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Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 2004 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 18 jan. 2021 15:47 Québec français Pour mieux connaître nos adolescents lecteurs Colette Baribeau, Monique Lebrun et Denyse Blondin L’art de raconter Numéro 132, hiver 2004 URI : https://id.erudit.org/iderudit/55653ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Publications Québec français ISSN 0316-2052 (imprimé) 1923-5119 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Colette, Lebrun, M. & Blondin, D. (2004). Pour mieux connaître nos adolescents lecteurs. Québec français, (132), 75–78.

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Page 1: Pour mieux connaître nos adolescents lecteursNous vous proposons de mieux connaître leurs perceptions de la lecture par l'intermédiaire de profils d'adolescents lecteurs. Positions

Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 2004 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 18 jan. 2021 15:47

Québec français

Pour mieux connaître nos adolescents lecteursColette Baribeau, Monique Lebrun et Denyse Blondin

L’art de raconterNuméro 132, hiver 2004

URI : https://id.erudit.org/iderudit/55653ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Les Publications Québec français

ISSN0316-2052 (imprimé)1923-5119 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleColette, Lebrun, M. & Blondin, D. (2004). Pour mieux connaître nos adolescentslecteurs. Québec français, (132), 75–78.

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Notes

S'associent en effet à l'appellation de langue maternelle des sentiments filiaux, mais aussi un attachement patriotique, puisque c'est la langue du territoire, du pays, de la patrie.

Ion Caraion, » Les mots en exil », dans Marges et exils. L'Europe des littératures déplacées, Bruxelles, Labor, 1987, p. 49.

La phrase de Vassilis Alexakis, écrivain bilingue français-grec, suffirait, me semble-t-il, à gommer les réticences que pourrait susciter l'épithète « étrangère » : « La langue maternelle n'est que la première langue étrangère qu'on apprend ». Rien n'empêche d'adapter les sigles au départ de FLM : FLM1S1. FLM0S1, FLM1S2, FLM0S2. Exit le FLE...

J'en ai traité dans le texte intitulé • Quelle norme pour l'écrit à l'université ? », paru dans En/eux, n" 53 (mars 2002), p. 153-160.

On rencontre souvent l'appellation de langue seconde, vu la proximité géographique, en particulier à Bruxelles, ville bilingue et francophone à 90%.

Bibliographie

Calvet, L-J., La guerre des langues et les politiques linguistiques, Paris, Payot, 1987.

Cuq, J.-P., « Quels contenus et quel statut pour la grammaire dans l'enseignement du français langue maternelle et étrangère ? », dans Modernité, diversité, solidarité. Actes du )C Congrès mondial des professeurs de français, volume 2, Paris, Fédération internationale des professeurs de français, 2001.

Delbart, A.-RE, « La trilogie "Passé composé, Imparfait, Passé simple" dans trois méthodes F.LE. », Enjeux, n" 27 (décembre 1992).

Delbart, A.-R.. • L'emploi du passé simple dans les chansons de Georges Brassens », Revue de linguistique romane, n" 61 (1996).

Delbart, A.-R., « Les Français parlent aux Français », dans J.-M. Defays, B. Delcomminette, J.-L. Dumortieret V. Louis (dir.), Langue et communication en classe de français. Convergences didactiques en langue maternelle, langue seconde et langue étrangère, Bruxelles, Éditions modulaires européennes (Intercommunications, SPRL), 2003.

Wilmet, M„ Grammaire critique du français, Paris-Bruxelles, Hachette-Duculot, 1998.

Wilmet, M.. « De la grammaire avant toute chose... », dans Français 2000, n™ 165-166(1999).

HORS DOSSIER

Pour mieux connaître nos adolescents lecteurs > > COLETTE BARIBEAU, MONIQUE LEBRUN

et DENYSE BLONDIN*

Cet article présente un premier aperçu de résultats d'une

recherche subventionnée1 intitulée « Devenir compétent en lecture

au secondaire ». Cette recherche vise à promouvoir la lecture en

identifiant les facteurs et conditions qui permettent d'améliorer

les interventions éducatives en lecture et d'assurer le

développement de pratiques de lecture durables, particulièrement

en milieu populaire.

vie » ? Dans le cadre de ce travail, une at­tention spéciale a été portée aux adolescents lecteurs. Qui sont-ils ? Qu'aiment-ils lire ? Comment choisissent-ils leurs lectures ? Les jeunes adolescents de 13 à 16 ans cons­tituent un groupe où l'on retrouve de fai­bles lecteurs et des jeunes susceptibles plus que d'autres d'abandonner l'école. Nous vous proposons de mieux connaître leurs perceptions de la lecture par l'intermédiaire de profils d'adolescents lecteurs.

Positions théoriques Nos positions théoriques se basent sur

deux courants, à notre sens complémentaires en ce qu'ils interpellent le lecteur personnelle­ment pour le rendre à la fois plus réflexif et plus autonome et qu'ils font de l'enseignant un animateur du livre conscient des caracté­ristiques cognitives et affectives de l'élève lecteur. À notre avis, ces deux courants sont tout à fait compatibles avec les objectifs des récents programmes ministériels en lecture. De plus, les récentes orientations privilégiées par le Programme des programmes ont mis l'ac­cent sur les compétences transversales et les domaines d'expérience de vie où l'élève trans­pose ces compétences. Une véritable pratique de la lecture suppose l'utilisation de « vrais » livres, de documentation complémentaire : une pratique de l'intertextualité cherche à gref­fer au texte Uttéraire étudié des textes courants appropriés ou encore des textes littéraires plus courts ou d'un autre type. Les activités de lec­ture sont aussi liées aux activités d'oral et d'écriture dans de réelles expériences de vie.

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Cadre général du travail Nous connaissons bien, grâce aux en­

quêtes du ministère de l'Éducation2, le pro­fil général de l'élève québécois quant à ses habitudes de lecture et attitudes face à la lecture (ministère de la Culture et des Com­munications3). Toutefois, ces portraits is­sus d'enquêtes statistiques ont avantage à être confrontés à ceux qui émergent de la salle de classe elle-même. Comment se comporte l'adolescent québécois qui dit préférer tel ou tel type de livre, lire tant d'heures par semaine, lorsqu'il lit effecti­vement ? Que pourrait lui proposer son enseignant pour faire de lui un lecteur « à

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Objectifs et méthodologie À partir d'un questionnaire et d'observations

en classe, nous avons dressé un portrait des jeunes lecteurs québécois, de leurs habitudes et attitudes face à la lecture4. Nous cherchions à présenter un portrait factuel et documenté des élèves du primaire et du secondaire comme lecteurs. Afin d'offrir plus de nuances à ce portrait de lecteur, nous avons dé­cidé de mener une série d'entretiens de groupe avec les adolescents5. Une centaine d'adolescents des quatre premières années du secondaire, garçons et filles en nombre égal, furent rejoints ; 40 élèves ha­bitaient la région de la Mauricie et une soixantaine venaient de Montréal. Ces jeunes s'étaient portés volontaires et savaient qu'ils venaient donner leur opinion sur la lecture. Nous avions précisé aux en­seignants qu'il était préférable de retenir des ado­lescents capables d'exprimer leur point de vue, intéressés par la lecture, quelle qu'elle soit, en vue d'avoir un ensemble présentant une diversité d'opi­nions. L'autorisation parentale a été requise, les rencontres d'une heure (groupe d'une dizaine d'adolescents) ont été enregistrées et retranscrites. Six questions générales ont été posées et chaque per­sonne s'exprimait à tour de rôle. Puis, des positions contrastées, des nuances, des précisions pouvaient être énoncées. Les interventions de l'animateur vi­saient à éviter un débat, des confrontations ou en­core la recherche d'un consensus par le groupe. L'atmosphère était détendue ; les adolescentes et les adolescents se sont exprimés avec beaucoup de nuance et d'intensité et se sont dits satisfaits de l'ex­périence. Il convient de préciser que les jeunes qui ont participé aux entrevues de groupe n'étaient pas nécessairement de bons lecteurs ; tous se sont tou­tefois dits intéressés par la lecture.

Les données recueillies nous ont permis, d'une part, d'apporter un éclairage intéressant à quelques réponses au questionnaire, tels l'importance de cer­taines pratiques de lecture au primaire, le rôle des parents, les stéréotypes et les conditions favorables à une lecture agréable. D'autre part, nous avons pu, à partir du traitement, faire ressortir tous les élé­ments rapportés par les garçons lors de ces discus­sions et dégager les grandes tendances en les regroupant autour de cas types ou profils. Nous avons donc établi ces profils en déterminant des caractéristiques générales, en les précisant à partir d'un cas type qui y répondait de façon plus spécifi­que et, par la suite, en étoffant ce profil à l'aide de traits retrouvés chez l'un ou l'autre adolescent qui pouvait se greffer à ce profil.

Nous vous présentons donc quatre profils de jeunes adolescents lecteurs : le passionné, le psychosociologue en herbe, le sociable et le sportif. Il est évident que notre prétention n'est pas de cou­vrir tous les adolescents, certes non ! La « famille » est plus large que cela. Mais peut-être, espérons-nous, découvrirez-vous sous un jour nouveau l'un ou l'autre de vos élèves.

LE PASSIONNE

Voici un garçon qui fait un peu de sport, regarde la télévision et aime bien lire. Pour lui, lire, ce n'est qu'une question d'intérêt : garçon ou fille, même si les filles lisent plus, tout se résume à l'intérêt.

Il préfère acheter ses livres (il en demande en cadeau) plutôt que d'attendre son tour à la bibliothèque. Il peut lire n'importe où, mais préfère des endroits calmes : sa chambre, son lit. Il n'apprécie guère ces bibliothèques situées loin de chez lui, dans d'anciens gymnases, éclairées au néon, sans charme, sans ambiance ; les livres « des années 1940 » en décomposition y sont mal classés et « niaiseux ».

Quand un texte l'accroche, il n'arrête pas de lire ; mais, lorsque les livres ne sont pas « son style », la tâche est plus laborieuse et il a tendance à l'aborder de façon très scolaire. Il est l'un de ceux qui connaissent la musique et il se doute des questions (schéma narratif, personnages, évolution de l'action, etc.) que l'enseignant posera : il se prépare en conséquence, car il y est obligé. Seuls quelques professeurs, très struc­turés (« ordonné », « explique bien », « pas trop smooth »), trouvent grâce à ses yeux. Il trouve qu'il peut, grâce à la lecture, développer son vocabulaire ; quant à l'orthogra­phe, il avoue qu'il ne se relit pas beaucoup et perd ainsi des points en rédaction.

Boulimique, il peut lire dix livres par mois, sans arrêt, lire tout le temps. Puis il s'arrête, fait une pause et recommence. Il a certains tics : lire la dernière phrase du livre et se demander, tout au long, quel lien il peut y avoir avec l'histoire qu'il lit.

Il a eu ses auteurs préférés dont il a lu les livres au point de ne plus être capable d'en voir la couverture : Stephen King est l'un de ceux-là. Mais il a été rapidement remplacé par d'autres, Tolkien, Eddings, Yoshikawa (chez qui il sait discerner un style particulier), Marie Laberge. Il ne semble pas faire de réelle sélection dans ses « coups de cœur ». Il suit les conseils de ses amis, de ses parents ou du libraire et est peu souvent déçu. Il embarque souvent dans les lectures scolaires proposées : Zone l'a passionné, il l'a dévoré. Il peut être assez intransigeant à propos de certains auteurs : • Je déteste ces œuvres », dit- i l .

Il a de nombreux souvenirs de lectures passionnantes (petit, il connaissait les his­toires par cœur) et il se rappelle avec nostalgie tous ces livres qui l'ont fait « tripper », de Vingt mille lieues sous les mers aux ouvrages de La courte échelle, puis Chrystine Brouillet. Des titres le font s'exclamer : « Notdog, c'a été un "peak" quand on était jeune ».

Il aime échanger des livres avec ses amis, des l i ­vres de science-fiction et de fantastique ; sa mère lui en passe (des policiers). Il a aussi enfilé la série des Harry Potter qu'il trouve un peu enfantins mais excellents quand même.

Il constate avec un peu de chagrin qu'il a moins de temps pour lire maintenant, car ses travaux sco­laires exigent beaucoup de temps.

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LE PSYCHOSOCIOLOGUE EN HERBE

Vers 15-16 ans, en quatriemesecondaire.se dessinent cer­taines tendances dont on peut toutefois retrouver les gran­des lignes chez un élève un peu plus jeune : notre psychosociologue en herbe s'intéresse à l'humain, à son des­

tin, aux grandes questions de l'heure, aux enjeux sociaux. Il ajoute même, en fin d'entre­vue, que le nouveau pro­gramme est intéressant dans la mesure où il y a beaucoup plus de réflexion, de raisonne­ment, que l'imagination est exploitée : « Ça fait que quand t'arrives devant une situation dans la vie courante, tu es plus apte à penser ».

Il aime lire, lit beaucoup, tard le soir. Il a besoin de se concentrer, « de s'imprégner du climat » créé par le livre ; ainsi, il n'aime pas lire sous pression, lire lorsqu'il a des échéances à respecter ou qu'il a un examen le lendemain. Quand il est plongé dans son livre, il n'apprécie guère que ses proches le dérangent en lui demandant comment il va ou encore s'il veut du lait ou des biscuits !

Il n'affectionne pas tellement les bibliothèques scolai­res, question d'ambiance et de collections et les nouveau­tés y sont rares ; mais il ajoute que, à la maison, « c'est agréable parce qu'il y a beaucoup de livres nouveaux ». Il emprunte autant de livres qu'il en achète ; il en demande aussi en cadeau et en achète de seconde main (à son père !).

Face aux lectures imposées, il parvient à se mettre à la place de son enseignant et compatit : « ce n'est pas facile de trouver un livre qui intéresse tout le monde ». Mais il estime que c'est important que les jeunes comprennent les réalités qui sont présentées dans certains livres, comme le racisme ou le suicide, thèmes qui l'ont marqué « dans sa jeunesse ». En classe, lorsque l'enseignant accorde une courte période pour lire, il pressent qu'il n'aura ni le temps ni le contexte pour apprécier sa lecture : il préfère alors parler avec ses amis ou « niaiser ». Il déteste une lecture pour laquelle une cadence de lecture est fixée : parfois les chapitres sont passionnants et il lit tout le livre qu'il doit alors relire pour répondre aux questions. « C'est sûr que si je l'ai trouvé bon, je le relis avec enthousiasme », nous con-fie-t- i l quand même. Tout comme plusieurs, il aime lire la dernière phrase d'un livre et s'imaginer toutes sortes de scénarios.

Il se rappelle que, jeune, il a été fasciné par Sans fa­mille de Malot. Tout jeune, sa mère lui a apporté son pre­mier roman publié à Lo courte échelle ; puis, il a enfilé toute la collection au point où sa mère, le soir, devait lui arracher son livre caché sous ses couvertures (scénario classique, fin tout aussi classique : l'enfant va reprendre le livre et conti­nue I).

Il est un maniaque de littérature québécoise, corpus qu'il a dévoré dès son plus jeune âge et qu'il continue d'appré­cier grandement : il adore Michel Tremblay, Chrystine Brouillet et s'intéresse aussi grandement aux héros qui in­carnent des valeurs importantes, telle l'écologie. Il appré­cie des ouvrages où « il y a une morale, des valeurs transmises ». Il sait aussi apprécier certaines composantes strictement littéraires d'un texte où, par exemple, le narra­teur fait partie de l'histoire, stratégie discursive qui lui per­met d'avoir un aperçu plus profond, « une meilleure vision que lorsque c'est écrit à la troisième personne ». Cet ado­lescent déplore que ses travaux scolaires lui enlèvent des heures de lecture chaque soir

LE SOCIABLE

Ambiance chaleureuse, musique de fond stimulante (parfois forte), notre garçon sociable aime certes lire, mais lorsqu'il n'a rien d'autre à faire et que le texte qu'il a sous la main est captivant.

Il aime lire des ouvrages (livres, revues) qui trai­tent de sujets qui l'intéressent : ses passe-temps fa­voris, les phénomènes scientifiques ou les recherches, l'informatique, et, du côté romanesque, des romans policiers, parce qu'il aime le mystère. Comme beau­

coup d'enfants attirés par ce qui est défendu (pour les yeux, lui disait-on), il a lu sous les couvertures, avec une lampe de poche, en étant convaincu que ses parents ne le voyaient pas.

Il lit aussi certaines parties des quotidiens locaux pour se tenir au courant de ce qui se passe. Le fait qu'un ouvrage lui soit imposé lui importe peu ; il est même heureux qu'au primaire, on lui ait imposé des lectures.

Pour notre sociable, ce qui est important, c'est qu'il accroche. Il est sensible aux conseils de ses amis, de son enseignant ou de ses parents ou encore il adopte une approche rationnelle dans la sélection de ses lectures : lecture du titre, du résumé, œuvre d'un auteur qu'il a aimé. Il convient que lire enrichit le vocabulaire, la struc­ture des phrases et l'orthographe.

Il convient que les gars se cachent parfois pour lire. Lui, il aime parler des revues qu'il lit et en résumer le contenu à ses amis. Il aime parler de ses lectures avec des gens qui connaissent le sujet, avec ses amis.

LE SPORTIF

Voici un garçon qui préfère jouer au tennis, au base-bail ou aller faire du « skate » plutôt que de lire. Il constate qu'« il y a toujours autre chose à faire pendant la journée que lire ». Il se tanne parfois de lire et préfère bouger, sortir dehors où i l ya plein de choses à voir, être avec ses amis plutôt qu'assis sur une chaise dans la bibliothèque. Et s'il pleut, il préfère regarder le sport à la télévision, pour se relaxer. Lorsqu'il a des échéances à respecter, il continue à lire, mais aimerait vraiment faire autre chose. Il n'aime pas tellement que des lectures lui soient impo­sées, même s'il admet avoir aimé lire l'ouvrage.

Ce qu'il déteste par-dessus tout, c'est qu'on contrôle ses lectures par un tas de questions auxquelles il a à répondre une fois la lecture terminée ou pendant la lec­ture ; il déteste lorsqu'on lui fixe un nombre de pages à lire dans un court laps de temps. Selon lui, un résumé devrait être suffisant pour que l'enseignant puisse être assuré qu'il a lu et compris.

Il n'aime pas tellement les « gros » livres sans image. En classe, il éprouve réguliè­rement de la difficulté à se concentrer sur un travail, surtout lorsque l'ambiance y est peu favorable : bruit, chaises inconfortables, distractions. Il estime qu'il manque de temps pour effectuer convenablement les activités demandées. Il avoue être fré­quemment en retard sur ses coéquipiers quand il prend réellement le temps de lire, de se créer des images. Fataliste, il convient que les bons lecteurs obtiennent de meilleurs résultats scolaires, mais cela semble peu le déranger. Il trouve que lire aide à mieux écrire, mais que, ne lisant que des romans à l'école, il ne voit pas trop en quoi cela peut l'aider dans la vie.

Notre sportif est un réaliste et porte un jugement négatif sur des « choses sans allure ». Cependant, lorsqu'un sujet le passionne, par exemple des histoires de guerre, il recrée dans sa tête un tas d'images et se souvient que petit, il aimait jouer avec ses amis, se promener dans le bois en faisant semblant d'être un guerrier. Il est un « accro » des statistiques sportives. Jeune, il a lu des romans de Lo courte échelle et des bédés ; maintenant, il aime les romans policiers, les romans fantastiques parfois, mais « sur­tout des choses d'action où il y a de la suite dans les événements » (cela semble s'opposer aux romans psychologiques). Il l it des revues (7 Jours, Safarir) et apprécie ces lectures où il peut se mettre dans la peau d'un personnage. Il aime modérément les discussions en classe, jugeant que les élèves se chicanent pour « choisir des mots ou dire leurs impressions », ce qui est, selon lui, trivial. Il se souvient encore du livre qu'il a lu « d'une couverture à l'autre » en une semaine. Sensible au goût du jour et curieux, il a commencé le premier tome de la série Harry Potter, mais doit reprendre souvent les chapitres, car il ne lit « pas tellement vite et oublie », au fil des jours, la trame narrative du roman (un peu « compliqué, mais intéressant avec beaucoup d'af­faires et de personnages »).

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Intérêt des profils Certes, reconnaître l'un ou l'autre de nos

élèves dans ces profils tracés à grands traits peut nous faire découvrir, sous un autre jour, ces adolescents auxquels nous ensei­gnons tous les jours. Toutefois, il nous sem­ble que cela peut aussi être intéressant sous d'autres aspects. Dans son rapport intitulé Pour une meilleure réussite scolaire des gar­çons et des filles, le Conseil supérieur de l'édu­cation nous ouvre certaines pistes de réflexion et d'action afin de « s'attaquer aux écarts de réussite entre les garçons et les filles6 ». Cet avis tente d'apporter un éclai­rage sur l'effet de la variable sexe sur la réus­site scolaire et met de l'avant de grandes orientations dont nous nous inspirons pour proposer des voies d'exploration.

Le Conseil supérieur de l'éducation men­tionne que plusieurs travaux de recherche ont montré l'impact des stéréotypes parti­culièrement en ce qui a trait à la lecture : pour plusieurs adolescents, aimer lire est un comportement féminin. Ces derniers nous ont dit être un peu gênés d'aimer lire et cher­cher à le cacher. Il convient de combattre ces stéréotypes et de présenter des modèles positifs de lecteur. Pourquoi ne pas chercher à trouver dans l'école un professeur mascu­lin qui se reconnaît dans l'un ou l'autre pro­fil ? Celui-ci pourrait venir faire une courte « piqûre » de lecture en classe et présenter le livre qu'il est en train de lire ou encore un livre qui l'a passionné.

Afin de soutenir l'engagement des élè­ves, de combattre l'ennui et de dépasser la contrainte qu'impose l'école du point de vue de certains, plusieurs enseignants ont résolument mis en place des stratégies dif­férenciées : activités d'échange et de partage sur les lectures, présentations de coups de cœur. Dans cet esprit, on pourrait explo­rer la voie de groupes homogènes de gar­çons rassemblant des adolescents au profil similaire. De cette façon, les pratiques de lecture rejoindraient davantage les goûts en lecture des adolescents et pourraient cons­tituer des stimulants efficaces pour ceux qui sont moins intéressés. Discuter de la bio­graphie d'un célèbre coureur automobile ou d'un grand général, s'attarder à la des­cription d'une bataille célèbre et la compa­rer à la description d'un match de hockey aux Jeux olympiques pour l'obtention d'une médaille d'or (n'y a-t-il pas là de bel­les illustrations de style « épique » ?), voilà peut-être des activités intéressantes pour un groupe de « sportifs ».

Il nous semble également intéressant, pour l'enseignant, de recourir à d'autres lu­

nettes que les goûts ou les intérêts des élè­ves pour choisir les livres proposés. Penser aux garçons, en les considérant comme un tout, offre moins de nuances ; distinguer dans ce groupe des profils de lecteurs aux goûts différents permet des choix plus con­trastés. L'enseignant peut ainsi dépasser certains stéréotypes ou aller au-delà de ses goûts personnels pour offrir une diversité d'ouvrages qui captiveront l'attention des jeunes.

Les approches proposées dans les nou­veaux programmes incitent à l'expérimen­tation de projets où l'acte de lire est intimement lié à l'apprentissage. De véri­tables pratiques de lecture allient l'utilisa­tion de « vrais » livres à l'exploitation d'une documentation complémentaire. Or, on peut noter que les garçons s'intéressent aux journaux et aux revues et qu'ils y puisent beaucoup d'information : une pratique de l'intertextualité permet d'intégrer ce type de texte aux activités de lecture et facilite les liens avec d'autres matières au pro­gramme en offrant au lecteur des textes autres que ceux trouvés dans les manuels scolaires.

Une pratique pédagogique centrée sur le développement de compétences transversa­les amène la mise en place d'activités de lec­ture liées aux activités d'oral et d'écriture dans de réelles expériences de vie. Les en­tretiens de groupe ont permis de constater que les adolescents, pour la plupart, aiment parler de leurs lectures, échanger à propos de livres qu'ils ont aimés ou d'articles qui traitent de questions d'actualité. Des équi­pes de discussion regroupant des garçons aux profils contrastés permettraient des échanges riches et stimulants où les intérêts de chacun seraient mis à profit.

Conclusion Nous n'avons pas la prétention d'avoir

tracé, par ces quatre profils, le portrait de l'adolescent lecteur. Mais nous pensons qu'il y a là une voie intéressante d'explora­tion afin de mieux rejoindre les garçons. Le Conseil supérieur de l'éducation note que l'écart de réussite scolaire s'explique en par­tie par une série d'influences sociales et que ces influences proviennent autant du monde adulte que des autres élèves. En modifiant un tant soit peu le jeu des inte­ractions et les modes d'approche des inté­rêts manifestés par les garçons, l'enseignant donne un nouveau sens à l'apprentissage de la lecture à l'école et fait mieux ressortir l'utilité concrète de cet apprentissage dans la vie de tous les jours.

" Colette Baribeau, professeure titulaire au

Département des sciences de l'éducation de

l'Université du Québec à Trois-Rivières ;

Monique Lebrun, professeure titulaire au

Département de linguistique et de didactique

des langues de l'Université du Québec à

Montréal ; Denyse Blondin, enseignante au

primaire et étudiante au doctorat-réseau en

éducation de l'Université du Québec à Trois-

Rivières

Notes

1 Recherche action concertée, Fonds FCAR-CQRS-MCC-MEQ-MFE, Programme pour le soutien de la recherche en lecture. Projet 2000-LE-70218, Devenir compétent en lecture au secondaire. Directrice : Monique Lebrun.

2 Ministère de l'Éducation du Québec, La lecture chez les jeunes du secondaire. Des policiers aux classiques, Québec, Ministère de l'Éducation. 1994 ; Ministère de l'Éducation du Québec, Compétence et pratiques de lecture des élèves québécois et français, Québec, Ministère de l'Éducation, 1994.

3 Ministère de la Culture et des Communications du Québec, Enquête auprès des bibliothèques scolaires du Québec. Analyse descriptive, Québec, Ministère de la Culture et des Communications, 1998 ; Ministère de la Culture et des Communications, Le temps de lire, un art de vivre. État de situation de la lecture et du livre au Québec, Québec. Ministère de la Culture et des Communications. 1998.

4 Monique Lebrun et Colette Baribeau, « Les attitudes et habitudes de lecture des élèves québécois : les enseignements d'un questionnaire », communication donnée dans le cadre du colloque La lecture chez les adolescents de milieu populaire : environnements éducatifs et pratiques pédagogiques, Sherbrooke, ACFAS,

14 mai 2001 ; Colette Baribeau et Monique Lebrun, « Les pratiques de lecture des adolescentes et des adolescents au Québec », communication donnée à l'ACSRLL, Club Tremblant, 27 octobre 2001 ; Monique Lebrun et Colette Baribeau, « Enquête sur les adolescents lecteurs : leurs représentations et leurs pratiques », communication faite au CIRADE, le 25 janvier 2002, Montréal, Université du Québec à Montréal.

5 D. L. Morgan, Focus Groups as Qualitative Research, Thousand Oaks, Sage, 1997 ; G. Simard, La méthode du focus group. Montréal, Mondia, 1989 ; S. Vaughn, J. S. Schumm et J. Sinagub, focus Group Interviews in Education and Psychology, Thousand Oaks, Sage, 1996.

6 Conseil supérieur de l'éducation, Pour une meilleure réussite scolaire des garçons et des filles, Québec. Éditeur officiel du Québec. 1999.

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