays les plus développés de l'échantillon. Ils ont, en quelque sorte,

épuisé les gains de croissance dus à la convergence. Ce facteur ne suffit cependant pas à

justifier la date d'occurrence de ce ralentissement et surtout ne peut expliquer les

comportements des pays en tête du peloton. Le facteur déterminant du ralentissement de la

croissance des années 1970 est à rechercher du côté des chocs pétroliers qui ont affecté les

pays importateurs de pétrole en 1973 et 1981. Ces deux chocs exogènes successifs ont

entraîné de fortes récessions au sein des pays industrialisés, bien que ceux ci aient été atteint

de façon hétérogène. L'Allemagne, les Etats Unis et le Royaume Uni ont été relativement

sensibles à ce changement de conjoncture tandis que la France et le Japon ont été plus

faiblement touchés.

2. Un mouvement général d'intégration commerciale

Après la deuxième guerre mondiale, les trends des séries d’exportations deviennent nettement

positifs. Ils apparaissent aussi quasi linéaires, bien que de pentes très hétérogènes selon les

pays considérés. La Norvège et l’Allemagne connaissent une véritable explosion de leurs

niveaux d’exportations qui dépassent ceux des autres pays européens, sans toutefois

76

converger vers un niveau identique (la Norvège semble conserver son avantage et même le

creuser). Cette évolution d'après guerre est exceptionnelle puisque non seulement les niveaux

d'avant 1914 sont retrouvés, mais ils sont aussi dépassés dans les années 1980. Les trente

glorieuses apparaissent donc être, à la fois, le théâtre d'une croissance économique hors du

commun, et celui d'une formidable intégration économique dont la conséquence est

l'accroissement du volume des échanges à un rythme 1.7 fois plus élevé que celui du volume

de la production. En comparaison, les pays d'Amérique Latine, dont les exportations

connaissent pourtant un regain de vitalité, apparaissent relativement introverti.

a. La réouverture des économies de l'OCDE

C'est la CECA, instaurée en 1952, qui amorce le processus d'intégration en Europe. Elle

comprend le Benelux, la France, l'Allemagne et l'Italie, pays qui dès ces années connaissent

un accroissement significatif de leur part d'exportations dans le PIB. En mars 1957, le traité

de Rome est signé donnant le jour à la CEE, expression de la volonté des pays de la CECA

d'accéder au stade d'une intégration économique plus complète. En 1973, quelques pays

supplémentaires sont intégrés dans la CEE, dont le Danemark et le Royaume Uni. Dans le cas

de ce dernier, les graphes attestent d'une stagnation de la part des exportations dans le PIB sur

la période 1950-1970, illustration du déclin commercial de ce qui avait été la puissance

dominante au siècle précédent. Cette stagnation a sans doute incité le Royaume Uni à entrer

dans la CEE. Le pays enregistre, d'ailleurs, à la suite de cette entrée, une tendance

d'exportation qui redevient positive.

Parallèlement à cette intégration européenne, débute un processus de réduction des droits de

douane au niveau international. En octobre 1947 le GATT est créé. Son objectif est, au travers

de rounds de négociation, de libéraliser le commerce international. D'après les graphes, les

pays neufs et notamment le Japon et les Etats Unis sont restés relativement fermés par rapport

aux pays européens. Par comparaison, le Canada a consenti un effort significatif, enregistrant

des taux d'exportations comparables aux statistiques européennes. Ces évolutions ne doivent

pourtant pas masquer le fait qu'en termes absolus, les exportations des Etats Unis représentent

une part énorme du commerce mondial (cf. tableau I.10).

77

Tableau I.11: part des exportations dans le total mondial, dollars courants, en %22

1913 1929 1938 1950 1970 1995

Royaume Uni 14 11 10 10 6 5Etats Unis 13 16 13 17 14 11Allemagne 13 10 10 3 11 10Japon 2 3 4 1 6 9

Il se lit certainement ici un effet de taille dont les grands pays pâtissent. Ainsi, malgré le

phénomène d'intégration européenne, la progression du taux d'exportation des Etats Unis est

l'une des plus élevées sur la période 1970-1993, après l'Allemagne et la Norvège, mais devant

la France, l'Italie et le Royaume Uni.

b. Le caractère relativement introverti des pays d'Amérique Latine

A la suite de la seconde guerre mondiale, les trends d’exportations des pays d’Amérique

Latine redeviennent légèrement positifs, à l'exception du Venezuela. Cependant, cette

évolution est négligeable en comparaison de celle enregistrée par les pays développés. Une

véritable divergence de comportements apparaît donc, liée, sans doute, à la structure des

échanges commerciaux, au fait que la majorité des produits exportés à partir de l'Amérique du

Sud sont des produits agricoles ou miniers. Par conséquent, les exportations latino-

américaines ont, sans doute, été sujettes à une chute de la demande au cours du XXème siècle,

s’expliquant, notamment, par une progressive saturation des besoins, par un progrès technique

à l’origine d’une diminution des intrants nécessaires à la production et par la mise au points

de nombreux produits de substitution.

Cependant, la faiblesse des exportations dans les pays d’Amérique Latine peut aussi

s’expliquer par les politiques protectionnistes mises en place par les différents gouvernements

populistes qui se sont succédés à la tête de ces pays. En effet, à la suite de la seconde guerre

mondiale et sous l’impulsion des théories développementalistes, les pays en voie de

développement, et notamment ceux d’Amérique Latine, ont mis en place des politiques de

substitution aux importations visant à développer leur potentiel industriel tout en le

maintenant à l’abri de la concurrence internationale. Selon Droz et Rowley (1987), cela aurait

permis à l’Argentine et au Brésil de couvrir, en 20 ans, 90% à 95% de leurs besoins

industriels. L’envers d’une telle politique a été le repli de l’Amérique Latine dans les

échanges commerciaux. C’est donc, en partie, par réaction à ces politiques de développement

22 Source : Bairoch (1997)

78

autocentrées que les pays d’Amérique Latine se tournent dans les années 1960 et 1970 vers

des politiques extraverties, et c’est à partir de ces années que leurs trends d’exportation

retrouvent une pente positive.

3. Un monde bipolaire, entre convergence et divergence

a. La convergence des pays de l'OCDE

Les trente glorieuses voient la réduction des écarts entre pays de l’OCDE à plusieurs niveaux:

convergence des PIB par tête, intégration économique générale et plafonnement des niveaux

d'éducation.

A la suite du second conflit mondial, la variance des taux de scolarisation s’amenuise

sensiblement en Europe. Bien que de manière beaucoup moins régulière qu’à la fin du XIXème

siècle, les taux de scolarisation semblent converger vers un équilibre haut se situant entre 80

et 90%. L’Italie profite de cette période pour rattraper considérablement son retard.

L’Allemagne semble, au contraire, s’essouffler, elle finit d’ailleurs la période en queue de

liste. Alors que l'enseignement primaire s'est développé en Europe principalement avant la

première guerre mondiale, avec la promulgation des lois Ferry en France en 1880 et le

développement des boarding schools en Grande Bretagne, l'entre deux guerres et surtout

l'après seconde guerre mondiale voit la démocratisation de l'enseignement secondaire. Le

passage d'une éducation réservée aux élites à un enseignement de masse explique la

croissance impressionnante des taux de scolarisation observée graphiquement.

Par opposition, les trends d’éducation au sein des pays neufs apparaissent beaucoup plus

volatiles après la seconde guerre mondiale que sur les périodes antérieures. Les Etats-Unis

sont toujours en tête, mais ils perdent leur première place sur la fin de la période et, alors

qu’ils atteignaient des taux de scolarisation de 90% dans les années 1960, ils retombent à

moins de 70% en 1980. Le Canada se stabilise autour de 80, 85% de jeunes inscrits en

primaire et secondaire. Le Japon, après avoir connu une rupture de son niveau d’éducation

dans les années 1960, enregistre une remontée spectaculaire de sa scolarisation et rejoint les

niveaux du Canada à la fin de la période.

79

b. Le décrochage des pays d'Amérique Latine

L’observation des données, notamment celles de la fin de la période, suggère une convergence

des pays latino-américains vers un niveau de revenu par tête largement inférieur à celui atteint

par l’Europe, le Japon et les Etats d’Amérique du Nord. D’ailleurs, dès la fin des années 1950,

l’Argentine et le Chili chutent dans le classement des pays riches et entrent dans la catégorie

des pays en développement. Compte tenus des bons résultats enregistrés en début de période

par les pays d’Amérique Latine, une telle convergence vers un équilibre bas est surprenante et

conduit à s’interroger sur les raisons ayant conduit ces pays, initialement dans le peloton de

tête en termes de niveaux de revenu par tête, à se désolidariser des pays les plus développés.

L’analyse graphique suggère un début d’explication : alors que l’Italie connaît visiblement

une croissance économique remarquable à la suite de la seconde guerre mondiale,

l’Argentine, le Brésil et le Chili poursuivent leur trend ascendant sans, pour autant, enregistrer

de ruptures à la hausse significatives. Seul le Venezuela connaît un réel regain de dynamisme

dans les années 1950 (il est aussi le seul pays à concurrencer les pays européens jusque dans

les années 1970). Ainsi, la seconde guerre mondiale apparaît, en un sens, avoir déclenché des

mécanismes de croissance accélérée dans les pays qui en ont été le théâtre. Les économies qui

n’ont pas été directement impliquées dans le conflit n’ont pas enregistré de ruptures brutales

en termes de production et ont poursuivi leur chemin d’expansion de manière plutôt linéaire.

Ainsi, et cela peut paraître paradoxal, elles semblent avoir pâti de cette stabilité à long terme

qui ne leur a pas permis de connaître de "coup de fouet". En réalité, ce paradoxe n’est

qu’apparent car la guerre entraîne généralement une destruction massive de capitaux dont le

remplacement, au lendemain des combats, peut donner lieu à une restructuration de l'appareil

productif et, de ce fait, le rendre plus compétitif qu’auparavant. Au lendemain de la seconde

guerre mondiale, les pays n'ayant pas procédé à ce renouvellement ont conservé leurs

archaïsmes. Autrement dit, ils n'ont pas effectué leur reconversion technologique de manière

suffisamment rapide pour rivaliser avec les pays européens.

Ce premier élément ne suffit pas, cependant, à expliquer l'évolution des pays d'Amérique

Latine. Parallèlement à une réorientation technologique, les pays qui ont connu la guerre ont

pu bénéficier, à la suite de la seconde guerre mondiale, d’une aide financière d’envergure -

accordée par les Etats Unis dans le cadre du plan Marshall - et des effets d’entraînement des

économies voisines. Au contraire, les pays d’Amérique Latine, du fait de leur éloignement du

pôle de croissance européen et en raison d’un mode de développement autocentré, n’ont pas

pu profiter des éventuelles retombées positives de la croissance occidentale.

80

Enfin, en plus d’une croissance relativement faible par rapport à celle des pays développés,

les pays d’Amérique Latine ont également connu un fort ralentissement de leurs performances

économiques dans les années 1980. D'ailleurs, en appliquant la méthode de Ben-David et

Papell (1995) aux données sud-américaines, on met en évidence une rupture du trend de

revenu par tête du Brésil et du Chili durant cette décennie (tableau I.11). Ainsi, plus que

l’absence d’un boom significatif au lendemain de la seconde guerre mondiale, la crise de la

dette des années 1980 semble avoir enrayé de manière significative les efforts de décollage

économique des pays d’Amérique Latine.

Tableau I.12: occurrence des dates de rupture dans les séries de PIB par têteselon la méthode de Ben-David et Papell (1995), pays d'Amérique Latine

Pays Date d’occurrence de la rupture

Argentine n.s.Brésil 1980Chili 1981Venezuela n.s.

Cette convergence vers des équilibres proches ne doit cependant pas faire oublier

l'hétérogénéité des comportements au sein de la région latino-américaine. En matière de PIB

par tête, nous avons déjà souligné la forte dispersion qui caractérise le début du siècle. Avant

la première guerre mondiale, alors que l'Argentine et le Chili paraissent se comporter comme

deux pays riches, le Brésil et le Venezuela enregistrent des niveaux de PIB par tête largement

inférieurs. Si la dispersion des statistiques en niveau se réduit au cours du temps, les

comportements de croissance restent relativement différenciés selon les pays. Cette évolution

est mise en évidence par les tableaux I.5 et I.12.

Tableau I.13: taux de croissance du PIB par tête annuels des pays d’Amérique Latinesur la période 1973-1994

1973-1980 1980-1985 1985-1990 1990-1994

Argentine .48 -3.46 -.98 6.20Brésil 4.27 -1.35 -.37 .26Chili 1.83 -2.07 4.39 5.03Venezuela -1.03 -3.44 -.54 .76

Jusque dans les années 1950, tous les pays considérés profitent d'une croissance positive,

cependant, le Venezuela se distingue largement par ses bonnes performances. Second

81

producteur mondial de pétrole en terme d'extraction en 1950, il a, en effet, bénéficié des forts

afflux de capitaux générés par l'exploitation de ce dernier. De 1950 à 1970, c’est le Brésil qui

bénéficie d’une croissance forte, alors que le Chili et l'Argentine doivent se contenter de taux

de croissance médiocres et se voient rattraper en termes de niveau de revenu. Le début des

années 1980 est caractérisé par un recul généralisé des performances économiques, mais dès

la seconde moitié de cette décennie, le Chili et un peu plus tard l'Argentine connaissent une

évolution qui redevient favorable.

Conclusion

L’étude descriptive des évolutions historiques suggère l’existence d’une relation forte entre

ouverture extérieure et croissance ainsi qu’entre éducation et croissance.

D’une part, les périodes de forte intégration semblent avoir coïncidé avec une amélioration

notable des performances économiques et les pays les plus ouverts semblent avoir fait mieux,

notamment sur le long terme, que les pays plus introvertis aux premiers rangs desquels ceux

d’Amérique Latine.

D’autre part, la relation positive entre capital humain et croissance économique semble être

confirmée dans un certain nombre de cas: en début de période, l’Argentine, l’Allemagne et la

France sont caractérisés simultanément par un haut niveau d’éducation et par de bonnes

performances économiques. A l’inverse, l’Italie, le Brésil et le Venezuela cumulent de faibles

niveaux éducatifs et relative stagnation économique.

Cependant, en dynamique, la relation entre les deux grandeurs semble se perdre. Non

seulement, le pays le plus développé en début de période (le Royaume Uni) n’est pas le plus

riche en capital humain, mais les pays ayant accumulé un capital éducatif important ne

semblent pas forcément en avoir profité sur le long terme (cas de l’Argentine).

Une étude systématique, fondée sur l’utilisation de méthodes économétriques, apparaît

donc nécessaire afin de départager les effets en présence.

82

Chapitre III: Les modèles traditionnels à l’épreuve des données de long terme

Dans la suite de ce travail, nous amorçons une première étude économétrique des

effets en présence en nous focalisant sur deux moteurs traditionnels de la croissance: le capital

humain et l'ouverture économique. De nombreuses études empiriques se sont déjà intéressées

à l’impact de l'éducation et du commerce sur la croissance. Cependant, elles ont généralement

pour champ d’action la période d’après guerre pour laquelle les données sont largement

disponibles. Notre travail concerne la croissance de long terme et même de très long terme

puisque nos données remontent à la fin du dix-neuvième siècle. Une première étape de notre

étude consiste donc à tester la validité d'un certain nombre de modèles traditionnels sur

longue période. Outre l'intérêt direct d'une étude de la robustesse des modèles de croissance

traditionnels, un tel exercice nous permet de dégager une première série de conclusions

simples concernant le processus de croissance au cours du XXème siècle. Les limites des

spécifications traditionnelles nous incitent, ensuite, à nous tourner vers des approches plus

complexes des phénomènes de croissance.

A. Les modèles de capital humain

Les premières modélisations du capital humain dans le processus de croissance ont découlé de

la représentation solowienne du développement économique. Dans son modèle, Solow (1956)

fait l'hypothèse qu'un terme d'efficience (un progrès technique neutre au sens de Harrod)

vient, de manière exogène, augmenter le nombre d'unités de travail efficace et stimuler, de

façon transitoire, la croissance. Ce terme d'efficacité At, multiplicatif du facteur travail au sein

de la fonction de production, peut être considéré comme du capital humain. Par conséquent,

dans le cadre du modèle de Solow (1956), alors même que la croissance s'épuise avec

l'accumulation du capital physique selon la règle des rendements factoriels décroissants, la

présence de capital humain permet d'augmenter le taux de croissance d'équilibre au dessus du

taux naturel n (taux de croissance démographique). Cependant, les revenus par tête des

différentes économies continuent de converger, même s'ils convergent de manière

conditionnelle à l'effort d'accumulation du capital humain par pays. Autrement dit, la prise en

compte du capital humain ne débouche pas, dans ce cadre, sur une croissance auto-entretenue.

83

De plus, le capital humain étant introduit dans le modèle comme un facteur exogène, le choc

qu'il entraîne doit être répété de période en période pour obtenir une croissance du stock de

capital par tête non nulle. Ce caractère exogène ne peut que laisser insatisfait puisqu'il ne

permet pas de conceptualiser ni la rémunération du capital humain, ni son mode

d'accumulation. D'après le théorème d'Euler, en effet, la rémunération du travail et celle du

capital physique épuisent le produit global de sorte que le capital humain At ne peut être

rétribué. Il est difficile, dans ces conditions, de saisir ce qui motive l'accumulation de capital

humain. Pourtant, cette accumulation représente un véritable enjeu, autant qu'un coût

important, pour les économies nationales.

Il est donc probable que l'accumulation de capital humain réponde à un processus endogène,

notion que Mankiw, Romer et Weil (1992) ont tenté d'incorporer au modèle de Solow (1956)

en supposant que le capital humain était un facteur de production au même titre que le capital

physique et le travail. Ces auteurs introduisent ainsi au sein de leur fonction de production la

variable capital humain comme déterminant direct du niveau d’output d’une économie. Le

modèle de Solow (1956) augmenté, testé par Mankiw, Romer et Weil (1992) révèle une

relation robuste entre capital humain et croissance. Nous entreprenons donc, dans une

première partie de ce chapitre, de tester la validité du modèle de Mankiw, Romer et Weil

(1992) sur le long terme.

Toutefois, les études empiriques ont mis en avant le caractère non convaincant d’une théorie

de la convergence globale, même conditionnelle, puisqu’il s’est notamment avéré impossible

d’inclure l’Afrique au sein des modèles traditionnels. En effet, celle-ci, loin de confirmer

l’existence d’un rapprochement relatif des revenus par tête, devait être contrôlée par

l’insertion de dummies pour permettre de conserver le résultat traditionnel23. Finalement, si

l’idée d’un ensemble de pays convergeant entre eux reste valide, elle est essentiellement

vérifiée pour les pays de l’OCDE (Baumol, 1986). L’étude des autres pays nécessite, quant à

elle, de se tourner vers des modèles théoriques qui justifient la persistance des divergences.

Ces résultats nous incitent à nous tourner vers un modèle alternatif de croissance plus large

dans sa prise en compte du facteur capital humain. Cette nouvelle spécification, empruntée à

Benhabib et Spiegel (1994), supplée aux carences du modèle de Mankiw, Romer et Weil

(1992) de plusieurs façons. Elle évite l’hypothèse contraignante d’une proximité de l’équilibre

stationnaire en s’intéressant à la transition vers l’équilibre et non à la distance par rapport à la

cible. Elle intègre deux rôles possibles du capital humain en le présentant à la fois comme un

23 Voir, à ce propos l'ouvrage synthétique de Guellec et Ralle (1995).

84

possible moteur de croissance – façon croissance endogène – et un facteur de rattrapage

technologique.

1. Le capital humain, un facteur de production: modèle de Mankiw, Romer et Weil (1992)

a. La spécification

Soit la fonction Cobb-Douglas suivante:

Yt,i = KitαHit

β(AitLit)1-α-β (I.10)

où Yit est le niveau de production, Ait le niveau de technologie, Kit le capital physique, Hit le

capital humain et Lit le travail.

Comme chez Solow (1956), le travail et la technologie sont supposés croître à rendements

exogènes constants: n et g et la dépréciation du capital physique se nomme δ. La résolution

standard du modèle mène à l'équation de convergence conditionnelle suivante:

∆ Lnyit = (1 - e-λt) [lnyit-1 + α /(1-α-β) lnI/Yit + β /(1-α-β) lnsHit – (α +β)/(1-α-β) ln(η+g+δ)] (I.11)

Avec y, la production par unité efficace de travail, sHit, l'investissement en capital humain

et λ, la vitesse de convergence.

Un modèle alternatif, dans lequel le capital humain ne serait pas explicité sous forme

d'investissement, mais sous forme de stock peut aussi être dérivé du modèle précédent. Il

correspond à une semi résolution du modèle de Solow (1956) avec capital humain, modèle

dans lequel le mode d’accumulation du capital humain n'est pas développé:

∆ lnyit = (1 - e-λt) [lnyit-1 + α / (1-α-β) (lnI/Yit - ln(η+g+δ)) + β / (1-α-β) lnhit ] (I.12)

Habituellement, l’estimation d'une équation de convergence est problématique car elle

s'apparente à un modèle dynamique. Dans ce cas, en effet, l'utilisation des méthodes

d'économétrie de panel traditionnelles mène à des coefficients biaisés du fait de la corrélation

entre variable endogène retardée et résidus. Cependant, une telle contrainte n'est effective que

lorsque la période étudiée est courte, ce qui est le cas de la plupart des études en panel menées

85

à ce sujet. Dans notre cas, la longueur de la base de données est suffisante pour permettre la

convergence des estimateurs et éliminer le biais lié au panel dynamique.

b. Les résultats économétriques

Les tests économétriques sont menés sur données annuelles, forme qui nous permet de

conserver les propriétés de convergence des estimateurs. La somme du taux de dépréciation et

du taux de progrès technique exogène est fixée à 0.05 selon l’hypothèse émise par Mankiw,

Romer et Weil (1992). Deux spécifications sont tour à tour estimées: l’une utilisant le taux de

scolarisation présent comme indicateur du capital humain et l’autre s’appuyant sur le taux de

scolarisation retardé de dix ans. La première méthodologie correspond à une reprise du

modèle de Mankiw, Romer et Weil (1992) et assimile le taux de scolarisation actuel à la

propension à investir en capital humain (sHti). La seconde se justifie par la proximité des

tendances des variables d’éducation en stock et en taux de scolarisation24. Si le taux de

scolarisation se comporte comme un stock, il peut alors être intégré comme tel au sein de la

régression. Nous choisissons néanmoins de le retarder de dix ans pour permettre aux

générations scolarisées de mettre à profit leur formation au sein d’activités productives.

Les tests sont effectués sur deux bases de données alternatives: l’une commençant en 1880 et

se restreignant aux pays développés, l’autre incorporant les pays d’Amérique latine, mais ne

débutant qu’en 1920.

Les résultats sur la base 1880-1980

Les résultats obtenus sur la base 1880-1980 - et consignés au sein du tableau I.14 - confirment

l’existence d’une convergence conditionnelle à l’accumulation des facteurs physique et

humain. La vitesse de convergence est estimée respectivement à 2 % et 2.4 % ce qui

correspond aux valeurs traditionnellement mises à jour au sein de la littérature. De façon

similaire, la statistique agrégeant le taux de croissance démographique, le taux de dépréciation

et le progrès technique exogène se comporte de manière attendue.

Cependant, le coefficient structurel associé à l’investissement n’est ni significatif, ni

plausible. Il reflète certainement la mauvaise qualité des données disponibles, en tous cas en

ce qui concerne la période précédent la seconde guerre mondiale. D'ailleurs la même

spécification différenciée selon la période produit des résultats tout à fait satisfaisants en ce

24 Résultat mis à jour dans le premier chapitre de cette partie.

86

qui concerne la seconde moitié du XXème siècle tandis que l'impact de l'investissement reste

fortement négatif avant la seconde guerre mondiale25. Il faut remarquer à ce sujet une plus

forte significativité de l'ensemble des variables explicatives sur la période d'après guerre. Cela

confirme les doutes que nous avions émis à l'égard des données d'investissement de Jones et

Obstfeld (1997) lorsqu’il nous a été impossible d’extrapoler les valeurs de stock de capital

physique. Cela suggère aussi une meilleure adéquation du modèle de Mankiw, Romer et Weil

(1992) aux phénomènes d'après guerre.

Tableau I.14: spécification de Mankiw, Romer et Weil (1992) appliquée à la base 1880-1980

Résultats deMRW (1992)

Résultats de la spécification de MRWappliquée à la base 1880-1980

Ln(Scol actuel) Ln(Scol10)

C 2.81 (1.19) .051 (.073) .050 (.077)Lny -.398 (.070) -.020** (.004) -.024** (.005)Ln(inv) .335 (.174) -.001 (.004) .001 (.004)Ln(scol) .223 (.144) .012* (.007) .018** (.007)Ln(n+0.05) -.844 (.334) -.229** (.084) -.294** (.089)

R² .65 .255 .270F-test (p-value) .380 .350Durbin Watson 2.047 2.043Hétéroscédasticité (p-value) .583 .939Nombre d'observations 810 710

Variable dépendante: Lnyi,t+1-Lnyi,t. Ecart-types entre parenthèses. Significativité à 5% (**) et 10% (*).Lny: revenu par tête initial, Ln(inv): log de l'investissement, Ln(scol): log de l'éducation, n: taux decroissance démographique, 0.05: approximation de la somme du taux de dépréciation et du progrèstechnique. F-test: test du Fisher d'existence d'effets spécifiques.Dummies temporelles prises en compte au sein de la régression mais non reportées par soucis de clarté.

Le coefficient structurel de la variable de capital humain se présente comme positif et

significatif, mais relativement faible. Ce résultat peut paraître assez surprenant puisqu’il

réaffirme l'existence d'une relation entre capital humain et croissance là où les études sur

données de panel attestaient d’une influence significative mais négative26. Cet effet est peut

être à mettre au compte de la période et des pays étudiés. En effet, nous avons, jusqu’à

présent, réduit l’analyse au cadre des pays développés, seules économies pour lesquelles les

données sur longue période sont disponibles. Les études menées en panel concernent

d’habitude un nombre de pays plus élevé et incluent, notamment, certains pays en voie de

développement. Cette première approche suggère un début de réponse au paradoxe soulevé

par les études traditionnelles en termes d'hétérogénéité des individus de l'échantillon. Le signe

25 Résultats désagrégés selon la période en annexes.

87

négatif obtenu pour la variable de capital humain s’interprète comme une limite à la

comparabilité des fonctions de production lorsque les économies étudiées sont trop disparates

du point de vue de leur technologie ou de la qualité de l'enseignement. Les pays de notre base

de données se présentent comme relativement homogènes en termes technologiques. Leurs

comportements d’accumulation sont relativement proches. Il s’ensuit que les écarts

concernant le stock de capital humain, ou l’investissement éducatif, se traduisent par des

niveaux de croissance différents.

La comparaison nombre à nombre des résultats obtenus sur la base 1880-1980 et de ceux mis

à jour par Mankiw, Romer et Weil (1992) n'est pas d'un grand intérêt dans la mesure où ni la

base de données étudiée, ni la période considérée, ni les indicateurs adoptés, ni les méthodes

économétriques employées ne sont similaires. Mankiw, Romer et Weil (1992) se réfèrent à

une estimation cross-section concernant 22 pays de l'OCDE sur la période 1960-1985 tandis

que nous nous intéressons à 10 pays de l'OCDE en panel sur 100 ans. De plus, notre variable

endogène est un taux de croissance rapporté à la population totale tandis que la leur est

ramenée à la population active. L'indicateur de capital humain varie aussi entre les deux

études: nous utilisons un taux de scolarisation dans le primaire et le secondaire tandis qu'ils se

réfèrent au pourcentage des étudiants du secondaire dans la population active. Cependant,

nous ne pouvons que constater la faiblesse de l'effet de notre variable d'éducation en

comparaison avec celle de Mankiw, Romer et Weil (1992). Ce résultat suggère un impact

cross-section de l'éducation plus important que son effet temporel, comme si cette variable

permettait mieux de départager les pays entre eux que d'expliquer leurs évolutions

temporelles.

Les résultats sur une base incorporant les pays d’Amérique latine

Les résultats obtenus diffèrent fortement du tableau précédent. Essentiellement deux

inversions de signe sont suggérés par cette nouvelle régression. A présent, l'éducation a un

impact négatif sur les performances économiques. De plus, la somme de l’effet

démographique et du taux de dépréciation influence positivement la croissance.

26 Voir Knight, Loayza et Villanueva (1993), Islam (1995), Caselli, Esquivel et Lefort (1996) et Dessus (1998).

88

Tableau I.15: spécification de Mankiw, Romer et Weil (1992) appliquée à 1920-1980

H: Ln(Scol actuel) H: Ln(Scol10)

Lny -.042** (.011) -.055** (.013)H -.035** (.008) -.018** (.008)Ln(n+0.05) .278** (.075) .308** (.074)

R² .362 .444F-test (p-value) .000 .000Durbin Watson 1.737 1.632Hétéroscédasticité (p-value) .000 .000Nombre d'observations 912 722

Variable dépendante: Lnyi,t+1-Lnyi,t. Lny: revenu initial par tête, H: log de l'éducation, n: taux de croissancedémographique, 0.05: somme du taux de dépréciation et du progrès technique. Ecart-types entre parenthèses.Significativité des coefficients à 5% (**) et 10% (*). F-test: test du Fisher d'existence d'effets spécifiques.Dummies temporelles prises en compte au sein de la régression mais non reportées par soucis de clarté.

Plusieurs facteurs pourraient justifier une telle modification. Par rapport à la spécification de

base, nous n’avons pas pu intégrer dans cette régression de variable d’investissement. En

effet, l’absence de telles données pour les pays d’Amérique Latine concernant l’avant guerre

nous a obligé à supprimer cet indicateur de l’estimation. Cependant, les mauvais résultats

obtenus préalablement lors de l’estimation du coefficient structurel lié à l’investissement au

sein des pays développés laisse présager une absence de relation entre nos résultats et le retrait

de la variable d’investissement de la spécification. D’ailleurs un test économétrique de la

spécification sans investissement appliquée à la base 1880-1980 confirme le caractère

"indolore" de la variable d’investissement au sein de ce modèle27.

Une seconde explication de ce résultat pourrait être le passage d’un modèle MCO à un modèle

à effets fixes. Cependant, les modèles alternatifs donnés par le logiciel ne résolvent pas les

inversions de signe trouvées précédemment.

Ces résultats contradictoires pourraient, finalement, découler de l’ajout des pays d’Amérique

Latine à l'échantillon initial. Une telle explication rejoindrait les critiques adressées au modèle

de convergence conditionnelle selon lesquelles l'hétérogénéité technologique entre pays biaise

l'estimation économétrique des spécifications28. Elle confirmerait aussi l'argument avancé lors

des estimations sur 1880-1980 pour justifier l'obtention d'un coefficient positif et significatif

associé au capital humain sur un tel échantillon. Cependant, le retrait des pays latino-

américains de l'échantillon ne change pas significativement les résultats. Il semblerait plutôt

que c'est le rétrécissement de la dimension temporelle qui entraîne ces divergences de

27 Les résultats d’une telle régression sont: Lyt+1-Lyt = -.02** Lyt + .012* LnScol - .232** Mrw + .048avec les coefficients significatifs à 5% (**) et 10% (*)28 Maddala (1999) constitue un survey synthétique des critiques adressées à l'économétrie des données de panelappliquée aux échantillons de pays.

89

résultats puisque l'estimation d'un modèle sur une période similaire mais sans les pays latino-

américains produit les mêmes résultats.

A la suite de cette première série d'estimations, il faut souligner le caractère peu convaincant

sur long terme du modèle de Mankiw, Romer et Weil (1992) dont la robustesse se vérifie

principalement sur la période d'après guerre et qui conduit à des résultats très surprenants

lorsque la longueur temporelle de la base de données est réduite et l'échantillon augmenté des

pays d'Amérique Latine. Ce manque de robustesse s'ajoute à une contrainte de proximité des

pays de leur équilibre, qui s'avère peu crédible dans le cas d’une étude de long terme. Dans la

suite de ce développement, nous adoptons le modèle de Benhabib et Spiegel (1994). Ce

dernier nous permet à la fois de relâcher la contrainte de proximité technologique nécessaire

au modèle Mankiw, Romer et Weil (1992) et de prendre en compte la multiplicité des rôles

que peut emprunter le capital humain.

2. Le capital humain, un vecteur des nouvelles technologies: Benhabib et Spiegel (1994)

Au sein du modèle de Benhabib et Spiegel (1994), l'impact du capital humain sur les

performances économiques prend deux formes: il intervient comme moteur potentiel de

croissance selon la terminologie empruntée à la théorie de la croissance endogène ; il est aussi

vecteur de rattrapage technologique. Sa nature de facteur de croissance est ici négligée. Elle

se confondrait, de toutes façons, au sein du modèle économétrique avec sa caractéristique de

moteur de croissance tel qu’il en deviendrait impossible de départager les effets.

a. La spécification

Soit la fonction Cobb-Douglas suivante: Yit = AitKitαLit

β (I.13)

où Yit est le niveau de production, Ait la productivité totale des facteurs, Kit le capital physique

et Lit le travail.

En calculant les log - différences dans (I.13), on obtient l'équation suivante, dans laquelle le

taux de croissance du PIB est une fonction linéaire du changement technologique, de la

variation de capital physique et de celle du travail:

lnYit - lnYit-1 = lnAit - lnAit-1 + α (lnKit - lnKit-1) + β (lnLit – lnLit-1) (I.14)

90

L'accroissement de technologie est à son tour défini comme la somme de deux facteurs:

lnAit - lnAit-1 = c + d Hit-1 + e Hit-1 * (ymaxt-1 - yit-1)/yit-1 (I.15)

Le premier facteur (Ht,i) est le niveau de capital humain et représente le développement

technologique directement influencé par l'accumulation domestique de capital humain. Ce

premier terme fait référence à la théorie de la croissance endogène, puisque différents niveaux

de capital humain sont supposés entraîner différents rythmes d'accumulation technologique,

qui à leur tour justifient l'existence d'une divergence des taux de croissance. Le second terme

de l'équation (I.15) est constitué d'une variable interactive (Ht,i * (yt,max - yt,i)/yt,i) et représente

l’écart technologique entre pays amplifié par le capital humain. L’intuition économique

derrière cette spécification, reprise à Nelson et Phelps (1966) est la suivante: l'accumulation

de technologies est supposée dépendre de l’écart entre le niveau de savoir atteint par le pays et

le pool de connaissances mondial, la vitesse du rattrapage étant directement fonction du

niveau de capital humain atteint par l’économie. Ainsi, plus un pays est loin du niveau de

connaissance accumulé au plan mondial, plus il lui sera facile d’augmenter son propre stock

de connaissances, selon la règle des rendements décroissants. Cependant, la vitesse de cette

accumulation sera déterminée par le niveau d’éducation de la population, une main d’œuvre

qualifiée permettant une absorption plus rapide des nouvelles technologies.

Finalement, l’équation à laquelle aboutissent Benhabib et Spiegel (1994) est la suivante :

∆ lnYit = c + d Hit-1 + e Hit-1 * (ymaxt-1 - yit-1)/yit-1 + α ∆ lnKit + β ∆ lnLit (I.16)

b. Les résultats économétriques

Les résultats obtenus par Benhabib et Spiegel (1994) et ceux issus de la reprise de leur modèle

sur la base 1880-1980 sont présentés au sein du tableau I.16. Etant donnée l'hétérogénéité des

estimateurs utilisés, il n’est pas possible de comparer directement les coefficients structurels

de ces deux séries de tests. Alors que Benhabib et Spiegel (1994) testent très précisément une

fonction de production, avec variation du travail et du capital, nous avons du approximer ces

variables par, respectivement, le taux de croissance démographique et la part de

l’investissement dans le PIB. Il en est de même pour l’estimateur de capital humain qui, chez

nous, est un taux de scolarisation et pour Benhabib et Spiegel (1994) une variable de stock.

91

Cependant, sachant, une fois encore, que le taux de scolarisation se comporte comme un

stock, notre approximation n’est pas dénuée de tout fondement.

Tableau I.16: spécification de Benhabib et Spiegel (1994) appliquée à 1880-1980

Benhabib et Spiegel 1880-1980

Scol Scol10

Constante .163 (.114) .0009 (.016) -.010 (-.016)∆K .472** (.072)

I / Y .023 (.025) .032 (.026)∆L .188 (.164)

n .518** (.166) .403** (.177)H -.014 (.014) -.015 (.012) -.009 (.012)H * (ymax / Y) .001** (.0002) .019** (.004) .024** (.005)

R² .262 .274Durbin Watson 2.075 2.069Hétéroscédasticité (p-value) .610 .296F-test (p-value) .103 .140Nombre d'observations 810 710

Variable dépendante: LnYi,t+1-LnYi,t., ∆K: variation du capital physique, ∆L: variation du travail, I / Y: part del'investissement dans le PIB, H: éducation, n: taux de croissance démographique, (ymax / Y): écart technologiqueau pays le plus développé. Ecart-types entre parenthèses. Significativité des coefficients à 5% (**) et 10% (*). F-test: test du Fisher d'existence d'effets spécifiques. Dummies temporelles prises en compte au sein de larégression mais non reportées par soucis de clarté.

Malgré ces divergences liées au manque d’estimateurs pertinents sur long terme, il est

remarquable que nos résultats confirment ceux de Benhabib et Spiegel (1994): l’interaction

éducation, écart technologique apparaît dans tous les modèles comme une variable

déterminante des performances économiques des pays.

Notons aussi que le modèle de Benhabib et Spiegel (1994) est robuste au changement de

période étudiée. L'existence d'un effet de rattrapage technologique conditionné par le capital

humain est confirmée avant et après la seconde guerre mondiale29. Seule la variable

d'investissement présente un signe aberrant pour la période de 1880 à 1937, renforçant

l'hypothèse d'un problème de qualité lié à ces données. Ce dernier résultat nous permet aussi

de trancher le débat concernant la robustesse du modèle de Mankiw, Romer et Weil (1992): la

forte baisse de significativité globale du modèle sur la période 1880-1937 ne peut se réduire à

un biais introduit par la variable d'investissement (dans ce cas, le modèle de Benhabib et

Spiegel (1994) devrait être affecté de la même manière), elle signifie plus généralement une

meilleure adéquation de ce modèle à la période d'après guerre.

29 Voir les résultats consignés en annexes.

92

Enfin, une estimation du modèle de Benhabib et Spiegel (1994) effectuée sur la base 1920-

198030 entraîne une forte baisse de significativité du modèle tout en conservant un coefficient

lié au processus de rattrapage technologique relativement crédible. La variable interactive

introduite par Benhabib et Spiegel (1994) reste aussi significative à 15%. Ce dernier résultat

souligne encore une fois le manque de robustesse du modèle de Mankiw, Romer et Weil

(1992) - son comportement surprenant sur la base 1920-1980 est mis en valeur par l'aspect

robuste du modèle de Benhabib et Spiegel (1994) - tout en suggérant qu'aucun des deux

cadres d'analyse jusqu'alors étudiés ne sont satisfaisants pour décrire les évolutions observées

sur une base élargie.

Au final, les résultats obtenus confirment la pertinence des études de court terme, bien que

cette conclusion soit principalement vérifiée dans le cas du modèle de Benhabib et Spiegel

(1994). Les estimations du modèle de Mankiw, Romer et Weil (1992) posent clairement le

problème de la généralisation à une période temporelle plus large que celle d'après la seconde

guerre mondiale et à un échantillon de pays dépassant le strict cadre de ceux de l'OCDE.

B. Les modèles traditionnels de l’ouverture économique

De 1977 à 1989, les articles se sont succédés au sein du Journal of Development Economics,

discutant de la pertinence des indicateurs, des spécifications et des méthodes utilisés pour

estimer l’impact de l’ouverture économique sur la croissance. Les controverses étaient

essentiellement d’origine technique et économétrique, laissant largement de côté la

justification théorique des formes employées.

Les modèles fondateurs de Michaely (1977), Heller et Porter (1977) et de Balassa (1978)

entament une réflexion critique sur les variables à intégrer aux équations de croissance. Ils

émettent l’idée que la relation comptable reliant exportations et PIB est de nature à biaiser la

corrélation entre croissance et ouverture commerciale. Le remède proposé consiste à

multiplier les indicateurs d’ouverture économique au sein des spécifications économétriques

afin de tester la robustesse des relations. Aux côtés de la part des exportations dans le PIB est

donc testé le taux de croissance des exportations. Un tel débat a le mérite de mettre à jour

deux effets des exportations sur le PIB: un effet direct, via la relation comptable et un effet

30 Résultats de nouveau consignés en annexes.

93

indirect lié à la répercussion de l’ouverture économique sur les autres variables de l’équation

de demande.

Le problème de spécification est ensuite repris par Feder (1983) qui enrichit considérablement

les études précédentes en se basant sur la fonction de production et l’existence de secteurs

plus ou moins extravertis pour justifier l’impact de la croissance des exportations sur les

performances économiques. Deux nouveaux canaux d’influence sont mis à jour: d’une part, la

réorientation des ressources vers le secteur exportateur se concrétise par une hausse de

productivité générale ; d’autre part, les exportations entraînent des restructurations

productives au sein même du secteur non extraverti par ricochets. C’est ce premier modèle

que nous choisissons d’estimer sur long terme dans une première partie de ce travail car il

nous semble le plus robuste du point de vue des fondements théoriques. Toutefois, parce

qu’une large proportion des études menées à ce sujet ont pris la forme de régressions de

convergence, nous reprenons ce cadre empirique auquel nous ajoutons notre indicateur

d’ouverture économique.

Cependant, la controverse la plus féconde des années 1980 a été soulevée par Jung et

Marshall (1985) et concerne le sens de la causalité entre les relations en présence. Il existe,

selon eux, tout autant d’arguments pour justifier une causalité allant de la croissance vers les

exportations. Bradford (1992) prolonge ces résultats en arguant que même au sein des NPI le

développement par les exportations est une idée fausse. C’est l’Etat qui, en voulant

encourager les exportations, entraîne des modifications de structure et des investissements

propices à la croissance. Nous achevons donc cette première approche des effets de

l’ouverture commerciale sur la croissance par des tests de causalité simples entre

développement économique et taux d’exportation.

1. L’impact de l’ouverture économique sur la croissance de long terme

a. Le modèle de Feder (1983):

Nous abordons la résolution technique du modèle de Feder (1983) en partie III de cette thèse.

Nous nous contentons, dans cette première approche du modèle de Feder (1983), d'en

communiquer l'intuition et l'équation économétrique de base:

Y

X

X

XF

L

L

Y

I

Y

Yx **)

1(

°°°

++

++=δ

δβα (I.17)

94

Avec Y/Y, taux de croissance de la production, I/Y, taux d’investissement, L/L, taux de

croissance de la main d’œuvre, Fx, élasticité de la production des biens non exportables par

rapport aux exportations, δ écart de productivité entre le secteur exportateur et le secteur

protégé, X/X, croissance des exportations et X/Y, part des exportations dans le PIB.

Dans le cadre du modèle de Feder (1983), l’économie est caractérisée par deux secteurs

économiques, un secteur exportateur et un secteur non exportateur, moins productif que le

premier. Les gains de productivité du secteur non exportateur sont liés à ceux du secteur

exportateur tels que la fonction de production globale de l’économie dépend à la fois de la

quantité de travail et de capital physique allouée à la production, mais aussi des exportations

produites par le secteur échangeable. Plus les exportations sont une part importante de la

production nationale, plus le secteur exportateur tire la productivité globale de l’économie

vers le haut, ceci dépendant aussi de la réactivité du secteur non exportable par rapport aux

exportations (estimée par l’élasticité Fx) et de l’écart de productivité entre les deux secteurs.

Si les exportations affectent la production des biens non exportables avec une élasticité

constante θ, l'expression précédente peut se réécrire:

X

X

Y

X

X

X

L

L

Y

I

Y

Y°°°°

+−+

++= θθδ

δβα **)1

( (I.18)

Les résultats obtenus par Feder (1983), ainsi que nos propres estimations de (I.17) et (I.18)

sont consignés au sein du tableau I.17. La régression issue de la spécification de Feder (1983)

effectuée sur la base 1880-1980 confirme l'existence d'effets fixes et le rôle des dummies

temporelles (non reportées ici par souci de clarté). Elle donne, cependant, des résultats peu

probants concernant l'investissement, ce qui, compte tenus des doutes pesant sur la

constitution de cette série n'est pas surprenant. Mise à part l'invraisemblance des coefficients

liés à l'investissement et malgré l’absence d’un estimateur pertinent concernant la population

active – que nous avons approximée par le taux de croissance démographique -, les résultats

obtenus à partir de la base 1880-1980 sont proches de ceux mis à jour par Feder (1983) sur

son échantillon complet. Ils accréditent l'impact positif de l'accroissement des exportations

pondéré par le poids de ces exportations dans le PIB tout en accordant à cette variable un

coefficient plus élevé que celui mis à jour par Feder (1983): .887 au lieu de .422.

95

Tableau I.17: spécification de Feder (1983) appliquée à 1880-1980

Feder : base complète31 Feder: paysdéveloppés32 Base 1880-1980

Spécif (I.16) Spécif (I.17) Spécif (I.17) Spécif (I.16) Spécif (I.17)

I/Y .178 (3.54) .124 (3.01) .141 (2.86) -.006 (.031) -.006 (.031)∆L .747 (2.86) .696 (3.40) .660 (1.48)n .320** (.185) .321* (.185)∆X * (X/Y) .422 (5.45) .305 (4.57) -.240 (1.31) .887** (.146) .804** (.210)∆X .131 (4.24) .494 (5.48) .012 (.022)C .002 (.18) .006 (.60) -.030 (2.61)

R² .689 .809 .815 .289 .27Durbin Watson 2.107 2.115Hétéroscédasticité .360 .357F-test .002 .01Nombre d'observations 810 810

Variable dépendante: LnYi,t+1-LnYi,t. ∆L: variation du travail, I / Y: part de l'investissement dans le PIB, n: taux decroissance démographique, ∆X: croissance des exportations, X/Y: part des exportations dans le PIB.Entre parenthèses: T de Student chez Feder, écart-types sur 1880-1980. Significativité des coefficients à 5% (**)et 10% (*). Tests de Fisher (test d'existence d'effets spécifiques) et d’hétéroscédasticité exprimés en p-value.Dummies temporelles prises en compte au sein de la régression mais non reportées par soucis de clarté.

Notons toutefois que les bases de données utilisées pour mener à bien ces tests sont fortement

hétérogènes. La base de Feder est constituée de 31 pays semi industrialisés dont les taux de

croissance sont estimés sur la période 1964-1973. La base de données 1880-1980 regroupe 10

pays développés pour lesquels nous disposons de données annuelles sur 100 ans. D'ailleurs,

une régression menée sur un échantillon constitué uniquement de pays développés conduit

Feder (1983) à rejeter la significativité d’un différentiel de productivité selon la nature

extravertie ou non des secteurs économiques. Ainsi, si les résultats obtenus pour les pays

développés dans une perspective de long terme se rapprochent de ceux de Feder (1983)

concernant les pays semi-industrialisés, ils ne confirment pas le modèle qui devrait leur

correspondre plus spécifiquement.

Cependant, les pays considérés comme aujourd’hui fortement développés ont pu connaître il y

a un siècle des comportements identiques à ceux des pays semi industrialisés aujourd’hui. Le

tableau I.18 recense les niveaux de PIB par tête enregistrés par les pays développés au début

du XXème siècle. Ceux-ci sont à comparer aux niveaux de revenu des pays semi-industrialisés

31 Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Corée, Costa Rica, Côte d'Ivoire, Egypte, Equateur,Espagne, Grèce, Guatemala, Hong Kong, Inde, Israël, Kenya, Malaisie, Maroc, Mexique, Pérou, Philippines,Portugal, République Dominicaine, Singapour, Syrie, Taiwan, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Uruguay,Yougoslavie32 Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, GB, Etats Unis, Finlande, France, Italie, Japon,Norvège, Pays Bas, Suède, Suisse

96

qui constituent la base de Feder (1983) et dont les statistiques sont exposés pour les dates

limites de l’échantillon, 1964 et 1973 dans le tableau I.19.

Tableau I.18: niveaux de revenu par tête des pays de l’OCDE au début du XXème siècleCanada Danemark France Allemagne Italie Japon Norvège Suède RU US

1880 1721 2099 2100 2078 1546 818 1444 1846 3556 3193

1900 2758 2902 2849 3134 1746 1135 1762 2561 4593 4096

1930 4558 5138 4489 4049 2854 1780 3377 3937 5195 6220

Tableau I.19: niveaux de revenu par tête des pays semi-industrialisés à la fin du XXème siècleAfriquedu Sud

Egypte Maroc Argentine Brésil Inde Corée Thaïlande Grèce Espagne

1964 3049 844 1592 5929 2482 823 1508 1191 4219 4675

1973 3844 947 1651 7970 3913 853 2840 1750 7799 8739

Effectivement, en ce qui concerne les niveaux de PIB par habitant, les pays semi-

industrialisés de la fin du XXème siècle apparaissent relativement similaires aux économies

occidentales à la veille de la seconde guerre mondiale (avec l’Inde comme symétrique du

Japon et l’Afrique du Sud plus proche des Etats-Unis), ce qui pourrait justifier les liens étroits

entre les conclusions mises à jour sur la base 1880-1980 et celles du modèle de Feder (1983).

D’après ces résultats, cependant, la spécification (I.17) apparaît plus pertinente que (I.18). En

effet, la décomposition issue de l'hypothèse d'une élasticité constante de la production des

biens non exportables par rapport aux exportations conduit à l'introduction d'une variable peu

significative lors des régressions, à savoir la croissance des exportations. Cela signifie

probablement que l'approximation effectuée par Feder (1983) n'est pas pertinente sur la base

considérée, ce qui, compte tenue de sa longueur temporelle, n'est pas forcément surprenant. Il

semble, en effet, peu crédible que la production des biens non exportables ait réagi aux flux

d'exportations de manière similaire sur toute la période.

b. Le modèle de convergence élargi

Une façon alternative de tester l'impact de l'ouverture économique consiste à élargir la

fonction de production néoclassique. Cet ajout se fait par le biais d’une endogénéisation de la

productivité globale des facteurs qui, de ce fait, peut dépendre d'un grand nombre de

97

déterminants33. La robustesse de nos résultats est vérifiée en utilisant la méthode préconisée

par Edwards (1998) et Dessus (1998), c’est à dire en faisant varier les indicateurs d’ouverture

économique utilisés au sein de la régression. Trois indicateurs de l’ouverture économique sont

considérés: le taux de dépendance, réduit à sa composante exportation, corrigé de la taille des

pays ; cette même variable transformée en log et un index qualitatif repris à Sachs et Warner

(1995) pour l'après 1950 et complété sur la base de l'ouvrage de Bairoch (1997) pour la

période précédant la seconde guerre mondiale.

Tableau I.20: modèle de convergence conditionnelle avec ouverture économique, base 1880-1980

Scol actuel Scol10

Lny -.042** (.011) -.058** (.012) -.019** (.005) -.045** (.012) -.061** (.013) -.021** (.005)Ln(inv) .004 (.005) .003 (.005) -.005 (.004) .003 (.006) .007 (.006) -.003 (.005)Ln(scol) .014 (.009) -.007 (.010) .008 (.007) .030** (.010) .007 (.011) .011 (.007)

Xpib .050** (.016) .051** (.017)Ln(Xpib) .028** (.006) .031** (.006)Ouv -.008* (.004) -.008 (.005)

R² .256 .271 .251 .269 .281 .260F-E .085 .003 .766 .036 .002 .561DW 2.084 2.077 2.087 2.099 2.090 2.088Het .405 .279 .446 .771 .614 .094Obs 810 810 810 710 710 710

Variable dépendante: Lnyi,t+1-Lnyi,t. Ecart-types entre parenthèses. Significativité à 5% (**) et 10% (*).Lny: revenu par tête initial, Ln(Inv): log de l'investissement, Ln(scol): log de l'éducation, Xpib: part desexportations dans le PIB, Ouv: variable dichotomique d'ouverture, F-E: test du Fisher d'existence d'effetsspécifiques (p-value), DW: test de Durbin Watson, Het: test d'hétéroscédasticité (p-value).Dummies temporelles prises en compte au sein de la régression mais non reportées par soucis de clarté.

Les résultats confirment l’influence de la variable d’ouverture économique prise sous sa

composante exportations. Cet effet est cependant plus élevé lorsque la variable est insérée

telle quelle dans la régression et non log-transformée. Cette transformation entraîne aussi un

second effet négatif: la perte de significativité de la variable de capital humain. Une telle

conséquence souligne, à nouveau, le manque de robustesse de la variable de capital humain au

sein de cette première série de régressions.

L’indicateur qualitatif ne semble pas se présenter comme une variable pertinente de

l’ouverture économique. Son coefficient n’apparaît que faiblement significatif au sein de nos

régressions. Ce résultat est assez peu surprenant si l’on considère la faible variabilité de cet

33 La possibilité d'ajouter au modèle de convergence une multiplicité de facteurs a été largement critiquée.Levine et Renelt (1992) ainsi que Sala-I-Martin (1997) ont tenté de hiérarchiser les canaux possibles d'influenceen effectuant des tests de robustesse. Ils en concluent que seul un nombre restreint de variables passent au cribled'un test de robustesse.

98

indicateur qui s’apparente plus à une dummy temporelle qu’à une réelle proxy de l’ouverture

économique.

2. La problématique de la causalité

A la suite des études en cross-section sur exportations et croissance menées par les

économistes néoclassiques des années 1980, un certain nombre d'auteurs se sont tournés vers

des tests sur séries temporelles34. Cette orientation est née de plusieurs aspirations distinctes.

D'une part, elle répondait à une insatisfaction concernant le caractère endogène des

phénomènes étudiés. Puisqu'il semble exister autant de justifications empiriques soutenant

l'hypothèse d'une croissance des exportations tirée par la croissance économique que l'inverse,

les estimations cross-section sont certainement affectées par un biais d'endogénéité et de

simultanéité. Seules des études en temporel pourraient permettre d'étudier plus précisément

les liens de causalité entre les variables. D'autre part, le recours à la dimension temporelle

permettrait aussi d'assouplir les estimations en autorisant la variation des coefficients

structurels entre pays.

Dans ce qui suit, nous effectuons des tests de causalité simples empruntés à Granger (1969)35.

Nous choisissons délibérément d'ignorer les problèmes de stationnarité des variables - nous

estimons les équations en croissance afin d'éviter les effets de spurious regression - et nous

effectuons les tests avec un seul retard. Cette méthode devrait, cependant, nous permettre de

capter les relations fortes entre exportations et croissance. Le test est d’abord mené sur

l’ensemble de la période puis décomposé en deux sous tests: un sur l’avant guerre et un sur les

années qui ont suivi la seconde guerre mondiale. Le tableau I.21 recense les relations de

causalité en présence et leur seuil de significativité. Il est décomposé en deux sous-périodes

puisqu'en la matière, la seconde guerre mondiale a joué le rôle d'une rupture radicale. La

dernière colonne de ce tableau recense les pays qui ne semblent enregistrer aucune corrélation

(ni dans un sens, ni dans l'autre) entre PIB et exportations.

34 Une revue détaillée des études effectuées aussi bien en cross section qu'en séries temporelles est entreprise parGiles et Williams (2000). Cette étude revient sur les différents problèmes techniques rencontrées par les deuxtypes d'estimation.35 Méthodologie explicitée en annexe.

99

Tableau I.21: récapitulatif des relations de causalité

Avant 1940 Après 1945

X => PIB PIB => X X => PIB PIB => X Pas de corrélation

Belgique** Danemark** Allemagne** France** FinlandeCanada** Norvège* Italie** Pays Bas** Royaume-UniUSA** Suède** Norvège** Espagne

Japon** Japon** Australie

Significativité à 5% (**), 10% (*)

A notre connaissance, aucune étude n'a conduit de tests systématiques entre exportations et

croissance économique sur une longueur temporelle similaire à celle de notre base de

données. Grabowski, Sharma et Dhakal (1990) s'intéressent à une base de données de long

terme, puisque couvrant les années 1885 à 1980, mais se limitant au Japon. Comme nous, ils

soulignent l'absence d'une quelconque causalité avant la seconde guerre mondiale, mais ils

trouvent un phénomène de croissance tirée par les exportations après 1950 là où nous mettons

à jour une causalité réciproque. De manière similaire, Serletis (1992), en s'intéressant

uniquement au Canada, trouve une causalité allant des exportations vers le log du PIB sur la

période 1870-1944 et rien ensuite. Nos estimations confirment, à nouveau, ces résultats.

Cependant, alors que Afxention et Serletis (1991) mettent à jour des exportations tirées par le

niveau de revenu dans le cas de la Norvège, du Japon et du Canada, une relation causale dans

les deux sens pour les Etats-Unis et pas de relation causale en ce qui concerne la Belgique, le

Danemark, la Finlande, l'Allemagne, les Pays Bas, l'Espagne, la Suède et le Royaume Uni sur

la période 1950-1985 ; nos résultats ne suggèrent aucune causalité après la seconde guerre

mondiale pour les Etats unis tandis que l'Allemagne, les Pays Bas et la Suède enregistrent une

relation causale significative. Thornton (1997), quant à lui, s'appuie sur la période 1850-1913

pour déterminer une relation des exportations vers la croissance pour l'Italie, la Norvège et la

Suède, un lien inverse dans le cas du Royaume-Uni et une absence de causalité pour le

Danemark et l'Allemagne. Nos résultats contredisent totalement ces résultats à l'exception du

lien PIB / exportations trouvé pour le Danemark, et encore, nous ne parvenons pas à mettre en

évidence un lien réciproque.

Aucune relation systématique ne ressort de ces études. Le sens de la causalité ne semble lui-

même présenter que peu de logique. Il oppose les pays nordiques les uns aux autres et suggère

que l'Italie, la France et l'Allemagne sont caractérisés par des comportements dissemblables

100

sans que la justification économique ne soit claire. Néanmoins, notons que l'interprétation de

ces résultats est un exercice complexe car les spécifications en présence pèchent par omission

de variables. Une conclusion ressort cependant clairement: un tel exercice ne nous permet

visiblement pas de trancher le débat concernant l'endogénéité de la variable d'exportation.

Conclusion

Cette première série d’estimations suggère globalement la robustesse des relations entre

croissance et ouverture économique sur le long terme. L'ouverture économique a visiblement

exercé un impact positif sur les performances économiques des pays les plus développés tout

au long du XXème siècle. Le capital humain semble lui aussi être un déterminant essentiel du

dynamisme des économies. Le modèle de Mankiw, Romer et Weil (1992), ainsi que celui de

Benhabib et Spiegel (1994) mettent en lumière son rôle de facteur de croissance et de média

des technologies au sein des pays développés. Cependant, une estimation de ces mêmes

modèles sur une base de données à la fois plus large (incluant en plus des pays d'Amérique

latine) et plus courte (ne débutant qu'en 1920) met en valeur le manque de robustesse des ces

spécifications et en particulier l'inadéquation du modèle de Mankiw, Romer et Weil (1992) à

représenter les comportements en présence.

De plus, ces premières estimations ne sont pas entièrement satisfaisantes puisqu'elles ne

permettent pas de départager de groupes de pays aux comportements distincts au sein des

échantillons. Les modèles présentés sont tous linéaires, ils attribuent toujours les mêmes effets

aux mêmes causes et supposent une homogénéité de comportements de toutes les économies

étudiées face aux mêmes chocs. Ce faisant, ils occultent un fait majeur mis en lumière par

l'analyse descriptive des données: la divergence de comportement des pays latino-américains

par rapport aux économies de l'OCDE et la convergence des performances économiques de

ces dernières.

Ces remarques nous conduisent, dans la suite de ce travail, à nous pencher sur des modèles

alternatifs susceptibles de représenter de manière plus adéquate les comportements des divers

pays présents dans les échantillons. Au lieu de nous attacher à une étude globale des effets,

nous segmentons l'analyse de manière à circonscrire les effets. Nous nous attachons d'un côté

aux facteurs qui pourraient expliquer la divergence durable des pays d'Amérique Latine.

101

Parallèlement, la pertinence des spécifications de Feder (1983) et Benhabib et Spiegel (1994)

à expliquer les évolutions enregistrées par les pays développés nous incite à prolonger ces

spécifications dans le sens d'une prise en compte simultanée des effets du capital humain et de

l'ouverture commerciale sur la croissance.

La suite de ce travail s'oriente vers une étude plus précise des déterminants économiques qui

ont pu entraîner le décrochement durable des pays d'Amérique Latine alors qu'ils permettaient

au Japon de connaître un rattrapage extraordinaire. Elle se tourne, dans un premier temps

(Deuxième partie), vers une explication en termes d'imbrication des sphères institutionnelle et

économique. Elle parvient, de ce fait, à identifier un certain nombre de facteurs politiques

explicatifs du comportement de croissance des pays d'Amérique Latine.

Elle s'oriente, ensuite (troisième partie), vers une explication de type rattrapage technologique

lié à une interaction entre l'éducation et le commerce. Cette deuxième option nous permet de

comprendre le phénomène de convergence économique caractéristique de la seconde moitié

du vingtième siècle.

103

Annexes

de la première partie

104

105

Annexe I.1 : Création d’une variable dichotomique basée sur l’indicateur de

Sachs et Warner (1995) et les recherches de Bairoch (1997)

Afin de tester la robustesse de nos estimations, nous faisons varier les indicateurs d’ouverture

économique au sein des régressions. Nous introduisons, notamment, une variable

dichotomique censée représenter les choix de politique commerciale. Celle-ci est construite à

partir des valeurs déjà recensées par Sachs et Warner (1995) pour l’après guerre. Les données

d’avant guerre sont extrapolées sur la base de l’ouvrage de Bairoch (1997). La méthode

utilisée consiste à contraindre la variable d’ouverture à 0 lorsque la législation se révèle

protectionniste et à 1 lorsqu’elle témoigne d’une volonté politique d’ouverture. Notre variable

étant relativement grossière, nous ne prenons en compte que les avancées décisives en matière

de législation de l’ouverture économique.

Nous nous appuyons sur Bairoch (1997) pour établir qu’avant la première guerre mondiale et

plus précisément de 1866 à 1913, les Etats unis sont les plus protectionnistes des pays

développés. Le Canada se présente lui aussi comme largement introverti à cette époque. Par

contraste, les économies européennes et surtout les pays du nord et de l’ouest de l’Europe

enregistrent un degré d’ouverture élevé au moins jusqu’à la fin du XIXème siècle. Le leader en

la matière est le Royaume Uni qui persiste dans le libéralisme jusqu’en 1932. La France

abandonne le libéralisme en 1892 (même si dès 1881, elle adopte des mesures

protectionnistes), la Suède et le Danemark à la fin des années 1880.

L’Allemagne et l’Italie ont abandonné le libéralisme dès la fin des années 1870, ce qui fait

qu’elles se présentent, dans notre base de données, comme des pays fermés jusque dans les

années 1960. Quant au Japon, il n’adopte un certain libéralisme qu’à partir des années 1964.

Nous consignons les valeurs de la variable dichotomique dans le tableau suivant.

106

Tableau A.1 : extrapolation de l’indicateur d’ouverture économique initiée par Sachs et Warner (1995)Allemagne Canada Danemark US France Italie Japon Norvège UK Suède

1880 0 0 1 0 1 0 0 1 1 11881 0 0 1 0 1 0 0 1 1 11882 0 0 1 0 1 0 0 1 1 11883 0 0 1 0 1 0 0 1 1 11884 0 0 1 0 1 0 0 1 1 11885 0 0 1 0 1 0 0 1 1 11886 0 0 1 0 1 0 0 1 1 11887 0 0 1 0 1 0 0 1 1 11888 0 0 1 0 1 0 0 1 1 01889 0 0 1 0 1 0 0 1 1 01890 0 0 1 0 1 0 0 0 1 01891 0 0 0 0 1 0 0 0 1 01892 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01893 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01894 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01895 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01896 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01897 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01898 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01899 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01900 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01901 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01902 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01903 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01904 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01905 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01906 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01907 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01908 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01909 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01910 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01911 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01912 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01920 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01921 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01922 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01923 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01924 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01925 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01926 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01927 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01928 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01929 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01930 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01931 0 0 0 0 0 0 0 0 1 01932 0 0 0 0 0 0 0 0 0 01933 0 0 0 0 0 0 0 0 0 01934 0 0 0 0 0 0 0 0 0 01935 0 0 0 0 0 0 0 0 0 01936 0 0 0 0 0 0 0 0 0 01937 0 0 0 0 0 0 0 0 0 01950 0 0 0 1 0 0 0 1 1 01951 0 0 0 1 0 0 0 1 1 01952 0 1 0 1 0 0 0 1 1 01953 0 1 0 1 0 0 0 1 1 01954 0 1 0 1 0 0 0 1 1 01955 0 1 0 1 0 0 0 1 1 01956 0 1 0 1 0 0 0 1 1 01957 0 1 0 1 0 0 0 1 1 01958 0 1 0 1 0 0 0 1 1 01959 1 1 1 1 1 1 0 1 1 01960 1 1 1 1 1 1 0 1 1 11961 1 1 1 1 1 1 0 1 1 11962 1 1 1 1 1 1 0 1 1 11963 1 1 1 1 1 1 0 1 1 11964 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11965 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11966 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11967 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11968 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11969 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11970 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11971 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11972 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11973 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11974 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11975 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11976 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11977 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11978 1 1 1 1 1 1 1 1 1 11979 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1

107

Annexe I.2 : Les évolutions du PIB par tête au cours du XXème siècle

Graphe 1: PIB par tête, cas de quatre pays européens

Graphe 2: PIB par tête, cas des pays nordiques

6,5

7

7,5

8

8,5

9

9,5

10

1870

1874

1878

1882

1886

1890

1894

1898

1902

1906

1910

1914

1918

1922

1926

1930

1934

1938

1942

1946

1950

1954

1958

1962

1966

1970

1974

1978

1982

1986

1990

1994

France

Allemagne

Italie

GB

6,5

7,5

8,5

9,5

10,5

1870

1874

1878

1882

1886

1890

1894

1898

1902

1906

1910

1914

1918

1922

1926

1930

1934

1938

1942

1946

1950

1954

1958

1962

1966

1970

1974

1978

1982

1986

1990

1994

Danemark

Norvège

Suède

108

Graphe 3: PIB par tête, cas des pays occidentaux hors pays européens

Graphe 4: PIB par tête, cas des pays d'Amérique Latine

6,5

7

7,5

8

8,5

9

9,5

10

1900

1903

1906

1909

1912

1915

1918

1921

1924

1927

1930

1933

1936

1939

1942

1945

1948

1951

1954

1957

1960

1963

1966

1969

1972

1975

1978

1981

1984

1987

1990

1993

Argentine

Brésil

Chili

Venezuela

US

6,5

7

7,5

8

8,5

9

9,5

10

1870 1875 1880 1885 1890 1895 1900 1905 1910 1915 1920 1925 1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990

Canada

US

Japon

109

Annexe I.3 : Les évolutions de la part des exportations dans le PIB au coursdu XXème siècle

Graphe 1 : part des exportations dans le PIB, cas de quatre pays européens

Graphe 2: part des exportations dans le PIB, cas des pays nordiques

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0,35

0,4

0,45

1870

1874

1878

1882

1886

1890

1894

1898

1902

1906

1910

1914

1918

1922

1926

1930

1934

1938

1942

1946

1950

1954

1958

1962

1966

1970

1974

1978

1982

1986

1990

1994

France

Allemagne

Italie

UK

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0,35

0,4

0,45

0,5

0,55

1870

1874

1878

1882

1886

1890

1894

1898

1902

1906

1910

1914

1918

1922

1926

1930

1934

1938

1942

1946

1950

1954

1958

1962

1966

1970

1974

1978

1982

1986

1990

1994

Danemark

Norvège

Suède

110

Graphe 3: part des exportations dans le PIB, cas des pays développés non européens

Graphe 4: part des exportations dans le PIB, cas des pays d'Amérique Latine

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

1870

1874

1878

1882

1886

1890

1894

1898

1902

1906

1910

1914

1918

1922

1926

1930

1934

1938

1942

1946

1950

1954

1958

1962

1966

1970

1974

1978

1982

1986

1990

1994

Canada

US

Japon

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0,35

0,4

0,45

0,5

1900

1903

1906

1909

1912

1915

1918

1921

1924

1927

1930

1933

1936

1939

1942

1945

1948

1951

1954

1957

1960

1963

1966

1969

1972

1975

1978

1981

1984

1987

1990

1993

Argentine

Brésil

Chili

Venezuela

111

Graphe 5: part des exportations dans le PIB corrigée de la taille des pays par la variable deLee (1992), cas des pays européens

Graphe 6 : part des exportations dans le PIB corrigée de la taille des pays par la variable deLee (1992), cas des pays non européens

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,2

1,4

1,6

1870

1874

1878

1882

1886

1890

1894

1898

1902

1906

1910

1914

1918

1922

1926

1930

1934

1938

1942

1946

1950

1954

1958

1962

1966

1970

1974

1978

1982

1986

1990

1994

France

Allemagne

Italie

GB

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,2

1,4

1,6

1,8

1870

1874

1878

1882

1886

1890

1894

1898

1902

1906

1910

1914

1918

1922

1926

1930

1934

1938

1942

1946

1950

1954

1958

1962

1966

1970

1974

1978

1982

1986

1990

1994

Canada

US

Japon

112

Graphe 7: part des exportations dans le PIB corrigée de la taille des pays par la variable deLee (1992), cas des pays d'Amérique Latine

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

1900

1903

1906

1909

1912

1915

1918

1921

1924

1927

1930

1933

1936

1939

1942

1945

1948

1951

1954

1957

1960

1963

1966

1969

1972

1975

1978

1981

1984

1987

1990

1993

Argentine

Brésil

Chili

Venezuela

113

Annexe I.4 : Les évolutions du taux de scolarisation dans le primaire et lesecondaire au cours du XXème siècle

Graphe 1 : Taux de scolarisation, cas des pays européens

Graphe 2 : Taux de scolarisation, cas des pays nordiques

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

0,9

1880

1883

1886

1889

1892

1895

1898

1901

1904

1907

1910

1913

1920

1923

1926

1929

1932

1935

1938

1949

1952

1955

1958

1961

1964

1967

1970

1973

1976

1979

Allemagne

France

Italie

Norvège

UK

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

0,9

1880

1883

1886

1889

1892

1895

1898

1901

1904

1907

1910

1913

1920

1923

1926

1929

1932

1935

1938

1949

1952

1955

1958

1961

1964

1967

1970

1973

1976

1979

Danemark

Norvège

Suède

114

Graphe 3: Taux de scolarisation, cas des pays "neufs"

Graphe 4: Taux de scolarisation, cas des pays d'Amérique Latine

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

0,9

1880

1883

1886

1889

1892

1895

1898

1901

1904

1907

1910

1913

1920

1923

1926

1929

1932

1935

1938

1949

1952

1955

1958

1961

1964

1967

1970

1973

1976

1979

Canada

US

Japon

UK

0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

1920

1922

1924

1926

1928

1930

1932

1934

1936

1938

1946

1948

1950

1952

1954

1956

1958

1960

1962

1964

1966

1968

1970

1972

1974

1976

1978

1980

Chili

Bresil

Argentine

Venezuela

115

Annexe I.5 : Le test de rupture structurelle de Vogelsang (1997)

Ben-David et Papell (1995) utilisent la méthode de Vogelsang (1994, affiné en 1997) pour

déterminer si les trends des séries de PIB ont été caractérisés par une rupture structurelle au

cours du vingtième siècle. Pour cela, ils étudient d’abord la stationnarité des séries car les

valeurs critiques du test de changement structurel dépendent de la présence ou non d’une

racine unitaire dans le processus considéré. La première étape du test consiste donc à

appliquer le test séquentiel de racine unitaire de Zivot et Andrews (1992) en passant en revue

toutes les dates possibles d’une rupture structurelle. Le test élaboré par Vogelsang (1997)

permet ensuite la recherche d’une rupture dans le trend d’une série, que cette série soit I(0) ou

I(1). La statistique d’un tel test est le sup des valeurs du Wald obtenues pour chaque rupture

possible. L’apport de Vogelsang (1997) est d’avoir étudié les limites asymptotiques de cette

statistique et d’en avoir déduit deux tableaux de valeurs critiques selon la propriété de

stationnarité de la série étudiée. Lorsque les erreurs du processus considéré sont I(0), les

valeurs critiques du test sont 19.90, 15.44, 13.62 ce qui correspond aux seuils respectifs de

1%, 5% et 10%. Lorsque ces erreurs sont I(1), les statistiques précédentes deviennent : 30.44

(1%), 25.27 (5%), 22.60 (10%).

Ben-David et Papell (1995) appliquent le test précédent à une base de données construite par

Maddison (1991) et recensant 16 pays sur une période, variant selon les pays, mais courant

globalement de 1860 à 1989. Nous reprenons certains pays, déjà étudiés par Ben-David et

Papell (1995), et nous complétons ces séries en leur ajoutant les statistiques correspondant

aux années 1990, toujours en référence à Maddison mais en reprenant, cette fois, un ouvrage

de 1995. Nous étendons aussi cette étude en appliquant la même méthodologie aux pays

d’Amérique Latine suivants: Argentine, Brésil, Chili, Venezuela. Les résultats de Ben-David

et Papell (1995) concernant la première étape du test et les nôtres sont consignés au sein du

tableau A1. Ils permettent à Ben-David et Papell (1995) de rejeter l’existence d’une racine

unitaire au seuil de 10% dans 8 des 10 cas considérés. Nos résultats sont un peu différents

puisque sur les 10 mêmes pays étudiés, seuls 6 nous paraissent échapper à la présence d’une

racine unitaire. Dans le cas des pays d’Amérique Latine, le rejet touche 2 cas sur 4.

La seconde étape permet de déterminer l’année et la significativité de l’occurrence d’une

rupture dans le trend de PIB par habitant des pays étudiés précédemment. Les résultats en

terme de racine unitaire mis à jour précédemment sont repris afin de déterminer les seuils de

significativité des ruptures. Nos résultats diffèrent légèrement de ceux de Ben-David et Papell

116

(1995) en ce que nous refusons l’hypothèse de base dans 3 cas sur 10 alors que ces auteurs ne

la rejetaient que dans un seul cas. Nous mettons aussi à jour une date d’occurrence de la

rupture différente de celle déterminée par Ben-David et Papell (1995) dans le cas du Royaume

Uni. Enfin, en ce qui concerne les résultats liés à l’Amérique Latine, dans un cas sur quatre,

l’hypothèse d’une rupture de trend est rejetée tandis que dans les trois autres cas elle est

acceptée.

Tableau A2: résultats des tests de racine unitaire de Zivot et Andrews (1992) appliqués à la base de Ben-Davidet Papell (1995) et à celle de Maddison (1995)

Ben-David et Papell (1995) Base complétée de Maddison (1994)

Pays date DF k date DF k

Allemagne 1946 5.05 (10%) 0 1944 8.56 (1%) 5Danemark 1939 5.84 (1%) 4 1939 6.51 (1%) 2France 1939 6.06 (1%) 8 1939 7.46 (1%) 5Italie 1939 4.36 (n.s.) 1 1942 7.07 (1%) 1Norvège 1939 3.62 (n.s.) 3 1939 3.54 (n.s.) 1Royaume- Uni 1918 5.42 (5%) 8 1945 2.51 (n.s.) 8Suède 1916 5.55 (5%) 4 1929 3.41 (n.s.) 1Canada 1928 6.41 (1%) 7 1928 4.1 (n.s.) 1Etats Unis 1929 5.95 (1%) 1 1929 5.77 (1%) 1Japon 1944 6.57 (1%) 8 1944 5.59 (1%) 1Argentine 1963 4.59 (n.s.) 7Brésil 1980 5.06 (5%) 6Chili 1981 5.29 (5%) 1Venezuela 1972 2.77 (n.s.) 4

Tableau A3: résultats du test de Vogelsang (1997) appliqué à Ben-David et Papell (1995) et à Maddison (1995)

Ben-David et Papell (1995) Base complétée de Maddison (1994)

Pays date SupF K date SupF K

Allemagne 1946 45.35 (1%) 1 1944 75.55 (1%) 4Danemark 1939 30.24 (1%) 5 1939 47.23 (1%) 3France 1939 40.98 (1%) 5 1939 57.55 (1%) 6Italie 1945 23.27 (10%) 2 1942 55.38 (1%) 2Norvège 1944 18.19 (n.s.) 1 1939 17.40 (n.s.) 2Royaume- Uni 1918 39.74 (1%) 6 1943 25.1 (10%) 2Suède 1916 25.24 (1%) 5 1930 11.25 (n.s.) 2Canada 1928 34.61 (1%) 8 1928 15.21 (n.s.) 2Etats Unis 1929 16.09 (5%) 5 1929 30.31 (1%) 2Japon 1944 40.57 (1%) 5 1944 41.34 (1%) 2Argentine 1980 12.19 (n.s.) 1Brésil 1980 34.98 (1%) 1Chili 1981 32.43 (1%) 2Venezuela 1943 23.96 (10%) 5

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Annexe I.6: Résultats des spécifications de Mankiw, Romer et Weil (1992) etBenhabib et Spiegel (1994) lors de modifications d'échantillons

Tableau A4: résultats de Mankiw, Romer et Weil (1992) désagrégés selon la période

< 1950 ≥ 1950

C .105 (.132) .270 (.062)**Lny -.012 (.006)** -.047 (.005)**Ln(Inv) -.006 (.005) .019 (.006)**Ln(Scol) .007 (.008) .026 (.011)**Ln(n+0.05) -.009 (.176) -.322 (.060)**

R² .196 .475

Avec: Lny, log du revenu initial, Ln(Inv), log du taux d’investissement, Ln(Scol),log de l’éducation présente, Ln(n+0.05), log de la somme du taux de croissancedémographique, du taux de dépréciation et du progrès technique

Tableau A5: résultats de Benhabib et Spiegel (1994) désagrégés selon la période

< 1950 ≥ 1950

C .016 (.016) -.026 (.017)n .963** (.351) .335** (.117)I/Y -.029 (.038) .096** (.026)H -.011 (.016) -.018 (.016)H * (ymax / Y) .011* (.006) .029** (.003)

R² .205 .443

Avec: n, le taux de croissance démographique, I/Y, le taux d’investissement,H, le taux de scolarisation présent et H * (ymax / Y), la variable interactive deBenhabib et Spiegel (1994) combinant éducation et retard technologique.

Tableau A6: résultats de Benhabib et Spiegel (1994) appliqué à 1920-1980

Scol10

n 1.60** (.121)H .110 (.120)H * (ymax / Y) .019 (.013)

R² .635F-test .000

Avec: n, le taux de croissance démographique, H, le taux de scolarisation présentet H * (ymax / Y), la variable interactive de Benhabib et Spiegel (1994).

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119

Annexe I.7: Le test de Granger (1969)

L’objet du test de Granger (1969) est de déceler les liens de causalité entre deux variables : x

et y. Cette relation est cependant scindée en deux sous tests, le premier estimant l’existence

d’une causalité de x vers y et le second de y vers x. Ces deux sous relations étant symétriques,

dans la suite de cette exposition, nous limitons l’explication à la relation de causalité allant de

x vers y. Le test est mis en œuvre via la comparaison de deux régressions : la première

spécification fait dépendre y de ses valeurs retardées et des valeurs retardées de x ; la seconde

suppose que y est uniquement fonction de ses valeurs passées.

yt = a + t

m

iiti uy +∑

=−

1

α

t

n

jjtj

m

iitit vxyby +++= ∑∑

=−

=−

11

µλ

La statistique du test est un Fisher. Elle permet de comparer les résidus des deux équations

précédentes.

))1(/(

/)(

2

21

++−−

=NMTSCR

nSCRSCRF

avec : SCRi : somme des carrés des résidus de la régression i, i ∈ {1,2}T : nombre d’observationsm : nombre de retards pris en compte sur les yn : nombre de retards pris en compte sur les x

• Si F > Fisher (1, T-m-n-1), alors le second modèle est significativement meilleur que le

premier, c’est à dire qu’il existe une relation de causalité de x vers y.

• Si F < Fisher (1, T-m-n-1), alors l’introduction des valeurs retardées de x comme

variables explicatives n’améliore pas significativement le modèle.

En procédant symétriquement, il est ensuite possible de tester l’impact de y sur x. Dans le cas

où les deux relations semblent exister, un test de Fisher peut permettre de choisir entre les

deux modèles symétriques.

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