pozzobon jorge

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Jorge Pozzobon Langue, société et numération chez les Indiens Maku (Haut Rio Negro, Brésil) In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 83, 1997. pp. 159-172. Citer ce document / Cite this document : Pozzobon Jorge. Langue, société et numération chez les Indiens Maku (Haut Rio Negro, Brésil). In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 83, 1997. pp. 159-172. doi : 10.3406/jsa.1997.1675 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_1997_num_83_1_1675

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Langue Societe Et Numeration Chez Les Indiens Maku

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  • Jorge Pozzobon

    Langue, socit et numration chez les Indiens Maku (Haut RioNegro, Brsil)In: Journal de la Socit des Amricanistes. Tome 83, 1997. pp. 159-172.

    Citer ce document / Cite this document :

    Pozzobon Jorge. Langue, socit et numration chez les Indiens Maku (Haut Rio Negro, Brsil). In: Journal de la Socit desAmricanistes. Tome 83, 1997. pp. 159-172.

    doi : 10.3406/jsa.1997.1675

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_1997_num_83_1_1675

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_jsa_626http://dx.doi.org/10.3406/jsa.1997.1675http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_1997_num_83_1_1675

  • ResumenLingua, sociedade e sistema numrico entre os ndios Maku (regio do alto Rio Negro, Brasil) Esteartigo sugere uma interpretao do sistema numrico dos ndios Maku. Veremos que estes ndios, adespeito de se dividirem em lnguas e dialetos consideravelmente distantes, organizam sua vida socialde acordo com os mesmos princpios bsicos, alguns dos quais so claramente expressos em seusistema numrico. Porm, argumenta-se que a interpretao deste ultimo em termos de suas conexescom a estrutura social insuficiente, e que investigaes ulteriores entre os grupos vizinhos sonecessrias para gerar explicaes mais eficazes. Sugere-se que sistema numrico maku pode seruma verso local de um difundido sistema cogntivo, provavelmente comum a todos os gruposindgenas do Noroeste da Amazonia.

    AbstractLanguage, society and numeration among the Maku Indians (Upper Rio Negro region, Brazil) Thepurpose of this article is to suggest an interpretation of the Maku numeric system. We shall see that theMaku Indians, in spite of being divided in considerably separate dialects and languages, organize theirsocial life according to the same basic principles, some of which are clearly expressed in their numericsystem. However, it is argued that the interpretation of this system in terms of its connections to thesocial structure is insufficient, and that further investigation among the nearby Indian groups is neededin order to bear more powerful explanations. It is suggested that the Maku numeric system may be alocal version of a widespread cognitive system, which is probably common to all Indian groups ofNorthwest Amazon.

    RsumCet article propose une interprtation du systme numrique des Indiens Maku. On verra en particulierque, bien que les Maku soient diviss en dialectes et en langues distants les uns des autres, ilsorganisent leur vie sociale selon des principes de base similaires dont certains sont exprims demanire claire dans leur systme de numration. L'interprtation de ce dernier sous l'angle de sesconnections avec la structure sociale nous parat toutefois insuffisante et une recherche sur ce thmeparmi les groupes indiens voisins devrait permettre de trouver d'autres explications. Il est suggr quele systme numrique des Maku est probablement la version locale d'un systme cognitif plus large quiest sans doute commun tous les groupes indignes du nord-ouest amazonien.

  • LANGUE, SOCIETE ET NUMERATION CHEZ LES INDIENS MAKU

    (HAUT RIO NEGRO, BRSIL)

    Jorge POZZOBON *

    Cet article propose une interprtation du systme numrique des Indiens Maku. On verra en particulier que, bien que les Maku soient diviss en dialectes et en langues distants les uns des autres, ils organisent leur vie sociale selon des principes de base similaires dont certains sont exprims de manire claire dans leur systme de numration. L'interprtation de ce dernier sous l'angle de ses connections avec la structure sociale nous parat toutefois insuffisante et une recherche sur ce thme parmi les groupes indiens voisins devrait permettre de trouver d'autres explications. Il est suggr que le systme numrique des Maku est probablement la version locale d'un systme cognitif plus large qui est sans doute commun tous les groupes indignes du nord-ouest amazonien.

    Mots cls : Indiens Maku, systme de numration, diffrenciation linguistique, systmes cognitif s.

    Language, society and numeration among the Maku Indians (Upper Rio Negro region, Brazil)

    The purpose of this article is to suggest an interpretation of the Maku numeric system. We shall see that the Maku Indians, in spite of being divided in considerably separate dialects and languages, organize their social life according to the same basic principles, some of which are clearly expressed in their numeric system. However, it is argued that the interpretation of this system in terms of its connections to the social structure is insufficient, and that further investigation among the nearby Indian groups is needed in order to bear more powerful explanations. It is suggested that the Maku numeric system may be a local version of a widespread cognitive system, which is probably common to all Indian groups of Northwest Amazon.

    Key words : Maku Indians, numeric system, linguistic differentiation, cognitive systems.

    * Museu Paraense Emilio Goeldi, Campus de Pesquisa DCH, Avenida Perimetral 1901, 66077-530 Blm PA, Brsil.

    Journal de la Socit des Amricanistes 1997, 83 : p. 159 172. Copyright Socit des Amricanistes.

  • 160 JOURNAL DE LA SOCIT DES AMRICANISTES [83, 1997

    Lingua, sociedade e sistema numrico entre os ndios Maku (regio do alto Rio Negro, Brasil)

    Este artigo sugere uma interpretao do sistema numrico dos ndios Maku. Veremos que estes ndios, a despeito de se dividirem em lnguas e dialetos consideravelmente distantes, organizam sua vida social de acordo com os mesmos princpios bsicos, alguns dos quais so claramente expressos em seu sistema numrico. Porm, argumenta-se que a interpretao deste ultimo em termos de suas conexes com a estrutura social insuficiente, e que investigaes ulteriores entre os grupos vizinhos so necessrias para gerar explicaes mais eficazes. Sugere-se que sistema numrico maku pode ser uma verso local de um difundido sistema cogntivo, provavelmente comum a todos os grupos indgenas do Noroeste da Amazonia. Palavras-chaves : ndios Maku, sistema numrico, differenciao lingustica, sistemas cogn-

    tivos.

    Introduction

    Les Indiens du nord-ouest de l'Amazonie ont un systme numrique de base cinq. Six, par exemple, devient cinq plus un1 . On pourrait s'attendre trouver quelques variations, car ces Indiens, environ 30 000 individus, parlent approximativement 25 langues classes en trois familles linguistiques diffrentes, savoir, Arawak, Tukano et Maku. Cependant, le systme de base cinq est commun tous les Indiens de cette rgion.

    Il serait tentant d'attribuer l'origine de la base cinq au simple fait que l'on a cinq doigts dans la main, d'autant plus que les termes vernaculaires pour ce chiffre signifient littralement une main . Pourtant, ce matrialisme anatomique trivial n'aide pas comprendre les connexions possibles du systme pentanumrique avec les autres traits culturels de la rgion. Par exemple, il se peut que des recherches futures sur la musique native rvlent des rapports structuraux entre le systme pentanumrique et le penchant pentatonique des chelles indignes, bien que ces Indiens connaissent plus de cinq tons. Il se peut galement que l'on trouve des relations entre le systme pentanumrique et les cinq clans originaires dont parle la mythologie commune aux Indiens Tukano et Arawak, bien qu'aujourd'hui, par un processus de fission autant rel qu'imagin, les Tukano et les Arawak se divisent en plusieurs dizaines de phratries, clans et sous-clans 2.

    En ce qui concerne les Maku, l'hypothse anatomique n'est pas capable, elle seule, de rendre compte des caractristiques assez remarquables de leur systme numrique. Tout comme les autres Indiens de la rgion, ils ont un systme pentanumrique. La signification littrale de leur terme cinq est galement une main . Pourtant, chez les Maku, ce terme se compose d'lments additionnels faisant rfrence au fait que cinq est la base mme de l'opration de compter et de totaliser. De plus, leurs mots pour quatre et trois renferment des rfrences fort curieuses leurs rgles matrimoniales, tandis que ceux pour deux et un contiennent, respectivement, l'ide de quantit et celle d'indication.

    Le but de cet article est d'interprter les chiffres maku selon certains traits de leur culture. Aprs avoir fourni quelques donnes sur la vie conomique des Maku, donnes indispensables pour comprendre les informations qui suivent, je mettrai en relief certains aspects de leur diffrenciation linguistique et de leur structure sociale, deux lments-cls pour l'analyse de la numration. Puis, je me livrerai l'analyse de leur systme numrique.

  • Pozzobon, I] LANGUE, SOCIT ET NUMRATION CHEZ LES INDIENS MAKU 161

    conomie

    C'est un lieu commun dans l'ethnologie du nord-ouest amazonien d'opposer l'orientation riveraine des Tukano et des Arawak l'orientation forestire des Maku. Le contraste se doit sans doute deux types diffrents d'conomie. Alors que les Arawak et les Tukano survivent de l'horticulture sur brlis du manioc ainsi que de la pche, les Maku ont une conomie davantage centre sur la chasse et la cueillette. En consquence, ils sont moins nombreux, leurs plantations sont de taille plus modeste et leurs villages nettement plus petits et mobiles. En revanche, ils chassent approximativement dix fois plus que leurs voisins riverains3.

    Les cinq ou six chasseurs d'un village maku de 25 30 personnes effectuent leurs randonnes journalires de chasse dans un rayon de 7 10 kilomtres autour du village. Celles-ci durent environ quatre cinq heures, alle et retour. Les chasseurs partent en gnral seuls ou en paires, pendant que les femmes travaillent ensemble dans les jardins de manioc proximit du village. Quelques chasseurs prfrent parfois passer la journe se prlasser dans leurs hamacs.

    Lorsque les expditions de chasse commencent avoir de maigres rsultats ce qui coincide en gnral avec les plaintes des femmes propos de la paresse de leurs maris ou avec une augmentation gnralise des tensions entre les habitants , les famillles d'un village peuvent dcider de se disperser dans les divers campements de chasse qu'elles maintiennent dans le mme rayon et o les hommes font leurs randon-

    COLOMBIft

    aku settlement Tttlcanoan settlement

    ^/Mission station ip

    030'-

    Carte 1. Quelques villages tukano et maku dans la rgion du Vaups Brsilien. Les cercles reprsentent grosso modo les territoires de chasse autour des villages Maku (Pozzobon, 1996).

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    nes de chasse journalires. Cela se produit en moyenne tous les deux ou trois mois. Le sjour dans un de ces campements peut durer approximativement de quelques jours un mois. C'est alors au tour des femmes de se prlasser pendant que les hommes passent parfois plus de 10 heures de suite la poursuite du gibier.

    Puisque les familles sont disperses dans plusieurs campements et que l'on multiplie et dplace de la sorte les points d'o partent les chasseurs, ces derniers auront produit en quelques jours beaucoup plus de viande que leurs familles sont capables de manger. Le gibier est alors fum pour les jours venir ou pour faire du troc avec les Indiens riverains, notamment avec les Tukano4.

    La visite un village tukano peut durer de quelques jours un mois. Les Maku s'y rendent pour offrir des produits de la fort, tels que gibier fum, feuilles de palmier pour les toitures, lianes, miel, etc. qu'ils changent contre des produits cultivs, comme la farine de manioc, la cassave, Yipadu (poudre de feuilles de coca), le tabac ou contre des produits industrialiss mis au rebut par les Tukano, tels que des machettes sans manche, des hameons rouilles, des botes d'allumettes moiti uses. Les Maku proposent galement leur main-d'uvre pour aider dans l'ouverture des abattis, la plantation ou la cueillette.

    Le rapport entre les deux peuples est fortement hirarchis. Pour les Tukano, les Maku sont leurs esclaves , mais ceci n'est qu'une idologie ethnique. En effet, ces derniers acceptent cette image dprciative qui leur procure certains avantages. Ils n'aiment pas planter mais ne veulent pas se passer des produits agricoles. Ainsi, tant qu'ils restent chez leurs matres , ils pargnent leurs propres plantations de manioc, qui, de toute manire, ne sont pas capables de produire ce qu'ils consomment. Chez les Tukano, ils tentent de profiter des plantations au del de la permission accorde par leurs matres . leur tour, les Tukano deviennent de plus en plus avares quant au paiement de leurs esclaves . Les Maku partent alors tablir un rapport d'esclavage avec une autre communaut riveraine.

    Les Maku se caractrisent ainsi par une grande mobilit dans l'espace, alternant leur vie sociale dans trois environnements distincts et complmentaires : leurs propres villages, les campements de chasse en pleine fort et les villages tukano. On verra toutefois que cette mobilit se heurte certaines barrires linguistiques importantes.

    Langues et dialectes

    II y a six groupes linguistiques maku dans le nord-ouest de l'Amazonie {cf. Carte 2)5. On trouvera quelques remarques sur les affinits entre les diffrentes langues de la famille maku la fin de cet article {cf. Appendice 1). Ce qui est intressant pour notre discussion est le fait que les Maku, tout comme les autres Indiens de la rgion, utilisent les diffrences de langue comme signe d'identit ethnique. Pour plus infimes qu'elles soient, ces diffrences linguistiques assument une valeur sociologique incontestable.

    Toutefois, contrairement aux autres Indiens de la rgion, les Maku poussent jusqu'au niveau du dialecte la tendance faire du langage un signe d'identit. Du point de vue de l'observateur, les variations entre les dialectes sont restreintes quelques divergences lexicales assez peu nombreuses et quelques diffrences plus frquentes dans la terminaison des mots cognats. Cependant, cela n'empche pas que

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    A. . D, E,F Kl J, LM,N.O

    Hupftu Yuhup Dw Nadub

    Carte 2. Langues et dialectes Maku. Les aires tachetes reprsentent des agglomrations de villages voisins dont les habitants parlent un mme dialecte 5.

    les diffrences lexicales soient utilises comme signe d'identit et d'incorporation sociale. Par exemple, les parlants du dialecte D (langue hupdu) considrent ceux du dialecte E (galement hupdu) aussi trangers que les parlants du dialecte G (langue yuhup), bien qu'ils soient conscients du fait que les diffrences entre D et E sont moins importantes que celles entre E et G {cf. Reid, 1979 : 102). Pour les Maku, les limites du sentiment d'tre chez les siens se confondent avec celles du dialecte.

    On peut interprter cette distribution glosso-spatiale partir de l'importance de la chasse dans l'conomie maku. Effectivement, au moins dans la rgion du Uaups, c'est--dire chez les Bara, Hupdu et Yuhup, le territoire d'un dialecte correspond l'ensemble des territoires contigus de chasse autour des villages dont les habitants parlent ce mme dialecte. Et comme les Maku ne fonctionnent pas comme groupes constitus {corporate groups) en relation aux territoires de chasse, les habitants des diffrents villages circulent librement dans les territoires des uns et des autres. De plus, comme leurs villages sont instables, il existe de constants changes de population entre eux. Or ces> mouvements de personnes s'accompagnent videmment d'changes d'informations. Par consquent, un chasseur g de trente ans (c'est--dire quelqu'un

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    qui a vcu au moins dans cinq villages diffrents au cours de sa vie, sans compter les centaines de visites faites dans d'autres villages que celui de sa rsidence) connat les dtails du terrain dans toute la rgion occupe par son dialecte.

    Interrogs sur les raisons qui les poussent ne pas chasser dans la rgion E, les parlants du dialecte D disent, par exemple, ne pas connatre le terrain et donc qu'une chasse mene l-bas serait une perte de temps. Chez eux, en revanche, ils savent o se trouvent les noix dont se nourrit l'agouti, les arbres prfrs du singe hurleur, les sources frquentes par le tapir, les trous o l'on peut coincer le pcari en fuite, les marcages viter quand on est press...

    Tableau 1. Endogamie linguistique et dialectale (en pourcentage par dialecte)

    Langue

    hupd

    yuhup

    Dialecte

    D

    G H

    Mariages exogames**

    13,3

    4,9 24,0

    Mariages endogames*

    86,7

    58,1 76,0

    Population

    258

    132 140

    * mariages dont les deux conjoints sont ns dans le mme territoire dialectal. ** mariages dont l'un des conjoints est n ailleurs (cf. Pozzobon, 1992).

    Cependant, des variables plus subtiles doivent tre prises en considration. Parmi les motifs qui les retiennent de s'aventurer dans le territoire d'un dialecte voisin, les Maku invoquent galement leur faible connaissance de ses habitants, tandis que chaque adulte est capable de donner le nom, l'identit clanique et plusieurs dtails de la vie des hommes et des femmes de son propre dialecte. En effet, c'est parmi ces hommes, parlants d'un mme dialecte, que s'oprent les changes de femmes lors des mariages. Les dialectes n'tant pas ncessairement endogames, car les Maku ne reconnaissent aucune rgle ce niveau, on constate tout de mme une forte tendance l'endogamie (cf. Tableau 1). Cette tendance apporte un certain dsordre dans leur systme de parent : ils prfrent contrarier leurs propres rgles matrimoniales, en se mariant avec une femme classe comme sur, plutt qu'aller chercher une femme dans le dialecte voisin. On reviendra au systme de parent plus loin dans cet article.

    Il est fort probable que la diffrenciation dialectale, voire linguistique, chez les Maku soit due un processus de constitution de quelques nexus endogamiques au sein d'un environnement jadis homogne du point de vue de la langue. Ces nexus, en fait des agglomrations de villages voisins, se sont probablement carts peu peu dans l'espace, suivant l'occupation de nouveaux territoires et la diminution des changes de population, jusqu'au point de se considrer mutuellement comme trangers. Il faut galement considrer le fait que les dialectes et langues maku sont spars par des

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    cours d'eau occups par les Tukano6. Les Tukano et les Maku dclarent que ces derniers furent les premiers habitants de la rgion. Koch-Grunberg (1910), Nimuen- daju (1927) et Galvo (1960) expriment la mme opinion. Il se peut donc que l'apparition de villages tukano aux interstices des territoires occups par les Maku ait contribu la diffrenciation linguistique de ces derniers. En tout cas, une trace de ce processus de diffrenciation linguistique se trouve dans le fait que certains clans maku rputs anciens outrepassent les frontires dialectales, voire linguistiques. Ils datent probablement d'une poque antrieure la diffrenciation.

    Socit

    Entrecoupant la division en rgions dialectales endogames, il existe un systme de clans exogames patrilinaires7. Chaque groupe linguistique maku possde son propre rpertoire de clans, quoique parmi des groupes voisins, comme les Bara et les Hupdu, ou ceux-ci et les Yuhup, certains clans outrepassent les limites gographiques de la langue. Par contre, certains clans sont si petits qu'ils ne franchissent pas les limites d'un seul dialecte, voire celles d'un seul village.

    GROUPE d'EGO Clan A Clan Clan

    GROUPE AFFIN

    ClanX Clan Y Clan Z

    Figure 1. Systme des clans maku (en supposant qu'ego appartient l'un des clans gauche). Le signe d'galit (=) indique les possibilits de mariage.

    Les Maku classent leurs clans en deux groupes : certains clans sont agnats, alors que d'autres sont affins la personne qui parle {cf. Figure 1). Ces deux groupes ne sont pas nomms ni penss au moyen d'oppositions dualistes expression cosmologique, raison pour laquelle il ne faut pas supposer un systme de moitis exogames. Nanmoins, ils sont socialement reconnus. Ils ne varient pas d'un ego l'autre. De plus, ils sont collectivement penss. L'un des mythes hupdu, par exemple, raconte que, lors de la cration de l'humanit, Kegn Teh, le hros culturel8, a cr deux paires de siblings de sexes opposs. Les deux hommes, fondateurs de clans, ont chang leurs surs, donnant ainsi naissance un rapport d'affinit entre leurs clans (Reid, 1979 : 1 10). Les rapports d'affinit actuels entre les clans rptent indfiniment ce double mariage originel. C'est une expression mythique de ce que Dumont (1975) dnomme l'alliance de mariage, c'est--dire la constitution de liens entre les hommes au moyen d'un continuel change de surs.

    La terminologie de parent est, par ailleurs, de type dravidien : les cousins croiss sont identifis aux beaux-frres (yohdu dans la langue hupdu), alors que les parallles le sont aux siblings (mbabmdu) 9. Les mmes catgories sont utilises pour classer les clans. Il y a donc des clans de beaux-frres et des clans de frres. Dans la langue yuhup, lorsqu'un homme veut souligner le caractre d'affinit d'un clan, il classe l'ensemble de ses membres, hommes ou femmes, comme ah emdu ( mes femmes ).

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    Le systme des attitudes, lui aussi, met en relief l'importance de l'change de surs. Diffremment des clans tukano et arawak, les clans maku ne fonctionnent pas comme corporate groups par rapport au recrutement des quipes de travail ou la corsidence. Pour parler le langage de Radcliffe-Brown, leur axiome d'amiti n'est pas l'agnation, comme chez les Indiens riverains, mais l'affinit. Cette particularit a une expression mythique assez claire : au dbut du monde, Kegn Teh s'est disput plusieurs fois avec son frre cadet cause d'une femme. Effectivement, des tensions entre les frres (rels ou classificatoires) ne sont pas rares chez les Maku. Les beaux-frres, au contraire, font les amitis les plus durables. Les villages les plus stables sont ceux qui comprennent des membres masculins d'au moins deux clans lis par des rapports d'affinit selon l'idal de l'change des surs10' On verra par la suite que cet idal trouve une expression assez remarquable dans le systme numrique.

    Numration

    Le systme numrique dont il s'agit ici est celui des Hupdu, chez lesquels j'ai eu l'occasion d'entreprendre une recherche sur la numration. J'ai pris soin de recueillir les numraux dans chacun des trois dialectes de leur langue, ce qui reprsente un avantage incontestable, dans la mesure o le sens de chaque forme particulire ne devient comprhensible que lorsqu'elle est confronte aux autres. J'ignore si les conclusions auxquelles je suis arriv partir de l'analyse de ce matriel sont valables pour les autres langues maku. Je suppose qu'elles le sont au moins pour les Yuhup, qui possdent un systme numrique apparemment semblable celui des Hupdu.

    Tableau 2. Les numraux dans trois dialectes de la langue hupdu

    Numral

    1 2 3 4 5

    D

    hepfyu) hoop

    Mbabp

    hibabmy hepdupogn

    Dialecte

    E

    ayub

    koap modwap babniy hedapo

    F

    a>W ka'ap

    mod'ap babniy hedapo

    Observation : Les majuscules correspondent aux dialectes reprsents sur la Carte 2.

  • Pozzobon, I] LANGUE, SOCIT ET NUMRATION CHEZ LES INDIENS MAKU 167

    Le Tableau 2 prsente les numraux dans les trois dialectes hupdu. Je risquerai maintenant leur etymologie probable. Les paragraphes numrots ci-dessous correspondent successivement aux cinq premiers chiffres hupdu.

    1 . Dans les dialectes E et F, les cognats ayub et ayup comprennent probablement la racine yup, prsente dans les mots yup, yupay, respectivement, ceci et ceci au fminin . Si la supposition est valable, le numro un, au moins dans ces deux dialectes, drive de l'acte de dsigner un objet singulier. Bien que la racine yup soit invariable dans les trois dialectes, le dialecte D prsente une diffrence remarquable. Cependant, hepyu, qui n'a aucun rapport apparent avec yup, apparat souvent sous la forme raccourcie hep, cognt de l'un des morphmes qui composent hepdtpogn, cinq , comme on le verra par la suite.

    2. Les trois formes koop, koap et ka'ap sont videmment cognates. Ka'ap semble tre la forme qui s'est conserve au plus prs de l'tymologie originaire, car ap est une particule quantifiante qui apparat clairement dans les mots ha'ap, combien et da'ap, autant , invariables dans les trois dialectes. Ha'ap qui, d'ailleurs, se compose d'un raccourcissement de hana, quel et de la particule quantifiante s'utilise dans des phrases telles que Ha'ap moy hot uydu ? Combien sont les habitants de cette maison ? cette question, et lorsque les Hupdune veulent pas se donner la peine de donner un nombre, ils rpondent da'ap, autant , en montrant la quantit l'aide des doigts.

    3. Il ne m'a pas encore t possible de trouver une traduction pour la racine mod, prsente dans les cognats modwap et mod'ap, c'est--dire trois dans les dialectes E et F, respectivement. Toutefois, la particule quantifiante ap est clairement identifiable. Le dialecte D est encore une fois Y outsider, car hibabp n'a videmment rien voir avec modwap ou mod'ap. Son etymologie ne devient comprhensible que si l'on examine le chiffre quatre.

    4. En ce qui concerne ce numral, le dialecte D semble nouveau fournir la forme la plus ancienne, puisque hibabniy (babniy dans les deux autres dialectes) se compose de morphmes invariables dans les trois dialectes, savoir, hi couch , mbabm famille , et niy avoir . Un parlant spcialement perspicace du dialecte D a interprt lui-mme le mot hibabniy de la faon suivante : quand deux hommes changent leurs surs (quatre personnes impliques), ils couchent (hi) l'un avec la sur de l'autre, afin d'avoir (niy) chacun sa propre famille (mbabm). premire vue, la drivation parat fantastique. Mais il faut considrer quelques pistes assez surprenantes qui plaident en faveur de l'hypothse de ce linguiste natif. Il existe tout d'abord un verbe compos, mbabm niy qui signifie s'allier, tablir une alliance , que ce soit une alliance entre deux hommes au moyen de l'change de surs ou une alliance non forcment matrimoniale, comme, par exemple, la camaraderie qui lie deux hommes qui chassent ensemble11. De plus, il ne faut pas oublier que, selon le mythe fondateur de la parent (cf. supra), le hros culturel a cr deux paires de siblings de sexes opposs, dont les hommes ont chang leurs surs. Finalement, le mot pour trois dans le dialecte D, hibabp, comprend la particule ngative p, qui signifie galement ne pas avoir dans les trois dialectes. L'ide contenue dans la paire antithtique hibabniy/ hipabp, quatre/trois , est donc celle de la possibilit versus l'impossibilit d'tablir une alliance. Deux hommes et la sur de l'un (trois personnes) ne configurent pas l'alliance de mariage.

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    5. Si la paire quatre/trois fait le bonheur du sociologue, toujours prt identifier des traces de la structure sociale dans les catgories cognitives des peuples qu'il tudie, la paire cinq/un est sans doute la plus remarquable pour le philosophe port sur la thorie de la connaissance, comme on le verra par la suite. Dans les dialectes E et F, le chiffre cinq devient hedapo, un mot qui se compose des morphmes hep ( un ) et dapo ou simplement po ( main ). Cependant, hep ne dsigne l'unit que dans le dialecte D, car dans les deux autres, le mot devient ayub et ayup, respectivement. Or six, dans les dialectes E et F, devient hedapoyub, littralement une main un . Il s'ensuit que dans ces deux dialectes le terme de six renferme un morphme tranger, car il se compose de hep ( un seulement dans le dialecte D) + dapo ( main dans les trois dialectes) + yub ou yup ( un dans les dialectes E et F). Cette incohrence apparente s'claire lorsque l'on considre le chiffre cinq dans le dialecte D : hep ( un dans le dialecte D) + du (particule pluralisante dans les trois dialectes) + pogn ( grand dans les trois dialectes). Cinq devient donc un + pluriel + grand. J'ignore s'il y a un rapport tymologique entre po ( main ) et pogn ( grand ) et je me garderai de supposer que la forme la plus complexe est galement la forme originaire. Ce qui est intressant pour notre discussion est l'ide contenue dans cette dernire, savoir, l'ide que cinq, c'est--dire la base de la totalisation numrique, est une espce de retour l'unit. Le connaisseur de la philosophie de Kant reprera ici le rapport entre les catgories d'unit, de pluralit et de totalit. Dans un passage clbre de la Kritik der Reinen Vernunft, le philosophe (1 787 : 97) dmontre que la catgorie de totalit est la dtermination d'une pluralit indfinie par une unit plus haute. Pour revenir aux Indiens Maku, hepdu (= plusieurs uns), c'est--dire la pluralit indfinie des objets unitaires, serait dtermine par pogn, la qualit de la grandeur, pour former cette unit plus abstraite qu'est la base du systme numrique.

    Le lecteur incrdule peut tre assur qu'aucun philosophe natif ne m'a prsent une telle interprtation aprioriste des numraux. Mais il n'en reste pas moins que le schma kantien a une certaine valeur heuristique pour comprendre cette espce de retour l'unit contenue dans le mot hepdttpogn. Je ne m'exposerai point au risque de l'voquer si je ne croyais pas, comme Franz Boas et Claude Lvi-Strauss, l'unit de l'esprit humain.

    Conclusion

    Bien videmment, ce qui a t dit, surtout propos du chiffre cinq, reste assez problmatique. Si, d'un ct, le mot hepdupogn admet l'tymologie propose ci-dessus, car les morphmes hep ( un ), du (marque du pluriel) et pogn ( grand ) sont nettement identifiables, les autres dialectes hupdu prsentent nanmoins la forme la fois la plus vidente et la plus rpandue dans la rgion, c'est--dire hedapo, une main . Or, la composition des mots par addition d'lments nouveaux n'est pas rare dans les langues naturelles. Dans ce cas, hepdupogn serait la forme drive et hedapo la forme originelle. Le fait que les morphmes du et pogn, isols de hepdupogn, soient invariables dans les trois dialectes et que les dialectes E et F n'utilisent pas le morphme hep pour un alors qu'il apparat dans la forme hedapo, n'est pas

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    suffisant pour prouver l'hypothse (assez sduisante) de l'anciennet de la forme hepdtpogn, d'autant plus que po ( main ) et pogn ( grand ) peuvent avoir des rapports tymologiques.

    La seule manire d'claircir ces doutes est d'largir la base comparative, en outrepassant les limites de la langue hupdu. Il faudrait vrifier, premirement, si l'ensemble des morphmes composant les mots en question dans les diffrentes langues et dialectes maku permet de reconstruire un champ tymologique plus complet. Deuximement, dans les cas o cette reconstruction se rvlerait impossible par dfaut de cognats, car certaines langues maku sont assez loignes les unes des autres (cf. Appendice 1), il faudrait vrifier si la composition des chiffres dans les diffrentes langues et dialectes obit aux mmes structures mentales, savoir la dsignation comme base du chiffre un, l'acte de compter comme base du chiffre deux, l'change des surs comme base des chiffres trois et quatre, et la totalit comme base du chiffre cinq. Troisimement, il faudrait pousser la recherche jusqu'aux autres familles linguistiques de la rgion, afin de vrifier si ces structures sont prsentes galement dans les langues tukano et arawak.

    En ce qui concerne cette troisime dmarche, il existe une piste assez importante dans le mot tukano {dahsa) pour le chiffre quatre, c'est--dire, baparitira. Il comprend le morphme bapa ( compagnon ), qui se trouve galement dans les verbes bapatise ( s'allier ) et bapakese ( compter ) et qui, par ailleurs, peut bien tre un cognt de mbabm ( alli ou agnat en hupdu, selon les circonstances). Il est fort possible que l'on trouve des rapports entre cela et le fait que les Tukano, comme les Maku, ont des terminologies de parent dravidiennes. Nanmoins, on peut galement s'attendre des diffrences, car les units dont se compose la socit tukano (des clans patrilinaires/patrilocaux fortement hirarchiss, regroups dans des phratries nommes, parlant chacune une langue diffrente) fonctionnent beaucoup plus en corporate groups que celles de la socit maku. Si des tudes sont menes un jour sur ce thme, cet article aura eu le mrite d'attirer l'attention sur le sujet *.

    * Manuscrit reu en mai 1997, accept pour publication en juin 1997.

    NOTES

    1. Les donnes sur lesquelles repose cet article ont t recueillies au cours de plusieurs sjours parmi les Indiens Maku (1981-1982, 1989, 1994 et 1996). Le dernier sjour a reu l'appui financier de l'Instituto Socioambiental de So Paulo. Je remercie Pascale de Robert et Dominique Buchillet pour leur lecture critique d'une premire version de cet article. Les erreurs et les imprcisions qu'il peut ventuellement contenir restent nanmoins de mon entire responsabilit.

    2. Sur les Arawak, voir Hill (1983), Journet (1988), Oliveira (1981), Perez (1988), Wright (1981). Sur les Tukano, voir Buchillet (1983), Chernela (1993), Goldman (1963), Hugh-Jones S. (1979), Hugh-Jones (1979), Jackson (1983) et Reichel-Dolmatoff (1971). Sur les Maku, voir Miinzel (1969), Pozzobon (1992), Reid (1979) et Silverwood-Cope (1990).

    3. La population maku est d'environ 3 000 individus, alors que la population tukano et arawak dpasse les 25 000 personnes. La productivit annuelle des plantations tukano est de 10 tonnes de manioc par famille (cf. Goldman, 1963), alors que celle des plantations maku est de 2,5 tonnes par famille. Par famille, on entend la famille nuclaire ventuellement accrue, selon la coutume native, d'un proche parent orphelin, veuf ou clibataire. Les villages maku runissent environ 25 personnes, tandis que les villages tukano de 100 personnes ne sont pas rares. Les premiers ne restent pas plus de 5 ans au mme endroit, ce qui n'est pas le cas des seconds, qui occupent souvent le mme lieu depuis plus d'un sicle.

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    4. De nos jours, il n'existe aucun groupe maku dans le voisinage des Arawak. En outre, quelques groupes maku n'ont aucun voisin riverain. La description qui suit n'est donc valable que pour la rgion du Uaups, o les Maku sont voisins des Tukano.

    5. Cette carte ne comprend pas le territoire des Nukak pour lesquels on n'a aucune information sur les diffrenciations dialectales possibles. En ce qui concerne les Bara, Hupdu et Yuhup, ces informations sont prcises. Quant aux Duw et Nadub, elles sont vrifier (Pozzobon, 1 992). Sur la graphie des mots indiens voir l'Appendice 2.

    6. cf. Carte 1 . Le ruisseau en aval de la mission sur la rive septentrionale du Rio Tiqui est la frontire entre les dialectes D et E chez les Hupdu, tandis que ce fleuve constitue une frontire entre les langues hupdu et yuhup.

    7. La description qui suit n'est valable que pour les Maku du Uaups, c'est--dire, les Yuhup, Bara et Hupdu. J'ignore si les autres Maku ont ou non un systme de clans.

    8. Il se nomme Ku Teh en yuhup, Idn Kamni en bara, Itaap en nadub. J'ignore son nom en Duw et en Nukak.

    9. Mbabmdu est un terme polysmique. Selon le contexte, il signifie siblings, famille ou amis. Cela dit, il existe des termes spcifiques pour les siblings selon leur sexe et leur ge relatif.

    10. Il n'est videmment pas ncessaire que ces rapports soient constitus partir de l'change des surs relles, car un homme classe toutes les femmes de son clan et de sa gnration comme ses mbabaydu (ses surs), alors qu'il classe les femmes de sa gnration et des clans affins comme ses emdu (ses femmes).

    1 1 . Comme on l'a vu plus haut, la racine mbabm, utilise dans l'allocution ah mbabmdu, dsigne les agnats d'ego et, plus particulirement, ses siblings. Or la mme racine apparat dans l'allocution mbabm niy, qui signifie tablir une alliance . Il s'ensuit que les Maku, comme de nombreux autres Indiens des basses-terres d'Amrique du Sud, expriment les liens d'affinit dans le langage de la consanguinit {cf. Kaplan, 1973).

    APPENDICE I. QUELQUES REMARQUES SUR LES AFFINITS ENTRE LES LANGUES MAKU

    Dans une liste comprenant des adjectifs, des substantifs et des verbes, on trouve les pourcentages suivants de cognats :

    Tableau 3. Pourcentage de cognats entre les langues Maku *

    ban ! .. yuhup dew nadub

    bara

    23 26 19 22

    tniptte

    23 - 82 63 46

    yahup

    26 82 - 57 42

    daw

    \9 63 57 - 50

    nadub

    22 46 42 50

    * Sources : mes propres connaissances des langues yuhup et hupdu ; le'vocabulaire bara fourni par Koch-Griinberg (1906a et 1906b) ; le vocabulaire nadub publi par Rivet, Kok et Tastevin (1925) ; le vocabulaire nadub publi par Shultz (1959).

    Les sources de cette liste n'ont pas toutes la mme qualit ni la mme extension. Afin de ne retenir que les entres prsentes dans toutes les sources, je n'ai pas pu comparer plus de 63 entres, ce qui rend la validit du tableau douteuse. De toute faon, la proximit linguistique entre le yuhup et le hupdu a t confirme sur le terrain. Lorsque je disais une phrase en langue hupdu, les Yuhup comprenaient en gros ce que je voulais dire. En outre, le missionnaire et

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    linguiste Valteir Martins m'a dit en 1989 qu'il avait mis en contact un Dwv et un Yuhup. Aprs quelques minutes d'hsitation, les Indiens ont communiqu sur des choses simples. Quant aux rapports entre les langues des Bara et des Hupdu, ces derniers m'ont affirm ne presque rien comprendre aux paroles bara. Finalement, l'article de Wirpsa et Mondragn (1988) sur l'apparition des Nkak dans la ville colombienne de Calamar rapporte que ces Indiens ont pu communiquer avec les Bara. Il semble donc que les six langues de la famille maku pourraient tre classes par sous-groupes d'affinit : (1) bara et nukak ; (2) hupdu, yuhup et duw ; (3) nadub. Esprons que des tudes plus approfondies pourront clarifier le sujet.

    APPENDICE IL LA GRAPHIE DES MOTS INDIENS

    J'ai adopt la graphie suivante pour les voyelles : a comme en franais amer e comme en franais amre i comme en franais p/quer comme en franais oter u comme en franais oubli h comme en anglais hMt .

    La liste ci-dessus ne rend pas compte de toute la richesse des voyelles maku. Mais puisqu'il ne s'agit pas ici de phontique, j'ai dcid de raccourcir les moyens d'crire les mots. Dans le mme esprit, j'ai omis la graphie de certaines consonnes affiiques qui ont t crites comme des s . Quant aux autres consonnes, la plupart sont comme en franais. Voici les exceptions : le h est toujours aspir ; le y reprsente le i bref ; le w , le u bref ; l'apostrophe, l'arrt glotal. Un tilde indique la nasalisation. Le sh sonne comme en franais chmage . Le gn ne sonne jamais comme en franais ignorant , mais comme en anglais ignorant .

    BIBLIOGRAPHIE

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    Kaplan, J. O., 1973. Endogamy and the marriage alliance : a note in continuity in kindred-based groups , Man, 8(4), 555-570.