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Jayce Salloum : histoire du présent

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publi sous la direction de jen budney

avec la collaboration de ammiel alcalay, jen budney, dana claxton, rawi hage, jamelie hassan, ali lohan & irene loughlin & bernadette phan, meeka noelle morgan, walid raad & farid sarroukh, haema sivanesan, urban subjects, et keith wallace

Jayce Salloum :

histoire du présent

MENDEL ART GALLERY | KAMLOOPS ART GALLERY | MUSÉE D’ART DU CENTRE DE LA CONFÉDÉRATION

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Préface

histoire du présent / carte du monde jen budney

Pour que parlent les images keith wallace

Kan ya ma kan et Beyrouth (1992) walid raad et farid sarroukh

sans titre partie 1 : tout et rien (2001) rawi hage

sans titre partie 2 : la beauté et l’est (2003) urban subjects

sans titre partie 3a : territoires occupés (2001) et sans titre partie 3b : (comme si) la beauté était éternelle... (2003) jamelie hassan

desmedia (downtown eastside media collective) ali lohan, irene loughlin et bernadette phan

sans titre partie 4 : terra incognita (2005) et sans titre partie 5 : tout n’est pas perdu, mais certaines choses ont été égarées en cours de route (ou) vers les fins et les débuts et entre deux (2009) dana claxton

Native Youth Art Workshops (nyaw) meeka noelle morgan

(un cœur sans amour /douleur/générosité n’est pas un cœur) (2008–2009) haema sivanesan

« Je vais te montrer quelque chose. » Inspiré par Jayce Salloum ammiel alcalay

Œuvres exposées

Chronologie

Bibliographie

Vidéographie

Collaborateurs

Remerciements

6

8

32

51

59

61

65

69

73

75

79

85

95

97

103

107

108

111

Table des matières

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wind-some sense/age time past, Fu (bliss/giving), Lu (salary/income) and Shou (longevity) with sports cars and others, Hastings Second Hand Goods Pawnbrokers, 45, rue Hastings ouest, Vancouver, 9/26/04 [668], de sans titre : cent lieux/sans lieux, depuis 1996

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Jayce Salloum est surtout connu pour ses œuvres photographiques et multimédias et son explora-tion de l’identité, de la migration, des fluctuations des frontières et territoires dans un contexte transnational. Né à Kelowna, en Colombie-Britannique, Jayce Salloum vit à Vancouver depuis 1996. Depuis quelques années, son installation vidéographique évolutive, sans titre, est au pro-gramme de biennales et de grandes expositions un peu partout au monde, où elle est acclamée par un vaste public. L’artiste expose toutefois depuis la fin des années 1970, dans de grandes ou petites galeries d’Amérique du Nord, d’Europe, du Moyen-Orient et de l’Asie du Pacifique. Sa pratique artistique est diversifiée. Son rapport de longue date avec la photo et avec l’art photo-graphique a fait de lui le commissaire de plusieurs expositions d’importance, au Canada et sur la scène internationale. Avec d’autres, il a fondé des collectifs et des ateliers d’artistes réputés au Canada, aux États-Unis et au Liban. C’est un honneur pour la Kamloops Art Gallery, la Mendel Art Gallery et le Musée d’art du Centre de la Confédération de présenter la première grande rétrospective de cet artiste canadien accompli, sous le titre « Jayce Salloum : histoire du présent (œuvres choisies, 1985–2009) ». L’exposition retrace plus de vingt ans d’une impressionnante car-rière et établit des liens entre les explorations de la représentation photographique et l’expérience du texte et des techniques du collage des débuts et les photos subséquentes, les installations archivistiques et les enregistrements vidéo. Notre publication, exhaustive, est inspirée du style même de M. Salloum par son abondance (elle présente à la fois des œuvres qui font partie de l’exposition et d’autres qui n’en sont pas) et par sa façon de réunir les voix diverses et parfois con-traires de nombreuses personnes qui commentent l’incidence de ses productions.

De nombreuses et indispensables contributions ont permis la création de l’exposition et de la publication, toutes deux très substantielles. Nous remercions l’artiste, la Vancouver Art Gallery et le Musée canadien de la photographie contemporaine de nous avoir prêté des œuvres pour cette exposition. La Kamloops Art Gallery remercie très sincèrement l’Audain Foundation et le programme d’aide aux musées du ministère du Patrimoine canadien de leur généreux appui financier qui lui a permis de présenter cette exposition et ce catalogue. Nous remercions aussi les auteurs Ammiel Alcalay, Dana Claxton, Rawi Hage, Jamelie Hassan, Ali Lohan, Irene Loughlin, Meeka Noelle Morgan, Bernadette Phan, Walid Raad, Haema Sivane-san, Urban Subjects (Sabine Bitter, Jeff Derksen et Helmut Weber) ainsi que Keith Wallace de leurs contributions réfléchies et Robin Mitchell Cranfield de hundreds & thousands pour son superbe graphisme. Nous remercions la commissaire de l’exposition, directrice de la publica-tion et auteure Jen Budney ainsi que les membres du personnel des trois galeries qui ont mis leur dévouement et leurs talents sans égal au service de la planification, de l’organisation, de l’installation et des déplacements de l’exposition. Nous tenons à remercier également nos administrations et tous nos bailleurs de fonds pour leur soutien indéfectible à nos programmes. Nous souhaitons enfin exprimer notre appréciation pour l’artiste Jayce Salloum et sa vision éloquente, son extraordinaire attachement à son domaine de pratique et à la notion de citoyen-neté, et pour les œuvres étonnantes qui stimulent notre réflexion depuis vingt-cinq ans.

Préface

Vincent J. VargaDirecteur exécutif et directeur général, Mendel Art Gallery

Jann L.M. BaileyDirectrice exécutive, Kamloops Art Gallery

Kevin RiceDirecteur, Musée d’art du Centre de la Confédération

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7carte du monde (détail) 1999–2009

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L’inspiration pour cette rétrospective de l’œuvre de Jayce Salloum provient de l’œuvre carte du monde (1999–2009), un « dessin » mural sur panneaux multiples auquel l’artiste a consacré plusieurs années, à l’instar de nombre de ses œuvres. J’ai observé l’évolution de la création de cette œuvre au fil du temps. À chacune de mes visites à l’atelier de l’artiste à Vancouver (je vivais à l’époque à Ottawa puis, ultérieurement, à Kamloops), carte du monde s’était subtilement transfor-mée grâce à l’ajout d’un assemblage de bouchons de bouteilles dans les teintes de l’arc-en-ciel ou d’une nouvelle épaisseur d’enveloppes pour correspondance aérienne, entièrement déployées pour en laisser voir le motif. Là, une libellule morte qui vient d’être épinglée au panneau désordonné qui sert de base au dessin à grande échelle. Ailleurs, une nouvelle série de fioritures que je n’avais jamais vues auparavant. Tracées au stylo-bille noir ou bleu, ces volutes relient les dif-férents éléments de l’œuvre : les instantanés sur papier glacé, les feuilles ensi-formes provenant des nombreux aloès et plants d’ananas de l’artiste (qu’il cultive d’ailleurs à partir du feuillage des fruits qu’il a mangés), une sucette toujours emballée dans son cellophane, des téguments secs, des messages provenant de biscuits chinois, une plume de mouette…

De prime abord, cette œuvre tactile et fantaisiste diffère considérablement de celles qui ont fait la renommée de Salloum. Son installation vidéo sérielle sans titre, toujours en cours de réalisation, est souvent considérée à tort comme un documentaire ou un reportage puisqu’elle s’associe principalement à l’univers des faits, des arguments et des opinions politiques. En effet, Salloum est reconnu non seulement comme artiste, mais aussi comme militant culturel pour son recours à des projets artistiques en vue d’aider les citoyens à se mobiliser, tels le collectif desmedia à Vancouver qui promeut l’œuvre et le vaste répertoire d’autres artistes en organisant des expositions internatio-nales et des projections vidéo et dont les propres productions artistiques ont été au cœur de deux controverses politiques qui ont défrayer la manchette au Canada1. Selon

histoire du présent / carte du mondejen budney

1. À la mi-septembre 2001, Victor Rabinovitch, directeur du Musée canadien des civilisations (MCC), annonça le « report indéfini » du vernis-sage de l’exposition « Ces pays qui m’habitent — Expressions d’artistes canadiens d’origine arabe ». Il mentionna sans titre parie 1 : tout et rien (2001), un élément de l’installation vidéo sans titre de Salloum qui présente une interview avec Soha Bechera, ancienne résistante libanaise basée à Paris, comme étant trop controversée dans le contexte des attaques terroristes du 11 septembre aux États-Unis. Après une levée de boucliers du public et du milieu des arts, le premier ministre s’est adressé à la Chambre des communes, sous l’ovation unanime des représentants de tous les partis, pour décrier cette mauvaise décision de reporter l’exposition. « Ces pays qui m’habitent » a finalement été présentée à compter du 19

octobre, mais la commissaire, Aïda Kaouk, a été informée la semaine suivante que son mandat auprès du MCC ne serait pas renouvelé.

Quatre ans plus tard, en mai 2005, la vidéo sans titre partie 4 : terra incognita (2005) de Salloum, qui présente une vaste gamme de récits et d’opinions de membres de la première nation de Westbank sur l’héritage de la colonisation et sur le système de pensionnats dans la région de Kelowna, a provoqué l’ire des politiciens de la région. Le centre d’artistes autogéré Alternator Centre for Contemporary Art avait commandé la vidéo financée par des fonds octroyés par le comité d’art public de Kelowna en vue de commémorer le centenaire de la ville. Toutefois, une semaine avant la projection prévue de cette vidéo et de plusieurs autres vidéos commandées,

dont une œuvre de Dana Claxton, les conseillers municipaux de Kelowna annulèrent la projec-tion sous prétexte que la vidéo de Salloum ne répondait pas au critère de « célébration » exigé par la demande de proposition du comité d’art public. Le centre Alternator ignora cette annulation et organisa sa propre projection à laquelle assistèrent de nombreux artistes et citoyens, notamment des dizaines de représen-tants des Premières Nations de toute la vallée de l’Okanagan. Les médias nationaux, particulière-ment ceux de la Colombie-Britannique, couvri-rent cette controverse. En conclusion, Alterna-tor a conservé les droits de distribution de la compilation vidéo, tandis que la ville a conservé la dernière tranche de 8 000 $ de la subvention de 25 000 $ qu’elle avait prévu verser au centre d’artistes autogéré.

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la théoricienne des médias Laura U. Marks, les pratiques de Salloum « redéfinissent la citoyenneté, plus particulièrement la citoyenneté artistique » par-delà les frontières dé-limitant les expositions, les organismes de financement, les municipalités, les régions, les nations et la sphère internationale « indéfinie » des festivals et des biennales2. Son opinion met en relief le sens de responsabilité civique de Salloum selon lequel l’art — sa fabrication, sa conservation et sa diffusion — devient l’un des nombreux moyens d’obtenir la justice sociale.

L’interprétation que fait Marks de l’œuvre de Salloum est juste, mais incomplète, comme elle l’a elle-même observé. (« Mais il s’agit également d’une personne qui photographie des vitrines sentimentales, qui préférerait parler de rosiers avec Soha Bechara plutôt que de la forcer à révéler des détails crus de son séjour en prison et qui ne peut écrire une phrase sans l’assaisonner d’ellipses. Un peu de tendresse, un peu d’attrait pour les détours et l’inexprimable, teinte son militantisme3. ») carte du monde illustre les fondements épistémologiques et spirituels de la pratique de Salloum où les objets du quotidien, ce que l’on jette ou abandonne, ainsi que les ordures sont traités avec autant de respect que les souvenirs des aventures et les dessins et photographies nés dans l’œil de l’artiste. Ces matériaux et objets disparates sont non seulement dignes de contemplation dans une égale mesure, ils sont tous interre-liés, unis symboliquement par un stylo-bille, mais aussi tangiblement par un état d’interdépendance ou d’interindividualité universel.

Les enjeux qui ancrent la vaste pratique artistique de Salloum ne sont pas de prime abord politiques (c’est-à-dire qu’ils ne concernent pas les relations sociales impliquant l’autorité ou le pouvoir, la réglementation et les politiques), mais plutôt épistémologiques. Ses photographies, installations, vidéos et projets col-lectifs, son œuvre de commissaire, ses tableaux, dessins et textes s’interrogent sur ce que nous savons et sur la façon dont nous acquérons nos connaissances, ainsi que sur les rapports entre celles-ci et notre conception de la vérité, de la croyance et de la justification. L’exploration de telles questions comporte des implica-tions politiques, sociales, économiques et spirituelles que l’on ne peut dissocier des notions d’épistémologie. C’est, je crois, l’échec de l’imaginaire inhérent à l’attachement de l’Occident (et de plus en plus du monde) pour certains con-cepts — qui sont tous reliés sur le plan épistémologique — tels l’individualisme, l’inéluctabilité ou le caractère naturel du capitalisme, de l’État-nation et des formes particulières d’empirisme, qui frustre certains regardeurs de l’œuvre de Salloum qui préféreraient que l’artiste s’exprime d’un point de vue fixe et identi- fiable et nous présente des messages et produits faciles à consommer4.

Ainsi, l’on pourrait considérer carte du monde comme l’œuvre la plus représentative de Salloum en ce sens qu’elle est non seulement riche en textures et en niveaux de sens qui sont chargés de notions du quotidien, du voyage et de la multiplicité, et perpétue (littéralement) les rapports entre des éléments de prime abord non reliés, mais également impossibles à « résumer » thématiquement, difficiles à transporter, à installer, à exposer et à photographier et, si je peux me permettre, pratiquement invendables. (L’artiste est bien conscient de l’humour de la situation. Lui, plus que tout autre commissaire, marchand d’art ou préparateur d’expositions, a dû subir les conséquences de ses propres choix conceptuels et matériels5.) Le titre même fournit un indice de la façon dont l’artiste comprend sa vocation, que l’on pourrait décrire comme une cartographie transnationale tentaculaire de l’expérience et des relations humaines, ou comme un processus d’orientation à travers les méandres de la culture visuelle et matérielle des diffé-rentes régions de la planète (peu importe où se trouve l’artiste). Cohérente, dans

2. Laura U. Marks, « Citizen Salloum » dans FUSE Magazine , vol. 26 no 3, Toronto, septembre 2003, p. 18. [traduction]

3. Ibid., 20. [traduction]

4. Marks a remarqué que durant l’échec du MCC en 2001, le Congrès juif canadien avait demandé « comment une œuvre d’art laissant la parole à des Libanais, des Palestiniens et des gens de l’ex-Yougoslavie pouvait être considérée comme canadienne. » Ibid., p. 19. [traduction]

5. Dans son essai « sans titre/untitled: the video in-stallation as an active archive, 2006 », Salloum écrit : « [Mes] projets tombent souvent entre les ca-tégories du genre et de l’attention. Il y a un prix à payer si l’on reste sourd aux avertissements, si l’on ne respecte pas les règles, si l’on pousse le conservatisme et les limites des institutions en fournissant des strates de réalités tactiles, juxtaposées en corrélation et en contradiction avec les motifs dominants, un morceau de déni et de censure. » Publié dans Charles Merewether (dir.), The Archive , Londres, Whitechapel / Cambridge, MIT Press, 2006, p. 190. [traduction]

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une mesure semblable, avec l’ensemble de l’œuvre de Salloum, carte du monde est incomplète, du moins de la façon dont nous entendons généralement qu’une œuvre d’art soit « achevée ». Avant que le dessin soit emballé en vue de son expédition vers le premier lieu d’exposition, Salloum avait songé à l’éventualité d’ajouter des panneaux puis a continué à dessiner sur les panneaux et à y punaiser des élé-ments lors du montage de l’exposition et même après le vernissage. Plusieurs de ses œuvres comportant des éléments photographiques et vidéo sont elles aussi en constante évolution : l’artiste prévoit notamment développer ses vidéos sans titre tout au cours de sa vie.

Contempler carte du monde me procure du plaisir parce que mon esprit est invité à divaguer librement et à faire des associations créatives. C’est un geste libérateur. Comme plusieurs critiques l’ont souligné (notamment Keith Wallace dans le présent ouvrage), l’art de Salloum nous libère de la tyrannie de la signifi-cation, non pas en vue de rendre impossible toute quête de sens, mais pour nous ouvrir de nouvelles avenues pour interpréter le monde dont nous faisons partie.

Quatrième de cinq enfants d’une famille canado-libanaise, Salloum est né et a grandi à Kelowna en Colombie-Britannique. Ses grands-parents avaient émigré en Saskatchewan, en milieu rural, dans les années 1920. Salloum a quitté sa famille à l’adolescence pour se consacrer à l’art et voyager à travers le Canada, en Afrique puis en Californie. Il n’a pas déposé ses valises depuis. Il a développé très tôt deux intérêts symbiotiques : 1) la photographie et la vidéo, plus particulièrement le documentaire et sa critique, ainsi que l’anthropologie visuelle6 et 2) la notion et la pratique de l’archivage7 qui demeurent toutes deux les pierres angulaires de sa pratique à large spectre.

Sur le plan historique, les photographies et les archives partagent une certaine influence et une certaine réputation en raison de leur aptitude à « dire la vérité », comme dépositaires de faits. Aujourd’hui, pourtant, on les considère incomplètes en elles-mêmes et vulnérables à une multitude de significations et d’interprétations. Comme l’explique Wallace dans son essai Pour que les images parlent, le discours sur la rephotographie de la fin des années 1970 et du début des années 1980 — qui eut une influence déterminante sur la pratique de Salloum — a déplacé les bases sur lesquelles on conçoit la photographie. Alors que la caméra documen-taire traditionnelle prétend servir de générateur de faits et agit pour naturaliser idéologiquement l’œil du spectateur8, les expériences, basées sur la photographie et portant sur la fragmentation, la déstabilisation et la rupture de sens menées par des artistes tels Allen Sekula, Martha Rosler, Cindy Sherman et Sherrie Levine ont renversé la prétention de ce médium à l’égard de l’authenticité et de l’objectivité. Bien que certaines œuvres créées par la soi-disant « Picture Generation » (« génération de l’image ») soient cyniques, anxieuses ou nostalgiques (ou les trois à la fois), les artistes tels Sekula et Rosler qui travaillent hors de cette sphère plus populaire sur le plan commercial utilisaient la photographie dans des œuvres qui étaient cohérentes, qui comportaient de multiples niveaux d’évaluation du capitalisme exacerbé, de la réalité sociale et de la géopolitique du droit à la possession et de la dépossession, et qui cherchaient à éveiller un senti-ment renouvelé de conscience politique auprès du public.

Dans le même ordre d’idée, les artistes ont, au cours des dernières décen-nies, activement utilisé et critiqué la structure des archives. Deux artistes actifs au milieu des années 1970 dans des systèmes économiques fort différents, Andy Warhol et Ilya Kabakov, ont constitué des archives de « vieilleries » (les rebuts des

6. Le regretté John Collier Jr. (1913–1992) enseigna à Salloum à l’Art Institute de San Francisco. Cet anthropologue et photographe documenta-riste américain fut son mentor et exerça sur lui une influence déterminante. Collier est généralement considéré comme le créateur de la discipline de l’anthropologie visuelle à titre de science de l’observation à part entière, mettant de l’avant la notion, maintenant généralement admise, que voir et représenter les éléments visuels est tout aussi important que parler et écrire. Son ouvrage Visual Anthropology: Photography as a Research Method (1967) est largement considéré comme la base du recours à la photographie en anthropologie.

7. À la différence d’une collection ou d’une bibliothèque, les archives sont un ensemble de documents historiques qui peuvent prendre toutes sortes de formes et constituent le fon-dement grâce auquel s’écrivent les Histoires.

8. Lire le texte d’Allan Sekula intitulé « Disman-tling Modernism, Reinventing Documentary (Notes on the Politics of Representation) » paru dans Photography Against the Grain , Halifax, The Press of the Nova Scotia College of Art and Design, 1984, p. 53–76, ainsi que celui de Martha Rosler intitulé « In, around, and afterthoughts (on documentary photography) » publié dans The Contest of Meaning , sous la direction de R. Bolton, Boston, Massachusetts Institute of Technology, 1989, p. 303–342 (publié à l’origine dans l’ouvrage Martha Rosler: 3 Works , Halifax, The Press of the Nova Scotia College of Art and Design, 1981).

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tout et rien et autres œuvres de l’installation vidéo en cours, sans titre, depuis 1999, Gallery 101, Ottawa, 2003 Photo : Justin Wonnacott

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tout et rien et autres œuvres de l’installation vidéo en cours, sans titre, depuis 1999, Gallery 101, Ottawa, 2003 Photo : Justin Wonnacott

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acquisitions de tous les jours ainsi que de vrais déchets) en questionnant la valeur attribuée à chaque objet dans sa société respective et la valorisation du souvenir9. Plus près de nous, soit depuis le début des années 1990 (une période caractérisée, selon Hal Foster, par sa « propension à l’archivage »), des artistes tels Mark Dion, Renee Green, Thomas Hirshhorn et The Atlas Group (Walid Raad10) — tous des contemporains de Salloum — ont utilisé les archives dans des installations réunis-sant des artefacts historiques (images, objets et textes) qui avaient été perdus, déplacés ou négligés, ou se sont appropriés des échantillons d’archives comme les ready-made pour la création de nouveaux axes de travail (ce que Nicolas Bourriaud a appelé « art de post production »)11. Foster souligne que la génération actuelle d’artistes n’utilise pas les conventions de l’archivage pour « projeter une carence de logique ou d’affect », mais adopte plutôt « la fragmentation anomique comme une condition non seulement pour représenter, mais aussi pour intégrer, et propose à cette fin de nouveaux ordres d’association affective, aussi partiels et provisoires soient-ils, même si cette association témoigne de la difficulté, et parfois de l’absurdité, d’agir ainsi »12. Autrement dit, même si les œuvres de ces artistes remettent en question les archives publiques et l’ « ordre symbolique en général », elles ne traitent pas cet ordre symbolique de façon totalitaire. Elles laissent plutôt la latitude de créer de nouvelles histoires, de nouveaux rapports et de nouvelles compréhensions (en un mot, de l’espoir).

D’après Salloum, les années 1980 étaient généralement une période d’acceptation des pratiques photographiques. Après avoir obtenu son baccalauréat en beaux-arts au San Francisco Art Institute, Salloum est rentré à Toronto où, en plus de pratiquer son art, il a monté de nombreuses expositions d’œuvres photographiques récentes. Une de ces expositions-phares fut « New Canadian Photography » produite par le Centre canadien de la photographie et des films en 1982. Cette manifestation présentait des œuvres de dix-huit artistes, dont Rafael Goldchain, Chick Rice, Linda Duvall, Lorraine Gilbert, Eldon Garnet et Alison Rossiter. Âgé d’à peine 24 ans à l’époque, Salloum était conscient de la nécessité de mettre en évidence des pratiques nouvelles et le travail d’artistes émergents, et de l’ « arrivée » de la photographie comme forme d’art contemporaine au Canada. Deux ans plus tard, il a lancé et coordonné le Toronto Documentary Photography Project, une exposition réunissant des œuvres comman-dées à onze artistes à l’Art Gallery at Harbourfront. Marcel Masse, qui venait d’être nommé ministre des Communications au Parlement fédéral, annonça la création du Musée canadien de la photographie contemporaine lors du vernissage. La promo-tion des œuvres d’autres artistes et la gestation d’un discours grâce à la conception d’expositions, de visionnements et de conférences demeurent des éléments impor-tants de la pratique de Salloum.

Ses œuvres des années 1980 sont des expériences en appropriation exécutées en dialogue avec le sentiment largement partagé (du moins au sein de la nouvelle génération d’artistes nord-américains) que les arts visuels ont atteint un certain achèvement. Les photos de Levine « inspirées » des images publicitaires rephoto-graphiées par Walker Evans et Richard Prince témoignent de l’état d’esprit selon lequel les artistes se voyaient contraints de déconstruire et (peut-être) de transformer des images trouvées en d’autres images puisque le monde était déjà sursaturé sur le plan visuel. Les installations photographiques Actes de consommation (1985–1987) et ton souvenir (images muettes) (1987–1988) de Salloum reproduisent des illustra-tions tirées de livres auxquels on a attribué un statut d’autorité : encyclopédies, manuels scolaires et propagande politique. Ces installations ont été réalisées alors que Salloum faisait sa maîtrise en beaux-arts à l’Université de Californie à San Diego.

9. Lire Andy Warhol, « The Philosophy of Andy Warhol (From A to B and Back Again) » (1975) et Ilya Kabakov, « The Man Who Never Threw Anything Away » (v. 1977) dans The Archive, op. cit., p. 31, 32–37.

10. Le nom de famille de Walid Raad est souvent épelé « Ra’ad ». Nous utilisons dans ce texte l’orthographe qu’il préfère.

11. Cité par Hal Foster dans « An Archival Impulse » (2004), The Archive, op. cit. , p. 143–144.

12. Ibid., 145

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remembering you (images muettes), (détail), 1987–1988 Courtoisie du Musée canadien de la photographie contemporaine

I am not in these pictures

in me or in some way

of shaping them

making them

informing them

I think of these pictures as beings

of being in them

(being their shapes)

(having them make me)

(being informed by them)

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Plaisirs niais…, 1988 –1989

Dans le sens des aiguilles d’une montre, d’en haut à gauche : déflation (ballons de promotion)

museum of the vernacular (détail), P.S.1 Contemporary Art Center, Long Island City, 1989

fortunes, words to live by/common wisdom (hope springs eternal)

(under) lying nature/naturalizing difference; materialized systems (gradation, hierarchies), identity.. identification/categories of resistance and determinism.. classification/qualification, arbitration... a science of fiction, numbered systems.. [Von Luschan (skin) scale, de Evolution: Life Nature Library, The Editors of Time-Life Books Incorporated, NY, A Stonehenge Book]

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Ces deux œuvres font appel à des recherches archivistiques poussées, traitent du moins en partie avec des images du corps et font appel à des techniques de photo-montage du début du vingtième siècle (Hannah Höch, John Heartfield, El Lissitzky, etc.) où les altérations du « premier sens » patent de la photographie (par combi-naison, dessin, découpage ou ajout de texte aux photographies) soulignent le besoin pour les observateurs de « lire » activement les images.

L’installation Actes de consommation (qui consiste en plusieurs panneaux de photomontage, de diaporamas en fondu, de la triptyque vidéo La montée de l’homme et d’une composante participative, soit une table où les visiteurs peuvent consulter des illustrations tirées d’encyclopédies et les agencer) met l’accent sur les efforts problématiques de l’Occident pour « progresser » en contrôlant et en ma-nipulant la nature et les gens, notamment les tentatives pseudo-scientifiques pour mesurer et classer les êtres humains. Dans La montée de l’homme (Partie 1 : Course silencieuse, Partie 2 : Conditions de grâce et Partie 3 : Actes de consommation) de 1985–1987, des images semblables de violence exercée sur les corps et le territoire sont montées ensemble à un rythme très rapide en vue, semble-t-il, d’étourdir le spectateur. Ainsi présentées, les vidéos se présentent comme plus prescriptives que l’installation photo, même si les deux éléments trahissent une attitude quelque peu pessimiste qui n’était pas rare dans le discours de la rephotographie. Par contre, ton souvenir (images muettes) laisse une place plus large à l’interprétation. Ces peintures délicates et colorées sur des images photographiques explorent le langage corporel et les positions (physiques et idéologiques) de l’autorité et du pouvoir. Il est impossible de dire que les photos originales sont tirées d’un ouvrage de référence qui avait été publié pour diffuser les valeurs du Troisième Reich. Ce sont des œuvres étrangement jolies qui illustrent des mains, des têtes et d’autres éléments corporels et architecturaux désincarnés, disposés dans un espace difficile à identifier et accompagnés d’une bande sonore de paroles abstraites. Elles semblent s’adresser universellement au désir d’un individu d’appartenir à un État ou à une commu-nauté et à son aliénation inévitable.

Ces montages anciens de Salloum qui jettent un regard appuyé, mais non ex-clusif, sur le corps méditent sur l’histoire de la photographie et de l’archivage autant que tout autre chose. Comme l’a écrit Sekula en 1986, l’année même où Salloum a produit Actes de consommation : « Puisque la physionomie et la phrénologie [du XIXe siècle] étaient des disciplines comparatives et taxonomiques, elles cherchaient à englober la diversité humaine. À cet égard, ces disciplines ont joué un rôle fon-damental dans la constitution de ces mêmes archives qu’elles prétendaient inter-préter13. Si l’on a déjà considéré les archives comme « un dépôt encyclopédique d’images échangeables » qui avait pour fonction de ramener « tous les points de vue possibles à une équivalence à un code unique » (rendus possible grâce à la précision millimétrique de l’appareil-photo), sa promesse de réduire la nature à son « essence géométrique » avait comme conséquence ultime la déspiritualisation du corps, sa réduction à une « position relative et quantitative au sein d’un ensemble plus vaste »14. Là où Actes de consommation peut être vu comme une critique ou une déconstruction de cette logique, ton souvenir (images muettes) inverse les ob-jectifs du processus d’archivage : l’œuvre prend un « type » (« despote », « nazi » ou tout autre nom que l’on utilise habituellement pour catégoriser ou compartimenter le régime d’Adolf Hitler, peut-être même simplement « allemand ») et le ramène dans le royaume plus vaste du genre humain, ce qui laisse entendre, comme nous le savons bien, qu’aucune nation ni aucun peuple n’est à l’abri de la démagogie qui a miné l’Allemagne au milieu du XXe siècle.

13. Allen Sekula, « The Body and the Archive » (1986), dans The Archive, op. cit., p. 70.

14. Ibid., p. 73–74.

Épisode 1 : So. Cal., 1988

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Les œuvres de jeunesse de Salloum n’ont pas toutes un propos aussi mani-festement sérieux. À titre d’exemple, Plaisirs niais … (1988–1989) réalisée peu après le départ de l’artiste de la Californie pour New York pose un regard sur une série d’objets et d’images du quotidien, de prime abord banals, qui portent en eux le genre de messages naturalisés idéologiques qui sont souvent perçus comme des « faits ». Les clichés Polaroïd de grand format de cette série représentent des agents de la Gendarmerie royale du Canada, une brigade entièrement masculine de « sauveteurs » (image tirée d’un manuel de premiers soins de l’Ambulance Saint-Jean), un torse grec classique, un dessin du Christ (un aryen, comme il se doit) en train de bénir les autoroutes, un nuage en forme de champignon atomique et une collection de ballons arborant des messages publicitaires ou des slogans électoraux pour la plupart « stupides ». Cette série traite des nombreuses façons dont nos identités et croyances personnelles et collectives se forment et se reforment sans relâche lors de nos rencontres avec des produits culturels et des objets et images fabriqués à l’échelle commerciale.

En 1988, juste avant de quitter la Californie, Salloum a produit la vidéo Episode 1 : So. Cal. Cette œuvre marque un nouveau départ pour l’artiste qui, à partir de ce moment, ne se limitera plus exclusivement aux images qu’il s’approprie. Episode 1 : So. Cal., dont la narration est assurée par une femme que l’on ne voit jamais (Aida Mancillas), présente des images du paysage rural et urbain de la Californie du Sud, des fragments de scènes tournées en voiture et dans des diners et des restaurants (où des mains tiennent une tasse de café ou gesticulent en pleine discussion) et des écrans de télévision qui diffusent notamment les nouvelles internationales. La narratrice raconte des histoires très personnelles d’amours brisées, de quête personnelle et d’amitiés perdues. On se rend vite compte, toutefois, que la narratrice provient d’une famille hispanique de la classe ouvrière et qu’un grand nombre des luttes qu’elle relate impliquait son désir de s’assimiler à la classe moyenne wasp dominante de San Diego. On voit donc émerger lentement le « vrai » récit, un récit indirect et poignant des conflits de cultures et de classes en Californie du Sud à un moment précis de l’histoire récente. Dans cette vidéo, comme dans toutes celles de la série de vidéos sans titre qui suivra, les prises de vue délibérément grossière de Salloum et le son occasionnel de sa voix réagissant à l’histoire rendent plus manifeste la fonction de registraire ou de témoin de la narration qu’il exerce. Bien que Épisode 1 : So. Cal. crée un précédent pour Salloum en matière de forme vidéographique, cette œuvre est aussi importante dans sa façon de démontrer comment les récits personnels reflètent les niveaux variables d’acceptation ou de résistance devant des situations et des enjeux mondiaux plus sérieux : les tensions provoquées par le changement des structures sociales, les économies locales et internationales, les luttes politiques, entre autres. C’est grâce à la combinaison, à l’opposition et à la mise en contraste subtile d’images et d’histoires que cette relation devient patente.

En 1988, Salloum a aussi entrepris son premier voyage au Moyen-Orient. Il a visité les territoires occupés de Cisjordanie et de la bande de Gaza au début de la première intifada palestienne de l’ère moderne, ainsi que le Liban, le pays de ses grands-parents, qui était empêtrée dans une guerre civile depuis treize ans15. Là-bas, il a tourné des images qu’il a éventuellement utilisées en 1990 pour réaliser la vidéo Muqaddimah Li-Nihayat Jidal (Introduction à la fin d’un argument)/Parlant pour soi … Parlant pour autrui en collaboration avec le cinéaste pales-tinien Elia Suleiman. À son retour en Amérique du Nord, Salloum s’est installé à New York où il a suivi le Whitney Independent Study Program. Il a commencé

15. La guerre civile libanaise (de 1975 à 1990) a été provoquée et exacerbée par de nombreux facteurs incluant, sans s’y limiter, les polarisa-tions régionales qui s’étaient manifestées durant la guerre froide et la fondation de l’État d’Israël qui a entraîné le déplacement de 100 000 Pales-tiniens (soit environ 10 pour cent de la popula-tion totale du Liban) dans le Sud du pays. Cet ouvrage est un excellent compte-rendu de la guerre : Robert Fisk, Pity the Nation : Lebanon at War, Londres, Oxford University Press, 1990.

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à prendre des photographies spontanées de vitrines de magasin dans son quartier, le East Village. Elles ont finalement fait partie de la première série (1988–1998) de ce qui deviendra une suite intitulée photographies sans titre. Le sous-titre de cette première série change d’une installation à l’autre, par exemple NEUTRAL/BRAKES/STEERING, 22 oz. THUNDERBOLT ou TO THE TRADE. Ces titres sont extraits de textes visibles sur les photos. Aucun personnage n’y figure, mais on décèle de nombreux indices de présence humaine et de subjectivité personnelle. Jim Drobnick et Jennifer Fisher ont écrit au sujet de ces photos de vitrines : « Elles nous fascinent à la manière de ruines, de lieux de mythologies locales et non formalisées qui se trouvent sous le nuage du capitalisme franchisé. La disposition de chaque vitrine échappe à la standardisation panoptique des chaînes omniprésentes comme Gap »16. En effet, ces images représentent des lieux de résistance et de résilience du sujet, non sans rappeler la narratrice d’Épisode 1 : So. Cal. qui a fini par reconnaître et refuser les préjugés de culture et de classe qui cir-culent son environnement. Que cette résistance soit consciente ou « naïve » est sans importance. Comme l’ont souligné Drobnick et Fisher, sans oublier Wallace dans le présent ouvrage, lorsque les photographies sont exposées, elles sont installées de façon à obliger les visiteurs à se lever sur le bout des pieds ou à se pencher pour toutes les voir. Cette « frustration productive » imposée17 comme l’a appelé Salloum lui-même a pratiquement la même fonction que les scènes « mal fil-mées » et les associations bancales d’images et de bandes sonores dans ses vidéos : elle rend les spectateurs conscients qu’ils regardent et de leurs droits et respon-sabilités d’interpréter l’œuvre ou de collaborer à l’élaboration de sa signification, plutôt que de la consommer passivement. Salloum a recours à la même stratégie d’installation dans ses deux autres séries photographies sans titre : sans titre : cent lieux /sans lieu (depuis 1996) et sans titre : affinités subjectives (depuis 2004), dont traite Wallace.

Dans son essai de 1999 intitulé « Telling the Truth After Postmodernism », la sociologue de grande renommée Dorothy Smith a tenté de préserver un lieu pour le matériel après l’assaut du postmodernisme sur « le vrai » sans avoir recours à des notions d’« objectivité » héritées du siècle des Lumières, ni sans invalider les différences dans l’expérience des gens en élaborant une théorie qui supplanterait toutes les autres. Selon elle, le postmodernisme pose deux problèmes : première-ment, les théoriciens postmodernistes s’immiscent dans les théories modernistes qu’ils critiquent en important un sujet de connaissance homogène. En deuxième lieu, le transfert du postmodernisme de la fonction du sujet vers le « discours » maintient la séparation conventionnelle entre les fondements de la connais-sance et les activités quotidiennes des gens, reproduisant ainsi par inadvertance l’opposition cartésienne entre l’esprit et le corps. Smith soutient que même les assignations postmodernes à de multiples catégories — genre, classe et race — perpétuent le sujet unitaire de Descartes qui a toujours confondu réalité et perception de la réalité. Toutefois, la seule possibilité de persuader les autres « de la véracité, de l’exactitude et de l’adéquation » de nos représentations (c’est-à-dire de légitimer nos prétentions et nos gestes politiques) est d’être capable de parler et d’évaluer ce qui se trouve à l’extérieur du discours18. Se basant sur les théories de George Herbert Mead, Mikhail Bakhtin et Valentin Vološinov, Smith propose un autre point de vue selon lequel les sujets ne sont pas individualisés, mais pluriels et cette connaissance est « une forme définie d’acte social où un monde objet est constitué par les participants dans un monde en commun »19. La pratique de référer à un objet n’est pas un « effet » du discours, mais la concentration de la

16. Jim Drobnick et Jennifer Fisher, ‘archive of the street’ dans untitled : jayce salloum, sous la direction de Keith Wallace et Jan Allen, Kings-ton, Agnes Etherington Art Centre / Vancouver, Contemporary Art Gallery, 1999, p. 22.

17. Molly Hankwitz et Jayce Salloum, « Occupied Territories: Mapping the Transgressions of Cul-tural Terrain » dans Framework, Detroit, Wayne State University Press, vol. 43 no 2, automne 2002, p. 87.

18. Dorothy E. Smith, « Telling the Truth after Postmodernism » dans Writing the Social : Critique, Theory, and Investigations, Toronto, Buffalo, Londres, University of Toronto Press, 1999, p. 96–130.

19. Ibid., 109

Muqaddimah Li-Nihayat Jidal (Introduction à la fin d’un argument)/Parlant pour soi … Parlant pour autrui, 1990

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out the window, jet engine, over ocean, 7/28/04 [2], de sans titre : affinités subjectives, depuis 2004

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flaming sky/mauve domain, Vancouver, 7/14/04 [308], de sans titre : affinités subjectives, depuis 2004

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some idea of a house/dusk, Xats’alanexw/Khahtsahlano (Kitsalano), Vancouver, 7/3/04 [218], de sans titre : affinités subjectives, depuis 2004

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wound, Third Beach, Stanley Park, Vancouver, 8/19/04 [553], de sans titre : affinités subjectives, depuis 2004

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conscience sur un univers commun d’objets. L’acte social de référer ou de donner un nom confirme que l’objet est indépendant de l’expérience ou de la perception d’un individu donné. Cette indépendance n’est pas théorique, selon Smith, « elle se manifeste lors de pratiques socialement organisées qui coordonnent différentes subjectivités avec différentes perspectives et expériences relativement à ce qui de-vient pour eux, en commun, un objet »20. Elle ajoute : « […] les objets qui se maté- rialisent sous les yeux des participants sont constitués dans une organisation sociale et humaine qui inclut une organisation neuromusculaire du monde distincte de soi21. Elle compare le processus de recherche de vérité en sociologie à celui de lire une carte dont la capacité à dire la vérité n’est « jamais contenue dans le texte, mais émerge de la dialogique de celui qui la consulte pour trouver et reconnaître dans le monde ce que le texte, lui-même le produit d’une telle recherche, lui dit qu’elle pourrait chercher22.

La « frustration productive » que provoque Salloum chez les regardeurs de son œuvres (en les obligeant à s’étirer ou à se pencher pour voir les photographies, ou en refusant de présenter le type de documentaires « léchés » qu’ils sont habitués de voir à la télévision) les met au défi de coordonner leurs propres expériences et suppositions avec le matériel présenté afin de parvenir à la connaissance. Il commence avec l’actualité de la vie et de l’environnement des gens comme ils l’expérimentent, puis il présente les récits, les signes et les objets qu’ils produisent, non pas comme s’il s’agissait de la connaissance en soi, mais d’un lieu pour en-treprendre une quête. Ce que voient les regardeurs est beaucoup plus complexe que le dessin d’une route ou d’un réseau d’aqueduc, par exemple, et le processus de coordination n’est pas toujours sans heurt. En observant les photographies, vidéos et autres œuvres de Salloum, les différentes réalités représentées dans l’art ainsi que dans l’expérience et les hypothèses des spectateurs peuvent à l’occasion coïncider ou être en accord, mais elles peuvent aussi être en conflit ou en concur-rence l’une avec l’autre. Parfois, le spectateur fera simplement face au « silence » : un noir dans la vidéo ou une phrase non traduite sur une bande sonore ou une photographie. (L’habitude de Salloum de ne pas identifier ses sujets (humains ou non) au moyen d’un nom, d’un titre ou d’autres éléments descriptifs qui pour-raient les « contenir » en toute sécurité est aussi une forme de silence). Pourtant, toutes ces expériences génèrent une certaine connaissance pour les spectateurs, non seulement au sujet des autres, de l’artiste ou de lieux dans le monde, mais également sur les systèmes de communication et de représentation, de la langue

Talaeen a Junuub/Vers le Sud, 1993 Zahra Bedran

Talaeen a Junuub/Vers le Sud, 1993 combattant pour la résistance

Talaeen a Junuub/Vers le Sud, 1993 service de thé/meuble pour vidéos

20. Ibid., 118

21. Ibid.

22. Ibid., 130

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elle-même à la promotion touristique, du langage académique à la télévision aux heures de grande écoute. Enfin, les spectateurs se voient également forcés de mettre au défi leurs propres idées reçues sur ce qu’ils croient savoir et ce qu’ils sont en mesure de savoir (c’est-à-dire pas tout), et cette autoréflexion est un effet aussi essentiel et recherché par Salloum que toute information qu’il pourrait ten-ter de communiquer ou de traduire au sujet d’un autre individu, d’un autre objet, d’un autre endroit ou d’une autre situation. Il explique :

Les gens ne voient qu’un extrait […]. Je veux qu’ils reconnaissent que [mon travail] est partiel, qu’il représente un ensemble beaucoup plus grand d’information et d’expériences. Dans le cours de leur vie, il agit comme une rupture du canon de la pensée, il suspend ce qu’ils croient comprendre. Je ne crois pas qu’une com-préhension complète des situations, des conditions, des exemples ou des thèmes [dont traite mon œuvre] soit possible, ni même qu’elle soit ce que nous recher-chons... Il s’agit plutôt d’autre chose, comme arriver à une approche du matériel, se faire une idée de la situation sur le terrain, répondre à des enjeux spécifiques de représentation, articuler les différentes positions et relations, et éprouver de l’empathie pour les sujets23.

En 1992, Salloum est retourné passer une année entière au Liban. Il s’est établi à Beyrouth où il a ouvert un studio de vidéo et a animé des ateliers pour les pro-ducteurs libanais24, il a repris sa pratique de « photographie de rue »25, a cherché et amassé des archives et a tourné des séquences pour ses vidéos Ceci n’est pas Beyrouth / Il y eut et il n’y eut pas (1994) et Talaeen a Junuub / Vers le Sud (1993) (coréalisée par son assistant libanais, l’artiste Walid Raad). On pourrait considérer ces deux vidéos comme les pendants l’une de l’autre. La première s’interroge sur les représentations de Beyrouth au cours du dernier siècle (« Le Paris de l’Orient », « Ville de la Félicité », « Ville des Regrets », « Lebanam », « Une ville qui refuse de mourir », etc.). La deuxième, pour sa part, constitue une tentative de Salloum et Raad de « cartographier » la dynamique sociopolitique du Sud du Liban tandis qu’ils interrogent sans relâche leurs propres motivations et processus ainsi que ceux des autres26. Dans les deux œuvres, l’acte de représentation est minutieusement exa-miné, tout comme le concept même de « nation ». On considère le Liban comme une construction et les Libanais comme un peuple qui partage l’expérience de vivre sous l’occupation de nombreuses forces étrangères depuis quelques siècles. Toutefois, on nie catégoriquement l’existence d’un Liban « authentique » ou d’une « perspective libanaise ». En effet, la phrase « There was and there was not » (« Il y eut, et il n’y eut pas ») se traduit en arabe classique par kan ya ma kan, soit le titre choisi par Salloum pour son immense installation archivistique qui explore l’histoire séculaire des représentations du Liban (dont Wallace traite abondamment dans cet ouvrage). Kan ya ma kan est la formule traditionnelle pour commencer les fables, les mythes ou les contes pour enfants, l’équivalent de « Il était une fois » en français. En adoptant cette expression comme titre récurrent de ses explorations d’une nation, Salloum semble dire : l’histoire est si ancienne que nous n’en con-naissons plus l’origine, elle est à la fois réelle et irréelle. Le récit offre une connais-sance que les « lecteurs » doivent trouver pour eux-mêmes.

Ceci n’est pas Beyrouth / Il y eut et il n’y eut pas et Talaeen a Junuub / Vers le Sud ne font pas partie de la série-installation vidéos sans titre toujours en cours d’élaboration, mais les questions qu’elles posent sur la nation, l’identité, l’histoire

23. Mike Hoolboom, « From Lebanon to Kelowna: An Interview with Jayce Salloum » dans Practical Dreamers: Conversations with Movie Artists, sous la direction de M. Hoolboom, Toronto, Coach House Books, 2008, p. 188–189.

24. Le séjour de Salloum à Beyrouth a été financé en partie grâce à une subvention du Conseil des Arts du Canada qui lui a permis d’apporter cinq ensembles de caméras vidéo Hi-8, un logiciel de montage, des moniteurs de tournage et d’autres équipements pour concevoir des projets sur le Liban d’après-guerre avec des participants du pays. Salloum et Raad discutent des retombées, des problèmes et des contradictions de ce projet dans la vidéo Ceci n’est pas Beyrouth / Il y eut et il n’y eut pas, et Salloum en discute dans son entre-vue avec Mike Hoolboom (Ibid., p. 191–193).

25. C’est en prenant des photographies à Beyrouth lors de ce voyage qu’il a eu l’idée, à son retour à New York, de transformer les photo-graphies de vitrines qu’il avait prises en corpus d’œuvres proprement dit.

26. L’œuvre que Salloum a réalisée en 1990 en collaboration avec le cinéaste palestinien Elia Suleiman, la vidéo Muqaddimah Li-Nihayat Jidal (Introduction à la fin d’un argument)/Parlant pour soi … Parlant pour autrui est en quelque sorte le précurseur de Talaeen a Junuub / Vers le Sud en ce sens que la question de déterminer qui peut parler et comment se font les représentations au Moyen-Orient et à propos de cette région se retrouvent à l’avant-scène. Toutefois, Talaeen a Junuub / Up to the South ne traite pas beaucoup des stéréotypes médiatiques, à la différence de la première vidéo, et la présence des artistes dans l’œuvre réalisée en collaboration avec Raad est beaucoup plus centrale.

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et la résistance anticipent les principaux thèmes des œuvres les plus connues de Salloum. Les œuvres temporelles, où la juxtaposition d’images et de mots est essentielle à l’expérience, sont très difficiles à traduire efficacement en paroles écrites. De plus, les vidéos sans titre et leurs collisions, contradictions et ruptures de mots et d’images ne parviennent pas à « raconter » avec satisfaction, mais c’est préci-sément l’intention. Si les écrits sont considérés comme les fondements de l’histoire (c’est-à-dire l’histoire officielle comme celle approuvée par les États), ce qui est significatif au sujet des pratiques et des archives photographiques, c’est qu’elles contiennent toutes deux « le potentiel de fragmenter et de déstabiliser soit le souve-nir tel qu’enregistré, soit l’histoire telle qu’écrite »27. La série-installation de vidéos sans titre constitue des archives en soi : compte-rendu des voyages de Salloum à travers le monde, mais aussi, chose beaucoup plus importante, une documentation incomplète, mais exhaustive sur la résilience et la résistance dans le monde à la fin du vingtième siècle et au début du siècle suivant. Depuis le récent démantèlement de l’ex-Yougoslavie (sans titre partie 2 : la beauté et l’est, 2003) jusqu’aux histoires de plus de deux cents ans de survie racontées par les membres de la première nation de West Bank dans l’intérieur de la Colombie-Britannique (sans titre partie 4 : terra incognita, 2005) et aux nouvelles œuvres à Cuba et Aotearoa (toujours incomplètes au moment d’écrire ces lignes), les notions d’histoire et de nation sont continuelle-ment dévoilées et remises en question, alors que la capacité des individus à chercher et trouver de l’espoir et de la beauté au milieu au milieu de circonstances dévastatrices est abordée et discrètement célébrée.

La beauté des individus dans ces vidéos — leur sourire, leur passion, leur volonté de partager, leur force, leur honnêteté et leur humour — rejette la distanciation cognitive que nous, les Occidentaux, sommes si habitués à utiliser lorsque nous pensons aux « autres » et qui nous a permis de circoncire tant de situations distantes à prime abord avec des termes comme « conflit ethnique » en ignorant les forces plus puissantes du capital national et international qui sous-tend la plupart des actes de guerre de l’ère moderne. On trouve aussi de la beauté dans les paysages, les cieux, les fleurs, l’architecture et d’autres éléments naturels et fabriqués par la main humaine qui parcourent de nombreuses autres vidéos… à proximité d’images de fils barbelés, de cadavres et de représentations de violence atroce. Dans une entre-vue réalisée par le cinéaste expérimental Mike Hoolboom, Salloum a expliqué:

Il nous faut de la beauté. Il est presque futile de tenter de la décrire et il est nécessaire de la problématiser… Bien que le travail puisse être pénible, on vit des moments de plaisir visuel, mais il y a des limites au contact physique que permet la vidéo. Il est très difficile de travailler en vidéo sous la peau : la surface d’une vidéo est toujours le point de départ, mais on doit gratter cette couche imper-méable pour aller plus loin. La beauté est une forme de nourriture. S’il y avait un Guide alimentaire canadien qui donnait la liste de cinq ingrédients essentiels à la vie, on devrait l’inclure. Je ne parle pas ici des attitudes conventionnelles de la beauté, mais d’une richesse et de la complexité de la vie, incompréhensible à plusieurs égards, mais très gratifiante... Ce sont des strates par-dessus strates de moments de réflexion et de rapports, le méditatif, l’inexprimable : ces choses se relient à votre vie et plus profondément aux vies antérieures, aux prochaines vies, à d’autres vies… Il y a toutefois une mise en garde, comme dans sans titre partie 3b : (comme si) la beauté était sans fin… où la notion de beauté est niée par le segment « as if »

27. Charles Merewether, « Introduction//Art and the Archive » dans The Archive, op. cit., p. 10.

Ceci n’est pas Beyrouth/Il y eut et il n’y eut pas, 1994

En haut : Beyrouth ouest, près de Corniche En bas : la mère de Ghanem chez elle, Beyrouth Est

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(« comme si ») du titre qui signifie « bien sûr que non ». La beauté est sujette à prendre fin comme tout aspect de la vie, puisqu’elle doit s’adapter au sujet28.

Comme Haema Sivanesan l’a écrit dans la section de cet ouvrage où elle traite du voyage en Afghanistan que Salloum a fait en 2008 où l’artiste Hazara-Afghan Khadim Ali et lui devaient parfois se rendre et travailler clandestinement : « Dérober la beauté peut parfois être une forme de résistance »29.

La responsabilité s’accompagne d’un certain privilège, même lorsque Salloum visite Beyrouth, ravagé par la guerre, les lieux de massacre dans le sud du Liban, les territoires occupés ou, plus récemment, en Afghanistan assiégé par les Talibans et les armées occidentales en conflit parce qu’après tout, Salloum a toujours été libre de choisir de demeurer dans ce que Jeanne Randolph a appelé l’« enclave du luxe »30, c’est-à-dire le Canada (en grande partie) comme le font la plupart des artistes canadiens. Ses incursions à l’extérieur de cette enclave pour en rapporter des histoires et des images d’endroits et de peuples qui ne sont pas aussi nantis matériel-lement que la majorité des Nord-Américains a irrité certains de ceux qui semblent associer la richesse matérielle et la stabilité de l’État-nation avec les plus grandes civilisations et qui ne voient aucun direct entre « notre » richesse et « leur » pau-vreté, ou « notre » stabilité et « leurs » guerres. Lorsque l’on croit à une telle diver-gence entre les économies, l’art n’a d’autre rôle que celui d’amuser, de divertir et de susciter la réflexion en respectant les limites — c’est-à-dire que l’artiste ne doit pas at-tirer l’attention sur la complicité des spectateurs avec les systèmes plus vastes ni sur leur responsabilité de s’interroger et de chercher la connaissance pour eux-mêmes. Même lorsque Salloum est demeuré près de chez lui (lorsqu’il a travaillé avec des communautés de la première nation Syilx de la vallée de l’Okanagan), certains gardiens ont qualifié d’« inacceptables » ses intrusions dans les récits officiels.

D’autres ont remis en question l’engagement de Salloum dans les histoires de personnes qui ne correspondent pas au propre profil d’identité de l’artiste, une perspective qui reconnaît la vraie histoire coloniale d’appropriation culturelle tout en se dégageant de la solidarité active. Dans son recueil d’entrevues avec des artistes du film canadiens31, Holboom a demandé à Salloum : « N’avons-nous pas entendu trop d’histoires d’Autochtones racontées par d’autres? » Salloum lui a répondu : « Il y a de nombreux cinéastes et vidéastes autochtones influents au Canada : Alanis Obomsawin, Zacharias Kunuk, Annie Frazier Henry, Dana Claxton, Loretta Todd, Barb Cranmer et Cease Wyss, par exemple. Je ne sais pas combien d’entre eux vous

28. Hoolboom, op. cit., 198

29. Haema Sivanesan, 79

30. Jeanne Randolph, Ethics of Luxury (Toronto: YYZ Books/Winnipeg: Plug-In Editions, 2007), 17

31. Hoolboom, op. cit., p. 201

sans titre partie 4 : terra incognita, 2005 Roxanne Lindley

sans titre partie 4 : terra incognita, 2005 The Makers of Canada (fictions)

sans titre partie 4 : terra incognita, 2005 Wilfred (Grouse) Barnes

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avez interviewé… Pour moi, ce n’est pas une question de parler au nom des autres (appropriation) plutôt que de tailler un espace pour les voix étouffées (émancipa-tion). C’est beaucoup plus complexe. Je parle en affinité avec eux. »32

Affinité et collaboration sont les principes directeurs de Salloum non seulement pour ses productions vidéographiques, mais également pour plusieurs autres projets. Il vit dans le Downtown Eastside de Vancouver depuis 1996, année où il a quitté New York. C’est là qu’il a lancé et cofondé le collectif desmedia (Downtown Eastside Media) au début de 2000, un groupe d’artistes qui se sont résolus à collaborer à des projets artistiques engagés avec d’autres résidents et membres de la communauté. Cet effort entièrement bénévole (Bernadette Phan, Claudia Medina, Devona Stevenson, Athene Lohan et Jill Bend, suivies plus tard par Ali Lohan, Irene Loughlin, Kevin Nanaquewitang, Marguerite T., Lee Donohue, Fredrick Cummings et Bryan Mulvi-hill) ont animé au Carnegie Community Centre (un lieu de rencontre du quartier) des programmes d’ateliers gratuits en peinture, vidéo, photographie et autres médias. Bien que les activités de desmedia soient suspendues depuis 2006 en raison de la participation trop intensive de certains membres du collectif aux activités de sensibili-sation dans les rues et de leur volonté d’occuper à long terme une vitrine, il a donné pendant plusieurs années l’occasion aux résidents du Downtown Eastside une voix pour exprimer leurs idées et leurs inquiétudes au reste de la communauté. Du début de 2007 à la fin de 2009, Salloum a travaillé dans le même esprit avec Meeka Noelle Morgan, Victoria Morgan et Rob Hall pour animer des ateliers d’art coopératifs pour les jeunes Autochtones de Kamloops (Colombie-Britannique) et de la région environ-nante. Dans une ville où les parents autochtones ont protesté à cause de l’absence d’enseignement de la culture des Premières Nations dans le système d’éducation public33, les ateliers organisés une ou deux fois par mois à la Kamloops Art Gallery et dans certaines réserves du district régional Thompson-Nicola ont donné à des jeunes autochtones de tous les horizons (urbains, « rez », traditionnels ou vivant dans une famille d’accueil blanche, âgés de trois ans à la mi-vingtaine) un moyen de partager leurs expériences, de rencontrer des artistes autochtones contemporains, d’apprendre l’histoire de l’art des premières nations, et de s’exprimer collectivement grâce à la peinture et au son. Fait à souligner : ni desmedia ni les Native Youth Art Workshops sont demeurés exclusivement axés sur les points de départ ou l’origine des partici-pants. Les jeunes et leurs animateurs ont plutôt identifié et exploré leurs histoires divergentes ou communes afin de tracer les grandes lignes d’un avenir commun.

Étant donné la densité et la diversité des trente années de production artistique de Salloum, la difficulté de « traduire » en mots des œuvres inscrites dans le temps, la vaste quantité de voies d’accès possibles dans ses différents projets, ainsi que les principaux concepts de son œuvre, tout compte-rendu imprimé de sa carrière ne peut être que partiel, fragmenté et incomplet. Afin de reconnaître la multitude de voix et de perspectives qu’englobe sa carrière, de nombreux individus ont été invités à partager leurs réflexions pour cet ouvrage. Keith Wallace est un commissaire indépendant dont l’engagement envers une perspective internationale a beaucoup enrichi la communauté de Vancouver qui, comme la plupart des villes nord-américaines, peut avoir tendance à se tourner vers elle-même. Dans « Pour que parlent les images », il se penche sur la fonction de l’interstice dans l’ensemble de l’œuvre photographique de Salloum. Walid Raad, qui a collaboré avec Salloum à la réalisation de Talaeen a Junuub / Vers le Sud, a rédigé un essai photographique qui traite des enjeux pratiques et conceptuels qu’ils ont dû relever ensemble en tentant de représenter le Liban. Rawi Hage est un artiste et romancier qui a exposé à plusieurs occasions avec Salloum. Il répond ici avec une proximité poétique à la première vidéo de la série vidéos sans titre : une entrevue avec Soha Bechara qui était un membre militant de la résistance à la milice commandée

32. Hoolboom, ibid.

33. On a traité de ce problème lors d’une table ronde organisée à la Kamloops Art Gallery le 1er avril 2007. Animée par Ashok Mathur, président de la recherche en culture et art canadiens à la Thompson Rivers University, la discussion portait le titre de « Stepping Across Boundaries » [Franchir les frontières]. Étaient réunis une mère, Wendy Chanin; Deb Draney, directeur de la formation autochtone pour le district scolaire 73 et cofondateur de l’Interior Aboriginal Artists’ Society; Garry Gottfriedson, poète, professeur et militant de la bande indienne de Kamloops; la commissaire Candice Hopkins; l’artiste et professeure Mary Longman; ainsi que Tania Willard, artiste et rédactrice en chef pour la Redwire Native Youth Media Society. La bib-liothèque de la Kamloops Art Gallery possède un enregistrement vidéo des discussions.

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Native Youth Art Workshop (NYAW) œuvres de collaboration, 2007–2009 notes d’orientation

Native Youth Art Workshop (NYAW) œuvres de collaboration, 2007–2009 détail d’une peinture de collaboration

Native Youth Art Workshop (NYAW) œuvres de collaboration, 2007–2009 Victoria et Lyle Morgan en enregistrement musical

par Israël et l’armée israélienne qui ont dominé le Sud-Liban durant la guerre civile et après, soit jusqu’en mai 2000. Urban Subjects — un collectif formé de Sabine Bitter, Jeff Derksen et Helmut Weber qui développe des projets artistiques axés sur les enjeux urbains — réagit à la vidéo sans titre : la beauté et l’est dans laquelle plusieurs intel-lectuels établis en ex-Yougoslavie discutent des notions de citoyenneté, de frontières, de catégories, d’identités, de juridictions et d’économies dans une ère de changements rapides. L’artiste, auteure et commissaire Jamelie Hassan, dont la famille connaît celle de Salloum depuis au moins trois générations, discute de la relation complexe que le Liban entretient avec le peuple palestinien et des œuvres de Salloum portant sur la situation difficile en Palestine (sans titre parties 3a et 3b.). L’artiste lakota Dana Claxton, dont les propres œuvres axées sur la photo sont vouées à l’émancipation des peuples des Premières nations, écrit au sujet de la vidéo réalisée par Salloum en réaction à l’impact du colonialisme dans la de Kelowna dans les bandes terra incognita et tout n’est pas perdu mais certaines choses ont été égarées en cours de route Tout n’est pas perdu mais certaines choses pourraient avoir été perdues en cours de route (ou) vers les fins et les débuts et entre deux (2009). Les collaborateurs de Salloum chez desmedia — Ali Lohan, Irene Loughlin et Bernadette Phandis — discutent seule à seule, individuellement puis ensemble, des retombées de ce projet sur leurs vies et celles d’autres membres dans leur communauté.

L’artiste et éducatrice Meeka Noelle de la nation Secwepemc/Nuu-Chah-Nulth, qui a collaboré avec Salloum à la coordination des Native Youth Art Workshops, célèbre l’esprit de tous les participants et l’énergie qui a propulsé leurs collaborations au cours du projet qui a duré deux ans et demi. Haema Sivanesan, commissaire et directrice du South Asian Visual Art Centre (SAVE), écrit au sujet de ses rencontres avec la « situation » afghane et les coups d’œil qu’elle a saisis de la vie de Salloum qui voyageait pour aller travailler dans le territoire hazara, un projet qu’elle a lancé. Et enfin, le poète, chercheur, critique et écrivain Ammiel Alcalay répond à l’œuvre vidéographique de Salloum et réfléchit aux valeurs, aux inquiétudes et aux stratégies créatives qu’ils partagent. Son poème en prose répond à l’œuvre vidéographique de Salloum et réfléchit aux valeurs, inquiétudes et stratégies créatives qu’ils partagent. Son long poème en prose Je vais te montrer quelque chose saisit les flashes et des frag-ments de scènes et de répliques extraits des vidéos de Salloum, incarnant l’essence des défis auxquels les cinéastes de notre époque font face. Les idées, le travail et l’esprit de tous ces individus forment une partie intrinsèque de tout ce qui constitue histoire du présent, tout comme les expériences, les efforts et l’attention de chaque spectateur et de chaque lecteur qui s’engage dans l’œuvre de Salloum.

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sans titre partie 2 : la beauté et l’est, 2003

Dans le sens des aiguilles d’une montre, à partir du haut, à gauche : près de Newark; en route vers Sarajevo; arrivant et partant; nuages; Boris Buden

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30 30

sans titre partie 2 : la beauté et l’est, 2003

Dans le sens des aiguilles d’une montre, à partir du haut, à gauche : Marina Grzinic; aéroport, Skopje; Vienne; à l’extérieur de Belgrade; pistes et routes,

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31 sunset/studio views, Beyrouth, 1992, de (Kan ya ma kan) ) Il y eut et il n’y eut pas, 1988–1998

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Au cours des quatre dernières décennies, la photographie a dû faire face à des critiques acerbes. Dans les années 1960 et 1970, Susan Sontag et Roland Barthes, parmi d’autres, ont proposé un changement de notre compréhension des images photographiques. Ils ont relevé l’incapacité de la photographie à transmettre la notion de globalité et la considéraient comme une représentation fragmentaire ou, dirait Sontag, une ressemblance extraite de la réalité environnante. Ainsi, la photographie plane entre la réalité à laquelle elle ressemble et ce qu’elle pourrait représenter.

Ayant ces postulats en tête, j’ai relevé un paradoxe dans la citation de Jayce Sal-loum reproduite ci-dessus parce que son exploration iconographique, telle que je l’entends, souligne les façons dont les photographies disséminent l’information et, en premier lieu, la connaissance et la compréhension. Ce sont les mots « faire con-trepoids à la gratification de la connaissance » qui sont pertinents ici : alors que Sal-loum incite les regardeurs de ses œuvres à penser à ce qu’ils regardent, à traiter et à filtrer l’information provenant d’une image puis à lui attribuer une signification, il s’interroge simultanément sur la certitude de la connaissance et les systèmes au sein desquels elle opère. En ayant recours au doute comme moyen d’affirmer plutôt que de nier, la connaissance peut devenir fluide et irrésolue et, au bout du compte, se transformer en possession du récepteur. Bien que la pratique artistique de Salloum parcoure plusieurs disciplines, je m’intéresse particulièrement à sa façon d’utiliser la photographie et la vidéo comme moyens de déposséder les photographies de leurs certitudes représentationnelles afin d’élargir la sphère des possibilités cognitives qui existent aux niveaux à la fois subliminal et documentaire.

En embrassant ce dilemme des carences de la photographie, Salloum adopte le terme « interstitiel » pour désigner cet état transitoire qu’occupe la photographie. Utilisé dans de nombreuses disciplines comme l’architecture, la médecine, la science et la technologie, le terme « interstitiel » s’applique à un lieu qui se situe entre d’autres objets ou espaces. Pour les regardeurs de l’œuvre de Salloum, interstitiel désigne aussi l’espace entre la visibilité et la connaissance, entre ce que l’on regarde et la formulation de sa signification, un espace que Salloum qualifie d’« indéfini » et de « flottant »2. Aussi, bien que cet espace puisse troubler et mettre en jeu les habi-tudes de perception et de compréhension, il peut aussi, selon lui, s’avérer productif puisqu’« il est possible d’engager, d’affronter les forces qui agissent sur nous au tra-vail ou dans les loisirs, d’y réfléchir et d’y réagir »3. Cette relation perturbante, mais productive, est celle que Salloum tente de nouer entre son œuvre et sa réception.

Pour que parlent les images keith wall ace

1. Mike Hoolboom, « From Lebanon to Kelowna: An Interview with Jayce Salloum » dans Practical Dreamers: Conversations with Movie Artists, sous la direction de Mike Hoolboom, Toronto, Coach House Press, 2008, p. 188

2. En entrevue avec l’artiste, le 10 février 2009

3. Jayce Salloum, « sans titre/untitled: the video installation as an active archive, 2006 » dans The Archive, sous la direction de Charles Mereweth-er, Londres, Whitechapel/Cambridge, MIT Press, 2006, p. 190

« Je travaille pour soulever des questions, avancer des propositions et faire contrepoids à la gratification de la connaissance. »1

—Jayce Salloum

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Elle ralentit notre processus normal de consommation d’images en nous confron-tant sur une base quotidienne et offre au regardeur un semblant de sentiment de propriété dans le traitement de la connaissance et l’élaboration de la signification.

D’après moi, c’est le recours à la juxtaposition qui met en relief l’interstitiel dans l’œuvre de Salloum, une stratégie esthétique qui, dans l’art occidental, s’est déve- loppée avec la popularité du collage et du montage4 dans les cercles dadaïstes et surréalistes au début du vingtième siècle et qui a connu depuis d’innombrables autres applications. La juxtaposition adoptée par les tenants du surréalisme, par-ticulièrement ostensible dans les collages de Max Ernst et les tableaux de René Magritte, se résumait comme la rencontre fortuite de deux réalités éloignées sur un plan qui ne leur convenait pas, un sentiment bien connu introduit à l’origine par le Comte de Lautréamont, un poète du milieu du dix-neuvième siècle. Rosalind Krauss a décrit la période surréaliste, et plus particulièrement la pratique de la pho-tographie à cette époque, comme une « révolution de valeurs, une réorganisation de la façon même dont le réel a été conçu »5. Au point de rencontre de réalités éloi-gnées, le familier peut devenir étranger et servir de pont dans la relation entre deux éléments, déstabilisant les présomptions sur la façon dont le sens est créé et compris, un facteur clé du fonctionnement d’une grande partie de l’œuvre de Salloum.

Alors que les dadaïstes manifestaient un penchant pour le nihilisme et que les surréalistes exploitaient les notions freudiennes de libres associations subconscientes et d’irrationnel, la déstabilisation de la signification des images a été à nouveau étroitement analysée à la fin des années 1970 et au début de la décennie suivante, à l’époque où Salloum devenait artiste professionnel au terme de ses études de bac-calauréat. Courants dans le milieu de l’art à l’époque, les termes « appropriation » et « rephotographie » s’appliquaient à l’œuvre d’artistes qui photographiaient littérale-ment des images photographiques existantes afin de les déplacer de leur contexte original et créer un éloignement qui les exposerait à un examen critique. Ces artistes ont été réunis sous le nom de « Pictures Generation » (génération de l’image)6.

La plupart des images qui circulent dans la sphère publique, particulièrement celles que l’on associe au journalisme et à la publicité, sont didactiques ou rhétoriques en ce sens qu’elles comportent une légende et qu’elles ont manifestement la fonction de nous dire une chose que l’on s’attend à nous voir accepter. La rephotographie et la présentation d’une photo sans légende libèrent l’image de ses contraintes contex-tuelles (un héritage conceptuel des collages surréalistes), altère la façon dont nous la comprenons et la propulse dans un univers d’interprétation spéculative qui nous incite à nous désengager des images, une proposition qui contrecarre l’indifférence à l’égard des assauts incessants des photographies qui peuplent notre quotidien et que, dans la plupart des cas, nous acceptons sans nous poser de question.

Une grande partie de l’œuvre « rephotographique » de la Pictures Generation était aussi encadrée dans un discours suscité par la reproductibilité infinie d’une photo unique, la perte d’originalité et une remise en question agressive de la représentation de la vérité en photographie, un enjeu qui fut ultérieurement am-plifié par l’introduction de la technologie de reproduction numérique. Œuvrant à New York sans nécessairement y vivre, des artistes tels Sherrie Levine, Richard Prince, Barbara Kruger, Jack Goldstein, Martha Rosler, Cindy Sherman et Louise Lawler défendaient ces idées. Ils se sont consacrés à démystifier le pouvoir de la photographie, à décoder ses mécanismes sémiotiques et à mettre à l’épreuve l’expression subjective. Modelée par les théories axées sur le structuralisme, le poststructuralisme, la déconstruction et le postmodernisme, et souvent dépen-dante d’elles, cette période a révélé les limites de la photographie et son legs a littéralement élargi notre façon de voir des images et d’y réfléchir.

4. Les expressions « collage » et « papiers collés » étaient à l’origine (à la fin du dix-neuvième siècle) utilisées pour décrire l’assemblage de différents matériaux sur une surface. Le mon-tage consiste à réunir des images provenant de sources diverses, mais plutôt que de créer un décousu discordant, ces images tendent à se mêler de façons étranges. En évoluant vers l’assemblage de matériaux différents sur une surface ou même dans un espace, ou encore en combinant des images différentes sur une sur-face lisse, c’est l’idée de collage et de montage, plutôt que les techniques, qui est devenue au cours du vingtième siècle l’une des stratégies esthétiques qui a produit l’effet le plus marquant en art contemporain.

5. Rosalind Krauss, L’Amour fou, New York, Abbeville Press, 1985, p. 15.

6. Cette expression devint populaire avec la présentation en 1977 de « Pictures » à Artists Space à New York. Cette exposition du commis-saire Douglas Crimp proposait des œuvres de Sherrie Levine, Jack Goldstein, Phillip Smith, Troy Brauntuch et Robert Longo.

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Puisque la plupart des œuvres de Salloum des années 1980 (tant les photogra-phies que les vidéos) incorporaient des images appropriées, nous pouvons les con-sidérer dans la mouvance du discours de la Pictures Generation, même si Salloum ne s’est jamais vraiment conformé aux préceptes d’aucun mouvement et préfère conserver son indépendance artistique.7 Il était, et demeure, intéressé à la critique de représentation de la « vérité » et de l’« originalité » pour nous rappeler les limites inhérentes de la photographie, même si son œuvre traite moins de ces limites que de la richesse de sens que peut générer une photographie. Et puisqu’il a reconnu que la rephotographie d’images est un moyen « de prendre du recul pour avoir une distance critique »8 en révélant parfois les programmes idéologiques qu’elles portent, cette position soi-disant objective adopte selon lui une relation subjective avec les images existantes, une relation qu’il entretient à la fois pour lui et pour le regardeur. Une photographie — quelle qu’elle soit, même appropriée — exprime la subjectivité de celui qui l’a prise en ce sens que l’acte de décider de photographier quelque chose implique le choix du sujet, du moment et de la composition. Dans le même ordre d’idée, un regardeur ne peut s’empêcher de faire appel à sa propre subjectivité (associations, mémoires, connaissances antérieures, etc.) pour décoder une image.

La plupart des premières œuvres photographiques de Salloum avaient recours au collage et à l’appropriation pour déstabiliser les images et susciter un engage-ment subjectif, à partir des installations comme man’œuvre de 1985 (où il a as-semblé et rephotographié des portraits d’hommes et de garçons exprimant des états émotifs intenses provenant de nombreux films hollywoodiens disparates) jusqu’aux vidéos comme « ..En l’absence de héros.. » Conduite de guerre/Défense du contexte de 1984 et le triptyque « ..La montée de l’homme.. » (1985–1987) où il a assemblé et s’est réapproprié des scènes d’événements catastrophiques, de guerre, de paysages ruraux et urbains, d’exploits surhumains, d’extraits de films et même des images qu’il avait lui-même tournées. Ces vidéos sont montées de telle sorte que les plans se succèdent rapidement, créant un sentiment d’agitation et d’anxiété qui intensifie l’impact visuel et psychologique. Les images fugaces, sans lien entre elles, représen-tent des périodes différentes de l’histoire récente, mais toutes évoquent des genres familiers (reportage documentaire, film de famille, publicité, etc.), ce qui oblige les regardeurs à incorporer leurs propres expériences et mémoires dans tout acte d’interprétation.

man’oeuvre, Cameron Public House, Toronto, 1985

« ..En l’absence de héros.. » Conduite de guerre/Défense du contexte, 1984

« ..La montée de l’homme.. » Partie 2 : Conditions de grâce, 1986

7. Avant les années 1980, Salloum prenait ses propres photos et expérimentait avec la représentation de son quotidien, un sujet qui refera surface dans les années 1990

8. En entrevue avec l’artiste, le 10 février 2009

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Détails de l’installation Actes de consommation, 1985–1987

Table des matières (de l’installation

Actes de consommation), 1985–1987

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Réalisée en 1985–1987, l’installation Actes de consommation comporte des œuvres murales, une œuvre d’édition, des diaporamas en fondu enchaîné, des vidéos (notamment « ..La montée de l’homme.. ») et une table jonchée de centaines d’images découpées. Il s’agit du meilleur exemple de ce choc d’images et de formes de représentation. Les œuvres murales se composent de groupes d’images décou-pées dans des encyclopédies et des manuels des années 1950, qui étaient autrefois considérés comme des sources fiables de connaissance sélectionnées et présentées par des experts, et assemblées à la façon de collages. Toutefois, le traitement qu’en fait Salloum, ses choix et sa façon de les combiner influent sur la façon de les perce-voir. Des réalités disparates, mais reliées, convergent et, dans la tradition du discours de la rephotographie, ne dépendent plus sur les légendes ou le texte pour donner un sens. Maintenant ouvertes aux interprétations variées de différentes personnes, elles se voient, comme le dit Salloum, « attribuer une nouvelle fonction »9. Un ensemble d’images partagent les caractéristiques formelles des orbes : des enfants entourant un globe terrestre, une explosion atomique dans l’océan, une embrasure de porte circulaire menant à une voûte. Un autre groupe représente des animaux se prêtant à des activités qui rappellent celles des humains ou sont en rapport avec eux. Un troisième ensemble traite des comparaisons physiques entre êtres humains (forme du corps, taille, origine ethnique et race). Alors que ces images évoquent l’observation, l’étude et la recherche scientifique, leur ancien rôle est maintenant ambigu et inexplicable. Le récit original est maintenant sujet à un contingent métanarratif collectif sur la collection d’images disposées dans le cadre spatial que Salloum a conçu, ainsi que d’autres composantes au sein de l’installation, comme les diapositives et les vidéos.

L’artiste manifeste son intérêt pour les comparaisons et la classification typo-logiques dans ces agencements d’images particuliers, et parfois humoristiques, qui trouvent leur source dans l’histoire, la science, la sociologie et d’autres champs d’analyse modernes. Avide collectionneur, l’artiste a réuni des milliers d’images, tant appropriées qu’originales. Elles demeurent parfois « archivées » durant des an-nées avant de trouver une place dans une œuvre d’art. Et plutôt que de se plier au protocole d’archivage courant, le système de collecte et de classement de Salloum ne dépend pas directement d’un souci rationnel et pratique de conserver l’histoire, mais se justifie plutôt par sa propre perspective qui l’aide « à mieux comprendre le monde et la place qu’il y occupe »10.

L’artiste a élaboré un programme visuel en sélectionnant les images qu’il réunit dans Actes de consommation, il s’intéresse aussi à développer un espace encore plus ouvert pour permettre aux regardeurs d’exercer leur propre subjectivité lorsqu’ils ac-quièrent des connaissances et en extraient du sens. Ironiquement, une composante de l’installation porte le titre de table des matières : il s’agit d’une table littéralement recouverte de centaines d’images : les restes iconographiques des livres que Salloum a dépouillés et découpés pour faire ses œuvres murales. Dans cette composante, l’artiste a imaginé un lieu où le regardeur est encouragé à trier cette collection désordonnée d’images pour réfléchir aux relations complexes qui peuvent en surgir et, en retour, à participer à l’acte créatif en composant son propre collage. Cette œuvre, aussi simple soit-elle, constitue une étape importante de la recherche de Salloum sur la mutabilité des significations que les images peuvent générer et sur la façon dont le sens dépend de la compréhension de chacun. Il s’agit aussi d’un geste de générosité de la part de l’artiste qui abandonne un certain degré de contrôle tout en s’assurant de poursuivre le processus créatif, une approche qui précède le principe d’interactivité avec le regardeur que l’art relationnel a mis de l’avant dans les années 1990. Conformément à cette esthétique, les œuvres d’art agissaient au

9. En entrevue avec l’artiste, le 15 octobre 2008

10. Ibid. L’analyse et le classement d’images constituent un élément important du proces-sus créatif de Salloum, un aspect qui a été influencé par John Collier Jr. qui lui a enseigné au San Francisco Art Institute. Ce photographe et anthropologue visuel a collaboré avec des anthropologues pour certains projets dans le Nord canadien, au Nouveau-Mexique et en Amérique du Sud. Collier a initié Salloum à la notion de photographie comme méthodologie visuelle de recherche et de compréhension, et a mis l’accent sur le fait que les images sont bel et bien reliées à des histoires

(Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y eut pas, 1988–1998

En haut : coin de l’orientaliste En bas : every picture I took in Lebanon, 1992

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Page en regard

(Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y eut pas, 1988–1998

Dans le sens des aiguilles d’une montre, d’en haut à gauche :

falling (self-portrait 1), 1992

we arrived.., two texts, 1995

desk, operations centre, 1988–1998

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(Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y et pas, 1988–1998 installation à techniques mixtes, dimensions variables Collection de la Vancouver Art Gallery, don de l’artiste et acheté avec l’appui du programme d’aide aux acquisitions du Conseil des Arts du Canada et de Vancouver Art Gallery Acquisition Fund.

Photo : Tomas Svab, Vancouver Art gallery

orientalist library, Musée des beaux-arts du Canada, 1998

reconstruction cluster/bourg, Musée des beaux-arts du Canada, 1998

1001 recoup(ed) recuperations — the ‘oriental’ eternal object(ified) re-framed cycle, ruse of subject/site, Gymasie, East Beirut, 1992, from (sites +) demarcations..

crusaders’ and earlier implacements, ruins/ industry, Säida, South Lebanon, 1992, from (sites +) demarcations..

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sens physique comme conceptuel au contact du regardeur lors d’une exploration de l’engagement interpersonnel et multisensoriel. Les artistes pouvaient, par exemple, préparer un repas pour les visiteurs de la galerie ou les inviter à jouer d’un instru-ment. Mais outre toute affinité que l’œuvre de Salloum peut avoir avec l’esthétique relationnelle et outre sa tentative de subvertir la souveraineté d’une œuvre d’art et l’étiquette propre aux visites d’expositions, je crois que Salloum, en adoptant cons-ciemment une intention perturbante et productive, établit un contexte plus critique qui incite les regardeurs à réfléchir et à s’interroger, plutôt qu’à simplement partici-per, à ce que sont souvent, ironiquement, de simples « actes de consommation ».

Les pratiques de collage, d’archivage, de recherche et d’interaction avec le regardeur ont modelé une grande partie des projets récents de Salloum, quoique de façons probablement moins évidentes. Par exemple,

(Kan ya ma kan)

Il y eut et il n’y eut pas (1988–1998) marque un revirement dans l’œuvre de l’artiste tout en ayant recours à ses approches familières. Alors qu’il concevait cette œuvre, sa pratique artistique s’est heurtée à ses antécédents personnels ou a coïncidé avec eux d’une façon tout à fait nouvelle. Il a entamé la conception de

(Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y eut pas à la fin des années 1980 au cours de sa première visite au Liban (pays d’origine de ses grands-parents qui ont émigré au Canada) puis plus intensivement en 1992 lorsqu’il a vécu un an à Beyrouth pour réaliser plusieurs projets. Il a notamment tourné des scènes pour la vidéo Ceci n’est pas Beyrouth / Il y eut et il n’y eut pas (1994). (Cette vidéo est un genre de journal dans lequel l’artiste, à titre de Canadien d’origine libanaise, réfléchit sur ses percep-tions et les débats stimulants dont il a été témoin en tentant de comprendre une ville qui a subi moult occupations, conflits et transformations troublantes entraînés par des hauts et des bas sociaux et politiques, et y a survécu. Il s’agit également d’un projet né dans un endroit volatil où la politique ne pouvait être ignorée. Cet aspect aura une présence plus explicite, quoique mesurée, dans ses œuvres ultérieures.)

L’installation (Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y eut pas, constituée

d’une accumulation considérable d’images, d’objets et de choses éphémères reliées à l’histoire du Liban, est le prolongement du souhait de Salloum de comprendre comment les représentations de ce pays (et, dans une moindre mesure, du Moyen-Orient dans son ensemble) agissent dans l’imaginaire collectif, tout en admettant que la compréhension soit personnelle plutôt qu’universelle, et subjective plutôt qu’objective. La densité de l’installation peut intimider et offre au regardeur lit-téralement des milliers d’objets à regarder : photographies, vidéos, livres, cartes postales, calendriers, cartes géographiques, dossiers, bandes audio, listes, notes, objets, etc. À la différence des autres œuvres où les images avaient tendance à perdre leurs assises pour adopter une existence dans les espaces plus subliminaux de l’imagination,

(Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y eut pas présente un

environnement studieux qui semble historique, sociologique ou anthropologique en esprit. Pourtant, ce décor propice au travail intellectuel — on y voit un bureau et sa chaise, des gants blancs pour manipuler les photographies fragiles, des livres et des dossiers à consulter (qui rappellent l’interactivité à laquelle nous conviait Actes de consommation) — n’est pas suggéré par une expression didactique de l’histoire et de la culture du Liban, mais plutôt par un genre de collage organisé comprenant une myriade de représentations de ce pays qui en ont en quelque sorte personnifié une compréhension — erronée ou non — comprenant des photos, des vidéos et des notes de la main de Salloum, qui ont circulé grâce à des véhicules de toutes sortes, vers différents lieux géographiques et à des périodes distinctes.

Comme l’a écrit Walid Raad en parlant de (Kan ya ma kan) Il y

eut et il n’y eut pas : « Ces archives réunissent des objets qui, règle générale, circulent

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gleaning palimpsests/in folding space, City Gate Motors, 2290 Main St., Mt. Pleasant, Vancouver 2/23/06 [2392]

Image de l’installation

sans titre: cent lieux/sans lieu, depuis 1996

metonymical remains/garage (with Empress Hotel), 211–243 E. Pender St.,

Chinatown, Vancouver, 10/4/05 [1809]

Mention de source : Toni Hafkenscheid

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PAIN, 10% TO 50% O.., silver skies/ built upon the ruin of others, 757 E. Hastings St., Vancouver, 1/21/05 [922], de sans titre : cent lieux/sans lieu, depuis 1996

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window smashed in car on street, Alexander St. (Gore/Main St.), Vancouver, 2/28/06 [2434], de sans titre : cent lieux/sans lieu, depuis 1996

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bright delight, produce vendors’ fruit posters II, Keefer St. (Gore), Chinatown, Vancouver, 3/29/06 [2508], de sans titre : cent lieux/sans lieu, depuis 1996

Mention de source : Toni Hafkenscheid

Image de l’installation

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Sylvia’s shop, cabinet, previous wares holding their own, 245 Main St. (between Cordova & Powell St.), Vancouver, 7/6/04 [272], de sans titre : cent lieux/sans lieu, depuis 1996

Photo : Toni HafkenscheidPhoto : Scott Massey

Image de l’installation Image de l’installation, abribus

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dans différents lieux et contextes [et] occupent rarement le même espace »11. Pourtant, bien que ces images et ces objets soient indépendants à plusieurs égards, et même parfois contradictoires, ils sont simultanément connectés en raison de leur contribution à la perception de l’identité du Liban et, par conséquent, du Moyen-Orient et de sa position historique et contemporaine relativement aux autres régions du monde. Dans cette installation, la juxtaposition crée une expérience labyrin-thine qui stimule une réflexion critique : que signifie toute cette information? Qu’est-ce que le Liban? Et devant cette multitude de voies d’accès, par quoi com-mence-t-on? L’espace entre l’information exposée et sa compréhension est énorme et par défaut, le regardeur s’engage dans un processus de recherche. À titre de participant à cette rencontre de nombreuses réalités, le regardeur est un touriste qui s’oriente au moyen d’un plan symbolique complexe qui cartographie une culture et un pays particuliers, et est aussi un sujet de l’œuvre puisque sa compréhension, bonne ou mauvaise, est complice du mécanisme de l’installation. Et bien que Sal-loum ait déterminé le format de sa présentation et choisi les matériaux disponibles, il dévoile une fois de plus ses intentions personnelles en situant le regardeur en position de choisir ce qu’il doit regarder et donc de composer son propre récit.

Lors de son deuxième séjour au Liban, Salloum a pris des instantanés des en-droits qu’il visitait dans le cadre de ses recherches. À son retour à New York, il s’est mis à reconsidérer son rôle de producteur d’images « originales », une pratique qu’il avait plus ou moins abandonnée au début des années 1980. Comme il avait exploré le genre des images ready made conçues pour circuler dans le domaine public et proposé de nouvelles façons de les comprendre, il a entrepris la création de séries de suites photographiques qui consistent en photos qu’il a lui-même prises et couvrent maintenant plus de deux décennies et plusieurs villes. Sous le titre général photographies sans titre, les sous-titres varient d’une installation à l’autre. Par exemple TO THE TRADE, 22 oz. THUNDERBOLT, NEUTRAL / BRAKES / STEERING, etc. (1988–1998), cent lieux/ sans lieu (depuis 1996) et affinités subjectives (depuis 2004), ce corpus poursuit ses pratiques de recherche et d’archivage et constitue la base de différentes installations photographiques représentant des endroits variés, en milieu urbain pour la plupart.

La plupart des images de photographies sans titre qui ont été prises à New York représentent des vitrines de commerces modestes plutôt que des succursales de chaînes prestigieuses, des entreprises qui existent « derrière le capitalisme urbain »12.

sans titre : SALON, 1988–1998 installation, Galerie Argos, Bruxelles, 1999

Car wash, 24th St., Chelsea, NYC, 1995, de sans titre : SALON, 1988–1998

22 oz. THUNDERBOLT, advertisement, cigarette ads, grocery store, E. Village, 1993, NYC, de sans titre : SALON, 1988–1998

11. Walid Raad, « On Jayce Salloum’s There Was and There Was Not », Montréal, Optica, un centre en art contemporain, 1996 (brochure).

12. Jim Drobnick et Jennifer Fisher, « archive of the street » dans untitled: jayce salloum, sous la direction de Keith Wallace et Jan Allen, Kingston, Agnes Etherington Art Centre / Vancouver, Contemporary Art Gallery, 1999, p. 21

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Prises individuellement, elles sont simples et rappellent la tradition de la photo-graphie urbaine et les exploits documentaires de Robert Frank, Lee Friedlander et Garry Winogrand, des artistes qui ont su capter l’ambiance de la vie en ville lors de rencontres fortuites et d’observations impulsives. Jim Drobnick et Jennifer Fisher ont discuté de la spontanéité manifeste de ces images en ce que Salloum, tout en marchant dans la rue, s’arrête sans prévenir, prend une photo puis poursuit sa route.13 Les images obtenues, dont le cadrage semble faire fi de toutes considéra-tions sur la composition, soulignent l’esthétique de l’instantané urbain et rappellent certaines des premières photographies de la série thru the stillness that flies behind me (1978–1980) que Salloum a croquées sans même regarder dans le viseur.

Ces photos de New York, toutefois, ne sont pas de simples illustrations arbitraires de l’environnement urbain ni des exemples d’un déplacement provisoire de biens. Elles constituent un journal visuel et une forme de recherche témoignant de la re-lation de Salloum avec les conditions culturelles, sociales et géographiques de sa vie à l’époque. Dans les installations de ces photographies, les sujets indéniablement publics que sont les vitrines, où un passant jette un regard à l’intérieur, sont ponc-tués par des images de l’extérieur prises à travers la fenêtre d’un appartement ou d’un taxi. Étrangement, il n’y a personne sur ces photos et les vitrines de Salloum sont des figurants subjectifs pour les propriétaires individuels qui représentent pour le public une transaction particulière entre leur esthétique personnelle de l’étalage et les biens offerts à la vente. Ces images racontent des histoires et « les histoires derrière les histoires »14, non pas celles qui peuvent être identifiées, mais plutôt des récits élaborés par le regardeur en réponse aux objets exposés et au contexte de leur environnement.

Comme dans toutes les œuvres de Salloum, l’organisation spatiale des dif-férents éléments joue un rôle déterminant dans la façon dont la communication se joue. Dans l’esprit de l’esthétique du collage des montages visuels symbiotiques et relationnels des œuvres précédentes comme man’œuvre, Actes de consommation et

(Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y eut pas, ces photos sont présentées

comme une installation. Je dis « installation » parce que bien que chaque exposition soit composée de photos individuelles, elles ont été positionnées de différentes fa-çons — isolées, par paires ou en groupes syncopés le long du mur — qui mettent en relief les similarités ou les contrastes entre elles et font écho à l’expérience décousue et fugitive des déplacements dans la ville. En outre, la disposition des images n’est pas

green dragonfly on downtown sidewalk, Vancouver, 8/30/04 [604], de sans titre : affinités subjectives, depuis 2004

construction view pit rocks, Yaletown, Vancouver, 7/15/04 [330], de sans titre: affinités subjectives, depuis 2004

sans titre: affinités subjectives, 2004–installation continue, 2007

13. Ibid., 22

14. Entrevue avec l’artiste, 10 février 2009

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fixe et peut changer lors de chaque installation subséquente (comme les sous-titres). Même si les images demeurent les mêmes, de nouvelles relations peuvent émerger.

Bon nombre de photographies de sans titre : cent lieux /sans lieu ont été expo-sées pour la première fois comme une sélection d’affiches lumineuses installées dans des abribus de Vancouver, à l’écart du Downtown Eastside, quartier où ont été prises la plupart des images de la série15. Par contre, d’autres photos ont été installées dans des vitrines du Downtown Eastside. Ces deux types d’installations ont joué un rôle hautement public pour l’introspection d’une communauté (l’ensemble de la ville) et les collectivités au sein de cette communauté. Le réper-toire d’imagerie urbaine de Salloum augmente considérablement si l’on tient compte du type de sujets qui captent son attention. Dans cent lieux /sans lieu, les vitrines sont toujours présentes, mais d’autres détails accidentels se sont immiscés dans ces images de l’environnement urbain, non seulement pour ce qui est des aspects marginaux et plus crus de la ville — les déchets jonchant la rue, les maisons de fortune qui ne sont que des abris temporaires, des édifices vacants et barricadés dans un espace interstitiel indéterminé qui anticipe le changement et illustre la dysfonction sociale —, mais aussi, par exemple, dans la persistance de la nature, sauvage ou domestiquée. Cet univers de moments discrets présentés collectivement en groupes thématiques ou typologiques étroitement organisés — amoncellements, contenants, éléments naturels, affiches, couchers de soleil, aéroports, incendie, etc. — rend visible ce qui pourrait exister normalement, mais seulement dans notre vision périphérique tandis que nous nous déplaçons dans la ville, des moments que la plupart des gens pourraient ignorer, mais que Salloum recherche. Même si ces images sont bel et bien des documents, elles ne constituent pas un documentaire. Les récits qu’elles ont à raconter sont fragmentaires, abstraits et même poétiques. L’autre série photographique en cours de Salloum — sans titre : affinités subjectives — partage de nombreux liens avec cent lieux /sans lieu, mais présente une sélection de plus en plus variée d’images dont la composition est plus dépouillée et dont le sujet est plus singulier et fugace : un bandage adhésif sur un bras, le gros plan d’une fleur, la façade d’une maison au crépuscule. Elles sont disposées en suivant une grille simple.

Même si les images de ces trois corpus partagent certaines similitudes, la spon-tanéité qui caractérise la série de New York semble moins évidente dans la plus récente série où l’« œil » de l’appareil-photo, par l’entremise de l’œil de Salloum, semble plus intentionnel pour ce qui est du sujet de ses photographies. En outre, tandis que ses archives iconographiques se multiplient et se diversifient de plus en plus, des objets, des moments et des scénarios particuliers semblent résonner plus intensément dans son radar typologique. En référence à d’autres artistes qui ont eux aussi photographié les rues de Vancouver, Bill Jeffries a fait allusion à cette dif-férence en disant qu’il s’agissait de « relations entre la photographie documentaire et la photographie comme projet sémiotique »16 qui, selon lui, n’isolent pas tant ces disciplines l’une de l’autre qu’elles distinguent les premières photographies de genre documentaire de Fred Herzog, Kurt Lang ou Fred Douglas, par exemple, de celles d’Ian Wallace, de Roy Arden ou de Stan Douglas. Ce dernier est maintenant représentatif de ce qui s’appelle la Vancouver School of Photography, et dont les reportages urbains brouillent plus catégoriquement la frontière entre le style documentaire et l’intention artistique — ils sont, et ne sont pas, documentaires — et qui incitent à lire l’image, plutôt qu’à se limiter à la regarder. Ainsi, on serait porté à conclure que ces artistes, dont Salloum fait partie, sont plus conscients du contenu visuel social et symbolique de leurs photos au moment où ils les prennent, et non après, ce qui éloigne la teneur du récit du soi-disant domaine

15. L’exposition « Territory » a été coproduite par la Presentation House Gallery de North Vancouver et Artspeak de Vancouver en 2006

16. Bill Jeffries, « The Shock of the Old — Street Photography in Vancouver » dans Unfinished Business: Photographing Vancouver Streets 1955 to 1985, sous la direction de Bill Jeffries, Glen Lowry et Jerry Zaslove, West Coast LINE 47, vol. 39, n˚2, 2005, p. 21

sans titre partie 1 : tout et rien, 2001 Soha Bechara

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objectif, ou documentaire, pour l’orienter vers quelque chose de plus délibéré, de plus subjectif.

Même s’il vit à Vancouver depuis plus de dix ans, Salloum n’a jamais vraiment été inclus dans l’école théorique gravitant autour de l’École de Vancouver des photographes conceptuels — bon nombre d’entre eux sont nés ou ont été élevés à Vancouver — qui ont reçu une reconnaissance internationale bien méritée pour des photographies où cette ville est un site de délibération sur les enjeux de la cité moderne, sujet qui intéresse aussi Salloum. Ses images comportent une esthétique de la photographie de beaux-arts beaucoup moins traditionnelle comparativement aux normes de production élevées que l’on trouve dans l’œuvre de la plupart des artistes de l’École de Vancouver. Salloum s’attache plutôt aux caractéristiques imparfaites et provisoires de la photographie de rue, une esthétique qui remonte à ses toutes premières œuvres photographiques dont le « fini » esthétique n’a jamais été un objectif. Toutefois, ce qui est probablement plus pertinent, les bases con-ceptuelles de son œuvre n’ont pas évolué hors de Vancouver et peuvent donc être plus difficiles à interpréter dans le cadre du discours consacré de l’École de Van-couver. Alors que bon nombre de ses images représentent sa ville, son approche de la photographie est le résultat de longs séjours ailleurs — Kelowna, San Francisco, Toronto, San Diego, New York, Beyrouth — où il a vécu, étudié et travaillé et à ce titre, son œuvre ne dépend pas tant du lieu, mais plutôt d’une approche des images peu importe où il se trouve et où celles-ci peuvent exister.

vidéos sans titre (depuis 1999) est un autre projet de longue haleine de Salloum. En fait, celui-ci devrait demeurer en constante évolution et n’est ancré dans aucun lieu particulier. Neuf vidéos ont été réalisées et l’artiste en achève deux autres. Même si certaines peuvent être vues seules, elles sont plus efficaces lorsqu’elles sont projetées ensemble dans le cadre d’une installation où le contenu de chaque vidéo produit plus d’effet et se révèle dans toute sa complexité, toute dissonante que semble cette expérience, par l’interaction avec les autres. vidéos sans titre consiste en histoires qui sont pour la plupart enregistrées sous forme d’entrevues avec, par exemple, Soha Bechara, une ancienne membre du Front de la résistance nationale libanaise qui a été détenue durant dix ans et s’est établie à Paris lorsqu’elle a été relâ-chée; des individus qui réfléchissent sur l’identité et le sens de la nationalité après le démantèlement de l’ex-Yougoslavie; Abdel Majid Fadl Ali Hassan, un Palestinien qui vit dans les camps de réfugiés libanais depuis 1948 et retourne visiter l’esprit de son ancienne maison; et des membres de la première nation de West Bank dans la vallée de l’Okanagan qui honorent les rapports traditionnels avec leur terre ances-trale malgré les conditions de vie déplorables que le colonialisme leur a imposées. La confluence visuelle et orale de ces histoires fort différentes, qui émanent de contextes et de géographies complexes et s’expriment en langues diverses, se produit grâce à l’expérience commune de la résistance politique et les répercussions de la guerre, du déplacement ou du colonialisme. Prises ensemble, ces vidéos représen-tent non seulement des individus et leurs histoires, mais aussi le temps. Elles communiquent un passé et un présent qui sont connus, et un avenir qui ne l’est pas, et plusieurs des narrateurs réfléchissent à l’espace interstitiel qu’ils occupent entre l’endroit ou les biens dont on les a séparés, et le lieu où leur avenir les guidera.

Plus que pour ses autres œuvres, vidéos sans titre semble associée à la tradition du documentaire, particulièrement avec le recours aux témoignages personnels. Salloum est bien conscient de s’immiscer dans ce genre — où l’a amené la série photographies sans titre et en fonction duquel on interprète (mal ou bien) son œuvre —, mais il le fait avec un esprit autocritique. Il a d’ailleurs qualifié son travail de « documentaire réticent »17. En même temps, il croit que ces récits trouvent 17. En entrevue avec l’artiste, le 15 octobre 2008

sans titre partie 2 : la beauté et l’est, 2003

En haut : coucher de soleil à Belgrade, 1999 En bas : Dunja Blazevic, Sarajevo

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leur place dans l’histoire et doivent donc être consignés et, comme l’a dit Soha Bechara, ils donnent « l’occasion de parler et d’agir comme témoins »18. C’est lorsque Salloum travaillait à sans titre partie 1 : tout et rien (2001) qu’il s’est rendu compte de sa propre complicité dans le cadre du processus de représenter du « vrai monde », particulièrement si l’on tient compte que la teneur hautement politique de leurs récits s’est révélée à lui. Il a tenté, comme dans ses œuvres antérieures, de minimiser son rôle dans l’orientation ou l’interprétation du récit. On entend rarement la voix de Salloum et on ne sait pas toujours si les personnes interviewées répondent aux questions ou racontent librement leur propre histoire : par exemple, Bechara a répondu en arabe à la plupart des questions que Salloum a posées dans un français hésitant. Ainsi, Salloum n’a rien compris de la majorité de ses réponses avant d’avoir fait traduire l’entrevue. Salloum a préparé le contexte, mais le résultat n’annonçait aucune forme préconçue. Travailler dans un esprit de collaboration et de confiance qui respecte les conventions a mis les gens comme Bechara à leur aise et a donné lieu à des dialogues étonnamment candides. C’est le matériel recueilli qui a largement déterminé la forme.

Salloum s’éloigne davantage des pratiques traditionnelles du documentaire grâce à un processus de tournage et de montage qui produit des pauses et des ruptures dans la progression du récit. La caméra s’immisce dans la vie des gens et fait sentir sa présence en admettant son rôle d’instrument de médiation. Chacune de ces vidéos exige sa propre esthétique de tournage et de montage conforme au contexte du moment, ainsi que l’évolution visuelle et conceptuelle de l’artiste d’une vidéo à l’autre. Dans la première vidéo (tout et rien), la caméra est relative-ment directe, pointée sur Bechara assise sur le lit de sa modeste chambre et seule l’interjection impromptue de noirs semble ménager des pauses pour que le regar-deur reprenne son souffle ou retrouve le fil de sa pensée. La vidéo sans titre partie 2 : la beauté et l’est (2003) comprend des premiers plans de la tête de différentes personnes entrecoupés d’images impressionnistes du ciel, d’espaces publics, de pay-sages et d’avions dans le ciel. Dans sans titre partie 4 : terra incognita réalisée deux ans plus tard, la caméra est instable, le montage, saccadé et le cadrage et les prises de vue panoramiques des paysages sont irréguliers comme si la caméra n’était pas un appareil, mais plutôt un œil humain balayant l’horizon. Ces interruptions ainsi que le style de tournage amateur en apparence proviennent d’une décision volon-taire de rompre la passivité de la relation convenue entre le regardeur et l’image qui rappelle que l’on assiste à une représentation, que bien qu’il s’agisse de vraies personnes racontant leurs histoires, ce que l’on voit, ce sont des images tournées par une caméra et non la réalité. Une fois de plus, l’image photographique est scrutée.

Toutefois, ce sont les images de la conversation avec Abdel Majid Fadl Ali Hassan dans sans titre partie 3a : territoires occupés (2001) qui, à mon avis, cataly-sent l’entière complexité des vidéos sans titre comme un corpus d’œuvres interre-liées. Dans l’installation vidéographique, derrière le moniteur où l’on voit Hassan raconter son retour sur le site de son ancienne maison en Palestine, est projetée en grand format sans titre partie 3b : (comme si) la beauté était éternelle. (2003) qui traverse dramatiquement un mur à angle oblique pour se prolonger sur un autre.

18. Jayce Salloum, sans titre partie 1 : tout et rien, 2001

sans titre partie 3a : territoires occupés, 2001 Abdel Majid Fadl Ali Hassan

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19. Cette scène tournée à la suite du massacre de réfugiés palestiniens au camp de Shatila dans le sud du Liban symbolise toutes les atrocités de ce genre qui se produisent dans de nombreuses régions du monde.

20. Salloum cité dans l’ouvrage de Hoolboom, op. cit., p. 188

sans titre partie 3b : (comme si) la beauté était éternelle.., 2003

Plutôt que de représenter une entrevue « en bonne et due forme », cette disposition crée un voyage poétique qui débute par des représentations de la beauté — des vagues se brisant sur le rivage, un poisson rouge dans un étang et des bourgeons floraux s’ouvrant lentement — qui détonent avec les paroles mélancoliques de Hassan sur sa maison familiale qui n’existe plus et sur l’esprit de cette demeure. Toutefois, ces images se muent graduellement en corps enflés gisant au sol que l’on ramasse pour les identifier, la rue jonchée de chaussures, de chapeaux et de touffes de cheveux après ce qui est de toute évidence le lendemain d’un massacre19 puis se transforment à nouveau en reflets du soleil dansant sur l’eau puis en voyage dans le vaste univers. Le contraste extrême entre ces images — des merveilles de la nature à la brutalité du genre humain — et les différentes histoires de pertes, d’absences, de conflits et, aussi, d’espoir nous renvoient à la rencontre de réalités lointaines.

Salloum ne souhaite pas tant que nous, les regardeurs, comprenions la même chose que lui. Il admet plutôt que sa relation subjective avec les images et les objets porte sa propre part de vulnérabilité, de doutes, de joies et de gratifications. Sa vision est différente de la nôtre, et la nôtre est distincte de celle des autres. Même s’il a filmé et monté chaque vidéo, et qu’il a pris les décisions sur chacune, il laisse libre cours à l’interprétation de l’œuvre. Comme

(Kan ya ma kan)

Il y eut et il n’y eut pas, la série et l’installation vidéos sans titre ne comportent ni début ni fin, mais toujours un entre-deux. Ceci nous renvoie à l’intérêt de Salloum pour l’interstitiel. Peu importe que le regardeur pénètre dans un récit en passant par n’importe quel moniteur et à tout moment dans le récit, peu importe qu’il le visionne au complet ou qu’il regarde des segments de plusieurs histoires, toutes ces façons de voir contribuent à la façon dont il construira le sens de l’œuvre. Salloum considère que son œuvre se limite à donner des « aperçus ou des fragments partiels de compréhension, dans le meilleur des cas » 20, il n’y a aucun « accomplissement de la connaissance ». Pourtant, en empruntant dans le monde à la fois des images existantes et celles dont sa caméra s’approprie, et en respectant leur incapacité à accomplir, il les renvoie dans le monde légèrement changés, un peu plus libres.

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Kan ya ma kan et Beyrouth (1992)walid r a ad et farid sarroukh

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En 1992, l’artiste Jayce Salloum recueille des séquences vidéo au centre-ville de Beyrouth. Il pointe son caméscope Hi-8 vers l’est, en direction de la mer, le long de l’axe que trace une rue d’apparence très longue et bordée d’édifices.

Dans sa main droite, une carte postale. Il enregistre sur vidéo l’image que représente la carte postale et qui emplit le cadre. C’est une image de ces mêmes rues et de ces mêmes édifices en arrière-plan, mais saisie avant 1975, avant le bombardement, l’incendie et le pillage du quartier, avant la guerre de 1975–1976.

Je sais que l’artiste déplace éventuellement la carte postale, fait la mise au point, cadre et filme les rues et les édifices devant lui. Je ne suis pas surpris qu’il enregistre sous le nom de « centre de Beyrouth : avant et après » ces images dont il fera un montage vidéo intitulé Ceci n’est pas Beyrouth / Il y eut et il n’y eut pas.

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En 1992, l’artiste Jayce Salloum recueille des séquences vidéo au centre-ville de Beyrouth. Il pointe son caméscope Hi-8 vers l’est, en direction de la mer, le long de l’axe que trace une rue d’apparence très longue et bordée d’édifices.

Dans sa main droite, une carte postale. Il enregistre sur vidéo l’image que représente la carte postale et qui emplit le cadre. C’est une image de ces mêmes rues et de ces mêmes édifices en arrière-plan, mais saisie avant 1975, avant le bombardement, l’incendie et le pillage du quartier, avant la guerre de 1975–1976.

Je sais aussi que l’artiste tente éventuellement de déplacer la carte postale afin de filmer les rues et les édifices devant lui, mais change d’idée à la dernière minute. Il continuera de filmer la carte postale jusqu’à la fin de la bande. Je ne suis pas surpris que Salloum n’intitule pas l’œuvre qu’il a créée Ceci n’est pas Beyrouth / Il y eut et il n’y eut pas.

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En 1992, l’artiste Jayce Salloum recueille des séquences vidéo au centre-ville de Beyrouth. Il pointe son caméscope Hi-8 vers l’est, en direction de la mer, le long de l’axe que trace une rue d’apparence très longue et bordée d’édifices.

Dans sa main droite, une carte postale. Il enregistre sur vidéo l’image que représente la carte postale et qui emplit le cadre. C’est une image de ces mêmes rues et de ces mêmes édifices qui se trouvent en arrière-plan, mais saisie avant 1975, avant le bombardement, l’incendie et le pillage du quartier, avant la guerre de 1975–1976.

Je sais aussi que lorsque Salloum déplace la carte postale pour filmer les rues et les édifices qui se trouvent devant lui, une soudaine bourrasque lui envoie de la poussière dans les yeux et il en sera aveuglé pendant deux heures. La même bourrasque a fait basculer son caméscope qui enregistrera un ciel partiellement nuageux pendant deux heures. Je ne suis pas surpris que Salloum n’intitule pas l’œuvre qu’il a créée Ceci n’est pas Beyrouth / Il y eut et il n’y eut pas.

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En 1992, l’artiste Jayce Salloum recueille des séquences vidéo au centre-ville de Beyrouth. Il pointe son caméscope Hi-8 vers l’est, en direction de la mer, le long de l’axe que trace une rue d’apparence très longue et bordée d’édifices.

Dans sa main droite, une carte postale. Il enregistre sur vidéo l’image que représente la carte postale et qui emplit le cadre. C’est une image de ces mêmes rues et de ces mêmes édifices qui se trouvent en arrière-plan, mais saisie avant 1975, avant le bombardement, l’incendie et le pillage du quartier, avant la guerre de 1975–1976.

Je sais que Salloum déplacera éventuellement la carte postale pour filmer les rues et les édifices qui se trouvent devant lui. En visionnant le tournage de la journée, il est étonné de constater que la pellicule ne contient que soixante minutes d’images de la carte postale seulement. Salloum est convaincu que son appareil a mal fonctionné ou qu’il s’est trompé lorsqu’il a cru avoir déplacé la carte postale alors qu’en réalité, il ne l’a pas fait. Encore une fois, je ne suis pas surpris que Salloum n’intitule pas l’œuvre qu’il a créée Ceci n’est pas Beyrouth / Il y eut et il n’y eut pas.

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tout et rien et autres œuvres de la vidéo permanente, sans titre, depuis 1999, Western Front, 2003

Photo : Anne Marie Slater

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Je regardais la rose et je me suis mis à réfléchir

Oh, la fleur…

—Soha Bechara

Et si un jour les prisonniers étaient libérés et si les chaînes qui entravent mes prisonniers étaient largement ouvertes et que les mains et les pieds des prisonniers s’avançaient vers moi et me réclamaient le temps d’avant que leur vie soit interrom-pue et qu’ils soient confinés (comme des fleurs) à de petits contenants et à un petit peu d’eau? Mais alors, si je lui demandais pardon, à elle, si je lui apportais une rose et si je lui disais que ce n’est pas moi, mais que le bruit des sabots et des portes mé-talliques qui claquaient m’avaient rendu sourd? Je pourrais lui dire que je l’ai fait pour servir un envahisseur qui m’avait promis de nouveaux bras, de nouvelles jambes, de l’or. Je pourrais lui dire que ces chaînes n’étaient pas les miennes. Je pourrais lui pro-mettre qu’un jour, je regretterais le temps où j’ai étouffé les prisonniers en versant de l’eau dans leur gorge et où je les ai pendus par leurs pétales brisés et leur tronc cassé. Je pourrais crier à pleins poumons… et enterrer les ongles, les dents et les chaises des interrogatoires. Mais je me suis arrêté dès que je l’ai entendue dire :

J’ai regardé la rose et me suis demandé pourquoi la mettre dans l’eau?Elle est belle telle qu’elle est. Une fois qu’on l’a coupée, pourquoi la remettre dans l’eau comme pour raviver tous les sens originaux perdus quand on l’a coupée?

sans titre, première partie : tout et rien (2001)

r awi hage

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60depuis 1999, Western Front, 2003 sans titre partie 2 : la beauté et l’est, 2003

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En regardant la beauté et l’est de Jayce Salloum dix ans après son tournage, nous sommes frappés par la fragmentation et l’instabilité des notions de temps et de lieu, d’identité et de médiation, que cette vidéo élabore soigneusement au moyen d’entrevues avec des promoteurs culturels et des critiques « de l’ex-Yougoslavie ». L’œuvre saisit ce moment d’urgence grâce à un médium qui porte plus loin la notion de temps. Cet arc lent et soutenu n’est ni narratif ni discursif, comme le serait un essai visuel. Il construit plutôt par couches successives de perceptions et délaisse l’assertion au profit d’une analyse indirecte. La vidéo épisse donc l’éternel présent du capital mondial (le moment où ces citoyens ont été attirés) avec la mémoire et l’analyse profondes de la crise et de l’événement à l’échelle nationale. Malgré ses aspects temporels denses, nous subissons la contrainte des questions spatiales à laquelle les interviewés reviennent constamment, soit direc-tement, soit en posant des questions qui sondent leur moment présent.

Ces questions d’espaces se consolident dans le problème récurrent d’échelle et de médiation. Où se situent la médiation et l’identité lorsque l’échelle de na-tion a été oblitérée et reformée en États distincts, tous à la remorque du capital global et de l’harmonisation néolibérale? Qu’arrive-t-il à l’échelle du corps lorsque les espaces qui le constituent — de la ville à la nation — sont reconfigurés avec une telle crise? À quelle échelle l’ethnicité s’ancre-t-elle ou comment lui oppose-t-on une résistance lorsque la nation, à titre d’universel contingent, fait l’objet d’une respatialisation? Et comment la réalité crue des nouvelles frontières spatiales recoupe-t-elle les traces des limites idéologiques et la revendication néolibérale pour abolir les frontières au profit des déplacements et de la mobilité ultime? Les Européens de l’Est sont-ils les créations monstrueuses d’une nouvelle forme de médiation, comme le soutient fermement Marina Grzinic, une nou-velle intervention qui refuse l’assimilation dans l’euphorie du marché en niant une histoire différente?

À notre avis, ces questions se heurtent aux fissures de la fluidité du récit que la mondialisation avait exigé et que de nombreux critiques culturels supposaient — un récit qui tentait effectivement d’anéantir l’espace en « perdant l’histoire ». Alors comment cette vidéo, qui aborde l’art comme une forme de connaissance, s’exprime-t-elle aujourd’hui? Comment s’adresse-t-elle à nous tandis que nous nous déplaçons à travers notre propre époque? La destruction créative des stabili-tés et le mouvement inégal des « mauvaises » histoires que Salloum nous présente si souvent désignent la justice sociale comme l’éventualité qui doit surgir.

sans titre partie 2 : la beauté et l’est (2003)

urban subjec ts

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sans titre partie 2 : la beauté et l’est, 2003 sans titre annexe 1 : terres, 2001

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sans titre partie 2: la beauté et l’est, 2003

En haut : Zagreb enregistrant Au centre : métro de Paris En bas : Zarana Papic

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tong, Shatilla Camp 1982, sans titre partie 3b : (comme si) la beauté était éternelle.., 2003

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Peu après avoir lu Beirut: A Visible City on the Road [Beyrouth, cité visible sur la route], un essai de Mai Ghoussoub, j’ai rendu visite à ma mère, pour une « leçon d’histoire personnelle », comme elle se plaît à appeler nos conversations. Quand elle a dit que mon grand-père avait acquis une parcelle de terrain de la famille Salloum, quelque part dans les années 1930, je l’ai interrompue : « La famille de Jayce Salloum? » (Jayce et moi sommes du même milieu, au sens où l’entend Mai Ghoussoub). Notre conversation a suivi cette direction, tandis qu’elle s’attardait sur son village de Kar’oun, au Liban, comme si ses racines y étaient encore enfoncées (malgré l’émigration à London, au Canada, voici quelque soixante-dix ans). Je lui ai dit que jamais ce détail sur notre terre, la communauté et les liens familiaux n’avait émergé de tous nos entretiens. Et tandis qu’elle racontait, je pensais : voilà encore un rappel des « territoires occupés » et de « la beauté éternelle » de Jayce…

Jayce et moi sommes tous deux enfants de parents qui ont immigré au Canada après avoir quitté un même village, quand la région était sous la férule ottomane. Comme tant d’autres jeunes hommes, au terme de sa fuite, mon grand-père est arrivé en Amérique du Nord en 1912. La conscription dans l’armée turque effrayait plus encore que l’inconnu d’un départ pour l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud ou l’Afrique.

Ma mère et moi regardons les vidéos qu’a tournées Jayce, où deux aînés pales-tiniens de la nakbha (dépossession de 1948), réfugiés dans des camps au Liban, racontent leur histoire. Ils projettent une présence et une immédiateté qui nous tiennent en alerte, comme s’ils s’étaient joints à nous pour le café.

Je reviens sans cesse aux conversations (de préférence autour d’un café), aux gestes d’amitié, à la politique de l’amitié, qui rendent souvent la restitution très agissante. Les conversations entre communautés devraient en principe être un refuge contre la violence et la dislocation qui bouleversent encore tant de familles du Moyen-Orient. Ainsi, bien que la relation entre le Liban et les Palestiniens soit malaisée et douloureuse, dans les cafés de la rue Hamra, noyau culturel et intellectuel de Beyrouth, des affiches d’appui aux Palestiniens couvrent les murs, et des manifestants marchent autour de cercueils drapés de noir pour protester contre les dernières attaques en date des Israéliens contre les Palestiniens à Gaza. « territoires occupés » et « (comme si) la beauté était sans fin » relatent l’histoire

sans titre 3a : territoires occupés (2001)

et sans titre 3b : (comme si) la beauté était éternelle (2003)

jamelie hassan

« Le milieu d’origine est une base; il est derrière nous, comme une réalité à laquelle on peut se référer mais dont on peut aussi ne pas tenir compte ou qu’on peut abandonner. Ce n’est pas exactement nos racines. C’est un sol où beaucoup de réalités peuvent croître mais où d’autres peuvent être plantées. »

—Mai Ghoussoub, Selected Writings, 2008 [traduction]

sans titre partie 3a : territoires occupés, 2001 Nameh Hussein Suleiman

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sans titre parties 3a et 3b, de tout et rien et autres œuvres de la viéo permanente, sans titre, depuis 1999, Villa Stuck, 2005

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de ces réfugiés palestiniens qui vivent hors de la Palestine occupée, dans des camps du Liban. Un sujet presque tabou. Résidents temporaires, ces gens n’ont aucun droit civil, politique ou humain et sont souvent exposés à la violence. Ainsi, en 2007, le camp de Nahr-el Bared près de Tripoli est devenu champ de bataille et l’armée libanaise l’a détruit. Au nom de l’amitié, l’Espagne a donné des fonds pour la reconstruction des maisons des nouveaux dépossédés de cette com-munauté, un des rares pays de l’Union européenne qui l’ait fait.

Peut-être est-il « contradictoire » (un trait qui n’est d’ailleurs pas l’apanage du peuple du Liban, peu importe combien de fois on a dit que ce dernier « est un pays de contradictions ») de commencer ce texte sur le milieu commun de Jayce et de nos familles et d’arriver de la fin sans avoir sondé ce lien davantage. C’est que la Palestine transporte l’artiste et l’activiste au-delà de la simple com-préhension de son identité ou de ses racines. Jayce a ce que beaucoup appellent « le sens de la justice ». Comme dit Saree Makdisi dans Palestine Inside Out: An Everyday Occupation (la Palestine sens dessus dessous : l’occupation au quoti-dien) : « [traduction] Ce qui m’attire de la Palestine, ce n’est ni le nationalisme ni le patriotisme, mais mon sens de la justice, mon refus de taire l’injustice, mon refus de vivre en restant sourd à ce que Wordsworth appelait « la musique insistante et triste de l’humanité. »

Sources

Mai Ghoussoub, Selected Writings, Saqi Books, Londres, 2008

Saree Makdisi, Palestine Inside Out: An Everyday Occupation, W.W. Norton & Company, New York et Londres, 2008

sans titre partie 3b : (comme si) la beauté était éternelle.., 2003

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Peinture de collaboration, ateliers desmedia, 2000

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bernadette phan : C’est en 1987 que j’ai participé à un premier atelier dans le Downtown Eastside. Il s’agissait d’une séance de peinture sur t-shirt, au centre communautaire Carnegie, où se trouve maintenant la cafétéria. En 1999, j’ai rencontré Jayce, qui proposait de former un collectif et d’offrir à la collectivité des ateliers artistiques axés sur la représentation et l’expression personnelles. J’avais deux emplois peu rémunérés, je souffrais du blues de fin d’études et je me battais pour continuer malgré tout ma pratique artistique en studio, quand je me suis retrouvée dans une communauté très accueillante, discrète et chaleureuse. Après deux mois de réunions régulières pour déterminer et peaufiner notre vision de la par-ticipation des gens, nous avons finalement inauguré un atelier hebdomadaire en mai 2000, au Carnegie, les mercredis après-midi.

Les gens venaient peindre, dessiner et faire de la vidéo. Le groupe de peinture était une sorte de point de convergence où on faisait connaissance et où on discutait. Les œuvres servaient ensuite de fond de scène aux enregistrements vidéo. Les poètes et les auteurs qui ne s’intéressaient ni à la peinture ni à la vidéo en venaient tout de même à prendre un pinceau, par curiosité ou par volonté de s’exprimer. Il y a eu aussi des mosaïques, dont une a été installée au coin des rues Main et Hastings et une autre, plus grande, dans le parc Oppenheimer.

irene loughlin : Je suis tombée sur desmedia alors que je vivais au Roosevelt Hotel, voisin du Carnegie Centre. C’est la charmante Devona Stevenson qui m’a interviewée pour la première fois à desmedia. La caméra était pointée sur moi. Je me rappelle qu’on venait de changer mes médicaments contre la dépression et que j’étais un peu désorientée. Je me rap-pelle aussi que Devona n’a pas pensé que notre conversation était inhabituelle. Je l’ai trouvée cool et j’ai pensé que ce serait donc une bonne idée de me joindre au groupe. Jayce m’a montré comment faire de la vidéo et m’a prêté sa caméra. Plus tard, j’ai fait une première projection à l’occasion d’une exposition en duo avec Laura Babak, à la Gallery Gachet. J’ai

desmedia (downtown eastside media collective) ali lohan, irene loughlin et bernadette phan

Fondé en 2000, activités suspendues depuis 2006. Les membres fondateurs du collectifs sont Jayce Salloum, Bernadette Phan, Claudia Medina, Devona Stevenson, Jill Bend et Athene Lohan; s’y sont notamment joints plus tard Irene Loughlin, Ali Lohan, Bryan Mulvihill, Fredrick Cummings, Marguerite T., Kevin Nanaquewitang et Lee Donohue

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aussi fait un documentaire sur le peintre Johnney (JJ) Watts, au travail dans Pigeon Park, et Devona et moi avons interviewé des membres du Woodsquat*. Un jour, on m’a invitée à être animatrice à desmedia.

desmedia était conçu pour inviter des gens de la collectivité à réaliser leurs pro-pres projets ou à collaborer à des projets collectifs. C’était au départ une réponse à la version des grands médias et autres visions imposées du quartier. Le but était de poser des questions sur la représentation et la représentation trompeuse, l’appropriation et l’identité personnelle, politique et communautaire et d’y répondre. C’était un moyen de pérenniser les récits personnels et d’exprimer les analyses politiques effectuées par les gens de la rue, des gens qui éprouvaient un sentiment d’appartenance au Downtown Eastside, les résidents à faible revenu de ce quartier, les artistes, les activistes et le grand public.

ali lohan : desmedia a beaucoup fait pour m’orienter dans le quartier. Je suis recon-naissante à tous ceux qui ont bien voulu raconter leur histoire pour produire les archives desmedia. En un sens, je leur dois beaucoup. J’y vois un document social précieux. Paula Potter (Mis’ ta’ tim), Wendy Chew (Wai Yin) et Denise Dejong ne sont que quelques-unes des personnes qui ont participé aux enregistrements de desmedia tapes. Elles ont toutes trois été interviewées dans le cadre de desmedia II : Bout à bout, en 2003. Je vois à quel point elles m’ont influencée. Pour moi, elles sont comme beaucoup d’autres des alliées et des collaboratrices du projet politique, créatif et jubilatoire qui a abouti à l’édification de la communauté qu’on appelle le Downtown Eastside.

irene loughlin : Les ateliers de desmedia étaient parfois turbulents. Ils reflétaient en cela les pressions quotidiennes de la réalité de chacun. C’était pour moi une période particu-lière, souvent difficile, mais je m’en souviendrai toujours comme d’un temps de création passionnée qui menait à la résolution collective des problèmes, un temps propice à un activisme autour des questions de justice sociale qui nous touchaient directement.

desmedia a été témoin de la manifestation du Woodsquat, qui a pesé d’un bon poids sur l’élection municipale de 2002. Le problème des sans-abri est devenu la question à l’ordre du jour. Mais nombre des personnes touchées alors cherchent encore un logement décent. À bien des égards, nous sommes encore une communauté en crise, en butte à la toxicomanie, à la maladie mentale, à la pauvreté, à l’itinérance, à la violence et à l’exclusion progressive au profit des mieux nantis. Grâce aux ac-tivités artistiques communautaires proposées, desmedia est l’un des rares exutoires, l’une des rares ouvertures ou ressources proposés dans le Downtown Eastside pour répondre aux besoins individuels et collectifs de créer et de faire connaître un art inspiré par la lutte sans fin pour la justice et le progrès sociaux.

*À l’automne 2002, des militants ont occupé pendant quatre mois les locaux de Woodwards, l’ancien magasin à rayons de la rue Hastings, en guise de protestation contre l’inaction du gouvernement devant la crise du logement qui sévissait à Vancouver. Voir les essais et réflexions proposés sur cet événement frappant dans West Coast LINE (41/42, 37/2–3, automne-hiver 2003–2004).

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Peinture de collaboration ateliers desmedia, 2001

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Elizabeth Lindley Charters, dans sans titre partie 4 : terra incognita, 2005

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La caméra vidéo parcourt le paysage de l’Okanagan, de l’eau au ciel et du ciel aux gens. Les couleurs naturelles du printemps sur la terre vivante de l’Okanagan s’avivent pendant cet itinéraire vidéo d’une heure et demie qu’est tout n’est pas perdu… Souvent, la caméra croise des gens qui parlent tandis que la nature flotte à leur côté en images composites (images lisibles ou micro-images abstraites). Celles ci deviennent les éléments texturaux de la parole. Parfois, le paysage se couvre de magasins, d’une multitude de magasins, de maisons, rues et poteaux de services publics, en une sorte de découverte, dans la foulée, de la friche urbaine, industrielle et commerciale de Kelowna.

Dix personnes environ passent à l’écran sur fond de voix hors champ. Nous entendons des mots comme : guerre biologique / cette maladie a tué 98 p. 100 d’entre nous / les vétérans sont morts pour que le vote / le Canada est un excellent modèle d’assimilation / l’eau va parler / nous vivons toujours dans un monde indien / une de nos lois, quand Coyote voit sa fille — on nous enseigne qu’il ne doit pas y avoir d’inceste / le besoin de surmonter le traumatisme / les quatre chefs d’usine — donner leur vie pour que nous vivions / la drogue fait partie de l’économie de la réserve.

Avec ses larges mouvements de caméra, l’incrustation d’images et une mul-titude de voix, terra incognita emporte bientôt le spectateur. Parfois, les mouve-ments sont erratiques et parfois fluides et doux, mais tout bouge sans cesse, vers le haut, vers l’avant, vers l’avenir, peut-être pour orienter notre difficile histoire canadienne dans une direction nouvelle. Il n’y a ni commencement ni fin dans cette histoire qui nous est contée, juste l’entre-deux qui consiste à exister, enten-dre et écouter, témoigner et observer.

Jayce a cette grande faculté d’écouter patiemment ses interlocuteurs qui se racontent. Ce travail appelle peu de moyens, mais le contenu résultant est richis-sime. Si les métaphores autochtones se perdent dans la traduction, terra incognita et tout n’est pas perdu… leur redonnent vie en offrant temps et espace à ceux qui disent leur histoire.

Cette expérience me rappelle la vie rurale et les difficultés qu’ont dû affron-ter les collectivités autochtones, depuis la disparation éventuelle de l’airelle de l’Okanagan jusqu’à la survie du peuple de la terre, comme il a survécu avant, pendant et après la rencontre des Européens. C’est dire qu’il faut poursuivre le travail avec cette histoire complexe et la vie actuelle et ménager un lieu sûr pour les enfants, les petits-enfants et l’airelle.

sans titre partie 4 : terra incognita (2005)

et sans titre partie 5 : tout n’est pas perdu, mais certaines choses

ont été égarées en cours de route (ou) vers les fins et les débuts et entre deux (2009)

dana cl a xton

« Je suis la beauté. Nous sommes la beauté parce que nous sommes liés à la terre. »

sans titre partie 4 : terra incognita, 2005.

En haut : Leonard Raphael Au milieu : carte du territoire Nsyilxcen En bas : excavation de la subdivision

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Peinture de collaboration, Native Youth Art Workshop (NYAW), 2008

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La première fois que j’ai eu l’occasion de travailler à un projet de collaboration en arts visuels a été lorsque j’ai œuvré avec Jayce pour créer et animer des ateliers pour les jeunes. Lorsque nous avons commencé, j’ai pris conscience du talent de cette génération et je me suis rendu compte que j’étais entrée dans un monde de changement transformateur. En invitant les jeunes à partager avec nous les représentations de leurs sentiments et de leurs idées, nous avons pénétré dans leur monde. En échange, j’ai pu partager avec eux ce que je fais des visions que j’ai pour ma vie en tant que femme autochtone vouée à l’écoute des aînés, ainsi que partager mes rêves et mon intuition que je communique par l’écriture, la musique, la danse et d’autres formes d’art.

Les ateliers étaient planifiés et structurés, mais il y avait malgré tout au cœur même de ces ateliers des événements spontanés. Chaque groupe était un amal-game unique de gens qui souhaitaient exprimer des idées perspicaces sur le monde. Vus de l’extérieur, ces ateliers sembleraient non structurés, voire désorganisés. J’ai compris à quel point il était facile pour un jeune de repérer les personnes qui tentaient de leur faire exprimer autre chose que ce qu’ils voulaient transmettre. Je me suis souvenue de mon expérience lorsque j’interviewais la génération de mes parents pour mon mémoire de maîtrise, Making Connections with Secwepemc Family through Storytelling: A Journey in Transformative Rebuilding (2005). Je savais que nous allions devoir avancer très délicatement sur le chemin que nous avions pris.

Ce que nous créions, c’était un espace sacré contemporain. Comme les aînés, ces jeunes partageaient leurs vies, leurs histoires, leurs rêves et leurs visions. Nous semblions nous être entendus sur un protocole tacite et les participants disaient : « Je participerai, à ma façon, sans y être contraint et, en échange, vous respecterez mes décisions quant à ce que je veux exprimer et quant à la façon dont je le ferai, tant et aussi longtemps que je vous respecterai et que je respecterai les autres. Comme ça, nous pouvons travailler ensemble, dans un esprit de collaboration. Autrement, je partirai, poliment, et je ne reviendrai jamais. Ne le prenez pas personnellement. » C’était très clair et direct et était totalement juste. C’est pour cette raison que j’ai commencé à les appeler les petits aînés. Ils me rappelaient un de mes récits dans mon mémoire, une strophe basée sur l’imagerie et la voix d’un raconteur :

Native Youth Art Workshops (NYAW)

meek a noelle morgan

Kamloops Art Gallery 2007–2009Jayce Salloum (coordinateur/animateur), Meeka Morgan (animatrice), Victoria Morgan (co-animatrice), Rob Hall (musique/enregistrement), George Ignace (production de la musique)

Artistes invités : Rebecca Belmore, Lori Blondeau, Chris Bose, Enpaauk Andrew Dexel, Willard Charlie et Luther Brigman, George Ignace, Fara Palmer, Frank Shebageget, Adrian Stimson, David Tremblay, Vaughn Warren, Tania Willard, Barry Wilson

Souvenez-vous que lorsque vous entendez mes histoires et les racontez, ces histoires sont beaucoup plus que vous et moi…

—Greg Sarris, Keeping Slug Woman Alive (1993)

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‘you have got to be very careful what we’re doing heretalkingsome that are new to it will start cryingYOU KNOWsome cannot believe stuff like this happened

we learnt something like a coyoteyou could drop a coyote off anywherein townway out in back country rural areathey’ll liveand that’s just what we did is thatwe livedYOU KNOW

these indian kids todayyourself included probablyyou could go anywhereyou get in that survival modeindian people are good at that’

Comme la plupart des grands-parents des jeunes sont des survivants des écoles résidentielles, ne sont-ils par des survivants eux aussi? Les survivants d’un géno-cide culturel et de l’assimilation, détenteurs de la mémoire de leurs ancêtres, qui comprennent leur passé, qui étudient pourquoi ils sont ce qu’ils sont, qui étu-dient ce qu’ils ressentent et façonnent ce qu’ils feront ensuite. En présentant leurs expériences, ils ont établi des liens avec eux-mêmes et les réalités qui encadrent leurs vies et celles de leurs ancêtres, débouchant sur une forme d’activisme per-sonnel. Sur toile et en cabine d’enregistrement, ils font face à des choses qui ne sont pas incarnées dans un seul être humain ou dans une seule question, des cho-ses difficiles à aborder. Lorsqu’on leur donne l’occasion de partager leurs histoires et d’apprendre les histoires de leurs ancêtres, leur histoire s’en trouve validée et ils ont une chance de comprendre ce que cela signifie que d’être Autochtone, de rendre hommage à leurs ancêtres, tout en réinventant leurs vies à leur façon.

Les jeunes avec qui nous avons travaillé pendant deux ans sont devenus source de joie absolue dans ma vie. Chaque fois que nous nous réunissons pour créer des visions, nous nous étreignons. Nous honorons les relations qui ont changé notre existence et je leur dit chaque fois : « VOUS M’ÉPATEZ!! »

Native Youth Art Workshops (NYAW), 2007–2009

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Peinture de collaboration, Native Youth Art Workshop (NYAW), 2009

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shrouded.., early spring morning from the hotel, Buddha cave site, Bamiyan, Hazarajat, 4/17/08 [DSCF3106], tiré de (un cœur sans amour, douleur ou générosité n’est pas un cœur), 2008–2009

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La première fois que j’ai rencontré Mohammed, c’était à Melbourne à la fin de l’été 2006. Il était venu de Sydney, en autobus, pour rencontrer son cousin qui était en visite du Pakistan. Mohammed était un homme sociable et généreux qui aimait rire. J’ai ap-pris en passant qu’il était arrivé en Australie par un bateau venu de l’Indonésie. Il parlait des Indonésiens si amicaux et aimables. Il parlait de la difficulté de s’établir en Australie.

Je l’ai revu, un an plus tard, à Sydney. Il étudiait alors dans un collège technique. Il disait vouloir retourner au Pakistan pour travailler avec ses frères. Mohammed était grand et possédait les caractéristiques frappantes des Hazaras. Il avait cependant l’air d’un homme brisé.

Récemment, dans les bulletins de nouvelles, il y a des photos d’hommes qui ressemblent à Mohammed. Cinq hommes ont été tués au large des côtes de l’Australie lors d’une explosion à bord d’un navire qui transportait illégalement 49 demandeurs d’asile. Il y a des visages comme celui de Mohammed dans le groupe de protestataires réunis au centre-ville de Toronto par une journée glaciale de février. Il y a aussi des portraits d’hommes comme Mohammed dans l’installation de Jayce Salloum et de Khadim Ali sur l’Afghanistan. Ces images laissent enten-dre qu’il y a de nombreuses histoires qui n’ont pas encore été racontées.

Les grilles de portraits de l’installation de Jayce et de Khadim m’intriguent, elles représentent des rencontres — parfois fugaces — qui ne sont pas sans me rappeler ma rencontre avec Mohammed. Les rencontres avec des étrangers nous désarment. Des étrangers dont les récits de vie nous hantent. Les portraits de l’installation de Jayce et de Khadim m’apparaissent comme des images d’espoir. Ils attestent d’une force de caractère, d’une ténacité et même d’un optimisme qui sont très différents de l’impression que les médias grand public nous donnent de l’Afghanistan.

Et pourtant, ces portraits me rappellent aussi les photographies jaunissantes des prisonniers de Tuol Seleng au Cambodge — catalogue sinistre de ceux qui étaient à la veille de mourir. Nous n’entendons pas beaucoup parler du bilan des morts chez les Afghans. Nous avons cependant récemment commencé à les chercher : dans les bulletins d’information portant sur l’instabilité croissante au Baloutchistan voisin; dans les courriels de collègues qui nous informent des meurtres et disparitions; dans le nombre grandissant de réfugiés qui cherchent asile dans les pays plus stables.

Les portraits pris par Jayce et Khadim dans le paysage incroyablement pit-toresque du centre de l’Afghanistan sont tout aussi désarmantes. L’air froid et le calme des montagnes de travertin sont tout à fait différents des paysages arides, bruns et poussiéreux de Kandahar ou de Kabul. Je me souviendrai toujours d’un coup de téléphone des artistes, à deux heures du matin, à Toronto. Ils appe-laient des montagnes situées à trois heures route au nord-ouest de Bamiyan. Ils décrivaient le paysage saisissant des eaux miroitantes des lacs de Band-e Amir. J’ai été brusquement réveillée par la pure joie qui s’entendait dans leurs voix, par l’expression de leur désir de retourner en Afghanistan. Dérober la beauté peut parfois être une forme de résistance.

(un cœur sans amour /douleur/générosité n’est pas un cœur) (2008–2009)

haema sivanesan

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assembly promises, the future beckons, all is at stake, girls shift 6:30am > lyrics: “..the heart that has no love/pain/generosity is not a heart..”, Laisa-e-Maarifat (Maarifat School), Dasht-e-Barchi, Mualim Aziz Royish principle, Western Kabul, 4/12/08 [DSCF2104], de (un cœur sans amour, douleur ou générosité n’est pas un cœur), 2008–2009

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of what remains, vestiges/relics/revisioned/revised, leaving Bamiyan, Hazarajat, 4/22/08 [DSCF4035], tiré de (un cœur sans amour, douleur ou générosité n’est pas un cœur), 2008–2009

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(un cœur sans amour, douleur

ou générosité n’est pas un cœur), 2008–2009,

détails et images de l’installation, Alternator Centre for

Contemporary Art, 2008

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] (un cœur sans amour, douleur ou générosité n’est pas un cœur), 2008–2009, détails

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Une fois le coup parti, on ne peut arrêter la balle, 1988

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Certains prônent le retour à la nature. J’ai remarqué qu’ils ne disent jamais « aller vers » la nature. Ils sem-blent plus préoccupés par le retour que par la nature. Si nos modèles nous sont apparus en rêve ou sont les souvenirs de notre passé préhistorique, appartiennent-ils moins à la nature ou au réalisme qu’une vache dans un champ? Je ne pense pas.

Le rôle de l’artiste a toujours été de fabriquer des ima-ges. Et chaque moment exige des images différentes.

Maintenant que nos aspirations sont réduites à déployer un effort désespéré pour échapper au diable et que les temps sont de travers, nos images obsessives, sous- terraines et pictographiques sont l’expression de la névrose qu’est la réalité. Pour moi, ce qu’on appelle abstraction n’est pas abstraction du tout. Au contraire, c’est le réalisme de notre époque.

—Adolph Gottlieb, 1947

1.

Agression et intimité : deux facettes des visages que nous montre cette œuvre. Il y a l’agression de l’imagerie assemblée, fosse de décantation numérisée de notre vocabulaire collectif de la violence fabriquée (fusils, fusées, avions, bombes, explosions, salles stratégiques, lieux secrets, tableaux de com-mande, poignées, leviers, boutons, cibles), du bruit visuel d’où émerge quelque témoignage, et du cata-logue très limité de la réponse « humaine », « faute de héros » : accolades, adieux, vestiges, souvenirs, gestes indiquant quelque royaume oublié d’expression pré-mécanisation. Puis il y a cette étonnante in-timité des envolées de brouillards et des arbres, de la dignité morbide de cités en ruine et de dépouilles mortelles, dans l’éclair d’un regard éloquent qui invite l’appareil photo et lui résiste tout à la fois.

« Je vais te montrer quelque chose. » Inspiré par Jayce Salloum

ammiel alcal ay

Maladroits à traduire la pensée en termes d’émotion, peut-être devons-nous nous contenter aujourd’hui de poser la question suivante : existe-t-il un lien entre les trajectoires telles que les représente l’ingénieur en or-ganisation « pour éliminer les mouvements inutiles, mal orientés et inefficaces » et l’impact émotionnel des signes qui apparaissent à maintes reprises dans l’art contem-porain? Notre époque, si peu habituée à assimiler les processus de la pensée à ceux de l’émotion, pouvait seule se poser cette grave question.

—Siegfried Giedion, 1948

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2.

Origines : Essayons de ne jamais oublier, en cette ère industrielle, le lien entre l’innovation tech-nique et la vitesse, la vélocité et les armes. Comme l’écrit Ian Jeffrey dans Revisions: An Alternative History of Photography (1999) :

« Graduellement, on s’aperçut toutefois que la photo à grande vitesse était utile à l’industrie, et particulièrement à la fabrication d’armements qui dépendaient d’une syn-chronisation à grande vitesse. À l’aide d’étincelles d’origine électrique, les scientifiques se sont exercés avec des éclaboussures (généralement provoquées par des billes de métal proje-tées dans du lait) et des cartouches de fusil au moment de la décharge. Des noms célèbres sont associés à l’affaire, et notamment celui d’Ernst Mach, qui était professeur de physique à l’Institut de physique de Prague. À partir de 1881, il a étudié le vol des projectiles. C’est à cause de ces expériences purement techniques que la photographie à grande vitesse a produit une étrange iconographie de balles de fusil et de bulles. » (p. 62, traduction)

En d’autres mots : « une fois le coup de feu parti, impossible de stopper la balle ».

3.

Dans le second tome de son chef d’œuvre intitulé La mécanisation au pouvoir : Contribution à l’histoire anonyme (1948), sous le titre « Le mouvement », Siegfried Giedion retrace les diverses inventions qui ont permis de « saisir le mouvement », dont le sphygmographe inventé par Étienne Jules Marey en 1860, qui a permis d’en donner la meilleure représentation graphique possible. Le sphygmographe « inscrivait sur un cylindre recouvert de noir de fumée la forme et la fréquence des battements du pouls humain ». Après avoir rappelé le travail de Marey et de Muybridge (qui ont parfois collaboré), Giedion nous conduit aux débuts de la chaîne de montage industrielle moderne, que l’on doit en partie à Frank B. Gilbreth, un ingénieur de production états-unien qui s’employa avec une précision sans relâche « à éliminer les mouvements inutiles, mal orientés et inefficaces ».

« Voulez-vous dire », demande Walid Raad à la femme que Jayce Salloum est en train de filmer, « que nous allons toujours échouer? » L’œil dirige le doigt posé sur la gâchette (« le terrorisme, ce n’est pas seulement tuer; nous simplifions en le réduisant au seul fait de tuer »), et il se peut que la main ne nous appartienne plus :

« La main de l’homme n’est autre qu’un outil préhensile. […] Elle peut fouiller et palper. Elle est merveilleusement souple et agile. » « Les doigts à triple articulation, le poignet, le coude, les épaules et, parfois, le tronc et les jambes, augmentent la souplesse de la main et sa faculté d’adaptation. Les muscles et les tendons déterminent la façon dont elle doit prendre l’objet et le tenir. Sa peau sensible et délicate reconnaît matériaux et substances. L’œil dirige son geste. Mais les moteurs de ce travail cohérent sont l’esprit qui gouverne, et les sentiments qui lui donnent vie. Prenons, par exemple, le pétrissage du pain, le pliage d’une étoffe, le mouvement du pinceau sur la toile : chaque geste prend sa source dans l’esprit. Mais alors que cet outil organique est ca-pable d’exécuter les tâches les plus complexes, il en est une pour laquelle il est mal adapté : c’est l’automatisation. La main est en effet peu apte à travailler avec une précision mathé-matique et de manière ininterrompue, car chaque mouvement dépend d’un ordre que le cerveau doit constamment réitérer. Ceci empêche totalement l’organique, fondé sur la croissance et le changement, de se soumettre à l’automatisation. » (Giedion, p. 62)

L’image se fait devant nous; l’image est capturée tout comme nous sommes son public captif : qui tient qui en otage?

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« [La mécanisation] s’implanta, en fait, beaucoup plus profondément : elle pénétra au cœur même de l’âme humaine par l’intermédiaire des cinq sens. Pour l’œil et l’oreille qui sont les portes de l’émotion, on inventa des moyens de reproduction mécanique. Le cinéma, avec sa capacité illimitée à reproduire un processus à la fois optique et psychique, a bousculé le théâtre. L’œil s’accommode à la représentation bidimensionnelle. L’addition du son et de la couleur vise à augmenter l’effet de réalisme. Avec ces nouveaux moyens d’expression sont nés de nouvelles valeurs et un nouveau type d’imagination. » (Giedion, p. 57)

Dans un monde parfaitement mesurable, où tout est cartographié et où les gens deviennent partie inté-grante du paysage descriptible, en vertu d’un système humain de division qui propose un contrôle en apparence bénin mais presque total, l’imagination même doit être mécanisée. Voici l’une des conclusions, remarquable-ment révélatrice, du rapport de la commission d’enquête sur le 11 septembre : « Nous croyons que les attaques du 11 septembre révèlent quatre types de défaillances : défaillance d’imagination, de politique, de capacité et d’administration [traduction] ». Développement encore plus remarquable, à la section 11.1, intitulée « Imagination », où les auteurs proposent un nouveau code : « L’étude de ce qui n’a pas été fait suggère des moyens d’institutionnaliser l’imagination. […] Il est essentiel de trouver un moyen d’intégrer l’exercice de l’imagination aux méthodes courantes, voire de la bureaucratiser [traduction]. »

4.

Ces réflexions sur la guerre (« La guerre est père et roi de toutes choses », selon Héraclite; « Nous abordons encore et encore les derniers jours de notre propre histoire, car partout des formes productives de vie dans l’évolution des formes, échouent, faiblissent ou croissent jusqu’à devenir monstrueuses et à détruire les conditions de leur existence », selon Robert Duncan) dépendent toujours de « conditions de clémence » et d’« actes de corruption ». Nous ne pouvons pas divorcer des technologies de reproduction et de destruc-tion dans cette zone de guerre qui s’étend toujours.

Considérée dans son intégralité et scrutée à la recherche des vocabulaires des images et des mots, l’œuvre de Jayce Salloum devient un champ où nous pouvons progressivement habiter et découvrir des choses. Les premières pièces de l’assemblage (y compris Introduction à la fin d’un argument), qui restent le modèle insurpassé — bien que certains détails aient pu changer dans les années qui ont suivi leur produc-tion — étant donné tout l’attirail terminologique et visuel censé symboliser quelque rapport avec Israël, la Palestine, le Moyen-Orient et la politique de représentation de l’occupation militaire), cèdent le pas aux intimités de la parole, du geste et de l’expression humaine. Tout comme les pièces des assemblages révèlent des catégories générales d’images et de réponse, les œuvres telles Épisode 1 : So. Cal., Monter vers le sud, tout et rien, la belle et l’est, et terra incognita révèlent des géographies d’habitudes qui soulignent à leur tour les différences réelles et profondes entre les moyens que prennent les gens pour se façonner eux-mêmes au sein des entités politiques où ils doivent vivre et résister, qu’ils le veuillent ou non.

5.

Au cours d’une entrevue, à une question sur le rôle que joue la « résistance » dans son œuvre, Jayce Salloum a répondu :

« De manière générale, on peut concevoir la « résistance » comme une clé de mon travail, comme le précepte sous-jacent qui l’anime. La résistance a de multiples formes : sur le ter-rain, dans l’arène politique, dans les relations et les positions sociales et culturelles et dans les productions. Toutes ont un rôle à jouer. La résistance — par exemple à l’occupation du Sud Liban par l’armée israélienne; à la persistance d’une représentation erronée et la

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résistance à l’utilisation du Liban comme produit ou sujet et comme « laboratoire » de l’Occident (essai une technologie de guerre nouvelle mais interdite; « couverture » par des auteurs, journalistes, voyageurs et « experts »; étude de cas pour études sociales ou culturelles) — n’est pas que représentée. Elle est aussi (re)produite dans ses aspects struc-turels, formels et idéologiques dans les pièces mêmes, bien que cette fonction soit très dif-férente. D’une façon ou d’une autre, ces productions mêmes sont un type de résistance, une partie d’un mouvement plus vaste, et bien que ses moyens soient limités, elle [cette résistance] joue tout de même un rôle. Elle interagit avec un autre travail de terrain en appelant et, je l’espère, en mobilisant le spectateur ou lecteur par l’intermédiaire de l’intervention qu’exige l’œuvre. »(Framework, automne 2002, p. 87 et 88 [traduction].)

Je suis frappé par le fait que bien que contemporains, Jayce Salloum et moi avons parcouru des trajectoires parallèles mais de façon si différente. Ma propre méthode consiste à tisser des mots dans des espaces où ils n’ont pas l’habitude de se trouver, et de forcer le lecteur à se mouvoir par rapport à eux :

« Outre mon travail de traducteur et de militant, j’ai amassé des sommes de documents pendant la guerre, dans l’intention de les utiliser un jour d’une manière quelconque, dans un texte. Plus je passais de temps avec ces documents, plus j’ai pris conscience que les docu-ments qu’il fallait consacrer aux événements était ceux de la culture même, les documents qui semblaient extirper l’art de la vie et confondre une certaine esthétique raréfiée avec le besoin de témoigner. S’agissant de [mon livre] de la part des factions en guerre, j’ai voulu me placer moi, comme auteur-narrateur, tout comme le texte, dans un cadre temporel spécifique : celui pendant lequel la guerre a eu lieu et pendant lequel le texte a été écrit. Le premier poème place donc le narrateur à une date précise, dans un lieu précis, et il se termine à une date particulière, qui se trouve à coïncider avec la condamnation de l’un des généraux responsa-bles du massacre de Srebrenica, un événement qui est au cœur du texte, mais qui n’est pas évoqué avant la référence à la sentence, à la fin du livre. Il me fallait brouiller tout la notion de narrateur ou d’une personnalité unique. » « Mais je n’écrivais pas non plus sur un événement arrivé ‘ là-bas ’. C’est toujours le problème des séjours : on ne regarde pas toujours le sol où on se trouve, où tout le monde. Tout ce qui concerne l’empire américain, l’oblitération et le génocide des peuples autochtones, par exemple, est devenu une lentille à travers laquelle toutes autres références devaient être filtrées. D’autres empires, Rome en particulier, ont suivi. On peut parler du prix de l’empire, mais qu’en est-il de la dépossession de ceux qui se sont battus pour lui, des vétérans? Et en filigrane, sous tout cela, une simple question de transmission. Comment survit la mémoire? À quels matériaux la confions-nous? Avons-nous, en abordant l’ère cinématique et numérique, renoncé à revendiquer une mémoire stable, puisque les matériaux que nous employons pour consigner notre époque implosent et se désagrègent plus vite que le papyrus ou une tablette? C’est ce qui m’a conduit à des réflexions sur le film, sur les formes que prend la propagande et sur l’utilisation des textes des journaux. Plus j’y pensais et plus j’avais l’impression qu’il serait en quelque sorte irrespectueux, à tout le moins envers les morts si non envers les vivants, de prétendre que moi, comme individu, je pouvais ajouter quoi que ce soit à tout ce qui a été dit ou écrit sur la guerre, le génocide, l’exil, la mémoire et la perte. J’avais l’impression qu’en ajoutant de nouveaux mots, je deviendrais pollueur et je masquerais l’orientation que mes autres travaux, et notamment la traduction, m’avaient donnée. Il ne s’agissait pas de « dire quelque chose » ou d’imposer un ordre au monde, mais de recalibrer la relation entre des documents existants, en fonction des nouvelles conditions et interprétations dictées par les événements, courants ou autres. Je devais laisser les événements se relire eux-mêmes dans les textes. Je devais devenir mon propre traducteur des documents culturels qui m’avaient été donnés ou à la recherche desquels je m’étais consacré. C’est après cette constatation que j’ai

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décidé de produire des textes à partir des listes de mots et d’expressions tirées de mes lectures. Cette méthode permet par exemple d’évoquer le massacre contemporain de Srebrenica à l’aide des mots produits par La révolte de l’Islam, le poème que composa Shelley en 1817. C’est tout le contraire d’une opération laissée au hasard. En utilisant les mots d’autrui, j’assumais une plus grande responsabilité que s’ils avaient été « les miens ». Habiter le monde signifie qu’il n’y a pas d’« autre » qui ne soit pas déjà en nous et qu’il n’y a pas de capacité extérieure à l’homme qui puisse être attribuée à quoi que ce soit hors de ce dont nous sommes individuellement et collectivement capables. » (Alcalay, 2002, p. 186 et 187, [traduction])

La terre, le travail de terrain.Ground Work : Before the War et Ground Work: In the Dark. Before the War [« sur le terrain : devant

la guerre » et « sur le terrain : dans le noir, devant la guerre »] sont les deux tomes du chef d’œuvre de Robert Duncan qui, bien que composés au plus fort de la guerre du Vietnam, emploient le mot anglais before, mais au sens de « devant » et de « témoin de ». Autre élément important : « mon art aussi se ratio-nalise constamment et cherche à se perpétuer comme une société traditionnelle […]. J’essaie de raviver notre conscience des dangers que représentent mes convictions », écrit Duncan (p. 125 [traduction]).

6.

Les artistes marchent, maladroitement, se frayant un chemin dans les salles et les couloirs en prenant des notes, tentent d’approcher « les gens » qui discutent « représentation ». Tout cela pour entendre :

« Il n’y a pas de mot pour ça, en arabe. »

7.

En Europe, même parmi les déplacés, on jurerait que la « ville » est déjà abandonnée dans le discours (« j’ai vu cette ville mourir; la ville n’existe plus »), parce que le degré de résistance, tout au moins parmi ceux à qui l’on s’adresse, est déjà considéré comme un intrus dans la « forteresse Europe ». Sur un pont, un jour de pluie : « L’effet d’un corps qui se meut dans l’espace est particulier ». Mais tout se déroule en anglais (« nous sommes dans la position du sujet »).

Il y a un ordre symbolique (« les valeurs, les habitudes, sont des éléments cruciaux de la vie »). Il y a un carrousel de rêves, de désir, d’illusion et d’activité : certains pensent et parlent; d’autres ne sont qu’une image — « eux l’ont, mais c’est maintenant derrière nous » — d’où les conflits sont projetés, ceux qui sont occultés, dissimulés, maîtrisés « de l’intérieur » et mis en mouvement là, dans un autre endroit, où les gens sont différents, pas comme nous.

(« On est tous des otages, en participant ou en résistant. » « Nous vivons dans une fiction. » « Quand nous parlons de ces choses, nous perdons la possibilité de l’interprétation. »)

EN VOICI QUI PARLENT DE MANIÈRE PLUS GÉNÉRALE — « Produire plus d’illusions pour survivre » (j’en suis aussi, puisque je reconnais ma voix hors champ; je suis une sorte d’ « expert ») : et LE PASSAGE DES TRAINS LE REFLET EN LIGNES ÉLECTRIQUES DE L’HORIZON EN TRANSIT (un briquet jaune sur la table, marqué « Ilidza », à côté d’un paquet de cigarettes Ronhill). « DÉCLAREZ-VOUS » : cette phrase ancienne revient et il n’y a plus de profondeur de champ dans cette Europe de BROUILLARD et de PLUIE qui se dissout, cette « vie post-mortem » dans laquelle l’ancien système était « une excuse pour tous nos échecs ».

8.

Tout à coup, les instruments de guerre reculent et s’estompent, traversent la baie. Antennes de télé? Tours radar? L’assemblage ne révèle pas tout, évoquant le mystère d’une histoire survenue dans le sud de la Californie et disant l’indicible.

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(Qui est-elle? A-t-elle disparu? Est-ce elle que les chiens cherchent? Où mène cette piste?)Voilà les visuels que vous choisissez d’assembler, son visage hors champ mais sa voix claire, déter-

minée, toujours présente. L’assemblage est retenu (« aphrodisiaque et grâce »). C’est travail et plaisir, mais on perçoit un rien d’intimité dans la musique, la voix, le geste et la chanson (« S’IL N’Y A RIEN D’AUTRE, MON AMI, CONTINUONS DE DANSER. »).

Les indices sont bien cachés, mais elle parle d’une lutte (« elle n’a pas riposté parce qu’elle se sentait forte » dit / a dit / raconte son ami) et les instruments de guerre, tout comme sa voix claire, sont toujours présents (« je ne sais pas où ni comment, mais elle avait un fusil; elle ne plaisantait pas »). Le précipice d’une éducation : en venir à comprendre que tout ce à quoi vous étiez censé aspirer n’est pas vous.

9.

Maisonpoème. Poèmaison. Combien de fois l’avait-il entendue, l’histoire de son grand-père? À propos de l’herminette. Et de la terre. D’être ici plutôt que là-bas. N’y aura-t-il jamais de fin? PARLER ARABE (comme si) la beauté était sans fin : « Je peux encore voir, dans ma tête, les pins qu’on avait plantés parmi les ruines. »).

Les surfaces, tandis que la voix parle encore et encore COMME LE POISSON dans l’eau avant d’être pêché :

LIBRE, comme les fleurs, comme des corps gonflés, la nature morte d’un four d’argile, le pain et le linceul, la tête de l’herminette.

« Nous n’avons rien emporté. »

« Nous buvions au caniveau, dans la rue, avec les animaux. »

Qui parle? De quelle image s’agit-il?

MON BOIS :

VOICI UNE GROTTE D’OÙ JE VOIS LES RUINES ET LE CIEL, LE CIEL BLEU

canne chapeau chaussure et

sandale

Puis (LA MAISON) m’interroge sur LES ARABES, mais pour finir par dire simplement :

« rappelle-moi à ces yeux de lâche »

« si jamais ils dorment »

Et quand le soleil disparaît —

« rappelle-moi à ces yeux de lâche »

« si jamais ils dorment »

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ET PARLE à ceux qui ont fait le Canada de ce « passage sûr »; des lois de l’héritage; de l’ustensile et du mousquet et du rhum et de la couverture empoi-sonnée. Dis-leur que notre esprit est comme le seuil d’une porte d’où l’on voit ce qu’il y a devant nous et ce qui reste à venir.

10.

De la résistance.

De ceux qui n’ont pas quitté leur foyer.

« J’étais toute habillée et je vous attendais. »

« Ma mère m’a dit de me coucher avec mes chaussures. »

11.

« Il n’y a pas de mot, pour ça, en arabe. »

Mais oui, il y a des mots.

Pour « eau ».

Pour « terre ».

12.

Le « contact » a apporté la maladie : les malades du pensionnat. Les funérailles auxquelles on nous interdisait d’aller, les morts qu’on ne pouvait pas pleurer, les « mesures qu’on allait imposer ». Le face-à-face avec l’ennemi nous apprend, nous fait comprendre les conditions de la lutte. Comment la caméra peut-elle vous forcer au face-à-face, avec une conscience impossible, des pas que vous pouvez très modestement apprendre à franchir?

« Si vous sortiez rendre visite à un voisin, ils vous tiraient dessus. »

« L’autre jour, notre fille allait se promener et ils ont commencé à lui tirer dessus. Elle a dû se jeter au sol pour éviter les balles. »

« La semaine dernière, deux femmes cultivaient le thym. Ils ont tiré et les ont tuées toutes les deux. Leur seule préoccupation était de libérer la terre de l’occupation. Et l’occupation est très, très dure. »

13.

« Ils sont torturés encore plus parce qu’ils n’ont rien à dire. »

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14.

« Ce massacre nous est toujours resté en mémoire. »

15.

« Les manuels d’histoire racontent que c’est ainsi que les choses, les événements se sont produits, mais il y a tant de choses qu’ils ne racontent pas; qui ne sont pas racontées nulle part mais restent présentes dans la mémoire des gens. »

16.

Dis-moi, ton peuple, où est-il? A-t-il regardé les étoiles qui l’auraient guidé dans la nuit, ou y avait-il une planète visible dans le ciel? Auras-tu un linceul à déployer pour eux ou mourront-ils dans un lieu que tu ne connaîtras jamais? Quiconque verra ces images fera d’autres images pour lui-même, mais « les gens qui résistentrésistent depuis leur image ».

17.

La caméra montre des bâtiments, des ruines, un mélange de panneaux et de ciel, de pieds qui mar-chent et de voitures qui roulent. Mais les visages nous regardent pour interroger, témoigner, défier, rappeler, être, dans la mesure du possible, dans le cadre devenu captif. On sent une tension qui retient et libère : « Pourquoi ai-je accepté cette conversation? » est l’écho d’une phrase prononcée par une voix désincarnée, qui semble venir de la caméra, et la réponse de la femme n’est pas vraiment satisfaisante. Vous sentez qu’il y a plus, comme quand vous lui posez une question sur les fleurs et qu’elle dit : « J’ai vu une ombre passer rapidement, puis j’ai découvert une rose au milieu de la cellule vide, où il n’y avait même pas une couverture ou un matelas. » Il y a plus, mais au lieu de présenter son visage comme un symbole de ci ou de ça, votre caméra lui permet de parler « de tout et de rien ».

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Mon texte renvoie couramment aux vidéos de Jayce Salloum et à d’autres sources. Au lieu d’identifier individuelle- ment les interlocuteurs et les auteurs, j’ai indiqué de quelles vidéos venait chaque citation et j’ai décrit les autres sources ci-dessous.

La préface est faite de deux citations. La première [en traduction] est du peintre américain Adolph Gottlieb (1903–1974) et est tirée d’une note concernant une exposi-tion de ses œuvres : The Pictographs of Adolph Gottlieb, Brooklyn Museum, 21 avril au 26 août 1995. La seconde vient d’un ouvrage de Siegfried Giedion cité dans plusieurs autres sections de la pièce : La mécanisation au pouvoir : Contribution à l’histoire anonyme, Paris, Centre Georges-Pompidou et Centre de création industrielle, 1980, p. 41 dans la version française.

Section 1 : En l’absence de héros — Conduite de guerre/Défense du contexte, 1984.

Section 2 : Ian Jeffrey, Revisions: An Alternative History of Photography, Bradford, West Yorks, National Museum of Photography, Film & Television, 1999, p. 62.

Section 3 : Giedion, op. cit., p. 47, p. 42–43.

Autres citations de Jayce Salloum : Ceci n’est pas Beyrouth/Il y eut et il n’y eut pas, 1994, et de Jayce Salloum et Walid Raad : Talaeen a Junuub/Vers le Sud, 1993.

Section 4 : Ammiel Alcalay, « A Discussion with Benjamin Hollander », dans from the warring factions, Los Angeles, Beyond Baroque Books, 2002, p. 186–187.

Robert Duncan, Bending the Bow, New York, New Directions, 1968, I.

Section 5 : « Occupied Territories: Mapping the Transgressions of Cultural Terrain », entrevue-essai avec Jayce Salloum et Molly Hankwitz sur certaines des œuvres vidéographiques pour le magazine Framework, automne 2002, vol. 43, n˚ 2, p. 85–103. L’autre citation de Robert Duncan vient de son essai intitulé « Man’s Fulfillment in Order and Strife », paru dans Fictive Certainties, New York, New Directions, 1985, p. 125.

Section 6 : Ceci n’est pas Beyrouth/Il y eut et il n’y eut pas, 1994.

Section 7 : sans titre partie 2 : la beauté et l’est, 2002.

Section 8 : Episode 1 : So. Cal., 1988; et Once You’ve Shot the Gun You Can’t Stop the Bullet, 1988.

Section 9 : sans titre partie 3a : territoires occupés, 2001, sans titre partie 3b : (comme si) la beauté était éternelle..., 2003; et sans titre partie 4 : terra incognita, 2005.

Section 10 : Talaeen a Junuub / Vers le Sud, 1993.

Section 11 : Ceci n’est pas Beyrouth / Il y eut et il n’y eut pas, 1994.

Section 12 : sans titre partie 4 : terra incognita, 2005 et Talaeen a Junuub / Vers le Sud, 1993.

Section 13 : Talaeen a Junuub / Vers le Sud, 1993.

Section 14 : Ibid.

Section 15 : Ibid.

Section 16 : sans titre partie 3b : (comme si) la beauté était éternelle, 2003; et Talaeen a Junuub / Vers le Sud, 1993.

Section 17 : sans titre partie 1 : tout et rien, 2001.

Note sur les sources

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94warming glow, red tulip in studio, Vancouver, 4/13/05 [1455], (détail), de sans titre : cent lieux/sans lieu, depuis 1996

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tout et rien et autres œuvres de la vidéo permanente,

sans titre, depuis 1999

installation DVD

Dimensions variées

Collection de l’artiste

éléments de

(Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y eut pas,

1988–1998

installation : documents, reproductions, photos, film,

objecs, verre acrylique

Dimensions variées

Collection de la Vancouver Art Gallery et de l’artiste

Don de l’artiste et achat grâce à l’aide du programme

d’aide aux acquisitions du Conseil des Arts du Canada

et du fonds d’acquisition de la Vancouver Art Gallery

carte du monde, 1999–2009

Documents, photos, matière organique, dessins,

objets, encre, panneau de fibre de bois tentest

98 × 144 pouces (248,9 × 365,8 cm)

Collection de l’artiste

sans titre : SALON, 1988–1998

épreuve à développement chromogène Ektacolour

Dimensions variées

Collection de l’artiste

sans titre : cent lieux / sans lieu, depuis 1996

Giclées

Dimensions variées

Collection de l’artiste

sans titre : affinités subjectives, depuis 2004

Giclées

Dimensions variées

Collection de l’artiste

Plaisirs niais…, 1988–1989

Photos Polaroid et étiquettes

20 × 24 pouces (50,8 × 61 cm) chacune

Collection de l’artiste

ton souvenir (images muettes), 1987–1988

18 épreuves argentiques à la gélatine,

rehaussées de peinture

25,2 × 20,3 cm ou 20,3 × 25,2 cm chacune

élément sonore du CD

Collection du Musée canadien de la photographie

contemporaine, affilié au Musée des beaux-arts du

Canada, Ottawa

Acheté en 1989

table des matières

(de l’installation Actes de consommation), 1985–1987

Table et reproductions de photos

Dimensions variées

Collection de l’artiste

Native Youth Art Workshop (NYAW)

œuvres en collaboration, 2007–2009

Acrylique sur toile, son

Dimensions variées

(120 × 60 pouces ou 304,8 × 152,4 cm chacune)

Collection de l’artiste

Œuvres présentées dans l’exposition

Jayce Salloum : histoire du présent (œuvres choisies 1985–2009)

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96détail de pages de l’agenda tiré de collections/objets, depuis 1974

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Jayce Salloum

Né en 1958 à Kelowna, Colombie-Britannique

Habite et travaille à Vancouver

Expositions et projets choisis

1975 Banff School of Fine Arts (étudie le dessin et la peinture avec Joe Plaskett, Diane Pugen et Robert Young)

1977 San Francisco Art Institute (étudie le dessin, la peinture, la photographie et le film avec Julius Hastofsky, Linda Connor, Hank Wessel, Janis Crystal Lipzin et Larry Jordan)

1978–1979 Banff Centre for the Arts (résidence en arts visuels sous la direction d’Hubert Hohn, avec Alison Rossiter et Bob Brunell, et cours de maître sous la direction de Charles Gagnon, Penny Cousineau, Geoffrey James, Robert Bordeau, Nina Raginsky et Lynne Cohen)

1979–1980 BFA, San Francisco Art Institute (étudie la photographie, le film et l’anthropologie visuelle sous la direction de John Collier Jr., Reagan Louie, Larry Sultan et Jack Fulton)

Déménage à Toronto, ON. Membre actif de la Toronto Photographers Workshop (TPW)

1981 « progenous routes/recent maps and occurrent stages », Photography Gallery, Toronto (exposition solo itinérante)

« The Urban Landscape » (commissaire, Arlene Kennedy), McIntosh Gallery, Université Western Ontario, London, ON (exposition de groupe)

1982 « ..thru the stillness that flies behind me.. », YYZ, Toronto (exposition solo itinérante)

« Monumenta », Chromazone, Toronto (exposition de groupe)

« Alternate Photography » (commissaire Richard Rhodes), YYZ, Toronto (exposition de groupe itinérante) Cat.

Commissaire de « New Canadian Photography », exposition de groupe de 18 artistes pour le Centre canadien de la photographie et des films , Toronto. Cat. New Canadian Photography, textes, David Hlynsky et Jayce Salloum

Commissaire et exposant,no. « PRODUCTION/ RePRODUCTION », A Space, Toronto (exposition de groupe itinérante) Cat. PRODUCTION/RePRODUCTION (1983), Ed. J. Salloum; collaborateurs, Janice Gurney, Gordon Lebredt, Michael Mitchell, J. Salloum

« Tableaux », CEPA Gallery, Buffalo, NY (exposition de groupe)

1984 Hamilton Art Gallery, Hamilton, ON (exposition solo)

Lance et coordonne « Toronto Documentary Photography Project », une exposition de projets commandés de 11 artistes, et « Open Forum on Documentary Photography » au The Art Gallery at Harbourfront , Toronto, en coproduction avec TPW et Photo Communique. Cat. Photo Communique,

Vol. 6 n˚4, Winter 1984/85, textes, Michael Mitchell et Jayce Salloum. L’honorable Marcel Masse annonce la création du Musée canadien de la photographie contemporaine lors du vernissage.

Projection de ..In the Absence of Heroes.. au World Wide Video Festival , Den Haag, Pays-Bas

Joue dans in the absence of heroes: warfare/a case for context au Music Gallery, Toronto (exposition solo itinérante)

Chronologie

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1985 « man’œuvre », Cameron Public House, Toronto (exposition solo)

« The Anti-Nuke Show », A Space, Toronto (exposition de groupe itinérante)

Membre du comité des commissaires de A Space, Toronto; expositions comprenant « Issues of Censorship », une exposition itinérante de 15 artistes. Cat. Issues of Censorship, Rédacteurs, Jude Johnson et Joyce Mason

Études de maîtrise en beaux-arts à l’Université de la Californie, (études avec David Antin, Steve Fagin, Jean-Pierre Gorin, Chip Lord, Lewis Hock et Sally Stein; travaille comme enseignant et adjoint à la recherche pour Allan Kaprow, Martha Rossler, David Antin, Chip Lord , et Fred Lonidier)

1986 « Canadian Video Mosaic » (commissaire, Michael Goldberg), Musée d’art contemporain de Miyagi , Japon (exposition de groupe itinérante)

1987 « Acts of Consumption », Los Angeles Center for Photographic Studies (exposition solo itinérante)

Projection de « ..The Ascent of Man.. » Parties 1, 2 et 3 dans « Infermental #6 », Walter Phillips Gallery,

Banff (exposition de groupe itinérante)

1988 Performance dans light-cone à Sushi Inc. , San Diego, et Media , San Francisco

Maîtrise en beaux-arts, Université de la Californie, San Diego

Se rend dans les territoires occupés de la Cisjordanie et de Gaza au début de l’intifada palestinienne et visite le Liban durant la guerre civile libanaise, filmant et photographiant et faisant des vidéos

Déménage à New York

Suit le programme d’études autonomes Whitney Independent Study Program, 1988–89, sous la direc-tion des conférenciers Yvonne Rainer, Martha Rossler, Mary Kelly, Barbara Kruger, Ron Clark, Hal Foster et Silvia Kolbowski. Parmi les autres participants, il y avait Miwon Kwon, Gavin Brown, Simon Leung, Jennifer Montgomery, Ellen Spiro, Moyra Davey et Cythia Madanksky. Les visiteurs étaient notamment Homi Bhabha, Benjamin Buchloh, Vito Acconci, Jenny Holzer, Hans Haacke, Isaac Julien et Adrian Piper

« Real Democracy », White Columns , New York (exposition de groupe)

1989 American Fine Arts , New York (exposition de groupe)

« Uprising: Videotapes on the Palestinian Resistance », Artists Space, New York (exposition de groupe)

« Document and Dream », Artists Space, New York (exposition de groupe)

« The Body & Other Tales of Joy & Woe », Critical Art Ensemble Media Festival, Tallahassee, FL (exposition de groupe)

Commence à participer au collectif Cheap Art Collective (avec Max Schumann, David Thorne, Esther Kaplan et d’autres); leurs projets incluent des œuvres pour les campagnes de financement politique, du théâtre, des graffiti et de la programmation dans les vitrines (Ten on Eight) le long de la 8e Avenue, New York (jusqu’à 1996)

Projection de Muqaddimah Li-Nihayat Jidal (Introduction to the End of an Argument)/Speaking for oneself… Speaking for others au Collective for Living Cinema , New York

1989–1990 Résidence au P.S.1 International Studio Program,

Queens, New York

1990 « Cheap Art /ABC No Rio », Künstlerhaus Hamburg e.V. , Hamburg (exposition de groupe)

Projection de Muqaddimah Li-Nihayat Jidal (Introduction to the End of an Argument)/Speaking for oneself… Speaking for others in « Infermental #10 », Internationale Kurtzfilmtage, Oberhausen, Allemagne (exposition de groupe itinérante); au Festival international du film de Rotterdam; Robert Flaherty Film Seminar, New York; et Manifestional internationale de vidéo et de télévision de Montbéliard, France

« Open Channels Five Year Survey » (commissaire, Michael Nash), Long Beach Museum of Art (exposition de groupe) Cat.

1991 Début d’une longue association avec le Berlin Collective, Botschaft e.V. (et Dogfilm); projets poursuivis jusqu’en 2003

Projection de Muqaddimah Li-Nihayat Jidal (Intro-duction to the End of an Argument)/Speaking for oneself… Speaking for others au Millenium Film Workshop, New York; Wexner Center for the Arts , Columbus; et LACE , Los Angeles

1992 Déménage à Beyrouth, Liban, avec Walid Raad comme assistant et collaborateur éventuel. Travaille aux bandes-vidéos Talaeen a Junuub/Vers le Sud et Ceci n’est pas Beyrouth /Il y eut et il n’y eut pas, ainsi qu’aux archives/ installation (Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y eut pas. Produit Compilation Videotape Series from Lebano (avec 16 artistes médiatiques)

« Fishing for Documents (I) — Documentary between Tradition and Experiment » (commissaire, Botschaft e.V.), Friseur, Berlin (exposition de groupe)

« Banff Souvenir » (commissaire, Martha Hanna), Musée canadien de la photographie contemporaine, Ottawa (exposition de groupe)

Participe à des projections de groupe au British Film Institute, Londres; et à « The Call: Personal Insights on the Middle East and North Africa », Long Beach Museum of Art ; « War: Borders, Sites and Representations », Cinéma Parallèle, Montréal; et « Dénonciation », Centre d’Art Santa Monica ,

Barcelone (exposition de groupe itinérante)

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1993 Retourne vivre à New York

« Fishing for Documents (II) » (commissaire, Botschaft e.V.), Friseur, Berlin (exposition de groupe)

« Demontage: Film, Video/Appropriation, Recycling », Institut d’art moderne de Valence, Espagne (exposition de groupe itinérante)

« TRANS: Time & Tide », Tyne International , Newcastle upon Tyne, RE

1994 Projection solo de Talaeen a Junuub/Vers le Sud à Artists Space, New York; New Langton Arts , San Francisco; National Film Theatre, Londres, RU; Wexner Center, Columbus; Printed Matter, New York

« Vagamundo: Reflexiones Sobre el Exilio », Filmoteca de Andalucía , Córdoba, Espagne (exposition de groupe itinérante)

Commissaire de la série de projections « Nation and Imagination: New Perspectives on “Documentary” and the Middle East » pour Video In, Vancouver

1995 « (Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y eut pas », New Langton Arts , San Francisco (exposition solo itinérante)

« Foreign Services (Aussendienst) », Shedhalle, (exposition de groupe)

« Films trouvés (Found Footage): récupération, trans-formation, appropriation », Galerie nationale du Jeu de Paume, Paris (exposition de groupe)

« Identity/Displacement », LACE, Los Angeles (exposition de groupe)

Projection clandestine de Talaeen a Junuub/Vers le Sud à Institut Du Monde Arabe, Paris. L’organisatrice (et future collaboratrice) Mireille Kassar crée plus tard un comité et des campagnes en vue de la libération des prisonniers du Centre de détention de Khiam, obtenant éventuellement la libération de Soha Bechara

Projections solos de Talaeen a Junuub/Vers le Sud et Ceci n’est pas Beyrouth / Il y eut et il n’y eut pas au American Center, Paris; Millennium Film Workshop, New York; San Francisco Cinémathèque; Deutsches Filmmuseum, Frankfort

Participe à des projections de groupe notamment de « Image/Quest » au Théatre de Beyrouth, Beyrouth; San Francisco International Asian American Film Festival; et au Festival Sunny Side of the Doc Film, Marseille, France

1996 Déménage à Vancouver

« (Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y eut pas » American Fine Arts , New York (exposition solo)

« (Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y eut pas » Optica Centre d’Art Contemporain, Montréal (exposition solo)

Commissaire de « east of here..(re)imagining the

“orient” », exposition, projections et prestations de 42

artistes, à YYZ, Toronto. Cat. east of here..(re)imagining

the « orient », textes, Laura Marks, Marwan Hassan et

Jayce Salloum

Co-commissaire avec Moukhtar Kocache de « Here

and Elsewhere (Houna wa Hounak) », exposition, pro-

jections et prestations de 20 artistes à The Turbine

Halls dans le cadre de « Update ‘96 », Copenhague

Participe à des projections de groupe dont « Video-

scape », The New Museum, New York; Biennale des

Cinémas Arabes , Institut du monde arabe, Paris;

et Asian American International Film Festival ,

Washington, DC

1997

« un-frieden. sabotage von wirklichkeiten/discord.

sabotage of realities » (commissaires, Inke Arns et

Ute Vorkoeper), Kunsthaus Hamburg et Kunstver-

ein Hamburg (exposition de groupe) Cat. .

« Selected Memories » (commissaire, Dirk De Wit), Palais

des Beaux-Arts de Bruxelles (exposition de groupe)

Projections solos de Talaeen a Junuub/Vers le Sud à la

Pacific Cinémathèque, Vancouver, et au Théatre de

Beyrouth, Beyrouth

1998

« (Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y

eut pas », (commissaire, Jean Gagnon), Musée des

beaux-arts du Canada , Ottawa (exposition solo)

« May 17, 1998 » (commissaire, May Day Productions:

Anton Vidokle, Christoph Gerosissiz et Regine Basha),

Edward G. Cornish Estate, Cold Spring, NY

(exposition de groupe)

Projection de Muqaddimah Li-Nihayat Jidal (Introduc-

tion à la fin d’un argument)/Parlant de soi… Parlant

d’autrui dans « Reversal to Digital, Third World

Newsreel at 30 », Musée d’art moderne, New York

et « Verbindingen/Jonctions — Post/Moderne

Gevoeligheden (Post/Modern Sensibilities) »,

Filmmuseum/Musée du Cinéma , Bruxelles

1999

Voyage de production à New York, Vienne, Paris

et dans toute l’ancienne Yougoslavie (Slovénie,

Croatie, Bosnie-Herzégovine, Serbie et Monténégro

et Macédoine)

Forme le collectif desmedia (downtown eastside media) collective avec Bernadette Phan, Claudia Medina, Devona Stevenson, Jill Bend et Athene Lohan; les membres suivants comprendront notamment Irene Loughlin, Ali Lohan, Bryan Mulvihill, Fredrick Cummings, Marguerite T., Kevin Nanaquewitang et Lee Donohue. desmedia offre des ateliers gratuits de peintures de et vidé au Carnegie Centre et ailleurs à Vancouver

« untitled photographs: 22 oz. THUNDERBOLT », Contemporary Art Gallery, Vancouver (exposition solo) Cat.

« untitled photographs: HOME MADE CHOCO-LATE », Argos , Bruxelles (exposition solo)

« A Better Place », MacKenzie Art Gallery, Regina (exposition de groupe), Cat.

« Rien que des faits? » Les approches documentaires contemporaines, Musée canadien de la photographie contemporaine, Ottawa (exposition de groupe)

2000 Voyage au Liban pour filmer sans titre partie 3 et d’autres projets

« Agit Prop » (commissaire, May Day Productions), Kunsthalle Exnergasse, Vienne (exposition de groupe)

Projections de Muqaddimah Li-Nihayat Jidal (Intro-duction à la fin d’un argument)/Parlant de soi… Parlant d’autrui in « Monter/Sampler », Centre Georges Pompidou, Paris

2001 Expose la première version de l’installation vidéo tout et rien et autre œuvres de projets en cours du projet sans titre dans l’exposition de groupe « Ces pays qui m’habitent — Expressions d’artistes

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canadiens d’origine arabe » (commissaire, Aïda Kaouk) au Musée canadien des civilisations , Hull, QC. Après le pré-visionnement des bandes vidéos de l’installation, le directeur du Musée, Victor Rabinovitch, essaie de « reporter indéfiniment » l’exposition, inquiet de l’accueil qui sera réservé aux œuvres à la lumière des attaques terroriste du 11 septembre. Le premier ministre Jean Chrétien déclare au Parlement que l’exposition doit être présentée comme prévu. Diverses versions de l’installation sont plus tard présentées au Musée d’art contemporain de Belgrade; au Musée d’art de Santa Monica; Gallery 101, Ottawa; YYZ, Toronto; Dazibao Galerie, Montréal; et Western Front, Vancouver

Projections de sans titre partie 1 à la 9e Biennale de l’image en mouvement, Centre pour l’image contemporaine, Genève; dans « Of Bodies and Politics: New Experimental Videos From Lebanon and Palestine », San Francisco Cinémathèque; et aux Journées cinématographiques de Beyrouth, Beyrouth

Commissaire de « History of our present: new arab film and video », un programme de bandes vidéos de 15 artistes pour le Festival vidéo Argos , Bruxelles. Cat. Argos Festival 2001, texte, Jayce Salloum (62–105)

Commissaire de « in/tangible cartographies — new arab video », avec les œuvres de 23 artistes, pour le World Wide Video Festival , Amsterdam. Cat. 19th World Wide Video Festival, texte, Jayce Salloum (355–417)

2002 « Zugewinngemeinschaft », 5th Werkleitz Biennale, Werkleitz Biennale , Werkleitz et Tornitz, Allemagne (exposition de groupe)

Participe à des projections de groupes au Pacific Film Archives , Berkeley; Cinematheque Ontario, Toronto; Bilder Codes, Zentrum für Kunst und Medientechnologie, Karlsruhe, Allemagne; Cinema Days of Beirut , Beyrouth

Participe à la conférence « IntraNation: Race, Politics, and Canadian Art », avec la causerie prestation concretizing the ephemeral/ephemeralizing the concrete: throwing out ‘identity’ with the bathwater (and the tub) while carrying on in the bath, Emily Carr Institute of Art and Design, Vancouver

Commissaire du programme vidéo « in/tangible cartog-raphies: sliding life through narrow spaces forced into (cracks) where rivers would not (yet) flow », UCLA Television and Film Archives , Los Angeles

2003 Produit et expose une installation de 63 bandes vidéos et films de 42 artistes, « tangible cartogra-phies: a library of near/middle east video and film », à la Huitième biennale de La Havana (plus tard à CaixaForum Barcelona ; Cinémathèque française, Paris; et Triennale di Milano, Milan)

« Maintenant : Images du temps présent/Now: Images of Present Time » (commissaire, Vincent Lavoie), Le Mois de la Photo, Montréal (exposition de groupe)

« Synopsis III: Testimonies Between Fiction and Reality » (commissaire, Anna Kafetsi), Musée national d’art contemporain, Athènes, Grèce (exposition de groupe)

« 4/7, Wilno — Nueva York (Visa Para) » (commissaire, le 16 Beaver collective), Centre d’art contemporain, Vilnius, Lituanie (exposition de groupe)

Projections solos de Muqaddimah Li-Nihayat Jidal (Introduction à la fin d’un argument)/Parlant de soi… Parlant d’autrui, et sans titre parties 1, 2 et 3b au CaixaForum, Barcelone; sans titre parties 1, 2 et 3b à la Cinémathèque Française, Paris; sans titre parties 1, 2 et 3b au LUX Salon, Londres; et sans titre partie 1 au 16 Beaver, New York

Participe aux projections de groupe de Festival international du f i lm de Rotterdam ; Festival international du film de Singapour ; VideoBrasil , São Paulo; ‘Rooseum Universal Studios’, Centre d’art contemporain de Rooseum, Malmö, Suède; Festival des cinémas différents , Paris; et « DisORIENTation », Haus der Kulturen der Welt, Berlin

2004 Projections de sans titre parties 1 et 3b à Exit Art , New York

Participe à des projections de groupe de « Time Suspended », Witte de With, Rotterdam; ‘Home Fronts’, Singapore Art Museum; Musée d’art de Singapour; « Speaking, Remembering, Dreaming », Pacific Film Archives , Berkeley; « Differenciales », Museo de Arte Moderna de Bogotá; « Hommage à Michel Foucault : Séances expérimentales », Cinémathèque française, Paris; « ..né.à Beyrouth », Empire Sofil, Beirut; et au 17e

Festival international du film de Singapour

Présente representing the unrepresentable: there is no arab art au Musée Barbican, Londres (conférence organisée par la Zenith Foundation); et autopsy of the oblique in a dissection of intent: images of death in a limited genealogy à l’Université South Florida ,

Tampa

2005

7e biennale d’art internationale de Sharjah

(commissaire, Jack Persekian), Émirats arabes unis.

Cat. (exposition de groupe)

« Classified Materials: Accumulations, Archives, Artists »,

Vancouver Art Gallery (exposition de groupe)

Projections de sans titre parties 3b et 4 au The Robert

Flaherty Film Seminar, Claremont Colleges ,

Claremont, CA

Participe aux projections de groupe « Nuevo Video

Árabe », La Casa Encendida , (tournée); Ein Zentrum

in der Peripherie, Tübingen, Allemagne; « Terrorism,

counter terrorism and the threat to the rule of law »,

Goethe Institute, New York; et « OVNI 2005 Resis-

tances », Centre de Cultura Contemporània

de Barcelona

The Alternator Centre for Contemporary

Art à Kelowna, Colombie-Britannique, lancement

du DVD Temporal Transmissions, qui comprend

la bande vidéo sans titre partie 4 : terra incognita,

en dépit des menaces de la Ville de Kelowna de

retirer le financement du projet qui avait été com-

mandé pour marquer le centenaire de la ville. (Les

Ville prétendant que la vidéo n’était pas suffisam-

ment de nature « de célébration » et a par la suite

décommandé le projet de DVD.)

2006

« Zones of Contact » (commissaire, Charles

Mereweather), 15e Biennale Of Sydney, Sydney,

Australie (exposition de groupe). Cat.

Museum Villa Stuck , Munich, Allemagne (solo)

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101

Participe à des visionnements de « Shared History/

Decolonizing the Image » à Arti et Amicitiae, et à

« Coding: Decoding » au Centre d’art contemporain

Nikolaj de Copenhague

La maison indépendante de film établie à Paris

Lowave lance le DVD Resistance[s]: Experimental

Films from the Middle East and North Africa, qui

comprend sans titre partie 3b : (comme si) la beauté

était sans fin.

2007

MKG127 Gallery, Toronto (exposition solo)

Entreprend la coordination et l’animation des Native

Youth Art Workshops avec Meeka Morgan (ani-

matrice), Victoria Morgan (co-animatrice), et Rob

Hall (musique/enregistrement) à la Kamloops Art

Gallery et en d’autres endroits du district régional

Thompson-Nicola de la Colombie-Britannique (se

poursuit jusqu’en 2009)

Projections de sans titre partie 3b et partie 4 à la

Pacific Cinémathèque, Vancouver

Participe aux projections « Vidéo et après » et

« Résistance(s) », toutes deux au Centre Georges

Pompidou, Paris

2008

Govett-Brewster Art Gallery, New Plymouth,

Nouvelle-Zélande (exposition solo)

Entreprend un projet de collaboration sur la

résistance du Parihaka en Nouvelle-Zélande avec

l’historien, auteur et activiste maori Te Miringa

Hohaia (Taranaki iwi), kaitiaki du lieu de rencontre

Te Paepae o Te Raukura et de la marae de Parihaka

Paa, Aotearoa

Se rend au Pakistan pour rencontrer l’artiste et

collaborateur Khadim Ali puis en Afghanistan pour

réaliser le projet (un

cœur dans amour/douleur/générosité n’est pas un

cœur) (commissaire, Haema Sivanesan et commandé

par le South Asian Visual Arts Centre, Toronto,

et Alternator Centre for Contemporary Art ,

Kelowna, C.-B.)

« Orientalism and Ephemera » (commissaire, Jamelie

Hassan), Centre A , Vancouver (exposition de groupe

itinérante)

Projections de Muqaddimah Li-Nihayat Jidal (In-

troduction à la fin d’un argument)/Parlant de soi…

Parlant d’autrui dans « L’Image Matière: Histoires

visuelles de l’injustice et de la falsification »

(commissaire, Nicole Brenez), Musée du Louvre,

Paris (exposition de groupe)

Participe à des projections de groupe « in/scene,

Al Hoash Gallery, Jérusalem; « Terra Nostra »,

Institut canadien du film , Ottawa; « Memory

Inversion » J. Paul Getty Museum, Los Angeles;

London Palestine Film Festival, Barbican Cinema ,

Londres; « Biopolitique — Hard & Soft », École

Nationale Supérieure des Beaux-Arts , Paris

Au cours d’un symposium organisé par Centre A et le

Centre for the Comparative Study of Muslim Societies

and Cultures, département d’histoire, Université Si-

mon Fraser, présente interrupting orientalism: denying

the trajectory, Fletcher Challenge Canada Theatre,

Vancouver

2009

« Vidéos Europa » (commissaire, Pascale Pronnier

pour le Lille 3000 Festival), Le Fresnoy, Studio

national des arts contemporains , Tourcoing, France

Projection de Talaeen a Junuub/Vers le Sud dans

« Critical Dialogue on Canadian Cinema: Practical

Dreamers » (commissaire, Mike Hoolboom),

Cinémathèque, Winnipeg

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102

impositions: verisimilitude of the nationless state (residue + effacement), Hamra St., movie posters, Beyrouth, 1992, de (sites +) démarcations.., dans (Kan ya ma kan) Il y eut et il n’y eut pas, 1988– 1998

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111101.net/Artworks/JayceSalloum

lot.at/politics/contributions/s_jayce1.htm

presentationhousegall.com/Salloum.html

mikehoolboom.com/r2/artist.php?artist=102

latrobe.edu.au/screeningthepast/20/city-symphony-

global-city-film.html

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105

tiré de (sites +) démarcations.., dans (Kan ya ma kan)

Il y eut et il n’y eut pas, 1988–1998

readings/gauge.., bisecting/bifurcation — inside/out dichotomies, common targets

— looking across to the edge of the ‘border strip’/Israeli occupied (in)security zone, on the way to Abeer’s parents’ house, staying

put, Bourg Qalaouiyé, S. Lebanon, 1992

..flow(s), tracer bullets’ celestial patterns sweeping the smoke and ash (period piece),

dining room at Joseph’s house after use by the local militia as an outpost, 9 or 10 times

attacked, having to rebuild between lulls, after the last ‘event’ (‘war of liberation’/

harb el Tahriir), Sin-El-Fil, 1992

separation, it belies us to think that we can define this space of not knowing. through

out a direction, a preservation of place masking this frame, a park of executions,

in between — what is seen, allowed to be seen. Sanaiya Park, from inside the Fiat

1800, Beirut, 1992

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106sans titre partie 3b : (comme si) la beauté était éternelle.., 2003

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107

Dans le cas des bandes vidéo qui comportent deux dates, la première indique la date de la fin du montage et la seconde l’année du tournage ou de la production. Toutes les œuvres sont disponibles sous format DVD ou bande chez les distributeurs. La plupart sont disponibles en versions sous-titrées en français, en anglais ou en espagnol.

sans titre partie 5 : tout n’est pas perdu, mais certaines

choses ont été égarées en cours de route ou vers les

fins et les débuts et entre deux, 2009 (2007) MiniDV,

113:00, couleur, anglais

sans titre partie 4 : terra incognita, 2009 (2007)

MiniDV, 113:00, couleur, anglais

sans titre partie 3b : (comme is) la beauté était

éternelle.., 2003 (2000) 8mm, VHS et MiniDV, 11:22,

couleur, arabe

sans titre partie 3a : territoires occupés, 2001 (2000),

MiniDV, 23:00, couleur, arabe

sans titre partie 2 : la beauté et l’est, 2003 (1999),

MiniDV, 50:15, couleur, anglais

sans titre partie 1 : tout et rien, 2001 (1999), MiniDV,

40:40, couleur, arabe et français

Ceci n’est pas Beyrouth / Il y eut et il n’y eut pas, 1994

(1992) Hi-8, VHS et 35mm, 49:00, couleur, arabe et

anglais

Talaeen a Junuub / Vers le Sud (co-réalisateur Walid

Raad), 1993 (1992), 60:00, Hi-8 et Reg-8, couleur,

arabe, anglais et français

Muqaddimah Li-Nihayat Jidal (Introduction à la fin

d’un argument)/Parlant de soi… Parlant d’autrui (co-

réalisateur Elia Suleiman), 1990 (1988), 8mm et VHS,

41:00, couleur, anglais, arabe, français et hébreu

Once You’ve Shot the Gun You Can’t Stop the Bullet,

1988, 8 mm/Super-8, 8:00, couleur, anglais

Épisode 1: So. Cal., Super-Beta, 33:00, couleur, anglais

« ..La montée de l’homme.. » Partie 3 : Actes de

consommation 1987, VHS, 8:00, couleur, anglais

« .. La montée de l’homme.. » Partie 2 : Conditions de

grâce, 1986, VHS, 6:00, couleur, anglais

« .. La montée de l’homme.. » Partie 1 : Course silencieuse

— Annexe, 1985, VHS, 4:00, N/B, anglais

« .. La montée de l’homme.. » Partie 1 : Course silencieuse,

1985, VHS, 4:00, N/B et couleur, anglais

« ..En l’absence de héros.. » Conduite de guerre/Défense

du contexte, 1984, VHS, 45:00, couleur, anglais

« .. En l’absence de héros.. » Conduite de guerre/

Défense du contexte – Introduction, 1984, VHS,

60:00, couleur, anglais

Distributeurs de vidéos

Nederlands Instituut voor Mediakunst

Montevideo/Time Based Arts Keizersgracht 264

1016 EV Amsterdam, Pays-Bas

t +31 (020) 623.7101

e [email protected]

w www.nimk.nl

V Tape

401, rue Richmond ouest, suite 452

Toronto, ON, M5V 3A8 Canada

t (416) 351.1317

e [email protected]

www.vtape.org

Video Out Distribution

1965, rue Main

Vancouver, BC, V5T 3C1 Canada

t (604) 872.8337

e [email protected]

www.videoout.ca

Vidéographie

Heure Exquise!

B.P. 113, Maison Folie Fort de Mons

rue de Normandie

F–59370 Mons-en-Barœul, France

t +33(0) 320.432.432

e [email protected]

www.exquise.org

Vidéographe Distribution

6560, av. Esplanade, suite 305

Montréal, QC, H2V 4L5, Canada

t (514) 866.4720

e [email protected]

www.videographe.qc.ca

LUX

Shacklewell Studios

18 Shacklewell Lane

London, E8 2EZ, Royaume Uni

t +44 (0)20 7503 3980

e [email protected]

www.lux.org.uk

Argos Centre for Art and Media

Werfstraat 13 rue du Chantier

B–1000 Bruxelles, Belgique

t +32 2 229.0003

e [email protected]

www.argosarts.org

Video Data Bank

c/o SAIC

112 S. Michigan Av, 3rd Floor

Chicago, IL 60603 USA

t (312) 345.3550

e [email protected], [email protected]

www.vdb.org

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108

Ammiel Alcalay est un poète, traducteur, critique,

universitaire et activiste qui enseigne au Queens

College et au CUNY Graduate Center, New York.

Son œuvre la plus récente, Scrapmetal, a été publiée

en 2007 par Factory School. from the warring factions,

un poème-livre dédié à la ville bosnienne de Srebrenica

a paru en 2002 chez Beyond Baroque. Il a aussi écrit

After Jews and Arabs: Remaking Levantine Culture

(1993), the cairo notebooks (1993) et Memories of

Our Future: Selected Essays, 1982–1999 (1999). Il

a beaucoup traduit, notamment Sarajevo Blues

(1998) et Nine Alexandrias (2003) du poète bosnien

Semezdin Mehmedinovic, et Keys to the Garden:

New Israeli Writing (1996). Avec Anne Waldman

et d’autres, il a été à l’origine de Poetry Is News

Coalition, et Mike Kelleher et lui ont organisé le

projet OlsonNow. Ses projets d’avenir comprennent

un livre de textes sur la politique et la poésie ainsi

qu’une traduction collective du poète syrien Faraj

Bayraqdar (Beyond Baroque) et un roman, Islanders

(City Lights).

Jen Budney est commissaire associée à la Mendel

Art Gallery de Saskatoon et elle a été commissaire à

la Kamloops Art Gallery de 2005 à 2008. Elle a

auparavant été directrice artistique du centre d’art

autogéré Gallery 101, Ottawa, et réviseure de nou-

velles au Flash Art International, Milan. Ses textes ont

paru dans Art Asia Pacific, Parkett, Third Text, World

Art, FUSE Magazine et autres journaux, catalogues et

livres dont American West, éditeurs Jimmie Durham

et Richard Hill (Compton Verney, 2005), Wherever

We Go, éditeurs. Hou Hanru et Gabi Scardi (Spazio

Oberdan, 2006), et NeoHoodoo: Art for a Forgotten

Faith, éd. Franklin Sirmans (Menil Collection, 2008).

À titre de commissaire indépendante, elle a organisé

Wild: Fantasy and Architecture (avec le commissaire

Jan-Erik Andersson) pour le Musée d’art moderne de

Waino Aaltonen, Turku, Finlande (2007) et Americas

Remixed (avec les commissaires Franklin Sirmans et

Euridice Arratia) pour La Fabbrica del Vapore, Milan

(2002).

Contributors

Invested gestures/tactile forgivings, door panel, Duomo di Milano, 11/17/04 [880] de sans titre : cent lieux/sans lieu, depuis 1996

Ladybug on arm, Vancouver studio, 7/15/04 [311] de sans titre : cent lieux/sans lieu, depuis 1996

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109

Dana Claxton travaille dans le domaine du film, de

la vidéo, de l’installation, de la photographie, de la

performance, de la conservation, de la radiodiffu-

sion autochtone et de la pédagogie. Le but premier

de sa pratique est d’obtenir la justice sociale pour les

peuples indiens d’Amérique du Nord. Ses œuvres font

partie de nombreuses collections publiques dont celles

du Musée des beaux-arts du Canada et du Eitljorg

Museum d’Indianapolis. Ces films ont été présentés au

Museum of Modern Art, New York, au festival du film

de Sundance et ailleurs. Elle est de descendance Lakota

et sa famille habite la réserve de Wood Mountain.

Rawi Hage est né à Beyrouth, Liban, et il a vécu neuf

des années de la guerre civile libanaise. Il a immigré

au Canada en 1992. Ses écrits ont été publiés dans

FUSE Magazine, Mizna, Jouvert, The Toronto Review,

Montreal Serai et Al-Jadid, tandis que ses œuvres

d’art ont été exposées dans des musées et galeries

du monde entier, y compris au Musée canadien des

civilisations et au Musée de la civilisation à Québec.

En 2008, son premier roman, De Niro’s Game (2006),

a remporté le prix littéraire IMPAC de Dublin et son

deuxième roman, Cockroach (2008), s’est retrouvé

sur la liste des candidats retenus en sélection finale le

prix Giller et le prix du Gouverneur général.

Jamelie Hassan est une artiste visuelle et activiste

de London, Ontario. Ses œuvres ont été grande-

ment exposées au Canada et à l’étranger et elle est

aussi en demande comme conférencière, auteure et

commissaire indépendante. Sa récente exposition

rétrospective, Jamelie Hassan: At the Far Edge of Words,

a été présentée au Museum London en 2009 ainsi qu’à

la Morris and Helen Belkin Art Gallery, Université de la

Colombie-Britannique, Vancouver, au printemps 2010.

Ali Lohan est une artiste, vidéaste et organisatrice

communautaire artistique qui habite et travaille dans

le quartier Downtown Eastside de Vancouver. Elle est

titulaire d’un baccalauréat en beaux-arts en film et vidéo

de Central Saint Martins College of Art and Design,

Londres, RU. Sa pratique fait qu’elle travaille en col-

laboration avec des membres de la communauté pour

créer du multiart, des peintures, des dessins, des vidéos,

des blogs, agir comme commissaire d’expositions et

raconter des histoires de façon numérique.

Irene Loughlin est une artiste qui travaille dans le

domaine du multiart, de la vidéo et de l’installation.

De 1997 à 2003, elle a travaillé à plusieurs projets avec

VANDU (Vancouver Area Network of Drug Users),

dont un monument commémoratif dans le parc

Oppenheimer qui rend hommage aux membres de la

communauté qui sont mort des suites d’une maladie

reliée à une toxicomanie. Elle travaille maintenant

comme directrice de la programmation au Hamilton

Artists Inc. à Hamilton, Ontario.

Meeka Noelle Morgan vit dans le territoire des

Secwepemc, où elle compose et joue de la musique,

écrit et élève ses enfants, Kiva et Angele, avec son mari

Rob Hall. Elle enseigne aussi à l’université, et conçoit

et anime ses propres ateliers qui s’intitulent « Healing

through Storytelling and Creative Writing » et « Teach-

ing Aboriginal History through Storytelling ».

Bernadette Phan est une artiste établie à Vancouver.

Elle fait surtout de la peinture et du dessin, et s’intéresse

principalement à l’exploration des dérapages visuels entre

les espaces qui se confondent les uns avec les autres ou

des intentions différentes qui ne se marient pas vraiment.

Elle est représentée par Equinox Gallery, Vancouver.

Walid Raad est un artiste et professeur d’art adjoint à

The Cooper Union, New York. Ses œuvres compren-

nent notamment The Atlas Group, un projet de quinze

ans (1989–2004) qui porte sur l’histoire contempo-

raine du Liban, et un projet en cours de réalisation,

Scratching on Things I Could Disavow: A History of

Modern and Contemporary Art in the Arab World. Il a

entre autres publié The Truth Will Be Known When The

Last Witness Is Dead, My Neck Is Thinner Than A Hair

et Let’s Be Honest, The Weather Helped.

Haema Sivanesan est une commissaire et une

spécialiste de l’art historique et contemporain du

sud et du sud-est de l’Asie. Elle occupe actuellement

le poste de directrice générale du SAVAC (South

Asian Visual Arts Centre) à Toronto. De 1996 à 2000,

elle a été commissaire associée pour l’art asiatique à

la Art Gallery of New South Wales de Sydney, Aus-

tralie. Elle a été commissaire de nombreux projets

indépendants dont une importante exposition pour

le Festival cuturel des Jeux du Commonwealth de

Melbourne (2006) et elle a été commissaire invitée

de Nuit Blanche, Toronto (2008).

Urban Subjects (Sabine Bitter, Jeff Derksen, Helmut

Weber) est une collectf culturel créé en 2004 et

établi à Vancouver, Canada, et Vienne, Autriche.

Urban Subjects effectue des recherches visuelles et

textuelles sur des questions urbaines globales, la

texture des villes et les imaginations municipales.

Keith Wallace est commissaire d’art contemporain

depuis 1979 et il a travaillé comme commissaire

indépendant et comme commissaire de galeries

d’art publiques et privées. De 1991 à 2001, il a

été commissaire puis directeur/commissaire de

la Contemporary Art Gallery de Vancouver, où il a

monté un programme d’expositions régionales,

nationales et internationales. En tant que commissaire

indépendant, il a organisé les expositions « Reality

Check » (2003) pour le Musée des beaux-arts du Canada,

Ottawa; « Stretch: Americas Beneath the Surface »

(avec le commissaire Eugenio Valdés Figueroa, 2003)

à The Power Plant, Toronto; « Resonance:

Contemporary Art from New Delhi » pour Centre

A, Vancouver (2004); et « Action — Camera: Beijing

Performance Photography » (2009) pour la Morris

and Helen Belkin Art Gallery, Vancouver. En 2004, il a

organisé InFest: International Artist Run Culture, une

conférence qui a réuni à Vancouver 250 artistes et

administrateurs de 20 pays. Depuis 2004, Wallace est

rédacteur au Yishu: Journal of Contemporary Chinese

Art, le seul journal en langue anglaise consacré à ce

domaine culturel.

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110

Détail de (un)classified materials, contributions publiques à un projet d’art public, Vancouver Art Gallery, 2005

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111

Ce catalogue est publié conjointement avec

l’exposition Jayce Salloum : histoire du présent

(œuvres choisies 1985–2009), exposition dont la

commissaire est Jen Budney et coproduite par la

Kamloops Art Gallery, la Mendel Art Gallery et le

Musée d’art du Centre de la Confédération.

Kamloops Art Gallery, Kamloops

25 octobre 2009 au 3 janvier 2010

Musée d’art du Centre de la Confédération,

Charlottetown

11 septembre 2010 au 3 janvier 2011

Mendel Art Gallery, Saskatoon

7 octobre 2011 au 13 janvier 2012

Ces institutions remercient sincèrement les personnes

et organismes qui leur ont prêté des œuvres pour

cette exposition : Jayce Salloum, la Vancouver Art

Gallery et le Musée canadien de la photographie

contemporaine.

Jen Budney souhaite exprimer sa gratitude à Jayce

Salloum pour de longues années d’amitié et de

collaboration exceptionnelles, ainsi que pour son

intégrité et sa persévérance. Elle remercie tout le

personnel et les directeurs de la Kamloops Art Gallery

pour leur engagement à l’égard de l’exposition et de

la tournée, plus particulièrement Beverley Clayton,

Annette Hurtig, Trish Keegan, Matthew Tremblay

et Craig Willms, sans oublier les anciens employés

Jordan Strom et Vaughn Warren; Jon Tupper,

ex-directeur du Musée d’art du Centre de la

Confédération, pour son soutien enthousiaste au

tout début du projet et toute l’équipe de Charlottetown

qui a pris le relais à son départ; Vince Varga et Dan

Ring de la Mendel Art Gallery pour leur appui

inconditionnel et leur collaboration, ainsi que tous

les employés pour leur passion et leurs compétences

exceptionnelles. J’ai toujours énormément de

plaisir à travailler avec Robin Mitchell Cranfield de

l’entreprise hundreds & thousands et j’apprécie au

plus haut point l’extraordinaire conception graphique

de cet ouvrage. Je remercie Martha Hanna, Michael

Klein et Ken Lum pour leurs précieux intérêt et

encouragement ainsi qu’Ammiel Alcalay, Dana

Claxton, Rawi Hage, Jamelie Hassan, Ali Lohan, Irene

Loughlin, Meeka Morgan, Bernadette Phan, Walid

Raad, Haema Sivanesan, Urban Subjects (Sabine

Bitter, Jeff Derksen et Helmut Weber) et Keith Wallace

et aussi Richard Swain pour son appui et son engage-

ment. L’œuvre et l’exposition de Jayce Salloum ont

bénéficié de l’appui de l’Audain Foundation, du

Programme d’aide aux musées, du ministère

du Patrimoine canadien, d’Arts Partners in Creative

Development, de la Canadian Art Foundation, de

Commonweal et de la Red Shift Gallery.

Merci à tous.

Remerciements de l’artiste

Je n’aurais pu réaliser aucune de mes œuvres au

fil des ans sans le soutien de mes nombreux amis,

collègues et connaissances, notamment ceux qui

étaient à l’origine de parfaits étrangers. Je ne peux

pas tous les nommer, mais ils sont en moi et dans

une grande partie de mon travail. Je remercie du fond

du cœur mes parents, Helen et Abraham Salloum,

ainsi que mes frères et sœurs Brenda, Trevor, Gregory et

Kelly. Je respecte au plus haut point tous les auteurs,

commissaires et artistes qui ont collaboré à cet

ouvrage. J’adresse mes remerciements à ces personnes

pour leurs efforts et leur soutien au cours des

dernières années : Keith Wallace, Jen Budney, Ammiel

Alcalay, Jamelie Hassan, Walid Raad, Rawi Hage,

Urban Subjects, Dana Claxton, Haema Sivanesan,

Bernadette Phan, Irene Loughlin, Ali Lohan et Meeka

Morgan (ma chère collaboratrice des Native Youth

Art Workshops). J’exprime également ma gratitude

à quatre de mes professeurs d’art les plus tenaces :

Rosemary Mason-Browne, Ruth Humberstone, Tom

Atkinson et Hubert Hohn; Mike Klein, mon collègue

et directeur de la galerie MKG127 de Toronto; ainsi

que tous les commissaires qui ont choisi de présenter

mes œuvres (qui ne sont pas toujours faciles). Je

suis reconnaissant envers tous les préparateurs et

installateurs qui m’ont aidé pour leur grand souci du

détail à l’égard de mes œuvres qui exigent beaucoup

de travail. J’exprime mon admiration et ma gratitude

au personnel du Conseil des Arts du Canada dont

l’approche démocratique délicate ne manque jamais

de m’impressionner et tous les travailleurs du milieu

de la culture qui mettent les bouchées doubles pour

un salaire d’employés à temps partiel. J’éprouve le

plus profond amour pour la compagne de ma vie

Karine ainsi que Mireille, Mary, Fatimah et Julian,

et je les remercie. L’exposition et le catalogue sont

redevables à Jen Budney. Son engagement et son dé-

vouement pour ce projet ont toujours été rassurants

et sincères.

À tous mes amis

Remerciements

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Publication © 2009 Mendel Art Gallery, Kamloops Art Gallery, Musée d’art du Centre de la Confédération Œuvres d’art © 2009 Jayce Salloum Textes individuels © 2009 leurs auteurs

Tous droits réservés. Aucune partie de ce catalogue ne peut être reproduite, archivée dans un système de recherche documentaire, ou transmise, sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, sans la permission écrite de l’éditeur.

Directrice de la publication: Jen Budney Graphisme : Robin Mitchell Cranfield for hundreds & thousands, Vancouver Réviseurs : Richard Swain ainsi que Trish Keegan et Lori Devine Photographie : à moins d’indication contraire, toutes les photos sont de Jayce Salloum

Publié par la Mendel Art Gallery 950 Spadina Crescent East C.P. 569 Saskatoon, SK, Canada S7K 3L6 www.mendel.ca

en collaboration avec la Kamloops Art Gallery 101–465, rue Victoria Kamloops, CB, Canada V2C 2A9 www.kag.bc.ca

et le Musée d’art du Centre de la Confédération 145, rue Richmond Charlottetown, Î.-P.-É., Canada C1A 1J1 www.confederationcentre.com

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Jayce Salloum [ressource électronique] : histoire du présent / sous la direction de Jen Budney.

Essais par Jen Budney, Keith Wallace et Ammiel Alcalay. Traduction de: Jayce Salloum : history of the present. Comprend des réf. bibliogr. Monographie électronique en format PDF. Publ. en collab. avec: Musée d’art du Centre de la Confédération et Kamloops Art Gallery. Catalogue d’une exposition itinérante initialement présentée à la Kamloops Art Gallery et subséquem-ment à la Mendel Art Gallery (Saskatoon) et au Musée d’art du Centre de la Confédération (Charlottetown). ISBN 978-1-896359-80-9

1. Salloum, Jayce--Expositions. 2. Installations (Art)--Canada-- Expositions. 3. Photographie--Canada--Expositions. I. Budney, Jen II. Wallace, Keith III. Alcalay, Ammiel IV. Salloum, Jayce V. Kamloops Art Gallery. VI. Mendel Art Gallery. VII. Musée d’art du Centre de la Confédération.

N6549.S246A414 2012 709.2 C2012-902304-3

Page couverture : carte du monde (détail), 1999–2009 Page 1: chaleur propagée, feu de cèdre, potlatch de la famille Wanock, Alert Bay, 10/22/04 [711], tiré de sans titre : cent lieux / sans lieu, 1996 à ce jour Table des matières : carte du monde (détail), 1999–2009

La Mendel Art Gallery est un organisme à but non

lucratif qui bénéficie de l’appui et de dons de ses

membres ainsi que de subventions de la Ville de

Saskatoon, de Saskatchewan Lotteries, du Saskatchewan

Arts Board, du Conseil des Arts du Canada et du

programme d’aide aux musées du ministère du

Patrimoine canadien.

La Kamloops Art Gallery est un organisme de charité

à but non lucratif qui bénéficie de l’appui de la Ville

de Kamloops, de la Province de la Colombie-Britannique

par le biais du British Columbia Arts Council and

Gaming Information and Services, du Conseil des

Arts du Canada et du ministère du Patrimoine

canadien, par le biais d’Espaces culturels Canada,

du programme d’aide aux musées et de Jeunesse

Canada au travail.

Le Musée d’art du Centre de la Confédération fait

partie du Centre des arts de la Confédération et il

bénéficie de l’appui du ministère du Patrimoine

canadien et du Conseil des Arts du Canada.

Jayce Salloum : histoire du présent

Wrapped wood stack, Iona Point, Vancouver, 10/22/06 [803] de sans titre : cent lieux/sans lieu, depuis 1996

And it all came tumbling down, wood/capital residue pile, Woodwards demolition, W. Cordova St. & Abbott, Vancouver, spring 5/14/06 [26] de sans titre : cent lieux/sans lieu, depuis 1996

Springs hope eternal, shore(s) viewing, berries/ blossom, Crab Park, Waterfront Rd., Vancouver, 3/21/06 [2436] de sans titre : cent lieux/sans lieu, depuis 1996

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